Cours de Droit International Public

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Université Mohammed V de Rabat


Faculté des Sciences juridiques, économiques et
sociales, Agdal

Cours de droit international public


Année universitaire 2016-2017

Professeur : Mohammed Zakaria ABOUDDAHAB


2

SOMMAIRE

CHAPITRE PREMIER
LA THEORIE DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

CHAPITRE II
LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

CHAPITRE III
LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

CHAPITRE IV
L’ORGANISATION JURIDIQUE DES RELATIONS INTERNATIONALES : LE
SYSTEME DE L’ONU
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CHAPITRE PREMIER : THEORIE DU DROIT INTERNATIONAL

I. Définition du droit international


Ubi Societas, ibi jus : Toute société a besoin du droit et tout droit est un produit social. Telle
est la maxime de base applicable tout autant en matière internationale qu’en matière interne.
De manière simplifiée, l’on peut définir le droit international comme le droit applicable à la
société internationale. On peut aussi parler de « communauté internationale ». Le lien
communautaire serait fondé sur le sentiment (parenté, voisinage ou amitié), alors que le lien
« sociétal » proviendrait des nécessités de l’échange (intérêts).
Il existe donc un lien sociologique entre droit et société.
De manière systématique, le droit international peut se définir comme « l’ensemble des
normes et des institutions destinées à régir la société internationale. Par opposition au droit
international privé (…), le droit international public, même s’il entretient de multiples liens
avec le droit privé, notamment dans le domaine économique, ne s’applique en principe
qu’aux Etats, et, par extension, aux groupements fonctionnels d’un certain nombre d’entre
eux, dotés de personnalité autonome, les organisations internationales intergouvernementales
(OIG) » (Pierre-Marie Dupuy).
Si le droit international public règle les rapports essentiellement interétatiques, le droit
international privé, quant à lui, régit les rapports entre particuliers et personnes morales
privées.
Le droit international est loin d’être homogène. Il est le résultat de la juxtaposition de règles
générales et de règles particulières dont la combinaison est délicate.
L’histoire du droit international peut être divisée en deux grandes périodes. La première va
des origines jusqu’à la révolution française ; c’est la phase de la formation du droit
international. La seconde, elle, commence de 1789 jusqu’à nos jours ; c’est celle de son
développement.
Les objectifs du droit international sont étendus : la recherche de la paix et de la sécurité
internationales, décolonisation, lutte contre le racisme et l’apartheid, le désarmement, la
protection des droits de l’homme, de l’environnement et des ressources naturelles, les
exigences d’un développement rapide… Le droit international général est donc appuyé par un
ensemble de disciplines : droit de la mer, droit de l’espace, droit international économique,
droit international du développement…
II. Analyse doctrinale

A. Le positivisme :
Ses défenseurs entendent se borner à décrire le droit en vigueur. Ils n’admettent donc pas
l’idée d’un droit naturel.

1. Le positivisme volontariste classique :


4

Il se définit par deux traits caractéristiques : il est étatiste et volontariste car il admet que
l’Etat est la source unique du droit et qu’en conséquence, celui-ci ne peut que dépendre de sa
volonté.

2. Le normativisme :
Ses partisans, dont le juriste allemand Hans Kelsen, définissent le droit comme un complexe
ordonné de normes qu’ils assimilent à l’Etat, déduisant de ce postulat l’érosion de la
souveraineté.

3. L’objectivisme sociologique
L’un de ses promoteurs n’est autre que le grand internationaliste Georges Scelle. S’inspirant
de Léon Duguit, Scelle étend la conception solidariste de celui-ci à la société internationale. Il
observe que la solidarité sociale y est le fait d’individus comme dans la société interne. Ainsi,
selon Scelle, il n’existe aucune différence de nature entre la société interne et la société
internationale du moment où elles constituent, toutes les deux, des sociétés d’individus.
Georges Scelle écrivait ainsi : « La société internationale résulte non pas de la coexistence et
de la juxtaposition des Etats, mais au contraire de l’interpénétration des peuples par le
commerce international (au sens large). Il serait bien curieux que le phénomène de la
socialité qui est à la base de la société étatique s’arrêtât aux frontières de l’Etat ».

4. Le Positivisme pragmatique
C’est à partir d’une approche pragmatique que les partisans de ce courant reconnaissent la
valeur explicative de deux notions : la souveraineté de l’Etat, sa soumission au droit
international.

B. Le droit naturel
Philosophiquement, le droit naturel se situe dans le courant antipositiviste et idéaliste. On peut
considérer le juriste hollandais Grotius comme l’un des fondateurs de ce courant qui considère
que la raison naturelle impose certaines règles aux relations humaines, même en dehors de
toute autorité sociale. De telles règles s’imposent aux Etats dans leurs rapports mutuels.
C. Le militantisme juridique
Les auteurs de cette tendance préconisent une méthode d’analyse plus ouverte, imprégnée des
données de la science politique. Selon eux, droit international ne saurait se détacher de la
politique internationale. Autrement dit, le droit a une fonction idéologique. Ainsi, selon
Schwarzenberger, « la fonction principale du droit international est de maintenir la
suprématie de la force et les hiérarchies établies sur la base de la puissance ».

III. Existence du droit international (débat sur le fondement obligatoire du droit


international)
D’aucuns affirmeraient que le droit international n’existe pas (négationnisme). En réalité,
comme le font avancer certains auteurs (Nguyen Quoc Dinh, Alain Pellet, Patrick Daillier),
l’existence du droit international est conditionnée par celle d’une organisation super-étatique
de la société internationale. Or, une organisation pareille est fondamentalement incompatible
avec la souveraineté de l’Etat. En d’autres termes, l’ordre international est encore précaire, en
gestation (en formation). Lui ont fait défaut une organisation trilogique, du moins si on le
compare à l’ordre interne, fondée sur les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. En un
mot, en droit international, il n’existe pas de gendarme, de législateur et de juge (à ne pas
5

prendre ces termes au mot car il existe, bel et bien, un juge international, mais ses décisions
ne sont pas toujours obligatoires).
Cette affirmation devra pourtant être atténuée quand on sait aujourd’hui le développement
phénoménal du droit international, accentué par un mouvement de mondialisation juridique
tous azimuts : extension du réseau conventionnel, développement de la codification
internationale, prolifération des organisations internationales (Organisation Mondiale du
Commerce, Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle…), poussée des intégrations
économiques régionales (Union européenne, MERCOSUR, ALENA…), émergence du droit
international pénal, notamment avec la création de la Cour pénale internationale, extension du
domaine du droit international humanitaire…
Si donc le droit international manque encore d’effectivité, en raison, entre autres, du faible
degré d’intégration juridique de la société internationale, cela ne veut pas dire pour autant que
ce même droit international n’existe pas. En tout état de cause, le droit international ne saurait
être apprécié, on l’a déjà souligné, abstraction faite de la réalité internationale (politique
mondiale). C’est dire que le droit international reflète, en grande partie, les contradictions de
l’ordre international : hétérogénéité des structures, disparités de développement, jeux de
puissance, hégémonisme des grands…
IV. Rapports entre droit international et droit interne

A. Monisme
Les partisans du monisme avancent que le droit international s’applique directement dans
l’ordre juridique des Etats étant donné que leurs rapports sont des rapports d’interpénétration,
rendus possibles par leur appartenance à un système unique fondé sur l’identité des sujets et
des sources du droit. Les monistes récusent toute réception formelle des normes
internationales dans les ordres juridiques internes. En d’autres termes, un traité international
valide a lieu de s’appliquer dans l’ordre juridique interne.

B. Dualisme
Selon les partisans de ce courant doctrinal, il ne peut exister de conflits entre normes relevant
de deux sphères différentes, internationale et interne. En pratique, cette controverse doctrinale
est plus ou moins dépassée. En effet, dans une décision rendue en 1988, la Cour internationale
de Justice a souligné « le principe fondamental en droit international de la prééminence de ce
droit sur le droit interne ». Cette décision est confortée par l’Article 27 de la Convention de
Vienne sur le droit des traités (qualifiée de Traité des traités) qui dispose qu’un Etat ne peut
invoquer des dispositions de son droit interne pour se dérober à une obligation internationale :
« Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-
exécution d’un traité… ».
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Chapitre II : Les sources de droit international

Section I. Les sources classiques1 (sources prévues par l’Article 38 du Statut de la Cour
Internationale de Justice)
Les juristes internationalistes font en général la distinction entre les sources formelles et les
sources matérielles du droit international public. Selon eux, « les sources formelles du droit
sont les procédés d’élaboration du droit, les diverses techniques qui autorisent à considérer
qu’une règle appartient au droit positif. Les sources matérielles constituent les fondements
sociologiques des normes internationales, leur base politique, morale ou économique plus ou
moins explicitée par la doctrine ou les sujets du droit ».
Cette précision étant faite, en droit positif, c’est l’article 38 du Statut de la Cour Internationale
de Justice (CIJ) qui constitue la référence classique en matière de sources en droit
international public2. Toutefois, des sources auxiliaires sont venues compléter la liste initiale.
Il conviendra donc d’en rendre compte.
L’article 38 précité stipule : « La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit
international les différends qui lui sont soumis, applique :
- Les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles
expressément reconnues par les États en litige ;

- La coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme


étant le droit ;

- Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ;

- Sous réserve de la disposition de l’Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine


des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de
détermination des règles de droit.

- La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties
sont d'accord, de statuer ex aequo et bono ».

Il convient ici de préciser qu’en principe, il n’existe pas de hiérarchie entre ces sources ainsi
énumérées. Toutefois, il va de soi que les traités et les coutumes occupent une place
primordiale dans les sources du droit international.

§ Ier – Les Traités : formation conventionnelle du droit international

La référence axiale (centrale) du droit des traités en droit international est la Convention de
Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités3. Ce texte est qualifié de « Traité des traités »

1
On parle aussi de modes traditionnels de formation du droit international.
2
Ce Statut fait partie intégrante de la Charte des Nations Unies.
3
Cette convention est complétée par d’autres textes, notamment la Convention de Vienne sur les traités conclus
par les organisations internationales de 1986.
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en ce sens qu’il porte sur une matière substantielle du droit international. Il est donc
nécessaire de s’aligner, en grande partie, sur cette convention pour fournir les éléments
nécessaires à la compréhension de ce thème.

A. Définition et terminologie
De manière coutumière, le traité se définit comme « tout accord conclu entre deux ou
plusieurs sujets du droit international, destiné à produire des effets de droit et régi par le
droit international ».
L’article 2 de la Convention de Vienne précitée dispose en son paragraphe 1, alinéa a) :
« L’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre Etats et
régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou
plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ».

Il existe une pluralité de termes pour désigner le lien conventionnel : traité, accord,
convention, constitution (comme pour le cas de la Constitution de l’Organisation
internationale du travail), pacte, charte, échange de lettres, échange de notes, protocole… Une
telle richesse terminologique renseigne sur la complexité de la matière conventionnelle.

Un traité implique donc la conclusion d’un accord (concours de volontés entre les parties à
l’accord) portant sur une matière de droit international (délimitation d’une frontière,
règlement d’un litige international, élaboration d’un régime international…). Pour qu’il y ait
traité, il est impératif que les parties soient des sujets de droit international, c’est-à-dire des
Etats ou des organisations internationales intergouvernementales. Tout accord international
engendre des effets juridiques à la charge des parties. De tels effets juridiques sont
contraignants (force obligatoire). Si le traité est régi essentiellement par le droit international,
cela ne veut pas dire qu’il n’interfère pas avec le droit interne.

La Convention de Vienne précitée (qui est complétée par une Convention similaire en date de
1986 portant sur les traités conclus par les organisations internationales) définit le traité
comme un accord conclu par écrit. Par traité, il convient de désigner à la fois le contenu de
l’accord conclu entre les parties (negocium) et l’instrument formalisant cet accord
(instrumentum).

B. Classification des Traités

Il existe plusieurs classifications des traités. La plus courante est celle qui distingue les traités-
lois des traités-contrats. Les premiers seraient des accords normateurs, c’est-à-dire créateurs
de normes (par exemple, Convention de Montego Bay sur le Droit de la mer), alors que les
seconds porteraient sur des transactions. En vérité, cette distinction est à nuancer en ce sens
que, juridiquement, tous les traités portent sur des transactions quand on sait qu’ils impliquent
une négociation. En outre, tout traité pose en principe une série de normes ou de règles à
respecter. Toutefois, il est certain que plusieurs conventions internationales, compte tenu de
l’ampleur de la matière sur laquelle elles portent, édictent des règles de comportement à
observer par les sujets de droit international.

Il existe d’autres distinctions de traités. Ainsi en est-il des traités généraux et des traités
spéciaux, des traités normatifs (traités qui fixent des règles de comportement) et des traités
constitutifs d’organisations internationales (traités qui établissent des structurent et
déterminent leurs modalités de fonctionnement), des traités bilatéraux (conclus entre deux
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parties) et des traités multilatéraux ou plurilatéraux (conclus entre plusieurs parties), traités en
forme solennelle (signature + ratification) et traités en forme simplifiée (signature seulement).

C. Régime juridique des traités

Nous examinerons successivement la conclusion des traités, leur validité, leur application et
leur extinction. L’approche sera forcément succincte et synthétique (pour plus de détails,
voir complément du cours).

1. Conclusion des traités

La conclusion d’une convention est une opération complexe car elle réunit plusieurs
éléments :
- Adoption du texte et son authentification ;
- Décision de l’Etat de consentir à être lié par le traité ;
- Notification internationale de cette décision au Secrétariat général des Nations Unies
en vertu de l’Article 102 de sa Charte (un traité qui ne respecte pas cette procédure ne
peut être invoqué devant une instance internationale comme la Cour Internationale de
Justice) ;
- Entrée en vigueur du traité, conformément à ses dispositions, à l’égard des Etats qui
ont exprimé leur consentement à y être liés.

La conclusion d’un traité est une expression de souveraineté en même temps que son exercice.
En créant des obligations à la charge des sujets de droit international, tout traité est une source
de limitation de leurs compétences. L’autorité étatique compétente pour conclure les traités
est souvent un ministre plénipotentiaire. On parle aussi de Treaty Making Power.

 La signature d’un traité engendre trois types de conséquences 4.

- Premièrement, elle entraîne l’authentification du texte du traité, opération matérielle


qui consiste à vérifier, pour les négociateurs, l’identité du traité et sa conformité à leur
volonté ainsi exprimée. A ce stade, le paraphe peut se substituer à la signature lorsque
certains Etats n’ont pas donné à leurs représentants les pleins pouvoirs pour signer ou
quand un doute subsiste quant à l’acceptation définitive de tel ou tel Etat. En tout état
de cause, une fois paraphé ou signé, le traité devient définitif du moment où il est
authentifié.
- Deuxièmement, la signature exprime le consentement de l’Etat à être lié par le traité.
- Troisièmement, la signature engendre des obligations de comportement. En ce sens,
l’Article 18 de la Convention de Vienne stipule : « Un Etat doit s’abstenir d’actes qui
priveraient un traité de son objet et de son but : a) Lorsqu’il a signé le traité ou a
échangé les instruments constituant le traité sous réserve de ratification,
d’acceptation ou d’approbation, tant qu’il n’a pas manifesté son intention de ne pas
devenir partie au traité ; ou b) Lorsqu’il a exprimé son consentement à être lié par le
traité, dans la période qui précède l’entrée en vigueur du traité et à condition que
celle-ci ne soit pas indûment retardée ».

 La ratification

4
Cf. Ferhat HORCHANI, Les sources du droit international public, Editions LGDJ, Paris, 2008, p. 104.
9

La ratification constitue la procédure définitive qui confère aux traités leur pleine validité.
C’est à la suite de la ratification que la responsabilité de l’Etat peut être engagée
postérieurement. La ratification est donc un acte solennel liant définitivement l’Etat.

Il convient ici de mentionner le cas spécifique des accords en forme simplifiée qui ne
requièrent pas la ratification. Ces accords (executive agreement) deviennent obligatoires par la
simple signature5.

2. Conditions de validité

Conformément à la Convention de Vienne, les traités, pour qu’ils soient valides, doivent
répondre à des conditions de forme et à des conditions de fond.

Concernant les conditions de fond, les traités exigent :

a) La capacité des parties. Ainsi, dans un Etat des régions, la question de la personnalité
juridique internationale des régions autonomes se pose. De même, un mouvement de
libération nationale n’a pas la personnalité juridique internationale lui conférant le
droit ou la capacité juridique de conclure des accords internationaux tant qu’il ne s’est
pas constitué en Etat indépendant répondant aux critères exigés par le droit
international.

b) Un consentement non vicié. Comme pour le droit civil (matière contractuelle), le


droit des traités exige que les parties expriment un consentement exempt de tout vice.
Par vice de consentement, la Convention de Vienne entend :

- La violence : nullité des traités dont la conclusion a été obtenue par la menace ou
l’emploi de la force (art. 52).

- Le dol : c’est-à-dire la conduite frauduleuse d’une partie constitue, aux termes de


l’Article 49 de la Convention de Vienne, un vice du consentement.

- L’erreur. Ainsi, le paragraphe premier de l’Article 48 dispose : « Un Etat peut


invoquer une erreur dans un traité comme viciant son consentement à être lié par le
traité si l’erreur porte sur un fait ou une situation que cet Etat supposait exister au
moment où le traité a été conclu et qui constituait une base essentielle du
consentement de cet Etat ».

- Absence de corruption de l’agent diplomatique chargé de négocier (représentant de


l’Etat). Selon l’Article 50 de la Convention, « Si l’expression du consentement d’un
Etat à être lié par un traité a été obtenue au moyen de la corruption de son
représentant par l’action directe ou indirecte d’un autre Etat ayant participé à la
négociation, l’Etat peut invoquer cette corruption comme viciant son consentement à
être lié par le traité ».

5
Par exemple, le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ou General Agreement On
Tarrifs And Trade), au moment de son entrée en vigueur en 1948 (signé le 30 octobre 1947), était un accord en
forme simplifié car il n’a pu être ratifié par les Etats parties (Parties Contractantes). Ce n’est qu’en avril 1994,
que le GATT a été remplacé par l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), celle-ci étant un traité en bonne
et due forme signé puis ratifié par les Etats membres, pour ensuite entrer en fonction dès le 1 er janvier 1995.
10

c) Un objet licite. Ainsi, un traité portant sur l’esclavage est nul et non avenu. En outre,
aux termes de l’Article 53 de la Convention de Vienne, tout traité incompatible avec
une norme impérative devra être écarté ou du moins modifié. Plus exactement,
l’Article précité dispose : « Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en
conflit avec une norme impérative du droit international général. Aux fins de la
présente Convention, une norme impérative du droit international général est une
norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son
ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut
être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le
même caractère ».

En général, toutes les règles en rapport avec le droit international pénal relèvent de cette
catégorie : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, entre autres.

Pour ce qui est des conditions de forme, elles ont trait notamment à la validité de la signature,
à la procédure de la ratification par les organes internes habilités à le faire et à la notification
de l’accord international à l’ONU comme on l’a vu précédemment.
Qu’il s’agisse des conditions de fond ou des conditions dites formelles, les traités
internationaux conclus régulièrement doivent être exécutés de bonne foi. C’est l’application
du principe Pacta Sunt Servanda dont le libellé est prononcé par l’article 26 aux termes
duquel « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».

3. Les réserves aux traités

Elles font l’objet des articles 19 à 23 de la Convention. Un Etat, au moment de signer, de


ratifier, d’accepter, d’approuver un traité ou d’y adhérer, peut formuler une réserve, à moins
que :
- la réserve ne soit interdite par le traité ;
- que le traité ne dispose que seules des réserves déterminées, parmi lesquelles ne figure
pas la réserve en question, peuvent être faites ;
- que la réserve ne soit incompatible avec l’objet et le but du traité.

Il convient ici de faire la distinction entre une réserve et une déclaration interprétative. Celle-
ci a pour objet non pas d’exclure ou de limiter l’application d’une disposition mais seulement
de préciser le sens de celle-ci.

Une réserve expressément autorisée par un traité n’a pas à être ultérieurement acceptée par les
autres Etats contractants, à moins que le traité ne le prévoie. Elle peut être formulée à
n’importe quel moment de la conclusion du traité : signature, ratification, acceptation,
approbation ou adhésion.

Une réserve peut à tout moment être retirée sans que le consentement de l’Etat qui a accepté
la réserve soit nécessaire pour son retrait.

4. Les effets des traités

Pacta sunt servanda a été d’abord un principe coutumier avant qu’il ne soit codifié par la
Convention de Vienne.
11

Une fois entré en vigueur, le traité régulièrement conclu commence à produire ses effets
juridiques à l’égard des parties. En outre, certains traités internationaux peuvent produite des
effets à l’égard des tiers (opposabilité des dispositions du traité à leur égard).

a) Les effets entre les parties

C’est l’application du principe de la relativité des traités. Autrement dit, le traité ne produit
en principe d’obligation qu’à l’égard des parties qui les ont acceptées. Selon l’article 35 de la
Convention de Vienne, un Etat ne peut se prévaloir d’une convention signée par d’autres Etats
pour en tirer des droits et ne peut être obligé par une telle convention sauf acceptation par
écrit.

Néanmoins, un traité peut produire des obligations à l’égard des tiers ou profiter à ces Etats
(s’il en s’agit ainsi). Ainsi, les traités portant sur les voies de communication internationales
bénéficient automatiquement à tous les Etats. Il en est de même des traités prévoyant la
fameuse clause de la nation la plus favorisée prévue notamment dans les accords
commerciaux internationaux (octroi par un Etat d’avantages inconditionnels sous forme de
concessions commerciales à tous les Etats membres de l’OMC).

b) Les effets à l’égard des tiers

D’autres traités créent des obligations à l’égard des Etats. Ainsi en est-il des accords créant un
statut territorial ou politique international, les traités relatifs aux voies de communications
internationales (obligeant tous les Etats riverains et intéressés) et des conventions
multilatérales formulant des normes qui ne sont que la codification de la coutume. On
soulignera ici que les traités qui édictent des normes erga omnes (comme les conventions en
matière de droit international humanitaire) sont opposables à l’égard de tous (arrêt de la
Barcelona Traction de 1970).

5. La fin des traités

Les traités disparaissent par voie d’extinction, par exemple l’arrivé à terme d’un traité qui
devait courir pendant une durée déterminé. On peut également songer à la situation où un
traité cesse (pour un Etat par exemple) à la suite de sa dénonciation ou le retrait d’une partie
d’un traité instituant une organisation internationale (exemple, retrait du Maroc de
l’Organisation de l’Unité Africaine en 1984). Un traité peut de même être frappé de caducité à
la suite de la survenance d’un événement pouvant affecter la substance dudit traité. En outre,
le changement des circonstances initiales peut être un motif suffisant pour la modification
d’un traité ou sa cessation (clause rebus sic stantubus).

Les traités peuvent également faire l’objet d’une révision (on parle aussi d’amendement) sans
qu’il ne soit mis fin à leur existence juridique.

Il reste à préciser que l’inapplication, par un Etat partie, d’une obligation résultant de ses
engagements conventionnels entraîne le déclenchement de sa responsabilité internationale.
Lorsqu’il y a un conflit entre deux ou plusieurs Etats sur le sens à attribuer aux dispositions du
traité, celui-ci peut faite l’objet d’une interprétation, œuvre essentiellement du juge
international. L’interprétation se fait en prenant en considération l’objet et le but du traité,
ainsi que son contexte. En tout état de cause, l’interprétation ne saurait dénaturer la volonté
initiale des cocontractants ; elle a seulement pour but d’éclairer la ou les disposition/s objet du
12

conflit. L’esprit de la norme devra donc rester intact. La Convention de Vienne stipule à cet
égard en son article 31 : « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à
attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ».

§ II - La coutume : formation non conventionnelle du droit international

Source non écrite, la coutume est considérée par la Convention de Vienne comme une preuve
d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit. La coutume est en même temps un
processus social et son résultat. Elle comporte deux éléments. Un élément matériel (la
pratique générale) et un élément psychologique (opinio juris). Dans l’affaire du Lotus (Cour
Permanente de Justice Internationale "CPJI", 1927), la CPJI (à ne pas confondre avec la Cour
Internationale de Justice qui n’a vu le jour qu’en 1945), a souligné que la coutume est le
produit de l’assentiment (accord) des Etats ; elle constitue de ce fait une sorte de traité tacite.
Plus tard, la CIJ a employé plusieurs expressions pour désigner la coutume. Ainsi, a-t-elle
évoqué les expressions suivantes : « expression d’une règle objective » (Affaire Nottebohm,
1955), « nécessité logique » (Affaire du Plateau continental de la mer du nord, 1969), etc.

Par pratique (usage), il faut entendre plusieurs manifestations de volonté : actes étatiques
comme la pratique diplomatique, actes interétatiques comme les traités bilatéraux… La
coutume doit se répéter dans le temps ; c’est ainsi que la CIJ parle d’ « usage constant et
uniforme » dans l’affaire de la Haya de la Torre (1950).

On distingue plusieurs types de coutumes : coutumes universelles (champ d’application


étendu), coutumes régionales (nombre limité d’Etats) et coutumes locales (n’intéressant que
deux Etats).

Quant à l’élément psychologique de la coutume (opinio juris), il faut que la coutume exprime
une pratique ressentie comme étant obligatoire.

La coutume internationale peut faire l’objet d’une codification. A l’heure actuelle, c’est
l’ONU qui supervise cette opération particulièrement nécessaire au développement du droit
international. Il faudra ici citer le rôle pionnier joué en la matière par la Commission du droit
international (créée en 1947) et la Commission des Nations Unies pour le droit commercial
international (fondée en 1966). Ces deux organes dépendant de l’Assemblée générale des
Nations Unies. D’ailleurs, le domaine de la lex mercatoria (loi des marchands) est le champ
de prédilection du développement de la codification des usages commerciaux dans les
échanges internationaux (Incoterms : termes usuels en commerce international). Le principe
de pacta sunt servanada est, par excellence, un principe d’ordre coutumier. La notion de zone
économique exclusive a été d’abord une règle coutumière avant qu’elle ne soit consacrée par
la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer.

§ III – Les autres sources

Par les autres sources, il faut entendre les principes généraux de droit, la jurisprudence, la
doctrine et l’équité.

A. Les principes généraux de droit (PGD)

Entre la coutume et les PGD, la frontière n’est pas nette. Ces principes dépendent toutefois
moins de la pratique des Etats. Généralement, on qualifie, si l’on croit le grand
13

internationaliste Prosper Weil, de principes des normes ayant un caractère plus général et plus
fondamental, relevant plus ou moins de la technique des standards. Par exemple, le principe
de la primauté du traité sur le droit interne est un principe général de droit. Il en est de même
du principe du respect de l’autorité de la chose jugée ou celui de l’uti possidetis (intangibilité
des frontières).
Ces principes sont consacrés par les droits nationaux. Ils font donc partie de l’ordre juridique
positif. Ils existent des PGD qui ont une valeur coutumière comme par exemple la Déclaration
adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1962 portant sur la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles. Les dispositions contenues dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme de 1948 ont valeur de PGD.

B. La jurisprudence et la doctrine

Si la jurisprudence peut inspirer le juge international, elle ne lui est pas imposable en
l’absence de la règle dite du précédent (qu’on trouve dans certains droits nationaux anglo-
saxons). Les décisions arbitrales ou judiciaires peuvent ainsi contribuer à la formation de la
coutume par leur valeur de précédents. Elles peuvent aussi contenir l’expression de la
coutume internationale. Ainsi en est-il de l’affaire Nottebohm (déjà citée) laquelle a souligné
la règle de l’effectivité en matière de nationalité.

La doctrine est le produit des efforts théoriques et pratiques des spécialistes du droit
international. Elle ne constitue pas une source directe du droit international, mais on ne saurait
lui dénier toute importance. Par un travail d’analyse et de synthèse, la doctrine favorise en
effet l’élaboration du droit positif.

C. L’équité

David Ruzié écrit au sujet de cette source subsidiaire du droit : « Le recours à l’équité vise à
appliquer les principes d’une justice idéale à une espèce donnée (intuition de ce qui est juste).
En dépit des incertitudes quant au contenu exact de l’équité et des variantes de terminologie
(exemple ex aequo et bono, amiable compositeur), cette notion est appliquée dans la société
internationale. Elle ne constitue pas à proprement parler une source du droit ». A ce titre, des
clauses spéciales dites de jugement en équité peuvent figurer dans les compromis par lesquels
les paries saisissent le juge ou l’arbitre, surtout dans ceux relatifs aux litiges d’ordre territorial
ou portant sur la responsabilité (N. Quoc Dinh et al.). Le juge recourt à l’équité pour combler
les lacunes du droit (on dit qu’il statue contra legem).

Section II : Les sources non prévues par l’Article 38 du Statut de la Cour Internationale
de Justice

Il s’agit essentiellement des actes unilatéraux, expression de volonté d’un sujet de droit
international, tendant à créer des effets de doit. Par acte unilatéral, il faut entendre l’acte
imputable à un seul sujet du droit international. On distingue les actes unilatéraux adoptés par
les Etats et les actes unilatéraux adoptés par les organisations internationales.

§ I – Les actes unilatéraux des Etats

Les actes unilatéraux sont des manifestations unilatérales de volonté, émises sans le moindre
lien avec un traité ou une coutume. De tels actes satisfont à la condition d’autonomie car leur
14

validité ne dépend pas de leur compatibilité avec un autre acte juridique. On peut citer une
série d’actes juridiques qui répondent à cette définition : notification, reconnaissance,
protestation, renonciation, promesse. En ce sens, les actes unilatéraux étatiques jouent un rôle
décisif pour l’élaboration et l’application du droit international.

§ II – Les actes unilatéraux des organisations internationales

Les organes des organisations internationales peuvent adopter des résolutions, des
recommandations, des décisions, des avis consultatifs, rendre des arrêts ou des jugements. La
caractéristique de ces actes est qu’ils constituent des actes unilatéraux.

L’ensemble de ces actes constituent des sources du droit international. Toutefois, leur valeur
ne saurait atteindre cette des traités ou de la coutume.
15

Chapitre III : Les sujets du droit international

Une entité (Etat, Organisation internationale…) est qualifiée de sujet de droit international
lorsqu’elle est dotée par ce même droit d’un ensemble de droites et d’obligations, ainsi que
des capacités nécessaires à leur exercice.
A l’heure actu elle, seuls les Etats et les organisations internationales bénéficient de cet
attribut les qualifiant donc à exercer des compétences internationales tout en supportant des
obligations. Quant aux autres acteurs des relations internationales (ONG, entreprises privées,
individus…), leur personnalité juridique est limitée. En tout état de cause, ils ne sauraient être
qualifiés de sujets de droit international au sens vrai du terme. Quant à l’individu, certains
systèmes régionaux lui reconnaissent directement des droits, comme pour le cas de l’Europe
(Conseil de l’Europe, Union européenne…). De même, en matière pénale internationale,
l’individu est directement responsable des actes incriminés qu’il pourra commettre (crimes
contre l’humanité, crimes de guerre…). Mais ce sont des évolutions à peine amorcées qui
appelleraient peut-être à l’avenir une révision de la définition classique des sujets du droit
international.
Nous exposerons, tour à tour, les principaux sujets de droit international.

Section I : L’Etat : sujet principal du droit international


L’Etat est un phénomène polico-social. Son existence est conditionnée par la réunion de trosi
éléments constitutifs : un territoire, une population et un pouvoir politique organisé. Mais en
tant que phénomène juridique, l’Etat devra disposer d’un critère, à savoir le critère de
souveraineté. Celle-ci est synonyme d’indépendance de l’Etat (sentence Max Huber).

§ Ier – Détermination des compétences de l’Etat


La compétence se définit comme « le pouvoir juridique, conféré ou reconnu par le droit
international à un Etat, de connaître d’une affaire, de prendre une décision, de faire un acte,
d’accomplir une action » (David Ruzié). Souvent, le terme juridiction est utilisé pour désigner
la même réalité.
Cela dit, les juristes conviennent pour reconnaitre que la compétence de l’Etat s’exerce sur
des individus ou sur des engins (compétence personnelle). Elle s’exerce aussi sur des services
organisés (compétence à raison des services) et sur l’espace, c’est-à-dire le territoire organisé
(compétence territoriale).

A. Les compétences territoriales


Les compétences territoriales de l’Etat tiennent leur caractère de la double nature du territoire
de l’Etat. Celui-ci est d’abor un objet, c’est-à-dire un bien sur lequel l’Etat peut exercer des
droits réels (pour reprendre une catégorie habituelle en droit privé). Le territoire de l’Etat est
aussi un espace habité par une population à l’égard de laquelle le gouvernement de cet Etat
peut exercer son autorité. La compétence territoriale s’entend donc comme « l’aptitude de
l’Etat à exercer son autorité conformément au droit international, aussi bien sur les biens que
sur les situations, les personnes et les activités placées ou exercées à l’intérieur de son
territoire » (Pierre-Marie Dupuy).
16

A l’intérieur donc de son territoire, l’Etat souverain exerce l’ensemble des pouvoirs qui
s’attachent à sa qualité d’autorité publique. Il assume donc toutes les fonctions nécessaires à
l’organisation de la vie propre à la collectivité humaine établie sur ce territoire.
La compétence territoriale se définit comme la pouvoir juridique d’un Etat d’agir dans
l’espace qui constitue son territoire. La souveraineté territoriale implique que l’Etat tire sa
compétence de son territoire. Cette souveraineté est caractérisée par sa généralité (large
gamme de compétences, législative, administrative, juridictionnelle…) et son exclusivité (non
ingérence dans les affaires intérieures de la part des Etats étrangers, interdiction des actes de
contrainte de la part des Etats étrangers…). La souveraineté ne confère pas seulement que des
droits ; elle engendre aussi des obligations. Parmi ces obligations, figurent entre autres
l’obligation d’assurer aux étrangers l’exercice effectif de leurs droits conventionnels en
application de la clause du traitement national, l’obligation de vigilance à l’égard d’actes
nuisibles à des étrangers, obligation de ne pas tolérer sur son territoire des actes portant
atteinte à la sécurité des Etats étrangers (droit à l’intégrité et à l’inviolabilité), le principe de
l’utilisation non dommageable du territoire.
Exclusivité et généralité de la souveraineté territoriale se complètent. Elles permettent à l’Etat
d’assumer la pleine maîtrise des utilisations de son territoire, y compris le droit d’en interdire
l’accès.

B. La compétence personnelle
La compétence personnelle est le pouvoir juridique reconnu à un Etat d’agir à l’égard de ses
nationaux se trouvant à l’étranger en leur donnant des ordres, en réglant leur statut personnel
et en exerçant vis-à-vis d’eux sa protection. C’est ici qu’entre jeu la nationalité définie comme
le lien juridique qui rattache une personne à un Etat. La compétence personnelle confère aussi
à l’Etat le droit de légiférer à l’égard des nationaux et de les protéger à l’étranger dans le
cadre de la protection diplomatique. Quant aux agents diplomatiques (ambassadeurs,
consuls…), ils bénéficient d’une immunité diplomatique. Bien entendu, quand un agent
diplomatique est déclaré persona non grata, en raison d’une activité illicite qu’il a commise,
il est expulsé de l’Etat de séjour.
Lorsqu’il est question de compétence personnelle, des problématiques comme celle ayant trait
à l’autodétermination se pose. La population étant un élément clé de la souveraineté de l’Etat.
Mais beaucoup de problèmes se posent au niveau des populations appelées à s’autodéterminer
conformément à l’article premier, paragraphe 2, de la Charte des Nations Unies et, surtout, à
la résolution 1514 de l’Assemblée générale adoptée en décembre 1960. A l’heure actuelle, 16
territoires non autonomes sont inscrits dans la liste du Comité de décolonisation (Quatrième
Commission de l’Assemblée générale). Le « Sahara occidental » en fait partie, mais la
démarche actuelle de l’ONU tend vers la recherche d’une solution politique à ce problème sur
la base de négociations que mènent, depuis 2007, le Maroc et le Polisario, en présence de
l’Algérie et de la Mauritanie.

C. Compétence de l’Etat à raison des services publics


Sans trop s’attarder sur cet aspect, qui se coupe avec des matières de droit public interne (droit
constitutionnel, droit administratif…), notons que la compétence de l’Etat à raison des
services publics se définit comme « le pouvoir juridique reconnu à un Etat d’exercer son
action même à l’étranger et à l’égard d’étrangers pour ce qui concerne ses services publics ».
Cette notion est à ne pas confondre avec celle de compétence universelle, en vertu de laquelle
un Etat peut édicter des lois pouvant viser des non nationaux ayant commis des infractions
17

dans leurs pays. Mais il s’agit d’infraction graves ayant trait par exemple aux crimes contre
l’humanité. La compétence universelle a suscité beaucoup de polémique car elle ignore les
cadres classiques de la souveraineté, notamment la territorialité. Toutefois, avec l’entrée en
vigueur de la Cour pénale internationale en 2002, la loi de compétence universelle a été en
quelque sorte récupérée par cette organisation. En tout état de cause, une loi de compétence
universelle ne peut viser un responsable gouvernemental en fonction (arrêt Yerodia). Quant au
mandat d’arrêt délivré à l’encontre du président soudanais Omar Al Bachir, il a été émis suite
à une résolution du Conseil de sécurité et non pas par le propre chef de la Cour pénale
internationale. Il n’en demeure pas moins que la justice pénale internationale est un concept à
forte dose politique (concept politisé). Il suffit de se demander pourquoi le Conseil de sécurité
n’a pas adopté une résolution similaire visant les responsables israéliens impliqués dans des
crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à l’occasion de l’offensive sur Gaza en
décembre 2008.

§ II – La répartition des espaces étatiques


Cf. Emmanuel Decaux, Droit international public, Editions Dalloz, Paris, 2006, pp. 127-132.
En gros, l’exercice de la souveraineté de l’Etat s’effectue à l’intérieur d’un territoire organisé,
et ce à un triple niveau, terrestre, maritime et aérien.

A. L’espace terrestre
L’un des problèmes récurrents qui se sont posés en ce qui concerne les espaces terrestres, est
celui de la détermination/délimitation des frontières. Généralement, le principe consacré pour
éviter des conflits potentiels est celui de l’intangibilité des frontières (uti possidetis juris). Par
ailleurs, il existe des espaces où aucune souveraineté exclusive ne peut y être exercée ; ce sont
les patrimoines communs de l’humanité (Arctique, Antarctique, espace extra-atmosphérique,
haute mer…).
La sécurité juridique implique donc une délimitation du territoire, avec le tracé des frontières.
En la matière, deux opérations sont distinguées : la détermination (opération juridique) et la
démarcation (opération physique). Il est rare, surtout en Afrique et en Amérique latine, que la
frontière corresponde à un traçage fondé ; d’où une forte propension aux conflits
interethniques ou de type frontalier6.

B. L’espace maritime
Le droit de la mer a pris beaucoup de temps avant qu’il ne soit codifié. En 1982, la
Convention de Montego Bay a été conclue. L’un des principes consacrés par la Convention
figure notamment celui de Mare Liberum (liberté des mers) posé, pour la première fois, par le
grand juriste hollandais Grotius au XVII siècle. La Convention précitée fixe l’espace maritime
ainsi : « Tout Etat a le droit de fixer la largeur de sa mer territoriale : cette largeur ne dépasse
pas 12 milles marins mesurés à partir de lignes de case établies conformément à la
Convention » (Article 3). La Convention de Montego Bay instaure le principe du « passage
inoffensif » des navires étrangers (Article 16, § 4).

6
Voir par exemple, l’affaire de la délimitation frontalière entre le Burkina Faso et le Mali (CIJ, 1986), l’affaire
de la bande d’Aouzou entre la Lybie et le Tchad (CIJ, 1994), le contentieux territorial entre le Cameroun et le
Nigeria (depuis 1994), celui entre le Bénin et le Niger depuis 2002 ou encore entre le Honduras et El Salvador
(CIJ, 1992).
18

La zone économique exclusive prolonge la mer territoriale. D’une étendue de 200 milles
marins à compter des lignes de base, elle se définit comme la partie de mer où l’Etat possède
des droits souverains, notamment en matière économique. Parfois, des chevauchements entre
Etats voisins sont inévitables. Pour éviter d’éventuels conflits, la Convention a édicté un
certain nombre de principes, ont celui de l’équité. La Convention a également consacré la
notion de Plateau continental. Celui-ci est le prolongement continu du continent sous la mer,
mais il est interrompu par des failles océaniques. Juridiquement, il est constitué de l’ensemble
des fonds marins se situant à l’intérieur de la zone économique exclusive (Article 76).

C. L’espace aérien
L’espace aérien est le prolongement naturel de l’espace terrestre et maritime de l’Etat
souverain. Tout comme pour l’espace maritime, la souveraineté de l’Etat en matière aérienne
est tempérée par des principes visant à assurer la liberté de navigation aérienne (libertés de
l’air consacrées par la Convention de Chicago de 1944) pour les aéronefs civils. En la matière,
il convient de citer le rôle joué par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)
créée en 1944 en vertu de la Convention de Chicago en plein contexte de guerre mondiale.
Bien entendu, les Etats peuvent conclure entre eux des accords bilatéraux pour établir des
lignes commerciales stables.
Section II : Les organisations internationales : des sujets dérivés
§ I – Définition et attributions
Au plan international, seul l’Etat possède la souveraineté, fondement ultime de la personnalité
internationale. Ces Etats peuvent conférer à des entités des attributs proches de la
souveraineté sans pour autant s’y confondre complètement. Il s’agira alors de créer des
organisations internationales capables d’agir juridiquement au plan international. On parlera
lors volontiers de sujets dérivés de droit international en ce sens que la personnalité juridique
des organisations internationales découle de la volonté des Etats qui les ont créées.
Classiquement, l’organisation internationale intergouvernementale se définit comme « une
association d’Etats constituée par traité, dotée d’une constitution et d’organes communs, et
possédant une personnalité juridique distincte de celle des Etats membres » (définition
proposée par la Commission du droit international). En tant que sujet du droit international,
l’organisation internationale secrète son propre droit (actes unilatéraux). On parlera tantôt de
droit originaire (ou primaire pour le cas de l’Union européenne) tantôt de droit dérivé, selon
les circonstances. Le premier découle de son traité constitutif (ou charte fondatrice), le second
de la pratique (par exemple celle de organes de l’organisation comme la production
jurisprudentielle). Le droit sécrété par les organisations internationales s’assimile aux
compétences normatives de celles-ci, alors que les compétences opérationnelles désignent
tous les pouvoirs d’action de ces organisations autres que l’édiction des normes.
Chaque institution internationale est organisée en fonction de sa structure propre. En la
matière, il n’y a pas photo. Généralement, les organisations internationales comptent des
structures de type, Conférence ministérielle (OMC), Conseil général ou d’administration
(Banque Mondiale), Conseil des gouverneurs (FMI), Secrétariat général ou exécutif
(CNUCED)…
Le droit des organisations internationales est un thème étendu comprenant des sujets aussi
variés que le droit de participation à ces organisations (accession, adhésion, souscription au
budget, statut d’observateur reconnu à certaines entités comme les mouvements de libération
19

nationale…), que le droit de retrait de ces mêmes organisations, la révision de leurs traités
constitutifs, la fonction publique internationale, l’immunité diplomatique reconnue aux agents
des organisations internationales, la coopération entre les organisations internationales, le
droit auquel sont assujetties les organisations internationales… Le principe de spécialité (dit
aussi de subsidiarité) demeure au cœur du fonctionnement des organisations internationales en
ce sens que celles-ci doivent agir dans le cadre juridique délimitant leurs compétences
respectives afin d’éviter les chevauchements et les duplicatas inutiles des efforts. Au fond, les
organisations internationales s’assimilent à un service public.

§ II – Typologie
Il n’existe pas un critère unique ou exclusif de classification des organisations internationales.
Mais en général, il est de coutume de distinguer les organisations de coopération (par exemple
le Fonds Monétaire International) des organisations d’intégration (comme l’Union
européenne), les organisations universelles (par exemple l’ONU) et les organisations
régionales ou continentales (par exemple l’Union Africaine), les organisations à vocation
générale (par exemple la Banque Mondiale) et les organisations à vocation technique ou
spécialisée (par exemple l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et
l’Agriculture)…
Il existe à l’heure actuelle un nombre considérable d’organisations internationales dans des
matières aussi diverses que la monnaie (Fonds Monétaire International), le développement
(Banque Mondiale), le commerce (L’Organisation Mondiale du Commerce), la propriété
intellectuelle (L’Organisation Mondiale de Propriété Intellectuelle), le travail (L’Organisation
Mondiale du Travail), les douanes (L’Organisation Mondiale des Douanes)… L’Organisation
des Nations Unies reste l’institution la plus universelle et la plus étendue des organisations
internationales intergouvernementales.

Chapitre IV : L’organisation juridique des relations internationales : le système de


l’ONU
Un cours introductif de droit international devra réserver une place à l’une des organisations
internationales les plus centrales : l’Organisation des Nations Unies. Vous trouverez déjà des
éléments essentiels dans le complément de cours dont vous disposez. Ce qui est à retenir ici,
ce sont deux aspects fondamentaux qu’on retrouve d’ailleurs dans les textes fondateurs ou
dans le site Internet de cette institution.
Les étudiants doivent donc connaitre les principes et les buts de l’ONU ainsi que sa structure
organisationnelle. Pour ce faire, les développements qui suivent sont calqués sur les données
fournies par les textes eux-mêmes. L’idée était que les étudiants travaillent directement sur les
textes onusiens, en particulier la Charte de l’ONU. En tout état de cause, le livre d’Emmanuel
Decaux comporte des développements suffisants pour ce thème (voir les pages 153-188).

Section I : Les buts et les principes de l’ONU (une démarche textuelle)


Article 1
« Les buts des Nations Unies sont les suivants :
20

1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures


collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de
réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens
pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international,
l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international,
susceptibles de mener à une rupture de la paix ;

2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe
de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre
toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ;

3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux


d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en
encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous,
sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ;
4. Etre un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.

Article 2
L’Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à
l’Article 1, doivent agir conformément aux principes suivants :
1. L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres.

2. Les Membres de l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et


avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les
obligations qu'ils ont assumées aux termes de la présente Charte.

3. Les Membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens
pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice
ne soient pas mises en danger.

4. Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de


recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les
buts des Nations Unies.

5. Les Membres de l’Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action
entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente Charte et
s’abstiennent de prêter assistance à un Etat contre lequel l’Organisation entreprend une
action préventive ou coercitive.

6. L’Organisation fait en sorte que les Etats qui ne sont pas Membres des Nations Unies
agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la
paix et de la sécurité internationales.
21

7. Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir


dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni
n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de
règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien
atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII (c’est-à-dire
l’utilisation par le Conseil de sécurité de moyens coercitifs contre un Etat en cas de
menace à la paix et à la sécurité internationales) ».

Section II : Les organes de l’ONU (structure organisationnelle)

Fiche technique
Assemblée générale : 193 Etats Membres
Conseil de sécurité : 5 membres permanents et 10 non-permanents
Conseil économique et social : 54 membres
Cour internationale de Justice : 15 juges

§ I - Assemblée générale
L’Assemblée générale est le principal organe délibérant de l’ONU. Elle est composée des
représentants de tous les États Membres. Les tâches dont s’acquitte l’Organisation tout au
long de l’année découlent principalement des mandats que lui a attribués l'Assemblée
générale. Un processus de redynamisation de l’Assemblée est en cours pour renforcer son
rôle, son autorité, son efficacité et son efficience. Les organes subsidiaires de l'Assemblée
générale sont divisés en plusieurs catégories : groupes de travail, commissions (six
commissions dont la Commission de décolonisation), comités, conseils, et groupes d’experts
et autres.

§ II - Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité, en vertu de la Charte de l’ONU, a la responsabilité principale du
maintien de la paix et de la sécurité internationales. Une réforme du Conseil de sécurité et de
sa composition est à l'étude.

§ III - Conseil économique et social


Le Conseil économique et social (ECOSOC), créé par la Charte de l’ONU, est l’organe
principal de coordination des activités des Nations Unies et de ses agences et institutions
spécialisées dans les domaines économique et social et autres domaines connexes. Les
décisions du Conseil sont prises à la majorité simple. Chaque membre dispose d’une voix.
L’ECOSOC compte un nombre considérable d’organes subsidiaires dont la Commission de
statistique, la Commission de la population et du développement, la Commission du
développement social, la Commission de la condition de la femme, etc.
22

§ IV - Cour internationale de Justice


La Cour internationale de Justice (CIJ), dont le siège est à La Haye (Pays Bas), constitue
l’organe judiciaire principal des Nations Unies (à ne pas confondre avec la Cour Pénale
internationale qui est un système à part). Elle règle les différends d’ordre juridique entre les
Etats. Elle donne également des avis consultatifs sur des questions à l’ONU et ses agences
spécialisées. Le Statut de la Cour internationale de justice fait partie intégrante de la Charte
des Nations Unies.

§ V - Conseil de tutelle
Le Conseil de tutelle a été institué en 1945 par la Charte des Nations Unies afin d’assurer la
surveillance, à l’échelon international, de 11 territoires sous tutelle placés sous
l’administration de 7 Etats Membres et de garantir que des mesures appropriées étaient prises
pour préparer les territoires à l’autonomie et à l’indépendance. En 1994, tous les territoires
sous tutelle avaient acquis leur autonomie ou leur indépendance. Sa mission accomplie, le
Conseil a modifié son règlement intérieur et ne se réunit que lorsque les circonstances
l’exigent.

VI - Secrétariat
Le Secrétariat s’acquitte des tâches quotidiennes de l’Organisation. Il est au service des autres
organes principaux de l’ONU et se consacre à des tâches aussi diverses que les problèmes
traités par l’Organisation comme, entre autres, l’administration des opérations de maintien de
la paix, l’observation des tendances économiques et sociales et la réalisation d’études sur les
droits de l’homme.

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