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Abel et Caïn: Exégèse et iconographie
Abel et Caïn: Exégèse et iconographie
Abel et Caïn: Exégèse et iconographie
Livre électronique910 pages6 heures

Abel et Caïn: Exégèse et iconographie

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À propos de ce livre électronique

Les silences de l'Ecriture laissent bien des questions ouvertes sur les raisons et les circonstances du premier meurtre de l'histoire humaine, un fratricide.
L'exégèse et la légende proposent des réponses divergentes selon les traditions juives, chrétiennes et islamiques.
Les artistes inventent des marqueurs symboliques qui influencent la compréhension du drame biblique.
Ce livre présente une vaste iconographie de 223 images commentées à l'éclairage de la riche glose qu'a inspirée l'entrée du crime et de la violence dans le monde.
Une interprétation inédite du meurtre de Caïn par Lamech est proposée ainsi qu'une introduction au traitement de l'histoire d'Abel et Caïn dans la littérature, au cinéma et dans la musique.
LangueFrançais
Date de sortie2 oct. 2024
ISBN9782322532292
Abel et Caïn: Exégèse et iconographie
Auteur

Christophe Stener

Christophe Stener, auteur de plusieurs livres d'histoire de l'art associant exégèse biblique et histoire générale, notamment sur le Livre d'Esther, DREYFUS et Judas Iscariot, enseigne à l'Université Catholique de l'Ouest.

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    Aperçu du livre

    Abel et Caïn - Christophe Stener

    Table des matières

    Introduction

    Un mythe universel

    Une anthropologie de la violence

    Un fratricide et un parricide

    Dieu n’a pas à justifier sa préférence

    Liberté de l’homme face au péché

    Une exaltation de la vie pastorale

    Jérusalem contre Babylone

    Primauté du cadet sur l’ainé

    Le Dieu biblique face à la violence

    Un Dieu injuste ou incompréhensible ?

    Un meurtre marqué du péché originel

    Caïn, plus coupable qu’Adam

    Caïn sous l’emprise d’Eve ?

    Une saga familiale

    Les non-dits délibérés du récit

    La flèche de Lamech

    Abel et Caïn, un mythe fondateur

    Nous sommes tous des enfants de Caïn !

    L’image pieuse au service de la glose

    Influence du midrash sur l’art chrétien

    L’art « braconne » le drame biblique

    Etude antérieures

    Avertissement

    Résumé de l’intrigue en images

    Onomastique

    Abel ,

    Caïn

    Interprétations allégoriques

    Le chaos

    Le fils de la vengeance

    La Tour de Babel

    Civitas dei, civitas terrena

    Vanité des vanités

    Chronologie

    Généalogie adamique

    Partie I

    Exégèse en images, vers par vers

    Introduction

    v. 1-2 Naissance de Caïn puis d’Abel

    v. 1 « Adâm pénètre Hava, sa femme » (Chouraqui)

    Date de naissance des deux frères

    Sexualité d’Adam et Ève

    Sexualité pré ou postlapsaire ?

    Caïn et Abel expulsés du Paradis avec leurs parents ?

    Caïn, né du serpent

    Caïn, fils du péché originel

    Droit d’ainesse, droit caïnique

    Abel et Caïn, des jumeaux ?

    Le conflit entre deux frères jumeaux, un topos de la mythologie antique

    Evoquée par les écrits intertestamentaires

    Envisagée par la glose rabbinique

    Rejetée, majoritairement, par la glose chrétienne

    Jacob et Esaü, l’autre fratricide

    Nés du même ventre mais contraires

    Imagerie pieuse

    v. 1b « J’ai acquis un homme … »

    v. 1b « … avec l’aide de Dieu »

    Caïn, seul

    Variantes des traductions

    Glose hébraïque

    Glose chrétienne

    Psychanalyse

    Une figure anticipée de l’Annonciation selon Luc ?

    Imagerie de la naissance de Caïn

    v.2a « Elle enfanta encore son frère Abel »

    La première famille

    Les sœurs jumelles d’Abel et Caïn

    Maternité d’Ève et maternité de Marie

    Posture d’Ève portant ses enfants

    Bonheur champêtre

    v. 2b Abel fut berger de petit bétail, et Caïn cultivait le sol

    L’agriculture première occupation de l’homme

    L’agriculture, une occupation adamique

    L’agriculture violente la terre selon Josèphe

    Métaphore civilisationnelle

    Abel, le ‘bon pasteur’

    Iconographie

    Caractère d’Abel et Caïn

    v.3-5a L’offrande faite par Abel et Caïn à Yahvé

    Traductions

    Datation de l’offrande

    Une oblation à la demande d’Adam

    Exégèse

    « Les mâles sont au SEIGNEUR ! »

    Philon d’Alexandrie

    Interprétation chrétienne

    Iconographie de la préférence divine

    Art paléochrétien (IVe s.)

    Art roman

    Il tomba un feu céleste

    Raison de la préférence de Dieu pour l’offrande d’Abel

    Un Dieu arbitraire ?

    Des fruits arrachés à la terre

    Caïn, une offrande médiocre

    La traduction orientée de la Septante

    Philon d’Alexandrie (25 av. J.-C.- 45 ap. J.-C.)

    Midrash Tanhouma-Yelammedenu (500-800)

    Procope de Gaza (VIe s.)

    Pirqé de rabbi Eliézer (VIII-IXe s.)

    Mystères médiévaux anglais

    Caïn dans la lune avec ses fagots d’épines

    Iconographie de Caïn philotos

    Caïn offre un bien mal acquis

    Abel, seul empli de dévotion

    La trace d’une rivalité cultuelle

    Dieu n’a pas à justifier sa préférence

    Interprétation psychanalytique

    Marqueurs iconographiques de la préférence divine

    L’autel de Caïn ne flambe pas

    Le feu de Dieu

    La fumée du sacrifice

    La dextre divine bénit Abel et se détourne de Caïn

    Abel en oraison, Caïn droit sur ses jambes

    L’agneau d’Abel, métaphore de l’agnus dei

    Métaphore civilisationnelle

    L’autel de l’offrande, métaphore eucharistique

    v. 5b-7 Mise en garde de Yahvé à Caïn

    v. 5b-6 « … et son visage fut abattu » Le face-à-face de Caïn avec Dieu

    « Le péché est tapi à ta porte »

    « A ta porte… »

    L’homme face au péché

    Le jour du jugement

    Eve, encore Eve

    v.7 « Si tu agis bien, ne recevras-tu pas [mon agrément] ? Mais sinon, aussitôt le péché se présentera aux portes mais le désir de le [commettre] te sera soumis et tu le domineras » (BJ)

    v.8a « Cependant Caïn s'adressa à son frère » mais que dit Caïn à Abel ?

    v.8b « Quand ils furent aux champs… »

    Raisons du meurtre

    Un prétexte inventé, selon Rachi

    Rivalité pour le partage de la terre et le lieu de construction du Temple

    Caïn lorgne sur la pâture d’Abel

    Rivalité matrimoniale sur le choix des jumelles

    1 Glose rabbinique

    2 Apocryphes et pseudépigraphes

    3 Commentaire chrétien

    4 Commentaire coranique

    Rivalité pour épouser Lilith

    Rivalité religieuse entre Abel le croyant et Caïn le matérialiste

    Rivalité de puissance sur la Palestine

    Un complexe œdipien

    v.8b …Caïn attaqua son frère Abel et le tua.

    Datation

    La violence et le meurtre entrent dans le monde

    Un meurtrier trentenaire dans la force de l’âge

    Abel implorant

    L’arme du crime

    Caïn boit le sang d’Abel

    Un étranglement

    Avec les dents

    Un coup

    Une pierre

    Un bâton

    Une mâchoire d’âne

    Une faux, une serpe

    Un râteau

    Une houe, une bêche

    Une hache

    Un couteau

    Une pelle

    Un coup d’épée

    Sens allégorique de l’arme du crime

    Le chien d’Abel

    Sépulture d’Abel

    Caïn enterre Caïn pour cacher son forfait

    Un lieu resté désolé

    Près de Damas ?

    Cadavre livré aux oiseaux et aux bêtes

    Ensevelissement par Adam et Ève

    Le corbeau

    Haggadah

    Glose chrétienne

    Coran

    v.9 Le Seigneur demanda à Caïn : « Où est ton frère Abel ? » Caïn répondit : « Je n'en sais rien. Est-ce à moi de veiller sur mon frère ?

    v.9a Le Seigneur demanda à Caïn : « Où est ton frère Abel ? »

    v. 9b Caïn répondit : « Je n'en sais rien. Est-ce à moi de veiller sur mon frère ?

    Caïn se défend d’avoir su qu’il allait tuer Abel

    Iconographie

    v.10 Le Seigneur répliqua : « Pourquoi as-tu fait cela ? J'entends le sang de ton frère crier du sol vers moi.

    v. 10b Les sangs

    Iconographie

    Deuil d’Adam et Ève

    Découverte du corps d’Abel

    Déploration pendant cent ans d’Adam et Ève

    Abel mourut-il vierge ?

    Postérité d’Abel

    Abel eut-il une descendance ?

    Abélites

    v.11-12 Châtiment de Caïn

    v.11 Tu es désormais un maudit, chassé du sol qui s'est ouvert pour recueillir le sang de ton frère, ta victime.

    v.12. C'est pourquoi, tu auras beau cultiver le sol, il ne te donnera plus sa vitalité. Tu seras un déraciné, toujours vagabond sur la terre.

    12a La terre rendue ingrate

    12b Errance

    v. 13 Plainte de Caïn

    Caïn, repentant ou irréconciliable ?

    Philon

    Flavius Josèphe

    1. Glose rabbinique

    2. Glose chrétienne

    3 Glose islamique

    4 Psychanalyse : Coupable mais pas responsable

    Le repentir de Caïn en images

    Théâtre paroissial

    v. 14 Si tu me chasses aujourd'hui de l'étendue de ce sol, je serai caché à ta face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera. »

    v. 15a « Il faudra sept meurtres… »

    v. 15b « Le Seigneur mit un signe sur Caïn »

    Marque visible ou spirituelle ?

    Marque de protection ou marque infamante ?

    La peur d’être assassiné mais par qui ?

    La vengeance des animaux

    La vindicte des humains mais lesquels ?

    Une marque sur Caïn ou une marque pour Caïn ?

    Le doigt de Dieu sur Caïn

    Une marque, quelle marque ?

    Gémissements et tremblements selon la LXX

    Un marquage corporel

    Une lettre sur le front

    Une lettre du nom divin sur le bras

    Des cornes

    Une apparence de lépreux

    Un blêmissement

    Un mouvement de tremblement dans le corps

    Le tremblement du sol sous le pas de Caïn

    Des gémissements

    Imberbité

    Un chien attaché à sa personne

    Iconographie

    Un marquage individuel ou tribal ?

    Une marque pour éviter la propagation du crime

    v.16 « Alors Caïn partit habiter au pays de Nod, loin de la présence du Seigneur, à l'est d'Éden. »

    Fausseté de Caïn selon Rachi

    « … au pays de Nod, à l’est d’Eden »

    Caïn condamné à l’errance dans le pays de l’errance

    v.16b « … loin de la face du Seigneur »

    v. 17 Caïn en famille

    Désolation de l’errance de Caïn et sa géniture

    Intimité de Caïn

    Les enfants de Caïn

    Prospérité de Caïn

    Caïn constructor

    Caïn et Romulus, deux fratricides

    Vices de Caïn et de sa descendance

    Rapine

    Inventeur des poids et mesures

    Débauche

    Union des anges déchus avec les filles de Caïn

    Caïn, vagus et profugus, le vagabond

    Le chien de Caïn

    Fin de Caïn

    Caïn, Ange de la mort

    Mort de Caïn et de sa race dans le déluge

    Suicide de Caïn

    Mort de Caïn sous les pierres : la loi du talion

    v.19-22 Lamech, un personnage ambivalent

    Lamech, le bigame

    Lamech, le civilisateur

    Les enfants de Lamech

    De 4 à 77

    Les fils de Lamech : nomade, musicien et forgeron

    La fille de Lamech Noemie / Naama

    Lamech, la victime

    Lamech, le criminel ?

    v. 23 Lamech dit à ses femmes…

    Lamentation de Lamech

    Une aporie exégétique

    Divergences des traductions

    Le targum Néofiti innocente Lamech

    La LXX convainc mais s’éloigne de l’hébreu

    Lamek, de la race de Caïn, selon la Bible de Jérusalem

    Deux meurtres, deux modus operandi

    Un aveu selon le poète Caedmon

    L’aveu du crime comme avancée psychologique

    La mort accidentelle de Caïn

    Deux versions de la mort accidentelle de Caïn

    La légende judaïque de la mort de Caïn de la flèche de Lamech

    Une légende dérivée des versets 4,15 et 4,24

    Une légende nécessaire ?

    Une légende judaïque intégrée au commentaire chrétien

    La marque de Caïn devient fatale

    Agitation et grognements de Caïn

    Les cornes de Caïn

    Mort de Caïn sous le mur bâti par Lamech

    « Qui verse le sang de l’homme, par l’homme verra son sang versé »

    Un double meurtre prémédité de Lamech pour assurer la pérennité de sa lignée, selon Ephrem

    Impiété de Lamech selon Calvin

    La mort de Tubal-Caïn, accidentelle ou volontaire ?

    Tubalcaïn, géniteur d’Asmodée

    Lamech et ses femmes

    Lamech, mari dominateur

    Ada et Cilla, deux mégères ?

    Tristesse des deux femmes à l’annonce de la mort de Tubalcaïn

    Colère des épouses, refus du devoir conjugal et jugement d’Adam, obligé de reprendre lui-aussi une activité sexuelle

    v.24 Car s'il faut tuer sept hommes pour venger Caïn, il en faudra soixante-dix-sept pour que je sois vengé.

    La flèche de Lamech en images

    Le chiffre 7, clé de la compréhension des versets IV,15, et 24 ainsi que V,31

    Le chiffre 7 dans la Bible

    Controverse exégétique

    Une numérologie non signifiante ?

    Une numérologie signifiante

    7, 77, 777

    7 comme chiffre de l’achèvement

    « 77 » = Lamech + Tubalcaïn

    « 777 » clôt la lignée caïnique et ouvre celle de Noé

    Le chiffre 7 de Lamech selon Matthieu

    v. V,28 Lamech, père de Noé, le circoncis

    La naissance de Noé préfigure celle de jésus

    Caïn, Noé, Jésus : trois naissances miraculeuses

    Noé, né circoncis

    Nous sommes tous des enfants de Caïn via Lamech et Naama

    Datation de la mort de Caïn

    Age de Caïn à sa mort

    Nephilim

    Ecritures

    Traductions

    Chapitrages et sous-titrages

    Onomastique

    Les beney Elohim, fils de Dieu, Anges déchus ou descendants de Seth ?

    « fils de Dieu »

    Anges de Dieu

    Fils des juges

    Fils de Seth s’unissant avec les filles de Caïn

    L’union est jugée marquée de la tâche du péché originel

    Le déluge sanctionne l’union perverse

    Enseignements du récit

    Etiologie des géants et/ou étiologie du Déluge

    Des enfants de la confusion

    Hésiode, Homère, Ugarit… La tradition mythologique païenne

    Un récit ‘historique’ au sens moral

    Iconographie

    v.25 Adam connut encore sa femme…

    Fin de l’abstinence sexuelle d’Adam

    Seth vient remplacer Abel

    Quand naquit Seth ?

    Naissance

    Les sœurs de Seth

    Primogéniture de Seth ?

    Seth, transmetteur des mystères d’Adam

    v.26 A Seth, lui aussi, naquit un fils…

    Manichéisme séthien

    Partie II

    Abel et Caïn, figures typologiques

    L’oblation d’Abel, annonce du sacrifice rédempteur du Christ

    Désobéissance de l’homme à Dieu

    Du mauvais usage de sa liberté par l’homme

    Un épisode et une imagerie typologiques

    La marque du péché originel

    Faute d’Adam et Eve, péché de Caïn

    Caïn, fils d’Eve

    Caïn fait entrer la mort dans le monde et, par la mort d’Abel, punit Adam et Ève

    La superbia de Caïn

    Iconographie typologique

    Art paléochrétien

    Art médiéval

    Abel, figure christique

    « Abel a représenté Jésus-Christ à trois titres distincts »

    Abel prophétise l’avènement du Messie

    Sang d’Abel et sang de l’aspersion

    Le premier martyr de la foi

    Nimbe d’Abel

    Abel, un Juste

    Montée au ciel de l’âme d’Abel

    Saint Abel

    Abel, icône supersessioniste

    Abel, « l’ombre du Christ »

    Abel, à l’image David

    Abel et Isaac

    Melchisédech

    Job

    Un jour marqué

    Cité de Dieu, celle d’Abel vs cité terrestre, celle de Caïn

    Marqueur iconographique : candeur du corps d’Abel vs noirceur de celui de Caïn

    Caïn, « sous le soleil de Satan »

    Caïn, né du serpent

    « Eve crut au serpent »

    « Le fils de la colère »

    La marque de Satan

    Iconographie de « Caïn du Mauvais »

    Les prémices de l’Eglise

    Cité de Dieu abélienne versus terrestre caïnique

    Ève, mater dolorosa

    Le bon et le méchant

    Caïn cause du déluge

    Caïn fit-il périr le quart de l’humanité ?

    Allégorie suppressioniste

    Catéchèse catholique

    Partie III

    Caïn, icone de l’antijudaïsme chrétien

    Caïn, et (est) le Juif errant

    « Les juifs sont Caïn, là où Abel est la figure du chrétien »

    Caïn symbolise la synagogue vaincue par l’Eglise

    La synagogue aveugle

    La pâleur de Caïn trahit son crime

    Caïn est du diable comme le peuple juif, fratricide comme lui

    Caïn oblitéré

    Caïn, icone du Juif envieux de l’Islam et polythéiste inspiré par le diable

    Partie IV

    La race de Caïn

    Iconographie politique

    Les nazis, race de Caïn

    Sectes gnostiques : caïnites et séthiens

    Qénites, Cinéens

    Suprématisme blanc versus fierté de la négritude

    La pâleur de Caïn

    Caïn, ancêtre des négres ou rendu albinos par son crime ?

    Suprématisme et esclavagisme blancs

    Caïn, l’esclavagiste, un noir blanchi par sa méchanceté

    Le noir albinos, une victime

    La race de Cham, vouée à l’esclavage

    Sources

    Ecritures

    Ancien testament

    Genèse

    Ecrits intertestamentaires

    Nouveau Testament

    Apocryphes et pseudépigraphes

    Le livre d’Hénoch

    Livre des Jubilées

    Vie grecque d’Adam et Eve

    Vie latine d’Adam et Ève

    Testament d’Abraham

    Testament des douze patriarches

    Caverne aux trésors

    Testament d’Adam

    Les huit livres des mystères

    Eutychius, Livre des annales

    Annexes

    I - Texte de Genèse IV

    II - Dictionnaire de théologie catholique

    d’Alfred Vacant

    III - Iconographie hébraïque

    IV – Exégèse et iconographie musulmane

    Coran

    Emprunts et enrichissements mutuels avec le midrash

    Commentaire islamique

    Iconographie

    Meurtre d’Abel

    Le corbeau fossoyeur

    V - Littérature

    VI - Musique

    VII - Cinéma

    Table des noms

    Table des images

    Bibliographie

    Dictionnaires

    Lexiques

    Auteurs anciens

    Glose rabbinique

    Glose chrétienne

    Glose islamique

    Auteurs modernes

    Littérature médiévale

    Littérature moderne

    Auteurs

    Etudes

    Histoire de l’art

    Art hébraïque

    Art chrétien

    Art islamique

    Bases iconographiques

    Table des matières

    A Maria K. ce livre et ce choix d’une œuvre du SMK

    Image de couverture

    Dessin à la plume (1648-51) de Rembrandt Harmensz (ou Harmenszoon) van Rijn (1606-1669) conservé au Statens Museum for Kunst (SMK) de Copenhagen (KKS10094). Abel, montré imberbe, jeune homme, a laissé tomber son bâton de pasteur et tente de se protéger du coup de mâchoire d’âne que va lui porter un Caïn moustachu qui tient sous tout son poids son frère précipité sur le sol. En arrière-plan, l’autel des offrandes. Dans le ciel, Dieu, à peine esquissé, regarde le crime.

    « Je n’étudie que ce qui me plaît ; je n’occupe mon esprit que des idées qui m’intéressent. Elles seront utiles ou inutiles, soit à moi, soit aux autres. Le temps amènera ou n’amènera pas les circonstances qui me feront faire de mes acquisitions un emploi profitable. Dans tous les cas, j’aurai eu l’avantage inestimable de ne me pas contrarier, et d’avoir obéi à ma pensée et à mon caractère. ¹» Champfort

    « Le mal est entré dans le monde par la désobéissance d’Adam et Eve, le meurtre y fut introduit par la jalousie et la haine. ²» Artaud de Montor

    Figure 1 Manuscrit Cædmon

    Figure 1 Manuscrit Cædmon

    Le folio 49 du manuscrit Caedmon Junius 11 de la Bibliothèque bodléienne, daté d’environ 1000, montre en haut à gauche Caïn, bêcher en compagnie d’Adam, désigné par sa barbe, tandis, qu’en-dessous Abel garde ses troupeaux ; les deux frères offrent leur présent en haut à droite, Abel un chevreau et Caïn, un bol de céréales ( ?) ; en-dessous Caïn porte un coup de bâton mortel à Abel ; nous interprétons la dernière scène, en bas à gauche, montrant Abel dont seul le haut du corps émerge du sol vers Dieu métaphorisant le sang d’Abel criant vers Dieu (v. 4,10b).


    ¹ CHAMPFORT, Maximes et pensées, CCCXXIV, Wikisource

    ² ARTAUD DE MONTOR Alexis-François, Encyclopédie des gens du monde… 1833-44, Caïn, t. 4, p. 462

    Introduction

    Un mythe universel

    Le récit biblique du meurtre d’Abel par son frère Caïn, le premier de l’histoire de l’humanité, la première inhumation également, le premier deuil aussi, est devenu le symbole universel de la violence et du crime d’un juste par l’envie d’un méchant s’abandonnant à sa pulsion haineuse. Dante ³ nomme Caina la première zone du lac du Cocyte, au plus profond du neuvième cercle de l’Inferno où sont punis, pris dans la glace jusqu’au cou, les traitres à leurs proches.

    Figure 2 Gustave Doré, La Caina de l’Inferno de Dante

    Figure 2 Gustave Doré, La Caina de l’Inferno de Dante

    Les silences de l’Ecriture laissent indécises la lecture de l’exclamation d’Eve déclarant avoir donné naissance à Caïn « avec l’aide de Dieu », revendication non renouvelée pour celle d’Abe ; incertains aussi les motifs de la jalousie de Caïn, le sens de la mise en garde divine, la raison de l’offrande faite à Dieu par les deux frères, le pourquoi de la préférence divine, la parole non dite par Caïn pour entrainer Abel au champ, le modus operandi du meurtre (une pierre, un bâton…), l’attitude repentante ou irréconciliable de Caïn, l’interprétation du signe mis par Dieu sur Caïn, marque infamante ou protectrice, la fin de Cain, mort avec sa lignée dans le déluge ou tué, selon une légende, par Lamek, le septième dans sa descendance, par la bévue de Tubal-Caïn. Autant d’incertitudes propices à des gloses subtiles et fort divergentes. Le commentaire hébraïque tend à pardonner le geste, celle chrétienne damne Caïn et sanctifie Abel comme une figure typologique de la venue du Christ, celle islamique ne pardonne pas le geste et appelle le fidèle à l’obéissance absolue des préceptes du Coran. Le diable, Satan, Samaël, Iblis, devient l’instigateur de Caïn pour faire de son geste une réitération de la transgression adamique.

    Ce drame biblique fait florès dans la littérature, dans le théâtre médiéval comme celui de patronage, hier, dans le cinéma aujourd’hui, dans la musique sacrée mais aussi profane.

    Nous présentons, dans une première partie, l’exégèse juive, chrétienne et musulmane du récit pour éclairer son iconographie. Quelques éléments très liminaires sur le traitement littéraire, musical et cinématographique sont présentés également.

    Une seconde partie analyse l’interprétation typologique des deux protagonistes Abel et Caïn.

    Caïn comme icone de l’antijudaïsme chrétien est étudié dans la troisième partie.

    La race de Caïn et le suprématisme blanc sont analysés dans une quatrième partie.

    Une anthropologie de la violence

    « Pour le lecteur habituel de la Bible il est très déconcertant de faire l’expérience que le thème anthropologique le plus dominant de l’Ancien Testament est celui de la violence ⁴». Eric Peels

    « Kain regiert die Welt. Dem Zweifler raten wir, die Weltgeschichte zu lesen (Caïn règne sur le monde. Nous conseillons à ceux qui en doutent de lire l'histoire du monde) ⁵» Szondi, 1969

    « Le récit biblique évoque pour la première fois un mal proprement humain en Genèse 4, 13 » André Wénin

    L’histoire d’Abel et Caïn est celle de la violence, de la violence la plus brutale, la plus injuste, celle du premier meurtre, celle du premier deuil, celle du premier enterrement. Ce fratricide biblique marque durablement la conscience judéo-chrétienne d’une représentation de l’homme comme violent, un pessimisme qui influence la philosophie et tous les arts. Une anthropologie de la violence est jetée à la face du lecteur dès après l’entrée de la mort comme destin de l’humanité par la perte de l’immortalité pour cause de péché originel selon Genèse I-III. La mort non pas subie, naturelle, mais donnée, infligée, volontaire fait irruption dans la psyché humaine par ce récit de Genèse IV d’un juste tué par un méchant.

    Le meurtre, individuel ou collectif, accompagne toute l’histoire humaine, faisant de ce meurtre biblique une légende d’une permanence universelle, un mythe ancré dans l’expérience humaine immédiate. Comme le premier récit de la Chute de l’homme pour avoir mangé d’un fruit interdit, récit empli de tabou et de sexualité, a été simplifié, amplifié, déformé par la glose chrétienne pour entrer dans l’imagerie occidentale comme celle du péché, ce second récit imprime dans l’imaginaire occidentale celui du meurtre individuel.

    « Genèse 2 :4 à 4 :26 traite de certaines des grandes questions de l’humanité : la vie et la mort, le travail, la sexualité et la violence, la force et la faiblesse. L’histoire familiale et l’histoire du monde se confondent, tandis que dans ce récit sur les débuts de la culture humaine, les prototypes sont également considérés comme des archétypes ⁷» écrit Eric Peels.

    « Les premiers chapitres de la Genèse, un récit relevant de la démarche du mythe. Il projette en effet en un temps primordial (« en un commencement ») ce que, dans l'ancien Israël, des sages estimaient être les invariants de la réalité humaine, les points de repères fondamentaux de sa structure. Dans ce genre de récit, le divin représente avant tout ce qui détermine en profondeur l'ordre des choses sans que l'homme ait prise sur lui. (…) Le récit biblique évoque pour la première fois un mal proprement humain en Genèse 4, 13 ⁸» formule André Wénin.

    Un fratricide et un parricide

    On résume Genèse IV à l’histoire d’un fratricide ; certes, le meurtre d’Abel constitue le centre du drame biblique mais il y a un autre meurtre en Genèse IV, un parricide, celui de Caïn tué, par mégarde, certes mais tué par Lamech, son descendant. La différence majeure entre les deux meurtres est que, alors que Caïn se lamente sur son propre sort, refoule le souvenir de son crime, Lamech s’en lamente et, dans son désespoir, ne se crève pas les yeux comme Œdipe car il est déjà aveugle, mais tue son propre fils Tubal-Caïn comme une autopunition, comme gage de son repentir devant Dieu.

    5 Et de même, de votre sang, qui est votre propre vie, je demanderai compte à toute bête et j’en demanderai compte à l’homme : à chacun je demanderai compte de la vie de son frère. 6 « Qui verse le sang de l’homme, par l’homme verra son sang versé ; car à l’image de Dieu, Dieu a fait l’homme. Gen. 9,5-6

    Le meurtre entre dans l’histoire de l’humanité et comme un meurtre terrible, un fratricide. Le choix d’un tel meurtre en particulier n’est pas anodin, il emporte un enseignement sur la fraternité humaine, du moins dans la société des hommes qui savent dominer leur instinct de violence, ceux de la descendance de Noé que Dieu bénit au verset 9,1, tandis que la face de la terre a été lavée de la race de Caïn. Les versets 9,5-6 scellent l’Alliance nouvelle entre Dieu et sa créature comme le souligne Isnard-Davezac : « Ce pacte d’alliance ouvre un nouveau chapitre de l’histoire des hommes fondée sur l’interdit du meurtre et sur la responsabilité de chacun vis-à-vis d’autrui devant la loi. Ce n’est plus seulement la consanguinité qui définit le lien fraternel, désormais la fraternité devra être un projet, un processus éthique, culturel, et politique. ⁹»

    Dieu n’a pas à justifier sa préférence

    On le verra, les exégètes hébreux et chrétiens font assaut d’ingéniosité pour expliquer le pourquoi de la préférence divine mais, selon nous, c’est effort inutile et, surtout manquant l’explication la plus, théologiquement, logique : Dieu ne donne pas les raisons à Caïn de ce choix car il le met à l’épreuve de se soumettre ou de refuser son ordre divin. L’incompréhensibilité du diktat divin est résolue par l’enchaînement du récit : Dieu interdit, avertit Caïn des graves conséquences d’une transgression, Caïn désobéit, est infidèle (au sens latin, de manque de foi), il est châtié par l’expulsion qui est, au sens matériel, une condamnation à un sort terrestre, mortel, de souffrance et, au sens religieux, un éloignement, une privation du regard i.e. de la protection divine. L’auteur biblique reproduit ainsi le même schéma doctrinal que celui ayant noué le drame de la Chute de l’homme en Genèse I-III, le parallélisme est obvie.

    Liberté de l’homme face au péché

    Le conte biblique a une portée morale et théologique formulée par le verset 7 : Dieu, comme lors de l’interdit notifié à Adam dans le jardin d’Eden (v. 2,16-17), met l’homme face à ses responsabilités, il lui appartient de choisir entre le bien et le péché. Que Caïn cède à son mauvais instinct a une valeur étiologique, l’homme est mauvais depuis la faute de nos premiers parents, seule l’adoration de Dieu peut le garder des entreprises du Malin. Que le premier meurtre soit un fratricide ajoute à la valeur moralisatrice du récit par l’horreur d’un tel crime mais la morale n’est pas pessimiste puisque si la race humaine est violente, le narrateur présente le premier juste, Abel tué par la jalousie d’un impie. Et Dieu donnera au premier couple un autre fils, Seth, pour renouer la lignée humaine adamique. L’homme loin de Dieu, situation morale que métaphorise l’ostracisation de Caïn ne peut être que malheureux. Genèse IV réplique, réitère la dialectique de Genèse 1-3, Dieu est bon, l’homme est libre, au juste le bonheur, à l’infidèle le malheur.

    Que la violence se révèle à l’occasion d’une offrande faite à Dieu est centrale dans la démonstration. Caïn est infidèle, au sens étymologique, il a perdu la foi. La glose rabbinique en imaginant que l’origine du conflit entre les deux frères soit dans l’existence ou non d’une justice immanente, d’un jugement divin, à la fin des temps, vient exalter ce sens de l’Ecriture. Le christianisme ne fera qu’amplifier cette leçon et, la rattachant à l’épisode du péché originel et à d’autres justes (Isaac, Job…), fera d’Abel une figure préchristique, un saint et de Genèse IV une preuve à l’appui du dogme du péché originel.

    Une exaltation de la vie pastorale

    Cette lecture a les faveurs de l’exégèse hébraïque pour qui le récit reflète la rivalité millénaire entre peuples sédentaires et peuples nomades, entre éleveurs et agriculteurs, et l’importance du service d’offrandes dues à YHWH pour conserver sa protection. Le récit s’ancrerait ainsi dans l’histoire longue du peuple hébreu.

    Jérusalem contre Babylone

    « Cette femme a enfanté celui qui doit conduire les hommes avec une verge de fer ; et cette femme est la cité de Dieu dont il est dit dans un psaume : « O cité de Dieu, on dit de vous des choses merveilleuses » ; cette cité qui eut son commencement en Abel, comme la cité du mal en Caïn, l’antique cité de Dieu, toujours tourmentée sur la terre, espérant le ciel, et dont le nom est Jérusalem et Sion. ¹⁰» Augustin

    « Babylone signifie confusion, et Jérusalem, vision de la paix. ¹¹» Augustin

    Cette affirmation date d’environ 416, Augustin la développe dans sa Civitas dei. Cette antinomie théologique entre la Cité de Dieu et la Cité terrestre, prise au sens d’une ville, peut sembler hasardeuse car il n’est dit nulle part dans Genèse IV qu’Abel fonda une quelconque cité pas plus qu’il n’eut de lignée. Le seul bâtisseur de ville est nommé, il s’agit de Caïn. Mais au sens allégorique et latin, civitas dérive de civis, ce n’est pas la ville construite, l’urbs, la Cité doit être comprise comme l’appartenance à un groupe ¹², à une assemblée, et il faut entendre la Civitas dei comme l’Eglise l’ ἐκκλησία ecclesia qui est, au sens étymologique, une assemblée, celle dont Augustin et d’autres Père enseignent qu’elle exista de toute éternité. La Cité de Dieu est dirigée par Dieu, c’est la Jérusalem céleste, la cité terrestre est abandonnée à Satan dont Caïn fut le jouet.

    « J’aime mieux maintenant défendre la vérité de l’Ecriture contre ceux qui prétendent qu’il n’est pas croyable qu’un seul homme ait bâti une ville, parce qu’il semble qu’il n’y avait encore alors que quatre hommes sur la terre, ou même trois depuis le meurtre d’Abel, savoir : Adam, Caïn et son fils Enoch, qui donna son nom à cette ville. Ceux qui raisonnent de la sorte ne considèrent pas que l’auteur de l’Histoire sainte n’était pas obligé de mentionner tous les hommes qui pouvaient exister alors, mais seulement ceux qui servaient à son sujet. ¹³» Augustin

    La cité humaine, celle de Caïn, est une vraie ville ; Augustin défend la vérité des Ecritures là où certains pourraient douter que trois hommes seulement Adam, Caïn et Enoch aient pu y suffire.

    La Civitas dei est spirituelle, La Jérusalem terrestre a été fondée après celle d’Hénoch ; elle fut détruite par Babylone, l’actuelle, celle terrestre, matérielle, celle où gémissent les pécheurs non encore convertis explique Augustin.

    Primauté du cadet sur l’ainé

    Mais, comme les deux fils d’Adam que nous venons de nommer, « l’aîné sera l’esclave du plus jeune » ; de même si Babylone l’emporte sur Jérusalem par l’ancienneté, Jérusalem est bien supérieure à Babylone par la dignité (Gen. XXV, 23.). Mais pourquoi celle-ci a-t-elle existé avant celle-là ? L’Apôtre nous le dit : « Ce qui est spirituel n’a pas été formé le premier : ce qui est animal l’a été d’abord ; ensuite est venu ce qui est spirituel ». Et pourquoi Jérusalem l’emporte-t-elle en dignité sur Babylone ? Parce que l’aîné sera l’esclave du plus jeune ». (…) Grand et ineffable mystère, indiqué dans ces paroles de saint Paul: « Ce qui est spirituel n’a pas été formé le premier ; ce qui est animal l’a été d’abord ; ensuite est venu ce qui est spirituel » enseigne Augustin.

    Le Dieu biblique face à la violence

    Dieu, selon Genèse IV,5-6, adresse une paternelle mise en garde à Caïn pour qu’il ne cède pas au péché, cette admonestation est, moralement, et dans la dramaturgie du récit, semblable à l’ordre divin de Genèse 2,16-17 : Dieu met l’homme face à sa liberté de choisir entre l’obéissance et l’infidélité ; l’homme transgresse l’interdit en Genèse II, se laisse aller à la colère en Genèse IV ; la sanction est la même : la perte de la protection divine, la rupture de l’Alliance, l’exil dans le monde terrestre dans une nature hostile, la souffrance. L’auteur, les auteurs, bibliques, le Jahviste ici, reproduisent le même schème qui est réitéré en de multiples épisodes du Pentateuque celui de l’égarement de l’homme et d’Israël qui s’éloigne de YHWH et est immédiatement puni pour ensuite recevoir mais après un terrible châtiment, celui du Déluge, celui des serpents de feu dans le désert…

    Le déluge qui suit l’histoire de la lignée d’Adam, interrompue par l’assassinat d’Abel et reprise par la naissance de Seth qui vient remplacer Abel, vient balayer la race de Caïn de la face de la terre, refait table rase et permet le pardon divin, la nouvelle alliance, celle de la colombe de l’arche de Noé. En cela, le récit de « Meurtre et châtiment à l’est d’Eden » doit être lu en dynamique : trouvant sa cause initiale dans le péché originel, il débouche, logiquement, par celui du déluge. La glose judaïque et chrétienne ne s’y sont pas trompés et ont imaginé faire de Caïn « le fils de Satan » né d’une union d’Eve avec le serpent tandis qu’Abel nait, lui, d’Adam, Adam dont Jésus-Christ, le nouvel Adam, viendra rédimer la Faute, Abel, le premier juste, le premier martyr de la foi, le premier saint selon l’hagiographie chrétienne.

    La dynamique fatale des épisodes - création, péché originel, fratricide, déluge - est imposée par l’affirmation réitérée de la lignée humaine.

    « Dans le dialogue entre Dieu et Caïn, la violence avec ses racines et ses branches, est mise dans la lumière d’une manière que cette péricope en tant que telle prend une fonction paradigmatique. ¹⁴» formule Eric PEELS.

    Un Dieu injuste ou incompréhensible ?

    Caïn, comme Judas Iscariot ¹⁵, est, dans la littérature ancienne et, pour une large part de la littérature moderne, un « archi-méchant », mais il trouva des avocats pour le réhabiliter jugeant sévèrement l’attitude de Dieu qui au pied de la lettre des verset 4,5 et 6, donne sa faveur à l’offrande d’Abel, ce sans explication. Les commentateurs se sont depuis deux millénaires évertués à justifier cette préférence divine, constituant, car Dieu ne saurait être injuste ! un dossier à charge contre Caïn qui ne sont que des conjectures, des fables sur son manque de dévotion, des raisons inavouées, surtout non dites par le Jahviste ; un édifice des suppositions qui ne convainc guère au point qu’un théologien ose douter de l’objectivité de YHWH, déclarant que la traditionnelle explication de la Genèse est trop sévère pour ce qui est de Caïn et trop accommodante pour ce qui est de YHWH : « Le trouble ne vient pas de Caïn, mais de Yahweh, l’étrange Dieu d’Israël. De manière inexplicable choisit, accepte et rejette (…) Essentielle à l’intrigue est la liberté capricieuse de Dieu ¹⁶» interpelle Walter Brueggemann.

    Le caractère inexplicable même du choix divin est, a contrario, assumé, et devient la cause de l’hostilité meurtrière de Caïn selon Westermann pour qui « Il devrait donc rester inexplicable pourquoi Dieu regarde le sacrifice d'Abel et non celui de Caïn. Et ceci, veut faire comprendre le narrateur, est l'un des motifs décisifs de conflit partout où il y a des frères ¹⁷» avance Westermann.

    Cette controverse nous semble, on l’a dit, résolu simplement. De même que Dieu formulant son interdit à Adam ne le justifie pas, de manière si obscure que pour le premier homme cela est l’expression d’un tabou, le choix injustifié de l’offrande d’Abel a une valeur de mise à l’épreuve de la liberté de l’homme. Le sens est le même : il appartient à l’homme et à l’homme seul de choisir entre le Bien et le Mal. Dans un vocabulaire chrétien, il n’y a pas de prédestination, Caïn, comme Abel, sont marqués du péché originel mais que l’un honore Dieu et prenne le chemin de la justice et l’autre cède au péché, démontre très précisément cette liberté de l’homme.

    Un meurtre marqué du péché originel

    La plupart des ouvrages de théologie consacrées au péché originel bornent leur étude à Genèse I à III, débutant par la création de l’homme puis de la femme et concluant par l’expulsion d’Adam et Eve du Paradis en châtiment de leur Faute. La vie du couple peccamineux hors du Jardin d’Eden, la naissance d’Abel puis de Caïn, le meurtre du cadet par l’aîné, la malédiction qui pèse sur Caïn, la naissance ultérieure de Seth ne sont pas, le plus souvent, étudiés, considérés comme des épisodes distincts, déconnectés du drame biblique initial ; cela nous semble une erreur car le meurtre d’Abel par Caïn, narré en Genèse IV, éclaire le sens même du péché originel, celui de l’entrée du Mal, de la violence, de la Mort donnée, sur terre.

    L’exégèse chrétienne s’est employée depuis les Pères grecs et romains à articuler les deux épisodes, en faisant une dialectique de l’homme face au choix, libre, entre le Bien et le Mal, entre l’Eglise et Satan, entre la vie éternelle, celle de la résurrection et la mort infernale promise aux pécheurs. Abel et Caïn deviennent, figures iconiques de la prédication, obligent les artistes à imaginer des marqueurs visuels de cette opposition : posture face à Dieu lors de l’offrande, pâleur et gracilité d’Abel face à la force sombre de Caïn…

    « Jusque dans les moindres détails, Genesis 3 et

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