Ammalat-Beg: un roman d'Alexandre Dumas sur la révolte des Tchétchènes contre les Russes
Par Alexandre Dumas
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Alexandre Dumas
Frequently imitated but rarely surpassed, Dumas is one of the best known French writers and a master of ripping yarns full of fearless heroes, poisonous ladies and swashbuckling adventurers. his other novels include The Three Musketeers and The Man in the Iron Mask, which have sold millions of copies and been made into countless TV and film adaptions.
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Aperçu du livre
Ammalat-Beg - Alexandre Dumas
Sommaire
Avant-propos
Première partie
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Deuxième partie
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Épilogue
Avant-propos
Un mot sur la façon dont l’histoire que l’on va lire est tombée entre mes mains.
J’étais à Derbend, la ville aux portes de fer, chez le commandant de la forteresse, où nous déjeunions. La conversation tomba sur le romancier Marlynsky, lequel n’est autre que le Bestucheff, condamné aux mines, en Sibérie, pour la conspiration de 1825, et dont le frère fut pendu à la citadelle de Saint-Pétesbourg, avec Pestel, Mouravieff, Kalkovsky et Ryléief.
Gracié de ses travaux des mines en 1827, Bestucheff avait été fait soldat et envoyé à l’armée du Caucase. Brave et se jetant en désespéré au milieu de tous les dangers, il avait bientôt reconquis le grade d’enseigne, et c’est avec ce grade qu’il habita pendant une année la forteresse de Derbend.
On verra, dans mon Voyage au Caucase, quelle nouvelle catastrophe lui fit prendre en dégoût la vie, et comment, dans une rencontre avec les Lesghiens, il se fit tuer par eux d’une mort aussi volontaire qu’un suicide.
Au nombre des papiers qu’il laissa dans sa chambre, au moment de sa mort, se trouvait un manuscrit. Ce manuscrit avait été lu, depuis, par différentes personnes, et, entre autres, par la fille du commandant actuel, qui m’en parla comme d’une nouvelle pleine d’intérêt. Sur sa recommandation, je la fis traduire, et, trouvant comme elle, non seulement un grand intérêt, mais encore une couleur locale très remarquable dans ce petit roman, je résolus de le publier.
Je le pris, en conséquence, des mains de mon traducteur ; je le récrivis pour le rendre compréhensible à des lecteurs français, et, tel qu’il était, sans y rien changer, je le publie, convaincu qu’il produira sur les autres le même effet qu’il a produit sur moi.
C’est en outre, un curieux tableau de la guerre, telle qu’elle se fait entre les Russes, ces représentants de la civilisation du Nord, et les sauvages et féroces habitants du Caucase.
ALEX. DUMAS
Tiflis, le 22 octobre 1858.
Première partie
I
Sois lent à l’offense et prompt à la vengeance.
(Inscription gravée sur les poignards du Daghestan.)
C’était un vendredi.
Près de Bouinaky, grand village du Daghestan du Nord, la jeunesse tatare s’était réunie pour une course de chevaux, accompagnée de toutes les expériences que la hardiesse et le courage peuvent ajouter à une fête de cette espèce.
Donnons une idée du splendide paysage où la scène se passe.
Bouinaky s’élève sur les deux saillies d’une montagne escarpée et domine les environs. À gauche du chemin qui va de Derbend à Tarky, se dessine la crête du Caucase, couverte de forêts ; à droite, le rivage sur lequel vient se briser la mer Caspienne, avec un éternel murmure ou plutôt une éternelle lamentation.
Le jour tombait.
Les habitants du village, attirés par la fraîcheur de l’air plus encore que par la curiosité d’un spectacle qui se répète trop souvent pour ne pas leur être familier, avaient quitté leurs cabanes, avaient descendu la pente de leur montagne, et étaient venus se réunir par rangs aux deux côtés de la route.
Les femmes, sans voile, avec leurs mouchoirs de soie au vives couleurs roulés en turban sur leur tête, avec leurs longues robes de soie serrées à la taille par leurs courtes tuniques, avec leurs larges pantalons de kanaaus, s’étaient assises en files, tandis que les enfants couraient autour d’elles.
Quant aux hommes, réunis en cercles, ils se tenaient debout ou accroupis à la manière turque. Les vieillards fumaient le tabac de Perse dans leurs pipes tchétchènes. Un bruit de gaieté s’élevait audessus de tout cela, et au milieu de ce bruit continu retentissait de temps en temps celui du froissement des fers d’un cheval sur les cailloux de la route, et le cri Katch ! katch ! (place ! place !) poussé par les cavaliers qui se préparaient à la course.
Le nature du Daghestan est splendide au mois de mai ; des milliers de roses couvrent le granit d’une teinte aussi fraîche que le lever de l’aurore : l’air est embaumé de leurs émanations ; les rossignols ne cessent pas de chanter au milieu des verts crépuscules des bocages. De joyeux troupeaux de moutons, enjolivés de taches orangées que les bergers, pleins de coquetterie pour eux, leur font avec la même matière dont les maîtres se teignent les ongles des pieds et des mains, c’est-à-dire avec du hennah, bondissent sur les rochers. Les buffles, plongés dans les marais, où ils s’ébattent voluptueusement, regardent le voyageur qui passe, avec leurs grands yeux profonds, qui sembleraient menaçants s’ils n’étaient rêveurs. Les steppes sont couverts de bruyères de toutes couleurs. Chaque flot de la Caspienne étincelle comme l’écaille d’un gigantesque poisson. Enfin, quelque chose de cette séduction de l’air, du ciel, de l’atmosphère qui a soufflé aux Grecs cette inspiration instinctive et divinatrice, que c’était là que le monde était né, et que le Caucase était son berceau, se respire à chaque haleine, et, tout en vivifiant le corps, réjouit le cœur.
Telle était l’impression qu’indigène ou étranger eût ressentie en approchant du village de Bouinaky, pendant ce joyeux vendredi où vont prendre naissance les événements que nous allons essayer de raconter.
Donc, le soleil dorait les sombres murs des cabanes aux toits plats, dont les ombres prenaient plus de puissance et de vigueur au fur et à mesure qu’il se retirait. Au loin, on entendait crier les plaintives arabas, dont on distinguait la longue file à travers les pierres tatares, dressées comme des fantômes dans le cimetière, et, en avant de leur bruyante procession, galopait un cavalier soulevant sur la route un nuage de poussière.
Le crête neigeuse des montagnes, et, du côté opposé, la mer calme, donnaient à ce tableau une grande magnificence.
On sentait vivre la création de sa plus chaude et de sa plus ardente vie.
– C’est lui ! c’est lui ! il vient ! le voilà ! cria la foule à la vue de cette poussière et du cavalier qu’elle dérobait encore aux regards, mais qu’on devinait déjà.
À ces cris, il se fit un grand mouvement dans la foule.
Les cavaliers qui, jusque-là, étaient restés debout, causant avec leurs connaissances et la bride au bras, sautèrent sur leurs chevaux ; ceux qui galopaient à droite et à gauche, sans ordre et selon leur caprice, se réunirent, et tous coururent à la rencontre de ce cavalier et de sa suite.
C’est que ce cavalier était Ammalat-Beg, neveu du chamkal Tarkovsky.
Il portait une tchouska noire, de forme persane, garnie de ces élégants galons dont les fabricants du Caucase ont seuls le secret ; les manches, pendantes à moitié, étaient rejetées à leurs extrémités sur son épaule. Son arkalouk de tarmelama était serré à la taille par un châle turc ; ses pantalons rouges se perdaient dans des bottes jaunes à hauts talons ; son fusil, son poignard et ses pistolets étaient montés en argent damasquiné d’or ; la poignée de son sabre était garnie de pierres précieuses. Joignez à cela que l’héritier du chamkal Tarkovsky avait vingt-quatre ans, était beau, bien fait, d’une physionomie ouverte ; ajoutez que de longues boucles de cheveux noirs descendaient de son papak sur son cou, que de petites moustaches d’ébène, qui semblaient dessinées au pinceau, ornaient ses lèvres, que ses yeux brillaient d’une bonté fière, qu’il montait un coursier noir qui s’emportait à tout moment, qu’il était assis sur une légère selle circassienne brodée d’argent, que ses pieds reposaient sur des étriers d’acier noir du Khorassan damasquinés d’or, que vingt noukers en tchouskas brodées galopaient autour de lui sur de splendides chevaux, et vous vous expliquerez l’effet produit par l’arrivée d’un jeune prince au milieu de cette population, chez laquelle la richesse, la grâce, la beauté, les dons extérieurs enfin que verse le ciel d’Orient sur ses élus, ont tant d’influence suprême et d’irrésistible entraînement.
Les hommes se levèrent et le saluèrent en s’inclinant, la main appuyée sur le cœur.
Un murmure de joie, d’estime et surtout d’admiration se fit entendre parmi les femmes.
Arrivé au milieu de toute cette population, Ammalat-Beg s’arrêta.
Les vieillards, appuyés sur leurs bâtons, et les principaux habitants de Bouinaky l’entourèrent, espérant que le jeune beg leur adresserait la parole ; mais le jeune beg ne les regarda même pas.
Seulement, il fit un signe de la main pour que l’on commençât la course.
Une vingtaine de cavaliers se mirent alors à galoper sans ordre, chacun s’efforçant de devancer son voisin.
Puis tous prirent ces espèces de javelots que l’on appelle des djérids, et, en galopant, se les lancèrent les uns aux autres.
Les plus habiles les ramassaient sans mettre pied à terre, et en se laissant glisser sous le ventre de leurs chevaux.
Les moins habiles, en voulant les imiter, roulaient sur la poussière, au milieu des éclats de rire des assistants.
Le tir commença.
Pendant tout le temps qu’avait duré la course, Ammalat-Beg y était resté étranger ; mais ses noukers, les uns après les autres, s’étaient laissé entraîner et s’étaient mêlés aux concurrents.
Deux seulement étaient demeurés près du prince.
Mais, à mesure que les courses s’animaient, que le bruit des coups de feu retentissait, que la fumée de la poudre mêlait à l’atmosphère son âcre odeur, la froideur du jeune chamkal semblait se fondre. Il commença d’encourager les combattants de la voix, de les animer en se dressant sur les étriers, et, lorsque son nouker bienaimé manqua, avec la balle de son fusil, le papak qu’il avait jeté en l’air et devant lui, il ne sut pas se contenir plus longtemps, prit son fusil et se jeta au grand galop au milieu des tireurs.
– Place à Ammalat-Beg ! cria-t-on de tous côtés.
Et chacun s’écarta aussi vite que si l’on eût crié : « Place à la trombe ! place à l’ouragan ! »
Sur la distance d’une verste, on avait placé dix bâtons, chacun surmonté d’un papak.
Ammalat-Beg mit son cheval au galop, les dépassa depuis le premier jusqu’au dernier, en tenant son fusil élevé au-dessus de sa tête ; puis, lorsqu’il eut dépassé le dernier, il se retourna, et, se dressant sur ses étriers, il fit feu sans s’arrêter.
Le papak tomba.
Alors, toujours galopant, il rechargea son fusil, revint sur ses pas, reprenant au retour la route qu’il avait suivie en venant, abattit le second papak de la même manière, et ainsi de suite jusqu’au dernier des dix.
Cette preuve d’adresse, dix fois répétée, souleva des applaudissements universels.
Ammalat-Beg ne s’arrêta point ; une fois lancé, son orgueil devait obtenir un triomphe complet. Il jeta son fusil loin de lui, prit son pistolet, se retourna sur sa selle de manière à galoper à l’envers, et, au moment où le cheval, en galopant, levait les deux pieds de derrière, il lâcha le coup et le déferra du pied droit ; puis, rechargeant son pistolet, il en fit autant du pied gauche.
Ce furent des cris d’admiration.
Alors, il prit de nouveau son fusil, et ordonna à un de ses noukers de galoper devant lui.
Tous deux partirent, rapides comme la pensée.
Au milieu de la course, le nouker prit un rouble d’argent et le jeta en l’air.
Ammalat-Beg porta son fusil à son épaule ; mais, en ce moment, son cheval fit un faux pas, s’abattit et roula en labourant la poussière du chemin avec sa tête.
Un seul cri se fit entendre : il était sorti à la fois de toutes les poitrines.
Mais l’habile cavalier resta debout sur ses étriers, ne bougea pas plus que si rien n’était arrivé, et, au moment où ses deux pieds touchaient la terre, il lâcha le coup.
Le rouble, enlevé par la balle, alla retomber bien au-delà du cercle du peuple.
La foule, ivre de joie, poussait des hourras frénétiques.
Mais Ammalat-Beg, calme et en apparence impassible, dégagea vivement ses pieds des étriers, fit relever son cheval et en jeta la bride au bras d’un de ses noukers, pour qu’il le fit ferrer à l’instant même.
La course et le tir continuèrent.
En ce moment s’approcha d’Ammalat-Beg son frère de lait, Sophyr-Ali, fils d’un pauvre beg de Bouinaky.
C’était un beau jeune homme, simple et joyeux ; il avait été élevé et avait grandi avec Ammalat. Il existait entre eux la même familiarité qu’il y eût eu entre deux frères.
Il sauta à bas de son cheval, le salua, et dit :
– Le nouker Mohammed fatigue ton vieux cheval Amtrim, en voulant lui faire sauter un ravin qui a plus de quinze pieds de large.
– Et Amtrim ne le saute pas ? s’écria Ammalat-Beg avec impatience et en fronçant le sourcil. Qu’on me l’amène à l’instant.
Il alla au-devant du cheval, fit signe au nouker d’en descendre, sauta en selle, et conduisit Amtrim droit au fossé pour le lui faire voir.
Puis, revenant sur ses pas, il prit du champ, et le mit au galop dans la direction du ravin.
Plus il approchait, plus il le serrait des jambes et le soutenait de la bride.
Mais Amtrim, ne comptant pas sur ses forces, se déroba à droite par un rapide écart.
Ammalat-Beg reprit du champ et repartit au galop une seconde fois.
Cette seconde fois, Amtrim, pressé par le fouet, se dressa sur ses pieds de derrière comme s’il allait sauter.
Mais, au lieu d’accomplir le mouvement commencé, il tourna sur ses pieds de derrière comme sur un pivot, et se déroba une seconde fois.
Ammalat-Beg devint furieux.
Inutilement Sophyr-Ali le pria-t-il de ne point forcer la pauvre bête, qui avait glorieusement perdu ses forces dans les combats et les courses : Ammalat n’écoutait rien, et, tirant sa schaska du fourreau, il le força de reprendre un troisième élan, l’excitant cette fois non plus avec le fouet, mais avec la lame du sabre.
Mais rien n’y fit : cette fois, comme les deux autres, le cheval s’arrêta au bord du fossé.
Seulement, cette fois, Ammalat-Beg donna au pauvre Amtrimk un tel coup de la poignée de sa schaska entre les deux oreilles, que le cheval s’abattit comme un bœuf frappé de la massue.
Ammalat-Beg l’avait tué roide.
– Voilà la récompense d’un serviteur fidèle ! dit Sophyr-Ali avec un soupir et en regardant tristement l’animal mort.
– Non, mais la punition de sa désobéissance, répliqua Ammalat-Beg avec colère.
Sophyr-Ali se tut.
Les cavaliers continuaient de galoper.
Tout à coup, on entendit le roulement des tambours, et l’on vit briller derrière les montagnes l’extrémité des baïonnettes russes qui grandissaient peu à peu.
C’était une compagnie du régiment de Kousinsk qui revenait d’escorter un transport de blé parti de Derbend, et qui faisait retour.
Le capitaine, commandant cette compagnie, et un autre officier, marchaient à quelques pas en avant de la troupe.
Pensant qu’il était temps de leur donner un peu de repos, le capitaine fit faire halte à ses soldats.
Ceux-ci posèrent leurs fusils en faisceaux, laissèrent près des faisceaux une sentinelle, et s’étendirent sur le gazon.
L’arrivée d’un détachement russe n’était pas une nouveauté pour les habitants de Bouinaky, en 1819 ; mais, même aujourd’hui, une pareille apparition n’est jamais chose bien agréable aux hommes du Daghestan. Leur religion leur fait regarder les Russes comme des ennemis éternels, et, s’ils leur sourient parfois, c’est en cachant leurs vrais sentiments sous ce sourire ; et ces vrais sentiments, c’est une haine acharnée et mortelle.
Un murmure passa dans la foule, lorsqu’elle vit les Russes faire halte sur son champ de courses. Les femmes regagnèrent leurs maisons, non toutefois sans jeter, par l’ouverture de leur voile, un coup d’œil sur les nouveaux venus ; les hommes, au contraire, les regardèrent de côté, en se rassemblant en rond pour parler à voix basse.
Mais les vieillards, plus prudents, s’approchèrent du capitaine et s’informèrent de sa santé.
– Quant à moi, cela va bien,