Langue(s), territoire(s) et identité(s): L'identité sociolinguistique des Kabyles
Par Nadir Issaadi
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À propos de ce livre électronique
Comment les locuteurs kabyles vivent-ils la diversité linguistique de leur région? Dans quelle mesure les discours épilinguistiques (discours tenus sur les langues) de nos informateurs produisent-ils une hiérarchisation des langues et des espaces dans le contexte kabyle? Quelle attitude adoptent-ils et comment réagissent-ils face à cette hiérarchisation sociolinguistique et à la relation langue/dominance dans leur imaginaire sociolinguistique? A quel point les discours épilinguistiques de nos informateurs énoncent-ils le statut et la légitimité d'emploi du kabyle comparativement aux autres systèmes linguistiques (il s'agit dans ce cas de l'arabe et du français) posés en complémentarité ou en concurrence?
Nous verrons en quoi les discours épilinguistiques de nos informateurs leur permettent de poser et de décliner leur identité sociale par une appropriation ou un rejet de ce qui est dit sur leur langue et leur territoire. Nous entendons par territoire non seulement la Kabylie en tant qu'entité géographique mais aussi en tant qu'espace linguistique et social. En effet, nous verrons comment se produisent l'appropriation symbolique de l'espace et le marquage sociolinguistique du territoire kabyle par le biais des représentations de nos informateurs. L'objectif de ce travail est de mener une réflexion théorique sur la question de l'articulation entre l'identité, le langage, l'espace et les représentations sociolinguistiques.
Nadir Issaadi
Nadir ISSAADI est sociolinguiste de formation. Docteur en sciences du langage de l'Université Jean Moulin Lyon 3 et chercheur associé au Centre d'Etudes des Langues, Territoires et Identités Culturelles- Bretagne et Langues Minoritaires (CELTIC-BLM), il mène des recherches sur les problématiques linguistiques, identitaires et sociologiques dans le contexte berbère et kabyle d'une part et s'intéresse aux langues/identités minorées et minoritaires dans le monde d'autre part.
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Aperçu du livre
Langue(s), territoire(s) et identité(s) - Nadir Issaadi
« C’est par notre langue que nous existons : cette langue transmise par ma mère est mon âme. C’est grâce à elle que je me suis construit. Cette langue porte des valeurs sûres. Des valeurs morales très profondes comme la dignité, l’honneur, la rigueur, tout ce qui a fait notre peuple au cours des siècles ».
MATOUB Lounès, chanteur kabyle assassiné en Kabylie le 25 juin 1998.
À la mémoire de mon père
À ma mère
Remerciements
Je tiens ici à exprimer ma profonde gratitude à tous les membres de ma famille pour leur soutien indéfectible (surtout moral) dans les moments les plus difficiles. Cette source de motivation supplémentaire m’a permis de mener mes enquêtes dans de meilleures conditions. Leurs encouragements sont certainement pour beaucoup dans la finalisation de ce travail.
Je remercie particulièrement M. Hacène HIRECHE d’avoir accepté de préfacer cet ouvrage scientifique. Je joins à ces remerciements tous mes amis et mes proches, sans citer de noms, de peur d’en oublier, et tous ceux et toutes celles, qui ont contribué, de près ou de loin, à l’élaboration de ce travail de recherche. Que soient remerciées toutes les personnes qui, en acceptant de répondre si gentiment à mes questionnaires, m’ont permis de réaliser mes enquêtes. J’associe également l’ensemble des personnes qui m’ont accompagné de près : Brahim SAÏS pour son dessin, Natacha ABERKANE-GAUTHIER et Ahmed JABAN pour leurs précieux conseils et leurs orientations de qualité.
Je tiens à rendre un grand hommage à ma compagne de tous les instants (mon épouse) et à mes enfants : Aksel et Stina.
Préface de Hacène HIRECHE
En cette période des années 2000 adonnée au débat politique et culturel polémiste, violent ou, ce qui revient au même, abreuvé d’idéologie, il est, à l’évidence, utile de rappeler certaines constantes anthropologiques, historiques et sociolinguistiques qui caractérisent l’Algérie et plus particulièrement « La Kabylie en tant qu’entité géographique mais aussi en tant qu’espace linguistique et social ». C’est ce que fait, avec pertinence, Nadir ISSAADI, dans cet ouvrage scientifique fort documenté que vous, lecteurs, tenez entre les mains.
L’auteur est un universitaire compétent, reconnu mais aussi un acteur de la cause amazighe. Aussi, les problématiques culturelles, linguistiques et psychosociologiques qui taraudent son environnement ne l’ont jamais laissé indifférent. Après les avoir abordées de façon plus ou moins passionnelle dans son parcours militant, Nadir ISSAADI s’y est penché en tant que chercheur avec toute la distance nécessaire que ce statut exige de lui. Pour y arriver, et il est arrivé, Nadir ISSAADI a investi le terrain en prenant en compte des réalités contradictoires qui s’y jouent et « En s’appuyant sur un corpus issu de différentes zones linguistiques de la région de Kabylie [dans] une enquête sociolinguistique sur une situation variée ».
Cela dit, étant inclus voire impliqué, dans l’objet de son étude, le travail du chercheur incorpore immanquablement, sous la forme de représentations, de perceptions ou d’appréciations, les structures politiques de l’ordre politique, linguistique et scolaire dont il est à la fois récipiendaire et victime. Que l’incorporation de ces schèmes interprétatifs soient a priori positive ou négative, là n’est pas le sujet. Le fait est que penser la hiérarchie des langues, analyser les conflits qui s’y jouent, peut conduire l’auteur à recourir à des modes de pensées eux-mêmes issus de la hiérarchie de ces langues comme dans le principe du boomerang.
En somme, le chercheur est lui-même le produit de son terrain de recherche. Cependant, docteur ISSAADI s’en sort très bien et arrive à échapper au « piège karpmanien », c’est-à-dire un triangle qui aurait pu le conduire à un mode victimaire. La « quadrature de ce fameux triangle » ne l’enferme pas du tout. Nadir ISSAADI, universitaire éclairé, le contourne brillamment parce qu’il a trouvé des voies méthodologiques, théoriques et pratiques « Pour effectuer une objectivation du sujet de l’objectivation scientifique » pour reprendre l’expression de Pierre BOURDIEU.
Avec intelligence, prudence et modestie, Nadir ISSAADI nous met en garde lui-même à propos des pièges tendus par les sciences sociales aux chercheurs qui s’y aventurent pour analyser leur propre environnement. Il nous dit avec raison que « La sociolinguistique nous a appris que conclure à partir d’enquêtes épilinguistiques constituait un risque scientifique. En effet, les résultats commentés ne sont que l’aboutissement d’un parcours de recherche, d’une démarche méthodologique et d’une méthode d’analyse qui restent toujours ouverts à la critique et à la relativité. Ainsi, il est important de concevoir que les travaux portant sur les représentations sont à placer dans le contexte
de recueil des données sociolinguistiques ».
Le docteur Nadir ISSAADI nous démontre explicitement ou en filigrane, à travers des enquêtes minutieuses, que les sentiments d’appartenance et les émotions qui en découlent ne sont pas des états absolus. Ce ne sont pas des paramètres transposables d’un individu à un autre, d’un groupe social à un autre. Ce ne sont pas non plus des données physiologiques que le cerveau, les tripes ou le cœur/foie détiendraient par nature (Foie : Tasa étant chez les Kabyles le réceptacle des émotions et des liens filiaux).
L’universitaire nous montre que ces sentiments d’appartenance liés aux différentes facettes de l’identité, sont d’abord des liens sociaux, des relations intergroupes et des rapports de forces en présence et en constante évolution.
Les sujets interrogés ressentent affectivement leurs expériences subjectives à travers des répertoires linguistiques, culturels, religieux, environnementaux différenciés. Chaque règle de la grammaire identitaire des individus ou des groupes concernés par l’enquête est mise en rapport avec le contexte local et avec les enjeux politiques ou sociaux qui s’y tissent. Nadir ISSAADI rappelle que « La Kabylie, comme toute société, n’est pas figée mais est, au contraire, en constante évolution et transformation. Nous avons bâti notre travail sur les représentations qu’ont les Kabyles d’eux-mêmes d’une part et de leur rapport au monde extérieur d’autre part ».
Le registre identitaire en Kabylie est souvent un champ affectif dû pour l’essentiel au sentiment de domination que vit la société face aux pouvoirs successifs souvent répressifs. Pour cerner ce phénomène au plus près possible, Nadir ISSAADI, en chercheur averti, prend en compte les registres aussi bien pratiques (métissage des langues, territoires…) que symboliques (JSK, personnages historiques, pureté ou non du champ lexical…) des personnes interrogées.
Les connaissances théoriques et les conclusions qui surgissent du travail d’ISSAADI ne peuvent être exhaustives. Il l’écrit lui-même : « Par ailleurs, il est important de signaler que le sujet traité dans le cadre de notre enquête est tellement important et complexe qu’il nous est difficile de prétendre en cerner tous les axes de recherche et tous les contours ». Cela dit, ses travaux ne seront sûrement pas sans impacts dans la pratique, et particulièrement dans les stratégies culturelles, linguistiques et identitaires susceptibles de transformer (en faveur de la langue kabyle aujourd’hui minorée), l’état actuel des rapports de force politiques et symboliques entre les langues voire entre leurs groupes locuteurs respectifs dont la hiérarchie sociale en dépend souvent. Dit autrement, le travail théorique de notre chercheur, ajouté à d’autres, pourrait (devrait ?) déboucher sur des initiatives pratiques tant à l’échelle régionale que nationale pour peu que cet ouvrage soit mis à la disposition des étudiants, des acteurs associatifs et des responsables politiques.
Le présent travail de Nadir ISSAADI, docteur en sciences du langage, mérite, en effet, toute l’attention aussi bien du monde universitaire, scolaire et associatif que celui des pouvoirs publics algériens. Il s’inscrit, à mon sens, dans le sillage des réflexions menées sur et dans le mouvement berbère depuis les années 1980 et dans celui de la longue marche amazighe depuis au moins l’émergence de la République du Rif des années 1920. Le mouvement, ostensible ou en sourdine, sous des formes constamment renouvelées, pose, à la fois directement (par ses actions concrètes) et indirectement (par les discours et les projets politiques qu’il produit) un certain nombre de questions existentielles. Celles-ci déterminent et détermineront toujours plus l’avenir de la Kabylie et avec elle celui de l’Algérie et de l’Afrique du Nord toute entière. Avec modestie et érudition, cet ouvrage nous invite à ouvrir des perspectives ou des pistes de solutions pour réduire voire résoudre les conflits linguistiques du pays. Prenons-les en compte pour en débattre.
Paris, le 15 avril 2023
Hacène HIRECHE
Système de transcription
Nous nous sommes basés sur les graphies courantes (les caractères latins) pour la transcription des mots berbères. Afin de ne pas trop dérouter les lecteurs non familiarisés avec les domaines berbère ou arabe, nous donnons la convention suivante pour la lecture des transcriptions :
Les autres consonnes sont notées comme en français : b, d, f, g, k, l, m, n.
Abréviations
Table des matières
REMERCIEMENTS
PREFACE DE HACENE HIRECHE
SYSTEME DE TRANSCRIPTION
ABREVIATIONS
TABLE DES MATIERES
LA KABYLIE SUR LA CARTE
INTRODUCTION
1) CHAPITRE 1. CADRE CONCEPTUEL ET PARCOURS METHODOLOGIQUE
1.1 Pourquoi le choix de ce sujet ?
1.2 Éléments de problématisation et méthodologie de recherche : terrain de recherche et protocole d’enquête
1.3 Le questionnaire comme outil de recherche : argumentation et discussion du choix méthodologique
1.4 Le questionnaire : modèle de l’enquête
2) CHAPITRE 2. DISCOURS SUR LES LANGUES ET RESULTATS DES QUESTIONS PORTANT SUR LES LANGUES : ANALYSE ET DISCUSSION
2.1 Considérations méthodologiques, typologie discursive et profil sociolinguistique des enquêtés
2.2 Que parle-t-on en Kabylie ? Le locuteur kabyle face au métissage linguistique
2.3 Discours épilinguistique et représentations sociolinguistiques en Kabylie
2.4 Interprétation des résultats, analyse et discussion : discours glottopolitique, rapport de dominance, hégémonie et minoration sociolinguistique
2.5 Résultats des questions à échelles d’attitudes portant sur les langues
3) CHAPITRE 3. DISCOURS SUR L’IDENTITE ET RESULTATS DES QUESTIONS PORTANT SUR L’IDENTITE : ANALYSE ET DISCUSSION
3.1 Discours sur l’identité
3.2 Résultats des questions à échelles d’attitudes portant sur l’identité
3.3 La JSK entre discours identitaire et football : de l’ancrage territorial en Kabylie à la reterritorialisation de l’espace symbolique berbère
3.4 Langue, identité et stéréotype : le sentiment d’appartenance kabyle entre affirmation et revendication : « Les Kabyles sont des gens fiers, révoltés et rebelles »
4) CHAPITRE 4. DISCOURS SUR L’ESPACE ET RESULTATS DES QUESTIONS PORTANT SUR L’ESPACE : ANALYSE ET DISCUSSION
4.1 Discours sur l’espace et résultats des questions portant sur l’espace
4.2 Interprétation des résultats, analyse et discussion : identité sociolinguistique et marquage symbolique du territoire
4.3 De nouvelles identités en question : vers la (re)construction d’une identité transnationale berbère ?
4.4 Perspectives sociolinguistiques d’avenir :
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES FIGURES
La Kabylie sur la carte
Distribution des groupes berbérophones
(la Kabylie est en rouge sur la carte)
Source : YACINE T, ROQUE M.-A, GHAKI M, CHAFIK M. (2010). Les Amazighs aujourd’hui : la culture berbère. Paris
Éditions PUBLISUD.
Introduction
La pertinence des travaux de recherche portant sur le mélange des langues, les identités régionales et les régions n’est plus à démontrer. Pourtant, nous savons que ce domaine d’études apparaît bien tardivement en France. Le jacobinisme français¹ ayant comme fondement principal l’ignorance totale et volontaire des autres idiomes de France depuis deux siècles n’y est sans doute pas étranger. En tâchant de faire le point sur les enjeux théoriques liés à l’appréhension du contact des langues, et en s’appuyant sur un corpus issu de différentes zones linguistiques de la région de Kabylie², notre travail de recherche présente une enquête sociolinguistique sur une situation variée.
Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une recherche sur les représentations des langues en contact et de l’identité dans le contexte sociolinguistique kabyle. Il s’agit ici d’établir une analyse sociolinguistique sur les représentations et les attitudes de sujets issus d’une région qui constitue parfaitement, à nos yeux, un terrain éclairant pour l’étude d’une problématique telle que la nôtre. Autrement dit, nous verrons en quoi notre enquête de terrain nous permettra de confronter le discours des enquêtés à leurs pratiques sociolinguistiques et à leur univers de référence. Ainsi, nous espérons pouvoir rechercher systématiquement les positionnements subjectifs des sujets face aux différentes langues auxquelles ils sont confrontés quotidiennement. Notre objectif est d’illustrer la relation entre les pratiques langagières et leurs représentations par l’analyse du discours de nos informateurs.
À l’aide de l’enquête sociolinguistique que nous avons menée, nous entendons détecter les attitudes de nos informateurs à travers leurs discours sur les langues en présence, sur eux-mêmes et sur leurs rapports avec ces langues. Nous ne devons pas perdre de vue, en effet, comme l’écrit Philippe BLANCHET que « Faire de la sociolinguistique, c’est faire de la linguistique autrement en considérant que toute approche du phénomène de langues est nécessairement socio-ethno-contexto etc., en situation globale, et s’appuie donc sur les discours proférés³ ».
Ainsi, notre problématique porte sur trois axes discursifs que nous pensons être complémentaires et non concurrentiels :
1- Discours sur la/les langue(s) : Comment les locuteurs kabyles vivent-ils cette situation de diversité linguistique ? Comment se placent-ils face à la pluralité linguistique et la dynamique langagière qui marquent leur quotidien ? Que pensent-ils de leur(s) langue(s) ? Quelle perception ont-ils du phénomène de contact des langues dans le contexte sociolinguistique kabyle ? Tout en prenant en considération les représentations subjectives de nos sujets, nous tenterons de savoir dans quelle mesure le kabyle est imprégné par d’autres langues. Comment nos informateurs vivent-ils la pression linguistique qu’exercent les autres langues sur le kabyle ? Quelle attitude adoptent-ils et comment réagissent-ils face à la hiérarchisation sociolinguistique et à la relation langue/dominance dans le contexte kabyle ? Dans quelle mesure les discours épilinguistiques (discours sur les langues) de nos informateurs énoncent-ils le statut et la légitimité d’emploi du kabyle comparativement aux autres systèmes linguistiques (il s’agit dans ce cas de l’arabe et du français) posés en complémentarité ou en concurrence ?
2- Discours sur l’identité (sociolinguistique) : Nous verrons dans quelle mesure les discours épilinguistiques de nos informateurs leur permettent de poser et de décliner leur identité sociale par une appropriation ou un rejet de ce qui est dit de leur langue et sur leur territoire. Ainsi, nous allons d’abord observer et décrire les stratégies que nos sujets vont mettre en place vis-à-vis des langues qui ont marqué, ou marquent toujours, l’espace sociolinguistique kabyle. Conjointement, nous allons tenter d’expliquer en quoi les discours épilinguistiques revêtent souvent un cachet problématique, dans la mesure où ils sont en étroite corrélation avec la question fondamentale de l’identité kabyle dans ses rapports à l’Autre, proches ou lointains. Autrement dit, nous verrons en quoi le kabyle constitue une langue de culture et d’identité.
La question de l’identité sociale – comme nous le verrons dans notre travail – est complexe et intègre des dimensions multiples à différents niveaux : représentations, mémoire, émotion, action linguistique, culture, valeurs, idéologies, etc. Cette complexité se traduit à travers le langage et les mots, qui deviennent les puissants outils de la construction de l’identité sociolinguistique du sujet. Les phénomènes de construction et de recomposition identitaire sont au centre de nouvelles investigations en psychologie sociale. L’objectif de notre travail est de mener une réflexion théorique sur la question de l’articulation entre l’identité, le langage, l’espace et les représentations. Ce travail est fondé sur les discours que nos sujets nous ont confiés à propos de ce que représente, pour eux, le fait d’être Kabyle. C’est pourquoi nous sommes allés sur le terrain rencontrer des Kabyles ordinaires, des hommes et des femmes, des intellectuels et des paysans, des citadins et des villageois, des jeunes et des personnes âgées qui font la Kabylie d’aujourd’hui.
Nous allons présenter de nouvelles perspectives sur la question de l’identité sociolinguistique kabyle, des représentations sociales et du langage.
3- Discours sur le territoire (l’espace) : Nous entendons par territoire, dans notre contexte, la Kabylie en tant qu’entité géographique mais aussi en tant qu’espace « linguistique » et « social⁴ ». En effet, nous verrons comment se produisent l’appropriation symbolique de l’espace et le marquage sociolinguistique du territoire kabyle par le biais des représentations de nos informateurs. Dans quelle mesure les discours épilinguistiques de nos informateurs produisent-ils une hiérarchisation des langues et des espaces dans le contexte kabyle ?
Aussi allons-nous savoir à travers notre enquête ce que disent les Kabyles des lieux où l’on parle kabyle, des circonstances dans lesquelles ils le parlent, avec qui, pourquoi et comment, etc. Ainsi, pour réaliser notre enquête sociolinguistique, nous avons opté pour un public que nous pensons être au cœur d’un contexte de « rencontre de langues ». Nous n’allons pas consacrer l’intégralité de ce travail à l’étude linguistique et à l’analyse interne du kabyle, sujet auquel de nombreux travaux ont déjà été consacrés. Nous allons plutôt accorder une attention particulière aux images en usage en Kabylie telles qu’elles émergent à partir du discours – implicite ou explicite – de nos sujets, autrement dit, nous intéresser à leurs représentations et attitudes sociolinguistiques. Enfin, notre travail tentera de répondre à une question beaucoup plus globale qui rencontrera les trois axes de notre problématique : Comment associer, voire concilier, d’une part, la pluralité (diversité) des identités sociolinguistiques régionales et le discours dominant/officiel ? Ce discours officiel, dans sa vision jacobine, énonce la nécessité identitaire pour être algérien d’abandonner, de rejeter, de dénigrer et de folkloriser toute autre façon de parler et toute autre langue que la langue nationale, l’arabe classique dans ce cas.
Nous nous sommes fixés comme double objectif de permettre une vision à la fois globale et approfondie des pratiques linguistiques régionales dans leur contexte culturel, et des motivations/significations identitaires qui y sont décelables, et d’insister sur la complémentarité dynamique du plurilinguisme régional. Le tout articule les langues en présence et met en relief les phénomènes de contact, de métissage et de pluralité en Kabylie. Pour répondre à la problématique de notre travail de recherche, nous partons avec l’hypothèse selon laquelle tout locuteur est apte à s’approprier et à hiérarchiser les territoires (les espaces dans leur acception sociolinguistique) en fonction des façons de parler (réelles ou stéréotypées) attribuées à lui-même ou à autrui pour donner un sens à sa propre identité. Dans quelle mesure cette hypothèse est-elle vérifiable dans le contexte kabyle ?
Ce travail sera constitué de quatre chapitres. Le premier constitue un cadre conceptuel et méthodologique qui justifie le choix de notre sujet abordé pour des raisons intrinsèques (personnelles) et extrinsèques (scientifiques). Nous présenterons notre terrain d’étude et notre protocole d’enquête.
Nous avons tenu à analyser certains concepts tels que la sociolinguistique et les représentations sociales/sociolinguistiques, afin d’assurer une meilleure compréhension de notre objet de recherche, ce qui nous amènera à démontrer pourquoi la sociolinguistique constitue l’approche de notre travail. Enfin, nous présenterons notre échantillon ainsi que le questionnaire (modèle de l’enquête) qui ont servi à mener notre enquête de terrain. Le deuxième chapitre représente le dépouillement des résultats de l’enquête. Il s’agit ici de mettre toutes les réponses de nos sujets sur le logiciel informatique Excel et de les transformer en histogrammes pour une meilleure lisibilité. Cela consiste à donner une interprétation des réponses de quatre-vingt-quatre informateurs issus de différentes zones linguistiques de Kabylie sous une forme simplifiée. Dans ce deuxième chapitre, nous nous appuierons sur les résultats des questions relatives aux langues pour pouvoir ensuite établir une discussion et une analyse sociolinguistique axées sur le discours proféré par nos répondants sur leurs langues.
Certains concepts tels que le discours glottopolitique, le rapport de dominance, l’hégémonie et la minoration sociolinguistique seront étudiés selon leur acception sociolinguistique pour comprendre le système fonctionnel des rapports de dominance linguistique dans le contexte sociolinguistique kabyle. Le troisième chapitre portera sur le discours sur l’identité. Nous y exposerons également les résultats des questions relatives à l’identité (de la même manière que celles concernant les langues) et organiserons notre réflexion sur l’étude des stratégies et enjeux identitaires qui découleront du discours de nos informateurs. Le quatrième et dernier chapitre de notre enquête sera consacré aux résultats des questions portant sur l’espace, à l’analyse de l’appropriation symbolique de l’espace et du marquage sociolinguistique du territoire ainsi qu’à la hiérarchisation des langues et des espaces et à la territorialisation sociale des identités. Nous présenterons enfin des perspectives d’avenir sur la question linguistique de l’Algérie et de la Kabylie en insistant sur la complémentarité des langues, qui devra primer sur leur conflictualité. Nous conclurons ce dernier chapitre par une proposition d’approche sociolinguistique qui résumera les grands axes de recherche de notre travail avec le modèle « LEDIR ».
¹ Pour comprendre les principaux traits de l’idéologie linguistique française, Cf. ELOY, J-M, BLOT, D, CARCASSONE, M, LANDRECIES, J. (2003). Français, picard, immigration : une enquête épilinguistique. Paris, L’Harmattan, p. 36.
2 La Kabylie est une région berbérophone qui se situe dans le Nord de l’Algérie, plus précisément à l’Est d’Alger. C’est un ensemble régional accidenté qui se caractérise par une vie paysanne, avec des villages groupés en moyenne altitude (sur les crêtes) et en haute altitude (les montagnes du Djurdjura). Les deux principales parties de la Kabylie sont représentées par la Petite et la Grande Kabylie, termes hérités de la période coloniale. La Kabylie couvre les wilayas (départements) de Tizi-Ouzou, Bejaïa, une partie de Bouira, Bordj Bou-Arreridj, Boumerdès, Sétif et, en pays arabophone, une partie de la wilaya de Jijel. Les deux capitales de la Kabylie sont Tizi-Ouzou et Bejaïa.
³ BLANCHET, P (1998). « Évolutions récentes des théories linguistiques ». Dans MAQUAIRE, M (coord) : Vers la maîtrise des discours, quelle approche de la langue au collège ? Collection Lettres Ouvertes, Coordination de Rennes, CRDP de Bretagne, p. 17.
⁴ Il est bon de rappeler que la géographie sociale étudie l’espace en tant que donnée sociale qui, comprend l’ensemble des relations complexes entre les sociétés et les territoires. Son objectif est à la fois la compréhension et l’analyse des interactions qui lient le social et le spatial. Sur ce point, Cf. BULOT, T et VECHAMBRE, V. (2006). « Sociolinguistique urbaine et géographie sociale : articuler l’hétérogénéité des langues et la hiérarchisation des espaces ». Dans SECHET, R et VESCAHMBRE, V (Dir) : Penser et faire la géographie sociale : contribution à une épistémologie de la géographie sociale. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 305. Cf. CHEVALIER, S et CHAUVIRE, C. (2010). « Espace social et position ». Dans CHEVALIER, S et CHAUVIRE, C (Dir) : Dictionnaire Bourdieu. Paris, Éditions Ellipses, p. 64.
1) Chapitre 1. Cadre conceptuel et parcours méthodologique
Ce chapitre sera réservé à l’explication des raisons qui ont motivé ce travail de recherche. Nous expliquerons la méthodologie adoptée dans le cadre de cette enquête et le terrain investi pour la constitution de notre corpus d’étude. Notre sujet sera conceptualisé et contextualisé puisque nous situerons notre problématique dans son approche sociolinguistique dans un premier temps et nous définirons les représentations sociolinguistiques dans un second temps. Enfin, nous expliquerons le choix méthodologique (enquête par questionnaire) et nous présenterons le questionnaire (modèle de l’enquête) ayant servi à explorer notre terrain d’étude.
1.1 Pourquoi le choix de ce sujet ?
Avant d’expliquer le choix méthodologique pour lequel nous avons opté pour mener à bien notre travail, il nous semble important d’expliquer quelles sont les motivations de ce sujet de recherche. Ainsi, le choix s’explique par des raisons intrinsèques (personnelles) et extrinsèques (scientifiques).
1.1.1 Les raisons intrinsèques (personnelles)
Il faut souligner que je suis né de parents kabyles, en Kabylie, où j’ai grandi. De plus, j’ai vécu de près les différentes revendications berbères de la fin des années 90. Je fus directement concerné par le boycott scolaire de 1994/1995, communément appelé en Algérie « l’année