Antología de Poesía Haitiana

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Este libro ha sido impreso con el apoyo de la Fondation Ernst et Lucie

Schmidheiny.

Primera edición: Fondo Editorial Casa de las Américas / LEGS ÉDITION, 2017.

Edición: Ingry González


Diseño: Ricardo Rafael Villares
Diagramación: Marlen López Martínez
Imagen de cubierta: Voyage, Doris Schwab. Grabado realzado con acuarela, 2015

Todos los derechos reservados


© Sobre la presente edición:
Fondo Editorial Casa de las Américas, 2018

ISBN 978-959-260-518-3

casa
FONDO EDITORIAL CASA DE LAS AMÉRICAS
3ra. y G, El Vedado, La Habana, Cuba
www.casadelasamericas.org
Remerciements

Ce projet est entouré d’abondance et je souhaite qu’elle rayonne


sur toutes les personnes ayant contribué à cette belle aventure. Ma
gratitude totale envers:
Haïti, son histoire difficile, son peuple toujours debout, sa culture
foisonnante.
Les poètes, qui ont si aimablement nourri cette anthologie par
leurs contributions et leur enthousiasme. De tout cœur: Merci.
Mon époux, ma famille, pour leur patience et leur soutien incon-
ditionnel: Daniel Ferrú, Doris, Carl, Patrick, Laurent, José Antonio,
mon cœur est toujours avec vous.
Le Fondo Editorial Casa de las Américas: Roberto Fernández
Retamar, qui n’a pas hésité à approuver le projet éditorial; Roberto
Zurbano, pour avoir été l’initiateur de cette belle odyssée, et Cari-
dad Tamayo Fernández qui, au fil de ces 5 ans, a toujours soutenu
ce travail.
James Noël: un vrai cadeau, par sa générosité débordante de
contacts et d’idées, toujours disponible et solidaire, une vraie source
d’inspiration avec sa revue IntranQu’îllités.
Yves Chemla, pour le temps consacré à la rédaction de l’introduc-
tion historique, repère nécessaire de ce livre.
Stefania Di Iulio, assistante du projet et qui a, en outre, relevé le
défi de comparer chaque texte transcrit à son original.
L’équipe de traducteurs: Edgard Gousse, Prisca Agustoni et les
très beaux échanges avec Joëlle Guatelli et ma collègue Dolores
Phillipps-López. Le génie et l’humour d’Alexis Díaz-Pimienta et
son sens du rythme inhérent.
Doris Schwab et l’atelier de gravure Le Poisson Bouge pour les
illustrations.
Rodney Saint-Éloi, qui a généreusement offert les droits
de reproduction des poèmes publiés par les éditions Mémoire
d’encrier.
Robert Berrouët-Oriol, pour la relecture des poèmes en créole.
Quelques esprits aiguisés rencontrés sur la route académique:
Arcadio Díaz-Quiñones, Luis Íñigo-Madrigal, Luis López Molina,
Américo Ferrari, Antonio Benítez Rojo, Alfonso Múnera et Ricardo
Piglia.
8
Agradecimientos

Este proyecto está rodeado de abundancia, y deseo que irradie a


todas la personas que contribuyeron a esta hermosa aventura. Mi
gratitud total a:
Haití, su difícil historia, su pueblo siempre erguido, su cultura
prolífica.
Los poetas que tan amablemente nutrieron esta antología con sus
contribuciones y su entusiasmo. De todo corazón: Gracias.
Mi esposo, mi familia, por su paciencia y apoyo incondicional:
Daniel Ferrú, Doris, Carl, Patrick, Laurent, José Antonio, mi corazón
siempre está junto a ustedes.
El Fondo Editorial Casa de las Américas: Roberto Fernández
Retamar, quien no dudó en aprobar el proyecto editorial; Roberto
Zurbano, por haber sido el iniciador de esta hermosa odisea, y
Caridad Tamayo Fernández, quien, a lo largo de estos cinco años,
siempre apoyó este trabajo.
James Noël: un verdadero regalo, por su generosidad desbordante
de contactos e ideas, siempre disponible y solidario, una verdadera
fuente de inspiración con su revista IntranQu’îllités.
Yves Chemla, por el tiempo dedicado a la redacción de la intro-
ducción histórica, referencia imprescindible de este libro.
El equipo de traductores: Edgard Gousse, Prisca Agustoni y
los fértiles intercambios con Joëlle Guatelli y mi colega Dolores
Phillipps-López. El genio y el humor de Alexis Díaz-Pimienta y su
inherente sentido del ritmo.
Stefania Di Iulio, asistente de proyecto, quien aceptó además el
reto de cotejar cada texto transcrito con su original.
Doris Schwab y el taller de grabado Le Poisson Bouge por las
ilustraciones.
Rodney Saint-Éloi, por ofrecer generosamente los derechos de
reproducción de los poemas publicados por la editorial Mémoire
d’encrier.
Robert Berrouët-Oriol, por la lectura de los poemas en creol.
Algunos espíritus agudos encontrados en el camino académico:
Arcadio Díaz-Quiñones, Luis Íñigo-Madrigal, Luis López Molina,
Américo Ferrari, Antonio Benítez Rojo, Alfonso Múnera y Ricardo
Piglia.
9
Les subsides financiers et logistiques, sans lesquels rien n’aurait été
possible: la Fondation Ernst et Lucie Schmidheiny de Genève, qui – à
travers Mesdames Annemarie Geckeler, Johanne Patenaude et Guille-
mette Bolens – a soutenu le projet dès ses débuts; la Fondation suisse
Jan Michalski pour l’écriture et la littérature; la Société Académique
de Genève; le Décanat de la Faculté des Lettres de l’Université de
Genève en la personne de M. Nicolas Zufferey, et l’Unité d’espagnol
(Département de Langues Romanes, UniGe); la Société suisse des
américanistes, plus particulièrement les professeurs Aline Helg et
Claude Auroi pour leurs encouragements et leur confiance.
Merci à toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce projet de
près, de loin, ou encore du coin de l’œil. Infiniment merci.

10
Los subsidios financieros y logísticos, sin los que nada hubiese sido
posible: la Fundación Ernst et Lucie Schmidheiny de Ginebra, que
–a través de las señoras Annemarie Geckeler, Johanne Patenaude
y Guillemette Bolens– apoyó este proyecto desde sus inicios; la
Fundación suiza Jan Michalski para la escritura y la literatura;
la Sociedad Académica de Ginebra; el decanato de la Universidad
de Ginebra, en la persona de M. Nicolas Zufferey, y la Unidad de
español (Departamento de Lenguas Romances), donde cursé mis
estudios y recibí el apoyo institucional y logístico; la Sociedad suiza
de americanistas, en particular los profesores Aline Helg y Claude
Auroi por el estímulo y la confianza.
Gracias a todos los que participaron de alguna manera en este
proyecto, de lejos, de cerca, de reojo. Gracias infinitas.

11
Préface
Poésie haïtienne: la révolution sans fin...

ROBERTO ZURBANO

Par ces temps de cynisme global, les rares vérités se trouvent dans les
discours simples et dans les petites décisions qui permettent à l’être
humain de respirer chaque jour un minimum de dignité. Alors, la
Mémoire nous rappelle son utilité, l’Histoire illumine ce qui trans-
cende et l’Espérance scrute l’horizon, toujours légèrement au-delà
de la limite atteinte par le regard. La poésie marque les moments
les plus importants: le premier amour, les découvertes de la nature,
certaines vérités de la société ou le destin personnel. Les revendica-
tions de la poésie ne sont pas toujours universelles ni éternelles, elles
correspondent plutôt à ce qu’on appelle le temps historique, où poésie
et transcendance créent une triade importante aux côtés de l’acte
irréversible de la révolution, qui change les conditions de l’Univers.
La Révolution Haïtienne est le premier fait historique qui eut
lieu dans cette partie du monde et qui a changé les perspectives de
l’humanité à l’aube du XIXème siècle, bouleversant la pensée euro-
péenne et la dépouillant de son ethnocentrisme, dans la même mesure
qu’elle s’approprie de ses valeurs pour expliquer un monde autre.
Elle révéla les causes de l’esclavage, la traite négrière et l’économie de
plantation, qui structuraient le monde colonial caribéen, où être noir,
indigène ou asiatique était moins qu’un animal. Cette révolution naît
de la subversion de la Révolution Française, quand les chefs de file
haïtiens assument les présupposés libéraux jusqu’aux dernières
conséquences; c’est pour cette loyauté qu’on a appelé jacobins noirs
ceux qui, à des milliers de kilomètres de la métropole, exigèrent pour
eux-mêmes les mêmes droits conquis à La Bastille. Ceci apparut
comme intolérable aux yeux de nombre de Français qui virent leurs
propriétés en danger et qui ne purent assumer la question fondamen-
tale de la colonialité: la non-reconnaissance du statut ou condition
humaine de tous les êtres, sans exclure les noirs et les esclaves. Pour
ces derniers, le cri de liberté, égalité et fraternité était en fait un acte
plus révolutionnaire et juste qu’en Europe même.
12
Prólogo
Poesía haitiana: la revolución interminable...

ROBERTO ZURBANO

En tiempos de cinismo global, las pocas verdades se encuentran en


los discursos sencillos y en las pequeñas decisiones que permiten al
ser humano respirar cada día un mínimo de dignidad. Entonces, la
Memoria nos recuerda su utilidad, la Historia ilumina lo trascendente
y la Esperanza otea el horizonte, siempre un poco más allá de donde
la vista alcanza. La poesía marca los momentos más importantes: el
primer amor, los descubrimientos de la naturaleza, ciertas verdades
de la sociedad o el destino personal. Los reclamos de la poesía no
siempre son universales ni eternos, sino que corresponden a lo que
llaman tiempo histórico, donde poesía y trascendencia hacen una
triada importante junto al acto irreversible de la revolución, que
cambia las condiciones del Universo.
La Revolución Haitiana es el primer hecho histórico sucedido en
esta parte del mundo que cambia las perspectivas de la humanidad
en los albores del siglo XIX, subvirtiendo el pensamiento europeo
y despojándolo de su etnocentrismo en la misma medida que se
apropia de sus valores para explicar un mundo otro. Reveló las
causas de la esclavitud, la trata negrera y la economía de plantación,
que estructuraban el mundo colonial caribeño, donde ser negro,
indígena o asiático era menos que ser un animal. Esta revolución
nace de la subversión de la Revolución Francesa, cuando líderes
haitianos asumen los presupuestos liberales hasta sus últimas conse-
cuencias; por esa lealtad les llamaron jacobinos negros a quienes, a
miles de kilómetros de la metrópoli, exigieron para ellos los mismos
derechos que se lograron en La Bastilla. Esto resultaría inacepta-
ble para muchos franceses que vieron sus propiedades en riesgo y
no pudieron asumir la cuestión fundamental de la colonialidad: el no
reconocimiento del estatus o condición humana de todos los seres,
sin excluir a los negros y esclavos. Para estos el grito de libertad,
igualdad y fraternidad resultaba un acto más revolucionario y justo
que el de la propia Europa.
13
L’indépendance haïtienne transforma de manière inattendue les
idées les plus avancées d’Europe, irréalisables dans le contexte d’op-
pression que vivaient les colonies: revers impitoyable de l’opulence
métropolitaine. Là se préparent pensée et action de noirs et mulâtres
audacieux, analphabètes et lettrés, qui deviennent – par un violent
processus d’autoreconnaissance – des sujets libres, maîtres d’un
destin collectif et d’une aspiration majeure: la transformation de la
colonie de Saint-Domingue en nation indépendante, atteinte de
manière insolite, voire poétique; car la poésie est souvent un miroir
de la réalité bien qu’elle paraisse opaque.
L’extraordinaire subversion politique est allée au-delà de la violence
même de toute guerre, mais on a tendance à occulter l’intelligence
avec laquelle les meneurs ont réussi à se transformer eux-mêmes,
leur entourage politique et leur époque. Haïti accoucha d’une réalité
à contrecourant de la politique, la religion, le droit et les sciences
qui dominaient l’ère coloniale, elle a remis en question l’hégémonie
eurocentrée et ses idéaux libertaires, et elle a ouvert une nouvelle
vision de la condition humaine en termes collectifs et revendicatifs,
qui luttent encore pour atteindre réellement leur universalité.
C.L.R. James, le grand historien de la Révolution Haïtienne,
décrit comment dans la nuit on entendait les noirs de la forteresse
chanter La Marseillaise, Ça Ira et d’autres chansons révolutionnaires;1
avec la passion critique de Les jacobins noirs, son auteur dévoile le
moment où ces chansons s’incorporent à une réalité plus radicale
que le contexte français. À Paris, on discutait de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen, en sachant que les propriétés
françaises s’étendaient jusqu’en Afrique, en Amérique et en Asie;
et qu’elles comprenaient les esclaves et autres sujets non protégés
par ladite déclaration. Les concepts de propriété, citoyenneté et
droits radicalisent le débat et apparaissent, pour la première fois
dans l’arène politique, les définitions de gauche et de droite. Seule
l’effervescence révolutionnaire justifie la présence des mulâtres
haïtiens à l’Assemblée nationale française en créant un schisme irré-
versible dans l’Histoire et en introduisant la complexité de ce qu’on
appellera plus tard la question coloniale.
1
C.L.R. James: Los jacobinos negros, introducción de Jhon Bracey, traducción
de Rosa López Oceguera, Fondo Editorial Casa de las Américas, colección
Nuestros Países, serie Estudios, La Habana, Cuba, 2009, p. 240.
14
La independencia haitiana dio un vuelco inesperado a las ideas
más avanzadas de Europa, irrealizables en el contexto de opresión
en que vivían las colonias: reverso inmisericorde de la opulencia
metropolitana. Allí se gesta pensamiento y acción de osados negros
y mulatos, analfabetos y letrados, que se convierten –en un violento
proceso de autorreconocimiento– en sujetos libres, dueños de un
destino colectivo y una aspiración mayor: la transformación de la
colonia de Santo Domingo en nación independiente, logrado de
modo insólito, vale decir poético; pues la poesía suele ser siempre
un espejo de la realidad, por turbia que esta parezca.
La extraordinaria subversión política fue más allá de la violencia
misma de toda guerra, pero suele ocultarse la inteligencia con que los
líderes negros lograron transformarse a sí mismos, a su entorno polí-
tico y a su propia época. Haití parió una realidad a contracorriente
de la política, la religión, el derecho y las ciencias que dominaban la
era colonial, cuestionó la hegemonía eurocéntrica y sus ideales liber-
tarios, así como también abrió una nueva visión sobre la condición
humana en términos colectivos y vindicativos, que pugnan todavía
por ser verdaderamente universales.
C.L.R. James, el gran historiador de la Revolución Haitiana,
narra cómo «en las noches se escuchaban a los negros de la fortaleza
cantar La Marsellesa, Ça Ira y otras canciones revolucionarias»;1 con
la pasión crítica de Los jacobinos negros su autor revela el momento
en que tales canciones van incorporando una realidad más radical
que la del contexto francés. En París se discutía la Declaración de los
Derechos del Hombre y el Ciudadano sabiendo que las propiedades
francesas se extendían por África, América y Asia, incluyendo escla-
vos y otros sujetos que dicha declaración no acoge. Los conceptos de
propiedad, ciudadanía y derechos radicalizan el debate, y aparecen,
por primera vez en el campo político, las definiciones de izquierda
y derecha. Solo la efervescencia revolucionaria justifica la presencia
de los mulatos haitianos en la Asamblea Nacional francesa, creando
un cisma irreversible en la Historia e introduciendo la complejidad
de lo que después llamaríamos la cuestión colonial.

1
C.L.R. James: Los jacobinos negros, introducción de Jhon Bracey, traducción
de Rosa López Oceguera, Fondo Editorial Casa de las Américas, colección
Nuestros Países, serie Estudios, La Habana, Cuba, 2009, p. 240.

15
Depuis lors, Haïti est un des centres fondateurs de cette question
coloniale et a été, jusqu’à présent, un noyau fondamental de ses
succès et conséquences. Là est né un regard global sur la domination
et les manières de la combattre. On dit que durant cette époque
se confrontèrent des forces et intérêts divers (anglais, espagnols,
français, hollandais, états-uniens, entre autres) et des tendances
idéologiques, économiques, philosophiques opposées, toutes démas-
quées et terrorisées par le triomphe de ces noirs qui découvrirent
les pièges coloniaux. Elles brillent encore les sages décisions des
leaders haïtiens, l’abolition de l’esclavage et la bravoure des esclaves
qui fondèrent le Premier Territoire Libre de l’hémisphère. Ces trois
raisons constituent trois défis historiques et impardonnables pour
une philosophie aussi arrogante et impitoyable que la pensée colo-
niale d’hier et d’aujourd’hui.
Ce geste subversif et illuminateur montre encore sa charge de
poésie, justice et douleur historiques. Le prix de tant de lumière a
été une obscurité de longue date qui condamne Haïti à la margi-
nalisation et à l’hostilité politiques, à l’endettement, au manque
de reconnaissance de ses valeurs culturelles et la grandeur de son
peuple, protagoniste d’une des formes les plus tenaces de résistance
culturelle. Refuser à Haïti l’intégrité de sa nation et sa trace rédemp-
trice est devenu un lieu commun car son grand geste historique
dénonce encore les objectifs du colonialisme, sa tradition raciste et
conservatrice. Nier Haïti c’est craindre les peuples et les révolutions.
C’est un acte de contre-révolution culturelle qui tente d’effacer des
expressions culturelles résistantes et créatives, au-delà du populaire,
du savant et de ses conditions politiques. C’est la confirmation de
la barbarie, l’égoïsme et l’inculture.
À l’inverse, reconnaître Haïti revient à nous assumer comme
appartenant à une tradition émancipatrice. Accepter Haïti et ses
valeurs en tant que nation et culture équivaut à nous affirmer comme
force décolonisatrice, à nous définir comme camarades d’une mission
solidaire qui demande instamment à être promue et accompagnée
par de nouveaux outils politiques, économiques et culturels. On
ne pourrait prétendre à de meilleurs arguments pour que le Fondo
Editorial Casa de las Américas présente Ayiti Cheri comme une des
grandes anthologies poétiques des Caraïbes, qui offre un témoignage
de résistance et constitue une plateforme revendicative pour célébrer

16
Desde entonces, Haití es uno de los centros fundacionales de
la cuestión colonial y hasta hoy ha sido un núcleo fundamental
de sus logros y consecuencias. Allí nació una mirada global sobre
la dominación y las formas de combatirla. Se dice que durante la
época se confrontaron fuerzas e intereses varios (ingleses, españoles,
franceses, holandeses, estadounidenses, etc.) y disímiles tendencias
ideológicas, económicas, filosóficas…, todas desenmascaradas y
aterrorizadas ante el triunfo de aquellos negros que descubrieron
las trampas coloniales. Brillan aún las sabias decisiones de los líderes
haitianos, la abolición de la esclavitud y la valentía de los esclavos
que fundaron el Primer Territorio Libre del hemisferio. Estas tres
razones constituyen tres retos históricos e imperdonables para una
filosofía tan arrogante y despiadada como el pensamiento colonial
de ayer y de hoy.
Aquel gesto subversivo e iluminador aún muestra su carga de
poesía, justicia y dolor históricos. El precio de tanta luz ha sido
una oscuridad de larga data que condena a Haití a la marginación
y hostilidad políticas, al endeudamiento, la falta de reconocimiento
de sus valores culturales y de la grandeza de su gente, protagonista de
una de las formas más tenaces de resistencia cultural. Negar a Haití
la integridad de su nación y su huella redentora, se ha convertido
en un lugar común porque su gran gesto histórico aún denuncia
los propósitos del colonialismo, su tradición racista y conservado-
ra. Negar a Haití es temer a los pueblos y las revoluciones. Es un
acto de contrarrevolución cultural que intenta borrar expresiones
culturales resistentes y creativas, más allá de lo popular, lo letrado y
de su propia condición política. Es la confirmación de la barbarie,
el egoísmo y la incultura.
A la inversa, reconocer a Haití, significa asumirnos como parte
de una tradición emancipatoria. Abrazar a Haití y sus valores como
nación y cultura significa afirmarnos como fuerza descolonizado-
ra, definirnos como compañeros de una misión solidaria que urge
ser promovida y acompañada con nuevas herramientas políticas,
económicas y culturales. No hay mejor razón para que el Fondo
Editorial Casa de las Américas presente Ayiti Cheri como una de las
grandes antologías poéticas del Caribe, que ofrece un testimonio de
resistencia y constituye una plataforma reivindicativa para celebrar

17
une culture à peine reconnue dans ses dimensions éthique, esthé-
tique et historique. Nous mettons en main du lecteur hispanophone
la meilleure tradition poétique haïtienne d’expression française et
créole par une judicieuse sélection critique d’œuvres, d’auteurs,
de tendances et de thèmes qui expriment la diversité et la richesse
d’une histoire littéraire de trois siècles, et qui décolonise l’image et
le savoir d’un peuple.
L’idée d’Ayiti Cheri est née d’une rencontre caribéenne, qui suscita
le respect affectueux pour la culture contemporaine d’Haïti et l’ur-
gence d’une meilleure compréhension de son histoire. Suite à ce
pacte de conscience se multiplièrent les démarches, les lettres et les
désirs, qui naviguèrent d’une mer à l’autre sans que l’idée naufrage.
Cet effort éditorial est le résultat du dévouement et de la collabora-
tion d’institutions, personnalités et collaborateurs d’Haïti, de Suisse
et de Cuba qui offrent un processus littéraire très singulier dans le
panorama culturel des Caraïbes et de l’Amérique latine. Ce sont des
pages où nous assistons à la naissance, croissance, succès, échecs et
persistance d’une insurrection. C’est une magnifique et touchante
histoire contée par les meilleures voix de chaque époque, classe,
genre, génération, tendance, résidante ou diasporique du pays, orale
et écrite, que nous ayons pu lire depuis/sur Haïti.
Ce livre révèlera au lecteur les meilleurs arguments d’une nation
qui ne cesse de penser et de recréer son histoire, son présent et ses
possibles futurs. Il s’agit d’une autre manière de connaître Haïti, qui
émerge, finalement, entre campagnes de manipulation, dictatures,
pauvreté, invasions nord-américaines, cyclones et tremblements,
pour nous offrir le visage le plus divers de la Vie et de l’Espoir. C’est
un livre prêt à partager les douleurs et les joies, surtout les silences.
Ayiti Cheri est l’hommage à une nation qui se reconnaît avec fierté;
c’est un long poème d’identité et de résistance, de dignité et de
beauté, un chant sans fin… ¡comme sa propre révolution!

Centro Habana, octobre 2016.

18
una cultura apenas reconocida en sus dimensiones ética, estética e
histórica. Ponemos en manos del lector hispanohablante la mejor
tradición lírica de Haití en expresión francesa y en creol en una
atinada selección crítica de obras, autores, tendencias y temáticas
que expresan la diversidad y riqueza de una historia literaria de tres
siglos, descolonizando la imagen y el saber de un pueblo.
La idea de Ayiti Cheri nació en un encuentro caribeño, donde
afloró un respeto cariñoso hacia la cultura contemporánea de Haití
y la urgencia de una mejor comprensión de su historia. Tras aquel
pacto de conciencia fluyeron gestiones, cartas y deseos que nave-
garon de un mar a otro sin que la idea naufragara. Este esfuerzo
editorial es resultado de la entrega y colaboración de instituciones,
personalidades y colaboradores de Haití, Suiza y Cuba, y ofrece un
proceso literario muy singular en el panorama cultural del Caribe y
Latinoamérica. Son páginas donde asistimos al nacimiento, creci-
miento, éxitos, fracasos y persistencia de una insurgencia. Es una
hermosa y estremecedora historia contada por las mejores voces de
cada época, clase, género, generación, tendencia –ya sean residentes
o diaspóricas–, presentadas de manera oral y/o escrita, que hayamos
leído nunca desde/sobre Haití.
Este libro revelará al lector los mejores argumentos de una nación
que no deja de pensar y re-crear su historia, su presente y futuros
posibles. Léase como otro modo de conocer a Haití, emergiendo,
finalmente, entre campañas de manipulación, dictaduras, pobreza,
invasiones norteamericanas, ciclones y terremotos, para ofrecernos
el rostro diverso de la Vida y la Esperanza. Es un libro dispuesto a
compartir dolores y alegrías, pero no más silencios. Ayiti Cheri es
el homenaje a una nación que se reconoce con orgullo; es un largo
poema de identidad y resistencia, de dignidad y belleza, un canto
interminable… ¡como su propia revolución!

En Centro Habana, octubre y 2016.

19
Préface
Entre mirage et miracle

JAMES NOËL

Ni natif Ni natal
je suis un nègre continental
FRANZ BENJAMIN

Plus de deux siècles de poésie haïtienne nous renvoient par un


détour, un détournement majeur, à l’essence même d’une nation.
Mais combien de voix peuvent s’y opposer en répondant que la
nation haïtienne est un mirage? Surtout par ces temps où le miracle
haïtien, pour se réaliser, pour (re)devenir miracle, doit compter
sur un pas de côté vers l’ailleurs. Quel ailleurs? Il en existe tant et
tant qui se révèlent sans porte ni fenêtre de secours. La traversée
des migrants par la mort Méditerranée en est un exemple bateau.
L’ailleurs d’un pays flotte comme une feuille verte, s’ancre en arbre
véritable tout d’abord dans sa poésie. Il faut chercher Haïti en dehors
de ses politiciens, ces petits monstres et sangsues, sans foi ni loi, qui
dessèchent et vampirisent le paysage. Haïti est fécond et puissant
par sa poésie, par la leçon poétique donnée au monde, en reversant
la vapeur, pour le décentrement du regard et la construction d’une
altérité qui déborde. Perspective d’ouverture confrontée tout de
suite à des barreaux et des bourreaux par millier. Projet humain, trop
humain, pris au piège des colons qui n’étaient pas prêts, et d’ailleurs,
ne sont toujours pas prêts, et ne le seront peut-être jamais, à l’idée
de l’autodétermination des peuples.
Contre vents et marées, la Révolution Haïtienne était portée par
nos héros, comme un appel, un appel d’air gratuitement exportable,
pour la respiration et la libération des opprimés du monde entier.
C’est ce qui a amené Simón Bolívar aux Cayes, pour rencontrer
celui qui va devenir son ami, le général Alexandre Pétion,

20
Prólogo
Entre espejismo y milagro

JAMES NOËL

Ni nativo Ni natal
soy un negro continental
FRANZ BENJAMIN

Más de dos siglos de poesía haitiana nos llevan a través de un


desvío, una bifurcación mayor, a la esencia misma de una nación.
Pero ¿cuántas voces pueden oponerse respondiendo que la nación
haitiana es un espejismo? Sobre todo en estos tiempos en los que el
milagro haitiano, para realizarse, para (volver a) ser milagro, tiene
que dar un paso al costado, salir. ¿Hacia dónde? Existen tantos y
tantos destinos que resultan sin salida de emergencia. La travesía de
los migrantes por la muerte Mediterránea es un ejemplo fatal; qué
de barcos, qué de barcos. El más allá de un país flota como una hoja
verde, anclándose como árbol de la verdad en su poesía primero. Es
preciso buscar Haití fuera de sus políticos, esos pequeños monstruos
y sanguijuelas, sin fe ni ley, que marchitan y vampirizan el paisaje.
Haití es fecunda y poderosa por su poesía, por la lección poética
dada al mundo, viento de proa, por la des-centralización de la mirada
y la construcción de una otredad que rebosa. Perspectiva de aper-
tura confrontada inmediatamente a barrotes y verdugos a granel.
Proyecto humano, demasiado humano, acorralado en la trampa
por colonos que no estaban preparados y que, dicho sea de paso,
siguen sin estarlo y posiblemente no lo estén nunca, para el con-
cepto de autodeterminación de los pueblos.
Contra viento y marea, la Revolución Haitiana fue llevada por
nuestros héroes, como un llamado, una llamarada libremente expor-
table, para la respiración y liberación de los oprimidos del mundo
entero. Lo que condujo a Simón Bolívar a Les Cayes para encontrarse
con quien se convertirá en su amigo, el general Alexandre Pétion,

21
le 2 janvier 1816. Rencontre fondamentale qui accouchera de
multiples révolutions, débouchera sur la libération d’une partie
de l’Amérique latine.
Ce projet d’anthologie n’est pas antinomique à cette Histoire, au
contraire, il en est trace chaude, voire un abrazo énergique, comme
pour donner en passant les bonnes feuilles et les fécondes nouvelles
d’une terre (terre sage-femme) à ses frères et sœurs de l’Amérique
latine.
1804, une date, une équation nègre, convertie en poème libre.
De la mathématique farouchement poétique. Haïti, avouons-le,
n’est pas tant un pays qu’une métaphore frappée d’orage, brûlée de
paradoxes jusqu’au Pic Macaya.
Un pays de montagnes, avec une haute conscience de lui-même,
si haute qu’il n’arrive plus à se regarder, sans se prendre de haut.
Aujourd’hui en 2016, ce sont les casques bleus des Nations Unies
qui décolorent et souillent la mer de notre tiers d’île, périmètre par
périmètre. 27 000 kilomètres carrés de honte bue, d’orgueil foulé,
labouré par les tanks et les chars de guerre. La souveraineté fait
naufrage dans un pays où la rage de vivre se conjugue avec une haute
idée de la patrie: «Pour le Drapeau, pour la Patrie, Mourir est beau».
Mais les désillusions ont tellement peuplé «notre espace menson-
ger/ l’incertitude de ce pays aphone à force de faire des promesses»
(Georges Castera), tellement bourgeonné les désillusions que nos
peuples ne veulent plus mourir. On est loin de l’époque où le poète
Edmond Laforest s’est suicidé au moyen d’un dictionnaire, pour
manifester son refus de l’occupation américaine. Les peuples ne
veulent plus mourir et les poètes sont dépassés par l’invasion des défis
sans nombre, sans compter la pollution sonore ajoutée aux carnavals
en série rendant de plus en plus inaudible la voix des démiurges. Dans
ce contexte de dérèglement, de déchainement des éléments, on pour-
rait croire que c’est tout qui part en vrille. On pourrait même imagi-
ner un chant de cygne, d’albatros, de fin des pipirits chantants de la
cité. Et bien non. La poésie haïtienne d’aujourd’hui échappe du lot de
la chute vertigineuse qui atteint et contamine tous les secteurs de la
société. Elle déploie paradoxalement ses ailes de déraison pour planer
dans les plus hautes sphères. Est-ce par désespoir de cause poétique
que les poètes décident de peser de tous leur poids sur la balance
de l’imaginaire? Est-ce l’héritage d’Oswald Durand, de Saint-Aude,

22
el 2 de enero de 1816. Los dos las fuertes cabezas alzan: los dos del
mismo tamaño... Encuentro fundamental que dará origen a múltiples
revoluciones, y conducirá a la liberación de una parte importante
de la América Latina.
Este proyecto de antología no contradice esta Historia, todo lo
contrario, es una de sus huellas vivas, incluso un abrazo enérgico,
como para entregar al pasar las hojas sueltas y las fecundas noti-
cias de una tierra (tierra partera) a sus hermanas y hermanos de la
América Latina.
1804, una fecha, una ecuación negra, convertida en poema libre.
Una gran voz, fuerte voz, despedazando el silencio.
Es matemática vehementemente poética. Haití, aceptémoslo, no es
tanto un país, sino una metáfora golpeada por tormentas, quemada
por paradojas hasta el Pic Macaya.
Un país de montañas, con una alta conciencia de sí mismo, tan
alta que no logra siquiera mirarse sin tomar esos aires, esa altura.
Hoy, en el 2016, son los cascos azules de las Naciones Unidas los que
destiñen y profanan el mar de nuestro tercio de isla, perímetro por
perímetro. 27 000 kilómetros cuadrados de vergüenza tragada, de
orgullo pisoteado, labrado por tanques de guerra y carros armados.
La soberanía naufraga en un país donde la rabia de vivir se conjuga
con un alto concepto de la patria: «Por la Bandera, por la Patria,
Morir es bueno». Pero las desilusiones han poblado tanto «nuestro
espacio falaz / la incertidumbre de este país afónico de tanto hacer
promesas» (Georges Castera), han florecido tanto las desilusiones
que nuestros pueblos ya no quieren morir. Estamos lejos de la época
en que el poeta Edmond Laforest se suicidó con un diccionario, para
manifestar su rechazo a la ocupación americana. Los pueblos ya no
quieren morir y los poetas son superados por la invasión de desafíos
innumerables, sin mencionar la contaminación sonora añadida a
los carnavales en serie, haciendo cada vez más inaudible la voz de los
demiurgos. En este contexto de des-orden, de desencadenamiento de
los elementos, podríamos creer que todo se desmorona. Podríamos
imaginar incluso un canto de cisne, de albatros, de fin de los pitirres
cantando en la ciudad. Pues no. La poesía haitiana de hoy se des-
prende de la corriente en caída vertiginosa que alcanza y contamina
todos los sectores de la sociedad. Ella despliega paradójicamente sus
alas de la sinrazón para volar en las más altas esferas. ¿Será el último

23
d’Ida Faubert, de René Philoctècte, de Félix Morisseau-Leroy, de
René Depestre, de Phelps, de Davertige, de Manno Charlemagne,
de Frankétienne qui irrigue le ciel des poètes au point que la nouvelle
cartographie poétique soit piquée d’étoiles de jour comme de nuit?
Nous sommes en train d’assister au spectacle d’une génération
dorée de la littérature haïtienne, par ces temps de lendemain qui
sombre. Le critique Yves Chemla m’a confirmé au cours d’une
discussion que nous sommes en train de vivre l’âge d’or de la littéra-
ture haïtienne. Est-il trop tôt pour sortir nos thermomètres, prendre
la température et témoigner de l’une des plus belles santés poétiques
de la planète, à partir d’une terre malade et à genou politiquement?
Conscients peut-être que sur place les verrous sont inamovibles,
que les failles sont têtues et toujours hospitalières aux tremblements
de corps, que les tensions sociales et les préjugés toucouleurs, ajou-
tés aux manques, constituent les maux les plus démocratiquement
partagés, les poètes de la nouvelle génération écrivent de plus en plus
dans les deux langues, le créole et le français, en roulant des yeux sur
des rives et des mers éloignées de la terre natale. Quand les années
Papa et Baby doc livraient la mort à domicile, quand le sol devient
invitation à des secousses et des mouvements perpétuels, le poète, par
effet et osmose inverse, devient plus terrien que strictement haïtien.
L’engagement continue, mais plus dans le torticolis d’un passé
incurable. Une appréhension plus élargie du monde charge leur
regard de plus de souplesse tout en gardant, suivant les tempéra-
ments, la possibilité chimique du miel et du feu dans la bouche.

24
recurso poético de los poetas: decidir pesar firme en la balanza del
imaginario? ¿Es acaso el legado de Oswald Durand, de Saint-Aude,
de Ida Faubert, de René Philoctècte, de Félix Morisseau-Leroy, de
René Depestre, de Phelps, de Davertige, de Manno Charlemagne,
de Frankétienne el que irriga el cielo de los poetas al punto que,
en la nueva cartografía poética, fulgen las estrellas altas tanto de día
como de noche?
Estamos asistiendo al espectáculo de una generación dorada de la
literatura haitiana, en estos tiempos de futuro sombrío, de sombras
que solo yo veo. El crítico Yves Chemla me confirmó en una conver-
sación que estamos viviendo la edad de oro de la literatura haitiana.
¿Será demasiado temprano para sacar nuestros termómetros, tomar
la temperatura y dar fe de una salud poética de las más hermosas
del planeta, fermentada en una tierra enferma y políticamente arro-
dillada?
Conscientes tal vez de que en este lugar los cerrojos son inamo-
vibles, que las deficiencias son tercas y siempre hospitalarias a los
temblores del cuerpo, que las tensiones sociales y los prejuicios
variopintos, sumados a las carencias, constituyen los males más
democráticamente compartidos, los poetas de la nueva generación
escriben cada vez más en ambas lenguas, el creol y el francés, llevando
las miradas hacia orillas y mares lejanos de la tierra natal. Cuando los
años Papá y Baby doc entregaban la muerte a domicilio, cuando el
sol se vuelve invitación a los temblores y a movimientos perpetuos,
el poeta, por reacción y ósmosis inversa, elige ser planetario más
que estrictamente haitiano.
El compromiso continúa, pero ya sin descoyuntarse mirando hacia
un pasado incurable. Una aprehensión más amplia del mundo nutre
su mirada con mayor flexibilidad, manteniendo, según los tempe-
ramentos, la posibilidad química de la miel y del fuego en la boca.

Traducción: Yasmina Tippenhauer.


Universo poético: «Balada de los dos abuelos» de Nicolás Guillén.

25
Aux ancêtres qui marchent dans nos veines
Aux enfants de la Liberté
Lumière!

A los ancestros que caminan en nuestras venas


A los hijos de la Libertad
¡Luz!
Introduction
Trois siècles de chant à la Liberté

YASMINA TIPPENHAUER

En 2011, lors d’un colloque dans la belle Cartagena de Indias, j’ai


rencontré Roberto Zurbano, alors responsable d’édition auprès de la
prestigieuse Casa de las Américas, à Cuba. «Pourquoi ne proposes-
tu pas une anthologie de poésie haïtienne?» m’a-t-il suggéré. Pont
d’or. Le défi était lancé.
Quelques années plus tôt, j’avais terminé ma thèse de doctorat
sur la poésie «noire» des Amériques. J’avais aussi hérité d’une
bibliothèque familiale – la collection littéraire de mon oncle Hervé
Tippenhauer et celle de mon grand-père Harry, fondateur de
l’Institut Tippenhauer à Port-au-Prince. L’heure était venue de les
mettre à contribution. Mais que pouvait donc dire la poésie d’Haïti,
aujourd’hui, au monde francophone et hispanophone? Sans aucun
doute, la Liberté, si chère au peuple d’Haïti. C’est elle, sous diffé-
rentes formes: morales, physiques, culturelles, politiques, spirituelles.
C’est elle qui a été le fil rouge de l’histoire haïtienne, et celui de cette
anthologie; elle qui a inspiré tant de poètes et de penseurs en français
et en créole; elle encore qui a permis de choisir les textes de ce livre.
Haïti est un symbole de liberté en soi, malgré les catastrophes qui
font régulièrement la une de la presse. Son histoire fondatrice est bien
celle d’un pacte entre les esclaves et les esprits de la nature pour se
libérer du joug colonial. Haïti a ainsi eu une aura couleur rébellion,
d’abord dans la Caraïbe, puis dans le reste de l’Amérique Latine.
Ceux qui aspiraient aux vents de liberté tenaient Haïti et ses héros
pour exemples. Ceux qui voulaient subjuguer pour continuer à tirer
profit ont diabolisé cette nouvelle nation et ses libres acteurs. Ainsi,
l’anthologie s’ouvre sur les chants vaudou, anonymes et collectifs,
notamment la célèbre prière de Boukman lors du pacte fondateur
du Bois Caïman (Bwa Kayiman) en 1791. Un chant de liberté et
de recherche d’identité. La présence de chansons dans cet ouvrage
revendique l’importance de la culture populaire, des traditions orales

28
Introducción
Tres siglos de canto a la Libertad

YASMINA TIPPENHAUER

Durante un coloquio en la bella Cartagena de Indias, en 2011, conocí


a Roberto Zurbano, entonces responsable editorial de la presti-
giosa Casa de las Américas, en Cuba. «¿Por qué no propones una
antología de poesía haitiana?», me sugirió. Puente dorado. Acepté
el reto.
Algunos años antes, había terminado mi tesis de doctorado sobre
la poesía «negra» de las Américas. Y había heredado una biblioteca
familiar –la colección literaria de mi tío Hervé Tippenhauer y la de
mi abuelo Harry, fundador del Instituto Tippenhauer en Puerto
Príncipe–. Había llegado la hora de ponerlas a disposición de otros
lectores. Mas, ¿qué podría decir la poesía de Haití, hoy, al mundo
francófono e hispanohablante? Sin duda alguna, hablaría de la
Libertad, tan esencial para el pueblo haitiano. Ella, bajo diferen-
tes formas –moral, física, cultural, política, espiritual–, fue el hilo
conductor de la historia haitiana, y el de esta antología; fue ella quien
inspiró a tantos poetas y pensadores en francés y en creol; ella aun
quien permitió elegir los textos de este libro.
Haití es un símbolo de libertad en sí misma, pese a las catástrofes
que nutren sistemáticamente los medios. Su historia fundadora es,
desde luego, la de esclavos que pactan con los espíritus de la natu-
raleza para liberarse del yugo colonial. Así, Haití tuvo un aura color
rebeldía, primero en el Caribe, luego en el resto de la América Latina.
Los que aspiraban a los vientos de libertad tenían a Haití y a sus
héroes en un pedestal. Los que querían subyugar para seguir lucrando
diabolizaron esa nueva nación y a sus libres actores. Así, la antología
se abre con cantos vodú, anónimos y colectivos, en particular la
célebre oración de Boukman pronunciada en el pacto, fundador,
del Bois Caïman (Bwa Kayiman) en 1791. Un canto de libertad y
de búsqueda de identidad. La presencia de canciones en esta obra

29
et des troubadours, aujourd’hui celle des rappeurs et slammeurs.
Elle revendique aussi l’art des poètes qui écrivent en chansons pour
des interprètes divers.
Des poèmes classiques de l’Indépendance aux constats en prose de
jeunes poètes contemporains, nous parcourrons plus de deux cent
ans de chants à la liberté, en créole ou en français, tous traduits en
espagnol. La traduction des poèmes a été un axe central et le prin-
cipal défi de cette anthologie, car il existait peu de poèmes haïtiens
traduits en espagnol. Il fallait trouver des traducteurs répondant à
plusieurs critères: poètes et/ou professeurs de littérature, connais-
seurs de la culture latino-américaine, maîtrisant le français ou le
créole et l’espagnol, disponibles, enthousiastes. Ainsi, l’équipe a été
constituée de: Joëlle Guatelli, traductrice littéraire du Département
de Traduction et d’Interprétation de l’Université de Grenade en
Espagne; Dolores Phillipps-López, traductrice et spécialiste en litté-
rature hispano-américaine de l’Université de Genève et de Lausanne;
et moi-même. Ainsi que d’Edgard Gousse, poète et éditeur haïtien
vivant au Canada et Prisca Agustoni, de l’Université Juiz de Fora au
Brésil. Je me suis occupée de centraliser tous les textes traduits, d’or-
chestrer les discussions et les corrections et de restituer une version
finale. Chaque traduction porte sa signature. Enfin, j’ai invité Alexis
Díaz-Pimienta – poète, romancier et diseur cubain – avec qui nous
avons relu à voix haute toutes les traductions afin de leur rendre
cette touche unique que possède la poésie orale.1
Les outils entourant les poèmes choisis ont été préparés avec
rigueur et sont à disposition de celles et ceux qui souhaiteraient
approfondir leur recherche. La bibliographie et les notes de bas
de page indiquent la source d’où provient le texte reproduit et,
lorsqu’elles diffèrent, la première édition de chaque poème entre
guillemets. Quelques précieux inédits figurent également dans la
sélection. Outre la collection personnelle de recueils et d’anthologies,
les textes sont issus des auteurs mêmes et de diverses bibliothèques,
y compris virtuelles. L’introduction historique, les notices biobiblio-
graphiques des poètes, les notes de bas de page et la bibliographie
offrent nombre d’informations historiques et académiques; elles se
complètent.
1
Pour avoir une idée de ce travail innovateur, quelques images de Cosmopólitas
Linguae sont à visionner sur Vimeo, <https://vimeo.com/185727995>.
30
reivindica la importancia de la cultura popular, de las tradiciones
orales y de los trovadores, y hoy de los raperos. Reivindica también
el arte de los poetas que escriben en canciones para diferentes intér-
pretes.
De poemas clásicos de la Independencia a consideraciones en
prosa de jóvenes poetas contemporáneos, recorreremos más de
doscientos años de cantos a la libertad, en creol o francés, todos
traducidos al español. La traducción de los poemas ha sido eje central
y el reto principal de esta antología, ya que existían pocas traduccio-
nes de poemas haitianos al español. Fue preciso encontrar traductores
que respondieran a varios criterios: poetas y/o profesores de litera-
tura, conocedores de la cultura latinoamericana, que dominaran el
francés o el creol y el español, disponibles, entusiastas. Así, el equipo
contó con la participación de: Joëlle Guatelli, traductora literaria del
Departamento de Traducción e Intérpretes de la Universidad de
Granada en España; Dolores Phillipps-López, traductora y espe-
cialista en literatura hispanoamericana de la Universidad de Gine-
bra y de Lausana; y mi participación. Así como de Edgard Gousse,
poeta y editor haitiano residente en Canadá y Prisca Agustoni, de
la Universidad de Juiz de Fora en Brasil. Me dediqué a centralizar
todos los textos traducidos, organizar las discusiones y las correc-
ciones y restituir una versión final. Cada traducción lleva su firma.
Finalmente, invité a Alexis Díaz-Pimienta –poeta, novelista y repen-
tista cubano–, con quien releímos en voz alta todas las traducciones
con la finalidad de darle ese toque único que posee la poesía oral.1
Las herramientas que acompañan los poemas elegidos fueron
preparadas con rigor y están a disposición de quienes deseen
profundizar sus investigaciones. La bibliografía y las notas a pie de
página indican la fuente del texto reproducido y, cuando difieren,
la primera edición de cada poema entre corchetes. Algunos valiosos
inéditos figuran igualmente en esta selección. Además de la colec-
ción personal de poemarios y antologías, los textos provienen de
los mismos autores y de diversas bibliotecas, incluyendo virtuales.
La introducción histórica, las fichas biobibliográficas de los autores,
las notas a pie de página ofrecen abundante información histórica y
académica; se complementan.
1
Para tener una idea de este trabajo innovador, algunas imágenes de Cosmopólitas
Linguae pueden ser vistas en Vimeo, <https://vimeo.com/185727995>.
31
Et ensuite: place à la poésie. Le lecteur voyage chronologiquement
parmi les poèmes – simplement ordonnés par date de naissance des
poètes. Il pourra ainsi découvrir, au-delà des écoles, tendances et
mouvements, des poètes qui cohabitent un même temps mais pas
forcément la même sphère géographique ni philosophique; des textes
poétiques influencés par un contexte commun mais très différents
en essence ou en style.
Et la poésie se devait de dialoguer avec des illustrations, permet-
tant ainsi le repos du regard. La pureté des traits, guidés par les
poèmes, incisés sur une matrice et recouverts d’encre noire... rien
de plus évocateur pour illustrer ces textes. C’est grâce à l’Atelier Le
Poisson Bouge à Genève et à la générosité et créativité maternelle
de Doris Schwab que ces pages sont parsemées de magnifiques
gravures.
70 poètes et poétesses, 170 poèmes... Une anthologie est inélucta-
blement le fruit de décisions arbitraires, un projet imparfait. Notam-
ment, certains poèmes sélectionnés sont esthétiquement discutables,
mais ils n’en constituent pas moins de précieux témoignages, d’un
état d’esprit, d’un élan, d’un langage. Il y a aussi et toujours de
grands absents; absents, entre autres, parce que nous n’avons pas pu
obtenir de réponse des ayants droit, ou faute d’accès aux originaux.
Nous sommes également conscients des imperfections que peut
présenter un projet d’une telle ampleur – notamment par son défi
d’être bilingue, presque trilingue –, malgré notre meilleure volonté.2
Je ne cache pas que cette anthologie de poésie haïtienne est une
recherche personnelle, une contribution à la mémoire, une passion
de toujours pour la poésie. C’est aussi un hommage à une partie du
sang qui coule dans mes veines et qui nourrit mon désir permanent
de Liberté et d’Indépendance, mon insurrection contre toute injus-
tice et cet amour des fusions culturelles et humaines. C’est encore la
gratitude que j’éprouve envers la Vie et cette géographie triangulaire
qui traverse mon existence: l’Afrique, l’Amérique Latine, l’Europe.

2
Ainsi, nous avons tenté de proposer tous les outils en français et en espagnol.
Une édition totalement trilingue, incluant le créole, est à envisager.
Concernant le créole, étant donné que son orthographe est récente, il existe
plusieurs graphies, ce qui ne simplifie pas la transcription ni la traduction d’un
choix si large de poèmes. Cf. la note du poème «Choucoune» d’Oswald Durand.

32
Y luego: paso a la poesía. El lector viaja cronológicamente a través
de los poemas –simplemente ordenados por fecha de nacimiento de
los poetas–. Así podrá descubrir, más allá de las escuelas, tendencias
y movimientos, a poetas que cohabitan un mismo tiempo pero
no necesariamente la misma geografía ni filosofía; textos poéticos
influenciados por un contexto común pero muy diferentes en esencia
o estilo.
Y la poesía no podía dejar de dialogar con ilustraciones, permi-
tiendo el descanso de la mirada. La fuerza y la pureza de los rasgos,
guiados por los poemas, hendidos en una matriz y bañados en tinta
negra… nada más evocador ni más fino para ilustrar estos textos.
Es gracias al taller Le Poisson Bouge de Ginebra y a la generosidad
y creatividad maternal de Doris Schwab que estas páginas están
sembradas de magníficos grabados.
Setenta poetas y poetisas, ciento setenta poemas... Una antología
es irrevocablemente el fruto de decisiones arbitrarias, un proyecto
imperfecto. Así, por ejemplo, algunos de los poemas seleccionados son
estéticamente discutibles, pero son sin duda alguna valiosos testimo-
nios de un espíritu, de un impulso, de un lenguaje. Asimismo, siempre
hay grandes ausentes; ausentes, entre otros motivos, porque no obtuvi-
mos respuesta de los titulares de derechos o por falta de acceso a los
originales. También somos conscientes de las imperfecciones que
puede presentar un proyecto de tal magnitud –en particular por el
reto de ser bilingüe, casi trilingüe–, a pesar de nuestra mejor voluntad.2
No puedo negar que esta antología de poesía haitiana es una
búsqueda personal, una contribución a la memoria, una pasión de
siempre por la poesía. Es también un homenaje a una parte de la
sangre que corre por mis venas y que alimenta mi deseo permanente
de libertad y de independencia, mi insurrección contra toda injusticia
y este amor por las fusiones culturales y humanas. Y es la gratitud
que siento hacia la Vida y esta geografía triangular que atraviesa mi
existencia: África, América Latina, Europa.

2
Así, hemos intentado proponer todas las herramientas en francés y en español.
Una edición totalmente trilingüe, que incluya el creol, sería ideal.
Con respecto al creol: dado que su ortografía es reciente, existen varias grafías,
lo que no facilita la transcripción ni la traducción de los poemas. Ver nota del
poema «Choucoune» de Oswald Durand.
33
Dans un monde où le matériel et l’utilitaire semblent primer, la
Poésie devient une urgence; un havre de liberté et de beauté, mais
aussi de constat et d’énonciation. Je souhaite que ce livre parcoure
et inspire Cuba, Haïti, l’Amérique Latine, au-delà. Que la lecture de
ces poèmes replace Haïti (et le créole) dans un lieu positif et central,
et qu’elle ravive la flamme de liberté en chacun-e.

Tavira, octobre, 2016.

34
En un mundo donde lo material y lo utilitario parece prevalecer, la
Poesía se vuelve urgencia; un remanso de libertad y belleza, también
de hallazgos y enunciaciones. Deseo que este libro recorra e inspire
Cuba, Haití, América Latina, allende. Que la lectura de estos poemas
vuelva a colocar a Haití (y al creol) en un lugar positivo y central y
reavive la llama de libertad en cada lector.

Tavira, octubre, 2016.

35
Brève histoire de la poésie haïtienne
de 1804 à nos jours

YVES CHEMLA, YASMINA TIPPENHAUER

Commencements
Au lendemain de l’indépendance en 1804, c’est sur un pays dévasté
et en guerre que se dessinent les contours des institutions littéraires
haïtiennes. Des auteurs comme Juste Chanlatte (1766-1828) ou
Antoine Dupré (1782-1816) – auteur de Hymne à la liberté1 et
Le Rêve d’un Haytien2 – publient des pièces de théâtre en vers. Mais
très rapidement une sorte de frénésie de la poésie s’empare de ceux,
peu nombreux, qui ont réussi à apprendre à lire et à écrire.
En 1817, Jules-Solime Milscent (1778-1842), qui propose ses
services pour enseigner le français et d’autres matières à ses compa-
triotes,3 fonde la première revue connue: L’Abeille Haytienne.4 La
revue publie des nouvelles d’Europe, des nouvelles maritimes, ainsi
que des analyses et des poèmes souvent liés à l’actualité politique
du pays.
Écrire des poèmes en Haïti, à cette époque, c’est poursuivre le
combat pour la reconnaissance, en rivalisant avec l’autre sur son
terrain à lui, et parvenir à s’en dégager. La poésie française du
XVIII ème siècle est encore la référence, alors qu’en France elle
commence à passer de mode.

1
Dupré, Antoine: Hymne à la liberté, [Imprimerie du Gouvernement], Port-au-
Prince, 1812.
2
Publié en 1815, selon Christophe Charles: Littérature haïtienne: Les pionniers,
l’école de 1836, Éditions Choucoune, Port-au-Prince, 2001.
3
Voir par exemple la section «Intérieur» de L’Abeille Haytienne, nro. 4, 1817,
p.11. Disponible en ligne sur Gallica.
4
L’Abeille Haytienne. Journal politique et littéraire, Imprimerie du Gouvernement,
Port-au-Prince, 1817-1820. (41 numéros disponibles en ligne sur Gallica:
<http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32680720w/date>).
36
Breve historia de la poesía haitiana
de 1804 a la actualidad

YVES CHEMLA Y YASMINA TIPPENHAUER

Inicios
Tras la independencia en 1804, el perfil de las instituciones literarias
haitianas comienza a diseñarse en un país devastado y en guerra.
Autores como Juste Chanlatte (1766-1828) o Antoine Dupré
(1782-1816) –autor de Hymne à la liberté1 y Le Rêve d’un Haytien2–
publican obras de teatro en verso. Pero rápidamente se genera un
entusiasmo por la poesía en los pocos que lograron aprender a leer
y escribir.
En 1817, Jules-Solime Milscent (1778-1842), que propone sus
servicios para enseñar el francés y otras disciplinas a sus compa-
triotas,3 funda la primera revista conocida: L’Abeille Haytienne.4 La
revista publica noticias de Europa, noticias marítimas, así como
análisis y poemas a menudo relacionados con la actualidad política
del país.
En aquella época, escribir poemas en Haití significaba seguir
luchando por el reconocimiento, competir con el otro en su propio
terreno, y lograr superarlo. La poesía francesa del siglo XVIII seguía
siendo la referencia, mientras en Francia empezaba a pasar de
moda.

1
Antoine Dupré: Hymne à la liberté, [Imprimerie du Gouvernement], Port-au-
Prince, 1812.
2
Publicado en 1815, según Christophe Charles: Littérature haïtienne: Les
pionniers, l’école de 1836, Éditions Choucoune, Port-au-Prince, 2001.
3
Ver, por ejemplo, la sección «Intérieur» de L’Abeille Haytienne, nro. 4, 1817,
p. 11. Disponible en línea en Gallica.
4
Revista L’Abeille Haytienne. Journal politique et littéraire, Imprimerie du Gouver-
nement, Port-au-Prince, 1817-1820. (41 números disponibles en línea en
Gallica: <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32680720w/date>).
37
Cette contrainte n’interdit pas des moments particulièrement
intenses, notamment dans les hymnes célébrant les luttes pour
l’indépendance ou les nouveaux pouvoirs sur l’île. On y retrouve
là encore des accents de France, ceux des chants révolutionnaires.

Hérard Dumesle
Dumesle a 20 ans en 1804. Dans les guerres qui opposent le
royaume du Nord à la République du Sud, il prend le parti de la
seconde. En 1824, après la ruine du royaume du Nord, il publie
Voyage dans le Nord d’Haïti ou Révélation des lieux et des monuments
historiques.5 L’ouvrage est un jalon important dans l’histoire de la
poésie haïtienne: récits de souvenirs, descriptions des paysages,
méditations sur l’histoire, la politique, la dégradation; il rythme son
texte de poèmes. On est là en présence d’une forme particulière de
chantefable, qui fonctionne comme un système de double éclairage:
des passages en prose par le poème; de l’élégie ou du chant de guerre
par l’argumentaire construit et progressif. Il s’agit de concevoir de
nouvelles formes d’expression qui indiquent déjà les procédés qui,
dans le futur, serviront à transmettre «le merveilleux haïtien»: ce
sera le mélange des genres.
Dumesle distingue nettement l’indifférence de la sensibilité,
traçant ainsi une ligne de partage qui traverse toute l’histoire
sociale d’Haïti. Mais il opère aussi un coup de force dans l’écono-
mie du texte par sa construction du rapport à l’histoire, qui déjoue
la trame, en général orientée du passé vers le plus proche présent.
C’est ainsi qu’il remet en scène, à partir du récit de la tentative de
soulèvement de Vincent Ogé (1755-1791) et de Jean-Baptiste
Chavannes (1748-1791), les réunions comme la cérémonie du
Bois Caïman en 1791. Il rappelle que cette révolte n’est pas la
première, et il l’inscrit dans une série amorcée dès la conquête et
renouvelée en 1754 par Macanda (Mackandal). Dans un poème
au souffle épique, il fait de la réunion et du serment de Boukman
un moment fondateur, car approuvé par les dieux. Et par là même,
il donne en note de bas de page l’invocation prophétique du Bois
Caïman, qui est elle-même fondatrice de la mémoire haïtienne et de
5
Dumesle, Hérard: Voyage dans le nord d’Hayti ou Révélations des lieux et des
monuments historiques, Imprimerie du Gouvernement, Les Cayes, 1824.
38
Esta limitación no impedía momentos muy intensos, como en los
himnos que celebran las luchas por la independencia o los nuevos
poderes en la isla. En ellos también se encuentra la influencia fran-
cesa, la de los cantos revolucionarios.

Hérard Dumesle
En 1804, Dumesle tiene 20 años. En las guerras que oponen el reino
del Norte a la República del Sur, optó por defender la segunda. En
1824, tras la derrota del reino del Norte, publica Voyage dans le Nord
d’Haïti ou Révélation des lieux et des monuments historiques,5 obra
que es un hito en la historia de la poesía haitiana donde se alternan
textos y poemas: relatos de recuerdos, descripciones de paisajes,
meditaciones sobre la historia, la política, la degradación; . Esta-mos
ante una forma particular de fábula, que funciona como un sistema
de doble perspectiva: secciones en prosa puestas de relieve por el
poema, elegías o cantos de guerra contrastando con argumentos
construidos y progresivos. Dumesle trata de concebir nuevas formas
de expresión que ya dejan entrever los procesos que se utilizarán
ulteriormente en «lo real maravilloso haitiano»: la mezcla de
géneros.
El poeta distingue claramente entre la indiferencia y la sensibi-
lidad, creando de esta forma una línea divisoria que recorre toda
la historia social de Haití. También realiza una hazaña en la econo-
mía del texto a través del vínculo que crea con la historia, cuya
trama rompe con la cronología tradicional, que suele ir del pasado
al presente más cercano. De esta forma, a partir del relato de la
tentativa de levantamiento por Vincent Ogé (1755-1791) y Jean-
Baptiste Chavannes (1748-1791), pone en escena reuniones como la
ceremonia de Bois Caïman en 1791. Recuerda que esta rebelión no
es la primera y la incluye en un conjunto iniciado desde la conquista
y reiterado en 1754 por Macanda (Mackandal). En un poema de
consonancias épicas, hace de la reunión y del juramento de Bouk-
man un momento fundador, por ser aprobado por los dioses. De
esta manera, pone en nota al pie la invocación profética de Bois
Caïman, fundadora de la memoria haitiana, y de su carácter popular
5
Hérard Dumesle: Voyage dans le nord d’Haïti ou Révélations des lieux et des monu-
ments historiques, Imprimerie du Gouvernement, Les Cayes, 1824.
39
son caractère populaire (invocation en créole que l’on retrouve dans
le recueil sacré de chants du vaudou de Max Beauvoir,6 en ouverture
de cette anthologie):

Bon die qui fait soleil, qui clairé nous en haut


Qui soulevé la mer, qui fait grondé l’orage,
Bon dié la, zot tandé? Caché dans youn nuage
Et la li gadé nous, li vouai tout ça blancs faits
Bon dié blancs mandé crime, et part nous vlé bienfèts
mais dié la qui si bon, ordonnin nous vengeance;
Li va conduit bras nous, la ba nous assistance,
Jette portrait dié blancs qui soif dlo dans gié nous,
Couté la liberté li palé cœurs nous tous.

Certes, ce texte est en note, et c’est son adaptation en français qui


participe du texte qui court sur la page, mais le caractère composite
du poème se manifeste ici avec d’autant plus de force. Il faut travail-
ler à une littérature qui procède d’un démarquage vis-à-vis de l’état
de misère intellectuelle dans lequel la population a été confondue;
mais en même temps il faut aussi parvenir à entendre et remettre en
jeu une parole populaire – fût-elle reconstruite – qui est également
fondatrice de cette littérature qui cherche ses marques et qui tente de
s’éloigner des modèles impériaux. Dumesle semble ainsi le premier
à relever le défi avec autant d’acuité.

Perception intime et poésies nationales


Mais à partir des années 1830, une nouvelle génération de poètes
prend le relais. La formation du groupe du Cénacle en 1836, autour
d’Ignace Nau, montre que la poésie est cultivée en Haïti pour elle-
même, et pas seulement comme un faire-valoir, contrairement aux
idées reçues et aux reproches contemporains.

6
Beauvoir, Max G.: Le Grand Recueil Sacré ou Répertoire des Chansons du Vodou
Haïtien, Edisyon Près Nasyonal d’Ayiti, Koleksyon Memwa Vivan, Port-au-
Prince, 2008.
40
(invocación en creol que encontramos en el compendio sagrado de los
cantos del vodú de Max Beauvoir,6 en la obertura de esta antología):

Bon die qui fait soleil, qui clairé nous en haut


Qui soulevé la mer, qui fait grondé l’orage,
Bon dié la, zot tandé? Caché dans youn nuage
Et la li gadé nous, li vouai tout ça blancs faits
Bon dié blancs mandé crime, et part nous vlé bienfèts
mais dié la qui si bon, ordonnin nous vengeance;
Li va conduit bras nous, la ba nous assistance,
Jette portrait dié blancs qui soif dlo dans gié nous,
Couté la liberté li palé cœurs nous tous.7

Es cierto que este texto aparece en nota al pie, y es su adaptación al


francés la que se incluye en el texto principal, haciendo más evidente
y vigorosa la naturaleza híbrida del poema. Hace falta crear una
literatura que se distancie del estado de miseria intelectual en el que
se encuentra la población; a la vez es necesario escuchar y difundir
una palabra popular –por más reconstruida que sea– que funcione
igualmente fundadora de esta literatura que busca sus parámetros
e intenta alejarse de los modelos imperiales. Dumesle parece ser el
primero en enfrentar el reto con tanta agudeza.

Percepción íntima y poesías nacionales


Pero a partir de los años treinta del siglo XX, una nueva generación
de poetas toma el relevo. La formación del grupo del Cénacle
en 1836, en torno a Ignace Nau, demuestra que la poesía en Haití
se cultiva por sí misma, y no solo como ancilar, contrariamente a
los prejuicios y a los reproches contemporáneos.
6
Max G. Beauvoir: Le Grand Recueil Sacré ou Répertoire des Chansons du Vodou
Haïtien, Edisyon Près Nasyonal d’Ayiti, Koleksyon Memwa Vivan, Port-au-
Prince, 2008.
7
Este Dios que creó el sol, que nos alumbra desde los cielos, / Que agita el mar,
que alimenta la tormenta, / Este Dios, sépanlo, está escondido en una nube, /
Nos contempla y ve los abusos de los blancos. / El Dios de los blancos exige
crímenes, el nuestro bendiciones. / Pero nuestro Dios nos exige venganza. /
Él guiará nuestros brazos, nos prestará asistencia. / Arrojen el retrato del Dios
blanco que tiene sed / de nuestras lágrimas. / Escuchemos la libertad que late
en todos nuestros corazones.
41
L’année précédente disparaissait Coriolan Ardouin (1812-1835).
Avec ce poète, entre dans la littérature haïtienne la lignée des poètes
maudits par le sort, et dont l’existence se confond avec le chagrin.
Cette tendance à se centrer sur Haïti s’accomplit aussi dans
la poésie d’Ignace Nau (date de naissance incertaine, en 1808,
1812 ou 1813-1845). Avec le Cénacle, en particulier autour du
périodique L’Union,7 cet ancrage est accompli avec intensité. Plus
qu’une œuvre poétique construite, les poèmes connus d’Ignace Nau
sont comme des traces de cette construction du discours. Ainsi, le
poème «Pensées du soir»8 daté de 1830 dessine les contours d’un
espace rural et haïtien – nocturne et érotisé, qui se transforme en
construction sociale, montrant l’accomplissement par le travail – et
la famille nucléaire dont la langue intime est bien le créole. Mais
dans le même temps, la rêverie est accentuée par la séparation et la
conscience du départ en exil.
Ce moment important de la poésie haïtienne vise à installer une
série de thématiques récurrentes: une sorte de taedium vitae, par
exemple chez Ardouin, mais aussi un ancrage fort dans une théma-
tique nationale et valorisant la geste initiale, rappelée sans cesse
comme la source vive de l’espérance en la construction d’une nation
désormais identifiée. Mais en même temps, cette poésie prend en
charge les conflits violents qui accablent cette identité, l’empêchant
de décrire un projet commun et d’unifier la société. La désormais
reconnaissance de l’État d’Haïti n’a pas encore permis d’accéder
au rang de Nation, autrement que comme un horizon qui recule
à mesure qu’on l’approche. Tel est bien le constat douloureux que
font Ignace Nau et Hérard Dumesle.
Parmi les contemporains de Nau, Pierre Faubert (1806-1868)
occupe une place particulière. Fils d’un général qui a pris part à
7
L’Union, Recueil Commercial et littéraire, Périodique du groupe Le Cénacle,
[s. n.], Port-au-Prince, 1837-1839. 128 numéros disponibles sur <http://gallica.
bnf.fr/ark:/12148/cb328829955/date.item.r=L’Union>.
8
Nau, Ignace: «Pensées du soir», Revue des Colonies: recueil mensuel de la politique,
de l’administration, de la justice, de l’instruction et des mœurs coloniales / par une
société d’hommes de couleur, dirigée par A. C. Bissette, nro. 11, [s. n.], Paris, mai
1837, <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54582616/f35.image>.
La Revue des Colonies fut publiée de 1834 à 1842; 12 numéros (de 1836 y 1837)
sont disponibles en ligne sur: <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32858266g/
date>.
42
El año anterior muere Coriolan Ardouin (1812-1835). Con este
poeta, se inicia en la literatura haitiana la generación de los poetas
malditos por el destino y cuya existencia se confunde con la congoja.
Esta tendencia a centrarse sobre Haití también aparece en la
poesía de Ignace Nau (fecha de nacimiento incierta, 1808, 1812 o
1813-1845). Con el Cénacle, principalmente en torno al periódico
L’Union,8 se logra un arraigo intenso. Más que una obra poética cons-
truida, los poemas conocidos de Ignace Nau son como huellas de
esa construcción del discurso. Así, el poema «Pensées du soir»,9
de 1830, esboza un espacio rural y haitiano –nocturno y erótico,
que se transforma en construcción social, demostrando la superación
mediante el trabajo–, y el núcleo familiar cuyo idioma íntimo es sin
duda el creol. Pero al mismo tiempo, el ensueño es acentuado por
la separación y la conciencia del exilio.
Este momento importante de la poesía haitiana busca instalar una
serie de temáticas recurrentes: una especie de taedium vitae, por ejem-
plo en Ardouin, pero también muestra un fuerte arraigo en la temáti-
ca nacional, valorando la gesta inicial, constantemente señalada como
fuente de esperanza en la construcción de una nación ya identifi-
cada. Al mismo tiempo, esta poesía incluye los conflictos violen-
tos que abruman esa identidad, impidiéndole la descripción de un
proyecto común y la unificación de la sociedad. El reciente recono-
cimiento del Estado de Haití aún no le permite alcanzar el rango
de nación; es solo un horizonte que se aleja a medida que uno se
acerca. Es la dolorosa observación que hacen Ignace Nau y Hérard
Dumesle.
Entre los contemporáneos de Nau, Pierre Faubert (1806-1868)
ocupa un lugar especial. Hijo de un general que participó en
8
L’Union, Recueil Commercial et littéraire, periódico del grupo Le Cénacle,
[s. n.], Port-au-Prince, 1837-1839. 128 números disponibles en <gallica.bnf.
fr/ark:/12148/cb328829955/date.item.r=L’Union>.
9
Ignace Nau: «Pensées du soir», Revue des Colonies: recueil mensuel de la
politique, de l’administration, de la justice, de l’instruction et des mœurs colonia-
les / par une société d’hommes de couleur, dirigée par A. C. Bissette, nro. 11,
[s. n.], Paris, mai 1837, <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54582616/
f35.image>.
La Revue des Colonies fue publicada de 1834 a 1842. Se pueden consultar
12 números (de 1836 a 1837) en <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/
cb32858266g/date>.
43
la guerre d’indépendance, il fait ses études en France, devient un
proche conseiller de Boyer et sera diplomate sous le gouvernement
de Geffrard. Directeur du lycée Pétion, il écrit le drame Ogé ou le
préjugé de couleur et le recueil Poésies fugitives, l’ensemble publié à
Paris en 1856.9 C’est une poésie à la fois intime et audacieuse par
les thèmes qu’elle offre. D’inspirations diverses qui renouent par
exemple avec ses jeunes années («L’étudiant, à son ami le bouvreuil»),
il honore la mémoire de Pétion avec le thrène «Sur la mort de
Célie, fille d’Alexandre Pétion, président d’Haïti». Il célèbre aussi
la femme noire, sans doute pour la première fois dans un poème,
«La Négresse». Elle y est célébrée non pas par une essentialisation
érotique, mais bien par la qualité de son sentiment amoureux, par
opposition à son amant, ici le poète, coupable d’inconstance et de
préjugés. La «Négresse» est même la seule véritable garante de la
liberté, comme le proclame le dernier vers du poème, et devient
«ange gardien», ce qui vient contrevenir à la plupart des préju-
gés encore en cours. On relève aussi dans le recueil une des rares
mentions de la partie ouest de l’île, encore réunifiée à la date du
poème (1842): «Aux jeunes filles de Saintiagues mortes dans le
tremblement de terre qui détruisit cette ville le 7 mai 1842». Ce
sont aussi des vers qui dénoncent la «Discorde implacable» qui
abreuve la terre d’Haïti du sang de ses fils et qui, en vertu de «la
sainte éloquence du cœur», tentent de permettre de transgresser une
fois pour toutes la rivalité des couleurs, «Fléau de toute nation».
En 1866, Charles Séguy Villevaleix publie à Paris Primevères,10
dont l’envoi «Au lecteur» est vraiment peu encourageant: «À une
époque et dans un pays où les intérêts matériels priment sur tous
les autres (cela s’est dit et répété à satiété), on se demandera l’uti-
lité et la portée pratique des vers qu’on va lire, – si tant est qu’on
les lise». C’est dire à la fois le désenchantement et le retour sur soi
d’une conscience qui se déclare d’emblée malheureuse. Placé sous la
triple égide de Shakespeare, Hugo et Lamartine («Sonnet-préface»)
le recueil développe une métrique rigoureuse et plutôt savante, qui
joue sur de légers déséquilibres, comme la clausule de strophes de
9
Faubert, Pierre: Ogé ou le préjugé de couleur, drame historique suivi de Poésies
fugitives et de notes, C. Maillet-Schmitz, Paris, 1856, <http://dloc.com/
AA00009687/00001>.
10
Villevaleix, Charles Séguy: Primevères: poésies, Imprimerie de Jouaust, Paris,
1866, <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5714694b>.
44
la guerra de independencia, Faubert estudia en Francia, es un
consejero cercano a Boyer y será diplomático bajo el gobierno de
Geffrard. Director del liceo Pétion, escribe el drama Ogé ou
le préjugé de couleur y el poemario Poésies fugitives, ambos publicados
en París en 1856.10 Es una poesía a la vez íntima y audaz por los
temas que ofrece. Con diferentes inspiraciones que reanudan por
ejemplo con su juventud («L’étudiant, à son ami le bouvreuil»), le
rinde homenaje a Pétion con el canto fúnebre «Sur la mort de Célie,
fille d’Alexandre Pétion, président d’Haïti». También celebra a la
mujer negra, sin duda por primera vez en un poema, «La Négresse».
No la celebra desde la perspectiva reductora del erotismo, sino por la
calidad de su sentimiento amoroso, en oposición a su amante, en este
caso el poeta, culpable de inconstancia y de prejuicios. La «Negra» es
incluso la única garante de la libertad, como dice el último verso del
poema, y se vuelve «ángel de la guarda», lo que contradice muchos
de los prejuicios vigentes. También aparece en el poemario una de
las pocas referencias a la parte oeste de la isla, aún reunificada en la
fecha del poema (1842): «Aux jeunes filles de Saintiagues mortes
dans le tremblement de terre qui détruisit cette ville le 7 mai 1842».
Son también versos los que denuncian la «Discordia implacable»
que llena la tierra haitiana de sangre de sus hijos y que intentan, en
virtud de «la santa elocuencia del corazón», transgredir de una vez
por todas la rivalidad de colores, «Lacra de toda nación».
En 1866, Charles Séguy Villevaleix publica en París Primevères,11
cuyo prólogo «Au lecteur» es realmente poco alentador: «En un
momento y en un país donde los intereses materiales prevalecen
sobre todos los demás (esto se dijo y se repitió una y otra vez), nos
preguntamos cuál es la utilidad y el alcance práctico de los versos
que vamos a leer –siempre y cuando sean leídos». Esto traduce a
la vez el desencanto y la introspección de una conciencia que se
proclama de antemano desdichada. Puesto bajo la triple influencia
de Shakespeare, Hugo y Lamartine («Sonnet-préface»), el poema-
rio desarrolla una métrica rigurosa y más bien erudita, que juega

10
Pierre Faubert: Ogé ou le préjugé de couleur, drame historique suivi de Poésies
fugitives et de notes, C. Maillet-Schmitz, Paris, 1856, <http://dloc.com/
AA00009687/00001>.
11
Charles Séguy Villevaleix: Primevères: poésies, Imprimerie de Jouaust, Paris,
1866, <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5714694b>.
45
quatre alexandrins par un décasyllabe. Les thèmes en sont souvent
morbides: l’oubli, la perte de conscience, la mort tissent des réseaux
de sens singulièrement teintés de sérénité.
Le général Alibée Féry (1818-1896), connu d’abord pour ses adap-
tations des contes populaires de Bouqui et Malice, publie en 1876 les
Essais Littéraires,11 qui rassemblent ses œuvres (théâtre, contes, poésie,
notices biographiques). Réputé pour ses traits d’humour, il a laissé
des épigrammes qui se gaussent de certains personnages, comme de
l’esprit du temps. Cette forme d’humour ouvre également des pers-
pectives à cette littérature désormais établie, et qui dispose déjà d’une
bibliothèque fournie.
Mais c’est aussi durant cette période qu’un véritable élan
anime le genre poétique en Haïti: Paul Lochard (1835-1919),
Virginie Sampeur (1839-1919), Oswald Durand (1840-1906),
Alcibiade Fleury-Battier (1841-1882), Alcibiade Pommayrac
(1844-1908), Tertullien Guilbaud (1856-1937), Massillon Coicou
(1867-1908), Arsène Chevry (1867-1915). Cette vitalité du genre
va de pair avec un moment de crise profonde qui affecte l’univers
haïtien. Les constructions et les réalisations poétiques sont diverses,
mais certains thèmes semblent récurrents: la folie, le sentiment
d’abandon, la déréliction, la déception amoureuse.
Ce moment poétique est aussi celui de l’émergence d’une grande
poésie nationale, qui célèbre la nation, ses premiers combats, et le
désastre qu’entraînent les guerres civiles récurrentes. Trois noms sont
plus particulièrement connus: Oswald Durand, Massillon Coicou
et Tertullien Guilbaud.
Oswald Durand est l’auteur du célébrissime «Choucoune».12
Considéré comme un des premiers poèmes écrit en langue créole, il
rassemble en lui plusieurs axes qui informent les thèmes du poète:
l’inscription féminine dans le paysage, la présence de son corps,
la conquête amoureuse, l’acuité de la représentation sociale, la
rivalité, entraînée par la violence du préjugé, la déception, le poids de
la démoralisation et l’impossibilité de modifier le cours des choses.
Nombreuses sont les analyses de ce poème qui en montrent le

11
Féry, Alibée: Essais littéraires, Imprimerie Énélus Robin, Port-au-Prince, 1876.
12
Durand, Charles Alexis Oswald: Rires et pleurs 1869-1896 (Tome 1 et 2), Éditions
Corbeil-Crété, Paris, 1896.
46
con pequeños desequilibrios, como el terminar estrofas de cuatro
alejandrinos por un endecasílabo. Los temas suelen ser morbosos, el
olvido, la pérdida de conciencia, la muerte tejen redes de significados
singularmente teñidos de serenidad.
El general Alibée Féry (1818-1896), célebre por sus adaptacio-
nes de los cuentos populares de Bouqui y Malice, publica en 1876
Essais littéraires,12 donde reúne sus obras (teatro, cuentos, poesía,
datos biográficos). Conocido por su humor, dejó epigramas que se
burlan de ciertos personajes así como de la época misma. Esta forma
de humor también le abre perspectivas a esa literatura finalmente
establecida, y que ya dispone de una biblioteca surtida.
Asimismo, un verdadero impulso anima el género poético en
Haití en aquel periodo: Paul Lochard (1835-1919), Virginie
Sampeur (1839-1919), Oswald Durand (1840-1906), Alcibiade
Fleury-Battier (1841-1882), Alcibiade Pommayrac (1844-1908),
Tertullien Guilbaud (1856-1937), Massillon Coicou (1867-1908),
Arsène Chevry (1867-1915). La vitalidad del género va relacionada
con el momento de crisis profunda que afecta el universo haitiano.
Las construcciones y logros son diversos, pero algunos temas son
recurrentes: la locura, el sentimiento de abandono, el desamparo,
la decepción amorosa.
Aquel momento poético también ve el surgimiento de una gran
poesía nacional, que celebra la nación, relata sus primeros combates, y
el desastre causado por las guerras civiles recurrentes. Tres nom-
bres sobresalen: Oswald Durand, Massillon Coicou y Tertullien
Guilbaud.
Oswald Durand es el autor del muy célebre «Choucoune».13
Considerado uno de los primeros poemas en creol, reúne varios ejes
que revelan los temas del poeta: la inclusión femenina en el paisaje,
la presencia de su cuerpo, la conquista amorosa, la agudeza de la
representación social, la rivalidad, causada por la violencia del prejui-
cio, la desilusión, el peso de la desmoralización y la imposibilidad de
modificar el curso de los acontecimientos. Numerosos análisis del
poema subrayan su carácter desesperado, que Durand parece utilizar
para plasmar el estado del país, objeto de codicias y sobre todo de
12
Alibée Féry: Essais littéraires, Imprimerie Énélus Robin, Port-au-Prince, 1876.
13
Charles Alexis Oswald Durand: Rires et pleurs 1869-1896 (Tome 1 et 2), Éditions
Corbeil-Crété, Paris, 1896.
47
caractère désespéré, et par lequel Durand semble chercher à traduire
l’état même du pays, objet de convoitises et surtout de rapines, qui
finissent par user les êtres au point de neutraliser leurs réactions.
Ainsi, il faut entendre ce vers de Choucoune par delà l’expression
imagée de l’immobilité: «Choucoun’ quitté moin, dé pieds moin lan
chaine…». La chaîne aux pieds fait référence à la réalité épouvantable
qui peine à s’éloigner des consciences, et qui évoque la brutalité de
la sexualité des maîtres.
C’est avec Tertullien Guilbaud qu’une poésie d’inspiration réso-
lument patriotique prend son essor. Il publie Patrie, espérance et
souvenirs en 1885,13 qui rappelle les combats initiaux. Ainsi, son
«Toussaint-Louverture, à l’aspect de la flotte française (1802)»
expose les méditations du héros, au moment où il prend la décision
de résister. Il revient sur la hantise qui a informé une bonne partie de
la conscience nationale pendant de longues années. C’est par Guil-
baud qu’entre dans la poésie haïtienne ce que l’on désigne comme
la dimension mystique de l’épopée de la libération.
Le cadet des deux précédents, Massillon Coicou, publie à Paris
ses Poésies nationales en 1892.14 Il y célèbre la gloire haïtienne de
la conquête de l’indépendance, et de la lutte contre l’esclavage. En
même temps, il sanctuarise la noblesse de ces luttes, par opposition
à des temps sans grandeurs. Il s’agit bien pour Coicou de préserver
par le texte cette identité nationale menacée de toutes parts, et en
particulier par la défaite du sentiment national qui a pourtant été le
guide de ces combattants initiaux.
Coicou donne le fameux «Yanquisme», il y dénonce la dégradation
des mœurs aux États-Unis, avec la véhémence teintée d’ironie qui
semble bien un souvenir de ses lectures des Satires de Juvénal:

Il faut de l’or, – ou rien, – pour être, – ou ne pas être,


Time is money. Le crime aussi.
Or, faisons fi du bien; car l’honneur enchevêtre;
C’est par le mal qu’on réussit.

13
Guilbaud, Tertullien: Patrie, espérance et souvenirs, Librairie Léopold Cerf, Paris,
1885.
14
Coicou, Massillon: Poésies nationals, V. Goupy et Jourdan, Paris, 1892.
48
rapiñas, que terminan agotando a los seres humanos al punto de
neutralizar sus reacciones. Por lo tanto hay que interpretar este verso
de «Choucoune» más allá de la expresión simbólica de inmovilidad:
«Choucoun’ quitté moin, dé pieds moin lan chaine…».14 El grillete
en los pies hace referencia a la realidad espantosa que difícilmente se
aleja de las conciencias, y que evoca la brutalidad sexual de los amos.
Con Tertullien Guilbaud se desarrolla una poesía de inspiración
firmemente patriótica. Publica Patrie, espérance et souvenirs (1885),15
que trae al recuerdo las luchas iniciales. Su poema «Toussaint-
Louverture, à l’aspect de la flotte française (1802)» presenta las
reflexiones del héroe, en el momento en que decide resistir. Vuelve
sobre la obsesión que atormentó gran parte de la conciencia nacional
durante largos años. Es a través de Guilbaud que entra en la poesía
haitiana la llamada dimensión mística de la epopeya de liberación.
Massillon Coicou, el menor de los dos anteriores, publica sus
Poésies nationales (1892)16 en París. En ellas celebra la gloria haitiana
de la conquista de la independencia y de las luchas contra la escla-
vitud. A la vez, sacraliza la nobleza de esas luchas, en oposición a
tiempos sin grandeza. Para Coicou se trata de preservar, a través del
texto, la identidad nacional amenazada en todos los frentes, y en
particular por la derrota del sentimiento nacional que, sin embargo,
guió a los combatientes iniciales.
Coicou suelta el famoso «Yanquisme», donde denuncia la degra-
dación moral de los Estados Unidos, con una vehemencia teñida de
ironía, sin duda un recuerdo de sus lecturas de las Sátiras de Juvenal:

Il faut de l’or, – ou rien, – pour être, – ou ne pas être,


Time is money. Le crime aussi.
Or, faisons fi du bien; car l’honneur enchevêtre;
C’est par le mal qu’on réussit.17

14
«Choucoune me abandonó, tengo los pies encadenados...».
15
Tertullien Guilbaud: Patrie, espérance et souvenirs, Librairie Léopold Cerf, Paris,
1885.
16
Massillon Coicou: Poésies nationales, V. Goupy et Jourdan, Paris, 1892.
17
Hace falta oro –o nada–, para ser –o no ser, / Time is money. El crimen tam-
bién. / Mas, pasemos por alto el bien; pues el honor enmaraña; / El mal permite
triunfar.
49
Les Poésies nationales se terminent par un «Adieu» qui est un appel
au patriotisme et qui fait du livre le support de la lutte pour le culte
de la patrie. En 1908, Massillon Coicou participe à un mouvement
qui vise à déposer le président Nord Alexis. Celui-ci le fait arrêter et
fusiller. Il devient, par ce destin funeste qui atteste de la réalité de ses
augures poétiques, le symbole même de la poésie haïtienne militante
et opprimée. Avec Durand et Coicou, la poésie haïtienne prend la
mesure de cette poésie souveraine, qui sait aller au bout de son souffle
et de la puissance de l’image. Coicou sait plier ces formes au profit de
cette force de l’imaginaire par lequel survivent dans les consciences
la grandeur de la libération, mais aussi celle du désastre recommencé
génération après génération. Durand et Coicou deviennent dès leur
vivant des classiques essentiels de la poésie haïtienne.

La Ronde

Ceux qu’on a appelés «la génération de La Ronde», du nom d’une


revue publiée entre 1898 et 1902,15 traduisent le retrait dans une
poésie qui se distancie de la véhémence, de l’imprécation et de la
grandiloquence. Parmi les poètes du groupe, on trouve Georges
Sylvain, Etzer Vilaire, Seymour Pradel, Charles Moravia, Edmond
Laforest et Damoclès Vieux. Leur poésie fait retour sur l’intime,
a-t-on lu souvent. Sans doute faut-il considérer cette figure comme le
produit d’une série d’oppositions et de paradoxes: c’est bien en raison
du sentiment aigu de décalage entre le rêve d’une Haïti heureuse
et prospère – qui s’est peu à peu transformé en fable poétique et
héroïque –, et la platitude d’une existence que seuls les soubresauts
du politique et des luttes fratricides viennent animer, que l’idéal
de fraternité s’est dilué au profit d’une intériorité qui déclare son
autonomie. Face à la crise permanente, aucun équilibre ne parvient
à installer une résolution acceptable, ni surtout acceptée et partagée.
Le poète alors s’évade, il interroge les ressacs de cette tempête qui
n’en finit pas.

15
La Ronde. Revue littéraire et critique, fondée par Pétion Gérome et Dantès
Bellegarde, [s. n.], Port-au-Prince, 1898-1902.
50
Las Poésies nationales terminan con un «Adieu» que es un llamado
al patriotismo y que convierte el libro en la base de la lucha por
el culto a la patria. En 1908, Massillon Coicou participa en un
movimiento que aspira a destituir al presidente Nord Alexis. Este
lo arresta y lo manda a fusilar. Con un destino tan funesto que da
fe de la realidad de sus augurios poéticos, Coicou se convierte en el
símbolo de la poesía militante y oprimida de Haití. Con Durand y
Coicou, la poesía haitiana adopta la magnitud de la poesía soberana,
que sabe ir al extremo de su aliento y del poder de la imagen. Coicou
sabe adaptar esas formas en pos de esa fuerza del imaginario, por
el que sobreviven en las conciencias la magnitud de la liberación,
pero también la del desastre perpetuado generación tras generación.
Durand y Coicou se vuelven, en vida, clásicos esenciales de la poesía
haitiana.

La Ronde

Los integrantes de la llamada «generación de La Ronde», por el


nombre de una revista publicada entre 1898 y 1902,18 traducen la
retirada en una poesía que se aleja de la vehemencia, la impreca-
ción y la grandilocuencia. Entre los poetas del grupo se encuentran
Georges Sylvain, Etzer Vilaire, Seymour Pradel, Charles Moravia,
Edmond Laforest y Damoclès Vieux. Se dijo a menudo que dicha
poesía regresa a lo íntimo. Habrá que considerar esta figura como
el resultado de una serie de oposiciones y paradojas: es debido al
sentimiento profundo de desfase entre el sueño de un Haití feliz
y próspero –que se transformó poco a poco en una fábula poética y
heroica–, y la trivialidad de una existencia animada únicamente por
sobresaltos políticos y luchas fratricidas, que el ideal de fraternidad
se diluyó a favor de una interioridad que declara su autonomía.
Ante la crisis permanente, ningún equilibrio logra instalar una
solución aceptable, y menos aún aceptada y compartida. El poeta se
evade entonces, y cuestiona las resacas de esa tempestad que nunca
acaba.

18
La Ronde. Revue littéraire et critique, fundada por Pétion Gérome y Dantès
Bellegarde, [s. n.], Port-au-Prince, 1898-1902.
51
Georges Sylvain (1866-1925) décentre de façon singulière
la pratique poétique elle-même. Son adaptation des fables de
La Fontaine en créole, Cric? Crac? Fables de la fontaine racontées par
un montagnard haïtien,16 est une translittération des fables originales
dans le langage populaire et celui des usages quotidiens. Modifiant
leur contexte original, Sylvain change sensiblement leurs signifi-
cations. La retraduction des fables nouvelles en français témoigne
aussi de la condescendance de classe manifeste, à l’égard du «gentil
dialecte», ou de ce «français autrement prononcé». Mais il n’en
demeure pas moins une réussite: Sylvain fait rimer les vers, d’un
bout à l’autre du recueil, montrant par là, au-delà de l’exercice de
style, la plasticité de la langue créole, et sa capacité à advenir comme
langue littéraire, contre le préjugé ambiant.
Edmond Laforest (1876-1915), leur contemporain et ami publie
lui aussi un recueil en 1901, Poèmes Mélancoliques, 1894-1900,17 dans
la même tonalité. En 1915, il publie, en réaction au débarquement
nord-américain un «Thrène pour Haïti», poème désespéré qui se
termine par les vers suivants: «O Patrie, en la flamme impie et l’âpre
danse, / D’un coup, nous t’avons fait sauter la tête en l’air». Il se
suicide la même année, selon une légende souvent répétée, parfois
moquée, en se jetant dans un bassin, un dictionnaire Larousse au
bout d’une chaîne enserrant son cou. La symbolique d’une telle mise
en scène n’échappa pas à ses contemporains.
Une seconde voix féminine se fait entendre après celle de Virginie
Sampeur, mais de loin. Fille du général Lysius Salomon (président
de la République 1879-1888), Ida Faubert (1882-1969) publie ses
premiers vers en 1912 dans la revue Haïti Littéraire et Scientifique.18
Elle incarne une vie littéraire brillante, opulente, marquée par son
existence parisienne entre 1888 et 1903. Elle décide de s’installer
définitivement à Paris à partir de 1914, secouant les pesanteurs
conservatrices de la vie port-au-princienne et de la classe sociale dans

16
Sylvain, Georges: Cric? Crac? Fables de La Fontaine racontées par un montagnard
haïtien et transcrites en vers créoles, préface de Louis Borno, Ateliers haïtiens,
Paris, 1901.
17
Laforest, Edmond: Poèmes Mélancoliques, 1894-1900, Imprimerie Henry
Amblard, Port-au-Prince, 1901.
18
Haïti Littéraire et Scientifique, dirigée par Edmond Laforest, Port-au-Prince,
1912-1913.
52
Georges Sylvain (1886-1925) descentra considerablemente la
práctica poética misma. Su adaptación de las fábulas de La Fontaine
al creol, Cric? Crac? Fables de la fontaine racontées par un montagnard
haïtien,19 es una transliteración de las fábulas originales al lenguaje
popular y a los usos cotidianos. Al cambiar su contexto original,
Sylvain modifica sustancialmente sus significados. La retraducción
de las fábulas nuevas al francés también demuestra la manifiesta
condescendencia de clase ante ese «ingenuo dialecto», o ese «francés
pronunciado de otra forma». Sin embargo, es un éxito: Sylvain hace
rimar los versos a lo largo de todo el libro, demostrando así, más
allá del ejercicio de estilo, la plasticidad del creol y su capacidad de
convertirse en lengua literaria, contra el prejuicio imperante.
Edmond Laforest (1876-1915), su amigo y contemporáneo,
también publica un poemario en 1901, Poèmes Mélancoliques,
1894-1900,20 en el mismo tono. En 1915, en reacción al desembarco
norteamericano, publica «Thrène pour Haïti», un canto fúnebre para
Haití, poema desesperado que termina con los versos siguientes: «O
Patrie, en la flamme impie et l’âpre danse, / D’un coup, nous t’avons
fait sauter la tête en l’air».21 Se suicida el mismo año, según una
leyenda a menudo contada, a veces de manera burlona, ahogándose
con un diccionario Larousse atado al cuello. El simbolismo de tal
puesta en escena no dejó de marcar a sus contemporáneos.
Una segunda voz femenina se oye después de la de Virginie
Sampeur, pero desde lejos. Hija del general Lysius Salomon
(presidente de la República, 1879-1888), Ida Faubert (1882-
1969) publica sus primeros versos en 1912, en la revista Haïti
Littéraire et Scientifique.22 Ella encarna una vida literaria brillante,
opulenta, marcada por su experiencia parisina entre 1888 y 1903.
Decide instalarse definitivamente en París en 1914, sacudiendo la
mentalidad conservadora de Puerto Príncipe y de la clase social en
la que brilla. Abre su salón, en su departamento de la calle Blomet,
19
Georges Sylvain: Cric? Crac? Fables de La Fontaine racontées par un montagnard
haïtien et transcrites en vers créoles, prefacio de Louis Borno, Ateliers haïtiens,
Paris, 1901.
20
Edmond Laforest: Poèmes Mélancoliques, 1894-1900, Imprimerie Henry
Amblard, Port-au-Prince, 1901.
21
«Oh Patria, en la llama impía y la danza amarga, / De golpe, te hemos volado
la cabeza».
22
Haïti Littéraire et Scientifique, dirigida por Edmond Laforest, Port-au-Prince,
1912-1913.
53
laquelle elle brille. Elle tient salon, dans son appartement de la rue
Blomet, où retentissent à partir de 1924 les musiques du célébrissime
Bal Nègre.19 Elle y accueille de nombreuses personnalités culturelles et
fréquente le monde féminin et lesbien qui connaît à cette époque un
âge d’or: Anna de Noailles, Lucie Delarue-Mardrus, Myriam Harry
fréquentent assidûment son salon. Elle accueille les écrivains haïtiens
de passage, comme Léon Laleau ou bien le docteur Price-Mars. La
poésie d’Ida Faubert cultive le doux et l’amer, dans une langue qui
se veut simple et directe, et des vers octosyllabes.

Indigénisme et surréalisme
L’occupation états-unienne qui va se prolongeant suscite un mouve-
ment de retour sur la culture populaire haïtienne, et sur les combats
menés contre l’occupant. Ce sont autant de nouvelles conditions qui
sont posées à la littérature, mais plus largement aux rapports des
Haïtiens à leurs propres cultures, qui se manifestent dans ces années,
en particulier autour de la publication d’Ainsi parla l’Oncle de Jean
Price-Mars en 1928.20

Léon Laleau
La période de l’occupation américaine semble d’abord plus propice
au roman qu’à la poésie. Cependant, une génération de poètes nés
autour de 1900 prend acte d’une approche renouvelée de l’action
poétique. Léon Laleau (1892-1979) n’est pas seulement poète, mais
aussi romancier, dramaturge et essayiste. C’est un homme politi-
que et un diplomate. Il publie en 1919 À voix basse,21 sans doute le

19
Le Bal Nègre est un cabaret de musique afro-antillaise fréquenté par les grandes
personnalités de la vie culturelle parisienne des années vingt à cinquante. On
y retrouve Joséphine Baker, Man Ray, Henry Miller, Ernest Hemingway,
Francis Scott Fitzgerald, Jean Cocteau ou encore Paul Morand, Joan Miro,
Piet Mondrian, Robert Desnos, Sidney Bechet; et plus tard: Jean-Paul
Sartre, Simone de Beauvoir, Boris Vian, Albert Camus, Jacques Prévert ou
Maurice Merleau-Ponty. Le Bal Nègre rouvre ses portes en 2017, <www.
balblomet.fr>.
20
Price-Mars, Jean: Ainsi parla l’Oncle, Imprimerie de Compiègne, Compiègne,
1928.
21
Laleau, Léon: À voix basse (petits poèmes), Imprimerie Moderne, Port-au-Prince,
1919.
54
en el que se oyen a partir de 1924 los ritmos del famosísimo Bal
Nègre.23 Es la anfitriona de varias personalidades culturales y
frecuenta el mundo femenino y lésbico que vive, en aquella época,
una edad de oro: Anna de Noailles, Lucie Delarue-Madrus, Myriam
Harry suelen frecuentar su salón. Recibe a los autores haitianos en
tránsito, como Léon Laleau o el doctor Price-Mars. La poesía de
Ida Faubert cultiva lo dulce y lo amargo, en una lengua que busca
ser simple y directa, y en versos octosílabos.

Indigenismo y surrealismo
La prolongada ocupación estadounidense (iniciada en 1915) provoca
un movimiento de lucha contra el ocupante y de retorno a la cultura
popular haitiana. Son nuevas condiciones las que afectan la literatura
y, más ampliamente, la relación de los haitianos con su propia cultu-
ra, las que se manifiestan en esos años, particularmente en torno de
la publicación de Ainsi parla l’Oncle de Jean Price-Mars en 1928.24

Léon Laleau
El periodo de la ocupación norteamericana parece, en un primer
momento, más propicio a la novela que a la poesía. Sin embargo, una
generación de poetas nacidos alrededor de 1900 participa de un en-
foque renovado de la acción poética. Léon Laleau (1892-1979) no
solo es poeta, sino también novelista, dramaturgo y ensayista. Es
hombre político y diplomático. En 1919 publica À voix basse,25 sin
duda el primer poemario haitiano en el que el verso está liberado de
los códigos y de las formas versificadas tradicionales. Con Musique
nègre (1931),26 Léon Laleau gana fama más allá de las fronteras.
23
El Bal Nègre es un cabaré de música afroantillana frecuentado por las
grandes personalidades de la vida cultural parisina entre los años veinte y
cincuenta. Entre ellos, Josephine Baker, Man Ray, Henry Miller, Ernest Hemingway,
Francis Scott Fitzgerald, Jean Cocteau, Paul Morand, Joan Miro, Piet Mondrian,
Robert Desnos, Sidney Bechet, y, más tarde, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir,
Boris Vian, Albert Camus, Jacques Prévert y Maurice Merleau-Ponty. El Bal Nègre
vuelve a abrir sus puertas en 2017, <www.balblomet.fr>.
24
Jean Price-Mars: Ainsi parla l’Oncle, Imprimerie de Compiègne, Compiègne, 1928.
25
Léon Laleau: À voix basse (petits poèmes), Imprimerie Moderne, Port-au-Prince,
1919.
26
Léon Laleau: Musique nègre, À compte d’auteur, Port-au-Prince, 1931.
55
premier recueil poétique haïtien dans lequel le vers est libéré des
codes et des formes versifiées traditionnelles. C’est Musique nègre
en 1931 qui fait connaître Léon Laleau bien au-delà des frontières.22
La mince plaquette, publiée à compte d’auteur, est placée sous l’égide
de La Fontaine, Pierre Reverdy et Tristan Derème, qui prônent la
concision. Il s’ouvre par le poème «Trahison», qui pose le cadre d’un
écart radical de la désignation du monde et de l’espace intérieur,
dans la langue autre, imposée:

Ce cœur obsédant, qui ne correspond


Pas avec mon langage et mes costumes,
Et sur lequel mordent, comme un crampon,
Des sentiments d’emprunt et des coutumes
D’Europe, sentez-vous cette souffrance
Et ce désespoir à nul autre égal
D’apprivoiser, avec des mots de France,
Ce cœur qui m’est venu du Sénégal?

Écrire en Haïti commence déjà par la reconnaissance de cette


excentration qui prend l’allure d’une schize, génératrice d’une souf-
france radicale. Repris en 1948 dans l’Anthologie de la nouvelle poésie
nègre et malgache de Senghor,23 le court poème est devenu depuis
l’affirmation de ce pas de côté accompli par les poètes haïtiens.
Mais la présence de ce poème dans l’anthologie occulte en quelque
sorte le poème qui le suit immédiatement, «Hérédités»:

J’écoute en moi glapir, certains soirs, le lambi


Qui ralliait mes ancêtres sur la montagne.
Je les revois, membres fourbus, couteau fourbi,
Avec le meurtre aux yeux et du sang sur leur pagne.

Mais aussi j’entends un air lent de Rameau


Qui s’englue aux clameurs de haines et de guerres.
Aux cris nègres se mêle alors un chalumeau,
Et de fins escarpins aux savates vulgaires…

22
Laleau, Léon: Musique nègre, À compte d’auteur, Port-au-Prince, 1931.
23
Senghor, Léopold Sédar: Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, PUF,
France, 1948.
56
El pequeño folleto publicado a cuenta de autor, se encuentra bajo
la égida de La Fontaine, Pierre Reverdy y Tristan Derème, quienes
preconizan la concisión. Se abre con el poema «Trahison», que esta-
blece el marco de una distancia radical de la designación del mundo
y del espacio interior, en la lengua otra, impuesta:

Ce cœur obsédant, qui ne correspond


Pas avec mon langage et mes costumes,
Et sur lequel mordent, comme un crampon,
Des sentiments d’emprunt et des coutumes
D’Europe, sentez-vous cette souffrance
Et ce désespoir à nul autre égal
D’apprivoiser, avec des mots de France,
Ce cœur qui m’est venu du Sénégal?27

Escribir en Haití implica aceptar esta excentración que se asemeja


a una escisión, generadora de un sufrimiento radical. Retomado
en 1948 en la Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de
Senghor,28 el breve poema se convirtió desde entonces en la afir-
mación de ese paso un lado que dieron los poetas haitianos. Sin
embargo, la presencia de este poema en la antología, oculta de alguna
manera el poema que le sigue, «Hérédités»:

J’écoute en moi glapir, certains soirs, le lambi


Qui ralliait mes ancêtres sur la montagne.
Je les revois, membres fourbus, couteau fourbi,
Avec le meurtre aux yeux et du sang sur leur pagne.

Mais aussi j’entends un air lent de Rameau


Qui s’englue aux clameurs de haines et de guerres.
Aux cris nègres se mêle alors un chalumeau,
Et de fins escarpins aux savates vulgaires…29
27
Este corazón obsesivo, que no encaja / Con mi lenguaje ni mis trajes, / Y en el
que se aferran, como garras, / Sentimientos ajenos y costumbres / De Europa,
¿acaso sienten este sufrimiento / Y esta desesperación sin igual / Por domar,
con palabras de Francia, / Este corazón que me vino de Senegal?
28
Léopold Sédar Senghor: Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, PUF,
France, 1948.
29
Escucho en mí, ciertas noches, sonar el lambí / Que reunía a mis ancestros en
el monte. / Los veo, miembros exhaustos, cuchillo afilado, / Con el crimen en
57
C’est donc bien à l’articulation des deux axes que la poésie œuvre; il
s’agit de reconnaître en soi la présence de l’un et de l’autre. La possi-
bilité poétique s’ouvre alors à des évocations multiples. La poésie
haïtienne se manifeste comme intranquille.

Émile Roumer
Né en 1903, Roumer est de Jérémie, ville de naissance de poètes
tels Etzer Vilaire et Edmond Laforest. Petit-fils d’un compagnon
de José Marti exilé en Haïti, il a sans doute, de par l’influence de
sa famille, un cadre de références ouvert sur le monde. Il mène des
études secondaires à Paris puis des études commerciales à Londres,
avant de rentrer en Haïti en 1925.
C’est la même année que Roumer publie Poèmes d’Haïti et de
France.24 En 1927 il fonde avec Normil Sylvain La Revue Indigène,25
dont les membres les plus connus sont Carl Brouard, André Liau-
taud, Jacques Roumain, Philippe Thoby-Marcelin, Antonio Vieux.
Proches du Docteur Price-Mars, qui rassemble les textes de ses
conférences ainsi que de nombreux articles dans Ainsi Parla l’oncle,
ils participent de ce mouvement qui vise à réactiver la conscience
des origines africaines d’Haïti, et à s’affirmer comme Haïtiens à part
entière, d’où le terme d’indigénisme.
Pour Roumer, en particulier, c’est plus que le phrasé poétique qui
se modifie sensiblement. Les deux langues, le créole et le français se
partagent la possibilité de nomination du monde. Ainsi, dans son
poème le plus célèbre, «Marabout de mon cœur», voit-on le blason
du corps féminin se confondre avec la préoccupation la plus essen-
tielle de l’homme haïtien: manger – dont on rappelle ici qu’il a
en créole aussi le sens de ‘faire l’amour’.

Marabout de mon cœur aux seins de mandarine,


Tu m’es plus savoureuse que crabe en aubergine.
Tu es un afiba dedans mon calalou,
le doumboueil de mon pois, mon thé de z’herbe à clou.
Tu es le bœuf salé dont mon cœur est la couenne.

24
Roumer, Émile: Poèmes d’Haïti et de France, Éditions de La Revue Mondiale,
Paris, 1925.
25
La Revue Indigène, Imprimerie Modèle, Port-au-Prince, 1927. Premier numéro:
<http://ufdc.ufl.edu/UF00095935/00001>.
58
La poesía, precisamente, articula ambos ejes; se trata de reconocer
en sí la presencia del uno y del otro. La posibilidad poética enton-
ces abre paso a una multitud de evocaciones. La poesía haitiana se
manifiesta como intranquila.

Émile Roumer
Nacido en 1903, Roumer es de Jérémie, ciudad donde nacieron
poetas como Etzer Vilaire y Edmond Laforest. Nieto de un compa-
ñero de José Martí exiliado en Haití, Roumer tiene, sin duda por la
influencia de su familia, un marco de referencias abierto al mundo.
Sigue estudios secundarios en París, luego estudios comerciales en
Londres, antes de volver a Haití en 1925.
El mismo año, Roumer publica Poèmes d’Haïti et de France.30
En 1927 funda con Normil Sylvain La Revue Indigène,31 cuyos
miembros más famosos son Carl Brouard, André Liautaud, Jacques
Roumain, Philippe Thoby-Marcelin, Antonio Vieux. Cercanos al
doctor Price-Mars, que reúne los textos de sus conferencias y nume-
rosos artículos en Ainsi Parla l’oncle, participan de ese movimiento
que busca reactivar la conciencia de los orígenes africanos de Haití,
y afirmarse como haitianos por derecho propio, lo que explica el
uso del término indigenismo.
Para Roumer, en particular, cambia significativamente mucho más
que el fraseo poético. Ambos idiomas, el creol y el francés, comparten
la posibilidad de nombrar el mundo. Así, en su poema más famoso,
«Marabout de mon cœur», vemos el emblema del cuerpo femenino
confundirse con la preocupación más esencial del hombre haitiano:
comer –que en creol también significa «hacer el amor».

Marabout de mon cœur aux seins de mandarine,


Tu m’es plus savoureuse que crabe en aubergine.
Tu es un afiba dedans mon calalou,
le doumboueil de mon pois, mon thé de z’herbe à clou.

la mirada y sangre en su paño. // Mas también percibo una melodía lenta de


Rameau / Que se funde con los gritos de odio y de guerra. / A los gritos negros
se suma entonces una flauta, / Y finos escarpines a las toscas sandalias…
30
Émile Roumer: Poèmes d’Haïti et de France, Éditions de La Revue Mondiale,
Paris, 1925.
31
La Revue Indigène, Imprimerie Modèle, Port-au-Prince, 1927. Primer número:
<http://ufdc.ufl.edu/UF00095935/00001>.
59
L’acassan au sirop qui coule en ma gargane.
Tu es un plat fumant, diondion avec du riz,
Des akras croustillants et des thazars bien frits.
Ma fringale d’amour te suit où que tu ailles;
Ta fesse est un boumba chargé de victuailles.

Tout écolier haïtien connaît ce poème qui, avec «Choucoune» de


Durand, renvoie à un champ de références qui suscitent immédiate-
ment la représentation mentale d’une haïtianité partagée. Mais avec
Roumer parvient une touche nouvelle, celle de l’humour, qui ne se
confond pas avec la dérision.

Carl Brouard
Né en 1902, Carl Brouard incarne dans la poésie haïtienne le type
du poète en rupture de classe. Rejeton d’une famille de commerçants
aisés, il s’installe à l’âge de vingt ans dans la bohème, il s’intéresse au
vaudou. Il fait partie du groupe de direction de La Revue Indigène.
En 1927 il publie à compte d’auteur Écrit sur du Ruban rose.26 Ce
n’est qu’en 1963 que le «Comité soixantième anniversaire de Carl
Brouard» publie à Port-au-Prince les Pages retrouvées,27 œuvre en
prose et en vers.
Les premiers poèmes posent habilement un changement de
perspective de la représentation. Ainsi, un court texte évoque le
«Ouanga», un objet rituel censé porter un sort, ainsi que la prêtresse,
la mambo:

Mambo habile dans l’art de l’hypnose


des ouangas, je veux d’un envoûtant mielleux élixir, pour que la lampe du
cœur de l’aimée s’illumine à jamais
de mon amour.

Mais très vite, les textes gagnent en densité, en pouvoir d’évocation


et, surtout, de désignation.

26
Brouard, Carl: Écrit sur du ruban rose, Imprimerie Modèle, Port-au-Prince,
1927.
27
Brouard, Carl: Pages retrouvées. Œuvres en prose et en vers, Éditions Panorama,
Port-au-Prince, 1963.
60
Tu es le bœuf salé dont mon cœur est la couenne.
L’acassan au sirop qui coule en ma gargane.
Tu es un plat fumant, diondion avec du riz,
Des akras croustillants et des thazars bien frits.
Ma fringale d’amour te suit où que tu ailles;
Ta fesse est un boumba chargé de victuailles.32

Todo estudiante haitiano conoce este poema que, con «Choucou-


ne» de Durand, remite a un campo de referencias que crea inmedia-
tamente la representación mental de una haitianidad compartida.
Pero con Roumer aparece un toque nuevo, el del humor, que no se
confunde con el escarnio.

Carl Brouard
Nacido en 1902, Carl Brouard, encarna en la poesía haitiana el
prototipo del poeta en ruptura de clase. Retoño de una familia de
comerciantes acomodados, se instala a los veinte en la bohemia y
se interesa por el vodú. Integra la dirección de La Revue Indigène.
En 1927 publica a cuenta de autor Écrit sur du ruban rose.33 Pero
solamente en 1963, el «Comité sexagésimo aniversario de Carl
Brouard» publica en Puerto Príncipe Pages retrouvées,34 obra en
prosa y en verso.
Los primeros poemas diseñan con habilidad un cambio de pers-
pectiva de la representación. Así, un texto breve evoca el «Wanga»,
un objeto ritual que suele echar un hechizo, y la sacerdotisa, la
mambo:

Mambo habile dans l’art de l’hypnose


des ouangas, je veux d’un envoûtant mielleux élixir, pour que la lampe du

32
Hechicera de mi corazón con los senos de mandarina, / Eres más sabrosa que
cangrejo en berenjena. / Eres una afiba en mi calalú, / el dumbuey de mi fréjol,
mi agüita aromática. / Eres el lomo salado y mi corazón su tocino. / El acasán
con jarabe que corre en mi garganta. / Eres un plato humeante, diondion con
arroz, / Akras crujientes y pescados bien fritos. / Mi antojo de amor te sigue
adonde vayas; / Tu nalga es un caldero lleno de vituallas.
33
Carl Brouard: Écrit sur du ruban rose, Imprimerie Modèle, Port-au-Prince, 1927.
34
Carl Brouard: Pages retrouvées. Œuvres en prose et en vers, Éditions Panorama,
Port-au-Prince, 1963.
61
Avec Brouard, l’attention poétique est portée sur les êtres et
les lieux les moins évoqués dans la littérature bourgeoise. Dans
des textes retrouvés et non classés, une note, sans doute tardive,
évoque la déchirure au cœur même du poète: «Deux hommes
sont en moi, étrangement dissemblables. L’un chaste candide,
tout prêt à sangloter d’extase à vos pieds, Seigneur. L’autre,
railleur, insouciant, cynique, ardent au plaisir. Seigneur, ces
deux hommes, comment les concilier?». Il meurt, solitaire, dans la
rue, en 1965. Des funérailles officielles sont célébrées; elles sont
surtout populaires.

Magloire-Saint-Aude
Clément Magloire, né en 1912, apparaît désormais comme le poète
de l’énigme. Les textes insolites qu’il publie à partir de 1941, sa
parenté avec la frange hermétique du mouvement surréaliste,
sa poétique lapidaire et son existence en rupture avec ses origines
bourgeoises, entourent le poète d’une aura de mystère, qui a très
rapidement constitué ses poèmes en autant d’énigmes. Son œuvre
est constituée de trois minces plaquettes: Dialogue de mes lampes
(1941),28 Tabou, également de 194129 et Déchu (1956).30 Soit un peu
moins de cinquante pages qui embrasent singulièrement la poésie
haïtienne depuis leur publication. Il est aussi reconnu très rapidement
à l’étranger, notamment à la suite du séjour d’André Breton en Haïti,
fasciné par le lyrisme des images. Mais cette reconnaissance a quelque
peu un parfum d’exotisme, ne prenant pas en charge la dimension
pathétique de cette poésie qui frôle les limites de l’inexprimable et
du silence, en particulier par sa brièveté sur la page.
La poésie de Magloire-Saint-Aude est lapidaire et cultive l’hermé-
tisme. Elle défie les possibilités de représentation et d’interprétation
communes, qui visent en général à atteindre l’extérieur du texte,
comme un horizon de signification. L’œuvre du poète, si mince

28
Magloire-Saint-Aude: Dialogue de mes lampes, préface de Philippe Thoby
Marcelin, Presses de l’État, Port-au-Prince, 1941.
29
Magloire-Saint-Aude: Tabou, Imprimerie du Collège Vertières, Port-au-Prince,
1941.
30
Magloire-Saint-Aude: Déchu, Œdipe, Port-au-Prince, 1956.
62
cœur de l’aimée s’illumine à jamais
de mon amour.35

Pero muy pronto, los textos se vuelven más densos, adquieren


poder evocativo y, sobre todo, designativo.
Con Brouard, la atención poética apunta hacia los seres y lugares
menos evocados en la literatura burguesa. En unos textos reencon-
trados y no clasificados, una nota, sin duda tardía, evoca el des-
garro interior del poeta:«Dos hombres existen en mí, extrañamente
distintos. El uno es casto, cándido, tan dispuesto a sollozar de éxtasis
a tus pies, Señor. El otro, burlón, despreocupado, cínico, ardiente
de placer. Señor, estos dos hombres, ¿cómo conciliarlos?». Muere,
solo, en la calle, en 1965. Le celebran funerales oficiales que son,
sobre todo, populares.

Magloire-Saint-Aude
Clément Magloire, nacido en 1912, es considerado hoy como
el poeta del enigma. Los textos insólitos que publica a partir de
1941, su parentesco con la franja hermética del movimiento surrea-
lista, su poética lapidaria y su existencia en ruptura con sus raíces
burguesas, envuelven al poeta con un aura de misterio, que también
transformó rápidamente sus poemas en enigmas. Tres folletos
delgados constituyen su obra: Dialogue de mes lampes (1941),36
Tabou (1941)37 y Déchu (1956).38 Es decir, poco menos de cincuen-
ta páginas que abrasan singularmente la poesía haitiana desde su
publicación.39 Rápidamente se da a conocer en el extranjero, espe-
cialmente tras la estancia de André Breton en Haití, fascinado por
el lirismo de las imágenes. Pero este reconocimiento tiene cierto

35
Mambo hábil en el arte hipnótico / de los wangas, quiero un cautivante elixir
de miel, para que el candil del / corazón de la amada se ilumine por siempre /
con mi amor.
36
Magloire-Saint-Aude: Dialogue de mes lampes, préface de Philippe Thoby
Marcelin, Presses de l’État, Port-au-Prince, 1941.
37
Magloire-Saint-Aude: Tabou, Imprimerie du Collège Vertières, Port-au-Prince,
1941.
38
Magloire-Saint-Aude: Déchu, Œdipe, Port-au-Prince, 1956.
39
Los poemarios de Saint-Aude han sido traducidos al español en una edición
española muy fina: Diálogo de mis lámparas; Tabú; Desposeído, prólogo de André
Breton, ilustración de Wifredo Lam, edición y traducción de Jorge Camacho,
Diputación Provincial de Huelva, Huelva, 2002.
63
soit-elle, est la tentative intransigeante de mener une quête de la
poésie elle-même, en particulier par sa mise en espace sur la page.
Le reproche d’obscurité, voire d’obscurantisme, que lui adressèrent
certains critiques contemporains, n’est que trace de la loi du moindre
effort en matière de lecture. Lui-même écrivait dans le quotidien Le
Nouvelliste du 26 janvier 1942:31

Il n’y a point de genre obscur... Pour n’être point surchargé de


rhétorique ou de sincérité larmoyante, le message du poète n’en
est pas moins un chant où la pudeur de l’émotion rejette les beaux
élans. Le regret, l’angoisse, sont dans l’homme. Montaigne, en
1588, parlait de cet état de «‘l’âme vive et affligée sans moyen de
se déclarer». L’hermétisme, la concentration, est le dernier éche-
lon de la Pudeur. Le poète est l’homme de l’étrange. Dédaignant
les sentiers battus, son souci immédiat est la négation de tout ce
qui n’est qu’afflux sentimental, sénilité, ou verbiage d’une âme
inconsolée.

Clément Magloire aura été le secrétaire général de la revue Les


Griots32 aux côtés de Carl Brouard et du jeune François Duvalier. Mais
il prit rapidement ses distances avec le mouvement indigéniste. Il
publie des articles, souvent critiques, parfois caustiques. Réunissant
son feuilleton Tableau de la misère paru dans Le Nouvelliste durant
l’année 1942,33 il publie Parias en 1949.34 Éloigné de la politique
et surtout du pouvoir, il connaît la misère profonde et parfois la
prison. Il meurt à l’hôpital en 1971. Duvalier lui fait des funérailles
officielles.

31
Magloire-Saint-Aude: «Le surréalisme ce qu’il est», Le Nouvelliste, Port-au-
-Prince, 26 janvier 1942.
32
Les Griots: la revue scientifique et littéraire d’Haïti, [s. n.], Port-au-Prince, 1938-
1940. Éditeurs: Lorimer Denis, François Duvalier.
33
Magloire-Saint-Aude: Tableau de la misère, Le Nouvelliste, Port-au-Prince,
1942.
34
Magloire-Saint-Aude: Parias: documentaire, Imprimerie de l’État, Port-au-
Prince, 1949.
64
perfume de exotismo, al no considerar la dimensión patética de
esta poesía que roza los límites de lo inexpresable y del silencio, en
particular por su brevedad en la página.
La poesía de Magloire-Saint-Aude es lapidaria y cultiva el herme-
tismo. Desafía las posibilidades de representación y de interpretación
comunes, que buscan por lo general llegar al exterior del texto, como
un horizonte de significado. La obra del poeta, por más breve que
sea, es el intento intransigente de realizar una búsqueda de la poesía
misma, en particular por su puesta en espacio en la página.
El reproche de oscuridad, incluso de obscurantismo, que algu-
nos críticos contemporáneos le hicieron son solo pruebas de la ley
del mínimo esfuerzo en cuanto a lectura. Él mismo escribía en el
periódico Le Nouvelliste del 26 de enero de 1942:40
Il n’y a point de genre obscur... Pour n’être point surchargé de rhéto-
rique ou de sincérité larmoyante, le message du poète n’en est pas
moins un chant où la pudeur de l’émotion rejette les beaux élans. Le
regret, l’angoisse, sont dans l’homme. Montaigne, en 1588, parlait de
cet état de «l’âme vive et affligée sans moyen de se déclarer». L’hermé-
tisme, la concentration, est le dernier échelon de la Pudeur. Le poète
est l’homme de l’étrange. Dédaignant les sentiers battus, son souci
immédiat est la négation de tout ce qui n’est qu’afflux sentimental,
sénilité, ou verbiage d’une âme inconsolée.41
Clément Magloire fue el secretario general de la revista Les
Griots42 al lado de Carl Brouard y del joven François Duvalier. Pero
se aleja rápidamente del movimiento indigenista. Publica artículos,
a menudo críticos, a veces mordaces. Reúne los capítulos del folle-
tín «Tableau de la misère»43 publicados en Le Nouvelliste a lo largo
40
Magloire-Saint-Aude: «Le surréalisme ce qu’il est», Le Nouvelliste, Port-au-
Prince, 26 janvier 1942.
41
No existen géneros oscuros… Por no estar sobrecargado de retórica o since-
ridad llorosa, el mensaje del poeta no deja de ser un canto donde el pudor de
la emoción rechaza los bellos impulsos. La añoranza, la angustia, están en el
hombre. En 1588, Montaigne hablaba de ese estado del «alma viva y afligida
sin posibilidad de declararse». El hermetismo, la concentración, es el último
grado del Pudor. El poeta es el hombre de lo insólito. Al desdeñar los caminos
sencillos, su principal preocupación es negar todo tipo de flujo sentimental,
senilidad, o palabrería de un alma desconsolada.
42
Les Griots: la revue scientifique et littéraire d’Haïti, [s. n.], Port-au-Prince, 1938-
1940. Editores: Lorimer Denis, François Duvalier.
43
Magloire-Saint-Aude: Tableau de la misère, Le Nouvelliste, Port-au-Prince, 1942.
65
Montée de la nuit

Plusieurs poètes nés dans les années 1910 pressentent, à l’orée des
années 1940, la montée de l’obscur, qui sera incarné par le pouvoir
de François Duvalier. Chacun suit un destin singulier, mais ils ont
en commun, à la différence de leurs contemporains Brouard et
Magloire-Saint-Aude, de ne pas se retirer du monde. Ils participent
chacun à sa manière à la vie publique, ce qui vaut à plusieurs d’entre
eux de partir en exil.

Jacques Roumain
Né en 1907, Jacques Roumain a une vie brève: il décède en 1944,
épuisé par ses luttes et ses emprisonnements. Plus connu pendant
longtemps pour ses romans, en particulier Gouverneurs de la rosée,35 il
publie des poèmes dans des périodiques, comme La Revue Indigène,
ou dans la presse quotidienne. On distingue au moins deux périodes
dans la structuration de l’écriture poétique de Roumain.
La première procède de la fondation esthétique du dire poétique.
C’est la figure même du poète qui informe ces textes, déclinée en de
multiples images, voire allégories, qui montrent combien le poète
mène une quête, celle de sa propre écriture et, sans doute aussi
de lui-même comme poète. Les textes, essentiellement publiés en
revue, traduisent le double registre de la trace et de la force solaire,
de la montée céleste et de la chute dans l’abîme. Mais l’insistance de
l’angoisse, du taedium vitae, se manifeste dans plusieurs poèmes.
Le ton change et c’est la seconde manière du poète, qui a plié
l’instrument à son projet. «Appel»,36 manifeste de cette seconde
manière, est publié pour la première fois en 1928 dans une plaquette,
en même temps que le poème de Roumer «La Chanson des Lambis»,
qui célèbre la gloire des héros de l’indépendance. Roumain y cultive
la veine patriotique et, comme le poème de Roumer, il célèbre la

35
Roumain, Jacques: Gouverneurs de la rosée, Imprimerie de l’État, Port-au-
Prince, 1944. Réédité à Paris deux ans après: La Bibliothèque Française, Paris,
1946.
36
Roumain, Jacques: «Appel» suivi de «La Chanson des Lambis», par Émile
Roumer, Imprimerie V. Pierre-Noël, Port-au-Prince, 1928.

66
de 1942, para editar Parias (1949).44 Alejado de la política y aún más
del poder, conoce la miseria profunda e incluso la cárcel. Muere en
el hospital en 1971. Duvalier le organiza funerales oficiales.

Ascenso de la noche
Varios poetas nacidos alrededor de 1910 presienten, a principios
de los años cuarenta, el ascenso de la oscuridad, encarnada en el
poder de François Duvalier. Cada uno sigue un destino singular,
pero comparten, a diferencia de sus contemporáneos Brouard y
Magloire-Saint-Aude, el no retirarse del mundo. Todos participan a
su manera en la vida pública, y por ello algunos tendrán que exiliarse.

Jacques Roumain
Nacido en 1907, Jacques Roumain tiene una vida breve: muere en
1944, agotado por sus luchas y sus encarcelamientos. Conocido
durante mucho tiempo por sus novelas, en particular Gouverneurs
de la rosée,45 publica poemas en varias revistas, como La Revue Indi-
gène, o en la prensa cotidiana. Podemos distinguir por lo menos dos
periodos en la estructuración de la escritura poética de Roumain.
El primero se funda en la construcción estética del decir poéti-
co. Es la figura misma del poeta la que le da forma a los textos,
articulada en múltiples imágenes, o alegorías, que demuestran a qué
punto el poeta emprende una búsqueda, la de su propia escritura y,
sin duda, también la de sí mismo como poeta. Los textos, publicados
principalmente en revistas, traducen el doble registro de la huella y
de la fuerza solar, del ascenso celestial y de la caída al abismo. Sin
embargo, la insistencia de la angustia, del taedium vitae, se manifiesta
en varios poemas.
El tono cambia y nace el segundo modo del poeta, que adaptó el
instrumento a su proyecto. «Appel»,46 manifiesto de este segundo
modo, es publicado por primera vez en 1928 en un folleto, con el
poema de Roumer «La Chanson des Lambis», que celebra la gloria

44
Magloire-Saint-Aude: Parias: documentaire, Imprimerie de l’État, Port-au-
Prince, 1949.
45
Jacques Roumain: Gouverneurs de la rosée, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince,
1944. Publicado en París dos años más tarde por La Bibliothèque Française.
46
Jacques Roumain: «Appel» suivi de «La Chanson des Lambis», par Émile
Roumer, Imprimerie V. Pierre-Noël, Port-au-Prince, 1928.
67
gloire des combattants. Mais il est sensible à la souffrance et aux
conflits de représentations:

Frères, êtes-vous morts parmi les morts dans un immense charnier


et laissez-vous s’éteindre la flamme qu’allumèrent les guerriers
nos pères, dormant non pas dans de chauds petits caveaux
à l’aise, mais sanglants dans les champs de batailles mêmes
où ils tombèrent face au soleil rouge

Cet «Appel» actualise le souvenir des luttes initiales dans la critique


du capitalisme financier:

La LIBERTÉ
est un chèque
sans provisions pour la Wall-Street.

Désormais, la veine poétique est critique. «Quand bat le


tam-tam»,37 publié en 1931, engage dans la question de couleur,
avec une sensibilité exacerbée, et lui vaut une réputation qui sort du
périmètre d’Haïti. «Langston Hughes»,38 «Guinée»39 et «Madrid»,40
ce dernier poème inspiré par les combats de la guerre d’Espagne,
installent cette réputation. Publication posthume, Bois d’ébène,41
(1945) doit être considéré comme une version haïtienne de ce
qui est en passe de se constituer entre Senghor, Damas et Césaire
comme le mouvement de la négritude. Chez Roumain, cependant,
l’universalisme y est plus marqué, car la violence du préjugé est avant
tout d’origine sociale:

Mineur des Asturies mineur nègre de Johannesburg métallo


de Krupp dur paysan de Castille vigneron
de Sicile paria des Indes

37
Roumain, Jacques: «Quand bat le tam-tam», Haïti-Journal, Port-au-Prince,
4 juillet 1931.
38
Roumain, Jacques: «Langston Hugues», Haïti-Journal, Port-au-Prince,
20 octobre 1931.
39
Roumain, Jacques: «Guinée», Haïti-Journal, Port-au-Prince, 30 décembre 1931.
40
Roumain, Jacques: «Madrid», Commun, nro. 44, Paris, avril 1937.
41
Roumain, Jacques: Bois d’ébène, poèmes, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-
Prince, 1945.
68
de los héroes de la independencia. En él, Roumain cultiva la vena
patriótica y, como el poema de Roumer, celebra la gloria de los
combatientes. Pero es sensible al sufrimiento y a los conflictos de
representaciones:

Frères, êtes-vous morts parmi les morts dans un immense charnier


et laissez-vous s’éteindre la flamme qu’allumèrent les guerriers
nos pères, dormant non pas dans de chauds petits caveaux
à l’aise, mais sanglants dans les champs de batailles mêmes
où ils tombèrent face au soleil rouge47

Este «Llamado» actualiza el recuerdo de las luchas iniciales en la


crisis del capitalismo financiero:

La LIBERTÉ
est un chèque
sans provisions pour la Wall-Street.48

Desde entonces, la vena poética es crítica. «Quand bat le tam-


tam»,49 publicado en 1931, aborda la temática del color con una
sensibilidad exacerbada, y le otorga a Roumain una celebridad que
traspasa las fronteras haitianas. «Langston Hughes»,50 «Guinée»51
y «Madrid»,52 este último inspirado en los combates de la guerra
de España, asientan esa fama. Publicación póstuma de 1945,
Bois d’ébène53 debe ser considerado como la versión haitiana de lo
que está a punto de constituirse entre Senghor, Damas y Césaire
como el movimiento de la negritud. Sin embargo, en Roumain,

47
Hermanos, acaso están muertos entre los muertos en un osario inmenso / y
dejan apagarse la llama que encendieron los guerreros / nuestros padres, que
no duermen en pequeños sepulcros cálidos / cómodos, sino sangrientos en los
mismos campos de batalla / donde cayeron frente al sol rojo
48
La LIBERTAD / es un cheque / sin fondo para Wall-Street.
49
Jacques Roumain: «Quand bat le tam-tam», Haïti-Journal, Port-au-Prince,
4 juillet 1931.
50
Jacques Roumain: «Langston Hugues», Haïti-Journal, Port-au-Prince, 20 octobre,
1931.
51
Jacques Roumain: «Guinée», Haïti-Journal, Port-au-Prince, 30 décembre,
1931.
52
Jacques Roumain: «Madrid», Commune nro 44, Paris, avril 1937.
53
Jacques Roumain: Bois d’ébène, poèmes, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-
Prince, 1945.
69
(je franchis ton seuil – réprouvé
je prends ta main dans ma main – intouchable)

«Sales nègres» épuise l’invective raciste, retourne celle-ci à l’invec-


tiveur, le menaçant du jour où se mettront debout les réprouvés et
«tous les damnés de la terre». La déclinaison des paroles du célèbre
couplet de l’Internationale culmine dans le «Nouveau sermon nègre»,
avec une montée de l’appel à la révolution.

Roussan Camille
Roussan Camille (1912-1961) a beaucoup voyagé, comme journa-
liste et comme diplomate. À ce titre, il aura été un témoin privilégié
de l’histoire de son temps, et su en tirer une substance qui a nourri
ses poèmes. Même s’il fut proche des cercles du pouvoir en Haïti, il
ne détourne pas le regard des misères sociales. Un de ses poèmes les
plus connus, qui ouvre le recueil de 1940 Assaut à la nuit, «Nedje»,42
est une méditation amère sur l’exploitation du personnage fémi-
nin: en tant que femme-enfant exploitée, en tant qu’Africaine, en
tant qu’être déplacé, à l’identité effritée sans retour. C’est aussi une
méditation sur le devenir d’un monde en train de s’effondrer et qui
vit un «soir sanglant».

Mais toi seule sais,


petite fille du Danakil
perdue aux dancings fumeux
de Casablanca
que ton cœur
se rouvrira au bonheur
lorsqu’aux aurores nouvelles
baignant le désert natal,
tu retourneras danser
pour tes héros morts,
pour tes héros vivants,
pour tes héros à naître.

42
Roussan, Camille: «Nedje», Assaut à la nuit, préface par René Piquion, Impri-
merie de l’État, Port-au-Prince, 1940.
70
el universalismo aparece más marcado, dado que la violencia del
prejuicio es ante todo de origen social:
Mineur des Asturies mineur nègre de Johannesburg métallo
de Krupp dur paysan de Castille vigneron
de Sicile paria des Indes
(je franchis ton seuil – réprouvé
je prends ta main dans ma main – intouchable)54

«Sales nègres» agota la diatriba racista, se la devuelve al increpa-


dor, y lo amenaza con el día en que los réprobos y «todos los parias
de la tierra» se pondrán de pie. La declinación de las palabras de la
famosa estrofa de La Internacional culmina en el «Nouveau sermon
nègre», con una intensificación del llamado a la revolución.

Roussan Camille
Roussan Camille (1912-1961) viajó mucho como periodista y
diplomático. Como tal, fue un testigo privilegiado de la historia de
su tiempo, y supo sacar de ello la sustancia que nutre sus poemas.
Aunque estuvo cerca de los círculos del poder en Haití, no desvió
la mirada de las miserias sociales. Uno de sus poemas más famosos,
que abre el poemario de 1940 Assaut à la nuit, «Nedje»,55 es una
meditación amarga sobre la explotación del personaje femenino:
como mujer-niña explotada, como africana, como ser desplazado,
y una identidad irremediablemente desintegrada. Es también una
meditación sobre el porvenir de un mundo que se está hundiendo
y que vive una «noche sangrienta».

Mais toi seule sais,


petite fille du Danakil
perdue aux dancings fumeux
de Casablanca
que ton cœur
se rouvrira au bonheur

54
Minero de Asturias minero negro de Johannesburgo metalúrgico / de Krupp
duro campesino de Castilla viticultor / de Sicilia paria de las Indias // (traspaso
tu umbral –réprobo / mi mano toma la tuya –intocable)
55
Camille Roussan: «Nedje», Assaut à la nuit, préface par René Piquion, Impri-
merie de l’État, Port-au-Prince, 1940.
71
Chacun de tes pas,
tes gestes,
tes regards,
ta chanson
diront au soleil que la terre t’appartient.

La poésie de Roussan Camille se ressource à l’évocation des oppri-


més, de leurs rêves, et du dépassement de la situation misérable dans
laquelle ils sont confinés.

Trois voies, trois feuilles

Dans des registres différents, Jean-Fernand Brierre (1909-1992),


Félix Morisseau-Leroy (1912-1998) et René Bélance (1915-2004)
publient leurs premières œuvres à Port-au-Prince mais finissent par
quitter le pays après la prise du pouvoir par Duvalier. Ils suivent
chacun trois voies nettement différentes. Jean-Fernand Brierre est
le chantre d’une négritude ouverte, sans concession à l’égard des
injustices, comme le célèbre Black Soul43 qui rassemble la plupart
des thèmes abordés par le poète. Il sera un protagoniste actif de la
négritude à Dakar, où il est accueilli par Senghor. Félix Morisseau-
Leroy, qui s’installe lui aussi au Sénégal, ouvre radicalement la poésie
à la langue créole, frayant une voie qui ne se refermera plus. Paru
en 1953, Dyakout 1 est depuis considéré comme le texte inaugural
de la nouvelle littérature créole.44
Ce recueil manifeste un changement radical par rapport aux
postures condescendantes communes: l’autre, si souvent rejeté,
inculte, enfoncé dans une misère sans égal, n’est plus réduit à n’être
que celui dont on parle. Il est d’abord l’interlocuteur privilégié du
poète, qui ne se considère plus lui-même un sujet voué à l’altérité et
à l’écart du monde, rejeté dans sa propre solitude intérieure.
Quant à René Bélance, qualifié en 1943 de surréaliste, il a puisé son
inspiration dans d’autres registres. Il fut l’un des organisateurs de la

43
Brierre, Jean-Fernand: Black Soul, Editorial Lex, La Habana, 1947.
44
Morisseau-Leroy, Félix: Diacoute, Deschamps, Port-au-Prince, 1953.
Morisseau-Leroy, Félix: Dyakout 1, 2, 3, 4, Haitiana Publications, New York,
1990.
72
lorsqu’aux aurores nouvelles
baignant le désert natal,
tu retourneras danser
pour tes héros morts,
pour tes héros vivants,
pour tes héros à naître.
Chacun de tes pas,
tes gestes,
tes regards,
ta chanson
diront au soleil que la terre t’appartient.56

La poesía de Roussan Camille se renueva al evocar a los oprimi-


dos, sus sueños y la superación de la situación miserable que sufren.

Tres sendas, tres voces


Con estilos muy distintos, Jean-Fernand Brierre (1909-1992),
Félix Morisseau-Leroy (1912-1998) y René Bélance (1915-2004)
publican sus primeras obras en Puerto Príncipe pero dejan el país
tras la toma de poder de Duvalier. Cada uno sigue un camino muy
distinto. Brierre es el defensor de una negritud abierta, sin conce-
siones ante las injusticias, como en el célebre Black Soul57 que reúne
la mayoría de los temas tratados por el poeta. Será un protagonista
activo de la negritud en Dakar, donde es invitado por Senghor.
Félix Morisseau-Leroy, que también se instala en Senegal, abre
radicalmente la poesía a la lengua creol, forjando un camino que
no se volverá a cerrar. Publicado en 1953, Dyakout 1 es considerado
desde entonces el texto inaugural de la nueva literatura creol.58 Este
poemario ostenta un cambio radical con respecto a las posturas
condescendientes habituales: el otro, tan a menudo excluido, inculto,

56
Pero tú sola sabes, / muchachita del Danakil / perdida en los clubes opacos /
de Casablanca / que tu corazón / se abrirá de nuevo a la felicidad / cuando en
las auroras nuevas / que bañan el desierto natal, / volverás a bailar / para tus
héroes muertos, / para tus héroes vivos, / para tus héroes venideros. / Cada
uno de tus pasos, / tus gestos, / tus miradas, / tu canción / le dirán al sol que
la tierra te pertenece.
57
Jean-Fernand Brierre: Black Soul, Editorial Lex, La Habana, 1947.
58
Félix Morisseau-Leroy: Diacoute, Deschamps, Port-au-Prince, 1953. Félix
Morisseau-Leroy: Dyakout 1, 2, 3, 4, Haitiana Publications, New York, 1990.
73
venue de Breton en Haïti,45 et eut avec lui un entretien important
publié dans Haïti-Journal.46 La publication, en 1945 d’Épaule
d’ombre47 marque l’avènement d’une esthétique nouvelle dont vont
s’emparer les jeunes gens qui feront basculer le régime du président
Lescot.
Bélance suivra les traces du surréalisme, alors que le mouvement
se transforme dans l’après-guerre. Mais dans ses vers il proteste aussi
contre le déferlement de la violence politique sur son pays. Il le quitte
en 1962 et entame une carrière d’enseignant aux États-Unis, ne
publiant plus avant 1984, quelques années après son retour en Haïti.

Poésie et révolution
La fondation de l’Institut français à Port-au-Prince par le surréa-
liste Pierre Mabille, celle du Centre d’Arts par Gérald Bloncourt
notamment, la venue de Breton, de Lam, de Césaire et de tant
d’autres dans ce Port-au-Prince qui est encore un centre de la vie
sociale et culturelle, la diffusion de l’idéologie du surréalisme, la
place grandissante prise par les forces de la gauche communiste,
et l’aura qui entoure encore l’Union Soviétique en 1945, consti-
tuent un nœud à partir duquel la poésie va retrouver son caractère
radical. Mais aussi, Roumain aura rencontré de jeunes écrivains en
herbe qui essaimeront sa parole. Ainsi, le premier livre de Depes-
tre, Étincelles,48 paraît en 1945 préfacé par Edris Saint-Amand et
est reçu comme le cri d’une nouvelle génération. Le succès du livre
permet à Depestre de fonder l’hebdomadaire La Ruche,49 auquel

45
Cf. André Breton: Manuscrits des conférences prononcées en Haïti entre
décembre 1945 et février 1946; et cahier 58 pages de documents et de
coupures de presse datés de Port-au-Prince et de Fort-de-France, 1945-1946.
(72 images, une notice descriptive, une collection, <http://www.andrebreton.
fr/series/82>).
46
Bélance, René: «Interview avec André Breton», Haïti-Journal, Port-au-Prince,
12-13 décembre, 1945. Republiée sous le titre «Interview de René Bélance»
dans les Entretiens (1913-1952) d’André Breton, Gallimard, Paris, 1952.
47
Bélance, René: Épaule d’ombre, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1945.
48
Depestre, René: Étincelles, préface d’Édris Saint-Amand, Imprimerie de
l’État, Port-au-Prince, 1945.
49
La Ruche, Parti démocratique populaire de la jeunesse haïtienne, Port-au-Prince,
1945-1946.
74
sumido en una miseria incomparable, ya no está condenado a ser
únicamente el sujeto de quien se habla. Es ante todo el interlocutor
privilegiado del poeta, que ya no se considera a sí mismo como un
sujeto destinado a la alteridad y alejado del mundo, marginado en
su propia soledad interior.
En lo que concierne a René Bélance, tildado de surrealista en
1943, buscó su inspiración en otras fuentes. Fue uno de los organi-
zadores de la visita de Breton a Haití,59 y tuvo con él una entrevista
importante, publicada en Haïti-Journal.60 En 1945, la publicación
de Épaule d’ombre61 marca el comienzo de una estética nueva, que
será adoptada por los jóvenes que derribaron el régimen del presi-
dente Lescot.
Bélance seguirá la senda del surrealismo, aunque el movimiento
cambie durante el periodo de posguerra. Pero en sus versos también
protesta contra la ola de violencia política en su país. Lo deja en 1962
y empieza una carrera de profesor en los Estados Unidos, dejando
de publicar hasta 1984, unos años después de su regreso a Haití.

Poesía y revolución
La creación del Instituto Francés en Puerto Príncipe por el surrealis-
ta Pierre Mabille, la del Centro de Artes por Gérald Bloncourt,
entre otros, la visita de Breton, de Lam, de Césaire y de tantos otros
a un Puerto Príncipe que es aún el centro de la vida social y cultural,
la difusión de la ideología del surrealismo, el espacio creciente que
ocupan las fuerzas de la izquierda comunista, y el aura que sigue
envolviendo a la Unión Soviética en 1945, constituyen una trama a
partir de la cual la poesía va a recobrar su carácter radical. Además,
Roumain conoció a jóvenes escritores en ciernes que divulgarán su

59
Cf. André Breton: Manuscrits des conférences prononcées en Haïti entre
décembre 1945 et février 1946; et cahier 58 pages de documents et de
coupures de presse datés de Port-au-Prince et de Fort-de-France, 1945-1946.
(72 imágenes, una nota descriptiva, una colección, están disponibles en línea
en <www.andrebreton.fr/series/82>).
60
René Bélance: «Entrevista con André Breton», Haïti-Journal, Port-au-Prince,
12-13 diciembre de 1945. Esta entrevista también ha sido publicada bajo el
títutlo «Interview de René Bélance» en el libro Entretiens (1913-1952), de
André Breton, Gallimard, Paris, 1952.
61
René Bélance: Épaule d’ombre, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1945.
75
collaborent des personnalités de cette génération: Gérald Bloncourt,
Jacques Stephen Alexis, Théodore Baker, Aurore Saint-Juste, Gérard
Chenet, membres fondateurs, mais aussi Roger Gaillard, Georges
Anglade, pour ne citer que les plus connus. La revue est le ferment
d’une réflexion en vue de l’action politique, qui culminera avec
la saisie du numéro consacré à André Breton en décembre 1945,
l’emprisonnement de Depestre et, surtout, l’insurrection populaire
«Les cinq glorieuses» du 7 au 11 janvier qui marque la chute du
président Élie Lescot.

René Depestre
Né en 1926 à Jacmel, il est un des organisateurs du mouvement des
étudiants en 1946 qui fait tomber le régime de Lescot. Très vite il
est exilé, il vit en France, avant de connaître d’autres expulsions,
d’autres errances. Depestre connaît une renommée qui dépasse les
frontières du pays. Après Gerbe de sang, paru à Port-au-Prince en
1946,50 il publie à Paris Végétations de clarté,51 préfacé par Aimé
Césaire, qu’il fréquente depuis 1944. Il se rapproche des luttes anti-
colonialistes et il finit par être expulsé de France en 1950. Commence
alors pour lui un destin de voyageur qui le mène d’abord en Europe
de l’Est, puis à Cuba, au Chili et au Brésil. Il a été le secrétaire par-
ticulier de Jorge Amado, puis celui de Pablo Neruda.
De retour à Port-au-Prince en 1957 à la chute du gouvernement
Magloire, il refuse de collaborer avec le président Duvalier et quitte
le pays pour Cuba en 1959, où il demeure une vingtaine d’années.
Il est accueilli par Ernesto Che Guevara et devient un des acteurs
de la révolution en cours. Il occupe des fonctions officielles, il est
aussi journaliste, et voyage beaucoup. Il publie des livres de poèmes
assez régulièrement.
Il travaille ensuite à l’Unesco jusqu’en 1986. Il s’installe à sa retraite
dans un petit village du Sud-Ouest de la France, Lézignan-Corbière.
Son œuvre jusque là reconnue dans des cercles relativement limités,
connaît désormais un succès international.

50
Depestre, René: Gerbe de sang, préface de René Bélance, Collection La Vie
Violente, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1946.
51
Depestre, René: Végétations de clarté, préface d’Aimé Césaire, Seghers, Paris,
1951.
76
palabra. Así, el primer libro de Depestre, Étincelles,62 es publicado
en 1945 con un prefacio de Edris Saint-Amand y es recibido como
el grito de una nueva generación. El éxito del libro le permite a
Depestre fundar el semanal La Ruche,63 en el que colaboran persona-
lidades de esa generación: Gérald Bloncourt, Jacques Stephen Alexis,
Théodore Baker, Aurore Saint-Juste, Gérard Chenet, miembros
fundadores, pero también Roger Gaillard, Georges Anglade, por
citar a los más conocidos. La revista es el fermento de una reflexión
con miras a la acción política, que culminará en la incautación del
número dedicado a André Breton en diciembre de 1945, el encar-
celamiento de Depestre y, sobre todo, la insurrección popular «Las
cinco gloriosas» del 7 al 11 de enero, que marca la caída del presi-
dente Élie Lescot.

René Depestre
Nacido en 1926 en Jacmel, es uno de los organizadores del movi-
miento estudiantil que en 1946 derroca al régimen de Lescot.
Rápidamente se exilia, vive en Francia, antes de enfrentarse a otras
expulsiones y otras andanzas. Depestre es célebre allende las fronteras
del país. Después de Gerbe de sang, publicado en Puerto Príncipe en
1946,64 publica en París Végétations de clarté,65 prologado por Aimé
Césaire, a quien frecuenta desde 1944. Se acerca a las luchas antico-
lonialistas y termina siendo expulsado de Francia en 1950. Emprende
entonces una vida de viajero que lo lleva primero a Europa del Este,
luego a Cuba, Chile y Brasil. Fue el secretario particular de Jorge
Amado, luego el de Pablo Neruda. De regreso a Puerto Príncipe
en 1957, al caer el gobierno de Magloire, se niega a colaborar con
el presidente Duvalier y deja el país para ir a Cuba en 1959, donde
se queda unos veinte años. Es recibido por Ernesto Che Guevara y
se convierte en uno de los actores de la revolución en curso. Ocupa
puestos oficiales, también es periodista, por ende viaja a menudo.
Publica poemarios con frecuencia.

62
René Depestre: Étincelles, préface d’Édris Saint-Amand, Imprimerie de l’État,
Port-au-Prince, 1945.
63
La Ruche, Parti démocratique populaire de la jeunesse haïtienne, Port-au-Prince,
1945-1946.
64
René Depestre: Gerbe de sang, préface de René Bélance, Collection La Vie
Violente, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1946.
65
René Depestre: Végétations de clarté, préface d’Aimé Césaire, Seghers, Paris,
1951.
77
Poète, romancier et essayiste, il demeure un des grands témoins
des principaux événements et personnalités de la seconde moitié
du XXème siècle. Il faut enfin relever que René Depestre ne se
considère pas comme un exilé: «Je prends racine partout», a-t-il
souvent affirmé à ses interlocuteurs.
Son œuvre poétique est intégralement à la disposition des lecteurs.
D’une richesse qui paraît inépuisable, elle se déploie dans toutes les
directions de la poésie en vers libres, témoignant de la souplesse de
la langue, jouant de tous les registres, jusqu’à la recomposition d’une
langue à même de nommer sans relâche la densité de la présence
haïtienne au monde. Ainsi, dans le célébrissime «L’âge de Papa Doc»:
«et je te papa / je te doc / je te papa doc / je te papadocquise…». Mais
Depestre est d’abord le poète de la magie amoureuse et du désir
sans rémission, dès Étincelles (1945) avec «Je ne viendrai pas», désor-
mais un classique de la poésie haïtienne, comme «Sous les ponts
de l’amour», poème qui sature sa forme par la production d’images
d’une grande richesse. C’est aussi une poésie qui, par delà le lyrisme,
sait réinventer le quotidien, y puiser l’émerveillement, comme dans
«Une lettre de ma mère». C’est enfin une poésie qui sait se garder
de la nostalgie, qui est une passion triste, en faisant revivre dans la
conscience du poète les termes les plus profonds de la poétique.
Chaque recueil de Depestre possède son économie propre, son
unité. Ainsi, Un arc-en-ciel pour l’occident chrétien (1967)52 met en
question la prétention occidentale à l’universalité des croyances et
des visions du monde, célèbre une galerie de Loas (divinités, esprits
du vaudou) avant de leur faire entonner une «cantate» par laquelle
ils dialoguent, et chante les héros haïtiens comme ceux qui ont lutté
contre le pouvoir colonialiste, tel Lumumba, ou contre le pouvoir
blanc, tel Malcolm X. L’actualité géopolitique n’est enfin pas absente
du recueil, qui remet en cause la terreur atomique et la violence géné-
ralisée, avant d’en appeler à un humanisme renouvelé. Poésie ferme,
qui fait résonner en elle le rythme fort, tendu, sans se perdre dans
la véhémence ni la grandiloquence, la poésie de Depestre évoque
des images d’une présence particulièrement nette. Peu à peu, au fur
et à mesure que le temps passe, elle glisse dans une rencontre plus
apaisée vers l’intime, même si la colère du poète face aux tribulations
ne faiblit pas; comme dans «Le pneu enflammé», critique radicale

52
Depestre, René: Un arc-en-ciel pour l’occident chrétien, Présence Africaine, Paris,
1967.
78
Luego trabaja para la Unesco hasta 1986. Al jubilarse se establece
en un pueblito en el suroeste de Francia, Lézignan-Corbière. Su
obra, hasta entonces conocida en círculos relativamente limitados,
goza ya de un éxito internacional.
Poeta, novelista y ensayista, es uno de los grandes testigos de los
principales acontecimientos y personalidades de la segunda mitad
del siglo XX. Finalmente, es importante subrayar que René Depestre
no se considera un exiliado: «Me enraízo en todas partes», suele
decirle a sus interlocutores.
Su obra poética está integralmente a disposición de los lectores.
De una riqueza que parece inagotable, se despliega en todas las direc-
ciones de la poesía en verso libre, reflejando la agilidad de la lengua,
valiéndose de todos los registros, hasta la recomposición de una
lengua capaz de nombrar sin tregua la densidad de la presencia haitia-
na en el mundo. Como en el muy famoso «L’âge de Papa Doc»: «y
yo te papa / yo te doc / yo te papa doc / yo te papadocqueo…». Pero
Depestre es ante todo el poeta de la magia amorosa y del deseo sin
remisión, desde Étincelles en 1945 con «Je ne viendrai pas», hoy día
un clásico de la poesía haitiana, como «Sous les ponts de l’amour»,
poema que satura su forma por la producción de imágenes de una
gran riqueza. Es también una poesía que, más allá del lirismo, sabe
reinventar lo cotidiano, extraer de ello el asombro, como en «Une
lettre de ma mère». Es finalmente una poesía que sabe mantener la
nostalgia, una pasión triste, al revivir en la conciencia del poeta los
términos más profundos de la poética.
Cada poemario de Depestre tiene su economía propia, su unidad.
Así, Un arc-en-ciel pour l’occident chrétien66 (Un arco iris para el occiden-
te cristiano, Premio Casa de las Américas, 1967) pone en tela de juicio
la pretensión occidental de poseer la universalidad de las creencias y
de las visiones del mundo, celebra una galería de Loas (divinidades,
espíritus del vodú) antes de hacerles entonar una «cantata» a través
de la cual dialogan, y alaba a los héroes haitianos así como a los que
lucharon contra el poder colonial, como Lumumba, o contra el poder
blanco, como Malcom X. La actualidad geopolítica tampoco está
ausente del poemario, que cuestiona el terror atómico y la violencia
generalizada, llamando a un humanismo renovado. Poesía firme, en
la que vibra el ritmo denso, tenso, sin perderse en la vehemencia

66
René Depestre: Un arc-en-ciel pour l’occident chrétien, Présence Africaine, Paris,
1967.
79
et désenchantée des règlements de compte politiques dans la rue
port-au-princienne.

Haïti Littéraire
À partir de 1957, une chape de plomb tombe sur Haïti. La montée
au pouvoir par François Duvalier entraîne un ralentissement de la
production poétique, particulièrement sur ses versants créatifs. Le
régime de Duvalier fonde en partie son discours sur une forme de
panégyrique de la plainte, contre l’étranger, et contre tous ceux qu’il
réduit à l’ennemi intérieur. Mais des jeunes gens prennent la relève,
au risque de leur liberté, de leur intégrité physique et de leur vie. En
1960, après la grève avortée des étudiants contre le gouvernement,
François Duvalier se fait proclamer président à vie. Les intellectuels
sont nommément menacés, eux qui tentent de résister à l’emprise des
esprits, et à la langue essentialiste du tyran taciturne – une langue qui
redouble le confinement économique et social d’une césure entre la
réalité et le discours censé la prendre en charge. Il y va de l’exigence
de probité que de mener un véritable travail de critique des discours.
C’est dans ce climat de violence généralisée qu’Anthony Phelps, né
en 1928, va rencontrer de jeunes poètes de l’Association Samba et
fonder en 1961, avec Davertige (Villard Denis), Serge Legagneur,
Roland Morisseau, René Philoctète et Auguste Thénor le groupe
Haïti Littéraire et la revue Semences.53
Haïti Littéraire rompt délibérément avec les thèmes littéraires
de l’époque. Les jeunes poètes, gagnés au surréalisme, prônent une
ouverture sur le monde, prennent leur distance à l’égard de l’indigé-
nisme et de la négritude, et vont animer la vie culturelle de Port-au-
Prince, malgré la dictature. En trois ans, outre une vingtaine de
pièces radiophoniques, Phelps publie trois recueils: Été (1960),54
Présence (1961),55 Éclats de silence (1962)56 et il commence la
53
Semences. Revue mensuelle Haïti Littéraire, Les Presses Libres, Port-au-Prince,
1961-1962.
54
Phelps, Anthony: Été, couverture et illustrations de Grace Phelps en collabo-
ration avec l’auteur, Collection Samba, Imprimerie N. A. Théodore, Port-au-
Prince, 1960.
55
Phelps, Anthony: Présence, poème, illustrations de Luckner Lazard, Collection
Haïti Littéraire, Haïti Littéraire, Port-au-Prince, 1961.
56
Phelps, Anthony: Éclats de silence, Collection Haïti Littéraire, Art Graphique
Presse, Port-au-Prince, 1962.
80
ni la grandilocuencia, la poesía de Depestre evoca imágenes de una
presencia particularmente nítida. Poco a poco, a medida que pasa el
tiempo, se desliza hacia un encuentro más sosegado con lo íntimo,
aunque la ira del poeta no flaquea ante las tribulaciones, como en
«Le pneu enflammé», crítica radical y desencantada de los ajustes
de cuentas políticos en las calles de Puerto Príncipe.

Haïti Littéraire
A partir de 1957, una era oscura se desploma sobre Haití. La llegada
al poder de François Duvalier trae consigo una disminución de la
producción poética, principalmente en sus vertientes creativas. El
régimen de Duvalier basa en parte su discurso en una forma panegí-
rica de la queja, contra el extranjero, y contra todos los que él reduce
a enemigo interior. Pero algunos jóvenes asumen el desafío, poniendo
en peligro su libertad, su integridad física y su vida. En 1960, tras el
fracaso de la huelga estudiantil contra el gobierno, François Duva-
lier se proclama presidente vitalicio. Los intelectuales que intentan
resistir al dominio de los espíritus y a la lengua esencialista del tirano
taciturno son claramente amenazados, –una lengua que le añade
al aislamiento económico y social la ruptura entre la realidad y el
discurso que debería hacerse cargo de ella. La búsqueda de integri-
dad exige realizar un profundo trabajo de crítica de los discursos.
En este clima de violencia generalizada, Anthony Phelps, nacido
en 1928, conocerá a varios jóvenes poetas de la Asociación Samba
y creará en 1961, con Davertige (Villard Denis), Serge Legagneur,
Roland Morisseau, René Philoctète y Auguste Thénor, el grupo
Haïti Littéraire y la revista Semences.67
Haïti Littéraire rompe deliberadamente con los temas literarios
de la época. Los poetas jóvenes, seducidos por el surrealismo,
preconizan una apertura hacia el mundo, se distancian del indige-
nismo y de la negritud y animan la vida cultural de Puerto Príncipe
a pesar de la dictadura. En tres años, además de una veintena de
obras radiofónicas, Phelps publica tres poemarios: Été (1960),68

67
Semences. Revue mensuelle Haïti Littéraire, Les Presses Libres, Port-au-Prince,
1961-1962.
68
Anthony Phelps: Été, couverture et illustrations de Grace Phelps en collabo-
ration avec l’auteur, Collection Samba, Imprimerie N. A. Théodore, Port-au-
Prince, 1960.
81
rédaction de ce qui allait devenir Mon pays que voici,57 une marche
poétique à l’intérieur de l’histoire d’Haïti.
Les poètes d’Haïti Littéraire cultivent des relations avec les
peintres (Lazard, Denis, Cédor, Wah) et fréquentent souvent leurs
aînés, intellectuels, écrivains comme Léon Laleau, Jean Fouchard,
Antonio Vieux ou René Bélance. Les poètes passent leurs textes au
crible du jugement du groupe, dans une perspective d’émulation
certes, mais surtout dans celle de la recherche de la rigueur, de
l’image qui fait sens, du mot juste. Haïti Littéraire, c’est d’abord
une éthique de la forme. Mais les temps sont dominés par la
répression: fréquentant des opposants au régime, Phelps et Émile
Ollivier sont arrêtés, et ne doivent leur survie qu’à des concours de
circonstances. Les écrivains se dispersent, quittent en grande partie
le pays, d’autres s’emmurent dans un silence politique et dans une
production littéraire qui va paraître incompréhensible aux sbires du
pouvoir duvaliériste. Phelps part en exil pour s’installer en 1964 à
Montréal. Il faut poursuivre le travail entrepris, mais aussi prendre
ses marques, dans un pays qui connaît à cette époque de profonds
bouleversements sociaux.

René Philoctète
Né en 1932, René Philoctète est un poète qui a reçu une recon-
naissance importante dans son pays, mais celle-ci n’a pas gagné
l’étranger. Or, sa voix n’est pas des moindres. Il a peu quitté le pays
sous la dictature, il a vécu dans la discrétion, écrivant peu à peu
entouré par des jeunes gens qu’il marque durablement, en particulier
l’écrivain Lyonel Trouillot. Il fut longtemps enseignant, et participa
aux aventures culturelles du Port-au-Prince de ces années. Mais sa
poésie est aussi ouverte au politique. Dans la préface à l’anthologie de
Philoctète Poèmes des îles qui marchent, Lyonel Trouillot58 a ces mots:
«Ce poète quasiment inconnu des “spécialistes” non-haïtiens de la
littérature haïtienne est sans doute le plus présent dans la mémoire

57
Phelps, Anthony: Mon pays que voici suivi de Les dits du fou-aux-cailloux,
P. J. Oswald, Honfleur, 1968.
58
Philoctète, René: Poèmes des îles qui marchent, anthologie préfacée par Lyonel
Trouillot, Actes Sud, Arles, 2003.
Philoctète, René: Ces îles qui marchent, Spirale, Port-au-Prince, 1969.
82
Présence (1961),69 Éclats de silence (1962)70 e inicia la redacción de
lo que será Mon pays que voici,71 una marcha poética en las entrañas
de la historia de Haití.
Los poetas de Haïti Littéraire crean vínculos con los pintores
(Lazard, Denis, Cédor, Wah) y frecuentan a menudo a sus mayores,
intelectuales y escritores como Léon Laleau, Jean Fouchard, Anto-
nio Vieux o René Bélance. Los poetas someten sus textos al juicio
minucioso del grupo, sin duda con una perspectiva de emulación,
pero también en busca del rigor, de la imagen que tiene sentido y de
la palabra precisa. Haïti Littéraire es ante todo una ética de la for-
ma. Pero en ese entonces domina la represión: por frecuentar a oposi-
tores del régimen, Phelps y Émile Ollivier son detenidos y sobre-
viven gracias a meras coincidencias. Los autores se dispersan, muchos
dejan el país, otros se encierran en un silencio político y en una
producción literaria que le será incomprensible a los esbirros del
poder duvalierista. Phelps se exilia y se instala en Montreal en 1964.
Es preciso proseguir el trabajo emprendido, pero también posicio-
narse, en un país que vive entonces profundas conmociones sociales.

René Philoctète
Nacido en 1932, René Philoctète es un poeta que ha recibido un
gran reconocimiento en su país, no así en el extranjero. No obstan-
te, su voz no deja de ser importante. Salió poco del país durante la
dictadura, vivió discretamente, escribiendo, cada vez más rodeado
por jóvenes en los que influye profundamente, en particular el es-
critor Lyonel Trouillot. Enseñó por muchos años y participó en las
aventuras culturales del Puerto Príncipe de entonces. Pero su poesía
se abre también a lo político. En el prólogo de la antología de
Philoctète Poèmes des îles qui marchent,72 Lyonel Trouillot expresa:
«Ce poète quasiment inconnu des “spécialistes” non-haïtiens de la
littérature haïtienne est sans doute le plus présent dans la mémoire
littéraire de la jeunesse haïtienne, celui qui a tenu le langage de la
69
Anthony Phelps: Présence, poème, illustrations de Luckner Lazard, Collection
Haïti Littéraire, Haïti Littéraire, Port-au-Prince, 1961.
70
Anthony Phelps: Éclats de silence, Collection Haïti Littéraire, Art Graphique
Presse, Port-au-Prince, 1962.
71
Anthony Phelps: Mon pays que voici suivi de Les dits du fou-aux-cailloux, P. J.
Oswald, Honfleur, 1968.
72
René Philoctète: Poèmes des îles qui marchent, anthologie préfacée par Lyonel
Trouillot, Actes Sud, Arles, 2003. [René Philoctète: Ces îles qui marchent,
Spirale, Port-au-Prince, 1969].
83
littéraire de la jeunesse haïtienne, celui qui a tenu le langage de la
confiance en ce pays auquel plus personne n’accorde sa confiance».
Avec Frankétienne, Jean-Claude Fignolé et Bérard Cénatus, il est un
des fondateurs et promoteurs de ce mouvement littéraire qui vise à
retrouver le sens d’une parole qui s’est effilochée dans le politique et
la perversion: le Spiralisme. La poésie de Philoctète est une ardente
célébration de la solidarité et une quête incessante de l’authenticité.
L’art du poète se déplie entre les notations du quotidien, comme
des traces de conversations à voix basse entre soi et soi. Mais il
se déploie aussi dans des compositions amples comme Promesse59
(1963) ou bien Caraïbe60 (1982). Dans un art poétique publié dans
Les Tambours du soleil61 (1962), il rend compte de cette articulation,
qui est d’abord l’identification d’un contrat énonciatif préalable.
À l’évidence, Philoctète prolonge ici le chant que publie la même
année Anthony Phelps, Mon pays que voici. En même temps, il cite
un passage clé du roman de Jacques Roumain Gouverneur de la rosée,
et qui résonne depuis sa publication comme le glas pour le pays.
Mais Philoctète n’est pas des attentistes ni des mélancoliques: Haïti
demeure le lieu cardinal d’une Promesse, et le poème éponyme se
termine par ces vers, qui rappellent que la place du poète n’est pas
dans l’empyrée, mais bien parmi les siens:

Nous revenons d’une mémoire… Le temps fut fait de


l’épouvante d’une nuit d’hommes de fer;
O détresse sur la ville! Cauchemar et bruit d’acier,
interminable, sur les graviers.
Je parle de la nuit où l’étoile fut blessée...
Maintenant que le jour s’installe, voici qu’un peuple nouveau-né,
porteur de braise et de verdure, voici qu’un peuple nouveau-né,
dévale les pentes de clarté.
Et moi, poète et citoyen, je rentre dans la foule, parmi les feux
de joie et le chant des bannières.

59
Philoctète, René: Promesse, [s. n.], Port-au-Prince, 1963.
60
Philoctète, René: Caraïbe, [s. n.], Port-au-Prince, 1982.
61
Philoctète, René: Les tambours du soleil, Imprimerie des Antilles, Port-au-Prince,
1962.
84
confiance en ce pays auquel plus personne n’accorde sa confiance».73
Junto a Frankétienne, Jean-Claude Fignolé y Bérard Cénatus, es uno
de los fundadores y promotores de ese movimiento literario que
aspira a reencontrar el sentido de una palabra que se perdió en lo
político y la perversión: el Espiralismo. La poesía de Philoctète es
una ardiente celebración de solidaridad y una búsqueda incesante de
autenticidad. El arte del poeta se expande entre las observaciones
de lo cotidiano, como huellas de conversaciones en voz baja consigo
mismo. Pero también se despliega en composiciones más amplias
como Promesse (1963)74 o Caraïbe (1982).75 En un arte poético
publicado en Tambours au soleil (1962),76 muestra esta articulación,
que es ante todo la identificación de un contrato enunciativo previo.
Es evidente que Philoctète prolonga así el canto publicado por
Anthony Phelps el mismo año, Mon pays que voici. A la vez, cita un
fragmento clave de la novela de Jacques Roumain Gouverneurs de la
rosée que, desde su publicación, resuena como un réquiem por el país.
Pero Philoctète no es ni de los expectantes, ni de los melancólicos:
Haití sigue siendo el punto cardinal de una Promesse, y el poema
epónimo termina con estos versos, que recuerdan que el lugar del
poeta no está en la bóveda celeste, sino entre los suyos:

Nous revenons d’une mémoire… Le temps fut fait de


l’épouvante d’une nuit d’hommes de fer;
O détresse sur la ville! Cauchemar et bruit d’acier,
interminable, sur les graviers.
Je parle de la nuit où l’étoile fut blessée...
Maintenant que le jour s’installe, voici qu’un peuple nouveau-né,
porteur de braise et de verdure, voici qu’un peuple nouveau-né,
dévale les pentes de clarté.
Et moi, poète et citoyen, je rentre dans la foule, parmi les feux
de joie et le chant des bannières.77

73
«Este poeta casi desconocido por los “especialistas" no haitianos de la literatura
haitiana es sin duda el más presente en la memoria literaria de la juventud haitiana,
el que cultivó el lenguaje de la confianza en un país en el que ya nadie confía».
74
René Philoctète: Promesse, [s. n.], Port-au-Prince, 1963.
75
René Philoctète: Caraïbe, [s. n.], Port-au-Prince, 1982.
76
René Philoctète: Les tambours du soleil, Imprimerie des Antilles, Port-au-Prince,
1962.
77
Volvemos de una memoria… El tiempo fue hecho / del espanto de una noche de
hombres de hierro; / ¡Oh miseria sobre la ciudad! Pesadilla y ruido de acero, /
85
Roland Morisseau
Roland Morisseau (1933-1995) s’installe à Montréal en 1964. Il
a déjà publié à Port-au-Prince, mais c’est entre 1988 et 1993 qu’il
fait paraître la majeure partie de son œuvre. Sa voix singulière dit
l’insoumission, la générosité d’une parole à la liberté sans concession,
et qui se bat pied à pied contre l’emprise du silence. Dès 5 poèmes
de reconnaissance (1961),62 ce poète inquiet se refuse au silence:
«J’entends des pas vibrer dans mon sommeil / Mes yeux sont clos
comme des portes d’acier». Il connaîtra cette inquiétude qui exerce
sa pression tout au long de son existence de poète. Dans La Chanson
de Roland (1979),63 qui joue sur le souvenir du texte fondateur de
la littérature d’expression française – histoire d’une défaite dont le
cor du héros Roland ne cesse de faire résonner l’écho –, Morisseau
écrit: «Et c’est un roulis de cœur roulant en nous / Qui s’amenuise
au loin dans le silence glauque / Nos yeux de cire rêvent de miettes
d’étoiles».
En 1993, il compose un poème au titre prémonitoire, «Testa-
ment 7».64 La poésie y est offerte comme le seul levier contre les
discours sans raison et la débâcle de l’esprit mais qui, par ce retour-
nement que seule la poésie rend possible, devient aussi le lieu de
germination d’une parole.

Villard Denis, Davertige


En même temps, la poésie de Davertige (1940-2004) – qui signale
depuis son nom même de poète la proximité avec le vertige, la grise-
rie et l’exaltation –, réinscrit dans son élan l’évocation des poètes qui
l’ont précédé. La densité des images ne confine pas à l’hermétisme,
mais chacune d’entre elles exige du lecteur une attente patiente, pour
lui laisser le temps d’atteindre en lui les tréfonds de l’imaginaire. Un
des poèmes les plus célèbres de Davertige, «Omabarigore», publié

62
Morisseau, Roland: 5 poèmes de reconnaissance, Imprimerie Théodore, Port-au-
Prince, 1961.
63
Morisseau, Roland: La Chanson de Roland, Nouvelle Optique, Montréal, 1979.
64
Morisseau, Roland: «Testament», Sapriphage, Revue de Création littéraire.
Numéro spécial 22 «Présence d’Haïti», présenté et coordonné par Jean Métellus
avec un avant-propos de Paul Laraque. Nanterre, 1994.
86
Roland Morisseau
Roland Morisseau (1933-1995) se establece en Montreal en 1964.
Ya publicó en Puerto Príncipe, pero la mayor parte de su obra es
impresa entre 1988 y 1993. Su voz singular cuenta la insumisión, la
generosidad de una palabra absolutamente libre, que lucha asidua-
mente contra las garras del silencio. Desde 5 poèmes de reconnaissance
(1961),78 el poeta inquieto se niega al silencio: «J’entends des pas
vibrer dans mon sommeil / Mes yeux sont clos comme des portes
d’acier».79 Esa inquietud lo oprimirá durante toda su existencia de
poeta. En La Chanson de Roland (1979),80 que juega con el recuerdo
del texto fundador de la literatura de expresión francesa –historia de
una derrota cuyo eco suena incesantemente en la trompeta del héroe
Roland–, Morisseau escribe: «Et c’est un roulis de cœur roulant en
nous / Qui s’amenuise au loin dans le silence glauque / Nos yeux
de cire rêvent de miettes d’étoiles».81
En 1993 compone un poema de título premonitorio: «Testa-
ment 7».82 La poesía es ofrecida como el único incentivo contra los
discursos sin razón y el colapso de la mente pero que, por esa invo-
lución que solo es posible a través de la poesía, también se convierte
en el lugar de germinación de una palabra.

Villard Denis, Davertige


Paralelamente, la poesía de Davertige (1940-2004) –que señala
desde su mismo nombre la cercanía con el vértigo, la embriaguez

interminable, sobre la gravilla. / Hablo de la noche en que la estrella fue


herida... / Ahora que el día se instala, un pueblo recién nacido, / Portador de
brasas y verdor, un pueblo recién nacido / corre por las laderas de claridad. /
Y yo, poeta y ciudadano, me sumerjo en la multitud, entre las hogueras / de
júbilo y el canto de las banderas.
78
Roland Morisseau: 5 poèmes de reconnaissance, Imprimerie Théodore, Port-au-
Prince, 1961.
79
«Oigo pasos que vibran en mi sueño / Mis ojos están sellados como puertas
de acero».
80
Roland Morisseau: La Chanson de Roland, Nouvelle Optique, Montréal, 1979.
81
«Y es el redoble del corazón que late en nosotros / Que amaina a lo lejos en el
silencio sórdido / Nuestros ojos de cera sueñan con migajas de estrellas».
82
Roland Morisseau: «Testament», Sapriphage, Revue de Création Littéraire,
Numéro spécial 22 «Présence d’Haïti», présenté et coordonné par Jean Métellus
avec un avant-propos de Paul Laraque, Nanterre, 1994.
87
dans le recueil Idem (1962),65 est tout entier ouvert à cette trouée
sur l’écran du quotidien et permet de jeter un œil sur cet autre côté,
où la raison procède par images:

Omabarigore la ville que j’ai créée pour toi


En prenant la mer dans mes bras
Et les paysages autour de ma tête
Toutes les plantes sont ivres et portent leur printemps
Sur leur tige que les vents bâillonnent
Au milieu des forêts qui résonnent de nos sens
Des arbres sont debout qui connaissent nos secrets
Toutes les portes s’ouvrent par la puissance de tes rêves
Chaque musicien a tes sens comme instrument
Et la nuit en collier autour de la danse
Car nous amarrons les orages
Aux bras des ordures de cuisine
La douleur tombe comme les murs de Jéricho
Les portes s’ouvrent par ta seule puissance d’amour
Omabarigore où sonnent
Toutes les cloches de l’amour et de la vie
La carte s’éclaire comme ce visage que j’aime
Deux miroirs recueillant les larmes du passé
Et le peuple de l’aube assiégeant nos regards

Anthony Phelps
Anthony Phelps a une carrière poétique exemplaire, par la diversité
des formes et des thèmes, par la rigueur avec laquelle chaque poème
est composé et, surtout, en conservant la présence du pays quitté
malgré l’exil. Il publie Points cardinaux (1966),66 peu de temps
après son installation à Montréal. Même si les thèmes sont tournés
du côté d’Haïti, et de la décrépitude de la parole («Pourquoi tes
mots s’estompent-ils / quand dans l’obscurité / maman rejoint ton

65
Davertige: Idem, Collection Haïti Littéraire, Imprimerie Théodore, Port-au-
Prince, 1962.
66
Phelps, Anthony: Points cardinaux, Holt, Rinehart et Winston, Montréal,
1966.
88
y la exaltación– reintegra en su impulso a los poetas anteriores. La
densidad de las imágenes no confinan al hermetismo, sino que cada
una de ellas exige del lector una espera paciente, para dejarle el tiempo
de alcanzar las profundidades del imaginario. Uno de sus poemas más
famosos, «Omabarigore», publicado en su libro Idem (1962),83 se
abre enteramente a la brecha en la pantalla cotidiana y permite echar
una mirada del otro lado, donde la razón procede por imágenes:

Omabarigore la ville que j’ai créée pour toi


En prenant la mer dans mes bras
Et les paysages autour de ma tête
Toutes les plantes sont ivres et portent leur printemps
Sur leur tige que les vents bâillonnent
Au milieu des forêts qui résonnent de nos sens
Des arbres sont debout qui connaissent nos secrets
Toutes les portes s’ouvrent par la puissance de tes rêves
Chaque musicien a tes sens comme instrument
Et la nuit en collier autour de la danse
Car nous amarrons les orages
Aux bras des ordures de cuisine
La douleur tombe comme les murs de Jéricho
Les portes s’ouvrent par ta seule puissance d’amour
Omabarigore où sonnent
Toutes les cloches de l’amour et de la vie
La carte s’éclaire comme ce visage que j’aime
Deux miroirs recueillant les larmes du passé
Et le peuple de l’aube assiégeant nos regards84

83
Davertige: Idem, Collection Haïti Littéraire, Imprimerie Théodore, Port-au-
Prince, 1962.
84
Omabarigore la ciudad que creé para ti / Tomando el mar en mis brazos / Y
los paisajes alrededor de mi cabeza / Todas las plantas están ebrias y llevan su
primavera a cuestas / En su tallo que los vientos amordazan / En medio de los
bosques que vibran con nuestros sentidos / Hay árboles de pie que conocen
nuestros secretos / Todas las puertas se abren ante el poder de tus sueños /
Cada músico tiene tus sentidos como instrumento / Y la noche como collar
rodeando el baile / Porque anclamos las tormentas / En los brazos de los
desechos domésticos / El dolor cae como los muros de Jericó / Las puertas
se abren por tu sola potencia de amor / Omabarigore donde suenan / Todas
las campanas del amor y de la vida / El mapa se ilumina como ese rostro que
amo / Dos espejos que recogen las lágrimas del pasado / Y el pueblo del alba
asediando nuestras miradas
89
point de chute?»), le paysage a déjà changé. Il est vrai aussi que la
terre québécoise n’est pas inconnue au poète, qui y a déjà séjourné.
Le «gel», les «érables», par exemple, esquissent un paysage intérieur
déjà marqué par la terre d’élection de l’exil. C’est Mon pays que voici
(1966) qui rend Phelps mondialement célèbre. Ce n’est pourtant
pas une œuvre composée en exil, car elle a été en grande partie écrite
entre 1960 et 1963 quand le poète vivait encore à Pétion-Ville. Mais
c’est l’enregistrement du poème sur un disque par l’auteur qui va
faciliter de façon déterminante sa diffusion.67 Le poète y accomplit
en quatre parties distinctes la célébration de la magnificence de la
terre haïtienne depuis sa présence immédiate et celle de la contrainte.
Haïti est d’abord un espace mémoriel, qui s’éveille à la parole du
poète dès qu’il marque une pause dans le glissement du temps et des
saisons: «L’été s’achève / et ma mémoire se souvient». Il ne s’agit pas
ici d’une présence immédiate: la parole poétique est marquée d’une
parole du plus lointain, parole souveraine car libérée, et maintenant
qui se tient debout:

mais nous avons acquis ce port altier


ces gestes lents
à force de lever la tête
vers nos palmiers et nos montagnes
et la chaleur de nos regards
est un don du ciel bleu

En face, il y a les forces de la nuit qui ont élimé la parole et l’ont


enfoncée dans les ténèbres. En 1968, Phelps publie aussi Les dits
du fou-aux-cailloux,68 dont le thème est inspiré par le spectacle d’un
présumé fou, qui ramasse des cailloux et édifie une structure étrange,
entre deux flamboyants dont il a retiré l’écorce. Phelps interprète cet
acte dérisoire et étrange comme un acte de résistance à la prégnance
de la nuit et de la mort sur le pays. Il entrecroise son poème de

67
Phelps, Anthony: LP Mon pays que voici, Les Disques Coumbite, Montréal, 1966
(transféré numériquement sur CD par Les Productions Caliban, Montréal,
2000, 2005).
68
Phelps, Anthony: Mon pays que voici suivi de Les dits du fou-aux-cailloux,
P. J. Oswald, Honfleur, 1968.
90
Anthony Phelps
Anthony Phelps tiene una carrera poética ejemplar por la diversidad
de las formas y de los temas, por el rigor con el que cada poema
está compuesto y, sobre todo, porque mantiene viva la presencia del
país que dejó a pesar del exilio. Publica Points cardinaux (1966),85
poco después de instalarse en Montreal. Aunque sus temas están
centrados en Haití y la decadencia de la palabra («Pourquoi tes
mots s’estompent-ils / quand dans l’obscurité / maman rejoint ton
point de chute?»),86 el paisaje ya cambió. También es cierto que el
poeta conoce la tierra del Quebec, donde ya residió. El «hielo», los
«arces», por ejemplo, esbozan un paisaje interior marcado por la
tierra elegida para el exilio. Con Mon pays que voici (1966), Phelps
gana renombre mundial. No obstante, no se trata de una obra
compuesta en el exilio, puesto que fue escrita en gran parte entre
1960 y 1963, cuando el poeta todavía vivía en Pétion-Ville. Pero la
grabación del poema en disco por el autor facilitará su difusión de
forma determinante.87 En cuatro partes distintas, el poeta logra la
celebración de la magnificencia de la tierra haitiana desde su presencia
inmediata, y la de la restricción. Haití es ante todo un espacio de
memoria, que despierta ante la palabra del poeta apenas hace una
pausa en el correr del tiempo y de las estaciones: «L’été s’achève / et
ma mémoire se souvient».88 No se trata aquí de una presencia inme-
diata: la palabra poética está marcada por una palabra más remota,
palabra soberana por liberada, y que ahora está de pie:

mais nous avons acquis ce port altier


ces gestes lents
à force de lever la tête
vers nos palmiers et nos montagnes
et la chaleur de nos regards
est un don du ciel bleu89
85
Anthony Phelps: Points cardinaux, Holt, Rinehart et Winston, Montréal, 1966.
86
«¿Por qué se difuminan tus palabras / cuando en la oscuridad / mamá regresa
a tu punto de caída?».
87
Anthony Phelps: LP Mon pays que voici, Les Disques Coumbite, Montréal,
1966 (transferido numéricamente de LP a CD por Les Productions Caliban,
Montréal, 2005).
88
«El verano se acaba / y mi memoria recuerda».
89
pero hemos adquirido ese porte altivo / esos gestos lentos / de tanto levantar la
cabeza / hacia nuestras palmeras y montañas / y el calor de nuestras miradas /
es un don del cielo azul
91
références bibliques, ainsi que de mythes de l’antiquité égyptienne,
pour tenter d’étayer une parole en miettes, et faire une promesse
de temps meilleurs:

Je reviendrai
comme on remonte le lit asséché du torrent
dans un roulis de tout le corps
Ô ma terre incessible
tu es mon printemps sans rivage
mon mois de juin fou de couleurs
Tu es l’été qui m’habite.

Vers la même époque, avec Émile Ollivier et Jean-Richard Lafo-


rest, il écrit et enregistre le collage de poèmes Pierrot le Noir69 (1968),
il invoque le pays, témoigne de l’exil, célèbre l’amour. Car Anthony
Phelps aura fait de l’amour le thème majeur de sa poésie exigeante,
caractérisée par le souci du verbe juste, de la versification rigoureuse.
En 1987, il reçoit pour la seconde fois le prix de Casa de las Améri-
cas pour Orchidée nègre,70 dans lequel il célèbre le pays retrouvé et
l’émerveillement amoureux. Après le traumatisme généralisé, c’est
bien la reconquête de l’imaginaire qui est assurée.
Les recueils qui suivent se font l’écho des soubresauts qui agitent
encore le pays. Les doubles quatrains mauves,71 écrits en 1994 en Haïti
alors que le pays est en proie à l’embargo, rend compte de la lutte
face à un possible désœuvrement, à la lassitude face au désastre sans
fin. Immobile Voyageuse de Picas (2000)72 revient lui aussi sur le risque
de l’amertume, que seule la parole poétique peut parvenir à dépasser.
S’il est un poète haïtien essentiel dans cette période et dans le grand
courant de la littérature haïtienne, c’est bien Anthony Phelps. Son

69
Phelps, Anthony & Laforest, Jean-Richard & Ollivier, Émile: Pierrot le Noir,
Enregistré à Montréal en mai 1968, avec des chansons de transition de Toto
Bissainthe, pour les Disques Coumbite. Transfert numérique du LP sur CD,
Les Productions Caliban, Montréal, 2005.
70
Phelps, Anthony: Orchidée nègre, Triptyque, Montréal, 1987.
71
Phelps, Anthony: Les doubles quatrains mauves, Éditions Mémoire, Port-au-
Prince, 1995.
72
Phelps, Anthony: Immobile Voyageuse de Picas et autres silences, Cidihca,
Montréal, 2000.
92
Ahí mismo están las fuerzas de la noche que dañaron la palabra y
la hundieron en las tinieblas. En 1968, Phelps también publica Les
dits du fou-aux-cailloux,90 inspirado en el espectáculo de un presunto
loco, que recoge piedras para edificar una estructura extraña entre
dos flamboyanes de los que retiró la corteza. Phelps interpreta ese
acto irrisorio y extraño como un acto de resistencia a la presencia
de la noche y de la muerte en el país. Entremezcla su poema con
referencias bíblicas y de mitología egipcia, para nutrir una palabra
hecha añicos, y hacer una promesa de tiempos mejores:

Je reviendrai
comme on remonte le lit asséché du torrent
dans un roulis de tout le corps
Ô ma terre incessible
tu es mon printemps sans rivage
mon mois de juin fou de couleurs
Tu es l’été qui m’habite.91

En la misma época, con Émile Ollivier y Jean-Richard Laforest,


escribe y graba el collage de poemas Pierrot le Noir (1968),92 invoca
el país, habla del exilio, celebra el amor. Porque Anthony Phelps
hizo del amor el gran tema de su poesía exigente, caracterizada por
el afán del verbo correcto, de la versificación rigurosa.
En 1987 recibe por segunda vez el premio Casa de las Américas
por Orchidée nègre,93 que celebra el reencuentro con el país y la
fascinación amorosa. Tras el trauma generalizado, queda a salvo la
reconquista de lo imaginario.
Los poemarios que siguen se hacen eco de las agitaciones que
aún sacuden al país. Les doubles quatrains mauves,94 escritos en Haití
90
Phelps, Anthony: Mon pays que voici suivi de Les dits du fou-aux-cailloux,
P. J. Oswald, Honfleur, 1968.
91
Volveré / como se sube el lecho desecado del torrente / en un meneo de todo
el cuerpo / Oh mi tierra intransferible / eres mi primavera sin orilla / mi mes
de junio loco de colores / Eres el verano que me habita.
92
Anthony Phelps, Jean-Richard Laforest, Émile Ollivier: Pierrot le Noir. Grabado
en Montréal en mayo 1968, con canciones de transición de Toto Bissainthe,
para los Disques Coumbite C-1004. Transferido numéricamente de LP a CD,
Les Productions Caliban, Montréal, 2005.
93
Anthony Phelps: Orchidée nègre, Triptyque, Montréal, 1987.
94
Anthony Phelps: Les doubles quatrains mauves, Éditions Mémoire, Port-au-
Prince, 1995.
93
œuvre sans cesse aura eu pour point cardinal le pays, ses grandeurs
passées, les désastres contemporains, l’énergie mise à son service
quotidiennement par un «Peuple / poussant continuellement sa
fleur / de très vieille souche métisse / s’ensemençant sans cesse».
Discret, mesuré, peu amateur d’emphase ni de grandiloquence, il
avance une parole qui sait jouer des harmoniques de la langue et
s’appuie sur une science sûre du rythme et de la versification.

Georges Castera
Né en 1936, Georges Castera quitte le pays en 1956 et n’y revient
que trente ans plus tard. Pendant ces années il a milité contre les
injustices, mais il a aussi travaillé d’arrache-pied à la constitution
de la langue créole écrite. Castera écrit en français, en créole et en
espagnol, ce qui fait de son œuvre un moment poétique exception-
nel. Depuis son retour en Haïti, il conseille les jeunes poètes, voire
participe à leur formation, et son influence est déterminante. La
poésie de Castera se méfie de la grandiloquence, mais ne s’interdit
pas la véhémence, au profit d’une image poétique qu’il rend immé-
diatement perceptible.
Cette montée vers l’inouï, il l’a aussi accomplie dans sa poésie en
créole, recueillie dans près d’une vingtaine de livres publiés à partir
de 1965. Peu à peu, de livre en livre, de poème en poème, Georges
Castera a posé les jalons d’une poésie contemporaine, et dont la
reconnaissance est désormais acquise. Néanmoins il est essentiel de
bien comprendre ici que Castera n’écrit pas une langue contre l’autre,
mais qu’il recherche une même densité. Car le parti pris de Castera
est de ne pas assimiler la poésie en créole à une «oraliture», mais
bien de lui conférer dès le départ le statut d’une poésie en langue
courante. À plusieurs reprises, les poèmes disent l’écriture, l’encre,
le papier. Dans le rapport courant de la langue créole à l’image,
Castera se défait de l’évidence de celle-ci: l’image dans sa poésie est
motivée, construite, elle devient une véritable création, à l’écart de
l’usage commun. Avec Castera, le créole devient vraiment une langue
d’écriture poétique. Et ses publications, d’une grande beauté, ont
ouvert la voie à la fin de la déconsidération condescendante à l’égard
de la langue commune. De 1965 à 2012, il publie 19 recueils de

94
en 1994 cuando el país es víctima del embargo, narra la lucha frente
a un posible hastío, el agotamiento ante al desastre sin fin. Immobile
Voyageuse de Picas (2000)95 también insiste sobre el riesgo de amar-
gura, que solo la palabra poética puede superar.
Anthony Phelps es, sin duda alguna, el poeta haitiano más
importante de este periodo y de la literatura haitiana en gene-
ral. El punto cardinal de su obra siempre es el país, sus gran-
dezas pasadas, sus desastres contemporáneos, la energía que le
instila todos los días un «Peuple / poussant continuellement sa
fleur / de très vieille souche métisse / s’ensemençant sans cesse».96
Discreto, comedido, poco amante de énfasis ni grandilocuencia,
propone una palabra que sabe jugar con las gamas armónicas de la
lengua y se apoya en una ciencia segura del ritmo y de la versificación.

Georges Castera
Nacido en 1936, Georges Castera deja el país en 1956 para volver
treinta años más tarde. Durante esos años luchó contra las injusti-
cias, y también trabajó sin descanso para la constitución de la lengua
creol escrita. Castera escribe en francés, en creol y en español, lo que
convierte su obra en un momento poético excepcional. Desde su
regreso a Haití su influencia es determinante: orienta a los jóvenes
poetas e incluso participa en su formación. La poesía de Castera se
aleja de la grandilocuencia, pero se permite la vehemencia, en pos
de una imagen poética inmediatamente perceptible.
Ese ascenso hacia lo inaudito también se encuentra en su poesía
en creol, recogida en unos veinte libros publicados a partir de 1965.
Poco a poco, libro tras libro, poema tras poema, Georges Castera
sienta las bases de una poesía contemporánea, cuyo reconocimiento
es un hecho. No obstante, es importante entender que Castera no
escribe una lengua en contra de la otra, sino que busca una misma
densidad. Castera toma el partido de no asimilar la poesía en creol
a una «oralitura», sino más bien de conferirle desde el principio el
rango de una poesía en un idioma común. En repetidas ocasiones,
los poemas cuentan la escritura, la tinta, el papel. En esta relación
común de la lengua creol a la imagen, Castera se deshace de la
95
Anthony Phelps: Immobile Voyageuse de Picas et autres silences, Cidihca,
Montréal, 2000.
96
«Pueblo / creciendo su flor sin cesar / de muy antigua cepa mestiza / sembrán-
dose siempre».
95
poèmes en créole, dont l’anthologie Rabouch (2012),73 et 9 recueils
en français, dont Le Retour à l’arbre74 (1974) et Le Trou du souffleur
(2006).75 Sans compter sa participation à nombre d’ouvrages collec-
tifs et sa littérature enfantine.

Astres
La parole poétique haïtienne connaît depuis les années 1980 une
véritable effervescence, à travers des personnalités majeures. Chacu-
ne étant un univers en soi et imprimant à son passage de nouvelles
manières de penser et de dire Haïti ou le monde. Désormais, on
peut difficilement parler de courant ou d’école, mais plutôt d’une
multiplicité d’expressions, libres et originales, concernées et façon-
nées par la complexe réalité haïtienne, ainsi que par le devenir,
inquiétant, du monde.

Frankétienne
Franck Étienne (1936) – qui change son nom en Frankétienne ou
Franketyen – construit une œuvre qui renverse les frontières de
genre, voire de support: il est tout à la fois chanteur, dramaturge,
comédien, écrivain et peintre. Longtemps dissimulée, sa notoriété
éclate au grand jour à partir de la chute de la maison Duvalier.
Associant le texte, l’image, la calligraphie, les jeux de caractères, – et ce
depuis la parution en 1993 de L’Oiseau schizophone –,76 cette œuvre
déconcerte par son caractère bouleversé et bouleversant, qui déplace
la plupart des normes courantes de l’écriture. Le Spiralisme, dont il
se réclame à l’instar de René Philoctète et de Jean-Claude Fignolé,
participe de cette remise en jeu des normes: le temps y est fracturé,
la sommation et l’invective courantes. Mais ce qui frappe d’abord

73
Castera, Georges: Rabouch (antoloji), Presses Nationales d’Haïti, Port-au-Prince,
2012.
74
Castera, Georges: Le Retour à l’arbre, avec des dessins de Bernah Wah, Calfou
Nouvelle Orientation, New York, 1974.
75
Castera, Georges: Le Trou du souffleur, préface de Jean-Durosier Desrivières,
dessins de Georges Castera. Caractères, Paris, 2006.
76
Frankétienne: L’Oiseau schizophone (Spirale), Éditions des Antilles, Port-au-
Prince, 1993.
96
evidencia de esta imagen: en su poesía ella es motivada, construida,
se vuelve verdadera creación, al margen del uso común. Con Castera,
el creol se convierte realmente en una lengua de escritura poética.
Y sus publicaciones, de una gran belleza, inauguraron el fin de la
desconsideración condescendiente hacia la lengua común. De 1965
a 2012 publica diecinueve poemarios en creol, incluyendo la antolo-
gía Rabouch (2012),97 y nueve poemarios en francés, entre ellos Le
Retour à l’arbre (1974)98 y Le Trou du souffleur (2006).99 Además de
su participación en numerosas obras colectivas y su literatura infantil.

Astros
La palabra poética haitiana conoce después de los años ochenta una
verdadera efervescencia, a través de personalidades mayores. Cada
una es un universo en sí, creando al pasar nuevas maneras de pensar
y decir Haití y el mundo. Resulta ya difícil hablar de tendencias o
escuelas, sino más bien de una multiplicidad de expresiones, libres
y originales, concernidas y moldeadas por la compleja realidad
haitiana, y por el porvenir, inquietante, del mundo.

Frankétienne
Franck Étienne (1936) –que cambia su nombre por Frankétienne o
Franketyen– construye una obra que derriba las fronteras de género,
incluso de soporte. Es a la vez cantante, dramaturgo, comediante,
escritor y pintor. Disimulada durante mucho tiempo, su notoriedad
estalla a partir de la caída de la familia Duvalier.
Asocia texto, imagen, caligrafía, juegos de caracteres, desde la
publicación en 1993 de L’Oiseau schizophone,100 esta obra desconcierta
por su carácter perturbado y perturbador, que altera la mayoría de
las normas habituales de la escritura. El espiralismo, que él reivin-
dica al lado de René Philoctète y Jean-Claude Fignolé, participa de

97
Georges Castera: Rabouch (antoloji), Presses Nationales d’Haïti, Port-au-Prince,
2012.
98
Georges Castera: Le Retour à l’arbre, avec des dessins de Bernah Wah, Calfou
Nouvelle Orientation, New York, 1974.
99
Georges Castera: Le Trou du souffleur, préface de Jean-Durosier Desrivières,
dessins de Georges Castera. Caractères, Paris, 2006.
100
Frankétienne: L’Oiseau schizophone (Spirale), Éditions des Antilles, Port-au-
Prince, 1993.
97
est l’élaboration d’une langue à soi, qui certes croise l’haïtien et
le français, mais se caractérise d’abord par l’invention lexicale et le
pouvoir de l’évocation, reprenant ainsi des traits de l’oralité paysan-
ne. Œuvre fascinante par sa densité et son caractère qui se joue de
la démesure, elle a cette force particulière de faire de son créateur
l’objet même de sa création. Frankétienne devient un personnage
de ce texte, à la fois pitre clownesque qui se rit des fauteurs de la
déchéance, et imprécateur qui dénonce par des invectives puissan-
tes les forces du mal qui rongent les êtres et le pays. Avec H’Eros
chimères en 200277 et Miraculeuse en 2003,78 il tisse les fils d’une
autobiographie qui plonge au plus profond de l’imaginaire person-
nel et national.
Cette posture relève d’une quête spirituelle dont Frankétienne
décrit sans relâche la nécessité et la force de résistance: il s’agit de
ne pas se détourner du spectacle de la dégradation, mais bien de se
plonger dans celui de la corruption, et d’aller chercher, quitte à les
inventer, les mots qui disent le mal, peut-être même des mots qui
font mal, parce que c’est aussi par cette plongée que peut renaître
l’infime et discret bourgeonnement de la résistance.
Cette œuvre majeure renoue avec cette façon initiale de fabri-
quer du collage et de croiser des textes et des références, comme
observé dès le Voyage dans le Nord d’Haïti de Dumesle. Mais avec
Frankétienne, cette esthétique du collage et du croisement articule
avec une grande rigueur l’exigence métaphysique, le retour sur sa
propre biographie et sur sa singularité, la prise en charge des contacts
de langues et des rapprochements, ainsi que des oppositions entre
l’écrit et la parole. Cette «esthétique du chaos» l’a peu à peu séparé
de ses compagnons de route, Philoctète et Fignolé. La langue de
Frankétienne oscille ainsi, sans arrêt, entre la confrontation brutale
avec l’innommable qu’il s’agit de parvenir à saisir, et l’espérance qui
s’éloigne. Constituée de paragraphes courts aux phrases lapidaires,
cette écriture emploie la saturation et la grandiloquence pour mieux
parvenir à dessaisir le réel de toute emprise du pouvoir.

Dans un tout autre registre, mais qui est lui aussi traversé par
cette double quête de soi et d’Haïti, la poésie de Jean Métellus
(1937-2014) trace un chemin diamétralement opposé à celui de
Frankétienne. Chez Métellus, pas d’invention lexicale, pas d’écart

77
Frankétienne: H’Eros chimères, Spirale, Port-au-Prince, 2002.
78
Frankétienne: Miraculeuse, Spirale, Port-au-Prince, 2003.
98
esta nueva puesta en juego de las normas: el tiempo está fracturado,
la advertencia y el exabrupto son frecuentes. Pero lo que llama la
atención es, ante todo, la elaboración de una lengua propia que, si
bien entremezcla el haitiano y el francés, se caracteriza primero por
la invención del léxico y el poder de la evocación, retomando así los
rasgos de la oralidad campesina. Obra fascinante por su densidad
y su carácter amante de la desmesura, posee ese poder particular
de transformar a su creador en el objeto mismo de su creación.
Frankétienne se convierte en un personaje del texto, a la vez bufón
que se mofa de los responsables de la decadencia, e increpador que
denuncia con poderosas invectivas las fuerzas del mal que corroen
a los seres y al país. Con H’Eros chimères en 2002101 y Miraculeuse
en 2003,102 teje la trama de una autobiografía que se sumerge en lo
más profundo del imaginario personal y nacional.
Esta postura revela una búsqueda espiritual, de la que Frankétien-
ne describe incansablemente la necesidad y la fuerza de resistencia:
se trata de no desviarse del espectáculo de la degradación, más bien de
sumergirse en el de la corrupción, y de ir a buscar, hasta inventarlas,
las palabras que dicen el mal, tal vez incluso palabras que duelen,
ya que es también por esta inmersión que puede nacer el ínfimo y
discreto brote de resistencia.
Esta obra mayor reanuda con aquella manera inicial de hacer colla-
ge y de cruzar textos y referencias, como en el Voyage dans le Nord
d’Haïti de Dumesle. Pero con Frankétienne, esta estética del collage
y de la hibridación articula con gran rigor la exigencia metafísica,
el retorno hacia su propia biografía y singularidad, el hacerse cargo
de los roces de idiomas, así como de las oposiciones entre escri-
tura y palabra. Esta «estética del caos» lo desvinculó poco a poco de
sus compañeros de camino, Philoctète y Fignolé. Así, la lengua
de Frankétienne nunca deja de fluctuar entre el enfrentamiento brutal
con lo innombrable que debe ser aprehendido, y la esperanza que se
aleja. Constituida por párrafos cortos y frases lapidarias, esta escri-
tura emplea la saturación y la grandilocuencia para alcanzar mejor
a despojar lo real de toda influencia.

En un registro muy distinto, pero que también participa de esta doble


búsqueda de sí y de Haití, la poesía de Jean Métellus (1937-2014)
marca un camino diametralmente opuesto al de Frankétienne. En
101
Frankétienne: H’Eros chimères, Spirale, Port-au-Prince, 2002.
102
Frankétienne: Miraculeuse, Spirale, Port-au-Prince, 2003.
99
par rapport au lexique, mais une recherche incessante du mot juste,
qui existe déjà. L’extrême attention portée au langage, à ses soubas-
sements comme à ses troubles – il était neurologue, spécialiste des
troubles du langage –, mais aussi à ses manifestations poétiques,
constitue chez lui un ensemble complexe, dont les résonnances
parcourent l’œuvre tout entière. Celle-ci est tournée d’un côté
sur l’empreinte en soi du pays perdu – pourtant retrouvé dans la
fresque et l’évocation historique – et, de l’autre, dans l’inscription de
paysages, d’êtres et de situations qui sont ceux de cette migration
en un pays abordé également par ses lettres, mais profondément
marqués par l’exil, fût-il intérieur. Entre Au Pipirite chantant (1978)79
et la geste posthume Rhapsodie pour Hispaniola (2015),80 Jean
Métellus a balisé une œuvre tout à la fois de romancier, d’historien,
de chercheur, par l’enracinement profond dans une terre pourtant
quittée en 1960, et dont il a parcouru les espaces mentalement,
recherchant au plus profond de son imaginaire les traces les plus
sensibles, parfois aussi les plus ténues. La geste épique qui constitue
le fonds du dernier ouvrage est à la fois une œuvre testamentaire
mais aussi, et d’abord, la promesse d’une jouvence. La poésie de
Métellus est particulièrement remarquable par sa scansion ample qui
laisse à l’image la place de se développer, et à l’histoire de donner à
entendre son souffle.

Étoiles
La chute de la maison Duvalier en 1986 avait descellé l’emprise de
la parole mortifère sur le pays. Certes, le pays n’est pas pour autant
sorti des épreuves: coups d’État, dictatures militaires, politiciens
antidémocratiques, émergence de la grande criminalité, pressions
économiques sur un pays exsangue – dont la population la plus
pauvre ne parvient pas à accéder à la dignité sociale –, et puis le 10
janvier 2010, un séisme d’une ampleur inconnue jusque là en Haïti
et dont les effets sont extrêmement dévastateurs. Mais désormais,
la voix poétique se fait entendre, comme d’une manière générale la
79
Métellus, Jean: Au pipirite chantant, Les Lettres Nouvelles / Maurice Nadeau,
Paris, 1978.
80
Métellus, Jean: Rhapsodie pour Hispaniola, Bruno Doucey, Paris, 2015.
100
Métellus, no hay invención léxica, no hay brecha en relación con
el léxico, pero sí una búsqueda incesante de la palabra precisa, que
ya existe. El extremo cuidado otorgado al lenguaje, a sus cimientos
y a sus trastornos –era neurólogo, especialista en trastornos del
lenguaje–, pero también a sus manifestaciones poéticas, constituye en
Métellus un conjunto complejo, cuyas resonancias recorren la obra
entera. Esta es orientada, por un lado, hacia la huella interior del
país perdido –sin embargo reencontrado en el retrato y la evocación
histórica– y, por otro, en la inscripción de paisajes, seres y situaciones
que son los de esa migración en un país también aprehendido en sus
letras, pero profundamente marcado por el exilio, incluso interior.
Entre Au pipirite chantant (1978)103 y la gesta póstuma Rhapsodie
pour Hispaniola (2015),104 Jean Métellus compuso una obra a la vez
como novelista, historiador e investigador, partiendo del arraigo
profundo en una tierra (pese a haberla dejado en 1960), de la que
recorrió los espacios mentalmente, buscando en lo hondo de su
imaginación las huellas más sensibles, a veces también las más tenues.
La gesta épica que constituye el trasfondo de la última obra es a la
vez una obra testamentaria y, principalmente, la promesa de una
eterna juventud. La poesía de Métellus sorprende en particular por
su amplia métrica, la que le da a la imagen la libertad de florecer, y
a la historia, de dejar sentir su aliento.

Estrellas
La caída de la casa Duvalier en 1986 había quebrantado el dominio
de la palabra mortífera en el país. Obviamente, no por ende el país
ha salido de sus dificultades: golpes de Estado, dictaduras militares,
políticos antidemocráticos, emergencia de la gran delincuencia,
presiones económicas sobre un país desangrado –cuya población
más pobre no alcanza dignidad social alguna–, y además el 10 de
enero de 2010, un sismo de una amplitud desconocida hasta entonces
en Haití y cuyos efectos son particularmente devastadores. Pero la
voz poética ya se impone, como la literatura en general y, en menor

103
Jean Métellus: Au pipirite chantant, Les Lettres Nouvelles / Maurice Nadeau,
Paris, 1978.
104
Jean Métellus: Rhapsodie pour Hispaniola, Bruno Doucey, Paris, 2015.
101
littérature et, dans une moindre mesure, les sciences humaines.
La forme courte, nouvelle ou poésie, devient le passage obligé
pour débuter une carrière littéraire. Cependant, il faut relever que
la plupart des romanciers qui ont publié des poèmes et des romans
poursuivent dans les deux genres. Il faut aussi relever que la poésie
en créole connaît une diffusion sans précédent. Dans le même sens,
nombreux sont les poètes dont les textes deviennent des chansons,
ou qui écrivent directement pour cet art. Comme Syto Cavé, né
en 1944, longtemps exilé aux États-Unis et connu d’abord comme
dramaturge. Il publie en 2015 D’amour à mort / Damou a mò,81 un
recueil de chansons, dont plusieurs ont été mises en musique par
des interprètes aussi divers que Wooly Saint Louis Jean ou Emeline
Michel.
Plusieurs voix témoignent de la vitalité de la forme et du parti
pris pour la poésie, à travers des individualités fortes. Par exemple
Robert Berrouët-Oriol (1951), dont l’œuvre est adossée à la maîtrise
des sciences du langage. Il a coécrit en 2011 le livre de référence sur
l’aménagement linguistique en Haïti.82 Son œuvre – caractérisée par
un langage rythmé et d’une grande rigueur lexicale – se construit au
fil de son triptyque, composé des recueils Poème du décours (2010),83
Découdre le désastre suivi de L’île anaphore (2013)84 et Éloge de la
mangrove (2016).85
Il s’agit de ne pas détourner le regard sur l’Haïti souffrante et de
mettre des mots là où il n’y aurait que de l’émotion vague et confuse.

La puissance parfois oraculaire des deux astres, Frankétienne et


Métellus, a ouvert la voie et peut-être aussi permis de prendre voix
à toute une génération de jeunes gens en colère, comme Évelyne
Trouillot, son frère Lyonel Trouillot et Louis-Philippe Dalembert.
81
Cavé, Syto: D’amour à mort / Damou a mò (recueil de chansons), L’Imprimeur II,
Port-au-Prince, 2015.
82
Berrouët-Oriol, Robert & Cothière, Darline & Fournier, Robert & St-Fort,
Hugues: L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions,
Éditions du Cidihca, Montréal / Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2011.
83
Berrouët-Oriol, Robert: Poème du décours, Éditions Triptyque, Montréal,
2010.
84
Berrouët-Oriol, Robert: Découdre le désastre suivi de L’île anaphore, Éditions
Triptyque, Montréal, 2013.
85
Berrouët-Oriol, Robert: Éloge de la mangrove, Éditions Triptyque, Montréal, 2016.
102
medida, las ciencias humanas. El género breve, cuento o poesía, es de
hecho el paso obligado para iniciar una carrera literaria. Sin embargo,
es preciso subrayar que la mayoría de los autores que publicaron
poemas y novelas persisten en ambos géneros. También señalar que
la poesía en creol conoce una difusión sin precedentes. En ese senti-
do, varios son los poetas cuyos textos se convierten en canciones, o
que escriben directamente para este arte. Como Syto Cavé, nacido
en 1944, exiliado durante mucho tiempo en los Estados Unidos y
conocido sobre todo como dramaturgo. En 2015 publica D’amour
à mort / Damou a mò,105 una recopilación de canciones, muchas de
ellas musicalizadas por intérpretes tan diversos como Wooly Saint
Louis Jean o Emeline Michel.
Diversas voces manifiestan la vitalidad de la forma y la inclinación
por la poesía a través de fuertes individualidades. Cabe mencionar
a Robert Berrouët-Oriol, cuya obra se sustenta en el dominio de
las ciencias del lenguaje. Coescribió en 2011 el libro de referencia
sobre el ordenamiento lingüístico en Haití.106 Su obra –caracteri-
zada por un lenguaje rítmico y de gran rigor léxico– se construye a
lo largo de su tríptico, compuesto por los poemarios Poème du
décours (2010),107 Découdre le désastre suivi de l’île anaphore (2013)108
y Éloge de la mangrove (2016).109
Se trata de no apartar la mirada del sufrimiento haitiano y de
colocar las palabras donde solo habría emociones vagas y confusas.

La potencia a veces profética de estos poetas abrió el camino,


e incluso permitió expresarse a toda una generación de jóvenes
indignados, como Évelyne Trouillot, su hermano Lyonel Trouillot
y Louis-Philippe Dalembert.
105
Syto Cavé: D’amour à mort / Damou a mò (recueil de chansons), L’Imprimeur II,
Port-au-Prince, 2015.
106
Robert Berrouët-Oriol, Darline Cothière, Robert Fournier, Hugues St-Fort:
L’aménagement linguistique en Haïti: enjeux, défis et propositions, Éditions du
Cidihca, Montréal / Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2011.
107
Robert Berrouët-Oriol: Poème du décours, Éditions Triptyque, Montréal,
2010.
108
Robert Berrouët-Oriol: Découdre le désastre suivi de L’île anaphore, Éditions
Triptyque, Montréal, 2013.
109
Robert Berrouët-Oriol: Éloge de la mangrove, Éditions Triptyque, Montréal,
2016.
103
Connue comme romancière, Évelyne Trouillot (née en 1954)
publie depuis les années 2000 une poésie intimiste, qui se tient au
plus près des désarrois d’un peuple qui tente chaque jour de faire
encore reculer les conditions de sa survie. Elle y célèbre mezza voce
l’amour inconditionnel qu’elle lui porte, ainsi qu’à la ville, Port-au-
Prince et, par elle, au pays tout entier. «Je t’aime / sans lisières /
ni œillères / avec tes immenses flamboyants / en fleurs / de celles
qu’on arrose avec une dose / forte d’humanité / et une grande ration
de justice / pour que ton nom frémisse / sur ma porte d’entrée»,
écrit-elle dans le poème liminaire de son recueil Par la Fissure de mes
mots (2014).86 D’un lyrisme retenu, sa poésie prend le contre-pied
de l’affectation, tout en décrivant un monde fissuré, atteint d’un
mal séculaire qui le ronge. Mais la poésie se doit de parvenir à dire
le monde autrement, en le détachant des stéréotypes courants dont
se repaissent les autres. La poésie tient d’abord à cette exigence de
nommer sans désespérer, de célébrer de façon organique, en laissant
toute sa place au désir, si souvent l’objet de la dénégation:

Je n’oublie pas celle qui


a promis mille orgasmes lumineux
à son corps
s’il atteint la victoire

Je lui dis merci


d’avoir gardé au creux de son sein sauvage
le grand souffle du large

Quant à Lyonel Trouillot (né en 1956), en parallèle à son œuvre


de romancier il a toujours cultivé l’écriture poétique, en français
ainsi qu’en haïtien. Souvent, ses poèmes semblent la trace d’un
monologue intérieur. Le poète traverse les espaces les sens en éveil,
et il transforme les choses vues, ou même pressenties, en mots qui
disent la volonté de résister sans relâche à la désaffection comme au
renoncement. Mais la misère est là, sous les yeux, qui accentue la
solitude aussi de celui qui se refuse à détourner le regard. Chaque
86
Trouillot, Évelyne: Par la fissure de mes mots, Éditions Bruno Doucey, Paris,
2014.
104
Conocida como novelista, Évelyne Trouillot (nacida en 1954)
publica desde los años 2000 una poesía intimista muy cercana a la
congoja de un pueblo que intenta postergar a diario las condiciones
de su sobrevivencia. Celebra mezza voce el amor incondicional que
siente por él y por la ciudad, Puerto Príncipe y, a través de ella, por el
país entero. «Je t’aime / sans lisières / ni œillères / avec tes immenses
flamboyants / en fleurs / de celles qu’on arrose avec une dose / forte
d’humanité / et une grande ration de justice / pour que ton nom
frémisse / sur ma porte d’entrée»,110 escribe en el poema preliminar
de su libro Par la fissure de mes mots (2014).111 De un lirismo parco,
su poesía dista de todo artificio, a la vez que describe un mundo
agrietado, afectado por una vieja enfermedad que lo carcome. Pero
la poesía debería lograr decir el mundo de otra manera, liberándolo
de estereotipos comunes, de los que se llenan los demás. La poesía
exige ante todo nombrar sin desesperar, celebrar de una manera
orgánica, dejando todo su lugar al deseo, tan a menudo objeto de
la denegación.

Je n’oublie pas celle qui


a promis mille orgasmes lumineux
à son corps
s’il atteint la victoire

Je lui dis merci


d’avoir gardé au creux de son sein sauvage
le grand souffle du large112

En cuanto a Lyonel Trouillot (nacido en 1956), paralelamente a


su obra novelística, siempre cultivó la escritura poética, en francés y
en haitiano. A menudo, sus poemas evocan un monólogo interior.
El poeta recorre los espacios con los sentidos despiertos, y transfor-
ma las cosas vistas, o intuidas, en palabras que dicen la voluntad de
resistir incansablemente, tanto al desapego como a la abnegación.
Pero la miseria está allí, tan evidente, intensificando por ende la
110
«Te amo / sin linderos / ni vendas / con tus inmensos flamboyanes / en flor /
aquellos que regamos con una dosis / alta de humanidad / y una gran ración
de justicia / para que tu nombre se estremezca / en mi umbral».
111
Évelyne Trouillot: Par la fissure de mes mots, Éditions Bruno Doucey, Paris,
2014.
112
No olvido aquella que / le prometió mil orgasmos luminosos / a su cuerpo /
si alcanza la victoria // Le doy las gracias / por haber atesorado en lo hondo
de su pecho salvaje / el profundo aliento del mar
105
poème de Lyonel Trouillot est ainsi la trace d’une lutte farouche et
pourtant silencieuse, entre la possibilité toujours ouverte de renoncer,
et la négation de celle-ci. «Je ne me définis pas comme un écrivain.
Je suis un citoyen haïtien qui écrit» affirme-t-il. C’est bien depuis cet
ancrage que s’accomplit cette œuvre majeure, qui résonne comme
une basse continue. En 2013 Le doux parfum des temps à venir,87 puis,
en 2015, C’est avec mains qu’on fait chansons; anthologie poétique,88
confirment cette présence poétique continue et qui s’exerce dans
les deux langues.
Six ans plus jeune que Lyonel Trouillot, Louis-Philippe Dalembert
(1962) publie, en 1982, Évangile pour les miensk,89 à Port-au-Prince.
Sa carrière de romancier et d’essayiste n’a jamais éteint en lui le poète.
Il vagabonde par le monde, célèbre l’immédiat de la sensation, guette
en lui les réminiscences soudaines et discrètes de l’enfance, suscitées
par les rencontres. Et le soleil se souvient (1989),90 Ces îles de plein
sel (2000),91 Poèmes pour accompagner l’absence (2005)92 rythment
cette œuvre qui aborde des thématiques diverses et, comme ses
romans, témoignent d’une quête spirituelle constante, mais trans-
mises avec légèreté et élégance. Poète rare, il publie ses poèmes dans
des ouvrages collectifs et dans des revues.

Constellations nouvelles
Vient alors une génération de nouvelles voix, de jeunes poètes nés à
partir de 1970. C’est un Jean-Durosier Desrivières (1972) qui suit
pas à pas le langage des incertitudes, des conversations, des choses
vues, qui déterminent autant de contrastes. Notamment avec Bouts

87
Trouillot, Lyonel: Le doux parfum des temps à venir, Actes Sud, Arles, 2013.
88
Trouillot, Lyonel: C’est avec mains qu’on fait chansons, Le Temps des Cerises,
Montreuil, 2015.
89
Dalembert, Louis-Philippe: Évangile pour les miens, Choucoune, Port-au-Prince,
1982.
90
Dalembert, Louis-Philippe: Et le soleil se souvient suivi de Pages cendres et palmes
d’aube, l’Harmattan, Paris, 1989.
91
Dalembert, Louis-Philippe: Ces îles de plein sel et autres poèmes, Éditions
Silex-Nouvelles du Sud, Ivry-sur-Seine, 2000.
92
Dalembert, Louis-Philippe: Poème pour accompagner l’absence, Mémoire
d’encrier, Montréal, 2005.
106
soledad de aquel que se niega a desviar la mirada. Así, cada poema
de Lyonel Trouillot es el testigo de una lucha feroz pero silenciosa,
entre la posibilidad siempre abierta de renunciar, y la negación de la
misma. «No me defino como escritor. Soy un ciudadano haitiano
que escribe», afirma. Es precisamente desde ese arraigo que se forja
esta obra mayor, que resuena como un bajo continuo. En 2013 Le
doux parfum des temps à venir,113 luego, en 2015, C’est avec mains qu’on
fait chansons; anthologie poétique,114 confirman esta presencia poética
continua, ejercida en ambos idiomas.
Seis años menor que Lyonel Trouillot, Louis-Philippe Dalembert
(1962) publica, en 1982, Évangile pour les miens115 en Puerto Príncipe.
Su carrera de novelista y ensayista nunca apagó en él al poeta. Anda
por el mundo, celebra lo inmediato de las sensaciones, hurga en él
las reminiscencias repentinas y discretas de la infancia, suscitadas
por los encuentros. Et le soleil se souvient (1989),116 Ces îles de plein
sel (2000),117 Poèmes pour accompagner l’absence (2005),118 marcan el
ritmo de esta obra que aborda diferentes temáticas y, como sus nove-
las, dan fe de una búsqueda espiritual constante, pero transmitida
con ligereza y elegancia. Poeta escaso, publica sus poemas en obras
colectivas y en revistas.

Nuevas constelaciones

Llega entonces una generación de nuevas voces, de jóvenes poetas


nacidos a partir de 1970. Es un Jean-Durosier Desrivières (1972)
quien sigue paso a paso el lenguaje de las incertidumbres, de las
conversaciones, de las cosas vistas, que determinan tantos contrastes.

113
Lyonel Trouillot: Le doux parfum des temps à venir, Actes Sud, Arles, 2013.
114
Lyonel Trouillot: C’est avec mains qu’on fait chansons, Le Temps des Cerises,
Montreuil, 2015.
115
Louis-Philippe Dalembert: Évangile pour les miens, Choucoune, Port-au-Prince,
1982.
116
Louis-Philippe Dalembert: Et le soleil se souvient suivi de Pages cendres et palmes
d’aube, l’Harmattan, Paris, 1989.
117
Louis-Philippe Dalembert: Ces îles de plein sel et autres poèmes, Éditions Silex-
Nouvelles du Sud, Ivry-sur-Seine, 2000.
118
Louis-Philippe Dalembert: Poème pour accompagner l’absence, Mémoire
d’encrier, Montréal, 2005.
107
de ville à vendre,93 une déambulation urbaine d’avant le séisme de
2010, qui nous montre vie et poésie sous la misère.
Et c’est en particulier un jeune poète qui conduit le mouvement
actuel du renouveau poétique, James Noël.

James Noël
Né en 1978, il jouit d’une grande notoriété tant en Haïti qu’à
l’étranger. Il incarne sans aucun doute le renouvellement de l’action
poétique, voire la jouvence de celle-ci dès lors qu’elle sort du cadre
un peu feutré de la seule édition. James Noël a fédéré autour de ce
projet poétique déterritorialisé de très nombreuses figures jeunes
ou plus âgées, animant des rencontres, des soirées poétiques où se
retrouvent des diseurs, des slammeurs, des chanteurs, des comédiens.
Le projet s’est prolongé dans la création de la revue internationale
IntranQu’îllités.94
En 2005, les Poèmes à double tranchant95 sont présentés par Fran-
kétienne, qui met en avant la pratique poétique du double registre
chez James Noël: «Double tranchant. Double engagement à la fois
esthétique et idéologique à résonance individuelle et collective».
C’est sans doute cet effet de «résonance» qui atteint le lecteur. Le
poème progresse par la construction d’images qui se succèdent,
chacune d’entre elles se manifestant à partir d’un élément de celle
qui la précède. Dans «Temps mort», par exemple, la pluie est perçue
comme un geste, devient larmes, remonte dans l’aérien, où volent
les oiseaux qui se protègent du soleil et du «vent sifflant comme
flic», ce dernier confronté à la foule. Puis les images se condensent;
le tragique latent éclate alors dans le questionnement sur l’état du
pays, considéré dans son déclin. Mais aussi, le (jeune) poète reven-
dique la plénitude de son art poétique, qui ne s’achève pas dans la
contemplation mélancolique de la misère. Le langage poétique se

93
Desrivières, Jean-Durosier: Bouts de ville à vendre, Éditions Caractères, Paris,
2010.
94
Revue littéraire et artistique IntranQu’îllités créée en 2012, maître d’œuvre:
James Noël, direction artistique: Pascale Monnin, Passagers des Vents, Port-au-
Prince.
95
Noël, James: Poèmes à double tranchant / Seul le baiser pour muselière, préface de
Frankétienne, Farandole, Port-au-Prince, 2005.
108
En particular con Bouts de ville à vendre,119 una deambulación urbana
anterior al sismo de 2010, que nos muestra la vida y la poesía detrás
de la miseria.
Y es en particular un joven poeta el que dirige el movimiento
actual del resurgimiento poético, James Noël.

James Noël
Nacido en 1978, goza de una gran notoriedad tanto en Haití como
en el extranjero. Encarna, sin duda alguna, la renovación de la acción
poética, incluso su rejuvenecimiento, por extraerla del marco holgado
de la edición. James Noël federó alrededor de este proyecto poético
desterritorializando a numerosas figuras jóvenes o mayores, animan-
do encuentros en los que se reúnen narradores, raperos, cantautores,
actores. Este proyecto se perpetuó a través de la creación de la revista
internacional IntranQu’îllités.120
En 2005, Frankétienne prologa sus Poèmes à double tranchant,121
destacando la práctica poética del doble registro de James Noël:
«Doble filo. Doble compromiso a la vez estético e ideológico con
resonancia individual y colectiva». Es sin duda el efecto de «resonan-
cia» que impacta al lector. El poema progresa a través de la construc-
ción de una sucesión de imágenes, cada una de ellas manifestándose
a partir de un elemento de la anterior. En «Tiempo muerto», por
ejemplo, la lluvia es percibida como un gesto, se vuelve lágrimas,
se alza hacia los aires, donde vuelan los pájaros que se protegen
del sol y del «viento que silba como policía», este confrontado a la
muchedumbre. Luego las imágenes se condensan; lo trágico latente
estalla entonces al cuestionar la situación del país, considerado en
decadencia. Pero el (joven) poeta reivindica la plenitud de su arte
poético, que no acaba en contemplación melancólica de la miseria.
El lenguaje poético se regenera en los elementos, en la familiaridad
cósmica, así como en la insumisión radical, garantía de libertad y
de interioridad.
119
Jean-Durosier Desrivières: Bouts de ville à vendre, Éditions Caractères, Paris,
2010.
120
Revista literaria y artística IntranQu’îllités creada en 2012, editor: James Noël,
dirección artística: Pascale Monnin, Passagers des Vents, Port-au-Prince.
121
James Noël: Poèmes à double tranchant / Seul le baiser pour muselière, prefacio
de Frankétienne, Farandole, Port-au-Prince, 2005.
109
ressource ainsi aux éléments, à la familiarité cosmique, comme à
l’insoumission radicale, gage de liberté et d’intériorité.
James Noël continue de publier des recueils où il croise les
représentations de l’île, le constat amer de la déshumanisation et la
résistance à celle-ci dans la célébration amoureuse. C’est par l’image,
en général souveraine, qu’il réalise ce croisement.
Mais il s’attache aussi à faire connaître au monde entier les poètes
haïtiens, en participant à la publication d’anthologies.

D’anthologie / Constellations nouvelles


Au risque de rompre la progression chronologique de cette présenta-
tion, il importe de signaler la publication régulière d’anthologies de
la poésie haïtienne, et cela depuis le XIXème siècle. On se limitera ici à
celles des dernières années. En 1950, Carlos St.-Louis et Maurice A.
Lubin publiaient à Port-au-Prince un Panorama de la poésie haïtienne96
qui recueillait près de 600 poèmes, et qui a souvent été réédité,
notamment en Europe. En 1978, Sylvio Baridon et Raymond
Philoctète publient à Paris Poésie vivante d’Haïti,97 qui connaît un
grand retentissement. Elle marque durablement l’histoire de la poésie
haïtienne, en ce qu’elle devient un repère dans une littérature qui
peine à cette époque de trouver des espaces de publication autres
que confidentiels. Après le renouveau amorcé en 1986, les choses
changent. En 2003, Rodney Saint-Éloi, Georges Castera, Lyonel
Trouillot et Claude Pierre publient l’Anthologie de la littérature
haïtienne. Un siècle de poésie, 1901-2001 chez Mémoire d’encrier,98 la
maison d’édition créée et dirigée par le poète Saint-Éloi à Montréal.
Cet ouvrage est important à plusieurs titres. D’abord parce qu’il
propose un découpage temporel inédit et trace des perspectives
fondées sur la continuité de la création poétique tout au long du
siècle. Ensuite, parce qu’il se base résolument sur la mise en relation

96
St.-Louis, Carlos & Lubin, Maurice A.: Panorama de la poésie haïtienne, Collec-
tion Haitiana, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1950.
97
Baridon, Sylvio & Philoctète, Raymond: Poésie vivante d’Haïti, Les Lettres
Nouvelles / Maurice Nadeau, Paris, 1978.
98
Castera, Georges & Pierre, Claude & Saint-Éloi, Rodney & Trouillot, Lyonel:
Anthologie de la littérature haïtienne. Un siècle de poésie 1901-2001, Mémoire
d’encrier, Montréal, 2003.
110
James Noël sigue publicando poemarios en los que se entretejen
las representaciones de la isla, la constatación amarga de la deshuma-
nización y la resistencia a esta a través de la celebración amorosa. Es
por la imagen, generalmente soberana, que él logra esta hibridación.
Pero también se esfuerza en dar a conocer en el mundo entero a
los poetas haitianos, participando en la publicación de antologías.

De antología / Nuevas constelaciones


Corriendo el riesgo de romper la progresión cronológica de esta
presentación, cabe señalar la publicación constante de antologías
de poesía haitiana, y eso desde el siglo XIX. Nos limitaremos aquí
a mencionar las de los últimos años. En 1950, Carlos St.-Louis y
Maurice A. Lubin publicaron en Puerto Príncipe un Panorama de la
poésie haïtienne,122 que recogía cerca de 600 poemas, y que ha sido a
menudo reeditado, incluso en Europa. En 1978, Sylvio Baridon y
Raymond Philoctète publican en París Poésie vivante d’Haïti,123 que
conoce un gran éxito. Este libro marca de manera duradera la historia
de la poesía haitiana, ya que se convierte en una referencia para una
literatura que difícilmente encuentra en aquella época espacios de
publicación que no sean confidenciales. Después del resurgir iniciado
en 1986, las cosas cambian. En 2003, Rodney Saint-Éloi, Georges
Castera, Lyonel Trouillot y Claude Pierre publican la Anthologie de
la littérature haïtienne. Un siècle de poésie, 1901-2001 en Mémoire
d’encrier,124 la editorial creada y dirigida por el poeta Saint-Éloi en
Montreal. Esta obra es importante por varias razones. Ante todo
porque propone un desglose temporal inédito y diseña perspectivas
fundadas en la continuidad de la creación poética a lo largo de todo
un siglo. Luego, porque se basa firmemente en relacionar a varios
poetas, con el afán de superar la yuxtaposición y la enumeración.
Finalmente, porque nos hace redescubrir textos olvidados, a veces
perdidos, y por fin reencontrados.
122
Carlos St.-Louis y Maurice A. Lubin: Panorama de la poésie haïtienne, Collection
Haitiana, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1950.
123
Sylvio Baridon y Raymond Philoctète: Poésie vivante d’Haïti, Les Lettres
Nouvelles / Maurice Nadeau, Paris, 1978.
124
Georges Castera, Claude Pierre, Rodney Saint-Éloi y Lyonel Trouillot: Antho-
logie de la littérature haïtienne. Un siècle de poésie 1901-2001, Mémoire d’encrier,
Montréal, 2003.
111
de plusieurs poètes, avec un souci de dépasser la juxtaposition et
l’énumération. Enfin parce qu’il fait redécouvrir des textes oubliés,
parfois perdus, et enfin retrouvés.
Et en 2010, peu de temps après le séisme, Terre de femmes. 150
ans de poésie féminine en Haïti99 (éditions Bruno Doucey) rappelait
combien la place des femmes poètes est éminente en Haïti, malgré
l’occultation courante dont elles ont été victimes. Désormais, il n’est
plus possible de contester cette place considérable.
L’année 2015 voit la publication de deux anthologies impor-
tantes. La première dresse l’état des lieux de la poésie en langue
créole: Anthologie de la poésie créole haïtienne de 1986 à nos jours.100
La langue créole, on le savait, n’a pas pour seule fonction d’être un
outil de communication. La langue créole est traduisible, c’est une
langue véritable, et pas le surgeon d’une langue marâtre. La poésie
écrite – non seulement les comptines populaires, ou les chansons
archéologiques comme Lisette quitté la plaine101 – a depuis quelques
décennies investi la langue créole, et cette fois non pas pour se
donner une couleur locale ni pour rejouer le désespoir de l’amoureux
éconduit de Choucoune. L’évidence de la poésie se manifeste aussi
en créole haïtien. Il s’agit d’abord d’un déplacement dont l’enjeu est
intrinsèque à un pli de cette poésie: participer à la matrice même
de la société, non pas l’assimiler uniquement à un objet nommé.
Ainsi, André Fouad (1972) dans «Se kijan» («Dis-moi comment»)
interroge les mots pour mieux saisir la légèreté:

Papiyon
di m kijan ou wè fèy zanmann le ve jodi a
[...]
99
Doucey, Bruno: Terre de femmes. 150 ans de poésie féminine en Haïti, Éditions
Bruno Doucey, Paris, 2010.
100
Chalmers, Mehdi & Kénol, Chantal & Lhérisson, Jean-Laurent & Trouillot,
Lyonel: Anthologie bilingue de la poésie créole haïtienne de 1986 à nos jours, Actes
Sud / Atelier Jeudi Soir, Arles, 2015.
101
«Lisette quitté la plaine» est considéré comme le premier texte en créole; il
aurait été écrit en 1757 par Duvivier de la Mahautière (conseiller au Conseil
supérieur de Port-au-Prince à Saint-Domingue de 1754 à 1767) et a été repris
par Moreau de Saint-Méry dans Description topographique, physique, civile, poli-
tique et historique de la Partie française de l’Isle Saint-Domingue, Philadelphie,
1797. Il est notamment étudié par: Hazaël-Massieux, Marie-Christine: Textes
anciens en créole français de la Caraïbe: Histoire et analyse, Collection Lettres &
Langues. Linguistique. Recherches, Publibook, Paris, 2008, pp. 87-89.
112
Y en 2010, poco después del sismo, Terre de femmes. 150 ans de
poésie féminine en Haïti125 recordaba cuán eminente es el lugar de
las mujeres poetas en Haití, a pesar de la frecuente ocultación de la
que han sido víctimas. Desde entonces, ya no es posible contradecir
ese lugar significativo.
En 2015 se publican dos antologías importantes. La primera
propone un inventario de la poesía en lengua creol: Anthologie de
la poésie créole haïtienne de 1986 à nos jours.126 La lengua creol, ya
lo sabemos, no tiene como única función ser una herramienta de
comunicación. La lengua creol es traducible, es una verdadera lengua,
y no el retoño de una lengua madrastra. La poesía escrita –no solo
las canciones infantiles populares, o las canciones arqueológicas
como Lisette quitté la plaine–127 se ha apoderado de la lengua creol
desde hace unas décadas, y esta vez no para darse un color local ni
para interpretar una vez más la desesperación del amante rechazado
de Choucoune. La evidencia de la poesía también se manifiesta en
creol haitiano. Se trata ante todo de un traslado cuyo desafío es
intrínseco a un rasgo de esta poesía: participar de la matriz misma
de la sociedad, y no asimilarla únicamente a un objeto nombrado.
Así, André Fouad (1972) en «Se kijan» interroga las palabras para
percibir mejor la ligereza:

Papiyon
di m kijan ou wè fèy zanmann le ve jodi a
[...]

125
Bruno Doucey: Terre de femmes. 150 ans de poésie féminine en Haïti, Éditions
Bruno Doucey, Paris, 2010.
126
Mehdi Chalmers, Chantal Kénol, Jean-Laurent Lhérisson y Lyonel Trouillot:
Anthologie bilingue de la poésie créole haïtienne de 1986 à nos jours, Actes Sud /
Atelier Jeudi Soir, Arles, 2015.
127
«Lisette quitté la plaine» es considerado como uno de los primeros textos en
creol, supuestamente escrito en 1757 por Duvivier de la Mahautière (Consejero
del Consejo superior de Puerto Príncipe en Saint-Domingue de 1754 a 1767) y
retomado por Moreau de Saint-Méry en Description topographique, physique, civile,
politique et historique de la Partie française de l’Isle Saint-Domingue, Philadelphie,
1797. Este texto y otros antiguos en creol son estudiados por Hazaël-Massieux
en Textes anciens en créole français de la Caraïbe: Histoire et analyse, Collection
Lettres & Langues. Linguistique. Recherches, Publibook, Paris, 2008.
113
e se kijan ki fòm pou m bay mo yo
e se kijan jan
e se kijan ki mannyè
po lapli lespwa pa mouri102

Plusieurs poèmes interrogent ainsi la possibilité même d’un dire


poétique. Comme pour Georges Castera qui, dans «Kannari kraze»
(«Fissures»), remet en jeu la fonction même du poète:

Sa nou bay lavi?


on doulè bò gòch
on pawòl tout drèt
brase lan tè103

Nombreux sont les textes qui reviennent sur ces questions


centrales, et l’évocation du séisme les rend encore plus prégnantes
et intenses. Il s’agit de parvenir à se réapproprier la parole la plus
profonde et d’en faire peu à peu cette langue littéraire qui puisse enfin
être celle du partage, un bien commun – à l’image de ce travail réalisé
les siècles passés dans ce qui n’est pas encore l’Europe mais bien une
constellation de langues –, et de mettre en place les conditions d’une
pratique linguistique qui ne soit plus réservée à la classe des scribes.
Les poètes jouent un rôle de premier plan dans cet accomplissement
de la langue écrite. L’Anthologie de la poésie créole haïtienne de 1986 à
nos jours, ici, est un acte à la fois linguistique et politique en même
temps que poétique, qui met en évidence la plasticité d’une langue,
certes, comme toutes les langues, mais aussi sa capacité à nommer
l’intériorité, le sentiment, le rapport à la métaphysique, contraire-
ment aux idées longtemps reçues que suggère l’expression courante
de ‘langue vernaculaire’.

102
Papillon / dis-moi comment tu as vu les feuilles / d’amandier se réveiller ce
matin / [...] / et quelle allure quelle forme dois-je donner aux mots / et c’est
comment / et de quelle façon quelle manière / pour que la pluie qui apporte
l’espoir ne meure pas
103
Qu’avons nous donné à la vie / sinon une douleur de halage / une parole toute
droite / qui remue la terre?
114
e se kijan ki fòm pou m bay mo yo
e se kijan jan
e se kijan ki mannyè
po lapli lespwa pa mouri128

Asimismo, numerosos son los poemas que interrogan la posibili-


dad misma de un decir poético. Como para Georges Castera quien,
en «Kannari kraze», cuestiona la función misma del poeta:

Sa nou bay lavi?


on doulè bò gòch
on pawòl tout drèt
brase lan tè129

Numerosos son los textos que vuelven sobre estas preguntas


centrales, y la evocación del sismo las hace aún más urgentes e
intensas. Se trata de reapropiarse de la palabra más profunda y
convertirla poco a poco en esa lengua literaria que finalmente logre
ser la del intercambio, un bien común –como se puede ver en el
trabajo realizado en los siglos pasados en lo que aún no es Europa
sino una constelación de lenguas–, y de establecer las condiciones de
una práctica lingüística ya no reservada a la clase de los escribas. Los
poetas desempeñan un papel de primer plano en la realización de la
lengua escrita. La Anthologie de la poésie créole haïtienne de 1986 à nos
jours es un acto tanto lingüístico y político como poético, que pone
en evidencia la plasticidad de una lengua, como todas las lenguas
por cierto, pero también su capacidad de nombrar la interioridad, el
sentimiento, la relación a la metafísica, contrariamente al estereotipo
sugerido por la expresión ‘lengua vernácula’.
La segunda antología, Poésie haïtienne,130 bajo la dirección de
James Noël, ofrece un panorama exhaustivo de la situación actual.
Desde Depestre –el mayor– hasta Fabian Charles –el más joven
(nacido en 1993)– la obra recoge textos a menudo insólitos, publi-

128
Mariposa / dime cómo viste las hojas / de almendro amanecer esta mañana /
[...] / y qué aspecto qué forma debo darle a las palabras / y cómo es / y de
qué forma qué manera / para que la lluvia que trae esperanza no se muera
129
¿Qué le dimos a la vida / salvo un dolor a la izquierda / una palabra bien
derecha / que remueve la tierra?
130
James Noël: Anthologie de poésie haïtienne contemporaine, Points, Paris, 2015.
115
La seconde anthologie, Poésie haïtienne,104 sous la direction de
James Noël, dresse un panorama exhaustif des poètes vivants.
De Depestre, l’aîné, à Fabian Charles le plus jeune (né en 1993),
l’ouvrage recueille des textes souvent rares, car publiés dans des
revues éphémères, ou dans des plaquettes éditées à compte d’auteur,
et mal identifiées dans les bibliographies. Comme la précédente,
cette anthologie est immédiatement devenue une référence, et
participe à un effort de diffusion internationale que les faibles
ressources de l’édition haïtienne ne permettent pas. Alors que
bien peu de femmes ont réussi à publier – et par conséquent à
laisser une trace – dans l’histoire de la poésie haïtienne, l’antho-
logie montre, comme celle de Bruno Doucey, que la situation
a considérablement changé.105 On peut y trouver des poèmes
de Marie-Alice Théard, Marie-Célie Agnant, Évelyne Trouillot,
Michèle Voltaire Marcelin, Elsie Suréna, Kettly Mars, Maggy de
Coster, Jeanie Bogart, Farah-Martine Lhérisson, Émelie Prophète,
Stéphane Martelly, Kerline Devise et Kermonde Lovely Fifi. C’est
reconnaître ainsi que les territoires du poétique peuvent prendre
sens autrement, que Virginie Sampeur ou Ida Faubert pour les
plus anciennes, ont ouvert une voie qui ne se referme plus. Il n’est
pas question ici d’établir un classement. La seule présence des
poètesses dans les deux anthologies est déjà une reconnaissance de
leur existence poétique. Mais on peut retenir tel ou tel poème, qui
semble pouvoir nommer un effet de génération. Ainsi, de Stéphane
Martelly (1974), «Façades», qui dit la fragilité de la présence dans
le désordre des consciences, et du corps, qui tente au moins de
rejoindre l’apparaître de sa présence:

Accotée à cette tectonique


et tous ces os sans
position
tout ce tumulte

104
Noël, James: Anthologie de poésie haïtienne contemporaine, Points, Paris,
2015.
105
À signaler: la création à Port-au-Prince, en 1934, du journal La voix des femmes,
organe de la Ligue Féminine d’Action Sociale et qui offrait un espace d’ex-
pression aux femmes de l’époque, y compris les poétesses. Duvalier mit fin à
leurs activités et fit brûler toutes leurs archives en 1957.
116
cados en revistas efímeras, o folletos editados a cuenta de autor, y
que están mal identificados en las bibliografías. Como la anterior,
esta antología se convirtió enseguida en referencia, y formó parte
de un esfuerzo de difusión internacional que los pocos recursos de
la edición haitiana no permitieron. Mientras muy pocas mujeres
lograron publicar –y por ende marcar– la historia de la poesía haitia-
na hasta entonces, la antología demuestra, junto con la de Bruno
Doucey, que la situación cambió considerablemente.131 En ella
encontramos poemas de Marie-Alice Théard, Marie-Célie Agnant,
Évelyne Trouillot, Michèle Voltaire Marcelin, Elsie Suréna, Kettly
Mars, Maggy de Coster, Jeanie Bogart, Farah-Martine Lhérisson,
Émelie Prophète, Stéphane Martelly, Kerline Devise y Kermonde
Lovely Fifi. Admitiendo así que los territorios de la poesía también
pueden cobrar sentido de otra forma, que Virginie Sampeur o Ida
Faubert, las mayores, abrieron un camino que no se volverá a cerrar.
No se trata aquí de elaborar una clasificación. La presencia de las
poetisas en ambas antologías es de por sí el reconocimiento de su exis-
tencia poética. Pero se puede subrayar uno u otro poema, que parece
señalar un efecto de generación. Como en «Façades» de Stéphane
Martelly (1974), habla de la fragilidad de la presencia en el desor-
den de las conciencias, y del cuerpo que al menos intenta alcanzar
la apariencia de su presencia:

Accotée à cette tectonique


et tous ces os sans
position
tout ce tumulte
comme si ce n’était rien
comme si le bruit
n’en était pas
Alors que
On accède
Enfin

131
Señalemos la creación en Puerto Príncipe, en 1934, del periódico La voix des
femmes, órgano de la Ligue Féminine d’Action Sociale, que ofrecía un espacio
de expresión para las mujeres de la época, incluyendo a las poetisas. Duvalier
puso fin a sus actividades y mandó a quemar todos sus archivos en 1957.
117
comme si ce n’était rien
comme si le bruit
n’en était pas
Alors que
On accède
Enfin
au statut de façade
Ancrage sans pesanteur
Appuyé
sur le vent

Les mots s’économisent, certes, mais pour mieux nommer et sans


emphase. Ces voix féminines disent aussi le désir, sans doute de façon
non entendue jusque là. Ainsi, Michèle Voltaire Marcelin (1955),
dont les vers pétillent dans «Caresse de demoiselle»:

Je viens à vous

Déshabillée en chair de femme


Ma peau en feu
Comme un soir couleur de pêche
[...]
Je viens à vous
Et je vous offre
Prenez tout
Mon rire cascade de réséda
les arcs-en-ciel de mes bras
les aiguilles lumières de mes doigts

Dans tous les poèmes de l’anthologie, en même temps que l’appel


à la jouvence, les mots disent aussi le drame, la détresse sociale, et
puis les gravats, le désastre de janvier 2010, qui désormais inscrit
dans les consciences que plus rien ne sera transparent. La poésie
haïtienne est vivante, ce qui veut signifier qu’elle maintient en vie
ces consciences. Syto Cavé, mais aussi Josaphat-Robert Large,
Joël des Rosiers, Claude C. Pierre, Gary Klang et Frankétienne
ont tracé les contours d’un dire poétique nouveau, dans lequel les

118
au statut de façade
Ancrage sans pesanteur
Appuyé
sur le vent132

Se economizan las palabras, desde luego, para nombrar mejor y sin


énfasis. Estas voces femeninas también cuentan el deseo, sin duda de
una forma desconocida hasta entonces. Tal es el caso de Michèle Voltaire
Marcelin (1955), cuyos versos burbujean en «Caresse de demoiselle»:

Je viens à vous

Déshabillée en chair de femme


Ma peau en feu
Comme un soir couleur de pêche
[...]
Je viens à vous
Et je vous offre
Prenez tout
Mon rire cascade de réséda
les arcs-en-ciel de mes bras
les aiguilles lumières de mes doigts133

En todos los poemas de la antología, a la par del llamado a la juven-


tud, las palabras cuentan el drama, el desamparo social, y los escombros,
el desastre de enero de 2010, que inscribe insoslayablemente en las
conciencias que ya nada será transparente. La poesía haitiana está viva,
lo que quiere significar que ella mantiene en vida esas conciencias. Syto
Cavé, pero también Josaphat-Robert Large, Joël des Rosiers, Claude
C. Pierre, Gary Klang y Frankétienne diseñaron los contornos de un
nuevo decir poético; en él las voces más jóvenes de Fred Edson Lafor-
tuna, Bonel Auguste, James Pubien o Yves Romel Toussaint siguieron
explorando. Poco a poco, la lectura de esta segunda antología también
132
Adosada a esta tectónica / y todos estos huesos sin / posición / todo este tumulto /
como si no fuese nada / como si el ruido / no fuese ruido / Mientras / Alcanzamos /
Por fin / el estatuto de fachada / Anclaje sin gravedad / Arrimado / al viento
133
A usted me entrego // Desvestida en carne de mujer / Mi piel en llamas /
Como un atardecer color durazno / [...] / A usted me entrego / Y le ofrezco /
Aduéñese de todo / Mi risa cascada de reseda / los arco iris de mis brazos /
las agujas luz de mis dedos
119
voix plus jeunes de Fred Edson Lafortune, Bonel Auguste, James
Pubien ou Yves Romel Toussaint ont poursuivi l’exploration.
Peu à peu, ce que donne à entendre la lecture de cette seconde
anthologie prend aussi l’apparence d’un thrène que la «Ballade»
de Kermonde Lovely Fifi (1989) exprime avec une acuité singu-
lière dans la solitude:

L’enfant sur la route ne sait plus


Si le ciel est noir
Il avance tranquille
Il se laisse guider par son ombre

Il est sur cette route qui n’amène peut-être


Nulle part
Il avance sans foi
sans aucune autre conviction
Sa mère l’a abandonné pour mort
Avec ses quatre autres enfants
[...]
Comment expliquer les mots
qui se heurtent tour à tour à nos désespoirs
Comment expliquer la mort?

C’est sans doute la question que posaient, dans des formes diffé-
rentes certes, les fondateurs de cette poésie haïtienne plus de deux
siècles auparavant. Et à cette question cruciale, qui n’appelle pas
de réponse directe, les poètes d’Haïti ont répondu par un appel
soutenu à l’insoumission – contre l’autorité sociale, politique, et
linguistique, tout à la fois –, en mettant l’accent sur la nécessaire
liberté, en élaborant, de façon délibérée, une identité qui assure à
cette poésie une reconnaissance, dans tous les sens du terme. C’est
bien cet appel à la liberté, celle par exemple qui consiste à se laisser
«guider par son ombre» malgré la ruine autour de soi, que la lecture
des textes de cette anthologie permet de relever.

120
se entiende como un canto fúnebre que la «Ballade» de Kermonde
Lovely Fifi (1989) expresa con agudeza singular en la soledad:

L’enfant sur la route ne sait plus


Si le ciel est noir
Il avance tranquille
Il se laisse guider par son ombre

Il est sur cette route qui n’amène peut-être


Nulle part
Il avance sans foi
sans aucune autre conviction
Sa mère l’a abandonné pour mort
Avec ses quatre autres enfants
[...]
Comment expliquer les mots
qui se heurtent tour à tour à nos désespoirs
Comment expliquer la mort?134

Es sin duda la pregunta que formulaban, de maneras distintas,


claro está, los fundadores de la poesía haitiana hace más de dos siglos.
Y a esa pregunta crucial, que no conlleva respuesta directa alguna,
los poetas de Haití han contestado por un llamado constante a la
insumisión –contra la autoridad social, política, y lingüística, todo
a la vez–, haciendo hincapié en la necesaria libertad, elaborando, de
manera deliberada, una identidad que le garantiza a esta poesía un
reconocimiento, en todos los sentidos de la palabra. Es precisamente
este llamado a la libertad, el que consiste por ejemplo en dejarse
«llevar por su sombra» a pesar de la ruina imperante, al que apunta
la lectura de los textos de la presente antología.

Traducción de Stefania Di Iulio y Yasmina Tippenhauer.

134
El niño en el camino ya no sabe / Si el cielo está negro / Avanza tranquilo / Se
deja guiar por su sombra // Está en esta senda que quizás no lleva / A ninguna
parte / Avanza sin fe / sin más convicción / Su madre lo abandonó por muerto /
Con sus otros cuatro niños / [...] / ¿Cómo explicar las palabras / que tropiezan
una tras otra con nuestras desesperaciones? / ¿Cómo explicar la muerte?
121
ANTHOLOGIE DE POÉSIE HAÏTIENNE

ANTOLOGÍA DE POESÍA HAITIANA


AVANT...

UN ANTES...
CHANTS

Lapriyè Boukman1

Bondje ki fè solèy ki klere nou anwo,


Ki souleve lanmè, ki fè gwonde loray,
Bondje la zòt tande kache nan yon nuyaj,
E la a, li gade nou, li wè tou sa blan an fè.

Bondje blan an mande krim e pa nou vle byenfè.


Men Dje pa nou an ki si on òdonnen nou vanjans.
Li va kondui bra nou, li va bann asistans.

Jete pòtre Dje blan an ki swaf dlo nan je nou.


Koute la libète ki pale nan kè nou tout.2

1
Selon Max Beauvoir: «Cette prière a été prononcée par le Houngan Boukman
lors d’une cérémonie vodou qui s’est déroulée au Bwa Kayiman le 14 et le 21
août 1791, et qui est généralement considérée comme le point de départ de la
révolution anti-esclavagiste et anti-colonialiste». In Beauvoir, Max Gesner: Le
Grand Recueil Sacré ou Répertoire des Chansons du Vodou Haïtien, Edisyon Près
Nasyonal d’Ayiti, Koleksyon Memwa Vivan, Port-au-Prince, 2008, p. 54.
2
In Beauvoir, Max Gesner: op. cit. Ce recueil est le seul qui rassemble de manière
systématique les chants sacrés des rituels du vodou haïtien. C’est le fruit de
nombreuses années de recherche et de pratique par le biochimiste et houngan
(prêtre vodou; peut aussi s’écrire hougan) Max G. Beauvoir (1936 - 2015). Un
de ses objectifs était de redonner au vodou une place centrale dans le domaine
académique et religieux.
126
CANTOS

Oración de Boukman1

Este Dios que creó el sol, que nos alumbra desde los cielos,
Que agita el mar, que alimenta la tormenta,
Este Dios sépanlo está escondido en una nube,
Nos contempla y ve los abusos de los blancos.

El Dios de los blancos exige crímenes, el nuestro bendiciones.


Pero nuestro Dios nos exige venganza.
Él guiará nuestros brazos, nos prestará asistencia.

Arrojen el retrato del Dios blanco que tiene sed de nuestras


/ lágrimas.
Escuchen la libertad que late en todos nuestros corazones.

Traducción de Edgard Gousse.

1
Según Max Beauvoir, esta oración fue pronunciada por el houngan Boukman
en la ceremonia que tuvo lugar en el Bwa Kayiman (o Bois Caïman) el 14 y
21 de agosto de 1791, generalmente considerada como punto de partida de la
revolución antiesclavista y anticolonialista. Cf. Max Gesner Beauvoir: Le Grand
Recueil Sacré ou Répertoire des Chansons du Vodou Haïtien, Edisyon Près Nasyonal
d’Ayiti, Koleksyon Memwa Vivan, Port-au-Prince, 2008, p. 54.
El libro de Beauvoir es el único que recoje de manera sistemática las canciones
sagradas de los rituales del vodú haitiano. Es el fruto de años de investigación
y de práctica por parte del bioquímico y houngan (o hougan, sacerdote vodú)
Max G. Beauvoir (1936-2015). Uno de sus objetivos fue volver a otorgarle al
vodú un lugar central en el ámbito académico y religioso.
127
Legba3

Legba Anye o, Legba Anye o,


Legba Anye o, nou pral pare Sole!
Peyi an mwen Legba, nou pral pare Sole, peyi an mwen.
Nou pral pare Sole.

Legba Anye, Legba e, Legba fè yo wè sa e!


Legba Anye, Legba e, Legba rete nan gran chemen an pou
kòmande
Legba nou wè sa, Legba ou kanzo.
Legba ou kanzo, Legba Atibon ou kanzo!
Legba ou kanzo, Dekan, ou kanzo!
Legba djavannan Gwètò ou kanzo!
Legba rete nan gran chemen an pou ou kòmande!
Legba Anye, o Legba sa e, Alegba nou wè sa!
Legba Anye, Legba e,
Legba rete nan gran chemen an pou l kòmande!
Legba nou wè sa, Legba ou kanzo!

Legba Anye, louvri baryè pou mewn!


Legba e, louvri chemen pou mwen!
Legba Anye, louvri baryè pou mwen!
Legba e, louvri chemen pou mwen!4

3
Legba (ou Atibon Legba) – Elegguá ou Elegba pour les hispanophones, Eshu
pour les anglosaxons et au Brésil – est une divinité originaire du Dahomey,
actuel Bénin. Legba est l’esprit qui ouvre les chemins; c’est l’intermédiaire
entre le monde matériel et le monde spirituel, entre les êtres humains et les loas
(divinités ou esprits); c’est le gardien des entrées, des barrières et des carrefours.
Dans le syncrétisme religieux, il est associé à Saint Pierre.
4
In Beauvoir, Max Gesner: Le Grand Recueil Sacré ou Répertoire des Chansons
du Vodou Haïtien, Edisyon Près Nasyonal d’Ayiti, Koleksyon Memwa Vivan,
Port-au-Prince, 2008.
128
Legba2

Legba oh Legba, Legba oh Legba


Legba oh Legba, ¡vamos a preparar el ataque!
En mi país Legba, vamos a preparar el ataque, en mi país.
Vamos a preparar el ataque.

Legba oh Legba, Legba oh, ¡muéstrales de qué somos capaces!


Legba oh Legba, Legba oh, quédate en el gran camino, tú
nuestro capitán
Legba, es lo que queremos, Legba eres kanzo.
Legba kanzo, Legba Atibon ¡eres kanzo!
Legba kanzo, Dekan, ¡eres kanzo!
Legba djavannan Gwètò, ¡eres kanzo!
Legba, quédate en el gran camino, ¡tú nuestro capitán!
Legba oh Legba, oh nuestro Legba, Alegba ¡es lo que queremos!
Legba oh Legba, oh Legba,
Legba, quédate en el gran camino, ¡tú nuestro capitán!
Legba, es lo que queremos, Legba ¡eres kanzo!

Legba oh Legba, ¡ábreme la barrera!


Legba oh, ¡muéstrame el camino!
Legba oh Legba, ¡ábreme la barrera!
Legba oh, ¡muéstrame el camino!

Traducción de Edgard Gousse.

2
Legba (o Atibon Legba) –Elegguá o Elebga para los hispanoblantes, Eshu para
los anglosajones y en Brasil– es una divinidad proveniente de Dahomey, actual
Benín. Legba es el espíritu que abre los caminos: es el intermediario entre el
mundo material y el espiritual, entre los seres humanos y los loas (deidades o
espíritus); es el guardián de las entradas, de las barreras y de los cruces. En el
sincretismo religioso es asociado a San Pedro.
129
Batay la angaje5

Batay la angaje,
An mil senk san twa, yo pran nou nan Ginen,
Yo mete chenn nan ren nou, pou nou ka fè esklav pou yo.
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
An mil senk san twa, yo pran nou nan Ginen,
Yo mete chenn nan ren nou, pou nou ka fè esklav pou yo.
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Yo di fò n gen lafwa, yo di fò n batize,
Yo di fò n konvèti, yo di se demon nou ye!
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Nou fè Bwa Kayiman nou, nou fè revolisyon nou,
Nou kreye drapo nou, pou nou ka genyen libète vre.
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Sou Prezidan Jefra, yo monte yon konkòda,
Yo di y ap fè lekòl, pou yo ka sivilize nou vre la.
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
An mil nèf san kenz, blan vi n pran peyi a.
Vodou a pa kontan, li voye Chalmay,
Li voye Batravil, yo touye toulede.
Yo di se Makanda yo ye la a a!
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Sou Prezidan Vensan, reyaksyonè legliz yo,

5
Nous incluons ce chant, qui raconte l’histoire haïtienne à partir de l’imaginaire
vodou. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un poème en soi, nous considérons intéressant
d’inclure des créations du monde oral, étant donné qu’il existe une continuité
entre l’univers culturel, les chansons populaires et la poésie dite savante. À
plus forte raison s’agissant du thème de la liberté. Max G. Beauvoir était au
courant de cette anthologie poétique et était reconnaissant d’y retrouver des
chants sacrés du vodou, puisque son objectif était, précisément, d’établir des
liens entre l’univers populaire haïtien et le monde académique.
130
La batalla está librada3

La batalla está librada


En 1503, nos sacaron de nuestra Guinea natal
Nos encadenaron para hacer de nosotros sus esclavos.
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
En 1503, nos sacaron de nuestra Guinea natal
Nos encadenaron para hacer de nosotros sus esclavos.
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
Dicen que debemos tener fe, que debemos ser bautizados,
¡Dicen que debemos convertirnos, dicen que somos demonios!
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
Hicimos nuestro Bwa Kayiman, hicimos nuestra revolución,
Creamos nuestra bandera, para obtener nuestra verdadera
/ libertad.
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
Durante la presidencia de Geffrard, firmaron su Concordato,
Prometieron instruirnos, para civilizarnos al final.
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
En 1915, los Blancos se apoderan del país.
Descontentos, los dioses del vodú envían a Charlemagne,
Delegan a Batraville, los Blancos asesinan a los dos.
¡Los Blancos dicen que no eran más que hijos de Makanda!
Oh, hijos mío, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
Durante la presidencia de Vincent, los reaccionarios de la Iglesia,

3
Incluimos este canto, que narra la historia haitiana desde el imaginario vodú.
A pesar de no ser un poema en sí, nos parece interesante incluir creaciones
del mundo oral, ya que existe una continuidad entre el universo cultural, las
canciones populares y la poesía «culta». Y más aún tratándose del tema de la
libertad. Max G. Beauvoir estaba al tanto de esta antología poética y agradeció
la inclusión de cantos sagrados del vodú, ya que su meta era la de establecer
lazos entre el universo popular haitiano y el mundo académico.
131
Yo pouse Lachanm, pou yo pran yon lwa,
Pou di Vodou a se maji vre l ap fè la a.
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Sou Prezidan Lesko, yo kanpe lame yo,
Yo pran rejete yo, yo koupe pye bwa yo,
Y arete Bòkò yo, yo di se démon nou ye vre la!
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Kwak mouche Divalye te di se pèp li ye,
Li di se Vodou l ye, li fon w twa rekòlt
Li masakre kochon nou, li vann peyi a ven milyon an.
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Apre sèt fevriye, relijyon yo dechennen, yo masakre bòkò,
Yo touye Manbo, yo kraze Hounfò,
Yo vyole tifi, yo di se travay Bondje vre y ap fè la a!
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Gen yon jou ka rive, Na sonnen Ason nou, na pale ak Zansèt yo.
N a val jete dlo, peyi a pa pou AMÈN se peyi ABOBO li ye!
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Peyi a pa pou AMÈN se peyi ABOBO li ye!
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
Peyi a pa pou AMÈN se peyi ABOBO li ye!
Zanfan yo nou tande, an nou met tèt ansanm,
Pou nou sove peyi a, batay la angaje!
ABOBO…, ABOBO…, ABOBO…!
Peyi a pa pou AMÈN,
Se peyi ki moun li ye? ABOBO…!6

6
In Beauvoir, Max Gesner: Le Grand Recueil Sacré ou Répertoire des Chansons
du Vodou Haïtien, Edisyon Près Nasyonal d’Ayiti, Koleksyon Memwa Vivan,
Port-au-Prince, 2008.
132
Forzaron el Parlamento a votar una ley,
Para decir que el Vodú es brujería pura.
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
Durante la presidencia de Lescot, movilizaron al ejército,
Confiscaron objetos religiosos, cortaron los árboles sagrados,
Detuvieron a los sacerdotes Bokò, ¡nos acusaron de ser verdaderos
/ demonios!
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
Aunque Duvalier decía ser parte del pueblo,
Y decía ser practicante del Vodú, nos dio tres golpes en la espalda.
Masacró nuestros puercos y vendió su país por veinte millones.
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
Después del siete de febrero, las religiones se rebelaron, entonces
/ masacraron a los bokò,
Mataron a las sacerdotisas, destruyeron sus templos,
Violaron a niñas, ¡y decían cumplir la obra de Dios!
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
Llegará un día en que tocaremos la sonaja, hablaremos con los
/ antepasados.
Serviremos los loas, y no diremos más AMÉN, sino ¡ABOBO!
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
No diremos más AMÉN, sino ¡ABOBO!
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
No diremos más AMÉN, sino ¡ABOBO!
Oh, hijos míos, tomen conciencia de ello, debemos unirnos,
Para salvar el país, ¡la batalla está librada!
¡ABOBO… ABOBO… ABOBO!
No diremos más AMÉN,
¿Pero de quién es este país? ¡ABOBO…!

Traducción de Edgard Gousse.

133
COMMENCEMENTS

LOS INICIOS
Antoine DUPRÉ (1782-1816)

Hymne à la liberté

Le digne auteur de la nature


Créa l’homme pour le bonheur.
L’homme bientôt cruel, parjure,
Brisa l’œuvre de son auteur.
Mais Haïti, libre et guerrière,
A reconquis sa liberté
Et montre aux tyrans de la terre,
L’homme libre, l’homme indompté.
Honneur et gloire à la patrie.
Des rois bravons l’iniquité,
Et s’il nous faut perdre la vie,
Ah! Mourons pour la liberté!7

7
In Vaval, Duraciné: Histoire de la littérature haïtienne ou L’âme noire, Imprimerie
Héraux, Port-au-Prince, 1933. Vaval signale que la première version de ce poème
a été publiée dans le recueil Hymne à la liberté, [Imprimerie du Gouvernement],
Port-au-Prince, 1812.
136
Antoine DUPRÉ (1782-1816)

Himno a la libertad

El Señor, digno autor de la natura


Creó al humano para ser dichoso.
Pero el hombre, traidora criatura,
Quebró la obra del Todopoderoso.
Mas la isla de Haití, libre y guerrera,
Reconquistó su añorada libertad
Y ahora ven, los tiranos de la tierra,
Al ser libre, indomable de verdad.
Honor y gloria a la patria querida.
Valientes reyes de la iniquidad
Y si hemos de perder, Haití, la vida
¡Ah, muramos entonces por la libertad!4

Traducción de Yasmina Tippenhauer.


Adaptación versificada de Alexis Díaz-Pimienta.

4
Vaval señala que la primera versión de este poema se publicó en el libro Hymne
à la liberté, [Imprimerie du Gouvernement], Port-au-Prince, 1812. Cf. Duraciné
Vaval: Histoire de la littérature haïtienne ou L’âme noire, Imprimerie Héraux,
Port-au-Prince, 1933.
137
PERCEPTION INTIME
ET POÉSIES NATIONALES

PERCEPCIÓN ÍNTIMA
Y POESÍAS NACIONALES
Coriolan ARDOUIN (1812-1835)

Le départ du négrier

Le vent soufflait; quelques nuages


Empourprés des feux du soleil,
Miraient leurs brillantes images
Dans les replis du flot vermeil.
On les embarque pêle-mêle;
Le négrier, immense oiseau,
Leur ouvre une serre cruelle,
Et les ravit à leur berceau!

L’une, le front sur le cordage,


Répand des larmes tristement;
L’autre de l’alcyon qui nage
Écoute le gémissement;
L’une sourit dans un doux rêve,
Se réveille et soupire encor,
Toutes en regardant la grève
Demandent son aile au Condor.

– Minora, quel exil pour ton cœur et ton âge!


Son œil réfléchissait le mobile rivage,
Elle était sur la proue: on dirait à la voir,
Toute belle, et des pleurs coulant sur son visage,
Cet ange qui nous vient dans nos rêves du soir.

C’en est fait! le navire


Sillonne au loin les mers;
Sa quille entend l’eau bruire
Et ses matelots fiers
Aiment sa voile blanche
Qui dans les airs s’étend

140
Coriolan ARDOUIN (1812-1835)

La partida del negrero

Soplaba el viento, unas nubes


Por el sol empurpuradas,
Copiaban su clara imagen
En las ondas encarnadas.
Los embarcan en desorden
Les abre una cruel estufa
El negrero, inmensa ave,
¡Los arranca de su cuna!

Una, en las jarcias la frente,


Vierte tristemente lágrimas,
Otra escucha los gemidos
Del martinete que nada,
Una sonríe entre sueños,
Despierta y aún suspira,
No hay una al mirar las playas
Que al cóndor su ala no pida.

–¡Minora, qué destierro para tu alma y tus años!


Sus ojos reflejaban las móviles orillas,
Se encontraba en la proa: parecería, al verla
Tan bella y con el rostro surcado por las lágrimas,
Ese ángel que vemos en los sueños nocturnos.

¡Nada que hacer! El barco


Hiende el mar a lo lejos,
Silba el agua en su quilla,
Sus bravos marineros
Aman su vela blanca
Que en los aires se estira
Y el gran mástil que el soplo

141
Et son grand mât qui penche
Sous le souffle du vent.
Car à la nef qu’importe
La rive qui l’attend;
Insensible, elle porte
Et l’esclave et le blanc!8

8
Ardouin, Coriolan: Poésie complète, Collection l’Intemporel, Presses Nationales
d’Haïti, Port-au-Prince, 2005. Nous ignorons la date de la première parution
de ce poème. Nous savons que les poèmes de Coriolan Ardouin furent publiés
après sa mort, dans des revues telles que L’Union d’Ignace Nau et la Revue des
Colonies (Paris), et réunis par l’historien Émile Nau en 1837 sous le titre de
Reliques d’un poète haïtien, R. Éthéart, Port-au-Prince, 1837. Les deux revues
sont disponibles en ligne sur Gallica, le portail de la Bibliothèque Nationale de
France.
142
De los vientos inclina.
Pues al bajel qué importa
A qué playa irá al cabo;
¡Insensible transporta
Al blanco y al esclavo!5

Traducción de Tomás Segovia.

5
Tomado de Mónica Mansour: Identidades. Poesía negra de América. Antología,
Editorial Arte y Literatura, La Habana, 2011. Desconocemos la fecha de la
primera publicación de este poema. Sabemos que los poemas de Ardouin fueron
publicados póstumamente en revistas como L’Union de Ignace Nau y la Revue
des Colonies (París), y recogidos por el historiador Émile Nau en 1837 bajo
el título Reliques d’un poète haïtien, R. Éthéart, Port-au-Prince, 1837. Ambas
revistas están disponibles en línea en Gallica, el portal de la Biblioteca Nacional
de Francia.
143
Liautaud ÉTHÉART (1826-1888)

Zombis

Quand vous irez dormir sous les assorossis,


Au cri lourd du coucou sous les verts bayahondes,
Vous vous demanderez: était-ce donc ainsi
Que nous devions mourir, nous, jaunes et griffonnes!
O Zombis!

À la brume du soir, lorsque dans les pingouins,


On entend murmurer l’essaim des maringouins,
Vous vous rappellerez la joyeuse bastringue
Où le farandoleur fendait dans votre dingue.
O Zombis!

À l’heure de midi, quand le vert mabouya


Sautille en frémissant sous le maribouya,
Vous entendrez des vers au milieu de la boue,
Traverser le bois sape pour mordre à votre joue,
O Zombis!

À l’heure où le Hougan caché dans son Houmfort


Dit: Azibloguidi, appelle l’Assotor,
Et rempli de l’esprit du Houanga fantastique
Au mangé-Marassa fait inviter sa clique.
O Zombis!

À l’heure de minuit, lorsque le médcignin


Qu’au pays du soleil on nomme barachin,
S’incline tristement sur la tombe blanchie
Où chacun vient prier en posant sa bougie,
O Zombis!

144
Liautaud ÉTHÉART (1826-1888)

Zombis

Cuando bajo las matas de los asorosis ustedes vayan a dormir,


Al grito intenso del cuclillo bajo las bayahondas verdes,
Ustedes se preguntarán: ¿así era entonces,
Como nosotros, mulatos y morenas, habíamos de morir?
¡O Zombis!

En la bruma de la tarde, cuando en la guapilla,


Se oye murmurar de los mosquitos el enjambre,
Ustedes recordarán la taberna alegre
Donde el farandulero sin parar los perseguía.
¡O Zombis!

Al mediodía, cuando el verde lagarto mabuyá


Da saltitos estremeciéndose bajo el maracuyá,
Ustedes oirán las lombrices en el fango,
Atravesar la podrida madera para morder su rostro,
¡O Zombis!

Cuando el hechicero en su templo vodú escondido


Dice: Azibloguidi, toca el tambor Assotor,
Y lleno del espíritu del Wangá fantástico
Para la comida de Santo invita a su séquito.
¡O Zombis!

A la hora de la medianoche, cuando la yuca morada


Que, en el país del sol, llaman tuba-tuba,
Tristemente se inclina ante la blanqueada tumba
Donde todos vienen a orar, prendiendo su vela,
¡O Zombis!

145
Vous vous ressouviendrez du brillant bamboula
Où la peau du cabrit si souvent vous héla
Et du danseur Bozor aujourd’hui tout en larmes
Dont le cœur fit zip-zip à l’aspect de vos charmes!
O Zombis!9

9
In St.-Louis, Carlos & Lubin, Maurice A.: Panorama de la poésie haïtienne,
Collection Haitiana, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1950.
[Ethéart, Liautaud: «Zombis», Le Constitutionnel, 19 août 1876 (selon
Hoffman, Léon-François: Histoire littéraire de la francophonie. Littérature d’Haïti,
Collection Universités francophones, EDICEF / AUPELP, 1995)].
146
¡Ustedes volverán a recordar el tam-tam poderoso
Cuando la piel de cabra los aclamó tan a menudo
Y el bailarín Bozor hoy bañado en llanto
Cuyo corazón latió pum-pum al ver su encanto!
¡O Zombis!

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

147
Charles Alexis Oswald DURAND (1840-1906)

Aux Cubains

À Eliseo Grullón

À vous qui combattez depuis nombre d’années


Pour conquérir la liberté,
Embrassant corps à corps les hordes déchaînées
Sur votre sol ensanglanté;
À vous, peuple proscrit, dont les vertus stoïques
Ont résumé tous les devoirs,
Et qui nous rappelez les combats héroïques
De Toussaint, le géant des noirs;
À vous, frères Cubains qui, contre un joug infâme,
Parfois vaincus, souvent vainqueurs,
Luttez sans nul soutien que votre force d’âme,
Cet auxiliaire des grands cœurs;
À vous, le barde noir vient répéter: «Courage,
Peuple! si votre ciel si pur
S’assombrit quelque temps – Dieu chassera l’orage;
Son souffle vous rendra l’azur!
Avez-vous vu la mer, pendant une tempête,
Brisant les fragiles esquifs
Contre les lourds vaisseaux, qu’elle étreint et rejette
Aux dents tranchantes des récifs,
Cependant que la trombe, entrant dans la démence
Du vaste océan triomphant,
Du cri des naufragés fait une plainte immense
Qui s’éteint comme un cri d’enfant?
Et puis, l’avez-vous vu, la tempête finie,
L’océan aux flots azurés,
Avec ces frêles nefs ridant l’onde aplanie,
Blanches sous les cieux empourprés?...
C’est là le lendemain! Peuple cubain, courage!
Frères! si votre ciel si pur
148
Charles Alexis Oswald DURAND (1840-1906)

A los cubanos

A Eliseo Grullón

A ustedes que combaten desde hace tantos años


Para conquistar la libertad,
Abrazando cuerpo a cuerpo las hordas desenfrenadas
Sobre su suelo ensangrentado;
A ustedes, pueblo proscrito, cuyas virtudes estoicas
Resumieron todos los deberes,
Y nos recuerdan los combates heroicos
De Toussaint, el gigante de los negros;
A ustedes, hermanos Cubanos que, contra un yugo infame,
A veces vencidos, a menudo vencedores,
Luchan sin más soporte que su fuerza de espíritu,
Aquel auxiliar de los grandes corazones;
A ustedes, el bardo negro viene para repetir: «¡Ánimo,
Pueblo! si su cielo tan puro
Se ensombrece algún tiempo – Dios expulsará la tormenta;
¡Su soplo les devolverá el azul!
¿Vieron ustedes el mar, durante una tempestad,
Quebrantando los frágiles esquifes
Contra los navíos pesados, que estrecha y rechaza
A los dientes tajantes de los arrecifes,
Mientras que la tromba, entrando en la demencia
Del vasto océano triunfante,
Del grito de los náufragos presenta una queja inmensa
Que se apaga como el llanto de un niño?
Y ¿vieron ustedes, terminada la tempestad,
El océano de flujos azulados,
Con estas embarcaciones frágiles que arrugan la onda allanada,
Blancas bajo los cielos enrojecidos?...
¡Ése es el porvenir! Pueblo cubano, ¡Ánimo!
¡Hermanos! si su cielo tan puro,
149
S’assombrit quelque temps, Dieu chassera l’orage,
Son souffle vous rendra l’azur!
Avez-vous vu parfois une forêt inculte
Où jamais nul pied n’a posé;
Où les ronces ont l’air de lancer une insulte
Au champ de sueurs arrosé;
Où croît en sa laideur l’arbre à l’ombre fatale,
Le suc mortel gonflant ses nœuds;
Où le marais fétide, en son luxe s’étale,
Rempli d’arbustes vénéneux;
Puis vient le laboureur. En avant, la cognée!
La moisson jaunira l’été.
Derrière la charrue, au travail résignée,
Marche à grands pas la liberté.
Frères, votre heure arrive. En avant donc! Courage!
Cubains, si votre ciel si pur
S’assombrit quelque temps, Dieu chassera l’orage;
Son souffle vous rendra l’azur!
Sous le joug des colons, maîtres impitoyables,
Nos ancêtres courbaient le front;
On inventait pour eux des peines effroyables,
Doublant la douleur de l’affront.
On les jetait aux chiens; pour comble d’infamie,
On prostituait leurs enfants;
Et la prostration, de sa main ennemie,
Les ployait sous les triomphants.
Puis, tout à coup, un cri retentit des collines,
– Ce cri qui renverse les rois! –
Et Toussaint Louverture et le grand Dessalines
Rendant à l’homme noir ses droits!
C’est bientôt votre tour, ô mes frères! Courage!
Cubains, si votre ciel si pur
S’assombrit quelque temps, Dieu chassera l’orage;
Son souffle vous rendra l’azur!».10
10
In St.-Louis, Carlos & Lubin, Maurice A.: Panorama de la littérature haïtienne,
Collection Haitiana, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1950.
[Durand, Charles Alexis Oswald: Rires et pleurs 1869-1896 (Tome 1 et 2),
Éditions Corbeil-Crété, Paris, 1896].
150
Se ensombrece algún tiempo, Dios expulsará la tormenta,
¡Su soplo les devolverá el azul!
Vieron Ustedes alguna vez un bosque inculto
Virgen aún;
Donde las zarzas parecen proferir insultos
Al campo de sudores rociado;
Donde crece en su fealdad el árbol de sombra fatal,
La savia mortal que hincha sus nudos;
Donde el pantano fétido, en su lujo se extiende,
Lleno de arbustos venenosos;
Luego viene el arador. ¡Adelante, la guadaña!
La cosecha se tornará amarilla en verano.
Detrás del arado, al trabajo resignado,
Anda a grandes pasos la libertad.
Hermanos, llega su hora. ¡Adelante, vamos! ¡Ánimo!
Cubanos, si su cielo tan puro
Se ensombrece algún tiempo, Dios expulsará la tormenta;
¡Su soplo les devolverá el azul!
Bajo el yugo de los colonos, dueños despiadados,
Nuestros antepasados se doblegaban;
Se inventaban para ellos penas espantosas,
Duplicando el dolor de la afrenta.
Los echaban a los perros; para colmo de infamia,
Se prostituía a sus niños;
Y el abatimiento, de su mano enemiga,
Los arrodillaba a los pies de los vencedores.
Y de pronto, resuena un grito desde las colinas,
–¡Ese grito que derriba a los reyes!–
¡Y Toussaint Louverture y el gran Dessalines
Devolviéndole al hombre negro sus derechos!
Pronto será su turno, ¡oh mis hermanos! ¡Ánimo!
Cubanos, si su cielo tan puro
Se ensombrece algún tiempo, Dios expulsará la tormenta;
¡Su soplo les devolverá el azul!».

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

151
Choucoune11

Dèriè gnou gros touff pingouin,


L’aut’jou moin contré Choucoune;
Li sourit l’heu’li ouè moin,
Moin dit: «Ciel! à la bell’moune!»
Li dit: «Ou trouvé ça, cher?»
P’tits zoézaux ta pé couté nous lan l’air…

Quand moin songé ça, moin gangnin la peine,


Car dimpi jou-là dé pieds moin lan chaine!
Choucoun’, cé gnou marabout:
Zyeux-li clairé com’ chandelle;
Li gangnin tété doubout…

– Ah! si Choucoun’ té fidèle!


– Nous rété causer longtemps…
11
«Choucoune» est un des premiers poèmes cultes en créole. L’orthographe
est encore imprécise et nombreux sont les mots qui apparaissent en «français
créolisé». Le créole n’a été reconnu comme langue officielle qu’en 1987 dans
la Constitution haïtienne.
«Parmi les régions créolophones, Haïti partage avec les Seychelles la distinction
d’être dotée d’une orthographe autonome systématique reconnue officiellement.
Mais ce que l’on ignore généralement, c’est qu’il existait depuis 1872 une
orthographe à base phonologique parfaitement adaptée à son utilisation pour
les créoles à base lexicale française que l’on doit à un juge français de Cayenne,
Auguste de Saint-Quentin (1872). Mais jusqu’en 1943 il n’existait en Haïti
aucune raison d’élaborer une orthographe qui ne fût pas à base étymologique
puisque l’objet principal depuis la période coloniale, y compris la floraison
d’œuvres en CH [créole haïtien] du début des années cinquante, était de nature
littéraire, en direction des francophones lettrés qu’aurait déroutés une graphie
s’écartant de celle qui leur était familière.
»L’élaboration de la première graphie facilement accessible aux créolophones
unilingues, le "peuple", fut de nature pédagogique. Son auteur, Ormonde
McConnell, visait un enseignement du français comportant à titre d’étape
transitoire l’alphabétisation en CH. [...] Quoi qu’il en soit, l’officialisation
de l’orthographe par le gouvernement de Jean-Claude Duvalier en 1979 mit
fin à la querelle sur l’orthographe du CH qui avait duré quatre décennies».
Valdman, Albert: «Vers la standardisation du créole haïtien», Revue française
de linguistique appliquée, 1/2005 (Vol. X), 2005, pp. 39-52, <www.cairn.info/
revue-francaise-de-linguistique-appliquee-2005-1-page-39.htm>. Valdman se
réfère à la Loi du 18 septembre 1979 qui autorise l’usage du créole comme
langue écrite et parlée dans l’enseignement.
152
Choucoune6

Detrás de una espesa mata de guapillas,


Hace poco encontré a Choucoune;
Sonrió cuando me vio,
Dije: «¡Cielo! ¡Qué hermosa criatura!»
Y ella respondió: «¿Así lo crees tú?»
Los pequeños pajaritos en el aire nos escuchaban…

Cuando recuerdo aquello, me causa tanta pena,


Porque desde aquel día, ¡tengo los pies encadenados!
Choucoune era una bella mulata:
Sus ojos brillaban como candelas;
Y tenía los pechos firmes…

–¡Oh! ¡si Choucoune fuera fiel!


–Conversamos mucho tiempo…

6
«Choucoune» es uno de los primeros poemas cultos en creol. La ortografía es
aún imprecisa y aparecen muchas palabras francesas «creolizadas». Nótese que el
creol solo ha sido reconocido como lengua oficial en la Constitución haitiana de
1987. Según un artículo de Albert Valdman sobre la estandarización del creole
haitiano (resumo y traduzco espontáneamente): «Haití y Seychelles poseen una
ortografía autónoma sistemática y oficial. Pero lo que se ignora es que existía
desde 1872 una ortografía con base fonológica perfectamente adaptada al creol
con base léxica francesa. Pero hasta 1943 no existía en Haití razón alguna para
elaborar una ortografía que no tuviera bases etimológicas ya que el objetivo,
desde el periodo colonial, incluyendo la abundante creación de obras literarias
en creol haitiano a principios de los años cincuenta, era de naturaleza literaria,
dirigida a francófonos letrados que se habrían sentido desorientados ante una
grafía lejana de la que les era familiar.
»La elaboración de la primera grafía accesible a los creolófonos unilingües fue
con objetivos pedagógicos. Su autor, Ormonde McConnell, apuntaba a una
enseñanza del francés con una etapa transitoria, la de la alfabetización en creol
haitiano. [...] La oficialización hecha por el gobierno de Jean-Claude Duvalier
en 1979 puso fin a las querellas sobre la ortografía del creol que había durado
cuatro décadas». Valdman, Albert: «Vers la standardisation du créole haïtien»,
Revue française de linguistique appliquée, 1/2005 (Vol. X), 2005, pp. 39-52,
<www.cairn.info/revue-francaise-de-linguistique-appliquee-2005-1-page-39.
htm>.Valdman se refiere a la Ley del 18 de septiembre de 1979 que autoriza
el empleo del creol como lengua escrita y hablada en la enseñanza.
153
Jusqu’zoézeaux lan bois té paraitr’ contents!
Pitôt blié ça, cé trop grand la peine,
Car dimpi jou-là, dé pieds moin lan chaine…
P’tits dents Choucoun’ blanch’ com’ laitt’
Bouch’li couleur caimite:
Li pas gros femme, li grassett’:

– Femm’ com’ ça, plai moin tout’ de suite…


– Temps passé pas temps jôdi!...

P’tits zoézeaux lan bois, té ouè nous souri:


Si yo songé ça, yo doué lan la peine,
Car dimpi jou-là, dé pieds moins lan chaine…
N’allé la caz’ manman li:
– Gnou gran moun’ qui bien honnête!
Sitôt li ouè moin, li dit:

– Ah! moin content ci-là nette!


– Nous bouè chocolat aux noix…

Est-ç’ tout ça fini, p’tits zoézeaux lan bois?


Pitôt blié ça, cé trop grand la peine,
Car dimpi jou-là, dé pieds moin lan chaine…
Gnou p’tit blanc vini rivé,
P’tit barb’ roug’, bell, figur’rose,
Montr’ sous coté, belle chivé…
– Malheur-moin, li qui la cause!...
Li trouvé Choucoun’ joli…
Li parlé francé, Choucoun’ aimé-li…
Pitôt blié ça, cé trop grand la peine,
Choucoun’ quitté moin, dé pieds moin lan chaine…12

12
In St.-Louis, Carlos & Lubin, Maurice A.: Panorama de la littérature haïtienne,
Collection Haitiana, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1950.
La version de "Choucoune" qui figure dans l’anthologie de Louis Morpeau
(1925) est légèrement plus longue. La première édition du poème date de
1896: Durand, Charles Alexis Oswald: Rires et pleurs 1869-1896 (Tome 1
et 2), Éditions Corbeil-Crété, Paris, 1896.
154
¡Hasta los pequeños pajaritos del bosque se pusieron contentos!
Más vale no recordar aquello, me causa tanta pena,
Porque desde aquel día, tengo los pies encadenados...
Choucoune tenía dientes finos y blancos como la leche
Y su boca, morada y oscura como el caimito:
No era una mujer gorda, sino generosa:

–Las mujeres así me gustan a primera vista…


–¡Los tiempos pasados no son los de hoy!...

Los pequeños pajaritos del bosque nos vieron sonreír:


Si ellos lo recuerdan, les debe causar tanta pena,
Porque desde aquel día, tengo los pies encadenados…
La acompañé a casa de su madre:
–¡Una mujer mayor y muy honesta!
Tan pronto como me vio, dijo:

–¡Oh! ¡Me gusta mucho este muchacho!


–Tomamos chocolate con nueces…

¿Iba todo eso a esfumarse, pequeños pajaritos del bosque?


Más vale no recordar aquello, me causa tanta pena,
Porque desde aquel día, tengo los pies encadenados...
Llegó un muchachito blanco
Guapo, de barbilla pelirroja, la tez rosada
El reloj muy a la vista, el cabello reluciente…
–¡La causa de mi desgracia!...
Le gustó el encanto de Choucoune...
Le habló en francés, y Choucoune se enamoró…
Más vale no recordar aquello, me causa tanta pena,
Choucoune me abandonó, tengo los pies encadenados...7

Traducción de Edgard Gousse.

7
La versión de «Choucoune» que figura en la antología de Louis Morpeau (1925)
es un tanto más larga. La primera edición del poema es de 1896: Charles Alexis
Oswald Durand: Rires et pleurs 1869-1896 (Tome 1 et 2), Éditions Corbeil-Crété,
Paris, 1896.
155
Chant national13

Quand nos aïeux brisèrent leurs entraves,


Ce n’était pas pour se croiser les bras.
Pour travailler en maîtres, les esclaves
Ont embrassé corps à corps le trépas,
Leur sang, à flot, engraissa nos collines.
À notre tour, jaunes et noirs, allons!
Creusons le sol légué par Dessalines:
Notre fortune est là dans nos vallons.

L’indépendance est éphémère


Sans le droit à l’égalité!
Pour fouler heureux cette terre,
Il nous faut la devise austère:
«Dieu! le travail! la liberté».

II

Quoi de plus beau que ces fils de l’Afrique


Qui, trois cents ans, dans tous les maux plongés,
Tournent leurs fronts, leurs carcans et leurs triques
Contre la force et les vieux préjugés!
En bas, voyez! c’est la noble bannière
Couvrant les noirs qui vont mourir là-haut…
– Non! Leur torrent, avec Lamartinière,
Descend fougueux de la Crête-à-Pierrot.

Tout cela serait éphémère


Sans le droit à l’égalité.
Pour fouler heureux cette terre,
Il nous faut la devise austère:
«Dieu! le travail! la liberté!».
13
Ce chant fut l’hymne national d’Haïti de 1893 à 1904. Lors de la commémo-
ration du centenaire de la Révolution Haïtienne en 1904, il fut remplacé par
«La Dessalinienne».
156
Canto nacional8

Cuando nuestros antepasados quebrantaron sus trabas,


No fue para cruzarse de brazos.
Para trabajar como dueños, los esclavos
Abrazaron cuerpo a cuerpo el óbito,
Su sangre, como un río, engordó nuestros montes.
Ahora es nuestro turno, mestizos y negros, ¡adelante!
Aremos el suelo legado por Dessalines:
Nuestra fortuna está allí en nuestros vallejos.

¡La independencia es efímera


Sin el derecho a la igualdad!
Para pisar dichosos esta tierra,
Nos hace falta el lema claro:
«¡Dios! ¡trabajo! ¡libertad!».

II

¡No hay nada más hermoso que estos hijos del África
Quienes, trescientos años en todos los males sumergidos,
Vuelven su frente, su yugo y su garrote
Contra la fuerza y los viejos prejuicios!
¡Miren hacia abajo! Es la bandera noble
Cubriendo a los negros que van a morir allá arriba…
–¡No! Su arroyo, con Lamartinière,
Viene corriendo impetuoso de la Crête-à-Pierrot.

¡Todo esto sería efímero


Sin el derecho a la igualdad!
Para pisar dichosos esta tierra,
Nos hace falta el lema claro:
«¡Dios! ¡trabajo! ¡libertad!».
8
Este canto fue el himno nacional de Haití de 1893 a 1904. A partir de la conme-
moración del centenario de la Revolución Haitiana en 1904, fue remplazado
por «La Dessalinienne».
157
III

De Rochambeau les cohortes altières,


Quelques instants, suspendirent leur feu.
Pour saluer le héros de Vertières,
Capois-la-Mort, grand comme un demi-dieu!
Vers le progrès, crions comme ce brave:
«Noirs! en avant! en avant!». Et bêchons!
Le sol trempé des sueurs de l’esclave!
Nous avons là ce qu’ailleurs nous cherchons

Sans quoi tout devient éphémère;


Pas d’ordre et pas d’égalité!
Pour fouler heureux cette terre,
Il nous faut la devise austère:
«Dieu! le travail! la liberté!».

IV

Sang de martyrs dont la pourpre écumante


A secoué nos chaînes et nos jougs!
Chavanne, Ogé, sur la roue infamante,
Toi, vieux Toussaint, dans ton cachot de Joux;
O précurseurs, dont les dernières fibres
Ont dû frémir, – vous les porte-flambeaux –
En nous voyant maintenant fiers et libres,
Conseillez-nous du fond de vos tombeaux.

Votre bonheur est éphémère;


Ayez droit à l’égalité!
Pour fouler heureux cette terre,
Il vous faut la devise austère:
«Dieu! le travail! la liberté!».

À l’œuvre donc, descendants de l’Afrique,


Jaunes et noirs, fils du même berceau.

158
III

De Rochambeau las legiones altivas,


Por unos instantes, suspendieron su fuego.
Para saludar al héroe de Vertières,
¡Capois-la-Mort, trascendente como un semidiós!
Hacia el progreso, gritemos como este hombre valiente:
«¡Negros! ¡adelante! ¡adelante!». ¡Y aremos
El suelo bañado con el sudor del esclavo!
Tenemos aquí lo que buscamos allende

Sin ello todo se vuelve efímero;


¡Ninguna orden y ninguna igualdad!
Para pisar dichosos esta tierra,
Nos hace falta el lema claro:
«¡Dios! ¡trabajo! ¡libertad!».

IV

¡Sangre de mártires cuya púrpura ardiente


sacudió nuestras cadenas y nuestros yugos!
Chavanne, Ogé, sobre la rueda infamante,
Tú, viejo Toussaint, en tu cárcel de Joux;
Oh precursores, cuyas últimas fibras
Debieron estremecerse –ustedes los abanderados–
Viéndonos hoy orgullosos y libres,
Guíennos desde el fondo de sus sepulcros.

Su felicidad es efímera;
¡Tengan derecho a la igualdad!
Para pisar dichosos esta tierra,
Les hace falta el lema claro:
«¡Dios! ¡trabajo! ¡libertad!».

A la obra pues, descendientes del África,


Mestizos y negros, hijos de la misma cuna.

159
L’antique Europe et la jeune Amérique
Nous voient de loin tenter le rude assaut.
Bêchons le sol qu’en l’an mil huit cent quatre
Nous ont conquis nos aïeux aux bras forts.
C’est notre tour à présent de combattre
Avec ce cri: «Le progrès ou la mort!».

À l’œuvre! ou tout est éphémère!


Ayons droit à l’égalité!
Nous foulerons, plus fiers, la terre
Avec cette devise austère:
«Dieu! le travail! la liberté!».14

14
In Pompilus, Pradel: Pages de Littérature Haïtienne, Collection du centre
d’études secondaires, Imprimerie Théodore, Port-au-Prince, 2ème édition revue,
corrigée, augmentée, 1955. [Durand, Charles Alexis Oswald: Rires et pleurs
1869-1896 (Tome 1 et 2), Éditions Corbeil-Crété, Paris, 1896].
160
La antigua Europa y la joven América
Nos miran de lejos intentar el difícil asalto.
Aremos el suelo que en mil ocho cientos cuatro
conquistaron nuestros antepasados de brazos fuertes.
Nos llegó la hora de combatir
Con este grito: «¡Progreso o muerte!».

¡A la obra! ¡o todo es efímero!


¡Tengamos derecho a la igualdad!
Pisaremos, más orgullosos, la tierra
Con este lema claro:
«¡Dios! ¡trabajo! ¡libertad!».

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

161
Alcibiade FLEURY-BATTIER (1841-1883)

Chacun se connaît bien


(conte créole)

À Lélio Dominique

Pour célébrer, je crois, la naissance d’un prince,


Un dîner était donné,
Non loin de Port-au-Prince,
Dans un jardin abandonné.
Suivant les us et coutumes,
Tous les animaux en brillants costumes
S’étaient réunis
Dans un beau champ de maïs.
Le bœuf, pour sa grosseur, était roi de la table.
Le cheval y brillait par sa fierté,
L’âne par sa stupidité,
Le crapaud par sa voix douce, agréable.
C’était plaisir de voir le cochon d’Inde,
Le cabri, le mouton,
Danser sur le gazon,
Tout en causant des merveilles du Pinde.
Je n’ai pas la prétention
De vous faire l’énumération
De tous les animaux célèbres
Qui prirent part à ce festin
Du matin.
Dans ce lieu de ténèbres,
Rien n’était petit,
Et surtout pas l’appétit.
Tous nos gaillards, sous leurs rudes mâchoires,
Broyaient, dévoraient tout,

162
Alcibiade FLEURY-BATTIER (1841-1883)

Cada quien bien se conoce


(cuento creol)

A Lélio Dominique

Para celebrar, creo yo, el nacimiento de un príncipe,


Una cena fue dada,
No lejos de Puerto Príncipe,
En un jardín abandonado.
Según los usos y costumbres,
Todos los animales en brillantes trajes
Se habían reunido
En un bello campo de maíz.
El buey, por su tamaño, era rey de la mesa.
Y el caballo brillaba por su orgullo,
El asno por su estupidez,
El sapo por su voz dulce y agradable.
Era un placer ver el conejillo de Indias,
El cabrito, el cordero,
Bailar en el pasto,
Hablando de las maravillas de Pindo.
No tengo la pretensión
De hacerles la enumeración
De todos los animales célebres
Que participaron en este festín
Mañanero.
En este lugar de tinieblas,
Nada era pequeño,
Especialmente el apetito.
Todos nuestros muchachos, bajo sus mandíbulas toscas,
trituraban, lo devoraban todo,

163
Et disaient sans nuls propos dérisoires,
Que tout était bien de leur goût.
Mais soit négligence,
Soit chose faite exprès,
L’eau qui n’était pas près,
Brilla soudain par son absence.
– Sapristi! dit le bœuf, c’est une absurdité!
N’est-ce pas, mes amis que je suis insulté?
Manger sans boire, est-ce possible?
L’un sans l’autre est chose inutile.
Avisons aux moyens de réparer le mal
Qui ne manquerait pas de nous être fatal.
Que le plus laid d’ici s’en aille à la rivière
Nous chercher ce qu’il faut pour terminer l’affaire!
À ces mots, tous s’agitent pleins d’effroi,
Et disent tout bas: «est-ce moi?»
Mais, enflammé d’une grande colère,
Maître macaque, soulevé,
Crie d’une voix amère:
«Non! Tonnai boulé moin, moin pas pralé!»
Ce récit, cher lecteur, prouve sans subterfuge,
Que chacun porte en soi, son véritable juge.15

15
In St.-Louis, Carlos & Lubin, Maurice A.: Panorama de la poésie haïtienne,
Collection Haitiana, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1950.
[Fleury-Battier, Alcibiade: Sous les bambous (poèmes), Kugelmann, Paris, 1881].
164
Y decían sin intenciones irrisorias,
Que todo era muy de su agrado.
Pero por negligencia,
O con intención,
El agua que no estaba cerca,
Brilló de pronto por su ausencia.
–¡Caramba!, dice el buey, ¡esto es una insensatez!
¿No es verdad, amigos míos, que soy insultado?
Comer sin beber, ¿será posible?
Lo uno sin lo otro es cosa ruin.
Pensemos en la mejor forma de reparar el mal
Que no dejaría de sernos fatal.
¡Que el más feo de nosotros vaya al río
A buscarnos lo que falta para acabar el asunto!
Dicho esto, cada uno se agita lleno de pavor,
Y murmura: «¿seré yo?»,
Pero, enardecido por una gran furia,
Maestro Chimpancé, ofendido,
Grita con voz amarga:
«¡No! ¡Que la tormenta me lleve si voy!».
Este cuento, querido lector, prueba sin subterfugio,
Que cada cual tiene en sí su verdadero juez.

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

165
Tertullien Marcelin GUILBAUD (1856-1939)

Le montagnard

Heureux enfant de la nature,


Au tien quel destin est pareil?
De la saison bravant l’injure,
Sous les chauds rayons du soleil
Ainsi que sous la froide ondée,
Tu vas le torse nu, joyeux,
N’ayant jamais l’âme obsédée
De ce fatal désir du mieux.

Hélas! l’air impur de nos villes


Est bien funeste à nos poumons;
Mais le vent de nos mœurs serviles
Ne souffle jamais sur tes monts.
L’oiseau te salue à l’aurore;
La fleur, que jamais ne trompa
Ta main loyale, vient éclore
Jusqu’au seuil de ton ajoupa.

Tranquille sur tes cimes bleues,


D’où bondissent les aquilons,
Ton œil profond voit à cent lieues
Les collines et les vallons
Nivelés comme une savane:
Tel t’apparaît de tous côtés
Le vieux monde qui se pavane –
Avec ses inégalités!

À l’heure où, brisant son calice


D’ombre, éclôt le rayon vermeil,
Tu contemples avec délice

166
Tertullien Marcelin GUILBAUD (1856-1939)

El montañés

Hijo dichoso de la naturaleza,


Al tuyo ¿qué destino se asemeja?
De la estación arrostrando la injuria,
Bajo los cálidos rayos del sol
Así como en la llovizna fría,
Caminas con torso desnudo, alegre,
Sin jamás tener el alma obcecada
Con ese fatal deseo de lo mejor.

¡Ay! el aire impuro de nuestras ciudades


Asaz funesto es para nuestros pulmones;
Mas el viento de nuestras costumbres serviles
No sopla nunca sobre tus montes.
El pájaro te saluda en la aurora;
La flor, que nunca engañó
Tu mano leal, viene a brotar
Hasta en el umbral de tu bohío.

Tranquilo en tus cimas azules,


Do brincan los vientos del norte,
Tu ojo profundo percibe a cien leguas
Las colinas y los valles
Nivelados como una sabana:
Tal se te figura por todos lados
El viejo mundo pavoneándose
¡Con sus desigualdades!

En la hora en que, rompiendo su cáliz


De sombra, nace el rayo bermejo,
Contemplas con deleite

167
La prime beauté du soleil.
Et les grands palmiers – ces gendarmes
De nos monts – dédaigneux des rois,
Semblent te présenter les armes,
À toi, le souverain des bois!

Puis, lorsqu’au bout de sa carrière,


L’astre se balance, indécis,
Tu reçois sa clarté dernière,
Seul sur tes grands rochers assis.
Avec les parfums de la plaine,
Monte alors dans l’immensité,
Vers Dieu, ton âme toujours pleine
De touchante sérénité!

Et tu t’inclines et tu pries, –
Car étranger à nos discours,
Rien encor ne les a flétries,
Tes croyances des premiers jours;
Nulle voix dans l’ombre échappée,
Ton hymne jamais ne troubla,
Sinon la fraîche mélopée
Du sourd et lointain bamboula…

Ah! tu fais bien de fuir nos villes.


Quand la rude voix du canon
Te convie aux luttes civiles,
Réponds à ce triste appel: Non!
Et qu’au fond de la grotte énorme,
Comme au sombre creux du ravin,
Les limiers portant l’uniforme
Te poursuivent toujours en vain.

Mais, ô vaillante sentinelle,


Si, du haut de ces pics, tu vois
Venir quelque flotte nouvelle,

168
La primeriza belleza del sol.
Y las grandes palmeras –gendarmes
De nuestros montes– desdeñosas con los reyes,
Parecen presentarte las armas,
¡A ti, soberano de los bosques!

Luego, hasta el fin de su carrera,


El astro se mece, indeciso,
Recibes su claridad postrera,
Solo en tus grandes rocas sentado.
Con los perfumes de la llanura,
Sube entonces en la inmensidad,
Hacia Dios, tu alma siempre plena
¡De conmovedora serenidad!

Y te inclinas y rezas,
Pues ajeno a nuestros discursos,
Nada aún ha marchitado
Tus creencias de los primeros días;
Ninguna voz en la sombra escapada,
Tu himno jamás perturbó,
Sino la fresca melopeya
Del sordo y lejano tambor...

¡Ah! bien haces en huir de nuestras ciudades.


Cuando la ruda voz del cañón
Te convide a las luchas civiles,
Responde a ese triste llamamiento: ¡No!
Y que en el fondo de la gruta enorme,
Como en el hoyo oscuro del barranco,
Los sabuesos en uniforme
Te persigan siempre en vano.

Mas, oh valiente centinela,


Si, desde lo alto de esos picos, ves
Llegar alguna flota nueva,

169
Debout alors! Comme autrefois,
Sous le souffle de ta poitrine,
Il faut qu’on entende en tous lieux
Rugir de colline en colline
Le fier lambi de nos aïeux!16

16
In St.-Louis, Carlos & Lubin, Maurice A.: Panorama de la poésie haïtienne,
Collection Haitiana, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1950.
[Guilbaud, Tertullien: Patrie, espérance et souvenirs, Librairie Léopold Cerf,
Paris, 1885].
170
¡Arriba entonces! Como antaño,
Bajo el soplo de tu pecho,
Debe oírse por doquier
Rugir de colina en colina
¡El fiero lambí de nuestros antepasados!

Traducción de Dolores Phillipps-López.

171
Louis DUVIVIER HALL (1861-1938)

Poèmes des quatre saisons

Printemps

Tu viens d’errer le long des champs de vétivers,


Laisse-moi sur ta chair baiser les parfums verts.

Été

Parce que Midi brûle et que la plaine baille,


Tu me caches tes yeux sous ton chapeau de paille.

Automne

Des odeurs de fruits mûrs pourrissent dans les bois;


Les cochons seront gras à la fin de ce mois.

Hiver

La brise entre en bouffées de fraîcheur dans la chambre;


Il fera froid ce soir: prends ton thé de gingembre.17

17
Duvivier Hall, Louis: À l’ombre du mapou, Imprimerie Henri Deschamps,
Port-au-Prince, 1982. [Duvivier Hall, Louis: À l’ombre du mapou, Imprimerie
Bonnefil, Les Cayes, 1931].
172
Louis DUVIVIER HALL (1861-1938)

Poemas de las cuatro estaciones

Primavera

Acabas de pasear por los campos de vetiver,


Déjame sobre tu piel besar los perfumes verdes.

Verano

Porque el Mediodía arde y el llano suspira,


Me escondes tus ojos bajo un sombrero de brizna.

Otoño

Aromas de fruta madura se pudren en los bosques;


Gordos estarán los cerdos al final de este mes.

Invierno

La brisa entra por oleadas frescas en la habitación;


Hará frío esta noche: toma tu infusión de jengibre.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

173
Airs de chez nous

Héritage

Je suis un petit fils de la lointaine Afrique,


et je porte en ma chair des échos de souffrance,
des plaintes de cordage aux mâts des négriers:
je suis tout lacéré de morsures de haines;
j’ai dans ma chair qui brûle, ah, dieux! j’ai dans ma chair
des appels d’égorgés s’agrippant au soleil,
cet arôme crispé de terre barbouillée,
de terre barbouillée de rouge fauve et sang:
de ce rouge vif-sang qui gargouille en mes veines.

Liberté

Je me suis dépouillé de tout artificiel.


Libre, je me sens libre en face de mon Ciel.

Ambition

Nos soirs, nos soirs sont lourds de plaintes et de voix!


Roulement de tambours… Quelque chose d’occulte
passe dans les chansons qui célèbrent le culte
du Dambalaouèdo. O Loco, dieu des lois!

Voix, plaintes… hanteuses étranges de mon Être!


Craquement de bois sec, cris de hiboux, cris, voix…
Ma chair chante un air fauve! Chante! je veux être
l’Âme des mille bruits qui hantent les grands bois.18

18
Duvivier Hall, Louis: À l’ombre du mapou, Imprimerie Henri Deschamps,
Port-au-Prince, 1982. [Duvivier Hall, Louis: À l’ombre du mapou, Imprimerie
Bonnefil, Les Cayes, 1931].
174
Aires nuestros

Herencia

Soy un nieto del África remota,


y llevo en mi carne ecos de dolor,
quejas de jarcias en mástiles de negreros:
estoy lacerado todo de mordeduras de odio;
tengo en mi piel que arde, oh dioses, tengo en mi piel
los gritos de los degollados aferrándose al sol,
ese aroma tenso de tierra manchada
de tierra manchada de rojo bermejo y sangre:
de ese rojo vivo que borbotea en mis venas.

Libertad

Me despojé de todo artificio.


Libre, me siento libre ante mi Cielo.

Aspiración

Nuestras noches, ¡nuestras noches pesan de lamentos y


voces!
Redoble de tambores… Algo oculto
se filtra en los cantos que celebran el culto
de Dambalá Wedó. O Lokó, ¡dios de los loas!

Voces, lamentos… ¡fantasmas extraños de mi Ser!


Crujido de madera seca, graznido de búhos, gritos, voces…
¡Mi carne entona un canto fiero! ¡Canta! Quiero ser
el Alma de los mil sonidos que penan en el gran bosque.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

175
Georges SYLVAIN (1866-1925)

Frères d’Afrique
(extraits)

Pour mon Père

Le soir, quand la pensée ouvre sans bruit son aile


Et prend à l’horizon un essor incertain,
J’ai souvent tressailli de pitié fraternelle,
En songeant aux damnés de l’enfer africain.

Deux à deux, à pas lents, sous leurs charges d’ivoire


Courbant leurs dos meurtris, ils vont silencieux.
Le sang de tons vermeils marque l’épaule noire,
Et le sable brûlant met des pleurs dans les yeux.

Ils vont, exténués! La lanière du guide


Arrache à leur torpeur des gémissements sourds;
Une haleine de feu sort de leur gorge aride:
Sans entendre, sans voir, ils vont, ils vont toujours!

[...]

Mais jusqu’à l’heure où ceux qui se disent leurs frères


– Et qui vivent loin d’eux – voudront se souvenir,
Ils vont par les chemins où sont passés nos pères,
Et pensent que leur tour est bien lent à venir!

O les fiers chevaliers des croisades antiques,


Qui, sur l’appel d’un moine aux frémissants discours,
Quittaient le fauve abri de leurs donjons gothiques
Et la terre où gaiement fleurissaient leurs amours;

176
Georges SYLVAIN (1866-1925)

Hermanos de África
(fragmentos)

Para mi padre

De noche, cuando el pensar abre sin ruido su ala


Y emprende al horizonte un inseguro vuelo,
Me he estremecido a menudo con fraternal piedad,
Pensando en los condenados del infierno africano.

De dos en dos, con paso lento, bajo el marfil que cargan


Doblando sus espaldas dañadas, silenciosos van.
La sangre en tonos bermejos el hombro negro marca,
Y la arena ardiente lleva llantos a sus ojos.

¡Extenuados, van! El látigo del guía


Arranca a su letargo unos gemidos sordos;
Un hálito de fuego sale de su garganta árida:
Sin oír, sin ver, ¡ellos van, siempre van!

[...]

Mas hasta la hora en que los que se dicen hermanos


–Y que viven lejos de ellos– acordarse quieran,
Por los caminos van do nuestros padres pasaron,
Y piensan que su turno ¡mucho tarda en llegar!

Oh fieros caballeros de cruzadas antiguas,


Los que, llamándolos un monje con vibrantes discursos,
Dejaban el salvaje refugio de sus bastiones góticos
Y la tierra donde alegremente florecían sus amores;

177
Partaient pour l’inconnu, comme on part dans un rêve,
Chevauchant devant eux, tout droit vers le soleil;
S’endormaient au hasard, dans les bois, sur la grève,
Sûrs d’entendre partout sonner, à leur réveil,

L’allègre carillon de leur âme héroïque;


S’en allaient, s’en allaient, à la garde de Dieu,
Sous la clarté du ciel auguste et pacifique,
Toujours plus grand, toujours plus pur, toujours plus bleu;

Couraient à la bataille avec des cris de fête,


Frappaient, étaient frappés; défiaient le vainqueur,
Se redressaient, vivaient; ou, bravant la défaite,
Tombaient, la lance au poing et la croix sur le cœur!

Quel apôtre nouveau pour les luttes prochaines


Réveillera ces preux aux éclats de sa voix!
Ou que n’ont-ils, du moins, fait jaillir dans nos veines
Quelques gouttes du sang généreux d’autrefois!

Déposant ce fardeau de haines imbéciles,


Qu’attisent l’ignorance et la cupidité;
Faisant trêve éternelle à ces guerres civiles
Dont nos mères diraient ce qu’elles ont coûté,

Nous nous en irions tous au pays des ancêtres,


Puis à ceux de là-bas nous parlerions ainsi:
«Vos cris désespérés, en dépit de vos maîtres,
Ont retenti vers nous: ô frères, nous voici!».19

19
In Berrou, Raphaël & Pompilus, Pradel: Histoire de la littérature haïtienne illus-
trée par les textes, tome II, Éditions Caraïbes, Port-au-Prince, 1975. [Sylvain,
Georges: Confidences et mélancolies (1885-1898), précédées d’une Notice sur la
poésie haïtienne par l’auteur, préface de Justin Dévot, Port-au-Prince, Imprimerie
Henri Deschamps, 1901].
178
Partían hacia lo ignoto, como se parte en un sueño,
Cabalgando adelante, de frente hacia el sol;
Se dormían al azar, en los bosques, en la ribera,
Seguros de oír sonar por doquier, al despertar,

El alegre tañido de su alma heroica;


Íbanse, íbanse, bajo custodia de Dios,
Bajo la claridad del cielo augusto y pacífico,
Siempre más grande, siempre más puro, más azul siempre;

Corrían a batallar con gritos de regocijo,


Golpeaban, eran golpeados; desafiaban al vencedor,
Alzábanse de nuevo, vivían; o, afrontando la derrota,
Caían, ¡con la lanza en el puño y la cruz en el corazón!

¡Qué apóstol nuevo para las luchas futuras


Despertará a esos valientes con restallante voz!
O ¡por qué no hicieron, al menos, brotar en nuestras venas
Algunas gotas de la sangre generosa de entonces!

Soltando esa carga de imbéciles odios,


Que atizan la ignorancia igual que la codicia;
Poniendo tregua eterna a esas guerras civiles
De las que nuestras madres su precio nos dirían,

Todos partiríamos al país de nuestros ancestros,


Y luego a los de allá así les hablaríamos:
«Sus gritos desesperados, bien pese a sus dueños,
Hasta nosotros han resonado: ¡oh hermanos, aquí estamos!».

Traducción de Dolores Phillipps-López.

179
Massillon COICOU (1867-1908)

Colomb

Où le conduira donc la hantise d’un songe?


Au fond de la science a sombré la raison!
Perdu dans le mystère où son espoir le plonge,
Il croit d’un nouveau monde entrevoir l’horizon!

Mais nous, faut-il nous perdre au gré de son délire?


«Vous errez»! crions-nous; lui, de cet œil subtil
Où dort je ne sais quoi qu’on ne peut vraiment lire,
Perçant l’horizon bleu: «Ce monde est là!» dit-il.

«Soit! partons! Mais, quand Dieu, pour punir le rebelle


Déchaînera les vents et les flots contre nous,
O mon roi Ferdinand! O ma reine Isabelle!
Pour vous maudire, alors, nous mourrons à genoux!».

Ainsi, chacun, poussé par un instinct rapace,


Trouvant ton rêve obscur, – trouvait le chemin long;
Mais toi, toujours debout, toujours sondant l’espace,
Calme, impassible et fort, tu t’en allais, Colomb!

En vain l’on te raillait de ta sainte folie.


L’outrage, amer levain, faisait monter la foi;
Car l’ivresse qui naît d’avoir bu trop de lie,
Fait que le regard tend plus loin que nul ne voit!

Par moments, tu voulais, quand ces soupçons tenaces


Arrivaient jusqu’à toi, braver leur cri hurleur,
Tu voulais, par la mort, étouffer ces menaces,
Mais ton génie, en toi, disait: «Pardonne-leur!».

180
Massillon COICOU (1867-1908)

Colón

¿Hasta dónde lo conducirá el embrujo de un sueño?


¡En el fondo de la ciencia se hundió la razón!
Perdido en el misterio en que lo sume su esperanza,
¡Cree de un nuevo mundo atisbar el horizonte!

Mas nosotros, ¿debemos perdernos por seguir su delirio?


«¡Yerra Usted!», gritamos; pero él, con ese ojo sutil
Donde algo duerme enigmáticamente,
Penetrando el horizonte azul: «¡Ese mundo ahí está!» dice.

«¡Está bien! ¡partamos! Mas, cuando Dios, castigando al rebelde


Desencadene los vientos y las olas en contra nuestra,
¡Oh mi rey Fernando! ¡Oh mi reina Isabel!
¡Para maldeciros, entonces, de rodillas moriremos!».

Así, cada cual, impulsado por un instinto rapaz,


Juzgando tu sueño oscuro, encontraba largo el camino;
Mas tú, siempre en pie, siempre sondeando el espacio,
¡Calmo, impasible y fuerte, partías, Colón!

En vano te despreciaban por tu santa locura.


El ultraje, amarga levadura, hacía crecer la fe;
Pues la embriaguez que nace de hez bebida en demasía,
¡Hace que la mirada más allá alcance de lo que nadie ve!

A veces, querías, cuando estas sospechas tenaces


llegaban a ti, desafiar su grito hostigante,
Querías, con la muerte, ahogar estas amenazas,
Mas tu genio, en ti, decía: «¡Perdónalos!».

181
Et c’est ce doux parfum qui rendit indécise
La volonté du mal jusqu’à l’heure où brilla,
Là-bas, la trinité dans les flots bleus assise;
La Gouanahani, Cuba puis Quisquéya!

«La terre!» Oh! quelle ivresse a coulé en ton âme,


Ce cri du cœur, que tous ont fait jaillir soudain!
Quel orgueil, en tes yeux, illumine sa flamme,
Pour te faire encor mieux voir ton nouvel Eden!

Quelle extase devant ce ciel, ces monts, ces rives!


Tous croyant maintenant, toi, seul, ne croirais pas,
Si l’Indien remis de ses terreurs naïves
N’accourait pour baiser les traces de tes pas!

Alors, te voilà beau d’une splendeur d’archange!


L’étendard du croyant ondule dans ta main,
Et dans un rêve immense, aussi divin qu’étrange
Un immense avenir passe, – sans lendemain!

Mais la réalité va dissiper le rêve,


Et tandis que, là-bas, s’étale la primeur
De ta conquête, ici, la Croix fait place au glaive:
C’est l’Espagnol qui frappe, et l’Indien qui meurt!

O le réveil cruel et le sanglant baptême!


En entendant monter le long cri des martyrs,
Tu te sens accablé du poids de l’anathème
Que jette le sauvage en ses derniers soupirs.

Tu parles, mais en vain! nul n’entend plus l’apôtre


Dont la voix maintenant se perd sous les clameurs!
L’on te charge de fers, et, sur ton œuvre, un autre
Vient imprimer son nom, tandis que toi, tu meurs!

Mais l’injure est passée, et la gloire est venue.


L’honneur est grand, autant que le malheur fut long;
Et beau de ta beauté si longtemps méconnue,
L’idéal des chercheurs, tu l’incarnes, Colomb!

182
Y es ese dulce perfume el que indecisa volvió
La voluntad del mal hasta la hora en que brilló,
Allá, la trinidad en las ondas azules posada;
¡Guanahaní, Cuba y luego Quisqueya!

«¡Tierra!» ¡Oh!, qué embriaguez se derramó en tu alma,


¡Ese grito del corazón, que todos hicieron emanar de pronto!
¡Qué orgullo, en tus ojos, ilumina su llama,
Para hacerte ver aún mejor tu nuevo Edén!

¡Qué éxtasis ante ese cielo, esos montes, esas riberas!


¡Todos creyendo ahora, tú, solo, no creerías,
Si el indio recuperado de sus cándidos terrores
No acorriera a besar la huella de tus pasos!

¡Entonces, hermoso estabas con esplendor de arcángel!


El pabellón del creyente ondula en tu mano,
Y en un sueño inmenso, tan divino como extraño
Un inmenso porvenir pasa, ¡sin un mañana!

Mas la realidad va a disipar el sueño,


Y mientras que, allá, se propaga la primicia
De tu conquista, acá, la Cruz da paso a la espada:
¡Es el español quien golpea, y el indio quien muere!

¡Oh qué cruel despertar y sangriento bautizo!


Al oír elevarse el largo grito de los mártires,
Te sientes acongojado por el peso del anatema
Que lanza el salvaje en sus últimos suspiros.

Hablas, ¡mas en vano! ¡ya nadie más oye al apóstol


Cuya voz ahora se pierde en favor del clamoreo!
Con cadenas se te lastra, y, en tu obra, otro
Viene a imprimir su nombre, mientras que tú, ¡te mueres!

Mas ya pasó la injuria, y la gloria aconteció.


Grande es el honor, como larga fue la desdicha;
Y radiante de hermosura tanto tiempo ignorada,
El ideal de los exploradores, ¡lo encarnas tú, Colón!

183
Et ce rêve animé, cette œuvre grandiose,
Qu’étouffa si longtemps l’ombre des sombres jours,
Dans l’ensoleillement de ton apothéose,
Sur les temps éblouis va resplendir toujours!20

20
In St.-Louis, Carlos & A. Lubin, Maurice: Panorama de la poésie haïtienne,
Collection Haitiana, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1950.
[Coicou, Massillon: Impressions, Rêves des jours de trêve (de la vingtième à la
trentième année), Librairie des Mathurins, Dujarric et Cie, Paris, 1903].
184
Y ese sueño animado, esa obra grandiosa,
Que tanto tiempo ahogó la sombra de los aciagos días,
Bajo el radiante sol de tu apoteosis,
¡En los tiempos deslumbrados siempre resplandecerá!

Traducción de Dolores Phillipps-López.

185
À Toussaint Louverture

Je te consacre un culte, à toi que transfigure


En Dieu notre humble orgueil qui jamais ne décroît;
À toi qui, pour l’amour de nous, souffris le froid,
La faim, l’affront cruel, la plus lâche torture!

Apôtre précurseur des rédempteurs du Dieu


Tu mourus immortel! ton martyre t’épure;
Tes fils ont le front haut quand ils parlent de toi,
Car ta gloire est sacrée, ô Toussaint Louverture!

Lorsqu’un traître pour toi dressa le Golgotha;


Quand dans l’enfer du Joux un ingrat te jeta,
Dans l’âme de tes fils tu fis passer ton âme.

On t’appelait: «Le Nègre», on t’appelait «l’Infâme»


L’infâme a su charmer l’auguste Liberté,
Du nègre, avec orgueil, un peuple se réclame.21

21
In St.-Louis, Carlos & A. Lubin, Maurice: Panorama de la poésie haïtienne,
Collection Haitiana, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1950.
[Coicou, Massillon: Poésies nationales, V. Goupy et Jourdan, Paris, 1892].
186
A Toussaint Louverture

Yo te consagro un culto, a ti quien transfiguras


En Dios nuestro humilde orgullo que jamás decrece;
¡A ti quien, por nuestro amor, sufriste el duro frío,
Hambre y afrenta cruel, la más ruin tortura!

Apóstol precursor de redentores del Dios


¡Moriste inmortal! Tu martirio te purifica;
Tus hijos llevan la frente alta cuando de ti hablan,
Pues tu gloria es sagrada, ¡oh Toussaint Louverture!

Cuando para ti un traidor erigió el Gólgota;


Cuando al infierno de Joux te echó un ingrato,
En el alma de tus hijos perduró tu espíritu.

Se te decía: «El Negro», se te decía «el Infame»


El infame sedujo la augusta Libertad,
Del negro, con orgullo, un pueblo se reclama.

Traducción de Dolores Phillipps-López.

187
Amédée BRUN (1868-1896)

Pour Haïti

O ma pauvre Île en proie aux espoirs décevants,


Par delà l’océan et l’orage et les vents,
Je songe à ton sort triste et j’ai pour toi dans l’âme
Des rêves de bonheur. Tandis qu’on te diffame,

Ton enfant qu’assombrit l’absence du soleil


Et de la grande mer où rit le ciel vermeil,
T’adresse par delà les vents et les orages
Ce souvenir profond comme tes verts ombrages.22

22
In «Anthologie de la Poésie Jacmélienne par Maurice A. Lubin», Conjonction,
nro. 83, Port-au-Prince, 1962. La première édition du poème est probablement
issue de l’œuvre posthume publiée par son frère Maurice Brun, qui compre-
nait des contes et des poèmes; Brun, Amédée: Sans pardon et autres nouvelles,
Imprimerie de l’Abeille, Port-au-Prince, 1909.
188
Amédée BRUN (1868-1896)

Para Haití

Oh mi pobre Isla víctima de esperanzas defraudantes,


Allende el océano y la tormenta y los vientos,
Pienso en tu triste fortuna y tengo por ti en el alma
Sueños de felicidad. Mientras se te difama,

Tu hija ensombrecida por la ausencia del sol


Y del gran mar donde ríe el cielo bermellón,
Te dirige allende los vientos y las tempestades
Este recuerdo profundo como tus verdes follajes.9

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

9
La primera edición del poema viene probablemente de la obra póstuma editada
por su hermano Maurice Brun, que incluía cuentos y poesía. Cf. Amédée Brun:
Sans pardon et autres nouvelles, Imprimerie de l’Abeille, Port-au-Prince, 1909.
189
Etzer VILAIRE (1872-1951)

L’ajoupa

Au flanc du mont perdu se dresse l’ajoupa.


Où vit, mystérieux et funèbre, un papa.
Sous un enduit d’argile un roseau s’entrelace
À sa cloison, pareille au treillis d’une nasse,
Et dont les pieux noueux ne suivent aucun plan.
La charpente est bancale, et tel un chef branlant
Sur ses boiteux supports le toit penché dévale;
Son vieux chapeau de chaume, usé par intervalle,
Bâille, montrant, ainsi que des orbites creux
De crânes suspendus en l’air, des trous nombreux
Où luisent par instants les furtives prunelles
D’un rat et, dans la nuit, les splendeurs éternelles.
Une porte disjointe et fermant au loquet
S’entr’ouvre sur le seuil où rêve un vieux roquet,
Aux vertèbres perçant la peau, rongé de gale,
Calleux, plaintif, poussant son aboi comme un râle.
Dans l’intérieur vague un double appartement.
Le plancher est un sol – tel un ferme ciment –
De tuf pilé, battu. Dans la plus proche pièce,
Un siège, on dirait fait pour porter la détresse,
Dont les pieds aux bâtons inégaux sont mangés.
Aux cloisons, des objets en tumulte rangés,
Un ramassis crasseux de choses équivoques.
Lamentables, aux clous pendent de vieilles loques.
Dans l’autre appartement s’offre aux yeux effrayés
Une table – un autel graisseux – où sont broyés,
Pour des rites obscurs, des fruits et des racines,
Arrosés d’un sang noir dans d’immondes bassines,
Puis des cierges votifs, brûlés le jour des morts,

190
Etzer VILAIRE (1872-1951)

El ayupá

En un monte perdido se yergue el ayupá


En donde vive, fúnebre y misterioso un papá.
Bajo un baño de arcilla la caña se entrelaza
A la pared, al modo de tejido de estera,
Con nudosas estacas sin plan distribuidas.
La estructura está zamba, y cual cabeza trémula
Sobre cojos puntales resbala el techo en cuesta,
Su viejo gorro en punta de paja burda y sucia
Enseña bostezando, como órbitas vacías
De cráneos que colgasen, agujeros sin cuenta
Donde a ratos relucen las furtivas pupilas
De una rata, y, de noche, los fulgores eternos.
La puerta desquiciada y que cierra un pestillo
Se entreabre; en el umbral un viejo perro sueña,
Sus vértebras perforan su pellejo sarnoso,
Calloso, quejumbroso, ladra en un estertor.
En el vago interior hay dos habitaciones.
Su piso, como un firme cemento, ha sido hecho
De toba apisonada. En el cuarto más próximo,
Un asiento, cual hecho para sentar la angustia,
Con las patas de palos desiguales roídas.
En los muros hay cosas dispuestas en tumulto,
Un mugroso montón de equívocos objetos.
Lamentables, colgados de clavos, hay andrajos.
Los ojos asustados ven en el otro cuarto
Una mesa –un altar grasiento– donde muelen,
Para ritos oscuros, las frutas y raíces,
Empapados con sangre negra en inmundos cazos,
Luego cirios votivos, que arden el día de muertos,

191
Des images de saints qui servent aux humforts,
Des cartes que des mains magiques ont usées,
Enfin, dignes d’orner de sinistres musées,
Parmi des crucifix de plâtre profanés,
Des basaltes luisants bizarrement cannés,
Des bolides vomis au sol avec la foudre,
Et d’antiques butios pétris de grasse poudre,
Taillés dans le gaïac par des doigts indiens,
Figurant des lézards et des bacas, ces chiens
Muets et disparus de l’île avec leurs maîtres…
Dans un angle accroupi, le plus sombre des êtres,
L’inspiré du Vaudou, l’étrange macandal,
Ouvre, méditatif, dans l’ombre un œil fatal,
Un œil enténébré de funèbres pensées,
Dans l’âme taciturne et profonde amassées
En rêves longs et lourds, comme un nuage noir
Qu’il roule dans sa nuit.
Luttant contre le soir,
Au fond du bouge empli d’horreur, deux mèches brûlent
Dans deux vases poudreux, où sur l’huile pullulent
Des insectes sans nom que la flamme a tués.
Sur les vagues panneaux poussiéreux, pollués,
Son image au reflet des lampes se détache;
Et cette ombre ressemble à quelque horrible tache.
Sa face est comme un bloc informe de charbon
Où, dans leur songerie inerte de démon,
Tranche le blanc des yeux sur la nuit de la joue.
Cette tête est, enfin, comme une idole hindoue,
Ébauche violente aux angles ténébreux,
Où, taillés à grands coups, les traits jurent entre eux.
Mais sur l’œil fixe, ouvert comme celui d’un fauve,
Et dont le regard veille en dedans, un front chauve
S’épanouit magique et beau dans la laideur.
Il impose, marqué d’un signe de grandeur
Sinistre: et sur ce front nu, nimbé de ténèbres,

192
Imágenes de santos que sirven de santuarios
Unos naipes por manos mágicas desgastados,
Y finalmente, dignos de siniestros museos,
Por entre crucifijos de yeso profanados,
Basaltos que relucen con extraños adornos,
Bólidos vomitados al suelo con el rayo,
Y antiguas figuras amasadas con pólvora,
Talladas en guayaco por la mano del indio,
Que figuran lagartos y bacás, esos perros
Mudos que se esfumaron del país con sus amos…
Agachado en un ángulo, el más sombrío ser,
El brujo del Vodú, el macandal extraño,
Pensativo, en la sombra, abre un ojo fatal,
Un ojo ensombrecido por pensamientos fúnebres
En el alma profunda y callada amasados
En agobiantes sueños, como una nube negra
Que él empuja en su noche.
Lucha contra la noche,
Al fondo atroz del antro, la llama de dos mechas
En polvorientos vasos en cuyo aceite flotan
Insectos innombrables que la llama ha matado.
En las vagas paredes llenas de polvo y manchas,
Su imagen a la luz del candil se destaca,
Y esa sombra parece un horrible borrón.
Su rostro es como un bloque informe de carbón
Donde, en su ensoñación inerte de demonio,
Rompe el blanco del ojo la noche de los pómulos.
La cabeza es, en fin, como un ídolo hindú,
Esbozo violento de aristas tenebrosas,
Donde, a golpes tallados, se combaten los rasgos.
Mas sobre el ojo fijo como el de alguna fiera,
Cuya mirada escruta hacia adentro, se abre
La frente calva, mágica, bella en la fealdad.
Marcado por un signo de grandeza siniestra,
Es imponente: y sobre la frente envuelta de sombras,

193
Dans un mystère obscur, en cohortes funèbres,
Flottent les noirs esprits des ancêtres lointains,
Qui dictent au houngan ses oracles certains:
Invisibles veilleurs, des fantômes sans nombre
Lui font, venus d’Afrique, un cortège dans l’ombre.23

Septembre, 1907.

23
Vilaire, Etzer: Nouveaux poèmes: Les voix, Terre et ciel, Au delà, Fantaisies poétiques,
Imprimerie Peyriller, Rouchon & Gamon, Le Puy-en-Velay, 1910.
194
En un misterio oscuro, en fúnebres cohortes,
Flotan negros espíritus de lejanos ancestros,
Que dictan al sacerdote sus oráculos ciertos.
Invisibles guardianes, innúmeros fantasmas
Le hacen, venidos de África, un cortejo en la sombra.10

Septiembre, 1907.

Traducción de Tomás Segovia.

10
Tomado de Mónica Mansour: Identidades. Poesía negra de América, Antología.
Editorial Arte y Literatura, La Habana, 2011.
195
Ida FAUBERT (1882-1969)

Soir tropical

Le soir est lumineux; le soir est tendre et beau.


Le soleil s’est éteint; la lune est sur les roses.
Une langueur pénètre au cœur même des choses…
Et les grands palmiers noirs rêvent au bord de l’eau.

Les jasmins ont mêlé leurs branches étoilées


Aux lianes en fleurs. L’haleine de l’été
Caresse les fruits lourds. La grave volupté
Laisse traîner son voile au détour des allées.

Là-bas, sur le chemin, pas un champ, pas un bruit.


Rien ne trouble la paix d’un bonheur qu’on écoute…
Viens sentir les parfums sur le bord de la route,
Et respirer mon âme éparse dans la nuit.24

24
Faubert, Ida: Anthologie secrète, Mémoire d’encrier, Canada, 2007. [Faubert,
Ida: Cœur des îles, préface de Jean Vignaud, Éditions René Debresse, Prix
Jacques-Normand, Paris, 1939].
196
Ida FAUBERT (1882-1969)

Noche tropical

La noche es luminosa; la noche es tierna y bella.


El sol se apagó; la luna está sobre las rosas.
Una languidez penetra en el corazón mismo de las cosas...
Y las grandes palmeras negras sueñan en la orilla del agua.

Los jazmines mezclaron sus ramas estrelladas


Con las lianas en flor. El aliento del verano
Acaricia los frutos pesados. La grave voluptuosidad
Suelta su velo a la vuelta de cada callejuela.

Allá, en el camino, ni un campo, ni un rumor.


Nada altera la paz de una dicha que se escucha...
Ven a sentir los perfumes a lo largo de la senda,
Y respirar mi alma dispersa en la noche.

Traducción de Prisca Agustoni y Yasmina Tippenhauer.

197
À mon fils

Tout en chancelant tu courais, naguère,


Dans un clair jardin empli de soleil;
Maintenant, tu dis: «Jouons à la guerre!»
L’héroïque histoire hante ton sommeil.

Tu t’en vas gaiement creuser des tranchées,


Et tu veux quand même être commandant;
Tu rêves d’avoir des croix attachées
Sur ton jeune cœur, sur ton cœur ardent.

Soudain, je te vois bondir sur le sable,


Peut-être vas-tu diriger l’assaut?
Ton sabre en fer-blanc a l’air redoutable,
Qu’est donc devenu ton humble cerceau?

Ô mon fils, ô toi ma belle espérance,


Puisque si joyeux tu cours aux combats,
Comprends la leçon des enfants de France,
Sache ressembler à ces fiers soldats,

Prends tout leur orgueil, prends tout leur courage


Regarde-les vivre, et surtout mourir,
Et, comme eux, toujours, au fort de l’orage,
Songe que l’honneur ne doit pas faillir.

Comprends qu’ils ont dit un adieu suprême


À ce qu’ils aimaient, eux, jeunes et beaux;
Et qu’un jour, plus tard, au fond de toi-même,
Tu sentes vibrer l’âme des Héros!25

25
Faubert, Ida: Anthologie secrète, Mémoire d’encrier, Canada, 2007. [Faubert,
Ida: Cœur des îles, préface de Jean Vignaud, Éditions René Debresse, Prix
Jacques-Normand, Paris, 1939].
198
A mi hijo

Aún tambaleándote corrías, antaño,


En un claro jardín lleno de sol;
Ahora dices : «¡Juguemos a la guerra!»
La historia heroica persigue tu sueño.

Te vas, alegre, a cavar trincheras


Y aún así quieres ser comandante;
Sueñas con cruces colgadas
En tu joven corazón, tu corazón ardiente.

De pronto, te veo saltar en la arena,


¿Quizás vayas a dirigir el ataque?
Tu sable de hierro blanco parece temible,
¿Qué le sucedió a tu humilde aro?

Oh hijo mío, oh tú mi bella esperanza,


Ya que tan alegre te vas al combate,
Entiende la lección de los hijos de Francia,
Aseméjate a aquellos altivos soldados,

Lleva todo su orgullo, lleva todo su valor,


Míralos vivir, y sobre todo morir,
Y, como ellos, siempre, en el ojo de la tormenta,
Cuida que el honor no amaine.

Entiende que han dicho un adiós supremo


A lo que amaban, ellos, tan jóvenes y hermosos;
Y que un día, más tarde, en lo más hondo de tu ser,
¡Sientas vibrar el alma de los Héroes!

Traducción de Prisca Agustoni y Yasmina Tippenhauer.

199
Frédéric BURR-REYNAUD (1884-1946)

Haïti
Sonnet liminaire

Placée en avant-garde au seuil de l’Amérique,


Émeraude des mers au rivage enchanté,
Tu reçus sur tes bords le Génois tourmenté
Du grand monde promis à l’occident féérique.

Mais tu fus faite esclave à l’égal de l’Afrique.


Le vainqueur sans remords ravit ta liberté
Et de tes bruns enfants, sur ton sol exploité,
Fit un blême troupeau que fustigeait la trique.

Or, trois siècles plus tard, ton cœur fut soulevé


Par le souffle fécond qui balayait la France;
Tu sus rompre tes fers, abolir ta souffrance

Et, portant sur ton front le grand espoir rêvé,


Comme un nimbe vermeil dont la splendeur attire,
Au monde proposer ta beauté de martyre.26

26
Burr-Reynaud, Frédéric: Poèmes quisqueyens. Époque indienne, Collection
haïtienne des éditions de La Revue Mondiale, Paris, 1926.
200
Frédéric BURR-REYNAUD (1884-1946)

Haití
Soneto liminar

Ínsula asentada en el gran umbral americano,


Esmeralda de los mares de encantado litoral,
Recibiste en tu orilla al marinero italiano
Que prometió un Nuevo Mundo al asombro occidental.

Pero también como África tu suelo fue esclavizado.


El vencedor sin reparo se robó tu libertad
Y de tus hijos morenos, sobre tu suelo explotado,
Hizo un pálido rebaño: garrote, azote, maldad.

Pero tres siglos más tarde tu pecho se sublevó


Por el aliento fecundo que soplaba desde Francia;
Supiste romper cadenas, abolir tu negra angina

Y tu belleza inmolada al mundo se le ofreció


La gran esperanza negra, soñada en tu frente rancia,
Como diadema dorada cuyo esplendor aún fascina.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.


Adaptación versificada de Alexis Díaz-Pimienta.

201
Douce existence

Ils aiment les chansons, les danses et les fêtes;


Insouciants et gais, le corps peint de rocou,
Ils arrosent leurs jeux puérils d’ouycou
Dont les canaris frais débordent à leurs faîtes.

Les femmes vont, de grâce et de beauté parfaites,


Portant de lourds joyaux à leurs bras, à leur cou,
Tandis que les Zémès, guidés par Savacou,
Dispensent le bonheur par la voix des prophètes.

Et l’Areyto décrit la faveur d’exister,


La vertu de jouir, la volupté de vivre
Dans l’égale douceur de ce climat comme ivre.

De prodiguer ses dons à ses fils sans compter


Et qui, même en la mort qui ferme leur paupière,
Sait mettre le reflet divin de la lumière.27

27
Burr-Reynaud, Frédéric: Poèmes quisqueyens. Époque indienne, Collection
haïtienne des éditions de La Revue Mondiale, Paris, 1926.
202
Dulce existencia

Les gustan las canciones, los bailes, las fiestas;


Confiados, alegres, de rojo pintados,
Sus juegos pueriles con licor son rociados
Desde jarras felices, desbordadas y frescas.

Mujeres de gracia y belleza perfectas,


Sus brazos y cuellos llevan siempre enjoyados,
Mientras los Zémès por Savacou guiados,
Reparten la dicha con voz de profetas.

Y el Areito cuenta el don de existir,


La virtud de gozar, el placer de vivir
En este clima tibio, borracho de azul.

En la entrega infinita del don a sus vástagos


Que hasta ante la muerte que cierra sus párpados,
Se impone el divino reflejo de la luz.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.


Adaptación versificada de Alexis Díaz-Pimienta.

203
INDIGÉNISME, SURRÉALISME
ET RÉVOLTE

INDIGENISMO, SURREALISMO
Y REBELDÍA
Carl BROUARD (1902-1965)

Le tam-tam angoissé

Il est ridicule de jouer de la flûte


dans un pays où l’instrument
national est le puissant assôtor.28

28
Brouard, Carl: Pages retrouvées. Œuvres en prose et en vers, Éditions Panorama,
Port-au-Prince, 1963. [Brouard, Carl: Écrits sur du ruban rose, Compte d’auteur,
Imprimerie Modèle, Port-au-Prince, 1927].
206
Carl BROUARD (1902-1965)

El tam-tam angustiado

Es ridículo tocar flauta


en un país donde el instrumento
nacional es el poderoso assotor.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

207
Nous

Nous,
les extravagants, les bohèmes, les fous.
Nous
qui aimons les filles,
les liqueurs fortes,
la nudité mouvante des tables
où s’érige, phallus,
le cornet à dés.
Nous
les écorchés de la vie, les poètes.
Nous
qui aimons tout,
tout;
l’église,
la taverne,
l’antique,
le moderne,
la théosophie,
le cubisme.
Nous
aux cœurs
puissants comme des moteurs
qui aimons
les combats de coqs
les soirs élégiaques,
le vrombissement des abeilles
dans les matins d’or,
la mélodie sauvage du tam-tam,
l’harmonie rauque des klaxons,
la nostalgie des banjos.
Nous,
les fous, les poètes,
nous
qui écrivons nos vers les plus tendres dans des bouges
et qui lisons l’Imitation dans les dancings.
208
Nosotros

Nosotros,
los extravagantes, los bohemios, los locos.
Nosotros
los que amamos a las muchachas,
los licores fuertes,
la desnudez movediza de las mesas
donde se yergue, falo,
el cubilete de dados.
Nosotros
los mutilados de la vida, los poetas.
Nosotros
que lo amamos todo,
todo;
la iglesia,
la taberna,
lo antiguo,
lo moderno,
la teosofía,
el cubismo.
Nosotros
de corazones
poderosos como motores
que amamos
las peleas de gallos
las veladas elegíacas,
el zumbido de las abejas
en las mañana doradas,
la melodía salvaje del tam-tam,
la armonía ronca de las bocinas,
la nostalgia de los banjos.
Nosotros,
los locos, los poetas,
nosotros
que escribimos nuestros versos más tiernos en tugurios
y que leemos la Imitación en los dancings.
209
Nous
qui n’apportons point la paix,
mais le poignard triste
de notre plume
et l’encre rouge de notre cœur!29

29
Brouard, Carl: Pages retrouvées. Œuvres en prose et en vers, Éditions Panorama,
Port-au-Prince, 1963. [Brouard, Carl: Écrits sur du ruban rose, Compte d’auteur,
Imprimerie Modèle, Port-au-Prince, 1927].
210
¡Nosotros
que no traemos paz,
sino el puñal triste
de nuestra pluma
y la tinta roja de nuestro corazón!

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

211
Vous

Vous,
les gueux,
les immondes,
les puants:
paysannes qui descendez de nos mornes avec un
gosse dans le ventre,
paysans calleux aux pieds sillonnés de vermines,
putains,
infirmes qui traînez vos puanteurs lourdes de mouches.
Vous
tous de la plèbe,
debout!
pour le grand coup de balai.
Vous êtes les piliers de l’édifice:
ôtez-vous
et tout s’écroule, châteaux de cartes.
Alors, alors,
vous comprendrez que vous êtes une grande vague
qui s’ignore.
Oh! vague,
assemblez-vous,
bouillonnez,
mugissez,
et que sous votre linceul d’écumes,
il ne subsiste plus rien,
rien
que du bien propre
du bien lavé,
du blanchi jusqu’aux os.30

30
Brouard, Carl: Pages retrouvées. Œuvres en prose et en vers, Éditions Panorama,
Port-au-Prince, 1963. [Brouard, Carl: Écrits sur du ruban rose, Compte d’auteur,
Imprimerie Modèle, Port-au-Prince, 1927].
212
Ustedes

Ustedes,
los pordioseros,
los inmundos,
los malolientes:
campesinas que bajan de nuestros montes con un
retoño en el vientre,
campesinos callosos con pies surcados de gusanos,
putas,
inválidos que arrastran sus pestilencias llenas de moscas.
Ustedes
todos de la plebe,
¡arriba!
para la gran barrida.
Ustedes son el pilar del edificio:
muévanse
y todo se derrumba, castillo de naipes.
Pues, sí,
ustedes comprenderán que son una gran ola
que se ignora.
¡Sí! ola,
júntense,
burbujeen,
bramen,
y que bajo su mortaja de espumas,
no subsista nada más,
nada
más que pureza
impecable,
blanqueada hasta los huesos.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

213
Émile ROUMER (1903-1988)

Le Caïman étoilé

– Notre empire yankee, gloire des races blanches


s’étend contre un rebut, Cubains, Haïtiens;
au droit du Psaume II, l’archipel nous revient,
fait avéré depuis l’école du dimanche.

Les nègres, sans travail, ont du pain sur la planche,


les arbres de l’Éden fleurissent pour ces chiens
qui sans nos vols armés regorgeraient de biens.
Pour laver ça, comme nous fîmes des Comanches,

quel scélérat trouvera-t-il un mal secret? –


Et les pasteurs, pour que leurs fils soient à l’engrais
rêvent de seins flapis et de ventres stériles.

L’indigène est en proie aux monstres en kaki


quand s’élève, la nuit, au cauchemar des îles,
l’affreux glapissement du caïman yanki!31

31
Roumer, Émile: Le Caïman étoilé, Éditions Panorama, Port-au-Prince, 1963.
214
Émile ROUMER (1903-1988)

El Caimán estrellado

–Nuestro imperio yanqui, gloria de las razas blancas


se extiende como un desecho, cubanos, haitianos;
por derecho del Salmo II, el archipiélago es nuestro,
hecho comprobado desde la escuela bíblica dominical.

A los negros, sin trabajo, mucho quehacer les queda,


pues los árboles del Edén florecen para esos perros
que sin nuestros robos a mano armada abundarían en bienes.
Para limpiarlo, así como hicimos con los Comanches,

¿qué malhechor encontrará un mal secreto?–


Y los pastores, para que sus hijos estén a sus anchas
sueñan con senos flácidos y estériles vientres.

El indígena es presa de los hombres de caqui


cuando se alza, en la noche, cual pesadilla de las islas,
¡el horrendo gruñido del caimán yanqui!

Traducción de Dolores Phillipps-López.

215
Conversion d’indigènes dans la famine
du cyclone Hazel

au chanoine Kir
député-maire de Dijon

Vingt mille nègres morts de faim et de débine


permirent aux yankis de tendre leurs collets
avec œufs aux jambons, tournedos, faux-filets
et des plats bien garnis passés sous les trombines.

– Voici du bœuf salé fin prêt pour la cuisine,


morue et saucisson, huile de beurre et lait,
un aloyau de porc qui doit fondre au palais,
ah! donnez-moi votre âme ou vous crevez de famine –

Ainsi l’église agit aux dons not to be sold


Quand le Pape, en morceaux, on vous le sert ice cold,
(La Vierge des Douleurs, qu’elle s’en aille paître)

une église qui n’a, dans ses bonnes saisons,


qu’un ramassis d’escrocs, de jean-foutres, de traîtres
et pour roc à bâtir qu’un fonds de salaisons!32

32
Roumer, Émile: Le Caïman étoilé, Éditions Panorama, Port-au-Prince, 1963.
216
Conversión de indígenas en la hambruna
del huracán Hazel

al canónigo Kir
diputado-alcalde de Dijon

Veinte mil negros muertos de hambre y miseria


permitieron a los yanquis enlazar a sus presas
con huevos revueltos, filetes, lomos
y platos bien guarnecidos pasados por sus narices.

–Aquí tienen carne de res salada lista para cocinar,


bacalao y salchichón, aceite de manteca y leche,
un solomillo de cerdo que debe deshacerse en la boca,
¡ah! deme su alma o muérase de hambre–

Así actúa la iglesia con dádivas not to be sold


Cuando al Papa, troceado, se os sirve ice cold,
(La Virgen de los Dolores, que se vaya a tomar viento)

una iglesia que no tiene, en sus mejores tiempos,


más que una caterva de estafadores, pendejos, traidores
y como roca para sus cimientos ¡nada más que aderezos!

Traducción de Dolores Phillipps-López.

217
Merci quand même

Vous avez ravagé fruits, lambourdes et fleurs


depuis noix, corossols jusqu’aux oranges aigres;
tandis qu’en vos jardins rose, œillet, staphysaigre
charment les yeux, merci pour la tonte, coiffeurs!

Merci pour les dollars dont nous sentons l’odeur


mais qu’au léger de main vos poches réintègrent,
en quarante cinq ans l’esclavage des nègres
vous a donné profits et plaisirs sans douleurs.

Merci pour notre sol ravagé, les compères


qui pour notre bonheur s’emparent de nos terres,
merci pour votre usure, effroyables békés.

Merci pour nos enfants déguenillés et blêmes,


merci pour tous ces maux et quand vous extorquez
le montant de vos prêts, merci, merci quand même!33

33
Roumer, Émile: Le Caïman étoilé, Éditions Panorama, Port-au-Prince, 1963.
218
Pese a todo, Gracias

Han destrozado frutas, capullos y flores


desde nueces, guanábanas hasta naranjas agrias;
mientras en sus jardines rosa, clavel, estafisagria
los ojos encantan, ¡gracias por el corte, peluqueros!

Gracias por los dólares cuyo olor husmeamos


Mas que por hábil gesto sus bolsillos reintegran,
en cuarenta y cinco años la esclavitud de los negros
les ha dado ganancias y placeres indoloros.

Gracias por nuestro suelo devastado, compadres


que por nuestra felicidad incautan nuestras tierras,
gracias por la usura suya, espantosos criollos békés.

Gracias por nuestros hijos andrajosos y pálidos,


gracias por los muchos males y al extorsionar
el importe de sus préstamos, gracias, pese a todo ¡gracias!

Traducción de Dolores Phillipps-López.

219
Jacques ROUMAIN (1907-1944)

Bois d’ébène

Prélude

Si l’été est pluvieux et morne


si le ciel voile l’étang d’une paupière de nuage
si la palme se dénoue en haillons
si les arbres sont d’orgueil et noirs dans le vent et la brume
Si le vent rabat vers la savane un lambeau de chant funèbre
si l’ombre s’accroupit autour du foyer éteint
Si une voilure d’ailes sauvages emporte l’île vers les naufrages
si le crépuscule noie l’envol déchiré d’un dernier mouchoir
et si le cri blesse l’oiseau
tu partiras
abandonnant ton village
Sa lagune et ses raisiniers amers
la trace de tes pas dans ses sables
le reflet d’un songe au fond du puits
et la vieille tour attachée au tournant du chemin
comme un chien fidèle au bout de sa laisse
et qui aboie dans le soir
un appel fêlé dans les herbages…

Nègre colporteur de révolte


tu connais tous les chemins du monde
depuis que tu fus vendu en Guinée
une lumière chavirée t’appelle
une pirogue livide
échouée dans la suie d’un ciel de faubourg
Cheminées d’usines
palmistes décapités d’un feuillage de fumée
délivrent une signature véhémente

220
Jacques ROUMAIN (1907-1944)

Madera de ébano

Preludio

Si el verano es lluvioso y triste


si el cielo vela el estanque con un párpado de nube
si la palmera se deshace en harapos
si los árboles son de orgullo y negros en el viento y la bruma
si el viento rechaza hacia la sabana un fragmento de canto fúnebre
si la sombra se acurruca junto al hogar apagado
si un velamen de alas salvajes se lleva a la isla hacia los naufragios
si el crepúsculo ahoga el vuelo desgarrado de un último pañuelo
y si el grito hiere al pájaro
partirás
abandonando tu aldea
su laguna y sus viñedos amargos
la huella de tus pasos en sus arenas
el reflejo de un sueño en el fondo del pozo
y la vetusta torre atada al recodo del camino
como un perro fiel al extremo de su correa
y que ladra por la noche
una llamada rota en los pastos…

Negro buhonero de rebelión


conoces todos los caminos del mundo
desde que fuiste vendido en la Guinea
una luz zozobrada te llama
una piragua lívida
encallada en el hollín de un cielo de suburbio
Chimeneas de fábricas
palmeras decapitadas de un follaje de humo
entregan una firma vehemente

221
La sirène ouvre ses vannes
du pressoir des fonderies coule un vin de haine
une houle d’épaules l’écume des cris
et se répand par les ruelles
et fermente en silence
dans les taudis cuves d’émeute

Voici pour ta voix un écho de chair et sang


noir messager d’espoir
car tu connais tous les chants du monde
depuis ceux des chantiers immémoriaux du Nil.
Tu te souviens de chaque mot le poids des pierres d’Égypte
et l’élan de ta misère a dressé les colonnes des temples
Comme un sanglot de sève la tige des roseaux
Cortège titubant ivre de mirages
Sur la piste des caravanes d’esclaves
élèvent
maigres branchages d’ombres enchaînés de soleil
des bras implorants vers nos dieux
Mandingue Arada Bambara Ibo
gémissant un chant qu’étranglaient les carcans
(et quand nous arrivâmes à la côte
Mandingue Bambara Ibo
quand nous arrivâmes à la côte
Bambara Ibo
il ne restait de nous
Bambara Ibo
qu’une poignée de grains épars
dans la main du semeur de mort)
ce même chant repris aujourd’hui au Congo
mais quand donc ô mon peuple
les hivers34 en flamme dispersant un orage
d’oiseaux de cendre
reconnaîtrai-je la révolte de tes mains?
34
Roumain emploie ici le mot «hivée» inexistant en français. Hoffmann, l’éditeur
de ses œuvres complètes, suggère qu’il s’agit d’une erreur et que le poète a
voulu écrire «les hivers». C’est ainsi que ce mot a été traduit en espagnol, par
A. Bartra.
222
La sirena abre sus válvulas
del lagar de las fundiciones fluye un vino de odio
una ola de hombros la espuma de los gritos
y se esparce por las callejas
y fermenta en silencio
en los tugurios cubas de motín

Esto es para tu voz un eco de carne y de sangre


negro mensaje de esperanza
porque conoces todos los cantos del mundo
desde los de los canteros inmemoriales del Nilo.
Recuerdas cada palabra el peso de las piedras de Egipto
y el impulso de tu miseria ha levantado las columnas de los templos
como un sollozo de savia el tallo de las cañas
Cortejo titubeante embriagado de espejismos
En la pista de las caravanas de esclavos
elevan delgados ramajes de sombras encadenadas de sol
brazos implorando a los dioses

Mandingas Arada Bambara Ibo


gimiendo un canto que estrangulaban las argollas
(y cuando llegamos a la costa
Mandingas Bambara Ibo
cuando llegamos a la costa
Bambara Ibo
no quedaba de nosotros
Bambara Ibo
más que un puñado de gramos esparcidos
en la mano del sembrador de muerte)
este mismo canto reanudado en el Congo
pero cuando pues oh pueblo mío
los inviernos11 en llamas dispersen una tempestad
de aves de ceniza
¿reconoceré la rebelión de tus manos?
11
Roumain escribió aquí la palabra «hivée» inexistente en francés. Hoffmann, el
editor de sus obras completas sugiere que se trata de un error y que el poeta
quiso escribir «les hivers», «los inviernos». Así fue traducida esta palabra al
español, por A. Bartra.
223
et que j’écoutai aux Antilles
car ce chant négresse
qui t’enseigna négresse ce chant d’immense peine
négresse des îles négresse des plantations
cette plainte désolée

Comme dans la conque le souffle oppressé des mers

Mais je sais aussi un silence


un silence de vingt-cinq mille cadavres nègres
de vingt-cinq mille traverses de Bois-d’Ébène

Sur les rails du Congo-Océan


mais Je sais
des suaires de silence aux branches des cyprès
des pétales de noirs caillots aux ronces
de ce bois où fut lynché mon frère de Géorgie
et berger d’Abyssinie

quelle épouvante te fit berger d’Abyssinie


ce masque de silence minéral

quelle rosée infame de tes brebis un troupeau de marbre


dans les pâturages de la mort

Non il n’est de cangue ni de lierre pour l’étouffer


de geôle de tombeau pour l’enfermer
d’éloquence pour le travestir des verroteries du mensonge
le silence
plus déchirant qu’un simoun de sagaies
plus rugissant qu’un cyclone de fauves
et qui hurle
s’élève
appelle
vengeance et châtiment
un raz marée de pus et de la lave
sur la félonie du monde

224
y que yo escuchaba en las Antillas
porque este canto negra
quién te enseñó negra este canto de inmensa pena
negra de las Islas negra de las plantaciones
esta desolada queja

Como en la concha el soplo oprimido del mar

Pero yo sé también de un silencio


un silencio de veinticinco mil cadáveres negros
de veinticinco mil traviesas de Madera de Ébano

Sobre los rieles de Congo Océano


pero yo sé
de los sudarios de silencio en las ramas de los cipreses
de los pétalos de negros coágulos en las zarzas
de ese bosque donde fue linchado mi hermano de Georgia
y pastor de Abisinia

qué espanto te hizo pastor de Abisinia


esa máscara de silencio mineral

qué rocío infame convirtió a tus ovejas en un rebaño de mármol


en los pastos de la muerte

No no hay canga ni hiedra para ahogarlo


ni cárcel ni tumba para encerrarlo
ni elocuencia para disfrazarlo con los abalorios de la mentira
el silencio
más desgarrador que un simún de azagayas
más rugidor que un ciclón de fieras
y que aúlla
se eleva
convoca venganza y castigo
una oleada de pus y de lava
sobre la felonía del mundo

225
et le tympan du ciel crevé sous le poing
de la justice

Afrique j’ai gardé ta mémoire Afrique


tu es en moi

Comme l’écharde dans la blessure


Comme un fétiche tutélaire au centre du village
fais de moi la pierre de ta fronde
de ma bouche les lèvres de ta plaie
de mes genoux les colonnes brisées de ton abaissement…

POURTANT

je ne veux être que de votre race


ouvriers paysans de tous les pays
ce qui nous sépare
les climats l’étendue l’espace
les mers
un peu de mousse de voiliers dans un baquet d’indigo
une lessive de nuages séchant sur l’horizon
ici des chaumes un impur marigot
là des steppes tondues aux ciseaux de gel
Des alpages
la rêverie d’une prairie bercée de peupliers
le collier d’une rivière à la gorge d’une colline
le pouls des fabriques martelant la fièvre des étés
D’autres plages d’autres jungles
l’assemblée des montagnes
habitée de la haute pensée des éperviers
d’autres villages
est-ce tout cela climat étendue espace
qui crée le clan la tribu la nation
la peau la race et les dieux
notre dissemblance inexorable?

226
y el tímpano del cielo reventado bajo el puño
de la justicia

África he conservado tu recuerdo África


tú estás en mí

Como la astilla en la herida


Como un fetiche tutelar en el centro de la aldea
haz de mí la piedra de tu honda
de mi boca los labios de tu llaga
de mis rodillas las columnas rotas de tu hundimiento…

SIN EMBARGO

Solo quiero ser de vuestra raza


obreros campesinos de todos los países
lo que nos separa
los climas la extensión del espacio
los mares
un poco de espuma veleros en un balde de índigo
una colada de nubes secándose en el horizonte
aquí chozas un inmenso brazo de río
allá estepas esquiladas con tijeras de hielo
Pastos de altura
los sueños de una pradera acunada por álamos
el collar de un río en la garganta de una colina
el pulso de las fábricas martillando la fiebre de los veranos
Otras playas otras selvas
la asamblea de las montañas
habitada por el alto pensamiento de los milanos
otras aldeas
es todo esto clima extensión espacio
¿quién crea el clan la tribu la nación
la piel la raza y los dioses
nuestra desemejanza inexorable?

227
Et la mine
et l’usine
les moissons arrachées à notre faim
notre commune indignité
notre servage sous tous les cieux invariable?

Mineur des Asturies mineur nègre de Johannesburg métallo


de Krupp dur paysan de Castille vigneron de Sicile paria
/ des Indes

(je franchis ton seuil – réprouvé


je prends ta main dans ma main – intouchable)

garde rouge de la Chine soviétique ouvrier allemand de la


prison de Moabit indio des Amériques
Nous rebâtirons
Copan
Palenque
et les Tiahuanacos socialistes
Ouvrier blanc de Detroit péon noir d’Alabama
peuple innombrable des galères capitalistes
le destin nous dresse épaule contre épaule
et reniant l’antique maléfice des tabous du sang
nous foulons les décombres de nos solitudes

Si le torrent est frontière


nous arracherons au ravin sa chevelure
intarissable
si la sierra est frontière
nous briserons la mâchoire des volcans
affirmant les cordillères
et la plaine sera l’esplanade d’aurore
où rassembler nos forces écartelées
par la ruse de nos maîtres

228
¿Y la mina
y la fábrica
las cosechas arrancadas a nuestra hambre
nuestra común indignidad
nuestra servidumbre invariable bajo todos los cielos?

Minero de Asturias minero negro de Johannesburgo metalúrgico


de Krupp duro campesino de Castilla viñador de Sicilia paria
/ de las Indias

(traspongo tu umbral –réprobo


mi mano toma la tuya –intocable)

guardia roja de la China soviética obrero alemán


de la prisión de Moabit indio de las Américas
Volveremos a construir
Copán
Palenque
y los Tiahuanacos socialistas
obrero blanco de Detroit peón negro de Alabama
pueblo innumerable de las galeras capitalistas
el destino nos pone hombro con hombro
y renegando del antiguo maleficio de los tabúes de la sangre
hollamos los escombros de nuestras soledades

Si el torrente es frontera
arrancaremos al barranco su cabellera
inagotable
si la sierra es frontera
quebraremos la mandíbula de los volcanes
afirmando las cordilleras
y la llanura será la explanada de la aurora
donde reunir nuestras fuerzas separadas
por la astucia de nuestros amos

229
Comme la contradiction des traits
se résout en l’harmonie du visage
nous proclamons l’unité de la souffrance
et de la révolte
de tous les peuples sur toute la surface de la terre

et nous brassons le mortier des temps fraternels


dans la poussière des idoles.35

Bruxelles, juin 1939.

35
Roumain, Jacques: Œuvres complètes, édition critique de Léon-François
Hoffmann, colección Archivos, ALLCA XX / Ediciones UNESCO, Madrid,
2003. [Roumain, Jacques: Bois d’ébène, poèmes, Imprimerie Henri Deschamps,
Port-au-Prince, 1945]. La disposition des vers dans la version traduite diffère
de celle du poème original.
230
Como la contradicción de los rasgos
se resuelve en la armonía del rostro
proclamamos la unidad del sufrimiento
y de la rebelión
de todos los pueblos sobre la faz de la tierra

y mezclamos el mortero de los tiempos fraternales


con el polvo de los ídolos.12

Bruselas, junio 1939.

Traducción de Agustí Bartra.

12
Tomado de Mónica Mansour: Identidades. Poesía negra de América. Antología,
Editorial Arte y Literatura, La Habana, 2011. La disposición de los versos en
la versión traducida difiere del poema original.
231
Sales nègres
(extraits)

Et bien voilà:
nous autres
les nègres
les niggers
les sales nègres
nous n’acceptons plus
c’est simple
fini
d’être en Afrique
en Amérique
vos nègres
vos niggers
vos sales nègres
nous n’acceptons plus
ça vous étonne
de dire: oui missié
en cirant vos bottes
oui mon pé
aux missionnaires blancs
oui maître
en récoltant pour vous
la canne à sucre
le café
le coton
l’arachide
en Afrique
en Amérique
en bons nègres
en pauvres nègres
en sales nègres
que nous étions
que nous ne serons plus
Fini vous verrez bien
232
Malditos negros
(fragmentos)

Pues bien he aquí


nosotros
los negros
los niggers
los malditos negros
no aceptamos más
es simple
se acabó
ser en África
en América
sus negros
sus niggers
sus malditos negros
no aceptamos más
esto los sorprende
decir: oui missié
lustrando sus botas
oui mon pé
a los misioneros blancos
oui maître
cosechando para ustedes
la caña de azúcar
el café
el algodón
el maní
en África
en América
como negros buenos
como pobres negros
como malditos negros
que éramos
que ya no seremos
Se acabó ya lo verán
233
nos yes Sir
oui blanc
si Señor
et
garde à vous, tirailleur
oui, mon Commandant,
quand on nous donnera l’ordre
de mitrailler nos frères Arabes
en Syrie
en Tunisie
au Maroc
et nos camarades blancs grévistes
crevant de faim
opprimés
spoliés
méprisés comme nous
les nègres
les niggers
les sales nègres
Surprise
quand l’orchestre dans vos boîtes
à rumbas et à blues
vous jouera tout autre chose
que n’attendait la putainerie blasée
de vos gigolos et salopes endiamantées
pour qui un nègre
n’est qu’un instrument
à chanter, n’est-ce pas,
à danser, of course
à forniquer naturlich
rien qu’une denrée
à acheter à vendre
sur le marché du plaisir
rien qu’un nègre
un nigger
un sale nègre
Surprise

234
nuestros yes Sir
oui blanc
sí Señor
y
atención, firme, soldado
sí, mi Comandante,
cuando nos den la orden
de ametrallar a nuestros hermanos árabes
en Siria
en Túnez
en Marruecos
y nuestros camaradas blancos huelguistas
muriendo de hambre
oprimidos
despojados
menospreciados como nosotros
los negros
los niggers
los malditos negros
Sorpresa
cuando la orquesta en vuestros dancings
de rumba y de blues
les toque algo tan distinto
que no esperaba el puterío hastiado
de vuestros gigolos y zorras endiamantadas
para quienes un negro
no es más que un instrumento
para cantar, claro,
bailar, of course
fornicar naturlich
no es más que una mercancía
para comprar para vender
en el mercado del placer
no es más que un negro
un nigger
un maldito negro
Sorpresa

235
jesusmariejoseph
surprise
quand nous attraperons
en riant effroyablement
le missionnaire par la barbe
pour lui apprendre à notre tour
à coups de pieds au cul
que
nos ancêtres
ne sont pas
des Gaulois
que nous nous foutons
d’un Dieu qui
s’il est le Père
eh bien alors c’est que nous autres
les nègres
les niggers
les sales nègres
faut croire que nous ne sommes que ses bâtards
et inutile de gueuler
jesusmariejoseph
comme une vieille outre de mensonges débondée
il faut bien
que nous t’apprenions
ce qu’il coûte en définitive
de nous prêcher à coup de chicote et de confiteors
l’humilité
la résignation
à notre sort maudit
de nègres
de niggers
de sales nègres
[…]
Trop tard
jusqu’au cœur des jungles infernales
retentira précipité le terrible bégaiement
télégraphique des tam-tams répétant infatigables

236
jesúsmaríajosé
sorpresa
cuando agarremos
riendo a carcajadas
al misionero por la barba
para enseñarle a nuestra vez
a patadas en el culo
que
nuestros ancestros
no son
galos
que nos vale madre
un Dios que
si es el Padre
pues entonces es que nosotros
los negros
los niggers
los malditos negros
parece que no somos más que sus bastardos
y es inútil gritar
jesúsmaríajosé
como un odre repleto de mentiras
tenemos
que enseñarte
lo que cuesta en definitiva
sermonearnos a latigazo limpio y mea culpa
la humildad
la resignación
a nuestra suerte maldita
de negros
de niggers
de malditos negros
[...]
Demasiado tarde
hasta el corazón de las selvas infernales
repercutirá retumbante el terrible tartamudeo
telegráfico de los tam-tams repitiendo incansables

237
répétant
que les nègres
n’acceptent plus
n’acceptent plus
d’être vos niggers
vos sales nègres
trop tard
car nous aurons surgi
des cavernes de voleurs des mines d’or du Congo
et du Sud-Afrique
trop tard il sera trop tard
pour empêcher dans les cotonneries de Louisiane
dans les Centrales sucrières des Antilles
la récolte de vengeance
des nègres
des niggers
des sales nègres
il sera trop tard je vous dis
car jusqu’aux tam-tams auront appris le langage
de l’Internationale
car nous aurons choisi notre jour
le jour des sales nègres
des sales indiens
des sales hindous
des sales indo-chinois
des sales arabes
des sales malais
des sales juifs
des sales prolétaires
Et nous voici debout
Tous les damnés de la terre
tous les justiciers
marchant à l’assaut de vos casernes
et de vos banques
comme une forêt de torches funèbres
pour en finir

238
repitiendo
que los negros
no aceptan más
no aceptan más
ser vuestros niggers
sus malditos negros
demasiado tarde
pues habremos surgido
de las cuevas de ladrones de las minas de oro del Congo
y de África del Sur
demasiado tarde será demasiado tarde
para impedir en los algodonales de Luisiana
en los Ingenios azucareros de las Antillas
la cosecha de venganza
de los negros
de los niggers
de los malditos negros
será demasiado tarde lo repito
pues hasta los tam-tams habrán aprendido el lenguaje
de la Internacional
pues nosotros habremos escogido nuestro día
el día de los malditos negros
de los malditos indios
de los malditos hindúes
de los malditos indochinos
de los malditos árabes
de los malditos malayos
de los malditos judíos
de los malditos proletarios
Y henos aquí de pie
Todos los parias de la tierra
todos los justicieros
marchando al asalto de sus cuarteles
y de sus bancos
como un bosque de antorchas fúnebres
para acabar

239
une
fois
pour
toutes
avec ce monde
de nègres
de niggers
de sales nègres36

36
Roumain, Jacques: Œuvres complètes, édition critique de Léon-François Hoff-
mann, colección Archivos, ALLCA XX / Ediciones UNESCO, Madrid, 2003.
[Roumain, Jacques: Bois d’ébène, poèmes, Imprimerie Henri Deschamps, Port-au-
Prince, 1945]. Poema escrito hacia 1941, según la edición de sus Œuvres
complètes.
240
de una
vez
por
todas
con este mundo
de negros
de niggers
de malditos negros

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

241
Jean-Fernand BRIERRE (1909-1992)

Black Soul

Je vous ai rencontré dans les ascenseurs


à Paris.
Vous vous disiez du Sénégal ou des Antilles.
Et les mers traversées écumaient à vos dents,
hantaient votre sourire,
chantaient dans votre voix comme au creux des rochers.
Dans le plein jour des Champs-Élysées
je croisais brusquement vos visages tragiques.
Vos masques attestaient des douleurs centenaires.
À la Boule-Blanche
où sous les couleurs de Montmartre,
votre voix,
votre souffle,
tout votre être suintait la joie.
Vous étiez la musique et vous étiez la danse.
Mais persistait aux commissures de vos lèvres,
se déployait aux contorsions de votre corps
le serpent noir de la douleur.

À bord des paquebots nous nous sommes parlé.


Vous connaissiez les maisons closes du monde entier,
saviez faire l’amour dans toutes les langues.
Toutes les races avaient pâmé
dans la puissance de vos étreintes.
Et vous ne refusiez la cocaïne ni l’opium
que pour essayer d’endormir
au fond de votre chair la trace de lanières,
le geste humilié qui brise le genou,

242
Jean-Fernand BRIERRE (1909-1992)

Black Soul

Los encontraba en los elevadores


de París
Decían venir del Senegal o las Antillas.
Y el mar navegado espumaba en su boca,
visitaba su risa,
cantaba en su voz como en el hueco de las rocas.
En pleno día en los Campos Elíseos
yo cruzaba de pronto sus rostros de tragedia.
Sus máscaras repletas de penas centenarias.
En la Boule-Blanche
o entre el color de Montmartre,
su voz,
su respirar,
todo su ser rezumaba alegría.
Ustedes eran la música y eran la danza,
pero persistía en las comisuras de sus labios,
se desplegaba en las contorsiones de sus cuerpos
la serpiente negra del dolor.

A bordo de los barcos nos hablamos.


Conocías13 los burdeles del mundo entero,
sabías hacer el amor en todos los idiomas.
Todas las razas habían desfallecido
en la potencia de tus abrazos.
Y no rechazabas la cocaína ni el opio
intentando adormecer
en el fondo de la carne la marca de las correas,
el gesto humillado que quiebra la rodilla

13
Aquí el traductor pasa a la segunda persona del singular, cuando Brierre emplea
el «vous» de cortesía, que corresponde a «Usted»; y usa el «tú» solamente en
tres ocasiones al final de su poema.
243
et, dans votre cœur,
le vertige de la souffrance sans paroles.
Vous sortiez de la cuisine
et jetiez un grand rire à la mer
comme une offrande perlée.
Mais quand le paquebot vibrait
de rires opulents et de joies luxueuses,
l’épaule lourde encor du faix de la journée,
vous chantiez pour vous seul, dans un coin de l’arrière,
vous aidant de la plainte amère du banjo,
la musique de la solitude et de l’amour.
Vous bâtissiez des oasis
dans la fumée d’un mégot sale
dont le goût a celui de la terre à Cuba.
Vous montriez sa route dans la nuit
à quelque mouette transie
égarée dans l’épais brouillard
et écoutiez, les yeux mouillés,
son dernier adieu triste
sur le quai des ténèbres.

Tantôt vous vous dressiez, dieu de bronze à la proue


des poussières de lune aux diamants des yeux,
et votre rêve atterrissait dans les étoiles.

Cinq siècles vous ont vu les armes à la main


et vous avez appris aux races exploitantes
la passion de la liberté.
À Saint-Domingue
vous jalonniez de suicidés
et paviez de pierres anonymes
le sentier tortueux qui s’ouvrit un matin
sur la voie triomphale de l’indépendance.
Et vous avez tenu sur les fonts baptismaux,
étreignant d’une main la torche de Vertières
et de l’autre brisant les fers de l’esclavage,
la naissance à la Liberté

244
y, en tu corazón,
el vértigo del sufrimiento sin palabras.
Salías de la cocina
y echabas una gran risa al mar
como una ofrenda perlada.
Pero cuando el barco vibraba
de risas opulentas y lujosas alegrías,
el hombro pesado aún de la dura jornada,
cantabas para ti mismo, en un rincón de allá atrás,
ayudado por la amarga queja del banjo,
la música de la soledad y del amor.
Construías oasis
en el humo de una colilla sucia
que sabía a la tierra de Cuba.
Mostrabas la ruta en la noche
a alguna gaviota aterida
sin rumbo en la espesa niebla,
y escuchabas, los ojos húmedos,
su último adiós triste
sobre el muelle de las tinieblas.

Luego te ponías en pie, dios de bronce en la proa


desde el polvo de la luna hasta los diamantes de los ojos,
y tu sueño aterrizaba en las estrellas.

Cinco siglos te vieron arma en mano


y aprendiste de las razas explotadoras
la pasión de la libertad.
En Santo Domingo
se sucedían los suicidas
y pavimentabas con piedras anónimas
el tortuoso sendero que se abrió una mañana
sobre la vía triunfal de la independencia.
Y llevaste a la pila del bautizo,
en una mano apretando el hachón de Vertières
y con la otra rompiendo los hierros del esclavo,
el nacimiento de la Libertad

245
de toute l’Amérique Espagnole.
Vous avez construit Chicago
en chantant des blues,
bâti les États-Unis
au rythme des spirituals
et votre sang fermente
dans les rouges sillons du drapeau étoilé.
Sortant des ténèbres,
vous sautez sur le ring:
champion du monde,
et frappez à chaque victoire
le gong sonore des revendications de la race.
Au Congo,
en Guinée,
vous vous êtes dressé contre l’impérialisme
et l’avez combattu
avec des tambours,
des airs étranges
où grondait, houle omniprésente,
le chœur de vos haines séculaires.
Vous avez éclairé le monde
à la lumière de vos incendies.
Et aux jours sombres de l’Éthiopie martyre,
vous êtes accouru de tous les coins du monde,
mâchant les mêmes airs amers,
la même rage,
les mêmes cris.
En France,
en Belgique,
en Italie,
en Grèce,
vous avez affronté les dangers et la mort…
Et au jour du triomphe,
après que des soldats
vous eussent chassé avec René Maran
d’un café de Paris,
vous êtes revenu

246
de toda la América española.
Construiste Chicago
cantando blues,
erigiste los Estados Unidos
a ritmo de spirituals
y tu sangre fermenta
en los rojos surcos de la bandera de estrellas.
Saliendo de las tinieblas,
saltas al ring:
campeón del mundo,
y golpeas en cada victoria
el gong sonoro de las reivindicaciones de la raza.
En el Congo,
en Guinea,
te alzaste contra el imperialismo
y lo combatiste
con tambores,
con melodías extrañas
en las que gruñía, muchedumbre omnipresente,
el coro de tus odios seculares.
Iluminaste al mundo
con la luz de tus incendios.
Y en los días sombríos de Etiopía mártir,
acudiste de todos los rincones del mundo,
masticando las mismas melodías amargas,
la misma ira,
los mismos gritos.
En Francia,
en Bélgica,
en Italia,
en Grecia,
afrontaste los peligros y la muerte.
Y el día del triunfo,
cuando los soldados
te corrieron con René Maran
de un café de París,
regresaste

247
sur des bateaux
où l’on vous mesurait déjà la place
et refoulait à la cuisine,
vers vos outils,
votre balai,
votre amertume,
à Paris,
à New York,
à Alger,
au Texas,
derrière les barbelés féroces
de la Mason-Dixon Line
de tous les pays du monde.
On vous a désarmé partout.
Mais peut-on désarmer le cœur d’un homme noir?
Si vous avez remis l’uniforme de guerre,
vous avez bien gardé vos nombreuses blessures
dont les lèvres fermées vous parlent à voix basse.

Vous attendez le prochain appel,


l’inévitable mobilisation,
car votre guerre à vous n’a connu que des trêves,
car il n’est pas de terre où n’ait coulé ton sang,
de langue où ta couleur n’ait été insultée.
Vous souriez, Black Boy,
vous chantez,
vous dansez,
vous bercez les générations
qui montent à toutes les heures
sur les fronts du travail et de la peine,
qui monteront demain à l’assaut des bastilles
vers les bastions de l’avenir
pour écrire dans toutes les langues,
aux pages claires de tous les ciels,
la déclaration de tes droits méconnus
depuis plus de cinq siècles

248
a los barcos
donde ya se te acorralaba
y se te refundía en la cocina,
con tus trastos,
tu escoba,
tu amargura,
en París,
en Nueva York,
en Argelia,
en Texas,
tras las alambradas feroces
de la Mason-Dixon Line
de todos los países del mundo.
Te desarmaron en todas partes.
Pero ¿se puede desarmar el corazón de un negro?
Si devolviste el uniforme guerrero,
guardaste muy bien tus muchas heridas
cuyos labios cerrados te hablan en voz baja.

Esperas el próximo llamado,


la inevitable movilización,
porque tu propia guerra no ha conocido sino treguas,
porque no hay tierra en que no haya corrido tu sangre,
ni lengua en que tu color no se insulte.
Sonríes, Black Boy,
cantas,
bailas,
arrullas las generaciones
que se alzan a toda hora
en el frente del trabajo y de la pena,
que se alzarán mañana al asalto de las bastillas
hacia los bastiones del futuro
para escribir en todas las lenguas,
en las páginas claras de todos los cielos,
la declaración de tus olvidados derechos
desde hace más de cinco siglos,

249
en Guinée,
au Maroc,
au Congo,
partout enfin où vos mains noires
ont laissé aux murs de la Civilisation
des empreintes d’amour, de grâce et de lumière…37

37
Brierre, Jean-Fernand: Black Soul, Editorial Lex, La Habana, 1947. La dispo-
sition des vers dans la version traduite diffère de celle du poème original.
250
en Guinea,
en Marruecos,
en el Congo,
en fin, allí donde tus manos negras
dejaron en los muros de la Civilización
la impronta del amor, de la gracia y de la luz…14

Traducción de Jorge Alberto Manrique.

14
Tomado de Mónica Mansour: Identidades. Poesía negra de América. Antología,
Editorial Arte y Literatura, La Habana, 2011. La disposición de los versos en
la versión traducida difiere del poema original.
251
Robert LATAILLADE (1910-1931)

Noun

Oh Noun! vibrent en moi ce soir des désirs fauves.


J’ai de noirs crissements dans mes sens africains.
Pleine de miasmes la lagune aux vapeurs mauves
Prolonge les échos des bamboulas lointains.
La bacchanale obscène en ma chair sourd, gronde
Ma chair tendue ainsi que la peau d’un bocor…
J’ai des désirs vibrants comme des assôtors…
Pagaie ta croupe, noir boumba; elle a l’immonde
Ricanement dedans mes sens, de mille dieux
Hirsutes ruisselants de sueur et de feux.38

38
Lataillade, Robert: L’urne close, préface de Jean-F. Brierre, Les Éditions des
«Amis de Robert Lataillade», Imprimerie La Presse, Port-au-Prince, 1933.
252
Robert LATAILLADE (1910-1931)

Noun

¡Oh Noun! en mí vibran esta noche deseos salvajes.


Tengo negros rechinamientos en mis sentidos africanos.
Llena de miasmas la laguna de vapores malvas
Prolonga los ecos de lejanos tambores.
La bacanal obscena en mi carne sorda, retumba
Mi carne tensa como la piel de un brujo bocor…
Tengo deseos vibrantes como tambores assotor…
Haz remar tu grupa, negro cayuco; pega la inmunda
Risotada adentro de mis sentidos, de mil dioses
Hirsutos chorreantes de sudor y de fuegos.

Traducción de Dolores Phillipps-López.

253
Le tableau d’Hikato
(Poème nippon)

À Jean Brierre
Car ils sont avant tout les fils de la chimère.
J. RICHEPIN

Las d’avoir longtemps peint de jaunes crépuscules


Qui s’attardent, le soir, au long des bambous fins,
Fatigué de copier des maisons minuscules
Où sur les seuils, parfois, rêvent des mandarins;

Ne trouvant plus parmi la nature figée


Du Japon rabougri que parsèment les nains
Une inspiration qui sur l’art érigée,
Vaincrait l’indifférence âpre des lendemains;

Profondément désenchanté des joliesses,


Des airs rapetissés, des préciosités
Qui parent le Japon aux troublantes caresses;
Ne trouvant nulle part de réelles beautés,

Le vieux peintre Hikato, lentement se consume


Et sent que son génie, en silence, s’éteint
Et s’évapore ainsi que la légère brume
Qui vers les monts sacrés essore le matin.

Comme en le soir lointain la pâle chrysantème


S’effeuille au souffle du Bouddha mystérieux,
Ainsi tout son talent tel un pavot suprême
Se dissout dans son mal profond et douloureux.

Alors, ne voulant pas qu’avant sa fin dernière,


Ne s’éveille en son être une inspiration,
Hikato, de nouveau, chevauche la chimère,
Sûr d’y trouver encor la consolation.

254
El cuadro de Hikato
(Poema nipón)

A Jean Brierre
Pero ante todo son los hijos de la quimera.
J. RICHEPIN

Cansado de pintar tantos crepúsculos amarillos


Que se demoran, de noche, tras bambúes de alucine,
Fatigado de copiar tantas casitas minúsculas
En cuyos umbrales sueñan a veces los mandarines;

No encontrando nada más en la estática natura


De su Japón desmedrado, sembrado de gente enana
Ni una buena inspiración que sobre el arte erigida,
Venciera la indiferencia tan áspera del mañana;

Profundamente abatido, frustrado con las lindezas,


Los aires disminuidos, las tantas preciosidades
Que engalanan el Japón de turbadoras caricias;
No hallando en ninguna parte bellezas que fueran reales,

El viejo pintor Hikato, lentamente se consume


Y siente cómo su genio, en el silencio amaina
Y se volatiliza igual que una ligera ventisca
Que hacia los montes sagrados se escurre por la mañana.

Como en la noche lejana el pálido crisantemo


Se deshoja frente al soplo del gran Buda misterioso,
Así su talento todo como amapola suprema
Se disuelve en su pesar tan profundo y doloroso.

Entonces, por evitar que ante su último fin,


No despertara en su ser ninguna inspiración,
Nuevamente el viejo Hikato se monta en una quimera,
Seguro de allí encontrar al menos consolación.

255
Par les magiques soirs de l’orient féerique
Amant de la névrose et du vain Idéal,
Il recherche sa Muse et son chant nostalgique
Réveille dans les bois un écho sépulcral.

Les langoureuses fleurs qui de désir se pâment


Parmi les jardins bleus défaillant de parfums,
Sentant passer ce chant, pleurent telles des femmes
Exhalant des accords qui sembleraient défunts.

L’oiseau, comme la fleur, comme le bois antique


Frissonne dans son nid en écoutant ce chant.
Et le paisible étang à cet air nostalgique,
Sent passer sous sa moire un long frissonnement

Partout un sentiment de terreur et de crainte:


Bouddha même, Bouddha, de son obscur autel,
En entendant passer cette sinistre plainte
Frissonne longuement dans son marbre immortel.

Mais toujours Hikato pleure sa thrène étrange


Dans les sous-bois profonds, sombres, mystérieux,
Et la déception ainsi qu’un noir archange
Plane sur son malheur profond et douloureux.

Et ne pouvant atteindre en sa lente chimère


Une inspiration: son divin idéal,
De désespoir il fit une ultime prière
À la terre stérile et source de son mal

Il dit qu’il était né pour vivre de chimère.


Et pour alimenter son génie immortel,
Des mille sentiments que nous donne la terre,
Des inspirations que nous donne le ciel.

Mais qu’il a constaté, sur le point de s’éteindre,


Qu’après avoir en vain cherché l’ultime but
Que dans sa soif du Beau son cœur voulait atteindre,
Il n’avait pas produit le chef-d’œuvre attendu

256
Y por las mágicas noches del oriente de las hadas
Amante de la neurosis y el inútil Ideal,
Busca a su anhelada Musa, busca su canto nostálgico
Que despierta entre los bosques resonancia sepulcral.

Así, las lánguidas flores que en deseo desfallecen


Entre jardines azules de perfume desmayados,
Al sentir que pasa el canto, lloran igual que mujeres
Exhalando unos acordes que parecen enterrados.

Tanto el pájaro y la flor, como todo el bosque antiguo


Se estremecen en su nido al escuchar este canto.
Y hasta el apacible estanque al son de tanta nostalgia,
En su muaré siente un largo sobresalto de quebranto

Por doquier un sentimiento de premura y de terror:


Buda mismo, el mismo Buda, desde su oscuro altar,
Al escuchar cómo pasa este plañido siniestro
Se estremece en su mármol, largamente, inmortal.

Mas aún solloza Hikato con un extraño lamento


Desde los bosques profundos, sombríos y misteriosos,
Y así la desilusión como un arcángel oscuro
Planea en su abatimiento tan profundo y doloroso.

Y al no poder conseguir en su bendita quimera


Una buena inspiración: su divino ideal,
Imploró desesperado una plegaria postrera
A Japón, su tierra estéril y la fuente de su mal

Dijo Hikato haber nacido por vivir de una quimera.


Y para su genio inmenso él poder alimentar,
Con miles de sentimientos que le depara la tierra,
Y con las inspiraciones que el cielo le suele dar.

Pero que había advertido, a punto ya de morir,


Tras haber buscado en vano la meta final soñada
En su hambre de lo Bello que su corazón quería,
Que no había producido la obra maestra anhelada

257
Et alors… comme mû par un bras satanique
Sous le ciel d’orient limpide, ensorceleur,
Déroulant son manteau scintillant et magique
Hikato, le vieux peintre avec une vigueur

Que depuis très longtemps son corps avait perdue


Se mit à peindre… à peindre oh! mais férocément.
Et de sa toile alors, image inattendue,
Un terrible chaos où pris de tremblement,

Tous les objets dansaient dans des danses funèbres,


Apparut; et le plus effroyable tableau
Qu’on eut pu contempler, où traînaient des ténèbres
Émergea lentement de son vibrant pinceau.

Lui-même, contemplant cette toile ambiguë


Fut surpris de s’y voir écrasé sous deux rocs,
Et sur sa face peinte une souffrance aiguë,
Tandis que les maisons faisaient d’horribles chocs.
…………………………………………………………
Or quelque temps après, un tremblement de terre
Ravagea le Japon aux préciosités.
Hikato le vieux peintre, enfant de la chimère,
Mourut dans la plus triste des calamités.

Bordes, le 7 juillet 1930.39

39
Lataillade, Robert: L’urne close, préface de Jean-F. Brierre, Les Éditions des
«Amis de Robert Lataillade», Imprimerie La Presse, Port-au-Prince, 1933.
258
Y entonces… como impulsado por un satánico brazo
Bajo el cielo del oriente, límpido y embrujador,
Desplegando un largo manto, manto centelleante y mágico,
Lleno de energía y fuerza, Hikato, el viejo pintor,

Que desde muy largo tiempo su cuerpo había perdido


Se puso a pintar… pintaba, ferozmente, con vigor,
Y de sus lienzos, entonces, imagen inesperada,
Surgía un terrible caos donde presos de temblor,

Todos los objetos, todos, bailando fúnebres danzas,


Hicieron nacer el cuadro más espantoso y cruel
Que contemplarse pudiera, embarrado de tinieblas
Y emergió muy lentamente de su vibrante pincel.

Él mismo Hikato al mirar su pintura tan ambigua


Se sorprendió al verse en ella aplastado por dos rocas,
Y en su semblante pintado un agudo sufrimiento,
Mientras las casas chocaban entre ellas, horribles, locas.
……………………………………………………..................
Mas algún tiempo después, un terrible terremoto
Devastó, rompió el Japón de tantas preciosidades.
E Hikato, el viejo pintor, el hijo de la quimera,
Murió en la más triste sombra, la de las calamidades.

Bordes, 7 de julio de 1930.

Traducción de Dolores Phillipps-López.


Adaptación versificada de Alexis Díaz-Pimienta.

259
Claude FABRY (1910-?)
(Pseudonyme de Arthur BONHOMME)

Le sentier

Bien que mon corps fut encore moite de sommeil,


Je sentis qu’un proche soleil
Gravitait péniblement dans le sombre abîme
Où flottait ma pensée, – éternellement…

Je vis un matin frileux,


En gestes violets,
Tendre ses mains diaphanes
Vers le ciel.

Même, il me parvint dans l’air sonore


La senteur humide des bois rafraîchis
Et j’entendis, en lourdes pulsations,
Battre le cœur géant d’une Terre.

Comme miraculeusement
Surgie d’un océan d’encre,

Une montagne émergea


Des ténèbres opaques:

Elle campait sa masse altière


Contre le ciel blémissant,

Sa masse bossuée de halliers


Toute hérissée de mapous.

260
Claude FABRY (1910-?)
(Seudónimo de Arthur BONHOMME)

El sendero

Aunque mi cuerpo estuviera empapado aún en sueño,


Sentí que un sol cercano
Gravitaba penosamente en el abismo sombrío
Donde flotaba mi pensamiento, eternamente…

Vi una mañana friolenta,


En gestos violetas,
Tender sus manos diáfanas
Hacia el cielo.

Aun, llegó a mí en el aire sonoro


El olor húmedo de los bosques refrescados
Y oí, en pesadas pulsaciones,
Latir el corazón gigante de una Tierra.

Cual milagrosamente
Surgida de un océano de tinta,

Una montaña emergió


De las tinieblas opacas:

Plantaba su masa altiva


Contra el cielo palideciente,

Su masa ondulada de matorrales


Erizada de ceibas toda.

261
Étalée à ses pieds,
La plaine informe se mouvait
Dans la vaporeuse obscurité.

Et, sans cesse, montait


Vers son faîte touffu
Le murmure multiplié
D’une confuse prière

À travers la plaine, je vis ramper


Vers la Montagne, sournoisement,
Un étroit et rocailleux sentier.

Je le vis s’agripper à ses flancs,


Et contournant les aspérités, fouiller,
À l’ombre des séculaires mapous,
Dans la luxuriance inégale des fourrés.

Il grimpait ainsi, laissant derrière lui,


Une profonde et fine et longue blessure,
Qui saignait, saignait sa roussâtre poussière,
Jusqu’au faîte, au faîte de la montagne altière.

J’entendis dans l’alerte sentier


Dégringoler les rouges cailloux.

C’était un incessant roulement


Aux chocs élastiques et creux
Que terminait une chûte mâte
Dans les touffes froissées.

Les blouses flottantes des paysans,


Les blouses bleues, palies par la pluie,
Balancées au rythme des jambes,
Dansaient entre les vertes feuilles.

262
Extendida a sus pies,
La llanura informe se movía
En la vaporosa oscuridad.

Y, sin cesar, subía


Hacia su cima frondosa
El murmullo multiplicado
De una confusa plegaria

Por entre la llanura, vi reptar


Hacia la Montaña, insidiosamente,
Un estrecho y pedregoso sendero.

Lo vi agarrarse a sus flancos,


Y, bordeando las asperidades, hurgar,
A la sombra de las ceibas seculares,
En la exuberancia desigual de la espesura.

Así trepaba, dejando tras él,


Una profunda y fina y larga herida,
Que sangraba, sangraba su rojiza polvareda,
Hasta la cima, hasta la cima de la montaña altiva.

Oí en el presto sendero
Caer rodando los rojos guijarros.

Era un incesante rodar


De choques elásticos y huecos
Que terminaba una caída mate
En las hierbas apisonadas.

Las camisas flotantes de los campesinos,


Las camisas azules, palidecidas por la lluvia,
Bamboleadas al ritmo de las piernas,
Bailaban entre las verdes hojas.

263
Les halforts de lataniers
Pendaient aux épaules torturées
Et d’énormes paniers
Courbaient les têtes crépues.

Mais dans les regards ingénus


S’étalait et frémissait, immensément,
La jungle, jungle enchevêtrée
Où guette le fauve ramassé.

Or, par la plaine, accourait


La troupe tapageuse de ma jeunesse.

Vers ses frères, ses frères noirs des mornes,


Ma jeunesse tendit des mains d’amour.

Les paysans passèrent en la frôlant,


Passèrent en la regardant
Avec les yeux méfiants
Qu’on lève vers l’Étranger.

Ses frères brûlés des mornes


Ses sombres frères
Passèrent en la frôlant,
Passèrent et s’en furent.

Et, comme à la ville, à la ville blanchissante


S’en allaient, par le rocailleux sentier,
Les lourds paniers et les halforts de lataniers,
Des cils nerveux battirent vainement
Sur les larmes fuyantes.

La Montagne altière en fut émue:


Elle se haussa, jusque dans la nue
Pour ne pas entendre ma Jeunesse pleurer.

264
Las alforjas de latanias
Colgaban de los hombros torturados
Y canastas enormes
Doblegaban las cabezas encrespadas.

Pero en las miradas ingenuas


Se extendía y estremecía, inmensamente,
La jungla, jungla enmarañada
Donde acecha la fiera encogida.

Entonces por la llanura acudía


La tropa bulliciosa de mi juventud.

Hacia sus hermanos, sus hermanos negros de los montes,


Mi juventud tendió manos de amor.

Los campesinos pasaron rozándola,


Pasaron mirándola
Con los ojos recelosos
Que se alzan hacia el forastero.

Sus hermanos abrasados de los montes


Sus oscuros hermanos
Pasaron rozándola,
Pasaron y se fueron.

Y, mientras a la ciudad, a la ciudad blanqueciente


Se iban, por el pedregoso sendero,
Las pesadas canastas y las alforjas de latanias,
Pestañas nerviosas batieron en vano
Sobre lágrimas esquivas.

La Montaña altiva se conmovió:


Se encumbró, hasta la nube
Para no oír llorar a mi Juventud.

265
Et ses centenaires mapous, bruirent ensemble
Une douce et lente et consolante chanson,
Invitant ma Jeunesse malheureuse,
À gravir la route, la route pierreuse,
La route tournante, qui monte
Vers les régions élargies où l’on respire mieux,
Vers les bleuâtres cimes.

Comme un immense tapis,


Le sentier serpentait autour de la montagne
Et se déroulait soudain en poussiéreuse cascade.

Je vis brûler dans les regards agrandis


Le feu volontaire qui consume les pleurs.

Le sentier fumait la tiède vapeur,


L’encens grisâtre que la terre épanouie
Lance en spirale légère
Vers un nouveau Soleil.

Ma Jeunesse tapageuse alors bravement


S’agrippa
Aux flancs accidentés de la Montagne.

Et, sur l’alerte sentier,


C’était un laborieux chapelet
De grains noirs qui montaient

Vers les vertigineuses hauteurs,


Vers les frissonnantes clartés
Des cimes bleuâtres
Où règne l’ancestrale, l’éternelle Vérité.40

40
Fabry, Claude: L’âme du Lambi, préface de Léon Laleau, Collection des Griots,
Imprimerie Nemours Telhomme, Port-au-Prince, 1937.
266
Y sus ceibas centenarias, susurraron juntas
Una dulce y lenta y consoladora canción,
Invitando a mi Juventud desdichada,
A subir por la senda, la senda pedregosa,
La senda que gira, que sube
Hacia las vastas regiones, donde mejor se respira,
Hacia las azulosas cumbres.

Como un inmenso tapiz,


El sendero serpenteaba circundando la montaña
Y se abría de pronto en cascada polvorienta.

Vi arder en las pupilas dilatadas


El fuego voluntarioso que consume los llantos.

El sendero exhalaba el tibio vapor,


El incienso grisáceo que la tierra lozana
Lanza en espiral ligera
Hacia un nuevo Sol.

Mi juventud bulliciosa entonces con bravura


Se agarró
A los flancos accidentados de la Montaña.

Y, por el presto sendero,


Era un laborioso rosario
De granos negros el que subía

Hacia las vertiginosas alturas,


Hacia las temblorosas claridades
De las cumbres azulosas
Donde reina la ancestral, la eterna Verdad.

Traducción de Dolores Phillipps-López.

267
Le lambi

À Léon Laleau

Je me sens l’âme de l’africain hirsute


lorsque la nuit moite
retient son souffle
et, soudain, se voile
à l’effleurement des vols lourds
essaimés par un nostalgique lambi.

Et des larmes, sur ma face, glissent,


des larmes qui ne laissent nulle trace.

O cor tropical,
lambi d’Afrique
qui chante et rit
ou pleure et sanglote
pourquoi ce soir,
pourquoi me parles-tu
aussi lugubrement?

Car ton hurlement,


– éternel –,
s’arrête en un hoquet,
puis s’élève et s’exalte
et roule et gronde en mon âme dilatée
comme la note grave et triste
qui seule, fait vibrer
les tombeaux.

La nuit moite sent, en elle, bruire


le murmure fatigué des cases de boue,
des cases qui dorment debout dans la brousse,
tandis qu’assourdi,

268
El lambí

A Léon Laleau

Me siento con el alma del africano hirsuto


cuando la noche húmeda
contiene su aliento
y, de pronto, se vela
al roce de los pesados vuelos
enjambrados por un nostálgico lambí.

Y lágrimas, por mi rostro, se deslizan,


lágrimas que no dejan rastro alguno.

Oh trompa tropical,
lambí de África
que canta y ríe
o llora y solloza
¿por qué esta noche,
por qué me hablas
tan lúgubremente?

Pues tu alarido,
–eterno–,
se detiene en un hipo,
y se eleva y exalta
y redobla y ruge en mi alma dilatada
como la nota grave y triste
que sola, hace vibrar
las tumbas.

La noche húmeda siente, en ella, susurrar


el murmullo cansado de las cabañas de barro,
de las cabañas que duermen erguidas en el monte,
mientras que ensordecido,

269
l’écho fait pleuvoir sur les feuilles frémissantes
la lointaine colère des fauves affamés.

La nuit moite sent, en elle, hoqueter


les sanglots des cases agenouillées,
des cases échevelées, hurlant
sous la sifflante morsure de pourpres serpents.

La nuit moite sent, en elle, gémir


la membrane craquante et sombre du négrier,
du négrier qui sur la mer lasse,
berce l’infortune d’une race.

La nuit moite sent, en elle, se tresser


les souffles qui pleurent la forêt familière
où n’a jamais claqué le fouet.

Et soudain,
la nuit moite se souvient:
recueillie,
elle écoute en elle grandir et mourir
les sanglots sourds
que prolonge et caresse l’écho,
les sanglots lourds
du lambi
qui, plus ne chante et ne rit.

Pourquoi ce soir,
pourquoi,
nostalgique lambi,
ta voix éplorée
murmure aussi lugubrement
en mon âme remuée?

Hélas,
des larmes qui ne laissent
nulle trace
glissent sur ma face.

270
el eco hace llover en las trémulas hojas
la cólera lejana de las fieras hambrientas.

La noche húmeda siente, en ella, agitarse


los sollozos de las cabañas arrodilladas,
de las cabañas desgreñadas, que ululan
so sibilante mordedura de púrpuras serpientes.

La noche húmeda siente, en ella, gemir


la cuaderna crujiente y oscura del negrero,
del negrero que, en el mar cansado,
remece el infortunio de una raza.

La noche húmeda siente, en ella, trenzarse


los alientos que lloran al bosque familiar
Donde no chasqueó jamás el látigo.

Y de pronto,
la noche húmeda se acuerda:
recogida,
escucha crecer y morir en ella
los sollozos sordos
que prolonga y acaricia el eco,
los sollozos pesados
del lambí
que, ya no canta más ni ríe.

¿Por qué esta noche,


por qué,
nostálgico lambí,
tu voz afligida
murmura tan lúgubremente
en mi alma conmovida?

Por desgracia,
lágrimas que no dejan
rastro alguno
por mi rostro se deslizan.

271
Et, je ne sais pourquoi,
je voudrais être ce soir
l’ancêtre hirsute,
qui, jadis, dans le mystère de la brousse,
dansait, ignorant, libre et nu!41

41
Fabry, Claude: L’âme du Lambi, préface de Léon Laleau, Collection des Griots,
Imprimerie Nemours Telhomme, Port-au-Prince, 1937.
272
Y, yo no sé por qué,
quisiera esta noche ser
el antepasado hirsuto,
que, otrora, en el misterio del monte,
bailaba, ¡ignorante, libre y desnudo!

Traducción de Dolores Phillipps-López.

273
MAGLOIRE-SAINT-AUDE (1912-1971)
(Clément MAGLOIRE-SAINT-AUDE)

Vide

De mon émoi aux phrases,


Mon mouchoir pour mes lampes.

Recroquevillé dans mes yeux effacés,


La peine le poème hormis les causes.

Limité aux revers sans repos,


Édith blanche ma face moi-même.

Rassasiant mes yeux


Du convoi de mes yeux ressuscités…42

42
Magloire-Saint-Aude: Dialogue de mes lampes, Imprimerie Œdipe, Port-au-
Prince, 1957. [Magloire-Saint-Aude: Dialogue de mes lampes, préface de Philippe
Thoby Marcelin, Presses de l’État, Port-au-Prince, 1941].
274
MAGLOIRE-SAINT-AUDE (1912-1971)
(Clément MAGLOIRE-SAINT-AUDE)

Vacío

De mi estremecimiento a las frases,


Mi pañuelo para mis lámparas.

Acurrucado en mis ojos ausentes,


La pena el poema salvo las causas.

Limitado a los reveses sin descanso,


Edith blanca mi cara yo mismo.

Saciando mis ojos


Del cortejo de mis ojos resucitados…

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

275
Larme

Sans dieu livide fragile le cœur,


Tranquille souple veilleur en cinq langues.

Purifié, bas, sur ma clé.

Au dormeur de face sans visage,


Glacé néant par les fenêtres
Et seul sur ma gorge.

Cendres de peau aveugle en éternité.43

43
Magloire-Saint-Aude: Dialogue de mes lampes, Imprimerie Œdipe, Port-au-
Prince, 1957. [Magloire-Saint-Aude: Dialogue de mes lampes, préface de Philippe
Thoby Marcelin, Presses de l’État, Port-au-Prince, 1941].
276
Lágrima

Sin dios lívido frágil el corazón,


Tranquilo ágil vigía en cinco lenguas.

Purificado, bajo, sobre mi llave.

Al durmiente de cara sin rostro,


Glacial la nada por las ventanas
Y solo sobre mi garganta.

Cenizas de piel ciega en eternidad.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

277
Poison

Pour mon dos gauche,


Espacé dans la terre,
À mes pas sous mes pas
Au souffle des touches.

Les limites au relief, hors des limites.

L’ombre pour mon ombre, mon dos.

Hors d’haleine dans la soie


Dans la baie de la mort.

Mes cils retombés retouchés sur


L’eau le repos
En losange comme un christ fêlé.44

44
Magloire-Saint-Aude: Dialogue de mes lampes, Imprimerie Œdipe, Port-au-
Prince, 1957. [Magloire-Saint-Aude: Dialogue de mes lampes, préface de Philippe
Thoby Marcelin, Presses de l’État, Port-au-Prince, 1941].
278
Veneno

Para mi espalda torpe,


Sembrada en la tierra,
A mis pasos bajo mis pasos
Al aliento de los toques.

Los límites al relieve, fuera de los límites.

La sombra para mi sombra, mi espalda.

Sin aliento en la seda


En la bahía de la muerte.

Mis pestañas caídas retocadas sobre


El agua el reposo
En rombo como un cristo agrietado.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

279
Déchu
(extraits)

Pour mes lampes trépassées...


Bonne route, pèlerin.

Poème du prisonnier,
Au glas des soleils remémorés.

Crécelles ensevelies
Sur le cœur du pèlerin.45

45
Magloire-Saint-Aude: Anthologie secrète, Mémoire d’encrier, Montréal, 2012.
[Magloire-Saint-Aude: Déchu, Imprimerie Œdipe, Port-au-Prince, 1956].
280
Caído
(fragmentos)

Para mis lámparas difuntas...


Buen viaje, peregrino.

Poema del prisionero,


Al tañido fúnebre de los soles rememorados.

Sonajas sepultadas
Sobre el corazón del peregrino.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

281
Félix MORISSEAU-LEROY (1912-1998)

Touris

Touris, pa pran pòtre m


Pa pran pòtre m, touris
M twò lèd
M twò sal
M twò mèg
Pa pran pòtre m, blan
Msye Eastman pap kontan
M twò lèd

Kodak ou a va krase
M twò sal
M twò nwa
Blan parèy ou pap kontan
M twò lèd
M a pete kodak la
Pa pran pòtre m, touris
Kite m trankil, blan
Pa pran pòtre bourik mwen
Bourik isit pote twòp chay
Bourik isit twò piti
Bourik isit pa manje
Pa pran pòtre bèt mwen
Touris, pa pran pòtre kay la
Kay mwen,
Se kay pay
Pa pran pòtre joupa m
Joupa m, se kay tè
Kay la tou kraze
Ale tire pòtre Palè
Ale tire pòtre Bisantnè
Pa pran pòtre jaden m

282
Félix MORISSEAU-LEROY (1912-1998)

Turista

Turista, no tomes mi retrato


No tomes mi retrato, turista
Soy demasiado feo
Soy demasiado sucio
Soy demasiado flaco
No tomes mi retrato, blanco
Míster Eastman se molestará
Soy demasiado feo

Tu kodak se destruirá
Soy demasiado sucio
Soy demasiado negro
Los blancos como tú se enojarán
Soy demasiado feo
Romperé tu kodak
No tomes mi retrato, turista
Déjame en paz, blanco
No retrates a mi burro
Los burros aquí están muy cargados
Los burros aquí son muy pequeños
Los burros aquí no comen
No retrates a mi animal
Turista, no tomes el retrato de mi casa
Mi casa es casa de paja
No tomes el retrato de mi choza
Mi choza es casa de tierra
Mi casa está deshecha
Ve a retratar el Palacio
Ve a retratar la plaza del Bicentenario
No tomes el retrato de la milpa

283
M pa gen chari
M pa gen machin
M pa gen trakté
Pa pran pòtre pyebwa m
Touris, m pye atè
Rad mwen tou chire
Malè nèg pa gade blan
Men, touris, gade chive m
Kodak ou pa abitye ak koulè m
Kwafè w pa abitye ak chive m
Touris, pa pran pòtre m
Ou pap konprann pòz mwen
Ou pap konprann anyen
Nan zafè m, touris
«Gi mi fay sens»
Epi, ale fè chimen w touris!46

46
In The Sun. The Haitian English language newspaper, volume IV, nro. 15,
Bernard Diederich Éditeur, Port-au-Prince, 25.12.1953. Le poème fut publié
quelques mois plus tôt dans: Morisseau-Leroy, Félix: Diacoute. Éditions
Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1953. Le poète Georges Castera dit de ce
recueil qu’il marque le début d’une vraie poétique créole, en mettant fin aux
chansonnettes et aux imitations des fables françaises. (Cf. Saint-Éloi, Rodney:
«Écrire en créole. Entretien avec Georges Castera», Notre Librairie: Revue du
livre Afrique, Caraïbes, Océan Indien, nro. 133, Clef, Paris, 1998).
284
No tengo arado
No tengo coche
No tengo tractor
No tomes el retrato de mi árbol
Turista, estoy descalzo
Mi ropa está desgarrada
La desgracia del negro qué le importa al blanco
Pero turista, mira mi pelo
Tu kodak no está acostumbrada a mi color
Tu peluquero no está acostumbrado a mi pelo
Turista, no tomes mi retrato
No vas a entender nada
De mis asuntos, turista
«Give me five cents»
¡Y vete por tu camino, turista!15

Traducción de Mónica Mansour.

15
Tomado de Mónica Mansour: Identidades. Poesía negra de América. Antología,
Editorial Arte y Literatura, La Habana, 2011. El poema fue publicado pocos
meses antes en Félix Morisseau-Leroy: Diacoute, Éditions Henri Deschamps,
Port-au-Prince, 1953. El poeta Georges Castera dijo de este poemario que
marca el inicio de una verdadera poética creol, poniendo fin a las cancioncitas
e imitaciones de fábulas francesas (Cf. Rodney Saint-Éloi: «Écrire en créole.
Entretien avec Georges Castera», Notre Librairie: Revue du livre Afrique, Caraï-
bes, Océan Indien, nro. 133, Clef, Paris, 1998).
285
Terre
(extrait)

III

Cette année, la terre m’a trahi, je m’en vais,


Je m’en vais à la Romane, tenter,
tenter ma chance, un peu, là-bas.
Devant que n’arrive Noël, je pars,
je pars pour le pays des Usines
où ces blancs vous jettent des dollars,
des insultes et des coups de pieds.
La sécheresse, c’est la misère:
chez moi, la pluie, c’est l’inondation.
Mais, j’aime tant ma terre, tant le paysage
que je reviendrai les regarder
les regarder, peut-être, mourir ainsi
et moi-même, Dieu sait! mourir avec eux.47

47
In Lubin, Maurice A.: «Anthologie de la Poésie Jacmélienne par Maurice A.
Lubin», Conjonction, nro. 83, Port-au-Prince, 1962.
286
Tierra
(fragmento)

III

Este año, la tierra me traicionó, yo me voy,


Me voy a la buena de Dios, a probar,
a probar suerte, un poco, allá.
Antes llegue Navidad, me marcho,
parto hacia el país de las Fábricas
donde esos blancos te lanzan dólares,
insultos y patadas.
La sequía, es la miseria:
aquí, la lluvia, es inundación.
Pero, amo tanto mi tierra, tanto el paisaje
que volveré para mirarlos
mirarlos, tal vez, morir así
y yo mismo, ¡sabe Dios!, morir con ellos.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

287
Regnor Charles BERNARD (1915-1981)

Aube

Je poserai mon poing lourd sur la table


Et vous rentrerez dans le silence comme des ombres.
Et la nuit sera en vous,
Autour de vous, quand un éclair naîtra dans mon regard,

Il y a des socles qui crouleront


Quand je chanterai ma chanson souveraine
Et quand mon doigt se lèvera dans le soleil.

Vos citadelles se sont élevées sur ma chair;


Mais si ma chair en est meurtrie,
La souffrance n’aura pu que bander ma volonté
comme un arc.

Et je suis encore le volcan qui saluera


D’une musique dangereuse et belle
la fin du lourd cauchemar
l’appel de la Relève.

Le savez-vous?

Il me suffira de remuer mon échine


Et de poser mon poing lourd sur la table
Pour que dans le silence et dans la nuit
Vous rentriez

Comme des ombres.48

48
In Pompilus, Pradel: Manuel illustré d’histoire de la littérature haïtienne, Éditions
Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1961. [Bernard, Regnor Charles: Nègre!!!,
Imprimerie Telhomme, Port-au-Prince, 1945].
288
Regnor Charles BERNARD (1915-1981)

Alba

Posaré mi pesado puño sobre la mesa


Y regresaréis al silencio como sombras.
Y la noche será en vosotros,
Alrededor vuestro, cuando un relámpago nazca en mi mirada,

Pedestales se desplomarán
Cuando yo cante mi canción soberana
y cuando mi dedo se eleve al sol.

Vuestras ciudadelas se levantaron en mi carne;


Pero si eso magulla mi carne,
El sufrimiento solo habrá podido tender mi voluntad
como un arco.

Y soy aún el volcán que saludará


Con una música peligrosa y bella
el fin de la pesada pesadilla
el llamado del Relevo.

¿Lo sabíais?

Me bastará mover el cuerpo


Y posar mi pesado puño sobre la mesa
Para que al silencio y a la noche
Regreséis

Como sombras.16

Traducción de Mónica Mansour.

16
Tomado de Mónica Mansour: Identidades. Poesía negra de América. Antología,
Editorial Arte y Literatura, La Habana, 2011.
289
Soir

En moi, une rouge souffrance, un grand cri…


Ne peut être que dangereuse et terrible,
terrible et dangereuse pour les séculaires équilibres
la révolte des entrailles charcutées par la faim.
Un jour doit venir où je refuserai de me courber
et ce jour sera comme les autres:
du soleil sur les toits blancs
et, sur les branches, des pépiements d’oiseaux;
mais pour vous quelque chose aura changé
et pour moi aussi:
appendu aux lèvres vous restera le verre non vidé,
car la terre sous vos pieds
se révélera fuyante
tandis que la faim au bout de milliers de poings
se dressera dans l’épouvante du soleil
et derrière la fragile protection de vos vitres…

Sombrer! oui; me résigner, jamais.


Entendez-vous? JAMAIS! JAMAIS!

En moi, une rouge souffrance, un grand cri;


mais un jour je refuserai de me courber
et devant toi, je serai, debout: un justicier.49

49
Bernard, Regnor Charles: «Soir», Conjonction: «L’indigénisme», nro. 197,
Institut français d’Haïti, Port-au-Prince, 1993. [Bernard, Regnor C.: Nègre!!!,
Imprimerie Telhomme, Port-au-Prince, 1945].
290
Noche

En mí, un rojo sufrimiento, un gran clamor…


Solo puede ser peligrosa y terrible,
terrible y peligrosa para los seculares equilibrios
la rebelión de las entrañas laceradas por el hambre.
Llegará el día en que me niegue a inclinarme
y ese día será como todos:
sol sobre los techos blancos
y, sobre las ramas, cantos de aves;
pero para usted algo habrá cambiado
y para mí también:
suspendido en los labios le quedará el vaso no vacío,
pues la tierra bajo sus pies
se revelará huidiza
mientras el hambre en los miles de puños
se erguirá en el espanto del sol
y detrás de la frágil protección de sus cristales…

¡Zozobrar! Sí; resignarme, jamás.


¿Lo oyen? ¡JAMÁS! ¡JAMÁS!

En mí, un rojo sufrimiento, un gran clamor;


pero algún día me negaré a inclinarme
y erguido, ante ti, seré: un justiciero.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

291
Marie-Thérèse COLIMON HALL (1918-1997)

Mon pays

S’il me fallait, au monde, présenter mon pays,


Je dirais la beauté, la douceur et la grâce
de ses matins chantants, de ses soirs glorieux;
Je dirais son ciel pur, je dirais son air doux,
L’étagement harmonieux des mornes bleuissant;
Les molles ondulations de ses collines proches
La changeante émeraude des cannes au soleil,
Les cascatelles glissant entre les grosses pierres:
Diaphanes chevelures entre des doigts noueux
Et les soleils plongeants dans des mers de turquoise…
Je dirais, torches rouges tendues au firmament,
La beauté fulgurante des flamboyants ardents
Et ce bleu, et ce vert, si doré, si limpide
Qu’on voudrait dans ses bras serrer le paysage

Je dirais le madras de la femme en bleu


Qui descend le sentier son panier sur la tête,
L’onduleux balancement de ses hanches robustes
Et la mélopée grave des hommes dans le champ,
Et le moulin grinçant sous la lune la nuit,
Les feux sur la montagne à mi-chemin du ciel;
Le café qu’on recueille sur les sommets altiers
l’entêtante senteur des goyaves trop mûres…
Je dirais, dans les villes, les torses nus et bronzés
De ceux qui, dans la rue sous la dure chaleur,
Ne se laissent effrayer par la plus lourde peine;
Et les rameurs menant, à l’abri de nos ports,
Lorsque revient le soir, les corallins dansants
Cependant que les îles au large, paresseuses,
Laissent monter en fumée, au fond du crépuscule
La lente imploration de leurs boucans lointains…

292
Marie-Thérèse COLIMON HALL (1918-1997)

Mi país

Si tuviese que presentar mi país al mundo


Diría la belleza, la dulzura y la gracia
De sus mañanas musicales, de sus noches gloriosas;
Diría su cielo puro, hablaría de su aire suave,
El escalonamiento armonioso de los montes azulados;
Las suaves ondulaciones de sus colinas cercanas,
La cambiante esmeralda de las cañas al sol,
Las cascadas deslizándose entre las grandes piedras:
Melena diáfana entre dedos nudosos
Y los soles que se sumergen en mares turquesa....
Yo diría, antorchas rojas hacia el firmamento,
La belleza fulgurante de los flamboyanes ardientes
Y ese azul, y ese verde, tan dorado, tan límpido
Que quisiéramos ceñir el paisaje con los brazos

Yo diría el madrás de la mujer de azul


Que baja el sendero con la cesta sobre la cabeza,
El ondulante movimiento de sus fuertes caderas
Y la melopea grave de los hombres en el campo,
Y el molino chillón bajo la luna de noche,
Los fuegos en la montaña a medio camino del cielo;
El café que cosechamos en las cumbres majestuosas
el obstinado olor de las guayabas muy maduras...
Diría, en las ciudades, los torsos desnudos y bronceados
De los que, en la calle bajo el arduo calor,
No se dejan espantar por la más larga faena;
Y los remeros que traen, al abrigo de nuestros puertos,
Al caer la noche, los cayucos que danzan
Mientras las islas, en alta mar, perezosas,
Dejan subir en humaredas, al fondo del crepúsculo
La lenta imploración de sus hogueras lejanas…

293
Mais j’enflerais ma voix d’une ardeur plus guerrière
Pour dire la vaillance de ceux qui l’ont forgé;
Je dirais la leçon qu’au monde plus qu’étonné,
Donnèrent ceux qu’on croyait des esclaves soumis.
Je dirais la fierté, je dirais l’âpre orgueil,
Présents qu’à nos berceaux nous trouvons déposés,
Et le farouche amour que nous portons en nous
Pour une liberté au prix trois fois sanglant…
Et le bouillonnement vif montant dans nos artêres
Lorsqu’au fond de nos bois nous entendons, la nuit,
Le conique tambour que nos lointains ancêtres
Ont porté jusqu’à nous des rives de l’Afrique,
Mère vers qui sans cesse sont tournés nos regards…
S’il me fallait au monde présenter mon pays,
Je dirais plus encor, je dirais moins encor.
Je dirais ton cœur bon, ô peuple de chez nous.50

50
Colimon Hall, Marie-Thérèse: «Mon pays», Optique, nro. 7, Le Nouvelliste,
Port-au-Prince, septembre 1954. [La Voix des femmes, Port-au-Prince, mars
1953]. Dans l’Anthologie négro-africaine de Lilyan Kesteloot ce poème est
faussement attribué à Jean-Fernand Brierre.
294
Pero inflaría mi voz con un ardor más guerrero
Para decir el valor de los que lo forjaron;
Diría la lección que a un mundo más que asombrado,
Dieron los que creíamos esclavos serviles.
Diría la altivez, diría el amargo orgullo,
Ofrendas que encontramos al pie de nuestra cuna,
Y el amor arisco que llevamos en nosotros
Por una libertad cuyo precio es tres veces sangriento...
Y la viva efervescencia que crece en nuestras arterias
Cuando en nuestros bosques profundos oímos, de noche,
El cónico tambor que nuestros ancestros lejanos
Trajeron hasta nuestras orillas desde el África,
Madre hacia la cual siempre vuelven nuestras miradas...
Si tuviera que presentar mi país al mundo,
Diría aún más, diría aún menos.
Diría tu buen corazón, oh pueblo de nuestra tierra.17

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

17
En la Anthologie négro-africaine de Lilyan Kesteloot este poema es erróneamente
atribuido a Jean-Fernand Brierre.
295
Paul LARAQUE (1920-2007)
(Pseudonyme: Jacques LENOIR)

Soldat-marron

la chasse à l’homme a commencé

dans la brousse du passé


le carcan de l’angoisse au cou
le souffle court
je cours

les pas ennemis résonnent comme un gong

nègre marron nègre marron


sitôt pris
sitôt mis au cep
et ton maïs est mûr

on me cherche par ici


je me sauve par là
nouveau caco
entre les jambes du marine
je me faufile
je m’enfonce dans les bois
et
par bonds de fauve
je me lance
claironnant de mon rire clair
jusque dans les rangs des gendarmes la liberté51

51
Laraque, Paul: Les armes quotidiennes, Casa de las Américas, La Habana, 1979.
296
Paul LARAQUE (1920-2007)
(Seudónimo: Jacques LENOIR)

Soldado cimarrón

la cacería de hombres ha comenzado

en la selva del ayer


con el grillete de la angustia al cuello
sin aliento
corro

los pasos enemigos retumban como un gong

negro cimarrón negro cimarrón


ya en arresto
ya con cepo puesto
y tu maíz está maduro

se me busca por aquí


yo me fugo por allá
nuevo caco
entre las piernas del marine
yo me cuelo
me hundo en el monte
y
con saltos de fiera
me lanzo
clamando con risa clara
hasta en las filas de los gendarmes la libertad

Traducción de Dolores Phillipps-López.

297
Tam-tam d’Haïti

le jour frappant la nuit à mort


transperçant de son dard de lumière
le corps femelle de la nuit
tam-tam
maquisard magique
ouvre la vanne de l’espoir

le jour clignant son œil aux longs cils


le jour ouvrant son œil sans paupière
tam-tam
mon plus bel incendiaire
jusque dans le désert de l’exil
tu rythmes nos combats

tam-tam
filon inépuisable de la mine populaire
fleuve dont la colère trouve enfin le chemin de la mer
tu brises les verrous de la peur
tu éclates les écluses du silence
pour dire seul la honte et la misère

tam-tam
leader lyrique du grand coumbite solaire
ton chant assemble les soldats de la liberté
qui font sauter les ponts du passé
et les paysans plantant dans la rosée
les arbres de la vie nouvelle52

52
Selon une note de l’édition de Casa de las Américas (1979), ce poème a été
publié aupravant sous différents titres: «Nouveau Tam-Tam», «Tam-Tam de
l’exil». Nous savons que Laraque a publié des poèmes dans la revue Optique à
Port-au-Prince entre 1954 et 1957, sous le pseudonyme de Jacques Lenoir.
298
Tam-tam de Haití

el día golpeando la noche a muerte


atravesando con su dardo de luz
el cuerpo hembra de la noche
tam-tam
mágico maquis
abre la compuerta de la esperanza

el día guiñando el ojo con largas pestañas


el día abriendo su ojo sin párpado
tam-tam
mi más bello incendiario
hasta en el desierto del exilio
marcas el ritmo de nuestros combates

tam-tam
veta inextinguible de la mina popular
río cuyo furor encuentra por fin la salida al mar
rompes los cerrojos del miedo
revientas las esclusas del silencio
para decir solo la vergüenza y la miseria

tam-tam
líder lírico del gran cumbite solar
tu canto congrega a los soldados de la libertad
que hacen saltar los puentes del pasado
y los campesinos sembrando en el rocío
los árboles de la vida nueva18

Traducción de Dolores Phillipps-López.

18
Según una nota de la edición de Casa de las Américas (1979), este poema había
sido publicado antes bajo diferentes títulos «Nouveau Tam-Tam», «Tam-Tam de
l’exil». Sabemos que Laraque publicó poemas en la revista Optique en Puerto
Príncipe, entre 1954 y 1957, bajo el seudónimo de Jacques Lenoir.
299
La croix de Guevara

Christ né dans la pampa


Christ fêlé du Guatemala
Christ de la guérilla
Christ vengeur qui chassa les voleurs du temple de Cuba
Christ crucifié en Bolivie
et qui en nous vit
pour la vie
Christ de la liberté
Christ des paysans
et des ouvriers
la balle au cœur
Christ des combattants
les hommes sont
ce qu’ils font
et quand tu meurs
nous ressuscitons53

53
Laraque, Paul: Les armes quotidiennes, Casa de las Américas, La Habana, 1979.
300
La cruz de Guevara

Cristo nacido en la pampa


Cristo agrietado de Guatemala
Cristo de la guerrilla
Cristo vengador que desterró a los ladrones del templo de Cuba
Cristo crucificado en Bolivia
y que en nosotros vive
de por vida
Cristo de la libertad
Cristo de los campesinos
y de los obreros
con la bala en el corazón
Cristo de los combatientes
los hombres se miden
por lo que hacen
y cuando tú mueres
nosotros resucitamos

Traducción de Dolores Phillipps-López.

301
Ballade de l’exil

C’est un dur métier que l’exil


NÂZIM HIKMET

Pour nos enfants

homme de neige
et de fleurs
vivant selon l’instant
et jouant sur le temps
homme de toutes les saisons
et surtout de printemps
et d’herbe verte
comme l’enfance
ou la terre natale
ou le désir qui fait flamber l’amour
comme le four
où cuit le pain du jour
homme de neige
et de fleurs
l’exil est ta prison

femme-enfant
femme de tête et de cœur
ange gardien des invalides
petite fée des laboratoires
princesse du royaume des livres
femme libre des temps nouveaux
fille de la légende
qui enfante l’histoire
enfant de l’espoir
enfant que l’amour invente
différente
mais souveraine de toi-même
femme-enfant
302
Balada del exilio

Duro oficio el exilio


NÂZIM HIKMET

Para nuestros hijos

hombre de nieve
y de flores
que vive según el instante
hombre de todas las estaciones
y ante todo de primavera
y de hierba verde
como la infancia
o la tierra natal
o el deseo que atiza el amor
como el horno
donde cuece el pan del día
hombre de nieve
y de flores
el exilio es tu prisión

mujer-niña
mujer de cabeza y corazón
ángel de la guarda de los inválidos
hada pequeña de los laboratorios
princesa del reino de los libros
mujer libre de los nuevos tiempos
hija de la leyenda
que alumbra la historia
hija de la esperanza
niña que el amor inventa
diferente
pero soberana de ti misma
mujer-niña
303
femme de tête et de cœur
l’exil est ta prison

Christ entouré d’enfants noirs


tu te donnes sans retour
prophète exclusif de la race
tu sépares la communauté de la misère
et bâtis les châteaux de l’amour
sur le sable de la haine
toi qui marchais à mes côtés
sur les eaux calmes de la bonté
aujourd’hui laboureur des hautes mers
coiffé de ta couronne d’éclairs
tu cours à bout de souffle
sur la crête de la tempête
Christ entouré d’enfants noirs
tu te donnes sans retour
l’exil est ta prison

fille de haute lignée


dont la mère aux yeux verts comme la mer
a toujours gardé son regard de clarté
épouse prise dans les flammes du désir
épouse aux doigts de fée
mère transfigurée par le feu de l’amour
mère miraculeuse
tu donnas la vie
aux trois que voilà
et redonnas la vie
à celui-là
qui pour la vie t’aimera
pris dans les flammes de la douleur
transfigurés par la lumière de l’amour
l’exil est notre prison

envoi

304
mujer de cabeza y corazón
el exilio es tu prisión

Cristo rodeado de niños negros


te entregas sin pedir nada
profeta exclusivo de la raza
alejas a la comunidad de la miseria
y levantas los castillos del amor
en la arena del odio
tú que andabas a mi lado
en las aguas apacibles de la bondad
hoy labriego de alta mar
puesta tu corona de relámpagos
corres sin aliento
en la cresta de la tempestad
Cristo rodeado de niños negros
te entregas sin pedir nada
el exilio es tu prisión

hija de alto linaje


cuya madre de ojos verdes como el mar
siempre guardó su mirada de claridad
esposa presa en las llamas del deseo
esposa con manos de hada
madre transfigurada por el fuego del amor
madre milagrosa
diste vida
a los tres de acá
y volviste a dar vida
a aquel de allá
quien de por vida te amará
presos en las llamas del dolor
transfigurados por la luz del amor
el exilio es nuestra prisión

envío

305
Peuple empêtré dans ta légende
et pour qui nous connaissons
les barbelés du racisme blanc
dans la chair de nos enfants
d’hier à demain peuple de la révolution
sauve-nous de la barbarie
et que s’ouvrent les portes de la patrie54

New York, 1975.

54
Laraque, Paul: Les armes quotidiennes, Casa de las Américas, La Habana, 1979.
306
Pueblo encallado en tu leyenda
y para el que conocemos
las alambradas del racismo blanco
en la carne de nuestros hijos
de ayer a mañana pueblo de la revolución
sálvanos de la barbarie
y que se abran las puertas de la patria

Nueva York, 1975.

Traducción de Dolores Phillipps-López.

307
Raymond CHASSAGNE (1924-2013)

L’affranchi

ce monde étrange
où la présence insolite côtoie les larmes
ce monde étrange
où la mer accueille la moderne flibuste
fils du soleil fille en vacances et séquelles d’histoire
ce monde étrange
où la servante noire fredonnant des airs d’église
refait de moi l’affranchi de la fange55

55
In Castera, Georges & Pierre, Claude & Saint-Éloi, Rodney & Trouillot, Lyonel:
Anthologie de la littérature haïtienne. Un siècle de poésie 1901-2001, Mémoire
d’encrier, Montréal, 2003. [Chassagne, Raymond: Mots de passe, Naaman,
Sherbrooke, 1976].
308
Raymond CHASSAGNE (1924-2013)

El liberto

este mundo extraño


donde la presencia insólita y las lágrimas cohabitan
este mundo extraño
donde el mar recibe la moderna filibustería
hijo del sol hija de vacaciones y secuelas de historia
este mundo extraño
donde la esclava negra que tararea tonadas de iglesia
vuelve a hacer de mí el liberto del fango

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

309
Longitude

mon babillard s’étrangle de mots


pris de court pris de travers
et se perd l’étrange navigue
en fossé-mémoire que bâtissent les cordes

l’aube a soudain des saveurs inhabitées


et la soif affûtée de l’oiseau
attend une parcelle de nature tremblante
à mi-volée

ô torse mémoire chemin rocaille chemin blessé


l’anse d’autrefois n’est qu’abris précaire
il nous faut l’appui d’autres bras
des agrès de lutte
épris de chute attente et de geste mutin
pour que l’amère salive efface le naufrage
de nos cartes de soif56

56
In Castera, Georges & Pierre, Claude & Saint-Éloi, Rodney & Trouillot, Lyonel:
Anthologie de la littérature haïtienne. Un siècle de poésie 1901-2001, Mémoire
d’encrier, Montréal, 2003. [Chassagne, Raymond: Mots de passe, Naaman,
Sherbrooke, 1976].
310
Longitud

mi bitácora se ahorca con palabras


sorprendida retorcida
y se pierde lo extraño navega
en fosa-memoria que levantan las cuerdas

el alba tiene de pronto sabores inhabitados


y la sed afilada del pájaro
espera una gota de naturaleza trémula
a medio cielo

oh torso memoria pedregoso camino herido


la cala de antaño solo es cobijo precario
falta nos hace el amparo de otros brazos
de los aparejos de lucha
prendados de caída espera y gesto vivaz
para que la amarga saliva borre el naufragio
de nuestros mapas de sed

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

311
Blues à Madame

danser ce blues avec vous, madame,


la terre arrêterait ses horreurs de gloire
le sang des prisons les naufrages
le pain qui jamais pour tous ne fut quotidien
les combats sans lendemain
et les chagrins qu’on oublie dans la cendre

danser ce blues avec vous, madame,


s’épuise un aveu en la fumée d’un soir de grâce
le monde est plein de combats inutiles;
madame, la terre est injuste
la terre est inquiète
la terre est malade

et devant que meurent les grands soirs rouges


en le regard voilé des cadavres
et leurs questions immobiles

vous seriez dans mes bras l’illusoire et l’instant


sortis de toutes les langues du monde
par quoi l’homme étreint des bonheurs de faïence
qui jamais ne furent;
et s’il faut qu’amertume et douceur se confondent
au moins guérirait une blessure
ce soir-là
si vous dansiez ce blues avec moi,
madame,
le temps d’un rêve à faire57

57
In Castera, Georges & Pierre, Claude & Saint-Éloi, Rodney & Trouillot, Lyonel:
Anthologie de la littérature haïtienne. Un siècle de poésie 1901-2001, Mémoire
d’encrier, Montréal, 2003. [Chassagne, Raymond: Incantatoire, illustrations
de Patrick Vilaire, Éditions Regain, Port-au-Prince, 1996].
312
Blues a Madame

bailar este blues con usted, señora,


la tierra detendría sus horrores de gloria
la sangre de las cárceles los naufragios
el pan que nunca fue para todos cotidiano
las luchas sin porvenir
y las congojas olvidadas en la ceniza

bailar este blues con usted, señora,


arde una confesión en las llamas de una noche de gracia
el mundo está lleno de luchas inútiles;
señora, la tierra es injusta
la tierra está inquieta
la tierra está enferma

y antes se apague la gran noche roja


en la mirada velada de los cadáveres
y sus preguntas inmóviles

usted sería en mis brazos la ilusión y el instante


brotados de todas las lenguas del mundo
por los que el hombre abraza las dichas frágiles
que nunca fueron;
y si amargura y dulzura han de fusionar
al menos curaría una herida
esta noche
si usted bailara un blues conmigo,
señora,
el tiempo de un sueño

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

313
Menace d’exil

où irais-je si le port déserté désapprêtait la barque


si l’égoutté devenait ma seule soif
et si le glaive aveugle trouait encore une fois
mon frêle esquif,
où donc irais-je?58

58
In Castera, Georges & Pierre, Claude & Saint-Éloi, Rodney & Trouillot, Lyonel:
Anthologie de la littérature haïtienne. Un siècle de poésie 1901-2001, Mémoire
d’encrier, Montréal, 2003. [Chassagne, Raymond: Incantatoire, illustrations
de Patrick Vilaire, Éditions Regain, Port-au-Prince, 1996].
314
Amenaza de exilio

dónde iría si el puerto desertado desaparejara la barca


si el goteo se convirtiera en mi única sed
y si la ciega espada agujereara una vez más
mi frágil nave,
¿hacia dónde iría?

Traducción de Prisca Agustoni y Yasmina Tippenhauer.

315
René DEPESTRE (1926)

XI
Saison de colère

Je me suis fait béton armé contre les vers qui nous rongent et nous
dessèchent Ma peau de nègre autrefois lieu commun des supplices
et des crachats voilà qu’elle est devenue un sésame qui ouvre des
portes inviolables
Je suis de race hideuse
Qu’en dites-vous Femme blanche Quand hier encore vous trouviez
mon plaisir trop féroce et les mouvements houleux de mes reins vous
ont rappelé les roulis furieux des négriers sur les mers de la traite
Depuis Race de conquérants que d’abcès on a crevés dont tes fils
furent la rougeur environnante et les bourbillons jaunes
Je ne crois pas à la virginité des filles de toutes les races J’ai besoin
de croire à des divinités moins fragiles Hallucination ou réalité
pourtant ce n’est pas un mensonge de mes vingt ans
Je sors des procédés habituels de faire l’amour Pour moi d’autres
caresses d’autres douceurs plus atroces d’autres transes aux dents
plus aiguës d’autres femmes plus voraces
Voilà un langage comme une torche dans la poudre des passions
hypocrites et des traditions rouillées dans la moisissure des caves
Je ne l’ai pas choisi pour la joie simple d’être cruel envers mon
temps mais pour mettre à leur place royale des valeurs trop long-
temps calomniées ligotées comme des bêtes dangereuses
Je vais couper les liens à tous les organes du corps qu’on désigne
à voix basse Je décrète la mutinerie des instincts qui portent encore
des fleurs de lys ou d’autres flétrissures
L’ère enchantée des dérèglements va précéder de quelques aurores
celle de la libération des peuples
On doit faire âme neuve pour s’enfoncer furieusement dans le
fouillis ténébreux des printemps dont la verte éclosion est promise
aux damnés de la terre

316
René DEPESTRE (1926)

XI
Estación de la ira

Me volví hormigón contra los gusanos que nos roen y secan


He aquí que mi piel de negro otrora lugar común de escupitajos y
suplicios se ha vuelto sésamo abriendo puertas inviolables
Soy de raza horrenda
A usted qué le parece Mujer blanca Cuando ayer no más encon-
traba mi placer demasiado feroz y cuando el embiste de mis riñones
le recordó los furiosos bamboleos de los negreros en los mares de
la trata
Desde entonces Raza de conquistadores cuántos abscesos re-
ventamos de los que tus hijos fueron rojez circundante y amarillas
pústulas
No creo en la virginidad de las hijas de ninguna raza Necesito
creer en divinidades menos frágiles Alucinación o realidad así y todo
no es ninguna mentira de mis veinte años
Para hacer el amor me salto los modos al uso Para mí otras cari-
cias otros dulzores más atroces otros trances de dientes más afilados
otras mujeres más voraces
He aquí un lenguaje cual antorcha entre la pólvora de hipócritas
pasiones y herrumbrosas tradiciones en el moho de los sótanos
No lo escogí por la mera alegría de ser cruel con mi tiempo sino
para colocar en su soberano sitio valores largo tiempo calumniados
trabados como alimañas
Sajaré las ligaduras de todos los órganos que se nombran en voz
baja Decreto el motín de esos instintos que siguen llevando la flor
de lis u otros estigmas
La era encantada de los desenfrenos se fundará varias auroras
antes que la era de liberación de los pueblos
Es preciso mudar el alma para adentrarse con furia en la maraña
tenebrosa de las primaveras cuyo verde brotar es promesa para los
parias de la tierra

317
La saison va naître des régions troubles et purifiées de ma
conscience là où ma révolte est encore la volonté féroce de briser
les moules dans lesquels on a vidé les plaisirs déréglés de l’enfance
les excès de la virilité et les pâles attitudes de l’âge mûr
Ma raison demande des armes
Ma raison appelle aux armes
Les lâches peuvent faire viser leurs passeports Il faudra beaucoup
de vertus pour vivre selon les exigences de l’instinct de l’imagination
de la bonté de l’amour comme unique saison de la vie59

Juillet,1946.

59
Depestre, René: Gerbe de sang, préface de René Bélance, Collection La Vie
Violente, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1946.
318
La estación nacerá de las depuradas y conturbadas comarcas de
mi consciencia ahí donde mi rebeldía sigue siendo fiero empeño por
quebrar los moldes en donde se vaciaron los desenfrenados placeres
de la niñez los excesos de la virilidad y las sosas poses de la madurez
Pide armas mi razón
Mi razón llama a las armas
Bien pueden los cobardes sellar sus pasaportes Hará falta mucha
virtud para vivir según las exigencias del instinto de la imaginación
de la bondad del amor como única estación de la vida

Julio, 1946.

Traducción de Joëlle Guatelli.

319
XXIII
Écluses ouvertes

pour toi Infirmière au visage multiple

On a menti Choucoune n’est pas morte


n’est-ce pas elle N’est-ce pas toi
en ce lieu où l’on meurt si souvent
qui coupe en deux ma bouche
que je croyais fermée sans pont-levis
au baiser aux paroles au silence

Choucoune est infirmière


et les manguiers en fleurs vont mourir
et les sources disent adieu au sol
et les feuilles aussi agitent des mouchoirs blancs

Choucoune est née à la douleur


comme naissent les fleurs à la pureté des fruits
et je demande à mon temps la rosée
et je demande à mon temps mille soleils
je demande à mon temps tous les vices du diable
pour chanter les noces de Choucoune
avec l’insomnie
avec des cercles noirs autour de ses yeux noirs

C’est toi celle qui veille sur mon âge féroce


en ce lieu où tant d’autres viennent mourir
où pour mon espérance il y a des fleurs
qui vivent sans eau avec des nuits entières
C’est toi évadée de l’odeur de nos joyeux printemps
évadée des empreintes de tes pas sur le sol trempé
Choucoune toute seule auprès des lits blancs
devant tant de visages dont les heures sont comptées
devant tant de plaies où le sang est un forçat
devant tant de rêves qui pourrissent au matin froid de la morgue
320
XXIII
Esclusas abiertas

A ti Enfermera de rostro múltiple

Mintieron Choucoune no ha muerto


será ella Serás tú
en ese lugar donde tan a menudo se muere
quien parte en dos mi boca
a la que creía cerrada sin puente levadizo
al beso a las palabras al silencio

Choucoune es enfermera
y los mangos en flor van a morir
y se despiden del suelo las fuentes
y hasta las hojas agitan pañuelos blancos

Choucoune ha nacido al dolor


como nacen las flores a la pureza del fruto
y le pido a mi tiempo el rocío
y le pido a mi tiempo mil soles
le pido a mi tiempo todos los vicios del diablo
para celebrar las bodas de Choucoune
con el insomnio
con negras ojeras en torno a sus ojos negros

Eres tú quien vela mi edad bravía


en ese lugar donde tantos otros vienen a morir
donde para mi esperanza hay flores
que viven sin agua con noches enteras
Eres tú huida del olor de nuestras alegres primaveras
huida de las huellas de tus pasos en el suelo empapado
Choucoune a solas cerca de las blancas camillas
ante tantos rostros con las horas contadas
ante tantas llagas donde pena la sangre
ante tantos sueños que se pudren en la fría mañana de la morgue
321
Choucoune n’est pas morte
et toi tu revis cent fois pour elle
tu revis ses seins nus dans son corsage en fête
tu revis ses hanches dans le bruissement de ta camélia
tu revis son sexe Tu revis sa peine Tu revis son âme60

Hôpital Général, 27 septembre 1946.

60
Depestre, René: Gerbe de sang, préface de René Bélance, Collection La Vie
Violente, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1946.
322
No ha muerto Choucoune
y tú para ella revives una y mil veces
revives los pechos desnudos de su blusa en fiesta
revives sus caderas en el susurro de tu camelia
revives su sexo Tú revives su pena Tú revives su alma

Hospital General, 27 de septiembre de 1946.

Traducción de Joëlle Guatelli.

323
Minerai noir

Quand la sueur de l’indien se trouva brusquement tarie par le soleil,


Quand la frénésie de l’or draina au marché la dernière goutte de
/ sang indien
De sorte qu’il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines
/ d’or,
On se tourna vers le fleuve musculaire de l’Afrique
Pour assurer la relève de désespoir.
Alors commença la ruée vers l’inépuisable
Trésorerie de la chair noire.
Alors commença la bousculade échevelée
Vers le rayonnant midi du corps noir
Et toute la terre retentit du vacarme des pioches
Dans l’épaisseur du minerai noir,
Et tout juste si des chimistes ne pensèrent
Aux moyens d’obtenir quelqu’alliage précieux
Avec le métal noir tout juste si des dames ne
Rêvèrent d’une batterie de cuisine
En nègre de Sénégal d’un service à thé
En massif négrillon des Antilles
Tout juste si quelque audacieux curé
Ne promit à se paroisse
Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir,
Ou si quelque vaillant capitaine
Ne tailla son épée dans l’ébène minéral
Ou encore si un brave Père Noël ne songea
À des petits soldats de plomb noir
Pour sa visite annuelle.
Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
Dans les entrailles de ma race
Dans le gisement musculaire de l’homme noir.
Voilà de nombreux siècles que dure l’extraction
Des merveilles de cette race.
Oh couches métalliques de mon peuple,
Minerai inépuisable de rosée humaine,
Combien de pirates ont exploré de leurs armes
324
Mineral negro

Cuando el sudor del indio se vio de pronto agotado por el sol,


Cuando el frenesí del oro arrastró al mercado la última gota de
/ sangre india
De manera que no quedó un solo indio en los alrededores de las
/ minas de oro,
Se dieron vuelta hacia el río muscular del África,
Para asegurar el relevo de la desesperación.
Entonces comenzó la carrera hacia la inagotable
Tesorería de la carne negra,
Entonces comenzó el desorbitado asalto
Al esplendente mediodía del cuerpo negro
Y toda la tierra resonó del estruendo de los azadones
En el espesor del mineral negro,
Y no se sabe si algunos químicos pensaron
En los medios de obtener una aleación preciosa
Con el metal negro y si algunas señoras
Soñaron con una batería de cocina
De negro del Senegal con un servicio de té
Macizo negrito de las Antillas.
Si algún cura prometió a su parroquia
Una campana fundida en la sonoridad de la sangre negra,
O aun si un buen Papá Noel soñó
Para su visita anual
En pequeños soldados de plomo negro,
O si algún valiente capitán
Forjó su espada en el ébano mineral,
Toda la tierra resonó con la trepidación de los taladores
En las entrañas de mi raza,
En el yacimiento muscular del hombre negro.
Hace muchos siglos que dura la extracción
De las maravillas de esa raza
¡Oh capas metálicas de mi pueblo,
Mineral inagotable de rocío humano
Cuántos piratas han explorado con sus armas

325
Les profondeurs obscures de ta chair,
Combien de flibustiers se sont frayés leur chemin
À travers la riche végétation de clarté61 de ton corps,
Jonchant tes années de tiges mortes
Et de flaques de larmes
Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné
Comme une terre en labours
Peuplé défriché pour l’enrichissement
Des grandes foires du monde,
Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle
Nul n’osera plus couler des canons et des pièces d’or
Dans le noir métal de ta colère en crue...62

61
Dans la version originale, Depestre écrit «végétation de clarté» au singulier;
cependant, la transcription proposée dans l’anthologie de Mansour et la traduc-
tion de Virgilio Piñera mettent le mot «claridad» au pluriel, autant en français
qu’en espagnol. Voir également la note suivante.
62
Depestre, René: «Minerai noir», Optique, nro. 2, Le Nouvelliste, Port-au-Prince,
avril 1954. Depestre publia par la suite le livre Minerai noir aux éditions Présence
Africaine en 1956, avec quelques variantes dans la ponctuation et dans l’ordre
de certains vers. Ceci est reflété dans la traduction de Virgilio Piñera, qui n’a
probablement pas eu accès à la première édition de ce poème. Voir également
la note antérieure.
326
Las oscuras profundidades de tu carne,
Cuántos filibusteros se han abierto camino
A través de la rica vegetación de claridades19 de tu cuerpo,
Sembrando tus años de tallos muertos
Y de charcos de lágrimas!
Pueblo desvalido pueblo de arriba abajo
Como una tierra labrada,
Pueblo diezmado para el enriquecimiento
De los grandes mercados del mundo
Madura tu grisú en el secreto de tu noche corporal,
Nadie se atreverá ya a fundir cañones y monedas de oro
En el negro metal de tu creciente cólera...20

Traducción de Virgilio Piñera.

19
En la versión original, Depestre escribe «végétation de clarté» en singular; sin
embargo, la transcripción encontrada en la antología de Mansour y la traduc-
ción de Virgilio Piñera pone la palabra «claridad» en plural, tanto en francés
como en español. Ver también nota siguiente.
20
Tomado de Mónica Mansour: Identidades. Poesía negra de América. Antología,
Editorial Arte y Literatura, La Habana, 2011. Posteriormente, Depestre publicó
el libro Minerai noir en la editorial Présence Africaine en 1956 con pequeñas
variantes en la puntuación y en el orden de algunos versos. Esto se ve reflejado
en la traducción de Virgilio Piñera que, probablemente, no tuvo acceso a la
primera edición de este poema. Ver también nota anterior.
327
La machine Singer

Une machine Singer dans un foyer nègre


Arabe, indien, malais, chinois, annamite
Ou dans n’importe quelle maison sans boussole du tiers-monde
C’était le dieu lare qui raccommodait
Les mauvais jours de notre enfance.
Sous nos toits son aiguille tendait
Des pièges fantastiques à la faim.
Son aiguille défiait la soif.
La machine Singer domptait des tigres.
La machine Singer charmait des serpents.
Elle bravait paludismes et cyclones
Et cousait des feuilles à notre nudité.
La machine Singer ne tombait pas du ciel
Elle avait quelque part un père,
Une mère, des tantes, des oncles
Et avant même d’avoir des dents pour mordre
Elle savait se frayer un chemin de lionne.
La machine Singer n’était pas toujours
Une machine à coudre attelée jour et nuit
À la tendresse d’une fée sous-développée.
Parfois c’était une bête féroce
Qui se cabrait avec des griffes
Et qui écumait de rage
Et inondait la maison de fumée
Et la maison restait sans rythme ni mesure
La maison ne tournait plus autour du soleil!
Et les meubles prenaient la fuite
Et les tables surtout les tables
Qui se sentaient très seules
Au milieu du désert de notre faim

328
La máquina Singer

Una máquina Singer en un hogar negro


Árabe, indio, malayo, chino, anamita
O en cualquier casa sin brújula del tercer mundo
Era el dios lar que zurcía
Los días malos de nuestra infancia.
Bajo nuestros techos su aguja le tendía
Trampas fantásticas al hambre.
Su aguja desafiaba la sed.
La máquina Singer domaba tigres.
La máquina Singer encantaba serpientes.
Ella vencía paludismos y ciclones
Y le cosía hojas a nuestra desnudez.
La máquina Singer no caía del cielo
En alguna parte tenía un padre,
Una madre, tías, tíos,
Y aun antes de tener dientes para morder
Ella sabía abrirse un camino de leona.
La máquina Singer no siempre era
Una máquina de coser amarrada día y noche
A la ternura de un hada subdesarollada.
A veces era una bestia feroz
Que se erguía con garras
Y que echaba espumarajos de rabia
Y sumergía la casa en humo
Y la casa quedaba sin ritmo ni compás
¡La casa ya no giraba en torno al sol!
Y los muebles se evadían
Y las mesas sobre todo las mesas
Que se sentían muy solas
En medio del desierto de nuestra hambre

329
Retournaient à leur enfance de la forêt
Et ces jours-là nous savions que Singer
Est un mot tombé d’un dictionnaire de proie
Qui nous attendait parfois derrière les portes
une hache à la main!63

63
Depestre, René: Rage de vivre. Œuvres poétiques complètes, Seghers, Paris, 2006.
[Depestre, René: Au matin de la négritude, Euroéditeur, Paris, 1990].
330
Volvían a su infancia del bosque
Y esos días sabíamos que Singer
Era una palabra caída de un diccionario de rapiña
Que nos esperaba a veces detrás de las puertas
¡un hacha en la mano!

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

331
Non-assistance à poètes en danger

La tendresse des poètes voyage


en baleine bleue autour du monde:
aidez-nous à sauver cette espèce
en voie de disparition.64

64
Depestre, René: Non-assistance à poètes en danger, préface de Michael Onfray,
Seghers, Paris, 2005.
332
No asistencia a poetas en peligro

La ternura de los poetas viaja


en ballena azul alrededor del mundo:
ayúdennos a salvar esta especie
en vía de extinción.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

333
HAÏTI LITTÉRAIRE
Anthony PHELPS (1928)

Mon pays que voici


(extrait)

Je continue ô mon Pays ma lente marche de poète


un bruit de chaîne dans l’oreille un bruit de houle et de ressac
et sur les lèvres un goût de sel et de soleil
Je continue ma lente marche dans les ténèbres
car c’est le règne des vaisseaux de mort

Ils sont venus à fond de cale


tes nouveaux fils à la peau noire
pour la relève de l’Indien au fond des mines
(Le dieu de l’Espagnol n’a point de préjugés
pourvu que ses grands lieux de pierres et de prières
soient rehaussés de sa présence aux reflets jaunes
peu lui importe la main
qui le remonte du ventre de la terre)

Et l’homme noir est arrivé avec sa force et sa chanson


Il était prêt pour la relève
et prêt aussi pour le dépassement
Sa peau tannée défia la trique et le supplice
Son corps de bronze n’était pas fait pour l’esclavage
car s’il était couleur d’ébène
c’est qu’il avait connu la grande plaine brûlée de Liberté

Alors pour que l’Indien suivi du chien muet


chasse l’oiseau chanteur dans le pays des abricots
avec la flèche protégée d’un tampon de coton
pour que le fils connaisse son père
et que la fille ne soit plus
une fontaine au bord des routes
et pour que l’homme soit respecté

336
Anthony PHELPS (1928)

Este es mi país
(fragmento)

Continúo Oh mi país, mi lenta marcha de poeta


un ruido de cadenas en el oído un ruido de oleaje y de resaca
y en los labios un sabor a sal y a sol
Continúo mi lenta marcha en las tinieblas
porque es el reino de las naves de muerte

Llegaron en sentinas
tus hijos nuevos de negra piel
para el relevo del Indio en el fondo de las minas
(El dios del Español no tiene prejuicios
mientras sus magnos sitios de piedras y plegarias
sean enaltecidos por su presencia de amarillos reflejos
poco le importa la mano
que lo escarba desde el vientre de la tierra)

Y el hombre negro llegó con su fuerza y su canto


Estaba listo para el relevo
Listo también para la superación
Su piel curtida desafió el azote y el tormento
Su cuerpo de bronce no estaba hecho para la esclavitud
pues si su piel era color ébano
es que había conocido la gran llanura ardiente de Libertad

Entonces para que el Indio seguido por el perro mudo


cace el pájaro cantor en el país de los mameyes
con la flecha protegida por un borra de algodón
para que el hijo conozca a su padre
y que la hija no sea más
una fuente a orilla de los caminos
y para que el hombre sea respetado

337
et dans sa chair et dans sa foi
ce fut la Trouée Noire
et dans l’Histoire la haute brèche de couleur

Ô Pères de la Patrie
Précurseur Empereur Roi bâtisseur Républicain
Pères glorieux que je ne nommerai point
car tous mêmement avez droit à notre Amour
ô Pères de la Patrie
accordez-nous le don du courage et de l’honneur65

[...]

65
Phelps, Anthony: Nomade je fus de très vieille mémoire, Éditions Bruno Doucey,
Paris, 2012. [Phelps, Anthony: Mon pays que voici suivi de Les dits du fou-aux-
cailloux, P. J. Oswald, Honfleur, 1968]. Ce poème fut diffusé par le biais d’un
enregistrement discographique dès 1966 (Les Disques Coumbite, Montréal,
1966; transféré numériquement sur CD par Les Productions Caliban, Montréal,
2000, 2005).
338
en su carne y en su fe
fue la Grieta Negra
y en la Historia la alta brecha de color

Oh Padres de la Patria
Precursor Emperador Rey constructor Republicano
Padres gloriosos que no nombraré
pues todos mismamente tienen derecho a nuestro Amor
oh Padres de la Patria
concédannos el don de la valentía y del honor21

[...]
Traducción de Yasmina Tippenhauer.

21
Este poema fue difundido a través de una grabación discográfica desde 1966
(Les Disques Coumbite, Montréal, 1966; transferido numéricamente a CD
por Les Productions Caliban, Montréal, 2000, 2005).
339
La nuit des invertébrés

C’est la nuit des invertébrés


De l’autre côté du brouillard une Ville m’attend
que je reconnaîtrai dans ses nids saccagés
dans ses moissons brûlées sa jeunesse fauchée
que je reconnaîtrai par ses claudications

Femme bateau-lucarne une Ville m’attend à la dérive


et moi danseur de corde aux pieds plats
soustrait à l’épouvante et au vol des corbeaux
j’écoute ma Ville s’en aller
cette Ville derrière le brouillard
Port-au-Prince fleur d’éclipse et de marécages
Port-au-Prince becquetée d’oiseaux de proie
Port-au-Prince opprimée
Port-au-Prince aux dieux noirs
à cheval sur l’Occident
dieux aux couleurs d’Archange et d’Immaculée
Port-au-Prince refoulée aux confins de l’ombre
rejetée en marge

Ah tous mes mots et toutes mes joies


tous mes chants et tous mes jeux
pour une main solaire défiant l’édit inique
pour un seul cri d’enfant redécouvrant la fleur-soleil
Mais c’est la nuit des invertébrés
et j’écoute ma Ville s’en aller
dans ses détails et sa monnaie
bulle crevée des marécages

Frères d’exil
compagnons aux pieds poudrés
dans nos regards passe une même vision

340
La noche de los invertebrados

Es la noche de los invertebrados


Al otro lado de la niebla me espera una Ciudad
la reconoceré por sus nidos saqueados
por sus mieses quemadas, su segada juventud
la reconoceré por sus claudicaciones

Mujer barco-lucernario una Ciudad a la deriva me espera


y yo volatinero de pies planos
sustraído al espanto y al vuelo de los cuervos
escucho cómo se me va mi Ciudad
esta Ciudad tras la niebla
Puerto Príncipe flor de eclipse y marismas
Puerto Príncipe picoteada por aves de presa
Puerto Príncipe oprimida
Puerto Príncipe de negros dioses
a horcajadas sobre Occidente
dioses color de Arcángel e Inmaculada
Puerto Príncipe relegada en las lindes de la sombra
rechazada al margen

Ay todas mis palabras y alegrías


mis cantos y mis juegos todos
para una mano solar retando al vil edicto
para un solo grito de niño redescubriendo la flor-sol
Mas es la noche de los invertebrados
y escucho cómo se me va mi Ciudad
en sus detalles y moneda
reventada burbuja de las marismas

Hermanos de exilio
compañeros de pies polvorientos
una misma visión nos surca la mirada

341
les souvenirs en cage derrière la vitre opaque
pèsent comme une dalle
Nous n’avons plus que gestes de fumée
pour conter le temps des kénépiers en fleurs
car nous entrons dans un domaine étrange
de plus en plus tournant dos au Pays
et le verre et l’acier modifient nos croyances

Nous vivons dans une ville


où la chanson du rémouleur n’est même pas un souvenir
où nul ne se rappelle la flûte triangulaire
dont les notes aiguës
montaient et descendaient le long de notre enfance
Nous vivons dans une ville
qui jamais ne connût cet homme
doué du pouvoir de créer des étoiles
en plein midi
Ville de verre Ville d’acier

Ah sirène du midi bourdon de la Cathédrale


vous continuez à marquer le temps ailleurs
mais pas ici dans cette ville d’exil
où ne fleurit jamais la saison des kénèpes
Ô Pays sans été
nous sommes les nègres en allés
clos de silence et oublieux
Nous sommes les nègres transplantés
assis à l’ombre des gratte-ciel
où le Pays d’hier est sans écho
La cruche d’argile rouge ne suinte plus sur notre table
pas plus que ne résonne à nos oreilles
le tintement de la chaudière de fer
Le cri de ralliement des canards sauvages
n’excite plus notre attente dans les marais salants
ô pierres acier et pierres butées d’un ciel nouveau

342
los recuerdos enjaulados tras el opaco cristal
pesan como losa
Tan solo nos quedan gestos de humo
para contar el tiempo de las quenepas en flor
pues penetramos en sitio extraño
dándole al País cada vez más la espalda
y acero y cristal trastornan nuestras creencias

Vivimos en una ciudad


donde el pregón del afilador ni siquiera es recuerdo
donde nadie se acuerda de la flauta triangular
cuya música chillona
subía y bajaba por nuestra infancia
Vivimos en una ciudad
que jamás conoció a aquel hombre
con poderío para crear estrellas
en pleno mediodía
Ciudad de cristal Ciudad de acero

Ay sirena de mediodía campana mayor de la Catedral


seguís marcando el tiempo en otro lugar
mas no aquí en esta ciudad de exilio
donde jamás florece la estación de las quenepas
Oh País sin estío
somos los negros desterrados
tapiados por el silencio y olvidadizos
Somos los negros trasplantados
sentados a la sombra de los rascacielos
donde el País de antaño se ha quedado sin eco
El cántaro de roja arcilla ya no rezuma en nuestra mesa
ni resuena en nuestros oídos
el tintineo de la caldera de hierro
La llamada que congrega a los patos salvajes
ya no azuza nuestra espera en las salinas
oh piedras acero y piedras erguidas de un cielo nuevo

343
C’est la nuit des invertébrés
ombre plénière sur le silence des fuyards
Caraïbéens de forte souche et de longue lignée
nous parlons maintenant langage de gratte-ciel
paroles de givre et mots de neige.66

66
Phelps, Anthony: Nomade je fus de très vieille mémoire, Éditions Bruno Doucey,
Paris, 2012. [Phelps, Anthony: Motifs pour le temps saisonnier, P. J. Oswald,
Paris, 1976].
344
Es la noche de los invertebrados
sombra plenaria sobre el silencio de los prófugos
Caribeños de fuerte cepa y largo linaje
lenguaje de rascacielos hablamos ahora
palabras de escarcha y vocablos de nieve.

Traducción de Joëlle Guatelli.

345
Père Caraïbe

Assise ma parole sous le pin espagnol


parasol et centenaire
j’écoute en moi remonter le passé
et les fantômes de l’Histoire
défilent sous les aiguilles vertes

Assise ma parole sous le pin centenaire


je remets à l’endroit mes guenilles
et prends conscience de mon appartenance
me trouvant beau dans ma nouvelle parure
celle du vrai Père tant de fois récusée
De l’autre côté de l’usure
je découvre tout un grenier du merveilleux
à ciel ouvert
tout un grenier où la vraie vie se vit
sans dés pipés ni fausses cartes
Et pourquoi donc avoir cherché ailleurs
des racines inexistantes
soufflées
faisant confiance aux anciens maîtres
colons ou petits blancs ou soldats du premier empire
tous trois chassés de la scène haïtienne
et qui ont rappliqué par le trou du souffleur

Quel besoin d’avoir des racines impossibles


alors que notre humus caraïbe
possède son pesant de fumier métis
pourri de cris de larmes et de sang
alors qu’à tout instant
dans le maïs et l’allaitement
sous l’acajou le campêcher
dans les conciliabules de papillons
et sur la crête frisée des cannes
la même parole très ancienne
chuintante en voix de vent
346
Padre Caribe

Sentada mi palabra bajo el pino español


parasol y centenario
en mí escucho como sube el pasado
y los fantasmas de la Historia
desfilan bajo las agujas verdes

Sentada mi palabra bajo el pino centenario


otra vez pongo al derecho mis harapos
y tomo conciencia de mi filiación
viéndome guapo en mi nuevo atavío
el del Padre verdadero tanta veces recusado
Al otro lado del desgaste
descubro todo un desván de la maravilla
a cielo abierto
todo un desván donde vivir la vida verdadera
sin dados trucados ni cartas marcadas
Mas por qué haber buscado en otro sitio
raíces inexistentes
insinuadas
confiando en antiguos amos
colonos o pequeños blancos o soldados del primer imperio
echados los tres del escenario haitiano
y que se volvieron a colar por el cajón del apuntador

Qué necesidad hay de raíces imposibles


cuando nuestro humus caribeño
vale su peso en estiércol mestizo
podrido en gritos lágrimas y sangre
cuando a cada instante
entre maíz y mamar
bajo la caoba y el palo campeche
en conciliábulos de mariposas
y en la rizada cresta de las cañas
la misma palabra muy antigua
siseante en voz de viento
347
à coups de mots de fer salubre
marque la vie en neuf et nôtre
ancrée dans le présent

Désaltéré mon poème sous le pin parasol


je ne me ressens point fils de l’Afrique
encore moins de l’Europe cartésienne
n’ai point mémoire de fond de cale
ni souvenance de galions conquérants
mais d’une Terre accrochée à son lieu
née dans son lit
mais d’un Peuple
poussant continuellement sa fleur
de très vieille souche métisse
s’ensemençant sans cesse

Je lève alors mon verre à la santé du ciel


miroir où je me vois en triple
Celui qui m’a vendu celui m’a acheté
et celui que je suis
l’acheteur et le vendeur en moi mêlés
emprisonnés dans la tromperie des verroteries
et de la croix
clinquants et carapaces
dont je m’allège enfin au seuil de mon Midi

Ah Père que je retrouve


Père Caraïbe qui depuis près de quatre siècles
me parles en tempêtes et vents d’Ouest
Père Sonnailler tant de fois renié
au nom d’eaux fortes fascinantes
de peintures pariétales
j’entends distinctement en moi ta bélière caraïbe

Plus jamais n’emprunterai les pistes lisses de l’escargot


La parole en bec d’œuf cassée vers le soleil
je m’ouvre sans réserve au privilège de mon lieu

348
a golpes de palabras de hierro salubre
señala la vida como nueva y nuestra
anclada en el presente

Saciada la sed de mi poema bajo el pino parasol


no me siento hijo de África
menos aún de la Europa cartesiana
no guardo memoria del fondo de las sentinas
ni tengo recuerdo de fieros galeones
sino de una Tierra aferrada a su lugar
nacida en su cama
sino de un Pueblo
creciendo su flor sin cesar
de muy antigua cepa mestiza
sembrándose siempre

Alzo pues mi copa a la salud del cielo


espejo donde me veo trino
quien me vendió quién me compró
quién soy
comprador y vendedor en mí mezclados
en la trampa del abalorio
y de la cruz
relumbrón y caparazón
de los que me libro por fin en el umbral de mi Mediodía

Ah Padre que reencuentro


Padre Caribe que desde casi cuatro siglos
me hablas en tormentas y vientos del Oeste
Padre Cabestro tantas veces renegado
en nombre de aguafuertes fascinantes
de pinturas parietales
en mí oigo claro tu cencerro caribeño

Nunca más recorreré las lisas pistas del caracol


La palabra en pico de huevo rota hacia el sol
de par en par me abro al privilegio de mi lugar

349
reconnu assumé
Lieu de ma Caraïbe
défaillance de toute prophétie
Non point le règne de cannibales
mais tendresse d’hommes et de femmes
en lumineuses moissons

Lieu de mon métissage


quatre langues vivantes en structure verticale
Détroits plaines et cyclones
plages vierges terres hautes
tenant tête à l’arrogance
Deniers de Charles X Blocus de Washington
Lieu de ma Caraïbe par deux fois exemplaire
Paroles de plages ensommeillées
Paroles sur pilotis
Paroles de diamantaires taillant faces neuves à l’Histoire
Le temps du rêve passant d’une île à l’autre
s’exportant même au continent
causant bourrasques rupture de toutes chaînes

Lieu de ma Caraïbe
Terre prétexte où se pétrit sans cesse
le pain rebelle de l’exil
et se façonne une écriture en dard d’abeille
Métisse coulée en mélasse magique
notre Terre fleurit sa parole-pépite
mûrit sa fleur de triple greffe

Le grand vent chahuteur de la Caraïbe


finalement me révèle à moi-même
et quel plaisir dans mon midi serein et libéré
de reconnaître ici ce triple jeu que je fête
ce jeu briseur de toute raison
en corps à corps de délivrance
pour la montée d’une parole majeure
contrant les voix
de tant de dieux frappés en effigie

350
reconocido asumido
Lugar de mi Caribe
yerro de cualquier profecía
En nada reino de caníbales
sino ternura de hombres y mujeres
en luminosas mieses

Lugar de mi mestizaje
cuatro lenguas vivas en estructura vertical
Estrechos llanos y ciclones
playas vírgenes tierras altas
encarando la arrogancia
Deuda a Carlos X Bloqueo de Washington
Lugar de mi Caribe por dos veces ejemplar
Palabras de playas somnolientas
Palabras sobre pilotes
Palabras de diamantistas tallando nuevas caras a la Historia
El tiempo del sueño pasando de isla en isla
exportándose incluso al continente
causando ráfagas rotura de las cadenas todas

Lugar de mi Caribe
Tierra pretexto donde siempre se amasa
el pan rebelde del exilio
y se moldea una escritura aguijón de abeja
Mestiza fundida en melaza mágica
nuestra Tierra abre su palabra-pepita
madura su flor de triple injerto

El vendaval bullanguero del Caribe


al final me revela a mí mismo
cuánto placer en mi mediodía sereno y liberado
al reconocer aquí este triple juego que festejo
este juego rompedor de cualquier razón
en cuerpo a cuerpo libertador
para que prorrumpa una palabra mayor
desdiciendo las voces
de tantos dioses de acuñada efigie

351
Ah Père Caraïbe
Passé piégé Présent gagné

Apaisée ma vision sous le pin parasol


je lis en clair le dit de mon appartenance
Le grand vent chahuteur de la Caraïbe
maintenant mon allié
me délivre de l’emprise des augures mensongers
Je romps enfin le cercle crédule des sables
mobilisant toute une armée de pierres neuves
contre les faux poissons nocturnes
et sous le pin parasol espagnol et centenaire
guenilles à l’endroit
je me remets debout au seuil de mon Midi
Tout un présent à corriger me sollicite67

67
Phelps, Anthony: Nomade je fus de très vieille mémoire, Éditions Bruno Doucey,
Paris, 2012. [Phelps, Anthony: La Bélière caraïbe, Casa de las Américas, La
Habana / Nouvelle Optique, Montréal, 1980].
352
Ah Padre Caribe
Pasado rapiñado Presente conquistado

Sosegada mi visión bajo el pino parasol


leo claro el dicho de mi filiación
El vendaval bullanguero del Caribe
ahora mi aliado
me zafa del poder de agüeros mentirosos
Por fin rompo el cerco crédulo de las arenas
al reclutar una hueste de piedras nuevas
contra los falsos peces nocturnos
y bajo el pino parasol español y centenario
harapos al derecho
vuelvo a erguirme en el umbral de mi Mediodía
Todo un presente por corregir me está solicitando

Traducción de Joëlle Guatelli.

353
René PHILOCTÈTE (1932-1995)

Promesse 3

Toutes cimes couronnées, toutes cimes en liesse, les voix


en chœur des profondeurs, les ailes libres, cloches de l’air,
Proclament le droit d’aînesse à la lumière. Et c’est un vaste
éclat de chant dans les plus hautes sèves.
L’homme se reconnaît et déclare: «Victoire».
Porteur de braises et de verdure, voici qu’un peuple de
vainqueurs dévale les pentes de clarté;
Celui qui maintiendra que vaine est la promesse, il n’aura pas
compris le sens du mot de passe.
Voici qu’un peuple triomphant ouvre les fastes de la fête (qui n’est
/ point d’aujourd’hui, mais d’antique et d’histoire)…
Quelle est la voix qui va parler, quelle est la voix qui dit:
«Victoire est sur la ville et dans la gorge des colombes, puisque le
sceptre de pierre vive est confié à la pureté»?
Nous revenons d’une mémoire… Le temps fut fait de
l’épouvante d’une nuit d’hommes de fer;
O détresse sur la ville! Cauchemar et bruit d’acier,
interminable, sur les graviers.
Je parle de la nuit où l’étoile fut blessée...
Maintenant que le jour s’installe, voici qu’un peuple nouveau-né,
porteur de braise et de verdure, voici qu’un peuple nouveau-né,
dévale les pentes de clarté.
Et moi, poète et citoyen, je rentre dans la foule, parmi les feux
de joie et le chant des bannières.68

68
Philoctète, René: Poèmes des îles qui marchent, anthologie préfacée par Lyonel
Trouillot, Actes Sud, Arles, 2003. [Philoctète, René: Promesse, [s. n.], Port-au-
Prince, 1963].
354
René PHILOCTÈTE (1932-1995)

Promesa 3

Todas cimas coronadas, todas cimas alborozadas, las voces


en coro desde las honduras, las alas libres, campanas del aire,
Proclaman el derecho a la primogénita luz. Y es un amplio
destello de canto en las savias más elevadas.
El hombre se reconoce y declara: «Victoria».
Portador de brasas y verdor, un pueblo de vencedores
corre por las laderas de claridad;
Aquel que sostenga que vana es la promesa, no habrá
entendido el sentido de la palabra secreta.
Hete allí que un pueblo triunfante abre los fastos de la fiesta (que
/ no es de hoy, sino de antiguo y de la historia)…
¿Cuál es la voz que hablará, cuál es la voz que dice:
«Victoria en la ciudad y en la garganta de las palomas, ya que el
báculo de piedra viva es entregado a la pureza»?
Volvemos de una memoria… El tiempo fue hecho
del espanto de una noche de hombres de hierro;
¡Oh miseria sobre la ciudad! Pesadilla y ruido de acero,
interminable, sobre la gravilla.
Hablo de la noche en que la estrella fue herida...
Ahora que el día se instala, un pueblo recién nacido,
Portador de brasas y verdor, un pueblo recién nacido
corre por las laderas de claridad.
Y yo, poeta y ciudadano, me sumerjo en la multitud, entre las
/ hogueras
de júbilo y el canto de las banderas.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

355
Ces îles qui marchent
(extrait)

[...]

Salut Haïti buveuse de légendes pavillon à l’écoute de


la fête erzuléenne tes pas sonores tel un minerai
tu te déhanches
et dans le cercle de phosphore la tête dans les genoux
le cœur sur les lèvres
ballerine tu danses aux ailes de chandelle
puis comme une braise d’un coup allumée par une
main sorcière
tu lèches les étoiles

Belle ô mon beau mystère


Heureuse ô ma chasseresse à la panoplie ornée
de branches et de lumière
entends venir l’ondée comme un baiser longtemps voulu
ô belle comme un dimanche d’amoureux!

Des oiseaux de feu ont des ailes prises à


ton grand vertige
ô miroir où flamboie ton visage de chansons et
de pluies!
Des cloches de verre roulent sur les toits chantant
à tue-tête
ô musique où fleurit l’amour à la poussée des cœurs!

Tout un bonheur confié au peuple de géants


et tant de suaves symphonies à l’orée des cultures
où tremblent de vertes narines
Le temps noue ses secrets à l’avant-garde des tiges
Tant de prodige ô mon pays
lorsque la vie fait sa ronde de veilleuse
de jour et de nuit!

356
Esas islas que caminan
(fragmento)

[...]

Hola Haití bebedora de leyendas pabellón que prestas oídos a


la fiesta de Erzulie tus pasos sonoros como un mineral
meneas tus caderas
y en el círculo de fósforo con la cabeza en las rodillas
con el corazón a flor de labios
bailarina danzas con alas de candela
y como un ascua de pronto encendida por una
mano bruja
lames las estrellas

Hermosa oh mi bello misterio


Feliz oh cazadora mía de panoplia adornada
con ramas y luz
oye acudir la llovizna como beso ha tiempo deseado
¡oh hermosa como un domingo de enamorados!

Pájaros de fuego llevan alas presas en


tu gran vértigo
¡oh espejo donde resplandece tu rostro de canciones
y de lluvias!
Campanas de cristal ruedan por los tejados cantando
a voces
¡oh música donde florece el amor al impulso de los corazones!

Una entera felicidad confiada al pueblo de gigantes


y tantas suaves sinfonías al alba de las culturas
donde tiemblan verdes narinas
El tiempo anuda sus secretos en la vanguardia de los tallos
Tanto prodigio oh mi país
cuando la vida hace su ronda de vigilante
¡de día y de noche!

357
Qu’il fait bon parmi les rues parmi le ciel parmi
les gens et que l’air a le chant d’une colombe heureuse
de couver
Comme on se dit bonjour et que l’on se comprend!
On dirait qu’une verte promesse élargit les paupières
Il tourne dans les yeux d’étranges escaliers
que montent et descendent des anges
comme dans le livre de Jacob

Qu’il fait bon sentir la terre parmi l’odeur des


citronniers
voir un enfant lâcher un cerf-volant comme un don
au ciel bleu
ma femme sur sa jupe promener le printemps
et mon amour dans tout cela qui voudrait l’apprivoiser!

Je salue la terre mienne du geste large de la résurgence


et j’invite mes délires tous les mots libérés à lui crier
l’amour dont elle m’a nourri
Le ciel va craquer sous la ruée vert d’eau des étoiles Les
vierges qui circulent aux terrasses d’en haut ont vu le
signe et jeté le jasmin légendaire de leur sourire

Toute l’heure illuminée Toute l’heure grave applaudit


au réveil de la crinière noble de la bête
longtemps assoupie
Ô migration des plus fortes voix!
Horizons écartez-vous mercenaires des bleuités pour que
les peuples passent vos bornes
et viennent – Alléluia!
dans l’éclairage des jardins confondre les bannières
les chansons les baisers!
Un grand appel a traversé les nues pour que de toute
façon les cœurs soient embrasés de la terre reconquise
Ô que ma voix libère son climat de colombes
et que l’homme démiurge en fasse son trésor personnel!

358
Qué bien se está entre las calles entre el cielo entre
la gente y qué parecido el aire al canto de una paloma contenta
de empollar
¡Cómo nos saludamos y cómo nos comprendemos!
Diríase que una verde promesa agranda los párpados
Giran por los ojos extrañas escaleras
que suben y bajan ángeles
como en el libro de Jacob

Qué grato es oler la tierra entre el aroma de los


limoneros
ver a un niño volar una cometa como una ofrenda
al cielo azul
a mi mujer paseando en su falda la primavera
¡y mi amor en todo esto que quiere cautivarla!

Saludo a la tierra mía con el gesto amplio del resurgimiento


e invito mis delirios todas las palabras liberadas a gritarle
el amor del que me nutrió
El cielo va a estallar bajo la estampida color agua de las estrellas Las
vírgenes que circulan en las terrazas de arriba vieron la
señal y arrojaron el jazmín legendario de su sonrisa

La hora entera iluminada La hora entera grave aplaude


al despertar de la noble crin de la bestia
por mucho tiempo adormecida
¡Oh migración de las voces más fuertes!
Horizontes apártense mercenarios de las azulosidades para que
los pueblos crucen sus límites
y vengan –¡Aleluya!
bajo el alumbrado de los jardines ¡a confundir las banderas
las canciones los besos!
Un gran llamado atravesó las nubes para que de cualquier
modo los corazones se abrasen por la tierra reconquistada
¡Oh que mi voz libere su clima de palomas
y que el hombre demiurgo la convierta en personal tesoro!

359
J’entends grandir cet âge que je ne puis définir tant la
majesté m’éblouit d’une beauté suprême
pousser des lèvres comme en mai partout des tiges
glorieuses
comme dessus les vagues se pavaner des flammes
Oh que marchent les couleurs! Oh que ma poésie se taise
car la fête dépasse la magnificence de la prophétie!69

69
Philoctète, René: Ces îles qui marchent, Éditions Mémoire, Port-au-Prince,
1992. [Philoctète, René: Ces îles qui marchent, Spirale, Port-au-Prince, 1969].
360
Oigo crecer esa edad que definir no puedo de tanta
majestad deslumbrante de hermosura suprema
brotar labios como en mayo por todas partes tallos
gloriosos
como por sobre las olas pavonearse llamas
¡Oh que anden los colores! ¡Oh que calle mi canto
pues la fiesta supera la magnificencia de la profecía!

Traducción de Dolores Phillipps-López.

361
À mon pays blessé!

Je suis né de toi comme d’une boucherie. Et ton sang


hurle en moi malgré le feu des fleurs, le bal du ciel, malgré
l’amour des yeux des filles, l’appétit de vivre de tes gens.

Ta misère est un produit d’Exposition Internationale.


Les amateurs la parlent et s’étonnent du génie de sa
fabrication. De tant de tact à l’entretenir.
Produit made in Haiti, W. I.; mis hors concours; à vendre au
plus offrant. Avec tes signes distinctifs, ta raison d’être, tes
perspectives.
Ô mon pays blessé!70

70
In Castera, Georges & Pierre, Claude & Saint-Éloi, Rodney & Trouillot,
Lyonel: Anthologie de la littérature haïtienne. Un siècle de poésie 1901-2001,
Mémoire d’encrier, Montréal, 2003. [Philoctète, René: Ping pong politique,
[s. n.], Port-au-Prince, 1987].
362
¡A mi país herido!

He nacido de ti como de una carnicería. Y tu sangre


brama en mí pese al fuego de las flores, al baile del cielo, pese
al amor en la mirada de las muchachas, a la alegría de vivir de tu
/ gente.

Tu miseria es un producto de Exposición Internacional.


Los aficionados la discuten y se asombran del genio de su
fabricación. De tanto tacto por mantenerlo.
Producto made in Haiti, W. I.; fuera de concurso; en venta al
mejor postor. Con tus signos distintivos, tu razón de ser, tus
perspectivas.
¡Oh mi país herido!

Traducción de Dolores Phillipps-López.

363
Terrophagie

Grasse, grasse Sous mes pieds, la terre! Toute


la conjugaison des choses vives! Malheur quand
les enfants de la terre mangent la terre parce
que la terre refuse de les nourrir. Non que la
terre soit marâtre mais parce qu’elle est maigre,
débile et qu’elle n’a pas la force de pousser
ses jumeaux bourgeons, fleurs, fruits et nourritures.
Non point infâmes les enfants de la terre
mais parce qu’ils ont regardé aussi loin que
peuvent porter leurs regards et qu’ils n’ont vu
que la terre nue, son ventre plissé, stérile.
Parce qu’ils ont faim tout simplement. Et parce qu’ils
n’ont que la terre à leur portée. Des hectares de terre
à bouffer. Et non point quintaux de maïs. Des
brassées de terre à broyer. Et non point épis de
riz. Des mottes de terre à bouillir, à avaler, à digérer.
Et non point de millets germés.
Des boules de terre à croquer, à sucer. Et non point de
berlingots à la menthe, à la cerise, à la fraise,
à la foutre. Parce qu’à force de manger la terre,
ils lui ont pris son fer, ses sels. Et parce qu’au
bout du compte, ils l’ont trouvée bonne.
Nécessairement. Faute de mieux.

O l’épouvantable terrophagie des mâchoires affamées!71

71
In Conjonction: «Surréalisme et révolte en Haïti», nro. 193, préparé par Georges
Castera, Institut français d’Haïti, Port-au-Prince, 1992.
364
Terrofagia

¡Fértil, fértil Bajo mis pies, la tierra! ¡La entera


conjugación de las cosas vivas! Maldición cuando
los hijos de la tierra se comen la tierra porque
la tierra se niega a darles de comer. No ya porque la
tierra sea madrastra mas porque está enjuta,
débil y que no tiene fuerza para engendrar
sus mellizas yemas, flores, frutos y alimentos.
Para nada infames los hijos de la tierra
sino que han mirado tan lejos como
pueden alcanzar sus miradas y que no han visto
más que la tierra desnuda, su vientre marchito, estéril.
Porque tienen hambre simplemente. Y porque
no tienen más que la tierra a su alcance. Hectáreas de tierra
que tragar. Nada de quintales de maíz.
Brazadas de tierra que moler. Y nada de espigas de
arroz. Terrones que cocer, que tragar, que digerir.
Y nada de brotes de mijo.
Bolas de tierra que morder, que chupar. Y nada de
caramelos de menta, de cereza, de fresa,
de semen. Porque a fuerza de comerse la tierra,
le han sacado su hierro, sus sales. Y porque a
fin de cuentas, les ha llegado a gustar.
Necesariamente. A falta de algo mejor.

¡Oh la espantosa terrofagia de las bocas hambrientas!

Traducción de Dolores Phillipps-López.

365
Roland MORISSEAU (1933-1995)

Pour d’autres agapes fraternelles


(extraits)

…Un tout petit souvenir


qu’on emporte
un soir
un tout petit souvenir
tout petit
qui n’est rien
n’est pas d’une amourette
d’un baiser frileux
circuit
sur les lèvres
n’est pas grand’chose
aux yeux
qui ne tape pas fort
sur le cœur
mais qui dit bon de vivre
Un souvenir d’un simple soir
de dimanche
qui me disait
ce que d’espoir
il y a
dans un petit mot à la rotondité de la terre.

Ce petit mot
a
rougi mon sang du rouge d’un monde
que l’unité des bras forgera
Ce petit mot
a
tranché mes heurts au tranchant des heures
qui font sonner l’espoir

366
Roland MORISSEAU (1933-1995)

Para otros ágapes fraternales


(fragmentos)

...Un recuerdo muy pequeño


que uno se lleva
una noche
un recuerdo muy pequeño
muy pequeño
que no es nada
no es de un amorío
de un tímido beso
circuito
en los labios
no es gran cosa
al mirarse
que no golpea fuertemente
en el corazón
pero que dice lo bueno del vivir
Un recuerdo de una simple noche
de domingo
que me hablaba
de la esperanza
contenida
en una pequeña palabra redonda como la tierra.

Esa palabra pequeña


ha
enrojecido mi sangre con el rojo de un mundo
que la unión de los brazos forjará
Esa pequeña palabra
ha
cortado mis tropiezos al filo de las horas
que hacen sonar la esperanza

367
Ce petit mot
est
vacarme de lambi dans la luxuriance des étoiles
saccade de tambour dans les entrailles du coumbite
saccade de tambour dans le moteur des bandes-de-société
qui vont wagon-humains
dans le sillage des nuits de mon pays
Et les hommes sont mille torches éteintes dans les aisselles de la nuit.

Un tout petit souvenir


m’a appris bien des choses
dans un petit mot
bien des choses
des choses
dans un petit mot à la rotondité de la terre
La terre qui tourne sur elle-même
en vingt quatre heures
depuis la naissance du monde
en l’an un
depuis le premier jour
en l’an un
depuis la première nuit
en l’an un
et le soleil qui ne s’est jamais éteint
depuis l’an un
et la lune dans la nuit
plaque d’or
médaille d’or
la lune dans la multitude des étoiles

Or
je naquis un jour au carrefour des années
un jour parmi ceux de septembre
comme ça

Je fus un songe que la nuit dissipa. Un écho étouffé au creux des


mains. Rien qu’un échouage quelque part au large de Port-au-Prince.
Je me souviens, je me souviendrai de toutes les routes de mon
enfance, de tous les quartiers de mon enfance, de ses tristes paysages

368
Esa pequeña palabra
es
barahúnda de lambí en la suntuosidad de las estrellas
sacudidas de tambor en las entrañas del cumbite
sacudidas de tambor en el motor de las bandas-de-sociedad
que van como vagón-de-humanos
al compás de las noches de mi país
Y los hombres son mil extintas antorchas en las axilas de la noche.

Un recuerdo muy pequeño


me ha enseñado tantas cosas
en una pequeña palabra
tantas cosas
cosas
en una palabra pequeña redonda como la tierra
La tierra que gira sobre sí misma
en veinticuatro horas
desde el nacimiento del mundo
en el año uno
desde el primer día
en el año uno
desde la primera noche
en el año uno
y el sol que nunca se apagó
desde el año uno
y la luna en la noche
placa de oro
medalla de oro
la luna en la multitud de las estrellas

Pero
yo nací un día en el cruce de los años
un día entre los de septiembre
así

Fui un sueño que la noche disipó. Un eco ahogado en el hueco de


las manos. Nada más un encallarse en algún lugar allá en las aguas
de Puerto Príncipe. Me acuerdo, me acordaré de todos los caminos de
mi infancia, de todos los barrios de mi infancia, de sus tristes

369
décharnés. Les bons amis que je n’ai pas revus Pierre BATHARD,
Jacques GABRIEL, G. FORTUNE et qui savaient jouer au soldat
marron sur la Place Pétion rue Bonne Foi sont dispersés.

C’était l’époque de l’heure de guerre et du marché noir

La dernière guerre mondiale avait mobilisé tous les esprits


La dernière guerre mondiale mobilisait tous les cœurs
La dernière guerre mondiale la sale guerre…

[...]

Il y a des gens qui tournent avec la vie


il y a des gens qui vivent
mais qui ne tournent pas avec la vie
et pour qui
la terre n’est qu’un champ de malheur

Il y aura pour ceux-là un soleil à se lever


aux confins des jours à venir
qui sera le soleil de la liberté
Il y aura pour les mendiants de justice
les mendiants de gîte
les mendiants de pain
de sommeil
les mendiants d’un peu de santé
qui longent les longs trottoirs
des ruelles
des avenues
des villas
les trottoirs de bitume féroce
Il y aura pour les lépreux de la terre
pour ceux que le Bacille-de-Koch
ronge jusqu’à la ruine
pour ceux dont le cancer aura prononcé l’arrêt de mort
pour ceux qui sont infectés
par le pian
le chique

370
paisajes descarnados. Los buenos amigos que no he vuelto a ver
Pierre BATHARD, Jacques GABRIEL, G. FORTUNE y que solían
jugar al soldado cimarrón en la Plaza Pétion calle Bonne Foi están
dispersados.

Era la época de la hora de guerra y del mercado negro

La última guerra mundial había movilizado todos los espíritus


La última guerra mundial movilizaba todos los corazones
La última guerra mundial la sucia guerra...

[...]

Hay gente que gira con la vida


hay gente que vive
pero que no gira con la vida
y para quien
la tierra no es más que un campo de desgracia

Habrá para ellos un sol de amanecer


en los confines de los días venideros
que será el sol de la libertad
Habrá para los mendigos de justicia
los mendigos de morada
los mendigos de pan
de sueño
los mendigos de un poco de salud
que bordean las largas aceras
de las calles
de las avenidas
de las mansiones
las aceras de feroz asfalto
Habrá para los leprosos de la tierra
para aquéllos a los que el Bacilo-de-Koch
roe hasta la ruina
para aquellos cuyo cáncer habrá pronunciado la sentencia de muerte
para aquellos que están infectados
por el pian
la nigua

371
pour ceux qui tombent d’anémie à cinq heures du matin
et qu’on retrouve adossés aux portes des églises
Les cécités qui ne voient pas la vie avec ses extravagances
Les surdités qui n’entendent pas la vie et ses tintamarres
Il y aura pour tous d’autres agapes fraternelles
quand aux confins des jours à venir
se lèvera l’immense soleil de justice
il y aura pour tous un seul nom: CAMARADE

(poésie 59)72

72
Morisseau, Roland: Germination d’espoir, Collection Haïti Littéraire, Impri-
merie N. A. Théodore, Port-au-Prince, 1962.
372
para aquellos que caen de anemia a las cinco de la mañana
y que acaban recostados en las puertas de las iglesias
Las cegueras que no ven la vida con sus extravagancias
Las sorderas que no oyen la vida y sus bullarangas
Para todos habrá otros ágapes fraternales
cuando en los confines de los días venideros
se levante el inmenso sol de justicia
habrá para todos un solo nombre: CAMARADA

(poesía 59)

Traducción de Dolores Phillipps-López.

373
Janine TAVERNIER (1935)

Volonté 2

Que suis-je. Une âme errante rejetée,


par mon passé sur cet autre versant
où mon présent ne reconnaît rien
ni mon corps originel ni le quartier
où jadis je suis née
Ce quadrillage de rues qui se croisent
et s’entrecroisent
cette surface déparée d’un asphalte grisonnant
n’est nulle part
Quelque part cependant une cloche sonne…
mais ça fait si longtemps déjà que les cloches
n’ont sonné que dans ma mémoire.
Je déambule.
Partout montent des cris d’enfants ceux
qui me réclament de leur droit de sang au
royaume des neiges blanches
des chats panachés
Triste je m’éloigne d’eux,
Je vais, je marche, j’avance
Immense en ma démence je me tiens la tête droite
à toucher les étoiles car il ne faudrait surtout pas
que mes spectateurs me croient aveugle, sourde,
somnambule, cataleptique car je suis en fait
bien éveillée,
je ne tourne ni ne pivote
je ne me démène point du tout
je suis celle qui se tient debout
fixée dans son inflexibilité
sur le cadavre déjà véreux
d’un pays que d’autres ont mis à mort
quant à moi je n’ai jamais été chasseur

374
Janine TAVERNIER (1935)

Voluntad 2

Qué soy yo. Un alma errante expulsada,


por mi pasado sobre esta otra vertiente
donde mi presente no reconoce nada
ni mi cuerpo original ni el barrio
donde antaño nací
Este plano de calles que se cruzan
y se entrecruzan
esta superficie dispareja de asfalto grisáceo
no está en ningún lugar
Sin embargo en algún lugar suena una campana....
pero hace ya tanto tiempo que las campanas
solo suenan en mi memoria.
Deambulo.
En todos lados se oyen gritos de niños los
que me reclaman su derecho de sangre en el
reino de las nieves blancas
de los gatos jaspeados
Triste me alejo de ellos,
Voy, camino, avanzo
Inmensa en mi demencia sigo la cabeza erguida
tocando las estrellas pues hay que evitar que
mis espectadores me crean ciega, sorda,
somnámbula, cataléptica pues en realidad estoy
bien despierta,
no giro ni oscilo
no me agito en absoluto
soy la que está de pie
firme en su inflexibilidad
sobre el cadáver ya descompuesto
de un país que otros condenaron a muerte
por mi parte nunca fui cazador

375
mais de quelle volonté d’innocence
oserais-je aujourd’hui me réclamer?
J’entends encore sonner cette cloche de nulle part
elle sonne, de ma tète elle s’éparpille
avec mes corbeaux qui lui font escorte,
elle est là dedans ma tête cette maudite,
c’est sans doute un son de cor,
un hallali la bête est traquée,
cernée et je sais qu’elle mourra.
Ô le savoir impitoyable et l’inertie inextricable
dans la montée abyssale et lente des marées
contritionaires du refoulement enfin libéré…
Parce qu’ailleurs dans un grand univers quelconque
Je me suis trouvée peinarde protégée par leur
gigantisme cacophonique ma vie apprivoisée
en équilibre au centre de leur déséquilibre
Mais qui sont-ils ces enfants croûtés crottés
qui se détournent en ricanant?
c’est partout des enfants
on ne peut même plus savoir
à partir de cette virtualité
où on est, qui ils sont, qui on est
et puis qui je suis est sans doute
une évidence contrefaite d'un fait divers
mais c’est vraiment tant pis
si je ne me connais plus
c’est tellement sans importance
si je ne sais plus qui je suis
puisque chaque jour des voix nouvelles
à la légère me renomment,
que des mains étrangères de justesse
me taillent me cisaillent me rafistolent
à la mesure de leur miniaturisme,
moi qui ne suis que démesure.
J’avance je passe
Il suffit de reconnaître le ciel
pardessus toutes choses
pour que se retrouve la succession

376
pero ¿de qué voluntad de inocencia
me atrevería a alardear hoy?
Todavía oigo esa campana que suena desde ningún lugar
ella suena, desde mi cabeza se esparce
con mis cuervos que la escoltan,
ella está aquí dentro de mi cabeza la maldita,
es sin duda un toque de cuerno,
un hallali la bestia está acorralada,
cercada y yo sé que morirá.
Oh el saber inclemente y la inercia inextricable
en la subida abismal y lenta de las mareas
contricionarias de la represión por fin liberada...
Porque en otro lugar en un gran universo cualquiera
Yo me sentí tranquila protegida por su
gigantismo cacofónico mi vida amansada
en equilibrio en el centro de su desequilibrio
Pero ¿quiénes son esos niños mocosos mugrientos
que se apartan riéndose?
por todos lados son niños
ya no se puede saber
desde esta virtualidad
dónde estamos, quiénes son, quiénes somos
y luego quién soy es sin duda
una evidencia copiada de una crónica cualquiera
pero de verdad da igual
si ya no me conozco
es de tan poca importancia
ya no saber quién soy
ya que cada día voces nuevas
a la ligera me vuelven a nombrar,
que manos extranjeras con las justas
me tallan me cincelan me reparan
a la medida de su miniaturismo,
yo que no soy más que desmesura.
Avanzo paso
Basta con reconocer el cielo
sobre todas las cosas
para volver a encontrar la secuencia

377
des pas hésitants.
Déjà dans ce petit cimetière privé à Pétion-ville
j’ai enfoui parmi les fleurs dans la terre consentante
à côté de toi papa le passeport bleu de la piété
et de la reconnaissance filiale et ce doit être
encore à cause de cette cloche qui n’arrête pas
alors ma mémoire par pitié pour mon cœur
la pare de noms artificieux,
cloche d’église, vêpres, tocsin?
mais moi je sais que ce grondement qui
me projette en avant dans l’affolement
m’arrachant cette rengaine barbare de
phrases hachées de mots de colère bilieux
hoquetant sans fin une même malédiction
contre cette autre moi-même c’est…
c’est…

Tu t’arrêtes, tu penches la tête pour écouter


c’est l’appel du pays n’est-ce pas
dans le temps passé du revenir
c’était alors le temps de revenir
mais tu n’es pas revenue.
Trop tard il est trop tard maintenant
dans ce pays qui ne t’attendait plus
ce pays qui n’attendra plus jamais personne
tu t’es glissée grande ombre timide et malhabile
Va pauvre âme sœur. Par les rues va, passe
sans bruit, poursuis ton chemin vagabond
esprit d’ailleurs octroie cependant
un pardon tributaire à ta démence.73

73
Tavernier, Janine: Sphinx du Laurier Rose, Éditions Khus Khus / Imprimerie
Le Natal, Port-au-Prince, 2010.
378
de los pasos vacilantes.
Ya en este pequeño cementerio privado de Pétion-ville
enterré entre las flores bajo la tierra condescendiente
cerca de ti papá el pasaporte azul de la piedad
y del reconocimiento filial y aún debe ser
por esa campana incesante
entonces mi memoria por piedad de mi corazón
la adorna de nombres artificiosos,
¿campana de iglesia, vísperas, sirena?
pero yo sé que este rugido que
me proyecta hacia el pánico
arrancándome ese estribillo bárbaro de
frases cortadas con palabras de cólera biliosas
sollozando sin fin una misma maldición
contra esa otra yo misma es...
es...

Te detienes, inclinas la cabeza para escuchar


es el llamado del país ¿verdad?
en el tiempo pasado del volver
era entonces el tiempo de volver
pero tú no volviste.
Tarde es demasiado tarde ahora
en este país que ya no te esperaba
este país que ya no esperará a nadie más
te deslizaste gran sombra tímida y torpe
Ve pobre alma hermana. Ve por las calles, pasa
sin ruido, sigue tu camino vagabundo
espíritu ajeno otórgale sin embargo
un perdón tributario a tu demencia.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

379
Georges CASTERA FILS (1936)

Art poétique

aux poètes aînés Césaire et Morisseau-Leroy

«le poème doit être RYTHMES et RIRES à l’excès»

mets ta bouche sur la blessure des mots


et bois-en le pus amer…
tu dois refaire les pièges à colons,
le langage de tes tambours,
tu dois rééditer ton rire
nègre
qu’on dit unique
CAR
tu as voté pour la rime.
oui pour la rime… (dire que nous
avons bousculé les règles)
je sais: le poème doit être
RYTHMES et RIRES
ET
les mots doivent, à leurs propres cliquetis sous la plume,
se tromper
et se mettre parfois en colère
Tu ferais bien d’ouvrir l’œil
et capter le rythme pendant
qu’il est en toi
sans vertiges sans idoles
mais figures géométriques
séduites par un pas de vodou
à l’excès
Oui je sais, la peur de n’être pas
compris
par tout le monde…
380
Georges CASTERA FILS (1936)

Arte poética

a los poetas mayores Césaire y Morisseau-Leroy

«el poema debe ser RITMOS y RISAS en exceso»

pon tu boca en la herida de las palabras


y bebe su pus amargo...
debes rehacer las trampas para colonos,
el lenguaje de tus tambores,
debes reeditar tu risa
negro
que dicen única
PUES
votaste por la rima.
sí por la rima... (y pensar que
hemos atropellado las reglas)
lo sé: el poema debe ser
RITMOS Y RISAS
Y
las palabras deben, en sus propios repiqueteos bajo la pluma,
equivocarse
y a veces enfurecerse
Tendrías que abrir los ojos
y capturar el ritmo mientras
esté en ti
sin vértigos sin ídolos
sino figuras geométricas
seducidas por un paso de vodú
en exceso
Sí lo sé, el miedo a no ser
comprendido
por todos...
381
la crainte
la peur.
eh bien
les mots
nous les voulons
RIRES et RYTHMES
à l’excès
Bien sûr
puisqu’ils passent la porte de nos
bouches
avec du sang (et sans rétrécir)
Rythmes et Danses
à l’excès
…mets ta bouche sur la blessure des mots
et bois-en le pus amer…
N’aie plus peur des tambours empilés sous ta peau
n’aie plus peur de rire à gorge battante le rire
africain des tams-tams
Rires et Jazz
à l’excès
non pas question de règles
pas question
pour Nous (les hommes-tams-tams)
de coucher avec la rime
dans un lit de douze pieds
bien comptés
bordé de césure
RYTHMES et RIRES
comme un vrai nègre
sans accent étranger
RYTHMES et RIRES
comme Aimé Césaire
sublime assassin de la rime
mais sauveur du rythme caché dans le sexe des mots
nos
rires
OUI il y avait des nègres pour rigoler et
je continue de rire

382
el temor
el miedo.
pues bien
las palabras
las queremos
RISAS Y RITMOS
en exceso
Claro
como pasan la puerta de nuestras
bocas
con sangre (y sin encoger)
Ritmos y Danzas
en exceso
...pon tu boca en la herida de las palabras
y bebe su pus amargo...
Ya no temas los tambores amontonados bajo tu piel
ya no temas reír a carcajadas la risa
africana de los tam-tam
Risas y Jazz
en exceso
no ni hablar de reglas
ni hablar
para Nosotros (los hombres tam-tam)
de acostarnos con la rima
en una cama de doce pies
bien contados
marcado por cesura
RITMOS Y RISAS
como un auténtico negro
sin acento extranjero
RITMOS Y RISAS
como Aimé Césaire
sublime asesino de la rima
pero salvador del ritmo escondido en el sexo de las palabras
nuestras
risas
SÍ había negros para reír y
yo me sigo riendo

383
…Pas de règles
nous sautons plus haut que l’alexandrin
pas de règles: (simples accords de sexes bandés)
hors de toute ruse
attelle le rythme à tes pas
face au mur
1… 2… 3… FEU
nous violons les règles d’où qu’elles viennent
et mort au vers
à fleur de peau
à fleur de ride
à fleur de cœur
sans plainte murmurante
MAIS
clameurs osées
murissant sous nos pieds
ou figures géométriques
séduites par un pas de vodou
à fleur de rire
à fleur de rythme
Peut-être bien
c’est à dormir debout
et se réveiller mort-né
à six lieues de la forêt du langage?
POURQUOI PAS?
la rime: un entre-mets
et non
le vrai repas où nous nous offrons des chants à pleine
bouffée
à fleur de rire
à fleur de rythme
Rythmes rires et giffles
pêle-
mêle
sans crédit
MAIS gestes nègres
fertiles en sensations
… nos rires: un pur mélange de rhum et de piment

384
...Nada de reglas
nosotros saltamos más alto que el alejandrino
nada de reglas: (simples acordes de sexos erguidos)
fuera de toda astucia
ata el ritmo a tus pasos
frente al muro
1...2...3.... FUEGO
violamos las reglas de dónde vengan
y muerte al verso
a flor de piel
a flor de arruga
a flor de corazón
sin queja murmurante
SINO
clamores audaces
madurando bajo nuestros pies
o figuras geométricas
seducidas por un paso de vodú
a flor de risa
a flor de ritmo
Es posible
es para no creer
y nacer muerto
¿a seis leguas del bosque del lenguaje?
¿POR QUÉ NO?
la rima: un entremés
y no
el plato fuerte donde saboreamos cantos a bocanadas
llenas
a flor de risa
a flor de ritmo
Ritmos risas y bofetadas
sin
orden
sin crédito
SINO gestos negros
fértiles en sensaciones
...nuestras risas: pura mezcla de ron y pimienta

385
des rires qui plantent leurs symboles
dans un jour plus beau
qu’un corps d’une femme.
C’est juste,
un rire minutant notre coït matinal
avec tous les grands-poèmes-à-rythmes-de-négresse
RIRES, RYTHMES
et du sang dans la bouche. Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!
mon rire me déchire la gueule. Non pas question de s’excuser
mets ton oreille sur la poitrine des mots
et gardes-en le souffle
libre et Nègre
de tams-tams haïtiens
Et le rythme est à la mesure des foules…74

74
Castera fils, Georges: «Art poétique», Optique, nro. 27, Le Nouvelliste, Port-au-
Prince, 1956.
386
de risas que plantan sus símbolos
en un día más hermoso
que el cuerpo de una mujer.
Es claro,
una risa midiendo la cadencia de nuestro coito matutino
con todos los grandes-poemas-con-ritmos-de-negra
RISAS, RITMOS
y sangre en la boca. ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah! ¡Ah!
mi risa me desgarra el hocico. No nada de disculpas
pon tu oreja sobre el pecho de las palabras
y guarda su aliento
libre y Negro
de los tam-tam haitianos
Y el ritmo sigue el compás de la muchedumbre...

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

387
Première réponse

Ah! quand il n’y aura plus aucun salaud à abattre


notre part de vitesse sur le temps
sera énorme
Il faudra bien un jour engranger
prendre acte que nous sommes depuis si longtemps
interdits de printemps.75

75
Castera fils, Georges: L’encre est ma demeure, anthologie établie et préfacée par
Lyonel Trouillot, Actes Sud, Arles, 2006. [Castera fils, Georges: Voix de tête,
Éditions Mémoire, Port-au-Prince, 1996].
388
Primera respuesta

¡Ah! cuando ya no quede ningún bastardo por liquidar


nuestra parte de velocidad sobre el tiempo
será enorme
Algún día habrá que empezar
reconocer que hace tanto
que nos es vedada la primavera.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

389
Certitude

Ce n’est pas avec de l’encre


que je t’écris
c’est avec ma voix de tambour
assiégé par des chutes de pierres

Je n’appartiens pas au temps des grammairiens


mais à celui de l’éloquence
étouffée
Aime-moi comme une maison qui brûle.76

76
Castera fils, Georges: L’encre est ma demeure, anthologie établie et préfacée par
Lyonel Trouillot, Actes Sud, Arles, 2006. [Castera fils, Georges: Voix de tête,
Éditions Mémoire, Port-au-Prince, 1996].
390
Certidumbre

No es con tinta
que te escribo
sino con mi voz de tambor
asediado por derrumbes de piedras

No pertenezco al tiempo de los gramáticos


sino al de la elocuencia
sofocada
Ámame como una casa que arde.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

391
Signal

Un peu de sel sur ton rire


ému
et le jour est nu.77

77
Castera fils, Georges: L’encre est ma demeure, anthologie établie et préfacée par
Lyonel Trouillot, Actes Sud, Arles, 2006. [Castera fils, Georges: Voix de tête,
Éditions Mémoire, Port-au-Prince, 1996].
392
Señal

Una pizca de sal sobre tu risa


conmovida
y el día está desnudo.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

393
DAVERTIGE (1940-2004)78
(Villard DENIS)

Anacaona

Magicienne de la confiance au fond des bois


Tu n’es plus fétiche aujourd’hui car le dialecte
Lèche ton sexe de lait pur Tes yeux renvoient
L’image déferlée hors sur les mares infectes

Innocence avant le déluge ton corps gît


Sur la merveille Assez de ma Vierge fragile
Immense Ô tendresse aux doigts fumants il est dit
Pour cette source claire un hymne dans ma ville

Je t’évoque rosée algue à travers le jour


Un seul soleil qui fuit qui fouille la lumière
Diamant miraculeux ton feu refait le tour

De l’herbe et le serpent d’été fait sa prière


Quand la fumée aura construit son arche bleue
J’inscrirai sur ma porte Agi-Aya Bombé79

78
Davertige est le seul auteur qui rompt la chronologie, étant donné qu’il est
né en 1940 et que Frankétienne, né en 1936, le suit dans cette anthologie.
Il figure ici car il a fait partie d’Haïti Littéraire.
79
Davertige: Idem et autres poèmes, Éditions Seghers, Paris, 1964. [Davertige:
Idem, Collection Haïti Littéraire, Imprimerie Théodore, Port-au-Prince, 1962].
394
DAVERTIGE (1940-2004)22
(Villard DENIS)

Anacaona

Maga de la confianza en lo hondo del bosque


Hoy ya no eres fetiche pues el dialecto
Lame tu sexo de leche pura Tus ojos devuelven
La imagen que rompe afuera en las charcas inmundas

Inocencia previa al diluvio tu cuerpo yace


Sobre la maravilla Asaz de mi virgen frágil
Inmensa Oh ternura de dedos humeantes se dice
Para esta clara fuente un himno en mi ciudad

Te evoco rocío alga a través del día


Un solo sol que huye que hurga en la luz
Diamante milagroso tu fulgor otra vez rodea

La hierba y la sierpe del estío reza


Cuando el humo haya levantado su arco azul
En mi puerta grabaré Agi-Aya Bombé

Traducción de Joëlle Guatelli.

22
Davertige es el único autor que rompe la cronología, ya que nació en 1940
y Frankétienne, que le sigue en esta antología, nació en 1936. Lo incluimos
aquí por haber formado parte de Haïti Littéraire.
395
L’île déchaînée
(extrait)

Je ne suis qu’un adolescent qui cherche à se comprendre pour


connaître le monde O vous les réverbères éteints sur les paupières
du jour O grand midi parmi les fous illimité comme de vieux zombis
en bobêche de souffrance Toutes les voix bivouaquent dans les
plaines et dans la plainte des plantations Nombrils aux vents les yeux
pleurant Omoplates et crânes huileux sur des bouteilles de fétiches
L’aile d’ébène du soleil réchauffe la campagne et l’aveugle porte le
poids de l’obscurité contre ses paupières Parias mon frère je vous
suis montrez-moi la route des sources

Je ne suis qu’un adolescent qui cherche à se comprendre Soûlard mon


Christ aux yeux d’absinthe la nuit est ivre de convulsion Par la taille
le spasme l’agrippe O vie le bas-ventre chauffé sous le Poteau-mitan
Je vais chercher une croyance Et ces jeunes nègres le cœur en sang
se souviennent-ils des libations J’ai donc conscience des réverbères
éteints des négresses perdues de cette flamme vive au fond des cales
de l’émigration avec le diamant sur le sexe christes-marines dans la
salive des mers glauques Montrez-moi la route des sources Je ne
suis qu’un adolescent

Soûlard mon Christ les cheveux de sisal vert sale Illimité comme
les zombis de la nuit à naître Et qui naîtra à l’arc roux de notre Île
O grands cierges allumés pourquoi notre équilibre se trouve hors
de son centre O souvenirs Les carrefours se dévident sur l’infini
le Guédé de soleil fait des pirouettes Les foules la tête au Levant
lancées à l’assaut des yeux du soleil pour ce topaze de la lumière Le
sable ivre recrée la chair et la pierre de la fronde ressuscite les fruits
O saisons mortes de notre Île nous vivons dans la mort comme hier
vous vécûtes près des tambours à taille de vache

Entre les lianes du vent


Nous nous révélons passants
Et nous passons sous les orages
Nos corps liés autour des âges
396
La isla desencadenada
(fragmento)

Solo soy un adolescente que busca comprenderse para conocer el


mundo Oh vosotras farolas apagadas en los párpados del día Oh
alto mediodía entre los locos ilimitado como viejos zombis cazole-
tas del sufrir Todas las voces vivaquean en el llano y en el llanto de
las plantaciones Ombligos al viento llorosos los ojos Omóplatos y
cráneos aceitosos sobre frascos de fetiches El ala ébano del sol calienta
el campo y el ciego lleva el peso de lo oscuro contra sus párpados
Parias hermano mío os sigo señaladme la senda de las fuentes

Solo soy un adolescente que busca comprenderse Borrachín mi


Cristo con ojos de ajenjo ebria de convulsión está la noche El espas-
mo por la cintura la ase Oh vida el bajo vientre enardecido bajo el
Potomitan Voy en busca de una creencia Y es que se acordarán esos
jóvenes negros con el corazón ensangrentado de las libaciones Soy
consciente pues de las farolas apagadas de las negras perdidas de
esa llama viva en el fondo de las sentinas de la inmigración con el
diamante sobre el sexo hinojos marinos en la saliva de los mares
glaucos Señaladme la senda de las fuentes Solo soy un adolescente

Borrachín mi Cristo el pelo de sisal verde sucio Ilimitado como


los zombis de la noche por nacer Y que nacerá al pelirrojo arco de
nuestra Isla Oh grandes cirios encendidos por qué se encuentra
nuestro equilibrio fuera de su centro Oh recuerdos Las encrucija-
das se devanan sobre el infinito el Guedé de sol da volteretas Las
muchedumbres la cabeza al Levante lanzadas al asalto de los ojos
del sol para ese topacio de la luz La arena ebria recrea la pulpa y
la piedra de la fronda resucita las frutas Oh estaciones muertas de
nuestra Isla vivimos en la muerte como ayer vivisteis cerca de los
tambores con cintura de vaca

Entre lianas de ventiscas


Nos revelamos transeúntes
Pasamos bajo borrascas
Cuerpos liados a edades
397
Cassés et ressoudés par la transe des nuits nos corps inscrits dans
leur mouvement de pierre ont des gestes de moudongs d’yeux de
mille lucioles Le silex initie à la puissance de la sève Montrez-moi
la route des sources

Je ne suis qu’un adolescent soûlard les réverbères éteints Nous


entrons dans la vie et lions notre adolescence au secret de l’amour
éclatant de corail sur les étoiles et les soleils Midi de tuf s’illimitant
lui-même sur les incantations de l’homme Que les momies ados-
sées à la voix des ombres les cercueils pris de pleurs s’élèvent sur les
déserts les paysages et les maisons craquant de trop de sortilèges à
l’ombre des visages amers et amarrés autour de soi Miroir d’ombre
agissante et pourquoi s’élever dans les grottes des grillons Et la
rivière descend la pluie cassée par le vent violet Nos doigts s’élèvent
aux sons des nuits

Nuit de baume et de basilic


Sous le ciel le destin tragique
Attendue trop longtemps la nuit
En tes cheveux la mort nous suit80

80
Davertige: Idem et autres poèmes, Éditions Seghers, Paris, 1964. [Davertige:
Idem, Collection Haïti Littéraire, Imprimerie Théodore, Port-au-Prince, 1962].
398
Rotos y recompuestos por el trance de las noches nuestros cuerpos
inscritos en su movimiento de piedra tienen gestos de mundongos
de ojos de mil luciérnagas El sílex inicia en la potencia de la savia
Señaladme la senda de las fuentes

Solo soy un adolescente borrachín apagadas las farolas Entramos en


la vida y liamos nuestra adolescencia al secreto del amor refulgente
de coral en las estrellas y los soles Mediodía de turba ilimitándose
solo sobre los conjuros del hombre Que las momias adosadas a la
voz de las sombras los ataúdes sobrecogidos por el llanto se levanten
sobre páramos paisajes y moradas reventando bajo tantos sortilegios
a la sombra de los rostros amargos y amarrados en torno a sí Espejo
de sombra efectiva y por qué levantarse en las grutas de los grillos
Y el río baja por la lluvia rota por el viento violeta Nuestros dedos
se levantan al son de las noches

Noche bálsamo y albahaca


Bajo el cielo la trágica suerte
Noche largo tiempo esperada
En tu cabello nos sigue la muerte

Traducción de Joëlle Guatelli.

399
ASTRES

ASTROS
FRANKÉTIENNE (1936)

Samba

Je veux être un Samba!

Je chanterais pour toutes les foules

Je partagerais mon cœur


Sous la pousse des soleils clairs

J’initierais mes frères


À l’alphabet humain

J’ouvrirais tout grand


Mon catéchisme éclatant de vérités

Je veux être un Samba!81

81
Frankétienne: Vigie de verre, Imprimerie Serge L. Gaston, Port-au-Prince, 1965.
402
FRANKÉTIENNE (1936)

Samba

¡Quiero ser un Samba!

Cantaría para todas las multitudes

Compartiría mi corazón
Bajo el brote de los soles claros

Iniciaría a mis hermanos


Al alfabeto humano

Abriría generosamente
Mi catequismo reluciente de verdades

¡Quiero ser un Samba!

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

403
Ultravocal
(extrait)

Nos plaies tressaillent sous la poussière de sel. Présage de cicatrices


amères. À peine avons-nous poussé un cri. Avec malaise nous conti-
nuons à plonger dans le silence. En émergerons-nous jamais? Allu-
mettes éteintes sur lesquelles ont eu raison la pluie et le vent. Fusées
retombées sans intelligence. La flamme est morte d’un contresens.
Imparfaite traduction qui tue le message. Œil pour œil. Le retard
a déjà causé des pertes angoissantes. Mais l’absence est impardon-
nable dans le désordre des nuits sans fin. Première hypothèse. Un
bruit de voix. Mise en question par refus de masques. Fortuites
métamorphoses. Deuxième hypothèse. Bruit de pas. La légende doit
son origine à la nature du terrain, à la conformation du sol. Sillons
détraqués. Muette la raison de la chair. Troisième hypothèse. Les
métaux alliés à la mort seraient-ils plus efficients que les mots sortis
de nos lèvres par amour de la vie? Dent pour dent. Quatrième hypo-
thèse. Toute réitération devient impossible du moment que nous
reconnaissons que la vertu des abîmes est d’empêcher les retours
périlleux. Le grand défi consiste à délier l’envers de la parole inscrite
sur le disque irréversible de nos douleurs. Cinquième et dernière
hypothèse. Tripe pour tripe.82

82
Frankétienne: Ultravocal (Spirale), Imprimerie Serge L. Gaston, Port-au-Prince,
1972.
404
Ultravocal
(fragmentos)

Nuestras llagas vibran bajo el polvo de sal. Presagio de cicatrices


amargas. Apenas hemos lanzado un grito. Incómodos seguimos
sumergiéndonos en el silencio. ¿Emergeremos de allí alguna vez?
Cerillos apagados sobre los que dieron razón la lluvia y el viento.
Cohetes caídos sin inteligencia. La llama murió de un contrasentido.
Imperfecta traducción que mata el mensaje. Ojo por ojo. El retraso
ya ha causado pérdidas angustiosas. Pero la ausencia es imperdo-
nable en el desorden de las noches sin fin. Primera hipótesis. Un
ruido de voces. Cuestionamiento por rechazo de máscaras. Fortui-
tas metamorfosis. Segunda hipótesis. Ruido de pasos. La leyenda
debe su origen a la naturaleza del terreno, a la conformación del
suelo. Surcos transtornados. Muda es la razón de la carne. Tercera
hipótesis. Los metales aliados a la muerte ¿séran más eficaces que
las palabras que salen de nuestros labios por amor a la vida? Dien-
te por diente. Cuarta hipótesis. Toda reiteración se vuelve imposible
desde el momento en que reconocemos que la virtud de los abismos
es impedir los retornos peligrosos. El gran desafío consiste en soltar
el anverso de la palabra inscrita sobre el disco irreversible de nuestros
dolores. Quinta y última hipótesis. Tripa por tripa.23

Traducción de Mónica Mansour.

23
Tomado de Mónica Mansour: Identidades. Poesía negra de América. Antología,
Editorial Arte y Literatura, La Habana, 2011.
405
Haïti Chaos
Haïti Babel
(extraits)

Pays réel ou surréel


pays mythique
pays fictif
mon pays paradoxe des voyages immobiles et des routes impossibles.
Je suis bien convaincu, doublement convaincu qu’il existe et qu’il
n’existe pas.

Il existe encore étendu sous une ardente irritation d’étoiles.

Encore en mémoire ou par oubli mon pays est-il définitivement


mort?
Mon pays Haïti existe avec sa spécificité identitaire, historique et
culturelle. Avec ses signes particuliers. Ses plaies. Ses blessures. Ses
humeurs. Ses tumeurs malignes. Ses cicatrices en bourgeonnement
de fleurs épineuses. Sa mémoire à la fois tendre et rebelle. Sa douceur.
Sa rugosité. Ses piaffements désarçonnants. Ses déhanchements
carnavalesques. Ses beautés sensuelles, insolites, impalpables. Sa
mystérieuse sauvagerie indomptable. Sa diversité souvent décon-
certante avec cloisonnements étanches et différences stupéfiantes.
Inégalités insoutenables et injustices révoltantes. Un cinéma quoti-
dien époustouflant avec des rebondissements inattendus où les éclats
de rires, les exclamations baroques, les débordements de larmes,
les convulsions à la fois maladives et jubilatoires, les éruptions de
violences odieuses et les élans de générosité, la jalousie féroce et
la solidarité spontanée, la bravoure et la lâcheté, la grandeur et la
faiblesse, le tragique et le comique s’entrelacent, s’entrepalment,
s’entremêlent, s’enchevêtrent, s’entretissent et se confondent dans
une trame indéchiffrablement complexe et chaotique qui désarme
la logique traditionnelle et met en déroute la rationalité primaire.

Ce pays-là, il existe incontestablement.

406
Entre el sueño y la pesadilla
(fragmentos)

País real o surreal


país mítico
país ficticio
mi país paradoja de viajes inmóviles y caminos imposibles.
Estoy muy convencido, doblemente convencido, de que mi país
existe y que al mismo tiempo no existe.

Aún existe tendido bajo una ardiente irritación de estrellas.

Aún en la memoria o por olvido ¿ha muerto mi país definitiva-


mente?
Mi país Haití existe con su identidad, su historia y su cultura
específicas. Con sus signos particulares. Sus llagas. Sus heridas. Sus
humores. Sus tumores malignos. Sus cicatrices retoñando flores
espinosas. Su memoria a la vez tierna y rebelde. Su dulzura. Su
rugosidad. Sus pataleos desarmantes. Sus meneos carnavalescos. Sus
bellezas sensuales, insólitas, impalpables. Su misterioso salvajismo
indomable. Su diversidad a menudo sorprendente con compartimen-
tos estancos y diferencias pasmosas. Desigualdades insostenibles e
injusticias repugnantes. Un cine cotidiano fenomenal con sucesos
inesperados donde las risas, las exclamaciones barrocas, el desborde
de lágrimas, las convulsiones a la vez enfermizas y jubilosas, las erup-
ciones de violencias odiosas y los arrebatos de generosidad, los celos
feroces y la solidaridad espontánea, el coraje y la cobardía, la fuerza
y la debilidad, lo trágico y lo cómico se empalman, se entrelazan, se
entremezclan, se entreanudan, se entretejen y se confunden en una
trama indescifrablemente compleja y caótica que desarma la lógica
tradicional y ahuyenta la racionalidad primaria.

Ese país existe, incuestionablemente.

407
Mais, en même temps, de manière paradoxale, il n’existe pas non
plus.
Mon pays Haïti n’existe pas sous le poids des légendes et des
mythes. Du moins, il a cessé d’exister.
Il lui a fallu deux siècles d’un lent naufrage interminablement long,
pour sombrer au ralenti, étonnamment suspendu dans l’éternité d’un
rêve inouï. Un projet de libération, d’autonomie, d’indépendance
et de souveraineté infiniment inconcevable, quasiment impossible,
par rapport à la prédominance indiscutable des idéologies domi-
nantes obscurantistes et à l’hégémonie des puissances impériales,
esclavagistes et colonisatrices.

Doit-on craindre les chimères de l’utopie militante?

Mon pays a tragiquement sombré sous la charge excessive de


sa propre histoire. Drogué, asphyxié par une overdose de rêve,
d’imaginaire et d’utopie. Une émergence précoce. Une naissance
prématurée. Un jaillissement fabuleux. Une épopée fulgurante qui
pétrifia de saisissement les sceptiques, les incrédules et les barbares
travestis en civilisateurs, ouvertement hostiles à cet intrus inaccep-
tablement dérangeant.
Haïti triplement condamnée à l’orée du XIXème siècle comme une
anomalie, un défi, une menace. D’innombrables ennemis extérieurs
se sont arrangés, avec la complicité cynique des aloufats intérieurs,
grands-mangeurs de haute lignée, carnassiers voraces pur-sang,
prédateurs insatiables pour barrer passage à la lumière miraculeuse.
Il est indéniable que le miracle eut lieu la première fois, officielle-
ment le 1er janvier 1804. Mais la concrétisation ultérieure et pratique
du miracle sous la forme d’un pays viable et vivable ne se produi-
sit jamais. Et le miracle avorté, sous l’effet négatif de la coalition
perfide de diverses forces agressives, s’abâtardit dans le délabrement
progressif tangible de l’espace haïtien et la dégénérescence occulte,
mais de plus en plus manifeste et aujourd’hui plus qu’évidente, de
nos structures mentales, spirituelles et morales.

Entre les pattes du sphinx, mes doutes, mes amours, mes déserts,
mes énigmes, mes utopies, mes souffrances et mes incertitudes
s’entassent sur un amas de sable aux battements d’un pays qui existe
et n’existe pas tout à la fois.

408
Pero al mismo tiempo, de manera paradójica, tampoco existe.
Mi país Haití no existe bajo el peso de las leyendas y los mitos.
Por lo menos, ha dejado de existir.
Ha necesitado dos siglos de lento naufragio, interminablemente
largo, para zozobrar pausadamente, sorprendentemente suspendido
en la eternidad de un sueño inaudito. Un proyecto de liberación, de
autonomía, de independencia y de soberanía infinitamente inconce-
bible, casi imposible, con relación al predominio indiscutible de las
ideologías oscurantistas y a la hegemonía de las potencias imperiales
esclavistas y colonizadoras.

¿Hay que temer las quimeras de la utopía militante?

Mi país ha naufragado trágicamente bajo el peso excesivo de su


propia historia. Drogado, asfixiado por una sobredosis de sueño,
de imaginario y de utopía. Una emergencia precoz. Un nacimien-
to prematuro. Un surgimiento fabuloso. Una epopeya fulgurante
que petrificó de consternación a los escépticos, los incrédulos y los
bárbaros disfrazados de civilizadores, abiertamente hostiles a este
intruso inadmisiblemente pertubardor.
Haití ya triplemente condenado a orillas del siglo XIX como
una anomalía, un desafío, una amenaza. Innumerables enemigos
externos se las arreglaron, con la cínica complicidad de los pejes
gordos internos, grandes devoradores de alta estirpe, carniceros
voraces de pura sangre, predadores insaciables para cerrarle el paso
a la luz milagrosa.
Es innegable que el milagro ocurrió por primera vez, oficialmente,
el 1º de enero de 1804. Pero la concretización ulterior y práctica
del milagro, bajo la forma de un país viable y vivible, no se produjo
jamás. Y el milagro abortado, bajo el efecto negativo de la pérfida
coalición entre las diversas fuerzas agresivas, degeneró en la ruina
progresiva y tangible del espacio haitiano y en la desnaturalización
oculta, pero cada vez más ostensible y hoy más que evidente, de
nuestras estructuras mentales, espirituales y morales.

Entre las patas de la esfinge, mis dudas, mis amores, mis desiertos,
mis enigmas, mis utopías, mis sufrimientos y mis incertidumbres
se amontonan sobre un cúmulo de arena al latido de un país que al
mismo tiempo existe y no existe.

409
Quant à la nation haïtienne, elle n’a jamais existé. Elle n’existe
pas encore. Peut-être que, par retard de phase, par ratages réitérés
et surtout par carence de nouveaux mythes fondateurs d’une société
haïtienne moderne qui soit capable de fonctionner en adéquation
avec le Monde Global hors de tout mimétisme anéantissant, elle
n’existera plus. Elle n’existera jamais. Condamnée déjà à être absor-
bée et à se dissoudre de manière impersonnelle et anonyme dans le
ventre de la machine mondialisante, dont le fonctionnement sauvage
actuel repose sur le phénomène brutal de la phagocytose digestive,
uniformisante, anéantissante.83

83
Frankétienne: H’Eros chimères, Spirale, Port-au-Prince, 2002.
410
En cuanto a la nación haitiana, nunca existió. No existe todavía.
Puede ser que por desfase, por fracasos reiterados y sobre todo
por carencia de nuevos mitos fundadores de una sociedad haitiana
moderna, capaz de funcionar adecuándose al Mundo Global fuera
de todo mimetismo aniquilador, no existirá más. No existirá jamás.
Condenada desde ya a ser tragada y a disolverse de manera imper-
sonal y anónima en el vientre de la máquina globalizante, cuyo
actual funcionamiento salvaje descansa en el fenómeno brutal de la
fagocitosis digestiva uniformadora y aniquiladora.24

Traducción de Ana María Radaelli.

24
Frankétienne: «Entre el sueño y la pesadilla», Casa de las Américas, no. 233,
(dedicado a Haití), La Habana, oct.-dic., 2003.
411
Le corps en plein écho
d’un yanvalou de feu
femme flamme araignée
sur la route qui s’étire
à l’élan du désir.84

84
Frankétienne: Le sphinx en feu d’énigmes. Spirale poétique, Vents d’ailleurs,
La-Roque-d’Anthéron, France, 2009.
412
El cuerpo en pleno eco
de un yanvalou de fuego
mujer llama araña
sobre el camino que se alarga
al impulso del deseo.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

413
L’effervescence du rêve
illumine le voyage
la sève de l’utopie
dissolvant le cauchemar.85

85
Frankétienne: Le sphinx en feu d’énigmes. Spirale poétique, Vents d’ailleurs,
La-Roque-d’Anthéron, France, 2009.
414
La efervescencia del sueño
ilumina el viaje
la savia de la utopía
disuelve la pesadilla.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

415
Sauras-tu décrypter
les chiffres du désastre
au tournant des ténèbres
ornées de fausses parures?86

86
Frankétienne: Le sphinx en feu d’énigmes. Spirale poétique, Vents d’ailleurs,
La-Roque-d’Anthéron, France, 2009.
416
¿Sabrás desentrañar
las cifras del desastre
detrás de las tinieblas
adornadas de atavíos?

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

417
Absolue naïveté
de l’enfance perpétuelle
où pourtant s’amalgament
innocence et violence.87

87
Frankétienne: Le sphinx en feu d’énigmes. Spirale poétique, Vents d’ailleurs,
La-Roque-d’Anthéron, France, 2009.
418
Absoluta ingenuidad
de la infancia perpetua
donde empero se fusionan
inocencia y violencia.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

419
Et le sang de la femme
redevient feu pluriel
marelle de lune et de soleil
une invention d’étoiles
et de clartés sauvages
illuminant la terre
en sa rondeur femelle.88

88
Frankétienne: Le sphinx en feu d’énigmes. Spirale poétique, Vents d’ailleurs,
La-Roque-d’Anthéron, France, 2009.
420
Y la sangre de la mujer
vuelve a ser fuego plural
rayuela de luna y sol
un invento de estrellas
y fulgores salvajes
iluminando la tierra
en su redondez femenina.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

421
Et quand les nuages
effaceront l’horizon
l’oiseau s’envolera
pour retrouver soudain
la musique de ses ailes
la beauté du voyage.89

89
Frankétienne: Le sphinx en feu d’énigmes. Spirale poétique, Vents d’ailleurs,
La-Roque-d’Anthéron, France, 2009.
422
Y cuando las nubes
borren el horizonte
el pájaro se irá volando
para hallar de pronto
la música de sus alas
la belleza del viaje.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

423
Jean MÉTELLUS (1937-2014)

Au pipirite chantant
(extraits)

[...]

Au pipirite chantant chaque goutte de rosée, chaque branche


frémissante, le vent caressant les tonnelles, sont messagers des
esprits
Au pipirite chantant la tristesse peint le cœur
L’espoir lui-même est sulfureux
La campagne avive ses mystères
Elle traque déjà ses morts
Son ventre est gros de portées de soucis
Les morts grandissent sous les vivants
Et la plaine d’Haïti a reçu son brin d’eau
L’eau de la source amenée par les canaux
L’eau du ciel comme un toit de rosée
L’eau des yeux d’un enfant sans pain
Le sang d’une mère frappée par le délire

Couleur, saveur, odeur ont voltigé sous la machette du paysan


Les flancs des mornes bâillent de colère
Les flèches du silence blessent présages et augures
Le paysan haïtien a grand goût d’un soir calme
Son bras retourne et meurtrit les sillons
Ses entrailles ont saccagé la ruche de ses rêves
La raillerie des cailloux terrifie sa démarche
Et toutes les herbes frémissent
Et voilà la braise s’allumer à sa langue et brûler les couches de sa joie
Et voilà l’aube brandir la menace éternelle de ne plus revenir
Et voilà dans la bouche de son frère un buisson bouillonnant d’injures
où viennent se calciner les heures

424
Jean MÉTELLUS (1937-2014)

Al canto pipirite
(fragmentos)

[...]

Al canto pipirite cada gota de rocío, cada estremecida rama, el aire


acariciando las glorietas, son mensajeros de los espíritus
Al canto pipirite la tristeza pinta el corazón
Hasta la esperanza se hace sulfurosa
La campiña aviva sus misterios
Ya acosa a sus muertos
Preñan su vientre camadas de pesares
Crecen los muertos bajo los vivos
Y la llanura de Haití recibió su pizca de agua
Agua de manantial acarreada en canales
Agua de cielo como techo de rocío
Agua de ojos de niño sin pan
Sangre de madre que el delirio sacude

Color, sabor, olor revolotearon bajo el machete campesino


Los flancos de los montes bostezan de ira
Las saetas del silencio hieren presagios y augurios
El campesino haitiano ansía una tarde de sosiego
Su brazo voltea y machaca los surcos
Sus entrañas saquearon la colmena de sus sueños
La mofa de los pedruscos aterra su paso
Y todas las hierbas se estremecen
Y ved aquí cómo la brasa prende su lengua y quema las vetas de su
alegría
Ved aquí cómo el alba blande la amenaza eterna de no volver jamás
Y ved aquí en boca de su hermano una zarza hirviente de insultos
donde vienen a calcinarse las horas

425
Ce sont des écueils naufrageant l’espoir
Par la semelle fiévreuse de sa transe tressaille le message des devins
Et son cœur comme un coursier assoiffé guette des fleuves de santé,
nourrit une étincelle de courage
Et disperse les graines au front même du vent
Les hounsis ont exhalé des oracles

[...]

Le paysan, crâne rasé, épaississant les contours du soir, plus bleu


qu’une nuit d’automne, plus vif que ces bastions légendaires des
grandes religions, déplie sa garnison de prières sous les bayahondes
étonnées et les paroles crépitent au petit jour devant la case inon-
dée par la brillance réfléchie de la lune
Que la splendeur, la gaieté, le bonheur m’inondent
Ma joie de semeur est d’enrichir la plaine
L’épi du maïs fait la joie d’Erzulie
Que l’avocatier, chair salutaire, s’enhardisse
L’orange douce, l’orange amère nourrissent et guérissent
Le pâturage a frémi le jour des grandes eaux
Évitez-nous ô loas la grêle des châtiments
Épargnez-nous les notaires et les tribunaux
Que les poux de la ville ne viennent pas nous sucer
Que la terre de notre sueur vibre tel un orgue généreux
Et fasse résonner les flancs des mornes
Pour rompre les mors qui étranglent notre sort
Contre les dégâts des arpenteurs
Et les gravats de la spéculation
Tout un corset d’ordures menace, comme des corbeaux, les gestes
du désir
Et ronge la crête de notre virilité
Semez sur nos sentiers non pas l’écaille mais la coquille lisse de
l’harmonie
Le verbe organisera l’entente
Tuez les soudards, les pillards, et que notre vie essaime l’amour,
comme une jarre d’eau fraîche encourageant le pèlerin, comme
une cascade arrosant le chemin d’Ogoun

426
Son escollos zozobrando la esperanza
Por la suela febril de su trance late el mensaje del nigromante
Y su corazón, sediento corcel, acecha ríos de salud, nutre una chispa
de coraje
Y dispersa las semillas en la cara misma del aire
Oráculos exhalaron los hunsis

[...]

El campesino, rapado, espesando los perfiles de la tarde, más celeste


que una noche de otoño, más vivo que esos legendarios baluartes
de las grandes religiones, despliega su batallón de rezos bajo las
asombradas bayahondas y crepitan las palabras al despuntar el día
frente a la cabaña bañada en el fulgor reflejado de la luna
Que me inunden esplendor, alegría y dicha
Mi gozo de sembrador es abonar el llano
La mazorca alegra a Erzulie
Que se anime el aguacate, salutífera carne,
La naranja dulce, la naranja amarga sustentan y sanan
Se estremeció el pastizal en el día de las aguas grandes
Guardadnos Oh loas del azote de los castigos
Libradnos de notarios y tribunales
Que no nos vengan a chupar los piojos de la urbe
Que la tierra de nuestro sudor vibre cual órgano fértil
Y retumbe por los flancos de los montes
Para rasgar las mordazas que sofocan nuestra suerte
Contra los estragos de los agrimensores
Los escombros de la especulación
Y tanta basura encorsetando, amenazando como cuervos, los gestos
del deseo
Y royendo la cresta de nuestra hombría
Sembrad en nuestras sendas no la escama sino la tersa concha de
la armonía
El verbo organizará la concordia
Matad a la soldadesca, a los saqueadores y que nuestra vida vaya
esparciendo el amor como jarra de agua fresca animando al pere-
grino, como cascada rociando el camino de Ogún

427
Et naisse enfin la fanfare des hommes libres comme une explosion
fervente, comme l’aurore des Antilles et l’alliance des îles
Et rugisse l’aube sur les eaux les sorciers les fruits, pour la gloire et
l’extase des vivants
Les ravins éblouis, les montagnes purifiées, les collines offertes, les
buissons frissonnants, les halliers en festin, demanderont compte
des ossuaires à tous les mercenaires, à tous les sanguinaires
O dieux d’Afrique, amateurs de très grandes excursions, vos larmes
ont humecté tous les horizons, exhaussé jusqu’aux portes du
firmament les plus aigres des souffles, et depuis s’est déchaînée sur
toute la terre l’amère salive de la douleur, la mousse douloureuse
des guerres et des discordes
O dieux brûlés par les crépitements de l’alcool
O dieux immunisés par la terreur et la faim
Où trouver le chemin libre qui vous honore, la voie sûre qui vous
libère?90

90
Métellus, Jean: Au pipirite chantant, Les Lettres Nouvelles / Maurice Nadeau,
Paris, 1978.
428
Y que por fin nazca la fanfarria de los hombres libres
como una explosión ferviente, como la aurora de las Antillas y la
alianza de las islas
y que ruja el alba sobre las aguas los brujos las frutas, para gloria y
éxtasis de los vivos
Las barrancas deslumbradas, las purificadas montañas, las colinas
ofrecidas, las convulsas zarzas, las agasajadas malezas, pedirán
cuenta de los osarios a todos los mercenarios, a todos los sangui-
narios
Oh dioses de África, que gustan de muy largas travesías, vuestras
lágrimas han humedecido todos los horizontes, han alzado hasta
las puertas del cielo los más agrios alientos, y desde entonces se
ha desencadenado sobre la tierra la amarga saliva del dolor, la
dolorosa espuma de guerras y discordias
Oh dioses quemados por el crepitar del alcohol
Oh dioses inmunizados por el terror y el hambre
¿Dónde encontrar el libre camino que os honra, la vía segura que
libera?

Traducción de Joëlle Guatelli.

429
Ogoun
(extrait)

[...]

Haïti, Haïti
La colère du cœur a laissé flamber des têtes
Elle a nommé des crocodiles grands rois des Caraïbes
Où sont ces constellations qui brillaient au large de mes rêveries
/ d’enfance
Que sont devenues mes étoiles d’hier
Jean-Jacques Dessalines Ambroise, l’épaule du peuple
Jacques Stephen Alexis les yeux de la jeunesse
Jacques Roumain l’étoile brillante sans firmament
Albert Luthuli la grande voix de l’Afrique du Sud
Lumumba la poitrine de la liberté
Che Guevara l’aigle foudroyé d’Amérique
O Satan omniforme
O paresse
Haïti, Haïti
Toutes les demeures réclament des dieux
Qui vivent dans la fièvre des espaces
Et dans les fermes obscures
Loin des fraîcheurs des clairs de lune91

91
Métellus, Jean: Au pipirite chantant, Les Lettres Nouvelles / Maurice Nadeau,
Paris, 1978.
430
Ogún
(fragmento)

[...]

Haití, Haití
La cólera del corazón dejó que ardieran cabezas
Ella nombró a cocodrilos grandes reyes del Caribe
Dónde están esos astros que brillaban en el ancho mar de mis sueños
/ infantiles
Qué ha sido de mis estrellas de antaño
Jean-Jacques Dessalines Ambroise, hombro del pueblo
Jacques Stephen Alexis ojos de la juventud
Jacques Roumain lucero sin firmamento
Albert Luthuli voz magna de Sudáfrica
Lumumba pecho de la libertad
Che Guevara águila fulminada de América
Oh Satán omniforme
Oh pereza
Haití, Haití
Todas las moradas reclaman dioses
Que viven en la fiebre de los espacios
Y en las oscuras granjas
Lejos del frescor de los claros de luna

Traducción de Joëlle Guatelli.

431
Ogoun92

Lassés, haussés,
Saoulés par le sang de vos dieux
Minés, honnis,
Talés par vos propres sacrilèges
Vos vergers seront ravagés
Tondus par les insectes et la sécheresse
Votre plénitude sera inquiète
La fin de vos journées débordera de larmes écarlates
Votre pays sera terre de sang
Car vous avez ignoré vos dieux
J’ai détourné de vos cœurs les balles,
De vos cases les canons,
De votre tête les mauvais esprits

La parole de vos dieux n’a pas d’aune


La prière, midi de l’âme à nu, a vanné votre désespoir

Mais je vous cache désormais, enfants têtus, maudits,


Les lumières de ma cité qui vous a sauvés, lacés et délassés
Je reprends ma terreur, mes matins éternels
Pour tous les dieux meurtris par vos lèvres cramoisies
Pour tous ces temps brûlés par vos paroles de craie
Pour vos voix détrempées et votre avenir mauve
Vos dieux jadis précieux s’éloignent dans le silence noir
/ de la méditation
Oui, moi, Ogoun93

92
Poème complet portant le même titre que le texte antérieur.
93
Métellus, Jean: Au pipirite chantant, Les Lettres Nouvelles / Maurice Nadeau,
Paris, 1978.
432
Ogún25

Hastiados, alzados,
Mareados por la sangre de vuestros dioses
Minados, escarnecidos,
Magullados por vuestros propios sacrilegios
Vuestros vergeles serán arrasados
Esquilados por insectos y sequías
Vuestra plenitud será inquieta
El ocaso de vuestras jornadas rebosará lágrimas escarlatas
Vuestro país será tierra de sangre
Pues habéis dejado de lado a vuestros dioses
De vuestros corazones he desviado las balas,
De vuestras cabañas los cañones,
De vuestra cabeza los malos espíritus

La palabra de vuestros dioses no tiene rasero


La plegaria, mediodía del alma al desnudo, vuestro desánimo cribó

Mas os oculto ahora, hijos tercos, malditos,


Las luces de mi ciudad que os salvó, ciñó y sosegó
Recobro mi terror, mis mañanas eternas
Por todos los dioses lastimados por vuestros labios encarnados
Por todos esos tiempos quemados por vuestras palabras de tiza
Por vuestras voces empapadas y vuestro malva porvenir
Vuestros dioses antaño preciados se alejan en el negro silencio
/ de la meditación
Sí, yo, Ogún

Traducción de Joëlle Guatelli.

25
Poema completo que lleva el mismo título que el anterior.
433
ÉTOILES

ESTRELLAS
Jean-Claude MARTINEAU (1937)
(KORALEN)

Ténèbres

En mémoire de Jean Dominique


notre voix dans la nuit

Jetés par milliers dans le noir


Nous piétinant les uns les autres
Que quelqu’un soit leur ou soit nôtre
Comment faire pour le savoir

Ces ténèbres sont si épaisses


Qu’on passerait, en vérité
La moitié de l’éternité
Bien avant qu’on s’y reconnaisse

On essaie de s’y habituer


On ouvre les yeux dans le noir
Au risque parfois de tuer
Le peu qui nous restait d’espoir

Parfois une voix dans la nuit


S’élève et parle de lumière
Elle fait un trou dans l’ennui
Mais dure le temps d’un éclair

Un bâillon et la voix se tait


Un soufflet pour qui écoutait
Tout retombe dans le silence
Au fond de notre indifférence

436
Jean-Claude MARTINEAU (1937)
(KORALEN)

Tinieblas

En memoria de Jean Dominique


nuestra voz en la noche

Por millares en la oscuridad arrojados


Pisoteándonos unos a otros
Que alguien sea suyo o sea nuestro
Cómo hacer para saberlo

Estas tinieblas son tan densas


Que podemos pasar, de verdad
La mitad de la eternidad
Mucho antes de reconocernos

A ellas tratamos de acostumbrarnos


Abrimos los ojos en la oscuridad
A veces a riesgo de matar
La poca esperanza que nos queda

A veces en la noche una voz


Se eleva y habla de la luz
Hace un hoyo en el hastío
Pero dura el tiempo de un destello

Una mordaza y la voz se calla


Una bofetada para el que escuchaba
Todo vuelve a caer en el silencio
En el fondo de nuestra indiferencia

437
Mais la voix qui lance un appel
N’est étouffée que pour un temps
Notre misère et nos tourments
Lui font un écho éternel

Et peu à peu elle poursuit


De l’oreille à la conscience
Et peu à peu monte en cadence
Le chant des enfants de la nuit

Pour former la chaîne d’espoir


Les doigts se cherchent dans le noir
Et l’on reconnaît son copain
À la texture de sa main.94

94
Inédit.
438
Pero la voz que lanza un llamado
Solo es sofocada por un instante
Nuestra miseria y nuestro tormento
Le hacen un eco eterno

Y poco a poco se prolonga


De la oreja a la conciencia
Y poco a poco aumenta la cadencia
Del canto de los niños de la noche

Para formar la cadena de esperanza


Los dedos se buscan en la oscuridad
Y se reconoce al compañero
Por la textura de su mano.

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

439
Libète

Libète, mwen rive


Leve lanp la klere m pou m pase
M pati paske lakay fè nwa
M pote on djakout rèv ak espwa

Libète, wi se vre
Mwen avè w nou poko janm kwaze
Lè mwen wè w yo di m je m ap vegle
Men pare pa pare mwen rive

Mwen pase kèk jou sou lanmè


Se mwen k konn sa m kite dèyè
Si m pa pè van, si m pa pè dan reken
Se paske fanmi m konte sou mwen

Anyen pa p ka bare chemen m


Se libète m ape chèche
Si pou m naje, pou m kouri, pou m mache
Nenpòt ki jan m ap rive kanmenm

Libète, libète
Kwè m si w vle, kè m ta leje kon pay
Lè m envite w si w te aksepte
Pou m pran men w mennen w vini lakay

Men byen konte mal kalkile


Se pa konsa sa te pase
Lè m debake pèsonn pa resevwa m
Mwen rele pèsonn pa tande vwa m

Nan panyòl, lè m t ap koupe kann


Mwen pa t jwenn okenn sik ladann
Lè mwen rive nan peyi libète
Se nan kacho prizon mwen rete

440
Libertad

Libertad, aquí estoy


Necesito tu luz para seguir caminando
Me fui porque la casa era oscura
Traje una canasta de sueños y esperanza

Libertad, es cierto
Tú y yo jamás nos encontramos
Dicen que al verte quedaré ciego
Sea lo que sea, llegaré

Navegué durante días en alta mar


Y solo yo sé lo que tuve que dejar
Si no le temo al viento ni a los tiburones
Es porque los míos pusieron en mí sus esperanzas

Nada podrá cortarme el paso


Libertad es lo que busco
Si me piden nadar, correr o caminar
Sea lo que sea, llegaré

Libertad, libertad
Créeme si quieres, mi corazón como brizna flotaría
Si aceptaras mi invitación
De tomarme la mano para llevarte a mi casa

Mas un sueño es un sueño


Porque nada sucedió así
Cuando llegué nadie me recibió
Cuando grité nadie pudo oír mi voz

En República Dominicana, al cortar la caña


Nunca hallé la dulce savia
Desde que pisé el país de la libertad
Vivo como prisionero en una celda

441
Libète, mwen konprann
Ou pa ni pou achte ni pou vann
Si nou vle manje fri libète
Se nan lakou lakay pou l plante95

95
Martineau, Jean-Claude & TiCorn & Obas, Beethova: Album Zanmi Nou.
Chansons créoles de Jean-Claude Martineau, TiCorn Music, 2015. Ce texte
fut d’abord écrit en anglais sous le titre de «Freedom Bound»; il fut d’abord
interprété par Martha Jean-Claude (LP Kric? Krac? Tales of a Nightmare, MTFS,
1985) et plus tard par Emeline Michel.
442
Libertad, comprendí al fin
No se te puede vender ni comprar
Si deseamos probar tus frutos
Hemos de cultivarte en nuestro propio jardín26

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

26
Este texto fue escrito primero en inglés bajo el título «Freedom Bound» e
interpretado por Martha Jean-Claude (LP Kric? Krac? Tales of a Nightmare,
MTFS, 1985) y, más tarde, por Emeline Michel.
443
Vyewo

Nan mitan yon chan kann bò Igwey


An Dominikani
De Ayisyen chita nan yon batey
Pye atè, do touni
Youn ape pale, youn ape koute
Yo pa fè bri
Van nan kann nan sèlman ki tande
sa y ape di

Vyewo, ou k prale fè tè Ayiti,


Men yon kominsyon w a bay madanm mwen
Vyewo se yon «Diez peso»
Vyewo avèk youn pè zanno
Lè ou rive, si ou jwenn li plase
Wa bay manman mwen yo pou mwen

Vyewo ale, vyewo tounen


Avèk nouvèl ki bay kè plen:
Manman an mouri
Sa gen kèk lane
Gen moun ki di
Ke se chagren
Madanm nan la, l ap kenbe
Men timoun yo mal okipe
Premye a grandi tankou chwal
Ti dènye a pa menm sonje papa l

Nan mitan youn chan kann bò Igwey


An Dominikani
De Ayisyen chita nan yon batey
Pye atè, do touni
Youn ape pale, youn ape koute
Yo pa fè bri
Van nan kann nan kouri efase
Sa ya pe di
444
Viejo

En medio de un cañaveral de Higüey


En República Dominicana
Dos haitianos sentados en un batey
Descalzos, el torso desnudo
Uno habla, el otro escucha
Sin hacer ruido
El viento como único testigo

Viejo, ya que vas para Haití,


Tengo un encargo para mi mujer
Viejo, son diez pesos
Viejo y un par de aretes
Cuando llegues, si la encuentras con otro
Se los entregas a mi madre

Viejo se fue, Viejo volvió


Con noticias muy tristes:
La madre había muerto
Hace ya algunos años
Unos decían que fue de pena
En cuanto a la mujer, resiste
Los niños están descuidados
El mayor creció como caballo salvaje
El menor ya ni recuerda a su padre

En medio de un cañaveral de Higuey


En República Dominicana
Dos haitianos sentados en un batey
Descalzos, el torso desnudo
Uno habla, el otro escucha
Sin hacer ruido
El viento como único testigo

445
Kouzen m sot fè tè Ayiti
Gen yon komisyon madanm ou voye ba ou
Kouzen li lè pou ou tounen
Kouzen menm si ou pat pot anyen
Lè w ap janbe fwontyè
Pa bliye manchèt ou dèyè.96

96
In Martineau, Jean-Claude & TiCorn & Obas, Beethova: Album Zanmi Nou.
Chansons créoles de Jean-Claude Martineau, TiCorn Music, 2015.
446
Primo he vuelto de Haití
Tu mujer te envía este mensaje
Primo, es hora de volver
Primo, aunque no lleves nada
Al cruzar la frontera
No olvides tu machete.

Traducción de Edgard Gousse.

447
Jacques VIAU RENAUD (1941-1965)

Nada permanece tanto como el llanto


(fragmento)

¿En qué preciso momento se separó la vida de nosotros,


en qué lugar,
en qué recodo del camino?
¿En cuál de nuestras travesías se detuvo el amor
para decirnos adiós?
Nada ha sido tan duro como permanecer de rodillas.
Nada ha dolido tanto a nuestro corazón
como colgar de nuestros labios la palabra amargura.
¿Por qué anduvimos este trecho desprovistos de abrigo?
¿En cuál de nuestras manos se detuvo el viento
para romper nuestras venas
y saborear nuestra sangre?
Caminar... ¿Hacia dónde?
¿Con qué motivo?
Andar con el corazón atado,
llagadas las espaldas donde la noche se acumula,
¿para qué?, ¿hacia dónde?
¿Qué ha sido de nosotros?
Hemos recorrido largos caminos.
Hemos sembrado nuestra angustia
en el lugar más profundo de nuestro corazón.
¡Nos duele la misericordia de algunos hombres!
Conquistar nuevos continentes, ¿quién lo pretende?
Amar nuevos rostros, ¿quién lo desea?
Todo ha sido arrastrado por las rigolas.
No supimos dialogar con el viento y partir,

448
Jacques VIAU RENAUD (1941-1965)

Rien ne demeure autant que la complainte


(extrait)

¿À quel instant précis la vie s’est-elle détachée de nous,


à quel endroit,
quel détour du sentier?
Dans quelle de nos traversées l’amour s’est-il détenu
pour nous dire adieu?
Rien n’a été si dur que de rester à genou.
Rien n’a autant blessé notre cœur
que le mot amertume pendu à nos lèvres.
Pourquoi avons-nous sillonné cette route si démunis?
Dans quelle main le vent s’est-il arrêté pour rompre nos veines
et savourer notre sang?
Marcher... Dans quelle direction?
Pour quelle raison?
Marcher le cœur serré,
lacéré le dos où la nuit s’accumule,
pour quoi?, dans quelle direction?
Que sommes-nous devenus?
Nous avons parcouru de longs chemins.
Nous avons semé notre angoisse
au plus profond de notre cœur.
La miséricorde de certains hommes nous blesse!
Conquérir de nouveaux continents, qui le souhaite?
Aimer de nouveaux visages, qui le désire?
Tout a été emporté dans les rigoles.
Nous n’avons pas su dialoguer avec le vent et partir,

449
sentarnos sobre los árboles intuyendo próxima la partida.
Nos depositamos sobre nuestra sangre
sin acordarnos de que en otros corazones el mismo líquido ardía
o se derramaba combatido y combatiendo.
¿Qué silencios nos quedan por recorrer?
¿Qué senderos aguardan nuestro paso?
Cualquier camino nos inspira la misma angustia,
el mismo temor por la vida.
Nos mutilamos al recogernos en nosotros,
nos hicimos menos humanidad.
Y ahora,
solos,
combatidos,
comprendemos que el hombre que somos
es porque otros han sido.

II

Ya no es necesario atar al hombre para matarlo.


Basta con apretar un botón
y se disuelve como montaña de sal bajo la lluvia.
Ni es necesario argüir que desprecia al amo.
Basta con proclamar – ceñuda la frente –
que comprometía la existencia de veinte siglos.
Veinte siglos,
dos mil años de combatida pureza,
dos mil años de sonrisas clandestinas,
dos mil años de hartura para los príncipes.
Ya no es necesario atar al hombre para matarlo.
La noche,
los rincones,
no,
nada de eso sirve ya.
Plazoletas y anchas calles se prestan bulliciosas.
No cuenta el asesino con los pacientes,
No cuenta el príncipe con los sumisos.

450
nous asseoir sur les arbres devinant l’imminence du départ.
Nous nous sommes sédimentés sur notre sang
sans songer que ce même liquide embrasait d’autres cœurs
ou qu’il coulait combattu et combattant.
Quels silences devons-nous encore parcourir?
Quels sentiers guettent nos pas?
Tout chemin réveille en nous la même angoisse,
la même crainte de la vie.
Nous nous sommes mutilés en nous repliant sur nous,
nous avons amoindri notre humanité.
Et maintenant,
seuls,
combattus,
nous comprenons que nous sommes cet homme
car d’autres l’ont été.

II

Il n’est plus nécessaire d’attacher l’homme pour le tuer.


Il suffit d’écraser un bouton
et il se dissout comme une montagne de sel sous la pluie.
Plus nécessaire d’argumenter qu’il méprise le maître.
Il suffit de proclamer –le front plissé–
qu’il menaçait l’existence de vingt siècles.
Vingt siècles,
deux mille ans de pureté combattue,
deux mille ans de sourires clandestins,
deux mille ans de faste pour les princes.
Il n’est plus nécessaire d’attacher l’homme pour le tuer.
La nuit,
les recoins,
non,
rien ne sert plus à rien.
Petites places et larges allées s’offrent bruyantes.
L’assassin ne compte pas sur les patients,
Le prince ne compte pas sur les asservis.

451
Todos han olvidado que el hombre es aún capaz de cólera.
Las llamas se extinguen sin haber consumido el odio.
El día irredento ha postergado la resurrección del hombre.
Y los otros,
Aquellos que presencian la matanza sentenciando:
«¡Locos, habéis tocado a la puerta de la muerte
y ella se quedó en vosotros!»
Esos
Solo saben predecir la muerte,
No han aprendido a combatirla.
No han aprendido a cobijar la tierra en el corazón
ni a ganar la patria para el hombre.
Y el sumiso, ¿qué hace?
¿Dónde deposita su silencio?
¿En qué lugar del corazón teje la venganza?
Nadie lo sabe.
Todos le han olvidado.
Se ha dictaminado que su morada sea la sombra,
que el pan deshabitado sea su alimento,
que el pico le prepare el lecho
y la pala le cubra el corazón.
¿Qué es el hombre combatido?
Nadie lo recuerda.
Lo visten los trapos.
Lo arrojaron en la parte trasera de la casa
y allí
con los residuos
un guiñapo se amontona.
Las llamas se extinguen.
Se arrinconan los hombres en una sola sombra,
en un solo silencio,
en un solo vocablo,
en un llanto solo
y cuando todo sea uno,
uno el llanto y el vocablo uno
no habrá paz sobre la tierra.
¿No habrá paz?

452
Ils ont oublié que l’homme est encore capable de colère.
Les flammes s’éteignent sans avoir consommé la haine.
Le jour damné a reporté la résurrection de l’homme.
Les témoins de la tuerie qui fustigent:
«Insensés, vous avez frappé à la porte de la mort
et elle est restée en vous!»
Ceux-là
ils ne font que prédire la mort.
Ils n’ont pas appris à la combattre.
Ils n’ont pas appris à abriter la terre dans leur cœur
ni même à conquérir la patrie pour l’homme.
Et l’asservi, que fait-il?
Où garde-t-il son silence?
Dans quelle partie du cœur tisse-t-il la vengeance?
Personne ne le sait.
Tout le monde l’a oublié.
Ils ont décrété que l’ombre soit sa demeure,
que le pain deshabité soit son aliment,
que la pelle prépare son chevet
et la pioche recouvre son cœur.
Qu’est-ce que l’homme combattu?
Personne ne s’en souvient.
Ils l’ont vêtu de haillons.
Ils l’ont rejeté à l’arrière de la maison
et là
avec les résidus
les guenilles s’amoncèlent.
Les flammes s’éteignent.
Les hommes se tapissent en une seule ombre,
en un seul silence,
en un seul verbe,
une seule complainte
et lorsque tout sera un,
une la complainte et le verbe un
il n’y aura pas de paix sur la terre.
Pas de paix?

453
Y aquellos que dictaminaron el destino del hombre,
los que jamás contaron con los sumisos,
amasarán con sangre su propia podredumbre.
¡No habrá paz!
¡Llanto para quebrar el llanto,
muerte para matar la muerte!

[...]97

97
Viau Renaud, Jacques: Permanencia del llanto, Publicaciones del Frente Cultu-
ral, Santo Domingo, 1965. Este poema figurará en Poemas de una isla y de dos
pueblos, Jacques Roumain, Pedro Mir, Jacques Viau, publicado en 1974 por Casa
de las Américas. Jacques Viau escribía directamente en español.
454
Et ceux qui décrétèrent le destin de l’homme,
ceux qui n’ont jamais pris en compte les asservis,
ils pétriront de sang leur propre pourriture.
Pas de paix!
¡Complainte pour rompre la complainte
mort pour tuer la mort!

[...]27

Traduction Yasmina Tippenhauer.

27
Ce poème apparaîtra dans le recueil Poemas de una isla y de dos pueblos, Jacques
Roumain, Pedro Mir, Jacques Viau, publié en 1974 par Casa de las Américas.
Jacques Viau écrivait directement en espagnol.
455
Syto CAVÉ (1944)

Le Poète

Un poète aujourd’hui est l’intime rue des langues


par sa torche levée
ses moments de papier,
cette rive suscitée de soleil et de palmes
et toute l’audience des oiseaux morts, fous et beaux,
recommencée avec raison,
à fond d’azur inattendu,
Et comme l’enfant bivouaque
Et comme le sein se fend
Et comme l’ampoule témoigne d’une nuit inoubliable
aisance aux voiles
aux jasmins du sang
cœur livré au serveur sous forme d’addition
comme un pion jamais plat aux feux antiques de la marelle
le poète est un pantin de lune sur l’industrie des villes,
dans la clameur des bras,
l’humidité des draps
Une passion qui marche avec des sons d’oiseaux
Sa zone de corbeau
sa frange colombine
et puis son dé hagard
sa caravane d’un soir,
son risque, ses hobbies,
son retirement et ses silences
car toute éclipse vit en lui
car toute ellipse le prétend
Il est pulsion et adjectif
Il est poumon et allusif
Il est ce qu’on ne dit pas:
fondamental et maladroit
Un poète aujourd’hui se ressent

456
Syto CAVÉ (1944)

El Poeta

Un poeta es hoy la íntima calle de las lenguas


por su antorcha esgrimida
sus momentos de papel,
esta ribera suscitada de sol y palmeras
y toda la audiencia de las aves muertas, locas y bellas
recomenzada con razón,
sobre fondo de azul inesperado,
Y como el niño demora
Y como el seno se surca
Y como el foco atestigua de una noche inolvidable
holgadas las velas
en los jazmines de la sangre
corazón entregado al mesero a modo de cuenta
como peón nunca agachado en las antiguas luces de la rayuela
el poeta es un títere de luna sobre la industria de las ciudades,
en el clamor de los brazos,
la humedad de las sábanas
Una pasión que camina con sonidos de aves
Su zona de cuervo
su franja colombina
y luego su dado despavorido
su caravana de una noche,
su riesgo, sus aficiones,
su retiro y sus silencios
porque todo eclipse vive en él
porque toda elipsis lo pretende
Es impulso y adjetivo
Es pulmón y alusivo
Es lo que no se dice:
fundamental y torpe
Un poeta hoy se siente

457
Il est d’un livre à faire
Il est d’un livre à dire
comme une corolle de sang
un aboiement fidèle sur le froid quotidien
Et puisque je songe,
Je réinvente des visages,
Je donne à voir à qui entend98

98
Inédit.
458
Es de un libro por hacerse
Es de un libro por decirse
como una corola de sangre
un ladrido fiel en el frío cotidiano
Y ya que estoy soñando,
Reinvento rostros,
Ofrezco una visión a quien escucha

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

459
C’est bien d’aimer ainsi

Ah! cette part d’inconnu qui te tiendra


Chanson, amour passionnément…
Il pleut comme je pense à toi:
Sans cesse!
Avril est à sa fin
Te reverrai-je au mois de mai?
Les rues sont en larmes,
Bordées d’hibiscus et de bougainvillées
Je t’aime pour rien…
C’est bien d’aimer ainsi

Je te l’ai dit déjà


Je vais te le dire encore:
Cette pluie qui m’fend le cœur
Me ramène tant à toi
Je t’aime comme une page toujours recommencée
Je t’aime et j’aime le temps qu’il fait
Ce temps où vient la pluie te fêter
goulûment,
de tout son ruissellement,
de ses franges insolentes,
de ses notes lascives,
de sa finesse miraculeuse,
Ce temps qu’ira mon cœur, comme un chien
s’abreuver au bord de ton visage,
au long fleuve de tes yeux
Et ce rire soudain
de l’enfance perdue entre les flaques vives
Et cette rue offerte à l’affluence de ton image!
Je t’aime pour rien
C’est bien d’aimer ainsi99

99
Inédit.
460
Es bueno amar así

¡Ah! esa parte incógnita que te atará


Canción, amor apasionadamente...
Llueve como te pienso:
¡Sin parar!
Abril llega a su fin
¿Volveré a verte en mayo?
Las calles rompen en llanto,
Rodeadas de hibiscus y buganvillas
Te amo sin razón...
Es bueno amar así

Ya te lo había dicho
Te lo digo otra vez:
Esta lluvia que me duele
Me devuelve tanto a ti
Te amo como una página siempre recomenzada
Te amo y me gusta el tiempo que hace
Ese tiempo en que la lluvia viene a festejarte
glotona,
con su abundante fluir
con sus flecos insolentes,
con sus notas lascivas,
con su finura milagrosa
Ese tiempo que irá, corazón mío, como perro
a saciar su sed a orillas de tu rostro,
en el largo río de tus ojos
Y esa risa repentina
de infancia perdida entre los charcos vivos
¡Y esa calle obsequiada a la afluencia de tu imagen!
Te amo sin razón
Es bueno amar así

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

461
Serge BAGUIDY-GILBERT (1945)

Poèmes dits dans un miroir

Prologue
(extrait)

Car la dissidence des palmes lorgne la porte


où s’inscrit l’âge des miroirs Aveugles mon soleil
et l’amertume répétée des jets d’eau sur les cils du mystère
J’ai pris note des grands faits témoins ma naissance
dans le vent d’est à la pointe des sables
l’exode des lances au palier de la mer
et le clin vain de feu dans le silence des hautbois
La chanson meurt de survivre
et de chanter aux brises exonérées
cantiques impavides de sel gemme et d’embruns
Sache mon doigt que la nuit met plus de temps
à se défaire de ses saisons de feu vorace
et que le voile qui descend à tes yeux d’alcool mal distillé
masque le rêve épris de mes orteils dans la sève des pierres
de confondre les éléments zélés de la première aubade
et de ne faire qu’un seul gerbe lié mal
de l’anabase épique des lames en mal de couchant
L’augure est à hauteur des aigles
et le poète bénit cette splendeur de l’écriture
où vient inhumer le rêve ses déboires inutiles
et sceller dans le silence le pacte des hautes fougères
Sache mon pied que le miroir tient compte de l’absence
et qu’il suffit d’y mettre un peu de volonté
L’exil du poème comprend la gloire immaculée de l’écume
Or entre nous il n’est que la genèse de l’ombre
cette légende sans fin ni commencement du mythe de mes aisselles

462
Serge BAGUIDY-GILBERT (1945)

Poemas dichos en un espejo

Prólogo
(fragmento)

Porque la disidencia de las palmas espía la puerta


donde se inscribe la edad de los espejos Ciegos mi sol
y la amargura repetida de los chorros de agua en las pestañas del
/ misterio
Tomé notas de los grandes hechos testigos de mi nacimiento
en el viento del este en la punta de las arenas
el éxodo de las lanzas a la cesta
y este parpadeo vano en el silencio de los oboes
La canción muere de sobrevivir
y de cantarle a las brisas exentas
cánticos impávidos de sal gema y oleajes
Sepa mi dedo que la noche demora más
al librarse de sus temporadas de fuego voraz
y que el velo que desciende a tus ojos de alcohol mal destilado
oculta el sueño prendado de mis dedos en la savia de las piedras
para confundir los elementos diligentes de la primera alborada
y de hacer una sola gavilla mal atada
por el anabase épico de las láminas en añoranza de ocaso
El augurio está a la altura de las águilas
y el poeta bendice el esplendor de la escritura
donde viene el sueño a enterrar sus sinsabores inútiles
y sellar en el silencio el pacto de los altos helechos
Sepa mi pie que el espejo toma en cuenta la ausencia
y que basta poner un poco de voluntad
El exilio del poema incluye la gloria inmaculada del sudor
No obstante, entre nosotros tan solo la génesis de la sombra
esta leyenda sin fin ni comienzo del mito de mis axilas

463
J’ai fondé ma gloire à l’extrême pointe de l’ivresse
et nul ne dira fumée de ma mémoire qui sonde les cyclones
Or entre nous il n’est que la genèse de la plume
cette légende sans fin ni commencement de la légende
Le poème chante l’amertume des miroirs

La sueur de la mémoire contre le glas du songe


la conscience la sève au port des doigts gelés
et la nuit saigne ainsi qu’un soulard mort
À la croisée comme des papillons de vertige
les filles de feu fileuses de soleil
Ma poitrine boit la lampe camuse
et le sexe de mes mains sur mes vertèbres
Vois la lampe fume mon papier disloqué
Le songe refait le chemin tiède des anciennes négations
la rime au cœur de ma bague les reniements les forêts
Un peu de sang au bout de mon poème
où pend la bave gelée des solitudes
comme un frisson de neige au coin droit de ma lèvre
et s’accouple la nuit à mes suicides
Le revers du songe est fragile
ainsi qu’un cil de faïence
ainsi qu’un pont entre nos doigts meurtris
Les forêts s’ouvrent contre mon visage
Puisque la nuit retourne le vertige contre le flanc de mes paupières
sors Je te donnerai mon sang caillé sur le fer bleu
le sourire triste des palans de vertige
Au côté gauche de ton cœur
tinte la clef de mon songe
comme des voyelles de voix vides
Retiens le vertige de ma lampe
et ces genoux clissés de mon sommeil
Toutes les feuilles n’ont plus qu’un sens
et les visages qu’un seul regard
L’œil crevé de ma bague
bave l’alvéole des logiques
Sors Voici ma chair comme une lampe qui sonne

464
He fundado mi gloria al punto extremo de la embriaguez
y nadie dirá humo de mi memoria que escudriña los ciclones
No obstante, entre nosotros tan solo la génesis de la pluma
esta leyenda sin fin ni comienzo de la leyenda
El poema canta la amargura de los espejos

El sudor de la memoria contra el toque del sueño


la consciencia la savia al puerto de los dedos helados
y la noche sangra como un borracho muerto
En la encrucijada como mariposas de vértigo
las niñas de fuego hilanderas de sol
Bebe mi pecho la lámpara chata
y el sexo de mis manos sobre mis vértebras
Ve la lámpara fuma mi papel dislocado
El sueño rehace el camino tibio de las antiguas negaciones
la rima en el medio de mi anillo las negaciones los bosques
Un poco de sangre al final de mi poema
donde cuelga la baba congelada de las soledades
como un estremecimiento de nieve en la esquina derecha de mi labio
y se acopla de noche a mis suicidios
Es frágil el revés del sueño
como una pestaña de porcelana
como un puente entre mis dedos contusionados
Los bosques se abren contra mi rostro
Puesto que la noche opone el vértigo al flanco de mis párpados
sal Te daré mi sangre cuajada en el hierro azul
la triste sonrisa de los aparejos de vértigo
Al lado izquierdo de tu corazón
tintina la llave de mi sueño
como vocales de voz vacía
Sostén el vértigo de mi lámpara
y esas rodillas escayoladas de mi sueño
Las hojas no tienen más que un rumbo
y los rostros una sola mirada
El ojo tuerto de mi anillo
babea el alvéolo de las lógicas
Sal He aquí mi carne como una lámpara que suena

465
Pourtant la main n’a pas de sexe
et ne connaît d’autre beauté que celle des doigts
Pourtant la flamme n’a pas de lèvres
et ne connaît qu’un seul vertige
Dans la nuit l’oiseau momifié de mon songe
tourne ainsi qu’une crécelle aigre
sur le sommeil de ma poupée
Tourne la tête et vois les palmes sur ses dents
Sa chevelure un autre monde
entre son front pluvieux et le gel de mes doigts
Vois comme une musique sourdre
la lente agonie des paupières mortes

[…]100

Épilogue

Les portes annoncent l’aube déjà


et nul contrat passé dans les hauts lieux
ne viendra rompre cette monotonie aveugle des miroirs
Le poème retourne à l’amertume de son seuil
car l’étoile écorchée vif aux tables de l’absence
saigna des gousses de plumes réverties mortes
Inerte cette mare au coeur de mon stylo
et tue cette légende des pieds agiles
où l’homme inscrivit l’âge de ses déboires
et témoigna de sa paresse incube aux jeux de la mer
Seul le silence prélude aux grandes ablutions
Seul le silence sis à l’extrême lieu de la parole
recouvre ce mensonge du poème fluide
Il n’est de rêve que de l’absence
et tant d’amour que ne détruit la vision de l’oiseau
Point de poème qui ne soit à l’étal du soleil
Point de poème qui ne soit à l’étal du sommeil
Et si je mets mon pied au sable du retour

100
Baguidy-Gilbert, Serge: Poèmes dits dans un miroir, Collection Hounguénikon,
Port-au-Prince, 1966.
466
Sin embargo, no tiene sexo la mano
y no conoce otra belleza que la de los dedos
Sin embargo la llama no tiene labio
y no conoce más que un solo vértigo
En la noche el ave momificada de mi sueño
gira como una carraca agria
sobre el sueño de mi muñeca
Voltea la cabeza y mira las palmas sobre sus dientes
Su cabellera otro mundo
entre su frente lluviosa y la tesura de mis dedos
Mira como una música brotar
la lenta agonía de los párpados muertos

[...]

Epílogo

Ya las puertas anuncian el amanecer


y ningún contrato concluido en las altas esferas
vendrá a romper esta monotonía ciega de los espejos
El poema vuelve a la amargura de su umbral
puesto que la estrella desollada viva en las mesas de la ausencia
sangró vainas de plumas revueltas muertas
Inerte este estanque en el corazón de mi pluma
y callada esta leyenda de pies ágiles
donde el hombre grabó la edad de sus sinsabores
y dio fe de su pereza íncuba en los juegos del mar
Solo el silencio preludia las grandes abluciones
Solo el silencio asentado en el extremo lugar de la palabra
encubre esta mentira del poema fluido
Solo el sueño de la ausencia
ni tanto amor que no destruye la visión del ave
No hay poema que no esté en el mesón del sol
No hay poema que no esté en el mesón del sueño
Y si pongo mi pie en la arena del regreso

467
il n’est en face de moi que mon image renversée
Car le miroir muet abonde vers les Chiffres
et tait cette présence de l’homme au cœur de lui-même
Pourtant les mots recouvrent leur sens à passer dans le tain
Pourtant le poème vit de se mirer
Hier il a venté du sable aux quatre coins de l’exil
Coiffe mes miroirs101

101
Baguidy-Gilbert, Serge: Poèmes dits dans un miroir, Collection Hounguénikon,
Port-au-Prince, 1966.
468
no quedará más que mi imagen revertida frente a mí
Porque el espejo mudo abunda hacia las Cifras
y calla esta presencia del hombre en su propio corazón
Sin embargo, las palabras recobran su sentido pasando en el azogue
Sin embargo, el poema vive de contemplarse
Ayer, venteó arena en las cuatro esquinas del exilio
Encubre mis espejos

Traducción de Richardson Louius.

469
Serge ST-JEAN / Serge SAINT-JEAN (?-?)102

EUX – C’est la moite la morne saison


TOI – Un printemps neuf
EUX – Le désert vide de la vie
TOI – Un parterre souriant
EUX – Le secret le mensonge
TOI – Le message la vérité
EUX – L’asphyxie la grille
TOI – L’oxygène l’air pur
EUX – Le fer de la haine
TOI – L’or de l’amour
EUX – L’épée
TOI – Une colombe
EUX – La colère
TOI – Un sourire
EUX – Le soufflet
TOI – Un baiser
EUX – La nuit
TOI – Une étoile
EUX – Une écharde
TOI – Une écharpe
EUX – C’est rien rien rien
TOI – Tout tout tout103

102
Bien que nous ne disposions d'aucune information biographique sur cet auteur,
il figure ici car il a publié au sein de la Collection Hounguénikon.
103
St-Jean, Serge: Du sombre au clair. Poèmes 1963-1964, Collection Houngué-
nikon, Imprimerie Panorama, Port-au-Prince, 1964.
470
Serge ST-JEAN / Serge SAINT-JEAN (?-?)28

ELLOS – Es la mustia la monótona estación


TÚ – Una primavera nueva
ELLOS – El desierto vacío de la vida
TÚ – Un parterre sonriente
ELLOS – El secreto la mentira
TÚ – El mensaje la verdad
ELLOS – La asfixia la valla
TÚ – El oxígeno el aire puro
ELLOS – El hierro del odio
TÚ – El oro del amor
ELLOS – La espada
TÚ – Una paloma
ELLOS – La cólera
TÚ – Una sonrisa
ELLOS – La bofetada
TÚ – Un beso
ELLOS – La noche
TÚ – Una estrella
ELLOS – Una astilla
TÚ – Una mantilla
ELLOS – No es nada nada nada
TÚ – Todo todo todo

Traducción de Dolores Phillipps-López.

28
A pesar de no tener información biográfica sobre el autor, figura aquí por haber
publicado en la Colección Hounguénikon.
471
O cette nuit de Décembre
Le poignard de l’absence au cœur de mon amour
Ivre de soleil et de crépuscule
L’espace tournoie autour de ma tête
Ma cigarette sur mes lèvres allume
un feu de tristesse
drapée d’azur et de silence
La terre gémit
Retiré dans mon grenier
Je contemple Port-au-Prince assis à ma fenêtre
La fumée qui monte de l’usine
On dirait le sang grillé des travailleurs
O belle quand tu viendras
La foule explosera comme une colère104

104
St-Jean, Serge: Du sombre au clair. Poèmes 1963-1964, Collection Houngué-
nikon, Imprimerie Panorama, Port-au-Prince, 1964.
472
Oh esta noche de Diciembre
El puñal de la ausencia en el corazón de mi amor
Ebrio de sol y de crepúsculo
El espacio revolotea alrededor de mi cabeza
Mi cigarro en los labios enciende
un fuego de aflicción
envuelta en azul y silencio
La tierra gime
Retirado en mi desván
Contemplo Puerto Príncipe sentado en mi ventana
El humo que sube de la fábrica
Parece sangre achicharrada de los trabajadores
Oh hermosa cuando vengas tú
La multitud estallará como una cólera

Traducción de Dolores Phillipps-López.

473
Ah cette nuit de février
Amoureusement roucoule dans l’air
Le calme duvet des palmes
et je pense à toi –
De tristes poèmes souriant comme des gueux
sont assis au coin des rues – Dans le vent
qui jase à l’oreille des chênes
Je crois ouïr la colère des feuilles
Car dans mes branches l’oiseau qui chante
m’apprend tout bas qu’un camarade est mort
Le collier d’un ange au cou de la lune
Il bruit dans l’air des soupirs d’amants
Ce soir mon caciquat rêve à de nouveaux caciques
Assis au quai Colomb mon enfance
caresse l’arc-en-ciel
comme la chevelure d’un cerf-volant
et là-bas tout là-bas
où chantent les hommes en caraco bleu
Mille étoiles mille sourires mille poings
mille feuilles éparses
se rassemblent105

105
St-Jean, Serge: Du sombre au clair. Poèmes 1963-1964, Collection Houngué-
nikon, Imprimerie Panorama, Port-au-Prince, 1964.
474
Ah esta noche de febrero
Amorosamente arrulla en el aire
El apacible plumón de las palmas
y yo pienso en ti –
Tristes poemas sonrientes como pordioseros
están sentados en la esquina de las calles –En el viento
que musita al oído de los robles
Creo oír la cólera de las hojas
Ya que en mis ramas el pájaro que trina
me cuenta bajito que un camarada ha muerto
El collar de un ángel en el cuello de la luna
Suenan en el aire suspiros de amantes
Esta noche mi cacicazgo sueña con nuevos caciques
Sentado en la plaza Colón mi infancia
acaricia el arcoíris
como la cabellera de una cometa
y allá a lo lejos
donde cantan los hombres en camisa azul
Mil estrellas mil sonrisas mil puños
mil hojas dispersas
se juntan

Traducción de Dolores Phillipps-López.

475
Manno EJÈN / Emmanuel EUGÈNE (1946)

Mayilò

ekriti-mwen se vwayaj
virewon an chimen dekoupe
pou viwonnen lemonn
vwayajman nan mwenmenm
mwen fè nan lang-mwen
alaviwonndede toutotou

mayilò avèk mo detounen


an mil milyon detou
mo kwaze dekwaze ankadino
vèvè pou entèpele rèv endont
nan remolin van detrese

pwezi se teritwa-mwen
madoulè ouvè alawonbadè
tankou yon memwa vif
yon rekizitwa prezante
espoze afiche plakade

pawoli-mwen se lanp etènèl


vwa zandò nan basen sonje
yon litiji souvnans
senmafò anliminasyon
pou salye pozisyon-mwen
toujou an lamadèl

mawoule sou fèy blanch


m’ape mennen rèv-mwen
makòn mare an fòm powèm106

106
Ejèn, Manno / Eugène, Emmanuel: Vwa Zandò La voix des mystères, Mémoire
d’encrier, Montréal, 2007.
476
Manno EJÈN / Emmanuel EUGÈNE (1946)

Vértigo

mi escritura es un viaje
errancia por los atajos
para recorrer el mundo
incursión en mi propio universo
excursión en el territorio de mi lengua
vaivén alrededor del mundo entero

vértigo de palabras cimarronas


dando mil millones de vueltas
crucigramas descruzados en los cardenales
el vèvè para invocar los sueños indomados
en el remolino del viento desatado

la poesía es mi territorio
mi herida cantera abierta
como una memoria viva
una reivindicación formulada
expuesta colgada exhibida

mi palabra es lámpara eterna


vwa zandò en la fuente de la memoria
liturgia de los recuerdos
faro encendido
para celebrar mi concepción del mundo
que siempre se redibuja

vagabundeo sobre la hoja en blanco


deposito allí mis sueños tejidos en forma de poemas

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

477
Yon lang zileniz
(fragman)

m’ape pale de yon lang


goute rèv ak revelasyon
bèlte yon istwa san tokay
yo rakonte avèk koze madoulè
pawoli yon espwa an balizay

lang ki travèse latlantik


san zetwal san bousòl
plim-omo sou fontyè enkoni
alaso li franchi vèdilèn delwen
pou ranmase mo ak pawoli

pelerinay sou wout lesklavaj


depi nan douvanjou malouk
rive kote lorizon jèmen
l’ape kwape pèp kontre nanchon
gade zòn kanpe lwen nan je

pou dòlote mistik adistans


peyize sa li kwaze alakelele
aganmafwezi sa li pa konprann
kontinan li pote sou zèl-li
ase pou nou sa kominike

m’ape pale de yon lang


kiskeya tranpe nan dlo zye
mouye nan lawouze avèk swe avèk san
lang seyan jouk nan rasin non-li
men ki louvri sou lespas an devnite107

107
Ejèn, Manno / Eugène, Emmanuel: Vwa Zandò La voix des mystères, Mémoire
d’encrier, Montréal, 2007.
478
Lengua insular
(fragmento)

hablo de una lengua


con sabor a sueño y revelación
belleza de una historia sin igual
contada con voz de sufrimiento
palabra esperanza que alumbra

travesía de la lengua por el Atlántico


sin estrella ni brújula
bolígrafo en puño, por fronteras desconocidas
para conquistar misterios ocultos
para recoger dichos y palabras

peregrinación en el camino del esclavo


saliendo del alba oscura
hacia el horizonte naciente
labrada al roce de pueblos y naciones
desafiando por ello lo incógnito

para amansar el ritual de los espíritus a distancia


ella bautiza todo aquello que encuentra
metamorfosea todo aquello que no comprende
lleva tantos continentes bajo sus alas
asaz para nosotros comunicar

hablo de una lengua


bañada en lágrimas de Quisqueya
embebida de rocío sudores y sangre
lengua que sangra hasta la raíz de su nombre
pero que se abre al espacio del porvenir

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

479
Yanick JEAN (1946-2000)

Recommencer Paule
(extraits)

[...]

Les visites aussi sont des chiens couchés


Aux équinoxes éventrés de la chance
Les autres coins de rue qui me mangent
Leurs effaçures me poursuivent
Car à rentrer
Il n’est nul à accueillir dans ma chambre...

Je préfère m’adosser tout le jour à mon châle

Au moulage contemplatif de mes songes rudimentaires


Je préfère m’adosser tout le long de mon châle

Compter tes pas


Tracer tes allées d’obédience, tes guipures et tes arbres

J’entends ta marche jusqu’aux frontières mûrissantes


Je t’offre les eaux pâles accoudées à mes tables

Je m’adosse à la quête attentive


D’un pas perdu jusqu’aux désespérances...

Tu n’es pas un amour de ma soif


Je te reçois dans mon village et dans ma terre
Ton corps est mon premier visage...

Et puis, le temps ricane où me mettre en cendre


Me régler comme l’affaire
Me soumettre aux aveugles régularités
Comme feu vert et puis feu rouge.

480
Yanick JEAN (1946-2000)

Recomenzar Paula
(fragmentos)

[...]

Las visitas también son perros que yacen


En los equinoccios despanzurrados de la suerte
Las otras esquinas que me comen
Sus borrones me persiguen
Pues al entrar
Nadie para recibir en mi habitación...

Prefiero recostarme todo el día en mi manta

A la matriz contemplativa de mis sueños rudimentarios


Prefiero adosarme a lo largo de toda mi manta

Contar tus pasos


Dibujar tus sendas de obediencia, tus encajes y tus árboles

Escucho tu marcha hasta las fronteras maduras


Te ofrezco las aguas pálidas acodadas en mis mesas

Me recuesto en la búsqueda minuciosa


De un paso perdido hasta las desesperanzas...

No eres un amor de mi sed


Te recibo en mi aldea y en mi tierra
Tu cuerpo es mi primera cara...

Y entonces, el tiempo se mofa dónde hacerme ceniza


Resolverme como el asunto
Someterme a las ciegas regularidades
Como luz verde y luz roja después.

481
Je te repasse
Je te redis et tu fermes mes yeux
ton souffle m’ondule et me déferle
dans les vidures des lessives
c’est mon essence qui se lasse...

[...]

Bien sûr,
La corde raide n’est que doux tressaillir
Long balancer. Entrelacs mélodieux d’émoi
Aux cordages candides de soi:
Mais ceux qui suent, attelés aux marches de l’homme
Giflés de lourds anneaux
Percés de langue-candélabre m’ont absoute:
Toutes les feuilles ne retiennent pas les rosées
D’autres, sur la simple foi de leurs baisers, s’enroulent..
Et il n’importe pas d’où je viens
Puisque les pays, c’est des portes.

[...]108

108
In Castera, Georges & Pierre, Claude & Saint-Éloi, Rodney & Trouillot,
Lyonel: Anthologie de la littérature haïtienne. Un siècle de poésie 1901-2001,
Mémoire d’encrier, Montréal, 2003. [Jean, Yanick: Recommencer Paule, Les
Éditions Fardin, Port-au-Prince, 1982].
482
Te repito
Vuelvo a decirte y me cierras los ojos
tu aliento me ondula y me despliega
en las vísceras de la colada
es mi esencia la que se agota...

[...]

Claro,
La cuerda floja no es más que suave palpitar
Largo balancear. Maraña melodiosa de emoción
En las jarcias cándidas de sí:
Pero los que sudan, atados al caminar del hombre
Zaheridos de pesadas argollas
Hendidos de lengua-candelabro me absolvieron:
No todas las hojas guardan los rocíos
Otras, bajo la simple fe de sus besos, se enroscan...
Y poco importa de donde vengo
Pues los países son puertas.

[...]

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

483
Manno CHARLEMAGNE (1948-2017)

Dwa de lòm

Dwa de lòm se konsa l rele


Lamayòt pou ti moun fronte
Aprè 200 zan sa n regle
Nèg vle fè n konnen ke solèy se Bondye
Men dyab la ap vini pa pale
Labib son w bagay ki sakre
Yon patay ki pa byen regle
Blan yo pran tè ya
Yo bann bib la n aksepte tande

Fè m tire oun profi nan travay la chè mèt yo


Nan kozman ideolojik yo chè frè m yo
Nou anlè onètman fòk se nou k plase pou lamizè
O mwen youn bagay va chanje
Nou ministrab se vre n etidye pou sa
Tonnè kraze m
kòz nasyonal yo
fon w bagay ak sa
Literati lontan te ka sèvi
Kounyea m ta pi kwè ke se la pratik vre
Nou pa bezwen fache nou fout anraje wo woy woy woy109

109
Charlemagne, Manno: Album La Fimen, Kako Productions, New York, 1994.
484
Manno CHARLEMAGNE (1948-2017)

Derechos humanos

Derechos humanos, así es como se les llama


Un señuelo para niños sin vergüenza
Después de 200 años, ¿qué hemos logrado?
Quieren hacernos creer que el sol es Dios
Pero el diablo llegó en silencio
La Biblia es un libro sagrado
Una herencia no tan clara
Los blancos tomaron nuestras tierras
Nos dejaron la Biblia, nosotros aceptamos

Permítanme beneficiarme de mi faena, Señores explotadores


En el campo ideológico, queridos hermanos
Somos admirados, de verdad, pero ¿por qué seguimos en la
/ miseria?
Por lo menos algo tiene que cambiar
Nosotros podemos gobernarnos, estamos preparados
¡Caramba!
Actuemos en pos
de la causa nacional
Se acabó el tiempo de los bellos discursos
Hoy llegó la hora de actuar de verdad
No necesitamos enfadarnos, ¡pues somos todos responsables!

Traducción de Edgard Gousse.

485
Na sispann pèdi

Fò m ofri w pou ban mwen se lavi


Sa w ban mwen an pa kont konsa m pèdi
Foure men w foure men w sa va fini
M gen pou m sispann pèdi kounye a mwen gen lespri
Mwen gen lespri tonnè

Abitan plante mayi se pou gwo batiman


Li rete agoukouman pa gen dwa di kouman
Towo ondiras yo se pou tekzas yo bon
Men de goud malere lakay yo
Yo lan pòch zotobre ak la fanmi konze
Chabrak belèk Ltd
Afè dyaman wa dafrik la sa se sekrè leta
Ou fouyapòt konsa pye w va pran lan mera
Ronm jamayiken an al sou tab londonyen
Diri ki plante o vyetnam nan jodi a ann parye
L ap bay tonton sam dyare

Bèl mèvèy ki te gen Jakmèl yo lan kou madam la bèl


Fò manmzèl fè kò l bèl zouzoun a laparèy
Min kuiv ki lan chili yo lan w salon a pari
Mezanmi kafe konlonbyen an lan tas zwazo mechan yo
Fè nikaragwa kapab fè enmsèz USA
Vye frè yo lan zafra y ap voye manchèt monte
Kou w tande jou leve lan sendomeng yo ye
Jouktan lannwit rive
Miyami bahamas lafrans nenpòt kote
Se lakay y ap reve yon lè fò yo antre
Jou abse ya pete

Fò m ofri w pou banmwen se lavi


Sa w banmwen an pa kont konsa m pèdi
Foure men w foure men w sa va fini
M gen pou m sispann pèdi kounye a mwen gen lespri
Men se fizi m pou m pran menmsi se manchèt mwen kenbe
486
Dejaremos de ser perdedores

Debo darles algo para recibir algo, es la ley de la vida


Lo que me dan es poco, así soy yo el que pierde
Explotadores, ¡aprovechen! pues todo tiene un fin
Dejaré algún día de ser un perdedor, porque hoy soy consciente
Estoy despierto, ¡caramba!

El sembrador cultiva su maíz, pero este será exportado


Se queda a un lado y no se atreve a preguntar por qué
Los toros de Honduras, los exportan a Texas
Mas la economía de nuestros pobres
Llena los bolsillos de la clase dirigente y los vendepatria
Chabrak Belèk Ltd
La explotación de diamantes en África es un secreto de Estado
Por ser tan intrusos, nos pueden cobrar caro
El ron jamaicano, lo sirven en las cenas londinenses
El arroz cultivado en Vietnam, les apuesto que
Le causará una diarrea al Tío Sam

Las bellas maravillas de Jacmel, en el cuello de la bella dama


Debe hacerse hermosa, una mujer muy de moda
Las minas de cobre de Chile se encuentran en un salón en París
Y el café colombiano en las tazas de aves rapaces
El hierro de Nicaragua puede servir para fabricar los M-16 americanos
Mis hermanos de la zafra siguen cortando
En República Dominicana, desde el alba
Hasta el anochecer
En Miami, Bahamas, Francia, por doquier
Sueñan con regresar algún día a su país
Cuando llegue el día de la victoria

Debo darles algo para recibir algo, es la ley de la vida


Lo que me dan es poco, así soy yo el que pierde
Explotadores, ¡aprovechen! pues todo tiene un fin
Dejaré algún día de ser un perdedor, porque hoy soy consciente
Pero debo armarme con un fusil, aunque ya tengo un machete
487
Menmsi se galèt m a voye
Men se fizi m pou m pran men se fizi m pou m pran
Men se fizi m pou m pran
Wi m a pran manchèt
Men se fizi m pou m pran menmsi se fizi m pou m pran110

110
Charlemagne, Manno: Album La Fimen, Kako Productions, New York, 1994.
488
Aunque tengo que lanzar piedras
Pero debo armarme con un fusil, pero debo armarme con un fusil
Pero debo armarme con un fusil
Por cierto, iré con un machete
Pero debo armarme con un fusil, debo armarme con un fusil

Traducción de Edgard Gousse.

489
Marie-Alice THÉARD (1948)

Temps mort sur mon île

Temps de carambolage des idées confuses


du luxe inutile et de l’égoïsme moitrinaire.

Temps des dupes et de l’inamical intérêt, des agacements, de


l’irrespect.

Temps de l’isolement jaloux créé par des plumitifs aigris. Temps


de l’écartèlement d’un peuple sans modèle et de la rage des âmes
chimériques, de la convoitise de l’inaccessible.

Temps des martyres inutiles, des scléroses et des avortements, des


sourdines et des déraillements.

Temps des capitulations vénales, de la noyade des idées lumineuses,


perdues sans boussole dans les chaos de la concupiscence des
politicailleurs.

Temps de la griffure des lettres anonymes mangeuses de sérénité et


accoucheuses d’insomnie.

Temps du baiser vengeur et de l’aventure stérile, incontrôlable,


incongrue de stupeurs muettes et de prétextes fumeux.

Temps des terrains de neutralité pour se marcher sur les pieds. Des
silences baveux et hors de saison, des absences dedans la tête, des
voix étouffées, nulles et pathétiques.

Temps des erreurs irréparables, des déraillements, de l’enthousiasme


trahi, des vacillements dans l’humiliation, de la gangrène causée par

490
Marie-Alice THÉARD (1948)

Tiempo muerto sobre mi isla

Tiempo de atropello de las ideas confusas


del lujo inútil y del egoísmo narcisista.

Tiempo de bobos y del interés hostil, del incordio, del irrespeto.

Tiempo de aislamiento celoso generado por burócratas agrios.


Tiempo del desmembramiento de un pueblo sin modelo y de la rabia
de almas quiméricas, de la codicia de lo inaccesible.

Tiempo de inútiles martirios, de esclerosis y abortos, de sordinas y


descarrilamientos.

Tiempo de capitulaciones venales, del hundimiento de las ideas


luminosas, extraviadas sin brújula en el caos de la concupiscencia
de los politiqueros.

Tiempo de garabateo de las cartas anónimas devoradoras de serenidad


y parteras de insomnio.

Tiempo del beso vengativo y de la aventura estéril, incontrolable,


incongruente de mudos asombros y nebulosos pretextos.

Tiempo de campos de neutralidad para pisarse los pies. De silencios


babosos y fuera de temporada, de ausencias en la mente, de voces
sofocadas, nulas y patéticas.

Tiempo de errores irreparables, de descarrilamientos, de entusiasmo


traicionado, de vacilaciones en la humillación, de gangrena provocada

491
les conflits meurtriers. Des vocations contrariées sans objet, des
hésitations veules.

Temps du dégradé des pans de mes illusions retombées en fragments


épars dans le naufrage du navire de la naïveté.

Le temps des bouts de jour et des accroupissements dans les horreurs


coites, quand entre chien et loup le scalpel assassin des critiques
putrides crachent des ombres et des silhouettes cinglant de leurs
vomissures l’indépendance de l’autre.

Temps volatile des profils bas, des brisures et des portes fermées
sans mot de passe pour sortir de leur prison.

Temps de la violence sans frein des ordres dispersés et de


l’affolement, des indices ténus et des jeux ambigus.

De l’amitié bafouée, de la voussure de mes épaules et de mon pas


traînant, affaiblis par mes échecs et mes rêves censurés.

Du brouhaha et du trouble évident des rires cassés dans l’infinie


tristesse de la petite mort de la confiance déçue.

Temps des compromissions, des méprises, des bobards, de


l’empilement, des tassements de mes chimères, des dépressions et
des pluies diluviennes.

Temps de repos de la source d’inspiration.


Étonnamment, temps de l’échafaudage des plans de semailles pour
un renouveau.
De collines en plaines, temps annonciateur de renaissances et
d’incandescence des amours neuves.

Temps de baume émollient des boursouflures de mes blessures. De


renouvellement de l’énergie positive, de l’accompagnement de nos
amis vers l’allée conduisant à l’absolu.

492
por mortíferos conflictos. De vocaciones contrariadas sin razón, de
las débiles vacilaciones.

Tiempo de degradación de los linderos de mis ilusiones caídas en


fragmentos sueltos en el naufragio del barco de la ingenuidad.

El tiempo de ocasos del día y de acuclillamientos en los horrores


apacibles, cuando entre perro y lobo el cincel asesino de las críticas
putrefactas escupen sombras y siluetas azotando con sus vómitos la
independencia del otro.

Tiempo volátil de perfiles bajos, de humillaciones y puertas cerradas


sin código para salir de su cárcel.

Tiempo de violencia desenfrenada de órdenes diseminados y de


estampidas, de índices tenues y juegos ambiguos.

De la amistad burlada, de la bóveda de mis espaldas y de mi paso


demorado, debilitado por mis fracasos y mis censurados sueños.

Del barullo y del desorden evidente de risas rotas en la tristeza


infinita de la pequeña muerte de la confianza traicionada.

Tiempo de compromisos, de desprecios, de embustes, del


amontonamiento, del apisonamiento de mis quimeras, de
depresiones y lluvias torrenciales.

Tiempo de descanso de la fuente de inspiración.


Sorprendentemente, tiempo de armazón de los planes de siembra
para un resurgir.
De colinas en llanos, tiempo anunciador de renacimiento y de
incandescencia de amores nuevos.

Tiempo de bálsamo emoliente en la inflamación de mis heridas. De


renovación de la energía positiva, de la presencia de nuestros amigos
hacia el camino que conduce al absoluto.

493
Temps avant-coureur de cotillons et des nouvelles naissances, de
latence menant à l’acceptation du spectacle saisissant de la liberté
conquise sur les cendres des héros martyrs.

Temps précurseur de tolérance, de pardon, d’amour retrouvé au


contour du temps, ce temps infiniment présent.111

111
Théard, Marie-Alice: Yam, l’amour réincarné, Théard, Pétion-Ville / Kiskeya,
Miami, 2012.
494
Tiempo anunciador de cotillón y de nuevos nacimientos, de latencia
que lleva a la aceptación del conmovedor espectáculo de la libertad
conquistada sobre las cenizas de los héroes mártires.

Tiempo precursor de tolerancia, de perdón, de amor hallado otra


vez en la esquina del tiempo, ese tiempo infinitamente presente.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

495
Poète exilé

Venant de l’île de haute culture, la terre mère, ton cordon ombilical


sommeille sous l’arbre reposoir des tisseurs d’histoires
Même quand la primauté de ton imaginaire perd ses droits à sublimer
la réalité, croassent les grenouilles, chantent les lézards, tu évoques
les contes d’antan.
Tu rimes la phrase pour colmater les failles des jours comptant
l’absence dont la malfaisance est sous l’obédience du malheur
Toi qui n’avais peur de rien, plein d’appréhension, tu longes le
sifflement de l’air de la berceuse des temps douloureux que l’on ne
peut renverser
Fétu de paille sans amarre sur la houle du grand large
Martyr de la flagellation, des anathèmes et des humiliations
Tu rampes le long des précipices bordant les rivages parcourus
d’ombres courbées
Et prisonnières de la spirale infernale de la marche des astres ne
renvoyant plus de signal aux fréquences du bonheur.
Ton corps en veine de séduction, navigue sur l’horloge folle de la
brillance des souvenirs où tu as bu aux fûts de toutes les ivresses.
La sueur chute ta peau à revisiter les superstitions et les sortilèges
de fin de jour de ton pays de montagnes
Se réveille en toi la soif inextinguible de mille inconnus
Mais la main que tu cherches à conquérir, t’affranchit des exultations
de l’être
Pour un tourbillon inénarrable d’attentes stériles et d’attraits sacrilèges
L’esquisse de tes harmonies et la fulgurance de tes envies avortent
dans l’incandescence charnelle des amours courtes.

II

Le terrain de tes combats tourne en dérision tes délires créateurs


En t’imposant l’insupportable imposture des passions bâtardes
Il n’y a pas d’audition pour ce genre de représentation
Tu voyages sur des mots indignes de salvation

496
Poeta exiliado

Viniendo de la isla de alta cultura, la madre tierra, tu cordón


umbilical dormita bajo el árbol repositorio de los tejedores de
historias
Aún cuando la supremacía de tu imaginario pierde sus derechos de
sublimar la realidad, graznan las ranas, cantan las lagartijas, evocas
los cuentos de antaño.
Rimas la frase para colmar las fallas de los días contando la ausencia
cuya perfidia obedece a la desdicha
Tú que nada temías, lleno de aprensión, bordeas el silbido de la
canción de cuna de los tiempos dolorosos imposibles de revertir
Brizna de paja a la deriva en el oleaje mar adentro
Mártir de flagelación, de anatemas y de humillaciones
Te arrastras a lo largo de los precipicios bordeando las orillas recorridas
por sombras inclinadas
Y prisioneras de la espiral maligna de la marcha de los astros que ya
no envían señal alguna a las frecuencias de la felicidad.
Tu cuerpo deseoso de seducir navega sobre el loco reloj del fulgor
de los recuerdos donde bebiste del barril de las embriagueces todas.
El sudor invita tu piel a revisitar las supersticiones y los sortilegios
del ocaso de tu país de montañas
Despierta en ti la sed inagotable de mil desconocidos
Pero la mano que intentas conquistar te rescata de las exultaciones
del ser
Por un torbellino indescriptible de esperas estériles y de encantos
sacrílegos
El esbozo de tus armonías y el resplandor de tus deseos abortan en
la incandescencia carnal de los amores breves.

II

El campo de tus batallas convierte en escarnio tus delirios creadores


Imponiéndote la insoportable impostura de las pasiones bastardas
No hay audición para este tipo de espectáculo
Viajas sobre palabras indignas de salvación

497
Scandant la disharmonie des gargouillements de la folie et de ses
tourments.
Artiste du bonheur tu cours après tes repères identitaires
Quand ta littérature tourne le dos à Minerve.
Végétant sous un ciel hivernal, tes cris d’alarme lancés depuis
l’ailleurs ne suscitent nul écho de ta terre nourricière.
L’exil a englouti tes paris de jeunesse dans le gargouillement des
compromis
Ton chant traversé par la mort n’est que le cri muet d’un sacrifié
de plus.
Du paradis, tu es banni112

112
Théard, Marie-Alice: «Migration et littérature de la diaspora», Leg et Littéra-
ture, nro. 5, Legs Édition, Delmas, Janvier 2015.
498
Cantando la desarmonía del borboteo de la locura y sus tormentos.
Artista de la dicha corres tras tus referentes identitarios
Cuando tu literatura le da la espalda a Minerva.
Languideciendo bajo un cielo invernal, tus gritos de alarma
lanzados desde lejos no suscitan ningún eco de tu tierra nodriza.
El exilio engulló tus apuestas de juventud en el gorgoteo de los
compromisos
Tu canto penetrado por la muerte no es más que el grito mudo de
un sacrificado más.
Del paraíso, eres proscrito

Traducción de Prisca Agustoni y Yasmina Tippenhauer.

499
Jean-Claude CHARLES (1949-2008)

Je suis un homme sans légende


(extraits)

[...]
Je suis un homme sans légende
je ne me fatiguerai pas de vous conter autour du feu la couleur de l’âge
pourvu que trois de vos fils m’accompagnent au tambour au tcha-tcha
/ et à l’accordéon
j’aurai bientôt dix ans douze ans ou neuf ou onze je ne sais plus
le dimanche choit sur mon crâne tous les huit jours
et chaque fois j’oublie d’aboyer comme si c’était normal
nous n’avons jamais eu le sens de la durée
voyez comme nous prenons le temps de prendre notre temps
les camarades et moi nous allions donc à la messe deux par deux
en ce temps-là la contrainte l’habitude et l’ignorance
dormaient dans la même cabane sans se connaître
le sacrilège viendra plus tard par une porte dérobée
un jour d’inquiétude extrême
nous allions donc chez le Bon Dieu soulier-bata et cravate bleue
la rue riait de toutes ses dents
elle qui n’en avait pas trente-deux pourtant
moi j’étrennais sans en rire la fausse grandeur
d’un mérite de hasard
moi illustre général de guerre
de quelle Crête-à-Pierrot ma médaille avait-elle hérité son pur néon
j’étais l’alcool inédit des jours fastes
je provoquais le vertige jusque dans son terrier
mais déjà la mort s’égarait dans mes sanglots
je m’agenouillais pour la prière
je vous saluais la Vie pleine de crasse
je te lançais des confettis à la face Seigneur
et dire qu’aujourd’hui je ne peux plus je ne veux
plus retrouver l’innocence des mains jointes

500
Jean-Claude CHARLES (1949-2008)

La leyenda de un hombre sin leyenda


(fragmentos)

[...]
Soy un hombre sin leyenda
no me cansaré de contarles en torno al fuego el color de la edad
si tres de sus hijos me acompañan con el tambor con las maracas
/ y con el acordeón
pronto cumpliré diez años doce años o nueve once ya no sé
el domingo cae sobre mi cráneo cada ocho días
y cada vez olvido ladrar como si fuese normal
nunca hemos tenido el sentido de la duración
miren cómo nos tomamos el tiempo de tomarnos el tiempo
los amigos y yo íbamos pues a misa de dos en dos
en esos tiempos la restricción la costumbre y la ignorancia
dormían en la misma cabaña sin conocerse
el sacrilegio llegará más tarde por una puerta oculta
un día de inquietud extrema
íbamos pues a la casa de Dios con zapatos de charol y corbata azul
la calle reía con todos sus dientes
ella que no tenía treinta y dos dientes sin embargo
yo mantenía, sin reír, la falsa grandeza
de un mérito de azar
yo ilustre general de guerra
de la que Crête-à-Pierrot heredó mi medalla su puro neón
era el alcohol inédito de los días festivos
azuzaba el vértigo hasta en su madriguera
mas la muerte ya se extraviaba en mis sollozos
me arrodillaba para la oración
te rezaba Vida llena eres de máculas
te echaba confetis a la cara del Señor
y pensar que hoy ya no puedo ya no quiero
volver a encontrar la inocencia de las manos unidas

501
il faut que je me salisse le cul
il faut que je nous somme à nous-mêmes de retrouver en nous-mêmes
/ les cristaux du courage sans limite

Je suis un homme sans légende


j’improvise des requiem d’orgueil pour nos tremblements de cheval
/ à crinière d’or
cheval traqué dans les égouts de sa misère par des alchimistes sans
/ fortune
il faut télégraphier au Rêve pour lui annoncer
notre venue au plus tard demain avec dans nos valises
ni l’huile sacrée ni la chandelle
ni l’œil fermé ni la bouteille
ni le coq égorgé ni le sommeil
ni la lampe allumée ni le doute
mais le manger-marassa du défi
il nous faut à tout prix du pouce de la main droite dessiner une croix
franche de farine blanche dessus notre colère
et nous fabriquer un paysage nouveau où les
gens adorent sans singerie aussi bien l’eau des
sources la chlorophylle des arbres que le fer
l’acier l’aluminium le thermomètre l’algèbre la
télégraphie sans fil les ampoules électriques et
jusqu’aux rayons ultraviolets
il ne faut pas craindre de courir à l’inverse de la marée montante
il faut brûler en effigie nos propres caricatures
[...]113

113
Charles, Jean-Claude: Négociations, Mémoire d’encrier, Montréal, 2015.
[Charles, Jean-Claude: Négociations, P. J. Oswald, Paris, 1972].
502
debo ensuciarme el culo
debo sumarnos a nosotros mismos recuperar en nosotros mismos
los cristales del valor sin límite

Soy un hombre sin leyenda


improviso réquiems de orgullo para nuestros temblores de caballo
/ con crines de oro
caballo asediado en las cloacas de su miseria por alquimistas sin
/ fortuna
hay que telegrafiar al Sueño para anunciarle nuestra llegada
a más tardar mañana y dentro de nuestras valijas
ni aceite sagrado ni la candela
ni el ojo cerrado ni la botella
ni el gallo degollado ni el sueño
ni la lámpara encendida ni la duda
sino el banquete gemelo del desafío
debemos a toda costa con el pulgar de la mano derecha dibujar una cruz
de harina blanca sobre nuestra ira
y fabricarnos un paisaje nuevo donde la
gente adore sin remedos tanto el agua de los
manantiales la clorofila de los árboles como el hierro
el acero el aluminio el temómetro el álgebra la
telegrafía inalámbrica las bombillas eléctricas y
hasta los rayos ultravioletas
no hay que temer correr al contrario de la marea creciente
hay que quemar en efigie nuestras propias caricaturas29

Traducción de Mónica Mansour y Yasmina Tippenhauer.

29
Tomado de Mónica Mansour: Identidades. Poesía negra de América. Antología,
Editorial Arte y Literatura, La Habana, 2011. En Identidades, Mansour seleccio-
nó y tradujo dos fragmentos de este poema de Charles, eliminando un párrafo
importante («era el alcohol [...] volver a encontrar») que reintroducimos tanto
en el fragmento original como en su respectiva traducción.
503
Les migrateurs
(extrait)

Il faudrait s’aérer à intervalles réguliers. Partir. Bien loin de ces lieux


où il y a perpétuellement des crânes qui pourrissent. Ici des balcons
s’écroulent sur nos têtes. À moi! Il y a même des coups de poings
dans l’atmosphère. Des triques. Des pus. Des tins. Des teignes.
Des béquilles. Des culs. Des minéraux qui revendiquent. Des qui
tombent je vous dis! Des lumières qui s’éteignent. Des remuements
d’insectes-manchots-qui-se-taisent. Moi je m’éclipse provisoire-
ment. Dans l’espace salubre des mots, que respirer devienne mon
drapeau!114

[...]

114
Charles, Jean-Claude: Négociations, Mémoire d’encrier, Montréal, 2015.
[Charles, Jean-Claude: Négociations, P. J. Oswald, Paris, 1972].
504
Migratorios
(fragmento)

Habría que oxigenarse por intervalos intermitentes. Marcharse.


Bien lejos de estos lugares donde hay perpetuamente cráneos que
se pudren. Aquí los balcones se derrumban sobre nuestras cabezas.
¡Me toca! Incluso hay puñetazos en la atmósfera. Garrotes. Pus.
Palos. Bichos. Muletas. Culos. Minerales que reivindican. ¡Los caídos
les digo yo! Luces que se apagan. Revoloteos de insectos-mancos-
que-se-callan. Yo me eclipso temporalmente. En el saludable espacio
de las palabras, ¡que la respiración sea mi bandera!

[...]

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

505
Je
lassitude
dénouée

tu
girouette
retrouvée

il
roulis
retourné

elle
discordance
mutilée

nous
décombres
bannis

vous
martyre
terrorisé

ils
grâce
rendue

elles
gloire
conquise115

115
Charles, Jean-Claude: Négociations, Mémoire d’encrier, Montréal, 2015.
[Charles, Jean-Claude: Négociations, P. J. Oswald, Paris, 1972].
506
Yo
agotamiento
desatado


veleta
hallada

él
balanceo
revuelto

ella
discordancia
mutilada

nosotros
escombros
proscritos

usted
mártir
aterrorizado

ellos
gracia
devuelta

ellas
gloria
conquistada

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

507
Marie-Ange JOLICŒUR (1950-1976)

Mon île

Avec des mots qui chantent


Avec des mots qui pleurent
Avec ce long cri sombre
À la limite des jours
Et toutes ces pénombres
À la taille des collines
Avec le tam-tam sourd
De nos plaines à matines
Avec des mots d’espoir
et d’autres d’agonie

Je te revois, mon île.

Avec des mots qui rient


Et le sang répandu
Avec le vent inquiet
psalmodiant les secrets
Avec la vague morte
Et un deuil de la lune
Avec le vaste champ
d’un combite d’étoiles
balayant l’infortune
des autrefois perdus

Je te revois, mon île.

Avec ton sable chaud


Et les rumeurs du soir
Avec les heures veuves
du tic-tac des pendules
Avec ton nom plus beau

508
Marie-Ange JOLICŒUR (1950-1976)

Isla mía

Con palabras que cantan


Con palabras que lloran
Con este largo grito sombrío
En el umbral de los días
Y todas estas penumbras
Grandes como las colinas
Con el sordo tam-tam
De nuestros llanos que invocan
Con palabras de esperanza
y otras de agonía

Te veo otra vez isla mía.

Con palabras que ríen


Y la sangre derramada
Con el viento inquieto
salmodiando los secretos
Con la ola muerta
Y un duelo de la luna
Con el vasto campo
de un cumbite de estrellas
barriendo el infortunio
de otroras perdidos.

Te veo otra vez isla mía.

Con tu arena caliente


Y los rumores de la noche
Con las horas viudas
del tic-tac de los péndulos
Con tu nombre más bello

509
qu’une perle de soleil
couchée dans l’archipel
Là, sous le bleu du ciel

Je te revois, mon île


Avec ton sable chaud
Avec la vague morte
Avec les heures veuves
du tic-tac des pendules.116

116
In Berrou, Raphaël & Pompilus, Pradel: Histoire de la littérature haïtienne
illustrée par les textes, tome III, Éditions Caraïbes, Port-au-Prince, 1977.
[Jolicœur, Marie-Ange: Oiseaux de mémoire, Imprimerie Séminaire adventiste,
Port-au-Prince, 1972].
510
que una perla de sol
acostada en el achipiélago
Allá, bajo el azul del cielo

Te veo otra vez, isla mía.


Con tu arena caliente
Con la ola muerta
Con las horas viudas
del tic-tac de los péndulos.

Traducción de Prisca Agustoni y Yasmina Tippenhauer.

511
Edgard GOUSSE (1950)

Dans le ventre de la terre

J’écris ton nom Haïti


dans le ventre de la terre
si grand est mon désir de t’avoir
que je déploie autour de ton œil
toutes les bouches
se blottissant en moi
qui galopent jour après jour
en ce lieu opaque de la mémoire117

117
Gousse, Edgard: Les oiseaux se taisent et me regardent, Éditions Triptyque,
Montréal, 2008.
512
Edgard GOUSSE (1950)

En el vientre de la tierra

escribo tu nombre Haití


en el vientre de la tierra
tan grande es mi deseo de tenerte
que despliego alrededor de tu ojo
todas las bocas
que se acurrucan en mí
que cabalgan día tras día
en este lugar opaco de la memoria

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

513
L’imaginaire du soleil

qu’avez-vous dit à la presqu’île


pour qu’elle enrubanne ainsi de deuil
le sable sacré du littoral
vous êtes venu sous un faux nom d’île
mêlé à l’humus de la terre
tandis que le vent aux yeux aveugles
de la mémoire
sans le savoir peut-être
une dernière fois s’enroulait
à la parure verte des branches

qui pourrait alors s’étonner


de voir la mer en fuite
quand la lumière sauvage
dans l’imaginaire du soleil
transperce le fond des eaux118

118
Gousse, Edgard: Les oiseaux se taisent et me regardent, Éditions Triptyque,
Montréal, 2008.
514
Imaginario del sol

qué le dijo usted a la península


para que envuelva así de duelo
la arena sagrada del litoral
usted vino bajo un nombre falso de isla
mezclado al humus de la tierra
mientras el viento con los ojos ciegos
de la memoria
sin saberlo tal vez
por última vez se enroscaba
alrededor del atavío verde de las ramas

quién podría entonces asombrarse


de ver el mar en fuga
cuando la luz salvaje
en lo imaginario del sol
traspasa el fondo de las aguas

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

515
Je t’écris de mon île, le tumulte est si fou en ce lieu

gauchement peut-être la main en sursis heurtera ou même


humera l’haleine tiède de notre enfance assise sur un coléoptère
son chant est une sirène endormie
entendre hors La Havane Hemingway aux doigts émaciés
sa bouche enfoncée dans les mots comme une déchirure de l’ouïe
dans les sombres allées de l’allégorie cette phrase de lumière
derrière les ailes qui s’ouvrent
que nous gardâmes en nous-mêmes

gauchement peut-être cette nuance du temps


parfois très haute parfois silencieuse et encore
nous échappons aux derniers feux du regard
des femmes de rue qui jonchent l’amant sur notre île
le tumulte est si fou en ce lieu

de la maîtresse qui retourne au plaisir des jeux de marelle


de la femme de chambre captive comme rat
on ne sait rien on n’en sait plus
quand vient la rebuffade de l’amour fou
errant à l’aveuglette là où chaque vulve est reine
sommeil des orbes où l’arbre de la parole lova
le suintement des oreillers

la transe charnelle de l’œil polaire trahit le vol offert jusqu’à la rampe


l’inépuisable retour à l’âge de la pierre et de l’arc
de la flèche et du feu à la bougie que l’on tète comme du miel blanc
au cœur de la poussière
pauvre pays bien-aimé ô Haïti

se mue alors l’écrivain en icône ses yeux de pollen comme lit de rivière
un cri de lierre en fin de crête bruissement de son âme
qui exorcise la croisade
une cohue de sanglots du premier-né de la brebis

516
Te escribo de mi isla, el tumulto es tan loco en este lugar

torpemente tal vez la mano en prórroga chocará o incluso


sorberá el aliento tibio de nuestra infancia sentada sobre un
/ coleóptero
su canto es una sirena adormecida
oír fuera de La Habana a Hemingway con los dedos delgados
su boca hundida en las palabras como un desgarro del oído
en los pasillos sombríos de la alegoría esta frase de luz
detrás de las alas que se abren
que guardamos en nosotros mismos

torpemente tal vez este matiz del tiempo


a veces muy alto a veces silencioso y aun
escapamos de las últimas llamas de la mirada
de las mujeres de la calle que cubren al amante en nuestra isla
el tumulto es tan loco en este lugar

de la concubina que regresa al placer de los juegos de rayuela


de la doncella cautiva como rata
no se sabe nada ya no se sabe
cuando llega el desaire del amor apasionado
que yerra a ciegas donde cada vulva es reina
somnolencia de los orbes donde el árbol de la palabra enroscó el
sudor de las almohadas

el trance carnal del ojo polar traiciona el vuelo ofrecido hasta la rampa
el regreso inagotable a la edad de piedra y la del del arco
de la flecha y del fuego a la vela amamantada como miel blanca
en la esencia del polvo
oh pobre país mío mi amado Haití

se transforma entonces el escritor en ícono sus ojos de polen como


/ lecho de río
un grito de hiedra al final de la cumbre rumor de su alma
que exorciza la cruzada
un barullo de sollozos del primogénito de la oveja
517
s’ouvrent alors à l’écho vif de la mémoire inventent la tristesse
qui fendille les cailloux menstruels du corps
pauvre pays bien-aimé ô Haïti

un flux de sang une gloriole lapident la défroque de l’être


dans le paquebot de la mémoire
notre enfance a pris mère ayant fécondé l’hymen
aux portes des cuisses de la porteuse debout
devant la muse qui ne bougeait déjà plus
jadis tes pas si muets convoitant les rues avares
froissant le poème à odeur d’Hollywood
à senteur de Grammy dans le sang
tus à la plainte aveugle et généreuse d’un corps
à lenteur de phallus de chien mis à mort
ainsi leur langue sur son pubis de marâtre
pauvre pays bien-aimé ô Haïti

thrène fugace de hiéroglyphes s’éloignant des gestes à traire


comment usurper flore fragile de subterfuges pour que s’y perde
hurle l’orémus des fémurs
malaisée soit la folie aux gestes à rebours
paroles à tisser de vert l’exil
lors embruns de postiches un poète ivre
des profondeurs femelles qui transgressent la rive
disperse le vers en équinoxe sur la chaussée
dans son odyssée pourtant transitoire lourde de nul départ
trahit le corps séduit fragmente l’image et encore
ces enfances qui ne furent que pour la survie de l’eau
delà les rimes des jeux la bave précoce
l’octave des sucres à beauté d’octobre
pauvre pays bien-aimé ô Haïti

dans le miroir du blues inquiet il importe parfois de ne pas dire adieu


les murs empruntent nos voix pour une branche déchue
une guitare à la dérive avant même de nous avoir connus
je ne sais plus où abandonner mon enfance fragmentée
résistant à la caresse de la ligne distante
puisque rien n’est tout et le tout heurté par le vide soudain

518
se abren entonces al eco vivo de la memoria inventan la tristeza
que agrieta las piedras menstruales del cuerpo
oh pobre país mío mi amado Haití

un flujo de sangre una vanagloria lapidan el trapo del ser


en la nave de la memoria
la infancia ha tomado madre habiendo fecundado el himen
en las puertas de los muslos de la portadora de pie
frente a la musa que ya no se movía
antaño tus pasos tan mudos codiciando las calles avaras
arrugando el poema con olor a Hollywood
con fragancia de Grammy en la sangre
callados a la queja ciega y generosa de un cuerpo
con lentitud de falo de perro sacrificado
así sus lenguas contra su pubis de madrastra
oh pobre país mío mi amado Haití

treno fugaz de jeroglíficos que se alejan de los gestos por ordeñar


cómo usurpar flora frágil de subterfugios para que allí se pierda
aúlle el oremus de los fémures
penosa sea la locura de gestos a contrapelo
palabras para tejer de verde el exilio
entonces rocío de postizos un poeta ebrio
de las profundidades hembras que transgreden la orilla
dispersa el verso en equinoccio sobre la calzada
en su odisea sin embargo pasajera llena de ninguna salida
traiciona el cuerpo seducido fragmenta la imagen y aún así
estas infancias que fueron solo para la sobrevivencia del agua
más allá las rimas de los juegos la baba precoz
la octava de los azúcares de belleza de octubre
oh pobre país mío mi amado Haití

en el espejo del blues inquieto a veces importa no despedirse


las paredes piden prestadas nuestras voces para una rama caída
una guitarra a la deriva aún antes de habernos conocido
ya no sé donde abandonar mi infancia fragmentada
resistiendo a la caricia de la línea distante
ya que nada es todo y el todo chocado por el vacío súbito

519
je n’ai jamais voulu qu’elle devienne marchande d’îles
laissant derrière elle l’écorchure du corps onctueux
car même la douleur délibérément métissée
eut sa lente agonie
pauvre pays bien-aimé ô Haïti

à l’égal de nos morts sans la lumière indispensable du regard


nous échappons oublieux
aux feux débordant des femmes de rue
qui jonchent l’amant sur notre île119

119
Gousse, Edgard: Les oiseaux se taisent et me regardent, Éditions Triptyque,
Montréal, 2008.
520
jamás quise que se hiciera vendedora de islas
que dejara tras ella el rasguño del cuerpo untuoso
ya que incluso el dolor deliberadamente mestizado
tuvo su lenta agonía
oh pobre país mío mi amado Haití

al igual que nuestros muertos sin la luz indispensable de la mirada


olvidadizos escapamos
de los fuegos desbordantes de las mujeres de la calle
que cubren al amante en nuestra isla

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

521
Robert BERROUËT-ORIOL (1951)

Découdre le désastre
(extrait)

oyez oyez la terre en rut


mortifère
cadavéreuse en pile
draine carnaval de mots en livres
à l’encan bavard
aux tarlatanes de la scène
mais en terre polaire
en haute retenue de langue
je hisse syllabes offertes aux consonnes
ma langue parle
toute autre langue

car un éboulis de lèvres


courre halte pèlerine
mes paumes tramées
de parallèles présages
apprivoisent crachins d’étoiles
et tracées marégraphes
dans la grammaire
des sentiers

un dire-à-deux
ballabile appas
huché au parvis
bruisse ses noctiluques

à l’accouplement des langues


la moite greffe des boutures
se fraye boussole
contre la gigue musquée de l’index

522
Robert BERROUËT-ORIOL (1951)

Deshilvanar el desastre
(fragmento)

escuchad escuchad la tierra en celo


mortífera
cadavérica de sobra
drena carnaval de palabras en libros
en la subasta parlanchina
en los telones del escenario
mas en tierra polar
en alta contención de lengua
izo sílabas ofrecidas a las consonantes
mi lengua habla
otra lengua muy distinta

pues un derrumbe de labios


caza cena peregrina
mis palmas entramadas
de presagios paralelos
amansan llovizna de estrellas
y huellas mareógrafas
en la gramática
de los senderos

un tándem
carnada bailable
en lo alto de la plaza
susurra sus luciérnagas

al acoplarse las lenguas


el húmedo injerto de esquejes
se abre paso brújula
contra el meneo cursi del índice

523
safre
d’hallali
de savane crépue
le saint-office des sens
décline ivresse
dans la ferveur des aromates

moulin volubile
et dard ramoneur
j’élonge chaque accul
aux menstrues flamboyantes

à l’halètement du Nordé
dans la patiente géodésie de tes gestes
le front ceint de craie j’exile
ma transhumance
ma forge utérine
ma chevrotante misaine
d’épissures ciselées
ourlées
sur lent arpentage d’icône
contre l’oubli halluciné de soi
un parjure prédateur
le sein timbré de nuit
dresse rictus sa malemort
sépulcre en crue
à consumer emblème

et teint sa sorgue mercenaire


vauriennes alluvions
d’une Tour vouée à l’encan
en toi je conjugue tumulaire calligraphie
dans le bot babil des cendres
démiurge de pistes abécédaires
je gîte la matrice d’un mot
[…]120
120
Berrouët-Oriol, Robert: Découdre le désastre suivi de L’île anaphore, Éditions
Triptyque, Montréal, 2013.
524
gula
de hallali
de savana crespa
el santo oficio de los sentidos
declina embriaguez
en el fervor de las aromáticas

molino voluble
y dardo deshollinador
pujo cadera acorralo
a las sangres flamantes

en el jadeo del Norte


en la paciente geodesia de tus ademanes
con la frente ceñida de tiza yo exilio
mi trashumancia
mi fragua uterina
mi mástil trémulo
de empalmes cincelados
orlados
sobre lenta agrimensura de ícono
contra el olvido alucinado de sí
un perjuro depredador
el seno sellado de noche
erige rictus su malamuerte
sepulcro en crecida
a consumir emblema

y tiñe su noche mercenaria


aluviones bribones
de una Torre destinada a la subasta
en ti conjugo caligrafía tumularia
en nave parlanchina de cenizas
demiurgo de pistas abecedarias
albergo la matriz de una palabra
[…]

Traducción de Yasmina Tippenhauer y Omar Alexis Ramos.

525
Éloge de la mangrove
(extrait)

blanche canne qui déchausse précoces arpentages et bat paupières


de toutes saisons d’enfance blanche canne pour enfin recoudre le fil
liant mes cahiers pubères ils fleurent colle décatie annoncent l’éloge
de la mangrove que j’esquisserai par encre de Chine et d’alluvions
au défilé du parler vrai sais-tu que j’ai longtemps archivé chacune de
mes démences à pas cloutés sur les récoltes anémones de ta margelle
mes pains d’épices aux senteurs anonymes et croupes affamées errent
encor ébahis sous spasmes rieurs de l’Autan telles miennes paroles
jadis proférées me ramènent jour après jour à l’anastrophe de la
mangrove

en toi je plie déplie replie folles oraisons à défaufiler surplis élimés


d’insanes et bacchantes messes dans la matrice dévêtue des mots je
rallume élémentaire cens de vie je le recouds à mienne déperdition
des sens en toi s’étale mon staccato mes fêlures boomerangs
madrées te font la nique elles longent le Saint-Laurent bifurquent
par Trois-Rivières et Québec jusqu’au ponton de La Guinaudée ô
rituel d’épissures contre le clapotis de tes ils désormais ma langue
ballerine ne conjugue sur ton sas que liminaires suppliques

et voici que pour chaque note de l’éloge j’ouvre voix au syllabaire


du jour passant à pieds fertiles tant de frontières délavées j’ourle
leurs langues voyageuses elles copulent depuis la nuit des temps aux
lisières du Poème j’y ai souvent troqué mes silences statufiés mes
mots-chrysalide mes épigrammes de mémorielle migrance légués
par l’aïeul du premier patronyme qui longea Poème du décours au
Tropique Sud du Génois chevauchant les caravelles gavées d’or de
la Reina sabre au clair sur la nuque offerte du Taïno sabre au pair
dans le ventre si festif de la Peule mais comment Découdre le désastre
éfaufiler les malédictions enchaînées comment ramoner mon chant
de chaude lune adossé aux caïeux prodigues des palétuviers lorsque
chancelantes mes mains sur la farandole d’un compas cherchent
labile quitus de soi

526
Elogio del manglar
(fragmento)

blanca caña que labra precoces agrimensiones y parpadea todas las


estaciones de la infancia blanca caña para al fin zurcir el hilo que ata
mis cuadernos púberes exhalan engrudo añejo anuncian el elogio
del manglar que esbozaré en tinta china y aluviones en el desfile
de la franqueza sabías que por mucho tiempo archivé cada una de
mis demencias a paso cebra en las cosechas anémonas de tu brocal
mis panes de especias de fragancias anónimas y grupas hambrientas
vagan aún asombrados bajo espasmos risueños del Autan tales mías
palabras antaño proferidas me devuelven día a día a la anástrofe del
manglar

en ti doblo desdoblo redoblo locas oraciones al deshilvanar sobre-


pellices raídos de insanas y bacantes misas en la matriz desvestida de
las palabras reavivo elemental censo de vida lo coso a pérdida mía de
sentidos en ti se difumina mi staccato mis grietas búmeran astutas
se burlan de ti orillan el Saint-Laurent bifurcan por Trois-Rivières
y Québec hasta el muelle de La Guinaudée oh ritual de empalme
contra el chapoteo de tu pelvis mi lengua bailarina ya no conjuga
sobre tu escotilla más que preliminares súplicas

y hete allí que para cada nota del elogio abro voz al silabario del día
pasando a pies fértiles tantas fronteras desteñidas hilvano sus lenguas
viajeras ellas copulan desde tiempos inmemoriales en los linderos
del Poema a menudo troqué allí mis silencios petrificados mis
palabras-crisálida mis epigramas de memorial migrancia legados por
el ancestro del primer patronímico que bordeaba Poema de la mengua
al Trópico Sur del Genovés cabalgando las carabelas henchidas del
oro de la Reina sable desenvainado en la nuca obsequiada del Taíno
sable emparejado en el vientre tan festivo de la Peule mas cómo
Deshilvanar el desastre deshilar las maldiciones encadenadas cómo
deshollinar mi canto de cálida luna adosado en los cayos pródigos
de los mangles cuando vacilantes mis manos sobre la farándula de
un compás buscan absolución de sí

527
c’est par le chant de l’autre aïeul du second patronyme ayant jeune
quitté le Monte Cinto en italienne Corse que défila l’éloge de la
mangrove un jour provisionné d’aventures et de bois-debout en
carafe par périlleuse traversée en aller simple entre Naples Rome
Nantes Basse-Terre et Jacmel lui partant chamarré pour les isles à
sucre il gaule l’autre engagé de première classe qui veille dans les
cales des vaisseaux du roy la geste désespérée des Nubiles défiant par
dessus bord dans l’infâme traversée des voies salées la malédiction
des neuf mois ventrus121

[…]

121
Berrouët-Oriol, Robert: Éloge de la mangrove, Éditions Triptyque, Montréal,
2016.
528
es por el canto del otro ancestro del segundo patronímico quien
joven dejó el Monte Cinto en italiana Córcega que desfiló el elogio
del manglar un día abastecido de aventuras y de cañazo en garrafa
en peligrosa travesía sin retorno entre Nápoles Roma Nantes Basse-
-Terre y Jacmel él partiendo abigarrado para las islas de azúcar él
apalea al otro enrolado de primera clase que vigila en las bodegas
del navío del rey la gesta desesperada de las Núbiles desafiando por
la borda en la infame travesía de las vías saladas la maldición de los
nueve meses panzudos

[…]

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

529
Évelyne TROUILLOT (1954)

Tanpri

Tanpri
pa mande m pale de tranblendtè
Chak grenn blòk
ap rakonte m yon malè k poko fini
mwen pa rekonèt pwezi
kap sot nan bouch mwen
pawòl la chaje ak debri lanmò
ak retay lapenn
yo kole nan pwent dwèt mwen
yo pa vle kite m
tankou yon ekip lwa ki monte m
yo derefize ale
Pa pale m de 12 janvye
depi jou sa a
mwen tounen yon chwal yo monte
depi jou sa
m ap sèvi san m pa vle122

septanm, 2010.

122
Trouillot, Évelyne: «Tanpri», in Chalmers, Mehdi & Kénol, Chantal & Lhéris-
son, Jean-Laurent & Trouillot, Lyonel: Anthologie bilingue de la poésie créole
haïtienne de 1986 à nos jours, Actes Sud / Atelier Jeudi Soir, Arles, 2015.
530
Évelyne TROUILLOT (1954)

Por favor

Por favor
no me pidan que hable de terremoto
Cada bloque de cemento
me cuenta una desgracia que aún no acaba
no reconozco la poesía
que sale de mi boca
esta palabra está impregnada de escombros de muerte
de desechos de pena
que se aglutinan en la punta de mis dedos
no me quieren soltar
como una familia de loas poseyéndome
y que se niega a irse
No me hablen del 12 de enero
desde aquel día
los loas se apoderaron de mí
desde aquel día
soy sin voluntad su servidora

septiembre de 2010.

Traducción de Edgard Gousse.

531
Promesses

J’en ai marre des bras qui violent


l’espace
zigzag rouge et honteux
de malheurs qui volent trop bas
ou trop haut
et cachent leurs becs
des fleurs qui s’entêtent dans la décadence futile
des amours pathétiques

Je suis fatiguée de chercher un sens


aux couleurs des mots
de voir les douleurs
trop nombreuses
prendre mes chansons préférées par les tripes
j’en ai marre d’essuyer les bris d’orage

d’oublier
qu’il faut compter les heures de la nuit
pour voir le jour
et qu’il n’est jamais trop tard
pour que la morsure fasse encore mal
Je suis fatiguée des envies
qui passent dans ma rue
sans voir la montre qui sautille
incessante et narquoise

Je veux des éclats de rire absurdes et éternels


des bras toujours parés pour l’accolade
des grands retours
des mains d’océan en cascades et
des réveils d’enfants heureux
des sourires inutiles de folie pleine
et de promesses impossibles
à tenir123

123
Trouillot, Évelyne: Par la fissure de mes mots, Éditions Bruno Doucey, Paris,
2014.
532
Promesas

Estoy harta de los brazos que violan


el espacio
zigzag rojo y vergonzoso
de desgracias que vuelan muy bajo
o muy alto
y esconden sus picos
de las flores que se obstinan en la fútil decadencia
de los amores patéticos

Estoy cansada de buscar un sentido


a los colores de las palabras
de ver los dolores
demasiado numerosos
destripar mis canciones preferidas
estoy harta de barrer los escombros de la tormenta

de olvidar
que hay que contar las horas de la noche
para ver el día
y que nunca es demasiado tarde
para que la mordedura duela todavía
Estoy cansada de los deseos
que pasan por mi calle
sin ver el reloj que retoza
incesante y burlón

Quiero carcajadas absurdas y eternas


brazos siempre listos para el abrazo
grandes retornos
manos de océano en cascadas y
despertares de niños felices
sonrisas inútiles de plena locura
y de promesas imposibles
de cumplir

Traducción de Prisca Agustoni y Yasmina Tippenhauer.

533
Hommage

Dans mon poème


la nuit est pleine de flottes mystérieuses
aux voiles voraces
et cupides
leurs barres dessinent des courbes
mensongères
qui font pleurer la terre
et mes orteils saignent déjà
ont saigné et saignent encore
sous la trouée de l’ancre

Je ne suis pas de celles qui baissent la tête


et s’habillent de porcelaine
quand les perles charrient
des histoires maudites dans leur sillage
et que la mer asphyxie les téméraires
qui ont
embrassé l’abysse

Je me méfie de celles qui


poupées moelleuses
altèrent
la berceuse guerrière de la mère
à l’enfant qui ne naîtra pas
car la pénombre a épousé sa silhouette
et la nuit a violé son sexe

Je ne suis pas de celles qui se prosternent


languides
devant des amours figées
en points de croix ou macramé
sur coupole d’argent
ou anneau doré

534
Homenaje

En mi poema
la noche está llena de flotas misteriosas
voraces sus velas
y avaros
sus timoneles dibujan curvas
engañosas
que hacen llorar a la tierra
y mis pies ya están sangrando
sangraron y aún sangrarán
bajo la brecha del ancla

No soy de las que agachan la cabeza


y se visten de porcelana
cuando las perlas arrastran
historias malditas en su estela
y el mar asfixia a los temerarios
que han
abrazado al abismo

Desconfío de las que


blandas muñecas
alteran
el arrullo guerrero de la madre
para el niño que no nacerá
pues la penumbra se acopló a su silueta
y la noche violó su sexo

No soy de las que se postran


lánguidas
ante amores inertes
en puntos de cruz o macramé
en cúpula de plata
o anillo dorado

535
Dans mon poème
une femme traverse à gué
et le jour a troqué ses comptines patinées
pour la cadence chaloupée
des rives éprises
de mouvements insensés

Je n’oublie pas celle qui


a promis mille orgasmes lumineux
à son corps
s’il atteint la victoire

Je lui dis merci


d’avoir gardé au creux de son sein sauvage
le grand souffle du large124

124
Trouillot, Évelyne: «Hommage», in Noël, James: Anthologie de poésie haïtienne
contemporaine, Points, Paris, 2015.
536
en mi poema
una mujer cruza vadeando
y el día trocó sus cuentos y cantos
por la cadencia oscilante
de orillas fascinadas
por bamboleos insensatos

No olvido aquella que


le prometió mil orgasmos luminosos
a su cuerpo
si alcanza la victoria

Le doy las gracias


por haber atesorado en lo hondo de su pecho salvaje
el profundo aliento del mar

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

537
Suprice LENOUS (1955)

Kou n ap pale a menm

Ak je nou byen mi
epi bra nou tou louvri anba limyè tan an
nan chan mayi lavi
an nou kwape ata menm lonbray manzè traka
sou wout nou ansanm ak pa yon lòt
kou n ap pale a menm
pou nou prepare nwèl yon lòt moun nan kè nou
fini bati bèl kay nou vle
pou rèv nou rete bò kote pa anpil lòt
san kè sere ni dilere

Ak je nou tou louvri


byen mi pa makòn nan sout lavi
anba limyè yon fratènite sanzatann
andedan bra nou
fòde nou fete nesans nou nan kè yon lòt
fè plas pou premye pa lòt la nan kè nou
wè klè nan sa k pou fèt
pou sa fin fèt nètale
jouktan nou va resi wete vwèl tout kalite esklavaj
sou fòs ak sou grandèt dinite nou

Kou n ap pale a menm


fòde nou prepare grandisman yon lòt nan lespri nou
andyoze lòt la
jiskaske li rive swete grandisman nou nan nanm li
toujou ak je nou byen mi nan zepi lavi
epi bra nou tou louvri
toupre pou keyi tout sa ki bèl nan zekla chak moun
ki plante kou jaden douvan papòt egzistans lan
nan chache konnen kouman fè pou efase tout mak
tout kout manchèt mizèrere kite sou gran kouran li125
125
Lenous, Suprice: Soukiyaki, Éditions Trois Amériques, Montréal, 2015.
538
Suprice LENOUS (1955)

El momento en el que hablamos

Con nuestros ojos bien abiertos


y nuestros brazos también bajo la luz del tiempo
en los maizales de la vida
olvidemos incluso la sombra de los tormentos
de nuestro camino y la de los demás
en el momento en el que hablamos
para preparar la Navidad de los demás en nuestro corazón
para construir por fin la casa que soñamos
para que nuestros sueños convivan con los de los demás
sin inquietud ni dolor

Con nuestros ojos bien abiertos


el granero de la vida lleno de espigas de trigo maduro
bajo la luz de una fraternidad inminente
en el espacio de nuestro abrazo
hemos de celebrar nuestro nacimiento en el corazón ajeno
abrir nuestro corazón al primer paso del otro
ver con claridad lo que es preciso hacer
para finalmente alcanzar los objetivos
hasta deshacernos del velo de la esclavitud
de tanto mostrar nuestra grandeza y dignidad

En el momento en el que hablamos


hemos de valorar al otro en nuestro espíritu
hacerlo feliz
hasta que llegue a valorarnos en su alma
siempre con nuestros ojos abiertos sobre las espigas de la vida
y nuestros brazos también
dispuestos a cosechar toda la belleza que emerge del otro
la que brota en el jardín de la existencia
de tanto intentar borrar el rastro
de los golpes implacables que la miseria dejó en su gran caudal

Traducción de Edgard Gousse.


539
Pil sou pil

Nou lote pètèt pil sou pil


nan fondas memwa nou
jouktan n pa wè n pa tande
nan kannale monte desann
chimen ki pa dekoupe fache nou youn ak lòt

San gade dèyè si fyète nou


alanaj pa tonbe nan tchouboum
n ap gade kwochi yon gade
ki pa fè nou wè si se fòs nou
n ap kase nan mòde wòch sa k pa sa

Anba dan pye nou


sou wout jodi a
olye n kase koub laj kou lajwa
pou wete pousyè nan gagann egzistans nou
gade se tchatchatcha pito a tout fòs n ap danse
andedan yon kò mizik makawon nan traka126

126
Lenous, Suprice: Soukiyaki, Éditions Trois Amériques, Montréal, 2015.
540
Uno encima de otro

Puede que estemos amontonados uno encima de otro


sobre las fundaciones de nuestra memoria
hasta hacernos ciegos y sordos
a fuerza de andar sin rumbo
los caminos sin rodeos nos enfrentan unos a otros

Sin mirar atrás para saber si nuestro orgullo vacilante cae en


/ desgracia
miramos con recelo con una mirada
que nos impide comprender hasta qué punto
perdemos tiempo estancándonos en futilidades

Bajo los dientes de nuestros pies


en el camino presente
en vez de ofrecerle descanso a la edad a la alegría
para desempolvar la garganta de nuestra existencia
preferimos bailar con júbilo el chachachá
guiados por unos extraños y lastimosos músicos

Traducción de Edgard Gousse.

541
L’île en jeu

Il y a une île
entre deux maux
qui bégaie
avant d’avouer le fond de sa situation
à qui s’emploie à ne pas l’entendre.

Île loge à la bonne adresse du vent


mais ni gond ni câble ne lui sont d’aucune utilité
par rapport au ressac de vos rythmes à l’abord
à l’idée d’un avancement
longtemps avant l’intempestive implosion.

Elle entend l’appel des heures sans naufrage


au quai dévasté par la colère
mais a peine à s’ouvrir au dépassement
se souvenant des promesses alcoolisées d’un grand nombre de prédateurs
à l’interne ou au dehors soudés pour son abrutissement.

L’amertume s’impose
austère
dans sa pause seule
souvent audible
presque toujours aveuglante
mais combien intransigeante
parmi ses nombreuses banderilles
sur le dos de l’île infortunée
en quête rebelle de sa vraie liberté.

Île dit aimerait vous voir lampe allumée


au plus profond d’un poème
sans vos ports pour briser sa joie du large
quand bon leur semble.

Brin d’herbe brisé


puis balayé par les vents de passage
542
La isla en juego

Existe una isla


entre dos dolores
que tartamudea
antes de confesar su verdadera condición
al que se obstina en no escucharla.

Isla vive en la buena dirección del viento


pero ni gozne ni cable le son de utilidad alguna
ante la resaca de vuestros ritmos al abordaje
a la idea de avanzar
mucho antes de la intempestiva implosión.

Ella oye el llamado de las horas sin naufragio


en el muelle devastado por la cólera
pero le cuesta abrirse a la superación
recordando las promesas embriagadas de numerosos depredadores
dentro o fuera fundidos para embrutecerlos.

La amargura se impone
austera
en su pausa sola
a menudo audible
casi siempre cegadora
pero cuan intransigente
entre sus numerosas banderillas
sobre la espalda de la isla infortunada
en búsqueda rebelde de su verdadera libertad.

Isla dice le gustaría verlos lámpara encendida


en lo más hondo de un poema
sin vuestros puertos para quebrantar su alegría mar adentro
cuando les da la gana.

Brizna de hierba quebrantada


luego barrida por los vientos de paso
543
son entrain n’a plus envie d’être au même cap d’avant-hier
affiche a contrario un fort empressement d’être loin
très loin de la rivière des périls
du défilé de vos deux-mâts démodés
mais en plein cri du reboisement de son image.

L’île en jeu
domino des pierres qui roulent
déboule une à une ses entraves
avant et après les tourments
par souci malgré tout d’éviter la mousse de l’enlisement.127

127
In Sancerni, Alain & Trouillot, Lyonel: «Haïti, le désastre et les rêves», Rive-
neuve Continents, nro. 13, Riveneuve éditions, Paris, 2011.
544
su ímpetu no quiere seguir estando en el mismo cabo de anteayer
demuestra a contrario un apuro en alejarse
muy lejos del arroyo de los peligros
del desfile de sus dos mástiles anticuados
pero en pleno grito de reforestación de su imagen.

La isla en juego
dominó de las piedras que ruedan
develando una a una sus trabas
antes y después de los tormentos
queriendo evitar a pesar de todo el musgo del estancamiento.

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

545
Lyonel TROUILLOT (1956)

Tu diras

Tu diras: «Où allons-nous?» Et je ne saurai pas quoi répondre,


prisonnier de l’hésitation. Pourtant je connais la ville comme ma
poche.

Je peux te dire qu’à tel coin de rue les flamboyants ne poussent plus
depuis que la police y a abattu comme un chien un homme qui
parlait de justice.

Je peux te dire que ce supermarché que tu vois là, à l’intérieur


duquel les vigiles fouillent les sacs des noirs en souriant aux blancs,
n’a pas toujours existé. Autrefois vivait là un peintre du dimanche
qui accueillait chez lui de vieux enfants des rues qui passaient leur
soirée à parler de poésie.

Je peux te dire qu’au bas de cette colline, là où finit l’asphalte, il y a


un sentier. Et qu’au bout du sentier il y a un vieux cimetière caché
par de grands arbres. Des oiseaux le fréquentent et chantent pour
les morts. Les tombes sont fraîches et les adolescents aiment ces lits
de pierre et vont y faire l’amour.

Oui, je connais la ville comme ma poche,

Mais je ne sais où t’emmener. Peut-être parce qu’être avec toi c’est


déjà un lieu en soi, comme ces vérités que l’on dit absolues.

Peut-être n’y a-t-il plus dans ma vie que deux lieux: Avec toi et Sans
toi. Et que le reste importe peu.

Peut-être n’ai-je pas envie de te voir dans ces restaurants infestés de


luxe, de coopérants et de préjugés.

546
Lyonel TROUILLOT (1956)

Dirás

Dirás: «¿A dónde vamos?» y no sabré qué contestar, prisionero de


la duda. Sin embargo conozco la ciudad como la palma de mi
mano.

Puedo decirte que en tal esquina los flamboyanes ya no crecen desde


que la policía mató como a un perro a un hombre que hablaba de
justicia.

Puedo decirte que ese supermercado que ves allí, donde los guardias
revisan los bolsos de los negros sonriéndoles a los blancos, no
siempre existió. Otrora vivía allí un pintor de domingo que recibía
en su casa a niños viejos de la calle que pasaban la noche entera
hablando de poesía.

Puedo decirte que al pie de ese cerro, allí donde acaba el asfalto,
hay un sendero. Y que al final del sendero hay un viejo cementerio
ocultado por grandes árboles. Algunos pájaros lo frecuentan y cantan
para los muertos. Las tumbas son frescas y los adolescentes gustan
de esos lechos de piedra y allí hacen el amor.

Sí, conozco la ciudad como la palma de mi mano,

Pero no sé dónde llevarte. Tal vez porque estar contigo ya es un


lugar en sí, como esas verdades llamadas absolutas.

Tal vez ya no queden en mi vida más que dos lugares: Contigo y


Sin ti. Y que el resto importa poco.

Tal vez no tenga ganas de verte en esos restaurantes plagados de


lujo, de cooperantes y de prejuicios.

547
Et peut-être aimerais-je te voir danser sur la musique populaire,
enlever tes sandales, et marcher dans les rues où passent des gens
simples.

Peut-être tout cela et d’autres choses encore que je ne te dirai pas,


parce que la vie parfois est faite de silence.

Tu diras: «Où allons-nous?»

Et je ne saurai pas quoi répondre.

Dans cette ville que je connais comme ma poche, dont les blessures
sont miennes, les joies aussi,

humblement,

je te suis.128

128
Trouillot, Lyonel: C’est avec mains qu’on fait chansons, Le Temps des Cerises,
Montreuil, 2015.
548
Y tal vez quisiera verte bailar al son de la música popular, quitarte
las sandalias, y caminar en las calles donde pasa la gente sencilla.

Tal vez todo eso y otras cosas más que no te diré, porque a veces la
vida está hecha de silencios.

Dirás: «¿A dónde vamos?»

Y no sabré qué contestar.

En esta ciudad que conozco como la palma de mi mano, cuyas


heridas son mías, las alegrías también,

humildemente,

te sigo.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

549
Rendez-vous

En ce temps-là je vivais à Brisa del mar, avec d’autres oiseaux.

Sur la piste, chaque femme qui dansait semblait une étoile de mer,
une Vierge défigurée faisant des pieds-de-nez à la vie,
une idée de miracle, comme un reste de chance sortie d’un poème
/ de René Philoctète
ou d’une toile de Jacques Gabriel.

Sur la piste, chaque femme qui dansait avait son bordel dans sa tête.

Sur quels mots s’accordaient nos corps dans cette chambre sans
/ fenêtre qui donnait sur la mer?

Je garde pour Yolanda la rose la plus rouge,


fleur de sang germée dans ma mémoire
une année de misère et de cyclones
sur San Pedro de Macoris.129

129
Trouillot, Lyonel: C’est avec mains qu’on fait chansons, Le Temps des Cerises,
Montreuil, 2015.
550
Rendez-vous

En aquel tiempo vivía en Brisa del mar, con otros pájaros.

En la pista, cada mujer que bailaba parecía una estrella de mar,


una Virgen desfigurada haciéndole muecas a la vida,
una idea de milagro, como una migaja de suerte surgida de un poema
/ de René Philoctète
o de un lienzo de Jacques Gabriel.

En la pista, cada mujer que bailaba tenía su quilombo en la cabeza.

¿Con qué palabras se afinaban nuestros cuerpos en esa habitación


/ sin ventana al mar?

Guardo para Yolanda la rosa más roja,


flor de sangre germinada en mi memoria
una año de miseria y ciclones
en San Pedro de Macorís.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

551
Il n’y a plus de poème

Je ne t’enverrai pas de poème, mon ami.


Que te dirais-je
Sinon que la nuit est la même sur Port-au-Prince et Saint-Malo
Seule change la couleur de l’eau.
Que te dirais-je
Sinon que les garde-côtes américains ont encore repêché des Haïtiens
Au large de la Floride
Pas loin des requins.
Que te dirais-je sinon que nos vies sont tristes
Comme celles des vieux couples qui font chambre à part.

Quand je sors
Je vois des hommes qui marchent vers le dehors des choses,
Pourtant ils savent que ce n’est jamais le pain
Ni la paix
Qui les attendent au bout de la rue.
Quand je m’arrête,
Je vois cet homme à bout de course qui regarde la mort du dedans
Mais l’arbre est trop sec pour le poids d’un pendu
Ou trop triste
Ou trop vieux,
Et pourquoi l’homme demanderait-il à l’arbre de signer sa défaite?
Tous les matins
Je vois cette femme sans jouissance ni espérance
Les bras ouverts
Tous les matins, elle blesse ses genoux sur les marches d’une église.

Je ne t’enverrai pas de poème, mon ami


Comment dire la présence de la mort dans la vie?
Longtemps j’avais gardé un morceau de lune dans ma poche
Pour sérénades et ritournelles
Et puis beaucoup de morts sont passés dans ma vie

552
Ya no hay poema

No te mandaré poemas, amigo mío.


Qué te diría
Sino que la noche es la misma en Puerto Príncipe y Saint-Malo
Solo cambia el color del agua.
Qué te diría
Sino que los guardacostas americanos apresaron otra vez a haitianos
En las costas de Florida
No lejos de los tiburones.
Qué te diría sino que nuestras vidas son tristes
Como las de esos matrimonios que duermen en cuartos separados.

Cuando salgo
Veo a hombres que caminan hacia el exterior de las cosas,
Sin embargo ellos saben que no es nunca el pan
Ni la paz
Que los esperan al final de la calle.
Cuando me detengo
Veo a ese hombre agotado que mira la muerte desde dentro
Pero el árbol está demasiado seco para el peso de un ahorcado
O demasiado triste
O demasiado viejo,
Y ¿por qué el hombre le pediría al árbol firmar su derrota?
Todas las mañanas
Veo a esa mujer sin goce ni esperanza
Los brazos abiertos
Todas las mañanas, ella mutila sus rodillas en los peldaños de alguna
/ iglesia.

No te mandaré poemas, amigo mío


¿Cómo decir la presencia de la muerte en la vida?
Por años guardé un pedazo de luna en mi bolsillo
Para serenatas y tonadas
Y desde entonces muchos muertos han pasado por mi vida

553
Je ne sais lequel de mes morts a emporté mon bout de lune
J’ai donné en cadeau mon désir de poème
À ceux que j’ai aimés et qui ne sont plus.
Tout ce que je puis t’offrir
De l’autre côté de la mer
C’est un silence qui fait naufrage.130

130
In Noël, James: Anthologie de poésie haïtienne contemporaine, Points, Paris,
2015.
554
No sé cuál de mis muertos se llevó mi pedazo de luna
Ofrecí mi deseo de poema
A todos los que amé y que ya no son.
Todo lo que te puedo ofrecer
Del otro lado del mar
Es un silencio que naufraga.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

555
Nous sommes des villes disparues

Où est la ville que j’aimai?


Je ne veux pas être enterré dans le grand cimetière.
Je veux les lumières mortes de la cité de l’exposition.
Je veux les papillons de la Saint-Jean.
Je veux les petites filles qui passent dans la rue
et mon regard naissant comme une chanson secrète.
Je veux être enterré dans mon enfance,
sur le toit de la maison voisine,
lancer au ciel mon premier cerf-volant,
épuiser par ce geste tout rêve de conquête,
Je veux casser la gueule au petit imbécile
qui attache à un bout de ficelle la queue d’une libellule
Je veux mourir dans mon enfance
et que ne souffrent pas les humains et les libellules.
Et si mourir n’était que cette longue marche dans ma ville disparue!
Chemins verts
et chemins de pluie,
la Place Carl Brouard,
la statue ivre de l’alcool bu par le poète
sur laquelle les pigeons viennent prendre leur envol,
le Portail Léogâne
où s’aimèrent à la folie un couple de lesbiennes.
Je veux mourir dans mon enfance
dans une ville sans casques bleus,
sans «oui blanc»
«Plaît-il blanc?»
«Merci blanc».
Je veux la bonne odeur du tabac de Roumer,
rue Capois,
dans la cour du lycée des jeunes filles.
Je suis ce fantôme qui marche dans le lit
desséché de la Rivière Froide.
Je veux revenir à moi-même:
Enfant d’eau et de terre

556
Somos ciudades desaparecidas

¿Dónde quedó la ciudad que yo amé?


No quiero que me entierren en el gran cementerio.
Quiero las luces muertas de la Cité de l’Exposition.
Quiero las mariposas de la fiesta de San Juan.
Quiero las niñitas que pasan por la calle
y mi mirada naciente como una canción secreta.
Quiero que me entierren en mi infancia,
sobre el techo de la casa aledaña,
lanzar al cielo mi primera cometa,
agotar con ese gesto todo sueño de conquista,
Quiero romperle la cara al pequeño imbécil
que amarra a un cordel la cola de una libélula
Quiero morir en mi infancia
y que no sufran los humanos y las libélulas.
¡Y si morir no fuera más que esa larga caminata en mi ciudad
/ desaparecida!
Caminos verdes
y caminos de lluvia,
la Plaza Carl Brouard,
la estatua ebria del alcohol consumido por el poeta
donde las palomas vienen a alzar vuelo,
el Portal Léogâne
donde se amó con locura una pareja de lesbianas.
Quiero morir en mi infancia
en una ciudad sin cascos azules,
sin «Sí Señor»
«Mande Usted»
«Gracias Señor».
Quiero el rico olor del tabaco de Roumer,
calle Capois,
en el patio del liceo de señoritas.
Soy ese fantasma que camina en el lecho
reseco de Rivière Froide.
Quiero volver a mí mismo:
Niño de agua y tierra
557
marchant sur le corps de ma ville
d’un pas léger comme un baiser,
et ne jamais devenir l’homme que je serai
témoin de toutes ces morts
par surprise
ou préméditées.
Où suis-je?
Ô dure absence de moi-même!
Où est la ville que j’aimai?
Viens, mon enfant, ma mère,
Et ressuscite-moi que je te ressuscite:
Tes rues s’ouvrant à moi comme des lignes des chances.131

131
In Noël, James: Anthologie de poésie haïtienne contemporaine, Points, Paris,
2015.
558
caminando sobre el cuerpo de mi ciudad
de un paso ligero como un beso,
y no convertirme jamás en el hombre que seré
testigo de todas estas muertes
por sorpresa
o premeditadas.
¿Dónde estoy?
¡Oh dura ausencia de mí mismo!
¿Dónde está la ciudad que yo amé?
Ven, hijo mío, madre mía,
Y resucítame que yo te resucite:
Tus calles abriéndose a mí como líneas de la suerte.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

559
Kettly MARS (1958)

Michaëlle

À une jeune femme


dont se souvient mon adolescence

Putain jusqu’aux cils


Jusqu’aux perles de sueur
Brodant la pulpe de tes lèvres
Tes seins trop lourds pour ta vie
Planaient dans le ciel de Bas-peu-de-choses
Comme un vol de malfinis en chasse
Ta présence dans notre maison
Déroutait les angelots sur la faïence
Faisait rougir les mangues du jardin
Frémir l’eau du bassin
Michaëlle de toutes les amours
Je ne sais ce qui m’a troublé le plus en toi
L’aveu pervers de ta nuque
Ou la candeur de tes ongles rongés
Mais grâce à toi j’ai compris très tôt que rien ne nous appartient
Ni le parfum du jasmin à la nuit tombée
Ni les plumes des oreillers aux jours de grand vent
Que le sang d’une femme se mélange à l’eau des bénitiers
À la sueur du silence au lait des candélabres
Que notre vie s’en va avec les galets du Bois-de-Chêne
Et que l’innocence est souvent un péché mortel132

132
In Noël, James: Anthologie de poésie haïtienne contemporaine, Points, Paris,
2015.
560
Kettly MARS (1958)

Micaela

A una joven mujer


que mi adolescencia recuerda

Puta hasta las pestañas


Hasta las perlas de sudor
Bordando la pulpa de tus labios
Tus pechos demasiado grandes para tu vida
Planeaban en el cielo de Bas-peu-de-choses
Como un vuelo de rapaces al acecho
Tu presencia en nuestra casa
Desconcertaba a los angelitos en los adornos
Ruborizaba a los mangos del jardín
Estremecía el agua de la fuente
Micaela de todos los amores
No sé lo que más me perturbó de ti
La confesión perversa de tu nuca
O el candor de tus uñas roídas
Pero gracias a ti comprendí deprisa que nada nos pertenece
Ni el perfume del jazmín al anochecer
Ni las plumas de la almohada en días de vendaval
Que la sangre de una mujer se mezcla con el agua bendita
Con el sudor del silencio, con la leche de los candelabros
Que nuestra vida se va con los guijarros de Bois-de-Chêne
Y que la inocencia es a menudo un pecado mortal

Traducción de Prisca Agustoni y Yasmina Tippenhauer.

561
Carrefour

Là-bas vers le sud


Ils sont un million de vies égaillées
Un million de fourmis pas si folles
Vivant dans un million de cases
Où il fait un million de degrés
À l’ombre d’un million d’arbres coupés

Là-bas vers le sud


Les morts sont à l’étroit
Dans nos mémoires et
Dans les cimetières qui débordent
L’amour est mis sous pression en bouteilles
Et l’espoir a une date de péremption

Là-bas vers le sud


Les routes se referment dès que tombe la nuit
Les fourmis pas si folles
Débranchent la lumière des étoiles
Pour laisser divaguer les cigales

Là-bas vers le sud


Les amoureux peaux contre peaux
Se lèchent jusqu’au sang
Assoiffés d’une éternité
Qui vole en éclats sous les rafales de minuit

Là-bas vers le sud


Un million de vies égaillées
Refont sans cesse le décompte des arbres coupés
Un million de fourmis pas si folles
Attendent de régler leur compte aux cigales133

133
In Noël, James: Anthologie de poésie haïtienne contemporaine, Points, Paris,
2015.
562
Encrucijada

Allá hacia el sur


Son un millón de vidas diseminadas
Un millón de hormigas no tan locas
Viviendo en un millón de chozas
Donde hay un millón de grados
Bajo la sombra de un millón de árboles cortados

Allá hacia el sur


Los muertos están apretujados
En nuestras memorias y
En los cementerios que se desbordan
El amor es embotellado a presión
Y la esperanza tiene fecha de caducidad

Allá hacia el sur


Las calles se cierran al caer la noche
Las hormigas no tan locas
Apagan la luz de las estrellas
Para dejar a las cigarras divagar

Allá hacia el sur


Los amantes piel contra piel
Se lamen hasta la sangre
Sedientos de una eternidad
Que estalla bajo las ráfagas de la medianoche

Allá hacia el sur


Un millón de vidas diseminadas
Llevan la cuenta incesante de los árboles cortados
Un millón de hormigas no tan locas
Esperan el ajuste de cuentas con las cigarras

Traducción de Prisca Agustoni y Yasmina Tippenhauer.

563
Marc K. EXAVIER (1962)

Matériaux de construction
(extraits)

J’aurai vécu
Malgré la boue
Malgré le goût des aubes lasses
Avec le rêve pour bouée
Et l’araignée de mes désirs
Dardant mes obélisques
Dans la moiteur des marécages
Accrochant mes dérives
Aux poils brûlant de la comète
Je suis déjà en appendice
Aux grands manages du néant

[...]

Que pourrons-nous construire


Que la ruine exemptera?
L’insecte vif est-il moins beau
que la déesse ensevelie?

[...]

La faim nous restera


Insolent territoire
Obstination de l’aube
À branler ses abeilles
Contre les armes du désert
L’enchantement d’une brindille
Je marche aux herbes interdites
Du rêve et de la vérité134

134
Inédit, 2015.
564
Marc K. EXAVIER (1962)

Materiales de construcción
(fragmentos)

Habré vivido
Pese al lodo
Pese al sabor de las albas agotadas
El sueño como salvavidas
Y la araña de mis deseos
Punzando mis obeliscos
En el vaho de las ciénagas
Colgando mis derivas
A los pelos ardientes del cometa
Ya estoy en apéndice
De los grandes circos de la nada

[...]

¿Qué podremos construir


Que la ruina eximirá?
¿Acaso es menos hermoso el insecto vivaz
que la diosa sepultada?

[...]

Nos quedará el hambre


Insolente territorio
Obstinación del alba
En excitar a sus abejas
Contra las armas del desierto
El hechizo de una brizna
Camino hacia las hierbas prohibidas
Del sueño y la realidad

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

565
Louis-Philippe DALEMBERT (1962)

On my mind haiti

pour edwige danticat


racinée dans la même mémoire

«Ooh Georgia, no peace I find


Just an old sweet song
Keeps Georgia on my mind»
STUART GORRELL

on ne quitte pas ce pays


on ne le quitte pas

un jour on croit partir loin très loin


s’en aller à jamais
laissant les nuages derrière soi
ivres de transhumance
lourds de fragilité
laissant les nuages
nouer et dénouer haut perché(e)s
leurs arabesques dans le ciel

un jour on croit s’en aller


laissant la ville s’éteindre
puis se raviver
phénix aux mille songes de désespoir repu(s)
la pluie déraciner l’ultime dialogue
des arbres avec la terre

un jour on croit partir


laissant la mer

566
Louis-Philippe DALEMBERT (1962)

On my mind haiti

para edwige danticat


enraizada en la misma memoria

«Ooh Georgia, no peace I find


Just an old sweet song
Keeps Georgia on my mind»
STUART GORRELL

no se deja este país


no se deja

un día uno cree marcharse lejos muy lejos


irse para siempre
dejando las nubes detrás
ebrias de trashumancia
pesadas de fragilidad
dejando los nubarrones
atar y desatar suspendidos
sus arabescos en el cielo

un día uno cree irse


dejando la ciudad apagarse
y luego encenderse
fénix de los mil sueños de desesperación saciado(s)
la lluvia desarraigar el último diálogo
de los árboles con la tierra

un día uno cree irse


dejando el mar

567
se rétrécir
de tant de deuils et de déchets
se taire les rivières
jusqu’à se consumer
telle l’ultime note d’un blues

on ne quitte pas ce pays


on ne le quitte pas

un jour les odeurs reviennent


dans le lointain du monde
reviennent du lointain du monde
un jour les odeurs détournées
les odeurs un jour renaissent
de l’éloigné du temps
celles de l’enfance les odeurs et celles fortes d’aujourd’hui
mêlées à n’en plus pouvoir
mêlées jusqu’au désespoir

un jour le port d’une femme


dans le lointain du monde
longeant lasse la poussière de ses rêves
qui un à un se noient
natifs de basses eaux
un jour sa démarche
épuisant la vanité de la vie
et majestueux ses effluves retissent
cette chanson d’un temps
pareille à un sanglot perdu

on ne quitte pas ce pays


on ne le quitte pas
ni même ne s’en va

un jour l’espoir et le désespoir fondus


comme hier et demain à n’en plus savoir
comme ces échos du jour dans le sommeil
perpétués à n’en plus pouvoir

568
encogerse
de tantos duelos y residuos
callarse los ríos
hasta consumirse
cual nota final de un blues

no se deja este país


no se deja

un día los olores vuelven


en lo lejano del mundo
vuelven de lo lejano del mundo
un día los olores desviados
los olores un día renacen
de lo alejado del tiempo
de la infancia los olores y aquellos fuertes de hoy
mezclados a más no poder
mezclados hasta la desesperación

un día el porte de una mujer


en lo lejano del mundo
bordeando hastiada el polvo de sus sueños
que uno a uno se hunden
nativos de aguas bajas
un día su andar
agotando la vanidad de la vida
y majestuosos sus efluvios recomponen
esta canción de un tiempo
parecida a un sollozo perdido

no se deja este país


no se deja
ni se va siquiera

un día la esperanza y desesperanza fundidas


como ayer y mañana a más no saber
como esos ecos del día en el sueño
perpetuados a más no poder

569
ces lambeaux de mémoire
ritournelles de l’enfance au soir de l’étoile

on ne laisse pas ce pays


ni même ne s’en va
de cette terre
de cette femme

sortir peut-être
et encore135

Liège, 6/10/07.

135
Dalembert, Louis-Philippe: Transhumances, Riveneuve éditions, Paris, 2010.
570
esos retazos de memoria
tonadas de la infancia en la noche de la estrella
no se deja este país
ni se va siquiera
de esta tierra
de esta mujer

salir tal vez


y ni siquiera

Lieja, 6/10/07.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

571
Voyage

quand j’étais jeune


je rêvais de vivre
à paris new york rome
jérusalem dakar ou santiago
maintenant que j’ai vécu
à paris à roma et à yerushalayim
que je connais new york dakar et santiago
je rêve des lumières absentes
de la ville natale

quand j’étais jeune


je rêvais de vivre
ailleurs partout
quelque part dans le monde
j’enfourchais alors une branche d’arbre
ou l’une des nombreuses étoiles
de la nuit caraïbe
vaste et profonde
comme seule en invente l’enfance
et je m’envolais
(loup-garou insouciant et végétarien)
loin de mon quartier
loin de ma ville
avant que les notes fausses d’un coq
trahi par ses cauchemars
ne viennent m’arracher
aux tièdes clins d’œil
des premiers rayons du soleil

quand j’étais jeune


je rêvais de voyager
la vie
je partirais vers un monde
sans faim
où les lumières auraient emprunté
572
Viaje

cuando era joven


soñaba con vivir
en parís nueva york roma
jerusalén dakar o santiago
ahora que he vivido
en parís en roma en yerushalayim
que conozco new york dakar y santiago
sueño con las luces ausentes
de mi ciudad natal

cuando era joven


soñaba con vivir
en cualquier otra parte
en algún lugar del mundo
me subía entonces a la rama de un árbol
o a una de las numerosas estrellas
de la noche caribeña
vasta y profunda
como solo la inventa la infancia
y levantaba vuelo
(hombre lobo sereno y vegetariano)
lejos de mi barrio
lejos de mi ciudad
antes que un desafinado gallo
delatado por sus pesadillas
me arrebatara
de los tibios guiños
de los primeros rayos del sol

cuando era joven


soñaba con viajar
la vida
partiría hacia un mundo
sin hambre
donde las luces habrían sacado
573
leur éclat à nos rêves d’enfant
aux reflets argentés de la mer au soleil
à l’eau de la ravine
qui accueillait nos ébats clandestins
le lendemain des jours de pluie
aux avions dont l’envol matinal
se confondait avec la saison des cyclones

maintenant que je connais le monde


et la beauté de ses femmes
les yeux rieurs de ses enfants
l’arrogante impuissance de ses hommes
maintenant que j’ai vécu
partout je rêve de vivre
chez moi

maintenant que j’ai voyagé


que je voyage
jusqu’à en avoir le tournis
aujourd’hui que mes pas
ont emprunté leur rythme
au battement d’ailes sans fin du colibri
l’envie me prend parfois
de descendre en cours de route
et de rentrer chez moi
de retrouver l’enfance sous le vieil acajou
pour une partie de billes
ou un corps à corps gorgé d’orgueil

maintenant que j’ai voyagé


que je voyage la vie
j’ai envie par moments
de m’arrêter
comme lorsque enfant nos semelles vagabondes
nous ramenaient à la maison
dans l’espoir de troquer
la sueur la poussière et la faim
contre une bonne douche

574
su brillo de nuestros sueños de infancia
de los reflejos plateados del sol sobre el mar
del agua de la quebrada
que acogía nuestros juegos clandestinos
después de los días de lluvia
de los aviones cuyo vuelo matutino
se confundía con la temporada de los ciclones

ahora que conozco el mundo


y la belleza de sus mujeres
los ojos risueños de los niños
la arrogante impotencia de sus hombres
ahora que he vivido
en todas partes sueño con volver
a casa

ahora que he viajado


que viajo
hasta el vértigo
hoy que mis pasos
siguen el ritmo
del infinito aleteo del colibrí
a veces tengo ganas
de bajarme en el camino
y volver a casa
reencontrar la infancia bajo la vieja caoba
para jugar a las canicas
o un cuerpo a cuerpo henchido de orgullo

ahora que he viajado


que viajo la vida
a veces tengo ganas
de detenerme
como cuando niños nuestras suelas vagabundas
nos devolvían a casa
con la esperanza de trocar
el sudor el polvo y el hambre
por un buen baño

575
des vêtements moins crasseux
et un hypothétique repas

j’ai envie de tout arrêter


et de rentrer au pays
de l’enfance
mais j’ai perdu
le chemin du retour
quelque rapace amblyope et gourmand
aura gobé les cailloux
que j’avais oublié de semer136

Medellín, 3/07/2011.

136
Dalembert, Louis-Philippe: «Voyage», in Saint-Éloi, Rodney & Morali, Laure:
Les bruits du monde, Mémoire d’encrier, Montréal, 2012.

576
ropa menos mugrienta
y una hipotética comida

tengo ganas de detenerlo todo


y volver al país
de la infancia
pero perdí
el camino de regreso
algún rapaz amblíope y goloso
se habrá tragado los guijarros
que olvidé sembrar

Medellín, 3/07/2011.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

577
Dominique DESMANGLES (1963)

Credo

Je crois
En la race haïtienne pécheresse
De la négresse à la mulâtresse
Je crois
En la souffrance par inadvertance et à la réparation par outrance
et par espérance
Je crois
En l’amour par omission, le pardon de la trahison
Je crois
En la douleur, timbre du bonheur et de sa saveur
Je crois
En l’enfant bâtard, de toutes les classes, de toutes les couleurs,
De toutes les races, de tous les espaces,
Cadavres vivants des familles avares
Je crois
En l’avenir du souvenir du martyr et sa réhabilitation au
croisement des présidents
Je crois
En Haïti au nom de son Peuple, des ses Filles et ses descendants
Je crois137

13 juillet, 1995.

137
Desmangles, Dominique: «Moi, fille d’Erzulie. Un vèvè littéraire» (compilation
de l’auteure, poèmes inédits, Genève, 2011).
578
Dominique DESMANGLES (1963)

Credo

Yo creo
En la raza haitiana pecadora
De la negra a la mulata
Yo creo
En el sufrimiento por descuido y en la reparación por exceso
y esperanza
Yo creo
En el amor por omisión, el perdón de la traición
Yo creo
En el dolor, sello de la felicidad y de su sabor
Yo creo
En el hijo bastardo, de todas las clases, de todos los colores,
De todas las razas, de todos los espacios,
Cadáveres vivientes de las familias avaras
Yo creo
En el porvenir del recuerdo del mártir y su rehabilitación en el
cambio de presidentes
Yo creo
En Haití en nombre de su Pueblo, de sus Hijas y de sus
descendientes
Yo creo

13 de julio, 1995.

Traducción de Prisca Agustoni y Yasmina Tippenhauer.

579
Femme hibiscus

Je suis une femme sauvage


Fière dans la marche du paon, je retrouve ma noblesse
Les sens enivrés par ma nouvelle liberté femelle
Je chasse toute vie intérieure propre au passé

Entre mes seins dressés en appât


La luciole de mon désir de renaître aveugle
De façon irréversible ma tristesse et mes regrets

Au bout de mon cœur


Je le découvre lui
Il se dévoile et rompt mes doutes de fécondité
Son sexe tapi à l’orée du mien
Il attend mon invitation

Mon sexe, tel un hibiscus


S’ouvre à la joie de cette promesse de soleil
Régénérateur
Prête pour ces délices
Je le reçois à la commissure
De mon temple sacré

Lorsque ma sensualité rayonne enfin


Je boude son besoin maternel et
Les lèvres avant béates de mon sexe
Se referment tel un hibiscus plissé
En attendant la nuit138

2005

138
Desmangles, Dominique: «Moi, fille d’Erzulie. Un vèvè littéraire» (compilation
de l’auteure, poèmes inédits, Genève, 2011).
580
Mujer hibiscus

Soy una mujer salvaje


Altiva en el andar del pavo real, hallo mi nobleza
Los sentidos embriagados por mi nueva libertad hembra
Expulso toda vida interior pulcra al pasado

Entre mis senos erguidos como cebo


La luciérnaga de mi deseo de renacer ciega
De manera irreversible mi tristeza y remordimientos

A orillas de mi corazón
Lo descubro a él
Se revela y rompe mis dudas de fecundidad
Su sexo acurrucado en el umbral del mío
Espera mi invitación

Mi sexo, como un hibiscus


Se abre al júbilo de esta promesa de sol
Regenerador
Lista para estas delicias
Lo recibo en la comisura
De mi templo sagrado

Cuando mi sensualidad por fin irradia


Niego su necesidad maternal y
Los labios antes dichosos de mi sexo
Se cierran cual hibiscus marchito
Esperando la noche

2005

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

581
Rodney SAINT-ÉLOI (1963)

Cité Soleil
(extrait)

Cité Soleil
Les barbelés saignent l’horizon
la cité assassine le soleil
la cité assassine les alizés
la cité assassine la cité
la cité mange les étoiles
la cité happe les préséances
la cité écosse les braillements de détresse
hors le lamento des vagues scélérates
capitale des sept plaies
la mer maquille son visage le long des rives

pour le bonheur des îles


il nous faudra un jour nous résigner
à foutre la mer dehors

Qui survivra
au jeu de marelle de la veille
à la floraison du jujubier
qui chantera le miel
qui sera la vigie de nos larmes
pour confier aux vents mauvais
que la mer nous appartienne
que le ciel guide les cinq chemins
que l’étoile soit l’avenir du désert

582
Rodney SAINT-ÉLOI (1963)

Cité Soleil
(fragmento)

Cité Soleil
Las alambradas sangran el horizonte
Cité Soleil asesina al sol
Cité Soleil asesina los alisios
Cité Soleil asesina la cité
Cité Soleil se come las estrellas
Cité Soleil devora las prioridades
Cité Soleil desgrana los bramidos de angustia
salvo el lamento de las olas canallas
capital de las siete plagas
el mar maquilla su rostro a lo largo de las orillas

para la felicidad de las islas


tendremos que resignarnos algún día
a expulsar el mar

Quién sobrevivirá
a la rayuela de la víspera
a la floración del jujube
quién cantará la miel
quién será la centinela de nuestras lágrimas
para confesarle a los vientos malos
que el mar nos pertenezca
que el cielo guíe los cinco caminos
que la estrella sea el porvenir del desierto

583
que le rêve n’abandonne jamais
que la lumière soit pareille sur le crépuscule
que chaque versant rencontre l’axe contraire
que la paume ouverte repousse la nuit
d’un cœur ferme nous attendons l’aube139

139
Saint-Éloi, Rodney: Récitatif au pays des ombres, Mémoire d’encrier, Montréal,
2011.
584
que el sueño nunca abandone
que la luz sea igual sobre el crepúsculo
que cada vertiente encuentre el eje contrario
que la palma abierta aparte la noche
firme el corazón esperamos el alba

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

585
Récitatif au pays des ombres
(extrait)

Crues des fleuves de la mémoire


nuées de buses lagunaires
les araignées essaiment les routes
l’inventaire des consomptions
rétablit entre deux songes l’histoire
guinée dans toutes les langues du monde
est la genèse du chant
la traversée traversée haute mer
le négrier les négrillons les nègres les négresses
le code la route l’esclave
la case du commandant qui commande
le fouet la plantation l’église
l’ordre pour la clémence du temps
la civilisation civilisée
l’humus humain attesté
dans les marais de la conscience
crues des rivières de la mémoire
l’histoire remonte les digues
les caillots de sang dans la gorge

Le négrier est le premier naufrage


naufrager: verbe intransitif
les douleurs nègres naufragent
le sang nègre naufrage
la colère nègre naufrage
le langage nègre naufrage
tombe le nègre au bas des cales
tomber: verbe infinitif au présent absolu
les jardins manquent aux jardins
les fleurs manquent aux fleurs
ces pointillés rouges ne sont pas des roses
c’est le cœur de l’hibiscus qui irrigue la terre
c’est un gamin qui saigne de son sang
586
Cantata en el país de las sombras
(fragmento)

Crecidas de los ríos de la memoria


bandadas de buitres laguneros
enjambres de arañas invaden las calles
el inventario de las consunciones
reestablece entre dos sueños la historia
guinea en todas las lenguas del mundo
es la génesis del canto
la travesía atravesada en alta mar
el negrero los negritos los negros las negras
el código la ruta el esclavo
la garita del comandante que manda
el látigo la plantación la iglesia
el orden para la clemencia del tiempo
la civilización civilizada
el humus humano comprobado
en los pantanos de la conciencia
crecidas de los ríos de la memoria
la historia vuelve a levantar los diques
los coágulos de sangre en la garganta

El negrero es el primer naufragio


naufragar: verbo intransitivo
los dolores negros naufragan
la sangre negra naufraga
la ira negra naufraga
el lenguaje negro naufraga
cae el negro en el fondo de la bodega
caer: verbo infinitivo en presente absoluto
los jardines carecen de jardines
las flores carecen de flores
esos puntitos rojos no son rosas
es el corazón del hibiscus que riega la tierra
es un niño que sangra su sangre
587
un gamin qui crie et qui saigne
son cri colle à la poussière des cases
son cri pleut sur les toits de tôle
le fusil est encore chaud
et le sang lave les rigoles
le cri d’un gamin qui vomit son sang en regardant le ciel
le sang d’un enfant qui dort sous le tamarinier
récitatif d’une ville sangsue
récitatif d’une ville fantôme
récitatif d’une ville cannibale
l’ivresse tombe du morne calvaire
le tourment tombe comme la mer
la mer est folle, rappelle-toi bien la maxime140

140
Saint-Éloi, Rodney: Récitatif au pays des ombres, Mémoire d’encrier, Montréal,
2011.
588
un niño que grita y se desangra
su grito se pega al polvo de las chozas
su grito llueve sobre los techos de hojalata
el fusil aún está caliente
y la sangre lava las zanjas
el grito de un niño que vomita su sangre de cara al cielo
la sangre de un niño que duerme bajo el tamarindo
cantata de una ciudad sanguijuela
cantata de una ciudad fantasma
cantata de una ciudad caníbal
la embriaguez cae del morne calvaire
el tormento cae como el mar
el mar está loco, recuerda bien el aforismo

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

589
Beethova OBAS (1964)

Lage l

Tout pèp sou latè tande pale de yon zile


Kote nèg ap lite pou sa chanje
Sou zafè libete anpil lot nasyon l ede
Nèg vanyan nèg nago, nèg dawome

Tou patou sou latè yo di se yon Pèl liye


Men pousye touman fèl pa ka klere

Tout pèp sou latè vle devlope


Anpil malveyan pa vle n mache
Tanbou rasanbleman pou n frape
N a di sententewonp yo
«Lage peyi m tande»

O si nou vle l avanse fo n òganize


Tout sa k anpeche n mache
Lage l lage l lage l lage l

Lage l lage men piga n lage


Peyi Dayiti dwe devlope
N a simen kouraj nan tout savan dezole
Bayawon touman n a rache,
Y a wè peyi n tande

O si nou vle l avanse fo n òganize


Tout sa k anpeche n mache
Lage l lage l lage l lage l
Tout sa k anpeche n mache
Lage l lage l lage l lage l141

141
Obas, Beethova: Album Le chant de liberté, Ch. Obas Productions, Port-au-
Prince, 1990.
590
Beethova OBAS (1964)

Libérenlo

Todos los pueblos de la tierra oyeron hablar de una isla


Donde los hombres luchan por cambiar su condición de vida
En nombre de la libertad, ella ayudó a muchas otras naciones
Gracias a los valientes negros de Nagó, de Dahomey

En todo el mundo, es apreciada como una perla


Pero el polvo de sus tormentos le impiden brillar

Todos los pueblos de la tierra aspiran al desarrollo


Muchos malhechores nos impiden avanzar
Debemos tocar el tambor de la alianza
Para decir a los que nos ponen obstáculos
«Liberen nuestro país, Libérenlo»

Si queremos progreso nos tenemos que organizar


A todos los que nos impiden avanzar
Libérenlo, libérenlo, libérenlo, libérenlo

Liberemos, liberemos, y no abandonemos


Haití tiene derecho al desarrollo
Sembremos valor en la tierra yerma
Arranquemos las zarzas de nuestro tormento
Nuestro país acabará por prosperar

Si queremos progreso nos tenemos que organizar


A todos los que nos impiden avanzar
Libérenlo, libérenlo, libérenlo, libérenlo
A todos los que nos impiden avanzar
Libérenlo, libérenlo, libérenlo, libérenlo

Traducción de Edgard Gousse.

591
La pli

Se yon gwo lapli k ap tonbe


Tonbe lave tout san k koule
Li pa gen ni ras ni nasyon
Li fon san k koule san rezon

Pa gen rezon pou san koule


Menm lè n bliye se menm nou ye
Se pa koulè po l ap chèche
Lapli ap lave san k koule

Se yon gwo lapli k ap tonbe


Tonbe lave tout san k koule
Pa chèche konn pouki rezon
Pa gen rezon pou san koule

Se yon gwo lapli k ap tonbe


Li pran bwote tout san k koule
M’kwanda, Will son of British
Jean-Pierre, Makila, Hitjewish

Se yon gwo lapli k ap tonbe


Nan tout kwen sou labitasyon
Nan tout kafou malediksyon
Li fan’ koridò madichon

Lapli a koule san rete


Dlo anpil tout san yo mele
Dlo lapli, dlo nan je sanble
Lapli a Koule san lave142

142
Obas, Beethova: Album Planèt la, Ch. Obas Productions, Port-au-Prince,
1999.
592
La lluvia

Cae la lluvia a cántaros


Lavando toda la sangre derramada
No distingue raza ni nación
Disuelve la sangre derramada sin razón

No existe razón para derramar sangre


Aun al olvidar que todos somos iguales
Cualquiera sea el color de la piel
La lluvia lava la sangre derramada

Cae la lluvia a cántaros


Lavando toda la sangre derramada
Aun al intentar buscar la razón
No existe razón para derramar sangre

Cae la lluvia a cántaros


Acarreando toda la sangre derramada
La de M’kwanda, Will el British
Jean-Pierre, Makila, o Hitjewish

Cae la lluvia a cántaros


En cada rincón de la hacienda
En cada encrucijada del juramento
Purificando los senderos embrujados

La lluvia cae sin cesar


Aguacero que diluye la sangre
Agua y lágrimas fundidas
Cae la lluvia, lava la sangre

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

593
Le chant de liberté

Il allait se suicider sur la colline Alanguette


Il en avait marre et ça tapait très fort dans sa tête
Pas moyen d’empêcher l’homme quand cette maudite vie l’embête
Il se disait déjà: «finissons-en epi lanmèd»

Tandis qu’à quelques pas, là dans la vallée


Le vieux dans son trépas, pour se remonter
Fredonnait le chant de liberté

Il ne supportait plus rien dans ce bas monde piégé


Et ne lisait plus les journaux, pas de radio, pas de télé
Trop de dictateurs de voleurs de dealers protégés
Trop, c’était trop déjà, vers le ciel il voulait monter

Tandis qu’en bas, dans les champs, dans les bateys


Le viejo, dans ses tourments, pour s’alléger, pour s’alléger, s’alléger
Fredonnait le chant de liberté

Sispann vann fre w nan zafra nan zafra

Imaginez combien une voix peut tourmenter la vie


Des dealers-dictateurs, avec leurs biens mal acquis
Écoutez cette chanson qui vient des peuples démunis
Victimes des producteurs d’armes, de toutes sortes de maladies

Tandis qu’au côté noir du monde piégé


Un peuple se prépare à se révolter, se révolter, révolter,
En chantant «kan mem fòk sa chanje»

Il allait se suicider sur la colline Alanguette


Oubliant qu’il était la voix des pauvres analphabètes
Et là où saignaient les victimes des coups de griffes de la bête,
Sa voix séchait les plaies, les pleurs, portait un air de fête

594
El canto de libertad

Iba a suicidarse en el monte Alanguette


Estaba agotado y su cabeza retumbaba
Nada podía detenerlo ante el hastío de esa vida maldita
Él se decía: ¡acabemos de una y al diablo!

Mientras a unos pasos, allá en el llano


El viejo en su trance, para animarse,
Tarareaba el canto de libertad

No soportaba más este bajo mundo alienado


Ya no leía los periódicos, ni la radio, ni la televisión
Demasiados dictadores ladrones traficantes impunes
Demasiado, ya era demasiado, hacia el cielo quería elevarse

Mientras abajo, en los campos, en los bateyes


El viejo, en su tormento, para aliviarse, para aliviarse, aliviarse
Tarareaba el canto de libertad

Sispann vann fre w nan zafra nan zafra


Deja de vender a tus hermanos como esclavos

Imaginen cuánto una voz puede atormentar la vida


De los traficantes-dictadores, con sus bienes mal adquiridos
Escuchen esta canción que viene de los pueblos desamparados
Víctimas de los fabricantes de armas, de toda clase de enfermedades

Mientras del lado negro del mundo alienado


Un pueblo se prepara para la rebelión
Cantando kan mem fòk sa chanje esto tiene que cambiar

Él iba a suicidarse en el monte Alanguette


Olvidando que él era la voz de los pobres analfabetos
Y ahí donde sangraban las víctimas bajo los zarpazos de la bestia,
Su voz sanaba las heridas, los llantos, y llevaba un aire de fiesta

595
Même dans les moments de joie et de gaieté
Pour toujours se rappeler qu’il faut lutter, faut lutter, lutter,
Fredonne le chant de liberté
Fredonne le chant de liberté
kan mem fòk sa chanje
Sispann vann fre w nan zafra nan zafra143

143
Obas, Beethova: Album Le chant de liberté, Ch. Obas Productions, Port-au-
Prince, 1990.
596
Aun en los momentos de alegría y júbilo
Para siempre recordar que hay que luchar, que luchar, luchar,
Tararea el canto de libertad
Tararea el canto de libertad
kan mem fòk sa chanje
Sispann vann fre w nan zafra nan zafra

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

597
CONSTELLATIONS NOUVELLES

NUEVAS CONSTELACIONES
Franz BENJAMIN (1970)

Ma natte à tes pieds


servile voyageur
jetant mes bagages sous ta porte
je viens de l’autre rive
côté clair-obscur du devant-jour

Ô mon pays périmé au seuil de l’enfance


que je frappe à ta porte
de mes pieds mon cœur
je veux te sentir dans ma tête
pesante comme trois loas Petro
qui ne demandent qu’à s’enivrer de toi

Des années que je te dresse un hounfor


asile de l’exil
un bateau fou
presqu’île

Ô mon pays de rumination


je te reviens
inerte indolent
je te réclame candide doux
à chacun de tes élans

Qu’on allume les bougies d’avant-veille


le soleil était alors une femme
Qu’on arrose la rosée pour un autre chant
pour tant de nuits insomniaques144

144
Benjamin, Franz: Vingt-quatre heures dans la vie d’une nuit, Mémoire d’encrier,
Montréal, 2010.
600
Franz BENJAMIN (1970)

Mi estera a tus pies


servil viajero
dejo mi equipaje en tu puerta
vengo de la otra orilla
lado claroscuro del alba

Oh mi país caducado en el umbral de la infancia


llamo tanto a tu puerta
con mis pies mi corazón
quiero sentirte en mi cabeza
pesada como tres loas Petró
que solo piden embriagarse de ti

Años que te erijo un templo


asilo del exilio
un barco loco
península

Oh mi país de rumia
vuelvo a ti
inerte indolente
te reclamo cándido dulce
en cada uno de tus impulsos

Que enciendan las velas de antevíspera


el sol era entonces una mujer
Que rieguen el rocío para otro canto
para tantas noches insomnes

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

601
2

Ni natif Ni natal
je suis un nègre continental
à la mesure des océans

Mon chant de gorge lune pleine


semences de soleil
pour les terres à venir

Ma danse d’allumette
est le dernier boucan des réverbères
la dernière marche des villes
dans la poussière du monde

Ni natif Ni natal
je suis un nègre continental

Peau tannée basanée


Peau huilée ciselée brûlée
Peau de ronce et de roseau
Peau de tambour
battant toutes les révoltes du monde
criant toutes les faims toutes les soifs

L’usure du vent sur mes blessures


Ni natif Ni natal
Je suis un nègre continental145

145
Benjamin, Franz: Vingt-quatre heures dans la vie d’une nuit, Mémoire d’encrier,
Montréal, 2010.

602
2

Ni nativo Ni natal
soy un negro continental
a la medida de los océanos

Mi canto de garganta luna llena


semillas de sol
para las tierras venideras

Mi baile de fósforo
es la última hoguera de los faroles
la última marcha de las ciudades
en el polvo del mundo

Ni nativo Ni natal
soy un negro continental

Piel curtida morena


Piel brillosa cincelada quemada
Piel de zarza y de caña
Piel de tambor
que bate todas las rebeliones del mundo
que grita toda el hambre toda la sed

El desgaste del viento sobre mis heridas


Ni nativo ni Natal
Soy un negro continental

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

603
3

J’ai fait provision d’eau pour mon îlienne


ma fulgurance Caraïbes

Pour toute la soif des fées


et de l’enfant qui a faim
ta main de sable
la seule germination
au temps des premiers voyages

Toutes les villes sont des îles


avec leurs rivières et leurs femmes
leurs fleuves et leurs poètes

Toutes les rues sont des îles


avec leurs arbres et leur parfum
leurs langues et leur musique

Entre toi et l’eau


il y aura toujours des îles
sous mon chapeau de plume

Pour chanter le monde


sans ciel ni voile
je n’ai que ma presqu’île
ma première blessure

Je suis poète
dans mes vers cassés
pour te chanter
jusqu’au tarissement de la phrase146

146
Benjamin, Franz: Vingt-quatre heures dans la vie d’une nuit, Mémoire d’encrier,
Montréal, 2010.
604
3

Almacené agua para mi isleña


mi resplandor Caribe

Para toda la sed de las hadas


y del niño hambriento
tu mano de arena
la única germinación
En tiempos de los primeros viajes

Todas las ciudades son islas


con sus arroyos y sus mujeres
sus ríos y sus poetas

Todas las calles son islas


con sus árboles y su perfume
sus idiomas y su música

Entre el agua y tú
siempre habrá islas
bajo mi sombrero de pluma

Para cantar el mundo


sin cielo ni bruma
solo tengo mi península
mi herida primera

Soy poeta
en mis versos rotos
para cantarte
hasta el agotamiento de la frase

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

605
4

J’attends la femme d’eau qui viendra


aube
avec ses plis rebelles
dentelles en passe-montagne
me faire fontaine

Une femme bière prestige


une femme comme il faut
une femme rumeur
slogans empilés sur les murs de ma ville

Quelle averse sortira des manèges


du vieux songe qui s’enlise
dans les rues englouties de Port-au-Prince

Quel enfant se dressera


contre la pesanteur du vent
pour redire le vieux conte
du passeur des paquebots

J’attends la femme des vents contraires


au milieu des rafales

Traversant les ondes courtes de mon enfance


je guette la femme d’eau
qui viendra me désaltérer

À la blancheur de la page
je cherche encore des mots de raison
mon mal de cerf-volant

Tu ne m’as laissé qu’une feuille


à brûler les chaumières de ton toit
afin d’oublier les recettes de la douceur
et ton corps poussière d’étoile
606
4

Espero a la mujer de agua que vendrá


alba
con sus pliegues rebeldes
encajes de pasamontaña
a hacerme fuente

Una mujer cerveza prestige


una mujer comme il faut
una mujer rumor
lemas amontonados en los muros de mi ciudad

Qué aguacero saldrá de los carruseles


del viejo sueño que se estanca
en las calles engullidas de Puerto Príncipe

Qué niño se rebelará


contra la gravedad del aire
para repetir el viejo cuento
del barquero de las naves

Espero a la mujer de vientos contrarios


en medio de las ráfagas

Cruzando las ondas cortas de mi infancia


acecho a la mujer de agua
que vendrá a saciar mi sed

Al blancor de la página
busco aún palabras sensatas
mi mal de cometa

Me dejaste una hoja sola


para quemar las briznas de tu tejado
para olvidar las recetas de la dulzura
y tu cuerpo polvo de estrella
607
Ô mon pays aux eaux cassées
quel est donc ce dieu zébré
qui t’a donné le pouvoir de m’enfanter
une nuit de pluie

Tu déambules tout de blanc


habillé de vers
et de l’insolence de la nuit

Séquence des ombres


des hanches de silice
il n’est bruit que d’oiseau
au verso de ton ciel

Ô mon pays titubant


Tu m’es encore mer ouverte
au linceul des ouvrages de brume
mes rêves de vendange
des mélodies de guitare
tressées aux cheveux des femmes de midi

Tu me fais bateau
pour les voyages d’escrime
la jetée des soupirs
en ces escales d’avril

Combien de nuits
faudra-t-il étaler sur cette heure
à l’infini de tes enlisements147

147
Benjamin, Franz: Vingt-quatre heures dans la vie d’une nuit, Mémoire d’encrier,
Montréal, 2010.
608
Oh mi país de aguas rotas
cuál es pues ese dios cebrado
que te dio el poder de parirme
una noche de lluvia

Deambulas de blanco todo


vestido de versos
y de la insolencia de la noche

Secuencia de las sombras


caderas de sílice
solo el sonido de las aves
en el dorso de tu cielo

Oh mi país tambaleante
Aún eres para mí mar abierto
al lienzo del telar de bruma
mis sueños de vendimia
melodías de guitarra
trenzadas en los cabellos
de las mozas de mediodía

Me haces barco
para los viajes de esgrima
el muelle de los suspiros
en estas escalas de abril

Cuántas noches
habrá que diseminar en esta hora
al infinito de tus estancamientos

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

609
Jean-Durosier DESRIVIÈRES (1972)

Bouts de ville à vendre, poésie d’urgence


(extraits)

Ma parole marquée
par la grammaire des chimères
à force de mots pare-brise
de grands éclats

Aux jours de rage


les murs de mes poèmes
se gavent de graves
graffitis

***

Notre vie notée


entre indices des bourses
et reflux d’immondices
chétive

Terre rongée
rivée à son bout de nez
bourrée de bonnes idées
boueuse

***

Nos trottoirs
pavés d’écolières sans arrêt
grâce à l’école cuissonnière
la nuit

610
Jean-Durosier DESRIVIÈRES (1972)

Retazos de ciudad en venta, poesía de urgencia


(fragmentos)

Mi palabra marcada
por la gramática de los matones
a fuerza de palabras parabrisa
de grandes estallidos

En los días de rabia


por las paredes de mis poemas
gravitan graves
grafitis

***

Nuestra vida evaluada


entre índices de bolsas
y reflujos de inmundicias
enjuta

Tierra roída
remachada a su punta de nariz
repleta de ricas ideas
revuelta

***

Nuestras esquinas
sin cesar cubiertas con colegialas
por lo de hacer muslillos
de noche

611
Vie de vacarme
vilains au ventre vide
bouffons bouffant et fumant
légendes et poussières

***

Aux pieds des héros


surabondent vagabonds et larrons
fait place aux branleurs la place
de l’empereur

Affiches de pub et de pulsions


aguichant la pauvreté
l’envie et l’appétit se produisent
à guichets fermés

***

Surplus de masques
à la crête d’un état risible
au regard d’un état
paisible

Bourgeoisie de bouderie au ralenti


rêve de regards déroutants
vis-à-vis de ses peurs
vitrées

***

Palais et ministère
chapelle et mairie
restés en rade face à
la mer(de)

612
Vida de vocerío
villanos de vacío vientre
juglares jalando y fumando
leyendas y polvos

***

Al pie de los héroes


se agolpan golfantes y mangantes
deja sitio a los gandules el sitio
del emperador

Publicidad y pulsiones
provocando la pobreza
ganas y gula se exhiben
a taquilla llena

***

Excedente de máscaras
en la picota de un estado risible
a la luz de un estado
apacible

Malhumorada mesocracia remolona


sueño de miradas descaminadas
cara a sus sustos
acristalados

***

Palacios y ministerio
capilla y consistorio
encallados frente al
agua(no)

613
Ma parole à court terme
mes poèmes dévalent s’étalent
et bravent l’espace
public148

***
2009

148
Desrivières, Jean-Durosier: Bouts de ville à vendre, Éditions Caractères, Paris,
2010.
614
Mi palabra a corto plazo
mis poemas brincan y se brindan
y retan al espacio
público

***
2009

Traducción de Joëlle Guatelli.

615
noyau d’avocat servant d’oreiller
les oreilles des pauvres résonnent
dans la politic band
des sociétés secrètes
yes

l’état paie des têtes de teigne


pour parler en piles en tous sens
sans arrêt
parle-moi-de-ça paillasse
yas

parlementaires au palais de menterie


parvenant au grade de regarder
un peuple qu’on chiffonne
à longueur de journée
yeux fermés
yes

noyau d’avocat servant d’oreiller


les orteils des pauvres écorchés
à tant grouiller sur le béton de l’état

prends ta main
tiens tes reins
yas149

149
Desrivières, Jean-Durosier: «L’an merde, 2010!», in Vis-à-vis de mes envers suivi
de Le poème de Grenoble, Le Teneur, Paris, 2013.
616
por almohada hueso de aguacate
retumban los oídos del pobre
en la politic band
de sociedades secretas
yes

el estado paga a bribones


para hablar sin ton ni son a raudales
de continuo
háblame de esto payaso
yas

parlamentarios en palacio de parlanchín


llegando al punto de mirar
un pueblo chinchado
todo el puto día
con los ojos cerrados
yes

por almohada hueso de aguacate


de pobres desollados dedos de pie
de tanto hormigueo sobre el hormigón del estado

agárrate la mano
sujétate el riñón
yas

Traducción de Joëlle Guatelli.

617
André FOUAD (1972)

Vil Okay vil bekàn

Nan Vil Okay tout fanm sou bekàn


nevè diswa yon lalin dousman dousman
pran pedale sou tèt mòn Senjòj
kloutoup kloutap
kloutap kloutoup

nan Vil Okay


tout fanm pran lari pou yo al salye lavil
lè twoubadou k ap chante
lè notab k ap gade
vag lanmè reyini

nan Vil Okay


sab lanme resisite gangans souvni m
yon bèl chelèn fè m redamou bèlte lavi
mwen jwenn tras van lanmè jele
mwen jwenn tras listwa peyi m
mwen jwenn tras listwa so matirin
mwen jwenn tras listwa zansèt mwen
mwen jwenn tras kantik van

nan Vil Okay


gon ti bekàn de wou k ap mache nan tout direksyon kè m
tankou yon gwo fanm
gon gwo fanm k ap mache nan tout direksyon kè m
tankou yon ti bekàn de wou
kloutoup-kloutap
kloutap-kloutoup

nan Vil Okay


tout fanm sou bekàn.150

150
Fouad, André: Album Lè pwezim jwenn van, Métisses Productions, Port-au-
Prince, 2013.
618
André FOUAD (1972)

Ciudad Les Cayes, ciudad de bicicletas

En ciudad Les Cayes, las mujeres todas andan en bicicleta


a las nueve de la noche la luna lenta y suave
sube y anda sobre el monte San Jorge
cojeando y andando
andando y cojeando

en ciudad Les Cayes


las mujeres todas invaden las calles para saludar a la ciudad
los trovadores cantan
y los notables contemplan
las olas del mar se unen

en ciudad Les Cayes


la arena del mar revive en mí los buenos recuerdos
una mujer encantadora me devuelve el gusto de celebrar la vida
hallé las huellas del viento en la playa de Gelée
hallé las huellas de la historia de mi país
hallé las huellas de la historia de Sault-Mathurine
hallé las huellas de la historia de mis ancestros
hallé las huellas del cántico del viento

en ciudad Les Cayes


una pequeña bicicleta se lanza a toda velocidad hacia mi corazón
diríamos una mujer corpulenta
una mujer corpulenta se lanza a toda velocidad hacia mi corazón
diríamos una pequeña bicicleta
cojeando y andando
andando y cojeando

en ciudad Les Cayes


las mujeres todas andan en bicicleta.

Traducción de Edgard Gousse.

619
Danse mon île

Aux fenêtres des amours délaissées


danse mon île ton blues
danse mon île ton nago
danse ma terre ta révolution
danse ma fille ton djumba

le temps file à tes doigts


et mange à grands coups tes rêves
sur les bateaux des saisons orphelines

danse mon île ton chagrin


danse ma terre ton amour infini

et tes poètes de la belle étoile


et tes troubadours de nos faubourgs
et tes danseurs enflammés
repeindront les murs de tes rêves
taches d’ombre
taches de sang
de crachats

danse mon île ton blues


danse mon île ta révolution.151

151
Inédit.
620
Danza isla mía

En las ventanas de los amores abandonados


danza isla mía tu blues
danza isla mía tu nagó
danza tierra mía tu revolución
danza hija mía tu djumbá

el tiempo se desliza en tus dedos


y se traga a golpes tus sueños
en los barcos de las temporadas huérfanas

danza tierra mía tu pena


danza tierra mía tu infinito amor

y tus poetas de noches estrelladas


y tus trovadores de los suburbios nuestros
y tus bailarines en llamas
volverán a pintar las paredes de tus sueños
manchas de sombra
manchas de sangre
y de escupitajos

danza isla mía tu blues


danza isla mía tu revolución.

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

621
Stéphane MARTELLY (1974)

Carnets
(Un triptyque et une exergue)

À Régine

S’il n’y avait que tes yeux


et ta danse

Je n’aurais peut-être pas besoin


de carnets

Se dénouer en à peu près


s’il n’y a pas lieu
d’autre chose

S’engorger
de mauvais mots
mal placés
s’apercevoir
que toute parole
tout murmure
avait trouvé chez moi
si peu d’issues
et pas un seul
écho

Consentir
forcenée
au bris de mon corps
sur ce moelleux
sur cette sécurité
poisseuse
622
Stéphane MARTELLY (1974)

Cuadernos
(Un tríptico y una glosa)

Para Régine

Si solo existieran tus ojos


y tu danza

Quizás no necesitaría
cuaderno alguno

Desenredarse más o menos


si no puede haber
nada más

Llenarse
de palabras malas
inoportunas
percibir
que toda palabra
todo murmullo
había encontrado en mí
tan pocas salidas
y ni un solo
eco

Consentir
enajenada
el quiebre de mi cuerpo
sobre esta blandura
sobre esta seguridad
asquerosa
623
pour vous porter
mon sang
plus haut
de sensibilité
poisseuse

Mine de rien
Des livres sous le bras
le mériter
sortir la langue
appeler les couteaux

Vaquer
inordinaire
à ses occupations

Je ne sais pas comment on fait

c’est la peau que l’on tranchait devant cet l’hôpital


car quand bien même tu aurais accumulé des livres
personne ne te lirait toi tu aurais toujours été en
trop toujours hors sujet toujours mal à propos et
cette liberté que tu réclamais entre les pages entre
les lignes cette lumière fractale qu’aucune lentille
ne capturerait n’était pas celle de la lune n’était
sûrement pas à toi jamais jamais à toi jamais jamais
versée vidée comme un vase en équilibre un lait
pourpre répandu152

152
Inédit, écrit pour l’anthologie en 2015.
624
para llevarles
mi sangre
rebosante
de sensibilidad
asquerosa

Como si nada
Unos libros bajo el brazo
merecerlo
sacar la lengua
llamar a los cuchillos

Seguir
descomunal
la rutina cotidiana

Yo no sé cómo es posible

Es la piel que cercenaban delante de aquel


hospital pues aun cuando hubieras acumula-
do libros nadie te leería tú siempre habrías
estado de más siempre fuera de lugar siempre
irrelevante y esa libertad que reclamabas
entre las páginas entre líneas esa luz fractal
que ningún lente capturaría no era la de la
luna sin duda no era la tuya nunca nunca
tuya nunca jamás vertida vaciada como
una jarra en equilibrio una leche púrpura
desparramada30

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

30
Inédito, escrito para la antología en 2015.
625
Laure-Ednie DIEUDONNÉ (1976)

Amour insulaire

La mer se brise contre des écueils de haine


Noir océan de lèvres amères
Archipels désertés sur ma dérive
Et je crois à ma naissance
Les eaux insidieuses m’emportent
Mes mains de nacre dépouillées
Amnésie profonde préméditée
Et je respire
Écume lactée de plaisirs inconscients
À mes îlots d’innocence
La mer m’attire
Dans son carcan de douleurs caraïbes
Plus vulnérables que jamais
Mes amours océanes tentent
En vain
De s’accrocher au reflet ondé du soleil
Et mon sang vomissure sablonneuse d’un fleuve enragé
S’éparpille dans l’estuaire153

153
Dieudonné, Laure Ednie: L’échine du ciel et autres textes, (écrits entre 1993 et
2015), Impression artisanale African Kaléïdoscope, Genève, 2015.
626
Laure-Ednie DIEUDONNÉ (1976)

Amor insular

El mar se desintegra contra escollos de odio


Oscuro océano de labios amargos
Archipiélagos en fuga sobre mi deriva
Y creo en mi nacimiento
Las aguas insidiosas me llevan
Mis manos de nácar despojadas
Premeditada amnesia profunda
Y respiro
Espuma láctea de placeres inconscientes
A mis ínsulas de inocencia
El mar me atrae
En su cepo de dolores caribeños
Más vulnerables que nunca
Mis amores oceánicos intentan
En vano
Aferrarse al reflejo ondeado del sol
Y mi sangre vómito arenoso de un río enfurecido
Se esparce en el estuario

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

627
Fils-Lien Ély THÉLOT (1976)

Restrictif

Je t’aurais aimée ô ma ville


Je t’aurais aimée
Mais tes guenilles ont étouffé mes élans
Tes meurtrissures ont poussé mon cœur à bout
Il ne te reste plus rien dans la main
Et le vide a bu tout ton sang

Je t’aurais aimée ô ma ville


Je t’aurais aimée
Mais ici l’amour est un coin d’ombre
La tendresse une cassure
Et la honte un grain de sel
Qui sait si le vent s’est vendu
Qui sait si l’honneur s’est pendu
Si l’espoir s’est mis en veilleuse
Ici le temps n’est qu’un chien mort
Ici le temps ça sent mauvais

Je t’aurais aimée ô ma ville


Je t’aurais aimée
Mais elle est là qui tremble dedans moi
La folie qui t’a giflée
Mais elle est là qui m’assiège de partout
La foule sans nom sans droit sans joie
La foule en train en quête en allée
La foule vaincue déçue exclue

628
Fils-Lien Ély THÉLOT (1976)

Restrictivo

Te habría amado oh mi ciudad


Te habría amado
Pero tus harapos asfixiaron mis deseos
Tus magulladuras llevaron mi corazón al límite
Nada queda ya en tu mano
Y el vacío bebió toda tu sangre

Te habría amado oh mi ciudad


Te habría amado
Pero aquí el amor es una esquina sombría
La ternura una grieta
Y la vergüenza un grano de sal
Quién sabe si el viento se vendió
Quién sabe si el honor se ahorcó
Si la esperanza quedó en suspenso
Aquí el tiempo es solo un perro muerto
Aquí el tiempo huele mal

Te habría amado oh mi ciudad


Te habría amado
Pero aquí está ella temblando dentro de mí
La locura que te abofeteó
Pero aquí está asediándome por doquier
La muchedumbre sin nombre sin derecho sin alegría
La muchedumbre en obra en busca en ida
La muchedumbre vencida decepcionada excluida

629
La foule si grande si seule si sale
La foule en mal de rêve en mal de croire

Je t’aurais aimée ô ma ville


Je t’aurais aimée
Mais l’amour a pris le large.154

154
Thélot, Fils-Lien Ély: Ton rire est une aube inconnue, Larochellivre / Rumeur
des Âges, La Rochelle, 2004.
630
La muchedumbre tan grande tan sola tan sucia
La muchedumbre carente de sueño y de creencia

Te habría amado oh mi ciudad


Te habría amado
Pero el amor no quiso permanecer.

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

631
James NOËL (1978)

Bon Nouvèl

depi mwen gade pye-w


mwen vle genyen lari
jwe pòtre tout vivi
yon lanmou pye atè
pye-w se bon nouvèl
ki fèt pou sa mache
pye-w se de mèvèy
ki fèt pou lòm sezi
cheri piga ou wont
si se la m-al remen-w
lanmou se chòvsouri
li jouke tèt anba
pye-w se bon nouvèl
ki fèt pou sa mache
cheri kite-m renmen-w
kote lòt neglije-w
mwen ka ba ou de men-m
de ba savon lave
kite-m savonnen pye-w
jouk lannwit kimen jou155

155
Noël, James: «Bon Nouvèl», in Wooly Saint Louis Jean: Album Quand la
parole se fait chanson, Productions Batofou, Port-au-Prince, 2005.
632
James NOËL (1978)

Buenas Nuevas

basta con mirar tus pies


para alimentar mis ganas de callejear
simular el boceto de cualquier tonto
algún amor descalzo
tus pies anunciadores de buenas nuevas
existen para caminar
tus pies dos maravillas
que existen para sorprender al hombre
amorcito, no te avergüences
si allí es donde te amaré
el amor es como un murciélago
dormitando cabizbajo
tus pies anunciadores de buenas nuevas
para recorrer el mundo
amorcito, déjame quererte
allí donde otros te ignoran
a ti puedo entregarte mis dos manos
dos pastillas de jabón
déjame enjabonar tus pies
hasta que la noche espume el día

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

633
Dernière phase

je te tends mes poings


chauffés à blanc
des poings d’émeutier de la langue
des poings d’émeutier de la fin
la faim du monde
qui parle en langage
dans le ventre de la terre

je te tends mes poings


frémissants d’assassinats latents
des poings d’illuminé
atteints de pyromanie profonde
au premier degré de la dernière phase
des poings de petit bout d’allumettes
brûlés vifs dans leur langue de bois

je te tends mes poings fermés


pour une fraternité ouvertement déclarée
LA FRATERNITÉ CONTRE

fraternité qui doit contrarier leur rire


le tourner en trémolo
en sanglot long
sanguinolent
qui n’a pas les moyens d’une seule larme

fraternité qui doit mettre en évidence


leur panne sèche

tenez mes poings fermés de nouveau-né


devant rompre à tout prix
les barreaux du berceau
des poings chargés

634
Última fase

hacia ti blando mis puños


calentados al rojo vivo
puños de agitador de la lengua
puños de agitador del mundo
que fenece y carece
y habla en lengua
en el vientre de la tierra

hacia ti blando mis puños


convulsos de asesinatos latentes
puños de iluminado
aquejado de piromanía profunda
en el primer grado de la última fase
puños de puntita de cerillas
quemados vivos en su lengua de trapo

te tiendo mis puños cerrados


para una fraternidad abiertamente declarada
LA FRATERNIDAD EN CONTRA

fraternidad que debe contrariar la risa aquella


volverla trémolo
sollozo largo
sanguinolento
que no se puede permitir lágrima alguna

fraternidad que debe traslucir


el apagón aquel

coged mis puños cerrados de neonato


que a todo trance debe romper
los barrotes de la cuna
puños cargados

635
d’un orage précoce
hérité d’un Loa du feu
d’un Loa du vent

des poings atteints de pyromanie profonde


au premier degré de la dernière phase156

156
Noël, James: Des Poings chauffés à blanc, Éditions Bruno Doucey, Paris, 2010.
636
con tormenta precoz
heredada de un Loa del fuego
de un Loa del viento

puños aquejados de piromanía profunda


en el primer grado de la última fase

Traducción de Joëlle Guatelli.

637
Déclic

Ma muse est morte


J’ai les mains libres157

157
Noël, James: Des Poings chauffés à blanc, Éditions Bruno Doucey, Paris, 2010.
638
Chispazo

Ha muerto mi musa
Libres tengo las manos

Traducción de Joëlle Guatelli.

639
Kana sutra
(extraits)

L’oubli n’est pas du tout une affaire close, mais plutôt une boîte de
dancing bariolée de néons bleus et de lucioles qui vous arrivent plein
les yeux. Quand la mémoire tremble, l’oubli se métamorphose en
boîte noire des fulgurances.
*
Le seul pays est celui des oiseaux migrateurs, pays avec une aile
pour drapeau et surtout un regard qui épouse l’univers tout entier
d’un seul visage.
*
Tout peuple élu sur l’échelle de Richter portera pour longtemps
sur ses épaules, la tremblante compassion des autres peuples et la
terrible excitation d’une vaste foule de voyeurs. La grande faille se
creuse dans la démarche qui consiste à tourner en rond, faute de ne
pouvoir s’exorciser ni du premier, ni du second cercle.
*
Parfois, il nous suffit d’un mince fil de salive pour coller des phrases
dans un temps de parole. Les taciturnes ont pour coutume de garder
leurs lèvres ouvertes au secours d’un mot qui a soif.
*
Donne-moi un verre d’eau pour l’overdose. Donne-moi un morceau
de pain tout creux à l’intérieur, pour que mon espérance de vie
surprenne la patience des tombeaux.
*
La poésie est une marée noire. C’est par impossible divorce que des
mains la prennent comme voile blanc de mariée.
*
Dans le désir, il y a plus de cannibalisme que d’amour. Un canniba-
lisme contraire qui aiguillonne le corps jusqu’à s’inviter à une bouche
qui est sommée de le manger.158
158
Noël, James: Kana sutra, Éditions Vents d’Ailleurs, La Roque-d’Anthéron,
2011.
640
Kana sutra
(fragmentos)

El olvido no es para nada un asunto zanjado, sino más bien un


club nocturno pintarrajeado con neones azules y luciérnagas que
dan de lleno en los ojos. Cuando tiembla la memoria, el olvido se
metamorfosea en la caja negra de los fulgores.
*
El único país es el de las aves migratorias, país con un ala por bandera
y esa mirada que abarca el universo entero con un solo rostro.
*
Todo pueblo elegido en la escala de Richter llevará por mucho tiem-
po sobre sus hombros, la trémula compasión de los demás pueblos
y la terrible excitación de una ingente muchedumbre de mirones. Y
la gran brecha se va ensanchando con el trámite que consiste en dar
vueltas y más vueltas por no saber conjurar ni el primer círculo, ni
tampoco el segundo.
*
A veces nos basta con un delgado hilillo de saliva para pegar frases
cuando nos toca hablar. Los taciturnos suelen guardar los labios
abiertos para socorrer una palabra sedienta.
*
Dame un vaso de agua para la sobredosis. Dame un trozo de pan
hueco por dentro, para que mi esperanza de vida desconcierte la
paciencia de las tumbas.
*
La poesía es una marea negra. Es por imposible divorcio que unas
manos la toman como blanco velo de desposada.
*
En el deseo, suele haber más canibalismo que amor. Un canibalismo
contrario que azuza al cuerpo hasta invitarse a una boca conminada
a comérselo.

Traducción de Joëlle Guatelli.

641
Claude SAINNÉCHARLES (1981)

La république de la canne à sucre

La république de la canne à sucre


ouvre ses bras pour vous donner
la bienvenue
vous y filez
comme une étoile assoiffée d’autre horizon.

La vie dans les bateyes pleure,


comme un nouveau né,
entre les mains arides de l’inouï
et la souffrance est sa compagne fidèle.

Chantez à eux la façon dont vos cœurs meurent


dans la source troublée de leur paix!

Vous priez si fort que vous déshabillez le néant,


et le néant, nu sur vos corps,
ne fait qu’écorcher votre plaie séculaire
et s’enfuit au seuil de l’oubli avec vos cœurs.

Le mal est bien digéré dans la panse vidée du bien.

Votre aube dans l’intimité du matin


est sortie de l’orbite de l’horizon:
ils l’ont trop saccagée,
les fils de la richesse dont les cordons ombilicaux
ont été coupés par les feuilles effilées
de la canne à sucre.

Le ciel bénit la misère


et votre pain
est maudit au four du quotidien.159

159
Poème inédit, présenté dans le cadre de festivals et concours.
642
Claude SAINNÉCHARLES (1981)

La república de la caña de azúcar

La república de la caña de azúcar


abre sus brazos para darles
la bienvenida,
fugaces entran
como estrellas sedientas de otros horizontes.

La vida en los bateyes llora,


como un recién nacido,
en las manos áridas del asombro
y el sufrimiento es su fiel compañera.

¡Canten para ellos como mueren sus corazones


en la fuente turbia de su paz!

Ustedes oran tan fuerte que desnudan la nada,


y la nada, desnuda sobre sus cuerpos,
vuelve a desollar su llaga secular,
huye con sus corazones en el umbral del olvido.

La panza vacía del bien digiere el mal con facilidad.

Su alba en la intimidad de la mañana


salió de la órbita del horizonte:
la saquearon en exceso,
los hijos de la riqueza cuyos cordones umbilicales
fueron cortados por las hojas afiladas
de la caña de azúcar.

El cielo bendice la miseria


como el horno cotidiano
maldice su pan.

Traducción de Claude Sainnécharles y Yasmina Tippenhauer.


643
Edwige SYLVESTRE-CEIDE (1982)

Diaspora, le 11e département


(partie I & II)

I
Avant de partir...

Ils venaient d’apprendre le pas du kompa


Le corps à corps sur les pistes des bals de Vieux-papa
Le dernier déhanché avant de partir là-bas

Les filles toutes de caraco vêtues se lançaient confiantes, en transe,


sur des boléros
Elles venaient d’avoir vingt ans et se réjouissaient d’avoir gagné ce
visa pour là-bas

C’était avant de n’arriver nulle part

Il faisait encore chaud pour cette jeunesse


Elle pouvait rêver mais ne savait pas la réalité sans tristesse
La frénésie les emportait, un peu d’alphabet et quelques mots
d’anglais pour s’installer là-bas

Ils s’engouffraient dans le consulat le plus offrant, le moins regardant


Sans soupçonner le décor et son envers d’un là-bas imaginaire
Autorisations provisoires ou refus sec, rien ne les désarmait pourtant
Billets chiffonnés dans le corsage, économies cachées dans le caleçon
On avait inventé le studio-photo et le coup de tampon
L’attente était lente et trompeuse avant l’aller-simple en vol charter
Comme un cha-cha-cha, un pas en avant pour le droit de rêver, deux
pas en arrière pour la loi à l’arrivée…

L’exil existe-t-il vraiment?


644
Edwige SYLVESTRE-CEIDE (1982)

Diáspora, departamento 11
(parte I & II)

I
Antes de partir...

Ellos acababan de aprender el paso del kompa


El cuerpo a cuerpo en las pistas de baile de Viejo-papá
El último contoneo antes de irse allá

Las chicas todas de camisola se lanzaban confiadas, en trance, al


son de los boleros
Acababan de cumplir veinte años y se alegraban de haber ganado
esa visa para irse allá

Era antes de no haber llegado a ninguna parte

Todavía hacía mucho calor para esa juventud


Podía soñar pero no conocía la realidad sin tristeza
Ganada por el frenesí, algo de alfabeto y unas palabras de inglés
para instalarse allá

Se precipitaban en el consulado más accesible, menos exigente


Sin sospechar la moneda y la otra cara de un allá imaginario
Autorizaciones provisorias o rechazo categórico, nada los desalentaba
Billetes arrugados en la blusa, economías escondidas en la ropa interior
Habían inventado el fotoestudio y el matasellos
La espera era lenta y engañosa antes del pasaje de ida en chárter
Como un chachachá, un paso adelante para el derecho a soñar,
dos para atrás para la ley al llegar...

¿Acaso existe realmente el exilio?


645
Vous aviez économisé des années durant vendant pistache et manioc
au marché de fer
À l’affût d’un sauf-conduit pour ce là-bas inconnu, vos valises
étaient prêtes déjà sous le matelas de vos terres
Vous aviez vingt ans et vos rêves s’appelaient «partir»
Vous ne parliez pas encore de retour mais de volonté de réussir

C’était avant de n’arriver nulle part

C’était l’époque où les télés de la capitale diffusaient les images en


noir et blanc
Les mots que les radios des provinces n’émettaient pas en couleurs
pour vos sentiments
C’était l’époque où dans le pays la docilité était en retard comme un
salaire en fin de mois
L’époque où avoir une place en factory était démodée
Plus rien n’était aussi cher et prisé que des au revoir pour s’exiler

C’était l’époque de vos vingt ans, toute une vie à espérer,


La mallette pleine d’exils
Seules vos voix reviendraient parfois empaquetées dans des
cassettes Panasonic
90 minutes pour prouver que Face A, vous faisiez face là-bas;
Face B, qu’aucun coup ne pouvait vous courber

Dimanche, 11 mai 2014.

II
À l’ombre de nos mémoires

Nous sommes devenus anonymes dans un no man’s land autrement


appelé métro-boulot-dodo
Notre Haïti est devenue l’autre «là-bas», idéale et familiale, dans nos
rêves enfouis
Ici, les couleurs de l’automne ont épousé celles de l’hiver, c’est le
jaune-orange qui se noie dans le bleu-gris

646
Ustedes habían ahorrado durante años vendiendo yuca y maní en
el mercado de hierro
Al acecho de un salvoconducto para ese allá desconocido
sus maletas ya estaban listas bajo el colchón de sus tierras
Ustedes tenían veinte años y sus sueños se llamaban «partir»
Ustedes no hablaban aún de un regreso sino de la voluntad de triunfar

Era antes de no haber llegado a ninguna parte

Era la época en que las teles de la capital transmitían imágenes en


blanco y negro
Las palabras que las radios de provincias no emitían en colores para
sus sentimientos
Era la época en que en el país la docilidad estaba retrasada como un
sueldo a fin de mes
La época en que tener un trabajo en una factory era anticuado
Ya nada era tan valioso y preciado como un adiós para exiliarse

Era la época de sus veinte años, toda una vida para esperar,
La maleta llena de exilios
Solo sus voces volverían a veces envueltas en casetes Panasonic
90 minutos para probar que allá, Cara A, ustedes daban la cara;
Cara B, ningún revés los doblegaba

Domingo, 11 de mayo de 2014.

II
En la sombra de nuestras memorias

Nosotros nos volvimos anónimos en un no man’s land un ritmo


rutina que traga
Nuestro Haití se convirtió en el otro «allá», ideal y familiar, en
nuestros sueños enterrados

Aquí, los colores del otoño se unieron a los del invierno, es el color
amarillo-ambar que se funde en el gris-azulado

647
Ici, sans papier, sans travail, sans voix, nous marchons dans le ventre
de la terre, d’une ligne à l’autre, il nous faut trouver la bonne voie,
l’issue de secours
Notre mangrove natale s’éloigne dans nos esprits
On a oublié l’odeur du corossol et le goût du soir humide sous la
moustiquaire

Le vent a emporté nos racines au loin, ailleurs


Nous migrons pour les retrouver et ne jamais arriver nulle part

Nous avons pris racine dans nos mémoires fixées sur les mêmes images d’un
pays chéri

Nos corps se crispent en attendant le retour vers notre pays natal, seul
espoir
Notre peau se raidit comme les feuilles mortes de douleur

L’exil s’est installé dans nos vies. Notre corps demeure une succession
d’exils
Nous pleurons nos cheveux qui tombent gris, les rides sèches qui
nous sillonnent, indélébiles

En ce jour, nous sommes à notre tour comme ces vieux paysans


jadis sur leur dodine, notre cadence a ralenti ex-nihilo
Ici, aux murs, les fresques des boss-metal et les toiles peintes, en
migration avec nous, broient du noir dans une couleur-matière,
couleur-chaos

Nous avons pris racine dans nos mémoires restées là-bas

Nous sourions pourtant, de temps en temps, trop souvent, dit-on


Nos langues se sont métissées, couleur vermeil, merveilles mêlées
d’accents sachant parfois séduire

648
Aquí, sin documento, sin trabajo, sin voz, caminamos en el vientre
de la tierra, de una línea a otra, debemos encontrar el buen
camino, la salida de emergencia
Nuestro manglar natal se aleja en nuestros espíritus
Olvidamos el olor de la guanábana y el sabor de la tarde húmeda bajo
el mosquitero

El viento se llevó nuestras raíces a lo lejos, a otro lugar


Emigramos para recobrarlas y nunca llegar a ninguna parte

Nos enraizamos en nuestras memorias detenidas en las mismas imágenes


de un país querido

Nuestros cuerpos se retuercen esperando el regreso a nuestro país


natal, única esperanza
Nuestra piel se pone tiesa como las hojas marchitas de dolor

El exilio se instaló en nuestras vidas. Nuestro cuerpo es una sucesión


de exilios
Lloramos nuestros cabellos que canosos caen, las arrugas secas que
indelebles nos surcan

En este día, nos toca ser como esos viejos campesinos de antaño
sobre su mecedora, nuestra cadencia disminuyó ex nihilo
Aquí, en las paredes, las láminas de los boss-metal y los lienzos
pintados, en migración con nosotros, sucumben a la sombra
color-materia, color-caos

Nos enraizamos en nuestras memorias dejadas allá

Sin embargo sonreímos, de vez en cuando, demasiado según dicen


Nuestras lenguas se mestizaron, color carmesí, carnavales amalgamados
de acentos que seducen

649
Un jour, le bruit de l’eau limpide nous réveille
Un jour, là-bas, nous y retournerons par les chemins du souvenir

Et quand on nous demandera la couleur de nos origines, nous nous


/ souviendrons que l’apaisement pendant les saisons chaudes
/ s’obtenait à l’ombre des palétuviers

Décembre, 2013.

650
Un día, el ruido del agua cristalina nos despierta
Un día, allá, volveremos por las sendas de la memoria

Y cuando pregunten por el color de nuestros orígenes,


recordaremos que el sosiego en las temporadas cálidas se
conseguía a la sombra de los mangles

Diciembre, 2013.

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

651
Makenzy ORCEL (1983)

quand le corps
offre ses territoires à la rue
la mort coule
buée froide sur la vitre

soir dissout
dans la houle des hanches

le ciel en fût

de la terrasse au bar
d’une soif à l’autre tu sautes
sans te soucier du vide

bouteilles
bouées dans les flots intérieurs160

160
Orcel, Makenzy: La nuit des terrasses, La Contre Allée, Lille, 2015.
652
Makenzy ORCEL (1983)

cuando el cuerpo
le ofrece sus territorios a la calle
la muerte se derrama
vaho frío sobre el cristal

noche disuelta
en el oleaje de las caderas

el cielo en barrica

de la terraza al bar
de una sed a otra saltas
sin importarte el vacío

botellas
salvavidas en las marejadas interiores

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

653
Viens, les vins vont aux plages
ARTHUR RIMBAUD

le large
cette démesure de ta langue
au fond de moi

laisse-moi errer

ça sent le noyé la marge


le rat crevé

je t’offre ma soif
pour les coups à venir
pour l’étreinte de l’amant

pour certaines choses de la vie


il faut plus qu’un poème161

161
Orcel, Makenzy: La nuit des terrasses, La Contre Allée, Lille, 2015.
654
Ven, los vinos van a las playas
ARTHUR RIMBAUD

alta mar
esa desmesura de tu lengua
dentro de mí

déjame vagar

huele a ahogado la margen


la rata muerta

te brindo mi sed
para los amargos tragos venideros
para el abrazo del amante

para ciertas cosas de la vida


hace falta más que un poema

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

655
je me torche à ma santé
mes étoiles noyées
ô soifs qui descendent dans les rues
crier leur j’en peux plus

je jette mes mains au feu


pour atteindre la lumière
dans son point de chaleur
d’extravagance162

162
Orcel, Makenzy: La nuit des terrasses, La Contre Allée, Lille, 2015.
656
me emborracho a mi salud
mis estrellas ahogadas
o sedes que salen a las calles
para gritar sus no puedo más

arrojo mis manos al fuego


para alcanzar la luz
en su punto de calor
de extravagancia

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

657
Nous vivons de cri en cri
GÖRAN TUNSTRÖM

tous
suspendus entre la transhumance
et l’inertie du reste
les yeux gonflés de rêves
de toutes les mers

la nuit
s’infinitise
mièvre son chant

les rues tanguent


ivres mortes
troupeaux d’insomnie
revenus des bas-fonds de la bière163

163
Orcel, Makenzy: La nuit des terrasses, La Contre Allée, Lille, 2015.
658
Vivimos de grito en grito
GÖRAN TUNSTRÖM

todos
suspendidos entre la trashumancia
y la inercia del resto
los ojos henchidos de sueños
de todos los mares

la noche
se infinitiza
meloso su canto

las calles se mecen


borrachas perdidas
rebaños de insomnio
rescatados de los bajos fondos de la cerveza

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

659
Anderson DOVILAS (1985)

Périphrase
(extrait)

Il me manque ce temps de cocotier


Ce verbe d’été au fond des feuilles
L’amitié du soleil
Au bord d’un rire
Mon pays du métier d’accueil
Est une phrase
En jambe de bois

Les yeux fermés


Je danse le vent
L’odeur du matin s’ouvre
Sans contrainte chimique
Les touristes savent de quoi je parle
Ils font souvent
Des pertes de cœur

Il me manque ce temps de cocotier


Ces cailloux d’instant qui bronzent les rêves
La calligraphie des papillons jaunes
Qui disent le jour
Et les chants du soir
Qui dessinent la cannelle de l’aube
Les rosées sont des ruisseaux de bienvenue
Leurs feuilles portent le silence
D’une ville vêtue de bonne manière
Cette terre de charme immense
Je la connais de mémoire
Les va-nu-pieds
Connaissent la faiblesse des saisons
De leur sagesse

660
Anderson DOVILAS (1985)

Perífrasis
(fragmento)

Extraño ese tiempo de cocotero


Ese verbo veraniego en las hojas
La amistad del sol
Colgado de una risa
Mi país artesano de la hospitalidad
Es una frase
En pata de palo

Los ojos cerrados


Bailo el viento
El olor mañanero se abre
Sin restricción química
Los turistas saben de qué hablo
A menudo
pierden los sentidos

Extraño ese tiempo de cocotero


Esos guijarros de instante que broncean los sueños
La caligrafía de las mariposas amarillas
Que dicen el día
Y los cantos nocturnos
Que dibujan la canela del alba
Los rocíos son riachuelos de bienvenida
Sus hojas llevan el silencio
De una ciudad envuelta en buenos modales
Esta tierra de encanto inmenso
La conozco de memoria
Los descalzos
Conocen la fragilidad de las estaciones
De su sabiduría

661
Une science naît
Ils sèment la vie aux biens de tous
Et récoltent le côté venin
De la pensée humaine
[...]164

164
Dovilas, Anderson: Mémoire d’outre-monde, L’Harmattan, Paris, 2014.
662
Nace una ciencia
Siembran la vida para el bien común
Y cosechan el lado venenoso
Del pensamiento humano
[...]

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

663
Une nuit d’Adieu à Janrabel

Elle fut la terre


De ma dépression divine
Ce nom de fleur
À résonance d’amour
Elle fut la terre
D’une chaleur en retraite
Ce massacre à brûler les semences
Tu m’es apparue en songe
Comme le premier baiser du matin
En chair
Comme un rouge à lèvre de vieille date
La ville n’a plus le Tam-tam
Des réveillons de gauche
Ni les draps blancs des voisinages en couvert
Depuis la froideur de ta force
En plus, il me semble que ton absence
Et la mémoire vide des fils de Guinée
Ne font qu’un
En si peu de temps Janrabel
Le jour est devenu
Un traité de lutte diluvienne
En si peu de temps ma douce
Des phrases toutes faites
Comme un croisement inattendu
Me traversent la tête
Pour me souffler ce deuil
En sonnet acoustique d’un retour
Janrabel au côté sud des solstices
Sans palmiers à témoignage de prunelles sauvages
Janrabel de passé oublié
Au sommeil de ses fils en neuvaine polluée
En combien de douceurs se divise
Un attentat de suicide?
En combien de secrets

664
Una noche de Adiós a Janrabel

Fue la tierra
De mi depresión divina
Ese nombre de flor
Con resonancia de amor
Fue la tierra
De un calor en retirada
Esa masacre quemando las semillas
Apareciste en mi sueño
Como el primer beso mañanero
En carne
Como un viejo lápiz de labio
La ciudad ya no tiene el Tam-tam
De las nocheviejas de izquierda
Ni las sábanas blancas de la vecindad arropando
Desde la frialdad de tu fuerza
Además, me parece que tu ausencia
Y la memoria vacía de tus hijos de Guinea
Se funden
En tan poco tiempo Janrabel
El día se convirtió
En un tratado de lluvia torrencial
En tan poco tiempo mi cielo
Frases hechas
Como encrucijadas inesperadas
Pasan por mi cabeza
Para susurrarme este duelo
En soneto acústico de un retorno
Janrabel del lado sur de los solsticios
Sin palmeras testimonio de pupilas salvajes
Janrabel de pasado olvidado
En el sueño de sus hijos en novena poluta
¿En cuántas dulzuras se divide
Un atentado suicida?
¿En cuántos secretos

665
Se volatilise un trépas?
Et si la jeunesse n’est pas un paysage avorté
Un jour Janrabel
Tu dormiras dans mes bras
Comme la révolution des faunes flores suspendues165

165
Dovilas, Anderson: Vingt poèmes pour traverser la nuit, Édilivre Collection
Tremplin, Paris, 2012.
666
Se volatiliza una muerte?
Y si la juventud no es un paisaje abortado
Un día Janrabel
Dormirás en mis brazos
Como la revolución de las faunas floras suspendidas

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

667
Ricarson DORCÉ (1987)

Liberté

Tu portes mes lendemains


dans tes yeux,
dans ta peau douce,
dans ta brûlante passion.
Je veux écraser tes lèvres comme la neige.
La neige est une leçon quotidienne que j’apprends.
Je suis heureux à mourir.
Je me sèche moi-même à ton soleil.
Je veux maintenant respirer librement.
Toutes les montagnes du monde s’étendent
sous mes yeux de jeune communiste.166

166
Inédit.
668
Ricarson DORCÉ (1987)

Libertad

Llevas mis porvenires


en tus ojos,
en tu piel suave,
en tu ardiente pasión.
Quiero apretar tus labios como la nieve.
La nieve es una lección diaria.
Me muero de la felicidad.
Yo mismo me seco en tu sol.
Ahora quiero respirar libremente.
Todas las montañas del mundo se extienden
ante mis ojos de joven comunista.

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

669
Éthique de la révolte!

Nous ne pouvons plus supporter la vulgarité


de ce monde.
Nous passons nos nuits à coudre
et à découdre l’existence.
Des étoiles voraces.
Nous nous promenons dans les rues.
Nous inventons une lampe allumée.
Personne ne se révolte seul!
Nous nous révoltons ensemble!
Nous ne pouvons plus supporter la vulgarité
de ce monde.167

167
Inédit.
670
¡Ética de la rebelión!

No podemos seguir soportando la vulgaridad


de este mundo.
Nos trasnochamos haciendo
y deshaciendo las costuras de la existencia.
Estrellas voraces.
Paseamos por las calles.
Inventamos una lámpara encendida.
¡Nadie se rebela solo!
¡Nos rebelamos juntos!
No podemos seguir soportando la vulgaridad
de este mundo.

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

671
Les guerres

Je vadrouille dans mon village rasé.


On n’oublie pas les guerres coloniales
et toutes les autres calamités.
Le ciel se retourne sur lui-même
et contre lui-même.
Un ciel de plomb.
L’odeur des massacres est très molle
comme une pâte.
J’assume ma culture de déviation.168

168
Inédit.
672
Guerras

Deambulo por mi pueblo diezmado.


Las guerras coloniales no se olvidan
y tampoco las demás calamidades.
El cielo se dobla sobre sí mismo
y contra sí mismo.
Un cielo de plomo.
El olor de las matanzas es muy blando
como una masa.
Asumo mi cultura cimarrona.

Traducción de Edgard Gousse y Yasmina Tippenhauer.

673
Thélyson ORÉLIEN (1988)

Laviwonn dede

Lanmò plane kou malfini


l ap fè laviwonn dede
dèyè yon vyann
dèyè yon chan pwa
chan mayi

Potoprens leve chak maten


ak rèl nan je
pou yon pitit gason
yon vizitè
ke minui manje

Twa revòlvè antre nan yon kay


san frape
yo pran lavi
blayi l atè
soti kè kal169

169
Orélien, Thélyson: «Laviwonn dede», in Milcé, Jean-Euphèle & Orcel
Makenzy: Ancre des dattes, Page Ailée, Port-au-Prince, 2009.
674
Thélyson ORÉLIEN (1988)

Rondando

La muerte amenaza
como un ave de rapiña
rondando
acechando su presa
en un campo de chícharos
y de maíz

Puerto Príncipe despierta cada mañana


con gritos en los ojos
llorando a un hijo nuestro
un visitante
devorado por los misterios de la noche

Tres revólveres entraron en una casa


sin tocar
le quitaron la vida
lo abatieron
y salieron con calma

Traducción de Edgard Gousse.

675
Lettre à Céline

Ce n’est pas pour te faire une farce de poisson d’avril. Me voici cette
fois. Je suis encore là, fossoyeur de rêves étranges, je m’invente des
rêves, des carnets de rêves. Je suis devenu le transfuge d’une sale
catastrophe qui ne m’a pas fait mourir.
Je m’éteins doucement dans une paix que j’ai retrouvée en plein
cœur d’une ville de verre. Je vis ma peur avec la paix dans l’âme à
l’ombre des grands édifices. Ce n’est pas ma faute si j’ai toujours
été un révolté. C’est comme ça que j’ai grandi au beau milieu d’une
fierté de ville pauvre et riche dans l’histoire.
Tu diras plus tard que j’avais peut-être raison, quand tu commenceras
à faire la connaissance de nos merveilleuses réalités – de Maurice
Sixto, d’Édris Saint-Amand ou de Jacques-Stéphen Alexis –. Nous
avons tous bu à l’instar du Compère Général Soleil, les eaux d’une
révolution perpétuelle qui barbotent dans la même source. Comme
lui j’ai descendu cette Plaine sans peur ni crainte.
Nous avons été tous témoins, il n’y a pas si longtemps, du jour
où le chef d’une caravane s’était emparé de son vêtement pour se
faire vêtir aux yeux du monde. On nous a pris le tout pour un rien,
ne reste que cette Indépendance parfois trop salée.
Je suis indigné d’avance, la vie m’a encore menti, je refuse de rendre
mon âme aux vidanges, je me révolte à l’excessive, je l’avoue chère
Céline, mais autant que le ras-le-bol se révèle grand, ma révolte
sera grande.
J’ai vu ma vie rouillée prématurément comme une vieille tôle rongée
par le sel. Ici je n’arrive plus à survivre aux tempêtes. Mes doigts
se sont refroidis durant l’hivernage. Et les arbres passent tout leur
temps dévêtus. Les arbres et moi nous avons une langue qui n’est
pas celle des autres, pour nous parler. Les mots sont là bien sûr.
Mais l’onde qui nous berce est celle d’une musique non écoutée.
Il m’arrive de voir l’émotion quitter le corps d’un arbre et venir
tranquillement vers le mien. Mais les gens qui nous entourent ne
comprennent pas. Ils sont dépassés par ce jargon qu’ils n’essaient
même pas d’expliquer et ils nous laissent seuls.
Je ne tiens pas à faire le décompte de nos discussions, autant nos
échanges sont énormes, c’est à toi que j’aimerais parler tous les
676
Carta a Céline

No es para hacerte una broma del día de los Inocentes. Aquí me


tienes esta vez. Sigo aquí, sepulturero de sueños extraños, me invento
sueños, libretas de sueños. Me convertí en tránsfuga de una maldita
catástrofe de la que no salí muerto.
Me apago despacio en una paz que recobré en el corazón de una
ciudad de vidrio. Vivo mi miedo el alma en paz bajo la sombra de
los grandes edificios. No es culpa mía si siempre fui un rebelde.
Así crecí en medio de un orgullo de ciudad pobre y rica en la
historia.
Después tal vez digas que yo tenía razón, cuando empieces a conocer
nuestras maravillosas realidades –Maurice Sixto, Édris Saint-Amand
o Jacques-Stéphen Alexis–. Todos tomamos, como Compadre
General Sol, las aguas de una revolución perpetua que chapotean
en la misma fuente. Como él bajé esta Llanura sin miedo ni
temor.
Todos fuimos testigos, no hace mucho, del día en que el jefe de una
caravana se apoderó de su atuendo para que lo vistieran ante los
ojos del mundo. Se llevaron todo por casi nada, tan solo queda esta
Independencia a menudo demasiado costosa.
Me indigno de antemano, la vida me volvió a mentir, me niego a
entregar mi alma, me rebelo en exceso, lo reconozco querida Céline,
pero mi exasperación resulta tan grande como mi rebelión.
Vi mi vida prematuramente oxidada como una vieja hojalata roída
por la sal. Aquí no logro sobrevivir más a las tempestades. Mis
dedos se enfriaron durante la invernada. Y los árboles pasan todo su
tiempo desvestidos. Los árboles y yo tenemos un idioma que no es
el de los demás, para hablarnos. Las palabras existen, por supuesto.
Pero la onda que nos mece es la de una música no percibida. A
veces puedo ver la emoción desprenderse del cuerpo de un árbol
y alcanzar tranquilamente el mío. Pero la gente que nos rodea no
entiende. Este lenguaje que siquiera intentan explicar los abruma y
nos dejan solos.
No necesito sacar la cuenta de nuestras discusiones, tan enormes son
nuestros intercambios, es contigo con quien quisiera hablar todos los

677
jours, dans ces lettres qui n’en finissent plus de s’étirer, car autant
que je t’écris le froid ne se répandra pas dans mon corps, je suis prêt
à le croire si tu te souviendras de nous. De toi, aplatie entre deux
bétons armés dans la pire catastrophe, depuis la ville est dévastée,
dépecée, devenue folle.
Je fais de toi mon héroïne en érigeant des monuments en ton nom.
J’ai déserté la ville. J’avais compris que je ne pouvais pas gagner
toutes mes batailles. Aujourd’hui, je suis là et je me lasse au moment
où ma jeunesse se vante de son isolement. J’ai tout à coup les
mains glacées et éteintes comme celles d’un grand-père.
J’écris ces mots les uns collés au bout des autres dans des lettres qui
se confondent, des lettres que j’ai osé partager au beau public. Mon
histoire se résume à peu de choses. Un jour, au beau milieu de la vie
le cinéma muet se mettra à parler.170

170
Orélien, Thélyson: «Lettre à Céline», IntranQu’îllités, nro. 2, Passagers des
Vents, Port-au-Prince, 2013.
678
días, en estas cartas que nunca dejan de extenderse, porque mientras te
escriba el frío no se propagará en mi cuerpo, estoy dispuesto a creer-
lo si tú te acuerdas de nosotros. De ti, aplastada entre dos bloques
de hormigón en la peor catástrofe, desde entonces la ciudad está
devastada, descuartizada, enloquecida.
Hago de ti mi heroína erigiendo monumentos en tu nombre. Aban-
doné la ciudad. Comprendí que no podía ganar todas mis batallas.
Hoy estoy aquí y me agoto precisamente cuando mi juventud se jacta
de su aislamiento. De pronto tengo las manos heladas y apagadas
como las de un abuelo.
Escribo estas palabras una tras otra en cartas que se confunden,
cartas que me atreví a compartir con la bella audiencia. Mi historia
se resume a poca cosa. Algún día, en medio de la vida, las películas
mudas empezarán a hablar.

Traducción de Yasmina Tippenhauer.

679
Fiches biobibliographiques

Remarques: Ces fiches proposent de brèves informations sur chaque


auteur; une invitation à approfondir la recherche. Dans certains cas,
les données sont très succinctes, car il n’existe nulle autre donnée
dans les sources consultées. Par ailleurs, nous n’avons pas toujours
trouvé toutes les villes de naissance et de mort des auteurs; cepen-
dant, il est intéressant d’observer à quel point la géographie littéraire
haïtienne est variée et nomade.

A RDOUIN , C ORIOLAN (Petit-Trou-de-Nippes,1812-Port-au-


Prince, 1835). Poète romantique ayant eu une vie tragique, marquée
très tôt par la mort des membres les plus proches de sa famille.
D’après la légende, un papillon noir s’est posé sur le berceau d’Ar-
douin, en tant que sombre signal prémonitoire. Lors de sa mort
prématurée, il a laissé un recueil de poèmes intitulé Reliques d’un
Poète haïtien, publié après sa mort en 1837.

BAGUIDY-GILBERT, SERGE (Jérémie, 1945). À l’âge de 20 ans, il


part en exil pour des motifs politiques. Baguidy-Gilbert étudie la
Sociologie, l’Histoire de l’Art et la Linguistique, et obtient une
Maîtrise en Théologie de la Libération à l’Université de Montréal. À
la fin des années soixante, aux côtés des poètes Gérard Campfort et
Jean-Max Calvin, il fonde l’école littéraire et la collection éditoriale
Hounguénikon, dans laquelle il publie Poèmes dits dans un miroir
(1966). En 1970, il rompt avec ce courant et il s’impose un long
silence. Il ne reprend l’écriture qu’en 2004, lors de la publication
de son recueil de poèmes Elliptiques. Il est membre de l’Association
pour la Promotion et l’Éducation (APEL), et collaborateur de projets
de développement rural au Nicaragua; ainsi que représentant au
Canada de la Fondation Zile, consacrée à la promotion de la paix
entre Haïti et la République Dominicaine.

BENJAMIN, FRANZ (Port-au-Prince, 1970). Poète et homme public,


Benjamin réside depuis 1986 à Montréal, où il travaille dans les
secteurs des communications et des relations interculturelles.
680
Fichas biobibliográficas

Nota: Estas fichas proponen breves informaciones sobre cada autor,


invitando a los lectores a seguir investigando. Las informaciones
sobre algunos poetas son muy escasas, al no existir mayores datos
disponibles en las fuentes consultadas. Además, no siempre encon-
tramos las ciudades de nacimiento y muerte de ellos; sin embargo, es
interesante observar cuán variada y nómade es la geografía literaria
haitiana.
Los títulos, nombres propios y de ciudades aparecen en idioma
original.

A RDOUIN , C ORIOLAN (Petit-Trou-de-Nippes, 1812-Port-au-


Prince, 1835). Poeta romántico, Ardouin experimenta una trágica
existencia, marcada desde temprana edad por la muerte de sus fami-
liares más allegados. La leyenda cuenta que una mariposa negra se
posó sobre su cuna al nacer, como una oscura señal premonitoria.
Ardouin deja, a su muerte prematura, una colección de poemas titu-
lada Reliques d’un Poète Haïtien, publicada póstumamente en 1837.

BAGUIDY-GILBERT, SERGE (Jérémie, 1945). Se exilia a los veinte


años por razones políticas. Estudia sociología y lingüística, y presen-
ta una Maestría en Teología de la Liberación en la Universidad de
Montreal. A finales de 1960, junto a los poetas Gérard Campfort
y Jean-Max Calvin, funda la escuela literaria y colección editorial
Hounguénikon, en la que publica Poèmes dits dans un miroir (1966).
En 1970, rompe con esa escuela y deja de escribir hasta 2004, cuando
publica su poemario Elliptiques. Es miembro de la Asociación de
Promoción y de la Educación (APEL), colaborador de proyectos
de desarrollo rural en Nicaragua, y representante en Canadá de la
Fundación Zile, dedicada a la paz entre Haití y la República Domi-
nicana.

B ENJAMIN , F RANZ (Port-au-Prince, 1970). Poeta y hombre


público, reside en Montreal desde 1986, donde trabaja en
681
En 2009, Benjamin a été élu Conseiller de la ville de Montréal en
tant que représentant du district de Saint-Michel et, depuis 2013,
il est président du Conseil Municipal de Montréal. En 2006, il
coédite avec Rodney Saint-Éloi l’ouvrage Montréal vu par ses poètes.
Benjamin exprime, aussi bien en créole qu’en français, ses valeurs
fondamentales: la liberté et l’amour.
Il a publié: Valkanday (2000), Chants de mémoire (2003), Dits
d’errance (2004), Lettres d’automne (2007), Vingt-quatre heures dans
la vie d’une nuit (2010), Une femme à la mer (2016).

BERNARD, REGNOR CHARLES (Jérémie, 1915-Canada, 1981).


Poète, essayiste et critique littéraire. Il a étudié la Pédagogie à l’École
Normale, et le Droit. Il se consacre au journalisme et à l’enseigne-
ment, au Congo et au Canada. Il est considéré comme un modèle
d’exigence intellectuelle et politique. Il a fréquenté les mouvements
Indigéniste et de la Négritude. Son œuvre est caractérisée par son
haïtianité (éloignée des clichés folkloriques) et sa vision antillaise.
Il a rejoint le Parti Socialiste Populaire. Bernard a publié trois
compilations de poèmes: Le Souvenir demeure (1940), Pêche d’étoiles
(1943) Nègre (1945).

BERROUËT-ORIOL, ROBERT (Jacmel, 1951). Poète, essayiste,


linguiste et critique littéraire. Il marie son activité littéraire et son
travail de terminologiste; il est spécialiste en planification linguis-
tique. Engagé par le Bureau de la Langue Française, au sein de la
Banque terminologique du Québec, il promu la signature d’un
accord linguistique qui permit à Haïti de rejoindre le Réseau Inter-
national de Néologie et Terminologie. Berrouët-Oriol est professeur
de Linguistique et de Communication dans plusieurs universités. Il
publie des articles dans des revues en Haïti, France, Canada et les
États-Unis. Dans son œuvre poétique, il explore différentes dimen-
sions de la migration, la mémoire, l’identité et l’écriture. Ses recueils,
baroques et innovateurs, font preuve d’une profonde maîtrise de la
langue française, et de ses migrations temporelles et géographiques.
Œuvres principales: Lettres urbaines (1986), Thòraya, d’encre le
champ (2005), En haute rumeur des siècles (2010), Poème du décours
(2010), Découdre le désastre suivi de L’île anaphore (2013).

682
comunicaciones y relaciones interculturales. En 2009 es elegido
Consejero de la ciudad de Montreal, como representante del distrito
de Saint-Michel y, desde 2013, es presidente del Consejo munici-
pal de esa ciudad. En 2006 coeditó con Rodney Saint-Éloi el volu-
men Montréal vu par ses poètes. Tanto en creol como en francés,
Benjamin expresa sus valores centrales: la libertad y el amor.
Ha publicado: Valkanday (2000), Chants de mémoire (2003), Dits
d’errance (2004), Lettres d’automne (2007), Vingt-quatre heures dans
la vie d’une nuit (2010), Une femme à la mer (2016).

BERNARD, REGNOR CHARLES (Jérémie, 1915-Canadá, 1981).


Poeta, ensayista y crítico literario. Estudia Pedagogía en la Escuela
Normal, y Derecho. Se dedica al periodismo y a la enseñanza en el
Congo y en Canadá. Se le considera un modelo de exigencia inte-
lectual y política. Se relaciona con los movimientos del Indigenismo
y de la Negritud. Su obra se caracteriza por su haitianidad (alejada
de clichés folklóricos) y por su visión antillana. Integró el Partido
Socialista Popular. Publicó tres poemarios: Le Souvenir demeure
(1940), Pêche d’étoiles (1943) y Nègre (1945).

BERROUËT-ORIOL, ROBERT (Jacmel, 1951). Poeta, ensayista,


lingüista y crítico literario. Vive en Montreal desde 1969. Combina
el quehacer literario con su trabajo de terminólogo; es especialista
en planificación lingüística. Al trabajar para la Oficina de la Lengua
Francesa en el Banco Terminológico de Québec, promueve un acuer-
do lingüístico que le permite a Haití integrar la Red Internacional
de Neología y Terminología. Es profesor de Lingüística y Comuni-
cación en diversas universidades. Publica artículos en revistas en
Haití, Canadá, Francia y Estados Unidos. En su obra poética explora
diferentes dimensiones de la migración, la memoria, la identidad y
la escritura. Sus poemarios, barrocos e innovadores, son muestra
de un profundo manejo de la lengua francesa y de sus migraciones
temporales y geográficas.
Obras principales: Lettres urbaines (1986), Thòraya, d’encre le
champ (2005), En haute rumeur des siècles (2010), Poème du décours
(2010), Découdre le désastre / L’île anaphore (2013).

683
BRIERRE, JEAN-FERNAND (Jérémie, 1909-Port-au-Prince, 1992).
Ambassadeur d’Haïti à Buenos Aires. Il collabore au sein de La
Revue Indigène et Les Griots. Il est avocat et, de par son activisme
politique, il est incarcéré par différents gouvernements conserva-
teurs pendant neuf ans. C’est un fervent opposant à l’intervention
nord-américaine, ainsi qu’au régime de Duvalier. Ce pour quoi il
subit l’exil, premièrement en Jamaïque, puis au Sénégal, où il mène
une vie culturelle très active. Il rentre en Haïti en 1986. La fondation
AfricAmerica crée le Prix de Poésie Jean-Fernand Brierre pour lui
rendre hommage. Son œuvre vaste est critique, intense et rebelle.
Principaux titres: Le drapeau de demain (1931), Chansons secrètes
(1933), Black Soul (1947), Dessalines nous parle (1953), La Source
(1956), Découvertes (1966), ainsi que Province (roman, 1935), Pétion
et Bolivar / El Adiós a la Marsellesa (théâtre, édition bilingue publiée
à Buenos Aires, 1955); Gorée, sketch historique (théâtre, 1966), Un
autre monde (chroniques de voyage, 1973).

BROUARD, CARL (Port-au-Prince, 1902-1965). Il a 16 ans lorsque


les marines nord-américains débarquent en Haïti, un événement
qui le marque profondément. Il s’initie au vodou, et mène une vie
bohème et nocturne, en marge de sa famille bourgeoise. Après avoir
passé quelque temps en France, il retourne au pays où il participe
activement aux débats locaux. En 1927, il publie son unique recueil
de poèmes: Écrit sur du ruban rose. Il intègre le comité de rédaction de
La Revue Indigène avec Jacques Roumain, parmi d’autres intellectuels
importants; et il collabore à l’éphémère revue La Trouée. En 1929,
il est directeur du journal Le Petit Impartial et, comme ses prédéces-
seurs, il ira en prison. En 1930, il reproche aux marxistes haïtiens
leur vision sociale limitée; il décide alors d’intégrer le célèbre groupe
Les Griots –créé par Louis Diaquoi, Lorimer Denis et François
Duvalier– dont la vocation est de mettre en valeur le folklore haïtien.
En 1963, ses amis créent le «Comité du 60e anniversaire de Carl
Brouard», et ils publient l’anthologie de ses œuvres Pages retrouvées.

BRUN, AMÉDÉE (Jacmel, 1868-Port-au-Prince, 1896). Poète et


avocat, de famille française. Il étudie à Port-au-Prince, et il n’a que
17 ans lorsque le journal Le Peuple publie deux de ses poèmes.
Les activités commerciales de ses parents lui laissent peu de temps
684
BRIERRE, JEAN-FERNAND (Jérémie, 1909-Port-au-Prince, 1992).
Embajador de Haití en Buenos Aires. Participa en las revistas La
Revue Indigène y Les Griots. Ejerce la abogacía y, por sus posiciones
políticas, es encarcelado por diferentes gobiernos conservadores
durante nueve años. Es un ferviente opositor a la intervención
norteamericana y al gobierno de Duvalier, por lo que, sufre un largo
exilio, primero en Jamaica y luego en Senegal, donde lleva una activa
vida cultural. Regresa a Haití en 1986. La fundación AfricAme-
rica creó el premio de poesía Jean-Fernand Brierre en su honor. Su
extensa obra es crítica, vehemente y rebelde.
Obras principales: Le drapeau de demain (1931), Chansons secrètes
(1933), Black Soul (1947), Dessalines nous parle (1953), La Source
(1956), Découvertes (1966); así como Province (novela, 1935), Pétion
et Bolivar / El Adiós a la Marsellesa (teatro, edición bilingüe publicada
en Buenos Aires, 1955), Gorée, sketch historique (teatro, 1966), Un
autre monde (crónicas de viaje, 1973).

BROUARD, CARL (Port-au-Prince, 1902-1965). Tiene 16 años


cuando los marines americanos desembarcan en Haití, hecho que
lo marca profundamente. Se inicia en la religión vodú y lleva una
vida bohemia y nocturna, al margen de su familia burguesa. Después
de pasar un tiempo en Francia vuelve a su tierra y participa activa-
mente en los debates locales. En 1927, publica su único poemario:
Écrit sur du ruban rose. Forma parte del comité de redacción de La
Revue Indigène, al lado de Jacques Roumain, entre otros destacados
intelectuales; y colabora con la efímera revista La Trouée. En 1929,
dirigió el periódico Le Petit Impartial y, como sus antecesores (Petit
y Roumain), irá a la cárcel. En 1930, al reprocharle a los marxistas
haitianos su visión social limitada, pasa a integrar el famoso grupo
Les Griots –creado por Louis Diaquoi, Lorimer Denis y François
Duvalier–, cuya vocación es poner en valor el folklore haitiano. En
1963, sus amigos forman el «Comité del 60 aniversario de Carl
Brouard» y publican la antología de sus obras Pages retrouvées.

BRUN, AMÉDÉE (Jacmel, 1868-Port-au-Prince, 1896). Poeta y


abogado, de familia francesa. Estudia en Puerto Príncipe y, con
apenas 17 años, el periódico Le Peuple le publica dos poemas. Las
actividades comerciales de sus padres le dejan poco tiempo para la

685
pour la poésie. Il étudie le Droit à Paris, et fréquente le Collège de
France, où il manifeste son intérêt pour la littérature. Son écriture
romantique s’exprime à travers sa poésie amoureuse et exotique.
Malgré sa courte vie, l’œuvre de Brun est ample. Il écrit des romans
(Deux amours, 1895), et des nouvelles, inspirées de son observation
de la réalité haïtienne, comme: Pages retrouvées (1895), Sans pardon
(édition posthume, 1909) et Combat de poyes et autres nouvelles (2009).

BURR-REYNAUD, FRÉDÉRIC (Port-au-Prince, 1884-1946). Poète,


dramaturge, professeur et essayiste. Il enseigne le latin et le français.
Lors de son expulsion du pays en 1910, il réside quelque temps en
Jamaïque. À son retour, il étudie le Droit. Il est Député de Léogâne,
et activiste contre l’occupation nord-américaine; il est aussi membre
de la Société Haïtienne des Lettres et des Arts. Sa poésie évoque la
période aborigène d’Haïti, dont il tente de reconstituer l’histoire et
les mœurs. Il publie quatre recueils de poèmes: Ascensions (1924),
Poèmes Quisqueyens (1926), Au fil de l´heure tendre (1929), Anathème
(1930); La corbeille (1943), et le drame en vers Anacaona (1927),
avec la collaboration de Dominique Hippolyte, en plus de l’œuvre
en prose intitulée Visages d’arbres et de fruits haïtiens (1940), qui
décrit les splendeurs de la nature tropicale.

CASTERA, GEORGES (Port-au-Prince, 1936). Dramaturge, poète et


artiste peintre. Très jeune, il fréquente le monde littéraire de la capi-
tale. En 1956, il voyage en Europe où il découvre la pensée marxiste
et le mouvement surréaliste, qui auront une grande influence sur ses
textes. Il abandonne ses études de médecine pour la poésie. Dans les
années soixante-dix, il part aux États-Unis et participe activement
à l’organisation politique de la communauté haïtienne à New York,
ainsi qu’à la création du groupe de théâtre Kouidor, avec Syto Cavé
et Hervé Denis. En 1986, il rentre au pays après trente ans d’exil, et
il contribue à la formation de jeunes poètes. Il est directeur littéraire
des éditions Mémoire, et membre de l’Association des Écrivains
Haïtiens. Il encourage l’utilisation du créole en tant que langue
littéraire de plein droit. Certains de ses poèmes ont été musicalisés.
Parmi ses nombreux livres: Poésie en créole: Klou gagit
(1965), Panzou (1970), Biswit leta (1978), Dan Zòrèy (1986);
Rèl (1995), Jòf (2001), Pwenba (2012), Gout pa gout (2012).
686
poesía. Estudia Derecho en París y frecuenta el Collège de France,
donde desarrolla su interés por la literatura. Su poesía pertenece al
romanticismo, expresado en composiciones amorosas y exóticas.
A pesar de su corta vida, la obra de Brun es amplia. Escribió nove-
las (Deux amours, 1895) y cuentos inspirados en sus observaciones
de la realidad haitiana, como: Pages retrouvées (1895), Sans pardon
(edición póstuma, 1909) y Combat de poyes et autres nouvelles (2009).

BURR-REYNAUD, FRÉDÉRIC (Port-au-Prince, 1884-1946). Poeta,


dramaturgo, profesor y ensayista. Enseña latín y francés. Al ser
expulsado del país en 1910, reside algún tiempo en Jamaica. A su
regreso estudia Derecho. Es Diputado de la ciudad de Leogane y
activista en contra de la ocupación americana; también forma parte
de la Sociedad Haitiana de Letras y Artes. Su poesía evoca el período
aborigen de Haití, cuya historia y costumbres intenta reconstituir.
Publicó cuatro poemarios: Ascensions (1924), Poèmes Quisqueyens
(1926), Au fil de l´heure tendre (1929), Anathème (1930), La corbeille
(1943) y el drama en verso Anacaona (1927) con la colaboración de
Dominique Hippolyte; además de la obra en prosa titulada Visages
d’arbres et de fruits haitiens (1940), que describe los esplendores de
la naturaleza tropical.

CASTERA, GEORGES (Port-au-Prince, 1936). Dramaturgo, poeta y


artista de la plástica. Desde joven frecuenta el mundo literario de
la capital. En 1956 viaja a Europa, donde descubre el pensamiento
marxista y el movimiento surrealista, que tendrán una gran influen-
cia en sus textos. Abandona sus estudios de medicina por la poesía.
En los años setenta viaja a los Estados Unidos, donde participa
activamente en la organización política de la comunidad haitiana
en Nueva York y en la formación del grupo de teatro Kouidor, con
Syto Cavé y Hervé Denis. En 1986, regresa a su país tras treinta años
de exilio y contribuye a la formación de jóvenes poetas. Es director
literario de las ediciones Mémoire y miembro de la Asociación de
Escritores Haitianos. Promueve el reconocimiento del creol como
lengua literaria de pleno derecho. Algunos de sus poemas en creol
han sido musicalizados.
Entre sus numerosas obras figuran: Poesía en creol: Klou gagit
(1965), Panzou (1970), Biswit leta (1978), Dan Zòrèy (1986),
Rèl (1995), Jòf (2001), Pwenba (2012) y Gout pa gout (2012).
687
Poésie en français: Le Retour à l’arbre (1974), Les Cinq lettres
(1992), Brûler (1999), et Choses de mer sur blessures d’encre (2010).
Théâtre: Tanbou Tibout-la bout (1970); Lèt ak sitron (1980),
Boulva Jan Jak Desalin (en collaboration avec Syto Cavé et Lyonel
Trouillot: 1987) et Au cœur de la nuit (1988).

CAVÉ, SYTO (Jérémie, 1944). Il étudie les Arts Dramatiques à


Port-au-Prince. Avec Charles-Alexandre Abellard et François Latour,
il fonde la Société des Messagers de l’Art, un groupe de poésie et de
théâtre. En 1968, il part en exil pour les États-Unis avec son épouse
Yanick Jean, où il crée le groupe de théâtre Kouidor, avec d’autres
Haïtiens (comme Georges Castera, Jacques Charlier et Hervé
Denis). À son retour en Haïti en 1982, il fonde l’Atelier des Arts
et Spectacles (ADASA), ainsi que la Compagnie de théâtre Vigie,
avec Toto Bissainthe. Cavé a écrit plus d’une douzaine de pièces de
théâtre, en créole et en français, ainsi que des poèmes, des romans
et des textes pour chansons.
Œuvres principales: Théâtre: Mémoires d’un balai (1971), La
parole des grands fonds (1973), Brakoupe (1987), Mèt Katye (1998).
Roman: Le singe du dormeur (1999), Van Cortland Club (2004),
Une rose rouge entre les doigts (2011). Poésie: Qui d’un soir (2011),
D’amour à mort / Damou a mò (2015).

COICOU, MASSILLON (Port-au-Prince, 1867-1908). Poète, roman-


cier, dramaturge et homme politique. Poésies nationales (1892) est
un chant patriotique et épique, qui relate l’histoire d’Haïti. Mais
il publie aussi Passions, primes vers d’amour et variations sur de vieux
thèmes (poésie romantique, 1903). En 1900, le gouvernement le
nomme Secrétaire de la Délégation d’Haïti à Paris. Pendant son
séjour, il publie deux œuvres: Passions et Impressions (1903); en
outre, il présente en 1904 la première de son grand drame «Liberté»
(inédit). À son retour en Haïti, il fonde L’œuvre, un projet destiné
aux jeunes intéressés par la littérature, il présente également plusieurs
pièces de théâtre. Par ailleurs, son roman La Noire (1905) paraît dans
le journal Le Soir, sous forme de feuilleton. Coicou consacre sa vie
à l’engagement politique et à la recherche de la vérité. Il s’oppose
au gouvernement de Pierre Nord Alexis, et il déclare publiquement
son intention de le renverser. Ses deux frères et lui seront exécutés
le 15 mars 1908, sur ordre du président.

688
Poesía en francés: Le Retour à l’arbre (1974), Les Cinq lettres
(1992), Brûler (1999) y Choses de mer sur blessures d’encre (2010).
Teatro: Tanbou Tibout-la bout (1970), Lèt ak sitron (1980),
Boulva Jan Jak Desalin (en colaboración con Syto Cavé y Lyonel
Trouillot 1987) y Au cœur de la nuit (1988).

CAVÉ, SYTO (Jérémie, 1944). Estudia Artes Dramáticas en Port-au-


Prince. Con Charles-Alexandre Abellard y François Latour, funda
la Sociedad de Mensajeros del Arte, un grupo de poesía y de teatro.
En 1968 se exilia en los Estados Unidos con su esposa Yanick Jean,
donde crea el grupo de teatro Kouidor con otros haitianos, entre ellos
Georges Castera, Jacques Charlier y Hervé Denis. Tras su retorno
a Haití, en 1982, funda el Taller de Artes y Espectáculos (ADASA)
y la compañía teatral Vigie con Toto Bissainthe. Cavé escribió más
de una docena de obras de teatro, en creol y en francés, así como
poesía, novela y textos para canciones.
Obras principales: Teatro: Mémoires d’un balai (1971), La parole
des grands fonds (1973), Brakoupe (1987), Mèt Katye (1998). Novela:
Le singe du dormeur (1999), Van Cortland Club (2004), Une rose
rouge entre les doigts (2011). Poesía: Qui d’un soir (2011), D’amour
à mort / Damou a mò (2015).

COICOU, MASSILLON (Port-au-Prince, 1867-1908). Poeta, nove-


lista, dramaturgo y político. Poésies nationales (1892) es un canto
patriótico y épico que recorre la historia de Haití. También publica
Passions, primes vers d’amour et variations sur de vieux thèmes (poesía
romántica, 1903). En 1900, el gobierno lo nombra secretario de la
Delegación de Haití en París. Durante su estancia publica dos obras:
Passions e Impressions (1903), estrena en 1904 su gran drama «Liber-
té» (inédito). Al volver a Haití funda L’œuvre, proyecto dedicado
a los jóvenes interesados en la literatura, y estrena varias obras de
teatro. Publica además su novela La Noire (1905) en folletines, en
el periódico Le Soir. Coicou se opone al gobierno de Pierre Nord
Alexis y anuncia públicamente su intención de derrocarlo. Sus dos
hermanos y él serán ejecutados por órdenes del presidente el 15 de
marzo de 1908.

689
COLIMON-HALL, MARIE-THÉRÈSE (Port-au-Prince, 1918-1997).
Femme écrivaine, éducatrice et féministe. Elle consacre sa vie à la
pédagogie et à la littérature, avec son conjoint, Louis D. Hall. C’est
une pionnière des sciences pédagogiques en Haïti. En plus de poète,
elle est essayiste et narratrice. Elle publie ses premières œuvres sous
le pseudonyme de Marie Bec. Militante active des droits de la femme,
elle plaide en faveur de l’équité de genre. En 1950 elle participe au
Congrès national des femmes haïtiennes, où elle présente un essai
sur le rôle féminin dans la société haïtienne. Elle collabore à l’édi-
tion de Femmes haïtiennes, publiée par la Ligue Féminine d’Action
Sociale (1953) et elle préside la Ligue de 1960 à 1971. En 1975
Colimon-Hall gagne le Prix littéraire France-Haïti pour son premier
roman, qui est aussi son livre le plus connu Fils de misère (1974).
Autres publications: La Fille de l’esclave (théâtre, 1949), La Source
(nouvelle, 1973), Mon cahier d’écritures (poésie, 1973), Haïtiennes
d’autrefois ou Le Message des aïeules (théâtre 1974), Le Chant des
Sirènes (nouvelles, 1979).

CHARLEMAGNE, MANNO (Port-au-Prince, 1948-2017). Troubadour,


chanteur de musique populaire, compositeur et guitariste, très enga-
gé dans la vie politique. Il grandit à Carrefour, un quartier populaire
de la capitale haïtienne. Dans les années soixante-dix, il participe au
mouvement «kilti libèté» (Culture et liberté), qui promeut le retour
à la tradition «twoubadou» (troubadour) de la musique paysanne
haïtienne. Il doit s’exiler dans les années quatre-vingt, puis à nouveau
de 1991 à 1994, lorsqu’il rentre au pays. En 1995, il est élu Maire de
Port-au-Prince après s’être présenté comme candidat indépendant
pour l’OPL (Òganizasyon Politik Lavalas), jusqu’à 1999; un rôle
politique qu’il regrettera ultérieurement. Son disque en créole Les
Inédits de Manno Charlemagne (2006) est une de ses œuvres les plus
profondes et provocatrices.

CHARLES, JEAN-CLAUDE (Port-au-Prince, 1949-Paris, 2008).


Poète, romancier, directeur et scénariste de documentaires pour la
télévision. Il s’inscrit à l’école de Médecine de Guadalajara, mais il
abandonne ses études pour se rendre aux États-Unis. Plus tard,
il s’installe en France, où il étudie le Journalisme et les Technologies
de l’information. Il travaille longtemps pour le journal Le Monde,

690
COLIMON-HALL, MARIE-THÉRÈSE (Port-au-Prince, 1918-1997).
Escritora, educadora y feminista. Dedica su vida a la pedagogía y
la literatura junto a su esposo Louis D. Hall. Es una pionera de
las ciencias pedagógicas en Haití. Además de poeta, es ensayista y
narradora, y publica sus primeras obras bajo el seudónimo de Marie
Bec. Promueve activamente los derechos de la mujer y aboga por
la equidad de género. En 1950 participa en el Congreso Nacional
de Mujeres Haitianas, donde presenta un ensayo sobre el papel de
la mujer en la sociedad haitiana. Participa en la edición de Femmes
haïtiennes, publicado por la Liga femenina de acción social (1953), y
es presidenta de dicha Liga de 1960 a 1971. En 1975 gana el Premio
Literario Francia-Haití por su primera y más conocida novela Fils
de misère (1974).
Otras obras: La Fille de l’esclave (teatro, 1949), La Source (cuento,
1973), Mon cahier d’écritures (poesía, 1973), Haïtiennes d’autrefois
ou Le Message des aïeules (teatro, 1974), Le Chant des Sirènes (cuen-
tos, 1979).

CHARLEMAGNE, MANNO (Port-au-Prince, 1948-2017). Trovador,


cantante de música popular, compositor y guitarrista; muy activo en
la vida política. Crece en Carrefour, un barrio popular de la capital
haitiana. En los años setenta, participa en «kilti libèté» (Cultura y
libertad), movimiento que pregona un retorno a la tradición «twou-
badou» (trovador) de la música campesina haitiana. Tiene que exiliar-
se durante los años ochenta, y nuevamente de 1991 a 1994, luego de
regresar a su país. En 1995, es elegido alcalde de Puerto Príncipe
después de presentarse como candidato independiente para la OPL
(Organización Política Lavalás) hasta 1999, papel político del que
se arrepentirá más tarde. Su disco en creol Les Inédits de Manno
Charlemagne (2006) es una de sus más profundas y provocativas
obras.

CHARLES, JEAN-CLAUDE (Port-au-Prince, 1949-Paris, 2008). Poeta,


novelista, director y guionista de documentales para la televisión. Se
inscribe en la escuela de medicina de Guadalajara, pero abandona
sus estudios para ir a los Estados Unidos. Posteriormente se insta-
la en Francia, donde sigue estudios de Periodismo y Tecnologías de la
Información. Trabaja muchos años en el periódico Le Monde, donde

691
où il publie des récits de voyage. Son génie est encore peu connu,
raison pour laquelle les éditions Mémoire d’encrier ont entrepris la
réédition de toute son œuvre. Parmi ses œuvres les plus importantes,
il faut citer Négociations (1972), Sainte Dérive des cochons (1977), Le
Corps noir (1980), De si jolies petites plages (1982), Bamboola Bamboche
(1984), Manhattan Blues (1985), et Ferdinand je suis à Paris (1987).

CHASSAGNE, RAYMOND (Jérémie, 1924-Montréal, 2013). Poète et


essayiste. Il vit exilé aux États-Unis entre 1959 et 1966, après avoir
démissionné de l’armée haïtienne (1957), subi un procès politique,
et passé neuf mois en prison. Plus tard, il s’installe au Canada, où il
prépare son Doctorat ès lettres sur l’œuvre d’Édouard Glissant. Il est
aussi professeur de Littérature au Québec, jusqu’à son retour en Haïti
en 1979, où il enseigne Littérature et Méthodologie à l’Université
d’État. En outre, il collabore dans plusieurs revues et il travaille pour
la radio et la télévision. Chassagne participe aux soirées littéraires du
club Batofou avec Anthony Phelps et Syto Cavé. Il décide de rentrer
au Canada en 2007. Parmi ses œuvres, on peut citer: Poésie: Mots
de passe (1976), Incantatoire (1996), Carnet de bord (2004), Éloge
du paladin (2012). Essai: Le gré de force (manifeste solitaire) (1998),
Petit manuel du citoyen / Yon ti liv tout sitwayen (1999).

DALEMBERT, LOUIS-PHILIPPE (Port-au-Prince, 1962). Poète,


romancier et essayiste. Il étudie la Littérature et le Journalisme
dans son pays natal. Il obtient plus tard un Doctorat en Littérature
comparée de la Sorbonne, avec une thèse sur l’écrivain cubain Alejo
Carpentier. Il remporte le Prix littéraire Casa de las Américas pour
son roman Les dieux voyagent la Nuit (2008). Dalembert reçoit de
nombreuses distinctions: Chevalier des Arts et des Lettres en France
(2010), la Bourse Barbancourt (2011), le Prix Thyde Monnier de la
Société des Gens de Lettres (2013). Il dirige également des ouvrages
collectifs, comme Haïti, une traversée littéraire, avec Lyonel Trouillot
(2010). Voyageur invétéré, il passe son temps entre l’Italie, la France
et Haïti, ainsi qu’en résidence littéraire dans différents pays. Ses
sujets de prédilection sont le «vagabondage», l’errance, l’enfance.
Parmi ses œuvres: Poésie: Évangile pour les miens (1982), Ces îles
de plein sel et autres poèmes (2000), Poème pour accompagner
l´absence (2005), Romans: L’Île du bout des rêves (2003), Rue du
692
publica relatos de viajes. Su genialidad aún es poco conocida y, para
remediar este vacío, las ediciones Mémoire d’encrier emprendieron
la reedición de toda su obra. Entre sus obras más importantes se
destacan Négociations (1972), Sainte Dérive des cochons (1977), Le
Corps noir (1980), De si jolies petites plages (1982), Bamboola Bamboche
(1984), Manhattan Blues (1985) y Ferdinand je suis à Paris (1987).

CHASSAGNE, RAYMOND (Jérémie, 1924-Montréal, 2013). Poeta y


ensayista. Vivió exiliado en los Estados Unidos entre 1959 y 1966,
después de renunciar al ejército haitiano (1957), ser víctima de un
juicio político y pasar nueve meses en la cárcel. Más tarde se trasla-
da a Canadá, donde presenta su doctorado en letras sobre la obra
de Édouard Glissant. Es profesor de literatura en Québec, hasta su
regreso a Haití en 1979, donde dio cursos de Literatura y Metodo-
logía en la Universidad del Estado. Además, colaboró en diferentes
revistas y trabaja para la radio y la televisión. Participó en las veladas
literarias del club Batofou con Anthony Phelps y Syto Cavé. Volvió
a Canadá en 2007. Entre sus obras se encuentran: Poesía: Mots de
passe (1976), Incantatoire (1996), Carnet de bord (2004), Éloge du
paladin (2012). Ensayo: Le gré de force (manifeste solitaire) (1998),
Petit manuel du citoyen / Yon ti liv tout sitwayen (1999).

DALEMBERT, LOUIS-PHILIPPE (Port-au-Prince, 1962). Poeta,


novelista y ensayista. Estudia Literatura y Periodismo en su país
natal. Más tarde, obtiene un doctorado en Literatura comparada en
la Sorbona, con una tesis sobre el escritor Alejo Carpentier. Recibe
el Premio Literario Casa de las Américas con la novela Los dioses
llegan de noche (2008). Dalembert a recibido numerosas distincio-
nes: Chevalier des Arts et des Lettres en Francia (2010), Bourse
Barbancourt (2011), Premio Thyde Monnier de la Société des Gens
de Lettres (2013). Dirige obras colectivas como Haïti, une traversée
littéraire, con Lyonel Trouillot (2010). Viajero empedernido, vive
entre Italia, Francia, Haití y otras residencias literarias. Sus temas
predilectos son el «vagabundeo», la errancia, la infancia.
Otras obras: Poesía: Évangile pour les miens (1982), Ces îles de plein
sel et autres poèmes (2000), Poéme pour accompagner l´absence (2005),
Novela: L’Île du bout des rêves (2003), Rue du Faubourg Saint-Denis
(2005), Epi oun jou konsa tét Pastè Bab pati (en creol, 2008), Noires
693
Faubourg Saint-Denis (2005), Epi oun jou konsa tét Pastè Bab pati
(en créole, 2008), Noires blessures (2011), Récits: Les bas-fonds de la
mémoire (2012), Vodou! Un tambour pour les anges (nouvelle, 2003),
Le roman de Cuba (document, 2009).

DAVERTIGE, pseud. de VILLARD DENIS (Port-au-Prince, 1940-


Montréal, 2004). Écrivain, homme politique et peintre. À 12 ans,
parallèlement à son cours privé d’enseignement régulier, il s’inscrit
auprès d’un centre d’éducation nationale. Il y pratique la peinture
et la céramique, avec le grand Tiga, et il y rencontre aussi d’autres
artistes. Il écrit ses premiers poèmes à 17 ans. Davertige appartient
au groupe littéraire Samba, devenu plus tard l’important groupe
Haïti Littéraire, à côté de Phelps, Legagneur et Philoctète, entre
autres. D’idéologie communiste, il participe activement à la lutte
estudiantine. Davertige visite les États-Unis, la France et Montréal,
la ville où il finira ses jours. Tel que son nom le suggère, son œuvre
inclassable est un vertige d’images et d’incitations. Poésie: Idem
(1962), Idem et autres poèmes (1964). Son œuvre est rassemblée
dans l’anthologie poétique Anthologie secrète (2003) publiée par
Mémoire d’encrier.

DEPESTRE, RENÉ (Jacmel, 1926). Poète, essayiste et romancier. En


1945, il s’associe aux écrivains tels que Jacques Stephen Alexis et
Gérald Bloncourt, afin de créer l’une des revues phares de la pensée
littéraire et intellectuelle d’Haïti: La Ruche. Il est emprisonné sous
le régime dictatorial de François Duvalier, et il est forcé de partir en
exil. Il vit à Paris, où il étudie les Lettres et les Sciences politiques
à la Sorbonne. Il résidera également en Amérique du Sud, et de
nombreuses années à Cuba, avant de s’installer définitivement en
France. En 1979, il entre au Secrétariat de l’UNESCO, afin de
travailler dans les programmes de création artistique et littéraire,
jusqu’en 1986, lorsqu’il se retire au sud de la France pour se consacrer
uniquement à la littérature. Il obtient le Prix Renaudot et la bourse
Guggenheim des Arts. Depestre est une personnalité emblématique
du XXème siècle, car il a rencontré nombre de ses principaux prota-
gonistes; de Neruda au Che Guevara, en passant par André Breton,
Aimé Césaire, Jorge Amado, Hô Chi Minh ou Nicolás Guillén.

694
blessures (2011), Cuento: Les bas-fonds de la mémoire (2012), Vodou!
Un tambour pour les anges (relato, 2003), Le roman de Cuba (docu-
mento, 2009).

DAVERTIGE, seud. de VILLARD DENIS (Port-au-Prince, 1940-


Montréal, 2004). Escritor, político y pintor. A los 12 años, para-
lelamente a su curso privado de enseñanza regular, se matricula en
un centro de educación nacional, donde practica la pintura y la ce-
rámica con el gran Tiga, y se encuentra con otros artistas. Escribe
sus primeros poemas a los 17 años. Pertenece al grupo literario
Samba, que será luego el importante Haïti Littéraire, al lado de
Phelps, Legagneur y Philoctète, entre otros. De ideología comunis-
ta, participa activamente en la lucha estudiantil. Visita los Estados
Unidos, Francia y Montreal, ciudad donde terminará sus días. Como
su nombre lo sugiere, su obra inclasificable es un vértigo de imágenes
y sugerencias. Poesía: Idem (1962), Idem et autres poèmes (1964). Su
obra ha sido recopilada por la editorial Mémoire d’encrier en una
antología poética titulada Anthologie secrète (2003).

DEPESTRE, RENÉ (Jacmel, 1926). Poeta, ensayista y novelista. A


mediados de 1945 se une a escritores como Jacques Stephen Alexis
y Gérald Bloncourt para formar una de las más influyentes revis-
tas del pensamiento literario e intelectual de Haití, La Ruche. Es
encarcelado durante el régimen dictatorial de François Duvalier y
obligado a exiliarse. Vive en París, donde estudia Letras y Ciencias
Políticas en la Sorbona; también vive en Sudamérica y en Cuba,
donde reside por largo tiempo, antes de instalarse definitivamente
en Francia. En 1979 integra el secretariado de la UNESCO para
trabajar en los programas de creación artística y literaria hasta
1986, cuando se retira al sur de Francia para dedicarse exclusi-
vamente a la literatura. Obtiene el Premio Renaudot y la Beca
Guggenheim en Artes. Depestre es un hombre emblemático del
siglo XX por haber conocido y frecuentado gran parte de sus prin-
cipales figuras: desde Neruda al Che Guevara, pasando por André
Breton, Aimé Césaire, Jorge Amado, Hô Chi Minh y Nicolás
Guillén.

695
Parmi ses œuvres principales: Poésie: Étincelles (1945), Traduit
du Grand Large (1952), Cantate d’Octobre à la Vie et à la Mort du
Commandant Ernesto Che Guevara (1968), Poète à Cuba (1976),
Au matin de la négritude (1990), Un été indien de la parole (2001),
Non-assistance à poète en danger (2005). Essai: Pour la révolution pour
la poésie (1974), Bonjour et Adieu à la Négritude (1980), Le Métier à
métisser (1998) et Ainsi parle le fleuve noir (1998). Roman: Le Mât
de cocagne (1979), Hadriana dans tous mes Rêves (1988), Éros dans
un train chinois (1990) et L’œillet ensorcelé (2006).

DESMANGLES, DOMINIQUE (Port-au-Prince, 1963). Elle a obtenu


le diplôme de l’Institut universitaire d’études du développement
à Genève, Suisse. Parallèlement à son activité professionnelle, elle
réalise des projets de mise en valeur du patrimoine culturel et artis-
tique haïtien en Suisse, en tant que femme écrivaine, conseillère
artistique et productrice culturelle. Elle est fort active dans le domaine
de la diaspora et de l’intégration. Desmangles a reçu plusieurs prix
littéraires dont le Grand Prix Toussaint Louverture en 2003. En
2011, le centre culturel latino-américain Tierra Incógnita de Genève
a organisé une veillée pour lui rendre hommage.

DESRIVIÈRES, JEAN-DUROSIER (Port-au-Prince, 1972). Drama-


turge et poète. Diplômé en Littérature francophone de l’Université
de la Martinique; il suit des études de théâtre à l’Université Lumière-
Lyon 2. Il reste étroitement lié à l’Académie martiniquaise, où il
enseigne les Lettres et s’occupe de projets culturels. Ses articles
paraissent dans des publications telles que Conjonction, Bacchanales et
Riveneuve Continents. Il est membre fondateur de la revue L’Incertain
et coauteur du Dictionnaire des écrivains francophones classiques (2010 /
2013). Il a publié en français et en créole les recueils de poèmes:
Bouts de ville à vendre, poésie d’urgence (2010) et Lang nousousse nan
sous - Notre langue se ressource aux sources (2011).

DIEUDONNÉ, LAURE-EDNIE (Cap-Haïtien, 1976). Poétesse et


artiste spécialisée en gravure. Elle arrive en Suisse à l’âge de 5 ans.
Elle enseigne dans un collège de Genève, en plus de participer
à des projets sur les afrodescendants (lectures, danse, cinéma et

696
Entre sus libros se destacan: Poesía: Étincelles (1945), Traduit
du Grand Large (1952), Cantate d’Octobre à la Vie et à la Mort du
Commandant Ernesto Che Guevara (1968), Poète à Cuba (1976), Au
matin de la négritude (1990), Un été indien de la parole (2001), Non-
assistance à poète en danger (2005). Ensayo: Pour la révolution pour
la poésie (1974), Bonjour et Adieu à la Négritude (1980), Le Métier à
métisser (1998) y Ainsi parle le fleuve noir (1998). Novelas: Le Mât
de cocagne (1979), Hadriana dans tous mes Rêves (1988), Éros dans
un train chinois (1990) y L’œillet ensorcelé (2006).

DESMANGLES, DOMINIQUE (Port-au-Prince, 1963). Es diplomada


del Instituto Universitario de Estudios del Desarrollo de Ginebra,
Suiza. Como escritora, consejera artística y productora cultural, lleva
a cabo proyectos de puesta en valor del patrimonio cultural y artís-
tico haitianos en Suiza. Es muy activa en el área de la diáspora y
de la integración. Recibió varios premios literarios como el Grand
Prix Toussaint Louverture en 2003. En 2011, el centro cultural
latinoamericano Tierra Incógnita en Ginebra organizó un homenaje
en su honor.

DESRIVIÈRES, JEAN-DUROSIER (Port-au-Prince, 1972). Dramatur-


go y poeta. Graduado en Literatura francófona por la Universidad
de Martinica; estudia teatro en la Universidad Lumière-Lyon 2.
Sigue estrechamente vinculado a la Academia de Martinica, donde
enseña Letras y trabaja en proyectos culturales. Sus artículos son
publicados en revistas como Conjonction, Bacchanales y Riveneuve
Continents. Es miembro fundador de la revista L’Incertain y coautor
del Dictionnaire des écrivains francophones classiques (2010/2013). Ha
escrito y publicado en francés y en creol los poemarios: Bouts de ville
à vendre, poésie d’urgence (2010) y Lang nousousse nan sous - Notre
langue se ressource aux sources (2011).

DIEUDONNÉ, LAURE-EDNIE (Cap-Haïtien, 1976). Poeta y artista,


especializada en grabado. Llega a Suiza a los 5 años. Enseña en
un colegio de Ginebra, además de participar en proyectos sobre
afrodescendientes (lecturas, danza, cine, teatro) y de predicar en
una iglesia protestante. Admiradora de la poesía de René Depestre

697
théâtre), et de prêcher dans une église protestante. Admiratrice de la
poésie de René Depestre et d’Aimé Césaire, elle a obtenu le second
prix du concours Grand Prix Poétique du Kaïlcedrat Royal, pour
«Éloge grandiose», dédié à Césaire. «Les comestibles», «Brûlure»,
«L’Échine du ciel», «Petits brouillards» et «Échos» sont des livres
inédits, dans lesquels elle combine avec délicatesse la gravure et la
poésie manuscrite, et qui ont été présentés dans plusieurs galeries
et librairies de Suisse.

D ORCÉ , R ICARSON (Petit-Goâve, 1987). Poète, licencié en


Psychologie, Master en Sciences du développement, et en Histoire,
Mémoire et Patrimoine. Dorcé est membre de plusieurs associations
en France, au Canada et en Haïti. Il dirige la collection Études
Haïtiennes des Classiques des Sciences sociales au Québec, une des
plus grandes bibliothèques francophones. Publications: Poésie: Un
poète est un chien (2012), Je suis un poète afro-caribéen (2013) et Les
saisons de la nuit (2014). Prose: La psychologie de l’enfant en domesticité
(essai, 2011), La prostitution au propre et au figuré. L’amour, le sida et
le séisme (nouvelle, 2012) et Tchaka Gede (2014).

DOVILAS, ANDERSON (Port-au-Prince, 1985). Poète, dramaturge


et acteur. Il découvre la poésie à l’école: une punition qui était
imposée à ses espiègleries, et qu’il n’abandonnera plus. Il étudie
la Linguistique et la Psychologie à l’Université d’État d’Haïti. En
2010, Dovilas fonde la Sosyete Powèt Kreyolofòn (Société des
Poètes Créolophones), afin de promouvoir l’amour pour la lecture et
l’écriture en langue maternelle, cherchant à pérenniser les traditions
et les créations du peuple haïtien. Il est l’auteur de Mon pays, rien de
luxe (2012) et Mémoire d’outre-monde (2014).

DUPRÉ, ANTOINE (Cap-Haïtien, 1782-1816). Poète et dramaturge,


il reçoit une formation très élémentaire étant donné la situation de
précarité postindépendance. Malgré cela, il est l’un des premiers
à publier des poèmes (en 1812), et dont les pièces de théâtre sur
l’indépendance sont représentées. Dupré est un fervent partisan
du général Pétion, ainsi qu’un ennemi juré de l’Empereur Henri
Christophe. Positions exprimées énergiquement dans ses écrits, au
cœur d’une nation si récente, où poésie et politique se confondent

698
y Aimé Césaire, obtuvo el 2.º puesto del Grand Prix Poétique
du Kaïlcedrat Royal por el poema «Éloge grandiose», dedicado a
Césaire. «Les comestibles», «Brûlure», «L’Échine du ciel», «Petits
brouillards» y «Échos» son libros inéditos, en los que combina con
delicadeza el grabado y la poesía manuscrita, y que han sido expues-
tos en diversas galerías y librerías de Suiza.

DORCÉ, RICARSON (Petit-Goâve, 1987). Poeta, licenciado en Psico-


logía, máster en Ciencias del desarrollo y en Historia, Memoria y
Patrimonio. Es miembro de varias asociaciones en Francia, Canadá
y Haití. Dirige la colección Estudios Haitianos de los Clásicos de
Ciencias Sociales, en Québec, una de las mayores bibliotecas fran-
cófonas. Publicaciones: Poesía: Un poète est un chien (2012), Je suis
un poète afro-caribéen (2013) y Les saisons de la nuit (2014). Prosa:
La psychologie de l’enfant en domesticité (ensayo, 2011), La prostitution
au propre et au figuré. L’amour, le sida et le séisme (cuento, 2012) y
Tchaka Gede (2014).

DOVILAS, ANDERSON (Port-au-Prince, 1985). Poeta, dramaturgo


y actor. En el colegio descubre la poesía; un castigo impuesto a
sus travesuras y que, desde entonces, nunca abandonó. Estudia
Lingüística y Sicología en la Université d’État d’Haïti. En 2010
crea la Sosyete Powèt Kreyolofòn (Sociedad de Poetas en Creol)
para promover el amor por la lectura y la escritura en la lengua
materna, buscando perennizar tradiciones y creaciones del pueblo
haitiano. Es autor de Mon pays, rien de luxe (2012) y Mémoire
d’outre-monde (2014).

DUPRÉ, ANTOINE (Cap-Haïtien, 1782-1816). Poeta y dramaturgo.


Recibe una formación muy básica debido a la situación precaria
posindependencia. Aún así, es uno de los primeros en publicar poesía
(en 1812), y sus obras sobre la independencia son representadas. Es
un partidario acérrimo del general Pétion y un enemigo declarado del
emperador Henri Christophe, posturas que expresa enérgicamente
en sus escritos, en una nación tan reciente, donde poesía y política
aún se confunden. Publica romances y cantos patrióticos de gran
éxito, y logra que se vuelva a abrir la Comédie de Port-au-Prince,
inmediatamente después de la independencia.

699
encore. Il publie des romances et des chants patriotiques à succès,
et il parvient à faire rouvrir la Comédie de Port-au-Prince, au lende-
main de l’indépendance.
Dupré est connu par ses ouvrages historiques, tels que Hymne à la
liberté (1812), La Jeune Fille (1813), Le Rêve d’un Haytien (1815),
La Mort du Général Lamarre (1815). Il meurt lors d’un duel à l’âge
de 34 ans.

DURAND, CHARLES ALEXIS OSWALD (Cap-Haïtien, 1840-Port-au-


Prince, 1906). Forgeron, professeur, directeur de lycée, haut fonc-
tionnaire, poète et journaliste. Durand est le premier grand poète
d’Haïti; c’est le créateur du «Chant National», l’hymne haïtien de
1893 à 1904; et de «Choucoune», le premier poème créole (écrit
en prison), connu de tous les Haïtiens. Il a été marié pendant huit
ans à Virginie Sampeur, la première poétesse haïtienne. En 1876,
il publie ses premiers poèmes dans le journal L’Avenir, dont il est
collaborateur. À Port-au-Prince, il lance le journal satirique et litté-
raire Les Bigailles (1876-1878), peu apprécié par les autorités. Ses
thèmes de prédilection sont: l’indépendance haïtienne, la défense
de la «race» et du territoire national face aux constantes menaces
extérieures, ainsi que la femme. Ses recueils les plus représentatifs
sont: Ces Allemands (1872), Choucoune (1883), Rires et Pleurs (1896,
2 vols.) et Quatre nouveaux poèmes (1899).

DUVIVIER HALL, LOUIS (Cayes, 1865-1938). Poète, éducateur,


directeur du lycée national de sa ville, et époux de Marie-Thérèse
Colimon. Dans son recueil À l’ombre du mapou (1931), Duvivier
évoque divers éléments de la nature et de la culture haïtiennes, et il
se déclare petit-fils de l’Afrique lointaine; exprimant ainsi des thèmes
chers à la tendance indigéniste de son époque.

EJÈN, MANNO / EUGÈNE, EMMANUEL (Guantánamo, 1946).


Poète et journaliste. Il grandit et étudie en Haïti. Depuis 1973,
il habite Montréal. Il est président du mouvement Regwoupman
Ekriven Kreyòl (Groupe des Écrivains Créoles), membre du
Mouvement créole haïtien et de la Société Koukouy. Son recueil
Egziltik (1988) constitue l’une des premières tentatives d’écriture

700
Es conocido por sus obras históricas, como Hymne à la liberté
(1812), La Jeune Fille (1813), Le Rêve d’un Haytien (1815), La
Mort du Général Lamarre (1815). Muere en un duelo a los 34 años
de edad.

DURAND, CHARLES ALEXIS OSWALD (Cap-Haïtien, 1840-Port-au-


Prince, 1906). Herrero, profesor, director de liceo, alto funcionario,
poeta y periodista. Durand es el primer gran poeta de Haití; es el
creador del «Chant National», himno haitiano de 1893 a 1904;
y de «Choucoune», el primer poema creol (escrito en la cárcel),
conocido por todos los haitianos. Estuvo casado durante ocho
años con Virginie Sampeur, la primera poetisa haitiana. En 1876,
publica sus primeros poemas en el periódico L’Avenir, donde colabo-
raba. En Port-au-Prince funda el periódico satírico y literario Les
Bigailles (1876-1878), poco apreciado por las autoridades. Sus temas
predilectos son: la independencia haitiana, la defensa de la «raza»
y del territorio nacional ante las constantes amenazas exteriores, y
la mujer. Sus poemarios más representativos son: Ces Allemands
(1872), Choucoune (1883), Rires et Pleurs (1896, 2 vol.) y Quatre
nouveaux poèmes (1899).

DUVIVIER HALL, LOUIS (Les Cayes, 1865-1938). Poeta, educador,


director del liceo nacional de su ciudad, y esposo de Marie-Thérèse
Colimon. En su poemario À l’ombre du mapou (1931), Duvivier
evoca diversos elementos de la naturaleza y la cultura haitianas, y se
declara nieto de la lejana África; expresando así temas de la tendencia
indigenista de su época.

EJÈN, MANNO / EUGÈNE, EMMANUEL (Guantánamo, 1946).


Poeta y periodista, se cría y estudia en Haití. Desde 1973 vive en
Montreal. Es presidente fundador del movimiento Regwoupman
Ekriven Kreyòl (Grupo de Escritores Creol), miembro del Movi-
miento Creol Haitiano y de la Sociedad Koukouy. Su poemario
Egziltik (1988) constituye una de las primeras tentativas de escritura
del exilio en creol. Ejèn se niega a expresarse en otro idioma, prego-
na el uso del creol como lengua literaria y como único medio para

701
de l’exil en langue créole. Ejèn refuse de s’exprimer autrement qu’en
cette langue, il prône l’utilisation du créole comme langue littéraire,
et comme seul moyen de construire son identité. D’autres titres:
Vwa Zandò La voix des mystères (2007), Aganmafwezay (2008), Sezon
Papiyon (2013).

ÉTHÉARD, LIAUTAUD (Port-au-Prince, 1826-1888). Dramaturge,


essayiste et homme politique. En 1879, il est nommé Secrétaire
d’État sous la présidence de Pierre Théoma Boisrond Canal. Éthéard
est le premier critique littéraire d’Haïti. Il publie des poèmes, des
romans historiques et des pièces de théâtre, parmi lesquelles: Guelphes
et Gibelins (1855), Le Monde de chez nous (1857), Miscellanées (1858);
La Fille de l’empereur (1860); Le gouvernement de Boisrond Canal: la
France et l’emprunt de 1875 (1882).

EXAVIER, MARC K. (Saint-Louis du Nord, 1962). Éducateur, poète


et journaliste. Il étudie la Médecine, la Linguistique, la Littérature
moderne et l’Éducation. Il est professeur de littérature en Haïti et
au Canada. Il est aussi journaliste culturel. Exavier dirige des ateliers
d’écriture créative, ainsi que des associations visant à la promotion
de la lecture auprès de la jeunesse haïtienne. Œuvres: Poésie: Les sept
couleurs du sang (1983), Le cœur inachevé (1991), Soleil, caillou blessé
(1994), Chansons pour amadouer la mort, suivie de Le cœur inachevé
(2005), Récit: Numéro… effacé (2001).

FABRY, CLAUDE, pseud. de ARTHUR BONHOMME (Port-au-Prince,


1910-?). Auteur de Les Tendances d’une génération, avec Lorimer
Denis et François Duvalier (1934) et de L’âme du Lambi, avec le
poète Léon Laleau (1937). Ce recueil suscite plusieurs articles dans
la presse, car il propose un style innovateur et esthétiquement réussi.
Bonhomme se sert d’un pseudonyme, car il occupe des postes dans
la fonction publique, tels que Directeur du Bureau d’éducation
des adultes. Dans ce contexte, il collabore avec Alfred Métraux et
Suzanne Comhaire-Sylvain, pour un projet d’enseignement rural
dans la vallée de Marbial, dans les années quarante, financé par
l’Unesco.

702
construir su identidad. Otros títulos: Vwa Zandò La voix des mystères
(2007), Aganmafwezay (2008), Sezon Papiyon (2013).

ÉTHÉARD, LIAUTAUD (Port-au-Prince,1826-1888). Dramaturgo,


ensayista y hombre político. En 1879 es nombrado Secretario de
Estado bajo la presidencia de Pierre Théoma Boisrond-Canal. Es el
primer crítico literario de Haití. Publica poemas, novelas históricas
y obras de teatro, entre las que se destacan: Guelphes et Gibelins
(1855), Le Monde de chez nous (1857), Miscellanées (1858), La Fille
de l’empereur (1860), Le gouvernement de Boisrond Canal: la France
et l’emprunt de 1875 (1882).

EXAVIER, MARC K. (Saint-Louis du Nord, 1962). Educador,


poeta y periodista. Estudia Medicina, Lingüística, Literatura
Moderna y Educación. Es profesor de literatura en Haití y
Canadá. Es también periodista cultural. Exavier dirige talleres de
escritura creativa y asociaciones para la promoción de la lectura
en la juventud haitiana. Obras: Poesía: Les sept couleurs du sang
(1983), Le cœur inachevé (1991), Soleil, caillou blessé (1994),
Chansons pour amadouer la mort, suivi par Le cœur inachevé
(2005). Relato: Numéro… effacé (2001).

FABRY, CLAUDE, seud. de ARTHUR BONHOMME (Port-au-Prince,


1910-?). Autor de Les Tendances d’une génération, con Lorimer
Denis y François Duvalier (1934) y L’âme du Lambi con el poeta
Léon Laleau (1937). Este poemario suscita varios artículos en la
prensa al proponer una lírica innovadora y estéticamente lograda.
Bonhomme usa un seudónimo porque ocupa cargos administrativos
importantes, como el de director de la Oficina de Educación para
Adultos. En ese contexto colaboró con Alfred Métraux y Suzanne
Comhaire-Sylvain en un proyecto de enseñanza rural en el valle de
Marbial, en los años cuarenta, financiado por la Unesco.

FAUBERT, IDA (Port-au-Prince, 1882-Joinville-le-Pont, Fran-


ce, 1969). Escritora, hija del presidente Lysius Salomon. Sus prime-
ros poemas se publican en 1912 en Haïti Littéraire et Scientifique, una
importante revista literaria. Es la primera vez que una mujer publica

703
FAUBERT, IDA (Port-au-Prince, 1882-Joinville-le-Pont, Fran-
ce, 1969). Femme écrivaine, fille de l’ancien président d’Haïti Lysius
Salomon. Ses premiers poèmes paraissent en 1912 dans Haïti Litté-
raire et scientifique, une importante revue littéraire haïtienne. C’est la
première fois qu’une femme publie des vers sans devoir utiliser un
pseudonyme. Faubert s’installe définitivement en France en 1914,
où elle côtoie les mouvements féministes et artistiques. Elle publie
dans Les annales politiques et littéraires, La Gazette de Paris, Le Journal
du Peuple, Lisez-moi Bleu, et dans des revues littéraires italiennes. En
1939, ses poèmes sont réunis dans le volume Cœur des îles; puis elle
publie des textes sur la vie quotidienne en Haïti Sous le soleil caraïbe,
histoires d’Haïti et d’ailleurs (1959). Anthologie secrète (2007) réunit
ses deux œuvres précédentes.

FLEURY-BATTIER, ALCIBIADE (Port-au-Prince, 1841-1883). Il est


enseignant, Directeur de l’école primaire de Miragoâne en 1865, et
nommé Chef de Division au Département d’Instruction publique
en 1883. Cette même année, il meurt atteint de variole à l’âge de
42 ans. Il fait partie du romantisme haïtien, et s’inspire du mouve-
ment patriotique de la génération précédente (1936). De langage
sobre et de fine sensibilité, le poète atteint la forme la plus simple
d’expression; le «naturisme», comme les critiques ont qualifié son
œuvre. Une simplicité qui s’exprime par des sujets universels comme
la patrie, la foi, la nature, l’amour; toujours abordés avec l’élégance
des poètes romantiques français, dont Fleury-Battier s’inspire. Il n’a
laissé qu’une seule œuvre connue: Sous les bambous (1881).

FOUAD, ANDRÉ (Port-au-Prince,1972). Il étudie la Comptabilité,


le Journalisme et la Communication. Il travaille pour le journal Le
Nouvelliste, ainsi que pour la télévision nationale d’Haïti, en tant
que présentateur et éditeur de la section culturelle. À Miami, il est
élu artiste de la saison par l’Alliance Française en 2005; puis il est
élu Poète de l’année, à l’occasion du mois du patrimoine culturel
d’Haïti, en 2007. Œuvre poétique: Gerbe d’espérance (1992), En
quête de lumière (1992), Bri lan nwit (2000), Etensèl mo’m yo (2006).

FRANKÉTIENNE, pseud. de FRANCK ÉTIENNE (Ravine Sèche, 1936).


Enseignant, peintre, écrivain, chanteur, acteur et dramaturge; c’est

704
versos sin necesidad de usar un seudónimo. Faubert se instala defi-
nitivamente en Francia en 1914, donde se vincula con movimientos
feministas y artísticos. Faubert publica en Les annales politiques et
littéraires, La Gazette de Paris, Le Journal du Peuple, Lisez-moi Bleu
y en revistas literarias italianas. En 1939, sus poemas son reunidos
en el volumen Cœur des îles. También publica una serie de cuentos
haitianos: Sous le soleil caraïbe, histoires d’Haïti et d’ailleurs (1959).
Anthologie secrète (2007) reúne sus dos obras anteriores.

FLEURY-BATTIER, ALCIBIADE (Port-au-Prince, 1841-1883). Es


maestro, director de la escuela primaria Miragoâne en 1865, y
nombrado Jefe de División en el Departamento de Instrucción
Pública en 1883. Muere ese mismo año de viruela, a los 42 años.
Pertenece al romanticismo haitiano y se inspira en el movimiento
patriótico de la generación anterior (1936). De lenguaje sobrio y
de sensibilidad aguda, el poeta logra la forma más simple de expre-
sión, calificada de «naturismo» por los críticos su obra. Sencillez
que se expresa a través de temas universales como el de la patria, la
fe, la naturaleza, el amor; y que trata con la elegancia de los poetas
románticos franceses, en los que Fleury-Battier se inspira. La única
obra que le conocemos es Sous les bambous (1881).

FOUAD, ANDRÉ (Port-au-Prince, 1972). Estudia Contabilidad,


Periodismo y Comunicación. Trabaja en el diario Le Nouvelliste y
en la televisión nacional de Haití como presentador y editor de la
sección cultural. En Miami, es elegido artista de la temporada por
la Alianza Francesa en 2005; luego es elegido Poeta y líder cultural
del año, en el mes del Patrimonio Cultural de Haití, en 2007. Obra
poética: Gerbe d’espérance (1992), En quête de lumière (1992), Bri
lan nwit (2000), Etensèl mo’m yo (2006).

FRANKÉTIENNE, seud. de FRANCK ÉTIENNE (Ravine-Sèche , 1936).


Maestro, pintor, escritor, cantante, actor y dramaturgo. Es uno de
los escritores haitianos de mayor importancia. Su vida y obra están
marcadas por el contexto de su nacimiento: hijo de una campesina
haitiana violada por un empresario norteamericano, Frankétienne
vivió en carne propia todas las paradojas de la sociedad haitiana.

705
un des écrivains haïtiens les plus importants. Sa vie et son œuvre
sont marquées par le contexte de sa naissance. Fils d’une paysanne
haïtienne violée par un homme d’affaires nord-américain, Fran-
kétienne a vécu en chair et en os tous les paradoxes de la société
haïtienne. Profondément lié à sa terre, il va y demeurer même
pendant les années obscures de la dictature duvaliériste, créant des
formes subversives et marronnes d’expression. Son œuvre, en français
et en créole, est monumentale. Il rompt avec les genres, mélangeant
images, calligraphie, peinture; il crée de nouveaux mots, et un univers
extraordinaire de sons évocateurs, afin de faire de chaque page un
objet d’art qu’il appelle «spirale». Chacune de ses œuvres est profon-
dément enracinée dans l’histoire contemporaine d’Haïti, ainsi que
dans sa propre biographie. L’auteur a publié une douzaine de pièces
de théâtre et un roman en créole, ainsi que plus de cinquante titres
en français (poésie, roman, spirale) dont: Ultravocal (Spirale) (1972),
Dézafi (1975), Kaselezo (1985/1987), Les Métamorphoses de l’Oiseau
schizophone (Spirale) (8 vol. de 1993 à 2003), L’Amérique saigne
(1995), Rapjazz, Journal d’un paria (1999), H’Eros-Chimères (2002),
Galaxie Chaos-Babel (2006), Melovivi ou Le piège suivi de Brèche
ardente (2010), Chaophonie (2014).

GOUSSE, EDGARD (Jacmel, 1950). Professeur universitaire et écri-


vain, il habite depuis plus de vingt ans à Montréal. De 1992 à 1998, il
est éditeur et directeur de Ruptures, une revue littéraire diffusée dans
trente pays. L’Union des Écrivains et Artistes de Cuba lui décerne la
médaille José María Heredia en 1995, et le nomme vice-président
du Congrès Mondial de Poésie qu’elle organise en 1999. Parmi
ses œuvres poétiques, il faut citer: La Sagesse de L’aube (1997); Les
oiseaux se taisent et me regardent (2008); Chemins poétiques - Cami-
nos poéticos (anthologie de jeunes poètes cubains et haïtiens 2014).
Romans et récits: Les Yeux de la Chair (2004), Kolangèt Madan
Bwadòm (2012), Le pouvoir du Sexe (2014), ou des essais, comme
l’analyse du centenaire de l’occupation nord-américaine 1915-2015.
100 ans dans le ventre de la bête.

GUILBAUD, TERTULIEN MARCELIN (Port-de-Paix, 1856-Port-au-


Prince, 1937). Écrivain et homme politique. Il est considéré l’un

706
Profundamente atado a su tierra, permanecerá en ella incluso duran-
te los años oscuros de la dictadura duvalierista, creando formas
subversivas y cimarronas de expresión. Su obra, en francés y creol,
es monumental. Rompe con los géneros, mezcla imágenes, cali-
grafía, pintura, creando nuevas palabras y un universo jitanjafórico
extraordinario para hacer de cada página un objeto de arte que él
llama «espiral». Cada una de sus obras está profundamente arraiga-
da en la historia contemporánea de Haití y en su propia biografía.
Cuenta con unas diez obras teatrales y una novela en creol, y con
más de cincuenta títulos en francés (poesía, novela, espiral). Entre
ellos se destacan: Ultravocal (Spirale) (1972), Dézafi (1975), Kase-
lezo (1985/1987), Les Métamorphoses de l’Oiseau schizophone (Spirale)
(8 vol. de 1993 a 2003), L’Amérique saigne (1995), Rapjazz, Journal
d’un paria (1999), H’Eros-Chimères (2002), Galaxie Chaos-Babel
(2006), Melovivi ou Le piège / Brèche ardente (2010), Chaophonie
(2014).

GOUSSE, EDGARD (Jacmel, 1950). Profesor universitario y escritor.


vive desde hace más de veinte años en Montreal. De 1992 a 1998
es editor y director de Ruptures, una revista literaria difundida en
treinta países. La Unión de Escritores y Artistas de Cuba le otorga
la medalla José María Heredia en 1995 y lo nombra vicepresidente
del Congreso Mundial de Poesía en 1999. Entre sus obras poéticas:
La Sagesse de L’aube (1997), Les oiseaux se taisent et me regardent
(2008), Chemins poétiques - Caminos poéticos (antología de jóvenes
poetas cubanos y haitianos 2014). Novelas y relatos: Les Yeux de
la Chair (2004), Kolangèt Madan Bwadòm (2012), Le pouvoir du
Sexe (2014). Ensayos, como el análisis del centenario de la ocupación
americana 1915-2015. 100 ans dans le ventre de la bête.

GUILBAUD, TERTULIEN MARCELIN (Port-de-Paix, 1856-Port-au-


Prince, 1937). Escritor y político. Se le considera uno de los poetas
más importantes del Romanticismo haitiano. De profesión aboga-
do, funda la primera Escuela de Leyes gratuita de Haití, en Cabo
Haitiano. Es Senador y Ministro Plenipotenciario en Francia y, como
representante de Haití, firma el Tratado de Versalles.
Obra: Higuenamota (1876), Patrie, espérance et souvenirs (1885),
Feuilles au vent (1888).

707
des poètes les plus importants du Romantisme haïtien. Avocat de
profession, il fonde la première école haïtienne de Lois non payante,
au Cap-Haïtien. Il est Sénateur et Ministre plénipotentiaire en France
et, en tant que représentant d’Haïti, il signe le Traité de Versailles.
Œuvre: Higuenamota (1876), Patrie, espérance et souvenirs (1885),
Feuilles au vent (1888).

JEAN, YANICK (Port-au-Prince, 1946-2000). Femme peintre,


décoratrice et romancière. Très jeune, elle fait partie d’un groupe
d’intellectuels de la capitale. Dès 1968, elle passe quelques années
à New York avec son époux, le dramaturge et poète Syto Cavé, et
intègre la compagnie de théâtre Kouidor. En 1983, elle rentre en
Haïti. Son premier livre de poèmes en prose, Recommencer Paule, est
publié en 1982; le second, La fidélité non plus…, paraît en Haïti en
1986, avec un poème-préface de Cavé. Les deux sont indissociables,
car ils dialoguent à travers des phrases qui se répètent dans l’un et
l’autre. Le style de Yanick Jean est particulier, par la permanente
évocation du processus créateur, ainsi que par son questionnement
de l’esthétique conventionnelle. Yanik a écrit un roman inédit jusqu’à
nos jours, «Joyeuse des distances», qu’elle décrit comme un roman
du roman. Son œuvre picturale est peu connue, elle est cependant
exposée dans des galeries en Haïti, à Santa Barbara et à New York.

JOLICŒUR, MARIE-ANGE (Haïti, 1947-Lille, France, 1976). C’est


une des femmes écrivaines les plus importantes de ladite nouvelle
poésie féminine haïtienne. Elle s’établit en France, où elle obtient son
Doctorat ès lettres. Après sa disparition physique, à l’âge de 29 ans,
elle avait déjà publié trois recueils de poèmes: Guitares de vers (1967),
Violons d’espoir (1970) et Oiseaux de mémoire (1972). Elle a laissé deux
cahiers inédits, qui ont été publiés en 1979 sous le titre Transparence
en bleu d’oubli. Sa poésie est lucide, mélancolique et musicale.

LARAQUE, PAUL (Jérémie, 1920-New York, 2007). Grâce à sa


fonction d’officier de l’armée, il parcourt tout le pays, étant ainsi
témoin des conditions de vie intolérables des paysans. Certainement
en raison de son poste, il publie parfois sous le pseudonyme de
Jacques Lenoir. Il fait partie de la première génération d’écrivains
haïtiens d’expression créole, avec Morisseau-Leroy, Émile Roumer,
Franck Fouché et Claude Innocent.
708
JEAN, YANICK (Port-au-Prince,1946-2000). Pintora, decoradora y
novelista. Muy joven, integra un grupo de intelectuales de la capital.
A partir de 1968 pasa unos años en Nueva York con su esposo, el
dramaturgo y poeta Syto Cavé, y participa en la compañía de teatro
Kouidor. En 1983 regresa a Haití. Su primer poemario en prosa,
Recommencer Paule, es publicado en 1982; el segundo, La fidélité non
plus…, es publicado en Haití en 1986, con un poema-prefacio de
Cavé. Ambas son indisociables, ya que dialogan a través de frases que
se repiten en una y otra obra. El estilo de Yanick Jean es particular por
evocar permanentemente el proceso creador y cuestionar la estética
convencional. Escribió una novela inédita hasta hoy, «Joyeuse des
distances», que ella describe como una novela de la novela. Su obra
pictórica es poco conocida, sin embargo es expuesta en galerías en
Haití, Santa Barbara y Nueva York.

JOLICŒUR, MARIE-ANGE (Haïti, 1947-Lille, France, 1976). Es una


de las escritoras más destacadas de la llamada nueva poesía femenina
haitiana. Se establece en Francia, donde estudia música y filosofía,
y obtiene su doctorado en Letras. Tras su desaparición física, con
tan solo 29 años, ya había publicado tres poemarios: Guitares de vers
(1967), Violons d’espoir (1970) y Oiseaux de mémoire (1972). Dejó
dos cuadernos inéditos, que fueron publicados en 1979 bajo el título
Transparence en bleu d’oubli. Su poesía suele ser lúcida, melancólica
y musical.

LARAQUE, PAUL (Jérémie, 1920-New York, 2007). Gracias a su


función de oficial del ejército, recorre todo el país, siendo así testigo
de las condiciones de vida intolerables de los campesinos. Proba-
blemente por ese mismo cargo, publica a veces bajo el seudónimo
de Jacques Lenoir. Pertenece a la primera generación de escritores
haitianos de expresión creol, con Morisseau-Leroy, Émile Roumer,
Franck Fouché y Claude Innocent.
Su doble poemario Les armes quotidiennes / Poésie quotidienne
obtiene el premio Casa de las Américas en 1979. Sus actividades lo
llevan a encontrarse con personalidades literarias y políticas como
Fidel Castro, Nicolás Guillén, Langston Hughes y C.L.R. James. Se
exilia durante 25 años en Nueva York, pero vuelve a su país después

709
Son double recueil de poèmes Les armes quotidiennes / Poésie quoti-
dienne remporte le Prix Casa de las Américas en 1979. Ses activités
le mènent à rencontrer des personnalités littéraires et politiques,
telles que Fidel Castro, Nicolás Guillén, Langston Hughes et C.L.R.
James. Il s’exile pendant 25 ans à New York, mais il rentre au pays
après le renversement du gouvernement duvaliériste en 1986. Il est
obligé de s’exiler encore une fois en 1991 à New York, où il meurt
en 2007.
Parmi ces œuvres poétiques, on peut citer: Français: Ce qui demeu-
re (1973), Le vieux nègre et l’exil (1988). Créole: Fistibal (1974),
Solda mawon / Soldat marron (édition bilingue traduite par Jean-F.
Brierre, 1987), Lespwa (2001).

LATAILLADE, ROBERT (Jérémie, 1910-1931). Il reçoit une éducation


classique d’excellent niveau. Il étudie à l’école centrale d’Agricul-
ture de Damien et est directeur d’une ferme pédagogique à Jérémie.
Ami de Brierre et admiré par Léon Laleau, il est influencé par le
surréalisme, l’atmosphère de l’occupation nord-américaine et la
naissance de l’indigénisme. Il fait partie de ces poètes haïtiens au
destin bref et tragique. Sa maladie le pousse à écrire un testament
poétique, témoignage de ses réflexions profondes sur la vie et la mort.
Il décède de tuberculose à l’âge de 21 ans. L’Urne close est publiée
après sa mort par l’Association des amis de Robert Lataillade (1933).

LENOUS, SUPRICE (Fond-des-Blancs, 1955). Lenous vit à Montréal


depuis 1976, où il est professeur de français et d’alphabétisation,
et éducateur d’adultes. Il travaille au sein du Bureau de la Commu-
nauté haïtienne de Montréal de 1988 à 2000, et dans le domaine
des relations interculturelles. Il publie son premier livre de poèmes
en français (Rêverrant, 1990), et le deuxième en créole (Bwamitan,
1993). Ses poèmes figurent dans des revues et journaux, tels que
Brèves littéraires, Chemins critiques, Haïti Progrès, Haïti en marche et
Tanbou. Autres recueils: Pawoli (2003), Ruminations (2009), Lettres
à mes ombres (2011).

M AGLOIRE -S AINT -A UDE , pseud. de C LÉMENT M AGLOIRE


(Port-au-Prince, 1912-1971). Fils du fondateur du journal
Le Matin, il étudie dans plusieurs écoles fréquentées par l’élite. Très

710
de la caída de la dinastía duvalierista en 1986. Tiene que exiliarse de
nuevo en 1991 en Nueva York, donde muere en 2007.
Entre sus obras poéticas se pueden mencionar: Francés: Ce qui
demeure (1973), Le vieux nègre et l’exil (1988). Creol: Fistibal (1974),
Solda mawon / Soldat marron (edición bilingüe traducida por Jean-F.
Brierre, 1987), Lespwa (2001).

LATAILLADE, ROBERT (Jérémie, 1910-1931). Recibe una educación


clásica de excelente nivel. Estudia en la Escuela Central de Agricultura
de Damien y es director de una granja pedagógica en Jérémie. Amigo
de Brierre y admirado por Léon Laleau, crece bajo la influencia del
surrealismo, del ambiente de la ocupación norteamericana y del
nacimiento del indigenismo. Forma parte de esos poetas haitianos
de trágico destino y corta vida. Su enfermedad lo lleva escribir un
testamento poético, testimonio de sus reflexiones profundas acerca
de la vida y de la muerte. Muere de tuberculosis a los 21 años. L’Urne
close es publicado póstumamente por la Asociación de amigos de
Robert Lataillade (1933).

LENOUS, SUPRICE (Fond-des-Blancs, 1955). Lenous vive en


Montreal desde 1976, donde es profesor de francés y alfabetiza-
ción, y educador de adultos. Trabaja en la Oficina de la Comunidad
haitiana de Montreal de 1988 a 2000, y en el área de las relaciones
interculturales. Publica su primer libro de poemas en francés (Rê-
verrant, 1990), y el segundo en creol (Bwamitan, 1993). Sus poemas
se publican en revistas y diarios como Brèves littéraires, Chemins
critiques, Haïti Progrès, Haïti en marche y Tanbou. Otros poemarios:
Pawoli (2003), Ruminations (2009), Lettres à mes ombres (2011).

M AGLOIRE -S AINT -A UDE , seud. de C LÉMENT M AGLOIRE


(Port-au-Prince, 1912-1971). Hijo del fundador del periódico
Le Matin, estudia en diversas escuelas frecuentadas por la élite. A
temprana edad publica sus poemas en las revistas La Relève y Le
Matin. Participa en el movimiento indigenista Griots y es secretario
general de la revista homónima. Sin embargo, se distancia de esta
corriente y crea un nuevo estilo, influenciado por el surrealismo.
Su poesía es única, y ha recibido el reconocimiento y los elogios de

711
jeune, il publie ses poèmes dans les revues La Relève et Le Matin.
Il participe au mouvement indigéniste des Griots, et il est secré-
taire général de la revue homonyme. Cependant, il s’éloigne de ce
courant, et il crée un nouveau style, influencé par le surréalisme.
Sa poésie est unique, et elle reçoit la reconnaissance et les éloges
des surréalistes français. En 1941, il publie les recueils Dialogue de
mes lampes et Tabou. Il s’est également consacré au journalisme, par
le biais de nombreux d’articles et chroniques publiés dans divers
journaux. D’autres titres: Poésie: Déchu (1956), Dimanche (1973).
Récits: Parias (1949), Ombres et reflets (1952) et Veillée (1956).

MARS, KETTLY (Port-au-Prince, 1958). Poétesse et romancière.


Après avoir étudié les Langues Classiques, et avoir suivi une
formation en administration, elle travaille pendant 25 ans en tant
qu’Assistante administrative. Elle a toujours été passionnée par la
littérature, mais ce n’est que dans les années quatre-vingt-dix qu’elle
commence à écrire des poèmes, pour lesquels elle reçoit le prix
Jacques Stephen Alexis en 1996. En 2003, elle publie son premier
roman, Kasalé. Depuis, Kettly Mars écrit et publie poésie, nouvelles
et romans, qui lui permettent de proposer son regard réaliste et
critique sur la société haïtienne. D’autres titres: L’heure hybride
(2005), Fado (2008), Saisons sauvages (2010), Le prince noir de Lillian
Russell (avec Leslie Péan, 2011), et Aux frontières de la soif (2013).

MARTELLY, STÉPHANE (Port-au-Prince, 1974). Elle étudie les


Sciences de l’éducation à Port-au-Prince et habite à Montréal dès
2002. Elle publie un essai sur le poète Magloire-Saint-Aude, ainsi
que des contes pour enfants et des recueils poétiques. Elle est aussi
critique littéraire et peintre. Depuis 2009 elle s’engage dans la coor-
dination de la section haïtienne du groupe de travail «Histoires de
vie», portant sur des récits oraux des habitants de Montréal déplacés
par la violence. Parmi ses ouvrages (poésie et livres illustrés): La
Boîte noire suivi de Départs (2004), Couleur de rue (1999), L’Homme
aux cheveux de fougère (2002), La Maman qui s’absentait (2011), et
Inventaires (2016).

MARTINEAU, JEAN-CLAUDE (Croix-des-Bouquets, 1937). Égale-


ment connu comme Koralen, Martineau est poète, dramaturge,

712
los surrealistas franceses. En 1941 publica los poemarios Dialogue
de mes lampes y Tabou. Se dedica también al periodismo y publica
numerosos artículos y crónicas aparecidos en diferentes periódicos.
Otras obras: Poesía: Déchu (1956) y Dimanche (1973). Relatos:
Parias (1949), Ombres et reflets (1952) y Veillée (1956).

MARS, KETTLY (Port-au-Prince, 1958). Poeta y novelista. Después


de estudiar Lenguas Clásicas y seguir una formación en Administra-
ción, trabaja durante 25 años como asistente administrativa. Siempre
estuvo apasionada por la literatura, pero no es hasta la década de
los noventa cuando empieza a escribir poemas, por los que recibe el
premio Jacques Stephen Alexis en 1996. En 2003 publica su primera
novela, Kasalé. Desde entonces, Kettly Mars escribe y publica poesía,
cuentos y novelas, a través de los cuales propone una mirada crítica
y realista sobre la sociedad haitiana. Otras obras: L’heure hybride
(2005), Fado (2008), Saisons sauvages (2010), Le prince noir de Lillian
Russell (con Leslie Péan, 2011) y Aux frontières de la soif (2013).

MARTELLY, STÉPHANE (Port-au-Prince, 1974). Estudia Ciencias


de la educación en Puerto Príncipe y vive en Montreal desde 2002.
Publica un ensayo sobre el poeta Magloire-Saint-Aude, así como
cuentos para niños y poemarios. Es también crítica literaria y pinto-
ra. Desde 2009 coordina la sección haitiana del grupo de trabajo
Historias de vida, sobre relatos orales de ciudadanos de Montreal
desplazados por la violencia. Entre sus títulos (poesía y libros ilus-
trados): La Boîte noire / Départs (2004), Couleur de rue (1999),
L’Homme aux cheveux de fougère (2002), La Maman qui s’absentait
(2011) e Inventaires (2016).

MARTINEAU, JEAN-CLAUDE (Croix-des-Bouquets, 1937). Cono-


cido también como Koralen, es poeta, dramaturgo, narrador e
intérprete. Su obra es accesible a un amplio público por nutrirse
del folclor haitiano y expresar una mirada crítica hacia las injusti-
cias sociales en su país. Martineau aboga por el uso literario del
creol. Propone revisitar la historia de Haití, tanto a través de la
poesía como del ensayo y la novela. Es conocido en el mundo
musical por componer textos para la diva Carole Demesmim,

713
narrateur et interprète. Son œuvre est accessible à un vaste public, car
elle se nourrit du folklore haïtien, et elle exprime un regard critique
envers les injustices sociales en Haïti. Martineau plaide en faveur de
l’utilisation littéraire du créole. Il propose de revisiter l’histoire d’Haï-
ti, tant par le biais de la poésie, que par celui de l’essai et du roman.
Il est célèbre dans le milieu musical pour avoir composé des textes
pour la diva Carole Demesmim, de même que pour sa partenaire de
scène, Cornelia Schütt-Richard, connue comme TiCorn. Parmi ses
œuvres principales: Flè Dizè (1982) et Pwezi-Kont-Chante (1991).

MÉTELLUS, JEAN (Jacmel, 1937-Paris, 2014). Neurologue, poète,


romancier et dramaturge. En 1959, il s’installe à Paris afin de fuir la
dictature de Duvalier, et il y poursuit des études de Linguistique et
de Médecine. En 1978, les éditions Les Lettres Nouvelles publient
son long poème Au pipirite Chantant, inaugurant ainsi sa carrière
d’écrivain. Quelques-uns de ses poèmes sont publiés par Jean-Paul
Sartre dans son célèbre Les Temps Modernes. Il publie également de
nombreux essais, 11 romans, plus de 17 recueils de poésie, et 6
pièces de théâtre inspirées de personnages historiques haïtiens, dont
Anacaona (1986), présentée à Paris. Sa dernière œuvre, Rhapsodie
pour Hispaniola, est publiée en 2015 à titre posthume. Métellus a
remporté plusieurs prix: Chevalier de l’Ordre du mérite des Arts
et des Lettres (1986), Grand Prix de Poésie de la Société des Gens
de Lettres (2007), Grand Prix de la Francophonie de l’Académie
française (2010).

MORISSEAU, ROLAND (Port-au-Prince, 1933-Montréal, 1995).


Sa passion pour la poésie s’éveille après ses études de baccalauréat,
lorsqu’il commence à fréquenter de jeunes poètes décidés à changer
le destin de la littérature haïtienne: Anthony Phelps, René Philoctète,
Davertige, Serge Legagneur et Auguste Thénor. Ils sont les fonda-
teurs du groupe Samba, qui deviendra le fameux Haïti Littéraire. À
ses débuts, Morisseau suit la tendance de Phelps et de Philoctète,
attiré par une poésie plus engagée; comme en témoignent le texte
«Rue américaine» et le poème «Du sang de l’Afrique». Toutefois,
Roland Morisseau choisira une ligne poétique plus personnelle, qui
aborde les profondeurs de la souffrance humaine. En raison de la

714
así como para su compañera de escena Cornelia Schütt-Richard,
conocida como TiCorn. Entre sus obras se destacan: Flè Dizè (1982)
y Pwezi-Kont-Chante (1991).

MÉTELLUS, JEAN (Jacmel, 1937-Paris, 2014). Neurólogo, poeta,


novelista y dramaturgo. En 1959, Métellus se traslada a París para
escapar de la dictadura de Duvalier y estudia Lingüística y Medici-
na. En 1978, las ediciones Les Lettres Nouvelles publican su largo
poema Au pipirite Chantant, inaugurando así su carrera de escritor.
Algunos de sus poemas son publicados por Jean-Paul Sartre en
su famoso Les Temps Modernes. Métellus publica numerosos ensa-
yos, once novelas, más de diecisiete libros de poesía y seis obras
de teatro inspiradas en personajes históricos haitianos, se destaca
Anacaona (1986), producida en París. Su última obra, Rhapsodie
pour Hispaniola, es publicada póstumamente en 2015. Métellus
recibió diversos premios: Chevalier de l’Ordre du mérite des Arts
et des Lettres (1986), Grand Prix de Poésie de la Société des Gens
de Lettres (2007), Grand Prix de la Francophonie de l’Académie
française (2010).

MORISSEAU, ROLAND (Port-au-Prince, 1933-Montréal, 1995).


Su pasión por la poesía surge después de finalizar el bachillerato,
cuando se reúne con jóvenes poetas dispuestos a cambiar el destino
de la literatura haitiana: Anthony Phelps, René Philoctète, Daver-
tige, Serge Legagneur y Auguste Thénor. Estos son los fundadores
del grupo Samba, que luego será el famoso Haïti Littéraire. En sus
inicios, Morisseau sigue la tendencia de Phelps y Philoctète, atraído
por una poesía más comprometida; ejemplos de ello son el texto
«Rue américaine» y el poema «Du sang de l’Afrique». Sin embargo,
Roland Morisseau elegirá una línea poética más personal, que aborda
las profundidades del sufrimiento humano. Por la dictadura impe-
rante, que se opone a los proyectos de intelectuales progresistas,
decide exiliarse en Montreal en 1964. Lejos de su esposa, el amor y
la belleza son los temas principales de un poemario como La Prome-
neuse au jasmin. Obras principales: 5 poèmes de reconnaissance (1961),
Germination d’espoir (1962), Clef du soleil (1963), La promeneuse au
jasmin (1988), Poésie, 1960-1991 (1993).

715
dictature, qui s’oppose aux projets des intellectuels progressistes, il
décide de s’exiler à Montréal en 1964. Loin de son épouse, l’amour et
la beauté sont les principaux sujets d’un recueil comme La Promeneuse
au jasmin. Œuvres principales: 5 poèmes de reconnaissance (1961),
Germination d’espoir (1962), Clef du soleil (1963), La promeneuse au
jasmin (1988), Poésie, 1960-1991 (1993).

MORISSEAU-LEROY, FÉLIX (Grand Gosier,1912-Miami, 1998).


Écrivain et journaliste, il est le père de la renaissance créole: il croit
à l’utilité et à la force de cette langue pour unifier Haïti autour d’une
identité créole. Pour ce faire, il promeut son étude dans les milieux
académiques, et son utilisation en tant que langue littéraire. Il réussit
à faire promulguer le Décret déclarant le créole comme langue offi-
cielle d’Haïti, au même titre que le français. Une de ses œuvres les
plus emblématiques est son adaptation de l’œuvre classique Antigone
au créole et au contexte haïtien: Wa Kreyon. Morisseau-Leroy vivra
dans plusieurs pays. En Haïti, où il occupe le poste de Directeur du
Ministère d’Instruction publique et celui de Directeur général de
l’Éducation Nationale. Aux États-Unis; en France, où il rencontre
d’importantes figures de la négritude, comme Aimé Césaire. Au
Nigeria, au Ghana et au Sénégal; pays où il encourage la création
d’une culture et d’une littérature nationales postcoloniales. Il publie,
parmi d’autres livres: Plénitudes (1940), Natif-natal, un conte en vers
(1948), Diacoute (1953), Les Djons d’Aïti Tonma (1996).

NOËL, JAMES (Hinche, 1978). Les activités de sa mère, éducatrice


et femme d’affaires, l’amènent à fréquenter plus de 15 établissements
éducatifs. Plus tard, il étudie l’ethnologie et les arts dramatiques. À
l’heure actuelle, il occupe une place emblématique dans les lettres
haïtiennes contemporaines, non seulement comme poète, mais aussi
comme catalyseur et créateur de projets culturels et littéraires. Noël
est boursier de la Villa Médicis à Rome; il écrit des chroniques pour
Mediapart, il coordonne plusieurs anthologies de poésie. Il crée,
avec sa compagne Pascale Monnin, la revue IntranQu’îllités, une
publication annuelle de grande qualité, réunissant poètes et artistes
du monde entier. Noël écrit en créole et en français, et quelques-uns
de ces textes ont été musicalisés. Parmi ses publications: Sang visible

716
MORISSEAU-LEROY, FÉLIX (Grand Gosier, 1912-Miami, 1998).
Escritor y periodista, es el padre del renacimiento creol: cree en
la utilidad y la fuerza de esta lengua para unificar Haití en torno
a una identidad propiamente creol. Para lograrlo, promueve su
estudio en el ámbito académico e impulsa su uso como lengua
literaria. Logra que se decrete lengua oficial de Haití, junto con
el francés. Una de sus obras más emblemáticas es su adaptación
de la obra clásica Antígona al creol y al contexto haitiano: Wa
Kreyon. Morisseau-Leroy vivirá en diversos países. En Haití,
donde ocupa el cargo de Director del Ministerio de Instrucción
Pública y el de Director General de Educación Nacional. En
Estados Unidos; en Francia, donde conoce a importantes figuras
de la negritud, como Aimé Césaire. En Nigeria, Gana y Senegal;
países donde alienta la conformación de una cultura y literatura
nacionales poscoloniales. Publica, entre otros títulos: Plénitudes
(1940), Natif-natal, un conte en vers (1948), Diacoute (1953), Les
Djons d’Aïti Tonma (1996).

NOËL, JAMES (Hinche, 1978). Las actividades de su madre, educa-


dora y mujer de negocios, lo llevan a frecuentar más de quince
establecimientos educativos. Más tarde, estudia etnología y artes
dramáticas. Hoy ocupa un lugar emblemático en las letras haitianas
contemporáneas, no solo como poeta, sino también como catali-
zador y creador de proyectos culturales y literarios. Es becado por
la Villa Médicis en Roma, escribe crónicas para Mediapart, coor-
dina diversas antologías de poesía. Crea, junto con su compañera
Pascale Monnin, la revista IntranQu’îllités, una publicación anual
de gran calidad, que reúne a poetas y artistas del mundo. Noël
escribe en creol y en francés, y algunos textos suyos han sido
musicalizados. Entre sus publicaciones: Sang visible du vitrier
(2006), Des poings chauffés à blanc (2010), Kana sutra (2011),
La migration des murs (2016).

OBAS, BEETHOVA (Port-au-Prince, 1964). Artista políticamente


comprometido, Obas es uno de los grandes cantautores y compo-
sitores haitianos. Nacido en 1964 bajo la dictadura de François
Duvalier, es hijo del pintor Charles Obas, asesinado en 1969 por ese
mismo régimen. Desde sus inicios artísticos, se interesa por todos
los géneros de la música haitiana, así como por el jazz y la bossa
717
du vitrier (2006), Des poings chauffés à blanc (2010), Kana sutra
(2011), La migration des murs (2016).

OBAS, BEETHOVA (Port-au-Prince, 1964). Artiste engagé, Obas est


un des grands chansonniers et compositeurs haïtiens. Né en 1964
sous la dictature de François Duvalier, il est fils du peintre Charles
Obas, assassiné en 1969 par ce régime. Dès ses débuts artistiques,
il s’intéresse à tous les genres musicaux haïtiens, ainsi qu’au jazz et
à la bossa-nova. En 1987, Beethova Obas enregistre «Nwel Anmé»,
thème à succès qui critique le régime au pouvoir, et qui lui a valu
le prix de Meilleur Jeune Chanteur du concours Découverte RFI.
En 1990, Obas est déjà un artiste reconnu en Haïti, et il décide de
compiler ses premiers morceaux sous le titre Le chant de liberté, une
véritable révélation en Europe. Parmi ses disques, on peut mention-
ner: Si (1994), Pa prese (1997), Planèt la (1999), Ke’m Poze (2003).

ORCEL, MAKENZY (Port-au-Prince, 1983). Orcel suit des études


classiques dans une école adventiste, puis à la Faculté de Linguis-
tique appliquée de Port-au-Prince, mais il abandonne ses études
pour se consacrer à l’écriture. Orcel est l’une des grandes promesses
de la littérature haïtienne contemporaine, ayant été trois fois primé
en 2016 pour son œuvre. Parmi ses nombreux titres, aussi bien de
roman que de poésie: Les Immortelles (2010), Les latrines (2011),
L’Ombre animale (2016), La douleur de l’étreinte (2007), Sans ailleurs
(2009), À l’aube des traversées et autres poèmes (2010). Il a aussi
coordonné l’anthologie de poésie haïtienne Ancre des dattes, avec
l’écrivain Jean-Euphèle Milcé.

O RÉLIEN , T HÉLYSON (Gonaïves, 1988). Poète, blogueur et


commentateur culturel, qui débute comme chanteur, il étudie au
Département de Sciences économiques et politiques à l’Université de
Montréal. Aux côtés de jeunes écrivains haïtiens, tels que Anderson
Dovilas, Emmanuel Vilsaint et Fabian Charles, il anime la plate-
forme virtuelle Paroles en Archipel. Il remporte plusieurs concours
littéraires dont le Prix International des Jeunes Artistes pour son long
poème Les couleurs de ma terre (2007). Orélien participe à plusieurs
anthologies, dont Rimbaud 009. Nouvelle anthologie de la jeune poésie
d’aujourd’hui et Ancre des dattes, toutes deux de 2009.

718
nova. En 1987, Beethova Obas graba «Nwel Anmé», el exitoso tema
que critica el régimen en el poder, y que le valió el premio de Mejor
Cantante Joven en el concurso Découverte RFI. En 1990, Obas ya
es un artista reconocido en Haití y decide reunir sus primeros temas
bajo el título Le chant de liberté, toda una revelación en Europa. Entre
sus discos podemos mencionar Si (1994), Pa prese (1997), Planèt
la (1999), Ke’m Poze (2003).

ORCEL, MAKENZY (Port-au-Prince, 1983). Sigue estudios clásicos


en un colegio adventista, y luego en la Facultad de Lingüística Apli-
cada de Puerto Príncipe, pero abandona sus estudios para dedicarse
a la escritura. Orcel es una de las grandes promesas de la literatura
contemporánea haitiana, y en 2016 ha sido premiado tres veces
por su obra. Entre sus numerosos títulos, tanto de novela como de
poesía: Les Immortelles (2010), Les latrines (2011), L’Ombre animale
(2016), La douleur de l’étreinte (2007), Sans ailleurs (2009), À l’aube
des traversées et autres poèmes (2010). También coordinó la antología
de poesía haitiana Ancre des dattes, con el escritor Jean-Euphèle Milcé.

ORÉLIEN, THÉLYSON (Gonaïves, 1988). Poeta, blogero y comen-


tarista cultural, que se inicia en la canción, estudia en el Depar-
tamento de Ciencias Económicas y Políticas de la Universidad
de Montreal. Con jóvenes escritores haitianos, como Anderson
Dovilas, Emmanuel Vilsaint y Fabian Charles, anima la plata-
forma virtual Paroles en Archipel. Ganador de varios concursos
literarios, recibió el Premio Internacional de Jóvenes Artistas por
su largo poema Les couleurs de ma terre (2007). Participó en varias
antologías incluyendo Rimbaud 009. Nouvelle anthologie de la jeune
poésie d’aujourd’hui y Ancre des dattes, ambas de 2009.

PHELPS, ANTHONY (Port-au-Prince, 1928). Después de cursar


estudios de química y cerámica en los Estados Unidos y en Canadá,
se dedica a la literatura. En 1961 funda –con los poetas Davertige,
Serge Legagneur, Roland Morisseau, René Philoctète y Auguste
Thénor– el grupo Haïti Littéraire, y la revista Semences. Crea y
anima el grupo de teatro Prisme, y dirige programas de poesía
y teatro en Radio Cacique, de la que es cofundador. Después de
pasar un tiempo en las cárceles de Duvalier, Phelps se ve obligado
a exiliarse. En Montreal, se dedica al teatro, al periodismo y a la

719
PHELPS, ANTHONY (Port-au-Prince, 1928). Après avoir achevé
ses études de Chimie et de céramique aux États-Unis et au Canada,
il se consacre à la littérature. En 1961, il fonde – avec les poètes
Davertige, Serge Legagneur, Roland Morisseau, René Philoctète
et Auguste Thénor – le groupe Haïti Littéraire, ainsi que la revue
Semences. Phelps crée et anime le groupe de théâtre Prisme; il dirige
aussi des programmes de poésie et de théâtre à Radio Cacique, dont
il est cofondateur. Après avoir été en prison dans les pénitenciers de
Duvalier, Phelps est forcé de partir en exil. À Montréal, il se consacre
au théâtre, au journalisme, à la lecture poétique. Il reçoit à deux
reprises le prix Casa de las Américas à Cuba. En 1985, après vingt
ans au service de Radio-Canada, il prend une retraite anticipée afin
de se consacrer entièrement à l’écriture. Son œuvre consiste en une
vingtaine de titres, traduits en plusieurs langues (espagnol, anglais,
russe, allemand, italien, japonais, entre autres). Parmi ses recueils
emblématiques: Mon pays que voici (1968), Les dits du fou-aux-cail-
loux (1968), Orchidée nègre (1987), Nomade je fus de très vieille
mémoire (2012), Je veille, incorrigible féticheur (2016).

PHILOCTÈTE, RENÉ (Jérémie, 1932-Port-au-Prince, 1995). Encore


peu connu à l’étranger, Philoctète est l’un des poètes le plus influents
de la deuxième moitié du XXème siècle en Haïti. Avec Frankétienne et
Jean-Claude Fignolé, il est fondateur du Mouvement Spiraliste. Il a
aussi exploré le théâtre, la narrative et la poésie en créole. Dans son
œuvre, les grands sujets universels, tels que l’amour ou la solidarité,
s’entrelacent avec la dénonciation politique, les conséquences de
la dictature en Haïti ou la relecture des classiques de la littérature
française et universelle. Parmi ses œuvres: Saison des hommes (1960),
Les tambours du soleil (1962), Promesse (1963), Boukman, ou le rejeté
des enfers (1963), Ces îles qui marchent (1969), Et cætera (1974),
Ping-Pong politique (1987), Caraïbe (1995).

ROUMAIN, JACQUES (Port-au-Prince, 1907-1944). Écrivain, idéo-


logue, diplomate (au Mexique) et fondateur du parti communiste
d’Haïti. Roumain part en Suisse, en Allemagne, en France, en
Angleterre et en Espagne. À l’âge de vingt ans, il rentre en Haïti et
participe activement à la création du mouvement indigéniste. En
1927 il publie ses poèmes dans La Revue Indigène, tentant d’articuler
l’authenticité haïtienne et la voix nationaliste, face à la domination

720
lectura poética. Recibe dos veces el premio Casa de las Américas, en
Cuba. En 1985, después de veinte años al servicio de la televisión de
Radio-Canada, se retira anticipadamente para dedicarse por entero
a la escritura. Su obra consiste en una veintena de títulos traducidos a
diferentes idiomas (español, inglés, ruso, alemán, italiano, japonés,
entre otros). Entre sus poemarios emblemáticos encontramos: Mon
pays que voici (1968), Les dits du fou-aux-cailloux (1968), Orchidée
nègre (1987), Nomade je fus de très vieille mémoire (2012), Je veille,
incorrigible féticheur (2016).

PHILOCTÈTE, RENÉ (Jérémie, 1932-Port-au-Prince, 1995). Poco


conocido en el exterior, Philoctète es uno de los poetas más influyen-
tes de la segunda mitad del siglo XX en Haití. Junto con Frankétien-
ne y Jean-Claude Fignolé, es fundador del Movimiento Spiraliste.
Incursionó también en el teatro, la narrativa y la poesía en creol.
En su obra, se entremezclan los grandes temas universales, como
el amor o la solidaridad, con la denuncia política, las consecuencias
de la dictadura o la relectura de los clásicos de la literatura francesa
y universal. Entre sus obras: Saison des hommes (1960), Les tambours
du soleil (1962), Promesse (1963), Boukman, ou le rejeté des enfers
(1963), Ces îles qui marchent (1969), Et cæ tera (1974), Ping-Pong
politique (1987), Caraïbe (1995).

ROUMAIN, JACQUES (Port-au-Prince, 1907-1944). Escritor, ideó-


logo, diplomático (en México) y fundador del Partido Comunista
de Haití. Roumain viaja a Suiza, Alemania, Francia, Inglaterra y
España. A los veinte años vuelve a Haití y participa activamente en
la creación del movimiento indigenista. En 1927 publica sus poemas
en La Revue Indigène, e intenta articular la autenticidad haitiana y la
voz nacionalista frente al dominio de Estados Unidos. Es encarcela-
do varias veces, vuelve a salir al extranjero, sigue diferentes forma-
ciones universitarias, y pasa casi un año al lado del poeta Nicolás
Guillén en Cuba. Vuelve a Haití en 1941, para crear el Museo de
Artes y Tradiciones Populares y el Instituto de Etnografía, con el
fin de investigar las costumbres locales y el vodú. Deja una obra
compuesta de poemas, novelas, cuentos y ensayos, entre ellos: La
Proie et l’Ombre (1930), La Montagne Ensorcelée (1931), Les Fanto-
ches (1930), Analyse Schématique 32-34 (1934), Griefs de l’Homme

721
des États-Unis. Il est emprisonné plusieurs fois, repart à l’étranger,
entreprend plusieurs formations universitaires, et passe près d’un an
avec le poète Nicolás Guillén à Cuba. Il revient en Haïti en 1941,
pour y créer le Musée des Arts et des Traditions Populaires et l’Insti-
tut d’Ethnographie, afin d’y promouvoir la recherche sur les mœurs
locales et le vodou. Son œuvre se compose de poèmes, essais, romans
et contes, allant du surréalisme à l’étude ethnologique. Parmi ses
titres: La Proie et l’Ombre (1930), La Montagne Ensorcelée (1931),
Les Fantoches (1930), Analyse Schématique 32-34 (1934), Griefs
de l’Homme Noir (1939), Autour de la Campagne Antisuperstitieuse
(1942), Contribution à l’Étude de l’Ethnobotanique Précolombienne
des Grandes Antilles (1942), Le Sacrifice du Tambour Assoto (1943),
Gouverneurs de la Rosée (1944), Bois d’ébène et Sales Nègres (1945),
ces deux derniers ont été publiés à titre posthume.

ROUMER, ÉMILE (Jérémie, 1903-Frankfurt, 1988). Il obtient


sa licence à Saint-Louis-de-Gonzague à Port-au-Prince, poursuit sa
carrière de Philosophie à Paris, et achève des études de gestion à
Londres. En 1925, il publie à Paris sa première collection Poèmes
d’Haïti et de France dans La Revue Mondiale. Il fonde La Revue
Indigène en 1927, avec d’autres écrivains indigénistes. En 1930,
il enseigne à la Faculté de Droit. Il publie Poèmes en vers (1947) et
Rosaire: couronne sonnets (1964). Il a deux livres inédits: «Coucou-
rouge», de 1955-1956, et «Anti-Singes», de 1967. Roumer est à la
fois croyant et progressiste; il condamne fortement l’impérialisme,
l’exploitation et le racisme, tel qu’il le déclare dans le recueil Le
Caïman étoilé (1963). Il enseigne la littérature française aux étudiants
du secondaire à Port-au-Prince jusqu’au début de 1980. Son corps
est rapatrié en Haïti pour être enterré à Jérémie.

SAINNÉCHARLES, CLAUDE (Port-au-Prince, 1981). Poète et roman-


cier, il se consacre à créer des ponts entre Haïti et la République
Dominicaine. Il traduit ainsi Les Miroirs du Temps, du poète domini-
cain Guido Riggio Pou. Il est l’auteur du poème «La république de
la canne à sucre», sur les conditions terribles des coupeurs de canne
dans l’île. Il coordonne l’anthologie bilingue créole-espagnol Zile a /
La Isla (2016). Il est membre de la société de poètes créolophones
Kreyolofoni.

722
Noir (1939), Autour de la Campagne Antisuperstitieuse (1942),
Contribution à l’Étude de l’Ethnobotanique Précolombienne des Grandes
Antilles (1942), Le Sacrifice du Tambour Assoto (1943), Gouverneurs de
la Rosée (1944), Bois d’ébène y Sales Nègres (1945), estas dos últimas
obras fueron publicadas después de su muerte.

ROUMER, ÉMILE (Jérémie, 1903-Frankfurt, 1988). Recibe su licen-


ciatura en Saint-Louis-de-Gonzague, Port-au-Prince, sigue su carrera
de Filosofía en París y termina estudios de negocios en Londres. En
1925 publica en París su primer cuaderno, Poèmes d’Haïti et de France
en La Revue Mondiale. Fundó La Revue Indigène en 1927, junto a
otros escritores indigenistas. En 1930 se incorporó a la Facultad de
Derecho. Publica Poèmes en vers (1947) y Rosaire: couronne sonnets
(1964). Tiene dos libros inéditos: «Coucourouge», de 1955-1956,
y «Anti-Singes», de 1967. Roumer es a la vez creyente y progresista;
condena vehementemente el imperialismo, la clase explotadora y el
racismo, como se puede observar en el poemario Le Caïman étoilé
(1963). Hasta principios de 1980 enseñó francés y literatura para
estudiantes de secundaria en Port-au-Prince. Su cuerpo es repatriado
a Haití y descansa en Jérémie.

SAINNÉCHARLES, CLAUDE (Port-au-Prince, 1981). Poeta y nove-


lista, dedica su trabajo a crear puentes entre Haití y la República
Dominicana. Así, tradujo Les Miroirs du Temps / Los Espejos del Tiempo,
del poeta dominicano Guido Riggio Pou. Es autor del poema «La
república de la caña de azúcar», sobre la condición infrahumana
de los cortadores de caña en la isla. Es coordinador de la antolo-
gía bilingüe creol-español Zile a / La Isla (2016). Es miembro de
la sociedad de poetas creolófonos Kreyolofoni.

SAINT-ÉLOI, RODNEY (Cavaillon, 1963). Escritor, editor y acadé-


mico. Comienza a escribir a los 13 años poemas y ensayos sobre
literatura y pintura. En 1991 crea en Port-au-Prince las Éditions
Mémoire, que publica autores haitianos residentes y de la diáspo-
ra. En 1999 el poeta Georges Castera integra el equipo editorial
como director literario. Ambos fundan la revista de arte y literatura
Boutures. Vive en Québec desde 2001, donde es miembro de la Aca-
demia de las Letras. Estudia Literatura Francesa en la Universidad

723
SAINT-ÉLOI, RODNEY (Cavaillon, 1963). Écrivain, éditeur et
académicien. Il commence à écrire à l’âge de 13 ans: poèmes
et essais sur la littérature et la peinture. En 1991, il crée à Port-au-
Prince les Éditions Mémoire, afin d’y publier des auteurs haïtiens
résidents, ainsi que ceux de la diaspora. En 1999, le poète Georges
Castera intègre l’équipe éditoriale en tant que directeur littéraire.
Ils fondent ensemble la revue d’art et littérature Bouture. Il habite
au Québec dès 2001, où il est membre de l’Académie des Lettres.
Il étudie la Littérature française à l’Université Laval. Dans son
œuvre autant que dans sa vie professionnelle, il défend la pluralité
des voix, la diversité et l’inclusion. À partir de la maison d’édition
Mémoire d’encrier, dont il est fondateur, il encourage la diffusion
de jeunes auteurs d’origines aussi diverses que la Caraïbe, l’Afrique,
l’Océan Indien, les communautés aborigènes nord-américaines
et, bien entendu, Haïti. Mémoire d’encrier réédite des œuvres du
patrimoine haïtien, par le biais des collections Anthologie Secrète
et Poésies. En 2012, l’auteur a reçu le Prix Charles Biddle pour sa
contribution à la vie artistique du Québec.
Œuvres principales: Graffitis pour l’aurore (1989); Pierres anonymes
(1994), Cantique d’Emma (1997), Miracle Bananier (2001), J’ai
un arbre dans ma pirogue (2004), Haïti, Kenbe la (2010), Je suis la
fille du baobab brûlé (2015).

ST-JEAN (SAINT-JEAN), SERGE (?-?). Mystérieusement, il n’existe pas


de données sur cet auteur, hormis celles concernant ses publications
à Port-au-Prince – qui sont, paradoxalement, nombreuses, et qui
abordent des sujets très divers. On peut citer: Ci-gît. (1966), La
terre aux fruits d’or: pièce lyrique en 3 tableaux. (1970), Naïfs d’Haïti
et vaudou (1972), Hector Hyppolite: une somme (1973). Il existe
également un entretien rare et important de Magloire-Saint-Aude,
octroyé à Serge Saint-Jean, peu de temps avant son décès: «Clément
Magloire-Saint-Aude ou le sonneur de Martissant» (Entretien de
25/01/1970); Le Nouvelliste (1/06/1971).

SYLVAIN, GEORGES (Puerto-Plata, 1866-Port-au-Prince, 1925).


Écrivain, avocat et diplomate. Il étudie le Droit à Paris, et retourne
en Haïti pour y fonder une école de droit. En 1894, Sylvain est
nommé Chef du Département d’Instruction publique; et en 1909, il
est désigné Ministre plénipotentiaire de la République d’Haïti à Paris.
Il collabore à différents journaux et revues, tels que La Patrie. En
724
Laval. En su obra y su vida profesional, aboga por la pluralidad
de voces, la diversidad y la inclusión. Desde la editorial Mémoire
d’encrier, de la que es fundador, impulsa la difusión de autores
jóvenes de orígenes tan diversos como el Caribe, África, océano
Índico, comunidades nativas norteamericanas y, por supuesto, Haití.
Mémoire d’encrier reedita obras del patrimonio haitiano, a través de
las colecciones Anthologie Secrète y Poésies. En 2012, recibe el pre-
mio Charles Biddle por su contribución a la vida artística de Québec.
Obras principales: Graffitis pour l’aurore (1989), Pierres anonymes
(1994), Cantique d’Emma (1997), Miracle Bananier (2001), J’ai
un arbre dans ma pirogue (2004), Haïti, Kenbe la (2010), Je suis la
fille du baobab brûlé (2015).

ST-JEAN (SAINT-JEAN), SERGE (?-?). Misteriosamente, no fueron


encontrados datos acerca de este escritor, salvo las menciones hechas
de sus publicaciones en Port-au-Prince que, paradójicamente, no
han sido pocas, y que abarcan temas muy variados. Podemos citar:
Ci-gît. (1966), La terre aux fruits d’or: pièce lyrique en 3 tableaux
(1970), Naïfs d’Haïti et vaudou (1972), Hector Hyppolite: une
somme (1973). Existe una importante y rarísima entrevista de
Magloire-Saint-Aude, otorgada a Serge Saint-Jean, poco antes de su
muerte: «Clément Magloire-Saint-Aude ou le sonneur de Mar-
tissant» (Entrevista del 25/01/1970); Le Nouvelliste (1/06/1971).

SYLVAIN, GEORGES (Puerto-Plata, 1866-Port-au-Prince, 1925).


Escritor, abogado y diplomático. Estudia Derecho en París, y regresa
a Haití para fundar una escuela de derecho. En 1894 es nombrado
jefe del Departamento de Instrucción Pública y, en 1909, ministro
plenipotenciario de la República de Haití en París. Colabora en
periódicos y revistas como La Patrie. En 1901 publica su poemario
Confidences et Mélancolies, caracterizado por una poesía íntima y
social, vigente en poemas como «Les Vagabonds», «Frères d’Afrique»
y «L’âme des noms». Frecuenta les medios literarios haitianos y
forma parte del grupo La Ronde, que reúne a los escritores que se
oponen a la ocupación americana de 1915 (y que duró 20 años).
Su hija, Suzanne Comhaire-Sylvain (1898-1975), dedicó su vida a
la transcripción y valorización del folklore haitiano.

725
1901, il publie son recueil Confidences et Mélancolies, caractérisé par
une poésie intime et sociale, évidente dans des poèmes comme «Les
Vagabonds», «Frères d’Afrique» et «L’âme des noms». Il fréquente
les milieux littéraires haïtiens et fait partie du groupe La Ronde, qui
rassemble les écrivains opposés à l’occupation américaine de 1915 (et
qui durera 20 ans). Sa fille, Suzanne Comhaire-Sylvain (1898-1975),
consacra sa vie à la transcription et valorisation du folklore haïtien.

SYLVESTRE-CEIDE, EDWIGE (Port-au-Prince, 1982). De parents


originaires du Sud-Ouest du pays, elle habite en France depuis son
enfance. Elle se forme dans deux domaines différents: la traduction
et les relations internationales. Elle cultive sa passion pour la litté-
rature à travers des projets personnels, et des projets associatifs en
rapport avec la migration et ses témoignages. Elle est cofondatrice
et présidente de Passerelles Extra-murs, une association culturelle
de la banlieue parisienne.

TAVERNIER, JANINE (Port-au-Prince, 1935). Enseignante, poétesse,


mère de cinq enfants. Elle collabore activement au sein du groupe
Haïti Littéraire, au début des années soixante. En 1967, elle s’exile
aux États-Unis. Elle étudie les lettres françaises à l’Université de
San Francisco State, et de New York (NYU); elle obtient son
doctorat à l’Université de Californie. Elle fait partie de la nouvelle
poésie féminine haïtienne (années cinquante à quatre-vingt), aux
côtés d’écrivaines comme Marie-Thérèse Colimon-Hall, Mona
Guérin-Rouzier, Jacqueline Beaugé-Rosier, Marie-Ange Jolicœur,
Marie-Claire Walker, entre autres. Selon Thomas C. Spear, la poésie
de Tavernier «est dure et intense, déchirée».
Ses œuvres: Poésie: Ombres ensoleillées (1961), Sur mon plus
petit doigt (1962), Naïma, fille des dieux (1982), Mal comme Misère
(1994). Roman: Fleurs de murailles (2001), La gravitante (2007),
«Bas-Peu-de-Chose» (inédit).

THÉARD, MARIE-ALICE (Port-au-Prince, 1948). Femme écrivaine,


curatrice et historienne de l’art. Depuis 1983, elle est curatrice du
Festival Arts en Haïti. Théard est membre de l’Association interna-
tionale d’écrivains, ainsi que de celle des critiques d’art, de même
que de l’Association haïtienne pour la Recherche sur l’Esthétique
et l’Art. Elle est présentatrice du programme culturel de télévision
Kiskeya, l’île mystérieuse. Son œuvre est éclectique, à la limite des

726
SYLVESTRE-CEIDE, EDWIGE (Port-au-Prince, 1982). De padres
originarios del suroeste del país, vive en Francia desde muy niña.
Se forma en dos áreas distintas: la traducción y las relaciones inter-
nacionales. Cultiva su pasión por la literatura a través de proyectos
personales, y de proyectos asociativos relacionados con la migración
y sus testimonios. Es cofundadora y presidenta de Passerelles Extra-
muros, una asociación cultural de los suburbios parisinos.

TAVERNIER, JANINE (Port-au-Prince, 1935). Profesora, poeta,


madre de cinco hijos. Colabora activamente en el grupo Haïti
Littéraire, a principios de los años sesenta. En 1967, se exilia en
los Estados Unidos. Estudia Letras Francesas en la Universidad de
Estado de San Francisco, y en la Universidad de New York (NYU);
obtiene su doctorado en la Universidad de California. Forma parte
de la nueva poesía femenina haitiana (años cincuenta a ochenta),
al lado de escritoras como Marie-Thérèse Colimon-Hall, Mona
Guerin-Rouzier, Jacqueline Beaugé-Rosier, Marie-Ange Jolicœur,
Marie-Claire Walker, entre otras. En palabras de Thomas C. Spear,
la poesía de Tavernier «es dura, intensa, desgarrada».
Algunas obras: Poesía: Ombres ensoleillées (1961), Sur mon plus
petit doigt (1962), Naïma, fille des dieux (1982), Mal comme Misère
(1994). Novela: Fleurs de murailles (2001), La gravitante (2007),
«Bas-Peu-de-Chose» (inédita).

THÉARD, MARIE-ALICE (Port-au-Prince, 1948). Escritora, curadora


e historiadora del arte. Desde 1983 es curadora del Festival Arts
en Haití. Es miembro de la Asociación Internacional de Escritores,
la Asociación Internacional de Críticos de Arte y la Asociación
Haitiana para la Investigación sobre Estética y Arte. Es conductora
del programa televisivo cultural Kiskeya, l’île mystérieuse. Su obra es
ecléctica y juega con el límite de los géneros, mezclando reflexión
poética, noticia y ficción. Su lenguaje es preciso y, en ocasiones,
amargo. Obras principales: Cri du Cœur (1987), Au pays du soleil
bleu (1997), Au pays des doubles (2000), Petites histories insolites:
Tomos 1-5 (2000-2006), Le temps, paroles à dire (2007), Zéro
Tolérance (2012).

727
genres; mélangeant la réflexion poétique, l’information et la fiction.
Son langage est précis et parfois amer. Œuvres principales: Cri du
cœur (1987), Au pays du soleil bleu (1997), Au pays des doubles (2000).
Petites histoires insolites: Volumes 1-5 (2000-2006); Le temps, paroles
à dire (2007), Zéro Tolérance (2012).

THÉLOT, FILS-LIEN ÉLY (Artibonite, 1976). Écrivain et cher-


cheur. Il étudie au Sénégal, il obtient son doctorat en Sociologie à
l’Université de Perpignan; et il poursuivra ses recherches à Genève.
Après le tremblement de terre de 2010, il rentre au pays. Thélot est
aujourd’hui Président du comité national de lutte contre la traite
de personnes. Il publie des articles sur la gouvernance dans la revue
Recherches Haitiano-Antillaises, des recueils de poèmes primés et une
étude importante sur l’hégémonie du provisoire en Haïti (2016).
Poésie: Quelque part dans tes yeux (1993); Crampe à l’âme (2002);
Ton rire est une aube inconnue (2004).

TROUILLOT, ÉVELYNE (Port-au-Prince, 1954). Elle étudie les


Langues et les Sciences de l’Éducation aux États-Unis. En 1987, elle
retourne en Haïti, où elle enseigne le français à l’Université d’État.
Elle publie son premier livre de contes, La chambre interdite, en 1996.
Dès 2002, elle dirige un projet d’édition et elle anime des ateliers
d’écriture. Ses sujets de prédilection sont l’histoire du peuple haïtien,
la condition féminine et les droits de l’enfant. Évelyne Trouillot
publie en français et en créole, des recueils de poésie: Sans Parapluie
de retour (2001), Plidetwal (2005), Par la fissure de mes mots (2014),
des livres pour jeunes lecteurs: La fille à la guitare / Yon fi, yon gita,
yon vwa (2012), des romans: Rosalie l’infâme (2003), L’Œil-Totem
(2006), et une pièce de théâtre: Le Bleu de l’île (2005).

TROUILLOT, LYONEL (Port-au-Prince, 1956). Poète, romancier et


critique littéraire. Il fait ses études de Droit et travaille pour divers
journaux et revues en Haïti. Dès très jeune, il publie dans des revues
et des œuvres collectives. C’est un disciple de René Philoctète; il
écrit aussi des paroles de chansons pour des interprètes comme
Tambou Libète, Manno Charlemagne, Toto Bissainthe et Jean
Coulanges. Professeur de Littérature et cofondateur des revues
en créole Lakansyèl, Tèm et Langaj, Lyonel Trouillot est à présent
membre et codirecteur des Cahiers du Vendredi. C’est un membre
actif de la société civile haïtienne.
728
THÉLOT, FILS-LIEN ÉLY (Artibonite, 1976). Escritor e investiga-
dor. Estudia en Senegal, obtiene su doctorado en Sociología en la
Universidad de Perpignan; y seguirá como investigador en Ginebra.
Regresa a su país después del terremoto de 2010. Thélot es actual-
mente presidente del Comité Nacional de Lucha contra la Trata de
Personas. Publica artículos sobre gobernanza en la revista Recher-
ches Haitiano-Antillaises, tiene varios poemarios galardonados y un
estudio importante sobre la hegemonía de lo provisorio en Haití
(2016). Poesía: Quelque part dans tes yeux (1993), Crampe à l’âme
(2002), Ton rire est une aube inconnue (2004).

TROUILLOT, ÉVELYNE (Port-au-Prince, 1954). Estudia Lenguas y


Educación en los Estados Unidos. Regresa a Haití en 1987, donde
enseña francés en la Universidad del Estado. Publica su primer libro
de cuentos, La chambre interdite, en 1996. Desde 2002, dirige un
proyecto de edición y anima talleres de escritura. Sus temas predilec-
tos son la historia del pueblo haitiano, la condición femenina y los
derechos infantiles. Évelyne Trouillot ha publicado, en francés y en
creol, poemarios: Sans Parapluie de retour (2001), Plidetwal (2005),
Par la fissure de mes mots (2014), libros para jóvenes lectores: La fille à
la guitare / Yon fi, yon gita, yon vwa (2012), novelas: Rosalie l’infâme
(2003), L’Œil-Totem (2006), y una obra de teatro: Le Bleu de
l’île (2005).

TROUILLOT, LYONEL (Port-au-Prince, 1956). Es poeta, novelista


y crítico literario. Estudia derecho y trabaja en diversos periódi-
cos y revistas de Haití. Desde muy joven publica literatura en revis-
tas y obras colectivas. Es un discípulo del poeta René Philoctète, y
también compone letras de canciones para intérpretes como Tambou
Libète, Manno Charlemagne, Toto Bissainthe y Jean Coulanges.
Profesor de literatura y cofundador de las revistas en creol Lakansyèl,
Tèm y Langaj, Lyonel Trouillot es hoy miembro y co-director del
colectivo editorial Cahiers du Vendredi. Es un miembro activo de
la sociedad civil haitiana.
Dentro de su obra se encuentran: Novela: Les fous de Saint-Antoine
(1989); Le livre de Marie (1993), Rue des pas perdus (1998), Thérèse
en mille morceaux (2000), Les enfants des héros (2002), Bicente-
naire (2004), L’Amour avant que j’oublie (2007), Yanvalou pour

729
Parmi ses œuvres, il faut citer: Roman: Les fous de Saint-Antoine
(1989), Le livre de Marie (1993), Rue des pas perdus (1998), Thérèse en
mille morceaux (2000), Les enfants des héros (2002), Bicentenaire
(2004), L’Amour avant que j’oublie (2007), Yanvalou pour Charlie
(2009), La belle amour humaine (2001), Agase lesperans (2016).
Poésie: Depale (1979), La petite fille au regard d’île (1994), Zanj nan
dlo (1995); Éloge de la contemplation suivi de Les dits du fou de l’île et
Rendez-vous (2009), C’est avec mains qu’on fait chansons; anthologie
poétique (2015).

VIAU RENAUD, JACQUES (Haïti, 1941-République Dominicaine,


1965). Son père, persécuté par la dictature de Duvalier, émigre en
République Dominicaine en 1958, où il travaille comme professeur
de français. Très jeune, Viau Renaud s’intéresse à la littérature, et il
se sent profondément attaché à l’île Hispaniola dans sa totalité. Il est
enseignant, et participe activement à la vie littéraire dominicaine du
début des années soixante. Lorsque la Guerre civile éclate en avril
1965, proclamant le retour au pouvoir du président déchu Juan
Bosch, il rejoint les forces rebelles. Il est abattu le 15 juin 1965; il
n’a que 23 ans. Sa production poétique est dispersée dans les jour-
naux de l’époque. Le Frente Cultural publie Permanencia del llanto
(1965) à titre posthume.

VILAIRE, ETZER (Jérémie, 1872-Port-au-Prince, 1951). Il est né


dans la «ville des poètes». Il a une enfance difficile à cause d’une
maladie qui l’oblige à rester à la maison. Il se formera en autodidacte,
et nourrira sa passion pour la philosophie. Vilaire est professeur de
français; il étudie le Droit et, comme son père, il est juge du Tribunal
de Jérémie. C’est le poète Georges Sylvain qui le découvre lors d’une
visite dans cette ville; il l’incite à rejoindre le groupe des écrivains
de la génération de la Ronde. L’œuvre de Vilaire remporte alors
un grand succès à Port-au-Prince et, plus tard, à Paris, où le recueil
Nouveaux poèmes (1910) est primé par l’Académie française en 1912.
Vilaire reflète ses préoccupations philosophiques et universelles à
partir d’une référence haïtienne, mais évitant toujours de tomber
dans le folklorisme local. Il continue à exercer comme homme de
loi à Port-au-Prince. Son activisme politique lui vaut la prison. Lors
de l’essor du mouvement indigéniste haïtien – représentant une voie
opposée à la sienne – Vilaire quitte la scène littéraire.
730
Charlie (2009), La belle amour humaine (2001), Agase lesperans
(2016). Poesía: Depale (1979), La petite fille au regard d’île (1994),
Zanj nan dlo (1995), Éloge de la contemplation / Les dits du fou de l’île
et Rendez-vous (2009), C’est avec mains qu’on fait chansons; anthologie
poétique (2015).

VIAU RENAUD, JACQUES (Haití, 1941-República Dominicana,


1965). Su padre, perseguido por la dictadura de Duvalier, emigra
a la República Dominicana en 1958, donde ejerce como profesor
de francés. Desde joven, Viau Renaud se interesa por la literatura,
y se siente profundamente vinculado a La Española en su totalidad.
Realiza una labor docente y participa activamente en la vida literaria
dominicana de comienzos de los años sesenta. Al estallar la guerra
civil de abril de 1965, rebelión que propugnaba el retorno al poder
del derrocado presidente Juan Bosch, se une a las fuerzas rebeldes.
Cae abatido el 15 de junio de 1965, con apenas 23 años de edad.
Su producción poética se encuentra dispersa en diarios y revistas de
la época. El Frente Cultural publicó póstumamente su obra Perma-
nencia del llanto (1965).

VILAIRE, ETZER (Jérémie, 1872-Port-au-Prince, 1951). Nace en


la llamada «Ciudad de los poetas». Vive una infancia difícil por
causa de una enfermedad que lo obliga a quedarse en casa. Se forma
entonces de manera autodidacta y descubre su pasión por la filosofía.
Vilaire es profesor de francés; estudia Derecho y, como su padre, es
juez del Tribunal de Jérémie. Es el poeta Georges Sylvain quien lo
descubre al visitar esa ciudad, incitándolo a unirse a los escritores
de la generación de La Ronde. La obra de Vilaire conoce entonces
un gran éxito en Puerto Príncipe y luego en París, donde el poema-
rio Nouveaux poèmes (1910) es premiado por la Academia francesa
en 1912. Plasma sus preocupaciones filosóficas y universales a partir
de una trama haitiana, pero siempre evitando caer en el folklorismo
local. Paralelamente, ejerce como hombre de ley en Puerto Príncipe.
Su activismo político le vale un encarcelamiento. Al llegar el auge del
movimiento indigenista haitiano –que representa una vía opuesta a
la suya–, Vilaire se retira de la escena literaria.

731
Illustrations de couvertures
Ilustraciones de portadillas*

«Voyage», inspiré par le poème homonyme de Louis-Philippe


Dalembert / inspirado en el poema homónimo de Louis-Philippe
Dalembert (p. 7).
«Lasiren 1» (pp. 26 y 27).
«Zanj powèm» (pp. 122 y 123).
«Rasin Libète» (pp. 124 y 125).
«Lasiren 2» (pp. 134 y 135).
«Le Sentier», inspiré par le poème homonyme de Claude Fabry /
inspirado en el poema homónimo de Claude Fabry (pp. 138
y 139).
«Credo», inspiré par le poème homonyme de Dominique Desman-
gles / inspirado en el poema homónimo de Dominique Desmangles
(pp. 204 y 205).
«Mon pays que voici / Ces îles qui marchent», inspiré par les poèmes
homonymes de Anthony Phelps y René Philoctète / inspirado en
los poemas homónimos de Anthony Phelps y René Philoctète
(pp. 334 y 335).
«Mon île», inspiré par le poème homonyme de Marie-Ange Jolicœur /
inspirado en el poema homónimo de Marie-Ange Jolicœur
(pp. 400 y 401).
«Chacun se connaît bien», inspiré par le poème homonyme de
Alcibiade Fleury-Battier / inspirado en el poema homónimo
de Alcibiade Fleury-Battier (pp. 434 y 435).
«Mon pays», inspiré par le poème homonyme de / inspirado en el
poema homónimo de Marie-Thérèse Colimon (pp. 598 y 599).

* Gravures de Doris Schwab réalisées en 2015. / Grabados de Doris Schwab


realizados en 2015.

732
Bibliographie / Bibliografía

Afin de proposer cette anthologie et son introduction historique,


nous avons consulté différentes sources: des poètes, des recueils de
poèmes, des anthologies, des collections, des revues, des études et
des bibliothèques en ligne. Pour chaque poème choisi et traduit,
nous mentionnons la source de la version reproduite et, lorsqu’elle
diffère de la première édition, nous spécifions où et quand le poème
a été publié pour la première fois. Dans certains cas, nous n’avons
pas eu accès à la première édition; cependant, nous avons vérifié
les informations dans des sources fiables. Ainsi, nous marquons
d’un astérisque (*) les premières éditions mentionnées dans des
anthologies ou livres de références que nous n’avons pu consulter
directement. Nous offrons ici, également, la source de toutes les
publications citées dans l’histoire de la poésie haïtienne qui ouvre
cette anthologie.

Para lograr esta antología y su introducción histórica, hemos consul-


tado diversas fuentes: poetas, poemarios, antologías, colecciones,
revistas, estudios y bibliotecas en línea. Para cada poema seleccio-
nado y traducido, mencionamos la fuente de donde proviene la
versión reproducida y, cuando esta difiere de la primera edición,
especificamos dónde y cuándo ha sido publicado el poema por
primera vez. En algunos casos la primera edición no ha esta-
do a nuestro alcance, sin embargo siempre hemos verificado la
información en fuentes fidedignas. Así, indicamos con un asteris-
co (*) las primeras ediciones mencionadas en antologías o libros de
referencia que no hemos podido consultar directamente. También
ofrecemos aquí las fuentes de todas las publicaciones citadas en la
historia de la poesía haitiana que abre esta antología.

Nota: Todas las referencias bibliográficas están en lengua original:


nombres de ciudades, nombres propios, informaciones comple-
mentarias (p. ej.: «Préface de...» en vez de: «Prólogo de...»).
Asimismo, cuando citamos un artículo, indicamos su fuente con
«in:» en latín, y no «en:» para que sea comprensible para todos
los lectores.
733
Chants, poèmes et recueils / Cantos, poemas y poemarios

ARDOUIN, CORIOLAN: *Reliques d’un poète haïtien, R. Éthéart,


Port-au-Prince, 1837.
__________: Poésie complète, Collection l’Intemporel, Presses Natio-
nales d’Haïti, Port-au-Prince, 2005.
BAGUIDY-GILBERT, SERGE: Poèmes dits dans un miroir, Collection
Hounguénikon, Port-au-Prince, 1966.
BEAUVOIR, MAX G.: Le Grand Recueil Sacré ou Répertoire des Chan-
sons du Vodou Haïtien, Edisyon Près Nasyonal d’Ayiti, Koleksyon
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BÉLANCE, RENÉ: Épaule d’ombre, Imprimerie de l’État, Port-au-
Prince, 1945.
__________: «Interview avec André Breton», Haïti-Journal, Port-au-
Prince, 12-13 décembre 1945. Republiée sous le titre «Interview
de René Bélance» dans Entretiens (1913-1952) d’André Breton.
Gallimard, Paris, 1952.
BENJAMIN, FRANZ: Vingt-quatre heures dans la vie d’une nuit,
Mémoire d’encrier, Montréal, 2010.
BERNARD, REGNOR CHARLES: *Nègre!!!, Imprimerie Telhomme,
Port-au-Prince, 1945.
__________: «Soir», Conjonction: «L’indigénisme», nro. 197, Institut
français d’Haïti, Port-au-Prince, 1993.
BERROUËT-ORIOL, ROBERT: Poème du décours, Éditions Triptyque,
Montréal, 2010.
__________: Découdre le désastre suivi de L’île anaphore, Éditions
Triptyque, Montréal, 2013.
__________: Éloge de la mangrove, Éditions Triptyque, Montréal,
2016.
BRIERRE, JEAN-FERNAND: Black Soul, Editorial Lex, La Habana,
1947.
__________: *Écrit sur du ruban rose, Imprimerie Modèle, Port-au-
Prince, 1927.
734
BROUARD, CARL: Pages retrouvées. Œuvres en prose et en vers, Éditions
Panorama, Port-au-Prince, 1963.
BRUN, AMÉDÉE: *Sans pardon et autres nouvelles, Imprimerie de
l’Abeille, Port-au-Prince, 1909.
BURR-REYNAUD, FRÉDÉRIC: Poèmes quisqueyens. Époque indienne,
Collection haïtienne des éditions de La Revue Mondiale, Paris,
1926.
CASTERA, GEORGES: «Art poétique», Optique, nro. 27, Le Nouvelliste,
Port-au-Prince, 1956.
__________: Le Retour à l’arbre, avec des dessins de Bernah Wah.
Calfou Nouvelle Orientation, New York, 1974.
__________: *Voix de tête, Éditions Mémoire, Port-au-Prince, 1996.
__________: L’encre est ma demeure, anthologie établie et préfacée
par Lyonel Trouillot, Actes Sud, Arles, 2006.
__________: Le Trou du souffleur, préface de Jean-Durosier Desri-
vières, dessins de Georges Castera, Caractères, Paris, 2006.
__________: Rabouch (antoloji), Presses Nationales d’Haïti, Port-au-
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CHARLEMAGNE, MANNO: Album La Fimen, Kako Productions,
New York, 1994.
CHARLES, JEAN-CLAUDE: *Négociations, P. J. Oswald, Paris, 1972.
__________: Négociations, Mémoire d’encrier, Montréal, 2015.
CHASSAGNE, RAYMOND: Mots de passe, Naaman, Sherbrooke, 1976.
__________: Incantatoire, illustrations de Patrick Vilaire, Éditions
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COICOU, MASSILLON: *Poésies nationales, V. Goupy et Jourdan,
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__________: *Impressions, Rêves des jours de trêve (de la vingtième
à la trentième année), Librairie des Mathurins, Dujarric et Cie,
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COLIMON HALL, MARIE-THÉRÈSE: *«Mon pays», La Voix des
femmes, organe de la Ligue Féminine d’Action Sociale, Port-au-
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735
COLIMON HALL, MARIE-THÉRÈSE: «Mon pays», Optique, nro. 7,
Le Nouvelliste, Port-au-Prince, septembre 1954.
__________: Mon cahier d’écritures, Ateliers Fardin, Port-au-Prince,
1973.
DALEMBERT, LOUIS-PHILIPPE: Évangile pour les miens, Choucoune,
Port-au-Prince, 1982.
__________: Et le soleil se souvient suivi de Pages cendres et palmes
d’aube, L’Harmattan, Paris, 1989.
__________: Ces îles de plein sel et autres poèmes, Éditions Silex-
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__________: Poème pour accompagner l’absence, Mémoire d’encrier,
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__________: Transhumances, Riveneuve éditions, Paris, 2010.
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__________: Idem et autres poèmes, Seghers, Paris, 1964.
DEPESTRE, RENÉ: Étincelles, préface d’Édris Saint-Amand, Impri-
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__________: Gerbe de sang, préface de René Bélance, Collection La
Vie Violente, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1946.
__________: Végétations de clarté, préface d’Aimé Césaire, Seghers,
Paris, 1951.
__________: «Minerai noir», Optique, nro. 2, Le Nouvelliste, Port-au-
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__________: Minerai noir, Présence Africaine, Paris, 1956.
__________: Un arc-en-ciel pour l’occident chrétien, Présence Africai-
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__________: Au matin de la négritude, Euroéditeur, Paris, 1990.
__________: Non-assistance à poètes en danger, préface de Michael
Onfray, Seghers, Paris, 2005.
__________: Rage de vivre. Œuvres poétiques complètes, Paris, Seghers,
2006.
736
DESRIVIÈRES, JEAN-DUROSIER: Bouts de ville à vendre, Éditions
Caractères, Paris, 2010.
__________: Vis-à-vis de mes envers suivi de Le poème de Grenoble, Le
Teneur, Paris, 2013.
DIEUDONNÉ, LAURE EDNIE: L’échine du ciel et autres textes, (écrits
entre 1993 et 2015), Impression artisanale African Kaléïdoscope,
Genève, 2015.
DOVILAS, ANDERSON: Vingt poèmes pour traverser la nuit, Collection
Tremplin, Édilivre, Paris, 2012.
__________: Mémoire d’outre-monde, L’Harmattan, Paris, 2014.
DUMESLE, HÉRARD: Voyage dans le nord d’Hayti ou Révélations des
lieux et des monuments historiques, Imprimerie du Gouvernement,
Les Cayes, 1824.
DUPRÉ, ANTOINE: *Hymne à la liberté, [Imprimerie du Gouverne-
ment], Port-au-Prince, 1812.
DURAND, CHARLES ALEXIS OSWALD: *Rires et pleurs 1869-1896
(Tome 1 et 2), Éditions Corbeil-Crété, Paris, 1896.
__________: Rires et pleurs 1869-1896 (Tome 1 et 2), Collection
l’Intemporel, Presses Nationales d’Haïti, Port-au-Prince, 2005.
D UVIVIER H ALL , L OUIS : *À l’ombre du mapou. Imprimerie
Bonnefil, Les Cayes, 1931.
__________: À l’ombre du mapou, Imprimerie Henri Deschamps,
Port-au-Prince, 1982.
EJÈN, MANNO / EUGÈNE, EMMANUEL: Vwa Zandò La voix des
mystères, Mémoire d’encrier, Montréal, 2007.
ETHÉART, LIAUTAUD: «Zombis», *Le Constitutionnel, 19 août 1876.
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FABRY, CLAUDE [pseud. de Arthur Bonhomme]: L’âme du Lambi,
préface de Léon Laleau, Collection des Griots, Imprimerie
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FAUBERT, IDA: *Cœur des îles, préface de Jean Vignaud, prix Jacques-
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OBAS, BEETHOVA: Album Le chant de liberté, Ch. Obas Productions,
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PHELPS, ANTHONY: Été, couverture et illustrations de Grace
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tions Caliban, Montréal, 2000, 2005].
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Haïti Littéraire et Scientifique, dirigée par Edmond Laforest, Port-au-
Prince, 1912-1913.
IntranQu’îllités, Revue littéraire et artistique, créée en 2012, maître
d’œuvre: James Noël, direction artistique: Pascale Monnin, Passa-
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Revue des Colonies: recueil mensuel de la politique, de l’administration,
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d’hommes de couleur, dirigée par A. C. Bissette, [s. n.], Paris,
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749
Index

Remerciements 8

Préface. Poésie haïtienne: la révolution sans fin... 12


ROBERTO ZURBANO

Préface. Entre mirage et miracle 20


JAMES NÖEL

Introduction. Trois siècles de chant à la Liberté 28


YASMINA TIPPENHAUER

Brève histoire de la poésie haïtienne de 1804 à nos jours 36


YVES CHEMLA / YASMINA TIPPENHAUER
Commencements 36
Perception intime et poésies nationales 40
La Ronde 50
Indigénisme et surréalisme 54
Montée de la nuit 66
Trois voies, trois feuilles 72
Poésie et révolution 74
Haïti Littéraire 80
Astres 96
Étoiles 100
Constellations nouvelles 106
D’anthologie / Constellations nouvelles 110

ANTHOLOGIE DE POÉSIE HAÏTIENNE

AVANT...
CHANTS
Lapriyè Boukman 126
Legba 128
Batay la angaje 130

750
Índice

Agradecimientos 9

Prólogo. Poesía haitiana: la revolución interminable... 13


ROBERTO ZURBANO

Prólogo. Entre espejismo y milagro 21


JAMES NÖEL

Introducción. Tres siglos de canto a la Libertad 29


YASMINA TIPPENHAUER

Breve historia de la poesía haitiana de 1804 a la actualidad 37


YVES CHEMLA / YASMINA TIPPENHAUER
Inicios 37
Percepción íntima y poesías nacionales 41
La Ronde 51
Indigenismo y surrealismo 55
Ascenso de la noche 67
Tres sendas, tres voces 73
Poesía y revolución 75
Haïti Littéraire 81
Astros 97
Estrellas 101
Nuevas constelaciones 107
De antología / Nuevas constelaciones 111

ANTOLOGÍA DE POESÍA HAITIANA

UN ANTES...
CANTOS
Oración de Boukman 127
Legba 129
La batalla está librada 131

751
COMMENCEMENTS
Antoine DUPRÉ
Hymne à la liberté 136

PERCEPTION INTIME ET POÉSIES NATIONALES


Coriolan ARDOUIN
Le départ du négrier 140
Liautaud ÉTHÉART
Zombis 144
Charles Alexis Oswald DURAND
Aux Cubains 148
Choucoune 152
Chant national 156
I 156
II 156
III 158
IV 158
V 158
Alcibiade FLEURY-BATTIER
Chacun se connaît bien (conte créole) 162
Tertullien Marcelin GUILBAUD
Le montagnard 166
Louis DUVIVIER HALL
Poèmes des quatre saisons 172
Printemps 172
Eté 172
Automne 172
Hiver 172
Airs de chez nous 174
Héritage 174
Liberté 174
Ambition 174
Georges SYLVAIN
Frères d’Afrique (extraits) 176

752
LOS INICIOS
Antoine DUPRÉ
Himno a la libertad 137

PERCEPCIÓN ÍNTIMA Y POESÍAS NACIONALES


Coriolan ARDOUIN
La partida del negrero 141
Liautaud ÉTHÉART
Zombis 145
Charles ALEXIS OSWALD DURAND
A los cubanos 149
Choucoune 153
Canto nacional 157
I 157
II 157
III 159
IV 159
V 159
Alcibiade FLEURY-BATTIER
Cada quien bien se conoce (cuento creol) 163
Tertullien Marcelin GUILBAUD
El montañés 167
Louis DUVIVIER HALL
Poemas de las cuatro estaciones 173
Primavera 173
Verano 173
Otoño 173
Invierno 173
Aires nuestros 175
Herencia 175
Libertad 175
Aspiración 175
Georges SYLVAIN
Hermanos de África (fragmentos) 177

753
Massillon COICOU
Colomb 180
À Toussaint Louverture 186
Amédée BRUN
Pour Haïti 188
Etzer VILAIRE
L’ajoupa 190
Ida FAUBERT
Soir tropical 196
À mon fils 198
Frédéric BURR-REYNAUD
Haïti. Sonnet liminaire 200
Douce existence 202

INDIGÉNISME, SURRÉALISME ET RÉVOLTE


Carl BROUARD
Le tam-tam angoissé 206
Nous 208
Vous 212
Émile ROUMER
Le Caïman étoilé 214
Conversion d’indigènes dans la famine du cyclone Hazel 216
Merci quand même 218
Jacques ROUMAIN
Bois d’ébène 220
Prélude 220
Pourtant 226
Sales nègres (extraits) 232
Jean-Fernand BRIERRE
Black Soul 242
Robert LATAILLADE
Noun 252
Le tableau d’Hikato (Poème nippon) 254

754
Massillon COICOU
Colón 181
A Toussaint Louverture 187
Amédée BRUN
Para Haití 189
Etzer VILAIRE
El ayupá 191
Ida FAUBERT
Noche tropical 197
A mi hijo 199
Frédéric BURR-REYNAUD
Haití. Soneto liminar 201
Dulce existencia 203

INDIGENISMO, SURREALISMO Y REBELDÍA


Carl BROUARD
El tam-tam angustiado 207
Nosotros 209
Ustedes 213
Émile ROUMER
El Caimán estrellado 215
Conversión de indígenas en la hambruna del huracán Hazel 217
Pese a todo, Gracias 219
Jacques ROUMAIN
Madera de ébano 221
Preludio 221
Sin embargo 227
Malditos negros (fragmentos) 233
Jean-Fernand BRIERRE
Black Soul 243
Robert LATAILLADE
Noun 253
El cuadro de Hikato (Poema nipón) 255

755
Claude FABRY
Le sentier 260
Le lambi 268
MAGLOIRE-SAINT-AUDE
Vide 274
Larme 276
Poison 278
Déchu (extraits) 280
I 280
V 280
Félix MORISSEAU-LEROY
Touris 282
Terre (extrait) 286
III 286
Regnor Charles BERNARD
Aube 288
Soir 290
Marie-Thérèse COLIMON HALL
Mon pays 292
Paul LARAQUE
Soldat-marron 296
Tam-tam d’Haïti 298
La croix de Guevara 300
Ballade de l’exil 302
Raymond CHASSAGNE
L’affranchi 308
Longitude 310
Blues à Madame 312
Menace d’exil 314
René DEPESTRE
XI. Saison de colère 316
XXIII. Écluses ouvertes 320
Minerai noir 324
La machine Singer 328
Non-assistance à poètes en danger 332

756
Claude FABRY
El sendero 261
El lambí 269
MAGLOIRE-SAINT-AUDE
Vacío 275
Lágrima 277
Veneno 279
Caído (fragmentos) 281
I 281
V 281
Félix MORISSEAU-LEROY
Turista 283
Tierra (fragmento) 287
III 287
Regnor CHARLES BERNARD
Alba 289
Noche 291
Marie-Thérèse COLIMON HALL
Mi país 293
Paul LARAQUE
Soldado cimarrón 297
Tam-tam de Haití 299
La cruz de Guevara 301
Balada del exilio 303
Raymond CHASSAGNE
El liberto 309
Longitud 311
Blues a Madame 313
Amenaza de exilio 315
René DEPESTRE
XI. Estación de la ira 317
XXIII. Esclusas abiertas 321
Mineral negro 325
La máquina Singer 329
No asistencia a poetas en peligro 333

757
HAÏTI LITTÉRAIRE
Anthony PHELPS
Mon pays que voici (extrait) 336
La nuit des invertébrés 340
Père Caraïbe 346
René PHILOCTÈTE
Promesse 3 354
Ces îles qui marchent (extrait) 356
À mon pays blessé! 362
Terrophagie 364
Roland MORISSEAU
Pour d’autres agapes fraternelles (extraits) 366
Janine TAVERNIER
Volonté 2 374
Georges CASTERA FILS
Art poétique 380
Première réponse 388
Certitude 390
Signal 392
DAVERTIGE
Anacaona 394
L’île déchaînée (extrait) 396

ASTRES
FRANKÉTIENNE
Samba 402
Ultravocal (extrait) 404
Haïti Chaos / Haïti Babel (extraits) 406
Le corps en plein écho 412
L’effervescence du rêve 414
Sauras-tu décrypter 416
Absolue naïveté 418
Et le sang de la femme 420
Et quand les nuages 422

758
HAÏTI LITTÉRAIRE
Anthony PHELPS
Este es mi país (fragmento) 337
La noche de los invertebrados 341
Padre Caribe 347
René PHILOCTÈTE
Promesa 3 355
Esas islas que caminan (fragmento) 357
¡A mi país herido! 363
Terrofagia 365
Roland MORISSEAU
Para otros ágapes fraternales (fragmentos) 367
Janine TAVERNIER
Voluntad 2 375
Georges CASTERA FILS
Arte poética 381
Primera respuesta 389
Certidumbre 391
Señal 393
DAVERTIGE
Anacaona 395
La isla desencadenada (fragmento) 397

ASTROS
FRANKÉTIENNE
Samba 403
Ultravocal (fragmentos) 405
Entre el sueño y la pesadilla (fragmentos) 407
El cuerpo en pleno eco 413
La efervescencia del sueño 415
¿Sabrás desentrañar 417
Absoluta ingenuidad 419
Y la sangre de la mujer 421
Y cuando las nubes 423

759
Jean MÉTELLUS
Au pipirite chantant (extraits) 424
Ogoun (extrait) 430
Ogoun 432

ÉTOILES
Jean-Claude MARTINEAU
Ténèbres 436
Libète 440
Vyewo 444
Jacques VIAU RENAUD
Nada permanece tanto como el llanto (fragmento) 448
I 448
II 450
Syto CAVÉ
Le Poète 456
C’est bien d’aimer ainsi 460
Serge BAGUIDY-GILBERT
Poèmes dits dans un miroir 462
Prologue (extrait) 462
Épilogue 466
Serge ST-JEAN / Serge SAINT-JEAN
EUX – C’est la moite la morne saison 470
O cette nuit de Décembre 472
Ah cette nuit de février 474
Manno EJÈN / Emmanuel EUGÈNE
Mayilò 476
Yon lang zileniz (fragman) 478
Yanick JEAN
Recommencer Paule (extraits) 480
Manno CHARLEMAGNE
Dwa de lòm 484
Na sispann pèdi 486

760
Jean MÉTELLUS
Al canto pipirite (fragmentos) 425
Ogún (fragmento) 431
Ogún 433

ESTRELLAS
Jean-Claude MARTINEAU
Tinieblas 437
Libertad 441
Viejo 445
Jacques VIAU RENAUD
Rien ne demeure autant que la complainte (extrait) 449
I 449
II 451
Syto CAVÉ
El Poeta 457
Es bueno amar así 461
Serge BAGUIDY-GILBERT
Poemas dichos en un espejo 463
Prólogo (fragmento) 463
Epílogo 467
Serge ST-JEAN / Serge SAINT-JEAN
ELLOS – Es la mustia la monótona estación 471
Oh esta noche de Diciembre 473
Ah esta noche de febrero 475
Manno EJÈN / Emmanuel EUGÈNE
Vértigo 477
Lengua insular (fragmento) 479
YANICK JEAN
Recomenzar Paula (fragmentos) 481
Manno CHARLEMAGNE
Derechos humanos 485
Dejaremos de ser perdedores 487

761
Marie-Alice THÉARD
Temps mort sur mon île 490
Poète exilé 496
II 496
Jean-Claude CHARLES
Je suis un homme sans légende (extraits) 500
Les migrateurs (extrait) 504
Je 506
Marie-Ange JOLICŒUR
Mon île 508
Edgard GOUSSE
Dans le ventre de la terre 512
L’imaginaire du soleil 514
Je t’écris de mon île, le tumulte est si fou en ce lieu 516
Robert BERROUËT-ORIOL
Découdre le désastre (extrait) 522
Éloge de la mangrove (extrait) 526
Évelyne TROUILLOT
Tanpri 530
Promesses 532
Hommage 534
Suprice LENOUS
Kou n ap pale a menm 538
Pil sou pil 540
L’île en jeu 542
Lyonel TROUILLOT
Tu diras 546
Rendez-vous 550
Il n’y a plus de poème 552
Nous sommes des villes disparues 556
Kettly MARS
Michaëlle 560
Carrefour 562

762
Marie-Alice THÉARD
Tiempo muerto sobre mi isla 491
Poeta exiliado 497
II 497
Jean-Claude CHARLES
La leyenda de un hombre sin leyenda (fragmentos) 501
Migratorio (fragmento) 505
Yo 507
Marie-Ange JOLICŒUR
Isla mía 509
Edgard GOUSSE
En el vientre de la tierra 513
Imaginario del sol 515
Te escribo de mi isla, el tumulto es tan loco en este lugar 517
Robert BERROUËT-ORIOL
Deshilvanar el desastre (fragmento) 523
Elogio del manglar (fragmento) 527
Évelyne TROUILLOT
Por favor 531
Promesas 533
Homenaje 535
Suprice LENOUS
El momento en el que hablamos 539
Uno encima de otro 541
La isla en juego 543
Lyonel TROUILLOT
Dirás 547
Rendez-vous 551
Ya no hay poema 553
Somos ciudades desaparecidas 557
Kettly MARS
Micaela 561
Encrucijada 563

763
Marc K. EXAVIER
Matériaux de construction (extraits) 564
Louis-Philippe DALEMBERT
On my mind haiti 566
Voyage 572
Dominique DESMANGLES
Credo 578
Femme hibiscus 580
Rodney SAINT-ÉLOI
Cité Soleil (extrait) 582
Récitatif au pays des ombres (extrait) 586
Beethova OBAS
Lage l 590
La pli 592
Le chant de liberté 594

CONSTELLATIONS NOUVELLES
Franz BENJAMIN
1 600
2 602
3 604
4 606
Jean-Durosier DESRIVIÈRES
Bouts de ville à vendre, poésie d’urgence (extraits) 610
noyau d’avocat servant d’oreiller 616
André FOUAD
Vil Okay vil bekàn 618
Danse mon île 620
Stéphane MARTELLY
Carnets (Un triptyque et une exergue) 622
Laure-Ednie DIEUDONNÉ
Amour insulaire 626
Fils-Lien Ély THÉLOT
Restrictif 628

764
Marc K. EXAVIER
Materiales de construcción (fragmentos) 565
Louis-Philippe DALEMBERT
On my mind haiti 567
Viaje 573
Dominique DESMANGLES
Credo 579
Mujer hibiscus 581
Rodney SAINT-ÉLOI
Cité Soleil (fragmento) 583
Cantata en el país de las sombras (fragmento) 587
Beethova OBAS
Libérenlo 591
La lluvia 593
El canto de libertad 595

NUEVAS CONSTELACIONES
Franz BENJAMIN
1 601
2 603
3 605
4 607
Jean-Durosier DESRIVIÈRES
Retazos de ciudad en venta, poesía de urgencia (fragmentos) 611
por almohada hueso de aguacate 617
André FOUAD
Ciudad Les Cayes, ciudad de bicicletas 619
Danza isla mía 621
Stéphane MARTELLY
Cuadernos (Un tríptico y una glosa) 623
Laure-Ednie DIEUDONNÉ
Amor insular 627
Fils-Lien Ély THÉLOT
Restrictivo 629

765
James NOËL
Bon Nouvèl 632
Dernière phase 634
Déclic 638
Kana sutra (extraits) 640
Claude SAINNÉCHARLES
La république de la canne à sucre 642
Edwige SYLVESTRE-CEIDE
Diaspora, le 11e département (partie I & II) 644
I Avant de partir... 644
II À l’ombre de nos mémoires 646
Makenzy ORCEL
quand le corps 652
le large 654
je me torche à ma santé 656
tous 658
Anderson DOVILAS
Périphrase (extrait) 660
Une nuit d’Adieu à Janrabel 664
Ricarson DORCÉ
Liberté 668
Éthique de la révolte! 670
Les guerres 672
Thélyson ORÉLIEN
Laviwonn dede 674
Lettre à Céline 676

Fiches biobibliographiques 680

Bibliographie 733
Chants, poèmes et recueils 734
Revues 744
Anthologies et recherches 745
Autres sources 748

766
James NOËL
Buenas Nuevas 633
Última fase 635
Chispazo 639
Kana sutra (fragmentos) 641
Claude SAINNÉCHARLES
La república de la caña de azúcar 643
Edwige SYLVESTRE-CEIDE
Diáspora, departamento 11(parte I & II) 645
I Antes de partir... 645
II En la sombra de nuestras memorias 647
Makenzy ORCEL
cuando el cuerpo 653
alta mar 655
me emborracho a mi salud 657
todos 659
Anderson DOVILAS
Perífrasis (fragmento) 661
Una noche de Adiós a Janrabel 665
Ricarson DORCÉ
Libertad 669
¡Ética de la rebelión! 671
Guerras 673
Thélyson ORÉLIEN
Rondando 675
Carta a Céline 677

Fichas biobibliográficas 681

Bibliografía 733
Cantos, poemas y poemarios 734
Revistas 744
Antologías y estudios 745
Otras fuentes 748

767
Ayiti Cheri. Poesía haitiana (1800-2015)
se terminó de imprimir
en el mes de mayo de 2018,
con una tirada de 2000 ejemplares.

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