Le Lievre Qui Rumine
Le Lievre Qui Rumine
Le Lievre Qui Rumine
LE LIEVREQUI RUMINE
Autour de
RenéGuénon, Louis Charbonneau-Lassay
et la Fraternité du Paraclet
Avecdesdocumentsinédits
ARCIS
MILANO
r999
7
Résumé
duthème
Figure clé de l'ésotérisme au XX" siècle, René Guénon
(1886-1951)collabora de manière intense,durant les der-
nières.9nnéesqu'il passa en France - avant son départ
pour I'Egypte, en 1930,d'où il ne devait jamais revenii - à
la revue catholiqte Regnabit.Plus précisément,il y coliabo-
ra de 1925à 1927,soit à un moment où il avait déià publié
ou était sur le point de publier quelques-uns de éeslivres
les pius rmpotants. II s'agit donc d,une coilaboration _
jamais explorée dans son intégralité jusqu,à présent - qui
représentenn unicum qt'on ne saurait négtgeì
Fondée en 1921par le père Félix Anizan (1.87g-1944),la
revue Regnabif publiera en outre les études de Louis
Charbonneau-Lassay (1871,L946); c' esI précisément dans
cette revue que l'illustre spécialiste de iymbolique chré-
tienne mettra en chantier l'immense travail guiionnera
lieu ensuite au livre Le Bestiairedu Christ 1.Chàrbonneau-
Lassay sera aussi celui qui garantira la continuation de
Regnabiten dirigeant, de-1929à 1939,une autre revue, Le
Rayonnement lntellectuel
I Cf Louis Charbormeau-Lassay,
I e Bestiairedu Chnst, Bruges, Desclée
de Brouwer, 1940; reprint : Milan, Archè, 1924.En Italie, la iedécouver_
te récente de Charbonneau-Lassaya conduit à la publication de son
operaomnia,dont la direction éditoriale a été confièe au signataire de
ceslignes : cf.1d., ll Bestíaio del Cristo,Rome, Atkeios, 2 tJmes, 1994;
Id., Il Giardino del Cristoferito, Rome, Arkeios, 1995; et Id., Le pietre
Misteriosedel Cristo, Rome, Arkeios, 1,997(wn quatrième et derniet
volume est en préparation). Aux États-Unis u ju.rl .rrr" traduction.
inexplicablementamputéed'une bonne partie dei chapitres,du princi_
pal ouvrage de Charbonneau-l,assay: cf. Id., TheBestiaryof Chrtsl tra_
duit e-t-abrégépar D.M. Dooling, New york, parabola doót", feOf
1"t
a LrssiNew York, Arkana-Penguin Bo oks, 1992). Une version espagnole
a éga-lementparu : cf. Ià-, EI Bestiariode Cristo, trad. de Fr-ancrsco
Gutierrez, Barcelone-Palmade Majorque, JoséJ. De Olaneta Editor, 2
tomes, 1996-7997.
8
RméGuénonet soneuore
Comme chacun sait, l'euvre doctrinale si complexe de
René Guénon et, plus généralemen! l,acception iouvelle
prise par le mot "ésotérisme" sur la base de ses travaux,
sont aujourd'hui au centre d'un vaste débat. Des discus-
sions approfondies sont en cours, tant sur le plan histo-
rique que sur ceux de la phénoménologie et de
l'herméneutiquez.Le lecteur qui àborde de nosJours l,im-
9
11
r$:_-._Yl*,1':(qu'ils.obtiendrontdepienllsn-reiqp",
encycrrque(2uaspritns de 1925).pour sa part, leur
colla_
DoratnceJeanneLépine_Authelaine(1g4g_L926) _ décédée
en meme_temps
,que Marthe de Noaillat (toutes deux
rurent-asphyxiées le 5 féwier 1926 par les émmafioru
déié_
tères d'un poéle) - resta longtempjen relations épistolaires
avec Paul Le Cour (186L-1954),iondateur en tgàZdl
i,as_
15
RenéGuénoneúRegnabit
Ami intime de Charbonneau-Lassay,Olivier de Fremond
avait connu Guénon à l'époque de la collaboration de
celui-ci à La FranceChrétienneAntimagonnique,périodique
dirigé alors par Abel Clarin de la Rive (1855:1914),qui
avait pris, à la téte de la revue, la suite du fondateur de la
publication, Léo Taxil (1854-1902. Quant à la collaboration
de Guénon à Regnabit,on sait qu'elle connut une fin mou-
vementée, s'arrètant brutalement et débouchant sur une
mésentente assezvive entre les deux partiesl3. On en vou-
li Cf. P.L. Zoccatelli, "De Regtabit
at Bestiaíreilu Chns!. Uitinéraire
intellectuel d'un symboliste chrétien : Louis Charbonneau-Lassay
(187t-1946r' , Sociétéhistorique du pays de Louilunois,l (31 décembri
1998),pp.3a-a5.
12Cf.
fean-Pierre Brach, "Louis Charbonneau-Lassav et Ir Bestiaircil
Christ", ibín., pp. 465L.
.l
17
b Marcel Clavell e,
euelques souomirs sur Rmé Guénon et les ,,Études
Traditionnella", tg63 (document dactylograpnie naait
àe n plgo,'p. zO1.
I
19
20
inédite
Unecorrespondance
On dispose désormais d'un < éclairage> supplémentai-
re sur les rapports entre René Guénon et Louis
Charbonneau-Lassay : un recueil de 26 lettres, inédites,
20Sur la revue elle-mème, Guénon formuiera un jugement très clair :
< Il n'y a en effet rien d'intéressant dans Regnabiúen dehors de mes
articles et de ceux de Charbonneau > (lettre à Guido De Giorgio du
4 DnarsL929; cité dans G. De Giorgio, L'lnstant et l'Etemité et autres
textessur la Tradifiorz,Milan, Archè, 1987, p.290).
21Cf., par exemple,Augustin, Refractationes,I,Xfr,3.
T
adresséespar le premier au second entre le 24 novembre
1924 et le lL avril L929, recueil constituant un total de j.j.9
pages manuscritesz. Dans l'ensemble, il s'agit de maté-
riaux qui complètent de manière particulièrement efficace
Ies articles parus dans Regnabit et qui, parallèlement,
aident à mieux comprendre une périodè déiisive de la vie
de Guénon, à savoir la période immédiatement antérieure
à son départ pour Le Òaire, le 5 mars L930. Cette méme
correspondance conkibue également - et c,eet l,apremière
fois_quecela advient avec une source aussi sùre - à préci-
ser les relations qu'entretiennent Charbonneau-Lassay et
Guénon. Or ces relations ont fait et font mcore l,obiet dun
intérèt soutenu, mais aussi de certains malentendus et
équivoques plus ou moiru fortuits, coÍune le signataire de
ces lignes a pu le eonstater à plusieurs reprisesl .À,ce pro-
pos, il nous faut dire ici ce que nous devons à un stimulant
échange d'idées, d'opinions et d'informations avec nos
collègues de recherche et amis Stefano Salzani, Jean-pierre
Brach et Jean-PierreLaurant.
Les lettres de Guénon à Charbonneau-Lassav sont aussi
précieuses en ce qu'elles révèlent les liens d,estime et
d'amitié sincères et réciproques qui unissaient les deux
hommes. Le lecteur pouira y ghnèr toutes sortes d,infor-
mations, et plus particulièrement des renseignementssur
différents-aspectsde l'étude des symboles, sujet à propos
duquel Charbonneau-Lassay reconnaissait volontieri à
Guénon < son incontestable autorit# >, mème si, sur des
points imcoúrnts, leurs opinions ont parfois divergé assez
2 Cf. le site Intemet consacré à l'étude
de Louis Charbonneau-Lassav
(http:/ /www.paraclet.org), où la correspondance dont iI est ici que;-
tion est rcprcduite in extefiso,
23 L. Chaibonneau-Lassay, ,,I/iconographie
ancienne du Ceur de
jésus. A propos de deux Iivres récen ts', negwb;t, S A
, 1 lnovemúre 1925),
p. 390; à présent ia îd.., Étuites de symbotiquechrétienne, paris,
Gutenberg Reprints, 1981-1986,2 tomes, (4.I, p. 328).
t.
aa
23
t,
< A vrai dire, je ne suis pas sùr que Ch.-L. [Charborureau-Lassay]
e ait lu tous les travaux de Guénon. Ce qui f intéressaitchez ce demier,
e c'est la notion de l'universalité du sprbolisme dans ies traditions pré-
e chrétiennes et cirétienneT.
"
< C'est lui qui a "évolué", d'ailleurs heureusement pour lui car,
avalt cela, il s'occupait surtout de fai.re tourner les tables, ce qui ne
m'est jamais arivé.
"
I
Molay (demier grand maître des Templiers, 7ZM-731,4)d,e
Cagliostro (1743ot 1,749-1795), de Frèdéric II (1194_1250)
et d'Adam Weishaupt (1248-1830), le fondateur des
n Illuminés de Bavière, lesquels ordonnent la (re)fondation
t- d'un Ordre du Temple. Celui-ci commence à fonctionner
lt avec-un progîamme de quarante-cinq legons, parmi les_
it quelles on retrouve déjà de nombreux ihèmes bbiques du
it "guénonisme" postérieur,de concert avec desiàéàs plus
e c.urieusessur l'origine de la race jaune : elle descenúrait
d'hommes < qui venaient des airs (planèteVénus)
".
A propos de cette affaire, nous sommes pleinement
d'accord avecMassimo Introvigne lorsqu,il affiime que
<<votre propre phrase : "Il n'est pas scheikh et ne peut Pas l'étre;
mais il en a le rang par équivalence, en raison de son madage avec rne
fem:ne qui appartient à Ia descendance du Prophète". Ceci ensuite,
rapproché de la pratique de certains rites islamiques et de la recherche,
non pas seulement des traditions communes à toutes les religions,
pour les rapporter à la n6tre, mais pour en faire, vous le dites, "une
sorte de super-religion", n'y a-t-il pas de quoi se trouver hors de l'Égti-
se catholiqudl ? >
jeunes. Il
" Non, la lecture de R. Guénon n'est pas à conseiller ar:x
dit très souvent des choses d'une incontestablejustesse [...], mais il
conduit en fin de compte à des résultats qui sont palfois déplorabies.
[...] son lecteur peut prendre goùt aux théories de l'auteur et vouloir
lire le reste de sesouvrages, ce qui peut conduire à des déviations d'es-
prit regrcttables. >
37Espri! par
bien des trait+ fort différent de ta véritable ,,obsession
secret" qui paraît auiourd,hui domin*t". du
O;.;;;;;u ;;;;p.",rlru
le fait que Charbormeau-Lassay n,a
nullement hésité à firà, le 19 mars
1933_(documentinédit), au cours de
l" .e*,t"ì-"*"iu?ie'ia'societe
du Rayonnement interlectuel d"
Su;i;;;;-ì", ì"*i" a" r"
Confrérie des Chevaliers du Divin paraclet.
Voir dans f,*rrl*" ao",r_
mentaire les Statuts de la Fratemité
des Chevalilrs À ni.,liii"ru"f",
'"" urièresdela Fratemité
etla Réformation
aì
{ffittu""), i" negt"
B Voir dans l,armexe le docurrrent inédit ,,La
Voie paraclétique,,
--'-a-- rédigé
lfl^!:.:g:r
-' \-r. rnmJotlg,os
enrapentecóre1942.
,,Mystères
schuon, christiqtes,,, ÉtudesTraditionnelles,69
(uin-ju.illet 19aS), pp. lsz:ZcB.
31,
< Je viens d'avoir quelques nouvelles de Nancy par [***l qui y est
allé demièr€ment et qui a vu [***] et quelques-uns de ses amis. [...] tr a
appris que l'abbé Chàtillon venait d'ètre nomné professeur d'histoire
du Moyen Àge à l'Institut Catholique de Paris, et aussi qu'un autre
abbé dont il ne connaît pas le nom, mais qui ne peut évidemnent étre
que l'abbé Gircourt, a des grands projets pour une rénovation de l'éso-
térisme chrétien m général et de l'initiation christique en partictrlier; il
n'est pas diffcile de deviner d'où l'idée lui en est venue. > (lettre inédi-
te de R Guénon, 21 noveribre 1950).
t
35