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Les Temporalités: Préfacé par Tassadit Yacine-Titouh
Les Temporalités: Préfacé par Tassadit Yacine-Titouh
Les Temporalités: Préfacé par Tassadit Yacine-Titouh
Livre électronique136 pages2 heures

Les Temporalités: Préfacé par Tassadit Yacine-Titouh

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À propos de ce livre électronique

La mémoire mélange les temporalités, brouille l’ordonnancement chronologique des événements. Leur connexion instantanée écrase les distances.

Nous raisonnons par émotions, par croyances, sous le joug de nos perceptions sensées ou erronées. Comment rester lucide dans ces zones errantes, où le temps n’existe pas, à évoluer dans des lieux inattendus, des époques datées, futuristes ou imaginaires ?

Un récit qui interroge l’actualité politique, sociétale, culturelle de notre époque. Les personnages sont ubuesques, shakespeariens, désincarnés. Tous sont habités par la poésie et portés par un vent sec qui pousse l’horizon et produit des étés chauds, des hivers doux ou pluvieux, lesquels remontent depuis des millénaires vers la Kabylie, à partir d’Alger, pour atteindre les cimes du Djurdjura.


Un roman à l’écriture dense, sauvage, orgasmique, parsemée d’incises géographiques, historiques et spirituelles.


À PROPOS DE L'AUTEUR
LangueFrançais
ÉditeurLibre2Lire
Date de sortie4 juil. 2022
ISBN9782381572697
Les Temporalités: Préfacé par Tassadit Yacine-Titouh

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    Aperçu du livre

    Les Temporalités - Yvan Tetelbom

    Préface

    Le juste fleurira comme un palmier

    Ivan est sorti tout droit de la légende… celle des Slaves ; peut-être d’ailleurs, de ces vastes contrées d’Europe centrale… Mais, pour moi, Yvan ce nom peu familier, je l’avais pourtant entendu pour la première fois à Oran, en Algérie, c’est un pseudonyme porté par un syndicaliste, communiste, qui avait apporté cette légende, d’ailleurs pour se l’approprier et la plaquer sur la sienne, celle de son pays et de ses ancêtres…

    En ces années premières d’indépendance, il fallait appartenir à tout prix à la grande famille révolutionnaire, pas seulement dans sa branche algérienne mais celle de la grande URSS. Beaucoup y croyait et Ivan Ivanovitch¹ encore plus que les autres…

    Dans les années 80, j’ai rencontré Yvon², à Paris, un historien, philosophe, sociologue spécialiste de l’autogestion, qui n’a rien à voir avec Yvan (celui qui fait l’objet de ce texte) me direz-vous… Mais, cela n’est qu’apparence, car derrière ’Yvon, il y a encore un nœud que j’ai perçu sans pourtant me l’expliquer et encore moins analyser.  Au bout d’un certain temps, je découvris qu’il n’était pas sans lien avec les deux prénoms dont il s’agit plus haut. Yvon cache bien son histoire, il cache son jeu.

    Bien plus tard, j’apprends en fait qu’Yvon était en réalité un masque ; un prénom français, un double à peine déformé, à une lettre près, de son véritable prénom :  Yvan. Yvan, l’occitan, comme Yvan, l’auteur de ce livre, est lui aussi une légende, une culture et une mémoire d’un monde dominé. Pour exister, continuer parmi les autres, il fallait devenir comme eux, il fallait être eux… Il fallait se transformer au moins au niveau des apparences, du son : Yvan ne sonnait pas bien aux oreilles des gens venus du nord, ceux qui prônaient hégémonie culturelle : unifier la langue, les prénoms. Le père d’Yvan Bourdet ne changea pas son prénom mais seulement une voyelle, il a troqué un a contre un o. C’est ainsi qu’Yvan est devenu Yvon.

    Yvan, auteur de ce livre a donc des liens avec ces deux personnes même si son histoire est bien singulière, elle est encore plus compliquée, plus longue car elle nous ramène à la Grande Histoire, celle que nous ne connaissons plus parce qu’elle est trop éloignée de nous, ou bien parce qu’elle est complexe. Si son prénom est légende son nom est Histoire, celle de l’histoire de l’humanité, celle des religions du Livre.

    Il s’appelle Tetelbom qui vient de Teitelbaum, (son nom d’origine, hélas modifié par les officiers de l’état civil en exercice au XIXème siècle), un nom juif ashkénaze, qui signifie l’homme à la datte³.

    Yvan est donc un homme, un poète enraciné dans l’Histoire, dans son histoire, familiale, embourbée dans le conflit algéro-français ; elle est tellement importante qu’il ne sait plus par quel bout la prendre. Tel un enfant avec un puzzle, colle des morceaux, les ajuste, pour les recomposer et trouver un sens, une issue… Il perd son lecteur dans sa quête, car il y a un trop plein d’histoires… C’est lourd pour ses frêles épaules… mais ce n’est pas fini. Yvan, venu tout droit (C’est ce qu’on dit en tout cas) d’Europe Centrale, il est donc Tetelbom (Teitelbaum), en plus kabyle, algérien, puis français et, maintenant ? Que lui reste-il de cet héritage ? de ces fils entremêlés de ses différentes « lignages » ?

    Ce qu’il recherche avant tout, c’est l’avant dernière, ou la dernière version de son histoire personnelle et collective. Elle n’est pas éloignée dans le temps, c’est peut-être aussi pour cela que la blessure est encore vive. On se perd dans l’océan de ses identités multiples, de ses histoires complexes, douloureuses. À l’homme « moderne » (si la modernité signifie encore quelque chose), une identité suffit. Pourquoi s’encombrer de cette filiation surchargée, pleine de maux, de blessures ?

    Mais Yvan ne veut pas oublier, il s’accroche à son histoire, à ses ancêtres kabyles. C’est après tout là, à Azeffoun (Port Gueydon) que la barque, à l’instar de Noé a peut-être jeté l’ancre… Elle y a déposé un Teteilbaum (Teteibaum 1er) avec un plant d’olivier et un autre de figuier.

    Le patriarche Teteilbaum a fait des enfants, puis des petits enfants, il a construit une vie, fondé une filiation.

    De père en fils jusqu’à Yvan. Yvan est né là avec ses « frères », il a joué, il a attrapé des étoiles et la lune à pleine main sur les collines d’Azeffoun (Port Gueydon), il a nagé dans la Mer Méditerranée. Mais, il savait qu’il était arrivé une bonne fois pour toutes, il a trouvé sa place, son pays, sa culture, il ne voulait plus partir. Un jour, Teitelbaum 1er, le patriarche, lui murmura :  il ne faut pas traverser la mer :  ailleurs, il fait froid, le ciel gris et les nuages, bas… Partir, c’est mourir !

    Yvan savait tout cela d’intuition, il est accroché telle une moule à son rocher, car cette terre est la sienne, ces hommes, ses frères…. Il a rêvé avec eux, chanté, dansé avec les musiques de la langue… Yvan est poète, il a perdu la langue mais a conservé les mélodies. Il a perdu l’Algérie et la Kabylie mais il les a enserrées pour l’éternité au fond de son cœur et au creux de sa mémoire. Il écrit des livres, il les remplit à craquer d’histoires, de légendes, de héros ; car il veut remplir un vide, celle de la perte, il trace et retrace les repères, dans l’espoir de retrouver le chemin du retour ; il clame son identité kabyle, il veut qu’on l’entende, qu’on le reconnaisse. Il est le frère de Djaout, de Mammeri, Féraoun, Pellégri, Jean Sénac et tous ceux (et celles) qui, comme lui, aiment cette terre amoureusement, sensuellement, qui sont morts pour elle. Sans elle, la vie n’a pas de saveur. Incompris des hommes d’ici-bas, Yvan, finit par s’adresser aux esprits de l’au-delà… Peut-être comprendront-ils sa quête… son histoire, celle d’un homme sincère qui recherche sa terre ! Celle du juste qui fera fleurir l’arbre de vérités, celle d’Ivan Noé.

    Tassadit Yacine

    Tassadit Yacine-Titouh, née le 14 novembre 1949, à Metchik est une anthropologue algérienne spécialiste du monde Berbère. Directeure d’études à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS) et membre du laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France. Elle dirige également la revue d’études berbères Awal (« la parole »), fondée en 1985 à Paris avec l’anthropologue algérien Mouloud Mammeri et le soutien du sociologue Pierre Bourdieu. On lui doit de nombreux ouvrages sur le monde berbère.

    L’EMBARRAS

    « Je me sentais à l’aise dans la tempête de la vie. Un peu de calme eut été plus sain, mais impossible. »

    Paul Klee, Journal, 1957

    Je sens une main sur mon épaule. Je me retourne. 

    Je me frotte les yeux, tout ébloui par la lumière vive des projecteurs. Je découvre, surpris, que je suis dans un théâtre. Il est archiplein. Les spectateurs applaudissent à tout rompre. J’ai dans la tête cette dernière tirade, probablement prononcée par un acteur : « Je ne saurais jurer que cela soit ou ne soit pas réel ».

    Je me retrouve dehors, il fait froid et humide. Je remonte le col de mon manteau. On me pousse sur le siège arrière d’une BMW.

    CHAMBRE 19

    « Ils parlaient tous à la fois, et leurs voix insistantes, contradictoires, impatientes, rendaient l’irréel possible. »

    William Faulkner, Le Bruit et la Fureur, 1929

    Paris. Il est presque minuit. La BMW roule à vive allure depuis la place Colette, en direction de la rue de Richelieu, serre à droite sur l’avenue de l’Opéra, vire à gauche sur la rue Casanova, contourne la place de la Madeleine. Celle-ci est noire de monde. Je demande au chauffeur où il va. Il me dit que Johnny Halliday est mort et qu’on lui rend hommage. Ce n’est pas ce que je voulais entendre. Le véhicule s’engage sur la rue de Laborde, continue sur le boulevard Haussmann, bifurque à gauche sur la rue Lord Byron. 

    Je ne comprends pas ce qu’il se passe. J’ai l’impression qu’on m’a injecté, à mon insu, une substance narcotique. Je dévisage les passagers qui m’accompagnent. Je ne les connais pas. Je ne les ai jamais vus. Je me frotte les yeux. Qui est cette femme d’âge mûr qui m’observe avec de grands yeux suaves ? Elle se colle à moi et m’appelle « mon chéri ». À ses côtés, se tient une jeune femme toute guillerette. Il y a aussi un jeune homme très excité, au verbe haut. Ils m’appellent « papa ». C’est incompréhensible !

    Le taxi pile devant un restaurant, encastré dans un immeuble à l’architecture Arts Déco. Un homme, l’air sévère, nous attend sur le seuil. Il regarde sa montre. J’en déduis que c’est le patron et que nous sommes en retard.

    Un serveur nous installe en fond de salle. Il est de petite taille, il a la peau basanée, un corps trapu, des cheveux crépus, un faciès de proxénète. Il se dirige vers les cuisines et revient avec quatre coupes de champagne. Sous l’effet de l’alcool, je ris bêtement. D’ailleurs, tout le monde s’esclaffe.

    J’ai les bras chargés de cadeaux. Je défais l’emballage du premier paquet, d’une main maladroite. La femme de mon âge m’embrasse goulûment sur la bouche lorsque j’extirpe un oiseau miniature en bois. Sur son socle est inscrit, gravée en lettres blanches, la citation : « Va lui dire que je l’aime ». Je pense que ça vient d’elle. Les autres me regardent tendrement lorsque je me saisis du roman « L’Art de perdre » d’Alice Zeniter, puis d’un cahier

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