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Tueurs de l'occulte 2
Tueurs de l'occulte 2
Tueurs de l'occulte 2
Livre électronique498 pages5 heures

Tueurs de l'occulte 2

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À propos de ce livre électronique

Lorsque vient le moment d’infliger des souffrances et la mort, les êtres humains peuvent faire preuve d’une violence inouïe, particulièrement lorsqu’ils sont «guidés» par le surnaturel ou le paranormal. Après l’immense succès de Tueurs de l’occulte, Christian Page est de retour avec 13 nouvelles affaires de crimes occultes parmi les plus troublantes de l’histoire judiciaire. Cœurs sensibles s’abstenir.


Motivés par des croyances fantastiques, extrêmes et fanatiques, les crimes à caractère occulte sont souvent caractérisés par leur barbarie effrayante. Qu’ils s’adonnent à des rituels, à des sacrifices, qu’ils agissent au nom d’un gourou ou de Satan, les tueurs de l’occulte n’ont aucun tabou: ils profanent les corps, vivants ou morts. Ils démembrent leur famille. Ils boivent le sang de leurs pairs. Rien n’est jamais assez abject pour leur faire renoncer à leurs terribles desseins.
En sa qualité de journaliste spécialisé dans l’étrange et le paranormal, Christian Page bénéficie depuis près de 50 ans d’un accès privilégié aux archives judiciaires. Il a parcouru le monde afin de documenter les meurtres les plus insolites, est retourné sur les scènes de crime et a rencontré une foule de témoins, policiers, avocats, procureurs et juges. Il présente ici 13 nouveaux cas parmi les plus étranges et dérangeants des annales judiciaires et les reconstitue avec minutie en suivant, pas à pas, l’évolution perturbante de ces monstres: leur passé trouble, leurs croyances déformées et leurs crimes effroyables. Ce livre se lit comme 13 nouvelles policières, sauf qu’ici tout est vrai, malheureusement. Même les noms n’ont pas été changés.
LangueFrançais
Date de sortie16 oct. 2024
ISBN9782898274336
Tueurs de l'occulte 2
Auteur

Christian Page

Christian Page, « l’enquêteur du paranormal », s’intéresse aux phénomènes étranges depuis plus de 40 ans. Il a été président fondateur de l’Organisation de compilation et d’information sur les phénomènes étranges (OCIPE), directeur de MUFON-Québec, filiale de la plus importante organisation ufologique au monde, et directeur de SOS OVNI. Il a aussi créé en 2003 Enquête sur les ovnis, la seule série documentaire du genre produite au Québec (Ztélé).

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    Aperçu du livre

    Tueurs de l'occulte 2 - Christian Page

    Joplin, Missouri, États-Unis, 6 décembre 1987

    Affaire 1

    James Hardy, Ronald Clements et Theron Roland

    Le puits de l’enfer

    Ding, dong… Le carillon de la sonnette résonne dans la maison.

    Steven Newberry, 19 ans, se précipite à l’entrée. En ouvrant la porte, il se retrouve nez à nez avec James « Jim » Hardy. Ce dernier, tout comme lui, est étudiant à l’école secondaire de Carl Junction, au Missouri. Il est incontestablement l’étudiant le plus populaire de l’école. Les filles lui tournent autour et les garçons le craignent et le respectent. Il incarne le bad boy et une certaine rébellion. Tout lui réussit. Il semble béni des dieux. Steven lui voue une admiration sans bornes. De fait, Jim est tout ce qu’il aurait souhaité être. Il traîne toujours avec Ronald « Ron » Clements et Theron « Pete » Roland. Ils forment un trio inséparable surnommé les Hardy’s Boys. On devrait plutôt dire « formait un trio », car depuis peu le groupe est devenu un quatuor… et le nouveau membre, c’est lui : Steven Newberry. Il savoure sa chance. Il se sent comme Ringo Starr parachuté dans le trio comprenant John Lennon, Paul McCartney et George Harrison. Steven se sent comme le quatrième Beatle. Il est pourtant si différent de son idole Jim. Non seulement est-il le plus vieux de la bande (tous les autres ont 17 ans), mais il est aussi l’antithèse de celui-ci. Il est grassouillet alors que son vis-à-vis est svelte et athlétique et, contrairement à Jim, il est sans doute l’étudiant le plus impopulaire de l’école de Carl Junction.

    3 photos en noir et blans, 3 hommes caucasiens, veston cravates

    Les Hardy’s Boys (de gauche à droite) : James « Jim » Hardy, Theron « Pete » Roland et Ronald « Ron » Clements. (Photos : collection privée)

    – Salut Steven ! Toujours partant pour une virée ? demande Jim, affichant un sourire digne d’une publicité de dentifrice.

    Regardant par-dessus l’épaule de son mentor, Steven aperçoit la voiture de Pete garée au bord du trottoir. De l’intérieur, Pete et Ron lui envoient la main.

    – Bien sûr, répond-il, en invitant son ami à entrer.

    Pendant un instant – le temps que Steven enfile ses chaussures et un blouson –, les jeunes jasent d’Eternal Idol, l’album le plus récent de Black Sabbath, l’un de leurs groupes favoris. Steven a beau se sentir comme Ringo Starr, la musique des Beatles n’est pas vraiment son truc. Comme les autres membres de la bande, il est un mordu de musique heavy métal. Il affectionne particulièrement Megadeth et Ozzy Osbourne.

    Lorsqu’il monte dans la voiture, il réalise qu’il y a un autre passager : un chaton de quelques mois. Il n’est pas vraiment surpris. En après-midi, Jim lui a téléphoné pour lui dire que la bande allait faire un « jeu mortel » (deadly game), son expression pour parler de sacrifices d’animaux. Steven comprend que cette virée sera tout sauf banale. Depuis qu’il a rejoint officiellement la bande, ses amis l’ont initié au satanisme. Au début, ce volet occulte l’a un peu dérangé, mais, à présent, le culte du diable l’a complètement conquis. En secret, il croit même que la popularité de Jim est liée à ces forces obscures. Il y a quelques semaines, il a d’ailleurs participé à un premier rituel durant lequel un chat a été sacrifié. En apercevant le félin, Steven comprend que ses acolytes ont décidé de remettre ça. Ce qu’il ignore, c’est qu’ils veulent passer des sacrifices d’animaux aux sacrifices humains.

    Les jeunes s’engagent sur l’autoroute 43 et prennent la direction de Joplin, à 15 minutes au sud de Carl Junction. Nous sommes le 6 décembre 1987. Conduisant d’une main, Pete enfonce une cassette dans l’autoradio. Les haut-parleurs renvoient à tue-tête les premières mesures de Damage Inc., du groupe Metallica. Le refrain répète en boucle :

    Blood will follow blood (le sang suivra le sang)

    Dying time is here (le temps de mourir est là)

    Damage incorporated (dommage incorporé)

    Pour Steven, c’est un sombre présage, presque une prophétie.

    Jim Hardy

    Carl Junction se trouve dans le comté de Jasper, au Missouri. La ville est pratiquement sur la frontière avec le Kansas, à la limite des monts Ozarks. C’est la Bible Belt, cette grande région du centre-sud des États-Unis où les communautés chrétiennes, protestantes et très conservatrices définissent un certain mode de vie.

    En 1982, la famille Hardy déménage de Joplin à Carl Junction, une petite ville d’un peu moins de 4000 habitants. Nancy et James font partie de la classe moyenne. Lui travaille comme comptable et elle se consacre à l’éducation des enfants : trois filles et deux garçons. James fils (Jim), le cadet des garçons, a de la difficulté à s’adapter à ce nouvel environnement. Lui qui excellait à l’école voit ses notes chuter. Il devient irascible et violent. Une religieuse, également conseillère pédagogique, suggère aux Hardy de consulter. Ils inscrivent leur fils à une psychothérapie au Centre Ozark de santé mentale, à Joplin, mais, après deux ou trois séances, Jim refuse d’y retourner. Nancy et James pourraient insister, mais ils ont d’autres chats à fouetter. Leur ménage bat de l’aile et ils préfèrent croire que les problèmes de Jim sont la conséquence du climat tendu qui règne à la maison. Ce n’est qu’à moitié vrai. Ce que les Hardy ignorent, c’est que leur fils consomme de plus en plus, étant rapidement passé du cannabis aux amphétamines et au LSD. Il a des fantasmes malsains et morbides. Il maltraite et torture des animaux. Il dira plus tard : « Tirer sur un oiseau ne me suffisait pas. Je devais le mettre en pièces. Je pensais que c’était fantastique. Je voulais voir la mort. J’étais amoureux de la mort. »

    À 13 ans, après une discussion houleuse au sujet de sa consommation de cannabis, son père le confine dans sa chambre, privé de sorties. Jim réagit avec violence, défonçant littéralement la porte avec un bâton de baseball. Les coups sont portés avec une telle force que des éclats de bois sont projetés jusque dans le hall d’entrée, certains atteignant son père au passage. À une autre occasion, alors que celui-ci lui reproche d’avoir mal rangé des outils, Jim saisit une bûche et la lui lance en le menaçant de le tuer.

    C’est à l’école secondaire de Carl Junction que Jim fait la connaissance de Steven. Ce dernier est un peu la tête de Turc de l’école. Il est grassouillet, d’une hygiène corporelle douteuse, et on le dit un peu lent. Il a d’ailleurs redoublé sa première année du secondaire. Dès les premiers jours de la rentrée, il s’attache à Jim, qu’il perçoit comme un idéal à atteindre, un « rebelle sans cause ». Cette admiration est loin d’être réciproque. Jim voit plutôt en Steven un faible qu’il peut manipuler comme un chien de compagnie. À la même époque, il fraternise avec Ronald « Ron » Clements, un adolescent aussi paumé que lui. Sa mère est serveuse, et son père, alcoolique et toxicomane, vit d’expédients ; il a occupé pas moins de 30 emplois au cours des quatre dernières années. Les garçons deviennent vite inséparables. Outre leur consommation de drogues, ils partagent de nombreuses passions : la musique heavy métal, l’occultisme et le satanisme. Face à ce tandem, Steven ne fait pas le poids. Le duo l’insulte, le truande et lui conseille souvent d’aller voir ailleurs. L’adolescent comprend qu’il n’est plus le bienvenu… mais l’a-t-il jamais été ? Il choisit de prendre ses distances, mais il ne reste jamais bien loin.

    À ce moment-là, Jim et Ron voient le satanisme beaucoup plus comme un mode d’expression que comme une religion. Ils dessinent des pentagrammes sur les murs des bâtiments et, lorsqu’ils veulent exprimer leur mépris, ils brandissent le poing avec l’auriculaire et l’index levés, symbolisant des cornes dressées. Un doigt d’honneur style Lucifer. Ils passent de longues heures à la bibliothèque de l’école, consultant des livres sur l’occultisme et le satanisme. Ils se procurent même des exemplaires de la Bible satanique d’Anton LaVey, le fondateur de l’Église de Satan en 1966. Cet ouvrage est en quelque sorte le b.a.-ba de tous les satanistes en devenir.

    Dans l’autobus scolaire, le chauffeur surprend Jim à entretenir les plus jeunes à propos du culte du diable. Il le signale à l’école, qui envoie une lettre aux Hardy. La note revient signée par la mère de Jim, Nancy. La direction suppose que les parents ont parlé à Jim, qu’ils ont joué leur rôle d’autorité, mais il n’en est rien. Pour Nancy et James, ces histoires ne sont que des bêtises d’adolescents.

    Jim est sur une pente de plus en plus glissante.

    Dans l’intimité de sa chambre, il prie… Dieu et le diable. Il attend de voir lequel des deux répondra le mieux à ses attentes. Plus il en appelle au Malin, plus la vie est généreuse. À l’école, il est populaire comme jamais, sauf auprès du corps enseignant, qui le voit comme un cancre et un voyou. Il a des amis, des filles et de la drogue.

    Ron aussi se met à la prière. Dans sa chambre, il a accroché une croix à l’envers – une croix dite « de saint Pierre » – qu’il fixe tout en faisant ses incantations. Comme son ami Jim, il est convaincu que le diable est la force qui domine le monde.

    Les adolescents s’habillent de noir et portent une boucle d’oreille en forme de croix inversée. Ils se laissent pousser les cheveux. Jim ajoute même à son style un faux serpent qu’il s’enroule autour du cou. Ils fréquentent une bande de marginaux qui se réunit dans les bois, près d’une voie ferrée désaffectée. Ces jeunes, de deux ou trois ans plus âgés, sont connus pour leur participation au commerce des stupéfiants. Ils leur vendent leur marchandise, que Jim et Ron refourguent aux étudiants de l’école secondaire de Carl Junction.

    photo en noir et blanc, homme caucasien, souriant, visage rond

    Steven Newberry était le souffre-douleur des étudiants de l’école secondaire de Carl Junction. (Photo : collection privée)

    Peu à peu, le satanisme resserre son emprise sur eux. Leurs conversations ne tournent plus qu’autour de la violence et du macabre. Les autres élèves ont l’impression que Jim et Ron sont en compétition pour imaginer les scénarios le plus sordides et choquants. Ils vibrent aux paroles de Megadeth ou de Slayer, des groupes heavy métal dont les paroles font souvent l’apologie de la violence, de la mort et de la torture. Certaines de ces formations glorifient au passage des actes contre nature, comme le cannibalisme et la nécrophilie.

    Jim répète à qui veut bien l’entendre que Satan est son dieu.

    Satan est mort, vive Alex !

    Pendant l’été de 1985, Ron confie à son alter ego que tout cela commence à lui faire peur. Parfois, des forces obscures le réveillent la nuit. Il souffre de violentes migraines et ses pensées s’embrouillent. Il croit que des entités malveillantes tentent de se substituer à sa volonté, qu’elles cherchent à le posséder. C’est comme un marteau-piqueur dans sa tête. Il préfère prendre ses distances vis-à-vis de ces pratiques sataniques. Contre toute attente, Jim n’est ni surpris ni offensé. Au contraire, il le comprend, avouant avoir lui-même été possédé une quinzaine de fois par des démons du « bas astral ».

    Ron ne reste pas longtemps hors du cercle. Après avoir lu le roman Orange mécanique¹ et vu l’adaptation cinématographique de Stanley Kubrick (1971), il commence à s’identifier à Alex, cet adolescent de 15 ans déjanté et violent, imaginé par l’auteur Anthony Burgess. Il demande à ses amis de l’appeler Alex. Il signe même ses devoirs de ce prénom et adopte l’accent britannique (comme Malcolm McDowell dans le film). Dans son imaginaire, Alex n’est pas le diable, mais son ouvrier, un digne exécutant. Ce rôle lui plaît. Il confie qu’il entend parfois des voix qui l’incitent à la violence. Elles lui suggèrent même de tuer. Est-ce le spectre d’Alex ou celui du diable ?

    Ayant eu vent de ses dérives, l’administration de l’école en informe les Clements. Elle souligne que leur fils multiplie les absences et n’a manifestement ni intérêt ni motivation pour les matières scolaires. Raymond Dykens, le principal, ajoute que l’administration est à bout de ressources. Leur fils aurait besoin d’être vu par un spécialiste. En avril 1987, Diana Clements prend rendez-vous au Centre Ozark de santé mentale pour une évaluation. C’est l’établissement par lequel est passé Jim quelques années plus tôt. Diana est au courant des pensées morbides de son fils. Elle est bien consciente aussi de ses problèmes de consommation. Curieusement, le conseiller-thérapeute de la clinique, Randy Grauens, est beaucoup moins alarmiste. Pour lui, les comportements de Ron sont ceux d’un garçon de son âge, d’un rebelle en quête d’identité. Il doute également que l’adolescent soit prêt pour une cure de désintoxication, même si celui-ci prétend le contraire. Pour que ce genre de thérapie réussisse, il faut que le patient soit conscient de son problème et qu’il souhaite s’en sortir. Grauens ne croit pas en la sincérité de Ron. Et lorsque ce dernier lui parle des voix qu’il entend et de ses scénarios sadiques, le thérapeute n’y voit encore que les fantasmes d’un jeune noyé dans la réalité alternative que chantent ses idoles du heavy métal. Il conseille à Diana d’éloigner son fils de Jim Hardy. À en juger par ses confidences, ce Hardy est d’un tempérament dominant et exerce une mauvaise influence sur Ron.

    Comme la fin des classes approche, Diana prend ses dispositions. Ron passera le début de l’été chez son père, déménagé depuis peu en Arizona. Pendant son absence, elle fouille ses effets personnels, incluant ses cahiers scolaires. Elle est horrifiée d’y lire en marge ses fantasmes sadomasochistes et des descriptions de violence et de mort. Elle retourne au Centre Ozark de santé mentale et remet ces écrits à Randy Grauens. Non seulement le thérapeute réitère-t-il que ces fantasmes n’ont rien d’anormal pour un adolescent, mais il reproche aussi ses actions à Diana. Elle ne devrait pas violer ainsi l’intimité de son fils.

    Theron « Pete » Roland

    Durant l’absence de Ron, Jim se lie d’amitié avec un autre étudiant de l’école : Theron « Pete » Roland. Comme Hardy et Clements, il vient d’une famille dysfonctionnelle. À la maison, les problèmes d’argent, d’abus et d’alcool ont été omniprésents. Quand il était enfant, ses parents ont divorcé. Son père a fait un séjour en hôpital psychiatrique. Un rapport a été envoyé à la protection de l’enfance, qui a choisi de retirer les enfants de la garde familiale, la mère étant jugée inapte à cause de son alcoolisme. Theron et sa sœur aînée ont alors été placés dans un foyer d’accueil. Était-ce vraiment mieux ? Le gamin était sévèrement réprimandé pour ses actions. Lorsqu’il mouillait son lit (il avait six ans), ses tuteurs le châtiaient, allant jusqu’à lui mettre le nez dans son urine. Trois mois plus tard, il est retourné vivre avec sa mère, Penny Baert. À cette époque, celle-ci passait ses soirées dans les bars, laissant ses enfants sans supervision des nuits entières. Mauvais élève, Theron s’est fait une réputation de clown, dérangeant la classe à la moindre occasion. Vers l’âge de 13 ans, il a commencé à boire, puis est vite passé de l’alcool au cannabis, aux amphétamines et à la cocaïne. À l’instar de James Hardy, il est un amateur de musique heavy métal, et ses penchants pour le morbide et la violence rivalisent avec ceux de son nouvel ami. Sans surprise, il est aussi fasciné par Hitler et les nazis. Il « décore » ses cahiers de pentagrammes et de swastikas.

    Lorsque Ron revient de l’Arizona, Jim lui présente Pete. Les trois s’entendent comme cul et chemise. Ils poussent un peu plus loin leur goût du macabre et passent aux sacrifices d’animaux. Ils se réunissent dans les bois à l’extérieur de Carl Junction, où ils défèquent sur la Bible. Ils torturent et tuent des chats, des chiens et des écureuils. Aussi surprenant que cela puisse paraître, certaines de ces cérémonies se font devant public : des jeunes souvent intoxiqués qui trouvent « divertissantes » ces maltraitances. Parmi eux, on compte parfois Steven Newberry, prêt à tout pour être aimé de Jim Hardy. À une occasion, Jim et Pete trouvent un vieux sèche-linge dans un dépotoir. Ils remplissent la cuve de foin, y enferment un chiot qu’ils ont copieusement arrosé de solvant à peinture et y mettent le feu. Les plaintes d’agonie de l’animal les amusent. « Le chien courait à l’intérieur, racontera Jim. C’était la première fois que j’entendais hurler un chien. On aurait dit un humain qui criait. »

    À la reprise des cours, en septembre, Jim, Ron et Pete se retrouvent tous les jours à la cafétéria. Ils sont souvent entourés d’étudiants qui boivent leurs paroles et rient à l’énoncé de leurs épouvantables fantasmes. Ils décrivent plusieurs scénarios de meurtre, comme asperger une vieille dame d’essence et l’enflammer comme une torche. « Ce serait amusant de la voir cramer vivante », commente Jim. On pourrait croire que ce genre de propos lui aurait aliéné la majorité des étudiants, mais c’est plutôt l’inverse qui se produit. En ce début d’année, il est temps d’élire un « président » et Jim est un candidat tout désigné. N’est-il pas l’étudiant le plus populaire de l’école ? Ses pairs le trouvent cool… au grand dam du corps enseignant, qui ne voit en lui qu’un cancre manipulateur. Après une courte campagne, l’adolescent est élu président de l’association étudiante.

    Tout cela devient de plus en plus inquiétant. Comment un jeune aussi dysfonctionnel et avec un discours aussi sordide peut-il susciter une telle sympathie, surtout dans cette région des États-Unis (Bible Belt) reconnue pour sa piété et son respect des Saintes Écritures ?

    Au gré de leurs discussions, les satanistes en herbe laissent entendre qu’ils cherchent la « victime parfaite » et que, lorsqu’ils l’auront trouvée, ils passeront à l’acte. Pete, qui affirme aussi entendre les voix des démons, est persuadé qu’à l’issue de ce sacrifice le grand Satan lui apparaîtra en personne. C’est au cours de l’un de ces échanges qu’une étudiante propose un candidat : Steven Newberry. Jim éclate de rire. « Pas lui, répond-il. C’est un idiot, mais je peux l’utiliser comme je veux. Il m’est utile, je lui achète parfois de la dope. » Nous sommes alors en septembre 1987 et le ver est dans la pomme.

    Le mal-aimé

    Si Jim est perçu comme la vedette de l’école, Steven est le souffre-douleur de tout un chacun. À cause de son hyperactivité infantile (on dirait aujourd’hui trouble du déficit de l’attention ou TDAH), il a commencé l’école plus tard que les autres enfants et a redoublé une année. Il a deux ans de plus que ses compagnons de classe. Il est en surpoids et ses odeurs corporelles dérangent. On le bouscule et on le traite de tous les noms. Il est naïf et influençable. Steven multiplie pourtant ses efforts pour être aimé, pas toujours hélas de la meilleure manière. Pour impressionner les élèves, il raconte souvent des bobards invraisemblables. Il prétend, par exemple, que sa mère a fait le gâteau de mariage pour Lady Di et le prince Charles.

    Jim connaît les faiblesses de Steven ; il sait que celui-ci lui voue une admiration sans bornes et qu’il ferait tout pour lui plaire. Que son rêve serait d’être admis dans son cercle rapproché, comme le sont Ron et Pete. Il en profite. Lorsque Steven se présente à l’école avec un autoradio de 200 $ – un cadeau de Noël de sa mère –, Jim le lui rachète pour 15 $. En apprenant cette « transaction », Marlys Newberry jure de s’en mêler, mais Steven l’en dissuade. Son intervention ne ferait que l’aliéner davantage. On le traite déjà de boule de morve et de débile ; il ne faudrait pas qu’on l’accuse d’être un fils à maman. Qui plus est, cela ruinerait ses chances de rejoindre le club sélect des Hardy’s Boys.

    À cette époque, Steven travaille à temps partiel dans une rôtisserie. Lorsque c’est jour de paie, il n’est pas rare de voir débarquer Jim et ses amis. D’une manière ou d’une autre, ils réussissent toujours à le convaincre de les accompagner chez leur revendeur. Évidemment, c’est Steven qui paie alors pour la consommation du groupe. C’est lui aussi qui paie pour la bière et la (mal)bouffe.

    Objectif : Halloween

    En septembre, le nom de Steven a déjà été évoqué comme possible « offrande » au diable, mais Jim l’a rejeté, sans considération. Puis, début octobre, en classe de psychologie, Ron, qui occupe le bureau devant le sien, se retourne et lui demande s’il était sérieux lorsqu’il parlait de sacrifier quelqu’un.

    – Bien sûr, répond Jim.

    – Alors, pourquoi pas le gros Steven ? demande Ron.

    Cette fois, Jim est d’accord. Il a même une date en tête : le 31 octobre, le soir de l’Halloween. Chez les satanistes, cette fête correspond plus ou moins à celle de Samain (ou Samhain), une célébration païenne d’origine celtique qui marque le passage de la saison estivale claire à celle plus sombre de l’hiver : la victoire des ténèbres sur la lumière.

    Le plan est assez simple. Le soir de l’Halloween, ils prétexteront une sortie urgente et demanderont à Steven de les accompagner. Ils le conduiront dans un lieu isolé où, comme ils l’ont fait des dizaines de fois avec des chats ou des chiens, ils l’immoleront par le feu ou le battront à mort avec des bâtons de baseball. Jim a déjà en tête un endroit tout désigné pour ce sacrifice. Il s’agit d’un boisé à l’ouest de Joplin. Il y a là un ancien puits désaffecté à moitié rempli d’eau. Ce sera parfait pour y jeter le corps de Steven.

    Toutefois, l’affaire tourne court lorsque ce dernier tombe sur le dessin d’un ami proche de Jim, Lance Owens, dépeignant un géant tenant dans sa main un cadavre mutilé. Ce corps lui ressemble étrangement et porte un t-shirt Nike identique à son chandail favori. Étrange coïncidence. Il apprend aussi qu’une rumeur circule à l’école : les Hardy’s Boys mijoteraient de lui « faire sa fête » le soir de l’Halloween. Steven se confie à sa mère, qui téléphone à la police de Carl Junction. À l’autre bout du fil, un agent lui répond que son fils est majeur et qu’il est responsable de ses actions et de son choix d’amis. Quant aux rumeurs, ce ne sont justement que des bavardages et la loi ne permet pas d’arrêter des gens sur la foi de racontars.

    Cela ne rassure en rien Marlys. Bien sûr, elle sait que son garçon n’est pas un modèle ; que Jim Hardy, dont il vante pourtant les mérites, n’est qu’un petit voyou ; que lui et ses amis se définissent comme des satanistes et qu’ils passent leurs soirées à se droguer et à écouter du heavy métal, un style musical qui plaît tout autant à Steven. Que Dieu lui pardonne ! Néanmoins, elle sait que quelque chose se trame. Elle le sent dans ses tripes. Elle a mis au monde quatre enfants et traversé deux divorces houleux. Elle sait reconnaître les signes d’un drame en devenir, comme si elle avait un sixième sens. Elle doit faire quelque chose. Elle demande expressément à Steven de se tenir loin de Jim, mais il refuse. Jim est son ami, rétorque-t-il, et il ne lui ferait pas de mal, quoi qu’en disent les rumeurs. Marlys n’en croit rien. Comme ces racontars parlent de l’Halloween, elle décide de déjouer les plans du trio satanique. Le matin du 31 octobre, elle demande à Steven et à ses trois jeunes sœurs de prendre quelques affaires. C’est samedi, explique-t-elle aux enfants, et elle a décidé d’aller passer le week-end chez ses parents, en Arkansas. Si dans son esprit tordu Jim a choisi la fête de l’Halloween pour faire du mal à son fils, il devra revoir ses plans. C’est exactement ce que va faire l’adolescent.

    Début novembre, Steven se retrouve en compagnie de Jim et de ses amis. Il leur confie ce qu’il sait à propos des rumeurs. Hardy éclate de rire. Toutes ces histoires ne sont que des blagues, des scénarios pour faire flipper les filles. Steven est rassuré. D’ailleurs, à partir de ce jour, il se sent plus intégré. Jim et ses camarades se montrent plus amicaux, plus… inclusifs. Steven a l’impression d’être intronisé dans le sacro-saint trio. Il est d’Artagnan rejoignant les trois mousquetaires.

    Au cours des semaines qui suivent, à au moins deux reprises, Jim, Pete et Ron organisent des embuscades pour coincer Steven, mais chaque fois des imprévus les forcent à abandonner leurs plans.

    Le mercredi 2 décembre 1987, Ronald Clements et Lance Owens s’introduisent dans une maison de Carthage (à une vingtaine de kilomètres à l’est de Carl Junction) et font pour plus de 3000 $ de dommages. Avant de quitter les lieux, ils peignent sur les murs des pentagrammes inversés et le chiffre 666, le nombre de la bête, selon l’évangéliste Jean. Ils signent leur œuvre : « Allez vous faire foutre. Votre âme appartient à Satan. » Ce sont manifestement des poètes. Ces graffitis renvoient au culte du diable. Le rapport atterrit sur le bureau de l’agent Tom Brown, de la police de Carl Junction. Ce n’est pas la première fois que des actions suggérant la présence d’un culte dans le comté de Jasper sont portées à son attention. Il y a quelques mois, des graffitis sataniques ont été signalés sur les murs d’un centre commercial à Joplin, la ville voisine. Selon la rumeur, une poignée d’étudiants en sont les responsables. L’agent Brown décide de creuser cette piste. Il se rend à l’école secondaire de Carl Junction. Le directeur, Raymond Dykens, lui confie qu’il ne serait pas surpris que Jim Hardy, Ron Clements, Pete Roland et, dans une moindre mesure, Lance Owens soient impliqués dans ces méfaits. La prochaine fois que Brown entendra parler de Jim Hardy et de ses amis, ce sera en lien avec un meurtre.

    Le 6 décembre, en fin d’après-midi, Jim se présente au domicile des Newberry, sur North Black Cat Road. Marlys est présente. Elle a passé l’avant-midi à l’église. De confession luthérienne, elle enseigne la Bible aux enfants durant les week-ends. Depuis les événements du mois d’octobre, elle s’est laissée convaincre que Jim n’est peut-être pas aussi diabolique qu’elle l’imaginait. Elle s’efforce d’être moins radicale, mais elle ne l’aime pas. Pendant un moment, Jim s’enferme avec son fils dans sa chambre. Steven vient bientôt annoncer à sa mère que ses amis et lui vont aller rendre visite à un étudiant qui se remet d’un accident de voiture. Du regard, Marlys lui fait comprendre qu’elle n’aime pas trop le voir traîner avec ces voyous, mais Steven a 19 ans. C’est un adulte et il est responsable de ses actions.

    Steven et Jim quittent la maison et s’engouffrent dans la Datsun brune de Pete. Les jeunes prennent la direction de Joplin, à 15 kilomètres au sud de Carl Junction. Assis sur la banquette arrière, Steven remarque à ses pieds quatre bâtons de baseball. Sur l’un d’eux est écrit en lettres majuscules « ULTRAVIOLENCE ». Il reconnaît un mot propre au monde d’Orange mécanique, l’univers fétiche de Ron.

    En périphérie de Joplin, Pete se gare sur State Line Road, près de l’usine de phosphate de la Farmer’s Chemical. Les jeunes ont tous en main un bâton de baseball. Jim traîne en plus un sac de jute dans lequel il a enfermé un chaton. Ils s’enfoncent sur 700 ou 800 mètres dans les bois, jusqu’au « puits de l’enfer », comme l’a rebaptisé Jim. Il est 19 h et le jour laisse lentement sa place aux ténèbres. In situ, à l’aide d’une longue corde, ils suspendent à une branche le sac gigotant (avec le chat à l’intérieur). Puis, à la manière d’une piñata, ils le frappent à tour de rôle. Bientôt, le sac, immobile, suinte de sang. Les jeunes le décrochent et admirent leur ignoble trophée. « J’aurais préféré qu’on tue quelque chose de plus gros », déplore Steven. Pendant un moment, les adolescents restent là, indécis. Ils songent à fumer du crack. Puis, en regardant Steven penché au-dessus du chaton mort, Jim entend à nouveau la voix diabolique si familière. Elle le presse de « le faire ». À l’horloge de l’enfer, c’est l’heure de Satan.

    Sans prévenir, Jim prend son élan et frappe Steven en plein visage avec sa batte. Surpris par l’agression et la force du coup, celui-ci tombe à la renverse. Il n’a pas le temps de se relever qu’il reçoit un autre coup à la tête. Il se recroqueville en position fœtale. Il réalise à cet instant qu’il s’est fait piéger, qu’il est maintenant une proie. Apercevant un espace entre Jim et Ron, il bondit en avant et s’y précipite. Aussitôt, les autres le prennent en chasse. « Pourquoi faites-vous cela ? Pourquoi moi ? » répète Steven en essayant de les distancer. C’est peine perdue. Il n’a aucune chance. Il n’a pas l’agilité d’un athlète et, dans la semi-obscurité, il trébuche sur les branches et les racines. Il réussit à atteindre la route, mais ses assaillants sont bientôt sur lui. Ils l’entourent, tenant leurs bâtons levés, prêts à frapper. Ils le forcent à retourner dans la forêt.

    – Pourquoi ? Pourquoi faites-vous cela ? demande encore Steven.

    – Pourquoi faites-vous cela ? Pourquoi faites-vous cela ? se moque Jim en prenant une voix infantile, comme celle qu’on adopterait pour parler à un enfant ou à un animal.

    – C’est vrai… Pourquoi faites-vous cela ? insiste Steven, le visage déjà couvert de sang.

    – Parce que c’est amusant, Steven, répond simplement Jim.

    Comme s’il s’agissait d’un signal, Jim, Ron et Pete se mettent à le frapper à tour de rôle. Steven tente de se protéger du mieux qu’il peut en plaçant ses mains sur sa tête, mais ce n’est pas suffisant. À un moment, Jim le frappe si violemment qu’il en casse son bâton. Il doit revenir sur ses pas pour récupérer la batte qu’a laissée tomber Steven dans sa fuite. Au final, ce dernier est frappé à plus de 70 reprises. Certains coups lui ont défoncé le crâne. Ce calvaire prend fin lorsque Jim pose le bout de son bâton sur l’épaule de sa victime, étendue au sol. Parodiant la gestuelle du « Je vous fais chevalier », Jim, utilisant sa batte en guise d’épée, prononce à haute voix : « Ceci est un sacrifice pour Satan. »

    Après cette déclaration solennelle, les adolescents traînent Steven jusqu’au puits. Ils sont surpris de constater qu’il est toujours vivant. De ses mains, il essaie de s’accrocher au sol qui glisse sous lui. Il gémit et marmonne des mots incompréhensibles.

    – Ta gueule, Steven, lui lance Jim en lui assénant un dernier coup de pied

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