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 R�daction: Arnaud - Sabrina
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H G WELLS - MAITRE UTOPISTE CHEZ LES ROIS

"Personne n�aurait cru, dans les derni�res ann�es du XIX�me si�cle, que les choses humaines fussent observ�es, de la fa�on la plus p�n�trante et la plus attentive, par des intelligences sup�rieures aux intelligences humaines." ("La guerre des mondes", 1898)

e p�re fondateur de la science fiction moderne, v�ritable Jules Verne britannique. Il fut form� en biologie par un ami et disciple de Charles Darwin, Thomas Henry Huxley, fut l'ami de Chaplin, le mentor de George Orwell. Il devint tr�s vite ma�tre du roman d'anticipation. Pas moins de 80 �uvres � son actif. Parmi ses tous premiers romans, "La machine � explorer le temps" (1895), "L'�le du Dr Moreau" (1896), "L'homme invisible" (1997) et "La guerre des mondes" (1898) furent les plus encens�s. Quatre histoires qui, aujourd'hui encore, restent des incontournables de la SF. Des romans courts, ax�s de vraies intrigues � suspense, au-del� des formes romanesques de l'�poque. Ecrivain, philosophe et fervent utopiste moderne engag� en politique, H. G. Welles (1866-1946) d�passa rapidement les contraintes spatio-temporelles de la litt�rature pour marquer au fer rouge ce qui allait constituer le grand th�me de son �uvre : la d�cadence de l'homme inh�rente aux progr�s de la science. Il consacra vingt-quatre de ses romans au sujet. Une �uvre prolifique hautement pessimiste, tant marqu� par l'utopie scientifique que sociale qui, au fil du temps et de deux grandes guerres deviendra strictement politique. Ces textes dits s�rieux qui ne seront pas toujours ainsi appr�hend�s, malgr� la formation scientifique de l'auteur, son appartenance � la Fabian Society de 1903 � 1908 (un groupe de philosophes socialistes londoniens) et son adh�sion en 1917 au Comit� de Recherche pour la Soci�t� des Nations ; instance de r�flexion sur la mise en �uvre d'un nouvel ordre mondial apr�s l'armistice. Ses prospections historiques et politiques le m�neront rencontrer Roosevelt et Staline. Ce dernier balaiera une grande part de ces illusions. Wells dressera un �tat des lieux de ces empires dictatoriaux en 1939 avec "The Holy Terror".

"L'histoire de l'humanit� devient de plus en plus une course entre l'�ducation et la catastrophe."
D�s ses d�buts H.G. Wells con�oit la science fiction comme vecteur d'expression moral, fait pour d�noncer l'abus des avanc�s technologiques. Il revendique une SF intelligente et, � ce titre, d�mentira toujours quelconque parent� avec son contemporain Jules Vernes. Verne qui, � son tour, lui rendra la pareille en qualifiant ses r�cits scientifiques d'invraisemblables, voire de plagiat. Qu'� cela ne tienne : le succ�s de chacun passa outre les rivalit�s. Rien de pr�disposait ce fils de famille de classe moyenne �lev� dans le Kent � conna�tre telle r�ussite. Tr�s vite, Wells doit abandonner sa scolarit� pour aider ses parents. Il travaille comme apprenti drapier, comptable puis enseignant jusqu'� ce qu'il d�croche une bourse et int�gre la Normal School of Sciences de Londres. Journalisme et litt�rature suivront.

"La crise d'hier est la blague de demain."
Profond�ment marqu� par le darwinisme, H. G. Wells n'aura cesse de composer sur le th�me de l'Homme-Animal, quel qu'en soit la forme. Homme du futur animalis� ("La machine � explorer le temps"), pouvoirs extraordinaires menant � la d�shumanisation ("L'homme invisible"), mutations biologiques ("L'�le du Dr Moreau", "Les premiers hommes sur la Lune", "La nourriture des Dieux"), th�orie de l'�volution ("La guerre des mondes", "La vie future") : H. G. Wells fut le tout premier � d�velopper ces univers devenus poncifs du genre, tels que le voyage dans le temps, l'invisibilit� et, naturellement, l'invasion extraterrestre, tr�s inspir� par l'astronome am�ricain Schiaparelli et ses fameux canaux martiens, formes g�om�triques observ�es sur Mars qui, � l'�poque, furent consid�r�es comme l'�uvre d'�tre intelligents. Une litt�rature noire, se faisant �cho d'un imminent chaos, mais empreinte d'espoir, H. G. Wells ayant toujours vis� un retour de l'homme � sa raison. De l'avenir de l'humanit� � la responsabilit� de la science, en passant par la justice sociale, les limites �tiques que l'homme devait s'imposer en mati�re de colonialisme et avanc�s techniques, sa litt�rature fantastique fut consacr�e � l'�veil des consciences, � l'expression de ses doutes et de ses inqui�tudes quant au retour � la barbarie. Des mises en garde et d�nonciations �mises aux heures les plus glorieuses de l'empire colonial britannique. En 1908, son roman "La guerre dans les airs" lui valu d'�tre mis sur le banc de touche du c�t� de l'opinion publique. Doutant des capacit�s de l'homme � survivre, H. G. Wells pointa fermement cette question du pouvoir scientifique, porte ouverte � de nouvelles formes de domination. L'Histoire confirma ses positions. "L'esp�ce humaine est en fin de course. L'esprit n'est plus capable de s'adapter assez vite � des conditions qui changent plus rapidement que jamais. Nous sommes en retard de cent ans sur nos inventions. Cet �cart ne fera que cro�tre.", �crivait-il dans son dernier texte "L'esprit moderne au bout du rouleau" ; une r�flexion sur Hiroshima �mise en 1945. Peu auront �gal� son sens chirurgical du discernement toujours transcrit en suspense.



MAITRE WELLS ADAPTE
Nombre d'�crivains et cin�astes surf�rent sur ses utopies insulaires, son imaginaire technologique, sur son inventivit� particuli�rement aiguis�e en terme de tension dramatique, cr�ation de peurs et �l�ments d'horreur. Peu reprirent son pessimisme, le m�canisme de ses r�flexions politiques y compris ses vis�es morales et philosophiques. A commencer par son arri�re-petit-fils, Simon Wells qui en 2002 adaptait � l'�cran "La machine � explorer le temps" sous les traits d'une fresque d'action teint�e de romance en p�ril. Il faut dire que depuis sa toute premi�re adaptation cin�ma, - celle de George Pal en 1960, la plus �m�rite - suivie de la version indienne de Shekkar Kapur en 1992 et du d�cal� The Erotic Time machine (John Bacchus, 2002), le th�me du voyage dans le temps est un abonn� du grand �cran. M�me Alain Resnais s'y sera essay� avec Je t'aime, je t'aime en 1968. Impossible de ne pas penser aux sagas Retour vers le futur, Terminator, � Un jour sans fin, La jet�e, Philadelphia Experiment, Nimitz�, Timecop et autres blockbusters plus ou moins recevables. Rappelons qu'en 1979, le cin�aste Nicolas Meyers (Star Treck 2) imaginait H.G. Wells � la poursuite d'un Jack L'Eventreur en cavale dans le San Francisco de 1979 apr�s utilisation de sa machine � explorer le temps. Clin d'�il os�.

Cap sur "L'homme invisible". Chez H.G. Wells, Griffin, homme-momie dop�e � la monoca�ne, sombrant peu � peu dans la folie. Le roman de Wells le plus adapt� : plus de 70 ans que grand et petit �cran s'arrachent les frasques de cet homme d�chu par ses supers pouvoirs. Une dizaine d'adaptations ouvertement inspir�es au grand �cran, quantit�s de versions t�l�vis�es et une avalanche de productions d�riv�es. A l'instar de George Pal et sa machine � voyager dans le temps, le tout premier cin�aste qui s'essayera � mise en boite de notre solitaire invisible sera le plus remarqu� : en 1933, le r�alisateur James Whale (La fianc�e de Frankenstein) met en sc�ne l'acteur britannique Claude Rains dans la peau de Griffin. Son histoire divergera de celle de Wells en de nombreux points, avec un h�ros gratuitement n�vros�, sa disparition en final et quelques protagonistes ajout�s. Whale offrira toutefois un film minutieusement d�coup�, ironico-tragique, usant d'effets sp�ciaux m�caniques (au tournage) et optiques (en laboratoire : images en surimpressions) � l'�poque r�volutionnaires. D'autres versions suivront sans toutefois marquer, sauf multiplication des h�ros (Frankenstein contre l'homme invisible, Howard Kock, 1958 ; Abbott and Costello Meet the Invisible Man, 1951) ou �re du num�rique (Verhoeven et son Hollow Man, 2000). Le retour de l'homme invisible (Joe May, 1940), La femme invisible (Edward Sutherland, 1941), Agent Invisible (Edwin L. Marin, 1942), La revanche de l'homme invisible (Ford Beebe, 1944), le film turc G�r�nmeyen adam Istanbul'da (Lutfu Akat, 1955), Terror Is a Man (Gerardo de Leon, 1959), Riding with Death (Don McDougall, 1976), L'invisible Docteur Mabuse (Harald Reinl, 1962), � Et on en passe� Nous aurons m�me droit � un Homme invisible contre la gestapo en 1942, sorti en France en 1949 (r�al : Edwin L. Marin). La liste est impressionnante avant La Momie de Stephen Sommers en 1999. Nombre de s�rie B sinon Z et naturellement peu de films fid�les � l'esprit d'H.G. Wells. Il en sera de m�me pour "L'�le du Dr Moreau" dont seule l'adaptation d'Erle Kenton (La maison de Dracula) en 1932 sortira du lot, enrichie du jeu de Charles Laughton (Island of Lost Souls). En 1977, Don Taylor (Nimitz�) offrira une adaptation format�e selon les lois du film d'aventure. Val Kilmer et Marlon Brando �taient quant � eux � l'affiche du dernier remake en date r�alis� par John Frankenheimer (Ronin) en 1996. Un film tr�s moyennement appr�ci� par la critique.

Autre incontournable : "La nourriture des dieux" (1903), apanage de Bert I. Gordon qui en livrera deux adaptations �loign�es de l'original en 1965 (Village of Giants) et 1976 (The Food of Gods). Il encha�nera avec Empire of Ants, d'apr�s "The Empire of Ants (and Another Stories)" sorti en 1925. Que d'histories avec de redoutables animaux pr�dateurs g�ants, cr�atures qui d�j� avaient fait le succ�s des "Premiers Hommes sur la Lune" (1901), roman succ�dant � "De la terre � la Lune" de Jules Verne (1865). Deux hommes sur notre satellite pi�g�s par ses habitants, les S�l�nites : d�s 1902, l'aventure fera le bonheur du prisonnier du 7art, M�li�s qui r�alisera un film 13 minutes hautement ambitieux pour l'�poque, compos� de dix tableaux et dix-huit d�cors. Une synth�se des romans de Verne et Wells. Le tout premier film de SF dans l'histoire du cin�ma, tant pl�biscit� en France qu'Etats-Unis. Pas moins ! L'�uvre originale de Jules Verne y sera toutefois pour beaucoup. Un obus g�ant plant� dans l'�il de la Lune : souvenez-vous de cette image de M�li�s devenue l�gendaire ! Secundo de Chomon s'essaiera � un remake de 7 minutes en 1909 (Excursion sur la Lune). En 1919, le com�dien Bruce Gordon (The Lady From The Sea) se collera au voyage lunaire de Wells � l'occasion de son unique r�alisation, en tandem avec J. L. V. Leigh. En 1964, l'as du fantastique, l'am�ricain Nathan Juran (20000 lieux sous les mers, Le septi�me voyage de Sindab, Jack le tueur de g�ants) offrira une singuli�re adaptation des "Premiers hommes sur la Lune" avec ses deux astronautes s'imaginant pionniers sur notre satellite avant de d�couvrir la pr�existence d'une exp�dition lunaire britannique en 1899. Savant fou, enqu�te et aventures au programme, loin des S�l�nites d'H. G. Wells.

Qu'en est-il de ses �uvres de m�urs, plus ou moins satiriques selon les �poques ? "Kipps" (1905) - roman avec lequel Wells acquiert le statut d'�crivain s�rieux, chroniqueur t�moin de son temps - et "L'histoire de Mr Polly" (1910) ne seront pas en reste au grand �cran. Le premier fut adapt� � deux reprises : en 1921 (r�al : Harold Show) et vingt ans plus tard par l'illustre cin�aste britannique Carol Reed (Le troisi�me homme, Trapeze, Les r�volt�s du Bounty). L'anglais Anthony Pelissier (co-r�alisateur de Encore - Cannes 1952, Meet Mr Lucifer) portera le second � l'�cran en 1949. La m�me ann�e, David Lean (Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago, La route des Indes) et son Passionate Friends, adapt� du roman �ponyme de Wells (1913), seront en comp�tition � Cannes. Une romance contrari�e sur fond de clivages sociaux loin de l'extraordinaire "Homme qui faisait des miracles" (1936), com�die fantastique adapt�e par Lothar Mendes (Perdue sous les tropiques) la m�me ann�e. L'histoire d'un homme aux pouvoirs surhumains qui vient sauver la terre menac�e par un ouragan � grande �chelle� Arch�type du h�ros sauveur de l'humanit� que l'on retrouvera dans "La vie future" (1933), roman d'anticipation o� l'homme an�anti par une seconde guerre mondiale doit coloniser l'espace, notamment la Lune, pour survivre. L'�uvre sera objet de deux adaptations : en 1936 chez William Cameron Menzies (Les envahisseurs de la plan�te rouge) et en 1979 chez Georges McCowan (Frogs). Terre en p�ril, guerre, fin de la civilisation humaine, vie interplan�taire, libert� : autant des th�mes fondateurs de "La guerre des mondes", repris � l'entre-deux guerres. Une �uvre noire mais non exempte d'utopie. Qu'ils soient d'ordre politiques ou philosophiques, les plaidoyers d' H.G. Wells ont toujours cibl� un r�ajustement de l'humanit�. Cl� de son succ�s : une �criture �tonnamment moderne. Ses r�cits fantastiques ont jusqu'ici fait r�v� quatre g�n�rations de lecteurs et spectateurs. Il aura autant inspir� que Jules Verne. Aujourd'hui encore, L'homme invisible de James Whale et L'�le du Dr Moreau d'Erle Kenton restent des incontournables de la SF. De M�li�s � Spielberg, m�me souffle cr�atif, m�me enthousiasme pour cet �crivain dont on aurait tant aim� qu'il conte notre temps.

Sabrina