Abel et Caïn: Exégèse et iconographie
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À propos de ce livre électronique
L'exégèse et la légende proposent des réponses divergentes selon les traditions juives, chrétiennes et islamiques.
Les artistes inventent des marqueurs symboliques qui influencent la compréhension du drame biblique.
Ce livre présente une vaste iconographie de 223 images commentées à l'éclairage de la riche glose qu'a inspirée l'entrée du crime et de la violence dans le monde.
Une interprétation inédite du meurtre de Caïn par Lamech est proposée ainsi qu'une introduction au traitement de l'histoire d'Abel et Caïn dans la littérature, au cinéma et dans la musique.
Christophe Stener
Christophe Stener, auteur de plusieurs livres d'histoire de l'art associant exégèse biblique et histoire générale, notamment sur le Livre d'Esther, DREYFUS et Judas Iscariot, enseigne à l'Université Catholique de l'Ouest.
En savoir plus sur Christophe Stener
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Aperçu du livre
Abel et Caïn - Christophe Stener
Table des matières
Introduction
Un mythe universel
Une anthropologie de la violence
Un fratricide et un parricide
Dieu n’a pas à justifier sa préférence
Liberté de l’homme face au péché
Une exaltation de la vie pastorale
Jérusalem contre Babylone
Primauté du cadet sur l’ainé
Le Dieu biblique face à la violence
Un Dieu injuste ou incompréhensible ?
Un meurtre marqué du péché originel
Caïn, plus coupable qu’Adam
Caïn sous l’emprise d’Eve ?
Une saga familiale
Les non-dits délibérés du récit
La flèche de Lamech
Abel et Caïn, un mythe fondateur
Nous sommes tous des enfants de Caïn !
L’image pieuse au service de la glose
Influence du midrash sur l’art chrétien
L’art « braconne » le drame biblique
Etude antérieures
Avertissement
Résumé de l’intrigue en images
Onomastique
Abel ,
Caïn
Interprétations allégoriques
Le chaos
Le fils de la vengeance
La Tour de Babel
Civitas dei, civitas terrena
Vanité des vanités
Chronologie
Généalogie adamique
Partie I
Exégèse en images, vers par vers
Introduction
v. 1-2 Naissance de Caïn puis d’Abel
v. 1 « Adâm pénètre Hava, sa femme » (Chouraqui)
Date de naissance des deux frères
Sexualité d’Adam et Ève
Sexualité pré ou postlapsaire ?
Caïn et Abel expulsés du Paradis avec leurs parents ?
Caïn, né du serpent
Caïn, fils du péché originel
Droit d’ainesse, droit caïnique
Abel et Caïn, des jumeaux ?
Le conflit entre deux frères jumeaux, un topos de la mythologie antique
Evoquée par les écrits intertestamentaires
Envisagée par la glose rabbinique
Rejetée, majoritairement, par la glose chrétienne
Jacob et Esaü, l’autre fratricide
Nés du même ventre mais contraires
Imagerie pieuse
v. 1b « J’ai acquis un homme … »
v. 1b « … avec l’aide de Dieu »
Caïn, seul
Variantes des traductions
Glose hébraïque
Glose chrétienne
Psychanalyse
Une figure anticipée de l’Annonciation selon Luc ?
Imagerie de la naissance de Caïn
v.2a « Elle enfanta encore son frère Abel »
La première famille
Les sœurs jumelles d’Abel et Caïn
Maternité d’Ève et maternité de Marie
Posture d’Ève portant ses enfants
Bonheur champêtre
v. 2b Abel fut berger de petit bétail, et Caïn cultivait le sol
L’agriculture première occupation de l’homme
L’agriculture, une occupation adamique
L’agriculture violente la terre selon Josèphe
Métaphore civilisationnelle
Abel, le ‘bon pasteur’
Iconographie
Caractère d’Abel et Caïn
v.3-5a L’offrande faite par Abel et Caïn à Yahvé
Traductions
Datation de l’offrande
Une oblation à la demande d’Adam
Exégèse
« Les mâles sont au SEIGNEUR ! »
Philon d’Alexandrie
Interprétation chrétienne
Iconographie de la préférence divine
Art paléochrétien (IVe s.)
Art roman
Il tomba un feu céleste
Raison de la préférence de Dieu pour l’offrande d’Abel
Un Dieu arbitraire ?
Des fruits arrachés à la terre
Caïn, une offrande médiocre
La traduction orientée de la Septante
Philon d’Alexandrie (25 av. J.-C.- 45 ap. J.-C.)
Midrash Tanhouma-Yelammedenu (500-800)
Procope de Gaza (VIe s.)
Pirqé de rabbi Eliézer (VIII-IXe s.)
Mystères médiévaux anglais
Caïn dans la lune avec ses fagots d’épines
Iconographie de Caïn philotos
Caïn offre un bien mal acquis
Abel, seul empli de dévotion
La trace d’une rivalité cultuelle
Dieu n’a pas à justifier sa préférence
Interprétation psychanalytique
Marqueurs iconographiques de la préférence divine
L’autel de Caïn ne flambe pas
Le feu de Dieu
La fumée du sacrifice
La dextre divine bénit Abel et se détourne de Caïn
Abel en oraison, Caïn droit sur ses jambes
L’agneau d’Abel, métaphore de l’agnus dei
Métaphore civilisationnelle
L’autel de l’offrande, métaphore eucharistique
v. 5b-7 Mise en garde de Yahvé à Caïn
v. 5b-6 « … et son visage fut abattu » Le face-à-face de Caïn avec Dieu
« Le péché est tapi à ta porte »
« A ta porte… »
L’homme face au péché
Le jour du jugement
Eve, encore Eve
v.7 « Si tu agis bien, ne recevras-tu pas [mon agrément] ? Mais sinon, aussitôt le péché se présentera aux portes mais le désir de le [commettre] te sera soumis et tu le domineras » (BJ)
v.8a « Cependant Caïn s'adressa à son frère » mais que dit Caïn à Abel ?
v.8b « Quand ils furent aux champs… »
Raisons du meurtre
Un prétexte inventé, selon Rachi
Rivalité pour le partage de la terre et le lieu de construction du Temple
Caïn lorgne sur la pâture d’Abel
Rivalité matrimoniale sur le choix des jumelles
1 Glose rabbinique
2 Apocryphes et pseudépigraphes
3 Commentaire chrétien
4 Commentaire coranique
Rivalité pour épouser Lilith
Rivalité religieuse entre Abel le croyant et Caïn le matérialiste
Rivalité de puissance sur la Palestine
Un complexe œdipien
v.8b …Caïn attaqua son frère Abel et le tua.
Datation
La violence et le meurtre entrent dans le monde
Un meurtrier trentenaire dans la force de l’âge
Abel implorant
L’arme du crime
Caïn boit le sang d’Abel
Un étranglement
Avec les dents
Un coup
Une pierre
Un bâton
Une mâchoire d’âne
Une faux, une serpe
Un râteau
Une houe, une bêche
Une hache
Un couteau
Une pelle
Un coup d’épée
Sens allégorique de l’arme du crime
Le chien d’Abel
Sépulture d’Abel
Caïn enterre Caïn pour cacher son forfait
Un lieu resté désolé
Près de Damas ?
Cadavre livré aux oiseaux et aux bêtes
Ensevelissement par Adam et Ève
Le corbeau
Haggadah
Glose chrétienne
Coran
v.9 Le Seigneur demanda à Caïn : « Où est ton frère Abel ? » Caïn répondit : « Je n'en sais rien. Est-ce à moi de veiller sur mon frère ?
v.9a Le Seigneur demanda à Caïn : « Où est ton frère Abel ? »
v. 9b Caïn répondit : « Je n'en sais rien. Est-ce à moi de veiller sur mon frère ?
Caïn se défend d’avoir su qu’il allait tuer Abel
Iconographie
v.10 Le Seigneur répliqua : « Pourquoi as-tu fait cela ? J'entends le sang de ton frère crier du sol vers moi.
v. 10b Les sangs
Iconographie
Deuil d’Adam et Ève
Découverte du corps d’Abel
Déploration pendant cent ans d’Adam et Ève
Abel mourut-il vierge ?
Postérité d’Abel
Abel eut-il une descendance ?
Abélites
v.11-12 Châtiment de Caïn
v.11 Tu es désormais un maudit, chassé du sol qui s'est ouvert pour recueillir le sang de ton frère, ta victime.
v.12. C'est pourquoi, tu auras beau cultiver le sol, il ne te donnera plus sa vitalité. Tu seras un déraciné, toujours vagabond sur la terre.
12a La terre rendue ingrate
12b Errance
v. 13 Plainte de Caïn
Caïn, repentant ou irréconciliable ?
Philon
Flavius Josèphe
1. Glose rabbinique
2. Glose chrétienne
3 Glose islamique
4 Psychanalyse : Coupable mais pas responsable
Le repentir de Caïn en images
Théâtre paroissial
v. 14 Si tu me chasses aujourd'hui de l'étendue de ce sol, je serai caché à ta face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera. »
v. 15a « Il faudra sept meurtres… »
v. 15b « Le Seigneur mit un signe sur Caïn »
Marque visible ou spirituelle ?
Marque de protection ou marque infamante ?
La peur d’être assassiné mais par qui ?
La vengeance des animaux
La vindicte des humains mais lesquels ?
Une marque sur Caïn ou une marque pour Caïn ?
Le doigt de Dieu sur Caïn
Une marque, quelle marque ?
Gémissements et tremblements selon la LXX
Un marquage corporel
Une lettre sur le front
Une lettre du nom divin sur le bras
Des cornes
Une apparence de lépreux
Un blêmissement
Un mouvement de tremblement dans le corps
Le tremblement du sol sous le pas de Caïn
Des gémissements
Imberbité
Un chien attaché à sa personne
Iconographie
Un marquage individuel ou tribal ?
Une marque pour éviter la propagation du crime
v.16 « Alors Caïn partit habiter au pays de Nod, loin de la présence du Seigneur, à l'est d'Éden. »
Fausseté de Caïn selon Rachi
« … au pays de Nod, à l’est d’Eden »
Caïn condamné à l’errance dans le pays de l’errance
v.16b « … loin de la face du Seigneur »
v. 17 Caïn en famille
Désolation de l’errance de Caïn et sa géniture
Intimité de Caïn
Les enfants de Caïn
Prospérité de Caïn
Caïn constructor
Caïn et Romulus, deux fratricides
Vices de Caïn et de sa descendance
Rapine
Inventeur des poids et mesures
Débauche
Union des anges déchus avec les filles de Caïn
Caïn, vagus et profugus, le vagabond
Le chien de Caïn
Fin de Caïn
Caïn, Ange de la mort
Mort de Caïn et de sa race dans le déluge
Suicide de Caïn
Mort de Caïn sous les pierres : la loi du talion
v.19-22 Lamech, un personnage ambivalent
Lamech, le bigame
Lamech, le civilisateur
Les enfants de Lamech
De 4 à 77
Les fils de Lamech : nomade, musicien et forgeron
La fille de Lamech Noemie / Naama
Lamech, la victime
Lamech, le criminel ?
v. 23 Lamech dit à ses femmes…
Lamentation de Lamech
Une aporie exégétique
Divergences des traductions
Le targum Néofiti innocente Lamech
La LXX convainc mais s’éloigne de l’hébreu
Lamek, de la race de Caïn, selon la Bible de Jérusalem
Deux meurtres, deux modus operandi
Un aveu selon le poète Caedmon
L’aveu du crime comme avancée psychologique
La mort accidentelle de Caïn
Deux versions de la mort accidentelle de Caïn
La légende judaïque de la mort de Caïn de la flèche de Lamech
Une légende dérivée des versets 4,15 et 4,24
Une légende nécessaire ?
Une légende judaïque intégrée au commentaire chrétien
La marque de Caïn devient fatale
Agitation et grognements de Caïn
Les cornes de Caïn
Mort de Caïn sous le mur bâti par Lamech
« Qui verse le sang de l’homme, par l’homme verra son sang versé »
Un double meurtre prémédité de Lamech pour assurer la pérennité de sa lignée, selon Ephrem
Impiété de Lamech selon Calvin
La mort de Tubal-Caïn, accidentelle ou volontaire ?
Tubalcaïn, géniteur d’Asmodée
Lamech et ses femmes
Lamech, mari dominateur
Ada et Cilla, deux mégères ?
Tristesse des deux femmes à l’annonce de la mort de Tubalcaïn
Colère des épouses, refus du devoir conjugal et jugement d’Adam, obligé de reprendre lui-aussi une activité sexuelle
v.24 Car s'il faut tuer sept hommes pour venger Caïn, il en faudra soixante-dix-sept pour que je sois vengé.
La flèche de Lamech en images
Le chiffre 7, clé de la compréhension des versets IV,15, et 24 ainsi que V,31
Le chiffre 7 dans la Bible
Controverse exégétique
Une numérologie non signifiante ?
Une numérologie signifiante
7, 77, 777
7 comme chiffre de l’achèvement
« 77 » = Lamech + Tubalcaïn
« 777 » clôt la lignée caïnique et ouvre celle de Noé
Le chiffre 7 de Lamech selon Matthieu
v. V,28 Lamech, père de Noé, le circoncis
La naissance de Noé préfigure celle de jésus
Caïn, Noé, Jésus : trois naissances miraculeuses
Noé, né circoncis
Nous sommes tous des enfants de Caïn via Lamech et Naama
Datation de la mort de Caïn
Age de Caïn à sa mort
Nephilim
Ecritures
Traductions
Chapitrages et sous-titrages
Onomastique
Les beney Elohim, fils de Dieu, Anges déchus ou descendants de Seth ?
« fils de Dieu »
Anges de Dieu
Fils des juges
Fils de Seth s’unissant avec les filles de Caïn
L’union est jugée marquée de la tâche du péché originel
Le déluge sanctionne l’union perverse
Enseignements du récit
Etiologie des géants et/ou étiologie du Déluge
Des enfants de la confusion
Hésiode, Homère, Ugarit… La tradition mythologique païenne
Un récit ‘historique’ au sens moral
Iconographie
v.25 Adam connut encore sa femme…
Fin de l’abstinence sexuelle d’Adam
Seth vient remplacer Abel
Quand naquit Seth ?
Naissance
Les sœurs de Seth
Primogéniture de Seth ?
Seth, transmetteur des mystères d’Adam
v.26 A Seth, lui aussi, naquit un fils…
Manichéisme séthien
Partie II
Abel et Caïn, figures typologiques
L’oblation d’Abel, annonce du sacrifice rédempteur du Christ
Désobéissance de l’homme à Dieu
Du mauvais usage de sa liberté par l’homme
Un épisode et une imagerie typologiques
La marque du péché originel
Faute d’Adam et Eve, péché de Caïn
Caïn, fils d’Eve
Caïn fait entrer la mort dans le monde et, par la mort d’Abel, punit Adam et Ève
La superbia de Caïn
Iconographie typologique
Art paléochrétien
Art médiéval
Abel, figure christique
« Abel a représenté Jésus-Christ à trois titres distincts »
Abel prophétise l’avènement du Messie
Sang d’Abel et sang de l’aspersion
Le premier martyr de la foi
Nimbe d’Abel
Abel, un Juste
Montée au ciel de l’âme d’Abel
Saint Abel
Abel, icône supersessioniste
Abel, « l’ombre du Christ »
Abel, à l’image David
Abel et Isaac
Melchisédech
Job
Un jour marqué
Cité de Dieu, celle d’Abel vs cité terrestre, celle de Caïn
Marqueur iconographique : candeur du corps d’Abel vs noirceur de celui de Caïn
Caïn, « sous le soleil de Satan »
Caïn, né du serpent
« Eve crut au serpent »
« Le fils de la colère »
La marque de Satan
Iconographie de « Caïn du Mauvais »
Les prémices de l’Eglise
Cité de Dieu abélienne versus terrestre caïnique
Ève, mater dolorosa
Le bon et le méchant
Caïn cause du déluge
Caïn fit-il périr le quart de l’humanité ?
Allégorie suppressioniste
Catéchèse catholique
Partie III
Caïn, icone de l’antijudaïsme chrétien
Caïn, et (est) le Juif errant
« Les juifs sont Caïn, là où Abel est la figure du chrétien »
Caïn symbolise la synagogue vaincue par l’Eglise
La synagogue aveugle
La pâleur de Caïn trahit son crime
Caïn est du diable comme le peuple juif, fratricide comme lui
Caïn oblitéré
Caïn, icone du Juif envieux de l’Islam et polythéiste inspiré par le diable
Partie IV
La race de Caïn
Iconographie politique
Les nazis, race de Caïn
Sectes gnostiques : caïnites et séthiens
Qénites, Cinéens
Suprématisme blanc versus fierté de la négritude
La pâleur de Caïn
Caïn, ancêtre des négres ou rendu albinos par son crime ?
Suprématisme et esclavagisme blancs
Caïn, l’esclavagiste, un noir blanchi par sa méchanceté
Le noir albinos, une victime
La race de Cham, vouée à l’esclavage
Sources
Ecritures
Ancien testament
Genèse
Ecrits intertestamentaires
Nouveau Testament
Apocryphes et pseudépigraphes
Le livre d’Hénoch
Livre des Jubilées
Vie grecque d’Adam et Eve
Vie latine d’Adam et Ève
Testament d’Abraham
Testament des douze patriarches
Caverne aux trésors
Testament d’Adam
Les huit livres des mystères
Eutychius, Livre des annales
Annexes
I - Texte de Genèse IV
II - Dictionnaire de théologie catholique
d’Alfred Vacant
III - Iconographie hébraïque
IV – Exégèse et iconographie musulmane
Coran
Emprunts et enrichissements mutuels avec le midrash
Commentaire islamique
Iconographie
Meurtre d’Abel
Le corbeau fossoyeur
V - Littérature
VI - Musique
VII - Cinéma
Table des noms
Table des images
Bibliographie
Dictionnaires
Lexiques
Auteurs anciens
Glose rabbinique
Glose chrétienne
Glose islamique
Auteurs modernes
Littérature médiévale
Littérature moderne
Auteurs
Etudes
Histoire de l’art
Art hébraïque
Art chrétien
Art islamique
Bases iconographiques
Table des matières
A Maria K. ce livre et ce choix d’une œuvre du SMK
Image de couverture
Dessin à la plume (1648-51) de Rembrandt Harmensz (ou Harmenszoon) van Rijn (1606-1669) conservé au Statens Museum for Kunst (SMK) de Copenhagen (KKS10094). Abel, montré imberbe, jeune homme, a laissé tomber son bâton de pasteur et tente de se protéger du coup de mâchoire d’âne que va lui porter un Caïn moustachu qui tient sous tout son poids son frère précipité sur le sol. En arrière-plan, l’autel des offrandes. Dans le ciel, Dieu, à peine esquissé, regarde le crime.
« Je n’étudie que ce qui me plaît ; je n’occupe mon esprit que des idées qui m’intéressent. Elles seront utiles ou inutiles, soit à moi, soit aux autres. Le temps amènera ou n’amènera pas les circonstances qui me feront faire de mes acquisitions un emploi profitable. Dans tous les cas, j’aurai eu l’avantage inestimable de ne me pas contrarier, et d’avoir obéi à ma pensée et à mon caractère. ¹» Champfort
« Le mal est entré dans le monde par la désobéissance d’Adam et Eve, le meurtre y fut introduit par la jalousie et la haine. ²» Artaud de Montor
Figure 1 Manuscrit CædmonFigure 1 Manuscrit Cædmon
Le folio 49 du manuscrit Caedmon Junius 11 de la Bibliothèque bodléienne, daté d’environ 1000, montre en haut à gauche Caïn, bêcher en compagnie d’Adam, désigné par sa barbe, tandis, qu’en-dessous Abel garde ses troupeaux ; les deux frères offrent leur présent en haut à droite, Abel un chevreau et Caïn, un bol de céréales ( ?) ; en-dessous Caïn porte un coup de bâton mortel à Abel ; nous interprétons la dernière scène, en bas à gauche, montrant Abel dont seul le haut du corps émerge du sol vers Dieu métaphorisant le sang d’Abel criant vers Dieu (v. 4,10b).
¹ CHAMPFORT, Maximes et pensées, CCCXXIV, Wikisource
² ARTAUD DE MONTOR Alexis-François, Encyclopédie des gens du monde… 1833-44, Caïn, t. 4, p. 462
Introduction
Un mythe universel
Le récit biblique du meurtre d’Abel par son frère Caïn, le premier de l’histoire de l’humanité, la première inhumation également, le premier deuil aussi, est devenu le symbole universel de la violence et du crime d’un juste par l’envie d’un méchant s’abandonnant à sa pulsion haineuse. Dante ³ nomme Caina la première zone du lac du Cocyte, au plus profond du neuvième cercle de l’Inferno où sont punis, pris dans la glace jusqu’au cou, les traitres à leurs proches.
Figure 2 Gustave Doré, La Caina de l’Inferno de DanteFigure 2 Gustave Doré, La Caina de l’Inferno de Dante
Les silences de l’Ecriture laissent indécises la lecture de l’exclamation d’Eve déclarant avoir donné naissance à Caïn « avec l’aide de Dieu », revendication non renouvelée pour celle d’Abe ; incertains aussi les motifs de la jalousie de Caïn, le sens de la mise en garde divine, la raison de l’offrande faite à Dieu par les deux frères, le pourquoi de la préférence divine, la parole non dite par Caïn pour entrainer Abel au champ, le modus operandi du meurtre (une pierre, un bâton…), l’attitude repentante ou irréconciliable de Caïn, l’interprétation du signe mis par Dieu sur Caïn, marque infamante ou protectrice, la fin de Cain, mort avec sa lignée dans le déluge ou tué, selon une légende, par Lamek, le septième dans sa descendance, par la bévue de Tubal-Caïn. Autant d’incertitudes propices à des gloses subtiles et fort divergentes. Le commentaire hébraïque tend à pardonner le geste, celle chrétienne damne Caïn et sanctifie Abel comme une figure typologique de la venue du Christ, celle islamique ne pardonne pas le geste et appelle le fidèle à l’obéissance absolue des préceptes du Coran. Le diable, Satan, Samaël, Iblis, devient l’instigateur de Caïn pour faire de son geste une réitération de la transgression adamique.
Ce drame biblique fait florès dans la littérature, dans le théâtre médiéval comme celui de patronage, hier, dans le cinéma aujourd’hui, dans la musique sacrée mais aussi profane.
Nous présentons, dans une première partie, l’exégèse juive, chrétienne et musulmane du récit pour éclairer son iconographie. Quelques éléments très liminaires sur le traitement littéraire, musical et cinématographique sont présentés également.
Une seconde partie analyse l’interprétation typologique des deux protagonistes Abel et Caïn.
Caïn comme icone de l’antijudaïsme chrétien est étudié dans la troisième partie.
La race de Caïn et le suprématisme blanc sont analysés dans une quatrième partie.
Une anthropologie de la violence
« Pour le lecteur habituel de la Bible il est très déconcertant de faire l’expérience que le thème anthropologique le plus dominant de l’Ancien Testament est celui de la violence ⁴». Eric Peels
« Kain regiert die Welt. Dem Zweifler raten wir, die Weltgeschichte zu lesen (Caïn règne sur le monde. Nous conseillons à ceux qui en doutent de lire l'histoire du monde) ⁵» Szondi, 1969
« Le récit biblique évoque pour la première fois un mal proprement humain en Genèse 4, 13 ⁶» André Wénin
L’histoire d’Abel et Caïn est celle de la violence, de la violence la plus brutale, la plus injuste, celle du premier meurtre, celle du premier deuil, celle du premier enterrement. Ce fratricide biblique marque durablement la conscience judéo-chrétienne d’une représentation de l’homme comme violent, un pessimisme qui influence la philosophie et tous les arts. Une anthropologie de la violence est jetée à la face du lecteur dès après l’entrée de la mort comme destin de l’humanité par la perte de l’immortalité pour cause de péché originel selon Genèse I-III. La mort non pas subie, naturelle, mais donnée, infligée, volontaire fait irruption dans la psyché humaine par ce récit de Genèse IV d’un juste tué par un méchant.
Le meurtre, individuel ou collectif, accompagne toute l’histoire humaine, faisant de ce meurtre biblique une légende d’une permanence universelle, un mythe ancré dans l’expérience humaine immédiate. Comme le premier récit de la Chute de l’homme pour avoir mangé d’un fruit interdit, récit empli de tabou et de sexualité, a été simplifié, amplifié, déformé par la glose chrétienne pour entrer dans l’imagerie occidentale comme celle du péché, ce second récit imprime dans l’imaginaire occidentale celui du meurtre individuel.
« Genèse 2 :4 à 4 :26 traite de certaines des grandes questions de l’humanité : la vie et la mort, le travail, la sexualité et la violence, la force et la faiblesse. L’histoire familiale et l’histoire du monde se confondent, tandis que dans ce récit sur les débuts de la culture humaine, les prototypes sont également considérés comme des archétypes ⁷» écrit Eric Peels.
« Les premiers chapitres de la Genèse, un récit relevant de la démarche du mythe. Il projette en effet en un temps primordial (« en un commencement ») ce que, dans l'ancien Israël, des sages estimaient être les invariants de la réalité humaine, les points de repères fondamentaux de sa structure. Dans ce genre de récit, le divin représente avant tout ce qui détermine en profondeur l'ordre des choses sans que l'homme ait prise sur lui. (…) Le récit biblique évoque pour la première fois un mal proprement humain en Genèse 4, 13 ⁸» formule André Wénin.
Un fratricide et un parricide
On résume Genèse IV à l’histoire d’un fratricide ; certes, le meurtre d’Abel constitue le centre du drame biblique mais il y a un autre meurtre en Genèse IV, un parricide, celui de Caïn tué, par mégarde, certes mais tué par Lamech, son descendant. La différence majeure entre les deux meurtres est que, alors que Caïn se lamente sur son propre sort, refoule le souvenir de son crime, Lamech s’en lamente et, dans son désespoir, ne se crève pas les yeux comme Œdipe car il est déjà aveugle, mais tue son propre fils Tubal-Caïn comme une autopunition, comme gage de son repentir devant Dieu.
5 Et de même, de votre sang, qui est votre propre vie, je demanderai compte à toute bête et j’en demanderai compte à l’homme : à chacun je demanderai compte de la vie de son frère. 6 « Qui verse le sang de l’homme, par l’homme verra son sang versé ; car à l’image de Dieu, Dieu a fait l’homme. Gen. 9,5-6
Le meurtre entre dans l’histoire de l’humanité et comme un meurtre terrible, un fratricide. Le choix d’un tel meurtre en particulier n’est pas anodin, il emporte un enseignement sur la fraternité humaine, du moins dans la société des hommes qui savent dominer leur instinct de violence, ceux de la descendance de Noé que Dieu bénit au verset 9,1, tandis que la face de la terre a été lavée de la race de Caïn. Les versets 9,5-6 scellent l’Alliance nouvelle entre Dieu et sa créature comme le souligne Isnard-Davezac : « Ce pacte d’alliance ouvre un nouveau chapitre de l’histoire des hommes fondée sur l’interdit du meurtre et sur la responsabilité de chacun vis-à-vis d’autrui devant la loi. Ce n’est plus seulement la consanguinité qui définit le lien fraternel, désormais la fraternité devra être un projet, un processus éthique, culturel, et politique. ⁹»
Dieu n’a pas à justifier sa préférence
On le verra, les exégètes hébreux et chrétiens font assaut d’ingéniosité pour expliquer le pourquoi de la préférence divine mais, selon nous, c’est effort inutile et, surtout manquant l’explication la plus, théologiquement, logique : Dieu ne donne pas les raisons à Caïn de ce choix car il le met à l’épreuve de se soumettre ou de refuser son ordre divin. L’incompréhensibilité du diktat divin est résolue par l’enchaînement du récit : Dieu interdit, avertit Caïn des graves conséquences d’une transgression, Caïn désobéit, est infidèle (au sens latin, de manque de foi), il est châtié par l’expulsion qui est, au sens matériel, une condamnation à un sort terrestre, mortel, de souffrance et, au sens religieux, un éloignement, une privation du regard i.e. de la protection divine. L’auteur biblique reproduit ainsi le même schéma doctrinal que celui ayant noué le drame de la Chute de l’homme en Genèse I-III, le parallélisme est obvie.
Liberté de l’homme face au péché
Le conte biblique a une portée morale et théologique formulée par le verset 7 : Dieu, comme lors de l’interdit notifié à Adam dans le jardin d’Eden (v. 2,16-17), met l’homme face à ses responsabilités, il lui appartient de choisir entre le bien et le péché. Que Caïn cède à son mauvais instinct a une valeur étiologique, l’homme est mauvais depuis la faute de nos premiers parents, seule l’adoration de Dieu peut le garder des entreprises du Malin. Que le premier meurtre soit un fratricide ajoute à la valeur moralisatrice du récit par l’horreur d’un tel crime mais la morale n’est pas pessimiste puisque si la race humaine est violente, le narrateur présente le premier juste, Abel tué par la jalousie d’un impie. Et Dieu donnera au premier couple un autre fils, Seth, pour renouer la lignée humaine adamique. L’homme loin de Dieu, situation morale que métaphorise l’ostracisation de Caïn ne peut être que malheureux. Genèse IV réplique, réitère la dialectique de Genèse 1-3, Dieu est bon, l’homme est libre, au juste le bonheur, à l’infidèle le malheur.
Que la violence se révèle à l’occasion d’une offrande faite à Dieu est centrale dans la démonstration. Caïn est infidèle, au sens étymologique, il a perdu la foi. La glose rabbinique en imaginant que l’origine du conflit entre les deux frères soit dans l’existence ou non d’une justice immanente, d’un jugement divin, à la fin des temps, vient exalter ce sens de l’Ecriture. Le christianisme ne fera qu’amplifier cette leçon et, la rattachant à l’épisode du péché originel et à d’autres justes (Isaac, Job…), fera d’Abel une figure préchristique, un saint et de Genèse IV une preuve à l’appui du dogme du péché originel.
Une exaltation de la vie pastorale
Cette lecture a les faveurs de l’exégèse hébraïque pour qui le récit reflète la rivalité millénaire entre peuples sédentaires et peuples nomades, entre éleveurs et agriculteurs, et l’importance du service d’offrandes dues à YHWH pour conserver sa protection. Le récit s’ancrerait ainsi dans l’histoire longue du peuple hébreu.
Jérusalem contre Babylone
« Cette femme a enfanté celui qui doit conduire les hommes avec une verge de fer ; et cette femme est la cité de Dieu dont il est dit dans un psaume : « O cité de Dieu, on dit de vous des choses merveilleuses » ; cette cité qui eut son commencement en Abel, comme la cité du mal en Caïn, l’antique cité de Dieu, toujours tourmentée sur la terre, espérant le ciel, et dont le nom est Jérusalem et Sion. ¹⁰» Augustin
« Babylone signifie confusion, et Jérusalem, vision de la paix. ¹¹» Augustin
Cette affirmation date d’environ 416, Augustin la développe dans sa Civitas dei. Cette antinomie théologique entre la Cité de Dieu et la Cité terrestre, prise au sens d’une ville, peut sembler hasardeuse car il n’est dit nulle part dans Genèse IV qu’Abel fonda une quelconque cité pas plus qu’il n’eut de lignée. Le seul bâtisseur de ville est nommé, il s’agit de Caïn. Mais au sens allégorique et latin, civitas dérive de civis, ce n’est pas la ville construite, l’urbs, la Cité doit être comprise comme l’appartenance à un groupe ¹², à une assemblée, et il faut entendre la Civitas dei comme l’Eglise l’ ἐκκλησία ecclesia qui est, au sens étymologique, une assemblée, celle dont Augustin et d’autres Père enseignent qu’elle exista de toute éternité. La Cité de Dieu est dirigée par Dieu, c’est la Jérusalem céleste, la cité terrestre est abandonnée à Satan dont Caïn fut le jouet.
« J’aime mieux maintenant défendre la vérité de l’Ecriture contre ceux qui prétendent qu’il n’est pas croyable qu’un seul homme ait bâti une ville, parce qu’il semble qu’il n’y avait encore alors que quatre hommes sur la terre, ou même trois depuis le meurtre d’Abel, savoir : Adam, Caïn et son fils Enoch, qui donna son nom à cette ville. Ceux qui raisonnent de la sorte ne considèrent pas que l’auteur de l’Histoire sainte n’était pas obligé de mentionner tous les hommes qui pouvaient exister alors, mais seulement ceux qui servaient à son sujet. ¹³» Augustin
La cité humaine, celle de Caïn, est une vraie ville ; Augustin défend la vérité des Ecritures là où certains pourraient douter que trois hommes seulement Adam, Caïn et Enoch aient pu y suffire.
La Civitas dei est spirituelle, La Jérusalem terrestre a été fondée après celle d’Hénoch ; elle fut détruite par Babylone, l’actuelle, celle terrestre, matérielle, celle où gémissent les pécheurs non encore convertis explique Augustin.
Primauté du cadet sur l’ainé
Mais, comme les deux fils d’Adam que nous venons de nommer, « l’aîné sera l’esclave du plus jeune » ; de même si Babylone l’emporte sur Jérusalem par l’ancienneté, Jérusalem est bien supérieure à Babylone par la dignité (Gen. XXV, 23.). Mais pourquoi celle-ci a-t-elle existé avant celle-là ? L’Apôtre nous le dit : « Ce qui est spirituel n’a pas été formé le premier : ce qui est animal l’a été d’abord ; ensuite est venu ce qui est spirituel ». Et pourquoi Jérusalem l’emporte-t-elle en dignité sur Babylone ? Parce que l’aîné sera l’esclave du plus jeune ». (…) Grand et ineffable mystère, indiqué dans ces paroles de saint Paul: « Ce qui est spirituel n’a pas été formé le premier ; ce qui est animal l’a été d’abord ; ensuite est venu ce qui est spirituel » enseigne Augustin.
Le Dieu biblique face à la violence
Dieu, selon Genèse IV,5-6, adresse une paternelle mise en garde à Caïn pour qu’il ne cède pas au péché, cette admonestation est, moralement, et dans la dramaturgie du récit, semblable à l’ordre divin de Genèse 2,16-17 : Dieu met l’homme face à sa liberté de choisir entre l’obéissance et l’infidélité ; l’homme transgresse l’interdit en Genèse II, se laisse aller à la colère en Genèse IV ; la sanction est la même : la perte de la protection divine, la rupture de l’Alliance, l’exil dans le monde terrestre dans une nature hostile, la souffrance. L’auteur, les auteurs, bibliques, le Jahviste ici, reproduisent le même schème qui est réitéré en de multiples épisodes du Pentateuque celui de l’égarement de l’homme et d’Israël qui s’éloigne de YHWH et est immédiatement puni pour ensuite recevoir mais après un terrible châtiment, celui du Déluge, celui des serpents de feu dans le désert…
Le déluge qui suit l’histoire de la lignée d’Adam, interrompue par l’assassinat d’Abel et reprise par la naissance de Seth qui vient remplacer Abel, vient balayer la race de Caïn de la face de la terre, refait table rase et permet le pardon divin, la nouvelle alliance, celle de la colombe de l’arche de Noé. En cela, le récit de « Meurtre et châtiment à l’est d’Eden » doit être lu en dynamique : trouvant sa cause initiale dans le péché originel, il débouche, logiquement, par celui du déluge. La glose judaïque et chrétienne ne s’y sont pas trompés et ont imaginé faire de Caïn « le fils de Satan » né d’une union d’Eve avec le serpent tandis qu’Abel nait, lui, d’Adam, Adam dont Jésus-Christ, le nouvel Adam, viendra rédimer la Faute, Abel, le premier juste, le premier martyr de la foi, le premier saint selon l’hagiographie chrétienne.
La dynamique fatale des épisodes - création, péché originel, fratricide, déluge - est imposée par l’affirmation réitérée de la lignée humaine.
« Dans le dialogue entre Dieu et Caïn, la violence avec ses racines et ses branches, est mise dans la lumière d’une manière que cette péricope en tant que telle prend une fonction paradigmatique. ¹⁴» formule Eric PEELS.
Un Dieu injuste ou incompréhensible ?
Caïn, comme Judas Iscariot ¹⁵, est, dans la littérature ancienne et, pour une large part de la littérature moderne, un « archi-méchant », mais il trouva des avocats pour le réhabiliter jugeant sévèrement l’attitude de Dieu qui au pied de la lettre des verset 4,5 et 6, donne sa faveur à l’offrande d’Abel, ce sans explication. Les commentateurs se sont depuis deux millénaires évertués à justifier cette préférence divine, constituant, car Dieu ne saurait être injuste ! un dossier à charge contre Caïn qui ne sont que des conjectures, des fables sur son manque de dévotion, des raisons inavouées, surtout non dites par le Jahviste ; un édifice des suppositions qui ne convainc guère au point qu’un théologien ose douter de l’objectivité de YHWH, déclarant que la traditionnelle explication de la Genèse est trop sévère pour ce qui est de Caïn et trop accommodante pour ce qui est de YHWH : « Le trouble ne vient pas de Caïn, mais de Yahweh, l’étrange Dieu d’Israël. De manière inexplicable choisit, accepte et rejette (…) Essentielle à l’intrigue est la liberté capricieuse de Dieu ¹⁶» interpelle Walter Brueggemann.
Le caractère inexplicable même du choix divin est, a contrario, assumé, et devient la cause de l’hostilité meurtrière de Caïn selon Westermann pour qui « Il devrait donc rester inexplicable pourquoi Dieu regarde le sacrifice d'Abel et non celui de Caïn. Et ceci, veut faire comprendre le narrateur, est l'un des motifs décisifs de conflit partout où il y a des frères ¹⁷» avance Westermann.
Cette controverse nous semble, on l’a dit, résolu simplement. De même que Dieu formulant son interdit à Adam ne le justifie pas, de manière si obscure que pour le premier homme cela est l’expression d’un tabou, le choix injustifié de l’offrande d’Abel a une valeur de mise à l’épreuve de la liberté de l’homme. Le sens est le même : il appartient à l’homme et à l’homme seul de choisir entre le Bien et le Mal. Dans un vocabulaire chrétien, il n’y a pas de prédestination, Caïn, comme Abel, sont marqués du péché originel mais que l’un honore Dieu et prenne le chemin de la justice et l’autre cède au péché, démontre très précisément cette liberté de l’homme.
Un meurtre marqué du péché originel
La plupart des ouvrages de théologie consacrées au péché originel bornent leur étude à Genèse I à III, débutant par la création de l’homme puis de la femme et concluant par l’expulsion d’Adam et Eve du Paradis en châtiment de leur Faute. La vie du couple peccamineux hors du Jardin d’Eden, la naissance d’Abel puis de Caïn, le meurtre du cadet par l’aîné, la malédiction qui pèse sur Caïn, la naissance ultérieure de Seth ne sont pas, le plus souvent, étudiés, considérés comme des épisodes distincts, déconnectés du drame biblique initial ; cela nous semble une erreur car le meurtre d’Abel par Caïn, narré en Genèse IV, éclaire le sens même du péché originel, celui de l’entrée du Mal, de la violence, de la Mort donnée, sur terre.
L’exégèse chrétienne s’est employée depuis les Pères grecs et romains à articuler les deux épisodes, en faisant une dialectique de l’homme face au choix, libre, entre le Bien et le Mal, entre l’Eglise et Satan, entre la vie éternelle, celle de la résurrection et la mort infernale promise aux pécheurs. Abel et Caïn deviennent, figures iconiques de la prédication, obligent les artistes à imaginer des marqueurs visuels de cette opposition : posture face à Dieu lors de l’offrande, pâleur et gracilité d’Abel face à la force sombre de Caïn…
« Jusque dans les moindres détails, Genesis 3 et