L'Homme classique
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À propos de ce livre électronique
Le vestiaire masculin n'a pas échappé à la hargne des déconstructeurs, véritables entrepreneurs de démolition. Les règles et les usages traditionnels ont été jetés à la poubelle. Les nouvelles manières n'obéissent qu'à une exigence, celle du confort. Cool… Chacun s'habille comme il l'entend. Le laisser-aller est général. L'élégance et la dignité n'ont plus cours.
Parmi les avachis, l'homme classique fait figure d'exception. Son idéal, c'est celui de l'honnête homme, pour qui la correction vestimentaire est, pour citer Chanel, « la traduction extérieure d'une honnêteté morale, d'une authenticité des sentiments ». L'homme classique est debout. Il se tient droit.
Pratique, ce guide l'est à double titre : il dispense, comme tous les guides, informations et conseils ; mais il se veut aussi efficient, arme de combat.
Le réarmement civilisationnel passe par une réappropriation des codes vestimentaires. Manifestons visiblement notre refus du monde tel qu'il va… ou ne va pas. Faisons de notre habit un signe de contradiction.
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Avis sur L'Homme classique
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Aperçu du livre
L'Homme classique - Le Chouan des villes
L’Homme classique
Secrets d’élégance
Préface de Julien Scavini
Illustrations de Julien Scavini et de Victor Rohu
Dessin de couverture de Victor Rohu
Toute reproduction interdite
Du même auteur, avec illustrations de Romée de Saint-Céran :
Les Chroniques de l'homme élégant
Prix AlterPublishing 2018
© AlterPublishing, 2020 – 1ère édition
ISBN : 979-8-575-85445-6
PREFACE
L’habit est un moyen à la fois de se protéger comme un besoin primaire, mais aussi de se rendre plus grand, plus digne et en un mot, plus beau. Le mot est lâché, avec toute son ampleur et sa capacité à électriser le débat contemporain. Pendant des siècles, voire des millénaires, les hommes avaient pour quête la beauté, seule force capable de transcender la dureté de l’existence. Évidemment, seule une frange étroite et élevée de la population pouvait atteindre ce luxe d’un artisanat d’art doublé d’un art de vivre et de porter.
Pour les moins riches des hommes, il pouvait apparaître que cette délicatesse du quotidien avait un sens. C’est ainsi qu’apparurent les « habits du dimanche ». Ces vêtements étaient un moyen de dépasser l’ordinaire et savaient être au-dessus de l’utilitaire. Les avancées de production ont permis aux tailleurs d’être plus nombreux et de travailler pour une fraction plus importante de la population. Des années 1870 à 1960, l’élégance était partagée. La vie en société, à la ville comme à la campagne, poussait hommes et femmes à bien s’habiller, à la fois par vertu mais aussi pour éviter le qu’en-dira-t-on. Il s’agissait d’une sorte de contrôle social vertueux, poussant les êtres à bien faire, voire à faire mieux.
C’est ainsi en architecture que la ville devint haussmannienne. De l’ordonnancement naquit l’harmonie. Harmonie des matières, harmonie des teintes, harmonie des élévations. Et comme en cuisine, le bon dessin ne s’inventait pas. Il reposait sur une méthode, autrement appelé le canon. De ce corpus de références communes aux architectes, nous sommes passés à la mise en valeur de l’être et de son propre référentiel. La mode et l’élégance masculine ont suivi le même cheminement. D’une harmonie collective fondée sur un petit ensemble de matières naturelles, travaillées dans des règles ancestrales et communes, nous avons assisté à une dilatation singulière des possibles. Sur l’autel du progrès collectif, nous sommes passés au droit à l’expression personnelle, dans une société flattant le génie individuel. L’harmonie du système passait avant l’individu, avant de doucement tendre à l’inverse.
Ce serait une apothéose humaine si ce désir individuel tendait vers le beau collectif. Or, ce n’est pas tout à fait l’esprit de l’époque. Nous nageons collectivement dans le vulgus, le commun, le banal, en un mot, le vulgaire. Pire encore, il semble que la société soit incapable de célébrer la beauté. Au contraire même, la beauté est presque coupable. Coupable de richesse et d’ostentation, au détriment de ce qui ne l’est pas. Ce faisant, nous assistons à une célébration du fléau. Soyez attentifs aux textes des chansons contemporaines, très versés sur la tristesse des êtres, dans une sorte de charme inversée. Toujours sur la même note, la conscience populaire retient plus le malheur de Maria Callas que la divine apothéose musicale atteinte par Renata Tebaldi.
Le beau sous les coups d’une certaine intelligence narrative est devenu un concept fumeux dont beaucoup se méfient. Il est remplacé par l’intérêt. Avec le Beau, c’est aussi le charme de l’homme et des choses qui s’évanouit. Evelyn Waugh dans son roman Brideshead Revisited ne fait-il pas dire au personnage d’Anthony Blanche, critique d’art mondain et à la mode, que « je t'ai emmené dîner pour te mettre en garde contre le charme. [...] Le charme est le grand fléau anglais. [...] Il repère et tue tout ce qu'il touche » ? Oui car le charme et sa simplicité universelle se révèle sans s’annoncer. Il effraie ceux qui pensent. Ou croient le faire.
Actuellement, celui qui s’habille bien, celui qui s’apprête, en particulier en France (les États-Unis ou le Japon par exemple étant un peu plus protégés de cette dérive) est vite moqué et regardé. Il est devenu impossible au stagiaire de mettre une cravate si son chef de service n’en a pas. Nous sommes passés à une société du contrôle social inversé. Nos références sont fixées par le moins-disant. Contre cela, notre cher auteur lutte avec véhémence. Depuis une décennie et au fil de nombreux articles de son journal Le Chouan des Villes, il éreinte les travers contemporains. Pour mieux mettre en valeur et présenter les avantages d’une lecture classique de la penderie masculine, un aspect parmi d’autres de la beauté de l’existence. Cette recherche, que dis-je, cette exégèse, richement nourrie d’histoire de l’art, est une vraie interprétation philosophique du vêtement.
Quel plaisir de retrouver votre verve et votre esprit acéré. Merci cher Chouan des Villes d’être encore et toujours insurgé contre l’ordinaire. En ces temps de grands bouleversements, votre assurance est un bonheur. L’élégance a ses règles, quelle satisfaction de les avoir en partage. Votre pensée et vos écrits ne sont pas une élégie, mais bien une ode. Une ode pour une pratique vivante !
Julien Scavini
Le Chouan des villes
L’Homme classique
Secrets d’élégance
« Dans mes dégoûts surtout, j’ai des goûts élégants »
Tristan Corbière, « Le Poète contumace »
INTRODUCTION
J’ai été jeune dans les années 80. L’élégance vestimentaire ne connut pas en cette décennie son acmé mais elle n’était pas ignorée comme elle l’est aujourd’hui. On avait à cœur, au moins dans un certain milieu, d’en respecter les principes, et l’exemple vivant d’hommes élégants m’aida à développer mon goût et m’encouragea à me documenter sur un sujet dont je sentais qu’il prendrait de la place dans ma vie. J’habitais Nantes, que j’habite encore, et je garde un souvenir vif de certaines silhouettes que je croisais en ville et qui semblaient tout droit sorties des années 30 ou 50. Il y avait l’homme à la pelisse qui ressemblait à Jules Berry. Il y avait l’homme à l’éternel costume trois-pièces gris, qui s’appuyait sur une canne à pommeau d’argent, ne quittait pas ses gants noirs et portait un feutre à large bord. Je le surpris un soir très tard au café du Commerce plongé dans un recueil de Verlaine. Il y avait le pharmacien de la place du Pilori, sec et toujours impeccable, les cheveux argentés rejetés en arrière. Il y avait l’homme aux magnifiques costumes anglais et aux chaussures glacées dont j’appris qu’il était le directeur de l’Ecole des Beaux-Arts. D’autres belles images peuplent mon théâtre d’ombres. La plupart de ceux que je croisais dans les rues de ma ville ne suscitaient pas, c’est vrai, la même admiration : la plupart des cravates étaient mal choisies et mal nouées... mais il y avait des cravates ; la plupart des costumes étaient trop larges et trop longs... mais il y avait des costumes ; la plupart des chaussures avaient besoin d’être cirées... mais c’était des chaussures de cuir. Des jeunes, encore assez nombreux, étaient curieux de déchiffrer les arcanes de l’élégance. Ils hantaient les friperies à la recherche de belles coupes et de tissus devenus introuvables. Ils s’approvisionnaient chez les bouquinistes en vieux magazines illustrés afin d’en compiler les images inspirantes. Ils ne manquaient jamais, le dimanche soir sur la troisième chaîne, le Cinéma de minuit et ses cycles de films anciens, réservoirs inépuisables d’allures distinguées et de tenues enchanteresses.
Mais le ver était dans le fruit. Les évolutions de la société finissent toujours par s’inviter dans nos existences personnelles. Des « petits faits vrais » nous font prendre conscience que ce que nous tenions pour acquis est remis en question. Je mis le doigt dans la plaie le jour où j’expliquai à un ami un peu plus jeune que moi pourquoi un blazer ne se portait jamais avec des chaussures noires. « Quelle importance, me lança-t-il, puisque, de toute façon, personne ne connaît ce principe ? » Lui qui m’assurait partager ma passion de l’élégance me disait cela ! Je compris alors qu’un processus était en marche qui aurait raison de mes rêves. J’étais né trop tard. Cet épisode, aussi anodin qu’il paraisse, remit en cause ma confiance en ceux que je croyais aussi purs et durs que moi. La suite me prouverait que mes craintes étaient justifiées. Le laisser-aller s’est gonflé de nos renoncements. Les hommes de mon âge que je croise dans les rues de Nantes aujourd’hui ont abandonné le costume ; ils n’ont plus de cravate et leurs chaussures sont en plastique. Parmi eux, il y en a sûrement qui, à vingt ans, fréquentaient les fripiers et les bouquinistes et n’auraient manqué sous aucun prétexte un cycle Fred Astaire au Cinéma de minuit... J’arpente régulièrement les rues de ma ville. Le seul homme élégant qu’il m’arrive de rencontrer est âgé. Il va, aidé d’une canne, parmi l’indifférence des ignorants. Je ne serais pas étonné que des jeunes filles braillardes, comme elles le sont maintenant, se soient quelquefois moquées de lui. Il me fait penser au cygne de Baudelaire : comme lui, il « a perdu ce qui ne se retrouve jamais ». Il est un vestige de l’ancienne beauté. Ce personnage surnaturel m’impressionne tant que j’ai toujours réfréné mon désir de l’aborder pour lui faire la confidence de mon admiration.
La laideur perd le monde. La vêture de nos contemporains est une offense permanente faite à l’harmonie. Les couleurs sont discordantes, les matières sont hétéroclites, les assortiments hasardeux : l’un mettra un chapeau avec un blouson, l’autre des tennis avec un costume ; un troisième ira, l’air satisfait, en bonnet et manteau droit... En matière de mode aussi, les mariages contre-nature font la loi ! Le « métissage » est tendance. On mélange à tout-va : le vêtement de plage s’invite en ville ; les vieux s’habillent comme les jeunes ; les vêtements du dessous prennent le dessus... Je parierais volontiers que des esprits dits éclairés