Anna et le mystère de la mine oubliée
Par David Bessenay
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Journaliste spécialisé dans l’agriculture et la ruralité depuis deux décennies et historien de formation, David Bessenay est également un écrivain talentueux. Il partage son amour pour le terroir et l’histoire à travers une diversité d’œuvres : essais, romans, récits, scénarios de bande dessinée et documentaires. Destiné à un public de tous âges, "Anna et le mystère de la mine oubliée" rend hommage à l’immigration italienne du début du XX siècle.
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Aperçu du livre
Anna et le mystère de la mine oubliée - David Bessenay
Chapitre 1
Saint-Martin, fin de l’été 1920
Le mois de septembre s’égrenait lentement. L’école n’avait pas encore rouvert son grand portail blanc et les enfants de Saint-Martin profitaient de ces derniers jours de vacances pour jouer au bord des ruisseaux ou à l’ombre des châtaigneraies. La lueur du jour se prolongeait encore longtemps après le souper, permettant quelques escapades épiques au milieu des champs, des bois et des vignes ou bien dans les ruelles et places du petit bourg. Le village était un immense terrain de jeux et les rires facétieux des enfants accompagnaient l’approche du crépuscule.
Le petit Antoine était installé à Saint-Martin, où son père exerçait le métier de facteur, seulement depuis le début de l’été. Il lui en voulait beaucoup de provoquer des déménagements réguliers, de le contraindre à se sentir un étranger partout, de ne pas lui laisser le temps de devenir un véritable autochtone.
Antoine s’accrochait à sa nouvelle amie, Anna, la seule à être venue lui parler spontanément, comme à une bouée de sauvetage dans ce monde peuplé d’inconnus particulièrement moqueurs et intolérants avec ceux qui n’étaient pas nés ici.
Il la suivait dans ses bouffées d’inventivité, de jeux toujours plus divertissants les uns que les autres. Elle avait l’imagination qui lui manquait et le courage qui lui faisait défaut. Elle n’avait jamais peur de rien, surtout pas des interdictions, et elle ne craignait pas de se faire gronder par les adultes.
Au loin, les cloches de l’église tintinnabulaient leur rappel à l’ordre ; il serait bientôt temps de rentrer à la maison et d’aller dormir. Alors Anna voulait profiter de ces derniers moments de liberté.
Antoine arriva à hauteur de sa copine. Il reprit sa respiration, les mains sur les genoux.
Le manque d’air l’empêcha de finir sa phrase. Anna lui accordait une amitié aigre-douce, le provoquait sans cesse jusqu’à le faire craquer, mais il avait du mal à lui en vouloir. Avec la casquette de son père qui lui tombait sur les yeux et cachait ses cheveux blonds frisés, elle ne ressemblait à aucune autre petite fille. Antoine ne savait pas mettre de mots sur l’émotion qui le traversait quand il était en sa compagnie, il savait juste qu’il se sentait bien en sa présence, plus vivant que jamais.
Anna lui accorda quelques secondes de répit, et pendant qu’Antoine récupérait, elle sortit de sa poche un lance-pierres de sa fabrication : pas très esthétique, mais robuste d’apparence. Elle se pencha pour ramasser trois cailloux, choisit celui aux formes les plus régulières, le plus poli et rejeta les deux autres. Elle plaça l’élu dans l’élastique, le pinça avec l’aide de son pouce et de son index, monta ses bras à hauteur de son regard, ferma un œil et visa. La feuille du noyer fut percée d’un coup sec en plein centre.
Antoine eut un regard admiratif, mais il blêmit quand Anna lui tendit l’outil. À vrai dire, il n’avait encore jamais tiré avec un lance-pierres.
Il prit le manche, ramassa un caillou. La feuille de noyer à 20 pas de distance, lui parut une cible si petite, si difficile à atteindre, qu’il se mit en quête d’une autre, plus accessible. Quand il eut enfin trouvé ce qu’il cherchait, il arma son lance-pierres et essaya de prendre la même posture que sa copine.
Derrière ses lunettes, il tentait de viser, dessinant sans le savoir un rictus complètement disgracieux sur son visage qui fit émettre un petit sourire narquois à sa camarade.
Au moment de lâcher l’élastique, il ferma les yeux comme pour remettre dans les mains du destin le sort de son caillou, et s’autorisa même une incantation intérieure, mais il sentit soudain son coude se dérober.
Anna venait de le faire bouger volontairement, pile au moment fatidique. Il n’eut même pas le temps de se plaindre, Anna cria.
Le volatile quitta son piquet d’un battement d’ailes sans comprendre qu’il avait été l’enjeu d’un concours des plus sérieux entre les deux enfants.
Le caillou, dévié de sa trajectoire par le coup donné par Anna dans le coude de son compère, termina sa course sur une grappe de raisins bien juteuse dans la vigne d’à côté.
Les deux vignerons, occupés à donner les derniers coups de cisailles à la fraîcheur du soir, juste avant la récolte, sortirent de leurs gonds. Ils se mirent à courir en direction des enfants agitant leurs casquettes d’une main comme pour éloigner cette volée de garnements.
Anna et Antoine n’entendirent pas exactement le contenu des remontrances, ils avaient déjà pris les jambes à leur cou, sans chercher à demander leur reste. Ils couraient bien trop vite pour les vignerons à sabots, qui continuaient de vociférer, tout essoufflés.
Tout en s’enfuyant, Anna et Antoine s’invectivaient.
Ils se retournèrent et purent constater avec soulagement que les vignerons avaient stoppé leur chasse. Ils terminèrent le chemin en marchant, jusqu’à l’entrée du bourg. La lumière du jour commençait à faiblir, il était tard.
Antoine en avait assez pour aujourd’hui, il savait qu’il risquait fort de se faire gronder en rentrant à la maison et il entendait déjà les reproches de son père sur ses « mauvaises fréquentations ». Il faut dire qu’Anna traînait une réputation d’effrontée. Et ses origines italiennes, par son père, n’arrangeaient rien.
Antoine prit la direction de sa maison, mais sa copine le rattrapa par la manche.
Ils s’avancèrent dans une venelle sombre, Antoine, peu rassuré, un pas derrière Anna. La Cour des Miracles était le quartier le plus pauvre du bourg. Les masures étaient faites de bric et de broc et les habitants vivaient en marge de la bonne société villageoise. On ne s’approchait guère de ce quartier malfamé et insalubre, c’était une recommandation que les parents adressaient à leurs enfants dès leur plus jeune âge, comme si la pauvreté était contagieuse.
Ils débouchèrent à pas de loups dans une sorte de cour intérieure entourée de trois maisonnettes chancelantes. Un chat de gouttière décoiffé, dérangé par ces étrangers durant le festin qu’il s’accordait dans une poubelle débordante, émit un miaulement réprobateur qui fit sursauter Antoine.
Il accéléra son pas pour quitter au plus tôt ce lugubre endroit.
Anna s’approcha doucement d’une fenêtre de rez-de-chaussée ouverte. C’était celle du cordonnier du village. Les deux enfants jetèrent un œil à l’intérieur. L’artisan travaillait encore à la lumière de la bougie, tournant le dos à la fenêtre.
Antoine, interloqué, ouvrit de grands yeux ronds : Anna était en train de sortir son lance-pierres de sa poche et de ramasser un caillou au sol !
Anna ne l’écoutait plus, elle n’en faisait toujours qu’à sa tête de toute façon. Elle se releva discrètement pour s’ouvrir un angle de tir et visa un outil accroché au mur du cordonnier, au-dessus de sa tête. Bing ! En plein dans le mille ! Le caillou heurta la lame du tranchet. Le cordonnier quitta les yeux de la chaussure qu’il raccommodait et fronça les sourcils sous ses lorgnons. Il avait un visage émacié assez inquiétant, surmonté de sourcils touffus et d’un front dégarni duquel dépassaient quelques fines mèches désordonnées.
Il regarda à gauche, à droite, puis retourna à son travail qui réclamait la plus grande attention. Un deuxième caillou rebondit, Anna était décidément très habile. L’artisan chercha plus attentivement, se