Les trois complotistes
Par Yves Danbakli
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Yves Danbakli, auteur de plusieurs ouvrages, dont Une étude en blanc, a lancé une série de courtes enquêtes policières inspirées du célèbre duo Sherlock Holmes et le Docteur John Watson. Son dernier roman, "Les trois complotistes", s’inscrit dans la continuité de cette série, offrant aux lecteurs une suite logique à l’intrigue captivante.
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Aperçu du livre
Les trois complotistes - Yves Danbakli
Chapitre 1
Une énigme à résoudre
J’ai dîné seul aux Artistes, en tête-à-tête avec moi-même. J’avais besoin de réfléchir. Cadre familial, cuisine française authentique annonce la publicité du restaurant. Pas faux, mais un peu bruyant. Cet établissement de la rue Falguière est l’une des bonnes adresses du 15e arrondissement de Paris. Son boudin aux pommes reste un classique du genre. Quant à son vin maison… hum… joliment corsé.
J’ai pris le temps de déguster mon repas. Oh, juste ce qu’il faut pour ne pas me sentir le ventre lourd après cela. Je ne suis pourtant pas content de moi. Une belle tranche de bœuf eût été plus raisonnable que des cochonnailles. Sans surprise, mon traumatisme permanent au genou gauche, qui n’apprécie guère les menus trop gras, me tiraille de nouveau.
Tant pis ! Car, côté moral, le mien est d’acier. Aucun état d’âme, aucune pensée sombre, aucune contrariété. J’ai mis à profit ce moment de solitude pour mettre de l’ordre dans mes idées, peser et analyser ce qui s’est passé aujourd’hui, pronostiquer ce qui adviendrait demain.
Je suis rentré à pied, au rythme lent de ma claudication. Fort heureusement, l’immeuble végétal du boulevard Pasteur dans lequel je crèche n’est pas éloigné des Artistes ; une centaine de mètres tout au plus. Mon appartement est situé au cinquième et dernier étage avec une vue imprenable sur les parties hautes de la tour Eiffel. De tempérament placide et calme, j’ai déposé lentement mon makila, une canne-épée basque sur laquelle je m’appuie en marchant, dans le porte-parapluie, accroché ma veste en cuir et mon chapeau style « Indiana Jones » – Indy pour les intimes – au porte-manteau, puis je me suis servi une bonne rasade d’armagnac dans un verre ballon.
Ma soirée d’écrivain, même si ce mot est exagéré en ce qui me concerne, pouvait commencer…
Que le lecteur n’aille pas m’imaginer en vieux monsieur croulant sous le poids des ans. Pas du tout ! Je suis un solide trentenaire, un grand gaillard aux larges épaules, mais dont le genou a été durablement endommagé par une mauvaise chute de ski, ce qui ne m’empêche nullement de fréquenter les salles de sport.
Il est vingt-deux heures. Me voici installé devant mon écran, face à la baie vitrée de ma salle de séjour. Nuages et crachin meublent cette nuit humide, ambiance idéale pour celui qui va se mettre au travail. Je m’octroie quelques minutes de concentration. Respiration, expiration… une mise en situation façon « zen » pour déclencher l’inspiration.
Cette journée de lundi qui s’achève est surprenante, et l’envie de coucher cela sur le papier me vient aussitôt. Enfin, façon de parler… les écrivains se penchent davantage de nos jours sur claviers et écrans que sur plumiers et cahiers. Écrivain est du reste, comme je l’ai déjà dit, un bien grand mot. Je ne fais que relater ici la chronologie des évènements qui se suivent dans les affaires que mène ce détective financier, Scott Hamilton, croisé au café du coin il y a juste une semaine de cela.
Chronographe, voilà donc ce que je suis, consignant aussi fidèlement que possible les aventures de cet Écossais qui joue au chérif dans le Far West du 15e arrondissement parisien, un gars qui, sans en avoir sa prestance, ressemble quelque peu à Clint Eastwood dans sa jeunesse.
Le cas Deschamps/Dervichi que j’ai baptisé « Une étude en blanc »1 fut la première affaire de ce « justicier du 15e » ; une suite de péripéties rocambolesques qui a abouti à un dénouement honorable pour tous. Pour moi, François de Beauregard, nobliau savoyard perdu dans la jungle parisienne, ce fut l’occasion de jouer au chevalier – ce qui correspond en vérité à mon grade de noblesse HA HA HA ! – sans peur et sans reproche, volant au secours d’une gente dame nommée Colette Deschamps…
Mais voici qu’« Une étude en blanc » à peine terminée, une deuxième et nouvelle aventure s’annonce. Mes doigts survolent les touches du clavier. Je compose les mots et les phrases avec fébrilité. Tout a débuté au café Buffon, ce matin même, pour s’achever en fin de journée sur une note troublante, un message aux relents équivoques que le détective-justicier m’adressa par SMS : Mon cher François, je pense qu’il nous faut agir avec prudence. Ces gens qui ont accompagné votre ami, ces trois hommes… ils ne sont peut-être pas ceux qu’ils paraissent être…
Reprenons depuis le début. Huit heures sonnaient au clocher de Saint Jean-Baptiste de la Salle, l’église de notre quartier, quand je retrouvai Scott au Buffon, à notre table habituelle, collée à la baie vitrée côté rue de Vaugirard. Une première surprise nous y attendait. Elle vint de cette petite Chinoise qui avait pour habitude de prendre son café au comptoir central. Elle avait décidé de se joindre à nous. Prenant sa tasse, elle s’installa à notre table sans même nous demander notre avis.
Elle nous expliqua que, de sa place habituelle, elle avait écouté quelques bribes de nos discussions. Certains mots ne lui avaient pas échappé. Détective, finance, affaires… Cela l’avait intriguée, tout comme notre allure, Hihihi ! avoua-t-elle en émettant à nouveau son petit rire de connivence. Puis elle déclara avec une franchise désarmante qu’elle aimait les yeux bleus de Scott, son accent écossais, sa barbe rousse bien taillée, et qu’elle adorait ma stature d’Hercule, ma claudication et mon chapeau à la Indiana Jones.
Li avait rejoint notre tablée. Je ne m’en plaignais pas. Un minois exquis, cette petite Chinoise. Toujours souriante, la mine avenante, mais une langue française plus qu’approximative et dénuée d’article –, on ne quitte pas facilement l’empire du Milieu…
Nous discutâmes de tout et de rien. Li est patronne du Blue Buoi, un restaurant situé boulevard de Vaugirard. Elle nous expliqua ce que serait sa matinée. Une tournée d’inspection du personnel, de la disposition du mobilier, de la propreté… Tout devait être impeccable, de la salle de restauration jusqu’aux cuisines, en passant par les toilettes.
Le brouhaha sympathique des clients du Buffon, la présence singulière et impromptue de cette petite Li… Je dois avouer que l’ambiance qui régnait ce lundi matin au café me parut charmante. La salle était suffisamment chauffée. Dehors, la grisaille régnait accompagnée d’une pluie froide et entêtante. De la tempête de neige que nous avions subie la semaine précédente, des amas blanc sale persistaient ici et là, mais les voies étaient dégagées.
Dégustant silencieusement ses œufs au bacon, Scott écoutait notre nouvelle compagne de tablée d’une oreille distraite, ou pas du tout d’ailleurs. Essuyant son assiette d’une mie de pain, je le vis glisser une main dans sa serviette au cuir râpé pour en sortir une feuille A4. S’excusant d’interrompre la petite Chinoise, il me tendit le document en me priant d’y jeter un coup d’œil. Je parcourus les premières lignes. Il s’agissait d’un courriel adressé au très pompeux Financial Bureau of Investigation (FBI), le cabinet fondé très récemment par