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Département des sciences de l’éducation

Les grands psychologues de


l’apprentissage

Document de travail réalisé dans le cadre du cours


PMS SCE 63 Apprentissage et formation
par les étudiant/e/s de Master 1 IPFA

Halima Arfane
Steven Bars
Fabien Chaillou
Isrine Chdak
Pascal Cloménil
Coralie Deguines
Marie Laurent
Cécile Lecluyse
Marine Leenknecht
Ahlam Maskri
Fata Mohamed
Lydia Ndoumbe Ngollo
Marie Liesse Nimier
Marie Popovici
Ange-Dominique Secondi
David Surbon

Avec la collaboration de
Philippe Carré

-1-
-2-
TABLE

Introduction : la psychologie de l’apprentissage 3


Chapitre 1 : Le behaviorisme et la théorie de l’apprentissage de Burrhus F. Skinner 5
Chapitre 2 : Le constructivisme et la théorie de l’intelligence de Jean Piaget 21
Chapitre 3 : Le socioconstructivisme et la théorie du déveoppement de Lev Vygotsky 34
Chapitre 4 : La psychologie humaniste de Carl Rogers 53
Chapitre 5 : La psychologie cognitive de la mémoire d’Alain Lieury 70
Chapitre 6 : La théorie sociocognitive d’ Albert Bandura 80

-3-
INTRODUCTION

Ce texte est une production collaborative du groupe d’étudiant/e/s de Master 1


Ingénierie pédagogique en formation d’adultes. C’est également le résultat d’une
innovation pédagogique : pour la première fois dans ce cursus, sur la proposition de
l’enseignant, le groupe a vécu une expérience d’autoformation collective pendant
toute la durée du programme, soit 6 semaines, à raison de 3 heures de cours
hebdomadaires prévus. Les groupes de 2 à 3 personnes se sont constitués sur la
base d’affinités et du choix de travailler autour d’un grand psychologue de
l’apprentissage. La présence aux séances de regroupement était optionnelle,
l’enseignant étant toujours là, les étudiant/e/s libres de s’organiser comme ils le
souhaitaient. Les ressources disponibles étaient plurielles : accès à la salle
informatique pour consultation des bases sur Internet, manuels de psychologie de
l’éducation, présence des pairs et de l’enseignant comme personne-ressource. Le
contrat portait sur la production, lors des 5 ème et 6ème séances, d’un exposé devant le
reste du groupe (de 30 minutes environ), suivi d’une phase de débat, sur la base
d’un diaporama de présentation. Ils devaient également produire un texte, que l’on
trouvera intégralement dans le présent document, une fois quelques modifications et
erreurs (mineures) introduites par l’enseignant. Celui-ci aura « enseigné », au total,
moins de 3 heures sur 18, soit environ 15% du temps de formation : une introduction
méthodologique, et quelques commentaires, sur demande en cours de processus.

Le résultat est à la hauteur des espérances que l’on pouvait formuler au lancement
de l’expérience. En peu de temps, le groupe a réussi à produire ce qui ressemble à
un Manuel de psychologie de l’apprentissage, basé sur les travaux de 6 des
psychologues les plus influents en pédagogie aujourd’hui.

La liste des psychologues proposés à cette étude a été tirée de la consultation de


plusieurs manuels en anglais et en français, portant à choisir Skinner, Piaget,
Vygotsky, Rogers, Bandura et Lieury comme d’éminents représentants des six
courants majeurs d’influence de la psychologie sur la pédagogie aujourd’hui,
courants dont ils sont soit les fondateurs, soit des figures majeures. Le behaviorisme,
sans doute mal compris par les psychologies dominantes aujourd’hui, et bien qu’il ait

-4-
montré ses limites dans l’interprétation hégémonique qu’il a offert du comportement
humain, est présenté à travers l’œuvre de B. F. Skinner dans le chapitre 1. On sait
qu’en réaction contre ce premier courant de la psychologie naissante, à côté de la
psychanalyse qui en était contemporaine, la psychologie cognitive s’est construite
dans la deuxième moitié du XXème siècle, avec la convergence de la théorie de la
forme, de la cybernétique et des travaux de J. Piaget dans le registre de ce que l’on
a dénommé le constructivisme (chapitre 2), et avec le socioconstructivisme de L.
Vygotsky (chapitre 3). A la même époque se développait outre-Atlantique la
psychologie humaniste dont C. Rogers a été le représentant le plus lu et écouté dans
les milieux de l’éducation (chapitre 4). Avec A. Lieury nous étudions avec le chapitre
5 le vaste domaine de la psychologie cognitive de la mémoire, qui complète ce
panorama avant de conclure avec la théorie globale la plus récente que forme
l’œuvre d’A. Bandura pour une théorie sociocognitive (chapitre 6).

Certains auteurs importants de la psychologie de l’apprentissage au sens large ont


dû être écartés du choix proposé. On aurait pu compléter cette liste avec la
présentation des travaux dans ce domaine de J. Bruner, R. Gagné, J. Dewey, voire
W. James, A. Binet, S. Freud pour les plus anciens, tant les implications de ces
œuvres psychologiques sont importantes pour la pratique pédagogique. Ce sera
pour une autre promotion ; celle-ci a largement rempli sa mission.

Philippe Carré, 5 janvier 2009

-5-
Chapitre 1

LE BEHAVIORISME ET LA
THEORIE DE L’APPRENTISSAGE
de
Burrhus Frederic Skinner

Le behaviorisme (qui vient de l'anglais behavior ce qui signifie « comportement »,


on parle donc aussi de comportementalisme), est né vers le début du XX e siècle aux
États-Unis avec les travaux de John Broadus Watson (1878-1958), psychologue
américain, qui fut le premier à utiliser le terme « behavioriste » dans un article paru
en 1913. Il y exprime l’idée que la psychologie ne peut être fondée que sur l’étude
des comportements observables et accorde une grande importance aux travaux de
Pavlov (1849-1936) axés sur le phénomène de conditionnement.
Jusque dans les années 1950, le behaviorisme constitue le courant dominant de la
psychologie scientifique, lequel ne prend en considération que les relations entre les
stimuli et les réponses.
Edward Lee Thorndike (1874-1949), effectuera les premiers travaux sur
l’apprentissage. Il découvre ce qu’il est convenu d’appeler : « la technique des essais
et de l’erreur ».
Dans les années 1940 et 1950, Burrhus Frederic Skinner, sujet de cet exposé,
étudie la notion de conditionnement opérant et en définit les modèles opérationnels.
A la différence de Thorndike, il affirme que l’erreur est nocive, car elle risque de se
fixer. Nous lui devons les notions de renforcement, et d'enseignement programmé.

-6-
1. LA BIOGRAPHIE DE BF SKINNER
Né le 20 mars 1904, à Susquehanna en Pennsylvanie (USA),
Burrhus Frederic Skinner deviendra un des plus importants
psychologues américains du XXe siècle.

Ayant obtenu, en 1928 le diplôme qui sanctionne le premier


cycle de l’enseignement supérieur au Hamilton Collège, avec
la littérature comme matière principale, il tenta dès l’année suivante de faire ses
premières armes d’écrivain. Ce fut une période marquée par le découragement et
l’échec : il découvrit qu’il n’avait rien d’intéressant à dire 1.

En 1931, il obtient un doctorat de psychologie à l’université d’Harvard ou il effectuera


des recherches jusqu’en 1936 et mit au point un nouveau dispositif, qu’il nommera
«boîte de Skinner».

En 1936, il partit enseigner l'Université du Minnesota où il rencontra sa future


épouse, Yvonne Blue. Ils eurent deux filles (Julie et Déborah), dont la seconde devint
célèbre comme étant le premier enfant à être élevé dans l'une des inventions de
Skinner, la «boîte à bébé».

En 1938, dans son premier ouvrage « The Behavior of Organisms « [Le


comportement des organismes], Il met à mal l’idée selon laquelle l’être humain
constituerait un cas particulier représentant un intérêt particulier pour la psychologie.
L’objet d’étude était désormais de dresser la typologie de tous les comportements
volontaires, c’est-à-dire la manière dont l’organisme, se conduit de façon visible. Ses
rats blancs allaient représenter et symboliser toutes les espèces. Quant il prétendit
passer de l’animal à l’homme Skinner fit scandale. Il maintint que le comportement
des individus peut s’expliquer par la régularité des renforcements auxquels ils ont été
soumis depuis l’enfance.

1
Autobiographie, Particulars of my Life [Détails de ma vie] (Skinner, 1976).

-7-
En 1943, il fit donc construire une «boîte à bébé», cage
en matière plastique créant pour l’enfant un milieu à
température et à humidité contrôlées, l’isolant en partie de
l’environnement extérieur. Fier de sa nouvelle invention, il
envoya un article au magazine populaire « le Lady's
Home Journal » qui pour attirer l’attention de ses lecteurs,
titra l’article "Baby in a Box" créant
la rumeur que sa fille Déborah aurait fait les frais de cette expérience et souffrirait
d’une grave névrose2.

En 1944, Il développe le « Project Pigeon », un missile


dirigé par un ou plusieurs pigeon(s). Le comité national de
recherche pour la défense américain, en dépit de son
scepticisme, contribua à hauteur de 25 000 dollars pour la
recherche mais l'idée était, en fin de compte, trop radicale
pour les militaires. Skinner ignorait aussi l'existence de
projets secrets sur le radar, une nouvelle technologie qui
rendait son invention obsolète.

En 1945, il devient le président du département de psychologie à l'Université


d'Indiana, mais retourne 3 ans plus tard au Département de psychologie de
l’université de Harvard pour y poursuivre ses recherches et enseigner. Les travaux
réalisés avec prés de 400 étudiants deviendront un livre, « Science and Human
Behaviour » [Science et comportement humain] (1953).

En 1948, il écrit « Walden Two », un compte fictif qui décrit une société utopique dont
les membres ont été élevés collectivement depuis leur tendre enfance et
conditionnés à des comportements bénéfiques pour la collectivité. Ils vivent heureux
et disciplinés, sans connaître l’envie ni l’agressivité, dans un monde collectiviste où
la propriété privée n’existe pas. Ce livre, après un départ lent, est devenu l'une des
plus célèbres œuvres de Skinner.

2
Cette rumeur est démentie par sa fille Julie S. Vargas sur le site de la fondation BF Skinner
http://www.bfskinner.org

-8-
En 1953, Skinner, qui assiste à la classe de mathématique de sa fille, est tout à coup
frappé d'une source d'inspiration. Il dira plus tard « sans aucune faute, l'enseignant a
violé presque tout ce que nous savions sur le processus d'apprentissage ».
Dans cette classe, il constate que certains élèves n’ont aucune idée pour résoudre
les problèmes, tandis que d’autres n’ont rien appris de nouveau. Les enfants ne
savaient pas si leur réponse était correcte, avant de résoudre le suivant et ont dû
répondre à l’ensemble des questions avant d’obtenir le résultat.
Ce constat sera la base de ses recherches sur l’enseignement programmé.

En 1971, Skinner écrit « Beyond Freedom and Dignity [Au-delà de la liberté et de la


dignité], qui sera sa profession de foi. Il y analyse longuement la signification des
mots «liberté» et «dignité» pour conclure qu’ils ne sont que les sous-produits du
milieu et de l’environnement.

Vers la fin de sa vie, il écrit trois volumes autobiographiques, « Particulars of My


Life » [Détails de ma vie] en 1976 , « The Shaping of a Behaviourist » [la formation
d'un comportementaliste] en 1979 et « A Matter of Consequences » [Une question de
conséquences] en 1983.

Dix jours avant sa mort, il donne une conférence à « l'American Psychological


Association ». Il décède le 18 août 1990 d’une leucémie.

2. L’APPORT DE LA PENSÉE DE BF SKINNER :


LE CONCEPT DE CONDITIONNEMENT OPÉRANT
Le terme de conditionnement3 évoque généralement les expériences de Pavlov
(1849-1936). Celui-ci constate qu’une réponse automatique ou inconditionnelle, telle
qu’une émotion ou un réflexe, est déclenchée par un nouveau signal, que l’on
appelle stimulus conditionnel, après que ce dernier ait été associé plusieurs fois à un
stimulus inconditionnel initial. Pavlov développe ainsi une théorie : le
conditionnement classique.
Intéressons-nous à présent au concept développé par B.F. Skinner, à savoir le
concept de conditionnement opérant.
3
On parle de conditionnement lorsqu’on observe l’apparition d’un comportement nouveau, déclenché de manière
involontaire sous l’influence d’un signal provenant généralement de l’environnement. » apprentissage et
formation. PUF, que sais-je ? 2005, page 19.

-9-
2.1. Relations réponses-stimuli
Reprenant les conclusions de Watson sur le conditionnement instrumental, lequel
s’intéressait aux modifications de la probabilité de la réapparition d’une réponse,
Skinner s'attache à montrer que le conditionnement opérant implique un
comportement volontaire contrôlé par les conséquences de ce comportement.
Lorsque l'on parle de conditionnement opérant, on parle donc de « la façon dont un
organisme apprend des comportements, suivant la façon dont les comportements
agissent sur l'environnement. »4.

Le psychologue américain prend ainsi ses distances avec le conditionnement


classique de Pavlov, lequel permettait d'établir un réflexe conditionné en associant
un stimulus préalablement neutre avec un stimulus inconditionnel. Alors que Pavlov
s'intéressait aux relations stimulus-réponses non volontaires, Skinner, lui, se penche
sur les relations réponses-stimuli. Skinner reprend ainsi les travaux de Thorndike, en
particulier la loi de l’effet mais contrairement à ce dernier, il affirme que l’erreur est
nocive, car elle risque de se fixer.

Pour ce faire, il va mettre en œuvre un dispositif expérimental, qui lui simplifiera


l'étude des mécanismes de conditionnement. Ce dispositif, mis au point à Harvard et
appelé « boîte de Skinner », consistera à isoler du monde extérieur un animal, en le
plaçant dans une cage, afin de lui apprendre à sélectionner un levier ou un bouton
pour obtenir son renforcement alimentaire.5

2.2. L'expérience au service de la théorie : la boîte de Skinner


B.F. Skinner, nous l'avons dit, inventa ce dispositif afin de tester les capacités de
rongeurs ou de pigeons à subir un conditionnement opérant, c'est-à-dire faisant
intervenir le comportement de l'animal et le renforcement de celui-ci par un stimulus
renforçateur.

La raison d'être de ce dispositif apparaît clairement : il s'agit de simplifier l'étude des


mécanismes de conditionnement, grâce à l'automatisation de la présentation des
stimuli (visuels, auditifs), des renforcements (nourriture, eau), de l'enregistrement des
4
L'analyse du comportement appliqué. Site personnel d'Olivier Bourgueil
5
Site Wikipédia – le conditionnement opérant

- 10 -
réponses de l'animal (rat ou pigeon), et des associations prévues par
l'expérimentateur entre eux. Ainsi l'expérimentateur peut-il faire en sorte que de la
nourriture soit délivrée lorsque l'animal a appuyé un nombre de fois déterminé sur un
levier mais uniquement lorsqu'un son aigu a été précédé d'une lumière verte.

La boîte de Skinner
(Source Wikipédia )

Le rat affamé, explorant la boite, appuie, par


hasard, sur la barre, ce qui déclenche l’arrivée
de la nourriture (récompense) appelée
« renforcement » par Skinner.
Au bout d’un certain temps, le rat établi une
association. Tout se passe comme si le rat
agissait pour obtenir la nourriture.

2.3. Relations entre comportement et changement de


l'environnement
S'appuyant sur ce nouveau dispositif, Skinner proposa en effet d'expliquer les
relations qui existent entre comportement et changement de l'environnement. Il fit
ainsi appel aux concepts de contingence (relation séquentielle de dépendance entre
deux évènements), définissant les notions de renforcement et de punitions positives
ou négatives. 6Portons notre regard sur les quatre relations de contingence de
renforcement qui peuvent s'établir lors d'un conditionnement opérant.

2.3.1. Renforcement positif

En premier lieu, nous trouvons le renforcement positif. Dans ce type de


renforcement, le stimulus modifie l'environnement de manière souhaitable ou
désirable, augmentant ainsi la probabilité de reproduire le même comportement dans
le futur, dans des conditions semblables. Par exemple, le constat de la qualité du
travail est une récompense appréciée, qui motive le travailleur à poursuivre le travail.
6
Tecfa-unige.che

- 11 -
2.3.2. Renforcement négatif

Qui dit renforcement négatif dit par conséquent suppression ou diminution de


quelque chose d'indésirable de l'environnement renforçant du coup la probabilité
de reproduire le même comportement dans le futur. Ici, la suppression du stimulus
augmente la fréquence du comportement désirable. Par exemple, la sonnerie
désagréable du réveil-matin est un stimulus que l’on peut apprendre vite à réduire
pour limiter la nuisance sonore !
Notons que cette contingence se subdivise, aux yeux de Skinner, en deux
composantes : d'une part, l'échappement (escape), apparaissant dès l'instant où le
comportement conduit à une réduction des aspects indésirables de l'environnement,
et d'autre part, l'évitement (avoidance), se produisant lorsque le comportement
réussit à éviter que les aspects indésirables se produisent dans l'environnement.
Ces deux aspects mènent au même résultat, c'est-à-dire l'amélioration de
l'environnement, donc un renforcement. L'échappement est toutefois plus évident à
étudier car c'est un phénomène observable, contrairement à l'évitement qui demande
la connaissance du passé de l'individu pour tirer une conclusion sur le comportement
actuel.

2.3.3. Punition positive

La punition positive se produit lorsqu'un évènement indésirable pousse l’individu à ne


plus recommencer. La présence du stimulus diminue la fréquence du comportement.
Une punition positive serait par exemple l'expérience d'une décharge électrique très
désagréable et dangereuse qui motivera l'individu à éviter tout contact avec des
dispositifs électriques sans protection.

2.3.4. Punition négative

La punition négative agit quand la disparition du stimulus amène l’individu à éviter un


comportement et réduit ainsi ses chances de le reproduire. Faire disparaître les
accessoires du fumeur de son champ visuel peut ainsi amener la diminution du
comportement.

- 12 -
LES 4 RELATIONS DE CONTINGENCE

STIMULUS
Ajout + Retrait -
Augmentation de la
Renforcement positif Renforcement négatif
fréquence du comportement
Diminution de la fréquence
Punition positive Punition négative
du comportement

A travers ces exemples, nous sommes parvenus à concrétiser l'apport du


conditionnement opérant selon Skinner, pour qui l’apprentissage de nouveau
comportement dépend directement des contingences de renforcement. Ces
expériences ont permis d’établir les lois du conditionnement opérant, mais qu'en est-
il à présent de la pertinence de ses théories en matière de pédagogie ?

3. L’APPROCHE PÉDAGOGIQUE DE SKINNER


(L’ENSEIGNEMENT PROGRAMMÉ)
L’approche behavioriste qui porte uniquement sur l’observation du comportement a
fortement marqué les domaines de l’éducation, de l’enseignement et de la formation.
Elle est la première grande théorie de l’apprentissage qui exerce encore aujourd’hui
une influence très forte, surtout dans les pays anglo-saxons. Le comportement dont
il est ici question n’est pas une attitude ou une manière d’être de l’élève. « Il s’agit de
la manifestation observable de la maîtrise d’une connaissance, celle qui permettra
de s’assurer que l’objectif visé est atteint. ».7

Cette théorie a été fortement influencée par les travaux de Skinner qui s’est appliqué
à développer des méthodes pédagogiques. Son approche pédagogique tourne
autour du concept d’enseignement programmé, ou enseignement programmé
linéaire. Dans la mesure où pour Skinner « connaître quelque chose, c’est agir d’une
certaine manière », le but de l’enseignement est de susciter chez l’élève des formes
nouvelles de comportement. Dès lors, « enseigner n’est rien d’autre qu’arranger les
conditions de renforcement dans lesquelles les élèves apprendront (…) de façon à

7
G. Barnier, « Théorie de l’apprentissage et pratiques d’enseignement ».doc Pdf. http://www.aix-
mrs.iufm.fr/formations/fit/doc/divers/Theories_apprentissage.pdf

- 13 -
accélérer l’apparition des comportements qui sans cela ne seraient que lentement
appris, ou n’apparaîtraient jamais ».

3.1. Présentation du modèle d’enseignement programmé.


Burrhus Frederic Skinner est un passionné de pédagogie. Une question l’obsède :
« Comment bien enseigner ? » Voici ce qu’il écrivait en 1968 :

« Dans les efforts pour améliorer l’enseignement, il est extraordinaire de


constater à quel point le problème de méthode est négligé. Nul ne prend
la peine d’analyser l’enseignement et l’apprentissage, et on ne fait en
réalité aucun effort pour les améliorer en eux-mêmes… ».

Il n’hésite pas ainsi à remettre en cause l’ensemble des méthodes de l’enseignement


scolaire américain à tous les niveaux. Il prétend faire apprendre à n’importe quel
élève les rudiments d’un savoir-faire, à l’aide de sa technique d’enseignement, le
conditionnement programmé (à défaut du conditionnement de découverte). Il s’agit
de décomposer un savoir en ses éléments les plus simples qu’il nomme unités
(frames en anglais) et de les mettre à la portée de l’élève qui les assimile à son
propre rythme, dans un processus de questions et de réponses suivies de
renforcements.

En d’autre termes, « l’enseignement programmé consiste en une forme d’enseignement


individualisée dont le contenu est fragmenté et présenté de façon à apporter une rétroaction
à l’apprenant au fur et à mesure qu’il avance dans sa démarche d’apprentissage.
L’apprenant est ainsi placé devant une formule pédagogique présentée sous une forme
écrite dans laquelle ce dernier a le loisir d’apprendre selon ses capacités personnelles, son
rythme d’apprentissage et ses disponibilités ».8

C’est un enseignement qui utilise un document de travail, un texte ou un instrument


mécanique ou électronique pour aider les élèves à atteindre un certain niveau de
performance. Dans tous les cas, cette formule pédagogique nous amène à repenser
un nouvel environnement d’enseignement. Cet environnement sera caractérisé par

8
Tiré du livre de Danielle Marquis et Louisette Lavoie, Enseignement programmé, enseignement modulaire.
Presses de l’Université du Québec (1998). http://books.google.fr/books?id=NUQJNcb-
uQoC&printsec=frontcover&dq=enseignement+programm%C3%A9

- 14 -
l’individualisation de l’apprentissage, le renforcement positif et la vérification
immédiate de ses résultats.

« In essence, his work indicates that since all behavior is learning, it can
be determined by arranging the contingencies of reinforcement in the
learner’s immediate environment.”9

Un autre modèle d’enseignement programmé, développé par Crowder propose un


point de vue différent sur le traitement des erreurs. Il reprend ainsi le modèle
d’Edward Lee Thorndike (1874-1949) qui conceptualise les « techniques des essais
et des erreurs ». On appelle cela la méthode pédagogique de la découverte. Ainsi,
« les comportements qui se fixent, sont les comportements qui permettent de réussir
ce que l’on souhaite et qui sont associés à une reconnaissance de cette réussite par
les autres. La solidarité de l’apprentissage dépend de la durée et de la fréquence de
la satisfaction que la réponse procure ».

A la différence de Thorndike, Skinner affirme que l’erreur est nocive


pédagogiquement, car l’erreur risque de se fixer. Il faut éviter l’erreur en
programmant la réussite :

« Jeter les gens à l’eau pour leur apprendre à nager, voila à quoi se
ramène cet entraînement… Quelques-uns d’entre eux réussiront à en
sortir… Nous pouvons prétendre leur avoir appris à nager, bien que la
plupart nagent fort mal…quant aux autres, ils couleront. »

Cette citation suffit à elle seul pour rappeler que la méthode de Skinner s’inscrit dans
une logique pédagogique qui tend à exclure l’erreur comme forme pédagogique. On
l’aura compris, Skinner n’est pas pour une pédagogie de la découverte, mais pour
une pédagogie programmée. Cet auteur tient pour idéal l’apprentissage sans erreur.
Ce n’est plus le stimulus déclencheur du comportement qui retient l’attention mais les
conséquences qui encouragent ou découragent sa reproduction. On retrouve ici le

9
Sharan B. Merriam, Learning in adulthood, page 252. (Essentiellement, son travail soutient que puisque tout les
comportements (humains) s’apprennent, on peut decider alors de régler les éventualités de renforcement dans
l’environnement immediate de l’apprenti).

- 15 -
renforcement positif et négatif. L’apprentissage n’est plus conçu comme la réponse
directe du stimulus, mais bien comme la stabilisation de cette réponse.

Pour lui alors, le comportement et l’environnement sont explorés et décomposés en


parties. Ils peuvent subir des stimuli nouveaux. Les comportements seront dès lors
différents. Skinner affirme que tous les comportements prévus doivent être envisagés
par l’enseignant, afin qu’il puisse prévoir les stimuli à produire pour obtenir des
réponses correspondant aux attentes.

S’il faut garder une définition de l’enseignement programmé, il est important de se


rappeler que c’est « une forme pédagogique qui consiste en un texte écrit de façon
micro-graduée, incluant une multitude de questions et dont les réponses sont
accompagnées de renforcements au fur et à mesure de la progression de
l’apprentissage ».10

3.2. Ses applications (la machine à enseigner)


Les premières applications pédagogiques mettent l’accent plus sur les programmes
que sur la machine à enseigner. Les premiers programmes étaient fondés sur des
études expérimentales montrant que les actes volontaires du comportement
tendaient à se reproduire lorsqu’ils étaient immédiatement suivis de conséquences
favorables. Si, par exemple, un enfant dit « s’il te plaît » pour demander quelque
chose et qu’on lui accorde une attention immédiate, il répètera volontiers « s’il te
plaît » à l’avenir. De telles conséquences, favorables à l’adaptation sociale de
l’individu, sont désignées sous le nom de renforcement. Dans les premiers
programmes, chaque étape fournissait à l’étudiant l’occasion de recevoir un
10
D. Marquis et L. Lavoie, Enseignement programmé, enseignement modulaire. Presses de l’Université du
Québec (1998), p 49.

- 16 -
renforcement en cas de bonne réponse. Bien que les étapes deviennent relativement
étendues, au fur et à mesure de l’acquisition des connaissances, le concept de
renforcement demeure important dans l’enseignement programmé.

Aussi, les récompenses scolaires classiques (notes, diplômes, prix) se révèlent des
renforcements peu efficaces. Elles n’ont pas le mérite d’agir au bon moment. En
revanche, mis au défi de répondre à une question, l’étudiant reçoit un renforcement à
chaque bonne réponse donnée. L’enseignement programmé requiert une motivation
(d’autres préféreront parler plutôt de « drive »11) autre que celle qui est généralement
perçue dans l’enseignement traditionnel. La relation maître-étudiant produit des
résultats pas toujours positifs pour l’ensemble des sujets apprenants.

Skinner se rend alors vite compte que son approche pédagogique ne peut
s’appliquer efficacement dans une salle de classe. Il attribue la faute à la formation
des enseignants. Bien vite, il imagine une machine à enseigner capable de contenir
les enseignements programmés et de délivrer à petite dose la connaissance au fur et
à mesure des bonnes réponses de l’élève. Il commence d’abord par améliorer la
machine de Pressy en introduisant le concept de programmation linéaire : les
connaissances sont présentées successivement et l’élève ne peut passer à l’unité
(frame) suivant sans qu’il ait correctement répondu à la question (stimulus) qui lui est
présentée.

Voila ce qu’il disait :

« La machine en elle-même, naturellement, n’enseigne pas. Elle n’est


qu’un instrument mettant l’étudiant en contrat avec le spécialiste qui a
composé le matériel qu’elle présente… Il n’est pas excessif de comparer
la machine à un bon précepteur privé.
Il existe, en effet, un échange continuel entre le programme (le contenu
de la communication) et l’élève. A la différence des exposés, des manuels
et des aides audiovisuelles habituelles, la machine induit une créativité
soutenue de la part de l’élève. La machine insiste pour que chaque point
11
« Pour Hull (1943), ce sont les déficits physiologiques, ou besoins, qui poussent l’organisme à l’action. Ce sont
donc les besoins qui vont créer les driver ou motivations de l’animal. » F. Fenouillet, La motivation, Paris DUNOD,
p. 14.

- 17 -
soit parfaitement compris avant d’aller plus loin…elle s’assure que l’élève
suit…
La machine ne présente à l’élève que la matière qu’il est prêt à aborder.
Elle lui demande de faire le pas qu’il est à tel moment, le mieux en
mesure de faire…
La machine aide l’élève à produire la réponse correcte…
Enfin la machine, toujours comme le précepteur privé « renforce »
(approuve, félicite ou récompense) l’élève pour chaque réponse correcte,
utilisant ce feed-back immédiat, non seulement pour modeler
efficacement son comportement mais pour le maintenir en vigueur…, ce
que le profane traduirait en disant que l’on tient l’intérêt de l’élève en
éveil. »

On retrouve fréquemment ces systèmes de programme au cœur des jeux de


plateaux ou les logiciels d’apprentissage de langue étrangère. Les trois
caractéristiques y sont présentes, l’individualisation de l’apprenti, le
renforcement positif et la vérification immédiate des résultats. Ce type de
programme de formation est très répandu dans sa pratique de méthode
d’autoformation, ce qui ne permet pas pour autant de relever d’une théorie du
conditionnement opérant.

3.3. Critique d’une certaine vision du monde.


Si Skinner a fait l’objet de quelques critiques sur différents aspects de sa pensée, il
n’en reste pas moins qu’elles ne se limitent pas uniquement à lui. Le magazine
britannique Punch publia une satire d’une page sur les machines à enseignement
programmé. Toutefois, cet article ne visait pas spécialement Skinner, mais plutôt
ceux pour qui les machines à enseigner seraient la solution à tous les problèmes
éducatifs et pédagogiques.

Toute fois, sa vision du monde fut sans doute la plus vive critique qui lui fut portée.
Skinner engloba dans sa démarche intellectuelle l’ensemble des organismes vivants
considérés dans leur totalité. Si ses recherches expérimentales portèrent bien
souvent sur des rats ou des pigeons, elles n’avaient valeur pour lui qu’en tant
qu’exemples du comportement de l’ensemble du monde vivant. Cette universalité fut

- 18 -
vivement contestée, tant par ses pairs que par le cercle plus large des intellectuels et
des citoyens bien informés. Skinner supposait l’existence d’un monde extérieur régi
par des lois attendant d’être découvertes. Une fois ces lois mises en évidence, on
pouvait les exploiter dans l’intention bénéfique d’améliorer l’existence humaine.
Selon un de ses axiomes de base, c’est l’environnement d’un individu (les stimuli
externes) qui contrôle en définitive son comportement.

Il reste tout de même un point important dont l’ensemble des béhavioristes firent
l’objet, et Skinner en particulier. Il s’agit de la place de la conscience dans l’action de
l’apprenti. Cette question ne suscitait le débat pas uniquement qu’entre les
psychologues. Elle interrogeait aussi la place du citoyen dans ses actions et ses
volontés. Cette question de la boite noire rendait parfois bancale la cohérence de sa
vision du monde. 12

A la fin des années 1950, l’enseignement programmé pouvait être utilisé à tous les
niveaux de l’enseignement ainsi que dans les services de l’armée et de l’industrie. La
plupart des programmes développés par Skinner présentaient l’information par
petites étapes : l’étudiant lisait une phrase ou deux, répondait à une question puis
regardait la réponse correcte. Mais cette présentation ne convenait qu’à des buts
éducatifs modestes. Les programmes actuellement conçus mettent en jeu des
aptitudes intellectuelles plus nombreuses et plus étendues telles que la résolution
d’un problème, la formulation d’idées et l’exploration de nouveaux domaines.

4. CONCLUSION.
Si le concept de Skinner n’a pas été remis en cause en soi, le behaviorisme quant à
lui a fait l’objet d’un rejet idéologique complet au nom de la Liberté. Mais s’il y a une
critique qui a le plus affaibli le béhaviorisme, il s’agit bien de la question de la boite
noire. C’est ce que Paul Fraisse affirme :

« Pour des générations de psychologues, notamment américains,


l’application du schéma S-R a conduit à s’intéresser au bouton et à la
12
« Analysant les causes des comportements déviants et celles des démarches les plus vertueuses, le
béhaviorisme oblige à considérer comme inacceptable d’imputer au seul individu la responsabilité de ses actes. Il
range ainsi au musée des mythes et légendes les notions de liberté, d’autonomie et de libre-arbitre. Et si l’homme
ne décide plus de sa conduite en toute rationalité, il perd sa dignité, et nos institutions voient la voleur cardinale
de leur base idéologique (le Mérite) se dissoudre ». in Psychologie de l’éducation. Page 169.

- 19 -
sonnette, mais à oublier l’intermédiaire essentiel, la batterie, c’est-à-dire
l’organisme psycho-physiquement défini (Tilquin, 1942). Avec le recul, ce
programme apparaît comme une régression historique dans la mesure où
des contemporains de Watson, tout en prônant l’étude des comportements,
ne niaient pas l’existence de processus intermédiaires. »13

C’est contre ce fait de ne pas s’intéresser à la conscience qui va permettre au


cognitivisme d’émerger. Déjà en 1932, Tolman 14, un psychologue américain
behavioriste introduisait la notion de planification chez des sujets animaux. En
abandonnant des rats affamés dans un labyrinthe, ces derniers montraient des
signes de mémorisation après plusieurs essais. Il préférera parler de “carte
cognitive”15

13
Cl. Mariné et Ch. Escribe, Histoire de la psychologie générale, Du béhaviorisme au cognitivisme.
Paris In Press, (2003), page 98.
14
Sur E. C. Tolman, http://en.wikipedia.org/wiki/Edward_C._Tolman
15
« He felt that learning involved acquisition of expectations and realizations rather than motor
responses. He argued that subjects form cognitive maps of learning tasks, and he supported his
claims with an impressive series of place learning studies.” In, Asher, Educational psychology 1920-
1960. … page 193. (Tolman estime que l’apprentissage se concentre sur l’addition d’attentes et de
réalisations plutôt que des réactions. Il défend que des sujets développent une carte mémoire au
cours de leurs tâches d’apprentissage, et il soutient cet affirmation avec une impressionnante séries
de mieux d’apprentissage d’études).

- 20 -
5. BIBLIOGRAPHIE DE B.F. SKINNER
Dans l’ordre chronologique

1938. The Behavior of Organisms [Le comportement des organismes],


1948. Walden Two,
1953. Science and Human Behaviour [Science et comportement humain],
1957. Verbal Behaviour [Comportement verbal]
1959, 1961, 1970. Editions successives de Cumulative Record [États cumulatif],
1968. The Technology of Teaching [Technologie de l’enseignement],
1971. Beyond Freedom and Dignity [Au-delà de la liberté et de la dignité],
1974. About Behaviourism, traduction française en1979, « Pour une science du comportement : le
behaviorisme », Neuchâtel-Paris, Delachaux et Niestlé.
1976. Particulars of My Life [Détails de ma vie],
1979. The Shaping of a Behaviourist [l'élaboration d'un comportementaliste],
1983. A Matter of Consequences [Une question de conséquences].

Sources (Sitographie et/ou bibliographie)

Sur la vie de Skinner :


http://www.bfskinner.org/home.html [BF Skinner Foundation]

http://www.ibe.unesco.org/fileadmin/user_upload/archive/publications/ThinkersPdf/skinnerf.pdf Louis
M[. Smith, Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée (Paris, UNESCO) vol. XXIV, n° 3/4,
1994 (91/92)p. 539-552]

http://fr.wikipedia.org/wiki/Burrhus_F._Skinner

Collection formation permanente ESF éditeur, Dominique Chalvin, : Histoire des courants
pédagogiques, encyclopédie des pédagogies pour adulte tome 1,

Sur la théorie de Skinner :


http://www.geocities.com/natachabedard/menu.html
http://www.unites.uqam.ca/pcpes/ppt/psycho_appr.pps
http://www.aba-sd.info/bases_aba_cond_op.html
http://ww2.college-em.qc.ca/prof/hgenge/cegep/init/init_08_ex_cond_operant_ve.pdf (schéma et
exemples)
http://isabellesamyn.e-monsite.com/rubrique,rubrique,1008322.html (bien détaillé sur les différents
points de vue)

Sur les avancées pédagogiques du comportement opérant :


http://fr.wikipedia.org/wiki/Conditionnement_op%C3%A9rant
http://www.angelfire.com/ab/mgaudreault/notemotiv2.html
http://www.psybernetique.com/Introduction/appren.html
http://books.google.fr/books?
id=KK6gqkGdLbMC&printsec=frontcover&dq=psychologie+drew+westen#PPR3,M1 (voir le chapitre
sur l’apprentissage)

- 21 -
Le paradigme de l’enseignement programmé
http://pagesperso-orange.fr/joseph.rezeau/recherche/theseNet/theseNet-3_-2.html

Quelques infos sur les critiques du conditionnement opérant.


http://www.chevaleyre.com/cc/Apprentissage/apprent4.htm
http://tecfa.unige.ch/staf/staf-h/tassini/staf11/CO.htm

Sur le behaviorisme :
http://fr.ca.encarta.msn.com/encyclopedia_761551503/b%C3%A9haviorisme.html#s1
http://home.scarlet.be/frederic.staes3/psybehavior.htm
http://books.google.com/books?id=JD2fuPhZspYC&printsec=frontcover&hl=fr (voir le chapitre sur
l’apprentissage)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Behaviorisme

Le behaviorisme aujourd’hui :
http://www.abainternational.org/index.asp

Sur l’apprentissage :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage

Sur les théories de l’apprentissage :


http://www.fse.ulaval.ca/chrd/Theories.app./index.htm (schéma & théories)
http://www.aix-mrs.iufm.fr/formations/fit/doc/divers/Theories_apprentissage.pdf (orienté sur le point de
vue pédagogique)
http://www.scienceshumaines.com/-0ades-theories-de-l-apprentissage-a-l-enseignement-
0a_fr_11125.html

- 22 -
Chapitre 2

LE CONSTRUCTIVISME
ET LA THEORIE DE L’INTELLIGENCE
de
Jean Piaget

Jean William Fritz Piaget, né le 9 août 1896 à Neuchâtel et mort le


16 septembre 1980 à Genève, est un psychologue, biologiste, logicien16 et
épistémologue suisse connu pour ses travaux en psychologie du développement et
en épistémologie17.

1. BIOGRAPHIE
Il est le fils aîné d'Arthur Piaget, professeur de littérature médiévale, et de mère
française.

À l'âge de 11 ans, Jean Piaget, élève au collège latin de Neuchâtel, écrit un court
commentaire sur un moineau albinos aperçu dans un parc. Ce bref article, est
considéré comme le point de départ d'une brillante carrière scientifique illustrée par
une soixantaine de livres et plusieurs centaines d'articles.

16
Celui qui raisonne avec justesse et méthode
17
Etude critique de la méthode scientifique, afin de déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée
objective).

- 23 -
Après sa maturité il s'inscrit à la Faculté des Sciences de l'Université de Neuchâtel,
où il obtient en 1920 un Doctorat de sciences.
Après un semestre passé à Zurich, où il s'initie à la psychanalyse, il part travailler à
Paris au laboratoire d'Alfred Binet (1857-1911, pédagogue et psychologue français)
pour une année pendant laquelle il étudie les problèmes du développement de
l'intelligence.
En 1923, il épouse Valentine Châtenay, dont il aura trois enfants sur lesquels il
étudiera le développement de l'intelligence de la naissance au langage.

 Professeur en philosophie des sciences à l'Université de Neuchâtel (1925


à 1929)
 professeur d'histoire de la pensée scientifique à l'Université de Genève de
1929 à 1939
 professeur de psychologie et de sociologie à l'Université de Lausanne de
1938 à 1951
 professeur de sociologie à l'Université de Genève de 1939 à 1952
 professeur de psychologie expérimentale de 1940 à 1971
 Il a été le seul professeur suisse à être invité à enseigner à la Sorbonne,
de 1952 à 1963
Il fondera en 1955 le Centre International d'Épistémologie Génétique (en suisse),
qu'il dirigera jusqu'à sa mort.

2. INTRODUCTION
Les travaux de Piaget visent à répondre à la question fondamentale de la
construction des connaissances. A travers les différentes recherches qu'il a menées
en étudiant la logique de l'enfant, il a pu mettre en évidence d'une part que celle-ci se
construit progressivement, en suivant ses propres lois, et d'autre part, qu'elle évolue
tout au long de la vie en passant par différentes étapes caractéristiques avant
d'atteindre le niveau de l'adulte. La contribution essentielle de Piaget à la
connaissance a été de montrer que l'enfant a des modes de pensée spécifiques qui
le distinguent entièrement de l'adulte.

- 24 -
2.1. Théorie générale
Piaget comme Freud (1856-1939, psychanalyste) dans leur théorie adopte le
concept de stade de développement. Freud parle de stades de l’évolution libidinale
de l’enfant en psychanalyse. Piaget utilisera cette notion dans ses théories
psychologiques de développement de l’intelligence.

C’est au laboratoire de Binet que Piaget vient à s’intéresser aux raisonnements et à


la logique de la pensée de l’enfant. Alfred Binet a élaboré avec Simon (1796 – 1842,
philosophe français) des méthodes basées sur le diagnostic du niveau intellectuel
des enfants normaux et anormaux. Ceci va aboutir à l’échelle métrique de
l’intelligence qui va attribuer «un âge mental » à l’enfant.

Piaget reprend dans ses explications théoriques des concepts baldwiniens (1861-
1934, philosophe et théologien). les travaux de Baldwin influencent la psychologie du
développement et notamment celle du béhaviorisme18, et aussi les perspectives
théoriques en psychologie sociale telle que l'adaptation par
assimilation/accommodation .

3. PRINCIPE ET FONCTIONNEMENT DE L’INTELLIGENCE


Piaget invoque pour décrire le développement de l’intelligence, deux fonctions
biologiques fondamentales : l’organisation et l’adaptation.

L’organisation permet l’évolution de l’intelligence par le développement de


structures logiques. Au cours de ce développement structurel Piaget repère des
stades qui à chaque fois vont avoir une logique particulière.

L’adaptation nécessite un équilibre entre deux mécanismes indissociables qui sont


l’assimilation et l’accommodation.

Pour expliquer sa théorie Piaget s’appuie sur plusieurs mécanismes fondamentaux


qui sont les schèmes et les mécanismes d’assimilation et d’accommodation.

18
Partir du principe que tout comportement est appris et non inné.

- 25 -
3.1. Les schèmes
Un schème est une organisation séquentielle, d’action susceptible d’application
répétée à un ensemble de situations analogues. Ex : le schème de préhension d’un
objet, est une structure d’action dans la mesure où elle est décomposable en
plusieurs actions (tendre le bras, ouvrir la main…)
Pour Piaget, l’intelligence naît de l’action et se construit à partir de schèmes toujours
plus mobiles et plus étendus, qui se lient entre eux, se transforment, se différencient
progressivement et hiérarchiquement.
Par exemple, les schèmes sensori-moteurs se caractérisent par des réflexes…
 primaires, sucer le pouce
 secondaires, tirer le cordon pour secouer le toit du berceau
 tertiaires (faire tomber un objet plus ou moins fort)
 intériorisés : compréhension soudaine sans manipulation (vers
2ans)
puis se développent les schèmes préopératoires (préconcept, intuition 2 à 7 ans), les
schèmes opératoires concrets (classer les objets, les ordonner, les compter) et
opératoires formels : comprendre l’équilibre d’une balance19

Donc le schème n’est pas le comportement en lui-même, mais le correspondant


cognitif du comportement.

3.2. L’assimilation
Intégration de données, incorporer des choses, des personnes, des situations, des
informations, aux structures cognitives, aux connaissances déjà construites.
Ex : assimilation du mamelon du sein, par le nourrisson à sa naissance.

Il existe plusieurs types d’assimilation

3.2.1. Assimilation fonctionnelle :

Besoin de répéter une action contribuant à consolider le schème correspondant à


cette action.
Ex : enfant qui tape de façon répétitive sur la table avec un objet. L’effet sonore qu’il
produit maintient l’action.
19
Voir ci-après, §4

- 26 -
3.2.2. Assimilation généralisatrice :

Quand il y a application d’un schème à des objets différents ex : schème de succion


=> sein, biberon, doigt
Elargissement du schème par généralisation.

3.2.3. Assimilation recognitive :

Elle consiste à discriminer les différents objets auxquels a été appliqué un même
schème.
Ex : la succion du doigt ou du sein ne produit pas le même effet, l’enfant apprend à
distinguer les objets auxquels s’applique un même schème.

3.2.4. Assimilation réciproque :

Elle correspond au processus par lequel chaque schème devient capable d’intégrer,
d’assimiler le domaine de l’autre.
Ex : coordination entre vision et préhension => l’enfant devient capable d’attraper ce
qu’il voit et de regarder ce qu’il attrape.

L’assimilation est donc un mouvement d’intégration de l’environnement intérieur dans


l’individu. Mais, cette intégration n’est pas toujours possible car les objets ou
événements rencontrés ne sont pas toujours assimilables par l’organisme. Celui-ci
va devoir se modifier (par accommodation) s’il veut réussir à les intégrer.

3.3. L’accommodation
Transformation, aménagement des cadres ou catégories mentales en fonction des
données nouvelles. Réajuster les structures cognitives, les connaissances en
fonction des transformations extérieures.
Ex : Le bébé a appris à attraper les petits objets à sa portée. Pour attraper les objets
plus volumineux, il va devoir se servir simultanément de ses deux mains en les
écartant.
Dès que l’accommodation s’est produite, elle va permettre d’autres assimilations.
Ex : L’enfant est devenu capable d’attraper d’autres catégories d’objets. Il augmente
son champ d’expérience donc, il augmente aussi la probabilité de rencontrer des
objets différents non assimilables à ses schèmes existants qu’il va devoir à nouveau
modifier par accommodation.

- 27 -
Donc l’assimilation et l’accommodation sont deux mécanismes
complémentaires et indissociables l’un de l’autre.

C’est ce double processus qui est à la base de l’activité intelligente de l’individu, les
échanges entre l’individu et son milieu (assimilation et accommodation), tendent à
favoriser son équilibre dans ce milieu. Cet équilibre n’est jamais atteint (car
échanges incessants d’un individu en développement dans un milieu lui-même
changeant).

4. L’INTELLIGENCE
Les formes d’adaptations successives d’ordre sensori-moteur et cognitif, ainsi que
tous les échanges assimilateurs et accommodateurs entre l’organisme et le milieu
constituent l’équilibre de l’intelligence.
Le développement de l’intelligence selon PIAGET s’effectue sur différents stades, et
chacun de ces stades est caractérisé par la nature des opérations que les enfants
maîtrisent.
Piaget délimite 4 principaux stades dans l’évolution de l’intelligence, dans la
structuration cognitive de l’enfant

4.1. Le stade de l’intelligence sensori-motrice (0 à 2 ans)


Cette étape est divisée en 6 sous stades :

4.1.1. Sous stade 1 (0 à 1 mois) : l’exercice et les réflexes

Le nouveau né pratique l’exercice des réflexes ; les mouvements effectués,


essentiellement réflexes vont peu à peu s’adapter et devenir de plus en plus
harmonieux.
Ex : Le réflexe de succion est de mieux en mieux effectué par le bébé.

4.1.2. Sous stade 2 (1 à 4 mois) : premières habitudes acquises

Ce stade se caractérise par la mise en place d’importants mouvements de


coordination tels que la coordination entre la vision et l’ouïe, la préhension et la
vision.

- 28 -
Ex : l’enfant pourrait sucer son pouce après une rencontre fortuite entre son pouce et
sa bouche. Il va ensuite, à force de répétition coordonner la main et la bouche.

4.1.3. Sous stade 3 (4 à 8-9 mois) : premières habitudes secondaires

Il s’agit toujours d’une procédure de répétition, seulement les comportements sont


orientés vers les objets. Alors grâce à la coordination vision-préhension,
apparaissent des schèmes tels que : frapper, frotter.
Ex : l’enfant qui frappe sur la table avec la petite cuillère.

4.1.4. Sous stade 4 ( 8-9 à 11-12 mois) : coordination schèmes secondaires

Naissance véritable de l’intelligence car apparition de l’intentionnalité, dans les


conduites du bébé, début de compréhension des liens de cause à effet.
Ex : le geste de tirer un cordon attaché au toit du berceau (schème moyen) pour faire
tomber un objet désiré et le saisir (schème but).

4.1.5. Sous stade 5 (11-12 à 18 mois) : recherche de moyen nouveau

L’enfant ne répète plus tels quels les schèmes qui l’on conduit à un résultat
intéressant, mais les graduent et les varient.
Ex : Le bébé fait varier la position des objets pour les mettre en déséquilibre, les
lancer, les faire rouler, flotter, les immerger pour les voir remonter…

4.1.6. Sous stade 6 (18 mois à 2 ans) : invention de moyens nouveaux


par combinaison mentale

L’invention de moyens nouveaux, qui procédaient d’un tâtonnement pratique au sous


stade 5, devient ici l’effet d’une combinaison mentale.
Ex : Piaget introduit une petite chaîne dans une boîte d’allumette qu’il referme en
laissant une petite fente de 3 mm. Pour récupérer la chaîne, Lucienne (fille de
Piaget), va ouvrir et fermer sa bouche pour se représenter mentalement
l’agrandissement de la fente. Une fois les schèmes ainsi accommodés spontanément
sur le plan de la simple assimilation mentale, Lucienne va réussir à ouvrir la boîte
d’allumette.

- 29 -
4.2. Stade de l’intelligence symbolique ou préopératoire (2 à 7-8
ans)
L’enfant commence à élaborer des représentations mentales. Un ensemble de
conduites nouvelles apparaissent qui impliquent l’évocation représentative d’un objet
ou d’un événement absent.

4.2.1. Piaget distingue 5 conduites.

Imitation différée

S’exerce en l’absence du modèle.


Ex : une fillette de 24 mois, ayant vu un camarade se fâcher, crier et taper du pied,
imite la scène en riant deux heures après son départ.

Jeu symbolique ou de fiction

C’est une autre manifestation de la même fonction.


Ex : L’enfant déplace un coquillage en disant « miaou » après avoir vu un chat.

Le dessin

C’est une forme de la fonction symbolique qui est intermédiaire entre le jeu
symbolique et l’image mentale.

L’image mentale

Elle résulte d’une imitation différée intériorisée qui s’attache à construire une copie
du réel.

Piaget distinguent deux grandes catégories d’images mentales :

- les images reproductrices : qui évoquent des objets ou événements déjà connus.
- les images anticipatrices : qui représentent un événement non encore perçu

Le langage

Il est d’ordre social et repose sur un système de signes conventionnels, sans aucun
lien de ressemblance entre le signifiant (qui est le mot) et le signifié (qui renvoie au
concept).

- 30 -
4.2.2. Les limites du développement : égocentrisme de la
représentation

Au stade préopératoire, la pensée de l’enfant est marquée par l’égocentrisme, c'est-


à-dire le fait que l’enfant pense, voit et analyse les choses selon son propre point de
vue. Son raisonnement a pour principale caractéristique :

L’artificialisme

C’est un égocentrisme dans la représentation de l’origine des choses.


Ex : l’enfant qui demande qui a construit le ciel.

Animisme

C’est un égocentrisme dans la représentation de la nature des choses.


Ex : l’enfant demande pourquoi le vent est en colère est une représentation animiste
du vent.

Finalisme

Ce finalisme est attesté par la façon dont l’enfant, vers 4-6 ans pose et comprend la
question « pourquoi ? » au sens de « dans quel but ? ».

Réalisme intellectuel

C'est un égocentrisme dans la représentation du monde extérieur.


Ex : l’enfant dit «C’est le soleil qui fait le nom, c’est le soleil qui s’appelle le soleil ».

Magico-phénoménisme

Cela va en général avec des explications qui supposent des forces occultes ou
miraculeuses.
Ex : L’enfant affirme « la lune bouge parce qu’il y a du vent ».

4.3. Stade de l’intelligence opératoire concrète (7-8 ans à 11-12


ans)

Les structures opératoires de l’enfant qui apparaissent vers 6, 7, 8 ans vont lui
permettre d’appréhender le monde de façon pertinente et non plus déformée par le
prisme de l’égocentrisme (du stade pré-opératoire).

- 31 -
4.3.1. Niveau 1 du stade opératoire concret : les opérations concrètes
simples (7-8 à 9-10 ans)

Apparition des opérations réversibles, avec l’acquisition des divers principes de


conservation :
Conservation des équivalences quantitatives, des longueurs, des surfaces, des
substances solides, liquides, du poids, des verticales, des horizontales, puis plus tard
des volumes.

4.3.2. Niveau 2 du stade opératoire concret : les opérations concrètes


complexes spatio-temporelles (9-10 à 11-12 ans)

C’est à ce niveau de la période des opérations concrètes que s’achève la


construction de l’espace (mesure, conservation, correspondances des droites), la
construction du temps, de la vitesse et du mouvement.

4.4. Stade de l’intelligence opératoire formelle (11-12 à 15-16 ans)


Le raisonnement formel procède par hypothèses et déductions : la déduction ne
porte plus directement sur des objets, sur des réalités perçues, mais sur des
énoncés hypothétiques.
Il y a formation de l’esprit expérimental.

5. APPRENTISSAGE ET DÉVELOPPEMENT
Piaget propose moins une théorie de l'apprentissage qu'une théorie du
développement.
On remarquera aussi que Piaget appartient à la lignée de ces "savants" (médecins,
biologistes, psychologues…) dont le rôle est essentiel dans le développement de
l'éducation nouvelle20.

20
Utilisation des méthodes Interrogative et Actives, c'est-à-dire que la relation en communication part des
élèves vers le professeur.

- 32 -
Les élèves sont le centre de la communication. Prédominance de la pédagogie, de
l’appropriation du savoir par les élèves. Les élèves sont plus mobilisés dans le
processus d’acquisition des connaissances.
Pour Piaget le rôle essentiel dans le développement de l’éducation nouvelle
permet de comprendre :
 L'influence en pédagogie ; c'est s'interroger sur le rôle, la place de la
psychologie en éducation, s'interroger sur ses relations avec la pédagogie
moderne ;
 L'importance, d’accorder une grande place à la psychologie de l'enfant,
comme fondement scientifique à la pédagogie et à l'éducation ;
 L'intérêt qu'on peut et doit porter, du point de vue de l'histoire des doctrines
éducatives, à l'assomption du psychologue dans l'éducation.
La notion de constructivisme selon Piaget, permet à un individu d’acquérir des
connaissances.
La transmission et l’acquisition sont au cœur de l’apprentissage et du développement
de l’individu, car le sujet peut ou non s’adapter à l’approche pédagogique mise en
place.

5.1. Apprentissage par évolution des représentations


En mathématique : apprentissage de la notion de triangle
En français : la définition du sujet
En biologie : l’exemple de la digestion
L’apprentissage passe par la représentation que nous nous faisons des choses.

5.2. Pédagogie active


La pédagogie active consiste à mettre en place des situations problèmes, que la
personne devra résoudre elle-même.
La pédagogie serait à la psychologie ce que la médecine est à la physiologie. Piaget
emploie souvent cette comparaison : le pédagogue doit connaître la psychologie
comme le médecin doit connaître la physiologie.
La pédagogie ne peut pas tout, aujourd’hui on assiste à une sorte d’angélisme social
qui vise à croire qu’on peut tout résoudre par une pédagogie adaptée. Or certes si
les problèmes scolaires peuvent conduire au chômage, le chômage reste un
problème social et il ne pourra être résolu que par des solutions sociales.

- 33 -
6. CONCLUSION
L'œuvre de Piaget est diffusée dans le monde entier et continue à inspirer,
aujourd'hui encore, des travaux dans des domaines aussi variés que la psychologie,
la sociologie, l'éducation, l'épistémologie, l'économie et le droit, comme en
témoignent les Catalogues annuels publiés par la Fondation Archives Jean Piaget. Il
a obtenu plus de trente doctorats honoris causa de différentes Universités à travers
le monde et de nombreux prix.

7. BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
HOUDE, O., Psychologie de l’enfant, Paris, PUF, 2004.
PIAGET, J., La naissance de l’intelligence chez l’enfant, Neuchâtel-Paris, Delachaux
et Niestlé, 1936.

BOURGEOIS, E.NIZET, J, Apprentissage et formation des adultes, Paris, PUF, 1997


J. Piaget et B. Lnhelder, la psychologie de l’enfant, PUF, « Que sais-je ? » no 369,
1996
Site internet
Wikipédia
Autres sources d’informations
Cours de psychologie du développement
Développement cognitif (Piaget) Support de cours de Philippe Lestage IUFM du
Limousin
Articles
Sciences humaines, no 2, Décembre 1990 et no 87, Octobre 1998
(Extrait d’entretien avec Jérôme Bruner)
Sciences humaines, no 60, avril 1996.
Sciences humaines, hors série no 12, Février/Mars 1996. Texte revu et corrigé par
l’auteur, décembre 2000.
Tableau de l’approche du développement et de l’apprentissage selon Piaget et
Vygotsky établi par Jean-Pierre Astolfi.

- 34 -
Chapitre 3

LE SOCIOCONSTRUCTIVISME ET LA THEORIE
DU DEVELOPPEMENT SOCIAL
de Lev Vygtsky

- 35 -
1. VYGOTSKY : L’HOMME ET SON TEMPS
1.1. Repères biographiques et contexte historique

Né le 17 novembre 1896 à Orsha en Biélorussie,


c’est à Gomel (autre ville de Biélorussie) que Lev
Vigotsky grandit. Issu d’une famille juive aisée de
la petite bourgeoisie, il effectue ses études
secondaires auprès d’un précepteur. Passionné
par le théâtre et la littérature, il acquiert ainsi une
solide formation en sciences humaines : langue
et linguistique, esthétique et littérature,
philosophie et histoire. Il entreprend ensuite des
études universitaires à la faculté de médecine de
Moscou. Mais rattrapé par ses centres d’intérêts,
il change d’orientation et opte pour un double
cursus universitaire : des études de droit à
l’université impériale de Moscou, la philosophie et
l’histoire à l’université populaire de Shanyavsky. Il
termine ses études en 1917 au moment où la
révolution éclate.
Le régime Tsariste, autocratique et répressif au pouvoir pendant dix siècles est
renversé en février puis en octobre les bolcheviks, dirigés par Lénine renversent le
gouvernement provisoire bourgeois. La chute de la monarchie est ressentie comme
une libération, elle ouvre en Russie une période de prise de parole. Vygotsky qui
adhérait profondément au marxisme, participe lui-même à la construction d’une
nouvelle société. Il revient à Gomel de 1917 à 1924 et se lance alors dans les
activités politiques et la pédagogie : il est député de l’armée rouge (armée bolchevik)
et enseigne la psychologie, l’esthétique et l’art. Durant cette période, il lit les œuvres
occidentales telles que Spinoza, Marx, Hegel. Ses propres travaux se rapportent au
domaine de l’esthétique, de la critique de la littérature et la première œuvre qui le
conduit vers la psychologie, est sa thèse sur la Psychologie de l’art (1925). En effet,

- 36 -
Vygotsky a ressenti le besoin d’expliquer les mécanismes qui mènent à la création
artistique par le biais de la psychologie.

En 1924, il obtient un poste à l’institut de psychologie de Moscou grâce à une


critique qu’il fait lors d’un congrès sur le courant de la réflexologie, très proche du
behaviorisme. Il y reste jusqu’à sa mort en 1934. Au cours de ces dix années à
Moscou, malgré un état de santé déplorable et de nombreuses hospitalisations, son
activité foisonne. Il rédige 180 textes scientifiques et mène des recherches dans de
nombreux domaines. C’est à cette période qu’il crée sa théorie historico-culturelle
des phénomènes psychologiques. Dès les années 30 avec la montée du stalinisme,
Vygotsky est vivement critiqué pour son intérêt pour les œuvres occidentales ainsi
que pour son rapport non dogmatique au marxisme. Il décède en 1934 après avoir
vu disparaître progressivement toutes les revues de psychologie indépendante. De la
même manière, dès 1936, toutes ses œuvres sont retirées de la circulation. Il faudra
attendre 1956 et la déstalinisation pour que ses œuvres soient redécouvertes avec la
réédition de son ouvrage le plus célèbre « Pensée et langage » puis en 1980 par la
traduction de nombreux autres ouvrages.

1.2. Contexte scientifique


1.2.1. Les courants psychologiques du début du siècle

Le behaviorisme

A cette période, les courants psychologiques les plus forts en Russie et même aux
Etats-Unis sont les approches behavioristes, la réflexologie.
Les approches behavioristes considèrent l’apprentissage comme une modification du
comportement sur le mode du conditionnement ou du réflexe conditionné. Elles
étudient la réaction du corps humain à des stimulations de l’environnement. Pour les
behavioristes, il est nécessaire d’utiliser des méthodes scientifiques de collecte des
données. C’est pourquoi seuls les comportements observables peuvent constituer
des données objectives que plusieurs expérimentateurs sont en mesure de répliquer.
De cette façon plusieurs notions sont écartées du champ de la psychologie comme
la conscience ou les états mentaux internes. Seules les relations entre stimulus et
réponse sont considérées comme objets d’étude valables.

- 37 -
Les approches mentalistes ou subjectives

L’autre courant existant à cette époque est une approche dite mentaliste ou
subjective.
Celle-ci s’intéresse aux conduites mentales complexes mais dans une logique
d’introspection (observation par le sujet lui-même). Ces approches tentent de décrire
les activités mentales supérieures mais sans pouvoir en expliquer la genèse.

1.2.2. Une même critique

Il parait intéressant de rapprocher ici Vygotsky de son contemporain Piaget (né la


même année que lui), qui, bien qu’ils ne se soient pas connus tombent d’accord sur
un certain nombre de notions, en commençant par se distinguer de ces approches.
Tous deux critiquent ces théories comportementalistes qualifiées de réductionnistes
car elles réduisent les activités mentales les plus complexes à de simples
agencements de conduites élémentaires et excluent l’étude de la conscience de leur
domaine de recherche. Selon eux, elles ne peuvent donc rendre compte que des
conduites les plus élémentaires. La psychologie de Piaget ou de Vygotsky postule
qu’il y a une organisation de la connaissance, des représentations et des processus
mentaux. Le développement ne se résume pas à l’apprentissage par stimulus-
réponse mais il existe un véritable processus de construction chez le sujet.
Ils récusent également les théories mentalistes car pour eux deux, elles se révèlent
incapables de fournir une analyse objective des processus psychiques supérieurs. Il
ne suffit pas de décrire les activités mentales comme elles le font mais il faut essayer
de comprendre et d’expliquer leur origine. Pour eux deux, « c’est en étudiant la
genèse des conduites qu’on peut rendre compte de ces conduites ».

1.3. Précurseurs du cognitivisme


On peut donc affirmer que Piaget et Vygotsky sont les précurseurs du cognitivisme
car tous deux tentent de comprendre ce qui se passe dans « la boite noire du
psychisme humain » bien avant le développement de ce courant dans les années 60.
En effet, Ils abordent l’apprentissage humain dans toute sa complexité. Pour eux, le
sujet ne se contente pas d’assimiler des données brutes, mais il les sélectionne et
les met en forme.

- 38 -
1.3.1. Un objet d’étude commun : le développement cognitif

Qu’est ce que la cognition ?

La cognition se définit comme « l’ensemble des activités intellectuelles et des


processus qui se rapportent à la connaissance et à la fonction qui la réalise. »21 En
fait, il s’agit de l’ensemble des mécanismes psychologiques dont le but est la
connaissance, mais également les produits de l’activité de ces mécanismes, c’est-à-
dire la connaissance elle-même.
Exemples de ces mécanismes psychologiques : le traitement de l’information,
l’apprentissage et la mémoire qui permet le stockage et le rappel de l’information etc.

De quoi s’occupaient donc Vygotsky et Piaget ?

Il est aisé de déduire de ce qui précède que Vygotsky et Piaget travaillaient sur la
manière dont l’être humain acquiert la connaissance et sur la façon dont se
développent chez l’enfant les outils permettant cette acquisition.
Ces auteurs étudiaient donc la conscience en analysant les activités humaines, en
se plaçant d’un point de vue pratique, celui de l’activité sociale de l’homme.

1.3.2. Une posture commune, deux paradigmes distincts

Partant de ce postulat, Vygotsky comme Piaget vont adopter une approche que l’on
va appeler génétique, développementale ou historique. C'est-à-dire qu’ils ne vont pas
se centrer sur les observables mais sur la construction (origines, transformations…)
de la pensée. Ils adoptent une démarche centrée sur les mécanismes d’acquisition
au cours de l’enfance.
Malgré un postulat de départ commun, Piaget et Vygotsky vont prendre des
orientations distinctes. Cela est sans doute à rapprocher des formations différentes
qu’ils ont reçues, Piaget est biologiste alors que Vygotsky est issu des sciences
humaines. En effet, Piaget met l’accent sur l’origine biologique du développement
alors que Vygotsky insiste sur les apports de la culture, l’interaction sociale et la
dimension historique du développement mental. De façon à distinguer de manière
presque caricaturale leurs deux paradigmes, on dira que le constructivisme piagétien
se caractérise par une construction interne du sujet alors que le socioconstructivisme
Vygotskien prend fortement en compte la dimension sociale.
21
Grand Dictionnaire de la Psychologie, Paris, Librairie Larousse, 1991, p. 171.

- 39 -
Pour ces deux auteurs, le développement cognitif passe par un conflit mais il prend
deux formes différentes.

Constructivisme

Pour Piaget, la capacité de raisonner, le développement de l’intelligence est à la fois


défini génétiquement et dépendant de l’activité du sujet sur son environnement. On
appelle constructivisme cette approche basée sur l’interaction sujet-environnement.
Le constructivisme suppose que les connaissances de chaque sujet ne sont pas une
copie de la réalité mais une reconstruction de celles-ci. Le constructivisme s’attache
à étudier les mécanismes et processus permettant la construction de la réalité chez
les sujets, en fonction de ses connaissances antérieures.

 Comment ça fonctionne ?
L’individu possède une structure de connaissance antérieure. Celle-ci va recevoir
des connaissances nouvelles qui vont transformer cette structure en structure
d’accueil et celle-ci va chercher à intégrer au moindre coût ces connaissances
nouvelles. C’est ce que Piaget va appeler l’assimilation. Cependant pour lui, dans
cette situation, on ne peut pas parler d’apprentissage car rien n’a changé, il n’y a pas
eu de modifications de la structure de connaissance. Mais si la structure reçoit des
informations perturbantes, qui amènent à reconsidérer les connaissances
antérieures, il y a l’apparition d’une contradiction entre un ensemble de
représentations et les informations nouvelles qui arrivent. C’est le conflit cognitif, le
moment où l’assimilation ne fonctionne plus de façon efficace pour préserver
l’équilibre et où l’accommodation se met en marche pour permettre l’adaptation qui
engendrera un nouvel équilibre.
Pour Piaget, c’est ce processus qui consiste d’abord à assimiler donc reconnaître
pour ensuite accommoder donc changer qui constitue la base de l’apprentissage.
Pour Piaget, c’est l’élève qui apprend et personne ne peut le faire à sa place.
Cependant, il peut difficilement trouver seul toutes les réponses. C’est là qu’intervient
le socioconstructivisme.

- 40 -
Socioconstructivisme

La « genèse sociale de la pensée au travers d’activités réalisées avec autrui» est


l’élément qui distingue Vygotsky de Piaget. Comme le constructivisme, le socio-
constructivisme dit que chaque être humain construit sa connaissance, tout
apprentissage passe par une activité mentale de réorganisation du système de
pensée et des connaissances existantes de chacun. Mais le socio-constructivisme
insiste en plus sur le rôle des interactions sociales pour que cette construction ait
lieu. Vygotsky voyait l’environnement social comme une force active pour le
développement de l’enfant. La théorie de Vygotsky est souvent qualifiée de
socioculturelle car elle met l’accent sur la culture et l’environnement social comme
facteurs façonnant le développement. Le sujet de Vigotsky est un sujet individuel et
social qui va construire les éléments de sa pensée dans l’interaction. La pensée et la
conscience sont déterminées par des activités externes réalisées avec des
congénères dans un environnement social déterminé.

 Comment ça fonctionne ?
Dans une situation d’interaction sociale, comme on l’a évoqué dans le
socioconstructivisme Vygotskien, il y a confrontation des représentations qui
provoque leur modification et améliore la compétence de chacun. C’est ce que l’on
appelle le conflit sociocognitif.
L’expérience de Lewin permet de l’illustrer ce concept: pendant la guerre en 1943 on
lui demande d’aider au changement des habitudes alimentaires des américains et de
les amener à consommer plus d’abats de viande. Il va donc comparer deux
pratiques :
D’un côté il organise une conférence sur les bienfaits des abats et de l’autre, il invite
les ménagères à une discussion débat sur le sujet. Les résultats de la seconde
méthode ont été dix fois meilleurs. Ce qui se passe c’est que les arguments et
contre-arguments donnés sont l’occasion de créer ce conflit sociocognitif.
L’interaction sociale est constructive dans la mesure où elle crée une confrontation
entre des conceptions divergentes. Pour Vygotsky, un premier déséquilibre inter-
psychique apparaît au sein du groupe puisque chaque élève est confronté à des
points de vue divergents. Il prend ainsi conscience de sa propre pensée par rapport
à celle des autres. Ce qui provoque un deuxième déséquilibre de nature intra-

- 41 -
psychique : l’apprenant est amené à reconsidérer en même temps, ses propres
représentations et celles des autres pour reconstruire un nouveau savoir.

2. VYGOTSKY ET LA THÉORIE DU DÉVELOPPEMENT


SOCIAL

2.1. L’activité humaine et la conscience


Nous avons déjà évoqué le fait que l’activité humaine n’est pas, pour Vygotsky, un
automatisme de réponses et de réflexes. Il la conçoit plutôt comme une
transformation du milieu à l’aide d’instruments, d’outils.
L’individu n’est donc pas un produit passif de la stimulation de l’environnement, pas
plus qu’un esprit préexistant à cet environnement. Il est le fruit de l’interaction entre
l’intérieur et l’extérieur. L’individu est éminemment actif pour Vygotsky, et cette
activité ne se réduit pas au réflexe, réaction au stimulus de l’environnement.

A l’occasion de l’une de ses premières contributions devant les membres de l’Institut


de Psychologie de Moscou en 1925, qui avait pour titre La conscience comme
problème de la psychologie du comportement, Vygotsky réintroduit d’emblée la
problématique de la conscience comme objet d’étude scientifique. Il explique que si
« [l’on ignore] le problème de la conscience, la psychologie se ferme d’elle-même la
voie d’accès à l’étude des problèmes tant soit peu complexes du comportement
humain. »22

Pour Vygotsky, la conscience se développe par le biais le l’activité humaine. En effet,


l’activité est un processus de transformation de la réalité. Cette transformation est
possible grâce au mécanisme de médiation, qui utilise des outils, appelés également
des médiateurs. L’activité, par le biais de la médiation et des outils qu’elle implique,
amène le développement de l’activité purement réflexe au départ, ce qui aboutit à la
construction de la conscience.

22
VIGOTSKY, L. (1925), cité par MORO, C., SCHNEUWLY, B. & BROSSARD, M.(sous la direction de).
Outils et signes, perspectives actuelles de la théorie de Vygotski. Paris, Peter Lang, 1997, p.2.

- 42 -
A. Rivière illustre ainsi le lien entre outils (ou médiateurs) et conscience : « Nous
pourrions dire que les outils, les instruments sont aussi nécessaires à la construction
de la conscience qu’ils le sont à n’importe quel ouvrage construit par l’homme. »23

2.2. Les grandes lignes de la théorie


Nous allons maintenant explorer la manière dont la conscience se développe, dans
la perspective vygotskienne.
Dans un premier temps, nous allons énoncer ce à quoi aboutit ce développement,
c’est-à-dire le produit des processus que nous étudions. Disons d’emblée qu’il s’agit
de ce que Vygotsky nomma les fonctions psychiques supérieures.
Dans un second temps, nous nous interrogerons sur la nature des processus qui
permettent d’atteindre les fonctions supérieures. Il s’agit essentiellement de la notion
fondamentale de médiation, et des outils ou médiateurs qui la caractérisent.
Ceci clarifié, nous essaierons de situer le lieu de la médiation. Il s’agit d’un « lieu
psychique », d’un endroit abstrait, qui a reçu de Vygotsky l’appellation de Zone de
Développement Proximal.
Enfin, nous tenterons de rendre compte de façon concrète de ce qui se produit dans
ce lieu entre les partenaires qui s’y trouvent. Ce qui survient alors nous est connu
sous le terme d’étayage.

2.2.1. Des fonctions élémentaires aux fonctions supérieures

Vygotsky conçoit le développement cognitif comme le passage des premières aux


secondes.
Les fonctions élémentaires sont celles, innées, que possède l’enfant en naissant. Il
s’agit d’habiletés comme l’attention involontaire, la mémoire et la perception par
exemple.
Les fonctions supérieures sont les fonctions élémentaires, mais maturées et
transformées par le développement. Nous pouvons citer le raisonnement abstrait,
l’attention volontaire, la prise de décision etc. Pour Vygotsky, ces fonctions
supérieures sont spécifiquement humaines, dans la mesure où elles n’existeraient
pas chez l’animal.

23
RIVIERE, A. La psychologie de Vygotsky. Liège, Mardaga, 1990, p. 69.

- 43 -
Prenons l’exemple de l’attention (involontaire et volontaire) pour illustrer la différence
entre les fonctions élémentaires et les fonctions supérieures.
Un bébé, lorsqu’il entend un bruit, tournera la tête vers sa source. Il fait ici preuve
d’attention, mais de façon involontaire. C’est une modification de l’environnement
perceptif qui provoqué cette attention.
A l’inverse, un adulte qui décide de lire un texte ou de suivre le discours d’un
intervenant décide préalablement de le faire. Il focalisera donc, volontairement, son
attention sur le texte ou le discours qui l’intéressent.

2.2.2. A l’origine de la transformation : La médiation et ses outils

Le développement de l’enfant lui permet de progresser, pour accéder à ces fonctions


supérieures.
Qu’est ce qui permet le passage des première fonctions aux secondes ?

La notion d’outil

La psychologie de Vygotsky est, en fait, une psychologie instrumentale, car elle est
basée sur la notion d’instrument (outil).
Et pour Vygotsky, les instruments (ou outils) sont de diverses sortes : un marteau, un
crayon mais aussi des symboles et des signes, qui sont des instruments psychiques.
Parmi les exemples d’instruments psychiques, il cite d’abord le langage, mais
également les différentes formes de comptage et de calcul, les moyens
mnémotechniques, les symboles algébriques, les oeuvres d’art, l’écriture, les
schémas, les diagrammes, les cartes, les plans...

La médiation

Vygotsky pensait que les capacités innées (c’est-à-dire les fonctions élémentaires
précédemment évoquées) ne peuvent se développer que jusqu’à un certain point s’il
n’y a pas d’intervention extérieure, c’est-à-dire sociale.
Ce plateau est atteint lorsque l’individu doit utiliser des médiateurs pour continuer à
se développer. L’un de ces médiateurs, le plus important pour Vygotsky, est le
langage.
En effet, dans ses études sur le développement des fonctions mentales supérieures,
Vygotsky pose le postulat que la pensée et le langage ne peuvent clairement être
dissociés.

- 44 -
Il pensait que parmi les signes et symboles utilisés par l’homme, le langage est le
médiateur par lequel se crée la conscience. Il devient ainsi le point de départ de
l’activité mentale.

Les interventions sociales permettent notamment à l’enfant d’accéder au langage,


car c’est dans le contact avec ses parents et les proches de son entourage qu’il
apprend à parler. Une fois acquis, le langage soutient les interactions de l’individu
avec son environnement social, et ce faisant favorise la transformation des capacités
innées en fonctions supérieures.

Le lieu de la médiation : La Zone de Développement Proximal

Selon Vygotsky, le développement cognitif dépend des interactions de l’enfant avec


des partenaires plus habiles ou plus expérimentés. L’instruction et les aides qu’ils lui
apportent (nous sommes donc dans l’interaction) soutiennent son développement
cognitif.
Les parents sont certainement les premiers partenaires à intervenir auprès de
l’enfant, et prennent une place spécifique dans son développement. Ils le font dans
un espace que Vygotsky nomme la Zone de Développement Proximal (ZDP).

Définition de la ZDP : C’est la différence entre le niveau de développement


réel de l’enfant lorsque celui-ci résout seul un problème et le niveau de
développement potentiel de l’enfant lorsque celui-ci résout un problème
avec l’aide de l’adulte ou en collaboration avec des pairs plus
expérimentés (Vygotsky).

Cela signifie que grâce à la collaboration entre l’adulte et l’enfant, ce dernier peut
réaliser une performance qu’il n’aurait pas réussie sans l’aide de l’adulte. L’adulte
travaille donc avec l’enfant légèrement au dessus de ses capacités, l’aidant ainsi à
progresser.

- 45 -
La Zone de Développement Proximal

Mais que fait concrètement l’adulte pour aider au développement ? Comment cela se
manifeste-t-il ?
Vygotsky n’a pas détaillé ce qui se passe exactement entre les deux partenaires
lorsqu’ils travaillent ensemble dans la ZPD. Mais des recherches, par la suite, ont
introduit la notion d’étayage.

L’étayage

L’étayage peut se définir comme un processus interactif dans lequel chaque adulte
ajuste à la fois la quantité et le type de support qu’il fournit à l’enfant.
Par exemple, l’adulte va encourager l’enfant à réaliser une tâche qui est à la limite de
ses possibilités.
Si l’enfant n’y parvient pas, l’adulte va adopter une attitude plus dirigée, en
intervenant de façon plus directe, en guidant l’enfant dans la réalisation des
différentes étapes menant à l’accomplissement de la tâche. Lorsque l’enfant
commence à réussir, l’adulte doit le sentir et intervenir de manière plus indirecte,
encourageant l’enfant à travailler seul.

- 46 -
Pour fournir un étayage de qualité, il faut donc être sensible au niveau de
développement de l’enfant, savoir repérer où il en est dans ses acquisitions pour
l’accompagner de façon efficace.
Une intervention réussie de l’adulte, avec un étayage de qualité permettra à l’enfant
de réaliser ensuite seul une tâche similaire, d’égale difficulté.

Tout ce qui vient d’être développé autour de la ZDP et de l’étayage annonce l’une
des préoccupations de Vygotsky. Il s’agit de la question de la mesure du
fonctionnement intellectuel. En effet, il pensait qu’il était important, indispensable
même, de mesurer le potentiel d’apprentissage de l’enfant en prenant en compte
l’aide de l’adulte.

2.3. Le développement social de l’être humain


2.3.1. Avant le langage

Mais comment cette interaction, ces interventions sociales se manifestent-t-elles


avant l’apparition du langage chez l’enfant ?
Car pour Vygotsky, dès le début de la vie, le développement de l’enfant est
étroitement solidaire du milieu social.

L’auteur pense que les relations entre les êtres humains peuvent être de deux types :
 Directes et immédiates
 Indirectes et médiatisées

Les relations directes se rencontrent chez l’animal et chez l’enfant, sous forme de
cris, d’agrippements, de regards.
Les relations indirectes émergent plus tard, lorsque l’enfant va utiliser des
médiateurs et qu’il va communiquer par des signes (donc, de façon indirecte) et non
plus seulement par des gestes.
Or, selon Vygotsky, le deuxième mode de communication ne peut que dériver du
premier. Il en fait la preuve à travers son analyse du geste de pointage.

- 47 -
L’exemple du geste de pointage
Vygotsky pense que le geste qui consiste à indiquer du doigt un objet, joue un rôle
essentiel dans le développement de l’enfant. Ce serait la base primitive de toutes les
formes supérieures du développement.
Il serait d’abord un essai infructueux pour saisir un objet. Mais ce geste primitif
apporte du nouveau quand l’enfant essaie notamment d’attraper l’objet trop éloigné.
Pourquoi ? Parce que l’entourage de l’enfant va lui venir en aide en comprenant son
geste comme un geste d’indication.
Ainsi, grâce à une réaction venant de l’extérieur, ce geste acquiert une signification.
Et ce qui pourrait n’être qu’un échec pour l’enfant, donne naissance à une réaction
nouvelle, non plus tournée vers l’objet mais vers la personne.
En fait, ce geste de pointage n’a de valeur que dans une relation à deux. C’est un
phénomène à point de départ social.
Il devient un moyen de communication grâce à l’intervention de l’entourage et
l’enfant est en fait le dernier à réaliser la valeur de son geste, qui a trois sens
distincts :
 sens objectif dans l’action : prendre
 sens redéfini par l’entourage : pointer
 sens nouveau pour l’enfant : indiquer

Ainsi, Vygotsky conclut que "nous devenons nous-mêmes à travers les autres" et
s’oppose ainsi à Piaget, qui soutenait que la pensée de l’enfant ne se socialiserait
qu’à l’âge scolaire (environ 7 ans, à l’époque).

2.3.2. La loi de la double formation

De la manière d’envisager le développement de Vygotsky, précédemment exposée, il


postule l’existence d’une loi, nommée loi de la double formation de Vygotsky et qui
est le mécanisme explicatif central de la médiation. Cette loi explique que le
développement de l’enfant passe par une intériorisation progressive des outils et la
conversion progressive des systèmes de régulation externes (instruments) en
moyens de régulation interne, c’est-à-dire d’autorégulation, qui à leur tour modifient
la conduite externe.

- 48 -
"Dans le développement culturel de l’enfant, toute fonction apparaît deux fois :
dans un premier temps, au niveau social, et dans un deuxième temps, au
niveau individuel ; dans un premier temps entre personnes (interpsychlogique)
et dans un deuxième temps à l’intérieur de l’enfant lui-même
(intrapsychologique). Ceci peut s’appliquer de la même façon à l’attention
volontaire, à la mémoire logique et à la formation de concepts. Toutes les
fonctions supérieures trouvent leur origine dans les relations entre les êtres
humains." Vygotsky, 1931.

2.3.3. Pour résumer : L’origine sociale du développement

Le développement des fonctions psychiques est donc conçu comme l’appropriation


progressive de la culture par l’enfant au travers de son intégration sociale.
Dans cette optique, l’apprentissage précède le développement, contrairement à ce
que pense Piaget, pour qui le développement apparaît le premier et permet
l’apprentissage et l’intégration de la culture.

Ainsi, les fonctions supérieures n’ont pas une origine naturelle (biologique, comme
chez Piaget) mais plutôt une histoire sociale, extérieure à l’individu, ce qui accorde
toute son importance à la médiation car sans le médiateur, aucun développement
mental ne serait possible.

L’environnement social est donc considéré comme une force active pour le
développement de l’enfant, dans la mesure où il permet la maturation des aptitudes
innées de l’enfant.
Dans cette perspective, le développement humain est essentiellement social, et non
pas individuel (comme le pensait Piaget), car l’environnement joue un rôle
prépondérant et le développement peut se voir compromis sans l’intervention de
l’extérieur.

- 49 -
3. LES APPLICATIONS PÉDAGOGIQUES

Vygotsky enseignant
La théorie de Vygotsky a eu un impact
sur l’éducation car elle a souligné
l’importance des interactions sociales
entre pairs ou avec des personnes
plus expérimentées comme un facteur
non négligeable dans l’apprentissage.
Vygotsky pensait que l’éducation est
un aspect fondamental du
développement cognitif, et pas
seulement un processus d’affinement
des structures cognitives de l’enfant.
Pour lui, la collaboration entre pairs est un concept clé de l’éducation.
Nous présentons ci-dessous deux méthodes éducatives développées à partir de la
théorie de Vygotsky.

3.1. L’enseignement réciproque


L’enseignement réciproque est une méthode qui utilise les interactions entre pairs
pour encourager des dialogues sur une situation problème qui se trouve au-delà des
capacités individuelles de l’enfant, mais à l’intérieur de sa ZDP.

 Un exemple : La lecture
La méthode de l’enseignement réciproque est utilisée pour améliorer les capacités
de lecture des enfants ayant des difficultés scolaires.
Il s’agit d’un groupe constitué d’élèves et d’un enseignant. Les élèves prennent tour à
tour la parole sur un texte. Il est important que tous participent.
Quatre activités autour du texte sont proposées aux élèves et supervisées par
l’enseignant qui anime le groupe : questionner, résumer, clarifier le texte, et poser
des hypothèses
L’objectif de ce travail de groupe est que chacun puisse internaliser les processus de
lecture automatique, en prenant appui sur la manière dont il voit travailler les autres.

- 50 -
3.2. L’apprentissage coopératif
Cette méthode structure l’environnement d’apprentissage de l’enfant en petits
groupes de pairs qui travaillent sur un objectif commun. Il n’y a pas ici, à la différence
de l’apprentissage réciproque, d’enseignant qui anime les groupes. Les groupes sont
constitués de pairs plus ou moins experts, qui sont à même de réussir la tâche et
ainsi conseiller et soutenir les moins compétents.

L’utilisation de Vygotsky dans la formation pour adultes relève de l’extrapolation


puisque comme on l’a vu plus haut, il s’attachait à étudier les mécanismes de
l’enfance. Cependant indépendamment du public auquel on s’adresse, on peut
appliquer certains concepts à toute situation d’apprentissage.
Aujourd’hui, grâce notamment aux travaux de Vygotsky on considère l’importance de
la médiation et donc de la relation du formateur à l’apprenant comme déterminant clé
de l’apprentissage. Cette conception a d’ailleurs fait apparaître de nombreuses
« pédagogies de la médiation ».

4. QUELQUES CRITIQUES…
Un certain consensus

La théorie de Vygotsky a eu une grande influence et a inspiré de nombreuses


recherches sur le rôle de la culture et des interactions sociales dans le
développement cognitif. Aujourd’hui, la recherche a attesté de l’existence d’une
construction et de sa dimension interactive. Et on ne peut imaginer qu’un enseignant
ou un formateur ne voit l’apprenant comme « constructeur » de ses connaissances.
Cependant, ayant été redécouverte tardivement, la théorie de Vygotsky n’a pas reçu
le même niveau d’analyse critique que d’autres théories plus connues comme celle
de Piaget.
On peut tout de même citer quelques critiques évoquées par certains auteurs :

- 51 -
Une des critiques de la théorie de Vygotsky est sa centration quasi exclusive sur les
aspects culturels du développement. En effet, sa théorie ne nous dit presque rien sur
les aspects naturels, c’est-à-dire biologiques, du développement.

De plus, la théorie de Vygotsky conseille d’évaluer les capacités cognitives des


enfants afin de définir la zone proximale de développement mais elle ne dit pas
grand-chose sur la manière dont le niveau de développement initial contraint ou
améliore les opportunités de participation à des contextes sociaux variés.

Par ailleurs, Piaget critique ce qu’il appelle chez Vygotsky « un optimisme bio social
excessif ». En effet, pour Vygotsky, chaque échange entre l’apprenant et son
environnement génère une adaptation. Cependant selon Piaget, cette adaptation ne
fonctionne pas toujours car le sujet n’a pas toujours acquis ou élaboré les pensées
nécessaires pour mener à bien certaines taches. Pour Piaget le développement est
un processus long et difficile, et certaines capacités ne peuvent être atteintes avant 7
ou 8 ans. Aussi il peut arriver que l’équilibre entre assimilation et accommodation
prenne des formes qui ne sont pas adéquates, de telle sorte que les efforts
d’adaptation aboutissent en erreurs.

On peut considérer cette critique comme un point de divergence entre leurs théories
mais dans le domaine de la psychologie du développement et des apprentissages,
on considère les travaux de Piaget et Vygotsky comme des cadres théoriques
complémentaires. Leurs différences ne se situent pas en opposition mais au
contraire en complémentarité.

5. POUR CONCLURE
A la lecture de ce qui précède, on comprend que pour Vygotsky la psychogenèse
(c’est-à-dire la naissance du psychisme et son développement) est avant tout une
sociogenèse. De plus, nous avons également noté que la théorie de Vygotsky met en
avant la conscience et sa construction.
Cette approche est somme toute assez novatrice au début du siècle, où l’étude du
psychisme humain est abordée d’une part en termes d’activité réflexe, ce qui peut
s’avérer relativement réducteur, ou d’autre part à travers le prisme de l’inconscient
freudien, qui tend à rendre compte des comportements humains, sans cependant

- 52 -
explorer les fonctions cognitives en elles-mêmes (la mémoire ou le traitement des
informations).

Encore une fois, il est tentant d’évoquer la complémentarité de ces approches


théoriques. En effet, de nombreux ponts peuvent être envisagés, enrichissant ainsi
un sujet d’étude très complexe, qui recèle à ce jour encore bien des mystères…

6. BIBLIOGRAPHIE / SITOGRAPHIE

BELLIER Sandra, Ingénierie en formation d’adultes, repères et principes d’action,


Ed. Liaisons, Paris, 2002.
CLOT, Y. (sous la direction de). Avec Vygotski. Paris, La Dispute, 1999.
Grand Dictionnaire de la Psychologie, Paris, Librairie Larousse, 1991.
LEMAIRE, P. Psychologie Cognitive. Paris, De Boeck Université, 1999.
MORO, C., SCHNEUWLY, B. & BROSSARD, M.(sous la direction de). Outils et
signes, perspectives actuelles de la théorie de Vygotski. Paris, Peter Lang, 1997.
RIVIERE, A. La psychologie de Vygotsky. Liège, Mardaga, 1990.
SCHNEUWLY, B. & BRONCKART, J.P. (sous la direction de). Vygotsky aujourd’hui.
Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1985.
Institut Universitaire de Formation des Maîtres de l’Académie de Créteil
http://www.creteil.iufm.fr
Conférence de Jean-Yves Rochex (support audiovisuel) : L’œuvre de Vygotsky,
fondement pour penser l’école aujourd’hui
Université des Sciences et Technologies de Lille
http://cueep.univ-lille1.fr/psycho/part6.htm
Fiche La Médiation : L’école Russe (L. Vygotsky)
Université de Nice Sophia Antipolis
http://portail.unice.fr/jahia/webdav/site/myjahiasite/users/decara/public/documents
Fiche Développement social et Théorie Socioculturelle de Vygotsky

- 53 -
Chapitre 4

LA PSYCHOLOGIE HUMANISTE
de Carl Rogers

Le courant humaniste est apparu dans les années 1960 aux États Unis. De
nombreux psychologues se sentaient insatisfaits, non seulement, de l’approche
psychanalytique de Freud où l’inconscient prend une place déterminante dans les
comportements de l’individu, mais aussi de l’approche déshumanisante du
béhaviorisme. Cette dernière défend l’idée que c’est par des stimulations extérieures,
que des apprentissages se produisent, alors que pour les humanistes, l’homme ne
peut être réduit à des comportements observables. Pour eux, il est nécessaire de
prendre en compte ce qui constitue l’homme et notamment, ses aspirations, ses
projets, ses valeurs, etc. Dans ce contexte, la théorie développée par Carl Rogers a
pris une ampleur telle qu’elle est toujours d’actualité dans le monde de la formation.
Elle représente un champ de références, parce qu’elle correspond à une volonté de
changement ; changement de la personne qui se forme; mais aussi et surtout
changement de la personne qui forme.
Dans cette perspective nous allons, tout d’abord, présenter Carl Rogers dans son
environnement familial et socioculturel, puis nous aborderons sa théorie, et les
concepts qui s’y rattachent. Enfin, nous exposerons les pistes d’applications
pédagogiques issues de la pensée de Rogers.

- 54 -
1. LA VIE DE CARL ROGERS
Éminent psychologue américain, Carl Rogers est né en 1902 à Chicago. Né dans
une famille du Middle West américain, où les valeurs rurales et chrétiennes étaient à
l'honneur. Ainsi, il sera amené à développer certaines valeurs qui prônent l'initiative
comme vecteur d'autonomie. Il acquit la conviction que l'individu agira toujours pour
son bien si on ne l'oblige pas à se conformer à l'apprentissage dicté par la société.

Sur le plan intellectuel, sa formation a été dominée par l'empirisme de John Dewey,
et les principes théologiques du libéralisme protestant défendu par Paul Tillich, qui
mettait l'accent sur la dimension intérieure de l'expérience religieuse. Passionné par
la nature, Carl Rogers entreprit des études en agronomie à l'université du Wisconsin,
où il passera plusieurs années avant de se découvrir une vocation religieuse.

En 1924, il entra au séminaire de théologie de l'Union (Union Theological Seminary),


où, après deux années d'études, il s’aperçut qu'il lui serait impossible de travailler
dans un domaine où l'on exigeait de lui l'adhésion à une doctrine religieuse
spécifique.

C'est alors qu'il rejoignit le centre de formation pédagogique de l'université de


Colombia, où il fut fortement influencé par l'enseignement de William H.Kilpatrick,
dans le domaine de la philosophie de l'éducation, et où il découvrit les thèses de
John Dewey, qui font de l'expérience la base de l'apprentissage. Carl Rogers devint
spécialiste de psychologie clinique, et notamment de thérapie infantile, il exercera
cette profession pendant douze ans à la Rochester Child Guidance Clinic.

En 1940, Carl Rogers quitta Rochester, car après avoir dans un premier temps
pratiqué les méthodes traditionnelles comme la psychanalyse et les méthodes
directives d'entretien, il commença à remettre en question les pratiques autoritaires
en vigueur en matière de diagnostic et de traitement. En effet, il acquiert la conviction
que ses clients savaient mieux que lui ce qui était important, et que l'on pouvait s'en
remettre à eux pour définir leur évolution post-thérapeutique.

- 55 -
Ainsi, il décida d'élaborer une nouvelle conception de la psychothérapie qu'il
présenta dans son ouvrage intitulé Client-Centered Therapy publié en 1951. Dans le
premier chapitre de cet ouvrage consacré à « l'enseignement centré sur l'étudiant »,
il énonce le principe suivant qui révèle bien son intention de priviligier les attitudes
par rapport aux techniques: « Nous ne pouvons inculquer directement à autrui un
savoir ou une conduite; nous pouvons tout au plus faciliter son apprentissage. »

En parallèle de ses métiers de professeur et de praticien, Carl Rogers s'investit


également dans la recherche. En 1957 il réintègre le département de psychologie à
l'université du Wisconsin, qu'il quittera en 1963 après une grande désillusion due à
des conflits au sein du département.

Ainsi Carl Rogers quitte définitivement le monde universitaire pour s'investir


pleinement dans la recherche. Il étudie notamment les relations interpersonnelles et
groupales. A partir de ce moment, et jusqu'à sa mort, il ne travaillera plus que dans
des institutions privées, le « Wstern Sciences Behavioral Institute », d'abord, puis le
« Center for the studies of the person »

En 1961, il publia « On Becoming a person », dans lequel il décrit le processus de


croissance de la personne, et ce qui fait une relation d'aide efficace.
En 1969, il publia « Freedom to learn », qui se centrait sur l'enseignement.
En 1970, il publia « Carl Rogers on encounter groups », où il décrit ses thèses en
matière de groupes de rencontre.
En 1980, il publia « A way of being », son dernier ouvrage, où il jette un regard
rétrospectif sur toute sa vie.

Mort en 1987, Car Rogers apparaît comme l'une des grandes figures de la
psychologie contemporaine. On a appris plus tard que c'est le jour de sa mort, qu'il
reçut une lettre l'informant de sa nomination pour le prix Nobel de la paix.

- 56 -
2. LA PENSEE DE CARL ROGERS
2.1. La théorie et les concepts
Rogers part du principe qu’il y a dans l’homme, en germination, tout ce qu’il faut pour
évoluer, un éventail de possibilités. C’est à partir de son expérience pratique de
thérapeute et de ses observations régulières du travail avec ses clients qu’il se forge
des points de vue personnels, et développe le concept de « vie pleine »24
C’est une thérapie réussie qui concourt à mettre en route, chez l’individu, le
processus vers la « vie pleine ». Ce concept de « vie pleine » peut être défini par ses
trois caractéristiques :

Une ouverture accrue à l’expérience, c’est-à-dire une capacité nouvelle pour


l’individu qui lui permettra de s’écouter, d’être plus ouvert à ses propres sentiments et
expériences intérieures, et donc de mieux les accepter. Il sera davantage prêt à
abandonner certaines de ses attitudes de défense.

Une tendance croissante à vivre dans le présent, c’est-à-dire que l’individu


développe une capacité qui lui fera accéder à la prise en compte du vécu de son
expérience, à être davantage conscient à ce qui se passe dans l’instant, pour être
vraiment lui-même face à la gestion de cette expérience.

Une confiance renforcée dans son organisme, c’est-à-dire que l’individu devient
davantage apte à agir selon ce qu’il « ressent » comme juste et bon. Son ressenti
devient son guide de conduite, et il peut progressivement se libérer d’un
comportement conformiste.

La démarche de Rogers vise donc à une grande indépendance, et à une grande


maturation de l'individu, mais n'espère pas que de tels résultats seront atteints si le
thérapeute cherche à résoudre le problème pour le client. C'est l'individu et non le
problème qui est au centre. L'objectif n'est pas de résoudre un problème particulier,
mais davantage d'aider l'individu à se développer, afin qu'il puisse lui-même faire
face au problème actuel, ainsi qu’à des problèmes ultérieurs d'une façon mieux
appropriée. S'il peut parvenir à un développement suffisant pour traiter un problème
24
Carl Rogers in Le développement de la personne, edition Dunod, 1966, Paris

- 57 -
de façon plus indépendante, plus responsable, moins confuse, plus organisée, il
traitera également de la même façon les nouveaux problèmes qui se présenteront à
lui.

Ainsi, Rogers part des trois postulats suivants 25 :

 Toute personne possède en elle des richesses


Il s’agit par conséquent de les repérer. En effet, dans la relation aux autres, la
tendance à porter des jugements de valeur qui font ressortir davantage les défauts
que les qualités est prédominante.

 Toute personne est capable d’utiliser ses richesses


Il s’agit donc d’y croire. En effet, il est généralement plus facile de croire à l’efficacité
de sa propre intervention qu’à la capacité de l’autre à trouver lui-même la bonne
réponse à son propre problème.

 Toute personne est capable de développer ses richesses


Il s’agit alors de lui faire confiance dans sa capacité à tirer les leçons de son
expérience. Accepter la démarche autonome de l’autre avec ses erreurs est
particulièrement difficile en raison de la peur courante de l’échec et des habituelles
représentations négatives associées.

Au début, pour qualifier la pratique découlant de son approche, Rogers parlait de


non-directivité mais devant la controverse, il opta plutôt pour l’appellation
d’Approche Centrée sur la Personne (A.C.P) ou client-centered. Il faut en effet
souligner que la pensée rogérienne a été longtemps assimilée à une pédagogie du
« laisser-faire » avec des connotations négatives.

Le fondement sur lequel repose l'A.C.P est l'existence d'une tendance à


l'actualisation26 ou à la réalisation de soi qui est présente dans tous les
organismes vivants. Rogers a décrit cette tendance à l'actualisation comme « faisant
partie d'une tendance formatrice plus large, présente dans l'univers en un
25
Jean-Daniel Rohart in Carl Rogers et l'action éducative, édition Chronique sociale, 2008, Lyon
26
Carl Rogers, Marian Kinget, in Psychothérapie et relations humaines, théorie et pratique de la thérapie non-
directive, volume 1, édition Béatrice Nauwelaert, 1965, Paris

- 58 -
mouvement vers un ordre créatif plus grand… » Il y a donc dans ce fondement la
confiance qu'il existe dans chaque être humain une force directionnelle constructive
vers la réalisation de son potentiel et qui le pousse à évoluer.
Dans le contexte de la psychothérapie, l'Approche Centrée sur la Personne paraît
logique car faire confiance aux clients est l’essence même de la démarche
thérapeutique. Le choix d’un thérapeute, de la fréquence et de la longueur d’une
thérapie, la décision de parler ou de rester silencieux, la sélection des besoins à
explorer, la réalisation des prises de conscience et finalement la capacité à être
l’architecte de sa propre vie appartiennent au client et illustrent bien la confiance qui
lui est faite. Le terme même de « client »27 signifie que ce dernier est acteur de sa
thérapie et non passif comme cela pouvait être induit par le terme de « patient ». En
revanche, cette Approche Centrée sur la Personne prend un sens particulier, ou
plutôt inhabituel pour tout ce qui touche l'enfant, l’étudiant ou l’individu dans son
contexte professionnel car, le plus souvent, dans notre système éducatif et social, on
considère nécessaire qu'ils soient guidés ou surveillés.

La démarche de Rogers qui se fonde sur la croyance et la confiance que l'individu a


en lui des capacités considérables de se comprendre, qu’il peut changer l'idée qu'il a
de lui-même, modifier ses attitudes et sa manière de se conduire est cependant loin
d’être évidente.
En effet, elle met la relation entre le thérapeute et le client au cœur du
processus d’évolution et interroge, par conséquent, sur ce qui permet de libérer,
chez ce dernier, la capacité de comprendre et d'organiser sa vie.
Ainsi, pour Rogers, l’individu ne pourra puiser dans ses ressources propres qu’à la
condition que lui soit assuré un climat d'attitudes psychologiques
« facilitatrices ». Trois conditions de base sont, pour lui, indispensables à
l’instauration d’un climat qui encourage la progression, qui favorise le processus
facilitateur de croissance qu'il s'agisse de relations entre thérapeute et client, parent
et enfant, animateur et groupe, enseignant et élèves, en fait, toute situation qui se
fixe comme objectif le développement de la personne.

27
www.psychothérapeute.net

- 59 -
L’empathie, la considération positive inconditionnelle et la congruence 28 représentent
ainsi les trois concepts de base de l’Approche Centrée sur la Personne. Lorsque le
professionnel réussit à créer un climat en adoptant ces attitudes facilitatrices, le
bénéficiaire répondra alors par des changements constructifs dans l'organisation de
sa personnalité.

La congruence. On explique ce concept comme un état d’accord interne qui


suppose une correspondance exacte entre ce qui est éprouvé et ce qui est exprimé.
Cela ne veut pas dire que le thérapeute laissera échapper d'une manière impulsive
tout ce qui lui viendra à l'esprit dans sa relation avec un client. Cela veut dire qu’il ne
refusera pas de considérer les sentiments qui apparaîtront en lui et qu'il sera disposé
à exprimer les sentiments persistants qui circuleront dans la relation. Selon Rogers,
cet état d’authenticité, de sincérité du thérapeute vis-à-vis de lui-même et face à son
client est la première des trois conditions pour favoriser un changement
thérapeutique.

la congruence ou l’authenticité impliquent d’être conscient de ce que l’on est,


de ce que l’on fait, de ce que l’on pense et pouvoir le communiquer dans la
relation à l’autre

L'empathie. Il est souvent difficile de comprendre ce que les autres disent car nous
sommes la plupart du temps focalisés par nos propres pensées qui déforment
fréquemment le message de l’autre.
Etre empathique signifie qu’il faut saisir les sentiments et les réactions personnelles
éprouvées par l’autre, à chaque instant, sans le juger ni l’évaluer. Il s’agit de
pénétrer dans le monde intérieur de l’autre autrement dit, de pénétrer dans le
monde de significations personnelles qu’il est en train d'expérimenter et de lui
communiquer notre compréhension acceptante.
La démarche d’une compréhension empathique suppose donc, d’abord, de
comprendre ce qui a été dit puis, de comprendre pourquoi cela a été dit afin de
chercher un sens plus profond au message. Déchiffrer le « vrai » message conduit à
donner une autre interprétation aux mots entendus que l’on se chargera alors de
communiquer à l’autre.
28
www.infiressources.ca

- 60 -
Quand ce fonctionnement est à son meilleur niveau, il devient possible non
seulement de clarifier les significations dont la personne est consciente mais même
celles se trouvant juste au-dessous du niveau de sa conscience.

La compréhension empathique avec la notion de cadre de référence de l'autre


implique le respect absolu de son intériorité, tout en osant y pénétrer

La considération positive inconditionnelle. Chacun des termes a un sens précis


qui le rend complémentaire aux autres :
- Considération : c’est accepter a priori la spécificité d’une personne sans l’enfermer
dans nos jugements de valeur.
- Positive : c’est inverser la tendance de nos jugements de valeur qui la plupart du
temps sont négatifs.
- Inconditionnelle : c’est accepter une personne sans condition, c’est-à-dire
quelles que soient ses réactions notamment à notre encontre.
Avoir de la considération positive inconditionnelle doit pouvoir se traduire en actes et
nécessite donc des attitudes particulières d’attention, d’affection, d’intérêt, de
respect, de confiance qui garantiront l’authenticité des contacts et de la relation.

La considération positive inconditionnelle ou l’accueil sans jugement implique


la reconnaissance de la valeur essentielle de l'humanité présente en chaque
individu quel qu'il soit

Ce qu’éprouve l’individu en thérapie, c’est l’expérience d’être aimé.


Ainsi, lorsqu’une attitude positive, exempte de jugement, acceptante est adoptée
envers une personne quel que soit le sentiment qu'elle est en train de vivre -
confusion, ressentiment, peur, colère, courage, amour ou orgueil - alors un
mouvement thérapeutique a davantage de probabilités de se produire. Il est, bien
sûr, difficile d'éprouver à tout instant une telle sollicitude. Il a simplement été constaté
que si cette attitude n'intervient pas assez souvent dans la relation, il y a moins de
chances que se produise un changement constructif chez la personne
accompagnée.

- 61 -
En résumé, pour que le processus thérapeutique se produise il faut d’une part, que le
client se trouve dans un état de désaccord interne, de vulnérabilité ou d’angoisse et
d’autre part, que le thérapeute se trouve dans un état d’accord interne, qu’il éprouve
des sentiments de considération positive inconditionnelle à l’égard de son client et
aussi une compréhension empathique de son cadre de référence interne. Enfin, le
client doit percevoir ce que le thérapeute lui témoigne.

3. LES APPLICATIONS PEDAGOGIQUES


Les valeurs de l’approche rogérienne ont investi les lieux d’apprentissage et de
formation. On peut citer, aux Etats Unis, quelques exemples de leur mise en pratique
dans un certain nombre de contextes pédagogiques. Elles ont inspiré un programme
d’études supérieures en soins infirmiers dans un collège universitaire de l’Ohio mais
aussi d’autres programmes visant à renforcer la dimension humaine dans
l’enseignement médical. Elles ont également été utilisées pour modifier le système
scolaire en Californie. De nombreux travaux de recherche ont été effectués pour
déterminer les effets sur les étudiants de ce type d’enseignement propre à faciliter
l’apprentissage. Les études de David Aspy et Flora Roebuck 29, enseignants
chercheurs et attachés à l’éducation humaniste font état en 1983 des résultats
suivants :
Dans le cadre d’une étude portant sur 600 enseignants, on a comparé 10.000 élèves
depuis la maternelle jusqu’à la terminale bénéficiant d’enseignants formés aux
méthodes rogériennes avec un groupe-contrôle d’élèves dont l’apprentissage n’était
pas facilité au même degré par leurs enseignants. Il est apparu que les élèves dont
l’apprentissage était facilité au maximum manquaient moins souvent l’école au cours
de l’année ; amélioraient leurs performances aux tests d’auto-description, signe
d’une plus grande estime de soi ; obtenaient de meilleurs résultats en
mathématiques et en lecture ; avaient moins de problèmes sur le plan de la discipline
; commettaient moins d’actes de vandalisme en milieu scolaire ; augmentaient leurs
scores aux tests de créativité ; étaient plus spontanés et utilisaient des formes de
raisonnement plus complexes. En outre, ces effets positifs étaient cumulatifs. Les
résultats des élèves s’amélioraient en fonction du nombre d’années consécutives
passées avec ce type d’enseignant, ce qui n’était pas le cas avec les autres élèves.

29
www.ibe.unesco.org

- 62 -
Pour comprendre ces résultats, nous tenterons, dans cette partie, de montrer
comment les valeurs de la démarche rogérienne peuvent influencer la pédagogie en
se plaçant au service d’une démarche éducative. Pour illustrer les avancées que
Rogers a apportées sur le champ de la pédagogie, une comparaison sera faite
successivement entre les caractéristiques d’un enseignement traditionnel et les
caractéristiques d’un apprentissage qui se dit « centré sur la personne ». Ces
dernières feront l’objet de précisions.

L’objectif d’apprentissage orienté vers :

 l’acquisition de connaissances L’acquisition de l’autonomie


devient

L’autonomie est source de changement. Beaucoup de personnes sont enfermées


dans des relations de dépendance et ne peuvent devenir adultes. Dans un monde
complexe qui évolue rapidement, la nécessité de former des adultes capables de
maîtriser leur environnement dans le mouvement même de son évolution s’impose. Il
s’agirait donc, prioritairement, de favoriser le processus continuel d’apprentissage
autrement dit, d’apprendre à apprendre. Le contenu du savoir prend, par
conséquent, une place secondaire. Pour Rogers, la transmission de connaissances
ne garde un sens que dans un environnement qui ne change pas.
Cette indifférence, ou mise au second plan, des savoirs intellectuels est à mettre en
lien avec la question de la réussite aux examens, si valorisée dans notre culture
obsédée par les diplômes à posséder. C’est une des raisons pour laquelle la valeur à
accorder et la place à consentir aux connaissances imposent de construire une
pratique de formation apportant un juste équilibre entre une préoccupation du
développement de la personne et un intérêt pour les savoirs dont l’apprenant est le
destinataire. En effet, la société d’aujourd’hui a besoin de citoyens éclairés et
responsables, suffisamment instruits pour savoir apprendre, choisir et agir de
manière autonome.

- 63 -
 La directivité en formation L’autodirection en formation
devient

L’autodirection30 considère l’apprenant comme « sujet » de sa formation. Ce qui


compte, c’est l’intention qu’il aura de diriger lui-même son apprentissage et sa
volonté d’utiliser ses ressources personnelles. L’auto-direction ne signifie pas pour
autant que l’apprenant se retrouve seul et que tout accompagnement soit supprimé.
Toute forme de guidance, d’aide ou de soutien peut exister mais elle se construit à
partir d’une demande exprimée par l’apprenant. L’enseignant aura plutôt une posture
de facilitation d’un processus d’apprentissage.
Cela suppose de passer d’une culture de la défiance - où l’apprenant est perçu
comme une personne qui ne possède aucun savoir ou alors des savoirs erronés dont
on craint l’échec - à une culture de la confiance dans ses capacités, son potentiel et
sa réussite.
C’est cette confiance dans l’apprenant, dans sa capacité à s’auto-diriger qui guidera
la forme de l’accompagnement qui pourra lui être proposé dans le respect de son
propre cheminement.

 L’enseignant détenteur des savoirs L’enseignant


devient médiateur des
savoirs

La posture de médiation31 suppose que l’enseignant se situe dans une position qui
facilite l’accès au savoir ; qu’il se situe donc « entre » l’élève et le savoir. Il s’agit
alors de sortir des savoirs tout organisés. Ce qui sera recherché est de faire accéder
l’élève à une construction intériorisée de ses savoirs, de ses outils de pensée et de
les lui rendre utilisables et plus facilement transférables. Ainsi, l’enseignant saura
proposer une pensée et non l’imposer. Cela signifiera pour lui de devoir considérer
que ce qu’il pense est seulement sa vérité à lui et pas « la vérité », que sa pensée
peut simplement être confrontée à celle des autres.

30
www.cahier-pedagogiques.com
31
Jean-Daniel Rohart in Carl Rogers et l’action éducative, Edition Chronique Sociale, Lyon, 2008, page 97

- 64 -
Avoir une posture de médiation supposera encore que l’enseignant, même si le
thème de son cours lui est connu, ne sache pas la manière dont il sera abordé et
traité. Le contenu du cours visera donc à se construire à partir des représentations,
des questions, des interpellations et des attitudes des élèves. Ce sont leurs
réflexions qui guideront l’enseignant, qui lui feront percevoir les avancées des
élèves, leur progression dans l’appropriation d’un savoir. En faisant émerger des
interrogations, des perspectives nouvelles, ce savoir deviendra plus vivant, mais plus
exigeant aussi car la présence, la participation et la concentration des élèves seront
sollicitées en permanence.

 Le savoir imposé de l’extérieur Le savoir


devient issu de l’expérience

L’apprentissage expérientiel s’intéresse au « comment », au concret, au pratique et


suppose une réflexion sur les méthodes et les modalités de travail qui mettent les
élèves au cœur de l’action. Une fois l’expérience achevée, en tirer parti par
l’exploration du vécu va encore plus loin dans le processus d’apprentissage et de
connaissance de soi, notamment quand il s’agit de mettre à jour ou à un niveau
conscientisé les stratégies d’action utilisées, les modes d’accès aux savoirs, les
façons de penser et de raisonner. Ainsi, au lieu de préparer un cours, l’enseignant
réunira les différents moyens et conditions qui placeront les élèves acteurs et leur
permettront de vivre une expérience appropriée à leurs besoins. Même si la
dimension directive peut apparaître prédominante dans la préparation, par
l’enseignant, d’un dispositif d’apprentissage, en réalité, c’est le groupe et chacun des
élèves qui assumeront la responsabilité de faire fonctionner le dispositif dans une
dynamique d’auto-formation. Dans l’action, chacun pourra trouver des réponses
constructives, personnelles, provisoires et développer une autonomie de pensée.
Ensuite, par la métacognition ou la réflexion sur l’action, chacun pourra dégager de
l’expérience vécue d’autres types de savoirs sur la manière d’être, d’apprendre, de
comprendre, d’agir individuellement ou collectivement.

- 65 -
 L’erreur comme raison d’une sanction L’erreur un
devient tremplin
d’apprentissage

La tendance actualisante de l’approche rogérienne nous renvoie à l’être humain en


constante évolution. Elle nous fait entrevoir un apprentissage de la vie avec des
changements qui nécessitent ajustements, acclimations, adaptations. La vie ne peut
donc être vécue de manière linéaire car elle comporte des temps de progression, de
stagnation, des heurts, des hésitations, des retours en arrière. Selon l’approche de
Rogers, quand on est face à une impasse, on ne repartira pas de rien ; on sera au
contraire plus riche d’une expérience. On n’aura pas, non plus, perdu de temps
puisque ce détour nous aura apporté des enseignements. L’obstacle joue donc un
rôle essentiel pour peu qu’on s’y attarde et il peut devenir une opportunité à saisir.
Dans cette même idée, l’enseignant considèrera que l’élève a droit à l’erreur, qu’il y a
même une intelligence de l’erreur. Il saura y trouver l’intérêt et pour cela, il prendra le
temps de la comprendre. Cette démarche demande, pour autant, d’avoir de la
bienveillance pour l’élève car il s’agira d’essayer d’entrer dans son raisonnement et
d’en trouver la faille, non pas pour l’exhiber, s’en moquer ou la punir mais au
contraire pour reconstruire à partir de l’enseignement qu’elle aura apporté 32.

 Une relation de hiérarchie et d’autorité Une relation


devient d’aide et à égalité
de valeur

La notion d’égalité de valeur implique une relation de personne à personne dans le


respect de la différence des fonctions, des capacités, des âges ou des expériences.
Elle suppose d’abord de rompre avec les représentations de l’enseignant « qui sait »
et celle de l’élève « qui ne sait pas ». Il s’agit d’avoir une vision de l’élève et de
l’enseignant qui cheminent côte à côte. A l’inverse d’une attitude d’autorité, ce sont
des attitudes « facilitantes » qui seront recherchées par l’enseignant rogérien.
Le regard que l’enseignant portera sur lui, sur sa congruence intérieure, c’est-à-dire
le souci de lucidité qu’il aura vis-à-vis de lui-même, le regard bienveillant et positif,

32
www.pedagopsy.eu

- 66 -
porteur d’encouragement et empathiquement compréhensif 33 qu’il accordera à ses
élèves, contribueront à construire des attitudes aidantes qui faciliteront leurs
apprentissages.
En effet, l’élève qui apprend subit des perturbations lorsque ses représentations
commencent à être modifiées. Ses repères, tant cognitifs qu’affectifs, sont mis en
péril et provoquent un désordre intérieur. L’apprentissage ne se fait pas sans malaise
ou inquiétude devant l’inconnu ou l’échec possible. L’insécurité peut même
engendrer des blocages, d’où la nécessité pour l’enseignant d’avoir des attitudes de
confiance, respectueuses et compréhensives des silences, des peurs ou des
hésitations. L’élève qui se sait reconnu, estimé, compris, encouragé par un
enseignant proche, accessible, sensible, à son écoute et solide par ses compétences
et connaissances peut se risquer à apprendre. Il se sent en confiance, soutenu,
accepté dans ses difficultés. Sans cette sécurité intérieure, sans confiance en soi et
dans l’autre, comment pourrait-il autrement se livrer à l’inconnu de la connaissance
qui risque de mettre sens dessus- dessous les quelques certitudes acquises, voire
l’identité de base ?
Pour installer un climat de confiance, un sentiment de sécurité, l’enseignant devra
d’abord rompre avec l’anonymat du groupe pour faire connaissance avec ses élèves.
Il cherchera à les regarder très souvent, à repérer leurs efforts et leurs réussites, à
leur signaler cette attention à leur égard. Il sera disponible à leurs questionnements
attendus ou incongrus pour les rencontrer sur la base d’une relation directe de
personne à personne.

 L’éducation par interdiction L’éducation


devient par identification

La notion de liberté expérientielle développée par Rogers pose la question des


limites. Pour lui, que le client puisse exprimer librement des sentiments agressifs
contribue à faire baisser sa tension émotionnelle et peut limiter ainsi le passage à
l’acte. Mais Rogers précise toutefois qu’« accepter » l’expression des sentiments ne
doit pas être confondu avec des attitudes qui pourraient laisser croire à l’approbation
de ces sentiments.

33
www.infiressources.ca

- 67 -
L’acceptation d’une parole libre et « vraie » dans un contexte de formation peut ainsi
contribuer à créer un climat de saine confiance qui suscitera l’adhésion des élèves.
De même, la congruence de l’enseignant lui permettra d’être ouvert aux sentiments
qui l’habitent au moment présent pour les communiquer si nécessaire. Sa lucidité
volontaire et conscientisée en fera un enseignant libre, responsable, engagé dans
une relation humanisante avec ses élèves. En sachant exprimer ce qu’il ressent, il
donnera du poids et du crédit à sa parole. Il pourra, alors, représenter une figure
d’autorité différente en donnant l’image de quelqu’un d’aimant, d’ouvert et
d’authentique. Par la qualité de sa présence et par le sens donné à sa conduite, il
pourra produire des similitudes de comportement chez ses élèves. A son insu, il sera
modèle pour l’élève comme le thérapeute qui, en acceptant son client, lui apprend à
s’accepter.

Si les valeurs de l’approche rogérienne devaient faire l’objet d’une charte à utiliser
dans toute situation d’enseignement ou de formation, cette charte pourrait énoncer
les 10 principes d’action suivants34 :

1. Créer, dès le départ, l’atmosphère ou le climat dans lequel se déroulera


l’expérience vécue par le groupe d’apprenants.

2. Contribuer à la définition et à la clarification des objectifs personnels de


chacun des membres du groupe ainsi que des objectifs communs au groupe.

3. Utiliser, comme principale motivation d’un véritable apprentissage, le désir de


chaque apprenant de réaliser les objectifs qui lui tiennent à cœur.

4. S’efforcer de constituer un ensemble de ressources pédagogiques aussi vaste


que possible pour que les apprenants puissent les utiliser facilement.

5. Se considérer comme un recours mis à la disposition du groupe.

6. Face aux réactions des membres du groupe, prendre en compte aussi bien
celles qui sont d’ordre intellectuel que celles qui sont de nature affective.

7. Une fois que le groupe se trouve dans un climat d’acceptation, s’y intégrer
progressivement et exprimer ses opinions à titre purement individuel.
34
www.ibe.unesco.org

- 68 -
8. Prendre l’initiative de partager ses sentiments et ses pensées avec le groupe
sans leur attribuer la moindre valeur d’autorité afin que les apprenants restent
libres d’accepter ou de récuser.

9. Faire preuve de vigilance pour détecter les réactions affectives profondes ou


violentes ; les accueillir avec compréhension et susciter une réaction de
confiance et de respect.

10. En facilitant le processus d’apprentissage, s’efforcer de prendre conscience


de ses propres limites et de les accepter.

4. CONCLUSION
On peut, d’abord, définir la pédagogie comme un art de mettre en relation un projet
d’éducation, un savoir à transmettre, des savoirs sur les apprenants et le
fonctionnement de leurs apprentissages avec les outils pédagogiques qui semblent
les plus adaptés aux apprenants dans leur diversité.
On peut, ensuite, citer la personne du pédagogue comme l’artisan de cette mise en
relation.
Enfin, on peut avancer que l’attitude rogérienne face à un groupe d’apprenants,
consiste à créer un climat de sécurité, d’ouverture et de créativité facilitant les
apprentissages. Faire comprendre les changements, sur les plans relationnels
et pédagogiques qui en résultent, comme un ensemble cohérent et structuré
d’exigences qui seraient raisonnables mais incontournables35 permettrait d’introduire
une véritable éducation à la loi sur laquelle Rogers n’insiste pas assez.
De même, son approche centrée sur la personne et son désintérêt pour le Savoir
peut conduire à penser qu’il n’y aurait pas de connaissances à transmettre. Sa
conviction, selon laquelle il y a chez l’homme une tendance naturelle vers un
développement complet qu’elle se suffit à elle-même comme source du
développement humain fait, dans ce sens, apparaître quelques faiblesses pour une
pratique éducative qui se soucie de plus en plus de la performance et de la réussite.
Néanmoins, les idées apportées par Rogers qui mettent l’accent sur la qualité de la
relation pourraient être porteuses d’un sens qui réponde, pour partie, aux attentes et
aux besoins des jeunes notamment dans un contexte social et éducatif où prédomine
la violence et les inégalités.
35
Jean-Daniel Rohart in Carl Rogers et l’action éducative, Edition Chronique Sociale, Lyon, 2008, page 108

- 69 -
5. BIBLIOGRAPHIE
Jean-Daniel Rohart, Carl Rogers et l’action éducative, Chronique sociale, 2008, Lyon
Carl Rogers, Le développement de la personne, 1996, Dunod, Paris
Carl Rogers, Marian Kinget, Psychothérapie et relations humaines – théorie et pratique de
la thérapie non-directive, volume 1 exposé général, Béatrice – Nauwelaerts, 1965, Paris

SITOGRAPHIE

www.psychotherapeutes.net

www.infiressources.ca

www.ibe.unesco.org

www.cahiers-pedagogiques.com

www.pedagopsy.eu

- 70 -
Chapitre 5

LA THEORIE COGNITIVE DE LA MEMOIRE


d’Alain Lieury

- 71 -
1. PRÉSENTATION DE L’AUTEUR
Alain LIEURY est professeur de psychologie cognitive à
l'Université de Rennes II. Il est spécialiste de la mémoire. Il a
écrit de nombreux livres, évidemment sur sa spécialité, mais
aussi des manuels de psychologie cognitive. Il a été directeur du
Laboratoire de Psychologie Expérimentale (1982-2007) et
chargé de mission pour le bâtiment de l'UFR "Sciences
Humaines" de l'Université Rennes 2. Il a écrit notamment
« Mémoire et réussite scolaire », « Psychologie Cognitive »,
« 100 petites expériences de psychologie ».

2. LA THÉORIE DU COGNITIVISME
Pour expliquer l'apprentissage, les cognitivistes s'attardent à étudier les
mécanismes internes qui sont responsables de l'apprentissage et de la
connaissance. Le modèle de référence des cognitivistes est issu de l'intelligence
artificielle. En effet, les cognitivistes comparent le cerveau de l'homme à un
ordinateur compliqué, alors que les béhavioristes ont pour modèle la psychologie
animale.

En outre, les cognitivistes se penchent sur les procédés, les stratégies et les
règles suivies par l'esprit humain dans certaines situations, notamment lors de la
résolution de problèmes, de l'apprentissage de la lecture ou de la rétention
d'éléments d'information.

Le but des sciences cognitives est de comprendre et de reproduire les divers


processus mentaux qui sont à la base de ces activités de traitement de l'information.

Les cognitivistes parlent souvent de la mémoire à court et long terme et de


son importance ainsi que des schémas mentaux, individuels à chacun. Il en est ainsi,
car nos connaissances antérieures jouent un rôle fondamental dans l'apprentissage
et cette mémoire contient de l'information sous forme de schémas de représentation.
On ne retient jamais des connaissances de façon isolée, mais plutôt par «greffage» à
des schémas déjà existants. C’est ainsi que nous allons définir la mémoire ainsi que
ces variantes.

- 72 -
3. LA MÉMOIRE : DÉFINITION ET FONCTION
Le concept de « mémoire » est dérivé de Mnémosyne, déesse grecque de la
mémoire. De là proviennent différents termes comme « mnésique », procédés «
mnémotechniques » ou des mots comme celui d’« amnésie » qui signifie une perte
de mémoire et, avec un peu de lifting, le mot « mémoire » a ainsi été créer.

La mémoire fut considérée pendant l'Antiquité et jusqu'à la Renaissance


comme la faculté la plus importante ; elle était alors comparée à une salle au trésor.
Elle fut ensuite dévalorisée après que Descartes eut imposé en France le primat du
raisonnement. À l'inverse, la tradition empiriste, des philosophes empiristes
associationnistes anglais au béhaviorisme américain, a continué à valoriser la
mémoire.

Cependant, le béhaviorisme, s'opposant à l'introspection, substitue le concept


d'« apprentissage » à celui de « mémoire », rejetant tout vocabulaire évoquant des
états d'âme. C'est dans le sillage des nouvelles technologies ; la cybernétique,
l'informatique, les télécommunications, que naît le courant de la « perspective du
traitement de l'information », entre 1950 et 1980, lequel ouvre à nouveau l'étude des
mécanismes internes : le concept de mémoire est réhabilité. Cette perspective rejoint
des approches qui n'avaient pas écarté l'étude objective de processus mentaux, sous
le nom générique de psychologie « cognitive ».

La mémoire est alors conçue comme l'ensemble des mécanismes biologiques


et psychologiques qui permettent la représentation, le stockage et la récupération
des informations.

Ainsi, la mémoire constitue le passé de chacun ou plutôt la connaissance de


celui-ci, et permet à quiconque de posséder une identité.

4. LES DIFFÉRENTES MÉMOIRES


Dans une conception populaire provenant de la théorie du neurologue français
Charcot, les mémoires sont spécialisées en fonction des sens. Certains individus
auraient ainsi une meilleure mémoire visuelle, d’autre une mémoire « auditive »,
d’autre encore une mémoire « olfactive ». Nous ne possédons pas une seule
mémoire mais bien PLUSIEURS mémoires.

- 73 -
En effet, de même que les souvenirs sont de natures différentes (évènements
personnels, connaissances générales, gestes appris...), la mise en mémoire fait
intervenir de nombreuses régions du cerveau, chacune étant dédiée à la
conservation de chaque souvenir en fonction de sa nature: mémoire procédurale
(mémoire implicite), sémantique, à court terme, épisodique ou sensorielle.

4.1. Mémoire sensorielle


La mémoire sensorielle est le premier type de mémoire rencontré par un
stimulus. La mémoire sensorielle retient les impressions brièvement, bien que
suffisamment longtemps pour qu'une série de perceptions soient continues.

Cette mémoire est essentielle puisque c'est elle qui nous procure l'effet d"unité
d'un objet lorsque nos yeux sautent d'un point à un autre pour en examiner ses
détails, par exemple. A moins d'être transféré dans la mémoire à court terme, le
contenu de la mémoire sensorielle disparaîtra très rapidement. C'est une question de
centaines de millisecondes.

- 74 -
4.2. MCT
Encore appelée mémoire de travail, la mémoire à court terme sert à retenir
des types variés d'informations pendant de courtes périodes de temps. C'est grâce à
elle que l'on retient un numéro de téléphone pendant les quelques secondes pour le
composer.

Plusieurs études ont montré que cette mémoire ne permet de garder à l'esprit
qu'un nombre limité d'informations. Cette capacité se limite de cinq à neuf unités en
fonction de la nature de l'information et de l'âge.

4.3. MLT
Une fois dans la mémoire à long terme, l'information peut s'y maintenir
pendant une très longue période.

La mémoire à long terme est séparée en deux grands types de mémoires: la


mémoire implicite (ou procédurale) et la mémoire explicite (dites aussi non
procédurale). Cette dernière est elle-même composée de la mémoire épisodique et
la mémoire sémantique.

4.3.1. Mémoire implicite ou procédurale

Il s'agit d'une forme de mémoire inconsciente où l'on ne retient pas


l'expérience qui en est à l'origine. De plus, le rappel d'un souvenir encodé dans la
mémoire implicite se fait automatiquement, sans les efforts de rappel nécessaires à

- 75 -
la mémoire implicite. Effectuer un calcul mental, maîtriser la grammaire de sa langue
maternelle, jouer au tennis, savoir conduire, savoir appliquer les règles d'un jeu
entrent dans la mémoire procédurale. Celle-ci a pour fonction d'enregistrer ces
automatismes. Leur apprentissage est souvent lent et les changements d'habitudes
sont difficiles à intégrer.

Ainsi, nous mémorisons une échelle de prix pour évaluer si un produit est cher
ou bon marché. Quand nous ne pouvons plus l'appliquer de manière directe, lors
d'un changement de monnaie (l'euro par exemple...), nous éprouvons le plus grand
mal à adapter nos jugements.

4.3.2. Mémoire explicite ou non procédurale

Les mémoires qui entrent dans la catégorie "mémoire explicite" sont les
mémoires dans lesquelles l'on se rappelle consciemment des choses.

Mémoire épisodique

La mémoire épisodique est la mémoire familiale, personnelle, sociale d'un


individu. C'est celle qui construit l'identité de l'être humain. Celle qui fait qu'un
homme est différent, ne ressemble à aucun autre, car son histoire est unique. C'est
elle aussi qui permet de faire revenir les émotions qui ont ponctué la vie: le jour de la
naissance de ses enfants mais aussi l'odeur de la tarte aux pommes de grand-mère.

Mémoire sémantique

La mémoire sémantique est le système par lequel l'individu stocke sa


connaissance du monde. Il s'agit d'une base de connaissances que l'on possède. La
mémoire sémantique est la mémoire du sens des mots, celle qui permet de se
souvenir de la fonction des choses, de leur couleur, leur odeur.

Les données emmagasinées dans la mémoire sémantique sont liées les unes
aux autres, formant des réseaux complexes combinant logique et pratique. Par
exemple, quand nous évoquons le mot "rose", différentes notions (son odeur, ses
couleurs, sa symbolique, les romans ou les films en rapport avec cette fleur) sont
activées en même temps.

- 76 -
5. STRATÉGIE DE MÉMORISATION
La mémoire étant complexe, il ne peut y avoir de méthode unique qui aboutirait
à des résultats miracles. Naturellement, ces mémoires sont en interaction, mais leurs
mécanismes de fonctionnement différents les individualisent.
Pour des mémoires multiples, il faut de multiples méthodes.

- 77 -
Type de mémoire Mécanismes Méthodes
Mémoire biologique Écologie du cerveau Éviter fatigue, drogue, stress
Connexions synaptiques Apprentissage par répétition
Apprentissage distribué
Stockage et oubli Répétition et révision
Mémoire à court terme Capacité limitée Groupe et catégoriser
Baisser la surcharge : simplifier, apprentissage progressif
Oubli à court terme Répéter pour soi-même
Écrire sur un mémo
Mémoire lexicale Phonologie Décomposer le mot et répéter
Noms Intégration lexicale Associations phonétiques
Multiplier les entrées/sorties : lire et entendre, parler et
écrire
Mémoire sémantique Codage sémantique Comprendre pour apprendre (phrases, questions, titres)
Hiérarchie catégorielle abstraction organiser (catégories, plan, arbre)
sémantique Apprentissage multi épisodique ; varier les contextes
Inférence (déduction du sens par le d’acquisition (lecture, document TV, etc)
contexte)

Mémoire imagée Exploration oculaire Analyse de l’image


Double codage Codage verbal (légendes, etc)
Mémoires des chiffres Lexical spécialisé Grouper par 3 et apprendre par cœur
Associations
Code chiffre lettre
Mécanismes de Indices de récupération Abréviations, mots clés, photos, etc
récupération Plan de rappel Hiérarchie, phases clés, schéma
Reconnaissance Mémo, liste de vérification

- 78 -
- 79 -
6. BIBLIOGRAPHIE

• Livre

LIEURY A. La mémoire du cerveau à l’école, 1993. Dominos Flammarion

LIEURY A. Mais où est donc… ma mémoire?, 2005. Paris, Dunod.

• Liens Internet

www.freinet.org/icem/dept/idem44/1994Lieury.pdf

http://wwwens.uqac.ca/~pminier/act1/cognit.htm
http://www.sauv.net/delord/calcul/lieury.html
http://www.sauv.net/delord/calcul/lieury.html
http://www.instit.free.fr/pe1/entretien/format_doc/EA3.pdf
www.instit.free.fr/pe1/entretien/format_doc/EA3.pdf

http://www.meirieu.com/ARTICLES/surlecognitivisme.pdf
http://www.lecture.org/productions/revue/AL/AL48/AL48P48.pdf
http://www.lecture.org/productions/revue/AL/AL48/AL48P48.pdf
http://coursenligne.u-strasbg.fr/psychocognitive/
http://coursenligne.u-strasbg.fr/psychocognitive/

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Chapitre 6

LA THEORIE SOCIOCOGNITIVISTE
d’Albert Bandura

- 81 -
1. BIOGRAPHIE
Albert BANDURA est l’un des plus célèbres psychologues américains, fondateur du
courant socio cognitiviste.

Il est né en 1925, dans un village du Canada. Vivant dans un contexte plutôt


défavorable, par son environnement, sa situation économique et familiale, rien ne lui
présidait cet avenir.

Son père venait de Cracovie et sa mère d’Ukraine, et ne furent jamais scolarisés.


Mais son père saisît toutes les opportunités pour progresser : auto enseignement de
3 langues étrangères et apprentissage du violon.

Il débute sa scolarité dans une école de campagne où peu de moyens étaient mis à
la disposition des élèves. BANDURA et les autres élèves prennent conscience, qu’ils
doivent prendre en charge leur propre éducation. C’est pour lui la première
expérience d’autoformation collective.

Il rentre à l’université de Colombie-Britannique à Vancouver et travaille afin de


financer ses études. En 1949, il obtient son baccalauréat en psychologie.

Il poursuit un doctorat à l’université d’Iowa, un lieu propice à ce jeune psychologue


passionné, à une époque ou le behaviorisme domine. Il se détache de ce courant,
pour la psychanalyse car il le trouve « trop réducteur et illusoire ».

En 1952, il part pour l’université de Stanford (Californie); dès 1959, il travaille avec
son collègue R. Walters sur le phénomène de l’agressivité chez les adolescents ;
c’est à cette occasion qu’il met au point l’expérience de la « Poupée Bobo36 »,
expérience qui sera le point de départ de ses principales théories sur l’apprentissage
social.

A ce jour il travaille toujours à l’université de Stanford.

36
2 groupes d’enfants : l’un assiste à des actes de violence d’adultes envers la Poupée Bobo, l’autre non.
Lorsque mis en face de la poupée, les enfants témoins de la violence des adultes reproduisent ce qu’ils ont
vu voire plus, contrairement à l’autre groupe. Cette expérience sera à l’origine de nombreuses autres études.

- 82 -
2. LA THÉORIE DE L’APPRENTISSAGE SOCIAL
2.1. Les origines de la théorie
Contrairement aux béhavioristes, la théorie de l’apprentissage social spécifiait
l’existence d’un médiateur entre le stimulus et la réponse, affirmant le rôle
prépondérant de la cognition dans cette approche: l’être humain n’est plus seulement
un jouet de l’environnement mais un individu possédant un système de contrôle
prévalent sur une réponse comportementale face à un stimulus. Même s’il existe
différentes versions de la théorie apprentissage social, toutes s’entendent sur trois
principes de base :
Principe 1 : La conséquence de la réponse (telle que la récompense ou la punition)
influence la probabilité de la reproduction du même comportement dans une situation
donnée; principe également partagé par le béhaviorisme.

Principe 2 : Les être humains apprennent par observation et imitation; de plus, ils
peuvent apprendre en participant personnellement à cet apprentissage. On donnera
le nom d’apprentissage vicariant à ce type de comportement.

Principe 3 : Les individus ont tendance à modeler leurs comportements en


observant certains autres auxquels ils peuvent s’identifier; cette identification se fait
en fonction de l’évaluation du niveau de similarité qu’une personne a envers une
autre, ainsi que du niveau d’attachement liant cette personne à une autre.
Jusqu’en 1986, BANDURA contribuera à l’élaboration de la Théorie de
l’Apprentissage Social. Il mettra l’accent sur le concept de cognition. Il insistera par la
suite sur la façon dont enfants et adultes traitent l’information dans leurs rapports
sociaux et dont par la suite ces cognitions influenceront leur développement et leurs
comportements.
De plus, il intégrera la notion d’apprentissage vicariant à cette théorie. Il développera
les concepts de déterminisme réciproque, d’efficacité personnelle ainsi que l’idée
d’une variation temporelle entre la cause et l’effet ainsi naîtra la théorie socio
cognitive.

- 83 -
3. LA THÉORIE SOCIO COGNITIVE
3.1. Les objectifs de la théorie
Les objectifs sont :
 Comprendre et prévoir le comportement des individus et des groupes

 Identifier des méthodes permettant de modifier ou de changer le


comportement.

 Utiliser cliniquement cette approche dans la promotion de la santé mentale et


du développement personnel.

3.2. Concepts de la théorie

3.2.1. Déterminisme réciproque :

Il s’agit ici de la "dynamique triadique" impliquant l’environnement, les facteurs


personnels et le comportement qui constituent l’individu. Il faut noter que chacun des
éléments de cette triade n’a pas le même poids. Certaines influences peuvent être
plus importantes que d’autres et ne se présentent pas nécessairement en même
temps. En fait, ces influences vont varier pour chaque individu, selon ses facteurs
personnels selon le comportement observé et selon l’environnement dans lequel le
comportement se manifeste.

P
C E
P : facteurs Personnels
C : comportements
E : environnement

- 84 -
Schéma de la dynamique de causalité réciproque triadique

 L’interaction facteurs personnels - comportement : les pensées, les émotions


et les propriétés biologiques (sexe, ethnie, génétique), influent sur les actions
de l’individu, comme ces dernières influeront sur ses pensées et ses
émotions. On se retrouve donc dans un processus de réflexivité

 L’interaction environnement - facteurs personnels. Dans ce processus, les


attentes, les croyances et les compétences cognitives sont développées et
modifiées par des influences sociales et par les structures physiques de
l’environnement. Ces influences sociales peuvent comporter de l’information
et activer des réactions émotionnelles à partir de facteurs tels que l’imitation,
l’instruction et la persuasion sociale. De plus, l’être humain développera
différentes réactions à partir de son milieu social et selon ses caractéristiques
physiques, telles son âge, sa stature, son sexe et ses attraits physiques.

 L’interaction comportement - environnement. Les individus agissent non


seulement sur leur environnement mais en sont également les produits. Le
comportement d’un individu peut affecter sa façon d’expérimenter
l’environnement à partir de son attention. Ainsi, à partir d’une vaste gamme de
possibilités, l’individu choisira ses interactions et ses activités selon ses
préférences et ses compétences. Tout individu est soumis à certaines règles
et a la capacité d’influencer son destin.

3.2.2 Dans cette approche de la théorie sociale cognitive, les individus sont
caractérisés par cinq capacités fondamentales : la symbolisation, l’imitation, la
prévoyance, l’autorégulation et l’auto-analyse. Ces capacités permettent aux
individus de déterminer cognitivement leurs comportements.

Capacité symbolique : la majorité des influences externes de notre comportement


est traitée par des processus cognitifs. Cependant, d’après BANDURA, les symboles
(images mentales, mots) permettraient l’activation de ces processus et permettent
aux humains de donner du sens et de la continuité à leurs comportements; ils
permettent également d’élaborer des processus de résolution de problèmes par

- 85 -
lesquels l’individu pourra prévoir ses actions futures et s’y engager. Grâce à cette
capacité de prédiction, une personne pourra évaluer les conséquences d’une action
sans pour cela passer à l’acte (Bandura, 1989).

Capacités vicariantes : Le processus vicariant fait référence à l’habileté des


individus à apprendre à partir de l’observation des autres et cet apprentissage par
observation, donne la capacité d’évaluer la pertinence d’un nouveau comportement
sans avoir à l’expérimenter (Bandura, 1986; 1989 ; 1997). Ces informations
encodées sous forme de symboles serviront de guide à de futurs comportements. Le
processus vicariant entraîne une économie importante en limitant la perte de temps
des apprentissages par essais et erreurs ainsi que la limitation des erreurs qui
pourraient s’avérer fort coûteuses, voire fatales à l’individu. Enfin, les capacités
vicariantes permettent d’explorer des situations et des activités dans le cadre d’un
nouvel apprentissage, hors de portée à cause des contraintes de temps, de
ressources ou de mobilité. Par exemple, en donnant accès à de nouveaux
environnements, la télévision et Internet ont permis d’étendre notre répertoire de
modèles.

L’apprentissage par observation (apprentissage vicariant) est régulé par quatre


processus : L’attention, la rétention, la reproduction et la motivation (Bandura, 1969;
1977; 1986; 1989).

 L’attention fait référence à la capacité d’un individu de sélectionner les


actions et les comportements à partir de son environnement. Les
caractéristiques de l’observateur et du comportement observé auront un rôle
important dans la sélection de l’information, comme déjà mentionné,
l’observateur aura tendance à sélectionner le comportement de personnes lui
ressemblant et avec lesquelles il aura eu une relation positive.

 La rétention est possible grâce à la capacité des individus de former des


symboles à partir des comportements observés et de les stocker en mémoire.
Ce processus fait référence à celui de

 La reproduction : une fois ces symboles emmagasinés, ils seront convertis


en actions appropriées afin que s’effectue le modelage (apprentissage).

- 86 -
 La motivation : l’évaluation du comportement en fonctions des résultats
attendus, influencera la probabilité d’adoption ou non de ce comportement.

Capacité de prévoyance: la majorité des comportements est intentionnelle et dictée


par la prévoyance. Celle ci fait référence à la capacité d’un individu à se motiver et à
guider ses actions par anticipation des résultats (Bandura, 1989). Même si la théorie
sociale cognitive conserve l’idée que les stimuli influencent la probabilité de la
réponse, et ceci par anticipation des résultats, elle ajoute cependant que la réponse
n’est pas nécessairement et directement associée aux stimuli présents, mais d’abord
aux expériences antérieures ayant créé des attentes quant aux résultats. La
probabilité d’initier ou non certains comportements serait bien plus influencée par
l’attente des conséquences, que par les résultats possibles. Les attentes font
référence à l’évaluation que fait un individu des conséquences de son
comportement; c’est donc la capacité de réguler le comportement à partir des
attentes qui détermine le mécanisme de prévoyance du comportement; ce dernier
est influencé quand la capacité de prévoir une action (prévoyance) est traduite en
objectif et en action par l’utilisation du mécanisme d’autorégulation.

Capacité d’autorégulation : pouvoir que possède un individu de contrôler son


comportement, sa motivation. C’est grâce à lui que l’individu passera petit à petit
d’un locus de contrôle externe à un locus de contrôle interne. L’autorégulation se
développe par un jeu d’influences réciproques, individu/ société, ceci incluant les
niveaux de standards de l’individu et les niveaux sociaux et moraux. Les individus se
fixent continuellement des objectifs et comparent les résultats selon leurs niveaux
d’accomplissement personnel. Ainsi, les standards peuvent motiver quelqu’un à
travailler davantage ou à modifier son comportement selon les objectifs poursuivis.

Trois facteurs semblent déterminer le niveau de motivation d’un individu :


premièrement le sentiment d’auto efficacité : celui-ci affecte fortement l’initiation
d’un comportement; les personnes possédant un bon niveau d’efficacité ont
beaucoup plus de chances de persévérer dans une tâche que les autres.

- 87 -
 La théorie de l'auto efficacité : pour Bandura, la perception qu'a un individu
de ses capacités à exécuter une activité influence et détermine son mode de
pensée, son niveau de motivation et son comportement. Il prétend que les
personnes cherchent à éviter les situations et les activités qu'elles perçoivent
comme menaçantes, mais elles s'engagent à exécuter les activités qu'elles se
sentent aptes à accomplir. De plus, l'expérience vicariante, c'est à dire
l'opportunité de pouvoir observer un individu similaire à soi-même exécuter
une activité donnée, constitue une source d'information importante influençant
la perception d'auto efficacité.

 Le feed-back est le second facteur intervenant dans la motivation; c’est par


lui qu'une personne apprend à contrôler et à ajuster ses efforts dans la
poursuite de ses objectifs en les rendant plus réalistes et accessibles. De
plus, le feed-back permet d’augmenter le sentiment d’auto efficacité.

 L’anticipation du temps requis à l’accomplissement de l’objectif : plus le


temps requis est long plus la probabilité de l’atteinte de l’objectif est
compromise: les objectifs à court terme seront plus facilement réalisés et
contribueront à augmenter les niveaux de motivation.

Le comportement est également régulé par les standards moraux et sociaux.


« L’évaluation de nos propres réactions par la critique interne (approbation ou
réprimande) ainsi que les standards moraux peuvent influencer nos actions ».
(Bandura, 1986; 1991). Ces standards se développent par l’observation d’autrui, par
l’éducation, la religion et les médias. Bandura défend l’idée que l’observation du
comportement serait plus déterminante que les instructions verbales, principalement
en ce qui concerne l’éducation des enfants. Cependant, il admet que certains
individus pourront au cours de leur vie, différer des standards qu’ils ont modélisés,
lors d’un changement de statut social. « Ainsi, les standards intériorisés dépendent
du niveau de compatibilité avec le modèle, de la valeur rattachée à l’activité, ainsi
que de la perception qu’à un individu de son locus de contrôle. C’est à partir du
processus d’auto régulation que le comportement pro social sera intériorisé ».
(Bandura, 1989; 1991).

- 88 -
Capacité d’auto-analyse : l’auto-analyse permet à l’individu d’évaluer ses
expériences, de réfléchir sur ses processus de pensée et de les modifier selon ses
besoins. Le sentiment de compétence est le principal aspect de l’auto analyse
encourageant l’activation de certains comportements. « Les individus développent
une perception de leurs propres habiletés et caractéristiques, qui guideront par la
suite leur comportement, déterminant ce qu’ils tenteront d’accomplir ainsi que la
quantité d’efforts qu’ils déploieront en vue de la performance requise ». (Bandura,
1977). Ainsi, le sentiment de compétence d’un individu se développe à partir de ses
réussites passées, de l’observation des succès et des échecs des autres, des
encouragements de l’entourage ainsi qu’à partir de ses propres états physiologiques
(nervosité, anxiété, émotions) suscitées lors de l’observation du comportement
d’autrui (Bandura, 1977). La comparaison entre ses propres performances et celles
de ses pairs est une source importante dans le développement du sentiment de
compétence.

3.2.3 L’agentivité humaine

« Etre un agent, c’est influencer sa façon de fonctionner et les événements qui


affectent sa vie. Dans cette vision, les gens sont les contributeurs actifs à leurs
circonstances de vie et non des produits des circonstances. ». (Bandura, 2002)

Bandura reprend la capacité d’autorégulation avec son facteur, l’anticipation du


temps et la capacité de l’individu à formuler des objectifs et à mettre en place des
stratégies pour les réaliser (processus motivationnel). Au travers de ses travaux,
Bandura a démontré que l’agentivité est une composante de la nature humaine et ce,
quelque soit la culture étudiée.

- 89 -
4. LE SENTIMENT D’EFFICACITÉ DANS
L’APPRENTISSAGE ET LA FORMATION.
Le sentiment d’efficacité personnelle se définit comme « le jugement que porte une
personne sur sa capacité d’organiser et d’utiliser les différentes activités à la
réalisation d’une tâche à exécuter ».

Il existe une manière de mesurer le sentiment de d’efficacité personnelle :


En présentant au participant un exemple d’activité (exercice, problème) et en lui
indiquant les différents niveaux de performance possible. Puis il faut lui demander
avec quel degré de certitude il pense pouvoir atteindre chacun de ces niveaux de
performance sur une échelle de 10 points.
Les résultats de cette mesure, est que plus les apprenants on un sentiment
d’efficacité, plus ils vont choisir une activité qu’ils ne maîtrisent pas.
Ils vont se fixer des objectifs élevés. Et ils vont mieux agir face au stress et à
l’anxiété.
D’autres résultants démontrent que les apprenants ne s’investissent pas et même se
désintéressent des activités qu’ils ne maîtrisent pas.

Les démarches afin de favoriser le sentiment d’efficacité personnelle de


l’apprenant
Sachant que le sentiment d’efficacité personnelle peut être ébranlé par des échecs et
des réactions de formateur ou de pairs, afin d’y remédier des interventions
pédagogiques peuvent développer une confiance durable sur l’action
d’apprentissage.
Il semblerait qu’en utilisant des objectifs clairs et à échéances relativement proches
guident l’apprentissage des apprenants.
Mais également en montrant aux apprenants leurs progrès à accomplir et en les
aidant à les accomplir. Plutôt que de les évaluer par rapport aux autres.
Pour l’évaluation, il est conseillé de mettre en place des évaluations « critériées »
plutôt que formative. Mais également en incitant les apprenants à s’auto évaluer.
Pour ensuite voir avec l’apprenant ses points forts, ainsi que ses points faibles de
ses performances. Afin de lui suggérer des moyens afin de parvenir à sa réussite,
plutôt que de le noter ou lui mettre une appréciation.

- 90 -
Ces différentes actions permettent à l’apprenant une acquisition graduelle de ses
apprentissages, de valider sa progression ainsi il pourra développer un sentiment
d’efficacité et son engagement à la formation.

5. BIBLIOGRAPHIE
 Auto-efficacité: Le sentiment d'efficacité personnelle
d’Albert Bandura
Traduit par Jacques Lecomte
Publié par De Boeck Université, 2002 880 pages

 De l'apprentissage social au sentiment d'efficacité personnelle:


Autour de l'œuvre d'Albert Bandura
Savoir (Hors – Série)
De Philippe Carré
Publié par L'Harmattan, 2004 175 pages

Sites Internet :

 www.centre-inffo.fr consulté le 26/10/2008 à 17h

 http://pmev.lagoon.nc/ consulté le 12/10/2008 à 14h

 www.psybernetique.com consulté le 12/10/2008 à 14h

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TABLES DES MATIERES

Introduction........................................................................................................................... 3

Chapitre 1 : Le behaviorisme et la théorie de l’apprentissage de Burrhus F. Skinner

1. La biographie de BF Skinner.......................................................................................6
2. L’apport de la pensée de BF Skinner : le concept de conditionnement opérant....8
2.1. Relations réponses-stimuli...................................................................................9
2.2. L'expérience au service de la théorie : la boîte de Skinner................................9
2.3. Relations entre comportement et changement de l'environnement...............10
3. L’approche pédagogique de Skinner (l’enseignement programmé)......................12
3.1. Présentation du modèle d’enseignement programmé.....................................13
3.2. Ses applications (la machine à enseigner)........................................................15
3.3. Critique d’une certaine vision du monde..........................................................17
4. Conclusion..................................................................................................................18
5. Bibliographie de B.F. Skinner....................................................................................20

Chapitre 2 : Le constructivisme et la théorie de l’intelligence de Jean Piaget

1. Biographie...................................................................................................................22
2. Introduction.................................................................................................................23
2.1. Théorie générale..................................................................................................24
3. Principe et fonctionnement de l’intelligence............................................................24
3.1. Les schèmes........................................................................................................25
3.2. L’assimilation.......................................................................................................25
3.3. L’accommodation................................................................................................26
4. L’intelligence............................................................................................................... 27
4.1. Le stade de l’intelligence sensori-motrice (0 à 2 ans)......................................27
4.2. Stade de l’intelligence symbolique ou préopératoire (2 à 7-8 ans).................29
4.3. Stade de l’intelligence opératoire concrète (7-8 ans à 11-12 ans)...................30
4.4. Stade de l’intelligence opératoire formelle (11-12 à 15-16 ans).......................31
5. Apprentissage et développement..............................................................................31
5.1. Apprentissage par évolution des représentations...........................................32
5.2. Pédagogie active.................................................................................................32
6. Conclusion.................................................................................................................. 33
7. bibliographie...............................................................................................................33

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Chapitre 3 : Le socioconstructivisme et la théorie du développement de
Lev Vygotsky

1. Vygotsky : L’homme et son temps............................................................................35


1.1. Repères biographiques et contexte historique.................................................35
1.2. Contexte scientifique..........................................................................................36
1.3. Précurseurs du cognitivisme.............................................................................37
2. Vygotsky et la théorie du développement social......................................................41
2.1. L’activité humaine et la conscience...................................................................41
2.2. Les grandes lignes de la théorie........................................................................42
2.3. Le développement social de l’être humain........................................................46
3. Les applications pédagogiques.................................................................................49
3.1. L’enseignement réciproque................................................................................49
3.2. L’apprentissage coopératif.................................................................................50
4. Quelques critiques…..................................................................................................50
5. Pour conclure..............................................................................................................51
6. bibliographie / sitographie.........................................................................................52

Chapitre 4 : La psychologie humaniste de Carl Rogers

1. La vie de carl rogers...................................................................................................54


2. La pensee de carl rogers............................................................................................56
2.1. La théorie et les concepts...................................................................................56
3. Les applications pedagogiques.................................................................................61
4. Conclusion.................................................................................................................. 68
5. Bibliographie............................................................................................................... 69

Chapitre 5 : La psychologie cognitive de la mémoire d’ Alain Lieury

1. Présentation de l’auteur.............................................................................................71
2. La théorie du cognitivisme.........................................................................................71
3. La mémoire : Définition et fonction...........................................................................72
4. Les différentes mémoires...........................................................................................72
4.1. Mémoire sensorielle............................................................................................73
4.2. MCT...................................................................................................................... 74
4.3. MLT....................................................................................................................... 74
5. Stratégie de mémorisation.........................................................................................76
6. Bibliographie............................................................................................................... 79

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Chapitre 6 : La théorie sociocognitive d’ Albert Bandura

1. Biographie...................................................................................................................81
2. La théorie de l’apprentissage social.........................................................................82
2.1. Les origines de la théorie...................................................................................82
3. La théorie socio cognitive..........................................................................................83
3.1. Les objectifs de la théorie...................................................................................83
3.2. Concepts de la théorie........................................................................................83
4. Le sentiment d’efficacité dans l’apprentissage et la formation..............................89
5. Bibliographie................................................................................................................. 90

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