ILLIMITÉ
LEÏLA SLIMANI L’EXIL PORTUGAIS
Prix Goncourt et militante de la francophonie, la romancière franco-marocaine s’est installée à Lisbonne avec enfants et mari
De notre envoyée spéciale à Lisbonne Émilie Lanez
Echarpe turquoise autour du cou, elle se dépêche; sur les typiques pavés lisboètes cliquettent ses talons argentés. Soulagée d’être ponctuelle, Leïla Slimani allume une cigarette, la première d’une série gourmande, puis raconte sa mésaventure en Uber – deux échecs l’ont découragée d’obtenir le permis de conduire. La portière ouverte trop vite, une Mobylette cognée et le conducteur indemne la consolant, elle la fautive, balbutiant avec les maigres mots de portugais que lui enseigne une professeure particulière, deux heures par Zoom tous les deux jours. Son mari, Antoine d’Engremont, parle bien, ajoute la bonne élève, étonnée d’être, pour une fois, à la traîne. Leurs enfants – 11 et 4 ans –, inscrits dans une école franco-portugaise, la corrigent.
Ébouriffant ses cheveux, elle reprend son arrondissement de Paris. Adieu les sollicitations, les éparpillements, les regards insistants, adieu ce ciel qui avale la lumière. Lisbonne, ils y venaient souvent, week-ends chez des amis français, climat doux, fiscalité arrangeante, liaisons aériennes faciles – deux heures jusqu’à Paris et une seule jusqu’à Rabat, où vit sa mère. Avec la crise sanitaire, son mari, ancien directeur du Crédit suisse, aujourd’hui pointure chez Kepler Cheuvreux, une société financière, travaille souvent à la maison. Ils avaient envisagé Boston, où l’université Harvard lui proposait d’enseigner l’écriture, mais les contraintes du Covid les ont découragés. Dans la capitale portugaise où ils louent un appartement, ils commandent une voiture dès la sortie d’école pour profiter de la plage. «Mon fils et ma fille vivent une enfance qui ressemble à la mienne au Maroc», dit celle qui quitta Rabat pour Paris à l’âge de 17 ans.
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