Silence et rencontre: La disponibilité à l'autre
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Avis sur Silence et rencontre
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Aperçu du livre
Silence et rencontre - Marc André Barsalou
aventures.
INTRODUCTION
Je ne crois pas en Dieu, mais j’ai le sens de l’infini.
Nul n’a l’esprit plus religieux que moi.
Je me heurte sans cesse aux questions insolubles.
Les questions que je veux bien admettre sont toutes insolubles.
Les autres ne sauraient être posées que par des êtres sans imagination et ne peuvent m’intéresser.
Robert. DESNOS. (1962,.p..123)
Deuil pour deuil
Chaque jour, la plupart d’entre nous croisent de multiples individus. Que nous les saluions ou que nous détournions aussitôt le regard, nous interagissons, et cela suffit pour qu’il y ait contact entre soi et autrui. Force est d’admettre que tout trajet de vie est balisé, conduit par ces échanges de diverses qualités, ceux au cours desquels des liens plus intimes se créent, tout comme ceux qui requièrent notre attention sans pour autant qu’une interaction véritable ou que des affinités fleurissent et se révèlent. C’est ainsi que se construit, pas à pas, l’insertion sociale de chacun, laquelle se présente toujours comme le tissage patient et subtil d’engagements et de retraits, d’ententes et de désaccords, de réconciliations sinon de ruptures, marqués par ces gestes que sont la parole et le silence.
L’arrière-scène de cette recherche exploratoire concerne ce défi du vivre ensemble pour les êtres sociaux que nous sommes. Considérant les liens d’interdépendance entre les humains, les défis du vivre ensemble – en harmonie et en coopération – vient sans doute, en partie, des divergences entre des visions du monde et de ce qu’est l’humain, mais plus encore de la difficulté pour chacun, voire du refus d’intégrer le pluriel, ou le multiple, dans une visée un tant soit peu commune. La rencontre entre deux étrangers relève de cette possibilité de combiner au sentiment de sa propre appartenance le « désordre » qu’introduit éventuellement l’autre et, à ce titre, elle apparaît comme axe, voire centrale et cruciale, au déroulement du vivre ensemble. Puisque la mise en forme de l’existence individuelle comporte de multiples déclinaisons et que l’individualité s’élabore avec ou même en dépit des autres, selon l’environnement auquel l’individu est exposé, la rencontre est indubitablement un pivot de la mise en forme de l’humanité. Ici, un parallèle s’est imposé à nous entre notre intention d’aborder ce sujet, l’impératif de cette réflexion existentielle concernant l’humanité, et l’amorce de la réflexion du Mythe de Sisyphe posée par Albert Camus (1942, p. 12) : « Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. » Du point de vue macroscopique de l’existence humaine, la « valeur » incontournable de la rencontre s’impose devant la possibilité de détruire, par nos conflits et nos actions, notre milieu de vie actuel. À cet effet, la possibilité de se rencontrer, la rencontre vue ici en tant que proximité partagée entre des interlocuteurs dans la reconnaissance réciproque de leur individualité, apparaît comme déterminante.
Le mot « rencontre » a eu différentes acceptions selon les époques. Le type de rencontre qui nous intéresse, également contemporaine, est celle « de jonction, de réunion, de proximité, d’étroit contact » (Zarifian, 1993, p. 145). À cet égard, la communication se révèle un des enjeux primordiaux du vivre ensemble : « la communication est le propre de toutes les sociétés, de toutes les cultures en toutes les époques. Elle est génératrice de relations, d’ordre, de sens » (Balandier, 1992, p. 139-140). Lorsqu’elle est utilisée à bon escient, il ne resterait ensuite qu’à surmonter l’obstacle de la langue maternelle. Pour sa part, le silence fait abstraction de cette multiplicité des dialectes. L’expérience du silence, peu traitée en recherche bien qu’il s’agisse d’un phénomène transculturel, nous a semblé un lieu d’investigation potentiellement riche de sens en lien avec ce défi de vivre ensemble.
Bien davantage qu’une modalité sonore, l’expérience du silence participe à la structuration de la réalité d’un être humain et de ce qu’il conçoit du monde. Le mot « silence » est lui-même polysémique et son interprétation dépend de son contexte. D’un point de vue strictement sonore, le silence chez l’humain n’est jamais total. Au mieux, un bourdonnement dans l’oreille subsiste : les sons aigus proviennent du système nerveux et les sons graves des battements de cœur. L’écoute de ce « silence », cette prise de conscience, éveille l’individu à sa condition d’être vivant, d’où l’importance de s’attarder à l’expérience phénoménologique du silence et à ses diverses répercussions sur le plan social, et non pas seulement à sa réalité de fait tel qu’il est inscrit dans les interactions entre les individus. À cet effet, Jiddu Krishnamurti précise que le silence de la conscience englobe les différentes natures du silence.
Il y a le silence d’une conscience qui n’est jamais atteinte par aucun bruit, par aucune pensée, ni par le passage du vent de l’expérience. […] La méditation d’un esprit totalement silencieux est la bénédiction que l’homme ne cesse de rechercher. En ce silence sont toutes les différentes natures du silence. […] Ce silence de la conscience est le véritable esprit religieux, et le silence des dieux est le silence de la terre. L’esprit méditatif suit son cours dans ce silence, et l’amour est sa manière d’être (Krishnamurti, 1994, p. 41).
L’état de communion que provoque le silence, et son actualisation, confirme cette intuition qu’il peut, dans l’invisible, être favorable à la rencontre. Bien plus, selon une piste laissée ouverte par Édouard Zarifian (1993, p. 151), « on peut se demander si toute rencontre n’est pas en fait une expérience mystique dans un sens non religieux, mais en cela qu’elle est au-delà de la raison ». Dès lors, les rapprochements se densifient et l’intuition de rapporter l’expérience du silence à la rencontre se trouve enrichie, alimentée d’autant.
L’interpénétration de ces deux types d’expériences, relationnelle et mystique, est bien ce que nous désirons explorer, en prenant comme ligne directrice l’expérience du silence. Aussi notre recherche porte-t-elle sur cette question qui s’adresse à tous : Le silence peut-il favoriser la rencontre entre deux individus, et ainsi, actualiser et nourrir cette qualité de proximité requise pour un vivre ensemble harmonieux ? L’avant-scène de cette recherche concerne donc cet enjeu de la rencontre à travers la communication, mais ici particulièrement axé sur le silence. Bien que la réflexion au sujet du silence et la rencontre vise les interactions interpersonnelles au quotidien, il nous faudra traiter de considérations philosophiques et métaphysiques pour soutenir la rigueur, voire la profondeur, qu’une telle réflexion exige. Dans cette lignée, la disponibilité à l’autre que la rencontre requiert sera mise en perspective avec la disponibilité à soi en tant que sujet.
Dès lors, la démarche empruntée pour cette recherche balaie large et couvre un vaste territoire. Partant du fait que le phénomène du silence se déploie en société, nous consacrons le premier chapitre de notre étude au statut culturel qu’il emprunte actuellement, à travers la persistance de quelques traits transculturels comme de certaines figures du silence imposées par la conduite institutionnalisée. Adossé à ce contexte qui tient lieu de problématique, le caractère philosophique et existentiel du silence et sa qualité d’instance dans la rencontre méritent d’être définis par une structuration conceptuelle (chapitre 2). Dans le chapitre 3, nous nous employons à décrire la méthode de recherche, qui nous est apparue appropriée à l’objet (l’expérience du silence), afin de bien camper l’approche du terrain (les récits de vie) et ce que celui-ci devrait nous faire découvrir du phénomène à l’étude. Par la suite, l’analyse se centrera d’abord sur le rôle du silence dans la présentation de soi, en prenant comme variable la marginalité (chapitre 4), avant de se tourner vers les silences du monde (chapitre 5). Cette démarche est assortie d’une comparaison des thèmes émanant des récits de vie avec ceux issus de la littérature sur le silence. Ainsi, saisie sous ces angles multiples, une cosmologie de ce phénomène évanescent qu’est l’expérience du silence prendra forme et sens.
CHAPITRE
1
LE STATUT CULTUREL DU SILENCE
Le silence, tout autant que la parole et le bruit, agit à titre d’agent structurant de l’ordre social. Nous nous intéressons ici au phénomène social du silence, où nous montrerons comment il est, tantôt au service des conventions du théâtre social, sur le plan individuel, tantôt utilisé comme levier stratégique au maintien du pouvoir dans nos sociétés, sur le plan du groupe.
Parlant des interactions courantes de la vie quotidienne, Édouard Zarifian livre ce triste constat, que chacun pourra vérifier, sinon confirmer : « Il est tant de rendez-vous manqués dans la vie de tous les jours… Chacun vit dans sa bulle, étranger à l’autre, pas de communication, pas de rencontre. On parle, personne n’écoute, on s’exprime, personne n’entend » (1993, p. 151). Malgré les nombreux échanges, le rapprochement entre les individus ne dépasse pas, bien souvent, un simple côtoiement physique. À propos de notre rapport au silence lors des échanges verbaux, il y a déjà fort longtemps, Plutarque nous avait mis en garde : « Voilà le premier défaut de l’incapacité de se taire : c’est l’incapacité d’écouter » (2001, p. 9).
Sans l’ombre d’un doute, ces types d’interactions au cours desquelles l’écoute réciproque est pratiquement absente compromettent, pour ne pas dire annulent, toute possibilité de rencontre¹. Ainsi, l’intervention du silence, consubstantif à l’écoute mais tout autant à la parole, est nécessaire si l’on espère établir des liens qui soient autres que superficiels. Ce qui nous mène à la question : En quoi le silence contribue-t-il à favoriser la rencontre, le rapprochement entre soi et l’autre ? D’abord, afin d’établir un point de référence, il s’agit de définir, plus largement, quelle est sa fonction sur le plan macrosocial, là alors même que la rencontre interpersonnelle n’est pas proprement visée, ni même véritablement souhaitée.
Selon l’angle d’approche visé dans ce chapitre, il s’agit pour nous de voir comment le silence, cet outil puissamment communicationnel, encadre les contacts entre des individus « étrangers ». Le contexte de rencontre traité ici est celui qu’on observe entre des individus d’une même société, d’un milieu ou d’une classe sociale similaire ou non, qui sont amenés par leurs occupations quotidiennes à se croiser physiquement ou à se côtoyer, sans plus. Or il est assez clair que, le plus souvent lors de telles interactions, les échanges sont conditionnés par ce qu’il est convenu d’appeler le « théâtre social », tel qu’il est théorisé par Erving Goffman (1973, p. 72) : All the world is not, of course, a stage, but the crucial ways in which it isn’t are not easy to specify².
Reprenant et prolongeant la pensée de Goffman, Balandier éclaire pour nous cette scène de la vie sociale qui, telle qu’il la voit, se prête à « un jeu de représentation, ouvert à l’improvisation encadrée par une double contrainte : celle du rôle, et celle du rite qui permet d’éviter la confrontation violente. C’est un acte théâtral par quoi s’accomplit l’échange entre soi et les autres et une mutuelle reconnaissance » (1992, p. 151). Si, comme le souligne Zarifian (1993, p. 145), « [u]ne rencontre, c’est toujours une nouvelle histoire qui commence… », il s’avère primordial de tracer l’apport du silence dans cette improvisation, et donc, en contrepartie, de relever les formes qu’il prend et qui contribueraient à structurer ce « théâtre de masques », à actualiser en quelque sorte cette double contrainte des rôles et du rite. Partant de là, nous tâcherons d’évaluer la qualité du silence dans certaines situations d’échange et sa contribution potentielle à la rencontre.
1.1. LE SILENCE MARQUE LE POULS CULTUREL DE L’ÉCHANGE
Pour tout être humain, l’expérience du silence fait partie intégrante de ses premiers apprentissages, celui de sa langue maternelle et, non moins complexe, celui de son insertion sociale. À cet égard, le silence est une donnée incontournable, et il l’est à tel point que son occurrence semble s’imposer d’elle-même et, du coup, passe inaperçue à la manière d’une pulsation, tant le silence est une nécessité essentielle, parfois même urgente, pour la cohésion des échanges. Partant de ce fait, penchons-nous d’abord sur la toile de fond qui encadre la communication verbale et considérons les particularités socioculturelles du silence qui cimentent les rapports et déterminent la position de chacun des interlocuteurs dans l’échange. Ainsi, le statut culturel du silence sera envisagé sous les deux angles suivants : la rythmie culturelle d’élocution et d’énonciation (section 1.1.1.) et le respect du statut socioculturel de la parole, à savoir la hiérarchisation que celle-ci introduit ou impose par le silence (section 1.1.2.).
1.1.1. LES VARIATIONS INTERPRÉTATIVES SELON LES CULTURES : LE SILENCE DANS L’ÉLOCUTION
On reconnaît des particularités culturelles intrinsèques au silence dans la communication, et à sa venue au cours d’un échange verbal. Dans tout trajet de parole, il se produit un silence énonciatif, ponctuatif, qui est lié au rythme même de l’élocution. À cet effet, des différences inhérentes à l’élocution (Le Breton, 1997, p. 28-32), à sa vitesse et à son débit, s’observent d’un individu, d’une culture à une autre. Le silence dispose en effet d’un espace-temps, considéré comme conforme – état d’être neutre – chez les individus d’une même culture, ce qui pose le rythme « normal » du débit de l’énonciation, c’est-à-dire qui ne reflète pas l’expression d’une émotion particulière.
En fait, le silence règle le rythme culturel de l’élocution personnelle, de sorte que sa présence lors d’un échange ne suscite pas chez l’autre interlocuteur, partageant la même culture, d’interprétations quant à l’état d’être de celui qui énonce. Le silence constitue ainsi le pouls de la rythmie culturelle saisie au cours du trajet d’élocution. Chaque culture possède sa rythmie conventionnelle, et avec elle, la norme à respecter pour que le silence ne suggère pas de signification autre que la fonction respiratoire qu’il remplit. Des fluctuations surviennent bien évidemment auxquelles, d’emblée, on confère des significations autres que physiologiques, par exemple émotionnelles, relationnelles, etc.
En plus des pauses effectuées en cours d’élocution, le silence intervient dans le code implicite introduit par le rythme de l’échange verbal, lequel détermine la durée de silence admise comme appropriée dans les conversations, telle la suspension avant la réponse³. Le silence participe ainsi à créer le rythme culturel de base dans la communication verbale : selon la situation suscitant l’échange, il en règle le déroulement tel un métronome, et c’est ici qu’il peut porter à interprétation si la cadence est brisée, modifiée, ou pire, brusquement arrêtée. S’il ne coïncide pas avec le rythme attendu dans la situation, des significations d’ordre sémantique ou symbolique lui seront alors attribuées.
Il faut ajouter à ce tableau que des variations culturelles inhérentes à l’énonciation et au recours au silence déterminent, au moins partiellement, la conformité des codes à respecter pour maintenir la régulation, la compréhension et la cohésion des échanges sociaux. De fait, le rythme d’une conversation contribue à conférer une substance au silence et à en faire accepter la durée. Contribue et non confère, car la substance du silence est aussi liée à ce qui l’encadre, soit la teneur même des propos échangés. Ainsi, un silence qui marque une pause-respiration pour « accueillir » et « internaliser » tel contenu soude et scelle en même temps la conformité de l’échange, d’autant que le contenu partagé le requiert.
En bref, dans les pauses qu’il permet lors de l’élocution et des réponses qui s’ensuivent dans les échanges verbaux, le silence est, pour chaque culture, l’éther ou le fil invisible qui assure le sens et la cohérence des comportements communicationnels. Si sa présence n’est pas attendue, et qu’un silence survient tout de même, c’est la fluidité même de l’échange qui est mise en cause. Autrement, sans contenu particulier, la durée « neutre » du silence dans les interactions communicationnelles, telle qu’elle est définie culturellement, est l’axe à partir duquel chacun le remplit de significations. Toutefois, les normes concernant le silence ne s’arrêtent pas aux conditions entrevues dans l’énonciation individuelle. Au-delà des pulsations communicationnelles que le silence régularise, son rôle et sa place lors des interactions sociales sont soumis à d’autres conventions, dont le contexte de l’échange et le statut des interlocuteurs.
1.1.2. LE STATUT DU SILENCE ET LA HIÉRARCHISATION DES INTERLOCUTEURS
Pour que la communication soit créatrice d’ordre, il est impératif que le statut du silence et celui de la parole soient imbriqués, sachant que ces statuts sont ensuite distribués entre les interlocuteurs par des normes, elles aussi culturelles, qui définissent et délimitent la participation de chacun dans l’échange verbal. Le silence sert notamment au maintien d’un déroulement de l’ordre social harmonieux, lequel est préétabli suivant une hiérarchie statuée et convenue. Le silence encadre le flux des interactions de la vie quotidienne : à travers lui, c’est le respect du principe même de hiérarchisation et de la hiérarchie effective entre les interlocuteurs qui est à l’œuvre. Apprises lors de la socialisation, des normes culturelles assignent, selon les milieux, la position de chacun dans la prise de parole. Le statut social de l’individu dicte, en partie, la part du silence à respecter dans le théâtre social.
Le type de participation sur la scène sociale est influencé par plusieurs facteurs qualifiant le « statut social », dont l’âge, le sexe, l’emploi, la place dans la famille, etc., le life role (Goffman, 1973), et ce sont ces mêmes facteurs qui détermineront la position convenue de chacun dans la hiérarchie de la prise de parole et du silence à observer lors des interactions. L’appartenance à des classes sociales différentes limite parfois les possibilités d’échange avec des gens provenant d’un autre milieu ou d’une autre classe sociale, cette sélection étant créée en partie d’elle-même par la fréquentation de lieux routiniers différents, et qui, de ce fait, impose un silence générique. Ce type de silence peut devenir actif, attribuable à une proximité physique, par exemple le silence des serviteurs comme comportement communicationnel adéquat en présence des maîtres et de leurs pairs du même milieu. Cette hiérarchie dans la prise de parole, actualisée entre les individus, est réglée sous forme de contraintes, et chaque individu doit composer avec celles qui lui reviennent. Ainsi, la soumission à ce silence de convention lié à leur statut démontre que les individus jouent bien la même « pièce de théâtre » et qu’ils respectent le rôle qui leur est implicitement assigné dans l’ordre social établi.
Ainsi, l’espace type de silence occupé par un individu définira son statut. Comme son silence n’est pas choisi mais en quelque sorte imposé, de même, le statut est un trait apposé à l’individu, une convention en regard du rite qu’est la mise en scène prévue par la hiérarchie sociale. Toutefois, la pratique de chacun par rapport au silence propre à son statut et sa manière de l’utiliser dans la présentation de soi comportent quelques subtilités. Il y a diverses façons de participer à la trame du théâtre social, soit en respectant les conventions ou en s’adonnant à une forme ou une autre de manipulation.
Goffman a établi deux types distincts d’acteurs sociaux selon la forme de leurs « prestations » : ceux qui ne jouent pas consciemment, incarnant leur life role par ignorance des rouages ou par consentement, et ceux qui manipulent leur présentation et tentent de modifier leur statut par le pouvoir du masque, les conmen (Schechner, 1990, p. 28). L’espace conventionnel du silence en lien avec le statut social en jeu leur sert ici de point d’ancrage à partir duquel il leur est possible d’influencer