Scubla - A Propos de La Formule Canonique, Du Mythe, Et Du Rite
Scubla - A Propos de La Formule Canonique, Du Mythe, Et Du Rite
Scubla - A Propos de La Formule Canonique, Du Mythe, Et Du Rite
Lucien
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cites ; (iii) que la formule peut tre corrobore par des donnes empiriques,
dont elle contribue, en retour, accrotre l'intelligibilit.
Comme Jean Petitot qui nous laisserons le soin de prsenter les choses
du point de vue du mathmaticien nous pensons que, loin d'occuper une
position priphrique, la formule canonique du mythe reprsente un des plus
hauts lieux du structuralisme thorique (Petitot 1988 : 26). Mais, selon nous,
c'est en puissance plutt qu'en acte que la formule recle cette eminente qual
it : en ce sens qu'elle se rattache une composante morphodynamique qui
existe seulement titre de dimension virtuelle dans l'uvre de Claude LviStrauss, et qui, pour cette raison, passe souvent inaperue, au risque de donner
de l'entreprise structurale tout entire une prsentation affadie.
En effet, comme l'a bien montr Marie-Claude Dupr, propos des StrucL'Homme 135, juil.-sept. 1995, pp. 51-60.
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On remarquera que, dans cette description, l'change restreint et l'change gnralis offrent l'un
par rapport l'autre, comme les variantes places aux deux extrmits d'une srie de transformat
ions
mythiques, une structure symtrique mais inverse (Lvi-Strauss 1958 : 248).
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2.
Rappelons que Hocart (1927, 1954) a montr que les rites constituent l'infrastructure des socits
humaines et la matrice de tous les phnomnes culturels ; qu'il a tabli l'unit de tous les rites et
plus prcisment la possibilit de dduire l'ensemble des rituels d'un rituel prototypique dont le per
sonnage
central serait un tre mort, et dont le rite d'installation du roi serait le tmoin le plus
proche.
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(iv) Elle doit s'accorder avec la dfinition du mythe comme ensemble de ses
variantes transformationnelles.
Toutes ces conditions peuvent tre satisfaites si l'on prend comme fil
conducteur le travail pionnier d'Elli Kngs et Pierre Maranda (1971), qui a
tabli l'existence d'un lien prcis entre la fonction mdiatisante du mythe et la
structure littrale de la formule. Les deux premires composantes Fx(a), Fy(b)
reprsentent un cart diffrentiel (A/B) doublement marqu, au niveau des
fonctions (x/y) et au niveau des termes (a/b) : deux valeurs s'y opposent, incar
nes chacune par un reprsentant prototypique ; la troisime composante repr
sente le moment de la mdiation (M), opre par le terme b, qui se trouve en
effet associ la fonction x aprs avoir t associ la fonction y ; et la qua
trime
composante achve le processus de mdiation par un retournement (X)
qui rappelle le renversement des images en optique que Lvi-Strauss (1973 :
223) associe explicitement au bouclage canonique.
On a donc, au bout du compte, le processus cyclique suivant : position d'un
cart diffrentiel (A/B) > processus de mdiation-indiffrenciation (M) >
inversion du processus de mdiation (X) > position d'un nouvel cart diffrent
iel
(A'/B').
En effet, la structure analogique de la formule canonique ( savoir la rela
tion A : B : : M : X) implique que X s'oppose M comme B s'oppose A ; et
puisque M est un oprateur d'indiffrenciation, X est un oprateur de
diffrenciation.
Et ds lors tout se tient. Comme le veut la condition (i), la formule
reprsente un processus morphodynamique, qu'on pourrait d'ailleurs crire
Fx(a) < Fy(b) < Fx(b) < Fa1 (y), pour expliciter le symbolisme des relations
d'ordre qui intervient dans les premires tapes de sa construction. Elle runit
les aspects diachronique et synchronique de la pense mythique, en soumettant
ce processus des invariants structuraux que dfinit la relation analogique, et
en le refermant sur lui-mme pour lui donner la structure d'un groupe de
transformations . De plus, cette structure cyclique est toujours affecte d'un
dsquilibre que traduit le saut catastrophique qui permet de passer de X
A7B', et dont le pecking order donne une image affaiblie.
Enfin, si l'on fait l'hypothse que chaque rcit mythique tend dcrire un
segment structurellement stable de ce processus cyclique, on comprend que
l'ensemble de ces rcits puisse apparatre comme constitu par les variantes
d'un seul et mme mythe ; et que ces variantes, leur tour, puissent tre ordonn
es, comme le dit Lvi-Strauss, dans un usage peu orthodoxe mais clair du
vocabulaire mathmatique, en une srie, formant une sorte de groupe de per
mutations,
et o les variantes places aux deux extrmits de la srie offrent,
l'une par rapport l'autre, une structure symtrique mais inverse (1958 :
248).
La structure littrale de la dernire composante suggre alors de distinguer
trois temps au cours de cette opration de renversement. Fy(a), ou extension du
processus de mdiation-indiffrenciation au terme a ; Fa(y), ou point d'acm
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Dik
Hubris
Or (1)
Hros (4)
Fer actuel (5 a)
Argent (2)
Bronze (3)
Vieux fer (5b)
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d'une fte, quand l'ordre est mis sens dessus dessous, les hirarchies sociales
inverses [...]. Mais, la fte termine, le contre-roi est expuls ou mis mort
entranant avec lui tout le dsordre qu'il incarne et dont il purge du mme coup
la communaut {ibid. : 1271-1272). Comme on le voit, Vernant dcrit un rite
au cours duquel la prsence simultane d'une hubris gnralise et d'un anti-roi
permet au roi vritable de reprendre sa place : autrement dit, le type mme de
processus boucl que le mythe d'Hsiode est cens relater.
Or, de nombreuses monarchies sacres sont bties sur ce scnario. Le roi
possde un double rituel qui est un avatar du pharmakos, ou il est lui-mme un
personnage ambigu qui est symboliquement mis mort avant d'acccder au
trne. C'est ainsi que dans l'ancien royaume du Dahomey, le souverain tait
dvor par une panthre avant de devenir lui-mme le grand prdateur de
son peuple {cf. Le Hriss 1911 : 7, 10).
Et, d'autre part, il est remarquable qu'un Walter Burkert (1979 : 10-14), qui
se montre pourtant trs rserv l'gard de la relation canonique, ne puisse
s'empcher de relever qu'au prix d'un lger remaniement elle lui semble part
iculirement
bien adapte au rituel du bouc missaire {ibid. : 67).
la fin de son article, Mezzadri suggre qu'on pourrait amliorer la modl
isation du mythe des races en inscrivant son dploiement cyclique sur un ruban
de Mbius. tort, selon nous, car le fameux ruban ne prsente pas les disconti
nuitsinhrentes au processus morphodynamique que la formule de LviStrauss s'efforce de ressaisir.
En revanche, les structures en came , qu'avait utilises Antoine Culioli
(1968) pour dcrire certains systmes linguistiques, conviennent beaucoup
mieux au bouclage catastrophique qu'implique la relation canonique. Et
elles sont d'autant plus adaptes au mythe d'Hsiode qu'elles comportent trois
singularits, qui correspondent fort bien aux trois places qu'occupent respec
tivement
le roi de justice, le mauvais roi et l' anti-roi.
Roi-1 (H)
H(roi)
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Quoi qu'il en soit, il y a deux voies possibles pour les hritiers de LviStrauss. Ou bien la voie du mentalisme, teinte de matrialisme crbral ,
que suggre La pense sauvage, et qu'empruntent de nos jours certains
adeptes des sciences cognitives , mais dont on peut craindre que les pro
messes
ne soient spcieuses et la philosophie trop rductrice. Ou bien la voie
du structuralisme morphogntique, qu'explorent depuis une vingtaine
d'annes Ren Thom et ses disciples, mais qui n'a pas encore obtenu des
anthropologues toute l'attention qu'elle mritait. Or, c'est vers elle que nous
dirige la formule canonique, et c'est elle, croyons-nous, qui devrait permettre
de btir une anthropologie thorique digne de ce nom, et d'insrer, de faon
non rductrice, les sciences de l'homme dans les sciences de la nature {cf.
Petitot 1992).
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1, rue Descartes, 75005 Paris