De Blanche-Neige à Harry Potter, des histoires pour rebondir: La résilience en questions
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À propos de ce livre électronique
Ce livre, on pourrait – ou plutôt, on devrait – le mettre entre toutes les mains. À travers l’analyse des contes de fées, sous la forme de dialogues vrais avec de jeunes ados de 13 ans, il nous fait entrer, par une porte dérobée, dans le monde des vies cassées et reconstruites. Le recours à des acteurs imaginaires donne naissance à une œuvre à la fois légère et profonde, simple et complexe, humoristique et sérieuse.
Il se révèle à ce titre un facilitateur de conscientisation, démarche essentielle pour susciter le changement en comprenant ce qui se passe chez l’enfant et l’adolescent quand il est confronté à des difficultés pour grandir et qu’il faut l’aider à rebondir. Puisse chacun être imprégné des idées fécondes qu’il contient. En alliant idéalisme et réalisme, ce voyage en résilience proposé par Bruno Humbeeck nous emmène sur un chemin plein d’espoir. En ces temps d’incertitude et de désarroi, c’est sans doute le plus beau des cadeaux à offrir aux autres et à soi-même.
Un ouvrage indispensable pour comprendre la résilience et qui sera utile tant aux adolescents qu'aux parents et aux professionnels de l’éducation !
EXTRAIT
Tout un programme… et comment se préparer à faire face à toutes ces charmantes catastrophes que tu nous annonces ?
On s’y prépare tous les jours. Qu’est-ce que tu crois qu’il apprend le petit enfant qui regarde Bambi ?
Je ne sais pas moi, l’histoire d’une petite biche, d’un faon…
Oui, mais il apprend surtout le sens tragique de l’écoulement de la vie quand elle s’emmêle trop brutalement à la mort. En une image, il est confronté brutalement aux trois sources fondamentales de l’angoisse humaine : l’incertitude, la finitude et la solitude. Nous mourrons tous, on ne sait pas quand et comment cela se produira et les gens que nous aimons mourront eux aussi… Voilà pourquoi cette scène fait autant froid dans le dos. « La mort est un définitif non-retour »…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bruno Humbeeck est docteur en psychopédagogie de l’Université de Rouen. Psychopédagogue, responsable de recherche au sein du service des sciences de la famille (Dir. W. Lahaye) et chargé de cours à l’UMons, il est actif à la fois sur le terrain et dans le domaine de la recherche. Cette double approche des questions de société contribue à rendre sa vision particulièrement convaincante. Spécialiste de la résilience, il travaille à ce titre avec Boris Cyrulnik, auteur de la préface.
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Aperçu du livre
De Blanche-Neige à Harry Potter, des histoires pour rebondir - Bruno Humbeeck
continuer.
I - LA LEÇON DE BAMBI :
REBONDIR APRÈS LE DEUIL
Tout un programme… et comment se préparer à faire face à toutes ces charmantes catastrophes que tu nous annonces ?
On s’y prépare tous les jours. Qu’est-ce que tu crois qu’il apprend le petit enfant qui regarde Bambi ?
Je ne sais pas moi, l’histoire d’une petite biche, d’un faon…
Oui, mais il apprend surtout le sens tragique de l’écoulement de la vie quand elle s’emmêle trop brutalement à la mort. En une image, il est confronté brutalement aux trois sources fondamentales de l’angoisse humaine : l’incertitude, la finitude et la solitude. Nous mourrons tous, on ne sait pas quand et comment cela se produira et les gens que nous aimons mourront eux aussi… Voilà pourquoi cette scène fait autant froid dans le dos. « La mort est un définitif non-retour »… C’est exactement cela qu’il apprend, Bambi, quand il se rend compte que sa mère ne reviendra pas et il comprend en sus que « l’amour ne protège pas de la mort » quand il prend conscience que l’on peut aimer sa maman tant que l’on veut, cela ne l’empêche pas de mourir. Voilà, convenons-en, deux fameuses leçons pour un enfant. Et là, avec Bambi, il l’apprend sans ménagement. Pan ! Un coup de fusil et puis plus rien. Un cerf glacial, son père, lui annonce avec détachement qu’il ne verra plus sa mère et qu’il devra se débrouiller seul. Après un coup pareil, mon cher Bambi, tâche de faire preuve de résilience et bon vent !
Et Bambi, il est résilient, puisqu’il s’en sort ?
Effectivement, il réussit en tout cas pleinement son affiliation, puisqu’il fonde une famille à son tour. Cette quête affective d’un enfant déprivé dans sa famille d’origine, mais qui trouve la force de rebondir pour créer sa propre famille de procréation, c’est sans doute le thème le plus important de l’œuvre de Disney.
Mais dans le cas de Bambi, on ne sait pas grand-chose de ce qui l’aide à s’en sortir. On sait qu’il parvient à faire le deuil de sa mère, mais on ne sait trop comment. Son père lui dit bien quelques mots du genre : « Bambi, sois courageux. Jamais plus tu ne reverras ta maman. Va donc voir Tantine. » Et le brave faon obéit. Il est courageux, il ne revoit plus sa maman, et il grandit à l’ombre de sa tante…
Pas contrariant le petit… Moi, Bambi, il n’y a rien à faire, ça me fait chialer : perdre sa mère, à son âge, c’est terrible. En plein hiver en plus, brrr…
Mais apprendre aux petits enfants à résister à cela, c’est une façon de leur suggérer la résilience avec comme seuls conseils : « Accepte la mort et laisse faire le temps. »
En même temps, c’est aussi peut-être mieux d’être encore petit quand ça arrive. Ça permet de savoir sans se rendre compte vraiment. Un enfant, il commence sa vie. Alors, s’il arrive à accepter ce qui s’est passé, il pourra peut-être mieux s’en sortir… Il lui reste de l’avenir, mais il n’y a rien à faire, pour moi, il vaut mieux savoir que sa mère est morte, qu’on doit se débrouiller seul… Le pire serait de se dire : « Elle va revenir ; elle va revenir… »
Le deuil s’accommode mal de l’illusion, c’est vrai. Son cheminement suppose qu’une phase de révolte et un moment de dépression laissent place, progressivement, à une forme de résignation. L’illusion ou toutes les autres formes de déni de la réalité, en masquant l’épreuve, empêche en fait le deuil de se réaliser pleinement. Ces mécanismes de défense ne sont souvent efficaces qu’à court terme. Ils font payer l’addition plus tard. C’est un peu comme si le fait de ne pas reconnaître la réalité endormait la souffrance pour la laisser ensuite agir plus sournoisement. Tapie dans l’ombre de nos souvenirs, elle peut alors ankyloser toute notre envie d’être humain. C’est sans doute pour cela qu’on parle du réalisme des enfants résilients…
Alors, le cerf glacial n’a pas eu tout à fait tort ?
Sur ce plan-là, sans doute pas… Cependant, il n’aurait rien gâché en se montrant plus humain. Sa manière de dire la réalité n’est pas en cause – les mots ne changent pas grand choses à la dureté des faits – mais il aurait pu laisser une place à la parole de l’enfant. Se confronter à la mort, c’est en même temps affronter la fin absolue et définitive, assumer le désespoir du non-retour. Il est important d’aider le petit enfant à mettre ses propres mots sur cette dure réalité. Mais c’est peut-être beaucoup demander à un cerf… Et puis, ça rappelle peut-être des souvenirs à Walt Disney…
Pourquoi ? Son père était un cerf ?
Non mais, d’après ses biographes, c’était un type instable et violent. Et comme sa mère, une dame effacée, manifestait peu de compassion pour le petit Walt et son frère Roy, il est probable que la froideur affective dont il est si souvent question dans leurs dessins animés, les deux frangins savaient ce que c’était pour l’avoir eux-mêmes éprouvée.
Au moins Bambi lui, il a eu une mère plutôt sympa… Tendre, attentionnée, protectrice, mais pas trop…
Sans doute une maman idéale pour un petit en faon. Et c’est certainement une des sources de sa résilience. Le fait d’avoir éprouvé un sentiment d’attachement sécurisant – ce que les psychologues appellent un attachement sécure – permet effectivement de mieux affronter les difficultés, de mieux préserver ses chances de développement malgré les épreuves. La confiance dans un lien d’attachement lorsqu’elle est éprouvée par le tout petit enfant, c’est comme si elle se stockait dans sa mémoire. Elle lui sert ensuite de modèle pour ses relations ultérieures et l’aide notamment à s’armer d’une confiance en lui-même suffisante pour acquérir un comportement de charme, et s’attirer des amis.
Donc, si ta mère ne t’aime pas, tu n’as aucune chance d’être résilient…
Non, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Je n’ai pas dit qu’il était indispensable d’avoir vécu un tel lien pour faire preuve de résilience, ni qu’il était impensable de devenir résilient sans l’avoir vécu. J’ai uniquement dit que cela facilitait les choses, que cela rendait la résilience plus probable. C’est la différence entre une corrélation et une causalité. Quand on dit qu’une relation est causale, on suppose un lien automatique entre les éléments qui sont reliés entre eux, et on affirme aussi que l’un est la cause de l’autre. C’est souvent imprudent de parler comme ça et on évite généralement de le faire en sciences humaines.
Dire qu’il y a une corrélation entre deux phénomènes, c’est uniquement constater qu’ils ont tendance à se présenter ensemble. On ne prétend pas que l’un est inconcevable sans l’autre et, surtout, on n’affirme rien sur la nature du lien qui unit les deux phénomènes. On dit juste que les deux caractéristiques ont tendance à se présenter plus souvent ensemble, mais on laisse entendre que, si cela se trouve, c’est peut-être dû au hasard, qu’il est possible aussi qu’on ne les observe pas ensemble, et surtout que l’un n’explique pas nécessairement l’autre.
Pour revenir à notre Bambi, il est probable que la relation chaleureuse qu’il a eue avec sa mère a facilité sa résilience, mais personne ne peut affirmer qu’il ne s’en serait pas sorti s’il ne l’avait pas vécue de cette manière. En tout cas, elle lui a permis d’apprendre ce qu’est une relation d’attachement.
Encore heureux qu’il ait eu le temps d’apprendre à aimer. Ça l’a peut-être aidé à se faire des tas de copains… Panpan, Fleur, Maître Hibou.
C’est vrai, c’est ce qu’on appelle se trouver des tuteurs de résilience.
C’est le nom savant du lapin, de la mouflette, et du hibou ?
Non, mais c’est comme cela qu’on appelle des amis sur lesquels on peut compter quand on est en grosse difficulté dans sa famille. Des amis qui nous acceptent de façon inconditionnelle. Les recherches montrent d’ailleurs qu’un environnement constitué de plusieurs attachements favorise la probabilité de résilience du petit quand la mère défaille ou disparaît. Ici aussi, les chercheurs n’ont fait que confirmer ce qui se trouvait déjà dans ce dessin animé… Enfin, dans le cas de Bambi, le rôle de ces tuteurs est surtout évident pendant la toute petite enfance du jeune Prince, lorsqu’il s’agit de l’aider à maîtriser son environnement. Après la mort de sa mère, c’est surtout sa famille élargie, Faline et sa tante, qui l’aideront à grandir, qui lui serviront de tuteurs. Et les saisons feront le reste…
La leçon de Bambi, c’est qu’on est assez solide pour se remettre d’un drame si l’on parvient à l’accepter et si on a la patience de laisser le temps faire son travail.
Oui, et c’est un peu moins difficile à surmonter si l’on bénéficie d’un contexte familial chaleureux et sécurisant, et de supports disponibles en dehors de la famille. Mais Bambi nous parle peu des caractéristiques psychologiques qu’il faut avoir pour rebondir après un drame. Tout se passe en dehors de lui. L’environnement, le temps, tout cela est important dans l’étude de la résilience, mais il y a aussi le caractère personnel, la consistance psychologique. Et là, le faon en manque un peu, il faut bien le reconnaître… Pour cela, je préfère Blanche-Neige.
II - LA LEÇON DE BLANCHE-NEIGE :
TRACES DE RÉSILIENCE EN MALTRAITANCE
Décidément, tu es branché Disney Channel aujourd’hui. N’oublie quand même pas qu’on en était à parler de traumatisme et de résilience…
C’est vrai. Mais parler de résilience et de maltraitance, cela peut se faire à partir de Walt Disney. Cendrillon et Blanche-Neige sont à la fois de fameux enfants maltraités, et de belles images de résilience. En analysant Blanche-Neige, on comprend la signification du concept de maltraitance psychologique et on intègre la notion de résilience dans presque toutes ses