« Orthographe du breton » : différence entre les versions

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== Premières traces écrites ==
 
La transcription la plus ancienne en [[breton]] a été retrouvée à l'intérieur d'un sarcophage dans une chapelle près du village de [[Inscription de Lomarec|Lomarec]] dans la commune de [[Crac'h]], près d'[[Auray]] : ''irha imaema in ri'' (soit en breton moderne : ''amañ emañ ar roue''<ref>On peut noter le remplacement du mot celtique ''ri'' (cf. le [[Langues gaéliques|gaélique]] ''rí'' et le [[Gaulois (langue)|gaulois]] ''rix'') par l'emprunt au [[français]] du mot ''roue''.</ref>), ce qui signifie « ''ici repose le roi'' ». L'inscription étant datée du VIe siècle, celui du roi [[Roi Waroch Ier|Waroc'hWaroch]], cela interroge sur la possibilité qu'il futsoit enterré ici. Cette interprétation a été cependant remise en question par la découverte en 2000 de points entre les lettres INRI qui laissent penser à "Jesus de Nazareth, roi des Juifs" et ferait de cette inscription une dédicace chrétienne<ref>Davies Wendy, James Graham-Campbell, Mark Handley, Paul Kershaw, John T. Koch, and Gwenaël Le Duc (eds), The inscriptions of early medieval Brittany / Les inscriptions de la Bretagne du Haut Moyen Âge, Oakville, Connecticut, Celtic Studies Publications, 31 décembre 2000, 339 p. {{ISBN|978-1891271052}}</ref>.
 
Les traces suivantes furent retrouvées sous deux formes différentes :
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Les gloses furent particulièrement étudiées par [[Léon Fleuriot]]
 
De la même époque date le [[manuscrit de Leyde]], en fait un fragment de traité de médecine et de botanique écrit en latin avec 30 mots bretons et qui est conservé à l'[[université de Leyde]]. Il est daté de ([[590]])<ref>[http://www.gwalarn.org/brezhoneg/istor/leyde.html Le manuscrit de Leyde ({{s-|VI|e}})<!-- Titre généré automatiquement -->]</ref> ({{s-|VI|e}}), soit deux siècles et demi avant le [[serment de Strasbourg]] ([[842]]), considéré comme le premier texte en [[ancien français]].
 
== L'usage de la graphie latine ==
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Comme la plupart des langues de l'Europe occidentale, la [[Breton|langue bretonne]] fut d'abord retranscrite avec l'alphabet latin.
 
Cependant, tout comme pour le [[français]], les [[phonème]]s du breton ne pouvaient pas tous être écrits avec les lettres latines. Les auteurs du Moyen Âge durent donc utiliser des [[digramme]]s ou [[Trigramme (linguistique)|trigrammes]] afin de représenter certains sons du breton. C'est ainsi que par exemple fut introduit la graphie ''-ff'' pour signaler une [[nasalisation]] ou la consoneconsonne quasi-muette aujourd'hui notée ''-v''. Par exemple, le nom ''Henaff'' (orthographe moderne ''Henañ'' et signifiant ''Aîné'') devrait être prononcé {{MSAPI|(h)enã}}. Autre exemple, le nom ''Goff'' (orthographe moderne ''Gov'' et signifiant ''Forgeron'') devrait être prononcé {{MSAPI|go}}, comme il l'est parfois pour certains noms de lieux, tel le quartier brestois de ''Kerangoff''.
 
À l'origine (en [[vieux breton]] et en [[moyen breton]]), les [[mutations du breton]] n'étaient presque jamais écrites.
 
== La réforme des jésuites ==
À partir du {{XVIIIe siècles-|XVIII}} cependant, les [[jésuite]]s lancèrent des campagnes d'évangélisation. Or en [[Basse-Bretagne]] la grande majorité de la population ne parlait pas français à l'exception des ports de [[Brest (France)|Brest]] et de [[Lorient]]. Aussi les jésuites durent-ils apprendre le breton. Afin de faciliter son enseignement, ils rédigèrent des grammaires, des méthodes, etc. À cette occasion plusieurs nouveautés sont introduites (attribuées à [[Julien Maunoir]] mais dont l'usage avait commencé à se répandre avant) :
 
À partir du {{XVIIIe siècle}} cependant, les [[jésuite]]s lancèrent des campagnes d'évangélisation. Or en [[Basse-Bretagne]] la grande majorité de la population ne parlait pas français à l'exception des ports de [[Brest (France)|Brest]] et de [[Lorient]]. Aussi les jésuites durent-ils apprendre le breton. Afin de faciliter son enseignement, ils rédigèrent des grammaires, des méthodes, etc. À cette occasion plusieurs nouveautés sont introduites (attribuées à [[Julien Maunoir]] mais dont l'usage avait commencé à se répandre avant) :
* l'abandon de formes réfléchies tombées en désuétude (''me em'', ''ez em'', ''en em'', ''on em'', ''hoz em'', ''ho em'') uniformément remplacée par ''en em'',
* l'abandon des rimes internes et de la [[versification]],
* la graphie ''-ff'' indiquant la nasalisation de la voyelle précédente est remplacée par ''-n'',
* l'abandon des lettres [[amuïssement|amuïes]] dans divers mots, en particulier un certain nombre de ''z'' intervocaliques (''hezre'' devient ''here'', ''cazr'' devient ''caer''…),
* l'écriture des [[mutations consonantiques]], ...
 
Ainsi, alors qu'autrefois on écrivait systématiquement ''tat'' (« père ») même si la prononciation de ce mot changeait selon le contexte, désormais la forme [[Mutation consonantique|mutée]] est écrite :
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Parfois (généralement pour les noms propres), on écrit la lettre mutée devant la lettre non mutée afin de faciliter la reconnaissance du mot. Ex. : ''Itron '''v'''Maria'' « la vierge Marie », ''emaon o vont da '''g'''Kemper'' « je vais à Quimper ».
 
C'est à cette époque que l'on fait habituellement commencer la période du breton moderne, et que l'on voit les graphies diverger : alors que l'ancienne graphie (réformée par les jésuites) devient le standard de fait pour les trois évêchés de [[Évêché de Cornouaille|Cornouaille]], [[Évêché de Tréguier|Trégor]] et [[évêché de Léon|Léon]], une autre graphie apparaît à la fin du {{XVIIIe siècles-|XVIII}} pour retranscrire le dialecte [[Breton vannetais|vannetais]] du breton (qui a une grammaire et surtout une prononciation relativement éloignées des autres).
 
Il y avait donc deux [[Langue véhiculaire|langues véhiculaires]] écrites, le [[breton léonard|léonard]] et le [[breton vannetais|vannetais]].
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== La réforme de Le Gonidec ==
 
Quand [[Jean-François Le Gonidec]] élabore dans les années 1800 à 1840 sa ''Grammaire celto-bretonne'' et son ''Dictionnaire français-breton'', il rénove également l'orthographe. Son objectif est de [[transcription phonétique|noter phonétiquement]] la langue (plus exactement le dialecte de Léon), de s'affranchir au possible de l'influence du français, et d'être simple et cohérent. Ainsi, il généralise la lettre ''k'' pour noter le son /{{CAPI|k}}/ auparavant noté par ''c'' ou ''qu'', il utilise la lettre ''g'' pour noter le son /{{CAPI|g}}/ y compris devant ''i'' et ''e''…
 
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== Vers une graphie représentant les variantes dialectales ==
 
Au {{s-|XIX|e}} cependant, les graphies utilisées divergeaient assez fortement, selon le lieu d'origine de l'écrivain (et donc sa couleur dialectale), selon que l'auteur ait été scolarisé ou pas… D'une part, un même mot voit plusieurs graphies apparaître. D'autre part, certains textes sont écrits de manière phonétique ; la retranscription variant d'un auteur à l'autre, selon qu'il sache également le français ou non. L'absence d'une autorité centrale arbitrant les choix orthographiques, comme il en existe pour le français, laisse toute liberté à cette multiplicité des graphies.
 
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En particulier, en [[1911]], le chanoine [[Pierre Le Goff (grammairien)|Pierre Le Goff]], grammairien vannetais, proposa une orthographe de synthèse à François Vallée et Émile Ernault à Saint-Brieuc. La principale innovation en était le digramme ''zh'' employé là où les dialectes KLT prononçaient /{{CAPI|z}}/ (ou rien) et où les vannetais prononçaient /{{CAPI|h}}/ ; ainsi ''Breizh'' « Bretagne » se prononce-t-il comme ''Breih'' en vannetais et ''Breiz'' ailleurs. (Le ''zh'' correspond normalement à un ancien /{{CAPI|θ}}/) Cette proposition n'aboutit pas à cause d'un différend sur la transcription ''c'h'' du phonème /{{CAPI|x}}/.
 
La ''Bodadeg veur Emglew ar Brezhonegerien'' (Grande Assembléeassemblée de L'Entente des Bretonnantsbretonnants) eut lieu le {{Date|28|décembre|1936}} à l'Hôtel Terminus de [[Lorient]], à l'initiative de [[Xavier de Langlais]], secrétaire de [[Emglew ar Brezhonegerien KLTG]] (Entente des Bretonnants KLTG) et sous le patronage d'[[Ar Brezhoneg er Skol]] (Le Breton à l'École) « afin d'apporter des améliorations à l'orthographe unique pour toute la Bretagne »{{refsou}}.
 
Ces principes seront résumés dans une proposition de [[Xavier de Langlais]] en [[1936]]. Ils consistent en l'emploi des graphies suivantes :
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Ces propositions furent initialement rejetées par la plupart des écrivains, notamment [[Roparz Hemon]].
 
En [[1938]], à Lorient, l'accord échoua une fois encore, cette fois sur de nouvelles innovations proposées par les écrivains vannetais, notamment [[Auguste Guillevic]], [[Loeiz Herrieu]] et [[Xavier de Langlais]].
 
== Comparaison desLes trois orthographes du breton ==
=== Le ''peurunvan'' ou orthographe unifiée ===
En [[1941]], le [[régime de Vichy]] se déclara prêt à tolérer l'enseignement du breton (alors que la langue bretonne était jusque-là sévèrement réprimée dans les écoles) mais « regretta » que cela ne futsoit pas possible du fait de l'existence de plusieurs orthographes. Dans l'intervalle, il n'était seulement permis d'utiliser le breton que dans les cantons monolingues bretonnants afin de faciliter l'enseignement.{{refsou}}
 
Le {{Date|8|juillet|1941}}, une commission d'écrivains ([[Roparz Hemon]], [[Loeiz Herrieu]], [[Frañsez Kervella]], l'[[abbé Perrot]], Bourdelles, Uguen, [[Abeozenn]], le chanoine Le Goff, [[Gwilherm Berthou]], [[Maodez Glanndour|Loeiz Ar Floc'h]], …) se réunit et adopta une orthographe unifiée devant la nécessité de permettre l'enseignement du breton. Après la fin de l'année, l'enseignement facultatif du breton fut autorisé à hauteur d'une heure par semaine en dehors des heures normales de cours. Cette orthographe fut progressivement adoptée de [[1941]] à [[1942]], même si elle était loin de faire l'unanimité et était même vivement rejetée par [[François Jaffrennou|François "Taldir" Jaffrennou]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=François Jaffrennou|titre=Rapport de M. Taldir Jaffrennou sur l'orthographe du breton au Comité Consultatif de Bretagne|lieu=Vannes|éditeur=Lafolye de Lamarzelle|date=15 Janvier 1943|lire en ligne=https://bibliotheque.idbe.bzh/data/cle_38/Rapport_de_Taldir_sur_lOrthographe_du_Breton_1943.pdf#viewer.action=download}}</ref> et certains des écrivains réunis en juillet 1941.
 
Cette orthographe est parfois appelée '''KLTG''' (par référence à l'unification entre la graphie '''KLT''' et le vannetais - ''Gwenedeg'' en breton). Elle est également appelée '''peurunvan''' « totalement unifiée »<ref>Certains comme [[Françoise Morvan]] traduisent fautivement par ''surunifié'', l'insistance dans cette erreur étant probablement intentionnelle.</ref> ou écriture « zh », le digramme ''zh'' ayant été pris comme symbole de l'unification des graphies du vannetais et des autres dialectes.
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En [[1958]] est créé [[Kuzul ar Brezhoneg]], une fédération qui regroupe les associations bretonnes militant pour l'orthographe unifiée du breton.
 
==== Proposition d'évolution des consonnes à la finale (2009) ====
 
Une évolution possible du peurunvan, proposée par [[Jean-Claude Le Ruyet]], pourrait être envisagée par la modification des consonnes à la finale, l'un des principaux points de débat sur l'orthographe du breton. Celles-ci seraient écrites toutes sans exception selon la règle de la dérivation avec un suffixe neutre. Ainsi, l'adjectif ''bras'' s'écrirait ''braz'' en raison des dérivés ''brazig'' ou ''brazez'' et non pas en fonction des dérivés ''brasañ'', ''brasoc'h'' car ''-añ'' et ''-oc'h'' sont des suffixes durcissants. On retrouve cette règle dans le mot ''pesked'' qui s'écrit avec un ''d'' non pas en raison du dérivé ''pesketa'' (car ce ''-a'' est aussi un suffixe durcissant) mais en fonction du dérivé ''peskedus'' où ''-us'' est un suffixe neutre <ref>[[Jean-Claude Le Ruyet]], ''Komz, liamm ha norm. Thèse, Rennes 2, 2009''</ref>.
 
=== L'orthographe universitaire (''{{Langue|br|ar skolveurieg}}'') ===
 
Après la guerre, {{qui|certains auteurs}} refusèrent d'employer comme écriture l'orthographe peurunvan, au prétexte de l'engagement de certaincertains de ses promoteurs dans la [[collaboration en France|collaboration]].
 
D'autre part, le contexte était nouveau. Dans les années [[1950]] eut lieu le « miracle breton », le passage d'une agriculture basée sur l'exploitation de petites parcelles à une agriculture quasi-industrielle (mécanisation, fusion des petites exploitations en plus grandes, [[remembrement]], développement des coopératives, etc.). Simultanément se produisit un basculement linguistique : les anciens parlaient breton entre eux mais français à leurs enfants afin de leur épargner les humiliations qu'ils avaient eux-mêmes subissubies dans leur jeunesse (telles que le ''[[symbole (enseignement)|symbole]]'') et leur faciliter l'accès à la culture et la technique française, jugée plus avantageuses, par l'adoption d'une langue perçue comme moderne (le français, langue des villes et des bourgeois) à la place d'une langue dévalorisée (le breton, langue décriée depuis un siècle par l'enseignement, une langue de paysans, de pauvres, etc.). Ainsi, il n'est pas rare de voir dans les communes du centre de la Bretagne les gens nés avant 1950 parler breton entre eux mais français à ceux nés après 1950 ou aux étrangers.
 
Le mouvement associatif [[Emgleo Breiz]] de promotion de la langue bretonne proposa, en [[1953]], une nouvelle orthographe qui devait aider ceux qui voulaient apprendre le breton à en maîtriser la prononciation, en adoptant une orthographe plus proche des conventions françaises. La coupure avec les écritures passées était minimisée par le fait que l'Église avait quasiment abandonné le breton dans l'enseignement depuis quelques décennies{{refsou}}. Le breton écrit n'était plus du tout enseigné, mais la langue transmis oralement.
 
Emgleo Breiz déclare alors<ref>{{Ouvrage|auteur1=Joseph Noël|titre=C'hoariva. Mil Pok|passage=préface|lieu=Brest|éditeur=Emgleo Breiz|pages totales=20}}</ref>:
Breiz proclame alors {{refsou}}:
{{Citation bloc|''Nous avons obtenu en 1951 l'enseignement de notre langue. Nous franchissons aujourd'hui une nouvelle étape : nous avons une orthographe « universitaire ». M. [[François Falc'hun|Falc’hun]], Professeur de Celtique et de phonétique expérimentale à l'[[Universitéuniversité de Rennes]], a reçu du Ministre de l'Éducation Nationale, mission de mettre au point une orthographe bretonne. Il en a rassemblé les éléments essentiels et les a soumis, pendant deux ans, aux études des enseignants bretons laïques et libres. Chacun ayant quelques sacrifices à ses conceptions en la matière, la Fondation culturelle bretonne est heureuse de vous présenter les principes de cette orthographe arrêtés par ce comité d'entente des enseignants, des textes d'application et des lexiques et grammaires en orthographe « universitaire », la seule désormais officiellement admise dans les manuels scolaires et aux examens. Que leur dévouement et leur discipline vous servent d'exemples dans les étapes que nous avons encore à franchir pour la conservation et le développement d'une langue qui est notre patrimoine exclusif. Nous les franchirons, assurés que nous sommes du concours de l'ardente jeunesse des Cercles Celtiques, Bagadoù, chorales, etc groupés autour de [[Kendalc’h]]. La Fondation culturelle bretonne''}}
 
Cette orthographe, créée par le chanoine [[François Falc'hun]], est appelée « écriture universitaire » (en breton '''skolveurieg''') parce qu'elle fut adoptée par l'administration dans les universités. Elle fut également appelée « écriture de Brest » car à la suite de nombreux écrivains, cette écriture faisait la part belle au [[breton léonard|léonard]], qui était depuis longtemps le standard véhiculaire dans le domaine KLT. Aussi, une deuxième orthographe universitaire créée pour le vannetais. Certains principes font d'ailleurs que les deux se rejoignent.
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* de rares retouches aux orthographes de mots particuliers : ''ema'' au lieu de ''emañ'', ''oll'' au lieu de ''holl'', etc.
 
Cette orthographe s'est vuevu reprocher certains inconvénients :
* Elle ne s'applique qu'à une partie du domaine du breton et laisse de côté le breton vannetais (même si un système spécial pour le vannerais est adopté, mais le laisse de côté dans les faits) ;
* Sur le papier, elle n'a pas la prétention d'être unique pour tout le domaine bretonnant ou même pour le KLT ; cependant ses usagers souvent s'alignèrent sur sa version léonarde : restitution de « [[Breton léonard#Syntaxe du léonard|z léonard]] » lors de réédition d'ouvrages en trégorrois (''Bilzig'')… On a même vu transcrire des contes vannetais selon la graphie léonarde !{{refsou}}
* Elle ne fait pas de distinction entre « h » [[amuïssement|muet]] et « h » prononcé partout (écrit ''c'h'' en peurunvan : ex. ''bihan'' (h muet) ~ ''nehi'' (h prononcé), ''morhed'' (h prononcé) ~ ''morhoh'' (h muet) ;
* Elle confond dans la graphie ''ill'' le /{{CAPI|ʎ}}/ l mouillé et le /{{CAPI|l}}/ après {{CAPI|i}} bref : ex. ''pillig'' (i bref + l) ~ ''pillou'' (l mouillé) ;
* L'écriture d'une finale douce pour les adjectifs et le manque de notation du « zh » ne font que renforcer le problème du « z léonard » ;
* le fait de ne pas écrire de la nasalisation des infinitifs ne permet pas de distinguer les deux classes de verbes du breton ;
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L'orthographe universitaire ne sera utilisée que par la tendance régionaliste du [[Mouvement breton]], qui regroupera des personnalités proches du [[Mouvement républicain populaire]] ou du [[gaullisme]], des laïcs chrétiens [[catholicisme|catholiques]] pratiquants engagés ou non dans l'Église, des ecclésiastiques et religieux du [[diocèse de Quimper et Léon]] avec des membres, sympathisants ou « compagnons de route » du [[Parti communiste français]] ou de ses organisations satellites. Ses détracteurs surnommèrent cette orthographe ''ar falc'huneg'', du nom de son créateur.
 
=== L'écriture interdialectale (''etrerannyezhel'') ===
 
À la fin des années [[1960]], afin de faire le pont entre l'écriture unifiée et l'écriture universitaire, des tenants des deux systèmes (ainsi que des personnes insatisfaites par l'un et par l'autre, dont [[Léon Fleuriot]]) se réunirent à plusieurs reprises pour tenter de trouver un compromis. Les bases d'une orthographe « étymologique » ou « interdialectale » furent établies au cours de ces réunions.
Ligne 135 ⟶ 134 :
Cependant le projet n'aboutit pas. {{qui|Certains}} refusaient le ''zh'' (retenu par le nouveau système) à cause de son symbolisme nationaliste (voire « nazi »). Quant à [[Per Denez]], il ne voulait simplement rien changer au peurunvan.
 
En [[1975]], cependant, à la demande de l'[[Union démocratique bretonne]] (UDB) et pour publier sa [[méthode Assimil]] en breton, [[Fañch Morvannou]] proposa une nouvelle orthographe en partant de ces bases.
 
{{citation bloc|Pendant 5 ans, des membres de la plupart des écoles orthographiques du breton se sont réunis pour confronter les points de vue et proposer des solutions. Il en est résulté une somme de travaux. Ces travaux, les solutions proposées permettent, sans aucun doute, de faire une avancée en direction de l'unification de la langue bretonne écrite. La graphie dont il est fait usage dans cet ouvrage constitue la mise en application des solutions proposées lors des réunions de la commission.|Fañch Morvannou|Le Breton sans peine, Tome 1, Assimil, Chennevières sur Marne, 1979, p. XV.}}
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{{article détaillé|Liste de publications en interdialectal}}
 
==== Proposition de nouvelleNouvelle version (2003 et 2013) ====
 
Une version, qui se veut plus "scientifique", de cette orthographe a été proposée en 2003 par [[Albert Deshayes]] dans son ''Dictionnaire étymologique du breton'' car elle se voulait plus fondée sur l'étymologie. Elle corrige quelques points. Dans son ouvrage ''Histoire de la langue bretonne, Évolution de la graphie'' paru en 2013, Albert Deshayes poursuit ses reflexions et propose encore d'autres modifications.:
 
* le /z/ issu d'un ancien /[[API s|s]]/ est systématiquement écrit ''s'' (dans quelques mots, Fañch Morvannou avait conservé ''z'') : ''amzer'' « temps » devient ainsi ''amser'' comme en gallois. Il en résulte de nouvelles confusions : ''harsañ'' avec /z/ et ''farsal'' avec /s/, ''falzer'' avec /z/ et ''falser'' avec /s/ de Morvannou confondus en ''falser'' ;
== Comparaison des trois orthographes ==
* suppression des ''zh'' non étymologiques, même si prononcés /[[API h|h]]/ en vannetais ; ainsi, le ''kerhet'' vannetais est transcrit ''kerzed'' (le groupe ''-rz-'' indiquant déjà la variation). Les autres ''rz'' restent toutefois ''rz'' (comme ''peurzorn'') et doivent être prononcés /[[API r|r]][[API z|z]]/ en breton vannetais.
* l'emploi de consonnes finales douces ou dures est systématisé selon l'étymologie, toujours réfléchie dans la voyelle précédente (longue ou brève); l'usage des douces s'étend au participe passé et au mot ''ked'' (que Falc'hun avait choisi de laisser dures).
* l'orthographe de plusieurs mots est modifiée dans un sens plus étymologique : ''ovn'' au lieu de ''aon'' (« peur »), ''ew'' au lieu de ''eo'' (forme du verbe « être »). Généralement, il y a une conséquence positive sur la qualité interdialectale de l'orthographe, ''yein'' au lieu de ''yen'' (froid), ''laesenn'', de l'ancien français ''lei'' (« loi »), au lieu de ''lezenn'' ;
* la diphtongue ''aou'' et sa version accentuée ''où'' sont écrites ''ow'' (comme en cornique) : ''owr'' à la place de ''aour'' « or ''»'', ''low'' au lieu de ''laou'' « poux », ''pilhow'' au lieu de ''pilhoù'' « chiffons » et ''pilhowaer'' au lieu de ''pilhaouaer'' « chiffonnier ». Dans quelques cas, la relation entre mots dérivés devient plus claire : ''park > parkow > parkowier'' au lieu de ''park > parkoù > parkaouier/parkeier''. On peut, cependant, objecter que cette notation masque le fait que ce phonème se prononce /u/ en position inaccentuée{{pas clair}}{{précision nécessaire}}. De plus, cette notation nuit à l'intégrité du système puisque le « w » sert, en ''etrerannyezhel'', à noter ce qui se prononce tantôt /w/, tantôt /v/, comme dans ''gwenn'', qui muté, se prononce généralement{{évasif}} /vɛn/ comme dans ''un nor wenn'' (/œ̃n nɔ:ʁ vɛn/).{{douteux}}.<!-- Inexact : prononcé certes très majoritairement ainsi en Léon et Cornouaille (sauf Aven), mais également prononcé très majoritairement [w] en Trégor et Goëlo (moins bas-Trégor sous influence linguistique léonarde), et [β̞] ou [ɥ] en Vannetais et Aven, ainsi qu'une grande partie des pays cornouaillais Chtou et Fañch, sous influence vannetaise. Pour une grande partie de l'aire bretonnante, ce système a donc du sens - cf: <ref>[http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-290.jpg ALBB carte n°290]</ref> --> Or, par exemple, personne ne prononce ''laou'' */lov/{{douteux}}<!-- Exemple non-concluant : dans le système de Deshayes, le /w/ en finale ne se prononce jamais [v], mais toujours [w]. -->.
 
==== Nouvelles évolutions possibles (2013) ====
 
Dans son ouvrage ''Histoire de la langue bretonne, Évolution de la graphie'' paru en 2013, Albert Deshayes poursuit ses reflexions et propose encore d'autres améliorations, les plus remarquables étant :
 
* L'abandon du ''z'' et du ''zh'' qui divise les tenants du peurunvan et du skolveurieg : « Je propose un retour au ''th'' du vieux-breton que l'on peut, suivant son dialecte, prononcer dur ou doux, d'adopter le ''dh'' à l'instar du cornique (le gallois use de ''dd'') pour rendre le ''d'' du vieux-breton devenu spirant à la place du ''z'', graphème emprunté au français en moyen-breton, mais je le garderai dans les mots empruntés au français.»<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Albert Deshayes|titre=Histoire de la langue bretonne, Évolution de la graphie|lieu=Brest|éditeur=Label LN|année=2013|pages totales=510|passage=347|isbn=978-2-915915-39-6|bnf=43588044}}</ref>
 
Ainsi le mot ''barzh'' devient ''bardh, tarzh → tardh, mezeg → medheg'', etc. ; ''evezh'' devient ''eweth'', ''he zi'' devient ''he thi, etc.''
 
* Remplacement des ''l'' étymologiques évolués en ''o'' par ''w.'' Par exemple le mot ''aod'' devient ''awd.''
* Remplacement des ''b'' étymologiques évolués en ''o'' par ''v'', et restent prononcés [w]. Par exemple le mot ''taol'' (table, qui vient du latin ''tabula'') devient ''tavl'', prononcé [tawl].
* Sur le même principe, le ''m'' de l'ancien groupe -''mn''- devient -''v''-, prononcé [w]. Par exemple, ''daoniñ'' venant du latin ''damnum'' devient ''davniñ''.
* La spirante vélaire ''c'h'' devant ''-w-'' redevient ''h'', conformément à la prononciation ultra-majoritaire qui est /-''hw''-/ et non-pas /-''χw-''/ <ref>cf:[http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-003.jpg carte n°3] et [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-074.jpg n°74] de l'Atlas linguistique de basse-Bretagne)</ref>. Par exemple, ''alc'hwez'' redevient ''alhwez'' (et donc ''alhwedh'' selon les nouvelles propositions), justifiant de ce fait à la fois la prononciation [χw] due à l'aspiration du ''h'', mais aussi la prononciation littorale cornouaillaise en [ɸ] / [f]''.''
 
Globalement, on note que ce système n'invente pas de nouveaux signes, mais revient au contraire sur les anciens graphèmes étymologiques du breton et a du sens quant à la formation d'un même mot pour la lisibilité et la prononciation interdialectale avec le vannetais ; il ouvre les portes à un retour possible aux sons originels du breton ([θ] et [ð]) de par les graphèmes ''th'' et ''dh'' pour contrer la perte de l'accent au profit du français, tout en conciliant parfaitement les prononciations dialectales actuelles. À ce propos, il est intéressant de noter que Le Roux relevait en 1927 que le son [ð] y était encore en usage très régulier en vannetais, dans un triangle géographique formé par Cléguérec, Pluvigner et Saint-Allouestre, et en usage ponctuel à Sein et Belle-île<ref>{{Lien web |titre=Atlas linguistique de Basse-Bretagne, Pierre Le Roux (1927) |url=http://projetbabel.org/atlas_linguistique_bretagne/ |site=projetbabel.org |consulté le=2024-09-21}}</ref>.
 
Il est également possible de noter une amélioration possible de la prononciation chez les apprenants, grâce à l'effet Buben. Cette orthographe, tout comme la version de 2003, aide à se représenter la gamme de sons qui composaient la langue bretonne du siècle dernier, telle que répertoriée par les divers travaux de collectages rendant compte de la phonétique (''Atlas linguistique de basse-Bretagne'' de Pierre Le Roux, ''Dictionnaire du breton contemporain bilingue'' de Francis Favereau, etc.), ainsi que les perméabilités entre eux ; elle permet de mettre en lumière les gammes de sons propres aux langues brittoniques, si l'on considère les gammes actuelles du gallois par comparaison de mots. Elle participe ainsi au ré-enrichissement des sonorités bretonnes, qui tendent à s'appauvrir grandement au profit d'une standardisation de prononciation calquée sur le français lors de la lecture, ainsi que la prédominance de la prononciation léonarde dans certains milieux sociaux (université, stages d'apprentissage intensifs, etc.) où l'effet Buben tend plutôt à desservir la richesse tonale du breton.
 
=== Comparaison des orthographes ===
{| class="wikitable"
|+ Comparaison
|-
!rowspan=2| Unifiée Unifié<br /> ''Peurunvan'' <br /> (1941)
!rowspan=2| Universitaire <br /> ''Skolveurieg'' <br /> (1956)
!colspan=3| Interdialectale <br/> ''etrerannyezhel''
!rowspan=2| Traduction en français
''etrerannyezhel''
|-
! (1975)
! Traduction en français
! (2003)
! (2013)
|-
| ''gla'''v'''''
| ''gla'''o'''''
|colspan=3| ''gla'''w'''''
| pluie
|-
| ''pi'''v'''''
| ''pi'''ou'''''
|colspan=3| ''pi'''w'''''
| qui
|-
| ''le'''v'''r''
| ''le'''o'''r''
|colspan=3| ''le'''v'''r''
| livre
|-
| ''e'''v'''it''
| ''e'''v'''id''
|colspan=3| ''e'''w'''id''
| pour
|-
| ''gan'''t'''''
| ''gan'''d'''''
|colspan=3| ''gan'''t'''''
| avec
|-
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| ''ane'''z'''i''
| ''ane'''zh'''i''
| ''ane'''z'''i''
| ''ane'''dh'''i''
| elle
|-
| ''ou'''zh'''penn''
| ''ou'''s'''penn''
|colspan=2| ''ou'''zh'''penn''
| ''ou'''th'''penn''
| de plus
|-
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| ''bra'''v'''a''
| ''bra'''w'''añ''
| ''bra'''v'''añ''
| ''bra'''v'''añv''
| Superlatif de ''brav'', joli
|-
| ''pele'''c’h'''''
| ''pele'''h'''''
|colspan=3| ''pele'''c’h'''''
| où
|}
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=== Situation actuelle ===
La situation s'est clarifiée depuis la fin des années 1980.
* Le développement des [[École Diwan|écoles Diwan]] depuis 1976 a largement favorisé l'orthographe unifiée ''peurunvan'' déjà majoritaire, qui est devenue d'usage généralisée dans l’enseignement, la vie publique et l’édition. Toutes les nouvelles associations ou nouveaux magazines créés depuis (''[[Bremañ]]'' (1980), ''[[Ya!]]'' (2005)) en ont fait autant, y compris bien sûr les éditions pour la jeunesse, des livres ou les revues pour enfants publiés par [[An Here]] ou [[Keit Vimp Bev]] ou encore [[''Ti embann ar skolioù]]''. Elle est en outre utilisée par la quasi-totalité des enseignants de classes bilingues, publiques ou catholiques, par les enseignants de l'[[Université de Haute Bretagne]] (Rennes II) et par certains enseignants de l'[[Université de Bretagne occidentale]] (UBO) de Brest.
* De l'autre côté, l'orthographe universitaire ''skolveurieg'' était utilisée par [[Emgleo Breiz]] et ses éditions jusqu'à sa disparition en [[2015]].
* L’écriture interdialectale '' etrerannyezhel'', {{référence nécessaire|vantée par ses promoteurs pour ses qualités pédagogiques}}, n’est plus utilisée dans l’enseignement que de façon anecdotique. Elle est cependant en usage à l'[[Université de Bretagne occidentale]] (UBO) de Brest et est reconnue par l'École Doctorale de l'Université de Haute Bretagne (Rennes II) comme écriture codifiée et standardisée pour l'obtention des diplômes. Des ouvrages sont édités dans cette écriture par la maison d’édition [[Skol Vreizh]]. Chaque année, un stage de breton est organisé par l’association [[Ar Falz]] où l’écriture interdialectale est largement représentée. L’association vannetaise [[Tremenvoe]] et les travaux de [[Skolius]] utilisent également l’interdialectal comme écriture de référence.
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La situation n'est pas exactement celle de 1975, et les rivalités se sont beaucoup apaisées. Les vieux arguments ne sont plus guère ressortis que par les souverainistes pour s'opposer au breton en général. On voit même certains écrivains, comme [[Goulc'han Kervella]] ou le prolifique [[Mikael Madeg]] publier leurs textes dans les deux principales orthographes.
 
La ''Skrivadeg'' (dictée en langue bretonne) est un concours annuel de dictée de 4 à 84 ans et a, par exemple, rassemblé 400 participants en {{date-|mars 2006}} ; elle utilise l’orthographe peurunvan.
 
== Ordre alphabétique ==
L’algorithme de tri est (comme en [[français]]) multi-niveau, conformément à la spécification des algorithmes d’ordonnancement normalisés ''UCA'' (d’[[Unicode]]) :
# Dans un premier temps, les différences de casse et d’accents sont ignorées, de même que, pour certains types de tri, tous les séparateurs de mots et la ponctuation. L’alphabet breton utilise des [[Digramme|digraphedigramme]]s et trigraphestrigrammes pour noter certaines lettres. Il y a des lettres latines qui ne sont pas utilisées en breton mais qui peuvent apparaître dans des mots empruntés (notamment, des noms propres et toponymes non traduits, le plus souvent empruntés au français) : on classe alors ces mots, qui contiennent les lettres ''c'', ''q'', ''x'' après ceux contenant les autres lettres ; cependant certains dictionnaires peuvent classer ces trois lettres latines non bretonnes ''c'', ''q'', ''x'' respectivement entre ''c’h'' et ''d'', entre ''p'' et ''r'', et entre ''w'' et ''y''.
# Comme en français, les différences secondaires (d’accents principalement) seront généralement triées en comparant d’abord les derniers caractères des textes ou mots à classer, non les premières.
# Enfin les séparateurs de mots, la ponctuation, les symboles et les différences de casse et sont considérés dans le sens de lecture normal.
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|}{{Clr}}
 
== Notes et références ==
{{Références|taille=35}}
 
== AnnexesVoir aussi ==
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Kenneth Hurlstone Jackson]], ''|titre=A Historical Phonology of Breton|lieu=Dublin|éditeur=[[Institut d'',études avancées [[de Dublin|Dublin Institute for Advanced Studies]], [[Dublin]], |date=décembre 1967, {{ISBN|isbn=978-0-901282-53-8}}
 
=== Articles connexes ===
* [[Mutations du breton]]
* [[Signalisation bilingue#Bretagne|Signalisation routière bilingue en breton]]
 
=== Liens externes ===
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{{Palette|Breton}}
{{Portail|Bretagne|écriture|langues|Bretagne}}
 
[[Catégorie:Orthographe du breton|*]]