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Divagations
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Livre électronique248 pages3 heures

Divagations

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À propos de ce livre électronique

Extrait : "Un ciel pâle, sur le monde qui finit de décrépitude, va peut-être partir avec les nuages : les lambeaux de la pourpre usée des couchants déteignent dans une rivière dormant à l'horizon submergé de rayons de d'eau..."
LangueFrançais
ÉditeurLigaran
Date de sortie6 févr. 2015
ISBN9782335034844
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    Aperçu du livre

    Divagations - Ligaran

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    EAN : 9782335034844

    ©Ligaran 2015

    Un livre comme je ne les aime pas, ceux épars et privés d’architecture. Nul n’échappe décidément, au journalisme ou voudrait-il, en produit pour soi et tel autre espérons, sans qu’on jette par-dessus les têtes, certaines vérités, vers le jour.

    L’excuse, à travers tout ce hasard, l’assemblage s’aida, seul, par une vertu commune.

    À part des poèmes ou anecdotes, au début, que le sort, exagéré, fait à ces riens, m’obligeait (envers le public) de n’omettre, les Divagations apparentes traitent un sujet, de pensée, unique – si je les revois en étranger, comme un cloître quoique brisé, exhalerait au promeneur, sa doctrine.

    Anecdotes ou poèmes

    Le Phénomène futur

    Un ciel pâle, sur le monde qui finit de décrépitude, va peut-être partir avec les nuages : les lambeaux de la pourpre usée des couchants déteignent dans une rivière dormant à l’horizon submergé de rayons et d’eau. Les arbres s’ennuient et, sous leur feuillage blanchi (de la poussière du temps plutôt que celle des chemins), monte la maison en toile du Montreur de choses Passées : maint réverbère attend le crépuscule et ravive les visages d’une malheureuse foule, vaincue par la maladie immortelle et le péché des siècles, d’hommes près de leurs chétives complices enceintes des fruits misérables avec lesquels périra la terre. Dans le silence inquiet de tous les yeux suppliant là-bas le soleil qui, sous l’eau, s’enfonce avec le désespoir d’un cri, voici le simple boniment : « Nulle enseigne ne vous régale du spectacle intérieur, car il n’est pas maintenant un peintre capable d’en donner une ombre triste. J’apporte, vivante (et préservée à travers les ans par la science, souveraine) une Femme d’autrefois. Quelque folie, originelle et naïve, une extase d’or, je ne sais quoi ! par elle nommé sa chevelure, se ploie avec la grâce des étoffes autour d’un visage qu’éclaire la nudité sanglante de ses lèvres. À la place du vêtement vain, elle a un corps ; et les yeux, semblables aux pierres rares ! ne valent pas ce regard qui sort de sa chair heureuse : des seins levés comme s’ils étaient pleins d’un lait éternel, la pointe vers le ciel, aux jambes lisses qui gardent le sel de la mer première. » Se rappelant leurs pauvres épouses, chauves, morbides et pleines d’horreur, les maris se pressent : elles aussi par curiosité, mélancoliques, veulent voir.

    Quand tous auront contemplé la noble créature, vestige de quelque époque déjà maudite, les uns indifférents, car ils n’auront pas eu la force de comprendre, mais d’autres navrés et la paupière humide de larmes résignées se regarderont ; tandis que les poètes de ces temps, sentant se rallumer leurs yeux éteints, s’achemineront vers leur lampe, le cerveau ivre un instant d’une gloire confuse, hantés du Rythme et dans l’oubli d’exister à une époque qui survit à la beauté.

    Plainte d’automne

    Depuis que Maria m’a quitté pour aller dans une autre étoile – laquelle, Orion, Altaïr, et toi, verte Vénus ? – j’ai toujours chéri la solitude. Que de longues journées j’ai passées seul avec mon chat. Par seul, j’entends sans un être matériel et mon chat est un compagnon mystique, un esprit. Je puis donc dire que j’ai passé de longues journées seul avec mon chat et, seul, avec un des derniers auteurs de la décadence latine ; car depuis que la blanche créature n’est plus, étrangement et singulièrement j’ai aimé tout ce qui se résumait en ce mot : chute. Ainsi, dans l’année, ma saison favorite, ce sont les derniers jours alanguis de l’été, qui précèdent immédiatement l’automne et, dans la journée, l’heure où je me promène est quand le soleil se repose avant de s’évanouir, avec des rayons de cuivre jaune sur les murs gris et de cuivre rouge sur les carreaux. De même la littérature à laquelle mon esprit demande une volupté sera la poésie agonisante des derniers moments de Rome, tant, cependant, qu’elle ne respire aucunement l’approche rajeunissante des Barbares et ne bégaie point le latin enfantin des premières proses chrétiennes.

    Je lisais donc un de ces chers poèmes (dont les plaques de fard ont plus de charme sur moi que l’incarnat de la jeunesse) et plongeais une main dans la fourrure du pur animal, quand un orgue de Barbarie chanta languissamment et mélancoliquement sous ma fenêtre. Il jouait dans la grande allée des peupliers dont les feuilles me paraissent mornes même au printemps, depuis que Maria a passé là avec des cierges, une dernière fois. L’instrument des tristes, oui, vraiment : le piano scintille, le violon donne aux fibres déchirées la lumière, mais l’orgue de Barbarie, dans le crépuscule du souvenir, m’a fait désespérément rêver. Maintenant qu’il murmurait un air joyeusement vulgaire et qui mit la gaîté au cœur des faubourgs, un air suranné, banal : d’où vient que sa ritournelle m’allait à l’âme et me faisait pleurer comme une ballade romantique ? Je la savourai lentement et je ne lançai pas un sou par la fenêtre de peur de me déranger et de m’apercevoir que l’instrument ne chantait pas seul.

    Frisson d’hiver

    Cette pendule de Saxe, qui retarde et sonne treize heures parmi ses fleurs et ses dieux, à qui a-t-elle été ? Pense qu’elle est venue de Saxe par les longues diligences autrefois.

    (De singulières ombres pendent aux vitres usées.)

    Et ta glace de Venise, profonde comme une froide fontaine, en un rivage de guivres dédorées, qui s’y est miré ? Ah ! je suis sûr que plus d’une femme a baigné dans cette eau le péché de sa beauté ; et peut-être verrais-je un fantôme nu si je regardais longtemps.

    – Vilain, tu dis souvent de méchantes choses…

    (Je vois des toiles d’araignées au haut des grandes croisées.)

    Notre bahut encore est très vieux : contemple comme ce feu rougit son triste bois ; les rideaux amortis ont son âge, et la tapisserie des fauteuils dénués de fard, et les anciennes gravures des murs, et toutes nos vieilleries ? Est-ce qu’il ne te semble pas, même, que les bengalis et l’oiseau bleu ont déteint avec le temps.

    (Ne songe pas aux toiles d’araignées qui tremblent au haut des grandes croisées.)

    Tu aimes tout cela et voilà pourquoi je puis vivre auprès de toi. N’as-tu pas désiré, ma sœur au regard de jadis, qu’en un de mes poèmes apparussent ces mots « la grâce des choses fanées » ? Les objets neufs te déplaisent ; à toi aussi, ils font peur avec leur hardiesse criarde, et tu te sentirais le besoin de les user, ce qui est bien difficile à faire pour ceux qui ne goûtent pas l’action.

    Viens, ferme ton vieil almanach allemand, que tu lis avec attention, bien qu’il ait paru il y a plus de cent ans et que les rois qu’il annonce soient tous morts, et, sur l’antique tapis couché, la tête appuyée parmi tes genoux charitables dans ta robe pâlie, ô calme enfant, je te parlerai pendant des heures ; il n’y a plus de champs et les rues sont vides, je te parlerai de nos meubles… Tu es distraite ?

    (Ces toiles d’araignées grelottent au haut des grandes croisées.)

    Le Démon de l’analogie

    Des paroles inconnues chantèrent-elles sur vos lèvres, lambeaux maudits d’une phrase absurde ?

    Je sortis de mon appartement avec la sensation propre d’une aile glissant sur les cordes d’un instrument, traînante et légère, que remplaça une voix prononçant les mots sur un ton descendant : « La Pénultième est morte », de façon que

    La Pénultième

    finit le vers et

    Est morte

    se détacha de la suspension fatidique plus inutilement en le vide de signification. Je fis des pas dans la rue et reconnus en le son nul la corde tendue de l’instrument de musique, qui était oublié et que le glorieux Souvenir certainement venait de visiter de son aile ou d’une palme et, le doigt sur l’artifice du mystère, je souris et implorai de vœux intellectuels une spéculation différente. La phrase revint, virtuelle, dégagée d’une chute antérieure de plume ou de rameau, dorénavant à travers la voix entendue, jusqu’à ce qu’enfin elle s’articula seule, vivant de sa personnalité. J’allais (ne me contentant plus d’une perception) la lisant en fin de vers, et, une fois, comme un essai, l’adaptant à mon parler ; bientôt la prononçant avec un silence après « Pénultième » dans lequel je trouvais une pénible jouissance : « La Pénultième » puis la corde de l’instrument, si tendue en l’oubli sur le son nul, cassait sans doute et j’ajoutais en matière d’oraison : « Est morte. » Je ne discontinuai pas de tenter un retour à des pensées de prédilection, alléguant, pour me calmer, que, certes, pénultième est le terme du lexique qui signifie l’avant-dernière syllabe des vocables, et son apparition, le reste mal abjuré d’un labeur de linguistique par lequel quotidiennement sanglote de s’interrompre ma noble faculté poétique : la sonorité même et l’air de mensonge assumé par la hâte de la facile affirmation étaient une cause de tourment. Harcelé, je résolus de laisser les mots de triste nature errer eux-mêmes sur ma bouche, et j’allai murmurant avec l’intonation susceptible de condoléance : « La Pénultième est morte, elle est morte, bien morte, la désespérée Pénultième », croyant par là satisfaire l’inquiétude, et non sans le secret espoir de l’ensevelir en l’amplification de la psalmodie quand, effroi !

    – d’une magie aisément déductible et nerveuse

    – je sentis que j’avais, ma main réfléchie par un vitrage de boutique y faisant le geste d’une caresse qui descend sur quelque chose, la voix même (la première, qui indubitablement avait été l’unique).

    Mais où s’installe l’irrécusable intervention du surnaturel, et le commencement de l’angoisse sous laquelle agonise mon esprit naguère seigneur c’est quand je vis, levant les yeux, dans la rue des antiquaires instinctivement suivie, que j’étais devant la boutique d’un luthier vendeur de vieux instruments pendus au mur, et, à terre, des palmes jaunes et les ailes enfouies en l’ombre, d’oiseaux anciens. Je m’enfuis, bizarre, personne condamnée à porter probablement le deuil de l’inexplicable Pénultième.

    Pauvre enfant pâle

    Pauvre enfant pâle, pourquoi crier à tue-tête dans la rue ta chanson aiguë et insolente, qui se perd parmi les chats, seigneurs des toits ? car elle ne traversera pas les volets des premiers étages, derrière lesquels tu ignores de lourds rideaux de soie incarnadine.

    Cependant tu chantes fatalement, avec l’assurance tenace d’un petit homme qui s’en va seul par la vie et, ne comptant sur personne, travaille pour soi. As-tu jamais eu un père ? Tu n’as pas même une vieille qui te fasse oublier la faim en te battant, quand tu rentres sans un sou.

    Mais tu travailles pour toi : debout dans les rues, couvert de vêtement déteints faits comme ceux d’un homme, une maigreur prématurée et trop grand à ton âge, tu chantes pour manger, avec acharnement, sans abaisser tes yeux méchants vers les autres enfants jouant sur le pavé.

    Et ta complainte est si haute, si haute, que ta tête nue qui se lève en l’air à mesure que ta voix monte, semble vouloir partir de tes petites épaules.

    Petit homme, qui sait si elle ne s’en ira pas un jour, quand, après avoir crié longtemps dans les villes, tu auras fait un crime ? un crime n’est pas bien difficile à faire, va, il suffit d’avoir du courage après le désir, et tels qui… Ta petite figure est énergique.

    Pas un sou ne descend dans le panier d’osier que tient ta longue main pendue sans espoir sur ton pantalon : on te rendra mauvais et un jour tu commettras un crime.

    Ta tête se dresse toujours et veut te quitter, comme si d’avance elle savait, pendant que tu chantes d’un air qui devient menaçant.

    Elle te dira adieu quand tu paieras pour moi, pour ceux qui valent moins que moi. Tu vins probablement-au monde vers cela et tu jeûnes dès maintenant, nous te verrons dans les journaux.

    Oh ! pauvre petite tête !

    La Pipe

    Hier, j’ai trouvé ma pipe en rêvant une longue soirée de travail, de beau travail d’hiver. Jetées les cigarettes avec toutes les joies enfantines de l’été dans le passé qu’illuminent les feuilles bleues de soleil, les mousselines et reprise ma grave pipe par un homme sérieux qui veut fumer longtemps sans se déranger, afin de mieux travailler : mais je ne m’attendais pas à la surprise que préparait cette délaissée, à peine eus-je tiré la première bouffée, j’oubliai mes grands livres à faire, émerveillé, attendri, je respirai l’hiver dernier qui revenait. Je n’avais pas touché à la fidèle amie depuis ma rentrée en France, et tout Londres, Londres, tel que je le vécus en entier à moi seul, il y a un an, est apparu ; d’abord les chers brouillards qui emmitouflent nos cervelles et ont ; là-bas, une odeur à eux, quand ils pénètrent sous la croisée. Mon tabac sentait une chambre sombre aux meubles de cuir saupoudrés par la poussière du charbon sur lesquels se roulait le maigre chat noir ; les grands feux ! et la bonne aux bras rouges versant les charbons, et le bruit de ces charbons tombant du seau de tôle dans la corbeille de fer, le matin – alors que le facteur frappait le double coup solennel, qui me faisait vivre ! J’ai revu par les fenêtres ces arbres malades du square désert – j’ai vu le large, si souvent traversé cet hiver-là, grelottant sur le pont du steamer mouillé de bruine et noirci de fumée – avec ma pauvre bien-aimée errante, en habits de voyageuse, une longue robe terne couleur de la poussière des routes, un manteau qui collait humide à ses épaules froides, un de ces chapeaux de paille sans plume et presque sans rubans, que les riches dames jettent en arrivant, tant ils sont déchiquetés par l’air de la mer et que les pauvres bien-aimées regarnissent pour bien des saisons encore. Autour de son cou s’enroulait le terrible mouchoir qu’on agite en se disant adieu pour toujours.

    Un spectacle interrompu

    Que la civilisation est loin de procurer les jouissances attribuables à cet état ! on doit par exemple s’étonner qu’une association entre les rêveurs, y séjournant, n’existe pas, dans toute grande ville, pour subvenir à un journal qui remarque les évènements sous le jour propre au rêve. Artifice que la réalité, bon à fixer l’intellect moyen entre les mirages d’un fait ; mais elle repose par cela même sur quelque universelle entente : voyons donc s’il n’est pas, dans l’idéal, un aspect nécessaire, évident, simple, qui serve de type. Je veux, en vue de moi seul, écrire comme elle frappa mon regard de poète, telle Anecdote, avant que la divulguent des reporters par la foule dressés à assigner à chaque chose son caractère commun.

    Le petit théâtre des PRODIGALITÉS adjoint l’exhibition d’un vivant cousin d’Atta Troll ou de Martin à sa féerie classique la Bête et le Génie ; j’avais, pour reconnaître l’invitation du billet double hier égaré chez moi, posé mon chapeau dans la stalle vacante à mes côtés, une absence d’ami y témoignait du goût général à esquiver ce naïf spectacle. Que se passait-il devant moi ? rien, sauf que : de pâleurs évasives de mousseline se réfugiant sur vingt piédestaux en architecture de Bagdad, sortaient un sourire et des bras ouverts à la lourdeur triste de l’ours : tandis que le héros, de ces sylphides évocateur et leur gardien, un clown, dans sa haute nudité d’argent, raillait l’animal par notre supériorité. Jouir comme la foule du mythe inclus dans toute banalité, quel repos et, sans voisins où verser des réflexions, voir l’ordinaire et splendide veille trouvée à la rampe par ma recherche assoupie d’imaginations ou de symboles. Étranger à mainte réminiscence de pareilles soirées, l’accident, le plus neuf ! suscita mon attention : une des nombreuses salves d’applaudissements décernés selon l’enthousiasme à l’illustration sur la scène du privilège authentique de l’Homme, venait, brisée par quoi ? de cesser net, avec un fixe fracas de gloire à l’apogée, inhabile à se répandre. Tout oreilles, il fallut être tout yeux. Au geste du pantin, une paume crispée dans l’air ouvrant les cinq doigts, je compris, qu’il avait, l’ingénieux ! capté les sympathies par la mine d’attraper au vol quelque chose, figure (et c’est tout) de la facilité dont est par chacun prise une idée : et qu’ému au léger vent, l’ours rythmiquement et doucement levé interrogeait cet exploit, une griffe posée sur les rubans de l’épaule humaine. Personne qui ne haletât, tant cette situation portait de conséquences graves pour l’honneur de la race : qu’allait-il arriver ? L’autre patte s’abattit, souple, contre un bras longeant le maillot ; et l’on vit, couple uni dans un secret rapprochement, comme un homme inférieur, trapu, bon, debout sur l’écartement de deux jambes de poil, étreindre pour y apprendre les pratiques du génie, et son crâne au noir museau ne l’atteignant qu’à la moitié, le buste de son frère brillant et surnaturel : mais qui, lui ! exhaussait, la bouche folle de vague, un chef affreux remuant par un fil visible dans l’horreur les dénégations véritables d’une mouche de papier et d’or. Spectacle clair, plus que les tréteaux vaste, avec ce don, propre à l’art, de durer longtemps : pour le parfaire je laissai, sans que m’offusquât l’attitude probablement fatale prise par le mime

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