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{{Infobox Ancienne entité territoriale
| nom français = Maghreb central
| nom2 = المغرب الأوسط
| nom2 langue = [[Arabe classique|(ar)]]
| nom3 = ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ ⵜⴰⵍⵎⵎⴰⵙⵜ
| nom3 langue = [[Langues_berbères|(ber)]]
| année début =
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}}
 
Le '''Maghreb central''' ou '''Maghreb el-Aousat''' (en [[arabe]] : '''{{lang-ar|المغرب الأوسط'''}}, ''al-Maghrib al-Awsaṭ'', en [[Langues berbères|tamazight]] : '''ⵜⴰⵎⴰⵣⵖⴰ ⵜⴰⵍⵎⵎⴰⵙⵜ'''{{refnec}}) est une [[Territoire|zone territoriale]] du [[Maghreb]] et une appellation historique de l’[[Algérie]], entre les {{S2-|VII|XVI}}, dont les limites fixes sont difficiles à désigner. Il correspond généralement à une grande partie de l’Algérie et de son [[Sahara]] septentrional.
 
Cette partie du [[Maghreb]] est nommée par les historiens et géographes musulmans dans la période du [[Moyen Âge]] occidental et repris par certains historiens contemporains pour indiquer une partie de l'Algérie<ref>[https://books.google.fr/books?id=T9IOAAAAQAAJ&pg=PA197&dq=ifren#v=snippet&q=maghreb%20central&f=false Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique…, ʻAbd al-Raḥman b. Muḥammad Ibn Khaldûn, traduction de William MacGuckin de Slane], Alger, 1856.</ref>.
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=== La formation d'un espace historique ===
 
Après l'[[Ifriqiya]], le [[Conquête musulmane du Maghreb|conquérant arabo-musulman]], [[Moussa Ibn Noçaïr]] créa trois nouvelles provinces : le Maghreb central avec [[Tlemcen]] pour capitale, le [[Maghreb al-Aqsa]] etavec [[Tanger]] pour capitale, et
[[Souss|al-Sūs al-AqsaAqṣā]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Comité Scie Inter pour la réd His géné de|nom1=l'Afrique|titre=Histoire générale de l'Afrique III: L'Afrique du VIIe au XIe Siècle|passage=298268|éditeur=Unesco|date=1990|lire en ligne=https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000184312|consulté le=2022-01-29}}</ref>. Le Maghreb central était considéré par les [[:Catégorie:Historien arabe|historiens arabes]] du Moyen Âge comme le territoire des communautés rurales [[berbères]] et lié souvent aux révoltes contre le pouvoir central arabe<ref name="amara"/>. Avant d’être intégré dans l’espace politico-économique [[Califat fatimide|fatimide]]<ref name="amara"/>. À l'ouest, la limite entre le Maghreb central et le Maghreb extrême est marquée par l'oued [[Moulouya]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jennifer|nom1=Vanz|titre=L’invention d’une capitale : Tlemcen: (VIIe-XIIIe/{{sp-|IX|-|XV}})|éditeur=Éditions de la Sorbonne|date=2021-11-29|isbn=979-10-351-0683-6|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=m09SEAAAQBAJ&newbks=0&printsec=frontcover&pg=PA336&dq=moulouya+maghreb+central&hl=fr|consulté le=2022-03-14}}</ref>.
 
Le Maghreb central va très vite se distinguer par l'implantation du [[kharidjisme]], doctrine religieuse égalitaire et réfractaire à l'impôt perçu par les gouverneurs arabes [[omeyyades]] au {{VIIIe siècle}}. Cette doctrine se veut une réponse à la politique omeyyade qui privilégie les Arabes aux non-Arabes. Trois pouvoir successifs vont prendre le [[kharidjisme]] pour idéologie : le [[royaume sufrite de Tlemcen]] d'[[Abou Qurra]], celui de [[Sijilmassa]] et enfin celui des [[Rostémides|Rostémides de Tahert]], le plus pérenne et structurant. Abou Qorra participe d'ailleurs à la [[Grande révolte berbère]] qui reconfigurera l'ensemble du Maghreb. Ces trois proto-pouvoirs successifs du Maghreb central s'appuient chacun sur l’existence d'une ville et d'une communauté commerçante. Les Rostémides fondent leur État dès 761 mais doivent composer à l'ouest avec les [[Idrissides]] et à l'est et avec les [[Aghlabides]]. Ces deux dynasties arabes mordent sur les frontières du Maghreb central<ref>{{harvsp|Kaddache|2012|p=175}}</ref>.
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En effet en l'an 711 de l'hégire, soit l'année 1311/1312, une occasion inespérée se présente pour rattacher Bougie (Béjaïa) au domaine zianide. L'intrigue se déroule autour d'un certain Ibn el Khalouf, véritable chef sanhadja de la population de Béjaïa et servant de base à la milice du sultan. Le sultan hafside de Béjaïa est en réalité à la tête de structures héritées de l'époque hammadide : les dignitaires de la cour sont tous sanhadja et recrutent parmi la population du pays ou parmi les tribus arabes d'origine hilaliennes comme à l'époque hammadide, puis sous le sayyid almohade (gouverneur de la famille du calife Abd al-Mumin), la gestion du pays bougiote repose sur les mêmes mécanismes<ref name=":47">{{Harvsp|Kaddache|2012|p=301}}</ref>. Yacoub Ibn el Khalouf a établi sa réputation en repoussant une attaque mérinide sur Béjaïa en 1303-1304. Il se voit confier la ville à chaque fois que l'émir de Béjaïa part en campagne et est désigné par le titre d'''El Mizouar''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|nom1=Ibn-H̲aldūn|titre=Histoire es berbères, 2: et des dynasties musulmanes de l'afrique septentrionale|passage=434-437|éditeur=Imprimerie du Gouvernement|date=1854|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=1WD1vMYzixEC&newbks=0&printsec=frontcover&dq&hl=fr|consulté le=2022-02-13}}</ref>. À la mort de Abou l-Baqa, Béjaïa est placée sous l'autorité de Abou Yahya Abou Bekr, sultan de Constantine. Cette autorité est rejetée par les sanhaja de la ville qui préfèrent encore dépendre de Tunis. Abou Yahya Abou Bekr met le siège devant Béjaïa en 1311 mais est défait par les troupes d'Ibn el Khalouf. Ce dernier cherche alors appui chez les zianides, proposant même la reconnaissance de leur suzeraineté en échange de la promesse d'être fait hajib. Ibn Abi Djebbi, ancien chambellan de Béjaïa, conseille également au zianide Abou Hammou Moussa d'intervenir<ref name=":38" />. Les Zianides acceptent et se mettent en marche pour soutenir Béjaïa face aux projets du sultan de Constantine, Abou Bekr. Ibn el Khalouf est assassiné par trahison par Abou Bekr de Constantine alors qu'il négociait à nouveau les termes d'une entente. Cet assassinat provoque une révolte dans le pays : Daouaouidas et Sanhadjas rejettent toute autorité hafside et se placent dans l'obédience zianide<ref name=":38" />. Seulement, les Zianides doivent faire face à une tentative d'invasion mérinide à l'Ouest et finissent pas conclure la paix<ref name=":46" />. Abou Bekr de Constantine en profite pour prendre Béjaïa où il nomme chambellan (hajib) Ibn Ghamr durant la fin de l'année hégirienne 712 (1313). La tutelle zianide est donc de courte durée, mais le Zianide Abou Hammou, débarrassé du danger mérinide, réagit vigoureusement : il lance une grande expédition sur Bougie, puis Constantine et enfin Bône avec l'aide des tribus Sanhadja et Daouaouidas locales. Bougie et Constantine résistent au siège mais Bone (Annaba) est conquise en 1313<ref name=":46" />. D'autre part, l'expédition permet aux Zianides de tisser des liens avec les tribus zénètes des Zibans et des Aurès (Daouaouidas) en dissidence avec les Hafsides, ce qui leur fournit une des régions de recrutement et de repli qui a sauvé leur dynastie à plusieurs reprises<ref name=":47" />.
[[Fichier:Timzizdekt, citadelle zianide de 1326 vue globale.jpg|vignette|290x290px|Vue d'ensemble du mur de la forteresse de [[Temzezdekt]], bâtie lors du [[Siège de Béjaïa (1326-1329)|siège de Béjaïa par les Zianides en 1326]].]]
En 1313, [[Abou Hammou Moussa Ier|Abou Hammou]] prend et fortifie [[Azeffoun]] auxau cours de ses expéditions contre Béjaïa. Cette position retranchée sert de base à l'expédition de son successeur [[Abû Tâshfîn]] en 1326<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Atallah Dhina|titre=Le Royaume abdelouadide à l'époque d'Abou Hammou Moussa {{Ier}} et d'Abou Tachfin {{Ier}}|passage=17|lieu=Alger|éditeur=[[Office des publications universitaires]]|année=1985|pages totales=277|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=y5MhAAAAMAAJ&newbks=0&printsec=frontcover&dq=abou+tachfin+1326&q=abou+tachfin+1326&hl=fr}}.</ref>. Ce dernier monte sur le trône en 1318 à 25 ans et mène la même année un premier raid sur Béjaïa. Les attaques contre cette ville se répètent pratiquement chaque année au cours de campagnes militaires qui atteignent parfois [[Annaba]] et les confins de l'actuelle [[Tunisie]]<ref name=":04">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Robert Brunschvig]]|titre=La Berbérie orientale sous les Hafsides des origines à la fin du {{s-|XV}}|tome=I|passage=147-148|lieu=Paris|éditeur=Adrien Maisonneuve|année=1940|pages totales=476}}.</ref>. Au gré des expéditions, Béjaïa est menacée par l'édification progressive de forts dans la vallée de la [[Soummam]]<ref name=":04" /> dont deux premiers forts, à deux jours de marche de la ville, bâtis par en 1321 au lieu-dit ''Hisn Bakr''<ref name=":111">{{Harvsp|Valérian|2013|p=66}}.</ref> ou ''Hisn Taggar''<ref name=":04" />. En 1326, les Zianides établissent la forteresse de [[Temzezdekt]] à un jour de marche de Béjaïa. Son nom rappelle délibérément une autre [[citadelle]] zianide dans la région frontière d'[[Oujda]]<ref name=":04" />. Cette forteresse peut contenir {{unité|3000|hommes}} et marque le blocage des communications de la ville qui subit, en conséquence, la [[Famine|disette]] et reste coupée de tout renfort hafside en provenance de Constantine ou Tunis<ref name=":111" />. Enfin, au moment le plus critique pour la cité assiégée, en 1329, Abû Tâshfîn fait construire une place forte à Al Yakuta, à l'embouchure de la Soummam{{refnec}}.
[[Fichier:Timzizdekt, citadelle zianide de 1326.jpg|vignette|Détail d'un des murs de la forteresse [[Zianides|Zianide]] de Timzizdekt]]
Le sultan zianide Abû Tâshfîn favorise les querelles chez ses ennemis : il alimente les divisions au sein des Hafsides en soutenant des prétendants fantoches et apporte son soutien aux [[Tribu (ethnologie)|tribus]] [[arabes]] révoltées. Il va même au cours de ses campagnes prendre momentanément [[Tunis]] en 1324-1325, mais sans réussir à faire tomber Béjaïa<ref name=":111" />.
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== Économie et société ==
Au Maghreb, le commerce et les échanges de proximité sont plus importants que le commerce avec des pays lointains. La Méditerranée est cependant un espace de rencontre obligatoire : entre le {{S-|IX}} et le {{S-|XIII}}, l'opulence de l'élite ({{Langue|ar|nukhba}}) des villes frappe les voyageurs. la prospérité générale, l'abondance de monnaie des États {{Incise|alors dynamiques}} encourage des foyers de consommation<ref name=":58">{{Harvsp|Meynier|2010|p=215}}</ref>. Fatimides et Zirides se dotent de navires pour doper les transactions, marquant une époque de relative domination fatimide en Méditerranée<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Annliese|nom1=Nef|prénom2=Patrice|nom2=Cressier|titre=The Fatimids and the Central Mediterranean (10th and 12th centuries)|périodique=Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée|numéro=139|date=2016-06-01|issn=0997-1327|doi=10.4000/remmm.10033|lire en ligne=https://journals.openedition.org/remmm/10033|consulté le=2022-02-19|pages=13–28}}</ref> qui laisse place à une période de déliquescence des marines almohades face aux Européens, puis à l'épisode de peste noire en 1349 qui impactentaffectent le commerce maritime<ref name=":58" />. Les marchés se tiennent dans les villes et les campagnes où ils sont désignés par leur jour d'ouverture. Les chroniqueurs ne mentionnent pas une ville sans son activité commerciale, ses marchés, la qualité de ses produits, la richesse de ses habitants et leur état de santé. Les marchés ont lieu sur des {{Langue|ar|rahabas}} et chaque métier a son quartier propre. Dans les {{Langue|ar|qaçariya}}, bâtiments couverts et fermés à patio central, sont vendus les produits de luxe : bijoux, pierres, parfums et étoffes d'apparat<ref name=":58" />. Les détaillants sont contrôlés par le {{Langue|ar|çahib al suq}} (patron du souk), qui contrôle les poids et la qualité des marchandises. Les grossistes eux sont beaucoup plus libres et peuvent voyager au Soudan et en Égypte pour trouver des produits sur lesquels ils peuvent réaliser des profits<ref name=":63">{{Harvsp|Meynier|2010|p=216}}</ref>. L'Égypte est d'ailleurs le bilad at tijara (pays du commerce), carrefour des marchandises de l'Occident musulman, de l'Europe et de l'Asie<ref name=":59">{{Harvsp|Meynier|2010|p=219}}</ref>. Le commerce maritime, progressivement dominé par les Européens fait concurrence aux voies de communications traditionnelles : les marchands d'Italie du Nord équipent des flottes de commerce en Méditerranée ({{S-|XII}}), les musulmans sont distancés dans les échanges entre Al-Andalus et le Maghreb ({{S-|XV}}) et les Portugais ouvrent la voie maritime du golfe de Guinée ({{S-|XV}}), appauvrissant le commerce transsaharien. L'ensemble de ces phénomènes participe au repli des marins locaux sur le cabotage ou l'entreprise corsaire<ref name=":59" />.
 
Le commerce transsaharien s'appuie sur des rouages plus anciens, mais connait des flux réguliers à partir du {{S-|VIII}}. L'essor des Rostémides, dynastie antérieure à la domination fatimide, permet à des commerçants ibadites de fréquenter Ouargla (anciennement Tirlhemt), alors axe indispensable sur la route de Tahert à Gao<ref>{{Article|prénom1=Raymond|nom1=Mauny|titre=Lewicki (T.) : Les Liaisons maghrébines, sahariennes et soudanaises de la ville de Ouargla au Moyen Age|périodique=Outre-Mers. Revue d'histoire|volume=63|numéro=231|date=1976|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1976_num_63_231_4714_t1_0337_0000_2|consulté le=2022-02-19|pages=337–338}}</ref>, d'autres nœuds sont indispensables comme le Mzab, Sedrata, Biskra ou Sijilmassa<ref name="Kaddache178-179" />. L'imam rostémide Abû-Hâtim Yûsuf (894-897 et 901-907), qui réalise divers exploits militaires, prend Ouargla selon Ibn al-Saghir. La ville sera d'ailleurs prise par [[Abou Hammou Moussa II|Abou Hammou II]], le sultan zianide qui y fait une expédition en 1358 qui se dirige ensuite vers le « ''Gabal Mişāb'' », le Mzab<ref>{{Harvsp|Lewicki|1976|p=18}}</ref>. Une communauté, les ''<nowiki/>'Agam'' ou ''Afariqa'', sont présents dans plusieurs étapes ou relais dans tout le Maghreb, et parlent une langue romane, appelée ''al-latini al-afriqi'', littéralement « latino-africain » par le géographe Al Idrissi (1154)<ref>{{Harvsp|Lewicki|1976|p=85}}</ref>. Les royaumes africains concernés par le commerce entre le {{S-|VIII}} et le {{S-|X}} sont ceux dans l'orbite du [[royaume de Gao]] (en arabe : ''Kawkaw'') et du [[Empire du Ghana|Ghana]] (en arabe : ''Ğana''), avec des importances géopolitiques changeantes (il y aurait eu 8 royaumes au total au {{S-|IX}}) selon les chroniques de Al Yaqubi dans son ouvrage ''Kitab al-Buldan'' terminé en 904/905<ref name=":57" />. Du temps d'Al Bakri (soit le {{S-|X}} ziride), les échanges continuent avec Gao, et il est fait mention d'usage de barre de sel comme monnaie et de la capitale du royaume de Gao, coupée en deux villes séparées par le fleuve Niger avec la présence d'une mosquée, attestant de l'islamisation progressive de la boucle du Niger par le commerce, et les voyageurs, notamment ibadites<ref name=":57" />.
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