Inflexions 32
Inflexions 32
Inflexions 32
La revue du dialogue
entre civils et militaires
Inflexions
Inflexions
ISSN : 1772-3760
Imprim en France
Le soldat
augment?
Lindustriel et le robot
entretien avec Gunal Guillerme
Des forces spciales
Bruno Baratz
Performance et ressources humaines
Didier Danet
La tentation de lHubris
Brice Erbland
Implications
de laugmentation cognitive
Frdric Canini et Marion Trousselard
Faut-il laisser pleurer le soldat augment?
Aurlie on
quoi rvent les soldats lectroniques?
Yann Andrutan
Du bon dosage du soldat augment
Michel Goya
Lhomme simplifi
entretien avec Jean-Michel Besnier
Homme augment, volont diminue entretien avec Caroline Galactros
Un regard de croyant
Paolo Benanti
Le temps du shabbat
Ham Korsia
n 32
Le soldat augment?
Inflexions
Inflexions
Inflexions
civils civils
et militaires
: pouvoir dire
et militaires
: pouvoir
dire
civils et militaires : pouvoir
dire
Fait religieux et
mtier
desreligieux
armes
Fait
Fait
religieuxetet
mtier
mtierdes
desarmes
arme
Danile
Hervieu-Lger
Danile
Hervieu-Lger
Laumnerie
militaire,
Xavier
de Woillemont
Laumnerie
militaire,
Xavier
de Woillemont
Credo
du soldat
amricain,
JohnJohn
Christopher
BarryBarry
Credo
du soldat
amricain,
Christopher
VivreVivre
sa foi
des armes,
Jean-Ren
Bachelet
saau
foisein
au sein
des armes,
Jean-Ren
Bachele
Conclusion,
Jean-Ren
Bachelet
Conclusion, Jean-Ren Bachelet
Le droit
islamique
de lade
guerre,
David
Cumin
Le droit
islamique
la guerre,
David
Cumin
Retour
sur
une
contribution
du
numro
9 dInflexions,
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Inflexions
civils et militaires : pouvoir dire
Le soldat
augment ?
La violence nazie
entretien avec Johann Chapoutot
Le feu nuclaire :
une expression de la violence absolue ?
Jean-Louis Vichot
Tu massacreras tes frres !
Herv Pierre
Et la foule crie mort !
Patrick Clervoy
La violence, une fin ou un moyen pour ltat islamique ? Wassim Nasr
La mdiatisation de la violence totale en Centrafrique :
rcit par les images, rcit par les mots
Bndicte Chron
Regain de violences ?
entretien avec Robert Muchembled
Rvolution franaise et violence totale
Jean-Clment Martin
Illgitime violence
Jean-Philippe Immarigeon
Justifier la violence extrme ?
Monique Castillo
Force et violence
Pierre de Villiers
Kakanj1992 : les sapeurs dcouvrent la violence
Jean-Luc Cotard
Le processus homicide.
Analyse empirique de lacte de tuer
Brice Erbland
Quand tuer blesse. Rflexion sur la mort rouge
Yann Andrutan
Le lien la violence des commandos Marine
Jacques Brlivet
Messieurs les insurgs, tirez les premiers !
Yohann Douady
Monique Castillo
Xavier Boniface
NUMRO32
LE SOLDAT AUGMENT?
DITORIAL
CC HERV PIERRE
DOSSIER
LINDUSTRIEL ET LE ROBOT
CC ENTRETIEN AVEC GUNAL GUILLERME
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Engages avec de faibles effectifs et une protection minimum, les forces spciales
dveloppent des modes daction sinscrivant dans une logique du faible au fort.
Ainsi, ont-elles appris mettre profit les nouveaux outils offerts par les progrs
technologiques. Cependant, la performance croissante des quipements est loin de
placer lhomme hors-jeu.
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La recherche de supriorit des armes occidentales sest longtemps fonde sur les
avances des sciences et des techniques de larmement. Avec le human enhancement,
le facteur humain est replac au cur de laction. Lhomme y gagne un surcrot de
matrise de cette activit sociopolitique quest le conflit arm. Une transformation qui
invite une rvision de la politique demploi de la ressource humaine.
LA TENTATION DE LHUBRIS
CC BRICE ERBLAND
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Le soldat est une cration artificielle obtenue par la transformation dun individu
naturellement rticent devant la mort en un tre capable dvoluer dans une ambiance
de peur intense. Chacun deux est un Icare que lon croit capable datteindre les
hauteurs de linvincibilit par le biais dune alchimie la fois ancienne et toujours
changeante. Il sagit en fait l dune ralit toujours renouvele.
LHOMME SIMPLIFI
CC ENTRETIEN AVEC JEAN-MICHEL BESNIER
UN REGARD DE CROYANT
CC PAOLO BENANTI
LE TEMPS DU SHABBAT
CC HAM KORSIA
Lhomme a toujours cherch slever et tous les moyens lui sont bons. Face ce
dsir domnipotence, le judasme apprend lhomme sabstenir de crer, un jour par
semaine, le jour du shabbat. Il sagit de se retrouver soi-mme, de reprendre sa juste
place au sein de la cration, ni trop haut ni trop bas.
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LURGENCE LITTRAIRE:
PENSER LA COMPLEXIT DU REL
CC CHRISTOPHE JUNQUA
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PRSERVER LA STABILIT
DE LESPACE EURO-ATLANTIQUE
CC PETR PAVEL
TRANSLATION IN ENGLISH
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189
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197
HERV PIERRE
DITORIAL
Gnral, ltre humain est trs utile,
Il est capable de voler et de tuer
Mais il a un dfaut
Il est capable de penser
Bertolt Brecht
LE SOLDAT AUGMENT?
DITORIAL
DOSSIER
LINDUSTRIEL ET LE ROBOT
Inflexions: Le groupe ECA, spcialis dans la conception, la fabrication, la commercialisation et la maintenance dquipements et de systmes robotiss oprant en milieu hostile,
a t cr en 1936. Pouvez-vous nous prsenter en quelques mots lvolution des activits
de la socit, de la veille du second conflit mondial nos jours?
Gunal Guillerme: La socit tudes et constructions aronautiques
(eca) a en effet t fonde en 1936 par messieurs Rosicki et Gianoli,
et fte donc ses quatre-vingts ans dexistence cette anne. M.Gianoli,
ingnieur aronautique, travaillait ds les annes1920 dans les ateliers
Letord, Meudon, o taient fabriqus les avions Arc-en-ciel, dont
un modle permit notamment Jean Mermoz de traverser lAtlantique
Sud en 1933. Chez eca, laccent est mis demble sur linnovation:
entre 1936 et 1950, une centaine de brevets, tournant tous autour du
pilotage ou de la gestion dun objet volant, sont dposs par la poigne
de personnes qui constituent alors la socit. la fin des annes1940,
celle-ci dispose dune vritable expertise dans le domaine des cibles
ariennes remorques. Dix ans plus tard, une premire cible arienne
tlcommande pour lentranement des pilotes est dveloppe et livre
la Marine, marquant ainsi les prmisses de la robotique. Entre-temps,
eca est devenu un industriel de rfrence dans la construction de
pices forges en aluminium, fournissant notamment les fabricants de
pices de trains datterrissage davion. Elle restera donc une entreprise
essentiellement aronautique jusquau milieu des annes1960.
Lorsque le gnral de Gaulle lance le programme nuclaire franais et
le dveloppement de sous-marins nuclaires lanceurs dengins dans les
annes1960, la ncessit apparat de crer un modle libre au dixime
capable de naviguer afin de tester les diffrentes formes hydrodynamiques du navire avant de le concevoir et de le construire. Comme
eca matrise les cibles tlcommandes ariennes, et que larodynamique subsonique et lhydrodynamique sont sujettes aux mmes lois
physiques, elle intgre logiquement en lespace de deux ans le domaine
sous-marin, dont elle demeure depuis le dbut des annes1970 un
grand acteur pour la partie robotique. Le dveloppement des premiers
robots de dminage sous-marin de type Poisson autopropuls pilot (pap) est
alors confi la socit en sous-traitance de la Dlgation gnrale de
larmement (dga). Ces robots deviennent une rfrence et rencontrent
un trs grand succs lexportation. Ils marquent lentre en force
deca dans le domaine de la robotique. Quarante ans plus tard, ils
quipent toujours la Marine franaise.
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LE SOLDAT AUGMENT?
LINDUSTRIEL ET LE ROBOT
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LE SOLDAT AUGMENT?
LINDUSTRIEL ET LE ROBOT
piges incarnent bien cette volont, qui est la ntre depuis quarante
ans. Nos robots terrestres de dminage et de dpigeage lillustrent
galement, tout comme nos drones ariens, qui permettent davoir
une meilleure image du champ de bataille pour le chef militaire ou de
lincendie pour les pompiers, afin de prparer la dcision.
Propos recueillis par Guillaume Roy C
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BRUNO BARATZ
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LE SOLDAT AUGMENT?
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LE SOLDAT AUGMENT?
AA Les limites
AA Le milieu naturel
Cependant, la haute technologie prsente des limites qui ne sont pas
propres aux oprations spciales. La premire est lie aux difficults
potentielles dquipements trop sophistiqus dans certains milieux.
En effet, les combats ne se mnent pas toujours dans des environnements climatiques ou gographiques favorables. Dans le Sahel, les
tempratures extrmement leves pnalisent les moyens de transport
arien tout en mettant le personnel et les matriels rude preuve.
La poussire et le sable sinfiltrent partout et accroissent le nombre
de pannes. La chaleur use prmaturment llectronique individuelle,
quil sagisse des optiques de tir ou des outils de localisation. Les
hlicoptres affichent parfois des capacits demport ridiculement
faibles, obligeant les dtachements dvelopper des modes daction
sappuyant sur une mobilit tactique fortement contrainte. De mme,
le fort cloisonnement des zones urbaines pose des difficults en
matire de communication. Des solutions alternatives doivent tre
mises en uvre pour compenser une circulation de linformation
moins fluide ainsi quun isolement accru des quipes. Enfin, certains
milieux, comme la jungle, rduisent trs fortement lintrt de
certaines technologies. Les combats sy droulent trs courtes
distances, limitant lutilit des dispositifs de dtection et de vise.
Le couvert vgtal rend impossible toute observation arienne, tout
comme il contraint fortement la mobilit tactique.
Pour faire face, les entranements des units spciales mettent laccent
sur la connaissance des milieux et sur la rusticit ncessaire pour y
voluer sereinement. Cette connaissance de lenvironnement physique
est essentielle. Dans les milieux difficiles, cest elle qui accorde un
avantage comparatif ou qui, pour le moins, vite den faire un handicap
face un adversaire. Ainsi, les units de jungle composes ou guides
par des militaires disposant dune parfaite matrise de la fort disposent
dun atout matre en matire de combat. Les claireurs fort
employs en Guyane accroissent considrablement lefficacit des units
engages dans la lutte tactique contre les chercheurs dor clandestins.
Ces derniers, souvent issus de zones forestires, sont capables de dceler
la moindre anomalie dans leur environnement et den profiter pour
disparatre. La connaissance de la jungle permet alors de se fondre
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LE SOLDAT AUGMENT?
AA Lefficacit tactique
Sur un autre plan, lirruption de la haute technologie tous
les niveaux fait peser un risque sur lefficacit tactique. Le plus
technologique implique souvent, toujours, plus de contrle de la
part dchelons qui sont loin du terrain et qui ne peroivent la ralit
quau travers du prisme de ce que veulent bien leur donner voir
les moyens de communication modernes. Ainsi, il nest pas rare de
voir les hommes en charge du commandement de niveau opratif
cest--dire supposs mener les oprations sur lensemble dun
thtre et sassurer de la bonne coordination des divers acteurs de
la rsolution dune crise rester devant limage dune opration en
cours retransmise par un moyen arien et, parfois, intervenir dans la
conduite de laction, oubliant quil ne sagit l que dun point de vue
de la ralit, crasant des niveaux de commandement qui sont souvent
mieux informs de la situation locale et des volutions possibles, et
perdant de vue leur rle qui est danticiper les rpercussions de
lopration en cours sur la situation de lensemble du thtre. Un
contrle trop centralis des oprations rduit la prise dinitiative.
Or celle-ci est indispensable pour le bon fonctionnement des forces
spciales, en particulier dans le cadre des nouvelles formes de conflictualit qui placent souvent les units face des situations indites.
AA Lefficacit stratgique
La supriorit technologique actuelle fait galement peser un
risque sur lefficacit stratgique. En effet, face lillusion dune
toute-puissance accorde par les moyens de combat occidentaux, la
tentation peut tre forte dutiliser les armes pour remporter une
victoire tactique en cachant labsence de vritable stratgie pour
rsoudre une crise. Le souhait dune guerre rapide apparat dailleurs
de manire rcurrente dans les discours. Or le rglement dun conflit
prend du temps et ne peut se rsumer la mobilisation des seules
capacits militaires. Cest ce que le gnral Beaufre soulignait dj
dans son Introduction la stratgie (1963). Laction doit tre globale et ne
peut pas se rsumer la seule action de la force arme.
Car, au final, la guerre nest pas un simple duel tactique. Sans aller
jusqu reprendre lapproche clausewitzienne de la trinit, il nen
demeure pas moins que lhomme est au cur de la conflictualit. Cest
avant tout la confrontation de volonts entre des communauts pour
le contrle dun espace physique ou humain. Ainsi, la technologie a
permis aux armes occidentales de dominer le champ de bataille avec
une telle supriorit que nul ne saventure les affronter sur ce terrain.
En revanche, leurs nouveaux adversaires ont su dvelopper des modes
daction alternatifs pour imposer leur dtermination et contourner
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DIDIER DANET
PERFORMANCE
ET RESSOURCES HUMAINES
Longtemps cantonn au domaine du mythe et des lgendes, Icare ou
le Golem parmi dautres, ou de la science-fiction, comme Terminator ou
Avatar, lhomme augment est aujourdhui une ralit1 et, plus encore,
un fait de socit2.
Les performances sportives dOscar Pistorius remettent en cause la
frontire entre sportifs valides et handicaps, obligeant le tribunal
arbitral du sport intervenir afin de trancher le point de savoir sil
convenait ou non dassimiler les prothses du coureur sud-africain
une aide technique illicite, comparable aux chaussures paisses du
sauteur en hauteur Yuri Stepanov, interdites car considres comme
un tremplin miniaturis et portatif. La rponse, finalement
ngative, tait dautant plus discute que plusieurs rapports dexperts
avaient tranch dans des sens diffrents, certains jugeant que les
lames de carbone utilises par Pistorius lui apportaient un avantage
non ngligeable tandis que dautres, dont limpartialit pouvait tre
questionne, estimaient le contraire. Aime Mullins, atteinte du
mme handicap quOscar Pistorius et elle aussi sportive accomplie,
remet en cause une autre frontire, celle des canons de lesthtique,
puisquelle participe des dfils de haute couture o ses prothses
sont mises en vidence, et lui permettent de moduler sa taille et son
apparence sa guise.
Au-del de ces deux sportifs largement mdiatiss, le cas de
Neil Harbisson est plus intriguant encore puisque cet artiste
anglais, daltonien de naissance, sest quip dune camra frontale
directement relie la bote crnienne qui lui permet non pas de voir
les couleurs, mais dentendre les vibrations sonores qui leur ont t
conventionnellement associes. Dans ce cas, la dmarche entreprise
ne vise pas seulement compenser une dficience par le recours aux
meilleurs moyens technologiques disponibles, mais crer de toutes
pices une aptitude encore inconnue de lespce humaine: entendre
les couleurs.
Dune intervention prothtique compensant ou surcompensant une
dficience biologique et permettant son bnficiaire de porter ses
1. P.-Y. Cusset, Les technologies damlioration des capacits humaines, La Note danalyse, vol.310, Centre danalyse
stratgique.
2. N. Le Dvdec, Retour vers le futur transhumaniste, Esprit, 2015 (11), et N. Le Dvdec et F. Guis, Lhumain
augment, un enjeu social, SociologieS, 2013, sociologies.revues.org/4409?lang=en.
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LE SOLDAT AUGMENT?
4. J. Henrotin, Le retour du chevalier? Une vision critique de lvolution bionique du combattant, Hermes n8, 2009.
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LE SOLDAT AUGMENT?
6. B. Claverie, V. Lespinet-Najib, P. Fouillat, Pervasion, transparence et cognition augmente, Revue des interactions
humaines mdiatises n10, 2009.
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LE SOLDAT AUGMENT?
15. V. Desportes, Armes: technologisme ou juste technologie?, Politique trangre n2, 2009.
donner des aptitudes nouvelles des individus, vont modifier substantiellement les conditions du calcul conomique de la performance.
Dune part, les viviers de ressources disponibles sont susceptibles
de saccrotre dans des proportions importantes. Que lon songe, par
exemple, aux consquences des progrs de la chirurgie ophtalmique
sur la gestion des emplois rservs aux personnels dont lacuit visuelle
est excellente. Sil est possible de corriger la myopie, voire de doter
un grand nombre dindividus de facults visuelles allant au-del de
la norme exige comme seuil dentre dans ces emplois, le rservoir
des ressources slargira et il deviendra possible de faire porter la
slection sur des aptitudes qui ne sont plus seulement des conditions
physiques minimales mais sur dautres plus essentielles pour la russite
dans lemploi, les capacits psychologiques et les aptitudes cognitives
notamment.
Dautre part, linvestissement ncessaire pour obtenir des gains de
productivit du facteur humain sera probablement, au moins dans
un premier temps, moindre que celui ncessaire pour obtenir des
gains comparables dans la productivit du facteur capital. Il est permis
de penser que le human enhancement en tant encore ses dbuts, les
efforts se concentreront dans un premier temps sur les domaines
o les avances seront rapides, faciles et spectaculaires. Des gains de
productivit seront possibles moyennant des efforts et des cots limits.
La performance globale de linstitution militaire sera plus affecte
par lallocation de crdits la recherche sur la productivit du facteur
humain que sur celle du facteur capital. Un certain dplacement dans
lallocation des crdits de recherche et dveloppement est donc
attendre dans les annes venir.
En permettant ainsi aux forces armes de faire jouer le progrs
scientifique sur les deux facteurs qui dterminent lefficacit de la
production et non plus seulement sur le seul facteur capital, le human
enhancement contribue relcher les tensions existant aujourdhui sur
la ressource rare et fragile quest le facteur travail.
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LE SOLDAT AUGMENT?
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LE SOLDAT AUGMENT?
liste sans cesse remise jour des substances et des pratiques interdites
par lAgence mondiale antidopage (AMA) donne malheureusement
une bonne ide de ce que les individus sont prts accepter pour
obtenir une victoire dans des comptitions de tous niveaux: strodes
anabolisants, amphtamines et autres stimulants, narcotiques et
btabloquants, dopage du sang, thrapie gnique16 Les effets de
ces pratiques sur la sant sont tout aussi connus et assums par les
individus qui sy livrent: modifications incontrles de la pression
sanguine, crises cardiaques, risques respiratoires, inhibition du
jugement, troubles de la vision, pertes de mmoire, crises dangoisse,
apathie
On peut donc lgitimement craindre que ces comportements ne
fassent que prfigurer les attitudes individuelles qui ne manqueront
pas de survenir avec les progrs des techniques et des produits du
human enhancement. Les militaires auraient dautant moins de chances
dy chapper que la gnralisation des guerres irrgulires les met
aujourdhui aux prises avec des pratiques qui saffranchissent des
rgles minimales du droit des conflits arms et qui rendent ces conflits
particulirement prouvants. Il sera ds lors tentant de rechercher
dans des solutions existantes ou venir les moyens de faire face tant
physiquement que psychologiquement. Chacun disposant de ses
propres limites et de ses propres valeurs, le recours ces solutions sera
ingalement rparti au sein des units, et les cadres devront sefforcer
de prvenir, de dtecter et de traiter les cas dindividus mettant en
cause leur propre sant ainsi que la scurit et lintgrit de leurs
camarades par suite de comportements inappropris dus lemploi
de techniques ou de substances susceptibles de nuire lefficacit
du groupe en raison des effets lis des pratiques dissimules et
incontrles daugmentation17.
17. C. Weber, Le soldat est-il prt se faire augmenter?, DSI n45 (hors-srie), 2015.
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LE SOLDAT AUGMENT?
AA Conclusion
Une fois le phnomne du human enhancement dbarrass de la part des
fantasmes qui lencombre, la convergence de disciplines scientifiques
telles que la mdecine, les bio et les nanotechnologies, lintelligence
artificielle et les sciences cognitives laisse entrevoir une modification
substantielle des quilibres qui prvalent aujourdhui dans le choix
de la combinaison productive (travail et capital) et qui dterminent la
performance conomique globale de linstitution militaire.
La recherche de supriorit des armes occidentales sest longtemps
fonde sur les avances des sciences et des techniques de larmement,
et les progrs cumulatifs quelles permettaient de raliser. Au sein
des systmes darmes toujours plus sophistiqus dont ces armes
disposaient, lhomme pouvait apparatre comme le maillon faible.
Dans les dernires dcennies, ses limites physiques et intellectuelles
ont contribu au dveloppement de la robotisation du champ de
bataille et de possibles systmes darmes ltaux autonomes dont
lambition ultime serait de placer le combattant on the loop, voire out
of the loop.
Avec les techniques du human enhancement, le facteur humain est
replac au cur de laction des forces armes. Il redevient une source
de performance dautant plus importante que laugmentation de
ses aptitudes physiques, psychologiques ou cognitives nest plus un
processus long, vaguement mystrieux et alatoire, mais devient
elle aussi cumulative et gnralisable. Lhomme y perd peut-tre un
peu de sa suppose nature, mais y gagne incontestablement un
surcrot de matrise de cette activit sociopolitique quest le conflit
18. A.M. Dollar et H. Heer, Lower Extremity Exoskeletons and Active Orthoses: Challenges and Stats-of-the-Art, Robotic,
IEEE Transactions on n24 (1), 2008.
19. A. Rizzo, T. Parsons and al, Virtual Reality Goes to War. Abrief Review of the Future of Military Behavioral
Healthcare, Journal of Clinical Psychology in Medical Settings n18 (2), 2011.
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BRICE ERBLAND
LA TENTATION DE LHUBRIS
Par dfinition, le soldat a toujours t augment, depuis les lances
et les boucliers des hoplites grecs jusquaux chars dassaut blinds et
chasseurs bombardiers actuels, en passant par les lourdes armures des
chevaliers de la fin de la guerre de Cent Ans. Le soldat est augment
par son arme, par son armure, par sa monture. Mais les rvolutions
technologiques que prsagent les avances scientifiques dans les domaines
des nanotechnologies, de la robotique, de lintelligence artificielle, des
neurosciences ou encore de la gntique laissent entrevoir un bond
considrable dans les capacits daugmentation du soldat.
La particularit de ces avances scientifiques est que laugmentation
peut dsormais sentendre de deux manires: elle peut toujours
prendre la forme dapports doutils technologiques, dans la continuit
de la relation historique entre les armes et les industries, mais elle
peut galement sapparenter une mutation biologique, lacceptation
du transhumanisme, par le biais damliorations des capacits
physiques et cognitives du soldat.
Notre imagination frle le vertige lide des possibilits que vont
offrir ces avances technologiques, tant en puissance et capacit pures
que dans la protection des combattants. On parle de technologies
additionnelles (exosquelettes allant jusqu larmure intgrale, robots,
armes intelligentes) et intrusives (interface neuronale entre outil
technologique et cerveau humain, mutation des organes cognitifs).
La science va une fois de plus bouleverser le champ de bataille aprs,
entre autres, linvention de lartillerie, la matrise des airs et celle de
latome.
Il nest pas question ici de condamner sans appel des technologies
qui nont mme pas encore vu le jour. Mais la science ne pense pas,
crivait Heidegger1. Son rle est dexplorer, davancer, encore et
toujours, elle ne pose pas la question du bien-fond de lutilisation
de ses trouvailles. Il faut donc penser pour elle et dfinir un cadre
thique pralable aux envoles extatiques de leurka. Car ces nouvelles
technologies seront imposes de facto par les industries de larmement
ds leur matrise technique. Une rflexion en amont de lusager est
donc ncessaire pour les utiliser de manire raisonne et prvenir
ainsi la menace prophtique que Gargantua livrait son fils: Science
sans conscience nest que ruine de lme2.
1. Martin Heidegger, Essais et Confrences, Paris, Gallimard, 1958.
2. Franois Rabelais, Pantagruel, chapitreVIII, 1532.
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LE SOLDAT AUGMENT?
AA Laugmentation additionnelle
Attribuer au soldat des systmes darmes complexes, sans cesse
amliors, qui augmentent sa capacit de combat et sa protection sur
le champ de bataille, nest que le prolongement naturel dune histoire
militaire triplement millnaire. Pourquoi les outils technologiques de
demain seraient-ils donc analyser avant acceptation?
Les tiroirs des divisions recherche et dveloppement des armes
occidentales sont remplis dexosquelettes, de robots, de drones ou
encore darmes et de munitions dites intelligentes, le tout en rseaux
interconnects. Ces projets ont un rel intrt tactique ou opratif.
Mais ils comportent galement des risques sur le plan thique, par la
place quils peuvent prendre vis--vis de lhomme.
LA TENTATION DE LHUBRIS
AA Esclavage technologique
La reprsentation que lhomme se fait de lui-mme a t plusieurs
fois bouleverse dans son histoire. Il a t confront des rvolutions
dans la perception de sa nature et de sa place dans le monde. La
premire, dclenche par Copernic, la arrach du centre du monde
physique pour le placer en orbite dune toile quelconque, dans lun
des bras dune galaxie perdue aux confins de lunivers. La deuxime,
due Darwin, la fait chuter de son pidestal dunicit pour le jeter
dans le tourbillon de lvolution animale. La troisime, enfin, initie
par Freud, la priv de la matrise de sa propre conscience par la
dcouverte du surmoi.
Selon Luciano Floridi, professeur de philosophie et dthique de
linformation luniversit dOxford, une quatrime rvolution3
est en marche. Celle des technologies de linformation et de la
communication, qui prennent de plus en plus le pas sur la faon
mme qua lhomme de penser, dpass quil est par la quantit
de donnes traites par les machines auxquelles il sen remet pour
stocker ses connaissances, voire pour mener des rflexions. Le
grand danger de cette rvolution est que lhomme devienne esclave
de ses outils, en se laissant entraner par la rflexion mene sa
place par la machine, conue comme une aide lutilisateur mais
devenue trop influente. On imagine ainsi le soldat augment avoir
aveuglment confiance en son armure ou en son arme intelligente
qui lui assure avoir dtect une menace dans le paysan qui laboure
son champ.
Navons-nous pas dj tendance faire confiance aux logiciels
daide la dcision des systmes darmes modernes (dlivrant une
situation du champ de bataille qui nest quune reprsentation
partir de donnes collectes, mais qui peut rapidement tre
considre comme la ralit), aux systmes de ralit augmente
(prsents dans les visires de casques des hlicoptres de combat de
nouvelle gnration par exemple) ou encore aux rsultats des logiciels
danalyse oprationnelle et aux systmes dinformation au sein des
postes de commandement? Les technologies de linformation et de
la communication sont tellement prsentes dans nos vies quil en
devient difficile davoir un regard critique et pragmatique sur les
donnes quelles produisent. Augmenter les couches technologiques
naura donc pour effet que daccrotre le risque de crdulit du
soldat envers la situation perue par ces technologies, qui pourra
tre diffrente de la ralit.
3. Luciano Floridi, The Fourth Revolution, Oxford University Press, 2014.
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50
LE SOLDAT AUGMENT?
AA Effet carnaval
Un autre effet pervers possible de lajout de couches technologiques
sur le soldat est ce que lon pourrait appeler leffet carnaval. Dans
la Venise du XIVe au XVIIIesicle, les ftes de carnaval taient loccasion
de supprimer toutes les normes sociales tablies. Avec le masque
tombent en effet toutes les barrires morales; les interdits deviennent
possibles lorsque lidentit est dissimule. Cest ce quexplique le
professeur Patrick Clervoy dans un prcdent article dInflexions:
Cest un peu le principe du carnaval o le port du masque permet
toutes les licences. Celui qui pour un temps na pas rpondre de son
identit perd le contact avec ses repres thiques. Il y a un rapport
troit entre lidentit dune personne et son comportement moral.
Chacun se comporte comme il se reconnat vis--vis des autres: quil
masque son nom et ses pulsions se dchanent4. Un soldat revtu
dun masque ou dot dune armure intgrale, par exemple, aura donc
tendance se laisser entraner par la drive facile de labandon des
barrires morales. Il aura plus de difficults respecter une certaine
thique du combattant, voire respecter sa propre morale.
AA Unmanned (Armed) Vehicles
Laugmentation technologique pousse son extrme se manifeste
par lutilisation de robots en lieu et place de ltre humain. La
protection du combattant est alors arrive son paroxysme
puisquil ne se trouve plus sur le champ de bataille. Mais ces robots,
quils voluent dans les airs, sur terre ou dans leau, posent deux
problmes majeurs ds lors quils sont utiliss sur un champ de
bataille dnu de toute prsence humaine allie. Le premier est la
perception de la ralit, puisque lanalyse du champ de bataille nest
possible quau travers de celle du robot. Il est nouveau question du
travers de lesclavage technologique. Le second est dordre moral. Le
pouvoir exorbitant de donner la mort est confi au soldat en change
de lacceptation du risque de mourir. Cette rciprocit du danger
est un des fondements admis de lacceptation morale de lacte de
guerre, en dehors du cadre de la lgitime dfense. Dans les conflits
asymtriques, nous avons accept que ce niveau de rciprocit soit
diminu (frappe de chasseurs bombardiers contre des insurgs
afghans par exemple); avec lavnement du drone arm utilis en
feu indirect, cette rciprocit est indirectement assume par les
troupes charges du guidage prsentes sur le champ de bataille. Mais
lutilisation de robots arms sans aucune prsence humaine allie
sur le champ de bataille (cas des frappes de drones amricains au
4. Patrick Clervoy, Le dcrochage du sens moral, Inflexions n7, 2007.
LA TENTATION DE LHUBRIS
AA Ingrence
Enfin, laugmentation technologique entrane invitablement, par
les moyens de suivi direct quelle offre, une tentation dingrence
des suprieurs, tous les niveaux de la hirarchie. En 1934, dans Vers
larme de mtier, le gnral de Gaulle crivait que si la perfection des
machines ne peut manquer daccentuer le caractre technique de la
guerre, [] elle fera reparatre dans lexercice du commandement
certaines conditions de hte et daudace qui rendront tout son relief
la personnalit. [] Dans une arme o laction autonome sera la loi,
le chef devra prendre nombre de dcisions qui, dans la guerre dhier,
lui taient pargnes. [] Linitiative que les rglements vantaient
mais dont se dfiaient les ordres redeviendra souveraine. Or la
perfection des machines actuelles saccompagne de la perfection des
technologies de communication qui y sont attaches. L o linitiative
redevenait la loi dune guerre de mouvement et daudace, lingrence
y supprimera dsormais toute libert daction. Laction dun soldat
augment sera pilote en direct par ses suprieurs. Elle se rapprochera
ainsi au maximum de la volont du chef, mais sera prive de cette
efficacit tonnante quest la libert daction du subordonn.
AA Laugmentation intrusive
La vritable rupture que promettent les avances technologiques
rcentes rside dans lamlioration des capacits cognitives de ltre
humain. Il ne sagit plus seulement de donner un outil au soldat,
mais galement de transformer la nature mme de celui-ci. Ce
type daugmentation existe dj, mais petite chelle et de manire
temporaire, via labsorption de pilules stimulantes. Le Modafinil, un
psychostimulant, a par exemple t utilis par les soldats amricains
et anglo-saxons durant la seconde guerre du Golfe. Mais parmi les
projets de recherche de la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA)
figurent le branchement dun microprocesseur dans le cerveau, la
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52
LE SOLDAT AUGMENT?
AA Dieu vivant
Lors de la Conquista espagnole, au XVIesicle, le foss technologique
entre assaillants et dfenseurs ainsi que laccumulation de prsages et
de lgendes concordantes avec larrive des Espagnols ont entran
les Indiens assimiler les nouveaux venus des dieux. On connat les
massacres engendrs par les troupes de Corts, sans doute stimules
par cette supriorit. Quelle considration pourrait avoir un soldat
transhumanis envers un simple humain lorsque le mpris sinstalle
dj par la diffrence culturelle? Cette sensation de dieu vivant le
mnerait se placer au-del de ltre humain. Ds lors, il ny aurait
aucune difficult, aucun frein moral tuer un tre qui nest plus peru
comme son semblable. Cette dsinhibition, si elle peut paratre en
premier lieu utile lefficacit du soldat, notamment en conflit de
haute intensit, savrerait trs dangereuse si ce dernier voluait au
sein de la population, ltranger comme sur le territoire national.
AA Force morale?
La sueur pargne le sang, selon la formule consacre. Ainsi, le
fondement de tout entranement militaire est lacquisition dune force
morale par le dpassement de soi face aux preuves. Cette force morale
fait toute la diffrence sur le champ de bataille, car elle permet aux soldats
daffronter leur peur, de dpasser leurs souffrances, de placer laction
collective au-dessus de leur intrt personnel. Mais en amliorant les
capacits cognitives du soldat, en rduisant la sensation de douleur et
deffort, comment forger cette force morale? Lorsque tout est plus facile,
le courage nentre plus dans lquation. Ds lors, une troupe de soldats
augments ne se trouverait-elle pas in fine moins efficace quune troupe
classique, en dehors de toute considration de qualit darmement?
AA Un rve mythologique
En le plongeant dans le Styx, la mre dAchille en a fait un
combattant augment par linvulnrabilit. En se fixant des ailes sur
les bras, Icare a voulu se doter de la capacit de voler. En volant le
LA TENTATION DE LHUBRIS
53
54
LE SOLDAT AUGMENT?
AA Conclusion
Sans cder un principe de prcaution totalitaire qui viserait
tout interdire, il est ncessaire de trouver une limite morale
laugmentation du soldat. Car certaines augmentations, menes
outrance, induiraient indubitablement la dshumanisation du sujet,
et nuiraient donc lefficacit oprationnelle lors dengagements
majoritairement mens au sein des populations. Cette limite morale
ne peut tre fixe qu force de rflexions et danticipation. Peut-tre
la trouverons-nous naturellement en tudiant ces questions non pas
par une approche capacitaire, mais par une tude du potentiel humain.
6. Grgoire Chamayou, Thorie du drone, Paris, La Fabrique, 2013.
7. Rupert Smith, LUtilit de la force, Paris, Economica, 2007.
LA TENTATION DE LHUBRIS
8. Charles Ardant du Picq, tudes sur le combat, 1880 (extrait de la premire partie, La guerre antique).
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IMPLICATIONS
DE LAUGMENTATION COGNITIVE
Les progrs des sciences et des technologies rendent envisageable, si
ce nest possible, lamlioration des capacits cognitives de lhomme.
Pour linstitution militaire, cette possibilit offre lespoir dune arme
de super-combattants, bien au-del du simple objectif de maintien de
la capacit oprationnelle. Si elle pose le dsir dun individu capable
de surpasser ses limites, dsir dj soulign dans la Bible (Vous serez
comme des dieux, selon la promesse du dmon1), elle questionne
galement la lgitimit de la possibilit.
Nous nous proposons de prciser les principes gnraux du
fonctionnement cognitif humain et ses modifications inhrentes aux
situations de contraintes oprationnelles. Nous envisagerons ensuite
les avantages et risques pour lindividu et la communaut militaire
de lutilisation des moyens daugmentation de la cognition humaine.
Ce faisant, nous valuerons les problmes que soulvent pour des
mdecins ces possibilits selon quil sagisse damliorer, voire de
surpasser, la capacit dun homme bien portant ou de restaurer une
capacit dgrade par lagression, la maladie ou le handicap. La
question de laugmentation des performances cognitives doit tre
apprhende en fonction de sa finalit mdicale ou oprationnelle.
58
LE SOLDAT AUGMENT?
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LE SOLDAT AUGMENT?
AA ducation
Lducation est une stratgie modelant un individu afin quil
participe au mieux lactivit sociale de son groupe. Elle sappuie
sur un conditionnement multimodal alliant apprentissages moteurs,
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62
LE SOLDAT AUGMENT?
AA Entranement mental
Lentranement mental est un vaste ensemble groupant des
techniques visant acqurir des aptitudes particulires. Il soppose
lducation en ce quil cible le dveloppement dun savoir focalis.
Pour une large part, cet entranement concerne des mmoires non
dclaratives comme les habilets qui concernent la perception (capacit
de dtection de loreille dor) ou le versant moteur (automatisme
de montage/dmontage darmes enrayes). Ces aptitudes ne sont pas
dgrades par le stress du combat et leur acquisition participe de la
sauvegarde des capacits oprationnelles du soldat.
Il est galement possible de renforcer des capacits non spcifiques.
Tout dabord, lentranement aux processus de crativit adaptative,
dj appliqu dans le champ du handicap (traumatisme crnien),
se dveloppe de plus en plus chez le sujet sain. Son objectif est
de renforcer les fonctions excutives, et au-del les processus de
mtacognition. Ensuite, la formation la rsolution de conflits. Ceux
dits moraux prsentent des aspects rationnel et motionnel non
ncessairement cohrents, posant un vritable problme de rsolution
et, in fine, de choix de comportement en situation. Lenjeu est le choix
dun comportement vcu par le sujet comme en adquation avec son
thique (ce quil est) et avec celle de son institution. Ainsi, les lves
de lcole des personnels paramdicaux des armes sentranent
rsoudre ces conflits thiques. Cette formation ne se superpose pas
lenseignement des lois, codes et rglements, mais le complte en
sintressant la manire de se comporter dans des situations non
prvues par les textes ou les codes sociaux. Il sagit de prparer les
personnels vivre des situations parfois intenables sur le plan moral
6. P. Roubertoux, Existe-t-il des gnes du comportement?, Paris, Odile Jacob, 2004.
AA Modifications gntiques
Puisque les performances dcoulent directement du mode de
fonctionnement du cerveau et que ce dernier se construit sur les bases
du patrimoine gntique, toute modulation du gnome peut modifier
la manire dont les performances sexpriment. Malheureusement, les
modulations affectant le patrimoine gntique sont extrmement
varies, quelles concernent le gnome per se ou la rgulation de son
expression. Pire, il nexiste aucune relation directe et linaire entre
limportance dune modification gntique et le retentissement quelle
aura, que se soit en termes de capacits comportementales ou de
risque pathologique.
La modification structurelle dun gne codant pour une protine
(polymorphisme) peut concerner des gnes essentiels pour la
rgulation des comportements. Apparat alors la tentation de
slectionner les individus selon le polymorphisme exprim afin de
choisir les plus aptes une fonction. Cette dmarche est fondamentalement fausse: laptitude une fonction est le fait de la capacit
globale dun individu, intgrant toutes les stratgies dveloppes pour
rpondre au challenge, et non secondaire lexpression dune protine
amliorant une dimension isole du comportement. Laptitude globale
est apprcie de faon plus efficace par lexposition des preuves
de slection classiques. Mme si la protine en question modifie
favorablement une fonction unitaire, cela ne disqualifie en rien la
pertinence des preuves de slection. Il y a entre gntique et capacit
dun individu une diffrence fondamentale de niveau dorganisation,
diffrence lorigine de tous les errements de raisonnement. Enfin, le
point de vue mdical ne peut en aucune faon cautionner un tel mode
de slection. Les connaissances en gntique ne peuvent sexploiter
que dans les champs de la thrapeutique (lindividu porteur dun
polymorphisme favorisant lexpression dune maladie peut ncessiter
un traitement plus lourd) ou de la prvention (la prsence de ce
polymorphisme accrot le risque de rcidive dune pathologie lors de
7. Remde et poison, ce qui permet de prendre soin et dont il faut prendre soin.
63
64
LE SOLDAT AUGMENT?
AA Supplmentation nutritionnelle
La performance cognitive est videmment dpendante du
mtabolisme cellulaire crbral, que ce dernier soit considr en
termes de bionergtique (lnergie ncessaire pour faire fonctionner
les cellules), de mcanismes fonctionnels (la production des molcules
indispensables aux fonctionnements de la cellule) ou de structure
cellulaire. Nous ne reviendrons pas sur la ncessit dapporter les
bases bionergtiques du fonctionnement du cerveau (sucres et ions,
hydratation...) sous peine de dysfonctions graves.
Lutilisation de certains complments alimentaires peut avoir des
consquences sur la structuration crbrale. Cest le cas des acides
gras polyinsaturs (omga3 et 6), dont la supplmentation au rgime
alimentaire maternel en priode de gestation pourrait amliorer le
dveloppement des capacits cognitives de lenfant en agissant sur la
plasticit membranaire et en favorisant la formation de connexions
synaptiques. Ces supplmentations prsentent galement un intrt
dans le traitement des accidents neurologiques afin damliorer la
rcupration fonctionnelle.
Chez ladulte sain, la nourriture peut intervenir sur la performance
cognitive prise au sens large. Le th et les polyphnols rduiraient
lanxit, le caf repousserait la survenue de la maladie dAlzheimer...
Enfin, on a voqu les effets de certains acides amins prsents au
sein des protines alimentaires sur la modulation de la synthse de
neuromdiateurs.
Lapproche nutritionnelle peut sarticuler avec la gntique,
dfinissant la supplmentation nutritionnelle idale selon le gnome
afin de permettre le fonctionnement optimal de lindividu, donc
des performances maximales. Nous changeons ici de registre: il ne
sagit plus dune dmarche de compensation, mais dune optimisation
fonctionnelle intentionnelle par lorientation du mtabolisme. Cette
stratgie se heurte au mme problme thique que lutilisation de la
pharmacologie.
Lutilisation des approches nutritionnelles ne doit pas viser
amliorer la performance, mais rduire les effets nocifs de
lexposition un environnement agressif et maintenir lindividu en
bonne sant tout au long de sa mission. Cependant, lutilisation de
telles substances contribue galement allonger le temps dexposition
au stress et donc accrotre le risque de dvelopper les pathologies
de dsadaptation lenvironnement. Par ailleurs, lusage de ces
contre-mesures permet lindividu dexploiter plus intensment son
cerveau et lui fait courir le risque, thorique car jamais valu, dune
pathologie dexposition (burnout, tats de stress aigu...). ce titre, la
prise de ces substances nutritionnelles sous contrainte joue un rle
analogue au dopage. Il faut bien sparer cet usage de celui que peut
prescrire le mdecin afin de favoriser la rcupration. Cest bien le
contexte dutilisation dune substance, ft-elle aussi anodine dun
point de vue pharmacologique quun alicament, qui gnre la notion
de dopage et non la seule substance8.
AA Pharmacope conventionnelle
Lusage de substances psychotropes pour potentialiser les capacits
cognitives ou affronter une ralit effrayante est ancien. Larsenal du
quotidien va des anxiolytiques (hydromel, alcool), qui rduisent les
motions un niveau compatible avec un minimum de cognition, aux
agents activateurs apportant un veil vigilant (cafine, tabac, coca), qui
maintiennent des performances un certain niveau, un moment
du rythme circadien o elles sont particulirement dgrades (entre
une heure et trois heures du matin), voire aux produits qui gnrent
une activit automatique relaxante (chewing-gums). Ces produits
gnriques apportent un surcrot de bien-tre en condition dgrade,
et il est difficile de parler dans ce cas doptimisation de performances.
Le contexte a radicalement chang avec la mise en service de substances
veillantes comme les amphtamines et, plus rcemment, le Modafinil.
Ce dernier a t dvelopp par lindustrie pharmaceutique afin de
traiter les hypersomnies idiopathiques et la maladie de Glineau, pour
lesquelles il bnficie dune autorisation de mise sur le march en
France avec une prescription limite aux spcialistes.
Indpendamment de toute considration thique et de tout critre
defficacit, lusage de ces substances dans un contexte militaire pose
au minimum quatre sries de problmes:
BB ces substances sont values pour leur efficacit thrapeutique
dans un contexte pathologique et pour leur innocuit dans la vie
quotidienne. Leur utilisation dans un contexte agressif pose le
problme de la pharmacologie dun organisme en tat de stress.
Dune part, celui-ci est susceptible de changer les caractristiques
pharmacocintiques et pharmacodynamiques du mdicament.
Dautre part, il modifie le fonctionnement du cerveau. Il est
donc essentiel de matriser les caractristiques pharmacologiques
de ces substances pour des organismes sous stress afin dvaluer
correctement le rapport bnfice/risque;
8. M.Trousselard et F. Canini, Rflexion thique sur lusage militaire du dopage cognitif, Mdecine et Armes n43(3),
2015, pp.265-271.
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LE SOLDAT AUGMENT?
AA Nanotechnologies
La nanomdecine est le champ des nanosciences correspondant au
domaine consacr la sant, qui utilise les connaissances acquises
en mdecine, en biologie et en nanotechnologie pour le plus souvent
fabriquer, lchelle des molcules et des cellules, des outils aux
dimensions nanomtriques, servant habituellement diagnostiquer
ou traiter des maladies, administrer des mdicaments ou
rparer, reconstruire ou remplacer des tissus ou des organes 9.
Cette dfinition fait miroiter des possibilits fantastiques avec des
modalits daction allant au plus intime de lorganisme. On peut ainsi
entrevoir la possibilit de modifier des cellules qui, sous stimulation
9. nanoquebec.ca_w/site/explorateur.jsp?/currentlySelectedSection+259/.
AA Contrle motionnel
Lune des mthodes permettant damliorer les performances
cognitives dun individu sous lemprise du stress est de rguler
lmergence des motions. Dans le registre cologique de
lentranement mental, un grand nombre de techniques existe:
le yoga, la relaxation, la visualisation mentale de la performance...
Elles sont largement utilises par les sportifs de haut niveau ou en
rducation fonctionnelle. Elles sappuient sur le fait que le niveau
dactivation crbrale puisse tre contrl par la matrise des flux
informationnels provenant du corps, principalement par le contrle
de la ventilation. Contrairement aux entranements spcifiques, ces
types dexercice influent sur la qualit de vie des sujets qui sy prtent.
Pour autant, lefficacit face aux situations plus complexes de la vie
demeure controverse.
Les techniques doptimisation du potentiel ( TOP) font partie de
ces mthodes et ont t dveloppes dans le cadre militaire. Les
TOP reprsentent un ensemble de moyens et de stratgies mentales
(outils) permettant de mobiliser au mieux les ressources physiques
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68
LE SOLDAT AUGMENT?
AA Technologies de linformation
Les mthodes visant lamlioration de la performance cognitive
sappuient de plus en plus sur lusage daides ergonomiques,
plaant les recherches sur les interfaces homme-machine (BCI, Brain
Computer Interface) au cur de la question. Cependant, les domaines
dapplication des technologies de linformation sont vastes et peuvent
reflter des ralits trs diffrentes.
Lutilisation de technologies BCI permet dentraner les personnels
et damliorer leurs rponses dans des situations peu probables,
souvent lies la gestion des incidents/accidents. Lapprentissage sur
simulateur en est un exemple. Lobjectif poursuivi est dapprendre
un mtier, damliorer la scurit et, pour linstitution, de mieux
matriser les cots. Cependant, lusage des simulateurs nest pas sans
limitations: lutilisateur ne connat que les situations auxquelles il a
t confront; il peut exister une mauvaise tolrance psychophysiologique aux contraintes sensorielles; enfin, lapprentissage concerne
surtout la portion cognitive et les motions sont mal reproduites.
Lintgration de la machine lhomme est dj sortie du champ de
la fiction avec son dveloppement actif au profit du grand handicap
(prothse motrice commande nerveuse) ou du suivi en temps rel de
patients ou de personnes exposs des environnements contraignants
par des capteurs intelligents qui dterminent le niveau de risque vital
(surveillance de blesss, tolrance un environnement chaud...).
Les technologies BCI peuvent galement tre utilises pour librer
lindividu des tches de routine. Cette stratgie conduit la mise
en uvre de systmes daide la prise de dcision (systmes experts)
ou la recherche dinformations pertinentes quand les donnes
sont trop nombreuses pour les capacits de la mmoire de travail
de loprateur. LAgence pour les projets de recherche avance de
dfense (Defense Advanced Research Projects Agency ou DARPA) dveloppe
AA Intelligence collective
Lamlioration des capacits cognitives ne concerne pas que
lindividu, mais aussi le groupe auquel il appartient. Des outils et
des procdures sont dvelopps afin damliorer la collaboration
intellectuelle entre les hommes en se focalisant sur les systmes
de communication et de reprsentation lintrieur du groupe
constitu. Actuellement, les recherches portent sur le dveloppement
dune intelligence connective en potentialisant la dynamique de la
communication dinformations. De nombreux exemples existent
allant des techniques de Crew Resource Management (CRM) lutilisation de
mthodes de travail collaboratif permettant la cration en commun de
logiciels (logiciels libres et open source).
Dvelopper les capacits cognitives dun groupe peut aller jusqu ne
plus considrer les individus mais les fluctuations comportementales
du groupe, un peu la manire des groupes animaux (dfense en
banc pour les sardines ou en troupeau pour les ruminants). Ce
comportement collectif nest pas sans rappeler le rle dalerte que
jouent les rseaux sociaux comme Twitter dans la cognition de groupe.
Privilgier lintelligence collective pour accrotre les potentialits
10. Voir mobile.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-l-armee-americaine-veut-creer-des-soldats-cyborgs-le-mondeinformatique-63680.html
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LE SOLDAT AUGMENT?
dun groupe ne doit pas pour autant limiter les rflexions sur la
place de lindividu dans cette no-intelligence. Tout rside dans
lquilibre spcialisation/polyvalence. Une trop grande spcialisation
rduit lindividu un instrument au service du groupe et le fait
travailler de manire trop focalise et quasiment dconnecte des
objectifs communs. Cette stratgie proche de la taylorisation a des
rpercussions nfastes sur la sant mentale et physique des individus.
La socit humaine suppose que ceux-ci travaillent en intelligence,
cest--dire quils mettent leurs savoirs et savoir-faire au service dun
but commun partag. Depuis la rvolution des Lumires, lautonomie
de chaque individu est pose comme un droit imprescriptible.
Chacun doit pouvoir agir avec un espace dajustement ncessaire
au respect de son individualit dans un espace partag librement
consenti.
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AA Conclusion
Toute rflexion sur lhomme augment est une manire de faire
discuter deux ncessits celle dune collectivit se dfendre et celle
dindividus rpondre leur engagement de vie dans une conception
socitale globale. Lusage des dveloppements technologiques dans la
dfense appelle des bornes thiques qui sont autant de limitations
defficacit. Pour autant, les limites quune socit donne aux
moyens de sa dfense reprsente une des facettes de la conception
quelle a de la proportionnalit de la rponse la menace quelle
peroit. Avec lmergence des neurosciences, les possibilits daction
se dmultiplient la fois par la comprhension des mcanismes
neurobiologiques et par lintgration des nouvelles technologies
dans cette comprhension biologique. Nat une confrontation entre
ce dveloppement biotechnologique stimul par la mdecine et la
rflexion thique sur son utilisation. In fine, il existe bien un dialogue
entre thique militaire et thique mdicale. Lthique militaire
est ce que se permettent les militaires dans le cadre de leur action
en se conformant aux lois nationales et internationales. Lthique
mdicale dans la dfense est ce que les militaires sautorisent vis--vis
deux-mmes afin de ne pas nuire ceux qui servent dans ce cadre.
Les deux ne se confondent pas. Leur confrontation rflexive dans
un esprit douverture est indispensable pour modeler les limites des
actions en sattachant au respect de la position thique de chacun des
acteurs impliqus que sont le commandement, le service de sant et le
citoyen engag au sein de linstitution militaire. C
AURLIE ON
74
LE SOLDAT AUGMENT?
AA Augmentations et motions
Imaginer que la technologie ou les transformations de la socit
nont aucune influence sur les motions est une illusion. Dailleurs,
lapparition dune nouvelle technologie provoque souvent des
dbats passionns autour des motions quelle suscite. Ce fut le cas
pour la tlvision balbutiante: nallait-elle pas avoir une mauvaise
influence; les images ne seraient-elles pas nocives, en particulier sur
les jeunes et les personnes influenables? La classification actuelle des
programmes est hritire de cette ide quune image peut provoquer
des motions ngatives, notamment sur les plus jeunes. Quelle est
donc la porte dune technologie sur les affects des tres humains?
On peut en tablir une typologie simple selon quelle va modifier le
contexte, par exemple les drones, ou tenter de contrler directement
les motions.
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76
LE SOLDAT AUGMENT?
AA Informations et motions
Une motion est une information. La psychologie se fonde
dailleurs sur cette ide simple. Son objet est de reconnatre cette
information, son origine et son destinataire, qui peut tre lindividu
mais aussi son entourage. La peur, par exemple, signale une menace
pour soi avant que la conscience ne lanalyse, mais aussi alerte les
proches par un rictus, un cri. On peut alors proposer un postulat
simple: toute technologie qui modifie une information va modifier
une motion. Le cinma a appris cette leon depuis trs longtemps.
Eisenstein le dmontre magistralement par son art du montage: en
juxtaposant de simples images une femme qui crie, un landau qui
dvale des escaliers, des soldats qui chargent , il parvient crer
une motion puissante chez le spectateur de cette clbre scne du
Cuirass Potemkine.
Lapparition des drones est un exemple intressant. Loprateur
de lengin se trouve souvent des milliers de kilomtres de laction.
Il peut observer, mais galement tirer sur des cibles. Il nest pas
motionnellement engag de la mme faon dans laction quun pilote
dans son avion. Ici, le problme nest pas limage mais le contexte: il
effectue un travail quotidien, partant de chez lui le matin et y rentrant
le soir. On peut donc limaginer plus dtach motionnellement que,
par exemple, un commando sur le terrain.
Mais la technologie peut aussi avoir leffet inverse. En Afghanistan,
les pilotes rapportaient le stress transmis par les troupes au sol. Ces
dernires demandant et guidant lappui des avions au sol se trouvaient
souvent dans des situations difficiles. Les pilotes taient directement
en lien radio et entendaient donc les bruits des combats. Ctait
pour eux une pression supplmentaire, car la nature de laction
changeait: il ne sagissait plus de tirer sur des coordonnes, mais
daider des camarades en dtresse! Grce au progrs des viseurs, les
pilotes dhlicoptres Tigre pouvaient suivre et voir limpact de leur
missile tout en restant relativement loigns. Si observer la destruction
dun compound ne provoquait pas vraiment de stress, il en allait tout
autrement quand il sagissait dun groupe dinsurgs. De faon moins
dramatique, lapparition des tlphones portables a profondment
modifi la gestion des familles des militaires. Certains pachas de la
Marine nationale choisissent mme de rapprocher leur btiment des
ctes afin que leurs marins puissent capter un signal!
La technologie, principalement celle de linformation, peut donc
loigner mais aussi rapprocher. Sa capacit mettre distance
motionnelle le militaire est sans doute la plus souhaitable pour les
armes. Le drone permet doprer en toute scurit sans craindre de
pertes et pour un cot limit. Les robots du champ de bataille, mme
77
YANN ANDRUTAN
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LE SOLDAT AUGMENT?
2. Il suffit pour sen convaincre de voir la scne finale de la premire partie de 2001 lodysse de lespace (Stanley
Kubrick, 1968), o le clan dhominids jusqualors domin par dautres clans et les btes sauvages prend le contrle du
point deau grce une arme, un caillou en loccurrence.
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82
LE SOLDAT AUGMENT?
AA Substance mort
La possibilit de transformer un simple soldat en guerrier est
sans doute aussi vieille que la guerre. Les anciens Celtes comme les
Scandinaves savaient entrer dans des tats de fureur guerrire. Les
Romains poussaient le fameux barritus autant pour se donner du
courage queffrayer lennemi. Et Ardant du Picq, lorsquil voque la
force morale dune arme, montre bien que le problme nest pas tant
davoir les meilleures armes ou une supriorit numrique; il faut
possder un peu plus que cela.
Lorsque les scientifiques ont pris conscience que tout dans le
cerveau tait seulement une affaire de chimie et que lon pouvait
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LE SOLDAT AUGMENT?
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LE SOLDAT AUGMENT?
LES INCONTOURNABLES
LA GUERRE TERNELLE
JOE HALDEMAN, 1974
Le soldat Mandela est un conscrit appel combattre une mystrieuse race
extraterrestre aux confins de la galaxie connue. On le suit travers diffrentes poques, de son entranement aux trois temps de sa carrire: soldat,
sous-officier et, finalement, officier. Cest un personnage passif qui subit les
vnements, ladministration militaire et les mille annes que dure sa carrire
jusqu la fin ironique. Sans doute le meilleur livre de science-fiction traitant
de la guerre, crit au retour du Vietnam o lauteur a servi. Certains lments
ont vieilli.
LE CYCLE ENDER
ORSON SCOTT CARD, 1977
Au dbut du cycle, Ender est un jeune garon slectionn pour ses dons. Il
labore une stratgie en simulateur qui doit permettre la Terre de vaincre une
race extraterrestre avec laquelle elle est en guerre. Or il sagit dune bataille
relle qui conduit lradication totale de cette race. Dans la suite du cycle,
Ender va tenter de rparer ce xnocide. Il sagit dun livre majeur de la sciencefiction et lun des meilleurs de lauteur. Une rflexion sur la nature de lennemi,
la violence et la culpabilit.
DUNE
HERBERT FRANK, 1965
Dune est impossible rsumer sans le rduire une caricature. Disons simplement que lhumanit est la seule espce intelligente. Elle domine la galaxie
travers une socit impriale et fodale. La technologie est secondaire et
repose sur une amlioration du potentiel humain. Mais cela ne serait pas
possible sans une substance mystrieuse, lpice, qui nest produite que
sur une seule plante, Arrakis, connue aussi sous le nom de Dune. Livre
HONOR HARRINGTON
WEBER DAVID, 1994
Dans un lointain futur, une monarchie constitutionnelle et capitaliste affronte
une rpublique rvolutionnaire et socialiste. Des flottes spatiales immenses
combattent pour le contrle de plantes et routes commerciales avec des
tactiques inspires de la fin du XIXe et du dbut du XXesicle. On y suit les
aventures dune femme officier, Honor Harrington, du grade de commandant
de navire celui damiral. Une prolifique srie et honorable page turner qui reprsente aussi ce qui est dtestable dans la military science-fiction amricaine: prminence de la Marine, relecture de lhistoire partiale et vision trs conservatrice
de la politique.
BATTLESTAR GALACTICA
RONALD D. MOORE, 2004
Les hommes ont cr les cylons, des robots destins les servir. Mais ceux-ci
se sont rvolts et ont dclench une guerre contre leurs crateurs qui sest
termine par un statu quo fragile. Vingt ans plus tard, les cylons attaquent par
surprise lhumanit et lannihilent. Sauf une petite flotte de vaisseaux spatiaux
groupe autour dun vieux vaisseau de combat. Leur seul espoir est de trouver
la plante des origines: la Terre. Il sagit dune srie tlvise remake de celle des
annes1970. Les thmes abords y sont multiples, mais elle arrive dpasser
la question de la guerre contre lautre et sinterroge sur la convergence des
adversaires: force de se battre, on se ressemble.
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LE SOLDAT AUGMENT?
faut lire Starship Troopers au second degr. Comme tous les Amricains de
sa gnration, Heinlein a t marqu par la Seconde Guerre mondiale
et, en libertarien, il sinterroge en fait sur ce que peut imposer une
socit au nom dune cause perue comme juste. Il montre comment la
guerre transforme la socit totalement et jusque dans ses fondements.
Ce nest plus de la politique, mais bien de la biopolitique au sens de
Foucault, puisque dans La Guerre ternelle le pouvoir impose aux citoyens
la nature de leur choix sexuel au nom de leffort de guerre. La socit
terrienne se transforme tel point quelle devient radicalement autre
son tour. Lavertissement de Nietzsche hante ces pages: ne combats
pas les monstres parce que tu deviendras un monstre La socit
humaine lest-elle encore? finit par ressembler son adversaire,
ce qui annule les raisons de la guerre.
Le lecteur, comme le combattant humain, se trouve dculpabilis de
sa propre violence. Il ny a plus dempathie possible puisque rien chez
ladversaire ne nous rappelle nous-mmes: aucune mmet ou
identit. Mais il sagit aussi dune mise en abme: jusqu quel point
la violence est-elle lgitime? La conclusion du roman dHaldeman
sonne comme un avertissement: lennemi, aussi dtestable et
hassable soit-il, peut devenir un alli et mme un ami.
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MICHEL GOYA
DU BON DOSAGE
DU SOLDAT AUGMENT
Un soldat est un agrgat, un mlange de comptences, dquipements
et de faons de voir les choses lintrieur dun embotement de
structures. Il doit matriser des savoir-faire techniques ainsi que
la manire de les coordonner avec ceux des autres. Il lui faut tre
fort physiquement pour supporter des charges lourdes et pour
agir longtemps. Il a surtout besoin davoir une armature morale
particulire qui lui permette de surmonter deux interdits: mettre sa
vie en danger et prendre celle des autres.
La cration dun soldat est donc chose complexe et surtout
changeante car relative un environnement propre et surtout
des ennemis. Sil existe des constantes, il ny a cependant pas de
combattant idal, juste des crations plus ou moins adaptes des
contextes diffrents. Imaginer la possibilit dun soldat ultime,
invulnrable et invincible, est forcment une illusion.
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LE SOLDAT AUGMENT?
les sensations qui se dforment puis les fonctions cognitives qui sont
atteintes et il devient de plus en plus difficile, puis impossible, de
prendre une dcision cohrente. Au mieux, on obira aux ordres ou
on imitera son voisin. Au stade ultime du stress, le comportement de
lindividu na plus de lien avec la survie. Il peut rester ainsi totalement
prostr et souvent incontinent face quelquun qui va visiblement le
tuer1.
Depuis les premiers combats organiss au nolithique, le cur de
la formation du soldat rside dans la matrise de ces phnomnes,
en particulier de cette monte aux extrmes jusqu limpuissance.
En rsum, comme dit Montaigne, la peur de la mort donne des
ailes ou plombe les pieds; en dautres termes, elle produit un tre
provisoirement, et naturellement, augment ou au contraire
diminu si la mobilisation est trop forte.
Ce qui fait la grande diffrence entre le combattant, au sens large,
et le novice nest donc pas la force physique ou la matrise technique,
mais bien une gestion diffrente de cette peur invitable. Or cette
gestion, quil sagisse de la mise en alerte ou de lanalyse de la situation
et des actions mener, dpend trs largement de lexprience
antrieure des individus. La gestion de la peur peut sapprendre et
cest mme le cur de la formation du soldat: comment tre du ct
des augments plutt que des diminus. Il ne sert rien de
disposer des meilleures armes du monde si on est tellement paralys
que lon ne peut pas sen servir!
Hors de tout contexte mtaphysique (un paradis pour les guerriers
par exemple) et aprs des sicles de recherches empiriques, toutes les
armes du monde utilisent sensiblement les mmes procds pour
prparer les hommes au combat, sans pouvoir videmment reproduire
exactement celui-ci. Il sagit surtout de prparer aux premires
fois, ces premiers combats, ceux o lmotion est la plus forte et
les performances moindres, lorigine des plus grandes pertes et des
paniques.
Une premire approche, hrite de lpoque moderne, est fonde
sur lanalyse des gestes du combat et leur apprentissage par rptition.
Cette mthode, dite du drill, induit un conditionnement utile
lobissance et, comme dans les disciplines sportives, la rptition
incessante de gestes individuels et collectifs afin que, le moment venu,
le rflexe remplace la rflexion.
Une seconde approche consiste accoutumer lesprit et les sens
du soldat lambiance du combat par la simulation et la stimulation
1. Christophe Jacquemart, Neurocombat. T.IPsychologie de la violence de rue et du combat rapproch, Paris, Fusion
froide, 2012.
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AA La chute dIcare
Cette avance vers le soleil a un cot. Le premier prix payer
est videmment la mort. Sur les quarante premiers as de la chasse
franaise voqus prcdemment, dix sont tus au combat et trois
grivement blesss. Les tres transforms peuvent aussi tre pigs
dans leur dpendance. Sur la petite trentaine de survivants, dix
meurent dans un avion au cours des neuf annes qui suivent la fin
de la guerre, dans des exhibitions, des essais ariens ou des exploits
impossibles6.
ct de ces grandes figures, il y a de nombreux invisibles qui
seffondrent. Car pour quil y ait des vainqueurs, il faut quil y ait des
vaincus. Les perdants rpts accumulent du cortisol qui agit sur le
cerveau au niveau de lhippocampe (lieu o sont stocks les souvenirs
et donc les comptences) et perdent confiance jusqu dvelopper un
syndrome de Cushing, une dtrioration gnrale du fonctionnement
du corps.
La tentation dtre un surhomme, dtre et dexister plus fortement
dans une vie hroque et dangereuse, est un jeu qui fabrique bien plus
de dus et de briss que de gagnants. Ces derniers eux-mmes, sils
ne peuvent continuer leur vie hroque, sont destins comme Achille
terminer leur vie dans un enfer dennui, ou comme le Capitaine
Conan de Roger Vercel (1934) reprendre leur petite mercerie et
sombrer dans lalcoolisme. Il ne sagit l bien sr que des survivants
indemnes, qui sajoutent ceux qui ont perdu la vie ou portent des
blessures physiques et morales. Les as tus au combat ne reprsentent
quune toute petite pointe des un million quatre cent mille Franais
transforms en soldats et tombs dans les combats de la Grande
Guerre, et des millions dautres blesss dans leur chair et dans leur
me.
6. Michel Goya, Le complexe dAchille. Les as franais pendant la Grande Guerre, Inflexions n16, 2011.
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Inflexions: Vous vous intressez depuis longtemps au trans et au posthumanisme. Avec
une fascination initiale, puis une rflexion de plus en plus critique. Dans le cadre de ce
numro dInflexions, quelle rflexion vous inspire ce sujet?
Jean-Michel Besnier: La guerre a chang, cest devenu un lieu
commun. En faisant ce constat, on met en vidence le fait que les
conflits sont devenus asymtriques. Cette asymtrie me semble
le fait dominant. Finie la guerre avec deux armes qui se donnent
rendez-vous sur un terrain pour saffronter rgulirement. Jai
assist lune des dernires confrences de Raymond Aron. Il y
exprimait une espce de nostalgie de ces guerres qui se dclaraient, qui
sorganisaient, qui obissaient une rationalit cherchant protger
les populations civiles.
Lasymtrie dans les conflits modernes est lie lutilisation
croissante des technologies. Loin davoir t un facteur dhomognisation et daugmentation de lgalit des conditions, celles-ci
ont cr ce dsquilibre qui est un problme dont on na pas fini de
mesurer lampleur. Qua donc produit la technologie dans la guerre?
Dabord, le sentiment que la puissance est tout entire dans un
seul camp et son corollaire, le dramatique slogan du zro mort,
cest--dire zro mort dans le camp hypertechnologis. Elle a ensuite
vraisemblablement suscit lavnement du terrorisme. Les guerres
zro mort ont des effets collatraux qui touchent forcment les
populations civiles. Nat par consquent une sorte de mobilisation de
ces dernires par la haine, qui ragissent sur le mode de linsurrection.
Or ce caractre insurrectionnel des peuples agresss produit presque
invitablement le phnomne terroriste. Ce zro mort acquis par
des procds inaccessibles ladversaire est peru par les non-nantis
victimes de cette guerre technologique comme une invitation tuer,
marquer des points contre la puissance qui se croit invulnrable. Plus
il y a de morts provoques par des moyens rudimentaires (machette,
dcapitation larme blanche, lance-flammes, le tout enregistr sur
YouTube) et plus le traumatisme inflig au camp du zro mort est
grand. Il y a un effet en cascade.
Du fait du dveloppement des technologies, on na pas fini de
mesurer le ct immatrisable des guerres. Cest pour cela que le
sujet du soldat augment pose des questions considrables. Il faut
essayer de rflchir sur le terrain philosophique et anthropologique
la nature de la guerre et au comportement des combattants dots
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LHOMME SIMPLIFI
Inflexions: On pourrait aussi trouver dans cet exemple une vulnrabilit accrue: si
on augmente la sensibilit auditive, on augmente aussi le risque de traumatisme sonore.
Pourquoi ne pas crer alors une arme qui trouverait sa justification dans la sensibilit
exacerbe des ondes auditives?
Jean-Michel Besnier: Chaque augmentation est en effet susceptible de
crer un dommage collatral. Tant que lorganisme humain obit sa
stricte normativit, il peut saccommoder de ses dficits, les surmonter
et les compenser. Mais dans les stratgies daugmentation, la normativit
vient de lextrieur et gnre une obsession de conformit qui dbouche
sur une sorte de normopathie. On sexpose donc, chaque fois que
lon augmentera artificiellement lhumain, le fragiliser. Ainsi, je suis
persuad que lhomme augment est fragile sur le terrain, simplement
parce que le raisonnement nest plus une vertu pour lui et quil perd en
plasticit adaptative. Cest la ractivit qui est dveloppe en lui plutt
que laspect dlibratif, do une fragilit prvisible.
Inflexions: Lintelligence, au sens de discernement cognitif, disparat donc au lieu de
saccrotre, parce que le discernement est le fruit dune rflexion incessante sur soi beaucoup
plus quune prothse greffe?
Jean-Michel Besnier: Je crois quil est exclu que lon puisse penser le
discernement en termes de prothse, car ce qui le caractrise, cest
le consentement lambigut, la complexit. Or la prothse est
sans dtour. Philosophiquement, on place toujours le discernement
du ct o la foi rsiste; il entretient une sagesse pratique. Sur le
terrain militaire, pour en revenir lui, on risque dtre fragilis si
lon substitue des automatismes de comportement au discernement
impliqu dans les stratgies. Les armes savent bien que nombre
de paramtres les privent dune situation de clairvoyance, quelles
doivent faire avec une certaine opacit. Cette aptitude des militaires
composer avec des phnomnes complexes pour prendre les bonnes
dcisions et, ventuellement, exprimer une action innovante, cest la
vertu mme. Or le soldat augment, qui est quand mme un tre trs
proche du robot, qui interagit avec des systmes darmes autonomes,
perd cette aptitude quon est tent de nommer crativit.
Inflexions: Ne serait-on pas devant une fin de lhistoire traditionnelle de la guerre?
Pendant des sicles, on a cherch augmenter la puissance prothtique du soldat grce un
armement ou des capacits augmentes de tolrance leffort, or on saperoit aujourdhui
quil est vain de penser que lon pourra toujours augmenter ces capacits, que, peut-tre, le
futur de la guerre, cest, rebours, une rflexion qui fait appel aux sciences humaines plutt
quaux sciences mathmatiques et physiques?
Jean-Michel Besnier: Ce serait effectivement un avenir pour la guerre
dintroduire des considrations nourries de sciences humaines et
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qui rend videntes les limites de lhumain naturel. Mais plus que
a, et les problmatiques transhumanistes lannoncent, lhomme
augment, cest une transition vers le posthumain. Dans le domaine
militaire, le soldat augment, cest le renforcement de lhgmonie de
la machine dans le contexte de guerre. Une machine qui va tre active
pour prendre des dcisions parfaitement conformes au dessein non
pas de lhomme, mais dune intelligence artificielle.
Inflexions: Mais alors, lennemi au sens abstrait du terme ne peut-il pas entrer
facilement lintrieur du systme de la cyberguerre et le neutraliser? La cyberguerre
nest-elle pas fragile dans ses composantes informatiques? Nest-elle pas aussi un leurre?
Jean-Michel Besnier: La cyberguerre est un leurre si elle sentretient
de lillusion de linvulnrabilit quelle affiche. Toute technologie
fonctionnant sur la base de systmes dinformation est expose
tre envahie, dtourne, hacke. Dune faon gnrale, il faut
tre conscient du caractre alatoire des productions issues de cette
technologie, alors mme que lon pense tenir avec elle lomga des
progrs imaginables. Que lon ne savise pas que la plante pourrait
tre menace cause dun orage solaire qui couperait les sources
dlectricit, plongeant lhumanit dans une dtresse effroyable, me
semble trange, tonnant. Il ny a que les auteurs de science-fiction
pour affronter cette hypothse catastrophique. Quant aux politiques
et autres dcideurs, ils ne pensent quen termes de concurrence,
de ractivit, de temps rel, de court terme, de tactique Le
culte de linnovation tout prix rsume cette ccit aux fragilits
fondamentales dun monde construit sur les seules technologies
numriques. De fait, la cyberguerre ninspire la scurit quaux esprits
superficiels.
Inflexions: Autrement dit, si vous tiez responsable des stratgies du futur, vous
investiriez dans une rflexion en profondeur sur ce quest lhumain, sa fragilit, sa
complexit, plutt que dans lamlioration de technologies sans fin, comme si vous vous
mfiiez dune sorte de progrs technique qui comporte en son sein sa propre dception?
Jean-Michel Besnier: Ma position par rapport cette question dun
progrs paradoxal revient affirmer le risque que nous prenons
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Inflexions: Voulez-vous dire que la mise en place de ces machines efface le temps de
la conception?
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HOMMEAUGMENT,
VOLONT DIMINUE
Inflexions: Quelle est, selon vous, la raison de lmergence aussi affirme du
concept de soldat augment dans les affaires militaires occidentales de ce dbut de
XXI sicle?
Caroline Galactros: Lapparition et le succs croissant du concept
de soldat augment sont une consquence directe de linquitude
suscite dans les socits occidentales par la disparition progressive de
lavance conomique, politique et socitale qui tait la leur jusquici.
Imbus dune richesse nouvelle, ingrats, nos anciens affids, que
nous pensions convaincus de notre supriorit morale et politique
au fil du temps, nous lancent dsormais sans vergogne de nombreux
coups de pied de lne, insidieux ou tonitruants, nous contestant
sans plus dquivoque le premier rang. Le modle chinois, la
voie brsilienne, la renaissance russe, le miracle indien
envahissent le champ des perceptions de nos concitoyens, distancs
et fragiliss, qui nen croient pas leurs yeux et mprisent chaque jour
davantage leurs politiques incapables de penser lavenir ou mme
seulement dassurer un futur supportable. Nos conomies vacillent,
nos valeurs, que lon se contente dailleurs dinvoquer sans plus
oser les expliquer et encore moins les imposer, svanouissent dans
un non-dit gn.
Il est pourtant difficile de nous rsoudre sans coup frir cette
dpossession. Car il subsiste un domaine o nous demeurons
excellents et dominants, o nous nous pensons invaincus, que
nous considrons comme le fer de lance dune ventuelle
reconqute ou, a minima, de la dfense de notre identit menace.
Cest celui de la guerre, du combat, de la lutte contre les diverses
menaces violentes sur nos populations et nos intrts dissmins
dans le monde. L, notre hubris peut encore donner sa pleine
mesure et nous entretenir dans lillusion jubilatoire dune
avance technologique capable de garantir le succs politique et la
domination stratgique du monde.
Le soldat augment constitue donc une sorte de fuite en avant
capitalisant sur un avantage comparatif qui est celui de la technologie:
en creusant un foss technologique, les adversaires sont tenus
distance. Cest intellectuellement satisfaisant et rassurant, mais bien
loign de la ralit du monde.
e
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LE SOLDAT AUGMENT?
Inflexions: Ce que vous dcrivez ici ressemble une rsurgence moderne de la volont
daffaiblir son adversaire par une course technologique telle que lInitiative de dfense
stratgique (IDS1) a pu ltre au dbut des annes1980. En quoi est-ce diffrent?
Caroline Galactros: La logique nest effectivement pas trs loigne,
une diffrence fondamentale prs: lorsque Ronald Reagan lance
lIDS, il navance pas masqu et ne cache pas la finalit de conqute de
suprmatie qui est la sienne sur un ennemi identifi; aujourdhui, la
dmarche de course technologique est pare des atours de la morale et
du progrs. Elle nest donc pas assume en tant quoutil du maintien
dune position dominante.
Un virage sest en effet opr dans les annes1990, qui a conduit
cette situation. La volont affiche de diffuser le Bien sest
gnralise en Occident aprs la chute de lUnion sovitique, y
compris contre la volont de ceux qui pourraient le refuser. Quon
lappelle droit dingrence, devoir humanitaire, maintien
de la paix, interposition ou, dsormais, devoir de protger
les populations appellation la plus cynique peut-tre , cette
dmarche a de fait relgitim la possibilit et le droit, pour les nations
occidentales, de faire la guerre et de tenter de redessiner les cartes du
monde leur avantage en se parant dune caution morale idale: le
dsintressement et la volont de porter la lumire dmocratique dans
les derniers retranchements de larriration politique.
Dans le mme temps, la science est progressivement devenue une
fin en soi et non plus un simple moyen. Sidentifiant au progrs,
elle devient une forme dabsolu que lon ne saurait apprhender
autrement que positivement. Toute approche critique ou mme
neutre devient ipso facto la marque dun conservatisme frileux, voire
dun obscurantisme coupable. Dans cette vision, la modernit porte
par la science est ncessairement meilleure que la situation qui la
prcde. Le Bien sidentifie au progrs, lui-mme confondu avec
le changement. Lorsque vous changez de tlphone, cest pour en
obtenir un avec de meilleures performances, qui vous permettra de
faire plus de choses. Ce raccourci est appliqu par extension toute
innovation scientifique ou technique.
Le soldat augment, qui sert la fois une politique aux fondements
moraux vidents et un progrs scientifique lui-mme dot dune
charge symbolique positive et identifie au Bien, reprsente le bras
arm dune socit qui a atteint le stade ultime du progrs humain.
1. LInitiative de dfense stratgique, aussi appele guerre des toiles, est un projet lanc en mars 1983 par le
prsident Ronald Reagan pour mettre en orbite un rseau de satellites dont le rle devait tre la dtection et la
destruction de missiles balistiques lancs contre les tats-Unis. Elle a contribu acclrer la chute dune Union
sovitique conomiquement exsangue et incapable de supporter les dpenses de recherche ncessaires pour combler
son retard technologique.
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PAOLO BENANTI
UN REGARD DE CROYANT
Quel est le but de la mdecine aujourdhui? Nest-ce encore que de
gurir les maladies? Cest loin dtre vident. La biotechnologie et la
biologie synthtique permettent dsormais de regarder de lintrieur
les mcanismes de fonctionnement de la vie, mais aussi dy intervenir
directement: manipulation gntique ou reproduction assiste sont
autant de manifestations dune ambition damlioration de lhomme
(human enhancement). La possibilit daugmenter les facults cognitives
et physiques humaines semble modifier les fins de la mdecine et
repousser les limites du champ des sciences associes.
Avec les progrs de la biotechnologie, en particulier de la neuropharmacologie, la mesure de la nature humaine que lon pourrait qualifier
de normale ne semble plus absolue. De nombreuses questions
surgissent ainsi de plus en plus frquemment dans le dbat public.
Existe-t-il vraiment une nature humaine? Si oui, dans quelle mesure
est-elle modifiable? Constitue-t-elle encore lunique rfrentiel
valide pour dfinir les objectifs de la mdecine? Ne devrions-nous
pas aujourdhui considrer lamlioration de la nature humaine, son
augmentation, comme une fin plus approprie pour cette discipline1?
Ces nouvelles capacits gnrent quoi quil en soit de pressantes
interrogations sur les consquences sociales de la science, et semblent
parfois crer une fracture entre deux poques, ancienne et nouvelle,
engendrant de fortes ambivalences et des querelles dans lespace
public. Un futur controvers commence poindre lhorizon, auquel
il est ncessaire de donner forme.
Cette possibilit indite offerte lhomme de se livrer des
manipulations sur son espce, au risque de perdre sa propre identit,
ainsi que les transformations sociales quune utilisation de plus en
plus rpandue des biotechnologies pourrait introduire rendent
pertinent un approfondissement de cette question par les croyants.
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UN REGARD DE CROYANT
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LE SOLDAT AUGMENT?
mystre propre, car aucune science ne peut dire qui est lhomme,
do il vient et o il va. La science de lhomme devient donc la plus
ncessaire de toutes les sciences2.
Cependant, ce que vhicule le terme denhancement, cest la vision
dun homme enferm dans une immanence continue. Or la recherche
permanente dun Au-del, qui fasse abandonner la condition
humaine, nest en ralit pas une amlioration. Car au moment
mme o elle serait applique lhomme, cette recherche lanantirait,
provoquant sa disparition. Si la biotechnologie devient linstrument
dune telle vision anthropologique, elle se transforme alors en un
monstre qui dvore lhomme en lannihilant.
Cette ide denhancement nest donc pas acceptable et doit tre rejete.
Si une telle vision devenait le sens des innovations technologiques, tout
type de manipulation du corps deviendrait non seulement possible mais
mme souhaitable, et le seul frein cette drive serait constitu par les
limites des dsirs de lindividu ou par les exigences de la socit des
fins devenant petit petit licites voire ncessaires la scurit de ltat.
Un premier niveau fondamental de discernement, auquel la
rflexion pousse naturellement le croyant, semble donc assez
vident. Parler de lamlioration cognitive amne saisir les racines
idologiques qui la sous-tendent. Une amlioration cognitive qui
serait la premire tape pour raliser un super homme, sur le modle
nietzschen, savre incompatible avec la comprhension de lhomme
et avec les rponses plus vraies, plus authentiques sur la valeur de la
personne humaine que la foi aide percevoir et vivre.
Si lamlioration cognitive est un instrument de lingniosit
de lhomme qui vient rendre les vies de plus en plus humaines, la
rflexion du croyant reste ouverte aux niveaux successifs danalyse qui
aident comprendre si et comment ces technologies peuvent aider
lhomme mieux vivre, et quels seront les cots induits pour chaque
individu et pour la socit. Souvre alors, pour une amlioration
cognitive qui ait ce sens intrinsque dhumanisation, un processus de
discernement sur les potentialits et les limites de celui-ci.
lAcadmie pontificale des sciences sociales ayant pour thme Lidentit changeante de lindividu (28 janvier 2008),
LOsservatore Romano 29 janvier 2008, p.8.
UN REGARD DE CROYANT
nest pas exempte de consquences, qui engendrent des proccupations lgitimes, et ncessitent prudence et attention.
Ce deuxime niveau de rflexion, plus approfondi, accompagne
depuis toujours lanalyse des moyens mdicaux appliqus lhomme.
En effet, le terme mme de pharmacie, dans sa racine grecque
(pharmakon), indique autant le poison que le remde: avoir exclu
des enhancements cognitifs le ct poison (le fait dempoisonner et de
tuer lidentit mme de lhomme) ne dit rien encore sur ce que doit
tre le dosage correct ou la bonne posologie, savoir, toujours dans
lallgorie utilise, quelles sont les limites dutilisation et quelles
circonstances rendent lgale et sre leur utilisation.
Afin de fournir une analyse adquate des potentialits et des risques
associs lamlioration cognitive, il est ncessaire de dcrire, mme
brivement, lexistant et ce que le quidam pourra bientt trouver sur
le march.
Au cours des dernires annes, deux principaux systmes cognitifs
ont t cibls par les scientifiques pour obtenir une amlioration
pharmacologique: lattention et la mmoire. Pour ne citer que
quelques ralisations, il suffit de penser aux mdicaments stimulants
tels que le mthylphnidate (MPH), en vente sous le nom de Ritalin, et
aux amphtamines, commercialises en composs avec les dextroamphtamines comme Adderall, capables damliorer lattention des
personnes atteintes dun dficit de cette fonction et dhyperactivit
(TDAH), mais aussi celle des personnes en bonne sant. Bien que ces
mdicaments soient apparemment principalement prescrits pour
traiter le TDAH, les chiffres de vente montrent quils sont utiliss
pour lenhancement cognitif. Les enqutes sur les campus universitaires
confirment cette conclusion. Les stimulants, disponibles sur
ordonnance, sont actuellement largement utiliss par les tudiants,
dont beaucoup les obtiennent grce des amis ou des traficants de
drogue, comme des substances pour laide ltude.
De mme, un important effort de recherche a t consenti
dernirement pour dvelopper des mdicaments stimulant la
mmoire. Ces mdicaments ciblent divers niveaux la cascade
molculaire qui sous-tend, dans le cerveau, la formation de la
mmoire, provoquant sa consolidation sur le long terme. Mme si
ces tudes ont officiellement pour but de trouver des remdes la
dmence, il y a tout lieu de croire que certains produits en cours
de dveloppement pourraient amliorer la mmoire normale, et, en
particulier, trouver une utilisation chez les personnes ges, pour
lesquelles une certaine augmentation des pertes de mmoire est
pourtant normale. La possibilit daffaiblir les souvenirs indsirables
constitue un autre type de traitement de la mmoire, en phase de
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affirme que tous les hommes sont crs gaux, a gnr dimmenses
batailles politiques travers lhistoire amricaine au sujet de qui devait
tre considr comme vritablement humain. Les craintes et les
arguments de Fukuyama se sont progressivement diffuss dans la
littrature scientifique et apparaissent aujourdhui dune importance
fondamentale lorsquon aborde ces questions.
Un autre thme, trs li, est souvent mis en avant: la diffrence
entre le traitement, cest--dire la thrapie, que les biotechnologies
ont toujours recherch, et lenhancement. Alors que celle-l vise
rcuprer une partie de quelque chose qui est donn (au sens du
don) a priori, celui-ci vise vouloir dpasser les limites imposes par
notre constitution biologique.
Le thme de la recherche du bonheur a t introduit pour permettre
de discerner les biotechnologies utilises des fins autres que le
traitement mdical. Le point sur ltat de la recherche en biotechnologie et sur le hiatus que celle-ci cre entre le droit la recherche
du bonheur de lindividu et la justice sociale a t mis en exergue
par un rcent rapport du Conseil prsidentiel sur la biothique du
gouvernement des tats-Unis dAmrique, qui attire lattention sur
le fait que certaines technologies appliques lhomme risquent de
changer profondment la socit et den menacer les fondements
mmes. Beyond the Therapy, tel est le titre du texte, recueille certaines
tendances culturelles et tente de fournir un cadre aux tentatives de
discernement thique, montrant galement que, bien que distinct
de la question de lgalit, le discours sur la recherche du bonheur
partage avec celle-ci les mmes racines: la relation entre lindividu
et la socit.
La critique de fond adresse lutilisation au-del des thrapies
des biotechnologies concerne la notion mme de bonheur: le
contexte actuel tend contracter ce concept sur celui de plaisir en les
rendant synonymes. Un bonheur confondu avec le plaisir restructure
la socit mme: les biotechnologies, au lieu de contribuer rendre
notre socit plus heureuse en combattant les malheurs et les maladies,
veulent crer une socit agrable, o le plaisir sidentifierait la
satisfaction du dsir de lindividu de pouvoir aller au-del des limites
biologiques de ltre humain. On peut alors se demander si, dans
ces conditions, on peut encore parler dun droit la recherche du
bonheur, car le bien ne sidentifie plus simplement dans les choix faits
par les personnes.
partir de ces considrations essentielles, le Conseil prsidentiel
sur la biothique a identifi un certain nombre de problmes qui
renforcent lide quil est pertinent de dissuader lutilisation des
biotechnologies pour des usages dpassant la thrapie. Laccent est
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le plus souvent affubl dun complment qui permet la fois den saisir
le sens et de manifester les contradictions contenues dans un terme
qui simpose par sa polysmie et par laporie laquelle il conduit. On
parle ainsi frquemment et de faon approprie de gouvernance du
dveloppement. La corrlation gouvernance/dveloppement libre
le concept de gouvernance des troitesses smantiques qui le lieraient
exclusivement la dimension conomique, pour louvrir aux champs
thico-philosophiques et politico-sociologiques. Cela lui confre
finalement un sens anthropologique remettant lhomme et son bon
sens en position centrale, et rejetant le fatalisme li la conception
classique de la main invisible, de lorigine naturelle des lois de
lconomie et de lindfectible loi du march.
Le lien tabli entre la gouvernance et le dveloppement est
double sens: dun ct, apposer le terme dveloppement au terme
gouvernance signifie remettre lindividu au centre de la vie sociale,
comme une finalit; dun autre ct, indiquer que le dveloppement
passe par la gouvernance revient considrer la dimension thique
non comme un simple lment juxtapos la gestion et la direction
de linnovation biotechnologique, mais comme la source dun certain
nombre de questions profondes de sens qui se trouvent au cur de
tout dveloppement authentique.
Les amliorations cognitives soulvent galement la question du
concept de dveloppement et de bien commun. Le fait que, dans
un contexte de ressources limites, le choix soit fait dinvestir dans
un produit au profit de quelques-uns (riches) au lieu dutiliser les
ressources disponibles pour trouver des solutions et des remdes des
maladies telles que le VIH, qui concernent de nombreuses personnes
(pauvres), soulve des questions sur la justice sociale et la gestion
politique des affaires publiques.
UN REGARD DE CROYANT
133
HAM KORSIA
LE TEMPS DU SHABBAT
Lhomme a toujours cherch slever, se dpasser et tous les
moyens taient bons pour y parvenir, depuis le bton de Mose
jusquaux cheveux de Samson. La Bible nous parle de ces humains
qui voulurent, ds la Gense, devenir les fils des dieux et rige
cette tentation en mal absolu. Cest lidoltrie qui, sous une forme
ou une autre, pousse lhomme vouloir sopposer son crateur, car
sous prtexte de sadonner ladoration du bois ou du mtal, cest la
puissance de lhumain quil vnre. Dieu ne fixe quune seule limite
la tentation domnipotence de lhomme: De tous les arbres du
jardin tu mangeras, mais de larbre de la connaissance du bien et
du mal, tu ne mangeras pas (Gense II, 16 et 17). Il lui enseigne le
risque de la toute-puissance. Lhomme sera plus grand sil sait accepter
une limite fixe par Dieu, plutt que de cder la tentation et de
se prendre pour lgal du Tout-Puissant, qui porte si bien son nom,
voire plus. Le fait de se prendre soi-mme pour le Crateur pousse
Dieu fixer une limite.
Face cette tentation de lomnipotence, le judasme apprend
lhomme cesser de crer, un jour par semaine, le jour du shabbat.
Parce que lternel lui-mme sest abstenu le septime jour, il nous est
interdit de dpasser cette limite. Il nous est mme impossible dutiliser
un moyen de locomotion: ni voiture ni avion ni train ni mtro ni vlo
ni cheval ni trottinette; juste nos pieds. Afin de nous retrouver notre
chelle, afin daller o nos dispositions dhomme nous mnent. Plus
encore, ce respect de nos limites nous interdit dutiliser un tlphone,
un ordinateur, un tlviseur, une tablette, tout ce qui nous assure
lillusion dtre en connexion absolue avec le monde entier. Le samedi
est un jour o je ne parle quavec ceux qui sont devant moi, mon
regard ne traverse pas lunivers car il sarrte l o mes yeux portent,
ma voix ne couvre plus les bruits du monde puisquelle na pas besoin
de sy confronter.
Cette journe est un temps vital de dsintoxication. En effet, si
nous pouvons tenir une journe sans tous les artifices du monde
moderne, alors cest que nous ne lui sommes pas compltement
infods. Nous voyons ltat totalement dsempar de ceux qui ont
perdu un ordinateur, un smartphone, voire, juste, ceux qui nont plus
de batterie sur ces appendices modernes de tout humain. Mais il est
possible de sen passer; le respect du shabbat en atteste.
Avec cette journe consacre ce que nous navons plus le temps de
raliser en semaine, il sagit de se retrouver soi-mme, de reprendre
CHRISTOPHE JUNQUA
LURGENCE LITTRAIRE:
PENSER LA COMPLEXIT DU REL
Du tennis augment des Masters1000 de Paris au Rvons
plus grand du Parc des Princes, la rhtorique du dpassement de
lexprience commune, de laccs une ralit enrichie trouve sa
concrtisation dans le fleurissement des prothses technologiques:
Google Glass, applications mobiles... Symptme dun transhumanisme mtin de technicisme, porte par limpratif catgorique
de la consommation, cette injonction au dpassement sinscrit
en filigrane des socits contemporaines. Tout se passe comme si
lhomme moderne avait besoin de la mdiation technique pour
atteindre de manire plus intime lexistence, exprimer son propre
potentiel, se dployer, au risque doublier que ce nest pas la ralit,
mais seulement sa perception ou sa comprhension de celle-ci qui
pourraient tre augmentes. Cette objectivation pose question: ce
dni de subjectivit est aussi un dni de ralit. La superposition des
strates dinformations vaut-elle comprhension?
En effet, la ralit augmente peut tre considre comme une
interface entre des donnes virtuelles et le monde rel. Selon
Ronald Azuma1, trois caractristiques peuvent tre retenues pour la
dfinir: combiner le monde rel et des donnes virtuelles en temps
rel, tre interactif (une modification dans le monde rel entrane
un ajustement des donnes virtuelles) et utiliser un environnement
en trois dimensions. La ralit augmente permettrait ainsi de
contextualiser des donnes, dinclure des lments complmentaires
qui, sinon, chapperaient notre perception. Si ces couches
successives dinformations interagissent entre elles, le sujet nest-il
pas condamn au spectacle, une forme dautisme cognitif?
laune de ces dveloppements, lart en gnral et la littrature en
particulier peuvent sembler daimables distractions, voire de vritables
divertissements, au sens pascalien du terme: le dtournement de
lessentiel, dune connaissance approfondie du cur des choses.
Pourtant, Marcel Proust affirme que la vraie vie, la vie enfin dcouverte
et claircie, la seule vie, par consquent, rellement vcue, cest la
littrature2. En marge dun monde interconnect, rgi par les standards
1. Ronald T. Azuma, A Survey of Augmented Reality, Presence: Teleoperators and Virtual Environments n6, aot 1997,
pp.355-385.
2. Marcel Proust, la recherche du temps perdu. Le Temps retrouv, Paris, Gallimard, 1927.
140
6. Louvroir de littrature potentielle (Oulipo) est un groupe international dcrivains et de mathmaticiens fond en 1960
et se dfinissant, selon une formule prte Raymond Queneau, comme des rats qui construisent eux-mmes le
labyrinthe dont ils se proposent de sortir, considrant que la contrainte formelle est un puissant stimulant pour la
cration. Italo Calvino, Georges Perec, Jacques Roubaud ont fait partie de ce mouvement.
7. Mouvement intellectuel, littraire et artistique bauch vers 1919 et dfini par Andr Breton en 1924. Il est
principalement caractris par le refus de toute considration logique, esthtique ou morale, et des oppositions
traditionnelles entre rel et imaginaire, art et vie, par la prpondrance accorde au hasard, aux forces de linstinct,
de linconscient. Il veut surprendre, provoquer et cherche dgager une ralit suprieure en recourant des
moyens nouveaux: sommeil hypnotique, exploration du rve, criture automatique, associations de mots spontanes,
rapprochements inattendus dimages.
8. En 1821, les Confessions dun mangeur dopium anglais de Thomas de Quincey portent la connaissance du public
ltrange rcit autobiographique dun consommateur de laudanum (mlange dalcool et dopium), ouvrant la voie
aux Paradis artificiels de Charles Baudelaire. De Nerval Huxley, il sagit moins dune fuite du rel que dun usage
exprimental et solitaire des drogues, non pas tant pour stimuler limaginaire et se faire voyant, la manire dun
Rimbaud, mais pour largir sa connaissance des mcanismes de pense de lesprit humain. Ce que, plus prs de nous,
Henri Michaux a expriment dans la Connaissance par les gouffres (Paris, Gallimard, 1988).
que Kundera appelle le besoin kitsch de lhomme kitsch: Le besoin de se regarder dans le mensonge embellissant
et de sy reconnatre avec une satisfaction mue.
11. Ren Girard, Mensonge romantique et vrit romanesque, Paris, Grasset, 1961.
141
142
13. Pour Simone Weil, dans LEnracinement, linspiration est la disposition des facults de lme composer sur plans
multiples.
143
RODOLPHE MOINDREAU
146
AA Un intrt ancien
En ralit, les liens entre le jeu et les ncessits stratgiques de
larme sont bien plus anciens que les collusions entre le champ
militaire et le champ du divertissement qui se sont dveloppes dans
la seconde moiti du XXesicle. Le jeu dchecs, le jeu de go et les
jeux de plateaux avec figurines sont trois dclinaisons possibles du
wargame, ces jeux de guerre et de stratgie rgis par des rgles prcises,
reposant mme sur des formules mathmatiques dans les cas les plus
complexes. Ainsi, le jeu de go est utilis en Chine ds le IIIesicle
de notre re par la dynastie Han dans un but de formation de llite
chinoise, y compris militaire, et par les Japonais partir du VIIIesicle
pour lentranement intellectuel des officiers une acadmie du
go est mme fonde en 1603 par le shogun Ieyazu qui tend ainsi
son utilisation lensemble de llite japonaise. Cette utilisation
stratgique du jeu sest perptue jusquau XXesicle, puisque, daprs
des travaux de Scott Boorman, Mao Zedong aurait transform la carte
des rgions chinoises en plateau de go pour planifier ses oprations
de gurilla contre le rgime nationaliste alors en place il sest avr
par la suite quil ne nourrissait en fait quun intrt limit pour ce
jeu. Il nen demeure pas moins que cette rflexion illustre lart et la
manire de transformer un jeu en outil de simulation stratgique
permettant de donner corps une vision et dexprimenter diverses
configurations afin didentifier celle qui pourra se montrer la plus
optimale face lpreuve du terrain5. Dans un espace gographique
plus proche du ntre, les wargames prussiens utiliss pour la formation
des officiers taient particulirement rputs, associs aux victoires
4. J.-M. Valantin, Hollywood, le Pentagone et Washington, Paris, Autrement, 2010.
5. Ed Halter, From Sun Tzu to XBox: War and Video Games, New York, Thunders Mouth Press, 2006, p.21.
147
148
Le jeu vido, tout comme le jeu de rle, est une pratique porteuse
de valeurs, de discours, dactions et de visions du monde. Laurent
Trmel montre ainsi quil se caractrise par une adquation avec une
idologie des plus contemporaines, prnant le culte de la performance
et de lindividualisme, qui se traduit dans les faits par une recherche
permanente de la premire place, de laccumulation de points qui
viennent sanctionner la matrise du joueur sur ses concurrents, quils
soient humains ou dirigs par lintelligence artificielle du jeu 8. Il
repre galement un ethnocentrisme nettement pro-occidental
dans les premiers jeux de stratgie dits4x de la srie Civilization. Si
celui-ci sest peu peu effac, il nen demeure pas moins possible
de reprer un message clairement orient. Dans Civilization, le joueur
dirige son peuple depuis lge de pierre jusqu lge spatial, son
but tant de dominer la plante en liminant ses concurrents. Pour
latteindre, il peut choisir un certain nombre de doctrines sociales
et politiques: tribalisme, communisme, libralisme, patriarcat,
environnementalisme, dictature militaire, dmocratie Cependant,
les paramtres de fin de partie sont tels que les bonus accords une
dmocratie librale sensibilit cologique sont bien plus profitables
que nimporte quels autres, incitant le joueur sorienter vers ce type
de systme. On retrouve ainsi un cho la fin de lhistoire dcrite
par Fukuyama peu de temps aprs la chute de lUnion sovitique,
thorisant la victoire de la dmocratie librale et son extension
lensemble du monde.
De la mme manire, dans Europa UniversalisIV, il est possible de
jouer nimporte quelle nation ayant exist entre le XVe et le XIXesicle.
Cependant, une nation comme le Japon ou la Fdration iroquoise a
intrt soccidentaliser ds que possible cest--dire ds lentre
en contact avec une nation de type occidental si elle veut pouvoir
continuer bnficier dun avantage face aux nations adverses. Si cela
entre dans une certaine logique historique, il est justement difficile,
mme si cela reste possible, desprer renverser cette logique et de,
par exemple, conqurir lEurope avec un Mali non occidentalis,
dmontrant ainsi quun seul type de dveloppement est raisonnable
et efficace.
Mais le FPS de guerre nest pas en reste, particulirement avec les
deux locomotives que sont les sries Call of Duty et Battlefield malgr
un repli, les deux sries ont coul respectivement prs de onze
8. Laurent Trmel, Jeux de rles, jeux vido, multimdia: les faiseurs de mondes, Paris, puf, 2001.
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150
10. Christopher Chambers, Thomas Dean Sherlock et Paul Kucik III, Connecting with America: The Army Game Project,
Army Magazine, juin 2002, p.54.
11. Dalton Fury on Call of Duty and Black Site, The History Reader, 8novembre 2011, thehistoryreader.com/militaryhistory/dalton-fury-call-duty-black-site/
12. Tony Fortin, Cyberwar. Figures et paradoxes de la rhtorique des jeux vido de guerre, Revue des sciences sociales
n35, 2006, p.104.
151
PETR PAVEL
PRSERVER LA STABILIT
DE LESPACE EURO-ATLANTIQUE
Il y a quarante ans, jeune lve au collge militaire dOpava, ma
vision de lavenir se bornait la ralisation dun vu: devenir officier.
Dix annes plus tard, chef dune section de parachutistes, javais
ralis mon rve. Nul naurait alors pu prdire au jeune officier des
forces spciales de la Rpublique socialiste de Tchcoslovaquie que
jtais quun jour son pays adhrerait lOrganisation du trait de
lAtlantique Nord (OTAN) et quil en deviendrait lun des membres
minents. Car cette poque, lOTAN tait lennemi face auquel je me
prparais. Or, aprs avoir command les armes de mon pays, et alors
que ma carrire militaire allait se terminer et que jenvisageais dautres
occupations, les autorits tchques mont invit me prsenter
llection du prsident du comit militaire de lorganisation. Jai ainsi
t lu pour trois ans par le collge de mes pairs, cest--dire par
les vingt-sept autres chefs dtat-major (CEMA) des pays membres. Je
les reprsente au Conseil de lAtlantique Nord et chaque runion
ministrielle de lAlliance. Ma mission consiste principalement
coordonner les travaux des commandements suprmes (le
commandement alli oprations et le commandement alli
transformation) et obtenir le consensus des autorits militaires
des vingt-huit allis avant de prsenter un avis aux autorits politiques
ou de mettre en uvre leurs dcisions.
En quelques lignes, je vais tenter desquisser ici un tableau des
aspects scuritaires de notre monde, avant de dcrire les menaces
auxquelles nous devons faire face pour proposer et dvelopper
quelques pistes de solutions. Je le fais travers mon exprience
personnelle antrieure, mais surtout aprs une anne passe la
prsidence du comit militaire.
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AA La Russie
Comprendre Poutine, cest se rendre compte quil a lui aussi
parfaitement analys nos failles. Son dessein est sans aucun doute
de rendre toute sa grandeur la Russie, cette puissance majeure
qui a tellement compt de 1942 1989 . Il veut aussi conserver
sa zone dinfluence ses frontires. Souhaite-t-il menacer
les nations de l OTAN ? Cest peu probable, car trop risqu et
trs probablement vou lchec. Certes, la Russie se renforce,
modernise ses matriels militaires, mais elle na pas la puissance
suffisante pour sortir victorieuse dune telle confrontation. Une
stratgie daffrontement ne mnerait qu une escalade de la
violence qui pourrait chapper son contrle et prcipiter sa fin.
Pour autant, Poutine prpare ses forces armes et agit comme sil
avait cette intention, tentant ainsi de dstabiliser ses voisins les
plus proches et bien entendu cette OTAN que les Russes connaissent
parfaitement.
Persuad de conserver une forte popularit interne malgr une
crise conomique trs svre, Poutine ne dispose pas pour autant de
beaucoup de temps. Ses rserves financires fondent un rythme
soutenu alors quil choisit dagir sur le flanc sud, notamment et
massivement en Syrie. Sil a t isol la suite de laffaire ukrainienne,
il a retrouv quelques marges de manuvre au Moyen-Orient, mais
au prix dun engagement important dont il nest pas dit quil puisse
le tenir dans la dure. Sa marge de manuvre est donc rduite. Tt
ou tard se posera la question des conditions dun dialogue constructif.
Il faudra sans doute alors faire preuve dune grande vigilance et
accepter de traiter la Russie comme une grande puissance. Poutine est
aujourdhui plus engag dans une comptition de niveau stratgique
que dans une confrontation militaire. Il cherche dmontrer
que lOTAN voire lUnion europenne sont devenues obsoltes et
inadaptes. Selon lui, le temps serait alors venu pour la mise en place
dun nouveau systme de scurit collective, o la Russie pourrait
jouer un rle de premier plan. Dans ces conditions, il ne faudra plus
la considrer comme un ennemi, mais comme un acteur difficile
avec lequel il est pourtant ncessaire de dialoguer afin dviter toute
escalade, en admettant que la Russie veille aussi la prservation de
ses intrts scuritaires lgitimes.
AA La Chine
Discrte, peu belliqueuse en apparence, la Chine utilise pourtant
sa puissance conomique pour se doter progressivement dun outil
militaire de premier ordre: sa marine de guerre de haute mer, en
particulier, monte notablement en puissance; elle btit des lots en
mer de Chine, dont elle revendique jour aprs jour la possession,
et elle utilise les failles de la rglementation internationale pour
justifier la lgitimit de ses dmarches. Dernirement, elle sest
insurge quand des navires de guerre amricains sont entrs dans la
limite des douze milles nautiques autour de nouvelles les artificielles.
Qui peut aujourdhui, et surtout qui pourra demain, sopposer
cette volont de possder la totalit de la mer de Chine? En outre,
la classe moyenne chinoise va crotre et devenir exigeante. Il sera
difficile de la satisfaire alors que, par ailleurs, la pollution menace
srieusement une partie croissante des zones les plus urbanises
et industrialises, et que le modle conomique donne des signes
tangibles de fragilit. La Chine traversera sans doute une priode
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AA Quelles rponses?
Le dfi, ou plutt les dfis, ne semblent pas faciles relever.
Noublions pas qu ce qui vient dtre voqu sajoute aussi limprvisibilit des vnements venir dans un contexte toujours plus violent.
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AA Sadapter
Il est galement ncessaire de gagner en capacit dadaptation. Les
vnements senchanent les uns aprs les autres. Ils se prsentent sous
des formes varies. Ladversaire qui doit forcment dboucher depuis
la troue de Fulda suivant un mode daction parfaitement connu
nexiste plus. Sa forme variera sans cesse, ses capacits seront multiples,
il utilisera toutes les armes sa disposition, y compris sous des formes
hybrides ou, pour utiliser un vocabulaire militaire plus classique,
indirectes. Il utilisera nos points faibles et nhsitera pas semer la
terreur en visant des populations innocentes. Nos populations sont
rsilientes, bien plus que nous voulons bien limaginer, mais elles
naccepteront pas que nous nayons pas cette capacit voluer dans
les mentalits, dans les savoir-faire, dans nos concepts.
Cela peut aussi nous conduire repenser nos organisations,
accepter de faire voluer nos outils. Nos structures militaires doivent
prendre en compte le monde actuel. Nous devons peut-tre crer
de nouvelles structures, nous doter de nouvelles capacits, intgrer
dans nos forces de scurit de nouveaux mtiers, tout en diminuant
dautres composantes moins utiles si cela apparat ncessaire.
AA Pour conclure
Revenons alors rapidement la question du prix payer. Nous
possdons toutes les structures politiques et militaires pour rpondre
nimporte quelle menace. Nous avons la lgitimit et la supriorit, ce
qui est indniable, mais celles-ci peuvent rapidement tre fragilises
161
TRANSLATION IN ENGLISH
MICHEL GOYA
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TRANSLATION IN ENGLISH
methods used to try to lessen the shock of the first visions of horror.
Anew level was reached in the 1970s with information technology,
onboard cameras, and the use of lasers to simulate firing. And we
can now expect virtual realities to take us even further. The aim of
all this repetition, simulation and information is to embed a set of
data and situations in the combatants memory that will enable him to
analyse threats very quickly, and respond automatically. They help to
build confidence, a key element in this conditioning.
Yet all these processes have one insurmountable limitation, in that the
soldier does not really fear death as he knows that barring any accident
it does not come into the equation. Therefore we are now trying to
supplement this set of methods with an extra dimension: psychological
pressure and artificially created fear. It works on the principle of placing
the individual in a stressful situation by playing on all possible fears
and phobia such as vertigo or claustrophobia, to force him to overcome
them and to achieve adaptation by overcompensation. This approach
generally goes hand in hand with intense physical training that aims to
train men in the specific physical effort of combat while pushing them
to their limits. In a system of voluntary recruitment, this approach also
has the advantge of eliminating the less motivated.
What truly distinguishes the military condition, far more than
sacrifice, is the ability to kill within a legitimate framework. For many
soldiers, this extreme lethal power adds another tragic dimension, on
top of the psychological pressure from the fear of dying.
Overcoming this reluctance requires further specific conditioning
outside the real context, which combines with and mirrors the
conditioning used to overcome the fear of dying. Of course this is
no coincidence: survival in combat most often results from the death,
or at least the neutralisation, of the enemy combatant. Here too,
repetition is the initial approach. The targets for real or simulated
fire are human-shaped, so that a soldier makes virtual kills hundreds
of times before he is in a position to do so for real. Language
and the imagination are also part of the process. Just as a soldier
protects himself against bullets and shells, he also uses a variety of
psychological shields to protect himself against the trauma of murder,
such as collective absolution, deflecting the target (were bombing
buildings, were firing at tanks, not people), obeying orders or,
conversely, shifting responsibility by giving the order (who really kills:
the order-giver or the shooter?), sometimes hatred for the enemy, to
the point of mentally obliterating his human qualities, sometimes with
good reasons and in the belief that his action reduces suffering more
than creating it: eliminating snipers saves lives; killing an anti-aircraft
gunner saves comrades.
167
168
TRANSLATION IN ENGLISH
group of men. These objects also enable him to kill, in two opposing
dimensions: close combat weapons, from the mace to the bayonet, and
long or projectile weapons, which derive from the instinct to remain
at a distance from the threat. They also enable men to live in the field,
sleep a little more comfortably, and eat and drink. More recently, they
have provided remote communication, enhanced or night vision, and
more, going as far as the ultimate hybrids, where man and the machine
around him can travel at Mach2 and carry tonnes of ammunition, or
monsters that carry a crew of several thousands of people in one single
vehicle.
The soldier enhanced by equipment is also a social being, as
collective service clearly outweighs the sum of its individual
components since it allows for specialisation or mass action. This
collective service also helps soldiers fight fear, by introducing
connections, moral obligations and esprit de corps. When a soldier wears
the uniform of a prestigious unit, he too becomes prestigious. This
is another form of transformation or enhancement, but a social one.
Individual technical training is supplemented by collective training,
as soldiers must learn to cooperate. The individual aggregate becomes
a collective aggregate, full of new possibilities but at the same time a
source of internal tensions, for example, between values: individual
bravery set against discipline, heroism in close combat against
cowardice, a snipers effectiveness at a distance, and so on.
The ultimate level in a soldier is that of a man or a group of men
perfectly adapted to their extreme environment. In Das deutsche Buch
vom Weltkrieg 1914/1918, an account of the 1914/1918 World War as seen
by a German, Werner Beumelberg, himself a former combatant,
describes the German soldier of 1918thus: The soldier is now a sum
of experience and instincts, a specialist of the battlefield; he knows
everything: his ear instinctively monitors every sound, his nose
every smell, of chlorine, gases, gunpowder, corpses, and all the fine
distinctions between them. He can fire both heavy and light machine
guns, mortars and grenade launchers, not forgetting the hand grenade
and the rifle that are his daily bread. He knows about mine warfare,
the whole range of shells, from the 75 to the 420, direct and high-angle
fire, and he will soon know how to cope with tanks4.
Statistically, the man Beumelberg describes is four times more likely
to survive than a novice equipped in exactly the same way. Some even
became ace fighters, or super soldiers, such as the Frenchman Albert
Roche who was wounded nine times during the Great War and who,
4. Translated from Werner Beumelberg, Das deutsche Buch vom Weltkrieg 1914/1918 (The 19141918 World War told
by a German).
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TRANSLATION IN ENGLISH
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TRANSLATION IN ENGLISH
AA Unstable aggregates
The performance of technical hybridisation depends on a number
of often contradictory factors. Machines or products must first of all
grafted onto stressed men. In 1986, the British Operational Analysis
Establishment had around a hundred 19th and 20th century battles
replayed with laser firearms. All of these simulations, carried out by
men who were risking nothing, resulted in many more deaths than
the real confrontations. On a firing range, the 13mm anti-tank rifle
designed by the Germans in 1918 was very effective. In reality, only
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174
TRANSLATION IN ENGLISH
two light French tanks were destroyed by this weapon that was very
difficult and dangerous to use, particularly only a hundred metres
away from enemy vehicles. The felin system currently offers new
capabilities in terms of precision in firing, contact and vision, but at
the expense of even heavier equipment, reliance on electric batteries,
and increased, sometimes unnecessary complexity. For example, each
group commander is supposed to be equipped with a tablet, which he
never uses because it is incompatible with the space-time context he
is working in. He does not need to see the position of his men on a
screen, for example, because they are by his side, and in any case it
takes too long to refresh the screen. On balance, some believe that the
system actually reduces capabilities, therefore increasing risks.
The secondary effects of psychostimulants and other chemical
products are often poorly managed. The use of methamphetamine
by the Wehrmacht undoubtedly proved fatal to more German soldiers
than it killed enemy fighters. The pills used to counter the possible
effects of chemical weapons are most probably responsible for the
Gulf War syndrome that struck many allied soldiers after 1991. And
the use of amphetamines to maintain vigilance is directly responsible
for at least one friendly fire incident in Afghanistan, in April 2002,
when an American F-16 pilot dropped a 227kg bomb on Canadian
soldiers, killing four and wounding combatants. Under the current
terms of service of a Western army, this constitutes a major failure.
Sociological factors must also be taken into account. With its
weaponry, a French infantry section in 1918 would have defeated within
a few minutes any French section from 1914 that appeared before it
on the front in Champagne, but it would have had more difficulty on
wide, open terrain, because it had become unused to firing rifles from
a great distance, and to marching. This 1918 section was also a new
socio-tactical structure in which specialised individuals had replaced
men who were all equipped with the same Lebel rifle, and was a more
complex organisation to command than that of 1914. Furthermore,
after the war, as veterans died and military service was reduced, the
sergeants, who directed the whole system, found it increasingly hard
to maintain the necessary level of skill. All other things being equal,
the French section of the early 1930s was ultimately more inflexible and
less effective than that of 1918.
Many promising technologies also proved to be red herrings. In 1956,
in an article in the Army Review, Lieutenant Colonel Rigg summarises
the prevailing ideas on the soldier of the future (located in 1970). He
would be equipped with an integral helmet incorporating a radio and
infrared vision capabilities. He would be protected by ultra lightweight,
bullet-proof plastic armour. He would have a pocket radar to alert
175
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TRANSLATION IN ENGLISH
today. The French felin systems cost 42,000 each. We would therefore
be inclined to apply to the infantry the principles of Augustines laws,
named after the former director of Lockheed Martin, who estimated
that at the current rate of increase in the cost of combat aircraft, by
2054 the entire American defence budget would purchase just one
aircraft.
In mechanical terms, the enhanced soldier is rare. For the cost of
just one, the local enemy can pay tens of militiamen, whose deaths
will have less strategic impact than the death of one western soldier. In
2008, a French infantry section was wiped out in the Uzbin Valley in
Afghanistan by rebels who had no bulletproof vests, and were armed
with 1960s weapons, but were superior in number. Although seven
rebels were killed for every Frenchman who died, the combat was
universally viewed as a French defeat. Presumed superiority actually
makes the failure more unbearable, even if it is relative. Would the
use of soldiers equipped with the felin system have helped to avoid this
view? Nothing could be less certain. Rather than one ever-greater
man, like a knight in plate armour, it might be better to have two men.
They will fire more, or work in shifts to maintain vigilance without
the use of drugs. Aslightly larger section at Uzbin, with a little more
ammunition, would undoubtedly have been more effective than the
same section equipped with felin.
In reality, far from these still very uncertain futuristic plans, the
most innovative element of the past few years lies in increasing
the capacity to produce soldiers. In the science-fiction series The
Chronicles of Amber, Roger Zelazny depicts the confrontation between
superhuman beings with the ability to move anywhere at all, and
others with the opposite ability, to make whatever they want
come to them. Current operations in some ways resemble this
confrontation, between professional soldiers, increasingly rare and
sophisticated international nomads, and amateur local fighters who
use globalisation to make objects and knowledge come to them9. As
Chris Anderson explains in The Long Tail10, we are seeing institutions
making ever greater efforts to remain at the peak of their power, but
we underestimate the many small armed groups that new technologies
(or the combination of these with older technologies) have enabled
to emerge, and the opening of all kinds of borders. This is how some
groups have been able to multiply and, combined with a greater
acceptance of sacrifice, able to stand up to the most modern armies.
Since the early 2000s, western and Israeli armed forces have been
9. The Chronicles of Amber is a series of novels written from 1970 onwards by British author Roger Zelazny.
10. Chris Anderson, The Long Tail, Hyperion2006.
177
COMPTES RENDUS
DE LECTURE
Dans les annes2050, Tim, jeune chercheur de vingt-cinq ans, est condamn
suivre une cure de dconnexion pour avoir t jug trop dpendant de
Today, son robot domestique. Homme vritablement augment de sa
machine pour ne pas parvenir sen dtacher, il forme avec elle un couple
tonnant, dont la relation, qui transcende toutes les autres dont en premier lieu
celle avec sa petite amie Olly, nest videmment pas exempte dune certaine
ambivalence. Aussi, la mise au vert, au sens propre (campagne) comme au sens
figur, participe dun sevrage qui met dautant mieux en lumire les ambiguts
de la relation homme-machine quil est aussi brutal quimprvu. Au fil de
chapitres alternant le vcu dsormais parallle de deux tres dconnects
lun de lautre, se dessine en filigrane le rseau complexe des dpendances
e(a)ffectives et celui, tout aussi inquitant, des indpendances possibles.
Confront seul la difficult de lenvironnement extrieur, Today se montre
en effet capable dadaptations gnrant chez lui des fonctionnalits nouvelles;
cette crativit, dont la fin du roman dmontre toute ltendue, fascine autant
quelle fait peur. Au travers dun roman aux allures de pome que lon songe
simplement aux noms des personnages: Tim le temps, Today aujourdhui,
Olly les vacances , Isabelle Jarry pose sans pourtant prtendre le faire
des questions essentielles: de notre rapport aux choses notre rapport au
monde, notamment sous langle de lusage des ressources naturelles, celui
de la dpendance croissante de lhomme aux machines et objets connects.
Opposant dcouvertes (techniques) et redcouvertes (naturelles), la romancire
analyse ainsi avec une rare finesse les liaisons dangereuses entre lhomme et
la technologie.
Magique
aujourdhui
Isabelle Jarry
Paris, Gallimard,
2015
Herv Pierre
Dictionnaire
des gnraux
du Second
Empire
Alexandre
Gourdon et
Vincent Rollin
Avon-les-Roches,
Anovi, 2015
180
Winston
Churchill
Franois
Kersaudy
Paris, Tallandier,
2015
Il nest pas dusage dans cette revue de commenter les ouvrages rdits.
Ft-ce sous prtexte de complments. Pourtant, il convient de le faire pour
cet excellent ouvrage. Tout le monde connat le personnage ou a au moins
entendu parler du Premier ministre britannique au cigare viss en bouche,
leV de la victoire au bout des doigts. Mais, au-del de la biographie rappelant
les aventures dun jeune noble devenu officier, journaliste, dput, ministre,
qui retourne dans la tranche la tte dun bataillon dinfanterie, facilite
les inventions techniques, imagine des alliances diplomatiques originales,
des offensives stratgiques au cur de lEurope, il sagit de lhistoire dun
homme hors normes, grand serviteur de son pays et de son monarque, dun
francophile avr et aussi dun bourreau de travail. Alors pourquoi parler de
ce livre? Simplement parce que cet excellent travail dhistorien se lit comme
un trs bon roman. Il est mme possible de souponner Franois Kersaudy
de stre amus pasticher parfois le prix Nobel de littrature. Non, vraiment,
pour cette biographie, il faut faire une exception, le commenter et, surtout, en
recommander la lecture qui donne un si grand plaisir.
Jean-Luc Cotard
LEnnemi
invisible
Sofiane
Bouhdiba
Villers-sur-Mer,
ditions Pierre
de Taillac, 2015
La Guerre
totale
Erich
Ludendorff
181
son dieu propre. ses yeux, il ny a davenir que dans la guerre et lAllemagne
doit sy prparer en permanence. Le contenu idologique est trs proche de
celui dHitler, qui en reprendra certains aspects (terroriser les populations civiles,
par exemple) lexception notable de lasservissement du pouvoir politique au
militaire Les recommandations de ce grand chef sont souvent dune banalit
ou dune gnralit affligeantes et parfois tournent en boucle (on y dtecte
mme une sorte de mcanisation de la pense!), en laissant comprendre que
si les choses staient droules selon ses prceptes, la Grande Guerre aurait
t gagne. Il semble nanmoins avoir bien compris les concepts de la guerre
moderne (ceux que la France avait adopts en 1917-1918 et a oublis ensuite)
et livre quelques ides qui seront reprises et mises en uvre par la Wehrmacht
quelques annes plus tard. Lexistence de ce document est une srieuse mise en
garde contre lide de donner le pouvoir aux militaires!
Philippe Mignotte
Ceci nest pas un livre dHistoire, aurait dit Magritte. Car ce qui parat tre
un pav de plus dans la masse des ouvrages retraant la Grande Guerre est
en ralit un livre de recherches historiques extrmement bien document
et traitant de sujets originaux. Lapproche en est intressante plusieurs
titres. Premirement, elle part des trois termes accepter, endurer, refuser
pour classer les chapitres et proposer une vision diffrente de celle, binaire
Journal
1914-1923
Gnral
Edmond Buat
Dans
la guerre
1914-1918.
Accepter,
endurer,
refuser
Collectif
182
Guerre
dAlgrie:
la dernire
sance
Michel Jacquet
Avon-les-Roches,
Anovi, 2015
183
Tranches
Confidences
dun soldat
dinfanterie
Carlo Salsa
PTE
Des hommes
irrguliers
tienne de
Montety
184
LArme
franaise
au Tchad
et au Niger
Madama,
sur les traces
de Leclerc
Frdric
Jordan
En phrases sobres et avec une trs riche culture historique, Frdric Jordan
raconte sa mission vers le nord du Niger au premier semestre2014. Pour
raliser dans les meilleures conditions possibles ce raid de prs de mille cinq
cents kilomtres en zone (trs) dsertique, il doit planifier soigneusement sa
mission, en accord avec les chefs des contingents tchadien et nigrien qui lui
sont subordonns. Ds le dbut, il fait rfrence ses lectures; au fil des pages,
son raisonnement saccompagne de rfrences historiques et dune analyse
de situations comparables puises dans le pass mais aussi aux enseignements
contemporains pertinents. La colonne prend la route le 14avril au petit matin
et le rcit fait la part belle aux contraintes oprationnelles (respect des dlais et
gestion du temps, ensablement des vhicules, bivouac en ambiance dinscurit,
rparations de fortune, manuvre logistique...). Aprs Zouar, occasion de
quelques belles lignes sur la colonne Leclerc mais aussi sur les Toubous, et
une rencontre avec leur chef politique et spirituel, cest la poursuite de la route
pour lultime partie du trajet, puis larrive assez mouvante au petit matin sur
le vieux fort colonial: Son architecture est typique, une cour intrieure, des
murs pais pour se prserver de la chaleur, des tours de guet, des meurtrires
arrondies la mode orientale et des espaces pour chacun. Il y a un air de
Fort Saganne. Entre quelques rappels de tmoignages dofficiers coloniaux
ayant t en poste Madama, Jordan raconte ses premires dcisions, ses
raids pour contrler la zone, et la fin de la mission, avec la crmonie entre les
trois nations, en prsence du prfet et du chef des Toubous, et le retour vers
NDjamna. Pas de grands combats, pas de chasse aux bandes armes; une
mission presque ordinaire, mais rude, exceptionnelle et intensment vcue.
Frdric Jordan termine sur quelques solides et ralistes considrations sur
diffrents sujets (la communication, la condition militaire), mais surtout sur
limportance de lhistoire et des traditions, une vritable source dinspiration.
Un livre utile, pour les oprationnels comme pour tous ceux qui sintressent
ces questions, qui complte trs utilement notre connaissance des oprations
dans le Sahel et illustre ce lien essentiel entre culture historique et rle du
soldat.
PTE
1914
La guerre
avant la guerre.
Regards sur un
conflit venir
Franois
Cochet et JeanChristophe
Sauvage (dir.)
Paris, Riveneuve,
2015
185
Prfac par Jean-Yves Le Drian, ce qui est peu courant, le livre contient,
plus largement que le titre ne peut le laisser penser, une longue srie de
formules brves, de proclamations, de discours plus ou moins raisonns,
sur le thme de la guerre, le plus souvent prononcs la veille dentrer en
campagne ou avant une grande bataille. Certains se lisent plus facilement
que dautres: si une proclamation reste relativement courte, comme au
lendemain dAusterlitz ou lors des adieux de Fontainebleau, et peut tre
entranante voire enflamme, un discours est dune tout autre nature et
dun tout autre style, quil sagisse dun dbat devant les dputs ou dune
allocution lors dune crmonie officielle, comme Foch devant le tombeau
de lEmpereur en 1921. En rsum, sous le mme titre, nous trouvons des
choses fort diffrentes mais intressantes, comme cette lettre de Jeanne dArc
au roi dAngleterre en mars 1429, ou le discours de Robespierre sur la guerre
aux jacobins en janvier 1792. Quelques belles phrases peu connues sous le
Second Empire: le gnral Cousin de Montauban annonant aux troupes,
avant de partir pour lexpdition de Chine, quelles porteront le drapeau
national dans des contres o la Rome immortelle, au temps de sa splendeur,
na jamais song faire pntrer ses lgions! Ou NapolonIII lui-mme
avant lembarquement pour la Syrie comparant ses rgiments aux hros
qui ont port glorieusement dans ce pays la bannire du Christ. Quelques
fortes convictions aussi, pendant ou juste aprs les deux guerres mondiales.
Un discours de Mitterrand devant le Bundestag en 1983, en sortie de crise
des missiles, et le fameux discours devant le Conseil de scurit de lonu de
Dominique de Villepin clturent ce volume. Un livre qui peut surprendre par
la diversit de son contenu, mais celui-ci fait en ralit sa richesse.
Les Plus
Grands
Discours
de guerre
de lhistoire
de France
Prsents
par JacquesOlivier Boudon
Paris, ditions
Pierre de Taillac,
2015
PTE
Encyclopdie
de la Seconde
Guerre
mondiale
Jean-Franois
Muracciole
et Guillaume
Piketty (dir.)
186
1917
La Paix
impossible
Jean-Yves
Le Naour
Saisir
linsaisissable
Gendarmerie
et contregurilla en
Espagne au
temps de
Napolon
Gildas Lepetit
Presses
universitaires
de Rennes, 2015
187
erreurs commises du fait des ordres de lEmpereur, des chefs militaires (qui
sentendent fort peu entre eux) ou des responsables gendarmes eux-mmes.
Il sait aussi commenter, en positif comme en ngatif, lefficacit relle de
son rle et souligne un cot exorbitant pour un rsultat contrast.
Ponctuellement, il pose aussi la question de fond: sagit-il de conqurir ou
de pacifier, de combattre ou de maintenir lordre? Nous avons donc affaire
un ouvrage important pour mieux connatre et comprendre la campagne
dEspagne, une tude quasiment sociologique du corps et une approche
polymorphe de son histoire.
PTE
Spartacus
chef de
guerre
Yann Le Bohec
Paris, Tallandier,
2016
Dans
le pige
de la guerre
insurrectionnelle
Marc Lemaire
Paris, LHarmattan,
2016
AABRUNO BARATZ
Engages avec de faibles effectifs et une protection parfois rduite son strict minimum, les
forces spciales dveloppent des modes daction sinscrivant dans une logique du faible au fort.
Ainsi, elles ont appris mettre profit les nouveaux outils offerts par les progrs technologiques
pour compenser leurs faiblesses intrinsques. En outre, elles utilisent la formidable opportunit que
reprsente lvolution des moyens de liaison et de communication pour exploiter au mieux les effets
des capacits (renseignement, appui au sol, aromobilit). Cependant, la performance croissante
des quipements est loin de placer lhomme hors-jeu. Se laisser aveugler par la puissance que confre
lavance technologique ne peut conduire qu un douloureux rappel du tragique de lhomme.
AADIDIER DANET
La recherche de supriorit des armes occidentales sest longtemps fonde sur les avances des
sciences et des techniques de larmement, et les progrs cumulatifs quelles permettaient de raliser.
Au sein des systmes darmes toujours plus sophistiqus dont ces armes disposaient, lhomme
pouvait apparatre comme le maillon faible. Avec les techniques du human enhancement, le facteur
humain est replac au cur de laction des forces armes. Il redevient une source de performance
dautant plus importante que laugmentation de ses aptitudes physiques, psychologiques ou cognitives
nest plus un processus long, vaguement mystrieux et alatoire, mais devient elle aussi cumulative et
gnralisable. Lhomme y gagne un surcrot de matrise de cette activit sociopolitique quest le conflit
arm. Concrtement, cette transformation essentielle constitue une invitation pour les forces armes
rviser certaines de leurs politiques demploi de la ressource humaine, quil sagisse de la slection
et du recrutement, de la formation, de lemploi sur le terrain ou du traitement des blesss de guerre.
AABRICE ERBLAND
LA TENTATION DE LHUBRIS
Les progrs scientifiques actuels promettent une nouvelle rvolution des affaires militaires:
les capacits daugmentation, additionnelle ou intrusive, du soldat vont sapprocher des rves
transhumanistes ou des scenarii de science-fiction. Mais, tout comme lhubris antique ne va pas
sans linvitable punition quest la nmsis, ce rve daugmentation saccompagne de drives morales
qui pourraient remettre en question lintrt oprationnel du concept. Ds lors, cest dans un cadre
thique, et donc humain, quil faut chercher lamlioration du soldat, et avoir la sagesse de fixer des
limites morales laugmentation technologique pour viter de succomber la tentation de lhubris.
190
Les progrs des sciences et des technologies rendent envisageable, si ce nest possible,
lamlioration des capacits cognitives de lhomme. Pour linstitution militaire, cette possibilit offre
lespoir dune arme de super-combattants, bien au-del du simple objectif de maintien de la capacit
oprationnelle. Si elle pose le dsir dun individu capable de surpasser ses limites, elle questionne
galement la lgitimit de son usage.
AAAURLIE ON
Les motions peuvent tre modifies par la mdecine et la technologie, et particulirement celle
de linformation, qui cre lillusion dune synchronicit entranant leur disparition ou, au contraire,
leur irruption. On peut aussi agir sur elles dans le but dinhiber les plus gnantes et dainsi accrotre
lefficacit du soldat au combat. Mais les faire totalement disparatre ne ferait-il pas courir le risque
de perdre une limite thique?
AAYANN ANDRUTAN
La science-fiction naime pas la guerre, mais celle-ci la fascine. Depuis ses prcurseurs jusque
dans ces dclinaisons modernes, comme le cinma ou les jeux vido, le combattant y occupe une
place singulire. Il incarne le rapport la technologie, la confrontation lautre dans sa radicalit
reprsente par lextraterrestre, ou encore les excs des modifications physiques et psychiques.
AAMICHEL GOYA
Le soldat est une cration artificielle obtenue par la transformation dun individu naturellement
rticent devant la mort reue et donne en un tre capable dvoluer dans une ambiance de peur
intense et dy exercer la violence sur des semblables. Chacun deux est un Icare que lon croit capable
datteindre les hauteurs de linvincibilit, par le biais dune alchimie la fois ancienne et toujours
changeante. Il sagit en fait l dune ralit toujours renouvele. Dans la ralit certains tombent
avant mme de senvoler, la plupart reviennent sur la terre du monde normal pleins dmotions et de
frustrations, quant ceux qui croient approcher le soleil de la victoire ternelle, ils saperoivent que
cest une course vaine car ce soleil change constamment de place. On peut augmenter sans cesse le
soldat, il finit toujours par dcrotre.
Les technologies, dans la mesure o elles secrtent la vision dun posthumain, nous contraignent
penser lavenir de lhomme, dfendre ce que nous voyons en lui comme une richesse.
Notamment sa capacit dcider dans lincertitude. Disqualifier celle-ci, cest ruiner limage de
soi du soldat. Or, de plus en plus, ce dernier doit se soumettre des machines qui fonctionnent
linformation, qui rsolvent les problmes par du calcul. Prenons garde ne pas remplacer
lintelligence par linstinct!
En 2013, Caroline Galactros a publi dans la revue Mdium un article intitul Soldat augment,
victoire fragilise dans lequel elle explique pourquoi la surpuissance technologique des armes
occidentales nest nullement synonyme de suprmatie sur le terrain et peut accrotre leur vulnrabilit,
dshumaniser ladversaire, interdire la victoire, tout en posant de redoutables questions thiques.
191
Dveloppant une approche du soldat augment qui va bien au-del de la simple question scientifique,
elle souligne en quoi lmergence du transhumanisme dans la chose guerrire constitue un vritable
dfi lanc une philosophie politique souvent fragile dans les socits modernes. La rdaction
dInflexions la rencontre afin quelle puisse dvelopper son point de vue.
AAPAOLO BENANTI
UN REGARD DE CROYANT
Lamlioration cognitive peut sembler appartenir au domaine de la fiction. Elle suscite aussi des
inquitudes bien relles. Quoi quil en soit, elle interroge les croyants sur ce que doit tre leur rle face
ces problmatiques: rappeler la question critique que porte en elle linnovation technologique sur
le sens de lhomme et sur les modalits qui peuvent garantir un dveloppement humain authentique.
Il leur faut donc tre prsents dans les lieux de gestion de linnovation, afin dorienter cette dernire
vers des formes toujours plus humaines, en fournissant des arguments efficaces dans le dbat public
quelle suscite.
AAHAM KORSIA
LE TEMPS DU SHABBAT
Lhomme a toujours cherch slever, se dpasser et tous les moyens sont bons pour y parvenir.
La Bible nous parle de ces humains qui, ds la Gense, veulent devenir les fils des dieux et rige
cette tentation en mal absolu. Face ce dsir domnipotence, le judasme apprend lhomme
sabstenir de crer, un jour par semaine, le jour du shabbat. Il sagit de se retrouver soi-mme, de
reprendre sa juste place au sein de la cration, ni trop haut ni trop bas.
AACHRISTOPHE JUNQUA
La socit technicienne dans laquelle nous vivons tend faire de laccs du plus grand nombre
linformation, si possible en temps rel, et la connexion au rseau, quil soit informatique ou social,
la condition ncessaire et suffisante de la connaissance et de lautonomie. Or la littrature, parce
quelle introduit une relation lautre et ne se limite pas une conception strictement utilitariste du
langage, invite une pense complexe du monde et de nous-mmes. Elle na donc jamais t aussi
ncessaire.
AARODOLPHE MOINDREAU
Premire industrie culturelle du monde en termes conomiques, le jeu vido partage des liens
insouponns du grand public avec le champ militaire. Successeur du jeu de go, du kriegsspiel et du
wargame traditionnels, dj utiliss par les armes europennes et occidentales au XIXesicle, il est
utilis pour ses qualits dimmersion et de reprsentation des fins de formation et dentranement,
aux tats-Unis, mais aussi en France. Mais bien plus, il est devenu un vecteur de communication et
de recrutement avec le dveloppement dAmericas Army par lUS Army et lmergence du complexe
militaro-industriel du divertissement. Toutefois, le jeu vido de guerre grand public, cr sans objectifs
de communication, peut-il influencer les reprsentations des joueurs et lgitimer les orientations
stratgiques des pays occidentaux?
AAPETR PAVEL
analytique des menaces identifies (tat islamique, Russie, Chine). Se fondant sur ces constats et
descriptions, il dtaille enfin quelques rponses politico-militaires ralistes et ralisables qui sont
susceptibles de rpondre aux dfis et enjeux majeurs de nos socits occidentales.
TRANSLATION OF THE
SUMMARY IN ENGLISH
AAINTERVIEW WITH GUNAL GUILLERME
THE INDUSTRIALIST AND THE ROBOT
In the field of robotics and automated systems applied to defence and security, innovation opens
up extremely interestingbut sometimes worryingopportunities. If the technological gap aimed at
giving a robot real autonomy in decision-making is bridged in the future, it does however appear that
reflection on this subjectwhich is already taking place within armies as well as among the main
manufacturerswould greatly restrict its scope.
AABRUNO BARATZ
SPECIAL FORCES
Special forces, whose numbers are low and whose protection is often reduced to the bare minimum, are developing modes of action that form part of a weak to strong approach. In this way, they
have learned to build on the new tools provided by technological progress in order to compensate
for their intrinsic weaknesses. In addition, they make use of the wonderful opportunity provided by
the evolution of liaison and communication means in order to best exploit the effects of capacities
(intelligence, ground support, air mobility). However, the increasing performance of equipment is
far from marginalising man. To be blinded by the power imparted by technological progress can only
lead to a painful reminder of the tragedy of man.
AADIDIER DANET
The quest for superiority by Western armies has, for a long time, been based on the advances of armament sciences and technologies, and the cumulative progress they made possible. Within the increasingly sophisticated weapons systems available to these armies, man could appear to be the weakest link.
With Human Enhancement techniques, the human factor is repositioned at the heart of the action of
the armed forces. It once again becomes a source of performance, which is even more important since
the increase in physical, psychological or cognitive aptitudes is no longer a long, vaguely mysterious and
random process, but is itself also becoming cumulative and generalisable. Man gains greater control of
the socio-political activity that is armed conflict. In concrete terms, this essential transformation constitutes an invitation for the armed forces to revise some of their human resources employment policies,
whether it be selection, recruitment, training, jobs in the field or the treatment of the war wounded.
AABRICE ERBLAND
Current scientific advances promise a new revolution in military affairs: the augmentation capacities of the solideradditional or intrusivewill resemble transhumanist dreams or science-fiction
scenarios. However, just as the ancient hubris cannot exist without the inevitable punishment that is
the nemesis, this dream of augmentation is accompanied by moral drifts that could put the operational
interest of the concept into question. Consequently, it is within an ethicaland therefore human
framework that we need to look for a soldiers improvement, and be wise enough to fix moral limits
to technological augmentation in order not to succumb to the temptation of the hubris.
194
Scientific and technological progress makes improvements in mans cognitive capacities foreseeable, if not possible. For the military institution, this possibility offers the hope of an army of
super-soldiers, above and beyond the simple objective of maintaining operational capacity. If it
presents the desire of an individual capable of surpassing his limits, it also questions the legitimacy
of its use.
AAAURLIE ON
Emotions can be modified by medicine and technology, particularly information technology which
creates the illusion of a synchronicity that brings about their disappearance or, on the contrary, their
upsurge. We can also act on emotions in the aim of inhibiting the most troublesome ones and thereby
increase the effectiveness of the soldier in combat. However, by making them disappear totally, do
we not run the risk of losing an ethical boundary?
AAYANN ANDRUTAN
Science fiction does not like war, but it is fascinated by it. From its forerunners right up until modern
versions such as the cinema or video games, the soldier occupies a unique place. He personifies the
relationship with technology, the confrontation with the other in its radicalism represented by the
extraterrestrial, or the excesses of physical or psychological modifications.
AAMICHEL GOYA
The soldier is an artificial creation obtained by the transformation of a naturally reticent individual
when faced with given and received death who must be capable of evolving in an atmosphere of
intense fear and inflict violence on fellow men. Each of them is like Icarus, believed to be capable of
reaching the heights of invincibility through an alchemy that is both ancient and constantly changing. In actual fact, it is an ever-renewed reality. In reality, some fall before they even start to fly
away, most come back to earth and a normal world full of emotions and frustrations; as for those
who believe they are nearing the sun of eternal victory, they realise that the race is pointless since
the sun is constantly changing position. The soldier can be continuously augmented, but he always
end up diminishing.
Technologies, insofar as they secrete the vision of a post-human, force us to envisage the future
of man, to defend what we see in him as a richnessnotably his capacity to make a decision in
moments of uncertainty. To invalidate this is to destroy the soldiers self-image. Yet, increasingly, the
solder must submit to machines that operate on information, that solve problems via computing. We
must be careful not to replace intelligence with instinct!
In 2013, Caroline Galactros published an article in the journal Mdium entitled Enhanced soldier,
undermined victory in which she explains why the technological excess of power of Western armies
is not at all synonymous with supremacy in the field and can increase their vulnerability, dehumanise
the enemy and prevent victory, all the while posing formidable ethical questions. Developing an
approach to the enhanced soldier that goes far beyond the simple scientific question, she underlines
195
how the emergence of transhumanism in matters of war constitutes a true challenge for a political
philosophy that, in modern societies, is often fragile. The editorial board of Inflexions met with her in
order that she might elaborate on her point of view.
AAPAOLO BENANTI
It may seem that cognitive improvement belongs to the field of fiction, but it also raises some very
real concerns. In any case, it questions believers on what must be their role faced with these issues: it
brings up the critical question inherent to technological innovation on the meaning of man and on the
methods that can guarantee genuine human development. They therefore need to be present where
the management of innovation takes place, in order to steer it towards ever more human forms, by
providing effective arguments in the public debate it provokes.
AAHAM KORSIA
Man has also sought to go higher, to surpass himself, and he uses all possible means to achieve
this. The Bible speaks of these humans who, from Genesis onwards, want to become sons of God
and establishes this temptation as an absolute evil. Faced with this desire for omnipotence, Judaism
teaches man to abstain from creation one day each week, the day of the Shabbat. This is so that he
can find himself, go back to his proper place in creationneither too high nor too low.
AACHRISTOPHE JUNQUA
The technical society in which we live aims to make access to information to the greatest number
of people, if possible in real time, and connection to a network, be it social or on a computer, the
necessary and sufficient conditions for knowledge and autonomy. Yet literature, because it introduces
a relation to the other and is not limited to a strictly utilitarian notion of language, encourages complex
thought about the world and ourselves. As a result, never has it been so necessary.
AARODOLPHE MOINDREAU
The video game industry, which is the leading cultural industry in the world in economic terms, shares
unexpected links between the general public and the military field. Successor to the go game, Kriegspiel
and the traditional war game, already used by European and Western armies during the 19th century, it
is used for its immersion and representational qualities in training and practice in the United States as
well as in France. More than that, it has become a vector for communication and recruitment with the
development of Americas Army by the US Army and the emergence of the militaro-industrial complex of
entertainment. Nonetheless, can the consumer war video game, designed without any communication
goals, influence the representations of the players and legitimise the strategic orientations of Western
countries?
AAPETR PAVEL
In this article, the president of the NATO Military Committee and former chief of staff of the Czech
Republic presents his geopolitical analysis of the world today. Firstly, he delivers a vision of the world
as he sees it, constantly evolving, faced with complex and occasionally unpredictable geopolitical,
economic and social challenges. He then continues his reflection through the analytical description
of identified threats (Islamic State, Russia, China). Finally, based on this analysis and descriptions, he
explains certain realistic and feasible politico-military responses that are liable to address the major
challenges and issues facing our Western societies.
BIOGRAPHIES
LES AUTEURS
AAYann ANDRUTAN
Voir rubrique comit de rdaction
AABruno BARATZ
Saint-cyrien, brevet de lenseignement militaire suprieur,
le colonel Bruno Baratz a effectu la totalit de son temps
en corps de troupe au sein du 1errgiment de parachutistes dinfanterie de marine. Occupant lensemble des
postes, de chef de groupe dactions spciales chef
de corps, il a t engag plusieurs reprises dans les
Balkans, en Afrique et en Afghanistan. Affect deux
reprises en Guyane, il a particip la conduite des oprations interministrielles de lutte contre lexploitation
illgale de lor et la pche illicite. Son parcours professionnel la galement conduit exercer diverses fonctions
au sein de ltat-major des armes. Ancien auditeur du
Centre des hautes tudes militaires (CHEM), il occupe
aujourdhui le poste dadjoint au chef de cabinet du chef
dtat-major de larme de terre. Lors de sa scolarit au
sein de lcole des hautes tudes commerciales, il a publi
Lconomie mondiale en mouvement (LHarmattan, 2005).
AAPaolo BENANTI
Le frre Paolo Benanti, membre de lordre des frres
mineurs, est professeur de thologie morale et
biothique luniversit pontificale grgorienne de Rome.
Il a notamment publi The Cyborg. Corpo e corporeit
nellepoca del post-umano (Cittadella, 2012).
AAJean-Michel BESNIER
Agrg de philosophie et docteur en sciences politiques,
Jean-Michel Besnier est professeur de philosophie luniversit Paris-Sorbonne, membre du conseil scientifique de
lInstitut des hautes tudes pour la science et la technologie (IHEST), du directoire du Mouvement universel pour
la responsabilit scientifique (MURS) et de la commission
Littrature scientifique et technique du Centre national du
livre (CNL). Ses enseignements portent sur la philosophie
des technologies et ses recherches concernent principalement la porte philosophique et thique des sciences et
des techniques sur les reprsentations et les imaginaires
individuels et collectifs. Il a notamment publi Demain
les posthumains. Le futur a-t-il encore besoin de nous?
(Hachette, 2009) et LHomme simplifi. Le syndrome de la
touche toile (Fayard, 2012).
AAFrdric CANINI
Docteur en mdecine, professeur agrg du Val-de-Grce
en recherche neurosciences et sciences cognitives,
Frdric Canini est actuellement en poste lInstitut de
recherches biomdicales des armes (IRBA) et dirige le
dpartement Neurosciences et contraintes oprationnelles.
Ses travaux portent sur le stress et la manire dont les
individus sadaptent physiologiquement leur environnement. Les champs dapplication concernent lexposition
la chaleur, aux agressions psychologiques intenses
gnratrices dtats de stress aigu et postraumatiques et
aux dfis moraux.
AADidier DANET
Didier Danet est enseignant-chercheur aux coles de
Saint-Cyr Cotquidan et responsable du ple Action
globale et forces terrestres du Centre de recherche. Il
y enseigne en particulier la gestion des organisations
publiques. Ses travaux de recherche visent appliquer
au domaine de la conflictualit les enseignements
des sciences de gestion. Ils portent sur les formes
changeantes des conflits arms, notamment sur lexternalisation et le dveloppement des partenariats public-priv
dans le monde de la dfense, les dimensions organisationnelles et juridiques de la cyberconflictualit ou bien encore
le processus de robotisation du champ de bataille. Il a
codirig plusieurs ouvrages sur ces thmes La Guerre
irrgulire, La Guerre robotise, Frres darmes? tous
publis chez Economica.
AAAurlie ON
Psychiatre adjointe dans le service de psychiatrie de lHIA
Bgin, le mdecin principal Aurlie on exerce depuis
plusieurs annes, et notamment comme addictologue.
Elle est partie en 2013 en Jordanie dans un camp de
rfugis. Elle sintresse aux questions de lexpression
des motions dans le champ de lanthropologie mdicale.
AABrice ERBLAND
Voir rubrique comit de rdaction
AACaroline GALACTROS
Docteur en sciences politiques, Caroline Galactros a t
auditrice de lInstitut des hautes tudes de la Dfense
nationale (AA59). Ancienne directrice de sminaire
lcole de guerre et colonel dans la rserve oprationnelle, elle dirige une socit de conseil et de formation
en intelligence stratgique. Elle a publi en mai 2013 un
essai intitul Manires du monde, manires de guerre,
aux ditions Nuvis. Depuis 2014, elle tient galement une
chronique gopolitique pour le magazine Le Point.
AAMichel GOYA
Voir rubrique comit de rdaction
AAGunal GUILLERME
Diplm de lICG et de lENSIETA, Gunal Guillerme est
directeur gnral du groupe ECA o il est entr en 1997.
Il y a occup la fonction de directeur de ltablissement
de Toulon avant de devenir le directeur gnral du groupe
en 1999, puis prsident-directeur gnral en 2006, avant
de quitter lentreprise pour y revenir en 2013. Plusieurs
des nouveaux produits commercialiss (robots terrestres,
drones de surface, robots sous-marins autonomes...) ont
t dvelopps sous sa direction.
AAChristophe JUNQUA
Officier de gendarmerie issu de la promotion Gnral de
Galbert (2002-2005) de lcole spciale militaire (ESM) de
Saint-Cyr, le chef descadron Christophe Junqua rejoint
sa sortie lcole des officiers de la gendarmerie nationale
Melun. Affect la tte de la communaut de brigades
198
BIOGRAPHIES
AAHam KORSIA
Voir rubrique comit de rdaction
AARodolphe MOINDREAU
Diplm du master Scurit, intelligence et gestion
des risques de Sciences Po Lille, Rodolphe Moindreau
sintresse au jeu vido sous tous ses aspects: histoire,
vision artistique, potentiel ludique, aspects conomiques
et technologiques, mutation de lindustrie Cest
ce titre quil a concili relations internationales et jeu
vido dans un mmoire de recherche intitul Complexe
militaro-industriel du divertissement et jeu vido de
guerre. Linfluence du jeu vido sur les reprsentations
stratgiques des joueurs.
AAPetr PAVEL
Depuis 1983 et la fin de sa formation militaire, le
gnral Pavel (Rpublique tchque) a pass la majeure
partie de sa carrire exercer des responsabilits aux
diffrents chelons de la hirarchie des Forces spciales
comme expert dans les domaines des oprations et du
renseignement. Aprs avoir suivi plusieurs cursus de
formation militaire au Royaume-Uni, il a occup divers
postes aux Pays-Bas (tat-major de Brunssum) et en
Belgique (ambassade de la Rpublique tchque, Union
europenne, tat-major de SHAPE). Il a, enfin, exerc la
fonction de chef dtat-major des armes (CEMA) de la
Rpublique tchque de juillet 2012 mai 2015. Depuis le
26 juin 2015, il exerce la fonction de prsident du comit
militaire de lOTAN, aprs avoir t lu par les CEMA des
vingt-sept autres pays membres pour un mandat de trois
ans. N en 1961, il est officier de la Lgion dhonneur et
dcor de la Croix de la valeur militaire avec toile de
bronze.
AAMarion TROUSSELARD
Docteur en mdecine, professeur agrg du Val-de-Grce
en recherche neurosciences et sciences cognitives et
membre de la chaire de mindfulness, bien-tre au travail
et paix conomique de la Grenoble-cole de management,
Marion Trousselard est actuellement en poste lInstitut
de recherches biomdicales des armes (IRBA) et dirige
lunit neurophysiologie du stress au sein du dpartement
neurosciences et contraintes oprationnelles. Les travaux
dvelopps portent sur une meilleure comprhension des
mcanismes de stress et des facteurs de vulnrabilit
dans un objectif de maintien de la sant des personnels.
Il sagit dexplorer les associations entre les ressources
internes des individus pour faire face aux contraintes de
lenvironnement et les variables relatives ltat de sant
afin didentifier les facteurs prdictifs de bonne tolrance,
de gurison et de performance.
LE COMIT DE RDACTION
AAYann ANDRUTAN
Issu de l ESSA Lyon-Bron, le mdecin en chef Yann
Andrutan a servi trois ans au 1errgiment de tirailleurs
dpinal, avec lequel il a effectu deux missions au Kosovo
en 2000 et 2002. Il a ensuite rejoint lHIA Desgenettes
afin deffectuer lassistanat de psychiatrie. En 2008,
il est affect l HIA Sainte-Anne de Toulon comme
mdecin-chef adjoint du service de psychiatrie. En 2009,
il a effectu un sjour en Afghanistan. Il est aujourdhui
chef du service psychologique de la Marine. Il est aussi
titulaire dun master2 en anthropologie.
AAMonique CASTILLO
Diplme de lInstitut dtudes politiques de Paris,
agrge de philosophie et docteur dtat, Monique
Castillo enseigne luniversit de Paris-XII. Ses principaux
travaux portent sur la philosophie moderne et sur les
questions contemporaines dthique et de politique. Elle a
notamment publi La Paix (Hatier, 1997), LEurope de Kant
(Privat, 2001), La Citoyennet en question (Ellipses, 2002),
Morale et politique des droits de lhomme (Olms, 2003),
Connatre la guerre et penser la paix (Kim, 2005), thique
du rapport au langage (LHarmattan, 2007), Quest-ce
qutre europen? (Cercle Condorcet dAuxerre, 2012)
et Faire renaissance. Une thique publique pour demain
(Vrin, 2016). Elle a fait partie en 2001-2002 dun groupe de
recherche (CHEAR-DGA) sur la gestion des crises.
AAPatrick CLERVOY
lve au collge militaire de Saint-Cyr-lcole puis
lcole du service de sant des armes de Bordeaux, le
docteur Patrick Clervoy a t mdecin dunit pendant
quatre annes au profit de rgiments de la 9edivision
dinfanterie de marine. Il a particip plusieurs oprations
qui lont amen intervenir sur des thtres extrieurs
en Afrique centrale, en Guyane, en ex-Yougoslavie, en
Afghanistan, au Mali, au Burkina-Faso et au Niger. Il est
professeur de mdecine lcole du Val-de-Grce et fut,
de 2010 2015, titulaire de la chaire de psychiatrie et de
psychologie clinique applique aux armes. Il est lauteur
de publications sur les thmes du soutien psychologique
des forces Les Psy en intervention (Doin, 2009) et de
la prise en charge des vtrans Le Syndrome de Lazare.
Traumatisme psychique et destine (Albin Michel, 2007),
Dix semaines Kaboul. Chroniques dun mdecin militaire
(Steinkis, 2012). Il a rcemment fait paratre Leffet
Lucifer. Des bourreaux ordinaires (CNRS ditions2013),
Les Traumatismes et blessures psychiques (Lavoisier
Mdecine, 2016).
AAJean-Luc COTARD
Saint-Cyrien ayant servi dans larme du gnie, le colonel
Jean-Luc Cotard a choisi de se spcialiser dans la
communication aprs avoir servi en unit oprationnelle
199
AACatherine DURANDIN
Catherine Durandin est historienne et crivain. Aprs de
nombreux ouvrages consacrs la France, aux relations
euro-atlantiques et la Roumanie, elle soriente vers une
recherche portant sur la mmoire des Franais et leur
relation la guerre, avec un roman, Douce France (Le
Fantascope, 2012), puis Le Dclin de larme franaise
(Franois Bourin, 2013).Elle a rcemment publi Ismne.
Point (Dacres ditions, 2015) et La Guerre froide (PUF, "Que
sais-je ?", 2016).
AABenot DURIEUX
N en 1965, Benot Durieux est officier dactive dans
larme de terre. Saint-cyrien, diplm de lInstitut
dtudes politiques de Paris et de luniversit de
Georgetown (tats-Unis), il a effectu lessentiel de sa
carrire au sein de la Lgion trangre, avec laquelle
il a particip plusieurs oprations dans les Balkans
(1995 et 1996) et en Afrique (Somalie1993). Aprs
un passage ltat-major des armes, il a t chef de
corps du 2 e rgiment tranger dinfanterie jusqu
lt2010. Ancien auditeur au Centre des hautes
tudes militaires (CHEM), puis adjoint terre au cabinet
militaire du ministre de la Dfense, le gnral Durieux est
actuellement directeur du CHEM. Docteur en histoire, il est
lauteur de Relire De la guerre de Clausewitz (Economica,
2005), une tude sur lactualit de la pense du penseur
militaire allemand. Pour cet ouvrage, il a reu le prix La
Plume et lpe. Rcemment paru sous sa direction :
La Guerre par ceux qui la font. Stratgie et incertitude
(ditons du Rocher, 2016).
AABrice ERBLAND
N en 1980, le commandant Brice Erbland est un officier
saint-cyrien qui a effectu son dbut de carrire au sein
de laviation lgre de larme de terre (ALAT). Chef de
patrouille et commandant dunit dhlicoptres de
combat Tigre et Gazelle, il a t engag plusieurs fois
dans la corne de lAfrique, en Afghanistan et en Libye. Il a
ensuite servi au cabinet du ministre de la Dfense, avant
de rejoindre lcole militaire pour sa scolarit de lcole
de guerre. Il a publi en 2013 un livre de tmoignages et
de rflexions sur ses oprations, intitul Dans les griffes
du Tigre (Les Belles Lettres). Cet ouvrage a reu le prix
Lpe et la Plume, le prix spcial de la Saint-Cyrienne et
la mention spciale du prix Erwan Bergot.
AAHuges ESQUERRE
Saint-Cyrien, brevet de lcole de guerre, le lieutenantcolonel Huges Esquerre a notamment pris part la mission
AAFrdric GOUT
Entr lcole spciale militaire de Saint-Cyr en 1988,
brevet de lenseignement militaire suprieur, le
colonel Frdric Gout a pass la majeure partie de sa
carrire au sein de laviation lgre de larme de terre
(ALAT). lissue dune mobilit externe au ministre des
Affaires trangres et dun poste au sein du cabinet du
chef dtat-major de larme de terre (CEMAT), il prend le
commandement du 5ergiment dhlicoptres de combat
de 2011 2013. Il est ensuite auditeur de la 63esession
du Centre des hautes tudes militaires (CHEM) et de la
66e session de lInstitut des hautes tudes de dfense
nationale (IHEDN) de 2013 2014. Depuis le 18aot 2014,
il est assistant spcial du prsident du Comit militaire
de lOTAN Bruxelles. Il a publi Librez Tombouctou!
Journal de guerre au Mali (Tallandier, 2015).
AAMichel GOYA
Issu du corps des sous-officiers, Michel Goya a t officier
dans linfanterie de marine de 1990 2014. Aprs dix ans
dexprience oprationnelle, il suit, en 2001, une scolarit
au sein de lEnseignement militaire suprieure scientifique
et technique puis, il intgre, en 2003, le Collge
interarmes de dfense. Officier au Centre de doctrine
demploi des forces terrestres (CDEF) , il est assistant
militaire du chef dtat-major des armes de 2007
2009. Il a dirig ensuite le domaine Nouveaux Conflits
au sein de lInstitut de recherche stratgique de lcole
militaire (IRSEM) puis le bureau recherche du CDEF, avant
de quitter linstitution pour se consacrer lenseignement
et lcriture. Titulaire dun doctorat dhistoire, le Colonel
Goya est lauteur de Res Militaris. De lemploi des
forces armes au XXIesicle (Economica, 2010), dIrak.
Les armes du chaos (conomica, 2008), de La Chair et
lacier; linvention de la guerre moderne, 1914-1918
(Tallandier, 2004, rd., 2014), sur la transformation
tactique de larme franaise de 1871 1918, de Sous
le feu. La mort comme hypothse de travail (Tallandier,
201) et Isral contre Hezbollah. Chronique dune dfaite
annonce 12juillet-14 aot 2006 (avec Marc-Antoine
Brillant, ditions du Rocher, 2014). Il a obtenu trois fois
le prix de lpaulette, le prix Sabatier de lEnseignement
militaire suprieur scientifique et technique, le prix
dhistoire militaire du Centre dtudes dhistoire de la
Dfense et le prix Edmond Frville de lAcadmie des
sciences morales et politiques.
AAArmel HUET
Professeur de sociologie luniversit Rennes-II, Armel
Huet a fond le Laboratoire de recherches et dtudes
sociologiques (LARES) et le Laboratoire danthropologie
et de sociologie ( LAS ) quil a dirig respectivement
pendant quarante ans et quinze ans. Il en est aujourdhui
le directeur honoraire. Outre un master de recherche
sociologique, il a galemement cr des formations
professionnelles, dont un master de matrise douvrage
200
BIOGRAPHIES
AAHam KORSIA
sa sortie du sminaire Isralite de France et aprs avoir
obtenu son diplme rabbinique en mars 1986, Ham Korsia
termine son parcours universitaire par un DEA lcole
pratique des hautes tudes en 2003. Jusquen 2004, il
a t directeur de cabinet du grand rabbin de France.
Le grand rabbin Ham Korsia est aumnier en chef des
armes, aumnier en chef de larme de lair, membre
du comit consultatif national dthique, membre du
comit du patrimoine culturel au ministre de la Culture,
administrateur national du Souvenir franais et secrtaire
gnral de lassociation du rabbinat franais. En juin 2014,
il est lu grand rabbin de France et le 15 dcembre de
la mme anne lAcadmie des sciences morales et
politiques. Derniers ouvrages parus: Gardien de mes
frres, Jacob Kaplan (dition Pro-Arte, 2006), corps et
Toi (Actes Sud, 2006), tre juif et franais: Jacob Kaplan,
le rabbin de la rpublique (ditions priv, 2005), Les
Enfants dAbraham. Un chrtien, un juif et un musulman
dialoguent (avec Alain Maillard de La Morandais et Malek
Chebel, Presses de la Renaissance, 2011).
AAFranois LECOINTRE
N en 1962, Franois Lecointre est officier de carrire
dans larme de terre. Saint-cyrien, il appartient larme
des Troupes de marines o il a servi comme lieutenant et
capitaine au 3ergiment dinfanterie de marine et au 5e
rgiment inter-armes dOutre-mer. Il a t engag en Irak
lors de la premire guerre du Golfe (1991), en Somalie
(1992), en Rpublique de Djibouti dans le cadre de
lopration Iskoutir (1991-1993), au Rwanda dans le cadre
de lopration Turquoise (1994) ainsi qu Sarajevo (1995),
et a ensuite servi ltat-major de larme de terre, au
sein du bureau de conception des systmes de forces. Il a
command le 3e rgiment dinfanterie de marine stationn
Vannes et ce titre le groupe tactique interarmes2
(GTIA2) en Rpublique de Cte dIvoire doctobre 2006
fvrier 2007. Ancien auditeur puis directeur de la
formation au Centre des hautes tudes militaires (CHEM),
il a t jusqu lt 2011 adjoint terre au cabinet
militaire du ministre de la Dfense, puis a command la 9e
brigade dinfanterie de marine jusqu lt2013. Officier
gnral synthse ltat-major de larme de terre
jusquau 31 juillet 2014, le gnral de division Lecointre
est actuellement sous-chef dtat-major performance et
synthse lEMAT.
AAThierry MARCHAND
Diplm de lcole spciale militaire de Saint-Cyr en
1987 (promotion Gnral Monclar), Thierry Marchand
choisit de servir dans linfanterie. lissue de sa scolarit,
il rejoint la Lgion trangre au 2ergiment tranger
dinfanterie (REI) de Nmes. Il est engag en Rpublique
AAJean-Philippe MARGUERON
sa sortie de lcole spciale militaire de Saint-Cyr en
1978, le gnral Margueron choisit lartillerie antiarienne.
Il y occupe tous les grades et sert tour tour en mtropole,
loutre-mer et en oprations extrieures. Promu colonel
en 1997, il commande le 54ergiment dartillerie stationn
Hyres, avant dtre responsable du recrutement pour
la rgion parisienne et loutre-mer au tout dbut de la
professionnalisation des armes. Auditeur de lInstitut
des hautes tudes de la Dfense nationale en 2001, il est
ensuite conseiller militaire au cabinet du ministre de la
Dfense durant trois ans avant de commander, comme
officier gnral, la 7ebrigade blinde de Besanon, tant en
mtropole quen oprations extrieures. Chef de cabinet
du chef dtat-major de larme de Terre jusquen 2008,
il est promu gnral inspecteur de la fonction personnel,
avant dtre nomm major gnral de larme de Terre,
en charge notamment de la conduite des restructurations
de 2010 2014. Gnral darme, inspecteur gnral des
armes auprs du ministre de la Dfense en 2015, il a
aujourdhui rejoint la Cour des comptes comme conseiller
matre en service extraordinaire.
AAHerv PIERRE
N en 1972, Herv Pierre est officier dactive dans
larme de terre. Saint-cyrien, brevet de lenseignement
militaire suprieur, il a suivi aux tats-Unis la scolarit
de lUS Marines Command and Staff College en
2008-2009. Titulaire de diplmes dtudes suprieures
en histoire (Sorbonne), en philosophie (Nanterre) et
en science politique ( IEP de Paris), il est lauteur de
deux ouvrages, LIntervention militaire franaise au
Moyen-Orient1916-1919 (d. des crivains, 2001) et
Le Hezbollah, un acteur incontournable de la scne
internationale? (LHarmattan, 2009). Ayant effectu
lessentiel de sa carrire dans linfanterie de marine, il a
servi sur de nombreux thtres doprations, notamment
en Afghanistan (Kapisa en 2009, Helmand en 2011), et
a t officier rdacteur des interventions du gnral
major gnral de larme de terre. De 2013 2015, il a
command le 3ergiment dinfanterie de marine (Vannes)
avec lequel il a t engag, la tte du groupement
201
AAEmmanuelle RIOUX
AAGuillaume ROY
N en 1980, le chef de bataillon Guillaume Roy entre
Saint-Cyr en 1998. Aprs une premire partie de
carrire dans larme du gnie marque par plusieurs
engagements en oprations extrieures et couronne
par le commandement dune unit de combat au sein
de la Lgion trangre, il retrouve en 2010 les coles
de Cotquidan pour y former de jeunes lves officiers.
Brevet de lcole de guerre en 2014, il rejoint le cabinet
du chef dtat-major de larme de terre o il sert au sein
de la cellule stratgie politique.
AAFranois SCHEER
N en 1934 Strasbourg, Franois Scheer est diplm
de lInstitut dtudes politiques de Paris, licenci en droit,
titulaire de trois DESS (droit public, conomie politique
et science politique) et ancien lve de lcole nationale
dadministration (1960-1962). De 1962 1999, il alterne
les postes en administration centrale et ltranger.
Premier ambassadeur de France au Mozambique en 1976,
il sera successivement directeur de cabinet du Prsident
du Parlement Europen (Simone Veil) et du Ministre des
Relations extrieures (Claude Cheysson), ambassadeur
en Algrie, ambassadeur reprsentant permanent auprs
des communauts europennes, secrtaire gnral du
ministre des Affaires trangres et ambassadeur en
Allemagne. Ambassadeur de France, il a t de 1999
2011 conseiller international du prsident directeur
gnral de Cogema, puis du prsident du directoire
dAreva.
AADider SICARD
Aprs des tudes de mdecine, Didier Sicard entre dans
la filire des hpitaux de Paris: externat, internat, clinicat,
nomination comme praticien hospitalier. Professeur
agrg, il devient le chef de lun des deux services de
mdecine interne de lhpital Cochin de Paris. Il crera
(avec Emmanuel Hirsch) lEspace thique de lAssistance
publique Hpitaux de Paris. Par dcret du prsident
Jacques Chirac, il succde en 1999 Jean-Pierre
Changeux (qui avait lui-mme succd Jean Bernard)
la tte du Comit consultatif national dthique,
institution quil prside jusquen fvrier 2008 et dont il
est aujourdhui prsident dhonneur. Il a notamment publi
La Mdecine sans le corps (Plon, 2002), LAlibi thique
(Plon, 2006) et, avec Georges Vigarello, Aux Origines de
AAAndr THIBLEMONT
I NInflexions
FLEXIONS
Inflexions
civils
et
militaires
:pouvoirdire
pouvoir dire: pouvoir
civilsetmilitaires:
civils
et militaires
NUMROS DJ PARUS
dire
Fait religieux et
mtier
des religieux
armes
Fait
et
mtier des armes
Impression
Ministre de la Dfense
Secrtariat gnral pour ladministration / SPAC Impressions
Ple graphique de Tulle
2, rue Louis Druliolle CS 10290 19007 Tulle cedex