Maître Et Sentier

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LES MAITRES ET LE SENTIER

Par Charles Webster LEADBEATER (1854-1934) — 1925


Traduit de l'anglais
Original : Publications Théosophiques 3e édition — 2003

Droits : Avec l'autorisation des Publications Théosophiques

Édition numérique finalisée par GIROLLE (www.girolle.org) — 2015
Remerciements à tous ceux qui ont contribué
aux différentes étapes de ce travail
NOTE DE L'ÉDITEUR NUMÉRIQUE

L'éditeur numérique a fait les choix suivants quant aux livres publiés :
- Seul le contenu du livre à proprement parler a été conservé,
supprimant toutes les informations en début ou en fin de livre
spécifiques à l'édition de l'époque et aux ouvrages du même auteur.
- Le sommaire de l'édition papier originale a été supprimé sauf dans
certains ouvrages où le sommaire, sous forme de liens hypertextes
renvoyant au chapitre concerné, est thématique − sommaire rappelé
en tête de chapitre.
- Certaines notes de bas de page ont été supprimées ou adaptées, car
renvoyant à des informations désuètes ou inutiles.
- L'orthographe traditionnelle ou de l'époque a été remplacée par
l'orthographe rectifiée de 1990 validée par l'académie française.
PRÉFACE

Une seule raison peut m'inciter à écrire cette préface au livre de mon
honoré collègue. Ce livre parle de maintes choses qui ont été jusqu'ici
étudiées et discutées dans un cercle relativement réduit, composé d'étudiants
très versés en théosophie, et prêts à apprécier toute information concernant
des régions qui leur sont encore inconnues, mais qu'ils espèrent pouvoir
atteindre plus tard, vérifiant ainsi directement les affirmations de leurs ainés.
Les rapides changements dans le Monde de la pensée rendent utiles la
diffusion de quelques notions susceptibles de contribuer à préparer dans une
certaine mesure l'esprit du public.
Je puis personnellement garantir l'exactitude de presque toutes les
assertions faites dans ce livre, aussi je désire m'y associer, ajoutant au nom
de mon collègue, comme au mien, que cet ouvrage n'est qu'un recueil
d'observations, aussi soigneusement faites que consignées, sans aucune
prétention à faire autorité, ni à être acceptées comme telles. Ce livre ne
prétend pas être inspiré, c'est un compte rendu honnête de choses vues par
son auteur.
Annie Besant
LIVRE

PREMIÈRE PARTIE

LES MAITRES

CHAPITRE PREMIER

L'EXISTENCE DES MAITRES

L'existence d'hommes devenus parfaits est l'un des plus importants


parmi les nombreux faits que nous présente la Théosophie. Ce fait découle
logiquement des enseignements théosophiques du "Karma" et de l'évolution
par la "réincarnation". En observant notre entourage nous voyons des
hommes à des stades fort différents d'évolution : beaucoup d'entre eux bien
au-dessus de nous comme développement, d'autres nettement en avance
sous tel ou tel rapport. Du moment qu'il en est ainsi, il se peut bien, qu'il
existe d'autres hommes également beaucoup plus avancés encore ; en vérité,
si l'humanité progresse à travers une longue série de vies successives tendant
vers un but défini, il doit se trouver des hommes qui ont atteint ce but.
Il y a une accumulation considérable de témoignages directs au sujet de
l'existence de ces hommes parfaits que nous appelons les Maitres.
Cependant, j'estime que chacun de nous devrait, tout d'abord, se convaincre
que de tels hommes doivent nécessairement exister ; après cela seulement
pourrons-nous déduire que ceux avec lesquels nous sommes entrés en
contact appartiennent à cette classe. L'histoire de toutes les nations est
remplie des actions [8] des hommes de génie dans tous les domaines de
l'activité humaine, d'hommes qui, dans leur branche particulière de travail,
dépassèrent de beaucoup le niveau de la masse, le dépassèrent, en fait, de si
haut qu'à certaines périodes (et vraisemblablement plus souvent encore que
nous le pensons leurs idéals furent tout à fait inaccessibles à leurs
contemporains. On comprendra donc que, non seulement le travail que ces
hommes auraient pu accomplir a été perdu pour l'humanité, mais que leur
nom même n'a pas été retenu et conservé.
On a dit que l'histoire d'une nation pouvait se réduire à la biographie
d'un très petit nombre d'individus, un nombre infime d'hommes d'élite,
dépassant de haut la foule et lui faisant franchir de grands pas dans tous les
domaines : arts, musique, littérature, sciences, philosophie, philanthropie,
politique, religion. Ces hommes surpassent leur milieu, les uns dans l'amour
de Dieu et du prochain : ce sont les saints et les philanthropes ; d'autres par
leur exceptionnelle compréhension de l'homme et de la nature : ce sont les
philosophes et les savants ; d'autres enfin par leur efforts pour l'avancement
de l'humanité : ce sont les grands littérateurs et les réformateurs.
Si l'on considère à quelles hauteurs de tels hommes se sont élevés dans
l'humanité et quelle distance ils ont franchie dans l'évolution, n'est-il pas
logique de dire que nous ne pouvons en apercevoir les frontières et qu'il peut
fort bien s'être trouvé, à une certaine époque, et se trouver encore aujourd'hui
des hommes plus développés même que ceux dont l'histoire nous a transmis
les noms, des hommes grands en spiritualité comme en savoir ou en
puissance artistique, des hommes complets sous le rapport des perfections
humaines, des hommes précisément tels que les "Adeptes" ou surhommes,
que certains d'entre nous on eu l'inestimable privilège de rencontrer ?
Cette pléiade de génies qui enrichit et embellit les pages de l'Histoire
est, en même temps, la gloire et l'espoir de toute l'humanité, car nous savons
qu'ils sont les précurseurs et qu'ils brillent comme des flambeaux, nous
montrant le sentier que nous devons gravir, si nous désirons atteindre cette
gloire. Nous avons accepté depuis [9] longtemps la doctrine de l'évolution
des formes à travers lesquelles se manifesta la Vie divine ; voici l'idée
complémentaire et beaucoup plus haute, de l'évolution de cette Vie divine
indiquant la raison de ce merveilleux développement de formes de plus en
plus plastiques, la Vie ayant besoin de ces formes pour s'exprimer. Les
formes naissent et meurent ; les formes croissent, déclinent puis
disparaissent, mais l'esprit vit éternellement donnant l'âme à ces formes et
évoluant au moyen de l'expérience acquise dans ces formes et par elles ;
lorsque telle forme a atteint son but et est devenue périmée, elle est rejetée,
afin qu'une autre forme mieux appropriée puisse prendre sa place.
Derrière la forme en évolution se trouve toujours la Vie éternelle ; cette
Vie divine imprègne la nature entière, qui n'est que le manteau aux multiples
couleurs que revêt Dieu. C'est Lui qui se manifeste dans la beauté de la fleur,
dans la force de l'arbre, dans la grâce souple de l'animal, tout autant que dans
le cœur et dans l'âme de l'homme. C'est parce que Sa volonté s'identifie avec
l'Évolution que nous voyons cette poussée de la vie s'exercer en tous lieux
et dans tous les sens, et c'est pourquoi l'existence d'Hommes parfaits est la
chose la plus naturelle qui soit au monde, comme étant le sommet d'une
ascension continue en puissance, en sagesse et en amour. Et, même au-delà
de ces grands Êtres, par-delà notre vision et notre compréhension, s'étendent
des horizons plus merveilleux encore, dont nous essaierons de donner un
aperçu plus loin.
La conséquence logique de ce fait est qu'il doit nécessairement y avoir
des Hommes parfaits. En vérité, les signes ne manquent pas de l'existence,
à travers tous les âges, d'hommes qui, au lieu de quitter entièrement notre
monde afin de poursuivre une vie personnelle dans le royaume surhumain
ou divin, sont restés en contact avec l'humanité, par amour pour elle, pour
l'assister dans son évolution en beauté, en amour et en vérité, pour aider à
cultiver, pour ainsi dire, l'Homme parfait ; de même que nous voyons [10]
le botaniste consacrer une profonde affection à ses plantes et mettre sa gloire
à produire un fruit parfait, une fleur parfaite.
Les écritures de toutes les grandes religions témoignent de la présence,
à certaines époques, de tels surhommes, si débordants de la vie divine, qu'ils
ont été maintes fois considérés comme les représentants de Dieu même.
Dans chaque religion, et plus spécialement au moment de sa fondation, un
tel Être est apparu et parfois même plus d'un. Les Indous ont leurs grands
Avatars ou incarnations divines, telles que Shri Krishna, Shri
Shankarâchârya et le Seigneur Gautama Bouddha, – dont la religion s'est
étendue à tout l'Extrême-Orient, – ainsi qu'un grand nombre de Rishis, de
saints, d'instructeurs. Ces grands Êtres s'intéressèrent non seulement à l'éveil
de la nature spirituelle de l'homme, mais aussi à tout ce qui pouvait
contribuer à son bienêtre ici-bas. Tous ceux qui appartiennent au monde
chrétien connaissent bien – ou tout au moins devraient connaitre – la grande
succession des Prophètes, instructeurs et saints de leur propre religion, ils
savent que, dans un certain sens (peut-être pas clairement compris) leur
suprême instructeur, le Christ, est aussi bien humain que divin. Toutes les
anciennes religions, si décadentes que certaines puissent être, au milieu de
la décadence des nations, même celles des tribus primitives, ont comme
caractéristique l'existence de surhommes qui donnèrent leur aide de diverses
manières, aux peuples-enfants, parmi lesquels ils vécurent.
Les témoignages directs récents de l'existence de ces Grands Êtres ne
manquent pas. Dans ma prime jeunesse, je n'ai pas ressenti le besoin de
semblables témoignages, car mes études m'avaient pleinement convaincu
que de tels Êtres existent. Il me semblait parfaitement naturel de croire à
l'existence de ces hommes glorieux et mon plus vif désir était de les
rencontrer face à face. Cependant, beaucoup parmi les nouveaux membres
de la Société désirent, et c'est naturel, connaitre les témoignages qui peuvent
être cités. Nous dirons donc que Mme Blavatsky et le Colonel Olcott, les
fondateurs [11] de la Société Théosophique, le Dr Annie Besant et moi-
même, nous avons tous vu quelques-uns de ces grands Êtres ; d'autres
membres de la Société ont également eu le privilège de voir un ou deux des
Maitres. On trouve à cet égard de nombreuses affirmations dans les écrits
des personnes que je viens de citer.
On objecte parfois que ceux qui ont vu les Maitres – ou s'imaginent les
avoir vu – peuvent avoir seulement rêvé d'eux ou avoir été le jouet d'une
illusion. Il est certain que nous avons très rarement vu les Adeptes aux
moments où, comme eux, nous occupions nos corps physiques. Dans les
premiers temps de la Société, quand seule Mme Blavatsky avait développé
les facultés supérieures, il advint assez fréquemment que les maitres se
matérialisèrent, afin que tout le monde pût Les voir. On en trouvera de
nombreux témoignage dans l'histoire des premiers temps de notre Société ;
naturellement les grands Êtres qui se montraient ainsi n'étaient pas dans leur
corps physique, mais seulement dans une forme matérialisée.
Beaucoup d'entre nous les voient habituellement et régulièrement
durant le sommeil. Nous partons dans notre corps astral (ou dans notre corps
mental, selon notre degré de développement) pour leur rendre visite et nous
les voyons dans leur corps physique, mais nous ne sommes pas alors dans
le nôtre et c'est pourquoi, sur le plan physique, les gens ont tendance au
scepticisme à propos de cette sorte d'expérience. Ils objectent : "En pareil
cas, vous qui dites avoir vu les Maitres, vous étiez hors de votre corps
physique, et alors que vous avez pu rêver ou être le jouet d'une illusion ; ou
bien ceux que vous avez vus vous ont apparu phénoménalement et ont
disparu de nouveau, comment donc êtes-vous surs de leur identité ?"
En fait, on peut citer un petit nombre de cas dans lesquels l'Adepte et
celui qui l'a vu étaient, tous deux en même temps, dans leur corps physique.
Ceci arriva, entre autres, à Mme Blavatsky ; je l'ai entendu certifier avoir
vécu quelques temps dans un monastère dans le Népal, où elle vit
constamment trois de nos maitres, [12] dans leur corps physique. Certains
d'entre eux sont venus plusieurs fois de leurs retraites himalayennes jusque
dans l'Inde, dans leur corps physique. Le Colonel Olcott a raconté en avoir
vu deux d'entre eux, en de semblables occasions : le Maitre Morya et le
Maitre Kuthumi. Damodar K. Mavalankar, que je connus en 1884, avait
rencontré le Maitre Kuthumi dans son corps physique. Je citerai aussi le cas
de S. Ramaswami Yer – que j'ai bien connu à cette époque – à qui il arriva
de rencontrer physiquement le Maitre Morya, ainsi qu'on peut le lire dans
l'article "Comment un Chéla trouve son Guru", paru dans le livre Five years
of Theosophy. M. W. T. Brown, de la "London Lodge" eut, lui aussi, le
privilège de rencontrer un des grands Êtres, en des circonstances similaires.
Il y a, d'autre part, quantité de témoignage indous, qui n'ont jamais été
systématiquement recueillis ni contrôlés, principalement pour la raison
majeure que ceux à qui ces expériences survinrent étaient si entièrement
persuadés de l'existence de surhommes et de la possibilité de les rencontrer,
qu'ils ne jugèrent pas intéressant de tenir compte de pareilles expériences
individuelles.
En ce qui me concerne, je puis citer deux occasions dans lesquelles j'ai
rencontré un Maitre, chacun de nous étant dans son véhicule physique. L'un
d'eux est l'Adepte à qui est attribué le nom conventionnel de Jupiter, dans le
livre intitulé les Vies d'Alcyone, et qui aida beaucoup Mme Blavatsky à écrire
certaines parties de son célèbre ouvrage, Isis dévoilée, alors qu'elle y
travaillait à Philadelphie, puis à New York. Quand je vivais à Adyar, il eut
la bonté de prier mon instructeur révéré, Swami T. Subba Row, de me
conduire chez lui. Nous rendant à son invitation, nous fîmes le voyage
jusqu'à sa résidence, où il nous reçut fort gracieusement. Après une longue
conversation du plus profond intérêt, nous eûmes l'honneur de diner avec
lui, tout Brahmane qu'il fut, et passâmes la nuit et une partie du jour suivant
sous son toit. On conviendra que, dans cette circonstance, il ne saurait être
question d'illusion. L'autre Adepte que j'eus le privilège de rencontrer est le
Compte [13] de Saint-Germain, appelé aussi le Prince Rakoczi. Je le
rencontrai dans les circonstances les plus ordinaires sans aucun rendez-vous
préalable, et comme par hasard, descendant le Corso, à Rome, vêtu tout
comme le premier gentleman italien venu. Il me mena dans les jardins sur
la colline du Pincio et nous étant assis, nous causâmes plus d'une heure de
la Société et de son œuvre, ou plutôt, devrais-je dire, il parla et j'écoutai, tout
en répondant quand il me questionnait.
J'ai vu d'autres membres de la Grande Fraternité en diverses occasions.
Ma première rencontre avec l'un d'eux eut lieu dans un hôtel du Caire. Je me
rendais aux Indes avec Mme Blavatsky et d'autres personnes et nous restâmes
quelque temps dans la capitale égyptienne. Nous avions l'habitude de nous
réunir pour travailler dans la chambre de Mme Blavatsky ; j'étais assis sur le
plancher, en train de découper et de coller des articles de journaux dont elle
avait besoin ; elle était assise à une table non loin de là, mon bras gauche
touchait sa robe. La porte de la chambre était bien en vue et elle ne s'ouvrit
certainement pas. Tout à coup, sans la moindre préparation, je vis un
homme, debout entre Mme Blavatsky et moi, et que nous aurions pu l'un
l'autre toucher. J'eus un grand sursaut et manifestai quelques confusions.
Mme Blavatsky, très amusée, me dit alors : "Si vous n'en savez pas encore
assez pour dominer votre saisissement à propos d'une telle vétille, vous
n'irez pas bien loin en occultisme". Je fus présenté au visiteur, qui n'était pas
encore un Adepte, mais un Arhat, ce qui correspond au degré inférieur ; il
est, depuis, devenu le Maitre Djwal Koul.
À quelques mois de là, le Maitre Morya vint nous voir un certain jour,
avec toutes les apparences d'une incarnation physique ; il traversa la pièce
où je me trouvais, pour se rendre chez madame Blavatsky qui travaillait dans
sa chambre à coucher. C'était la première fois que je le voyais distinctement,
car à cette époque je n'avais pas encore développé suffisamment mes sens
latents pour me souvenir de ce que j'avais vu dans mon corps subtil. Je vis
une autre fois le Maitre Kuthumi dans des conditions [14] analogues, sur le
toit de notre Siège central à Adyar, où nous l'aperçûmes soudain enjambant
une balustrade comme s'il venait juste de se matérialiser, de l'autre côté. J'ai
vu également, bien des fois, le Maitre Djwal Kul, sur ce toit, de la même
manière.
Peut-être ces derniers témoignages paraitront-ils de moindre valeur,
parce que les Adeptes se manifestèrent comme apparitions, mais, ayant
appris, depuis lors, à me servir librement de mes véhicules supérieurs et
ayant usé pour mon compte du même procédé pour me rendre chez les
grands Êtres, je puis certifier que ceux qui, dans les premières années
d'existence de la Société, vinrent se matérialiser pour nous, sont les mêmes
hommes que j'ai vus depuis chez eux, dans leurs propres habitations. On
pourra suggérer que, comme d'autres personnes qui ont eu les mêmes
expériences, je puis avoir rêvé, ces visites ayant eu lieu durant le sommeil
du corps physique ; je répondrais à cela qu'il s'agit alors d'un rêve
remarquablement persistant puisqu'il dure, dans mon cas, depuis plus de
quarante ans et qu'un grand nombre de gens l'ont fait avec moi.
J'invite ceux qui désirent recueillir des témoignages sur cette question,
et ce désir est fort légitime, à se reporter aux écrits datant des premiers temps
de la Société. Les personnes qui ont l'occasion de rencontrer notre
Présidente 1 pourront l'entendre dire combien de ces grands Être elle a vu en
différentes occasions. Beaucoup de nos membres témoigneront également
sans hésitation qu'ils ont vu un Maitre ; peut-être au cours d'une méditation

1
Madame Annie Besant, qui fut présidente de la Société Théosophique depuis 1907 jusqu'à sa mort
en 1933.
ont-ils vu son visage et eu par la suite, une preuve définitive d'identité. On
trouvera, d'autre part, de nombreux témoignages dans l'ouvrage Old Diary
Leaves 2 (À la découverte de l'Occulte pas mentionné), écrit par le Colonel
Olcott. On peut encore se reporter à l'intéressant traité intitulé : Do the
Brothers exist ? Par M. A. O. Hume, qui occupait autrefois une haute [15]
position dans le Service Civil aux Indes et qui collabora beaucoup avec notre
ex-vice-président A. P. Sinnett. Ceci fut publié dans le livre Hints on
Esoteric Theosophy. M. Hume qui était un anglo-indien sceptique avec
l'esprit positif d'un homme de loi, fit personnellement une enquête sur
l'existence des Frères, un autre nom donné aux Maitres parce qu'ils
appartiennent à la Grande Fraternité, et aussi parce qu'ils sont les Frères
ainés de l'humanité et, même à cette date reculée, M. Hume conclut qu'il
avait recueilli des témoignages irréfutables de leur existence. Bien entendu,
beaucoup d'autres preuves se sont accumulées depuis l'époque où ce livre
fut écrit.
La possession d'une vision prolongée et celle d'autres facultés résultant
du développement de nos pouvoirs latents, nous a, d'autre part, fait
expérimenter constamment qu'il y a d'autres hiérarchies d'êtres que l'homme
et que certaines d'entre elles sont d'un rang qui correspond à l'Adeptat, dans
un ordre d'existence plus élevé que le nôtre. Nous rencontrons, en effet, des
êtres que nous appelons des Dévas ou des Anges et d'autres encore, qui sont
visiblement bien au-dessus de nous sous tous les rapports.
Depuis que nous sommes parvenus au cours de notre développement à
communiquer avec les Adeptes, nous leur avons naturellement demandé, en
toute révérence, comment ils ont atteint ce niveau. Ils nous ont tous déclaré
qu'il n'y a pas très longtemps encore ils étaient au degré d'évolution où nous
sommes aujourd'hui. Ils sortent des rangs de l'humanité et l'un d'eux nous a
dit qu'en temps à venir nous serons ce qu'ils sont aujourd'hui, et que tout
l'ensemble de notre Système solaire est une manifestation de la vie, évoluant
de degré en degré, s'élevant de plus en plus haut, au-delà de toute vision
humaine, jusqu'à la Divinité même.
Il y a des stades définis au début de l'évolution de la vie, le végétal
succédant au règne minéral, l'animal au règne végétal et le règne humain au
règne animal. De même le genre humain a une fin définie, une frontière au-

2
Publié en français sous le titre d'Histoire authentique de la Société Théosophique (3 vol.).
delà de laquelle il passe dans un royaume distinctement [16] supérieur ; au-
delà des hommes, il y a les surhommes.
En étudiant ce système d'évolution, nous avons appris qu'il y a en tout
homme trois grandes divisions : le corps, l'âme, l'esprit, chacune d'elles
pouvant être subdivisée à son tour. Ceci correspond bien à la définition
donnée par Saint Paul il y a deux mille ans. L'Esprit ou Monade, est le
souffle de Dieu (car le mot esprit vient du latin spiro), la divine étincelle qui
est vraiment l'Homme, quoiqu'il soit plus exact de la décrire comme planant
au-dessus de l'homme actuel. Le plan du développement de la Monade
comporte sa descente dans la matière, afin d'acquérir la définition et la
précision dans les détails matériels. Autant que nous puissions le voir, cette
Monade, qui est une étincelle du Feu divin, ne peut descendre assez bas pour
atteindre ce plan physique dans lequel nous pensons et œuvrons, cela sans
doute parce que son taux de vibration diffère par trop de celui de la matière
physique, ce qui nécessite des états de matière intermédiaires. Sur quel plan
de la nature existe originairement cette étincelle divine, nous l'ignorons, un
tel plan étant au-delà de toute compréhension. La manifestation plus basse
de la Monade, ce qu'on pourrait appeler une réflexion de l'étincelle divine,
descend jusqu'au plus bas des Plans cosmiques ainsi que je l'ai dit dans mon
Précis de Théosophie.
Nous parlons communément des sept plans d'existence, lesquels sont
des subdivisions du plan cosmique inférieur appelé, dans nos livres, plan
prakritique, c'est-à-dire plan physique du Cosmos. La Monade peut
descendre jusqu'au second de ces sous-plans, celui que nous appelons, en
conséquence, le plan monadique, mais elle ne semble pas pouvoir pénétrer
plus bas. Afin d'obtenir le contact nécessaire avec de la matière encore plus
dense, elle projette une partie d'elle-même à travers deux plans entiers et ce
fragment constitue ce que nous appelons l'Égo ou l'Âme.
L'Esprit divin, bien au-dessus de notre personnalité, plane simplement
au dessus d'elle ; l'âme n'en est qu'une [17] représentation faible et partielle,
l'extrémité, pour ainsi dire, de ce doigt de feu que pointe la Monade vers
notre plan. L'âme elle-même ne peut descendre au-dessous de la partie
supérieure du plan mental – le cinquième plan en partant du haut, le plan
physique étant le septième et le moins élevé – et, afin de pouvoir atteindre
un niveau plus bas, elle doit à son tour, projeter une petite fraction d'elle-
même, laquelle devient la personnalité, que chacun croit ordinairement être
lui-même, n'est, en réalité, que le fragment d'un fragment.
Toute évolution à travers les règnes inférieurs a pour but de préparer le
développement de cette constitution humaine. Un animal, pendant sa vie sur
le plan physique, et pour un certain temps après cela dans le monde astral,
possède une âme, tout aussi individuelle et indépendante que celle d'un
homme, cette âme ne se réincarne pas de nouveau en un corps isolé ; elle
retourne à une sorte de réservoir de matière subtile que dans nos livres nous
appelons l'âme-groupe. C'est comme si l'âme-groupe était un bassin d'eau,
fournissant la vie à plusieurs animaux de même espèce, par exemple de vingt
chevaux. Quand un cheval est sur le point de naitre de cette âme-groupe, les
choses se passent comme si l'on plongeait un récipient dans ce bassin pour
l'en retirer plein d'eau. Au cours de son existence, ce cheval fait toutes sortes
d'expériences qui modifient son âme et desquelles il tire certaines leçons ;
ces leçons peuvent être comparées à des teintures de couleurs diverses,
jetées dans le récipient plein d'eau. À la mort du cheval, l'eau du récipient
est rejetée dans le bassin et la coloration acquise se répand dans le bassin
tout entier. Il est donc évident que si un autre cheval nait ensuite de la même
âme-groupe, la portion d'eau figurant son âme, et versée dans un autre
récipient, ne pourra être la même que celle qui avait représenté le premier
cheval.
Quand un animal s'est développé suffisamment pour passer dans
l'humanité, son âme, à la fin de son existence, ne se fond plus dans l'âme-
groupe, mais demeure [18] une entité indépendante. Et alors se produit un
fait à la fois étrange et très beau. Cette essence d'âme, figurée par l'eau du
récipient, devient un véhicule pour quelque chose de beaucoup plus élevé,
incarnant alors une vie plus haute. Nous n'en avons pas d'analogie exacte
sur le plan physique, sinon celle d'insuffler de l'air dans de l'eau sous haute
pression pour en faire de l'eau gazeuse. Si nous retenons ce symbole, l'eau
qui représentait précédemment l'âme animale est devenue à présent le corps
causal d'un homme et l'air insufflé dans cette eau est l'égo, dont j'ai parlé,
cette âme de l'homme qui est une manifestation de l'Esprit divin. Cette
descente de l'égo est symbolisée dans l'ancienne mythologie grecque par le
symbole de la Coupe ; elle l'est encore par le Saint Graal ; car le Graal ou la
Coupe sont un résultat parfait de toute cette évolution inférieure, dans
laquelle est versé le vin de la Vie divine, afin que puisse naitre l'âme de
l'homme. Comme nous l'avons dit, ce qui avait été l'âme animale, devient le
corps causal de l'homme, corps qui a son existence dans la partie supérieure
du plan mental, en tant que véhicule permanent de l'égo ou âme humaine.
Tout ce qui a été appris au cours de cette première évolution des formes est
alors transféré à ce nouveau centre de vie.
L'évolution d cette âme consiste donc en son retour graduel à un niveau
supérieur sur le plan immédiatement au-dessous du plan monadique,
emportant avec elle le résultat de sa descente sur notre plan, sous la forme
d'expériences et de qualités acquises.
Notre corps physique est entièrement développé et de la sorte, nous
sommes censés en être maitres, mais nous ne le serons véritablement que
lorsque le corps sera tout à fait sous le contrôle de l'âme. Il en est
généralement ainsi parmi les races supérieures de l'humanité actuelle, bien
qu'à de certains moments le corps prenne encore le mors aux dents. Le corps
astral, lui aussi, est pleinement développé, mais il s'en faut encore de
beaucoup qu'il soit sous notre parfait contrôle ; même parmi les races
auxquelles nous appartenons, on trouve un [19] grand nombre de gens qui
sont les victimes de leurs propres émotions. Loin d'être à même de
gouverner ces émotions à leur guise, ils ne se laissent que trop souvent
gouverner par elles ; ils laissent leurs émotions partir à la débandade, comme
un cheval sauvage pourrait s'enfuir affolé entrainant son cavalier en maint
endroit où il n'a nulle envie d'aller.
On peut donc considérer que chez les bons sujets des races les plus
avancées de notre époque, le corps physique est pleinement développé et
suffisamment sous leur contrôle, alors que le corps astral, également
développé, est bien loin de l'être encore. Le corps mental est en cours
d'évolution, sa croissance est incomplète. Il y a, par conséquent, beaucoup à
faire avant que ces trois corps, physique, astral et mental, soient entièrement
subordonnés à l'âme. Quand ceci sera un fait accompli, le soi inférieur aura
été absorbé par le Soi supérieur et l'égo, l'âme maitrisera la personnalité.
Quoique l'homme ne soit pas encore parfait, ses différents véhicules sont
maintenant suffisamment harmonisés pour n'avoir qu'un but unique.
Jusqu'à présent, l'âme s'est efforcée lentement, graduellement, de
contrôler ses véhicules personnels jusqu'à ce qu'ils ne fassent plus qu'un
avec elle ; c'est à la Monade ensuite de maitriser l'âme et un temps viendra
où, de même que la personnalité et l'âme n'ont plus fait qu'un, de même
l'Esprit et l'âme ne formeront plus qu'un. Ce sera l'unification de l'égo avec
la Monade. Lorsque ce résultat sera obtenu, l'homme aura atteint le but de
sa descente dans la matière – il sera devenu le Surhomme, l'Adepte.
Aussi, pour la première fois, prendra-t-il contact avec la vie réelle, car
toute cette formidable évolution, à travers les règnes inférieurs d'abord et
ensuite à travers le règne humain jusqu'à l'Adeptat, n'est qu'une préparation
à cette vraie vie de l'Esprit qui commence seulement quand l'homme devient
plus qu'un homme. L'Humanité est la classe finale de l'école du monde et
quand l'homme a fini d'en suivre les cours, il passe alors dans [20] la vie
réelle, la vie de l'Esprit glorifié, la vie du Christ. Ce qu'est cette vie, à peine
le savons-nous encore ; bien que nous voyions ceux qui la partagent, elle est
douée d'une gloire et d'une splendeur défiant toute comparaison, et qui
dépasse même notre compréhension. C'est cependant, une réalité vivante et
profonde et dont l'ultime possession, par chacun de nous, est d'une absolue
certitude. Nous ne pourrions nous y soustraire, même si nous le voulions.
Lorsque nous agissons égoïstement et nous mettons en travers du courant de
l'évolution, nous retardons notre progrès, mais nous ne pouvons finalement
l'arrêter.
Étant libéré de sa vie humaine, l'homme parfait abandonne d'ordinaire
ses différents corpos matériels ; mais il garde le pouvoir de revêtir un
quelconque s'il lui arrive d'en avoir besoin au cours de son travail. Dans la
majorité des cas, celui qui atteint à ce niveau n'a plus besoin d'un corps
physique ; il ne retient pas non plus ses corps astral, mental, ni même le
corps causal car il vit d'une façon permanentent à son niveau le plus élevé.
Quand, pour une raison quelconque, il doit agir dans un plan inférieur au
sien, il est obligé de prendre un véhicule temporaire appartenant à ce plan
dont, seuls, les états de matière lui permettent d'entrer en contact avec ceux
qui y vivent habituellement. S'il veut, par exemple, parler à un homme sur
le plan physique, il lui faut prendre un corps physique et se matérialiser,
partiellement au moins, faute de quoi il ne pourrait se faire comprendre.
De même, s'il désire produire une impression sur notre mental, il
s'enveloppera d'un corps mental. À quelque moment qu'il ait besoin, pour
son travail, d'un véhicule inférieur, il a le pouvoir d'en prendre un à son gré,
mais il ne le garde que le temps nécessaire.
Il existe sept voies ouvertes à l'homme parfait pour monter encore ; nous
en donneront la liste dans un chapitre ultérieur.
Le Monde est guidé et dirigé, dans une large mesure, par une Fraternité
d'Adeptes à laquelle appartiennent nos Maitres. Nombre d'étudiants en
Théosophie se font [21] à leur égard toutes sortes d'idées fausses : certains
les considèrent comme vivant ensemble, en une grande communauté
monastique, dans quelques endroit secret ; d'autres les croient des Anges ;
beaucoup de nos étudiants s'imaginent qu'ils sont tous Indous, ou qu'ils
résident tous dans l'Himalaya. Rien de cela n'est vrai. Les membres de la
Grande Fraternité sont en constante communication entre eux ; mais leurs
rapports mutuels ont lieu sur des plans supérieurs et ils ne vivent pas
nécessairement ensemble. Quelques-uns de ces grands Frères, que nous
appelons Maitres de la Sagesse, acceptent, comme faisant partie de leur
œuvre, de prendre des élèves auxquels ils donnent leur enseignement, mais
ceux-là ne constituent qu'une faible fraction de la puissante phalange des
hommes parfaits.
Les pouvoirs de l'Adepte sont, en vérité, nombreux et merveilleux, mais
ils procèdent tous, d'une manière naturelle, de facultés que nous possédons
nous-mêmes… En réalité, l'Adepte possède ces mêmes facultés à un degré
infiniment plus haut. Je crois que la caractéristique la plus saillante du
Maitre, si on le compare avec nous, est qu'il considère toute chose d'un point
de vue fort différent du nôtre, car il n'y a, en lui, absolument aucune trace
de cette pensée personnelle si manifeste chez la majorité des hommes.
L'Adepte a éliminé le soi inférieur et vit, non pour lui-même, mais pour tous,
et cependant, en un sens que lui seul peut réellement comprendre, ce "tous"
n'est vraiment autre que lui-même. Il a atteint ce stade dans lequel il n'y a
plus aucune imperfection dans le caractère, plus rien d'une pensée ou d'un
sentiment existant pour le soi personnel, et son unique mobile est de
collaborer à l'évolution, en harmonie avec le Logos qui la dirige. Sans doute
la caractéristique la plus marquée de l'Adepte, après celle dont nous venons
de parler, est celle de son développement complet, sous tous les aspects.
Nous sommes tous imparfaits ; aucun de nous n'a atteint le niveau le plus
élevé dans aucun domaine, et [22] le grand savant ou le grand saint mêmes
n'ont d'ordinaire atteint à une hauteur exaltée qu'en un point seulement, et
bien des côtés de leur nature ne sont pas encore développés. Nous possédons
tous quelque germe de multiples caractéristiques mais chacun de nous n'est
que partiellement éveillé et d'une façon très inégale. Un Adepte, par contre,
est un homme dont la dévotion et l'amour, la sympathie et la compassion
sont parfaites, en même temps que son intellect est quelque chose
d'infiniment plus grand que nous ne pouvons nous en faire une idée à l'heure
actuelle, et sa spiritualité merveilleuse et divine. Il s'élève au-dessus et au-
delà de tous les hommes que nous connaissons, par le fait que, seul, il est
parfaitement développé.
CHAPITRE II

LES CORPS PHYSIQUES DES MAITRES

On remarque, chez nombres d'étudiants de la Théosophie, beaucoup


d'imprécisions et d'incertitude en ce qui concerne leur conception des
Maitres ; peut-être les aiderons-nous à se rendre compte combien leur vie
est naturelle et comment se présente à nous leur aspect physique, en disant
quelques mots de la vie journalière et de l'apparence extérieure de certains
d'entre eux. Il n'existe pas de caractéristique physique d'après laquelle on
puisse infailliblement distinguer l'Adepte d'un homme quelconque ;
néanmoins, son apparence est imposante, noble, digne, sainte et sereine ; et
quiconque le rencontrait ne pourrait manquer de se dire qu'il est en présence
d'un homme remarquable. L'Adepte est l'homme fort, mais silencieux ; ne
parlant que dans un but défini, pour encourager, avertir ou aider ; il n'en est
pas moins extraordinairement bienveillant, tout en ayant un vif sens de
l' "humour" – humour de nature sympathique, dont il n'use jamais pour
blesser, mais toujours pour alléger les difficultés de la vie. Le Maitre Morya
a déclaré un jour qu'il est impossible de faire des progrès sur le sentier
occulte si l'on ne possède pas un certain sens de l'humour, et j'ai en effet
remarqué que tous les Adeptes que j'ai pu voir le possèdent.
La plupart d'entre eux sont visiblement des hommes de belle apparence ;
leurs corps physiques sont parfaits en tous points, car les Adeptes vivent en
se conformant entièrement aux lois de la réelle santé et surtout sans se laisser
jamais aller à être soucieux de quoi que ce soit. Tout leur mauvais karma
ayant été épuisé depuis longtemps, leurs corps physique est l'image fidèle
de l'Augoeidès, ou corps glorieux de l'Égo ; image aussi parfaite que les
limitations du plan physique le permettent, de sorte que non seulement le
corps actuel de l'Adepte est d'ordinaire splendidement beau, mais encore
tout corps nouveau qu'il pourra revêtir dans une incarnation [24] suivante
sera probablement la reproduction exacte de cet ancien corps – sauf
quelques différences de race et de famille – parce qu'il n'y aura plus rien qui
vienne le modifier. Quand, pour une raison quelconque, l'Adepte se décide
à prendre un nouveau corps, cette libération du Karma lui donne toute liberté
de choisir la plus convenable pour le travail qu'il doit accomplir. Il s'ensuit
que la nationalité et le corps particulier qu'il se trouve posséder à tel moment
donné, sont un fait d'importance secondaire.
Pour savoir si tel homme est Adepte, il serait nécessaire de pouvoir
observer son corps causal, car c'est par lui que son développement nous
serait apparent, du fait de la dimension beaucoup plus grande de ce corps,
et de l'arrangement spécial de ses couleurs en sphère concentrique, comme
l'indique – pour autant qu'une telle représentation est possible – le dessin du
corps causal d'un Arhat, figurant dans l'Homme visible et invisible, planche
XXVI.
Laissez-moi vous décrire succinctement une certaine vallée du Tibet,
où vivent actuellement trois de ces grands Êtres : le Maitre Morya, le Maitre
Kuthumi et le Maitre Djwal Kul. Les deux premiers occupent des
habitations situées sur chacun des versants opposés d'un étroit ravin dont les
pentes sont couvertes de pins, et au fond duquel coule un ruisseau. Des
sentiers partent de ces maisons vers le bas du ravin et se rencontrent au fond,
là où un petit pont franchit le ruisseau. Près de ce pont, une étroite ouverture
conduit à un réseau de vastes halls souterrains, contenant un musée occulte,
dont le Maitre Kuthumi a la garde, au nom de la Grande Fraternité Blanche.

Illustration 1 – Une Vallée au Tibet


Le contenu de ce musée est des plus variés ; il semble destiné à fournir
une représentation d'ensemble du processus de l'évolution. On y trouve, par
exemple, des images, saisissantes de vie et de naturel, de chacun des types
d'hommes ayant existé sur notre planète, depuis l'apparition des
gigantesques Lémuriens, aux articulations lâches, jusqu'aux nains, derniers
vestiges de races encore plus anciennes et moins humaines. Des modèles en
relief [25] montrent les variations successives de l'écorce terrestre et, en
particulier, l'aspect général de cette dernière avant et après chacun des
grands cataclysmes qui la modifièrent. De vastes diagrammes représentent
les migrations des différentes races du monde et montrent exactement à
quelles distances ils s'étendirent de leurs points respectifs d'origine. D'autres
diagrammes sont consacrés à l'influence dans le monde des diverses
religions, montrant où chacune d'elle fût pratiquée dans sa pureté originale,
et où elle se mêla aux débris restant d'autres religions, se déformant ainsi
plus ou moins.
Des statues, étonnamment vivante d'aspect, perpétuent l'apparence
physique de certains des grands meneurs d'hommes et instructeurs de races
oubliés depuis longtemps ; divers objets intéressants, parce que associés à
d'importants progrès – parfois passés inaperçus – dans la marche de la
civilisation, sont également conservés dans ce musée, pour servir à la
postérité. On y voit aussi des manuscrits originaux, d'une incroyable
antiquité et d'une valeur incontestable, entre autres un manuscrit de la main
même du Seigneur Bouddha en sa dernière vie en tant que Prince Siddartha,
et un autre écrit par le Seigneur Christ durant sa jeunesse en Palestine. Là,
encore, est conservé ce merveilleux original du Livre de Dzyan, que décrit
Mme Blavatsky au début de la Doctrine Secrète. On y trouve encore dans ce
musée d'étranges écrits provenant d'autres mondes ainsi que des dessins de
formes animales et végétales dont quelques-unes nous sont connues comme
espèces fossiles, mais dont la plupart n'ont rien d'équivalent parmi celles
qu'a pu cataloguer notre science moderne. Là figurent aussi, pour servir aux
études des élèves, des réductions exactes de plusieurs grandes cités dont
l'antiquité reculée se perd dans la nuit des temps.
Toutes ces statues, tous ces modèles possèdent, dans tout leur éclat, les
couleurs mêmes des originaux qu'ils représentent. Il convient de noter,
d'autre part, que ces différentes collections furent établies chacune à leur
époque respective, afin de fournir à la postérité la représentation fidèle des
stades par lesquels passait la civilisation ou [26] l'évolution de cette époque ;
de telle sorte qu'au lieu de simples fragments incomplets, comme on en voit
souvent dans nos musées, on trouve ce musée occulte des séries de
spécimens intentionnellement composées dans un but d'éducation. Y sont
aussi conservés des modèles de toutes sortes de machines imaginées par les
différentes civilisations ainsi que de nombreuses et complexes illustrations
représentant des cérémonies magiques pratiquées au cours de différentes
période de l'histoire humaine.
Dans le vestibule qui mène à ces vastes halls sont placées les vivantes
images des élèves "en probation" des Maitres Morya et Kuthumi ; je parlerai
d'eux dans le chapitre suivant. Ces images sont rangées le long des murs,
comme des statues, et sont de parfaites représentations des élèves en
question ; il n'est pas probable, cependant, qu'elles soient visibles pour des
yeux physiques, car la matière de l'ordre le moins élevé entrant dans leur
composition est éthérique.
Non loin du pont est aussi un petit temple aux tourelles de style birman,
où quelques villageois viennent apporter des offrandes de fruits et de fleurs,
bruler du camphre et réciter le "Pancha Sila". Un sentier rugueux et
irrégulier court dans la vallée, en longeant le ruisseau. De l'une des maisons
habitées par les Maitres on peut voir l'autre, mais quoiqu'elles soient toutes
deux au-dessus du pont, il est douteux qu'on puisse les apercevoir de ce
dernier, étant donné que le ravin forme un coude. Si, de la maison du Maitre
Kuthumi, nous suivons le sentier vers la vallée, nous passons devant une
grande colonne de roc, que contourne le ravin en disparaissant à la vue. Un
peu plus loin, le ravin aboutit à un plateau, où se trouve un lac dans lequel,
nous dit la tradition, Mme Blavatsky avait coutume de se baigner, et l'on
rapporte qu'elle en trouvait l'eau très froide. La vallée est exposée au midi,
et de plus abritée ; bien qu'en hiver le pays environnant soit couvert de neige,
je ne me souviens pas en avoir jamais vu près des maisons des Maitres. Ces
maisons sont en grosses pierres et bâties fort solidement. [27]
Illustration 2 – La maison du Maitre Kuthumi

La maison du Maitre Kuthumi est divisée en deux parties par un couloir


et un vestibule qui la traverse d'un bout à l'autre. En pénétrant dans ce
vestibule, la première porte à main droite s'ouvre sur la pièce principale de
la maison, celle dans laquelle notre Maitre se tient habituellement. Cette
pièce est très grande (environ 15 mètres sur 9) et très haute, et sous plus d'un
rapport c'est plutôt une salle qu'une pièce. Elle occupe toute la façade de ce
côté du vestibule. Attenantes à cette grande pièce deux autres plus petites et
presque carrées servent de bibliothèque et de chambre à coucher du Maitre.
Ces trois pièces tiennent toute la partie droite de la maison, apparemment
réservée à l'usage personnel du Maitre et entourée d'une large véranda. La
partie de la maison située à gauche du couloir-vestibule parait divisée en
[28] pièces plus petites ou bureaux que je n'ai pas eu l'occasion d'examiner
de près.
La grande pièce est éclairée par de nombreuses fenêtres en façade et sur
l'un des côtés, si bien qu'en y pénétrant le point de vue donne l'impression
d'être ininterrompu ; sous les fenêtres court d'un bout à l'autre un long siège.
On remarque – détail plutôt rare dans cette contrée – un grand âtre placé au
milieu du mur opposé à la façade et disposé de manière à chauffer les trois
pièces à la fois ; cet âtre possède, outre d'un manteau de cheminée, un rideau
de fer d'un modèle unique, dit-on dans tous le Tibet. Près de là est le fauteuil
du Maitre, en très vieux bois sculpté, et creusé de manière à épouser les
formes de celui qui s'assied, ce qui dispense de l'usage des coussins. Répartis
dans la pièce, se trouvent des tables, ainsi que des canapés et des sofas, la
plupart sans dossier et, dans un angle, l'orgue du Maitre finement sculptée.
Le plafond, qui est à quelque six ou sept mètres de hauteur, est très beau
avec ses poutres finement sculptées, finissant avec des pointes ornementales
et divisant le plafond en section oblongues. Une ouverture arquée avec un
pilier au centre, un peu dans le style gothique, mais sans vitraux, donne jour
sur le cabinet de travail ; un autre arceau semblable donne sur la chambre à
coucher. Cette dernière est très simplement meublée, principalement d'un lit
ordinaire, tendu à la façon d'un hamac entre deux supports de bous sculptés
fixés dans le mur ; l'un de ces supports est terminé par une tête de lion, l'autre
par une tête d'éléphant ; le lit, lorsqu'on ne s'en sert pas, se replie contre le
mur.
La bibliothèque – cabinet de travail – est une belle pièce contenant des
milliers de volumes ; adossés à l'un des murs se trouvent de nombreux et
hauts rayons, remplis de livres en toutes sortes de langues, parmi lesquels
figurent nombre d'ouvrages européens modernes ; sur les rayons ouverts du
haut, sont rangés des manuscrits. Le Maitre est un linguiste distingué : fin
lettré anglais, il possède également à fond les langues française et
allemande. Le cabinet de travail contient, entre autres choses une [29]
machine à écrire, présent d'un des élèves de son Maitre.
De la famille du Maitre, je ne connais pas grand-chose. Il y a une dame,
évidemment une élève, qu'il appelle "sœur". J'ignore si elle est ou non
réellement sa sœur, peut-être est-ce une cousine ou une nièce. Elle parait
beaucoup plu âgé que lui, mais ce détail ne suffirait pas à rendre improbable
l'un ou l'autre de ces degrés de parenté, car voici déjà longtemps que le
Maitre parait toujours avoir le même âge. Cette dame lui ressemble jusqu'à
un certain point ; une ou deux fois, à l'occasion de réunions, je l'ai vu se
joindre aux personnes présentes ; ses principales fonctions semblent être de
s'occuper de tenir la maison et de diriger les serviteurs. Parmi ces derniers,
il y a un vieillard et sa femme, qui sont depuis très longtemps au service du
Maitre ; ils ne savent rien de la dignité réelle de leur patron, mais le tiennent
pour un maitre aimable et très indulgent. Naturellement, ils bénéficient
grandement d'être à son service.
Le Maitre a un grand jardin à lui. Il possède aussi des terres et emploie
des travailleurs pour les cultiver. Il y a, près de la maison, des arbustes
fleuris et quantité de fleurs, poussant librement par masses, mêlées de
fougères.
À travers le jardin coule un ruisselet, qui forme une petite cascade ; un
pont minuscule sert à le franchir. C'est près de là que le Maitre s'assied
souvent, pour envoyer des courants de pensée et sa bénédictions vers son
peuple ; en ces occasions, sans doute, apparaitrait-il au spectateur superficiel
comme paresseusement assis, observant la nature et écoutant distraitement
le chant des oiseaux et le murmure du ruisseau. Parfois, il s'assied dans son
grand fauteuil, et quand ses gens le voient ainsi, ils savent qu'il ne faut pas
le déranger ; ils ne savent pas exactement ce qu'il fait dans ces moments-là,
mais supposent qu'il est en "samâdhi". Le fait qu'en Orient le peuple
comprend ce genre de méditation et le respecte est peut-être une des raisons
pour lesquelles les Adeptes préfèrent vivre là plutôt qu'en Occident. [30]
Ce que nous venons de dire donne l'impression que le Maitre s'assied
pour méditer dans le calme, pendant une grande partie de la journée, dirions-
nous, mais il ne manque pas d'occupations en dehors de cela. Il a,
notamment, composé quelque musique et écrit des notes et des mémoires
répondant à des buts divers. Il s'intéresse aussi beaucoup au développement
des sciences physiques, quoique ceci dépende spécialement d'un autre grand
Maitre de la Sagesse.
De temps à autres, le Maitre Kuthumi monte un grand cheval bai ;
parfois, quand ils ont travaillé ensemble, il est accompagné par le Maitre
Morya, qui monte toujours un magnifique cheval blanc. Notre Maitre visite
régulièrement certains monastères et se rend quelquefois, en franchissant un
grand col, à un monastère perdu dans les montagnes. Monter à cheval dans
l'accomplissement de ses devoirs parait être son principal exercice ; mais il
va parfois à pied avec le Maitre Djwal Kul, qui vit tous près de la grande
roche d'où l'on peut voir le lac.
Quelquefois, notre Maitre joue de l'orgue ; cet instrument, construit au
Tibet sous sa direction, est une combinaison du piano et de l'orgue, avec un
clavier semblable à ceux que nous avons en Europe et sur lequel il peut jouer
toute notre musique occidentale. Cet orgue ne ressemble à aucun des
instruments que je connaisse, car il a, pour ainsi dire, deux faces, permettant
d'en jouer soit du salon, soit du cabinet de travail ; le clavier principal,
composé de trois jeux, est dans le salon, tandis que le clavier du piano est
dans le cabinet de travail. On peut se servir soit du clavier seul, soit des deux
ensembles. Tout le clavier de l'orgue, avec ses pédales, peut-être actionné
de la manière usuelle ; mais, en manœuvrant une poignée, on peut lier le
clavier du piano avec celui de l'orgue, de manière que les deux soient
actionnés simultanément par une seule personne ; dans ce cas, le piano sert
de jeu d'orgue complémentaire. Le mécanisme et les tuyaux à vent de cet
étrange instrument occupent la presque totalité de ce qu'on pourrait appeler
l'étage supérieur de cette partie de la maison du Maitre. [31]
Magnétiquement, le Maitre a mis l'instrument en communication avec les
Gandharvas, ou Dévas de la musique ; de sorte que les Dévas coopèrent ;
des combinaisons de sons inconnues sur le plan physique sont ainsi
obtenues ; il s'y ajoute, d'autre part, produit par l'instrument lui-même, un
effet d'accomplissement d'instruments à vents et à cordes.
Le chant des Dévas résonne constamment dans l'univers ; il vibre dans
l'oreille des hommes, qui ne veulent pas en entendre la beauté. Il comprend
le grave bourdon de la mer, les soupirs du vent dans les arbres, le
rugissement du torrent qui dévale de la montagne, le murmure du ruisseau,
de la rivière, de la cascade, qui tous, avec maints autres sons, composent, au
cours de son existence, le chant puissant de la Nature. Ce chant n'est que
l'écho, dans le monde physique, d'une harmonie infiniment plus grande ;
celle de la vie des Dévas. Comme il est dit dans la Lumière sur le Sentier :
"… Seuls des fragments de la grande symphonie peuvent
parvenir à ton oreille tandis que tu n'es encore qu'un
homme. Mais si tu les entends, gardes-en fidèlement la
mémoire, afin qu'aucun d'eux ne sois perdu pour toi, et
tâche de comprendre la signification du mystère qui
t'environne. Avec le temps, tu n'auras plus besoin d'un
instructeur. Car, de même que l'individu possède une voix,
ce en quoi il existe, en possède également une. La vie aussi
a le don de s'exprimer et n'est jamais silencieuse. Son
expression n'est point un cri – comme toi qui est sourd
pourrait le supposer – elle est un chant. Apprends d'elle
que tu fais toi-même partie de l'harmonie ; apprends d'elle
à obéir aux lois de l'harmonie…"
Chaque matin, un certain nombre de personnes – non pas précisément
des élèves, mais des fidèles – viennent à la maison du Maitre et s'assoient
sur la véranda et en dehors. Le Maitre leur fait parfois une courte causerie,
en manière de petite conférence, mais, le plus souvent, il poursuit son travail
sans autrement s'occuper d'eux que pour leur adresser de temps à autre un
sourire amical, dont tous les assistants paraissent également satisfaits, car
[32] ils viennent pour vénérer le Maitre et se tenir dans son aura. Il prend
parfois sa nourriture en leur présence ; assis sous la véranda, ayant autour
de lui la foule des Tibétains, les jambes croisés sur le sol, mais, en général,
il prend ses repas seul dans son appartement. Peut-être suit-il la règle des
moines bouddhistes et ne prend-il aucune nourriture après-midi, car je ne
me souviens pas l'avoir jamais vu manger dans la soirée ; peut-être même
n'a-t-il pas besoin de se nourrir tous les jours. Il est fort probable que lorsqu'il
le juge à propos, il commande la nourriture qu'il désire et ne prend pas ses
repas à heure fixe. Je l'ai vu manger de petits gâteaux ronds, d'un roux doré,
très semblables à ceux que font les ménagères d'Europe ; ils sont faits de
froment, de beurre et de sucre et cuits au four par sa sœur. Il mange aussi du
"curry" et du riz, le curry étant préparé presque en soupe. Il se sert d'une
curieuse et très belle cuillère d'or dont l'extrémité est ornée d'un éléphant et
dont la partie creuse forme avec le manche un angle inaccoutumé : c'est une
relique de famille, très ancienne et probablement de grande valeur. Le
Maitre Kuthumi est généralement vêtu de blanc ; mais je ne me souviens
pas de l'avoir jamais vu porter un couvre-chef, sauf dans les rares occasions
où il endosse le costume jaune de la secte Gelugpa, lequel comporte une
sorte de capuchon en forme de casque romain. Par contre, le Maitre Morya
porte ordinairement un turban.
La maison du Maitre Morya est située, avons-nous dit, sur le versant
opposé de la vallée, mais beaucoup plus bas, tout près du petit temple et de
l'entrée des souterrains. Elle diffère entièrement comme style, de la maison
du Maitre Kuthumi ; elle a au moins deux étages et la façade donnant sur la
route est munie, à chaque étage, de vérandas presque entièrement vitrées.
Les habitudes et les manières du Maitre Morya sont très semblables à
celles déjà décrites du Maitre Kuthumi.
Si nous suivons la route qui longe la rive gauche du cours d'eau et qui
s'élève progressivement sur toute l'étendue [33] de la vallée, après avoir
dépassé, à droite, la maison et les jardins du Maitre Kuthumi, et en
continuant de monter, nous trouvons, du même côté de la route, une petite
hutte ou cabane. Celui qui est maintenant le Maitre Djwal Kul la construisit
de ses propres mains, au temps où, comme élève, il désirait avoir sa demeure
à proximité de son Maitre. Accroché dans cette cabane, on voit une sorte de
panneau sur lequel, à sa demande, un des élèves anglais du Maitre Kuthumi,
fixa, ou plus exactement "précipita", il y a bien des années, une vue
intérieure de la grande pièce de la maison du maitre Kuthumi ; on y reconnait
ceux des Maitres et des élèves qui étaient réunis dans cette salle. Ce tableau
fut fait en commémoration d'une soirée, particulièrement heureuse et
fructueuse, dans la maison du Maitre.
Pour ce qui est de l'apparence physique de ces grands Êtres, elle est
affectée dans une certaine mesure par le Rayon, ou type, particulier à chacun
d'eux. Le premier Rayon a pour principale caractéristique le pouvoir :
naissent dans ce Rayon les rois et gouvernants du monde, soit du domaine
intérieur spirituel, soit du domaine physique. Toute homme à un degré
marqué les qualités voulues pour dominer les hommes et les conduire sans
heurts dans la direction qu'il désire, est très vraisemblablement un homme
du premier Rayon ou tendant vers ce Rayon.
Tels est le cas du royal personnage qu'est le Seigneur Vaïvasvata
Manou, gouverneur de la cinquième Race Mère. Il est physiquement le plus
grand de tous les Adeptes, ayant 6 pieds 8 pouces de taille et est parfaitement
proportionné. C'est le représentant, par excellence, de notre Race dont il est
le prototype ; chaque membre de la race descend directement de lui. Notre
Manou a un visage extraordinairement saisissant de puissance ; le nez
aquilin, une belle barbe ondulée, de couleur châtelain, ainsi que les yeux ;
l'ensemble composant une tête magnifique, de port léonin. "… Il est grand
– dit Annie Besant – et d'une majesté royale, avec ses yeux perçants de
couleur [34] fauve brillant d'un éclat doré…" Actuellement, il vit dans les
monts Himâlaya, non loin de son grand Frère, le Seigneur Maitreya.
De semblable allure est le Maitre Morya, successeur futur du Seigneur
Vaïvasvata Manou, et futur Manou de la sixième Race Racine. C'est un roi
du Radjputana par sa naissance ; il porte une barbe noire divisée en deux
parties et des cheveux bruns, presque noirs, tombant sur les épaules ; ses
yeux noirs et perçants sont pleins de pouvoir. Il a six pieds et six pouces de
haut, avec un maintien de soldat et parle en phrases brèves comme quelqu'un
d'accoutumé à être obéi sur le champ. Sa présence produit une impression
de force et de puissance irrésistibles ; son expression d'impérieuse dignité
impose la plus entière révérence.
Mme Blavatsky nous a souvent dit comment elle rencontra le Maitre
Morya dans Hyde Park, à Londres, en 1851, lorsqu'à l'occasion de la
première grande Exposition Internationale, il y vint avec un certain nombre
d'autres princes indiens. Fait étrange, moi-même, alors enfant de quatre ans,
je le vis aussi, sans m'en douter aucunement. Je me souviens qu'on m'avait
emmené pour voir un splendide cortège, dans lequel figurait, parmi d'autres
merveilles, un groupe de cavaliers indiens, richement vêtus : des hommes
magnifiques sur les montures les plus belles, j'imagine, qu'on pût voir ;
aussi, tout naturellement, mes yeux d'enfant s'y fixèrent avec délices et ce
spectacle me parut le plus beau de tout ce que je vis de merveilleux à cette
Exposition. Comme tout en tenant la main de mon père, je dévorais des yeux
les cavaliers, au fur et à mesure qu'ils défilaient, l'un des plus grands de ces
héros me fixa de ses yeux noirs étincelants, ce qui me fit à moitié peur en
me remplissant en même temps d'un plaisir et d'une exaltation que je ne
saurais décrire. Il passa avec les autres et je ne le revis plus ; cependant,
l'éclair de ce regard revint souvent à ma mémoire d'enfant. Naturellement, à
cette époque, j'ignorais son identité et par la suite je n'aurais jamais fait
aucun rapprochement si je n'avais été éclairé par une gracieuse [35]
remarque qu'il me fit, de nombreuses années après.
Parlant un jour, en sa présence, des premiers temps de la Société, il
m'advint de dire que la première fois que j'avais eu le privilège de le voir
d'une manière matérielle, avait été en telle circonstance, à Adyar, dans
l'appartement de Mme Blavatsky où il vint dans le but de lui infuser de la
force et de lui donner certaines instructions. Bien qu'étant en conversation
avec quelques autres Adeptes, il se retourna vivement vers moi et me dit :
"Non, ce ne fut pas la première fois. Ne vous souvient-il
pas de certain jour où, tout petit enfant, vous vîtes
caracoler les cavaliers indiens dans Hyde Park, et
comment je vous distinguai alors d'un coup d'œil ?"
Naturellement, je me rappelai le fait aussitôt et m'écriai :
"O, Maitre, était-ce donc vous ? Mais, de fait, j'aurais dû
le deviner depuis !"
Je n'ai pas mentionné cet incident en relatant les occasions que j'ai eues
de rencontrer le Maitre et de lui parler, l'un et l'autre étant dans son propre
corps physique, parce que j'ignorais, lors de cette rencontre, que le grand
cavalier fût un des Maitres, et aussi parce que le témoignage d'un si petit
enfant peut-être facilement mis en doute.
Un autre personnage à l'allure royale est le Seigneur Chakshusha
Manou, le Manou de la quatrième race-racine : Chinois de naissance et de
très haute caste, il a les pommettes saillantes du type mongol et son visage
semble être de vieil ivoire finement sculpté. Il porte habituellement de
magnifiques robes flottantes, tissées d'or. En règle générale, nous ne
sommes pas en relation avec lui dans notre travail régulier, sauf lorsque nous
avons affaire avec un élève appartenant à la Race-racine qu'il dirige.
Dans les personnes de notre Seigneur le Bodhisattva, ou Instructeur du
Monde, et du Maitre Kuthumi, son principal lieutenant, la caractéristique de
leur influence la plus remarquable est l'éclat radiant de leur amour infini qui
s'étend à tout.
Le Maitre Maitreya occupe actuellement un corps de race celtique. Son
visage est d'une extrême beauté, fort [36] et pourtant des plus tendres ; avec
sa riche chevelure semblable à du vieil or, flottant sur les épaules, sa barbe
en pointe comme on en voit sur d'anciens tableaux et ses yeux d'un
merveilleux éclat violet, pareils à des fleurs splendides, à des étoiles
jumelles, à des lacs profonds, sacrés, emplis des eaux de l'éternelle paix. Son
regard resplendit au-delà de toute expression, et un éblouissant halo de
lumière l'entoure, mêlé de l'admirable lueur rose qui émane éternellement
du Seigneur d'amour.
Nous pouvons nous représenter le Seigneur Maitreya dans sa maison de
l'Himalâya, assis dans la grande pièce de la façade, cette pièce aux
nombreuses fenêtres d'où la vue plonge sur les jardins et les terrasses et, tout
en bas, sur la plaine indienne ondulée ; ou bien encore nous l'imaginer vêtu
de sa blanche robe flottante, bordée d'un large galon d'or, et se promenant
dans son jardin, dans la fraicheur du soir, parmi les fleurs brillantes, dont le
parfum emplit l'air ambiant d'une douce et riche senteur. Notre saint
Seigneur le Christ est d'une attirance indicibles ; de lui rayonne l'amour qui
réconforte des millions d'êtres, car sa voix donna – comme jamais aucune
voix humaine – les mots de sagesse qui portent la paix aux anges et aux
hommes.
Le Maitre Kuthumi occupe actuellement le corps d'un Brahmane du
Cachemire ; mais il a le teint aussi clair que celui de la généralité des
Anglais. Lui aussi a les cheveux flottants et ses yeux bleus sont pleins de
joie et d'amour ; sa chevelure et sa barbe châtain prennent des reflets dorés
lorsque le soleil vient s'y poser. Son visage est assez malaisé à décrire, car
lorsqu'il sourit, son expression de physionomie change sans cesse ; le nez
est finement ciselé et les yeux sont grands et d'un bleu s'une surprenante
limpidité. Lui aussi est un Instructeur et un Prêtre comme notre grand
Seigneur et dans quelques siècles, il lui succèdera dans sa haute charge,
prendra le sceptre et assumera la charge d'Instructeur du Monde, en qualité
de Bodhisattva de la sixième Race-Racine.
Le Mahâchohan est le type par excellence de l'homme d'État, du grand
organisateur ; quoique Indien de corps, [37] il a de nombreuses qualités
militaires. Grand et mince, avec un profil aigu, très finement et nettement
ciselé, sans aucune barbe ni moustache, le visage plutôt sévère, le menton
fort et carré, les yeux profonds et pénétrants, sa parole est un peu brusque
comme celle d'un soldat. Il porte généralement le costume indien, avec le
turban.
Le Maitre, comte de Saint-Germain ressemble au Mahâchohan sous
maints rapports. Bien que de taille moyenne, il se tient très droit avec une
apparence toute militaire ; il a l'exquise courtoisie et la dignité d'un grand
seigneur du XVIIIe siècle et l'on devine immédiatement qu'il appartient à
une famille très ancienne et noble. Ses yeux, grands et marron, sont pleins
de tendresse et d'humour, avec l'autorité du pouvoir ; la splendeur de sa
présence force l'obéissance. Son visage est d'un teint olivâtre, ses cheveux
foncés et coupés courts sont divisés au milieu par une raie et brossés du front
vers l'arrière ; souvent il revêt un uniforme de couleur foncée, ornée de galon
d'or, et parfois aussi, un magnifique manteau d'officier, rouge, qui accentue
encore son allure militaire. Il réside habituellement dans un ancien château
situé dans l'est de l'Europe, et propriété de sa famille depuis des siècles.
Le Maitre Sérapis est grand et de teint blond ; il est grec de naissance,
quoique toute son œuvre ait eu lieu en Égypte, en relation avec la Loge de
ce pays. Il est d'allure ascétique et très distingué, ressemblant assez au
cardinal Newman.
Le Chohan Vénitien est peut-être le plus beau des membres de la
Fraternité. Fort et grand (environ six pieds et cinq pouces) il porte la barbe
ondulée et les cheveux flottants, un peu comme ceux du Manou ; il a les
yeux bleus. Bien qu'il soit né à Venise, sa famille a certainement du sang
goth dans les veines, car il est manifestement un homme de ce type.
Le Maitre Hilarion est d'origine grecque, et, sauf un nez légèrement
aquilin, l'ensemble de son visage est du type grec ancien ; son front est bas
et large, comme celui de l'Hermès de Praxitèle. Lui aussi est extrêmement
[38] beau et parait un peu plus jeune que la plupart des autres Adeptes.
Celui qui fût autrefois Jésus est aujourd'hui dans un corps syrien ; il a
le teint foncé, la barbe et les yeux noirs de l'Arabe et porte généralement des
vêtements blancs et un turban. Il est le Maitre des dévots sincères, et
l'impression caractéristique que donne sa présence est une intense pureté et
une ardente dévotion que nul obstacle ne rebute. Il vit parmi les Druses du
Mont Liban.
Deux des grands Êtres avec lesquels j'ai été mis en contact s'écartent
légèrement de ce que nous pourrions appeler – avec tout le respect qui
convient – le type classique du corps physique de l'Adepte. L'un d'eux est
celui dont a plusieurs fois parlé le Colonel Olcott et qui est désigné sous le
nom de Jupiter dans le livre intitulé : l'Homme, d'où il vient, où il va. Il est
plus petit que la plupart des membres de la Fraternité et c'est aussi le seul
d'entre eux, pour autant que je sache, dont les cheveux commencent à
grisonner. Il se tient fort droit et ses mouvements sont vifs et d'une précision
toute militaire. Il possède des terres et pendant la visite que je lui fis avec
son ami T. Subba Row, je l'ai vu plusieurs fois s'occuper des contremaitres,
lui faisant des rapports et recevant des instructions. L'autre est le Maitre
Djwal Kul, qui possède encore le corps dans lequel il atteignit l'Adeptat, il
y a seulement quelques années. Peut-être pour cette raison n'a-t-il pas été
possible de faire de ce corps une parfaire reproduction de l'Augoeidès. Son
visage de caractère nettement tibétain, avec ses pommettes saillantes et son
aspect quelque peu rude, montre quelques signes d'avancement en âge.
Parfois, pour quelque but spécial, un Adepte a besoin temporairement
d'un corps dont il puisse user au milieu de l'agitation du monde. Tel est le
cas lorsqu'il vient un Instructeur mondial et il nous a été dit que plusieurs
Adeptes se joignent sans doute à lui, pour lui servir de [39] collaborateurs
et l'assister dans son travail pour l'Humanité. La plupart de ces grands Êtres
suivent l'exemple de leur chef et empruntent temporairement le corps de
leurs élèves ; il est donc nécessaire que de tels véhicules soient prêts pour
leur usage.
Des étudiants demandent parfois pourquoi les Adeptes possédant déjà
des corps physiques, en ont besoin d'autres à cette occasion. Ceux qui, en
atteignant le niveau de l'Adeptat, choisissent, pour future carrière, de rester
sur ce monde et d'aider directement à l'évolution de leur propre humanité,
trouvent commode pour leur travail de garder des corps physiques. Pour être
adaptés à leurs dessins, des corps doivent remplir des conditions peu
communes : non seulement doivent-ils posséder une santé irréprochable,
mais encore faut-il être de parfaites expressions de la plus grande portion
possible de l'Égo capable de se manifester sur le plan physique.
La formation d'un tel corps n'est pas une tâche facile. Quand l'Égo d'un
homme ordinaire descend dans son corps de nouveau-né, il le trouve en la
possession d'un élémental artificiel, qui a été créé en raison de son karma,
ainsi que je l'ai décrit dans The Inner Life 3. Cet élémental est
industrieusement occupé à modeler la forme qui doit bientôt naitre dans le
monde extérieur ; il y demeure après la naissance et continue habituellement
cette opération de modelage jusqu'à ce que le corps ait atteint l'âge de six ou
sept ans. Durant cette période, l'Égo acquiert graduellement un contact plus
intime avec ses nouveaux véhicules émotionnel et mental, aussi bien que
physique, et s'accoutume à eux peu à peu ; mais le travail réel effectué par
l'Égo sur tous ces véhicules, jusqu'au moment où l'élémental se retire, est le
plus souvent insignifiant, car si l'Égo est sans nul doute en relation avec le
corps nouveau-né, il ne lui accorde généralement que peu d'attention,
préférant attendre que ce corps ait atteint le stade où il commence à mieux
répondre à ses efforts.
Le cas d'un Adepte est bien différent de celui de [40] l'homme ordinaire.
Comme il n'y a plus aucun mauvais karma à liquider, aucun élémental
artificiel n'est à l'œuvre ; l'Égo lui-même assume la charge du
développement du corps, depuis le commencement, en ne se trouvant limité
que par l'hérédité de ce corps. Ce processus permet de produire un
instrument beaucoup plus raffiné et plus délicat, mais comporte en même
temps plus de peine pour l'Égo, en absorbant pendant quelques années une
somme considérable de son temps et de son énergie. Pour cette raison, et
pour d'autres sans doute, l'Adepte ne désire pas répéter ce processus plus
souvent qu'il n'est strictement nécessaire et il fait, en conséquence, durer son
corps physique aussi longtemps que possible. Nos corps, à nous, vieillissent
et meurent pour de multiples causes, faiblesse héréditaire, maladies,
accidents, abus, soucis, excès de travail, etc. aucune de ces causes n'existe
dans le cas de l'Adepte dont le corps est capable de travail et d'endurance à
un degré auquel ne sauraient être comparés les faibles moyens de l'homme
ordinaire.
Les Adeptes ayant des corps physiques tels que nous venons de le dire
peuvent d'ordinaire s'en assurer la possession beaucoup plus longtemps
qu'un homme ordinaire ne garde le sien ; d'autre part, l'âge réel du corps des

3
L'Occultisme dans la Nature. Traduction française (2 vol.).
Adeptes est beaucoup plus grand que l'indiqueraient pour nous les
apparences. Le Maitre Morya, par exemple, semble être dans la pleine force
de l'âge, 35 ou 40 ans, selon notre estimation habituelle, et pourtant, s'il faut
en croire ses élèves, il aurait quatre ou cinq fois cet âge. Mme Blavatsky nous
dit elle-même que lorsqu'elle le vit étant encore enfant, il lui parut
exactement le même que dans les derniers temps de sa vie à elle. De même,
le Maitre Kuthumi semble avoir le même âge que son constant ami et
compagnon de Maitre Morya ; cependant on rapporte qu'il obtint un diplôme
dans une Université d'Europe un peu avant le milieu du siècle dernier, ce
qui ferait de lui pour le moins un centenaire. Nous n'avons, pour l'instant,
aucun moyen de déterminer dans quelles limites ces Maitres prolongent la
durée de leurs corps physique, quoiqu'il existe des témoignages établissant
que cette durée [41] dépasse aisément le double des trois lustres et demi (70
ans) du Psalmiste.
Un tel corps, propre à un travail supérieur, est inévitablement très
sensitif et demande par conséquent des ménagements particuliers pour
pouvoir toujours donner son maximum de rendement. Il s'userait, comme
s'usent les nôtres, s'il était soumis aux mille frottements du monde extérieur
et au torrent incessant de ses vibrations antipathiques. Aussi les grands Êtres
vivent-ils généralement dans un isolement relatif, ne faisant que de rares
apparitions dans ce chaos insensé qu'est notre vie journalière ; s'il leur fallait
venir exposer leur corps dans le tourbillon de curiosité et de violentes
émotions dont est entouré un Instructeur mondial lors de sa venue, sans
aucun doute la vie de leur corps en serait considérablement abrégée et de
toute manière rendue fort pénible, en raison même de leur extrême
sensibilité.
En occupant temporairement le corps d'un élève, l'Adepte évite ces
inconvénients, tout en conférant un élan incalculable à l'évolution de l'élève.
Il n'habite, d'ailleurs, le véhicule emprunté qu'aux moments nécessaires pour
adresser une allocution, par exemple, ou pour répandre un flot spécial de sa
bénédiction ; dès qu'il se retire du corps prêté, que son but est atteint, il se
retire du corps prêté, que l'élève – ayant attendu le temps nécessaire –
réoccupe aussitôt, tandis que l'Adepte réintègre son propre véhicule, pour
reprendre son travail usuel. De cette manière, son travail habituel n'est que
peu affecté et il a, néanmoins, toujours à sa disposition un corps par
l'intermédiaire duquel il peut, quand il convient, coopérer sur le plan
physique à la bienfaisante mission de l'Instructeur mondial.
Nous pouvons aisément nous représenter à quel point doit être affecté
l'élève privilégié qui prête ainsi son corps à un grand Être, bien que l'étendue
de l'effet produit échappe à notre estimation : un véhicule accordé sur une
telle influence lui sera de toute évidence, par la suite, une aide puissante. De
plus, pendant que son corps est utilisé, il aura le privilège de se baigner dans
le merveilleux magnétisme de l'Adepte, car il doit [42] toujours se tenir à
proximité pour réintégrer son corps dès que le Maitre le quitte.
Aussi cette pratique d'emprunter un corps approprié est-elle toujours
adopté par les grands Êtres lorsqu'ils jugent utile de venir parmi les hommes
à des périodes telles que celles qui prévalent actuellement dans le monde.
Le Seigneur Gautama l'employa quand il vint pour atteindre l'état de
Bouddha ; et le Seigneur Maitreya fit de même lorsqu'il visita la Palestine,
il y a deux mille ans. La seule exception à ma connaissance se produit quand
le nouveau Bodhisattva assume la charge d'Instructeur mondial après que
son prédécesseur est devenu "Bouddha". À sa première apparition dans le
monde en cette qualité, il prend alors le corps d'un nouveau-né, à la manière
ordinaire. Ainsi fit notre Seigneur, l'actuel Bodhisattva lorsqu'il naquit en
tant que Srî Krishna, dans les plaines ardentes de l'Inde et fut révéré et chéri
avec une dévotion passionnée qui n'a peut-être jamais été égalée.
Cette occupation temporaire du corps d'un élève ne doit pas être
confondue avec l'usage permanent, par une personnalité avancée, d'un
véhicule préparé à son intention. Nombre d'élèves de Mme Blavatsky savent
que notre grande fondatrice, lorsqu'elle abandonna le corps dans lequel nous
la connûmes, entra dans un corps que son possesseur venait de quitter. Je ne
sais pas si ce corps avait été préparé exprès à cet effet ; mais je connais des
cas où il en fut ainsi. En pareille circonstance, il y a toujours une certaine
difficulté pour adapter le véhicule aux besoins et aux caractéristiques du
nouvel occupant. Aussi est-il probable que ce corps ne parvient jamais à
faire un véhicule parfait. L'Égo sur le point de se réincarner dans de telles
conditions se trouve dans cette alternative : ou bien consacrer une peine et
un temps considérables à diriger la croissance d'un nouveau véhicule, qui
soit une représentation de lui aussi parfaite que la chose est possible sur le
plan physique, ou bien éviter tous ces ennuis en entrant dans le corps qu'un
Égo lui abandonne ; procédé qui peut fournir un instrument très acceptable
pour l'usage courant, mais qui ne donne [43] jamais, sous maints rapports,
tout ce que son nouveau possesseur pourrait vouloir en tirer. Il est certain
qu'un élève ne demanderait pas mieux que d'avoir l'honneur d'abandonner
son corps à son Maitre, mais, en vérité, bien peu nombreux sont les
véhicules assez purs pour servir à ce dessein.
On demande souvent pourquoi l'Adepte, dont le travail semble
s'accomplir presque entièrement sur les plans supérieurs, a réellement
besoin d'un corps physique. Ceci, évidemment, ne nous regarde pas ;
toutefois, s'il n'y a pas d'irrévérence à spéculer en pareille matière, plusieurs
explications semblent s'offrir à nous. En effet, l'Adepte consacre beaucoup
de temps à la projection de courants d'influence, et bien que – autant que
nous avons pu l'observer – cette projection s'opère sur le plan mental
supérieur ou sur le plan directement au-dessus, il est à présumer que des
courants éthériques sont généralement émis, tout au moins de temps à autre.
Par ailleurs, la possession d'un corps physique constitue assurément un
avantage. La plupart des Maitres que j'ai vus sur le plan physique ont
quelques élèves ou auditeurs qui vivent avec eux, ou près d'eux ; il est donc
possible qu'un corps physique soit utile aux Maitres dans leurs rapports avec
ceux qui les approchent. En tout cas, nous pouvons être certains que si un
Adepte se décide à prendre la peine d'entretenir un corps physique, c'est qu'il
a pour cela une raison sérieuse ; en effet, nous en savons assez au sujet de
leurs méthodes de travail pour pouvoir affirmer qu'ils font toutes les choses
en tout temps pour le mieux, et par les moyens qui exigent la moindre
dépense d'énergie.
DEUXIÈME PARTIE

LES ÉLÈVES

CHAPITRE III

LE CHEMIN QUI MÈNE AU MAITRE

Il y a toujours eu une Fraternité d'Adeptes : la Grande Fraternité


Blanche ; il y a toujours eu ceux qui savaient, ceux qui possédaient la
Sagesse intérieure et nos Maitres comptent parmi les représentants actuels
de cette puissante lignée de Voyants et de Sages. Une partie du savoir qu'ils
ont amassé au cours d'âges sans nombre est mis à la disposition de toute
personne appartenant au plan physique, sous le nom de Théosophie, mais il
est encore réservé infiniment plus. Le Maitre Kuthumi lui-même a dit une
fois, en souriant, à quelqu'un parlant de l'énorme changement qu'avaient
apporté dans nos vies les révélations de la Théosophie et aussi de la
merveilleuse clarté projetée par la doctrine de la réincarnation : "Oui, sans
doute ; mais nous n'avons encore soulevé qu'un tout petit coin du voile".
Quand nous aurons pleinement assimilé la connaissance qui nous a été
donnée et quand nous vivrons ces enseignements, la Grande Fraternité
Blanche sera disposée à lever le voile un peu plus ; mais elle ne le fera pas
avant que nous ayons satisfait à ces conditions.
Ceux qui désirent savoir davantage et se rapprocher un peu des Maitres,
voient s'ouvrir le Sentier. L'homme qui aspire à approcher les Maitres peut
seulement les atteindre en devenant altruiste comme ils le sont eux-mêmes ;
en apprenant à oublier le soi personnel et en se dévouant entièrement au
service de l'humanité comme ils le font. Le point de vue des Maitres est si
radicalement différent du nôtre qu'il nous est, tout d'abord, difficile de le
saisir. Tout comme nous, ils ont leurs affections [46] privées et assurément
ils aiment certains hommes plus que d'autres ; toutefois, jamais ils ne
permettraient à des sentiments de cette nature d'influencer, si peut soit-il,
leur attitude lorsque le travail est en jeu. Ils prendront beaucoup de peine à
propos d'un homme en particulier s'ils voient en lui des germes de grandeur
future, s'ils estiment que cet homme représentera un avantageux placement
pour la somme de temps et de force dépensée à son sujet ; mais il n'y a
aucune place pour la plus légère pensée de favoritisme dans l'esprit de ces
grands Êtres. Ils considèrent purement et simplement le travail à accomplir,
travail d'évolution, et la valeur de l'homme par rapport à ce travail ; c'est
pourquoi si nous nous rendons aptes à y prendre part, nos progrès seront
rapides.
Peu de gens se rendent compte de l'immensité d'une pareille entreprise
ni, par conséquent, de quelle chose sérieuse il s'agit lorsqu'ils désirent être
pris comme élèves. Les Adeptes agissent sur le monde entier par énormes
vagues de pouvoir ; ils influencent des millions d'individus dans leurs corps
causals, ou sur le plan bouddhique, élevant sans discontinuité, quoique par
des degrés à peine perceptibles, les véhicules supérieurs de ces individus sur
une immense échelle. Cependant le même Maitre, qui passe sa vie à
accomplir un pareil travail, veut bien par instants, le mettre de côté pour
s'occuper de petits détails relatifs à un élève. Que ceux qui osent demander
à être admis comme élèves essaient donc de se rendre compte du caractère
formidable des forces ou du travail en jeu comme aussi au rang des Êtres
avec lesquels ils se proposent d'entrer en contact. La moindre
compréhension de la grandeur de ces choses leur fera comprendre pourquoi
les Adeptes ne sauraient dépenser la plus petite partie de leur énergie pour
un élève, à moins de pouvoirs escompter que celui-ci, dans un délai
raisonnable, ajoutera un appréciable courant de force et de pouvoir, dans la
direction nécessaire afin de donner l'aide au monde. Les Adeptes vivent pour
accomplir l'œuvre du Logos du Système solaire, et ceux d'entre nous qui
désirent se rapprocher d'eux doivent apprendre à les imiter [47] en
consacrant leur vie uniquement à ce même travail. Ceux d'entre nous qui le
feront ne pourront manquer d'attirer l'attention des saints Êtres, qui leur
enseigneront alors comment secourir et bénir le monde.
Le progrès humain est lent, mais constant ; par suite, le nombre
d'hommes parfaits augmente constamment aussi et la possibilité d'atteindre
le niveau de ces derniers et la possibilité d'atteindre le niveau de ces derniers
est à la portée de tous ceux qui sont prêts au formidable effort nécessaire.
Dans ce cas, en temps normal, il nous faudrait un grand nombre
d'incarnations avant de pouvoir atteindre l'Adeptat ; mais, à l'heure présente,
il nous est possible de hâter notre progrès sur le Sentier qui nous y mène, de
condenser en quelques vies seulement l'évolution requise, laquelle
autrement, demanderait des milliers et des milliers d'années. C'est cet effort
qu'entreprennent beaucoup de membres de la Société Théosophique ; car il
y a, dans cette Société, une École Intérieure qui enseigne aux hommes à se
préparer plus rapidement, en vue d'un travail supérieur.
Cette préparation demande un grand contrôle de soi, un effort précis,
poursuivi d'année en année, et souvent sans grand résultat apparent accusant
nettement le progrès accompli. En effet, cette préparation comporte
l'entrainement des véhicules supérieurs, beaucoup plus que du corps
physique et l'amélioration de ces véhicules ne se manifeste généralement
pas d'une manière évidente sur le plan physique.
Quiconque entend parler des Maitres et de leur enseignement, s'il saisit
quelque peu la portée de cette connaissance doit être pris, sur le champ, du
plus vif désir de les comprendre et d'entrer à leur service ; plus il apprend à
cet égard et plus il doit être pénétré du merveilleux, de la beauté et de la
gloire du Plan de Dieu, plus il doit désirer y participer. Dès l'instant qu'il
s'est rendu compte que Dieu a un plan d'évolution, il doit tenir à être un
collaborateur de Dieu et rien d'autre ne doit pouvoir désormais le satisfaire.
À ce moment, il commence par se poser la question :
"Que dois-je faire, à présent ?"
La réponse est :
"Travaille".
C'est-à-dire : Fais ce que tu peux pour aider au progrès [48] de
l'Humanité, dans la voie du Maitre. Commence, pour t'exercer, par ce que
tu as l'occasion immédiate de faire, et qui peut consister en une menue chose
extérieure ; demain lorsque tu auras acquis les qualités indispensables de
caractère, tu seras attiré progressivement dans la partie supérieure du travail,
jusqu'à ce qu'enfin, en t'efforçant sans relâche vers le mieux, tu te trouves
en possession des qualifications qui ouvrent la porte à l'Initiation et à
l'admission dans la Grande Fraternité Blanche elle-même. Je me souviens
que lorsque j'eu, pour la première fois, le privilège d'entrer en rapport plus
intime avec le Maitre, je lui demandais, dans une lettre, ce qu'il convenait
que je fis. Il me répondit, en substance :
"Il faut trouver vous-même un travail utile ; vous savez ce
que nous faisons ; lancez-vous dans notre travail, de
quelque manière que vous le puissiez. Si je vous donnais
à faire un ouvrage déterminé, vous le feriez certainement ;
mais en pareil cas, le Karma du travail accompli
m'échoirait, parce que ce serait moi qui vous aurais dit de
faire cette besogne. Vous n'auriez que le karma de la
bonne volonté et de l'obéissance, sans nul doute
avantageux, mais qui n'engendre pas une ligne d'action
productive. J'attends de vous que vous fixiez vous-même
votre travail pour que le karma de la bonne action vous
revienne."
Je crois que nous pourrions tous envisager cette réponse pour nous-
mêmes et nous rendre compte qu'il nous appartient non pas d'attendre que
l'on nous demande de faire quelque chose, mais bien de nous mettre au
travail. Il y a quantité d'humbles labeurs à accomplir, se rapportant à la
Théosophie. Peut-être préférions-nous la partie la plus ostensible ; par
exemple, siéger sur une estrade et faire des conférences à un large auditoire
et l'on trouve assez de gens prêts à donner leur concours ; mais il y a
beaucoup de modestes travaux de bureau nécessaires pour assurer la marche
courante de notre Société et nous ne trouvons pas toujours autant de
volontaires pour ce genre de besogne. Notre révérence et notre amour pour
nos Maitres devraient nous rendre prêts à [49] faire volontiers n'importe
quoi pour le service, si humble que soit le genre de notre contribution et
nous pouvons être assurés que nous nous mettons à leur service en
travaillant pour aider la Société que fondèrent deux d'entre eux.
Les "qualifications" à acquérir au cours du travail dans la première
partie du Sentier, pour l'admission dans la Grande Fraternité Blanche sont
nettement définies et demeurent essentiellement les mêmes, bien qu'elles
aient été désignées sous différentes appellations au cours de ces vingt-cinq
derniers siècles. Le plus récent et le plus simple exposé de ces qualifications
se trouve dans l'admirable livre de J. Krishamurti : Aux Pieds du Maitre.
Bien que cet opuscule ait été mis à la portée du monde par Krishnamurti,
les mots qu'il contient sont en presque totalité ceux du Maitre Kuthumi. "Ces
mots ne sont pas les miens" dit l'auteur, dans un avant-propos ; "ce sont les
mots du Maitre qui m'enseigna". Quand le livre fut écrit, le jeune corps
physique de l'élève n'avait que treize ans, et il était nécessaire, pour le plan
du Maitre, que les connaissances requises pour l'Initiation lui fussent
inculquées dans le plus bref délai possible. Les termes reproduits dans le
livre sont précisément ceux qu'employa le Maitre dans le but de condenser
l'essentiel de l'enseignement nécessaire sous la forme la plus simple et la
plus brève. Si ce n'avaient été les exigences de ce cas spécial, nous n'aurions
peut-être jamais eu un exposé aussi simple, concis, et pourtant complet et
très précis. Beaucoup de livres ont été décrits, détaillant les divers stades de
ce Sentier préparatoire, et la signification exacte des mots palis et sanscrits
qui y sont employés a donné lieu à d'amples controverses ; mais, dans ce
petit manuel, le Maitre fait hardiment table rase de tout cela et ne donne rien
d'autre que l'essence de l'enseignement, en l'exprimant, autant qu'il se peut
faire, en expressions modernes et tirées de notre façon de vivre actuelle.
Par exemple, il traduit les quatre qualifications Viveka, Vairagya,
Shatsampatti et Mumukshutva, par discernement, [50] absence de désir
(détachement), bonne conduite et amour. Aucune licence, si osée soit-elle,
ne peut autoriser la traduction du mot "Mumukshutva" par le mot français
"amour", le mot sanscrit signifiant simplement "désir de libération".
Apparemment, le Maitre considère que l'intense désir de libération est le
désir de s'échapper de toutes les limites de ce monde, de telle manière que,
même au milieu d'elles, il soit possible de se sentir entièrement dégagé de
tout lien. Un semblable détachement ne peut être atteint que par l'union avec
le Suprême, avec l'Unique qui est derrière tout, en d'autres termes par l'union
avec Dieu – Dieu qui est Amour. Par suite, c'est donc seulement en nous
laissant totalement pénétrer par l'Amour divin que nous pouvons atteindre à
la libération.
Il n'existe pas de plus belle ni de plus satisfaisante description des
qualifications requises que celle donnée dans Aux Pieds du Maitre, et l'on
peut dire, sans crainte de se tromper, que toute personne qui mettra
résolument en pratique les enseignements qu'il contient passera
immédiatement le portail de l'Initiation. Il a fallu un cas très exceptionnel
pour que le Maitre consacre une si grande partie de son temps à
l'enseignement direct d'un individu, mais, par l'intermédiaire de
Krishnamurti, cet enseignement a touché des dizaines de milliers d'autres
personnes et leur a été d'un secours inappréciable.
Le récit des circonstances dans lesquelles ce petit livre vint à être écrit
est assez simple. Chaque nuit j'étais chargé d'emmener ce jeune garçon, dans
son corps astral, à la maison du Maitre, afin que l'instruction voulue lui soit
donnée. Le Maitre consacrait environ un quart d'heure, chaque fois, à lui
parler ; puis, à la fin de chaque causerie, il résumait toujours les points
principaux de ce qu'il avait expliqué, soit en une seule phrase ou plusieurs
faisant ainsi un abrégé facile que l'enfant devait apprendre par cœur. Il devait
se rappeler le résumé au matin et le mettre par écrit. Le livre Aux pieds du
Maitre est composé de phrases résumant l'enseignement du Maitre dans les
propres termes employés par lui. Le jeune garçon eut quelque mal à
transmettre ces phrases, car son anglais [51] laissait, à l'époque, quelque peu
à désirer. Sachant bien ces leçons par cœur, il ne s'inquiéta guère du sort des
notes qu'il avait prises. Cependant, quelques temps après, étant allé à
Bénarès avec notre Présidente, il m'écrivit de là à Adyar, où j'étais, pour me
prier de rassembler et de lui envoyer toutes les notes de ce que le Maitre lui
avait dit. J'arrangeai alors ces notes du mieux que je pus et les recopiai à la
machine à écrire.
Il me parut alors, que ces notes étant en grande partie les paroles même
du Maitre, je ferai bien de m'assurer qu'il n'y avait eu d'erreur de
transcription. J'emportai donc chez le Maitre Kuthumi les copies que j'avais
faites à la machine et lui demandai d'avoir la bonté de les lire. Il les lut,
changea un mot ou deux par-ci, par-là, ajouta quelques mots de liaison et
d'explication et quelques autres phrases que je me rappelai lui avoir entendu
prononcer. Pui il dit :" Oui, cela parait correct, cela ira" ; mais il ajouta :
"Allons néanmoins le montrer au Seigneur Maitreya". Et nous y allâmes
ensemble, emportant les feuillets, qu'il montra à l'Instructeur du Monde lui-
même, lequel lu et approuva. Ce fut le Seigneur Maitreya qui dit : "Vous
deviez en faire un joli livre pour présenter Alcyone au monde". Il n'était
jamais entré dans notre idée de le présenter au monde ; nous n'avions pas
jugé désirable que tant de courants de pensées soient concentrés sur un
enfant de treize ans, dont l'instruction et l'éducation étaient encore à faire.
Mais, dans le monde occulte, nous faisons ce que l'on nous dit de faire et
c'est ainsi que ce livre fut confié à l'imprimeur dès le matin suivant.
Tous les inconvénients que nous avions prévus de cette publicité
prématurée se manifestèrent ; malgré tout, le Seigneur Maitreya avait raison,
et nous avions tort ; car le bien qui est résulté de ce livre dépasse infiniment
les ennuis qu'il nous occasionna. En effet, des milliers de gens nous ont écrit
pour nous dire comment leur vie entière fut changée ; comment, pour avoir
lui ce livre, toutes les choses leur devinrent différentes. Ce livre a été traduit
en vingt-sept langues ; il en a été fait quelque quarante [52] éditions, si ce
n'est plus, et plus de cent mille exemplaires en ont été tirés. Un travail
magnifique a été accompli par son intermédiaire. Et, par-dessus tout, il porte
cet imprimatur unique de l'Instructeur Mondial, et c'est bien là ce qui lui
donne le plus de valeur.
On trouve aussi d'autres ouvrages de grande utilité pour l'élève qui
s'efforce d'entrer dans le Sentier : la Voix du Silence et la Lumière sur le
Sentier nous furent donnés dans ce but, et les merveilleux ouvrages d'Annie
Besant : Vers le Temple et le Sentier du Disciple sont d'une inestimable
valeur.
Ces livres en sa possession, l'élève ne peut plus conserver aucun doute
quant à ce qu'il doit faire. De toute évidence, il doit diriger ses efforts vers
deux buts particuliers : le développement de son propre caractère et
l'entreprise d'un travail défini pour autrui. Il est clair aussi que la ligne de
conduite qui lui est tracée par ces enseignements comporte une attitude
entièrement différente envers la vie en général ; c'est ce qu'un des Maitres a
exprimé dans la phrase : "Celui qui désire travailler avec nous et pour nous
doit abandonner son propre monde et venir dans le nôtre". Ceci ne veut pas
dire, comme les étudiants de la littérature orientale sont trop souvent portés
à le croire, que l'aspirant doit abandonner le monde ordinaire de la vie et des
activités physiques, pour se retirer dans la jungle, la caverne ou la montagne,
mais cela signifie qu'il doit abandonner complètement l'attitude d'esprit du
monde pour adopter l'attitude d'esprit du Maitre. Or, l'homme ordinaire
envisage les évènements de la vie surtout en tant que ces derniers l'affectent
lui-même et ses intérêts personnels ; le Maitre, au contraire, les envisage
uniquement en tant qu'ils affectent l'évolution du monde. Tout ce qui, dans
l'ensemble, tend au progrès et à l'avancement de l'humanité le long du
Sentier qui lui est tracé, est bien et doit être encouragé ; ce qui, d'une manière
ou d'une autre, les contrarie, est mauvais, indésirable et doit être écarté ou
empêché. Est bien, ce qui aide l'évolution ; est mal, ce qui la contrarie ou la
retarde. Voilà un critérium bien différent de ceux du monde extérieur ; [53]
une pierre de touche au moyen de laquelle nous pouvons décider rapidement
ce que nous devons soutenir et ce que nous devons combattre, en
l'appliquant aussi bien aux qualités et aux défauts de notre caractère qu'aux
évènements extérieurs. Nous ne serons utiles au Maitre qu'autant que nous
pourrons travailler de concert avec lui, fut-ce de la manière la plus modeste.
Or, nous serons d'autant mieux à même de travailler de concert avec lui que
nous nous ferons semblables à lui et que nous pourrons considérer le monde
du même point de vue que le sien.
Si nous travaillons dans la même direction que le Maitre, nous entrerons
en contact de plus en plus marqué avec lui et nos pensées deviendront de
plus en plus semblables aux siennes Nous nous approcherons ainsi de plus
en plus vers lui en pensée et en activité, et par là, nous attirerons son
attention, car il surveille sans cesse le monde afin de découvrir ceux qui lui
seront utiles dans son travail. Nous ayant remarqué il ne tardera pas à nous
attirer pour nous observer de plus près et plus en détail ; le plus souvent il
nous mettra, dans ce but, en contact avec quelqu'un qui est déjà son élève. Il
est donc tout à fait inutile que nous fassions un effort personnel pour attirer
son attention.
Mme Blavatsky nous a dit que lorsqu'une personne entrait dans la
Section extérieure de la Société Théosophique, le Maitre l'examinait ; elle a
ajouté qu'en beaucoup de cas les grands Êtres guidaient les êtres vers la
Société, à cause de leurs vies passées. Ils savent donc bien des choses à notre
sujet, avant que nous ne sachions rien d'eux. L'Adepte n'oublie jamais rien ;
il semble toujours en pleine possession de ce qui lui est advenu, de sorte que
s'il vient à jeter un coup d'œil, même des plus fugitifs, sur quelqu'un, il ne
l'oubliera jamais plus à partir de ce moment. Lorsqu'une personne entre dans
l'École Intérieure, alors un lien défini est formé, non pas directement encore
avec un Adepte, mais tout d'abord avec le Chef extérieur de l'École et, par
son intermédiaire, avec son maitre à lui, qui est le Chef intérieur.
Le lien ainsi créé avec le Chef extérieur est élargi et [54] renforcé à
chacun des stages se succédant dans l'École. Il n'y a qu'un léger lien dans les
périodes stagiaires, quelque chose de plus défini survient avec la prestation
du serment de l'École, et ceux qui prennent les serments des degrés
supérieurs s'approchent encore un peu plus près. Ceci se manifeste surtout
par l'élargissement de la ligne de pensée unissant chaque membre de l'École
avec son Chef Extérieur, parce qu'il pense constamment à lui dans sa
méditation. Ceci maintient le lien brillant et solide.
Le Chef, de son côté, est devenu un avec son Maitre ; par conséquent
se lier avec ce Chef est, dans ce sens se lier avec le Maitre. Tous ceux qui
appartiennent à l'École Intérieure sont ainsi en contact avec son Chef direct,
le Maitre Morya, malgré qu'ils travaillent fréquemment dans d'autres voies
que la sienne et qu'ils deviendront élèves d'autres Maitres quand ils seront
admis en Probation. Dans ce dernier cas, d'ailleurs, ils pourront recevoir
néanmoins l'influence de leur Maitre à venir par ces intermédiaires, car les
Adeptes quoique vivant très éloignés les uns des autres dans leur corps
physique ont entre eux un contact si étroit qu'être en rapport avec l'un d'eux
revient, en réalité, à être relié à tous. Cela nous semble une raison bien
indirecte ; mais elle l'est beaucoup moins que nous ne le pensons, à cause de
la très étroite union qui existe entre les grands Êtres sur les niveaux
supérieurs.
À ces premiers stades d'union au moyen du Chef Extérieur, le Maitre,
s'il le désire, peut dans une certaine mesure, agir par l'intermédiaire d'un
membre quelconque, bien que ce soit un peu en dehors de ses habitudes
d'envoyer sa force à travers un canal non spécialement préparé. Le Maitre a,
en effet, une certaine conscience des actes de ceux qui sont dans son école.
Cette conscience se manifeste quelquefois par l'envoi d'une pensée
encourageante au cours du travail qu'ils accomplissent pour lui. Je l'ai vu
notamment utiliser un membre de l'école, qui faisait une conférence en lui
suggérant d'exposer à ses auditeurs un nouvel aspect de la question traitée.
Évidemment, [55] il agit ainsi et beaucoup plus fréquemment avec ses
élèves ; mais il l'a fait certainement avec d'autres.
Quand l'étudiant aura compris tout cela, il ne demandera plus : "Que
puis-je faire pour attirer l'attention du Maitre ?" Il saura qu'il est tout à fait
inutile d'essayer d'attirer son attention et qu'il n'y a aucune raison de craindre
que personne ne puisse être oublié. Je me souviens très bien, à ce propos,
d'un incident advenu au début de mes rapports avec les grands Êtres. Je
connaissais, sur le plan physique, un homme d'une vaste érudition et d'une
grande pureté de vie, qui croyait fermement à l'existence des Maitres et
consacrait sa vie à l'unique objet de se qualifier pour leur service. Il me
semblait si bien préparé de toutes manières, pour faire un parfait disciple, si
visiblement supérieur à moi sous maints rapports que je ne pouvais
comprendre pourquoi sa valeur n'avait pas encore été reconnue ; aussi, étant
nouveau et ignorant encore dans le travail, certain jour l'occasion s'offrit,
très humblement et pour ainsi dire en m'excusant, je mentionnai son nom au
Maitre, en suggérant que cet homme serait peut-être un bon instrument. Le
Maitre eut un bon sourire amusé et me dit : "Ah ! n'ayez aucune crainte que
votre ami soit négligé ; personne ne peut jamais être oublié ; mais, dans le
cas dont vous parlez, il reste à épuiser certain karma, qui ne permet pas, pour
le moment, d'accepter votre suggestion. Bientôt votre ami quittera le plan
physique et bientôt il reviendra de nouveau ; alors l'expiation sera complète
et ce que vous désirez pour lui sera devenu possible".
Puis, avec sa douce bonté, toujours si prête à se manifester, il fondit ma
conscience avec la sienne d'une manière encore plus intime et l'éleva d'une
manière encore plus intime et l'éleva jusqu'à un plan bien au-dessus de celui
que je pouvais alors atteindre et de cette hauteur, il me montra comment les
grands Êtres observent le monde. La terre entière s'étendait au-dessous de
nous avec ses millions d'âmes, non développées pour la plupart, et par la
suite, à peine visibles.
Mais, partout où, au milieu de cette énorme multitude, il se trouvait une
âme [56] qui approchât, fût-ce même de fort loin, du point auquel elle pût
être utilisée, cette âme se discernait, au milieu des autres, comme la flamme
d'un phare dans l'obscurité de la nuit. "Vous voyez maintenant, dit le Maitre,
à quel point il serait impossible d'oublier quelqu'un qui aurait les titres les
plus lointains à son admission comme probationnaire."
Tout ce que nous pouvons faire, de notre côté, est de travailler sans
relâche à l'amélioration de notre caractère et de nous efforcer, par tous les
moyens possibles – études des ouvrages théosophiques, développement
personnel et dévouement tout désintéressé au bien des autres – de nous
rendre digne de l'honneur auquel nous aspirons, gardant au fond de notre
esprit l'absolue certitude que, dès que nous sommes prêts, nous serons
acceptés, sans aucun doute possible. Mais, jusqu'à ce que nous puissions être
utilisés avec profit, c'est-à-dire jusqu'à ce que l'énergie dépensée par nous
produise, par son actions, un résultat au moins égal à celui qui pourrait être
obtenu en employant la même énergie d'une autre manière, jusqu'à ce
moment ce serait, de la part du Maitre, une violation de son devoir que de
nous attirer en contact étroit avec lui.
Nous pouvons être certains qu'il n'existe aucune exception à cette règle,
alors même que nous pourrions penser que nous en avons constaté. Tel
homme peut être mis en probation par un Adepte. Pendant qu'il possède
encore certains défauts apparents ; mais soyons surs qu'en pareil cas cet
homme a de solides qualités sous la surface qui compensent et bien au-delà
ses défauts superficiels. Les Grands Maitres de la Sagesse ont, comme nous,
une longue succession de vies derrière eux, et ils ont, au cours de ces vies,
formé certains liens karmiques ; aussi, il advient parfois que telle personne
a certains droits sur eux pour quelque service rendus il y a bien longtemps.
Dans la série des vies passées que nous avons examinées, nous avons
quelquefois rencontré des exemples de liens karmiques de cette nature.
Souvenons-nous aussi, que chacun de nous médite [57] sur le Maitre
crée un lien défini avec lui, lequel apparait, à la vision du clairvoyant,
comme une sorte de ligne lumineuse. Le Maitre ne manque pas de ressentir,
dans sa conscience, la vibration de cette ligne et d'envoyer, en réponse, un
puissant courant de magnétisme, dont l'action se prolonge longtemps après
la méditation. La pratique journalière de la méditation et de la concentration
est ainsi du plus grand secours à l'aspirant et la régularité est un des facteurs
les plus importants pour obtenir le résultat cherché. On doit l'entreprendre
journellement à la même heure et persévérer fermement, même si l'on
n'observe pas de résultat sensible. Dans ce dernier cas, il convient d'éviter
soigneusement le découragement qui empêche en partie l'influence du
Maitre d'agir sur nous ; d'ailleurs, un sentiment de dépression serait la
preuve que nous pensons davantage à nous-même qu'au Maitre.
On se demande très souvent : "Pourquoi le Maitre ne se sert-il pas de
moi ? Je suis si plein d'ardeur et je lui serais si dévoué. Je désire tant qu'il
m'utilise et qu'il m'enseigne. Pourquoi ne le fait-il pas ?" Il peut y avoir à
cela maintes raisons. Peut-être la personne qui pose ces questions a-t-elle
quelque défaut marquant, lequel est par lui-même un motif suffisant ; assez
souvent, j'ai le regret de le dire, ce défaut c'est l'orgueil. Une personne peut
avoir une opinion si haute d'elle-même, qu'il soit impossible de lui donner
l'enseignement désiré. Très souvent dans notre civilisation moderne, le point
faible est l'irritabilité : tel excellent et digne individu a, d'habitude, les nerfs
surexcités de telle manière que le Maitre ne peut songer à l'attirer en contact
permanent avec lui. D'autre fois l'empêchement est la curiosité, certains
seront surpris qu'on puisse voir là un sérieux défaut ; il en est ainsi pourtant
de la curiosité concernant les affaires d'autrui comme de son propre
avancement occulte. Il serait tout à fait impossible au Maitre d'attirer près
de lui quelqu'un qui aurait ce défaut. Un autre empêchement fréquent est la
disposition à s'offenser ; mais l'aspirant vertueux et plein d'ardeur s'offense
si facilement qu'il ne peut être pratiquement d'aucune utilité dans le travail
[58] pour la raison qu'il n'arrive pas à s'entendre avec les autres. Il devra
attendre qu'il ait appris à s'adapter et à coopérer avec qui que ce soit.
Beaucoup de ceux qui posent la question rappelée plus haut ont des
faiblesses de cette nature et n'aiment pas qu'on les leur fasse remarquer, car
ils croient généralement n'avoir aucun défaut sérieux et préfèrent penser
qu'on se trompe si l'un d'eux leur est signalé. Il y a pourtant quelques cas
assez rares de personnes ayant su profiter de l'avertissement. Je me souviens
notamment, que dans une ville américaine, une dame vint me voir et me
posa cette question : "Qu'y a-t-il donc qui n'aille pas en ce qui me concerne ?
Pourquoi le maitre ne m'appelle-t-il pas près de lui ?" – "Voulez-vous
réellement le savoir ?" Demandais-je. Elle désirait tellement savoir, et me
conjura de l'examiner occultement, par clairvoyance, ou de quelque autre
façon que je jugerais utile, d'examiner aussi tous ses véhicules et ses vies
passées et d'en tirer la conclusion. Je la pris au mot et lui dit : "Eh bien !
Puisque vous voulez le savoir, il y a trop d' "égo" dans votre "cosmos". Vous
ne pensez qu'à vous-même et pas assez au travail à accomplir".
Il va s'en dire qu'elle fût terriblement offensée ; elle s'élança hors de la
pièce en me disant qu'elle avait une piètre idée de ma clairvoyance.
Cependant, cette dame eut le courage de revenir, deux ans plus tard, me
dire : "Ce que vous m'aviez dit n'était que trop vrai et je vais travailler ferme
à me corriger." J'ai assisté bien des fois à semblable épisode, mais le cas
rapporté est le seul où la personne intéressée soit revenue vers moi en
reconnaissant sa faiblesse.
Tout rapporter à soi est un autre défaut très répandu à l'heure présente.
La personnalité que nous n'avons cessé d'édifier pendant des milliers
d'années a pris, avec de la force, l'habitude de s'imposer et c'est une des
tâches les plus ardues que celle de renverser pareille attitude et de forcer la
personnalité à prendre l'habitude de considérer les choses du point de vue
d'autrui. Si nous voulons [59] arriver jusqu'au Maitre, il nous faut
assurément quitter le centre de notre propre cercle, comme je l'ai expliqué
dans l'Occultisme dans la Nature.
Cependant, il arrive quelque fois que ceux qui nous posent la question
n'ont pas de défaut particulièrement prononcé et, après les avoir examinés
par clairvoyance, on ne peut que leur dire : "Je n'aperçois aucune raison bien
spéciale, aucun défaut caractérisé vous retenant en arrière ; mais il faudrait
vous perfectionner un peu plus dans l'ensemble". C'est là un conseil peu
agréable à donner, mais telle est la situation : ces Égos ne sont pas
suffisamment avancés et ils ont à progresser pour devenir dignes d'être
appelés. En effet, se mettre, vis-à-vis du travail, dans l'attitude qu'adopte le
Maitre lui-même, demande une réelle force de caractère, par ce que, outre
les défauts que nous pouvons avoir encore à corriger, nous avons à lutter
contre la pression des pensées de notre ambiance.
Ceux qui se bornent à se laisser porter par le courant de l'évolution
auquel nous aspirons et auront la tâche d'avancement auquel nous aspirons
et auront la tâche beaucoup plus aisée, car l'opinion générale, à cette période,
sera en harmonie avec les idéaux théosophiques. Tandis qu'actuellement
nous avons résisté contre ce que le chrétien appellerait "la tentation", c'est-
à-dire l'énorme et continue pression de l'opinion extérieure, celle des
millions de gens autour de nous qui n'ont guère que des pensées
personnelles. Faire front à cette pression exige un réel effort, un vrai courage
et une inlassable persévérance. Cette tâche, nous devons l'accomplir sans
lâcher pied et quoique nous soyons exposés à défaillir et à tomber à maintes
fois, nous ne perdrons pas confiance : nous nous relèverons chaque fois pour
essayer d'avancer toujours un peu plus.
Les [60] corps astral et mental de l'aspirant doivent manifester
continuellement quatre ou cinq fortes et éclatantes émotions : entre autres,
l'amour, le dévouement, la sympathie, l'aspiration intellectuelle. Mais, au
lieu d'un petit nombre de grandes émotions vibrant splendidement avec des
claires et belles couleurs, on voit généralement des corps astrals tâchés,
souvent sur toute la surface, de tourbillons rouges, bruns, gris, noirs, au
nombre d'une centaine ou davantage, ressemblant assez à ce que serait, sur
le corps physique, un amas de verrues empêchant la peau d'être sensible
comme elle le doit. Le candidat doit faire en sorte que ces excroissances
disparaissent, c'est-à-dire que l'habituel enchevêtrement de mesquines
émotions soit entièrement dissipé.
Il ne peut y avoir de demi-mesure sur le Sentier. Beaucoup sont dans la
position d'Ananias et de Sapphira, tant diffamés. Ceux-ci, très enthousiastes
et désirant donner tout ce qu'ils pouvaient, crurent devoir – ce qui est assez
naturel et ne saurait être sérieusement critiqué –, conserver quelque bien en
réserve pour le cas où le jeune Mouvement chrétien échouerait. On ne peut
les blâmer d'avoir agi ainsi ; mais ce qui était mal et leur fit beaucoup de
tort, c'est de ne pas avoir admis qu'ils avaient gardé quelque chose et
prétendu tout donné. Beaucoup de personnes suivent leur exemple ; j'espère
que l'histoire n'est pas vraie cependant parce que l'apôtre fut certainement
sévère à leur sujet.
Nous ne donnons pas tout, mais retenons un peu de nous-mêmes – je ne
veux pas dire de notre argent mais de nos sentiments personnels intimes –
et cela nous retient éloignés du Maitre. En occultisme, il ne peut y avoir de
compromis. Nous devons suivre le Maitre sans réserve, et ne pas nous dire
en nous-mêmes : "Je suivrai le Maitre pour autant qu'il ne me demande pas
de travailler avec telle ou telle personne ; je suivrai le Maitre à condition que
mon travail soit apprécié et mentionné". Nous ne devons pas poser de
conditions. Cela ne veut pas dire que nous devons abandonner nos devoirs
ordinaires du plan physique, mais simplement que notre être entier doit être
à la disposition du Maitre. Nous devons être prêts à abandonner quoi que ce
soit, à aller n'importe où, non à titre d'épreuve, mais parce que l'amour du
travail est la grande chose de notre vie.
CHAPITRE IV

PROBATION

C'est dans les rangs des étudiants ardents et travailleurs, de la catégorie


dont nous venons de parler, qu'en bien des occasions le maitre a choisi ses
élèves. Mais avant de les accepter définitivement, il prend des précautions
particulières pour s'assurer qu'ils sont réellement de ceux avec qui il peut
entrer en contact intime ; et c'est là le but du stage appelé probation. Quand
le Maitre juge un homme comme élève possible, il demande habituellement
à quelqu'un avec qui il est déjà étroitement lié, de lui amener astralement
pour ce premier pas ; le Maitre donne quelque avis, dit au nouvel élève ce
qu'on attendra de lui et souvent son amabilité trouve quelques raisons de le
féliciter du travail qu'il a déjà accompli.
Il fait alors une image vivante de l'élève ; autrement dit, il moule en
matière mentale, astral et éthérique, une exacte contrepartie des corps
causal, mental, astral et éthérique du néophyte, et garde cette image à sa
portée afin de pouvoir l'observer périodiquement. Chaque image est reliée
magnétiquement à la personne qu'elle représente, de telle manière que toute
variation des pensées ou sentiments s'y reproduit exactement par vibration
sympathique ; ainsi par un simple regard jeté sur l'image, le Maitre peut voir
tout de suite si depuis la dernière fois qu'il l'a vue, un trouble quelconque est
survenu dans les corps qu'elle représente ; il voit par exemple, si le sujet a
perdu son égalité d'âme, est devenu la proie de sentiments impurs ; s'il s'est
abandonné au souci, au découragement ou à toute autre faiblesse de ce
genre. C'est seulement après avoir constaté qu'aucune agitation sérieuse,
pendant une longue période, n'a envahi le les véhicules représentés par
l'image, qu'il laissera entrer l'élève en relation plus intime avec lui.
Quand l'élève est accepté, il doit entrer en union avec son Maitre d'une
manière plus intime que nous ne [62] pouvons l'imaginer ou comprendre ;
de son côté le Maitre s'efforce de fusionner l'aura de l'élève avec la sienne
afin qu'à travers leur fusion ses forces soient constamment agissantes, sans
attention spéciale de sa part. Mais un rapport aussi intime ne saurait agir
dans une direction unique ; si parmi les vibrations de l'élève il s'en trouvait
quelques-unes qui puissent amener des perturbations dans les corps astral et
mental de l'Adepte, comme ces vibrations réagissent sur lui, l'union
envisagée serait impossible. Dans ce cas, l'aspirant élève devrait attendre
d'être débarrassé de ces vibrations. L'élève probationnaire n'est pas
nécessairement meilleur que d'autres personnes qui ne sont pas en probation,
il est seulement plus apte sous certains rapports au travail du Maitre, et il est
sage de le soumettre à l'épreuve du temps. Beaucoup, en effet, emportés par
l'enthousiasme et pleins d'ardeur pour le service semblent, au début, donner
de belles espérances ; malheureusement, après un certain temps, ils se
lassent et retournent en arrière. Le candidat doit vaincre toutes les faiblesses
émotionnelles qu'il peut avoir, et continuer à travailler sans défaillance
jusqu'à ce qu'il devienne suffisamment calme et pur. Quand, après une
longue période, il n'y a pas eu de sérieuses perturbations dans l'image
vivante, le Maitre peut se rendre compte que le temps est venu d'attirer
utilement l'élève plus près de lui.
Il ne faut pas croire que l'image vivante n'enregistre que des défauts ou
des perturbations ; elle reflète la condition entière de la conscience astrale
et mentale de l'élève ; par suite elle devrait enregistrer aussi beaucoup de
bonté et de joie et faire rayonner la paix sur la terre et la bienveillance sur
les hommes. N'oublions jamais qu'une bonté passive ne suffit pas, mais que
pour avancer, une bonté active est nécessaire. Ne rien faire de mal, est déjà
beaucoup ; mais rappelons-nous qu'il est écrit de notre grand Modèle : "Il
allait, faisant partout le bien".
Lorsqu'un élève en probation fait quelque chose d'exceptionnellement
bien, le Maitre porte à l'instant un peu plus d'attention sur lui et, s'il le juge
opportun, lui [63] envoie un flot d'encouragements d'un certain genre, ou
encore place sur son chemin quelque tâche pour voir comment il la remplira.
Plus souvent néanmoins, il délègue ce soin à l'un des élèves plus âgé. On
pense que nous offrons au candidat des occasions d'agir. Ce serait assumer
une sérieuse responsabilité, car si le candidat met à profit l'occasion d'aider,
c'est bien ; s'il ne le fait pas, c'est un mauvais point pour lui. Nous aimerions
souvent offrir des occasions aux intéressés, cependant nous hésitons malgré
le bien qu'ils pourraient en retirer, parce que s'ils les laissaient s'échapper,
leur tâche ultérieure deviendrait un peu plus difficile la fois suivante. On
voit, par conséquent, que le lien unissant l'élève à son Maitre consiste,
principalement de la part de ce dernier, à observer l'élève et à l'utiliser peut-
être de temps à autre. Les Adeptes n'ont pas pour habitude de recourir à des
épreuves spéciales ou sensationnelles, et généralement, quand un adulte est
mis en probation, on le laisse suivre le cours ordinaire de sa vie et la manière
dont l'image vivante reproduit sa réponse aux épreuves et problèmes du jour
fournit une indication suffisante de son caractère et de ses progrès. Quand
le Maitre conclut, de cette observation, que la personne fera un disciple
satisfaisant, il l'attire plus près de lui et l'accepte. Parfois quelques semaines
suffisent pour amener cette décision ; d'autres fois, la période nécessaire se
prolonge plusieurs années.
En raison du caractère exceptionnel de notre époque, beaucoup de
jeunes gens ont été mis en probation au cours de ce dernières années, ce dont
leurs parents, ainsi que certains membres de la Société ont été parfois
étonnés, en songeant que malgré leurs sacrifices sincères et leurs travaux
poursuivis souvent pendant vingt, trente ou même quarante ans, ils ne sont
pas appelés, alors que des jeunes sont choisis. L'explication en est simple.
C'était votre karma de travailler tout ce temps à vous préparer ;
justement parce que vous êtes de bons et anciens membres de la Société,
vous avez attiré quelques-unes des âmes qui, au cours d'incarnations [64]
antérieures, étaient parvenus à s'élever à un niveau supérieur de
développement, de sorte que dans cette nouvelle vie, elles sont pour vous,
nées comme étant vos enfants ; aussi ne devriez-vous pas être surpris si
parfois vous trouvez que ceux qui sont physiquement vos enfants, sont
cependant sur des plans supérieurs, d'un développement beaucoup plus
ancien que le vôtre. Ne soyez donc pas étonnés si un jeune garçon ou une
jeune fille parvient d'emblée à des relations étroites avec un Maitre –
relations telles que vous n'eussiez pas osé les rêver pour vous-mêmes,
malgré vos nombreuses années de méditation et de rude travail. Il est
possible que votre enfant soit capable de planer au-dessus de vous, mais c'est
précisément parce qu'il a cette capacité, que sa naissance et sont éducation
vous ont été confiées, à vous qui avez étudiée et travaillé si longtemps sur
les voies théosophiques. Dans le cours de cette étude, vous devez avoir
appris à être des parents idéals – le genre de parents requis pour le corps
d'un égo avancé. Donc, au lieu d'être perplexes ou surpris, vous devriez vous
réjouir pleinement d'avoir été reconnus dignes de guider ici-bas les pas de
quelqu'un qui sera un jour parmi les Sauveurs du Monde.
Peut-être aussi vous étonnez-vous que des enfants puissent apprécier
l'honneur qui leur est fait, en saisir la splendeur et la gloire ; n'oubliez pas
que c'est l'égo qui est initié, l'égo qui est pris comme élève. Il est vrai qu'il
doit être arrivé au contrôle de ses véhicules inférieurs, que ces derniers
devraient être dans une très large mesure une expression de lui-même, afin
qu'ils ne soient pas un obstacle au travail qui l'attend ; car c'est l'égo qui doit
effectuer ce travail et acquérir ce développement, et vous ignorez jusqu'à
quel point déjà il y est parvenu dans une vie précédente. Beaucoup d'âmes
qui arrivent en incarnation à notre époque sont hautement évoluées dont est
composé la grande phalange des disciples qui se tiennent autour d'un
Instructeur du Monde. Ceux qui deviennent élèves de bonne heure dans cette
vie, peuvent fort bien [65] l'avoir été déjà durant de longues années, au cours
d'une vie précédente, et pour nous, les ainés, le plus grand privilège que nous
puissions avoir est de nous trouver associés à ces jeunes êtres, car en leur
donnant par l'éducation les moyens de seconder plus parfaitement l'œuvre
du Seigneur sur terre, à travers eux nous y participons. Au chapitre intitulé
"Nos rapports avec les enfants", dans l'Occultisme dans la Nature, je me
suis étendu longuement sur ce qui est nécessaire à l'éducation des enfants,
afin qu'ils puissent conserver tout ce qu'il y a de meilleur dans ce qu'ils
apportent de leur passé et amener à leur pleine floraison beaucoup des belles
caractéristiques de leur nature, détruites le plus souvent, hélas, par
l'incompréhension des ainés. Dans ce même chapitre, j'ai parlé des effets
dévastateurs que produisent chez les enfants la brutalité et la cruauté ; à ce
sujet, je voudrais ajouter ici le récit d'une expérience qui pourra mettre en
lumière les indicibles et terribles conséquences qui résultent parfois des
effets de la cruauté. Les parents qui ont des enfants à l'âge d'être envoyés à
l'école, ne sauraient s'entourer de trop de précautions, ni prendre trop de
renseignements avant de les confier à un instituteur, de peur qu'un tort
irréparable ne soit causé aux petits être dont ils sont responsables.
Il y a quelque temps un exemple très frappant des malheurs qui peuvent,
dans certains cas, être occasionnés par la brutalité, vint attirer mon attention
d'une façon spéciale. J'avais le très grand honneur d'assister à l'Initiation de
l'un de nos jeunes membres ; l'Initiateur était dans la circonstance, le
Seigneur Maitreya Lui-même. Au cours de la cérémonie, le candidat devait,
selon l'usage, répondre à de nombreuses questions ayant trait surtout à la
manière la plus efficace de venir en aide dans des cas difficiles ou
inaccoutumés ; et un sujet d'un certain homme qui l'avait traité avec une
dureté et une cruauté épouvantables, dans sa petite enfance, une
interrogation spéciale fut ajoutée pour savoir s'il avait pardonné et s'il
pouvait lui venir en aide. L'Initiateur fit l'image [66] d'une aura présentant
le plus merveilleusement possible de délicates petites choses, autrement dit
des touches ou traits, d'un ravissant coloris, d'une luminosité brillant sur
toute sa surface et de telle manière que ces choses semblaient, pour ainsi
dire, jaillir d'elle puis s'y fondre de nouveau ; et il dit :
"Vous voyez là, la semence des plus hautes et des plus
nobles qualités de l'espèce humaine – semence fragile,
délicate comme un fil de la Vierge, ne pouvant se
développer que dans une atmosphère du plus profond et
du plus pur amour, sans un soupçon de peur ou de
contrainte. Celui qui, préparé par ailleurs, peut développer
et porter à maturité cette semence atteindrait l'Adeptat
dans cette vie même. Voilà le sort que nous avions espéré
pour vous : vous voir devenir un grand Adepte ; mais ceux
à qui je vous ai confié – parce qu'ils vous avaient consacré
à mon service, avant même votre naissance – ceux-là, dis-
je, vous ont abandonné entre les mains de cet individu qui
s'est montré si complètement indigne d'une telle
confiance. Telle était votre aura avant que la souillure de
sa méchanceté soit tombée sur vous ; voyez maintenant ce
qu'en fit sa cruauté".
L'aura se transforma alors, en se tordant horriblement et, quand elle
redevint immobile, toutes les belles touches si délicates avaient disparu : à
leur place on voyait d'innombrables cicatrices. Le Seigneur expliqua que le
mal perpétré ne pourrait pas être annulé au cours de la vie présente, et il
ajouta :
"Vous ne m'en aiderez pas moins ; j'espère vous voir
atteindre dans cette vie le rang d'Arhat, mais pour la
perfection définitive nous devrons attendre encore
quelque temps. À nos yeux, il n'existe pas de plus grand
crime que celui de mettre ainsi obstacle aux progrès d'une
âme."
Lorsque le candidat vit l'aura se tordre et se durcir, lorsqu'il vit toutes
ces belles promesses impitoyablement détruites par la brutalité de cet
homme, il ressentit de nouveau pendant un instant, ce qu'il avait à peu près
oublié : l'angoisse du petit garçon renvoyé de la maison de ses parents, la
peur toujours planant et le serrement de cœur, l'incroyable horreur, la
sensation de violents [67] outrages qu'on ne peut éviter, sans pouvoir
demander justice, l'impuissance sous l'étreinte d'un tyran cruel, la vive
perception de sa malfaisante injustice ; cela, sans aucun espoir, sans un point
d'appui dans l'abime, sans Dieu à qui faire appel. À cette vie, moi qui
observais, je compris la tragédie de l'enfance et pourquoi ses effets ont une
immense portée.
Ce n'est pas seulement à l'approche de l'Adeptat que cet odieux péché
de cruauté envers les enfants entrave le progrès. Toutes les qualités
supérieures nouvelles que la race Aryenne devrait actuellement développer
apparaissent en bourgeons légers et délicats, d'une nature semblable aux
qualités qui viennent d'être décrites, bien qu'elles se montrent à un niveau
inférieur. Dans des milliers de cas la fleur est anéantie dans son bouton sans
pitié, par la dureté insensée de parents ou d'instituteur ; et c'est ainsi que
beaucoup de bonnes personnes restent sur un même niveau à travers
plusieurs incarnations, tandis que leur bourreaux renaissent dans des races
inférieures. Il y a certainement beaucoup d'égos encore bien au-dessous des
hauts sommets de l'Initiation, qui venant en incarnation, se développent
néanmoins rapidement et ont besoin maintenant d'ajouter à leurs qualités
quelques-unes des qualités propres à ces nouveaux développements plus
délicats ; or, pour cet avancement projeté, toute brutalité leur serait
également fatale.
Jusqu'à la circonstance qui vient d'être rapportée, je ne savais pas que
la dernière vie, au cours de laquelle l'Adeptat est atteint, exige pendant
l'enfance un entourage absolument parfait ; mais la logique de cette idée est
évidente dès que nous est suggérée la nécessité de cette condition qui
probablement aussi est une des raisons pour lesquelles si peu d'étudiants
parviennent à l'Adeptat dans des corps européens, car à ce sujet l'Europe est
en retard sur le reste du monde. Quoi qu'il en soit, il est aisé de comprendre
qu'il ne peut résulter que du mal de cette épouvantable habitude de cruauté
envers l'enfance. Nos membres ont le strict devoir de travailler à sa
suppression partout où cela leur est possible [68] et doivent, comme je le
disais tout à l'heure, veiller avec le plus grand soin à ce qu'aucun enfant dont
ils sont plus ou moins responsable, ne soit jamais soumis aux dangers de
cette forme particulière de crime.
Le Seigneur Maitreya a été souvent appelé l'Instructeur des Dieux et
des hommes, ce que nous exprimons parfois d'une autre manière en disant
que, dans le grand royaume spirituel, il est le Ministre de la religion et de
l'éducation. Cela ne signifie pas seulement qu'à certains intervalles, quand il
juge opportun, il s'incarne lui-même, ou qu'il délègue un élève pour exposer
l'éternelle vérité de quelque nouvelle manière – comme nous dirions, "pour
fonder une nouvelle religion". Tout à fait en dehors de cela, il a constamment
la charge de toutes les religions, et tout ce qui est neuf et beau, ressortant de
l'enseignement de l'une quelconque de ces religions, récente ou ancienne,
est toujours inspiré par lui.
Nous savons peu de chose des méthodes d'instruction mondiale qu'il a
choisies ; il y a de nombreux modes d'enseignement en dehors de la parole,
et de toute évidence c'est son effort constant et quotidien qui parvient à
élever les conceptions intellectuelles de millions d'anges et d'hommes.
Son bras droit, dans tout cet admirable travail, est son disciple et
successeur désigné, le Maitre Kuthumi, exactement comme l'adjoint et
successeur désigné du Seigneur Vaïvasvata Manou est le Maitre Morya.
Alors, précisément parce que le Maitre Kuthumi est l'instructeur idéal, c'est
à lui que nous devons conduire ceux qui doivent être mis en probation ou
présentés à l'acceptation dans un âge précoce. Il est possible que plus tard
dans leur vie, ils soient utilisés par d'autres Maitres pour d'autres parties du
travail ; mais obligatoirement, ils débutent tous – ou presque tous – sous la
tutelle du Maitre Kuthumi. C'est une partie de ma tâche depuis de longues
années d'essayer de conduire dans les voies droites tout jeune élève que le
Maitre considère comme donnant des espérances ; il les met en contact avec
moi sur le plan physique et me donne habituellement de brèves instructions
[69] concernant les qualités qu'il désire voir développer et aussi la manière
dont je dois instruire chacun d'eux. Naturellement, dans son infinie sagesse,
il n'agit pas avec ces jeunes cerveaux et ces jeunes corps exactement comme
il le ferait avec de plus âgés. Laissez-moi citer ces lignes d'un compte rendu
de la mise en probation de trois de nos jeunes élèves.

ENTRÉE EN PROBATION

Nous trouvâmes le Maitre Kuthumi assis sous la véranda de sa maison,


et lorsque je lui présentai mes jeunes compagnons, il leur tendit la main. Le
premier du groupe mit gracieusement un genou en terre, baisa la main du
Maitre et à partir de ce moment resta agenouillé, pressé contre le genou du
Maitre. Les autres tenaient les yeux fixés sur les siens, et leur âme toute
entière brillait dans leurs regards. Le Maitre sourit divinement et leur dit :
"Je vous accueille avec un plaisir tout particulier ; tous,
vous avez collaboré avec moi dans le passé et j'espère que
vous le ferez maintenant. J'ai besoin que vous soyez des
nôtres avant que le Seigneur paraisse, aussi je m'occupe
de vous de très bonne heure. Rappelez-vous que ce que
vous désirez entreprendre est la plus glorieuse de toutes
les tâches ; mais elle n'est pas facile, parce qu'il vous faut
acquérir un contrôle parfait sur ces petits corps ; vous
devez vous oublier vous-mêmes complètement et vivre
uniquement pour le bonheur des autres et pour l'œuvre
qu'il nous est demandé de faire".
Mettant sa main sous le menton de l'enfant qui était agenouillé, il dit
avec un beau sourire :
"Pouvez-vous faire cela ?"
Et tous répondirent qu'ils essaieraient. Alors le Maitre donna
successivement à chacun d'eux quelques précieux conseils personnels et leur
demanda séparément à chacun :
"Veux-tu essayer de travailler dans le monde sous ma
direction ?"
À quoi chacun répondit :
"Je le veux".
Puis, il attira en face de lui le premier enfant, lequel [70] s'agenouilla
de nouveau, et posant ses deux mains sur sa tête, il lui dit :
"Dès ce moment, je te prends comme mon élève en
probation, et j'espère que bientôt tu entreras en alliance
plus étroite avec moi, aussi je te donne ma bénédiction,
afin que tu puisses la passer aux autres."
Tandis qu'il parlait, l'aura du jeune garçon s'agrandissait
prodigieusement, et les couleurs de l'amour et de la dévotion brillaient d'un
feu de vie ; l'enfant dit alors :
"O Maitre, rendez-moi réellement bon ; rendez-moi digne
de vous servir."
Mais le Maitre reprit en souriant :
"Toi seul peux faire cela, mon cher enfant ; mais mon aide
et ma bénédiction seront toujours avec toi."
Puis il attira les deux autres jeunes garçons et procéda pour chacun
d'eux à la même cérémonie très simple ; les deux auras s'agrandirent et
devinrent plus fermes et plus régulières au fur et à mesure qu'en réponse au
Maitre les deux enfants s'exaltaient d'une manière vraiment merveilleuse.
Ensuite le Maitre se leva et entraina les jeunes gens.
"Maintenant, venez avec moi et voyez ce que je vais
faire".
Groupé, nous descendîmes tous ensemble le sentier descendant jusqu'au
pont jeté sur la rivière. Le Maitre nous emmena dans le souterrain et montra
aux jeunes garçons les images vivantes de tous les élèves probationnaires,
puis il dit :
"Maintenant, je vais former vos images."
Et, devant leurs yeux, il les matérialisa, ce à quoi ils prirent le plus vif
intérêt.
"Suis-je ainsi ?"
dit l'un deux, d'une voix respectueuse et craintive.
Dans l'une des images il y avait un reflet de matière rougeâtre, et le
maitre, jetant un coup d'œil enjoué à l'original, lui dit :
"Qu'est-ce que cela ?"
"Je ne sais pas",
répondit le jeune garçon ;
mais je pense qu'il l'avait deviné, car c'était le résultat d'une tension
émotionnelle durant la nuit précédente. Le Maitre indiqua à ses trois
nouveaux élèves les coloris et les dispositions changeants dans les auras,
leur en apprit la [71] signification et que lui, le Maitre, désirait voir changer.
Il les assura qu'il regarderait ces images chaque jour pour voir comment
elles s'affineraient et qu'il espérait les voir se modifier de telle manière
qu'elles puissent devenir agréables à regarder. Puis, il donna sa bénédiction
finale.
*
Dans le cas de personnes plus âgés mises en probation, elles doivent
pour la plupart trouver elles-mêmes le travail qui leur convient le mieux ;
mais, en ce qui concerne les plus jeunes, le Maitre place parfois sur leur
chemin un travail bien défini, et observe comment il est fait. Il condescend
quelquefois à envoyer des messages spéciaux d'encouragement et
d'enseignement, et même à donner des conseils particuliers pour leur
éducation. Pour la conduite des autres jeunes élèves qui désirent suivre le
même Sentier, des extraits de quelques-uns de ces messages sont données
ci-après :
CONSEIL DU MAITRE

"Je sais que votre unique but dans la vie est de servir la
Fraternité ; cependant, n'oubliez pas qu'il y a devant vous
de plus hauts degrés à gravir, et que le progrès sur le
Sentier exige une vigilance toujours en éveil. Non
seulement vous devez être toujours prêts à servir, mais
vous devez guetter constamment les occasions – que dis-
je, créer des occasions – de vous rendre utiles dans les
petites choses, afin que vous ne manquiez pas de voir le
plus grand travail lorsqu'il se présentera.
N'oubliez jamais un instant votre alliance occulte ; elle
doit être pour vous une inspiration toujours présente, non
seulement un bouclier contre les pensées vaines qui
flottent autour de nous, mais encore un stimulant pour
l'activité spirituelle. La vanité et la mesquinerie de la vie
ordinaire vous deviendront alors impossibles, bien que ne
dépassent pas notre compréhension et notre compassion.
[72]
L'ineffable félicité de l'Adeptat n'est pas encore vôtre,
mais souvenez-vous que vous ne faites qu'un avec Ceux
qui vivent de cette vie supérieure ; vous êtes les
dispensateurs de leur lumière dans ce monde inférieur, de
sorte que vous aussi, sur votre plan, devez être de radieux
soleils d'amour et de joie. Le monde peut ne pas
comprendre, ne pas apprécier : votre devoir est de briller.
Ne vous reposez pas sur vos lauriers ; il y a des sommets
encore plus élevés à atteindre. Le besoin de
développement intellectuel ne doit pas être perdu de vue ;
d'autre part, il faut augmenter en nous la sympathie,
l'affection, la tolérance. Chacun doit se rendre compte
qu'il existe des points de vue différents des siens et tout
aussi digne d'attention. Toute rudesse ou vulgarité de
langage, toute tendance à discuter, doivent absolument
disparaitre ; celui qui s'y voit enclin, doit en réprimer
l'impulsion dès qu'elle s'élève en lui ; il devra parler peu
et toujours avec délicatesse et courtoisie. Ne parlez jamais
sans vous demander si ce que vous allez dire est à la fois
bienveillant et sensé. Celui qui s'efforce de créer en soi
l'amour, est à l'abri de beaucoup d'erreurs. L'amour est la
vertu suprême, sans laquelle les autres qualités "n'arrosent
que du sable".
Les pensées et les sentiments indésirables doivent être
rigoureusement proscrits ; il faut les combattre jusqu'à ce
que leur retour ne soit plus possible. Les mouvements
d'irritabilité troublent la mer calme de la conscience de la
Fraternité. L'arrogance doit être exclue, car elle est un
sérieux obstacle au progrès. La parfaite délicatesse de
pensée et de langage est nécessaire ; c'est l'arôme du tact
parfait qui jamais ne peut choquer ni offenser. Tout cela
est difficile à acquérir ; toutefois, si vous le voulez, vous
y parviendrez.
Le service défini, et non pas le bon plaisir, devrait être
votre objectif ; songez, non pas à ce que vous désirez faire,
mais bien à ce que vous pourriez faire pour aider
quelqu'un d'autre ; oubliez-vous et portez votre attention
sur les autres. En conséquence, il faut qu'un élève soit [73]
bon, obligeant, secourable, non pas de temps à autre, mais
tout le temps. Rappelez-vous que chaque moment qui n'est
pas consacré au service, ou à vous adapter au service, est
pour nous du temps perdu.
Quand vous constatez en vous-même des défauts avérés,
il faut les prendre en mains avec courage et résolution ; en
persévérant, vous réussirez ; c'est une question de volonté.
Guettez occasions et suggestions : soyez une valeur
productrice. Je suis toujours prêt à vous assister ; mais je
ne peux pas faire la besogne pour vous ; c'est de vous que
l'effort doit venir. Essayez d'approfondir toutes les
occupations journalières et de mener une vie de
dévouement le plus complet au service.
Jusqu'à présent vous avez bien fait, mais je désire que vous
fassiez mieux encore. Je vous ai mis à l'épreuve en vous
offrant des occasions d'aider, et jusqu'ici vous les avez
saisies noblement ; en retour, je vous en accorderai de plus
nombreuses et de plus importantes, et votre progrès
dépendra de la façon dont vous les reconnaitrez et les
mettrez à profit. Souvenez-vous que la récompense d'un
travail réussi est dans la chance qui s'offrira pour vous de
faire plus de travail, et que la fidélité dans ce qui semble
être de petites choses, entraine vers l'emploi dans les
affaires de plus grande importance. J'espère pouvoir
bientôt vous attirer plus près de moi, ce qui vous permettra
d'aider vos frères le long du Sentier qui mène aux pieds du
Roi. Soyez reconnaissants d'avoir une grande puissance
d'aimer, de savoir inonder votre monde de lumière, de
vous répandre au dehors avec une royale prodigalité et de
semer le bienfait comme un roi ; cela, en vérité, est bien,
mais prenez garde, de peur qu'au cœur de cette grande
fleur d'amour ne se glisse un tout petit mobile d'orgueil,
lequel pourrait s'étendre comme le fait la tache de
corruption presque invisible qui s'accroit jusqu'à ce qu'elle
ait empoisonné et corrompu toute la fleur. Rappelez-vous
ce qu'a écrit notre grand Frère : "Sois humble lors même
que tu atteindras la sagesse ; sois plus humble encore
lorsque tu seras devenu Maitre." Cultivez donc cette
modeste plante embaumée qu'est l'humilité, [74] jusqu'à
ce que son doux arome pénètre chaque fibre de votre être.
Quand vous tâchez d'atteindre l'unité, ce n'est pas suffisant
d'attirer les autres, de les envelopper de votre aura pour
établir l'union avec vous ; le faire est déjà beaucoup
assurément, néanmoins il vous faut aller encore plus en
avant ; être vous-même en chacun d'eux ; pénétrer dans les
cœurs mêmes de vos frères et les comprendre. Que ce ne
soit jamais par curiosité : le cœur d'un frère étant à la fois
un lieu secret et sacré, on doit chercher ni à le fouiller ni à
l'agiter ; s'efforcer, au contraire, et sans intrusion, de
comprendre de compatir, de secourir. Il est facile de
critiquer autrui de son propre point de vue ; plus difficile
d'arriver à le connaitre et à l'aimer, ce qui est pourtant
l'unique moyen de l'amener à soi. Je veux que vous
croissiez rapidement afin que je puisse me servir de vous
dans le grand travail, et, pour vous aider à avancer cette
possibilité, je vous donne ma bénédiction.
Sois aussi la bienvenue, toi la plus récente recrue de notre
excellente troupe. Il ne t'est pas facile de t'oublier
entièrement, de te plier sans réserve au service du monde,
et cependant ce qui nous est demandé est de [75] vivre afin
d'être une bénédiction pour les autres, et faire le travail qui
nous est indiqué. Avoir fait un bon commencement au
cours de ton développement personnel, c'est bien ; mais
beaucoup reste encore à faire. Réprime même les plus
légères ombres d'irritabilité et sois toujours prête à
recevoir conseils et leçons : cultive l'humilité et le
sacrifice de soi-même et sois remplie d'un ardent
enthousiasme pour le service. De cette façon tu deviendras
un instrument convenable dans la main du grand Maitre,
un soldat dans l'armée de Ceux qui sauvent le monde. Pour
t'y aider, je te prends maintenant comme élève en
probation."
*
Il se peut que l'on soit surpris de l'extrême simplicité de ces
instructions ; elles pourront même sembler méprisables et peu aptes à guider
et à aider les gens à travers l'immense complexité de notre civilisation
moderne. Mais, qui pense ainsi oublie que c'est l'essence de la vie de l'élève
que de mettre toute cette complexité et, suivant l'expression du Maitre, de
quitter notre monde pour aller dans le sien. On pénètre ainsi dans un monde
de la pensée où la vie est simple et d'une direction nette, dans lequel le bien
et le mal sont une fois de plus clairement définis, et où s'ouvrent devant nous
des issues claires et intelligibles. C'est la vie simple que le disciple devra
mener ; c'est la vraie simplicité atteinte qui rend possible le progrès
supérieur. Nous avons fait de notre vie un enchevêtrement et une incertitude,
un amas de confusions, une tempête de courants contraires dans lesquels le
faible défaille et sombre ; mais il faut que l'élève du Maitre soit fort et sain,
il faut qu'il prenne sa vie en mains et qu'il la rende simple, d'une simplicité
divine, il faut que son esprit balaye toutes ces confusions, ces illusions
créées par l'homme et qu'il aille, comme une flèche, droit à son but. "À
moins que vous soyez convertis et deveniez comme de petits enfants, vous
ne pourrez en aucune façon entrer dans le royaume du ciel." Et le royaume
du [76] ciel, ne l'oubliez pas, est la Grande Fraternité blanches des Adeptes.
On voit d'après ces extraits combien est élevé l'idéal que le Maitre place
devant ses élèves, et peut-être apparait-il à certains d'entre eux comme "un
conseil de perfection", autrement dit, un but ou un état impossible à atteindre
parfaitement quant à présent, mais vers lequel, néanmoins, il faut
constamment tendre. Si tous les aspirants visent haut, pas un cependant ne
peut pleinement atteindre le but qu'il se propose, autrement il n'aurait pas
besoin d'exister ici-bas dans une incarnation physique. Nous sommes tous
très loin d'être parfaits, mais les jeunes qui peuvent être amenés auprès des
grands Êtres ont une merveilleuse opportunité, en raison même de leur
jeunesse et de leur plasticité ; aussi leur est-il plus facile qu'aux autres
personnes âgées d'éliminer tout ce qui, en eux, doit disparaitre. S'ils peuvent
cultiver l'habitude d'adopter le point de vue qu'il faut, d'agir pour de bonnes
raisons et d'observer une attitude juste toute leur vie, ils ne peuvent manquer
d'approcher rapidement et de plus en plus, de l'idéal des Maitres. Si l'élève
en probation pouvait voir, dans son corps physique à l'état de veille, les
images vivantes que façonne le Maitre, il comprendrait bien mieux
l'importance de ce qui lui parait n'être que détails accessoires.
L'irritabilité est une difficulté courante ; comme je l'ai déjà expliqué ;
être irritable c'est une chose assez fréquente dans notre civilisation actuelle,
où les nerfs sont trop tendu. Nous vivons en grande partie, au milieu de
bruits torturants ; or, le bruit, par-dessus tout, ébranle les nerfs à cause de
l'irritation. Le fait de se rendre dans le quartier des affaires d'une grande ville
et de rentrer chez soi avec la sensation d'être complètement brisé, épuisé, est
un inconvénient que connaissent tous les sensitifs. Beaucoup d'autres
facteurs contribuent à cette grande lassitude, mais elle est due
principalement au bruit et aussi à la pression de tant de corps astrals vibrant
à des fréquences différentes et qui sont tous agités et excités par des
bagatelles. Dans de pareilles [77] conditions, il est très difficile d'éviter
l'irritabilité, spécialement chez les élèves dont les corps sont vibrants et plus
sensitifs que ceux de l'homme ordinaire.
Sans doute cette irritation est-elle quelque peu superficielle ; elle ne
pénètre pas profondément ; néanmoins, il est préférable d'éviter, autant que
possible, une irritation, même superficielle, parce que les effets en persistent
beaucoup plus longtemps qu'on ne le pense communément. Ainsi,
lorsqu'une tempête se produit, c'est le vent qui d'abord agite les vagues, mais
leur agitation persiste longtemps après la chute du vent. Tel est l'effet produit
sur l'eau, qui est d'une manière relativement lourde, mais la matière du corps
astral est infiniment plus fine que celle de l'eau, et les vibrations mises en
mouvement la pénètrent beaucoup plus profondément, produisant ainsi un
effet plus durable. Telle impression légère, désagréable, ou temporaire,
qu'on oublie en dix minutes peut-être, peut néanmoins produire sur le corps
astral un effet qui persistera pendant quarante-huit heures, car les vibrations
ne se stabilisent qu'après un temps prolongé.
Quand un tel défaut est reconnu, on peut arriver à le faire disparaitre,
non pas en y portant l'attention, mais en s'efforçant de construire la vertu
opposée. Un moyen simple de l'attaquer consiste évidemment à dresser sa
pensée contre lui, mais il n'est pas douteux que ce procédé soulève
l'opposition des élémentals astral et mental, de sorte qu'il vaut souvent
mieux essayer de témoigner de la considération pour les autres, basée
naturellement sur l'amour qu'on leur porte. Un homme rempli d'affection et
de considération ne se permettra pas à leur égard des paroles et des pensées
empreintes d'irritation. S'il peut se bien pénétrer de cette idée, il obtiendra le
même bon résultat sans exciter l'opposition des élémentals.
Il existe bien d'autres formes d'égoïsme qui peuvent retarder très
sérieusement les progrès de l'élève : l'indolence est une de ces formes. J'ai
vu une personne prenant un tel plaisir à la lecture d'un livre ne se décidait
pas à la cesser à temps pour être ponctuelle ; [78] une autre écrivait très mal,
sans se soucier des désagréments qu'elle imposait aux yeux et à l'humeur de
ceux qui avaient à lire sa calligraphie. Toutes ces choses tendent à nous
rendre moins sensibles aux influences élevées, à jeter dans la vie des autres
le désordre et la laideur, à détruire la maitrise de soi et la capacité d'agir,
essentielles ainsi que la ponctualité, à la production d'un travail satisfaisant.
Peu de personnes ont cette capacité d'agir : lorsqu'un travail déterminé leur
est donné, elles ne finissent pas complètement, trouvant à cela toutes sortes
d'excuses ; ou bien encore si on leur demande quelque renseignement, elles
ne savent pas où le trouver. Sous ce rapport, les êtres diffèrent beaucoup ;
ainsi, on posera une question à une personne qui répondra sans plus : "Je ne
sais pas, mais je vais chercher", et elle reviendra avec le renseignement
demandé. Telle autre personne veut agir mais revient en disant qu'elle n'a
rien fait, tandis qu'une autre persévèrera jusqu'à ce qu'elle ait réussi.
Dans tout bon travail, dans des cas de peu d'importance peut-être,
matériellement parlant, mais de grande valeur au point de vue spirituel,
l'élève doit toujours penser d'avantage qui en résultera pour autrui et à
l'occasion qui lui est donnée de servir le Maitre. Il doit y penser, et non pas
au bon karma que ce travail peut lui valoir, ce qui serait une autre forme très
subtile de la tendance à tout rapporter à soi. Rappelez-vous comment
s'exprima le Christ : "D'autant que vous l'avez fait pour le humble de mes
frères, vous l'avez fait pour moi."
D'autres effets subtils de même espèce se voient dans le découragement,
la jalousie et les assertions agressives de l'individu au sujet de ses droits. Un
Adepte a dit : "Pensez moins à vos droits et davantage à vos devoirs." Il est
évidemment des circonstances dans lesquelles l'élève, ayant affaire avec le
monde extérieur, se trouve dans la nécessité d'exprimer courtoisement ce
dont il a besoin, mais, vis-à-vis de ses camarades élèves, il ne peut être
questions de droits, mais seulement d'opportunités. Bien [79] souvent
lorsqu'un homme éprouve une contrariété, il commence par manifester des
sentiments agressifs ; peut-être n'ira-t-il pas jusqu'à haïr, mais il n'en fait pas
moins apparaitre dans son corps astral une lueur terne, qui affecte également
son corps mental.
Des perturbations semblables, tout aussi désastreuses dans leurs effets,
s'établissent fréquemment dans le corps mental. Lorsqu'un homme se laisse
extrêmement tourmenter par quelque problème qu'il tourne et retourne dans
son esprit sans parvenir à aucune conclusion, il déclenche par là quelque
chose comme une tempête dans son corps mental. En raison de l'extrême
finesse des vibrations sur ce niveau, le mot "tempête" n'exprime que
partiellement la réalité ; il serait plus exact, sous certains rapports, de
comparer l'effet produit dans le corps mental à un point douloureux ou à une
irritation par frottement. On rencontre parfois des possédés de la manie de
la discussion : il faut qu'ils argumentent à propos de tout ; apparemment, ils
affectionnent tellement ce genre d'exercice qu'ils se soucient à peine de
savoir de quel côté du problème ils sont engagés. Une personne de cette
espèce a son corps mental dans un état d'inflammation perpétuelle,
susceptible de devenir, à la plus légère provocation, une véritable plaie
ouverte. Il n'y a, pour une telle personne, aucun espoir de progrès occulte,
quel qu'il soit, jusqu'à ce qu'elle ait appelé l'équilibre et le bon sens au
secours de son état maladif.
Heureusement pour nous, les bonnes émotions persistent encore plus
longtemps que les mauvaises, par la raison qu'elles agissent dans la partie la
plus fines du corps astral ; l'effet d'un sentiment de vive affection ou de
profond dévouement persiste dans votre corps astral longtemps après la
disparition et même l'oubli de l'incident qui l'a causé. Il est possible, bien
qu'assez rare, que deux catégories de fortes vibrations soient misent en
mouvement simultanément dans le corps astral, par exemple l'amour et la
colère. Au moment où il est sous le coup d'une intense colère, un homme
n'est guère susceptible, vraisemblablement, d'éprouver un vif sentiment
d'affection, à moins [80] que la colère ne procède d'une noble indignation ;
en pareil cas, les résultats de ces sentiments coexisteront, mais l'un sera à un
niveau beaucoup plus élevé que l'autre et par la suite persistera plus
longtemps.
Il est fort naturel que la jeunesse désire se distraire, être gaie, lire,
écouter des choses amusantes et en rire ; il n'y a là rien que de très naturel
et cela ne fait aucun mal. Si les gens pouvaient voir les vibrations mises en
mouvement par le bon rire enjoué, ils se rendraient bien vite compte que par
ce rire le corps astral se trouve secoué, comme est secoué le foie lorsqu'on
monte à cheval ; loin d'être nuisible, cet exercice est salutaire. En revanche,
si l'on pouvait voir le résultat de certaines plaisanteries moins agréables
faites par des gens à l'esprit vil, on se rendrait compte d'un affreux contraste ;
les plaisanteries de cet ordre sont tout à fait nuisibles, et les formes
produites, longtemps accrochées au corps astral, attirent toutes sortes
d'entités répugnantes. Ceux qui veulent s'approcher des Maitres doivent être
entièrement dégagés de tout cela, aussi bien que de tout ce qui est tapageur,
violent, et les plus jeunes doivent éviter de tomber dans l'enfantillage ou la
niaiserie.
Certains jeunes manifestent parfois une tendance à ricaner ; il leur faut
réprimer à tout prix, attendu qu'elle produit un très mauvais effet sur le corps
astral autour duquel elle tisse un réseau de fils, d'un gris-brun fort déplaisant
à voir et formant une épaisseur qui s'oppose à la pénétration des bonnes
influences : d'om le réel danger contre lequel les jeunes doivent assidument
se tenir en garde. Soyez joyeux et heureux sans contrainte ; le Maitre aime
vous voir ainsi et cela facilitera vos pas sur votre chemin ; mais veillez à ce
que votre rire ne devienne pas un rire malséant ni que d'autre part, il ne
dégénère en un rire sot.
En ceci, comme en toutes choses, il y a une ligne de démarcation définie
entre ce qui est inoffensif et ce qui peut aisément devenir malfaisant. La
méthode la plus [81] sure pour la déterminer est de considérer si le plaisir
demeure dans les limites de la délicatesse et du bon gout. Dès que le rire
dépasse ces limites, dès l'instant qu'il contient la moindre pointe de
turbulence ou cesse d'être un parfait raffinement, on glisse vers un terrain
dangereux. La signification intérieure de cette distinction est que tout va
bien tant que l'égo conserve le plein contrôle de son corps astral ; mais
aussitôt que ce contrôle lui échappe, le rire devient niais et dépourvu de sens.
Un corps astral demeuré ainsi sans contrôle est à la merci de toute
influence qui passe et il pourra facilement être affecté de pensées et de
sentiments tout à fait indésirables. Veillez aussi à ce que votre gaieté soit
toujours pure et nette, à ce qu'elle ne soit jamais, pas même un instant,
empreinte d'un malicieux plaisir à la vue de la souffrance ou de la
déconfiture d'autrui. Si quelque accident mortifiant arrive à quelqu'un ne
demeurez pas à rire stupidement de son aspect ridicule : précipitez-vous
pour secourir et consoler. La bonté affectueuse et la promptitude à venir en
aide doivent constamment faire partie de vos qualités maitresses.
Le clairvoyant, qui peut voir l'effet produit sur les véhicules supérieurs
par les émotions indésirables, ne trouve aucune difficulté à comprendre
combien il est important de les maitriser ; mais, précisément parce que la
plupart d'entre nous ne peuvent voir cet effet, nous sommes presque tous
exposées à le perdre de vue et à nous laisser aller à la négligence. Il en est
de même de l'effet produit par les remarques sur des choses indifférentes ou
légères. Suivant la légende, le Christ, au cours de sa dernière incarnation sur
terre, aurait dit que les hommes auront à rendre compte au Jour du Jugement
de chacune de leurs paroles inutiles. Cela parait d'une sévérité excessive, et
si la conception orthodoxe du jugement était correcte, ce serait réellement
injuste et abominable. En réalité, le Christ ne voulait pas dire que chaque
parole inutile condamnerait un homme aux tourments éternels – au surplus,
il n'existe rien de semblable – mais [82] nous savons que toute parole et
toute pensée a son karma, son résultat, et la répétition de sottises crée autour
de la personne qui les profère, une atmosphère qui écarte les bonnes
influences. Pour l'éviter, une attention constante est nécessaire. L'idéal qui
ne permettrait pas un instant d'oubli, serait certes surhumain ; mais, après
tout, les disciples visent à devenir surhumains, puisque le Maitre dépasse
l'homme. Il est évident que si l'élève pouvait vivre une vie parfaite, il serait
déjà lui-même Adepte ; or, il ne peut pas être encore parfait, mais il doit
constamment se remémorer son idéal s'il veut s'en approcher rapidement.
Toute parole vaine qu'il prononce affecte momentanément ses relations avec
le Maitre ; aussi doit-il surveiller ses paroles avec le plus grand soin.
Il est spécialement nécessaire à l'aspirant d'éviter toute impatience et
tout air d'importance. Maint travailleur énergique et sincère gâte la plupart
de ses efforts et les rend stériles en tombant dans ces travers ; car il engendre
autour de lui une aura de vibrations désordonnées telle que pas une pensée
ou un sentiment ne peut la traverser sans y produire une altération, et que le
bien, alors même qu'il rayonne au dehors, se trouve neutralisé par cette
trépidation. Soyez, dans ce que vous faites, précis, mais cela dans le calme
parfait, jamais avec bruit ou fracas.
Un autre point, sur lequel il convient d'insister auprès de nos étudiants,
est qu'en occultisme nos paroles ont toujours une signification littérale. Si
l'on fixe comme règle de ne prononcer aucune parole de critique, de ne rien
dire que de charitable à l'égard d'autrui, c'est à prendre au pied de la lettre et
non à interpréter comme bon nous semble ; cela ne veut pas dire que nous
devons nous réduire quelque peu le nombre des paroles critiques, mais que
nous devons entièrement et définitivement les exclure. Nous avons
tellement l'habitude d'entendre des recommandations de morale auxquelles
personne ne semble se conformer sérieusement, que nous avons finies par
penser qu'un acquiescement de pure forme à telle ou telle ligne de
conduite, ou qu'un faible effort de temps [83] à autre pour en approcher, est
tout ce que la religion demande de nous. Il faut complètement abandonner
tournure d'esprit et comprendre que l'exacte et littérale obéissance est exigée
en matière d'enseignement occulte, que celui-ci soit donné par le Maitre ou
par son élève. La présence d'un disciple ancien et éprouvé des Maitres est
souvent d'un grand secours pour l'aspirant, qu'il soit en probation ou accepté.
Autrefois dans l'Inde, lorsqu'un guru choisissait ses chéla, il en formait un
groupe qu'il emmenait partout où il allait. De temps à autre, il leur donnait
quelque enseignement, mais la plupart du temps ces chéla ne recevaient pas
d'instruction et cependant ils faisaient de rapides progrès parce qu'au lieu
d'être entourés d'influences ordinaires ils étaient constamment dans l'aura de
l'instructeur. D'autre part, le guru aidait ses élèves à la construction de leur
caractère et les surveillait sans cesse attentivement. Nos Maitres ne peuvent
adopter ce monde, du moins physiquement, mais ils s'arrangent parfois de
manière à ce que quelques-uns de leurs anciens élèves puissent s'entourer
d'un groupe de jeunes et s'occuper d'eux individuellement, à la manière d'un
jardinier avec ses plantes, dirigeant sur eux jour et nuit les influences
voulues pour éveiller certaines qualités ou renforcer quelque point faible. Il
est rare que les anciens élèves chargés de donner cet enseignement reçoivent
des instructions directes au sujet de ce travail, quoique le Maitre fasse, à
l'occasion, quelque remarque ou commentaire.
Le fait que les élèves sont toujours groupés favorise leur progrès ; ils
sont influencés en commun par des idéaux élevés, ce qui hâte le
développement des caractéristiques désirables. Il semble inévitable, dans le
cours de la loi karmique, que celui qui aspire ardemment soit mis en contact
avec quelqu'un de plus avancé que lui-même, et s'il est capable de répondre
aux vibrations de son ainé en occultisme, il en retire le plus grand profit
spirituel. D'une manière générale, le Maitre ne fait avancer ni grandir
personne qui n'ait été aidé et guidé par un élève ancien. Il y a cependant des
exceptions et [84] chaque Maitre a sa façon personnelle d'agir vis-à-vis de
ses élèves. Dans un certain cas, Annie Besant a déclaré que le Maitre a pour
coutume d'envoyer ses élèves à "l'autre bout du champ" afin qu'ils puissent
acquérir une grande force, par le développement de leurs capacités avec le
minimum d'assistance extérieure. Chaque individu est traité de la manière
qui lui convient le mieux.
CHAPITRE V

ACCEPTATION

Quoique l'acceptation de l'élève par le Maitre amène dans sa vie une


grande modification, il ne s'y attache guère plus de cérémonies extérieures
que dans le cas de la probation. Le compte rendu suivant de l'acceptation de
quelques jeunes permettra de le comparer avec le récit correspondant d'une
cérémonie de probation au chapitre précédent.

COMPTE RENDU D'UNE ACCEPTATION

Nous étant rendus, comme de coutume, à la maison de notre Maitre


Kuthumi, nous y trouvons le Maitre Morya assis et en conversation animée
avec lui. Naturellement, nous nous tenons à l'écart un instant, mais le Maitre
nous appelle avec un éblouissant sourire de bienvenue, et nous faisons les
salutations accoutumées.
Le premier de nos candidats, que son Maitre avait un jour nommé une
"Etoile d'Amour toujours brillante", est si plein d'affection pour le Maitre
qu'il le regarde comme un frère ainé, et qu'il est avec lui parfaitement libre
et simple, bien que ne lui parlant jamais sans une profonde vénération. C'est
vraiment beau de les voir ensemble.
En cette circonstance, notre Maitre lui sourit avec bonté et dit :
"Es-tu décidé définitivement à travailler sous ma direction
et à te consacrer au service de l'Humanité ?"
Le jeune garçon répondit très chaleureusement qu'il avait l'intention de
le faire, et notre Maitre poursuivit :
"J'ai été très satisfait de tes efforts et j'espère que tu ne
fléchiras pas. N'oublie pas, sous les nouvelles conditions,
ce que je t'ai dit il y a quelques mois. Ton travail et ta
détermination m'ont permis d'abréger la période de
probation et je suis content que tu aies choisi la [86] plus
courte des routes qui mènent au progrès, celle qui consiste
à amener d'autres pèlerins avec toi sur le Sentier. L'amour
absolument désintéressé est le pouvoir le plus fort qui soit
au monde, mais peu nombreux sont ceux qui peuvent le
maintenir pur d'exigences ou de jalousie, fût-ce même
pour un unique objet. Ton avancement est dû à ta réussite
à maintenir cette flamme, brulant avec ardeur pour
plusieurs objets simultanément. Tu as beaucoup fait pour
développer l'énergie, mais tu as encore plus besoin d'elle.
Il te faut acquérir le discernement et la promptitude de
jugement, afin de voir au bon moment et non après coup,
ce qu'il y a lieu de faire. Avant de parler et d'agir, réfléchis
avec soin quelles seront les conséquences. Mais tu as
remarquablement bien travaillé, et je suis tout à fait
content de toi."
Puis le Maitre posa la main sur la tête de chacun des candidats en
disant :
"Je t'accepte pour mon chéla, conformément à l'ancien
rite."
Ensuite, il attira chacun à tour de rôle dans son aura, de sorte que
pendant quelques instants, l'élève disparaissant en lui, puis surgissait avec
une expression de bonheur et de noblesse inexprimable, en manifestant les
caractéristiques particulières du Maitre, comme il ne l'avait jamais fait
auparavant. Après cela, notre Maitre dit à chacun :
"Je te donne ma bénédiction."
Puis, parlant pour tous :
"Venez avec moi ; je dois vous présenter afin que vous
soyez reconnus et enregistrés sous votre nouveau titre."
Ensuite, il les conduisit chez le Mahâchohan, qui les examina de son
regard perçant, et dit :
"Vous êtes très jeunes. Je vous félicite d'avoir atteint
d'aussi bonne heure un tel degré. Faites en sorte de vous
maintenir au niveau que vous avez atteint."
Et il inscrivit leurs noms dans le registre impérissable, leur montra, en
regard, ce qui devait être encore accompli, et exprima l'espoir d'avoir à faire
bientôt d'autres inscriptions en leur faveur.
En revenant de la visite au Mahâchohan, le Maitre conduisit une fois
encore ses nouveaux élèves dans le souterrain [87] près de sa maison et ils
le virent dissoudre dans l'air subtil leurs images vivantes qu'il avait faites
peu de temps auparavant :
"Maintenant, dit-il, que vous êtes réellement partie
intégrante de moi-même pour toujours, nous n'aurons plus
besoin de ces images."
*
Si quelqu'un observe cette cérémonie avec la vision du corps causal, il
aperçoit le Maitre comme un globe de feu resplendissant, renfermant un
certain nombre d'enveloppes concentriques de couleur ; le corps physique et
ses contres-parties sur les autres plans sont au centre de cette masse
embrasée, qui s'étend dans un rayon de plusieurs centaines de mètres.
En s'approchant du corps physique du maitre, l'élève pénètre dans ce
globe incandescent de matière plus fine, et lorsque finalement il arrive aux
pieds de son Maitre, il est déjà au cœur de cette sphère resplendissante ;
puis, quand le Maitre accepte le néophyte, et qu'il étend la partie centrale de
son aura pour envelopper celle de son élève, c'est, en réalité, la partie
importante du feu qui s'étend et s'englobe, car durant toute la cérémonie de
l'acceptation il est entièrement au-dedans de l'anneau extérieur de cette
puissante aura. Ainsi pendant quelques instants les deux auras n'en font
qu'une, et non seulement l'aura du Maitre influe sur celle de l'élève, mais
quelques caractéristiques spéciales acquises par ce dernier agissent sur les
centres correspondants de l'aura du Maitre et, en réponse, les fait étinceler.
L'inexprimable union de l'élève avec le Maitre, qui commence durant
la cérémonie de l'acceptation, est permanente et par la suite, aussi éloigné
du maitre que soit l'élève sur le plan physique, ses véhicules supérieurs
vibrent à l'unisson avec ceux de son instructeur. Le disciple s'harmonise
continuellement avec son Maitre, et graduellement il accroit ainsi sa
ressemblance avec lui, si lointaine qu'ait pu être cette ressemblance au
début. De cette manière il devient d'une grande utilité dans le monde, où il
constitue comme un canal au [88] moyen duquel la force du Maitre peut être
distribuée sur les plans inférieurs. Par la constante méditation sur son guru
et par une ardente aspiration vers lui l'élève a tellement influencé ses propres
véhicules qu'ils sont constamment accessible à son Maitre et susceptibles
d'être influencés. En tout temps ils sont fortement pénétrés de cette idée,
attendant un mot du Maitre et guettant quelque message de sa part ; aussi
pendant qu'ils s'ouvrent à lui avec ardeur et émotion, ils restent fermés, dans
une large mesure, aux influences inférieures. C'est pourquoi tous les corps
subtils, depuis l'astral jusqu'au causal, peuvent être comparés à un chenal
qui, ouvert par en haut, serait bien fermé sur les côtés et ainsi presque
toujours impénétrable aux influences des niveaux inférieurs.
Cette harmonisation de l'élève se continue pendant toute la durée de
l'état de disciple. Au début, ses vibrations sont de plusieurs octaves au-
dessous de celles du Maitres ; mais elles sont en accord avec elles et
s'élèvent graduellement. C'est là un progrès qui ne peut s'effectuer que
lentement, et ne saurait être réalisé tout d'un coup, comme la frappe d'un
métal au moyen d'une matrice, ni même s'effectuer relativement vite,
comme on accorderait une corde de violon et de piano. Ces comparaisons
sont tirées d'objets inanimés, mais dans le cas en question il s'agit de modeler
un être vivant, et afin que la vie puisse être préservée, la lente croissance du
dedans doit adapter la forme à l'influence du dehors, de même qu'un
jardinier pourrait graduellement diriger les branches d'un arbuste, ou qu'un
chirurgien, au moyen d'appareils appropriés, pourrait redresser peu à peu
une jambe torse.
Nous savons que pendant tout le cours de cette opération le Maitre ne
donne pas toute son attention à chaque élève en particulier, mais qu'il
s'occupe simultanément de milliers de personnes et accomplit un travail
d'ordre beaucoup plus élevé, comme s'il jouait, pour ainsi dire, une
magnifique partie d'échecs avec les nations du monde et avec les différentes
espèces de pouvoirs des anges et des hommes, ceux-ci étant les pièces de
l'échiquier. Néanmoins l'effet se produit sur l'élève comme s'il était seul en
[89] surveillance, car l'attention que le Maitre est capable de donner à une
personne parmi des centaines est encore plus grande que la nôtre, quand elle
est concentrée entièrement sur une seule. Le Maitre laisse fréquemment à
des anciens élèves le soin d'accorder les corps inférieurs, quoique lui-même
ait établi un courant constant entre ses véhicules et ceux de son élève. C'est
de cette manière qu'il aide le mieux ses élèves sans que ceux-ci en aient
nécessairement connaissance.
L'élève accepté devient ainsi un poste avancé de la conscience du
Maitre, une extension de lui-même. L'Adepte voit, entend, et sent à travers
l'élève, de sorte que tout ce qui est fait en sa présence est fait en la présence
du Maitre. Cela ne veut pas dire que le grand Être est nécessairement
conscient de tels évènements au moment où ils se produisent, bien qu'il
puisse l'être. Il se peut qu'à ce moment le Maitre soit absorbé par quelque
autre travail ; toutefois par la suite les évènements subsistent dans sa
mémoire. Ce que l'élève a éprouvé par rapport à un sujet particulier atteindra
l'esprit du Maitre, parmi son propre pouvoir, quand il portera son attention
sur ce sujet-là.
Lorsqu'un élève envoie une pensée de dévouement à son Maitre la lueur
soudaine qu'il projette produit un effet équivalent à l'ouverture d'une grande
valve, par où s'écoule vers lui un flot d'amour et du pouvoir du Maitre. Si
l'on envoie une pensée de dévouement à quelqu'un qui n'est pas un Adepte,
cette pensée devient visible comme un jet de feu allant vers lui ; mais
lorsqu'une pensée de même nature est envoyée par l'élève à son Maitre, c'est
au contraire l'élève qui est aussitôt inondé par un flot d'ardente affection de
la part du Maitre. Le pouvoir de l'Adepte se répand au dehors toujours et
dans toutes les directions de la même manière que la lumière solaire, mais
le contact de la pensée de l'élève attire pour un moment sur ce dernier un
prodigieux courant de pouvoir. Si parfaite qu'est l'union qui existe entre eux,
une grave perturbation dans les corps inférieurs de l'élève peut avoir aussi
une influence sur [90] ceux du Maitre ; et comme de telles vibrations
gêneraient le travail du Maitre sur les plans supérieurs, lorsque ceci se
produit, malheureusement, il doit laisser tomber un voile qui le sépare de
l'élève jusqu'au moment où l'orage est apaisé.
Il va sans dire qu'il est triste pour l'élève de devoir être brusquement
détaché de cette manière, mais c'est absolument sa faute et il peut mettre fin
à la séparation dès qu'il redevient en mesure de contrôler ses pensées et ses
sentiments. Habituellement, un si regrettable incident ne dure pas plus de
quarante-huit-heures ; toutefois j'ai connu des cas beaucoup plus graves, où
la séparation se prolongeait pendant des années et même tout le reste de
l'incarnation ; mais ce sont là des cas extrêmes et très rares, car il est
probable qu'une personne capable d'une pareille défection ne serait pas du
tout reçue comme élève.
Nul ne peut devenir un élève accepté à moins d'avoir acquis l'habitude
de diriger ses forces vers l'extérieur, et de concentrer son attention et son
influence sur autrui, pour déverser des pensées secourables et de bons désirs
sur les hommes, ses frères. D'une façon générale, les êtres ordinaires
tournent leurs forces au-dedans d'eux-mêmes, et parce qu'ils sont centrés sur
eux-mêmes, leurs forces se trouvent en désaccord, réunies à l'intérieur. Mais
l'élève doit se retourner du dedans vers le dehors, et conserver la constante
attitude de quelqu'un qui prodigue son affection et ses services. Nous avons
par conséquent, en l'élève, un homme dont les véhicules supérieurs sont
comme un chenal ouvert aux plus hautes influences de son Maitre, en même
temps que ces véhicules inférieurs au fond du chenal, ont été habitués à faire
rayonner au dehors ses influences sur autrui. Ces conditions font de lui un
parfait instrument à l'usage de son Maitre pour la transmission de sa force.
Si un Adepte, du Tibet, voulait envoyer de la force à New-York, sur le
niveau éthérique, il ne serait pas économique de diriger éthériquement le
courant à cette distance car il aurait à transmettre sa force sur des niveaux
beaucoup [91] plus élevés, en comparaison du point requis, et à creuser, pour
ainsi dire, un chenal descendant jusqu'à ce point. Une autre comparaison qui
pourrait être suggérée est celle de la transmission de l'électricité à d'énormes
voltages traversant un pays, et son passage à travers les transformateurs
donnant un grand débit sous un faible voltage à l'endroit où l'énergie doit
être utilisée. Mais creuser un tel chenal, ou projeter de la force à New-York
entrainerait pour l'Adepte une perte de près de la moitié de l'énergie dont il
pouvait disposer pour le travail à faire. Par suite, l'élève qui se trouve sur le
lieu de l'utilisation est un inestimable appareil qui économise le travail et il
doit se souvenir que, plus que toute chose, il doit faire de lui-même un bon
canal, car c'est là que le Maitre exige de lui. Ainsi d'un autre côté l'élève
peut être considéré comme un corps de plus, pour l'usage du Maitre, à
l'endroit où il se trouve.
Tout corps humain est, en réalité, un transmetteur des pouvoirs du Soi
intérieur ; au cours d'âges sans nombre, il s'est adapté à l'exécution la plus
économique des ordres et de la volonté. Si par exemple nous voulons, pour
une raison quelconque, déplacer ou retourner un verre placé sur la table, il
est assez facile d'étendre la main et de le faire. Il est aussi possible de
retourner le verre rien que par la force de la volonté en dehors de contact
physique ; à vrai dire, une personne de mes relations tenta l'expérience et
réussit ; mais seulement aux dépends d'une heure d'effort intense consacrée
à cela chaque jour, pendant deux ans. En pareil cas, il est évident que
l'emploi des moyens physiques ordinaires est infiniment plus économique.
Dans les premiers temps de ses rapports avec son Maitre, l'élève sentira
fréquemment qu'une quantité considérable de force est répandue à travers
lui, sans qu'il sache où elle va ; il a seulement la sensation qu'une grande
masse de feu animé le traverse avec impétuosité et inonde son voisinage.
Avec un peu de prudente attention, il peut bientôt apprendre à distinguer
dans quel sens cette force se dirige ; ensuite il parvient à pouvoir suivre, [92]
avec sa conscience de veille, ce flot impétueux de la puissance du Maitre, et
peut réellement le découvrir chez des personnes qui ont été influencées et
aidées par lui. L'élève toutefois, ne peut pas lui-même diriger cette force, il
est employé simplement comme canal, et cependant en même temps on lui
enseigne à coopérer à la distribution de la force. Plus tard, il vient un temps
où le Maitre, au lieu de faire tomber la force sur son élève pour la diriger
ensuite sur une personne dans un lieu éloigné, lui apprend à chercher et
trouver la personne et alors à lui donner un peu de cette force, pour que soit
épargnée l'énergie du Maitre. En tout temps et partout où l'élève peut faire
une partie du travail du Maitre, celui-ci la lui donne toujours, et à mesure
que l'élève grandit en utilité, plus de travail est mis entre ses mains, afin
d'alléger, bien que dans une faible mesure, la tension que le Maitre subit.
Nous pensons beaucoup,...et c'est bien, à ce que nous pourrions faire ici-
bas ; mais tout ce que nous pouvons imaginer et exécuter n'est rien auprès
de ce que le Maitre fait au moyen de nous. Une douce radiation passe
constamment à travers l'élève quand bien même il ne peut en être conscient ;
cependant le même élève la sentira distinctement toutes les fois qu'une
quantité plus grande de force lui sera envoyée.
Quelquefois le Maitre expédie, au moyen de son élève, un message
déterminé à une tierce personne. Je me rappelle qu'une fois on me dit de
remettre un message de ce genre à un membre très hautement intellectuel,
que je ne connaissais pas très bien. Je me sentie un peu embarrassé et
l'abordant pour un tel objet, mais naturellement j'étais dans l'obligation de
le faire ; alors je dis au destinataire :
"Mon Maitre m'a chargé de vous remettre un message, et
je fais simplement ce qui m'a été ordonné. Je sais que je
n'ai aucune preuve à vous donner, démontrant que c'est un
message du Maitre, et je vous laisse le soin d'y attacher
l'importance que vous voudrez. Je ne puis qu'exécuter ses
instructions."
Je connaissais évidemment le contenu du message, puisque j'avais eu à
le transcrire ; et j'affirme que, selon toute [93] apparence, il ne s'agissait que
d'un message parfaitement simple et amical, tel qu'une personne aimable
aurait pu en adresser à une autre personne, et qui ne semblait présenter
aucune signification spéciale. Mais évidemment les apparences étaient
trompeuses, car le vieux Monsieur à qui j'avais remis le message parut très
troublé et dit :
"Inutile de prendre la peine d'essayer de me convaincre
que c'est un message de votre Maitre ; je le vois tout de
suite d'après le libellé ; il vous aurait été absolument
impossible de comprendre la signification de plusieurs des
allusions qui sont faites."
À l'heure actuelle, je n'ai pas encore aucune idée de ce qu'il voulait dire.
Un autre privilège des plus précieux dont jouit l'élève accepté est de
pouvoir, sur quelque sujet que ce soit, juxtaposer sa pensée sur celle de son
Maitre, et de les comparer. On comprendra tout de suite combien l'emploi
fréquent de ce pouvoir aidera la pensée de l'élève à suivre des lignes nobles
et libérales – combien il sera plus apte à corriger constamment toute erreur,
toute tendance au parti pris ou au défaut de compréhension. Il y a plusieurs
façons pour l'élève d'exercer ce pouvoir ; ma méthode était toujours de me
plonger dans la méditation, et de m'efforcer de pénétrer dans la conscience
du Maitre. C'était probablement loin d'être une impression parfaite, mais du
moins, je comprenais ce qu'il pensait sur la question, autant que j'étais
capable de pénétrer sa pensée.
On doit prendre garde cependant de ne pas mésuser de ce merveilleux
privilège. Il nous est donné comme un moyen de référence ultime pour des
questions de grande difficulté, ou des cas dans lesquels bien que n'ayant pas
d'éléments suffisants d'appréciation, nous devons néanmoins prendre une
décision ; mais ce privilège ne doit nullement avoir un but de nous épargner
la peine de penser, ni être appliqué à la solution des simples questions [94]
journalières que nous sommes capables de résoudre par nous-mêmes.
Le candidat à l'acceptation doit nécessairement se surveiller de près. S'il
n'a pas reçu de suggestions directes de son Maitre, ou de quelque élève plus
ancien quant aux défauts particuliers qu'il doit essayer d'éviter, il cherchera
à s'examiner de son mieux, et lorsqu'il aura découvert ces défauts ou qu'on
les lui aura montrés, il devra s'exercer à une incessante vigilance. En même
temps, il ne devra, sous aucun prétexte, exagérer cette introspection jusqu'à
en devenir malade. La plus sure des lignes de conduite à suivre est de
concentrer son attention sur l'aide à donner à son prochain. Si son esprit est
rempli de cette pensée, il voudra instinctivement s'orienter dans la bonne
direction. Le désir de s'adapter complètement à ce travail l'engagera à
surmonter tous les obstacles du chemin, en sorte que sans avoir en rien
conscience de son propre développement, il s'apercevra cependant que ce
développement s'effectue.
On ne s'attend pas à ce qu'un élève pense constamment à son Maitre
avec intensité ; mais il est demandé que la forme du Maitre soit toujours à
l'arrière plan de son esprit, toujours à portée immédiate, toujours là quand
cela est nécessaire dans les vicissitudes de la vie. Pas plus que la corde d'un
arc, notre mental ne peut être toujours tendu, une détente raisonnable et une
diversion de la pensée font partie des nécessités de la santé mentale. Mais
dans cette détente, l'élève doit veiller strictement à ce qu'il n'y ait pas la plus
légère nuance d'impureté ou de désobligeance ; aucune pensée, même
fugitive, ne saurait jamais être admise qui puisse faire rougir l'élève à l'idée
que son Maitre la connaitra. Il n'y a absolument aucun mal à lire un bon
roman pour se distraire ; les formes-pensées qu'il fait naitre ne sauraient en
aucune manière d'interposer dans le courant de la pensée du Maitre ; mais il
existe beaucoup de romans remplis d'insinuations perverses, ils mettent
devant l'esprit des formes-pensées impures et glorifient le crime, d'autres
concentrent la pensée du lecteur sur les [95] plus répugnants problèmes de
l'existence, ou décrivent, sous de vives couleurs, des scènes de haine et de
cruauté ; tous les romans de ce genre seront rigoureusement évités. Dans le
même sens, il n'y a aucun mal à participer ou à observer les jeux ordinaires
joués honnêtement ; mais les jeux grossiers ou violents, ceux qui impliquent
un genre quelconque de cruauté ou peuvent porter dommage à l'homme ou
à l'animal, sont absolument interdits.
L'élève doit prendre la résolution, en ce qui concerne son
perfectionnement personnel, de ne jamais se laisser aller au découragement
à la suite de ses échecs, quand bien même ils seraient fréquents. Aussi
souvent qu'il ait échoué dans son effort, aussi souvent qu'il soit tombé sur le
chemin qu'il s'est tracé, le même motif impérieux de se relever et de marcher
de l'avant, existe, après la millième chute exactement comme après la
première. Sur le plan physique bien des choses sont franchement
impossibles ; mais ce n'est pas le cas dans les mondes supérieurs. Ainsi, nous
ne pouvons pas soulever le poids d'une tonne sans l'aide de machines ; mais
sur les plans supérieurs, il est possible avec la persévérance, de soulever le
poids de nos nombreuses imperfections. La raison est évidente, pour peu
que nous y pensions : les muscles humains ne sont pas construits pour être
à même de soulever une tonne, et l'on ne peut concevoir aucun exercice qui
puisse les amener à le pouvoir faire, car la force qu'ils émettent est limitée.
En matière spirituelle, l'homme a derrière lui toute la Puissance divine dans
laquelle il peut puiser, et de cette façon, petit à petit, et par des efforts
répétés, il peut et, de plus, certainement il voudra, devenir assez fort pour
surmonter n'importe quel obstacle.
On dit souvent : "Je puis agir et obtenir des résultats sur le plan
physique, mais sur l'astral et le mental je ne puis faire grand-chose ; c'est si
difficile". C'est l'inverse de la vérité. On n'est pas accoutumé à penser et à
travailler dans ces matières plus fines, et ainsi l'on croit qu'on ne peut pas.
Mais aussitôt qu'on aura dressé sa volonté, l'on s'apercevra que cette volonté
dirigera toute [96] chose dans un sens qui serait impossible dans le monde
physique.
Certains élèves se sont trouvés très aidés dans ce travail par l'emploi
d'un talisman ou d'une amulette. Cela peut être d'une aide très réelle puisque
la nature physique doit être, aussi bien que la pensée et les émotions, vaincue
et amenée à soumission, et c'est elle sans contre dit, la plus rebelle à manier.
Un talisman fortement chargé de magnétisme, dans un but spécial, par
quelqu'un qui sait comment le faire, peut être d'un secours inestimable, ainsi
que je l'ai expliqué fort au long dans Le Côté caché des Choses. Beaucoup
se prétendent supérieurs à de telles choses, et disent qu'ils n'ont besoin
d'aucune aide ; quant à moi, j'ai trouvé la tâche si ardue que je suis content
de toute assistance qui peut m'être offerte
CHAPITRE VI

AUTRES FORMES DE L'ENSEIGNEMENT

Pendant le temps de l'acceptation, l'Adepte, tout en utilisant son élève


comme apprenti, l'a préparé à être présenté à la Grande Fraternité Blanche,
pour son Initiation.
Le Maitre sait combien l'utilité de son élève pour le monde sera plus
grande quand il aura eu le grand honneur d'être reçu par cette Fraternité,
dont le seul but est d'aider l'œuvre de l'évolution. Aussi sa volonté est
d'amener aussi tôt que possible son élève au niveau voulu d'élévation. Dans
les ouvrages orientaux, datant de milliers d'années et traitant de cette
question, on trouve de nombreuses informations sur cette période
préparatoire d'instruction ; et quand il y a été fait allusion dans les premiers
livres théosophiques, on s'est servi du terme de "Sentier de probation", cette
expression se rapportant, non pas à la probation accordée par tel ou tel
Adepte en particulier, mais à un entrainement général préparant à
l'Initiation. J'ai employé ce terme dans les Aides Invisibles, mais j'ai évité
par la suite, afin de faire cesser la confusion résultant de l'usage d'une même
expression dans deux sens distincts.
La méthode employée est facile à comprendre et ressemble beaucoup,
en somme, à celle de nos vieilles Universités. Un étudiant qui désire acquérir
un diplôme auprès de l'une d'elles, doit d'abord passer avec succès l'examen
d'entrée à cette Université, après quoi il est admis dans l'un de ses collèges.
Le directeur de ce collège est responsable techniquement des progrès de
l'élève ; il peut être considéré comme son "tuteur en chef". L'élève devra
naturellement travailler beaucoup par lui-même, mais le directeur du collège
est censé veiller à ce qu'il soit convenablement instruit avant de subir
l'examen qui doit lui donner un grade. Celui-ci n'est pas conféré par le
directeur, mais par cette entité abstraite appelée l'Université. Au cours de la
préparation de l'élève, le chef de l'école, peut, en tant qu'individu, entrer en
[98] relation, sociales ou autres, avec son élève, s'il le juge à propos, mais
cela n'est pas l'affaire de l'Université.
De même, la Grande Fraternité Blanche n'a pas à s'occuper des relations
établies entre Maitre et élève : ceci est une question privée dont le Maitre
est seul juge. L'Initiation est donnée par un membre de la Fraternité désigné
à cet effet, au nom de l'Unique Initiateur ; l'Initiation ne peut être obtenue
par aucun autre moyen. Lorsqu'un Adepte considère que l'un de ses élèves
est apte à recevoir la première Initiation, il notifie le fait et présente son
disciple à la Fraternité ; celle-ci se préoccupe de savoir si le candidat est prêt
pour l'Initiation, sans s'inquiéter des relations existant entre lui et son Maitre,
ou tout autre Adepte. Ce n'est pas l'affaire des Frères de savoir si l'élève en
est au stade de probation, de l'acceptation ou à celui de Fils du Maitre. Il est
vrai que tout candidat à l'Initiation doit être proposé et recommandé par deux
des membres les plus avancés de la Fraternité, autrement dit par deux
Adeptes ; et il est bien certain qu'aucun Maitre ne proposerait un candidat
aux épreuves de l'Initiation à moins qu'il ne soit certain de ses aptitudes, ce
dont il s'assure par une étroite identification de sa conscience avec celle de
l'élève.
Le Sentier de probation est, par conséquent, une étape qui conduit au
Sentier proprement dit, lequel commence à la première Initiation. Dans les
livres orientaux ces deux Sentiers sont décrits tout à fait impersonnellement,
comme si aucun Maitre particulier n'existait. Une question se pose ici :
"Comment un homme vivant dans un milieu ordinaire peut-il être amené à
ce Sentier de probation ; comment vient-il à savoir qu'une telle voie existe ?"
Certains ouvrages nous apprennent qu'il existe quatre causes dont chacune
suffit pour mener l'homme à l'entrée du Sentier de progrès.
La première consiste à être, ou à entrer, en relation avec des personnes
engagées déjà sur cette voie. Certains d'entre nous, par exemple, peuvent
avoir été moines ou nonnes au Moyen Age, et nous pouvons être entrés en
contact, au cours de cette vie passée, avec un religieux [99] ou une religieuse
ayant une profonde expérience du monde intérieur, comme sainte Thérèse.
En voyant un tel exemple, il se peut que nous ayons désiré, ardemment mais
sans égoïsme, posséder une telle expérience sans que nous n'ayons pensé,
alors, ni à l'importance que cela nous donnerait, ni à la satisfaction que nous
aurions à réussir, mais seulement à la joie de pouvoir aider autrui, comme
sait si bien le faire celui que nous prenons pour exemple, grâce à son profond
discernement. Un tel sentiment nous aurait certainement mis, dans notre
incarnation suivante, sur la trace d'un enseignement conduisant vers cette
voie.
On peut dire que dans les pays de culture européenne la seule manière
de prendre clairement connaissance de l'enseignement spécial est de se
joindre à la Société Théosophique, ou de lire des ouvrages sur la
Théosophie. Certains ouvrages mystiques ou spiritualistes ont, certes, fourni
des informations de grand utilité, mais il n'existe pas, que je sache, d'écrits
exposant les choses aussi clairement et scientifiquement que le fait la
littérature théosophique. Je ne connais pas de livre qui contienne une
richesse d'information comparable à celle que révèle la Doctrine Secrète.
Il y a évidemment, les livres sacrés de l'Inde et d'autres pays, dans
lesquels on trouve une grande partie de notre sujet ; mais ils ne sont pas
rédigés de façon à permettre, étant donnée notre mentalité, de les assimiler
aisément et d'en apprécier le contenu. Lorsqu'après avoir lu les ouvrages
théosophiques fondamentaux, nous prenons une de ces belles traductions
d'œuvres orientales, nous pouvons y retrouver notre théosophie. Dans la
Bible chrétienne (quoiqu'elle soit en bien des endroits mal traduite), nous
trouvons beaucoup de théosophie ; mais avant de pouvoir la découvrir, il
nous en faut connaitre le système. Une fois que nous avons étudié la
théosophie, nous voyons combien de textes viennent la corroborer, textes
qui ne peuvent, pour la plupart, s'expliquer sans son aide ; nous voyons
comment les cérémonies de l'Église, qui n'avaient pour nous aucune
signification [100] précise, se trouvent subitement douées de vie à la clarté
de notre enseignement. Cependant, je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un
ait pu déduire la doctrine théosophique de l'étude des textes ou des
cérémonies.
Ainsi, un moyen d'approcher du Sentier est de connaitre ceux qui le
parcourent déjà. Un autre moyen est de lire quelque chose à ce sujet ou d'en
entendre parler. Dans mon cas personnel, l'enseignement théosophique me
vint, en 1882, par l'intermédiaire du livre de M. Sinnett, le Monde Occulte ;
et, immédiatement après, quand je lus le second livre, le Bouddhisme
Ésotérique, je compris instinctivement la vérité des choses dévoilées dans
ces deux ouvrages et je l'acceptai d'emblée. De lire et d'entendre parler de
ces questions me donnèrent tout de suite le désir, puis l'intention ferme d'en
connaitre davantage, d'apprendre tout ce que je pourrais sur ce sujet, dussè-
je aller à l'autre bout du monde pour trouver ce que je cherchais. Peu de
temps après, je démissionnais de l'Église anglicane et me rendis aux Indes,
parce qu'il me semblait que là je pourrais creuser ce sujet à fond.
Le troisième moyen mentionné dans les ouvrages orientaux consiste
dans le développement intellectuel. Par la seule puissance de la pensée un
homme peut arriver à découvrir quelques-uns de ces principes. Il semble
pourtant que cette méthode soit rarement employée.
Le quatrième moyen, suivant ces mêmes ouvrages, consiste en une
longue pratique de la vertu, laquelle mène l'homme à l'entrée du Sentier. Un
homme peut arriver à développer son âme par la pratique persévérante du
bien – pour autant qu'il peut le connaitre – de telle manière que la lumière
se révèle à lui de plus en plus.
Il y a quarante ans, lorsque les qualités exigées pour l'accès au Sentier
me furent indiquées, au point de vue bouddhiste ésotérique, elles étaient
données ainsi : La première, le discernement, appelée par les Indous
"Viveka", était décrite comme "Manodvaravajjana", ce qui signifie
"l'ouverture des portes du mental", ou peut-être plus exactement,
"l'échappée par la porte du mental". C'est là une manière saisissante de
présenter l'idée, [101] car le discernement est atteint quand notre mental
largement ouvert nous fait connaitre ce qui est réel, ce qui est désirable et ce
qui ne l'est point, nous permettant ainsi de distinguer parmi les contraire.
La seconde qualification : l'absence de désir, nommée "Vaïragya" par
les Indous, me fut enseignée sous le nom de "Parikamma", c'est-à-dire de
"préparation pour l'action", l'idée étant qu'il faut nous préparer à agir dans
le monde occulte en apprenant à bien faire uniquement pour bien faire ; ceci
implique un état de haute indifférence dans lequel on ne se soucie plus
aucunement des résultats de l'action, état équivalent à l'absence de désir,
bien que le point de vue sois ici différent.
Les six points de bonne conduite, appelés "Shatsampatti" par les
Indous, me furent indiqués comme "Upacharo", ce qui veut dire
"considération de la conduite". Pour la commodité de l'étudiant qui voudrait
comparer ces six points avec ceux mentionnées dans Aux Pieds du Maitre,
je reproduis ici ce que je disais à leur sujet dans les Aides Invisibles.
"Ils sont mentionnés en Pali :
a) "Samo" (quiétude), cette pureté et ce calme de la pensée qui
découlent du parfait contrôle du mental ; c'est une qualité extrêmement
difficile à acquérir, et cependant l'une des plus nécessaires, car, à moins
que le mental n'obéisse entièrement à la direction de la volonté, il ne
saurait être, par la suite, un parfait instrument pour le travail du Maitre.
Cette qualité-là embrasse un champ considérable et comprend à la fois
le contrôle de soi-même et le calme nécessaires pour le travail astral.
b) "Damo", domination ou maitrise dans les actes et les paroles, qualité
qui découle nécessairement de la précédente et implique la pureté.
c) "Uparati", tolérance, détruisant les superstitions ou le fait de croire
nécessaires les actions ou cérémonies prescrites par une religion
particulière – qualité qui conduit l'aspirant à l'indépendance de pensée
et à une large et généreuse tolérance. [102]
d) "Titikkha", endurance, ou clémence, dans le sens d'être prêt à
supporter avec enjouement quoi que ce soit que le karma puisse nous
apporter, et à se séparer de tout ce qui est de ce monde, à quelque
moment que cela soit nécessaire. Cette qualification implique, en outre,
l'absence complète du ressentiment du tort subi, l'aspirant sachant que
ceux qui lui font tort ne sont que les instruments de son propre karma.
e) "Samadhana", application, concentration des efforts dans une
direction unique, impliquant l'impossibilité de se laisser détourner de sa
voie par la tentation.
f) "Saddha", foi, confiance en son Maitre et en soi-même ; c'est-à-dire
certitude que le Maitre est un instructeur compétent et que l'élève –
quelle que soit l'opinion qu'il se fasse actuellement de ses propres
pouvoirs – possède cependant au-dedans de lui-même cette divine
étincelle qui, attisée en flamme, lui permettra d'accomplir un jour ce
que le Maitre a fait."
La quatrième qualification est appelée, dans la classification indoue
"Mumukshutva", qui peut se traduire par "désir ardent de libération de la
roue des naissances et des morts", tandis que le nom donné parmi les
Bouddhistes, à cette qualification, est "Anuloma", qui veut dire "ordre
direct", ou "succession directe", parce que son obtention est une
conséquence toute naturelle des trois précédentes.
On verra cette comparaison des différents systèmes que les qualités à
acquérir en vue de la première grande Initiation sont fondamentalement les
mêmes, si différentes qu'elles puissent paraitre au premier abord. Il est
certain que durant vingt-cinq siècles, et sans doute bien longtemps encore
auparavant, cette méthode systématique a été suivie à l'égard de l'évolution
de ces personnes spéciales qui persistent à lutter. Et bien qu'à de certaines
époques, ...et la nôtre est de celle-là, les circonstances soient plus favorables
pour l'Initiation qu'à d'autres, les conditions nécessaires restent les mêmes
et nous devons nous garder de croire que les qualités requises ont été
réduites en aucune façon.
TROISIÈME PARTIE

LES GRANDES INITIATIONS

CHAPITRE VII

LA PREMIÈRE INITIATION

Nombre de personnes, lorsqu'elles pensent à l'Initiation, s'en font l'idée


d'un grade à acquérir. Elles se représentent l'Initié comme un homme qui
s'est très hautement développé et est devenu une grande, une glorieuse
personnalité, en comparaison de l'homme ordinaire. Cette conception est
exacte ; mais nous saisirons mieux l'ensemble de la question si nous
essayons de l'envisager d'un point de vue plus élevé. L'importance de
l'Initiation ne réside pas dans l'élévation d'un individu, mais dans le fait qu'il
fait maintenant définitivement partie intégrante d'un grand Ordre, la
Communion des Saints, comme l'exprime si noblement l'Église chrétienne,
bien que fort peu de fidèles aient jamais fait attention à la signification réelle
de ces mots. La sublime réalité que comporte l'Initiation à la "Fraternité"
sera mieux appréciée après que nous aurons examiné l'organisation de la
Hiérarchie Occulte et l'œuvre des Maitres, dont il est parlé plus loin.
Le candidat est devenu maintenant plus qu'un homme individuel, parce
qu'il est un des éléments d'une formidable force. Sur chaque planète, le
Logos solaire a son représentant, agissant comme son Vice- Roi. Sur notre
globe, le titre donné à ce grand Ministre est le "Seigneur du Monde". C'est
lui le chef de la "Fraternité" ; et celle-ci n'est pas seulement une réunion
d'hommes dont chacun a ses propres fonctions à remplir, c'est aussi une
formidable unité, un instrument parfaitement souple dans la main du
Seigneur, une arme qu'il peut manier. Il y a un merveilleux et
incompréhensible plan, suivant lequel l'Unique, après s'être divisé par le
nombre, est [104] maintenant en train de redevenir Un ; non pas qu'aucune
unité de tout cet ensemble doive perdre alors la moindre parcelle de son
individualité ou de son pouvoir, en tant qu'unité, mais afin de lui ajouter
quelque chose de mille fois plus grand : elle fait désormais partie du
Seigneur, parties du corps qu'Il porte, de l'arme dont Il se sert ; elle est
l'orgue sur lequel Il joue, l'instrument qu'Il utilise pour son travail.
Il n'y a, au monde, qu'un seul Initiateur, bien qu'aux cas de la première
et de la seconde Initiation, Il peut déléguer un Adepte pour participer au
cérémonial en ses lieu et place, mais cet Officiant doit s'unir au Seigneur et
en appeler à Lui, au moment essentiel où le grade est conféré. La première
Initiation constitue un magnifique et mémorable évènement dans la vie
spirituelle du candidat, comme l'expliquait le Maitre Kuthumi, en acceptant
un élève. Il dit à ce dernier :
"Maintenant que vous avez atteint le but immédiat de vos
aspirations, je vous exhorte instamment à tourner, dès à
présent, votre attention vers les conditions, beaucoup plus
sévères, requises pour franchir l'étape suivante. Ce à quoi
vous allez vous préparer : "l'Entrée dans le Courant", que
les chrétiens appellent le "Salut", est le point saillant de la
longue lignée de vos existences terrestres, l'aboutissement
de sept cents vies. Il y a bien longtemps de cela, vous êtes
entré, par l'individualisation, dans le règne humain ; dans
un avenir que j'espère prochain, vous le quitterez par la
porte de l'Adeptat et deviendrez un surhomme. Entre ces
deux points extrêmes, il n'est pas d'étape plus importante
que celle de l'Initiation, vers laquelle il faut maintenant
tourner vos pensées. Non seulement elle vous mettra, pour
toujours, en sureté, mais encore vous fera-t-elle pénétrer
dans cette "Fraternité", qui existe d'éternité en éternité, la
Fraternité qui aide le monde.
Rendez-vous compte, par suite, avec quel soin scrupuleux
il convient de vous préparer pour un évènement si
extraordinaire. Je voudrais que vous en eussiez la [105]
gloire et la beauté toujours présentes à l'esprit, afin que
vous puissiez vivre à la lumière de ses idéals. Votre corps
est bien jeune pour un aussi grand effort, mais une rare et
splendide chance vous est offerte et je vous demande d'en
tirer tout le parti possible."
Lorsqu'un égo vient à être initié il devient une partie de l'organisation
la plus fermée qui soit au monde : un avec le plus puissant océan de
conscience de la grande Fraternité Blanche. Pendant longtemps, toutefois,
le nouvel Initié ne pourra comprendre tout ce que cette union comporte ; il
devra pénétrer sensiblement plus avant dans le sanctuaire avant de pouvoir
se rendre compte jusqu'à quel point est étroit le lien entre les membres et
immense la conscience du Roi, conscience que tous les Frères partagent,
dans une certaine mesure, avec Lui. C'est une chose que nous ne saurions
comprendre ni exprimer ici-bas, tant elle est métaphysique et subtile ; ce
n'en est pas moins une glorieuse réalité, à telle enseigne que lorsque nous
commençons seulement à la saisir, tout le reste nous parait irréel.
Nous avons vu précédemment comment l'élève accepté peut mettre sa
pensée côte à côte avec celle du Maitre ; de même l'Initié peut-il maintenant
comparer sa pensée avec celle de la Fraternité et être pénétré par cette
immense Conscience, dans la mesure précise où sa propre élévation lui
permet de se l'assimiler. Dès qu'il en fait sienne une plus grande part, il en
reçoit davantage, et sa conscience, s'élargissant ainsi, toute étroitesse de
pensée lui devient impossible. Et, de même que l'élève accepté doit prendre
bien garde de ne causer aucune perturbation dans les véhicules inférieurs du
Maitre, de peur de compromettre la perfection de son travail, de même un
membre de la Fraternité évitera toujours d'introduire quoi que ce soit de
discordant dans cette puissante Conscience, qui agit comme un tout.
Il n'oubliera pas que tous les Frères ne se livrent pas aux mêmes travaux
que nos Maitres ; beaucoup d'entre eux sont occupés à des tâches qui exigent
la plus [106] profonde concentration et le calme le plus parfait, et si quelque
jeune membre venait parfois à oublier leur appel spirituel, il entraverait le
travail de ces grands Êtres. Nos propres Maitres s'accommoderaient peut-
être d'inconvénients de cette nature – s'ils n'étaient ni graves ni fréquents –
en vue de l'avenir prochain où le jeune Initié ne ferait plus jamais qu'un
noble usage des pouvoirs de la Fraternité ; mais on comprend sans peine que
ceux qui n'ont rien à voir directement avec la formation des jeunes membres
soient enclins à dire : "On trouble notre travail et il vaut mieux que ceux
dont la personnalité manque encore de maturité demeurent en dehors de
notre compagnie." Ils pourraient d'ailleurs ajouter que rien ne serait perdu
s'il en était ainsi, car le progrès peut s'accomplir au-dehors et les élèves
pourraient tout aussi bien y acquérir le complément de force et de sagesse
nécessaire, avant d'être admis à l'Initiation.
Si merveilleuse est l'expansion de la conscience de l'Initié qu'il se sent
porter à parler de son nouvel état comme d'une seconde naissance ; il
commence à mener une nouvelle vie "comme un petit enfant", la vie du
Christ ; et le Christ, en d'autres termes : la conscience intuitive ou
bouddhique, est née en son cœur. Il a maintenant le pouvoir de donner la
bénédiction de la Fraternité, force formidable et irrésistible qu'il peut
donner, ou envoyer, à ceux qu'il en juge dignes, au moment le plus utile. Le
pouvoir de la Fraternité coulera à travers lui dans la mesure où il le voudra ;
il lui appartient de diriger ce pouvoir en se souvenant qu'il garde l'entière
responsabilité de cette direction, quel que soit le but pour lequel il en fait
usage. La bénédiction donnée par l'Officiant, lors de l'Initiation, signifie :
"je vous bénis ; je verse en vous ma force et ma bénédiction ; à votre tour,
versez-les sans cesse à autrui."
Plus est grande la confiance de l'Initié, plus grand sera le courant de
force qui le pénètrera : s'il ressent la moindre hésitation ou s'il se laisse
affecter par la responsabilité de servir de canal à un pouvoir si formidable,
il ne pourra faire qu'un usage partiel de ce don [107] merveilleux ; au
contraire, s'il possède bien la qualification de "Shraddha", confiance entière
dans le Maitre et la Fraternité et certitude absolue que, dès l'instant qu'il ne
fait qu'un avec Eux, toute chose lui est possible, alors il peut aller par le
monde en véritable ange de lumière, répandant la joie et la bénédiction le
long de son chemin.
La conscience de la grande Fraternité Blanche est quelque chose
d'indicible : c'est comme un grand océan calme et brillant, uniforme au point
que le moindre frémissement de conscience s'y transmet instantanément
d'un bout à l'autre, comme un éclair ; et cependant, il semble à chaque
membre que ce soit sa propre conscience individuelle, mais douée d'une
force, d'une puissance et d'une sagesse qui ne peuvent appartenir à nulle
conscience humaine en particulier. De même que le groupe d'élèves ne fait
qu'un avec le Maitre, de même la Fraternité est une en Son Seigneur. Les
membres peuvent entre eux discuter librement toute question, mais, telle est
leur union que c'est comme si les différents aspects de cette question se
présentaient à un même esprit et que ce dernier, seul, pesant le pour et le
contre, l'on se trouve tout le temps, en présence d'une immense et presque
effarante sérénité, d'une certitude que rien ne peut jamais troubler. Et, d'autre
part, chaque suggestion est la bienvenue : on a vraiment l'impression que la
Fraternité entière attend, avec le plus grand intérêt, la contribution de chaque
membre à l'examen du sujet en discussion. Il n'existe, ici-bas, rien
d'analogue à quoi cette conscience puisse être comparée ; y atteindre, c'est
entrer en contact avec quelque chose de nouveau et d'étrange, mais
d'inexprimablement merveilleux et sublime, quelque chose qui ne permet ni
témoignage ni comparaison, mais qui s'affirme comme étant d'un monde
inconnu et bien plus élevé.
Quoique les individualités soient si étrangement immergées en cette
conscience, elle n'en reste pas moins nettement séparée, car, l'assentiment
de chacun des Frères est nécessaire pour toute décision d'importance.
L'autorité [108] du Roi est absolue ; cependant, il transporte son vaste
Conseil avec lui et est, à tout instant, disposé à examiner tout l'aspect d'une
question que peut avoir à lui soumettre n'importe quel membre de ce
Conseil. Mais ce grand organe de gouvernement diffère totalement de tous
les parlements de la terre : ceux qui possèdent l'autorité par rapport aux
autres n'ont pas été élus, ni nommés par quelque parti ; ils occupent leur
position parce qu'ils les ont gagnées par leur développement supérieur et
leur plus grande sagesse. Aucun d'eux n'est tenté de mettre en doute la
décision de son supérieur, parce qu'il le sait être réellement supérieur, en ce
qu'il possède une vision plus large et un pouvoir de décision plus étendu. Il
n'y a et ne peut y avoir l'ombre d'une obligation, pour ces surhommes, de
penser ou d'agir tous de même ; cependant, si parfaite est leur confiance en
leur puissante organisation, qu'il est impossible d'imaginer qu'ils puissent
différer fondamentalement dans leurs vues ou dans leurs actes. C'est, par
excellence, dans le cas d'une telle Fraternité, sous les ordres d'un tel Roi,
que nous pouvons pleinement comprendre ce beau passage lu à l'une des
quêtes de l'Église d'Angleterre : "À son service règne une parfaite liberté".
En une semblable organisation, il ne devrait pas, semble-t-il, y avoir de
possibilité d'insuccès, ou de difficultés d'aucune sorte, et pourtant, parce que
l'humanité est faible et que certains des membres de cette grande Fraternité
ne sont pas encore des surhommes, des échecs se produisent parfois, bien
que très rarement. Ainsi qu'il est dit dans la Lumière sur le Sentier :
De grandes Êtres, parvenus jusqu'au seuil même, retombent, incapables
de le franchir, incapables de soutenir le poids de leurs responsabilités. Et
seule l'acquisition de l'Adeptat met l'individu en parfaite sécurité.
L'Initiateur dit bien au candidat que dès qu'il est "entré dans le courant" il
est pour toujours en sécurité, mais, quoi qu'il en soit ainsi, le candidat peut
[109] cependant retarder son progrès dans une très large mesure, s'il cède à
l'une quelconque des tentations qui se dressent encore sur son chemin.
"Être en sécurité pour toujours" est généralement considéré comme
s'appliquant à la certitude d'être emporté plus loin dans l'Évolution avec la
présente vague de vie, de ne pas être laissé en arrière au "Jour du Jugement",
qui aura lieu au milieu de la 5e Ronde, lorsque le Christ, redescendu dans la
matière, décidera quelles âmes peuvent et quelles âmes ne peuvent pas être
amenées jusqu'au but final de notre chaine de mondes. La condamnation
éternelle n'existe pas ; elle est, comme l'a dit le Christ, simplement
éonienne : certaines âmes, qui ne seront pas en mesure de poursuivre leur
ascension au cours de la période actuelle, poursuivront leur route au cours
de la suivante, précisément comme un enfant qui, n'étant pas assez avancé
pour réussir dans la classe de cette année, s'en tirera bien l'année suivante et
sera probablement même parmi les premiers.
Quand cette triste, cette terrible chose se produit, quand survient un
échec quelconque parmi les Initiés, un frémissement douloureux parcourt
l'ensemble de cette vaste Conscience, car la séparation de l'un des membres
du reste de la communauté est comparable à une opération chirurgicale et
déchire les fibres de tous. Toutefois, le Frère égaré n'est pas finalement
perdu pour la Fraternité, il conserve avec elle un lien qui ne peut être brisé,
bien que nous sachions peu de chose du pénible chemin d'épreuves et de
souffrances qu'il doit parcourir avant d'être en mesure de rejoindre ceux qu'il
a quittés. "La voix du silence demeure en lui, et, alors même qu'il
abandonnerait entièrement le Sentier, elle retentira cependant un jour, pour
le déchirer et séparer ses passions de ses possibilités divines. Alors, malgré
la souffrance et les cris désespérés du Soi inférieur abandonné, le disciple
reprendra le Sentier 4."
Comme pour les cérémonies décrites dans les [110] chapitres
précédents, je donnerai ici un compte rendu du cérémonial adopté pour la
première Initiation. La formule en est restée inchangée à travers les âges,
bien qu'elle comporte une certaine élasticité. L'allocution de l'Initiateur au
candidat est toujours la même dans la première partie, mais elle est presque
invariablement suivie d'une seconde partie, de caractère personnel et qui
consiste généralement en des conseils particuliers au candidat auquel ils
s'adressent. J'ai connu des cas où, de plus, l'Initiateur, ayant fait une image
du pire ennemi du candidat, demande à ce dernier comment il traiterait cet
ennemi, s'il est disposé à lui pardonner sans réserve et s'il saurait aider un
individu aussi vil, au cas où il le rencontrerait sur son chemin.
Dans certains cas encore, des questions sont posées au sujet du travail
déjà accompli par le candidat, et ceux qu'il a aidés sont parfois invités à se
présenter pour en rendre témoignage.

4
La Lumière sur le Sentier.
UNE PREMIÈRE INITIATION

La fête de Wesak tombant cette année-là (1915) le 29 mai et devant


avoir lieu dans la matinée, la nuit du 27 mai était choisie pour l'Initiation du
candidat et nous étions tous invités à nous tenir prêts.
En cette occasion, le Seigneur Maitreya devant être l'Initiateur, la
cérémonie s'est déroulée dans son grand jardin. Quand le Maitre Morya ou
le Maitre Kuthumi dirigent le rite, la chose se passe ordinairement dans
l'ancien temple souterrain, dont l'entrée se trouve près du pont qui franchit
la rivière séparant leurs deux maisons. Un grand nombre d'Adeptes se
trouvent réunis et tous ceux dont les noms nous sont familiers sont présents.
Le superbe jardin a son plus vif éclat : les massifs de rhododendrons ne sont
qu'une gerbe éclatante de fleurs d'un vif cramoisi et l'air est embaumé du
parfum des premières roses. Le Seigneur Maitreya préside, à sa place
habituelle sur le siège de marbre qui fait le tour du grand arbre devant sa
maison ; les Maitres se groupent en demi-cercle à sa droite et à sa gauche,
sur des sièges [111] placés à leur intention, sur la pelouse de la terrasse, d'où
s'élève le siège circulaire du marbre, auquel on accède par une couple de
marches. Le Seigneur Vaïvasvata Manou et le Mahâchohan ont également
pris place sur le siège de marbre, de chaque côté des bras du trône un peu
plus élevé et sculpté qui fait exactement face au midi et qu'on appelle le
trône de Dakshinamurti.
Le candidat, ainsi que les Maitres qui le présentent, se tiennent debout
sur le terreplein immédiatement au-dessous, aux pieds du Seigneur ; par
derrière et au-dessous d'eux se tiennent d'autres élèves, initiés et non-initiés,
et quelques spectateurs privilégiés qui seront admis à voir une grande partie
de la cérémonie, bien qu'à certains moments un voile de lumière dorée leur
cache les mouvements des principaux personnages. Le candidat est, selon
l'usage, vêtu d'une robe flottante de fine toile blanche, tandis que les Maitres
sont, pour la plupart, habillés de soie blanche, bordée de larges et
magnifiques broderies d'or. Une grande troupe d'anges flotte au-dessus du
groupe, emplissant l'air d'un murmure mélodieux, qui, d'étrange et subtile
manière, semble tirer du candidat, comme des cordes d'un luth, un mélange
compliqué de sons, exprimant ses qualités et ses possibilités ; cette mélodie
continuera pendant toute la cérémonie, accompagnant délicatement tous les
mots prononcés, sans plus les interrompre que le doux gazouillis d'un
ruisseau n'interrompt la vibrante musique des oiseaux, mais qui s'élèvera
jusqu'à une triomphante plénitude, à certains points du rituel. La musique
rendra l'air vocal, enrichissant sans le couvrir le ton des paroles prononcées.
Dans chaque cas, cette musique est construite sur le ton spécial de chaque
candidat, tissant autour de lui des variations et des fugues exprimant, d'une
manière que nous ne pouvons comprendre ici-bas, tout ce qu'est et sera
l'aspirant. Au centre de la scène se tient le candidat, entre le Maitre qui le
propose et celui qui le seconde ; c'est le Maitre Kuthumi, son Instructeur,
qui le conduit, et le Maitre Jésus qui lui sert de second parrain. Le Seigneur
Maitreya sourit lorsqu'il pose la question initiale du rituel : [112]
"Qui amenez-vous ainsi devant moi ?"
Notre Maitre fait la réponse d'usage :
"C'est un candidat qui sollicite son admission dans la
Grande Fraternité."
Puis vient la question suivante :
"Répondez-vous de lui comme étant digne d'y être
admis ?"
Et la réponse consacrée :
"J'en réponds."
"Voulez-vous charger de guider ses pas le long du Sentier
dans lequel il désire s'engager ?"
Celui qui présente le candidat dit :
"J'accepte de m'en charger."
"Notre règle exige que deux des Membres hauts placés
répondent de chaque candidat ; un autre Frère est-il
disposé à appuyer cette demande ?"
Alors, pour la première fois, le second parrain parle et dit :
"Je suis prêt à le faire."
L'initiateur demande encore :
"Avez-vous des témoignages tendant à démontrer que si
de nouveaux pouvoirs sont conférés au candidat il en fera
usage dans l'intérêt du Grand Œuvre ?"
Et le Maitre Kuthumi répond :
"La vie présente de ce candidat est encore bien courte ;
néanmoins, il a déjà mainte bonne action à son crédit et il
commence à accomplir notre travail dans le monde.
D'autre part, au cours de l'existence qu'il vécut en Grèce,
il fit beaucoup pour répandre ma philosophie et pour
améliorer le pays dans lequel il passa cette vie."
Et le Maitre Jésus ajoute :
"Au cours de deux vies d'une vaste influence, il fit
patiemment mon travail, combattant le mal et introduisant
un noble idéal dans sa vie comme gouvernant ; puis
répandant à l'étranger l'enseignement d'amour, de pureté
et de détachement, dans son incarnation comme moine.
Pour ces raisons, je me tiens aujourd'hui à son côté."
Alors le Seigneur, souriant au jeune garçon, dit :
"Le corps de ce candidat est le plus jeune qui nous [113]
ait jamais été présenté pour les honneurs de la réception
dans la Fraternité ; y-a-t-il un de nos Membres continuant
de vivre dans le monde extérieur, qui soit prêt à lui donner
de notre part, l'aide et les conseils que la jeunesse de son
corps physique peut rendre nécessaire ?"
Sirius, se détachant d'un groupe d'élèves qui se tenaient debout derrière
cette scène, s'avança alors et dit :
"Seigneur, dans toute la mesure où j'en suis capable et
pendant que je serai à portée de son corps, je ferai pour
lui, avec le plus grand plaisir, tout ce qui sera en mon
pouvoir."
Le Seigneur dit alors :
"Votre cœur est-il plein d'une véritable affection
fraternelle pour ce jeune candidat, afin que vous puissiez
le guider comme il convient ?"
Et Sirius répond :
"Il l'est."
Puis, pour la première fois, le Seigneur s'adresse directement au
candidat :
"À votre tour, aimez-vous ce Frère au point de vous laisser
bien volontiers guider par lui, quand il le jugera
nécessaire ?"
Et le jeune homme répond :
"Très certainement et de tout mon cœur, car sans mon
frère je ne serais pas ici aujourd'hui."
Le Seigneur incline gravement la tête en signe d'assentiment, puis les
Maitres font avancer le candidat jusque devant l'Initiateur. Fixant les yeux
sur l'aspirant, le Seigneur lui dit :
"Désirez-vous faire partie de la Fraternité qui existe
d'éternité en éternité ?"
Le jeune homme répond :
"Oui, Seigneur, si vous jugez que je suis digne d'y être
admis, alors que mon corps est encore si jeune."
L'Initiateur demande :
"Connaissez-vous le but de notre Fraternité ?"
Le candidat répond qu'elle a pour objet d'exécuter la volonté de Dieu en
servant son plan, qui est l'Évolution. Le Seigneur poursuit : [114]
"Êtes-vous prêt à faire le serment de consacrer désormais
toute votre vie et toutes vos forces à cette œuvre, vous
oubliant vous-même entièrement pour le bien du monde,
remplissant votre vie d'amour, de même que Lui est tout
amour ?"
Et il répond :
"Je m'efforcerai de le faire, dans toute la mesure de mes
moyens, avec l'aide de mon Maitre."
"Promettez-vous de tenir secret tout ce qu'il vous sera
enjoint de tenir secret ?"
Et il dit :
"Je m'y engage."
Les questions habituelles au sujet des connaissances et du travail astrals
sont alors posées au candidat. Nombre d'objets astrals lui sont montrés et il
doit dire à l'Initiateur ce que sont ces objets. Il doit distinguer entre les corps
astrals d'un homme vivant et d'un homme "mort", entre une personne réelle
et la forme-pensée d'une personne, entre l'imitation d'un Maitre et le Maitre
lui-même. Ensuite, l'Initiateur lui présente un certain nombre de cas et lui
demande au sujet de chacun ce qu'il ferait pour porter aide, et le candidat
répond de son mieux. Ayant terminé ses questions il sourit et déclare que
les réponses ont été très satisfaisantes.
L'Initiateur prononce alors le Mandement, magnifique et solennelle
allocution, dont une partie, ai-je dit, est toujours de même sens, tandis que
l'autre, personnelle au candidat, y fait généralement suite. Ce Mandement
explique le travail de la Fraternité et la responsabilité qui pèse sur chacun
de ses membres, lesquels se partagent la lourde charge des peines de ce
monde. Chacun d'eux doit toujours être prêt à aider, tant par le service que
par le conseil, car c'est une Fraternité unique agissant sous une Loi et un
chef. Chaque Frère a le privilège de placer toute connaissance ou faculté
spéciale qu'il peut posséder à la disposition de la Fraternité, pour le bénéfice
d'une partie quelconque de leur Grand Œuvre, qui consiste à aider le progrès
de l'humanité. Bien que l'autorité du Roi soit absolue, aucune décision [115]
d'importance n'est prise sans le consentement, même du plus jeune membre
de la Fraternité. Chacun d'eux est un représentant de cette dernière, en
quelque partie du monde qu'il puisse être, et a fait le serment de se tenir à la
disposition de la Fraternité pour se rendre partout où on l'envoie et pour
travailler de quelque manière qu'on le lui demande. Alors que, naturellement
les jeunes membres obéissent implicitement aux ainés, ils peuvent
cependant apporter la contribution de leurs connaissances personnelles et
constamment suggérer ce qui leur semble pouvoir être utilisé.
Tout Frère vivant parmi le monde, sait se rappeler qu'il est un centre par
l'intermédiaire duquel la force du Roi peut être envoyée au secours de ceux
qui en ont besoin, et que tout Frère plus ancien peut, à tout moment, se servir
de lui comme d'un canal pour transmettre Sa bénédiction. Chaque jeune
Frère doit donc toujours être prêt à être utilisé de cette manière, car il ne
peut jamais savoir à quel moment ses services peuvent être nécessaires. La
vie du Frère doit être une existence d'entière dévotion à autrui ; il doit
guetter, ardemment et incessamment toute occasion de rendre service et
faire en sorte qu'un tel service soit sa joie la plus vive. Il se rappellera que
l'honneur de la Fraternité est entre ses mains et il veillera à ce qu'aucune de
ses paroles ou de ses actions ne souille jamais cet honneur aux yeux des
hommes ou ne soit cause que ces derniers en aient une moins haute opinion.
Il ne doit pas s'imaginer que, parce qu'il est "entré dans le courant",
toute épreuve et toute lutte vont cesser pour lui ; au contraire, il devra faire
de plus grands efforts, mais il possèdera une force plus grande pour y
parvenir. Son pouvoir sera beaucoup plus grand qu'auparavant, mais aussi,
et exactement dans la même proportion, sa responsabilité va s'accroitre. Il
ne devra pas oublier que ce n'est pas lui, un Soi séparé, qui vient de franchir
une étape qui l'a élevé au-dessus de ses compagnons, mais plutôt il se
réjouira de ce que l'humanité, s'est, par son moyen, élevée un peu, s'est
libérée, dans cette faible proportion de ses chaines. La bénédiction de la
Fraternité [116] est toujours avec lui, mais elle descendra sur lui précisément
dans la mesure où il la transmettra à d'autres, car telle est la loi éternelle.
Ce qui précède est le résumé de la partie invariable de l'allocution. À
titre de remarque personnelle au candidat dont il s'agit ici, l'Initiateur ajouta :
"Votre corps est bien jeune pour porter une responsabilité
aussi lourde que ce grand don de l'Initiation ; par contre,
cette jeunesse même constitue pour vous une merveilleuse
opportunité, telle que peu d'hommes en ont été gratifiés ;
vous l'avez gagnée par le karma de vos précédentes vies
de sacrifice ; veillez donc à vous en montrer digne dans
votre corps actuel. Nous comptons savoir de vous la
confirmation qu'en nous décidant à vous ouvrir si tôt les
portes, nous avons sagement agi. Souvenez-vous toujours
de l'unité absolue qui existe entre nous tous, membres de
la Fraternité-Une, afin que sa dignité ne souffre jamais par
votre fait. Commençant d'aussi bonne heure, vous pouvez
aller très loin dans cette incarnation ; la montée sera rude,
mais votre force et votre amour y suffiront. Cultivez vos
véhicules ; et cultivez en vous la promptitude, la décision,
l'habitude de voir les choses de loin ; n'oubliez pas que je
vous demande d'être prêt à agir comme mon "homme de
confiance" lorsque je viendrai porter mes Enseignements
au monde. Vous avez, jusqu'à présent, vaincu par la
richesse de votre amour ; que cet amour ne cesse de croitre
en grandeur et en force et il vous portera jusqu'au bout."
Alors, le Seigneur se tourne vers les autres Maitres et dit :
"Je trouve ce candidat satisfaisant ; tous les membres
présents consentent-ils à l'admettre dans notre
Compagnie ?"
Et tous répondent :
"Nous y consentons."
Alors l'Initiateur se lève et se tournant dans la direction de Shamballa,
il s'écrie :
"Est-ce que je fais ceci, ô Seigneur de Vie, de Lumière et
de Gloire, en Ton Nom et pour Toi ?"
En réponse, au-dessus de sa tête, brille subitement l'Etoile flamboyante,
par laquelle le Roi donne son assentiment, et tous s'inclinent profondément
devant elle, [117] pendant que la musique des anges éclate, triomphante, en
une grande marche royale. Et, à ces accents, le candidat s'avance, conduit
par les deux Maitres, et s'agenouille devant celui qui représente l'Unique,
qui, seul, peut accorder l'admission dans la Grande Fraternité. Une ligne de
lumière, éblouissante comme un éclair qui serait immobile, s'étend de
l'Étoile jusqu'au cœur de l'Initiateur et de lui au cœur du candidat. Sous
l'influence de ce formidable magnétisme, la minuscule Etoile d'argent de la
conscience qui représente la Monade chez le candidat, croît jusqu'à remplir
de sa lumière son corps causal, et, pour un merveilleux instant, la Monade
et l'égo ne font qu'un, comme elles le seront d'une manière permanente
lorsque l'Adeptat sera atteint. Le Seigneur impose ses mains sur la tête du
candidat, et, l'appelant de son vrai nom, il lui dit :
"Au nom de l'Unique Initiateur, dont l'Etoile brille au-
dessus de nous, je te reçois dans la Fraternité de la Vie
éternelle. Sois-en un membre utile et digne. Tu es
maintenant en sureté pour toujours, tu es entré dans le
courant ; puisses-tu bientôt atteindre l'autre rive !"
La musique des anges résonne en un large océan de doux et joyeux
accents et semble emplir l'air de force et de bonheur. L'Initiateur, et le
candidat agenouillé, et ses parrains, sont presque voilés à la vue par les plus
adorables couleurs, qui portent sur leurs vagues les bénédictions du
Bodhisattva et du Mahachohan, tandis que l'exquise lumière de Gautama, le
Seigneur Bouddha, flotte au-dessus d'eux, en signe de bénédiction, parce
qu'un autre Fils de l'homme est entré dans le Sentier. L'Étoile d'argent
semble, pour un instant, s'accroitre et envelopper l'Initiateur et le nouveau
Frère de sa gloire éblouissante. Et quand le néophyte sort de cette gloire, ses
vêtements ne sont plus de lin mais de soie blanche, comme ceux des autres
Initiés.
La scène, au moment où l'Initiateur rend lumineux son corps causal et
où celui du nouvel Initié s'illumine en réponse, est d'une captivante beauté.
Au milieu d'une lumière verte et dorée, la Monade, qui apparait
normalement [118] comme un point lumineux dans l'atome permanent du
corps causal, se met à resplendir de telle sorte que le noyau brillant
augmente de volume jusqu'à occuper l'ovale entier. La Monade, en cette
circonstance, s'identifie, pour un instant, avec cette fraction d'elle-même qui
est l'égo et c'est elle qui prononce les vœux. L'effet sur le corps astral est
également des plus intéressants : une grande pulsation rythmique lui est
communiquée, sans troubler sa stabilité, de sorte qu'il peut désormais sentir
avec une acuité beaucoup plus grande qu'auparavant, sans être ébranlé sur
sa base ni échapper au contrôle de son propriétaire. L'Initiateur produit ces
pulsations qui reproduisent sa propre vibration dans le corps astral du
néophyte, tout en affermissant ce corps, de sorte qu'il n'en résulte aucun
dommage mais seulement un immense accroissement de son pouvoir
vibratoire.
Une fois tout ceci accompli, l'Initiateur donne la clef de la Connaissance
au nouveau Frère, et lui apprend comment il peut, sans crainte de se tromper,
reconnaitre astralement un membre quelconque de la Fraternité qu'il ne
connait pas personnellement. Il charge ensuite quelques élèves plus anciens
des Maitres de faire pratiquer au néophyte les exercices bouddhiques 5
nécessaires, et la grande cérémonie se termine par la bénédiction du nouvel
Initié par les Frères réunis. À son tour aussi, le nouveau Frère donne la
bénédiction de la Fraternité au monde, maniant ainsi, pour la première fois,
le nouveau et puissant pouvoir qui vient de lui être conféré. Alors que la
bénédiction suit son chemin autour et à travers le monde, ajoutant une
parcelle de vie nouvelle à toute chose, donnant à chacune un peu plus de
force, un peu plus de beauté, une multiple rumeur emplit l'air comme une
myriade de murmures, s'unissant en un champ de joie et de gratitude
profonde. Une autre force pour le bien vient d'être rendue manifeste, et la
Nature, qui travaille et gémit avec ses enfants, se réjouit quand l'un d'eux
rejoint cette Fraternité, qui, à la fin, la délivrera [119] de ses peines.
Car la vie du monde est Une et quand une des unités qui la composent
accomplit un réel progrès, la Nature entière participe à ce gain… même cette
partie d'elle que nous appelons, si faussement, inanimée.

5
Dans le sens de buddhi, principe spirituel.
Cette merveilleuse cérémonie terminée, les Maitres entourent le
nouveau Frère et le félicitent cordialement, cependant que l'Etoile
flamboyante disparait.
La nuit suivante, je recevais l'ordre de présenter le néophyte au Seigneur
du Monde. Ceci est sans aucun doute, un très rare honneur et ne fait, en
aucune manière, partie de la cérémonie de la première Initiation : Il suit
généralement la troisième.
Nous nous rendons à Shamballa à l'heure fixée et sommes, comme à
l'habitude, reçus dans le grand hall. Nous trouvons le Roi en conversation
avec le Seigneur Gautama Bouddha et le Seigneur Maitreya. Ce dernier
présente le néophyte au Roi comme "notre plus jeune Frère, l'Étoile-
d'amour-qui-brille-sans-cesse", et Sanat Koumara sourit gracieusement au
jeune homme, qui s'agenouille devant Lui. Le néophyte élève ses mains à
l'orientale en signe de salutation et le Roi, les lui prenant de sa main droite,
lui dit :
"Tu as bien travaillé, mon fils, et je suis content de toi ; je
t'ai fait venir pour te le dire. Continue et fais mieux encore,
car je compte sur toi pour jouer un grand rôle dans l'avenir
de ma nouvelle sous-race. Mon étoile brillait visiblement
au-dessus de ta tête il y a quelques heures ; souviens-toi
qu'elle y est toujours suspendue, alors que tu ne peux la
voir et que, partout où elle brille, sont le pouvoir, la pureté
et la paix."
Puis, le Seigneur Bouddha, étendant sa main sur la tête du néophyte,
parle à son tour :
"Je désire aussi te donner ma bénédiction et te féliciter, car
j'estime que tes rapides progrès actuels sont un gage pour
l'avenir ; j'espère t'accueillir un jour comme un Frère du
glorieux Mystère, comme un membre de la Dynastie
spirituelle, par laquelle la lumière arrive aux mondes."
Les trois Koumaras, qui se tiennent en arrière, sourient [120] aussi au
jeune homme, agenouillé et muet de saisissement, mais resplendissant
d'amour et d'adoration. Le Roi étend ses mains pour bénir les assistants,
cependant que nous nous prosternons.
Après quoi, nous partons.
*
Le temps occupé par la cérémonie de l'Initiation varie suivant diverses
considérations, et entre autres, selon la somme de connaissances que le
candidat apporte avec lui. Certaines traditions indiquent une durée de trois
jours et trois nuits, mais elle est souvent beaucoup plus courte. Une des
cérémonies auxquelles j'ai assisté a rempli deux nuits et une journée de
réclusion, d'autres ont été condensées en une seule nuit, en laissant de côté
une grande part de ce qui y est inclus d'habitude, pour être complété ensuite
par les élèves les plus avancés des Maitres. Certaines des anciennes
Initiations ne durèrent si longtemps que parce que le candidat dût être
instruit au sujet du travail astral. Il y a également quelques expériences
bouddhiques à réaliser, car un certain développement du véhicule
bouddhique est nécessaire pour l'Initiation, faute de quoi quelques-uns des
enseignements qui doivent être donnés à ce niveau ne pourraient être
compris. La plupart des théosophes ont déjà fait du travail astral et ont ainsi
appris des détails de ce monde dont une grande partie doit être expliquée à
ce moment, si elle n'est pas déjà connue. Mais quand l'Initiateur sait que le
candidat possède déjà un certain développement bouddhique, d'anciens
élèves sont souvent chargés de le faire passer par toutes les expériences de
cet ordre, soit la nuit suivante, soit dès que la chose peut avoir lieu.
La cérémonie actuelle de l'Initiation dure moins de six heures ; mais un
certain temps est consacré aux candidats, tant avant qu'après la cérémonie.
Les Maitres félicitent toujours les candidats après leur Initiation, Une autre
force pour le bien vient d'être rendue manifeste, et la Nature, qui travaille et
gémit avec ses enfants, se réjouit quand l'un d'eux rejoint cette Fraternité,
qui, à la fin, la délivrera [121] de ses peines. Chacun d'eux leur adressant
quelques mots aimables ; ils saisissent l'occasion d'une semblable réunion
pour transmettre certains ordres à leurs élèves. L'admission d'un néophyte
est une victoire pour tous et le fait qu'une âme de plus est à jamais en
sécurité, est une occasion de grande réjouissance, surtout pour les jeunes
membres.
Nous avons déjà parlé des rapports étroits qui existent entre un élève
accepté et son Maitre ; cette intimité ne fait que grandir continuellement et
un moment arrive d'ordinaire où l'élève se rapproche assez du portail
d'Initiation pour que le Maitre juge bon d'établir entre le Chéla et lui une
union plus intime encore. L'élève devient alors ce qu'on appelle le Fils du
Maitre et le lien entre eux est tel que non seulement le mental inférieur, mais
aussi, l'égo, dans le corps causal de l'élève, se trouve enveloppés dans celui
de l'Adepte et que ce dernier ne peut plus tirer le voile, dont il a été parlé
précédemment, pour se séparer de l'élève. On trouve une belle allusion à cet
état d'union profonde dans La Lumière sur le Sentier : "Je vous donne ma
paix, peut être dit seulement par le Maitre aux disciples bienaimés qui sont
comme lui-même". Ils sont ainsi ceux qui ont l'inestimable privilège de
pouvoir transmettre cette paix à autrui dans toute sa plénitude. Tout disciple
accepté du Maitre a le droit et le devoir de bénir en son nom et chaque fois
qu'il fera un digne usage de ce don, une magnifique émanation du pouvoir
du Maitre secondera surement son effort. Il doit tout spécialement donner
en esprit cette bénédiction quand il pénètre dans une maison : "Que la
bénédiction du Maitre s'étende sur cette maison et sur tout ce qui y vit".
Mais, seul un Fils du Maitre peut donner le sentiment même de son intime
présence, par une indicible paix. Seul celui qui est Fils du Maitre est ou sera
bientôt un membre de la grande Fraternité blanche ; et ceci, comme je l'ai
dit, confère le pouvoir de donner une bénédiction plus grande encore, bien
que toutes deux soient appropriées chacune à son domaine particulier.
Je me souviens d'avoir donné l'une et l'autre de ces [122] bénédictions,
en différentes circonstances, à un puissant ange du voisinage, que j'ai
l'honneur de bien connaitre. Passant certain jour, en bateau, près de son
domaine, je lui envoyai, à titre de salutation, la pleine bénédiction de mon
Maitre, et ce fut, en vérité, un beau spectacle de voir la manière dont il la
reçut, s'inclinant profondément et montrant combien il l'appréciait par une
adorable et douce lumière de sainteté et d'extrême dévotion. Un autre jour,
en une circonstance analogue, je lui envoyai la bénédiction de la Fraternité
et instantanément tous les pouvoirs de ce puissant ange rayonnèrent en
vibrante réponse, en même temps que s'illuminait tout son territoire. Ce fut
comme si un soldat s'était mis soudain au "garde-à-vous" ou, mieux encore,
comme si toute chose, non seulement dans cet ange mais encore dans les
milliers de créatures secondaires travaillant sous ses ordres, s'était soudain
trouvée revivifiée et portée à une plus haute puissance. Toute la nature
répondit instantanément. Car vous l'avez compris, mon Maitre, si
profondément qu'il soit révéré par cet ange, n'est pas son Maitre, mais mon
Roi est son Roi, car il est Unique, et Son pouvoir s'étend à toute notre Terre.
La question de savoir si un homme approche du point où il est prêt pour
l'Initiation comporte trois considérations dépendant les unes des autres. La
première est de savoir s'il est en possession d'une somme suffisante des
qualités nécessaires, telles qu'elles sont indiquées dans Aux Pieds du Maitre,
et ceci implique qu'il doit avoir un minimum de toutes, et beaucoup plus
qu'un minimum de certaines d'entre elles. Pour fixer les idées, représentons-
nous la méthode adoptée pour noter les compositions dans certains examens.
Il est arrêté d'avance, par les examinateurs, que nul candidat ne sera admis
s'il reste au-dessous d'un certain minimum pour chacun des sujets ; le taux
fixé pour ce minimum est très faible, par exemple 25 % du maximum. Tout
candidat qui n'atteindra pas 25 % dans un sujet quelconque sera donc refusé ;
mais d'autre part, celui qui n'atteindra que ce pourcentage pour chacun des
différents sujets ne réussira [123] pas davantage, car une limite inférieure
est établie pour la totalité des points, ce qui sera, par exemple, de 40 % du
maximum possible. Par suite, un candidat qui ne dépassera pas 25 ou 30%
dans un ou deux des sujets, doit en fournir beaucoup plus pour d'autres, afin
d'atteindre la moyenne générale requise. Telle est précisément la méthode
adoptée en occultisme ; le candidat doit non seulement posséder à un certain
degré chacune des qualités nécessaires, mais encore avoir complètement
développé certaines d'entre elles. Un candidat ne peut réussir s'il manque
entièrement de discernement ; cependant s'il en possède beaucoup moins
qu'il ne devrait, un amour débordant pourra peut-être compenser cette
insuffisance. En second lieu, l'égo doit avoir entrainé ses véhicules
inférieurs à lui permettre de s'exprimer parfaitement par leur intermédiaire
lorsqu'il le désire ; il doit avoir effectué ce que dans nos premiers manuels
théosophiques nous appelions la "jonction du soi supérieur et du soi
inférieur". En troisième lieu, il doit être assez résistant pour supporter le très
grand effort nécessaire, lequel concerne même le corps physique.
Pour ce qui est du niveau général à partir duquel l'élève peut être initié,
il présente une grande variété. Ce serait une erreur de supposer que tous les
Initiés sont égaux en développement, tout comme il serait risqué d'admettre
que tous ceux qui ont le diplôme de la licence ès lettres sont égaux en savoir.
Il se peut fort bien qu'un individu possède à un degré exceptionnel beaucoup
des qualités requises et soit très au-dessus du minimum d'ensemble, tout en
étant très faible et au-dessous du minimum pour un sujet particulier ; il lui
faudra naturellement attendre jusqu'à ce qu'il puisse obtenir le minimum
indispensable pour le sujet négligé. Fort probablement, pendant qu'il
s'efforcera d'atteindre ce minimum, il augmentera encore son avance sur les
autres sujets. Cette considération montre que, bien qu'un certain niveau
général soit nécessaire pour l'Initiation, certains des élèves qui sont
présentés peuvent l'avoir dépassé de beaucoup en certaines matières. [124]
Il s'ensuit d'autre part, que l'on peut rencontrer des différences
considérables dans les intervalles de temps séparant deux initiations
successives. Un homme qui vient seulement de parvenir à obtenir la
première peut néanmoins posséder à un degré considérable la plupart des
qualités nécessaires pour la seconde ; en pareil cas, l'intervalle entre les deux
sera vraisemblablement court. Par contre, un candidat qui n'aura pu passer
la première Initiation que tout juste, à tous les points de vue, aura
évidemment à développer lentement en lui toutes les facultés et les
connaissances additionnelles nécessaires pour la seconde Initiation ; et
l'intervalle entre les deux sera probablement long.
Nous sommes maintenant entrés dans une période de l'histoire du
Monde où un progrès rapide à tous les niveaux de l'Évolution est possible ;
en effet la venue prochaine de l'Instructeur mondial a engendré une vague
si puissante de pensées et de sentiments concernant les choses spirituelles –
pensées et sentiments dans la direction générale de l'Évolution – que
quiconque faisant, à l'heure actuelle, un effort dans ce sens se trouve nager
avec le courant et avancer, par suite, rapidement.
Et ceci ne s'applique pas seulement au courant des pensées et des
sentiments humains ; en fait, la pensée humaine ne constitue qu'une très
faible portion de cette vague, pour la raison que les humains ayant
connaissance, d'une manière définie, de l'approche de cette venue ne sont
encore qu'une petite minorité. Ce qui compte surtout c'est la formidable
pression mentale et émotive provenant des légions d'anges qui connaisse le
Plan divin et s'efforcent de tout leur pouvoir de contribuer à sa réalisation.
Un progrès si rapide n'est pas sans risquer d'entrainer un réel
surmenage, quoique peu d'aspirants se rendent suffisamment compte de ce
fait. L'étudiant en occultisme qui se propose de hâter son développement
fera bien de se souvenir qu'une des conditions nécessaires est une bonne
santé physique. Il désire condenser en une vie le progrès qui, dans des
circonstances ordinaires, se répartirait sur une vingtaine de vies, ou même
davantage, [125] et comme la somme de progrès à réaliser est la même dans
l'un ou l'autre cas, car aucune réduction n'est faite au niveau des conditions
à remplir pour l'Initiation, il est évident qu'il doit, s'il veut réussir, faire
travailler ses véhicules bien davantage.
Sur le plan physique, il est possible d'abréger la période d'études
nécessaires normalement pour un examen donné ; mais on ne peut le faire
qu'en imposant un effort beaucoup plus grand au cerveau, à l'attention, à la
vue, au pouvoir de résistance, et nous savons tous combien il est facile de
surmener l'un ou l'autre et de causer ainsi un tort considérable à la santé
physique. Les mêmes remarques s'appliquent aux efforts faits en vue de
hâter l'évolution spirituelle ; cette croissance forcée peut être réalisée ;
beaucoup y sont parvenus et c'est là une belle chose à accomplir, mais
toujours à cette condition que l'aspirant évite, avec le plus grand soin, tout
surmenage excessif, de peur qu'en définitive il ne retarde son
développement au lieu de le favoriser. Il ne suffit pas de jouir d'une bonne
santé physique au début de ses efforts ; il faut encore la conserver jusqu'au
bout, car le progrès, en lui-même, n'est qu'un moyen en vue d'une fin
altruiste : nous nous efforçons de nous développer rapidement, non pas afin
de devenir grands et sages, mais en vue d'obtenir le pouvoir et la
connaissance utiles au travail pour l'humanité dans les meilleures conditions
possibles de rendement. N'oublions jamais que l'occultisme est, par-dessus
tout, l'apothéose du bon sens et de la mesure.
Jusqu'à présent, sauf de très rares exceptions, les aspirants n'ont guère
été initiés que lorsque leur corps physique a atteint l'âge mûr et qu'ils ont
prouvé, par leurs activités dans la vie, qu'ils se sont consacrés de tout cœur
au travail du Logos. Cependant, au cours de ces dernières années, un certain
nombre d'égos, jeunes de corps, ont joui du privilège de l'Initiation afin,
nous est-il dit, que le Seigneur lors de sa venue, puisse disposer d'un groupe
de jeunes travailleurs prêts à le servir. À son arrivée, l'Instructeur du Monde
apportera la prodigieuse conscience de la Fraternité, et plus il pourra réunir
autour de lui, en un lieu quelconque, d'aides possédant un corps physique,
plus son travail sera facilité. Sans doute pourra-t-il utiliser les services de
tout homme ordinaire dans la mesure de ses capacités, mais il est évident
qu'un homme qui est déjà un élève accepté du [126] Maitre lui sera, sous
maints rapports, beaucoup plus utile ; infiniment plus encore pourra l'être
celui qui a passé le portail de l'Initiation et qui a multiplié en lui tous les
liens qui réunissent entre eux les membres de la Fraternité. C'est toujours
l'égo qui est initié ; l'âge du corps physique qu'il se trouve revêtir à un
moment donné n'a que peu à voir dans la question.
Dans tous les cas où des jeunes gens ont été initiés, des membres plus
anciens de la Fraternité, vivant près d'eux ou se tenant en contact avec eux
sur le plan physique, se sont chargés de les guider et de les assister. Ceci est
nécessaire à cause de l'accroissement considérable des responsabilités
qu'apporte l'Initiation, parallèlement à l'extension de conscience aux facultés
et aux pouvoirs additionnels qui en découlent. Toute erreur, tout faux pas
d'un Initié entraine des conséquences karmiques bien plus grandes que celles
qui résulteraient d'une action identique de la part de quelqu'un n'appartenant
pas à la Fraternité. Il n'est donc pas inutile de faire ici quelques
recommandations à ces jeunes gens. Chacun d'eux devra se souvenir qu'il a
été initié parce que, au cours de vies passées et peut-être durant la vie
présente, il a, jusqu'à un certain point, aidé le monde, et parce qu'on espère
qu'il continuera dans cette voie et deviendra un canal de plus en plus large
pour la Vie du Logos. C'est en raison de la probabilité de son utilité
croissante qu'il est admis à l'Initiation ; et à cette cérémonie il a, d'ailleurs,
fait le serment – non pas en tant qu'égo, mais en tant que Monade – de
consacrer sa vie à être pour autrui une continuelle bénédiction, de même que
le Logos déverse sans arrêt son amour. Il doit donc, à toute heure du jour, se
remémorer ce serment et lui subordonner toutes choses. Le karma de son
passé lui apporte diverses caractéristiques des impulsions personnelles ; il
doit prendre garde que celles-ci ne l'incitent à penser à lui-même et à son
propre bienêtre, plutôt qu'au grand Soi et au bienêtre du monde.
Avant de pouvoir entreprendre le travail plus vaste qui l'attend, le jeune
Initié doit, souvent, se préparer [127] pour une éducation ordinaire dans un
collège et une université. En pareil cas il va se trouver au milieu de
circonstances qui le pousseront à des activités et à des intérêts très
personnels. La vie va lui offrir de nombreuses tentations, et d'occasions
tendant à lui faire oublier son serment à la Fraternité. Il devra, à travers tous
ces obstacles, conserver une attitude clairement définie, découlant du fait
qu'il a lié son existence aux buts poursuivis par la Fraternité. Dans cette vie
au milieu du monde, il devra, en toute occasion – étude, récréation,
amusement, etc. – se demander nettement : "ce que je vais faire doit-il servir
à faire de moi un meilleur instrument pour le travail du Maitre, ou un
meilleur canal pour répandre l'amour et le bonheur ?" Il n'oubliera pas que
la Fraternité a les premiers droits à ses services ; il ne se mettra donc pas
dans une situation qui lui rende impossible l'accomplissement de ce devoir.
On n'attend nullement de lui qu'il mène une vie d'ermite ; cependant il
mènera, dans la société, cette vie qui doit lui procurer le développement dont
il a besoin, il devra constamment s'observer et s'assurer qu'elle contribue à
faire de lui un meilleur canal pour le Logos. Il s'ensuit que toute expérience
– fût-elle agréable et inoffensive – qui ne peut servir à faire de lui un canal
plus large pour le Logos, ou lui offrir une occasion de service, est sans valeur
et, par conséquent, du temps perdu pour lui. Il doit donc s'efforcer de profiter
de toute occasion d'aider qui se présente et d'apprendre tout ce qui peut
contribuer à augmenter son utilité.
Quand l'élève franchit le grand pas de l'Initiation et devient membre de
la Fraternité, il devient en même temps, d'une manière beaucoup plus
profonde qu'auparavant, le frère de chaque être de la famille humaine. Cela
ne veut pas dire qu'il doit diriger leur vie en critiquant leurs faiblesses ; son
rôle dans la vie n'est pas de critiquer, mais d'encourager ; s'il croit opportun
d'émettre une suggestion, il doit le faire avec réflexion et en usant de la plus
grande courtoisie. Le monde, qui ne voit pas les membres les plus élevés de
la Fraternité, est enclin à [128] juger cette organisation d'après l'opinion qu'il
peut se faire des jeunes membres qui se trouvent à sa portée ; c'est là ce que
signifie la remarque contenue dans l'allocution, prononcée lors de
l'Initiation, que "le néophyte détient entre ses mains l'honneur de la
Fraternité".
Ainsi qu'il a été dit précédemment, il est du devoir de l'Initié de
prodiguer l'affection et la bénédiction, afin que les hommes, en tout lieu où
il vient à se trouver, soit un peu plus heureux du fait de sa présence. Il doit,
par conséquent, tourner sans cesse vers le dehors ses pensées et ses actes ;
le jugement que porte le monde sur ses actions doit lui être indifférent : seul
le jugement de la Fraternité lui tenant à cœur. Que lui importe qu'il soit
populaire ou impopulaire dans le monde, pourvu que dans tous ses actes il
reste loyal envers l'idéal spirituel qui lui a été confié. Des membres plus
avancés de la Fraternité peuvent avoir besoin d'utiliser ses services, à tout
moment, et où qu'il se trouve, parfois même sans qu'il en soit conscient dans
son cerveau physique ; ces membres ne pourront disposer de lui si, à un tel
moment il est occupé à méditer sur ses propres affaires, c'est-à-dire s'il est
tourné vers le dedans, au lieu de l'être vers le dehors, vers le monde, à qui il
doit porter aide. La suprême nécessité pour lui est donc la formation de son
caractère, afin que, si le Maitre vient à le regarder, il se trouve en train de
penser au bien du monde, et non pas à se préoccuper si ce monde est pour
lui une cause de joie ou de tourments.
CHAPITRE VIII

LES DEUXIÈME ET TROISIÈME INITIATIONS

Le candidat qui a passé la première Initiation est entré définitivement


sur le Sentier proprement dit, le Sentier qui conduit à l'Adeptat, du portail
par lequel on passe du royaume humain dans le royaume surhumain. Si d'en
bas, l'on considère ce Sentier, on pourra s'étonner que l'aspirant ne soit pas
épuisé après le rude labeur couronné par la première Initiation, qu'il ne
recule pas, découragé par les hauteurs vertigineuses qu'il doit se dresser
devant lui dans cette ascension sans fin. Mais il a bu à la fontaine de vie "et
sa force s'est décuplée parce que son cœur est pur", et la gloire de l'humanité
idéale, qu'il voit avec une netteté sans cesse croissante, constitue pour lui un
attrait et une inspiration avec lesquels nul intérêt, nul stimulant matériel ne
peuvent soutenir la comparaison.
La première étape de son voyage se termine avec la seconde Initiation,
pour l'obtention de laquelle il faut rejeter trois Samyojana ou entraves, qui
sont :
1° Sakkayaditthi, ou illusion du soi ;
2° Vichikichcha, c'est-à-dire le doute ou l'incertitude ;
3° Silabbataparamasa, ou superstition.
La première est la conscience du "je suis moi", qui, en tant qu'elle se
rapporte à la personnalité, n'est rien qu'une illusion, dont il faut se
débarrasser tout au début du sentier qui monte. Mais la destruction de cette
entrave implique encore ceci : le fait de réaliser que l'individualité ne fait,
elle, en vérité, qu'un avec l'Ensemble ; qu'elle ne peut jamais, par
conséquent, avoir aucun intérêt qui soit opposé à ceux de ses frères et qu'elle
ne progresse réellement que lorsqu'elle contribue au progrès d'autrui.
Au sujet de la seconde entrave quelques mots d'avertissements sont
nécessaires. L'idée qu'une adhésion aveugle, irraisonnée à certains dogmes,
est exigée du disciple de toute religion, de toute école ou secte, est si
répandue que [130] que l'on est tenté de croire que le Sentier exige aussi la
foi aveugle réclamée par tant de superstitions modernes, surtout si l'on
considère que, pour l'occultiste, le doute est considéré comme un obstacle
en progrès. Rien n'est plus faux.
Il est vrai que le doute, ou plutôt l'incertitude sur certains points est une
barrière au progrès spirituel ; mais l'antidote de ce doute c'est la conviction,
la certitude fondée sur l'expérience individuelle ou le raisonnement
mathématique, et non pas la foi aveugle qui doit être considérée comme une
entrave. Un enfant qui douterait de l'exactitude de la table de multiplication
ne pourrait guère avancer en arithmétique ; mais ses doutes peuvent être
levés d'une manière satisfaisante par la compréhension, basée sur le
raisonnement ou l'expérience, que les résultats contenus dans la table sont
exacts. Il croira alors que deux fois deux font quatre, non pas simplement
parce qu'on le lui a dit, mais parce que c'est devenu pour lui un fait certain.
Telle est exactement la méthode, et la seule, de résoudre le doute que
reconnaisse l'occultisme.
Vichikichcha a été défini comme le doute au sujet des doctrines de
Karma et de la réincarnation, ainsi que de l'efficacité de la méthode pour
atteindre le bien suprême par le Sentier de la sainteté ; mais la connaissance
de ces choses apporte également avec elle la profonde conviction que pour
l'homme le monde est l'école divine, que le Plan de Dieu est l'évolution de
la Vie immortelle, à travers les formes périssables et que ce plan est en tous
points magnifique et bienfaisant. Par la destruction de cette seconde entrave,
l'Initié arrive à l'absolue certitude – basée soit sur la connaissance
personnelle et de première main, soit sur la raison – que l'enseignement
occulte sur ces points est l'expression de la vérité.
La troisième entrave, – la superstition, – a été décrite comme englobant
toutes les croyances irraisonnées et erronées, y compris celle que la
purification du cœur dépend de certaines cérémonies ou rites extérieurs.
L'Initié [131] reconnaitra que les méthodes offertes par les grandes
religions, – prières, sacrements, pèlerinages, jeûnes, observances de rites et
de cérémonies plus ou moins complexes – ne peuvent être qu'une aide et
rien de plus ; que l'homme sage adoptera celles qui peuvent lui être de
quelque secours, mais ne se fiera à aucune comme suffisant, à elle seule,
pour atteindre au salut.
Il se rend compte clairement que c'est en lui-même qu'il doit chercher
la délivrance et que si utile que puisse être le secours de cérémonies
extérieures pour développer sa sagesse et son amour, elles ne pourront
jamais tenir lieu de cet effort personnel qui, seul, lui permettra d'atteindre le
but. L'homme qui a rejeté cette entrave se rend compte qu'il n'existe aucune
forme de religion qui soit nécessaire à tous les hommes, mais que l'on peut
trouver le Sentier vers le Très-Haut par l'intermédiaire de l'une de ces
religions, quelles qu'elles soient, comme aussi bien en dehors d'elles.
Ces trois entraves forment une série coordonnée : À qui se rend
pleinement compte de la différence qui existe entre l'individualité et la
personnalité, il est possible, dans une certaine mesure d'apprécier le
processus réel de la réincarnation et, par-là, de dissiper le doute à cet égard.
Ce résultat acquis, le fait de savoir l'égo permanent amène la confiance en
soi – dans le soi spirituel – et repousse, en même temps, toute croyance
aveugle.
Chaque étape du Sentier proprement dit se divise en quatre phases. La
première est son Maggo, ou voie, durant laquelle l'étudiant s'efforce de
rejeter les entraves. La seconde est son Phala – littéralement fruit, ou résultat
– au cours de laquelle l'homme voit le résultat de ses efforts se manifester
de plus en plus. En troisième lieu, vient son Bhavagga, ou consommation,
période où, le résultat atteignant son apogée, l'étudiant est en mesure
d'accomplir, d'une manière satisfaisante, le travail propre au stade dans
lequel il est parvenu maintenant à se tenir ferme. La quatrième est son
Gotrabhou, c'est-à-dire l'époque [132] où il est arrivé à un état le rendant
apte à recevoir l'initiation suivante.
Avant que le candidat puisse devenir Gotrabhou, il est essentiel qu'il se
soit entièrement libéré des entraves propres à cette étape du Sentier. D'autre
part, avant de conférer la seconde Initiation, l'Initiateur exige des
témoignages de la façon dont le candidat a fait usage des pouvoirs qu'il a
acquis par sa première Initiation, et l'un des plus beaux moments de la
cérémonie est celui où les âmes qui ont été aidées par le candidat s'avancent
pour apporter leur témoignage. Il est enfin nécessaire, pour cette deuxième
Initiation, que le candidat ait développé le pouvoir de fonctionner librement
dans son propre corps mental, car si la cérémonie de la première Initiation
se tient sur le plan astral, celle de la seconde a lieu dans le monde mental
inférieur.
Ces dernières assertions peuvent paraitre inconciliables avec le fait que
les Initiations sont décrites comme ayant lieu dans un certain hall ou dans
un jardin, c'est-à-dire dans un milieu physique. Il n'y a cependant aucune
contradiction. Il est exact, en effet, que lorsque le Seigneur Maitreya agit
comme Initiateur, la cérémonie se passe généralement, soit dans un jardin,
soit dans sa grande salle, et il y préside alors dans son corps physique. Le
Seigneur Vaïvasvata, le Manou qui habite à proximité, s'y rend dans bien
des cas, également dans son corps physique. Par contre, les autres assistants
sont ordinairement présents dans le corps astral, pour la première Initiation,
dans le véhicule mental pour la seconde. Mais n'oublions pas que les grands
Êtres présents à la cérémonie peuvent, à volonté, fixer leur conscience sur
le plan utile selon le moment et que, d'autre part, tout ce qui se trouve sur le
plan physique possède sa contrepartie fidèle sur les plan astral et mental.
Les comptes rendus sont donc parfaitement corrects et la position des
personnages par rapport aux objectifs physiques est exactement telle qu'elle
est décrite. Poursuivant le plan adopté dans les chapitres précédents, je
donne ici un compte rendu de cette cérémonie.

COMPTE RENDU D'UNE SECONDE INITIATION

[133] Avis a été reçu qu'une grande réunion d'Adeptes doit avoir lieu
chez le Seigneur Maitreya, dans la nuit de la pleine lune du mois de Chaitra,
et que cette occasion serait mise à profit pour l'admission de certains
candidats à l'Initiation du Sakridagamin, aussitôt que possible après la
réunion. Le Maitre Morya nous invite, en tant que tuteurs, à nous présenter
chez lui à 10 heures, au plus tard, la nuit de la pleine lune, avec le candidat
dont nous avons la charge.
Dans cette soirée de la pleine lune beaucoup d'amis venus des Indes
planent aux environs et, au moment où les candidats et leurs tuteurs se
rendent à l'habitation du Maitre Kouthoumi, ces amis les suivent
discrètement et attendent respectueusement à quelque distance. Peu après
leur arrivée le Maitre Morya pénètre dans la maison, puis les deux Maitres
en ressortent presque immédiatement pour se rendre à l'habitation du
Seigneur Maitreya, suivis des disciples, qui restent dans le jardin pendant
que les Maitres entrent dans la maison.
Ce jardin est situé sur une pente méridionale des monts Himalaya, ayant
vue sur une large étendue des plaines de l'Inde jusqu'à l'extrême horizon ; il
est bien abrité dans un renfoncement et protégé à l'arrière par un bois de pin
qui le contourne sur la droite. Au-delà de ce bois, et un peu vers l'est, se
dresse la très antique maison de pierre, avec sa large véranda à colonnes, où
habite le Manou de notre race, le Seigneur Vaïvasvata. Le jardin du Seigneur
Maitreya est inondé par la lumière argentée de la pleine lune, qui tombe sur
les grands massifs de rhododendrons ainsi que sur d'autres fleurs
printanières dans tout leur éclat, et éclaire d'une manière éblouissante le
siège de marbre blanc qui entoure l'arbre géant, lieu de repos favori du
Seigneur Maitreya, sur lequel il vient précisément s'assoir, en sortant de la
maison. Les Maitres se groupent en demi-cercle à sa droite et à sa gauche,
sur la pelouse formant terrasse, juste au-dessous de son siège. [134]
Une marche plus bas, sur cette terrasse, se tiennent les deux candidats,
entre les deux Maitres qui les présentent : le Maitre Kuthumi et le Maitre
Djwal-Koul. Derrière eux se tiennent les tuteurs du plus jeune des candidats,
chargés de l'assister dans le monde inférieur. Le Manou est assis un peu en
arrière, à la droite du Bodhisattva, et, au-dessus d'eux, brille la forme
glorieuse du Seigneur Gautama Bouddha, lequel a, dans sa dernière vie
terrestre, accepté de ces deux candidats "le vœu que rien ne peut plus
rompre" et qui, maintenant, leur donne sa toute-puissante bénédiction, à
l'occasion du nouveau pas qu'ils sont sur le point de franchir. Près de lui est
le Mahachohan, le Chef des cinq Rayons, et entre eux va surgir tout-à-
l'heure, sur l'invocation solennelle du Bodhisattva, l'Étoile de Feu de
l'Initiateur unique, le puissant Roi de la Hiérarchie Occulte, le Seigneur du
monde. Telle est la scène exquise de la cérémonie de cette Initiation.
Le Maitre Kuthumi et le Maitre Djwal Kul, conduisant les candidats,
s'approchent d'un pas, et le Bodhisattva demande :
"Qui sont ceux que vous amenez aujourd'hui devant
moi ?"
Le Maitre Kuthumi répond :
"Ce sont deux Frères qui, ayant rejeté les entraves de la
séparativité, du doute et de la superstition, ayant recueilli
le fruit de leur labeur et prouvé son résultat, désirent
maintenant entrer sur le Sentier du Sakridagamin. Je les
présente comme Gotrabhous."
Le Seigneur Maitreya questionne :
"Continuerez-vous à guider ces Frères le long du Sentier
qu'ils veulent suivre ?"
Le Maitre répond :
"Je le ferai."
Et le Seigneur dit :
"Notre règle exige que deux des Frères supérieurs se
portent garants de tout candidat qui se présente pour le
deuxième Sentier. Un autre de nos frères appuie-t-il leur
requête ?"
Le Maitre Djwal Kul déclare :
"Je les recommande à mon tour."
Le Seigneur s'adresse alors aux tuteurs : [135]
"Vous avez, en votre qualité de Frères, vivant dans le
monde extérieur, pris charge du plus jeune de ces
candidats. Vous avez acquis de l'expérience dans vos
devoirs de tutelle ; consentez-vous, son corps étant dans
l'âge tendre, à persévérer dans votre charge et à aider votre
pupille dans ses pas le long du second Sentier ?"
"Nous y sommes tous disposés et le ferons avec joie",
répondent-ils.
Le Seigneur insiste :
"Votre affection pour lui est-elle assez puissante pour que
la tâche vous soit agréable et facile ?"
Et les tuteurs répondent :
"Notre affection pour lui est encore plus profonde qu'au
début de notre tâche ; il est facile à guider et très désireux
d'apprendre."
Le Seigneur dit à l'un des candidats :
"Et ton cœur, à toi, est-il également plein d'affection
envers ces deux frères et seras-tu content de te soumettre
à leur direction, sans permettre que rien ne vienne s'élever
entre ton cœur et le leur ?"
"Je serai heureux de m'y soumettre, répond le jeune
homme, car je les aime tous deux tendrement et leur suis
reconnaissant de leur sollicitude."
Le Seigneur dit à l'un des candidats :
"Ainsi, vous désirez entrer dans le sentier du
Sakridagamin ?"
Et tous deux répondent :
"C'est notre désir, si toutefois nous en sommes capables."
Le Bodhisattva poursuit :
"Conformément à la coutume immémoriale de notre
Fraternité, qui veut que des témoignages soient fournis, à
chaque Initiation successive, sur la manière dont les
candidats ont employé les pouvoirs qui leur ont été
confiés, et considérant qu'un pouvoir n'est vraiment tel
que lorsqu'il en est fait usage pour le secours d'autrui, je
demande : "Qui peut témoigner des services rendus par
ces candidats depuis qu'ils ont déjà comparu devant nous
et ont été admis dans la Confrérie ? Quel travail défini ont-
ils fait par l'enseignement ? Qui ont-ils aidé ?"
Ces mots solennels sont à peines prononcés, jetant dans [136] le monde
comme une sorte d'appel à comparaitre, qu'une multitude de témoins
surgissent des quatre coins de l'horizon et viennent se placer en silence au-
dessus de cette scène, jetant des regards de reconnaissance sur les candidats
qui en forment le centre.
Le Maitre Kuthumi parle à son tour :
"Ces âmes accourues en foule, de bien des nations et de
bien des pays, sont celles qui ont reçu de ces deux
candidats, mes élèves, lumière, force et réconfort. Des
lèvres de mon fils le plus âgé, mon message exprimé a
touché des milliers d'hommes et femmes ; il a travaillé
sans répit à porter la lumière à ceux qui sont dans la nuit,
et ceux-ci sont venus en témoigner. Il a, d'autre part, écrit
un livre et de nombreux articles qui témoignent de son
affectueux labeur pour son prochain. Mon fils plus jeune,
– ici le Maitre sourit tendrement – est encore bien jeune
de corps pour le travail public, mais il a écrit un petit livre
pour transmettre à d'autres l'enseignement que je lui ai
donné et ces autres, par dizaines de mille, l'aiment comme
le guide qui les amène à nous ; ceux-là aussi sont venus
apporter leur témoignage."
Et d'innombrables voix s'écrient : "Nous en témoignons", et l'air même
semble n'être plus qu'une voix, si nombreux sont les témoignages. Et le
sourire du Bodhisattva prend une indicible douceur, pendant qu'il écoute,
lui, un Sauveur du monde, la réponse enthousiaste qu'il vient de provoquer.
Le premier tuteur s'exprime alors :
"Je puis témoigner que le plus âgé de ces candidats est
resté pendant tout le cours d'une période d'amères luttes et
d'incidents douloureux, parfaitement loyal envers mon
Frère et moi-même, – en apparence opposés l'un à l'autre
– demeurant fort et doux, serein et fidèle. Je témoigne
également de son travail inlassable et désintéressé pour
autrui, au service duquel il a mis toutes ses capacités.
Quant à mon plus jeune et bienaimé pupille, je témoigne
qu'il s'efforce constamment d'aider ceux qu'il rencontre,
faisant preuve, à cet effet, d'une rare habileté [137] ; il
répand autour de lui une affection et une pureté
rayonnantes, qui font de sa seule présence une
bénédiction. Tous connaissent la valeur inestimable de
son petit livre."
Le second tuteur parle aussi en faveur des candidats comme suit :
"J'ajoute mon témoignage à ce qui vient d'être dit sur le
compte de ces deux candidats, qui me sont chers. Le plus
âgé m'a apporté personnellement toute son aide
affectueuse, loyale et entièrement dévouée ; beaucoup de
personnes m'ont dit, d'autre part, quelle inspiration et
quelle lumière il a introduites dans leur vie. Pour ce qui
est du plus jeune candidat, j'ai pu, moi-même, me rendre
compte de l'affection et de la dévotion extraordinaires qu'il
a inspirées chez les membres de son Ordre, tant à Adyar
qu'à Bénarès, et du changement qu'il a produit en eux. J'ai,
en outre, reçu de nombreuses lettres à son sujet, ceux qui
les ont écrites déclarant qu'ils doivent une nouvelle
conception de la vie au petit livre dont il est l'auteur."
Puis, le Maitre Kuthumi appelle parmi la multitude de gens venus pour
porter témoignage, quelques-uns de ceux qui ont connu la vérité par l'un ou
l'autre des deux candidats. Beaucoup s'avancent alors pour reconnaitre l'aide
reçue, chacun disant la reconnaissance qu'il garde en son cœur, la plupart
ajoutant que Aux Pieds du Maitre a donné une nouvelle direction à leur vie.
Certains, qui ont été beaucoup aidés, mais n'ont pu venir à cette
cérémonie parce qu'ils sont à l'état de veille et vaquent à leurs occupations
ordinaires, sont représentés par des images vivantes faites par le Maitre, et
bien que ces images ne puissent rien dire ni faire, il est probable que quelque
reflet de ces merveilleuses influences du moment s'en iront réagir sur leurs
modèles. La foule des témoins se retire alors, pendant que la cérémonie se
poursuit.
Le Bodhisattva s'adresse ensuite aux candidats, approuvant le travail
qu'ils ont accompli et exprimant l'espoir que les nouveaux pouvoirs qui vont
leur être conférés seront employés aussi bien que l'ont été ceux qu'ils
possèdent déjà. Il continue : [138]
"Vous avez rejeté pour toujours les trois entraves qui lient
vos frères sur la terre et maintenant votre propre liberté
doit être employée à alléger pour eux le poids de ces
entraves. Vous avez appris, en toute certitude, que l'idée
du soi séparé est une illusion ; il vous faut maintenant
imprimer cette certitude à vos véhicules inférieurs, afin
qu'il n'y ait plus jamais, de leur part, aucune action, aucune
pensée pour le soi séparé, mais qu'au contraire tout soit
accompli pour le Soi unique, opérant à travers tous.
Voulez-vous vous efforcer d'agir ainsi sans interrompre
vos efforts avant d'y être parvenu ?"
Les candidats répondent :
"Je le veux".
Le Seigneur Maitreya dit ensuite :
"Vous avez rejeté l'entrave du doute ; vous savez que
l'évolution est un fait et que le processus de cette évolution
est une perpétuelle plongée dans la matière, sous l'action
de la loi du réajustement. Vous devez employer les
pouvoirs qui vont vous être donnés à faire cesser chez les
autres le doute au sujet de ces faits vitaux, afin qu'ils
puissent partager le bénéfice du savoir que vous avez
acquis. Voulez-vous utiliser ces pouvoirs afin d'apporter
la lumière à votre prochain ?"
Les candidats répondent :
"Je le veux".
Et le Seigneur Maitreya :
"Vous avez abandonné toute superstition ; vous savez que
l'homme peut trouver la lumière dans toute religion ; vous
savez que les rites et les cérémonies n'ont pas de valeur
intrinsèque et que tout ce qui est accompli par leur moyen
peut l'être sans leur aide, par la connaissance et par la
volonté. Par-dessus tout, vous êtes libérés de cette
superstition qui croit à l'existence d'une puissance en
courroux, derrière l'Évolution : vous savez que tout ce qui
existe est compris dans l'universel Amour et que c'est
l'évangile de l'Amour universel que vous avez à répandre
parmi les hommes. Voulez-vous essayer de chasser
l'obscurité en répandant cet évangile ?"
Les candidats répondent :
"Je le veux".
Le Seigneur Maitreya :
"N'oubliez jamais que la seule obscurité qui existe [139]
résulte de l'ignorance et de l'illusion. C'est à juste titre qu'il
a été dit : "Tout ce qui nous est donné de bon descend d'en
haut et nous vient du Père de Lumière, en lequel il n'y a
pas l'ombre d'un changement". En lui n'existe nulle trace
d'obscurité ; mais les hommes tournent le dos à Sa
Lumière et cheminent dans leur propre ombre, se
plaignant alors de l'obscurité."
Les candidats subissent ensuite certaines épreuves au sujet du travail
sur le plan mental. Le Seigneur leur fait examiner quelques habitants du
Monde céleste, de la catégorie de ceux qui seraient dans l'avenir confiés à
leurs soins, – et leur demande ce qu'ils feraient pour porter aide dans chaque
cas particulier, en tenant compte des limites qu'ils auraient à subir dans ce
travail. L'un de ces cas est celui d'un moine du Moyen Âge, rempli de
dévotion, mais ayant des idées très bornées au sujet de Dieu, des Saints et
de l'Église et le Seigneur demande aux candidats ce qu'ils feraient pour aider
à son évolution.
Tout ce qui se passe durant la seconde Initiation a lieu sur le plan
mental ; tout le monde opère, par conséquent, dans le corps mental et non
plus dans le Mayaviroupa, utilisé sur le plan astral.
Une fois ces épreuves passées avec succès par les candidats, ceux-ci
sont conduits au Seigneur Maitreya et s'agenouillent devant lui. Le Seigneur
se lève alors et, se tournant du côté de Shamballa, il s'écrie à haute voix :
"Fais-je ceci, ô Seigneur de Lumière, de Vie et de Gloire,
en Ton Nom et pour Toi ?"
Aussitôt, apparait au-dessus de lui l'Etoile de Feu, apportant le
consentement de l'Initiateur unique, et l'auguste figure du Seigneur Gautama
Bouddha s'illumine d'un éclat aveuglant, tandis qu'il élève la main droite
pour donner sa bénédiction. Le Mahachohan se lève également pour ajouter
sa propre bénédiction, pendant que le Bodhisattva impose ses mains sur
chacune des deux têtes inclinées, et tous se prosternent en un révèrent
hommage devant les Êtres puissants ; ensuite c'est le silence…
Au milieu de ce silence est transmise la Clé de la [140] Connaissance,
le Bodhisattva déversant, de ses propres corps mental et causal, des rayons
de pouvoir qui, tombant sur les corps mental et causal du nouvel Initié,
stimulent en une soudaine et splendide croissance les germes de pouvoir
similaire qui s'y trouvaient en puissance latente. Comme un bouton de fleur
qui, stimulé par les rayons du soleil, éclaterait soudain dans toute la gloire
de la fleur épanouie, ainsi leurs corps mental et causal développent tout d'un
coup les pouvoirs qui s'y trouvaient latents, et c'est un spectacle d'une
radieuse beauté. À travers cette expansion des corps, peut maintenant se
manifester librement l'intuition, ce grand pouvoir nouveau qui vient être
libéré. Et le Seigneur Maitreya dit :
"Prenez ce nouveau pouvoir que je vous donne et confiez-
vous à lui sans crainte. Amenez vos véhicules inférieurs à
un état de réceptivité tel qu'à travers ces véhicules, ce
pouvoir puisse librement parvenir jusqu'à votre cerveau
physique et guider votre conduite sans possibilité
d'erreur ; que ce pouvoir brille sans cesse sur le chemin
qui s'ouvre devant vous et qu'il vous prépare à entrer dans
le troisième Sentier."
Le Seigneur Maitreya termine par la grande bénédiction ; puis l'Etoile
et les augustes Figures s'évanouissent ; tous les assistants se prosternent de
nouveau avec respect et la grande cérémonie prend fin. Les Maitres
assemblés quittent alors leurs places ; chacun d'eux dit quelques mots
affectueux aux deux nouveaux Initiés et les bénit. Le Maitre Kuthumi
adresse également quelques paroles de sympathie à la foule, venue pour
porter témoignage et qui s'était retirée à quelque distance, mais à laquelle on
avait permis de s'approcher de nouveau pour saluer ses leaders ; ces derniers,
grâce aux nouvelles connaissances qu'ils viennent d'acquérir, donnent
quelque conseil à chacun de leurs fidèles, puis leur donnent congé en les
bénissant.
La deuxième Initiation active le développement du corps mental et c'est
vers ce moment que l'élève apprend à utiliser le Mayaviroupa, – qu'on
traduit parfois par [141] "corps (ou forme) de l'illusion". C'est un corps astral
temporaire, formé par celui qui est capable de fonctionner dans son corps
mental. Lorsqu'un homme voyage dans le plan astral, c'est, d'habitude, dans
le corps astral ; cependant, s'il lui était nécessaire de se montrer sur le plan
physique pendant qu'il fonctionne dans le corps astral, il aurait à matérialiser
autour de lui un corps physique. C'est ce qui se fait quelquefois, quoique
rarement, car cette matérialisation entraine une grande dépense de force. De
même, si cet homme opérait sur le plan mental et désirait se manifester sur
le plan astral, il lui faudrait matérialiser un corps astral temporaire, qui est
le Mayaviroupa. Après avoir achevé son travail, il se retirait de nouveau sur
le plan mental et le corps temporaire s'évanouirait, les matériaux le
composant retournant à la circulation générale de matière astrale, d'où ils
avaient été extraits par la volonté de l'élève.
Jusqu'à l'époque de la première Initiation, l'homme travaille la nuit dans
son corps astral ; mais dès que ce corps est entièrement sous son contrôle et
qu'il peut l'utiliser pleinement, le travail dans le corps mental commence.
Quand ce corps est, à son tour, complètement organisé, il constitue un
véhicule beaucoup plus flexible que le corps astral et bien des choses qui
sont impossibles sur le plan astral peuvent être accomplies dans le corps
mental. Avec le pouvoir de former le Mayaviroupa, l'homme devient
capable de passer instantanément du plan mental au plan astral et
inversement et d'utiliser à tout moment le pouvoir plus grand et le sens plus
aiguisé du plan mental ; l'homme n'a besoin de former la matérialisation
astrale que lorsqu'il désire se rendre visible aux êtres du monde astral. Il est
nécessaire que le Maitre commence par apprendre à son élève à créer le
Mayaviroupa, après quoi, bien que ce ne soit pas chose facile au début,
l'élève peut le construire lui-même.
Une expansion et un développement considérables du corps mental
suivent la seconde Initiation, mais il s'écoule, d'ordinaire, quelques années
avant que les effets s'en fassent sentir dans le cerveau physique. Lorsque ces
effets [142] commencent à se manifester, ils entrainent incontestablement
un très grand effort pour le cerveau, ce dernier ne pouvant instantanément
s'accorder au taux de vibrations nécessaire.
La période qui suit la prise de la seconde Initiation, est sous maint
rapport, la plus dangereuse parmi celles que le candidat doit passer au cours
du Sentier, bien qu'à n'importe quel stade précédant la cinquième Initiation,
la possibilité subsiste, soit de faire une chute, soit de passer par nombre
d'incarnations sans avancer notablement. En tout cas, c'est à cette phase, plus
particulièrement, qu'une faiblesse marquée dans le caractère du candidat se
fera jour. Il semble qu'il devrait être impossible à un homme qui s'est élevé
à cette hauteur de tomber en arrière ; malheureusement l'expérience nous a
montré que cela se produit quelquefois. Dans la presque totalité des cas, ce
danger provient de l'orgueil ; s'il en reste la moindre parcelle dans la nature
de l'homme, il court de sérieux risques de chute. Car, ce que nous
considérons ici-bas comme l'intellect n'est qu'une simple réflexion de la
chose véritable ; et pourtant certains d'entre nous ont l'orgueil de leur
intellect, de leurs conceptions plus profondes que celles de la masse.
Combien plus fiers encore pourrions-nous être si nous percevions en nous
un petit aperçu de ce que notre véritable intellect est destiné à devenir plus
tard ! Il y aurait là un danger sérieux de chute, pour qui s'y exposerait, et par
conséquent une période de temps très dure à traverser. Seule une incessante
et croissante vigilance peut permettre au candidat de franchir cette étape
avec succès et il doit constamment s'efforcer d'anéantir toute trace d'orgueil,
d'égoïsme et de parti pris.
La connaissance de ce qui précède jette une clarté nouvelle et soudaine
sur certains textes de la Bible. Cette dangereuse phase de la vie de l'Initié est
figurée dans l'Évangile par la tentation dans le désert, qui suivit le baptême
du Christ par Jean. Les quarante jours passés dans la solitude du désert
symbolisent la période au cours de laquelle l'expansion donnée au corps
mental, lors de la seconde Initiation, opère son travail dans le[143] cerveau
physique, travail qui, pour le candidat ordinaire, peut fort bien exiger
quelque quarante ans, sinon davantage. Dans la vie de Jésus, c'est durant
cette période que son cerveau fut préparé pour l'incarnation du Christ qui
allait l'occuper. À ce moment, le Diable, qui, dans le symbolisme, représente
la nature intérieure, vient tenter l'Initié, lui suggérant d'abord de faire usage
de ses pouvoirs pour la satisfaction de ses propres désirs : "Si tu es Fils de
Dieu, ordonne que ces pierres se transforment en pain." On le tenta ensuite
de se jeter du haut d'une tour du temple, accomplissant ainsi un miracle qui
étonnerait la populace. En dernier lieu, le Diable, lui montrant tous les
royaumes du monde et leur gloire, lui dit : "Toutes ces choses, je te les
donnerai, si tu consens à te courber devant moi et à m'adorer" ; ainsi l'Initié
est, par-là, tenté d'user de ses pouvoirs pour gratifier sa propre ambition.
Chacune de ces tentations représente une forme différente de l'orgueil.
Si l'on peut comparer la première grande Initiation à une nouvelle
naissance, ou renaissance, la seconde Initiation correspond au baptême du
Saint-Esprit et du Feu ; car c'est le pouvoir de la troisième Personne de la
Trinité bénie qui, à ce moment, descend comme une onde de flamme, une
vague de lumière ardente. L'homme arrivé à cette phase est appelé, par les
bouddhistes, le Sakadagamin, "l'homme qui ne revient qu'une fois", –
signifiant que celui qui est arrivé à ce niveau n'a plus besoin que d'une seule
incarnation pour atteindre le degré de l'Arhat, la quatrième Initiation, après
laquelle il ne sera plus obligé de se réincarner physiquement. Le nom indou
de cette seconde étape est Koutichaka, c'est-à-dire "l'homme qui construit
une hutte", celui qui est arrivé à un lieu de paix. À ce stade, il n'est pas rejeté
d'autres entraves ; c'est d'ordinaire une période de considérable avancement
psychique et intellectuel. Si ce qu'on appelle communément les facultés
psychiques n'ont pas été acquises auparavant, elles doivent être maintenant
développées, car il serait impossible, sans elles, d'assimiler la connaissance
qui est donnée au cours de cette période, [144] ou d'accomplir le travail
supérieur pour l'humanité auquel l'Initié va avoir le privilège de participer.
Il faut donc qu'il acquière la maitrise de la conscience astrale durant sa vie
physique de veille ; parallèlement le monde céleste s'ouvrira devant lui
pendant son sommeil, car la conscience d'un homme, hors de son corps
physique, dépasse toujours d'un degré celui qu'il occupe dans son enveloppe
de chair. Quand le candidat a passé par les quatre stades de la seconde
Initiation et est, une fois de plus, devenu "Gotrabhou", il est prêt pour la
troisième Initiation, celle de l' "Anagamin", mot signifiant littéralement
"celui qui ne retourne plus", car il doit normalement atteindre l'Initiation
suivante au cours de la même incarnation. Le nom indou de ce stade est
"Hamsa", qui veut dire "cygne", mais est également considéré comme une
forme de la sentence "So-ham", littéralement "je suis Cela". Il existe,
d'ailleurs, une vieille tradition qui veut que le cygne soit capable de séparer
le lait de l'eau ; de même, le Sage est en mesure d'attribuer une juste valeur,
pour les êtres vivants, aux phénomènes de la vie.
Cette Initiation est représentée, dans le symbolisme chrétien, par la
Transfiguration du Christ. Il se rendit sur une haute montagne isolée et fut
transfiguré devant ses disciples : "Sa figure se mit à resplendir comme le
soleil et son vêtement devint blanc comme la lumière"…, "d'un blanc
éblouissant de neige, d'un blanc que nul artifice ne saurait produire." Cette
description ne peut être que celle de l'Augoeidès, l'homme glorifié, et c'est
une peinture exacte de ce qui se produit lors de cette Initiation, car si la
deuxième grande Initiation intéresse principalement la mise en activité du
corps mental inférieur, c'est à la troisième Initiation qu'est spécialement
développé le corps causal. L'égo est amené en contact plus intime avec la
monade et se trouve, en vérité, transfiguré. Il n'est pas jusqu'à la personnalité
qui ne soit affectée par cette merveilleuse effusion. Le soi supérieur et le soi
inférieur ne font plus qu'un, il est vrai, dès la première Initiation, et cette
unité ne peut plus jamais [145] se perdre ; néanmoins le développement du
soi supérieur, devient tel maintenant, qu'il ne peut plus se refléter dans les
mondes inférieurs de la forme, quoique les deux "Soi" ne fassent plus qu'un
au plus haut degré possible.
L'Évangile dit, d'autre part, qu'à la Transfiguration apparurent Moïse et
Élie, les deux figures principales de l'Ancien Testament, celui-ci l'un des
plus grands parmi les prophètes juifs, celui-là représentant la loi d'Israël.
Ainsi ces deux dispensations de la vérité : celle de la Loi, et celle de
l'inspiration prophétique, sont représentées comme étant voisines de Celui
qui allait établir une nouvelle dispensation : celle de l'Évangile. Et ces divers
symboles ont une signification qui est liée à certains faits relatifs à la
troisième Initiation.
Un autre symbole s'y rapportant apparait dans le récit évangélique de la
présentation du Christ à son Père dans le Temple, épisode qui n'est guère à
sa place dans la tradition car le Christ se trouve alors être un petit enfant.
Or, l'homme prêt pour la troisième Initiation doit comparaitre devant le Roi
spirituel du monde, le puissant Chef de la hiérarchie occulte qui, à l'occasion
de cette troisième étape, confère lui-même l'Initiation, ou bien délègue l'un
de ses Élèves, – les trois Seigneurs de la Flamme, qui vinrent avec lui de
Vénus – pour la conférer en son nom ; et, dans ce dernier cas, l'homme est
présenté au Roi peu après que l'Initiation a eu lieu. Ainsi le Christ fut-il mis
en présence de son Père ; le bouddhi s'épanouit en l'Initié jusqu'à ne faire
plus qu'un avec sa source, sur le plan nirvanique et, par-là, se trouve réalisée
la merveilleuse union entre le premier et le second principe en l'homme.
L'Anagamin jouit, pendant qu'il accomplit le cycle de son travail
journalier, de toutes les splendides possibilités que confère la pleine
possession des facultés du plan mental supérieur ; et quand, la nuit, il quitte
son véhicule physique, il entre de nouveau dans la conscience
extraordinairement plus large, qui appartient au plan bouddhique. Au cours
de cette étape, il doit rejeter les derniers vestiges des quatrième et cinquième
entraves : Kamaraga [146] et Patigha, c'est-à-dire l'attachement aux
jouissances de la sensation, dont le type est l'amour terrestre ainsi que toute
trace de colère ou de haine. L'aspirant doit se libérer de tout assujettissement
aux choses extérieures. Il ne s'ensuit nullement qu'il ne doit plus éprouver
d'attraction pour ce qui est agréable, ou beau, ou pur, ni de répulsion pour
ce qui est opposé à ces qualités, et qu'il ne doive pas en tenir compte au
cours de son travail. Cela signifie seulement qu'il ne fera pas de ces
conditions un facteur décisif au point de vue de son devoir et qu'il les
ignorera délibérément, chaque fois que son travail l'exigera.
Nous devons nous garder ici d'un malentendu possible et qu'en fait nous
constatons fréquemment. L'affection humaine la plus pure et la plus noble
ne périt jamais, n'est jamais, d'aucune manière, diminuée par l'entrainement
occulte ; elle est, au contraire, accrue et élargie jusqu'à comprendre tous les
êtres dans la même ferveur qui, au début, était prodiguée à l'un d'eux. Mais
l'étudiant s'élève, avec le temps, au-dessus de toute considération relative à
la simple personnalité de ceux qui l'entourent et est, par-là, exempt de toute
l'injustice et de la partialité que l'affection ordinaire traine si souvent à sa
suite.
Il ne faudrait pas davantage s'imaginer qu'en acquérant cette large
affection pour tous, il doive renoncer à son affection particulière pour ses
plus proches amis. Les liens si parfaits existant entre Ananda et le Seigneur
Bouddha, ainsi qu'entre saint Jean et le Christ prouvent, au contraire, que
cette affection personnelle peut être énormément intensifiée ; en vérité,
l'attachement entre un Maitre et ses élèves est plus fort et de beaucoup
qu'aucun lien terrestre. Car l'affection qui fleurit sur le Sentier de Sainteté
est une affection entre égos et non pas seulement entre personnalités ; elle
est donc aussi forte que permanente et ne craint pas d'amoindrissement ni
de changements : c'est "le parfait amour qui a rejeté toute crainte."
CHAPITRE IX

L'ÉGO

Pour nous permettre de comprendre clairement les étapes suivantes du


Sentier, il est maintenant nécessaire que nous considérions l'égo et la façon
dont il s'est éveillé et a employé ses pouvoirs afin de mettre la personnalité
en harmonie avec lui, d'atteindre jusqu'au plan bouddhique et de percevoir
son unité avec tout ce qui vit.
Un diagramme 6 illustre les trois vagues de la Vie Divine dans notre
plan d'évolution. Au sommet, les trois cercles symbolisant les trois Aspects
du Logos, les trois Personnes de la Sainte Trinité ; de chacun de ces trois
cercles descend une ligne qui croise à angles droits, les traits horizontaux
représentant les sept plans de la nature. La ligne qui part du cercle inférieur,
le troisième Aspect, descend tout droit au milieu du diagramme,
s'assombrissant au fur et à mesure qu'elle descend, pour représenter
comment le Saint Esprit vivifie la matière des divers plans, édifiant d'abord
leurs atomes respectifs et les agrégeant ensuite en éléments.
Dans cette matière ainsi vivifiée, la seconde Vague descend du cercle
qui représente Dieu le Fils, et la Vie divine, en laquelle ce flot consiste,
assemble cette matière en formes habitables pour cette Vie, s'incarnant ainsi,
c'est-à-dire, confectionnant des corps, des véhicules à son usage. À son
niveau le plus bas de matérialité cette Vie anime le règne minéral ; après une
évolution graduelle, elle devient assez définie pour animer le règne végétal,
puis, plus tard encore, le règne animal. Lorsqu'elle s'est élevée au plus haut
niveau du règne animal, un changement remarquable se produit, occasionné
par l'introduction d'un facteur entièrement nouveau, celui de la troisième
Vague de vie, laquelle provient du cercle le plus élevé, qui symbolise le
premier Aspect du Logos, communément appelé Dieu le Père. [148]
La force qui a été jusqu'ici l'animatrice se trouve maintenant, à son tour,
animée, car la nouvelle force émanée de la première Personne, s'empare de
ce qui constituait l'âme de l'animal pour en faire un corps à son usage, corps
dont la matière est d'ailleurs tellement fine qu'elle est tout à fait
imperceptible pour nos sens physiques. C'est là l'origine de l'égo dans son
corps causal ; cet égo qui attire à lui le résultat de toute l'expérience amassée
par cette âme animale durant les milliers de siècles de son développement

6
publié dans l'Homme visible et invisible, du même auteur.
antérieur, de telle sorte qu'aucune des qualités acquises au cours de son
évolution n'est perdue.

Diagramme 1 – Les trois Vagues de la Vie


Quelle est donc cette force prodigieuse ainsi émanée du plus haut aspect
du Logos Solaire qui nous soit connu ? C'est, en vérité, la Vie même de
Dieu. Mais, allez-vous dire, n'en est-il pas ainsi de la première et de la
deuxième Vague de vie ? Oui, sans doute, mais ces deux dernières ont
procédé lentement et graduellement, à travers les sous-plans successifs,
réunissant autour d'elles la matière de chacun de ces sous-plans et s'y
emprisonnant si complètement qu'il est à peine possible de les y distinguer
sous leur vraie nature et de reconnaitre en elle la Vie divine… tandis que
cette troisième Vague s'élance toutefois de sa source sans s'obscurcir en
aucune façon dans la matière. Elle reste la pure lumière blanche que rien n'a
contaminée.
Bien que pour plus de clarté, notre diagramme montre ce troisième
Courant de la Vie divine comme provenant directement du Logos, il en est,
en réalité, émané depuis longtemps et flotte à un point intermédiaire dans le
second de nos plans. C'est ce que nous appelons la Monade, et peut-être une
des manières les moins imparfaites de nous représenter cette Monade est-
elle de la considérer comme une parcelle de Dieu – oui, vraiment, une
parcelle de Ce qui ne peut être divisé – paradoxe, sans doute, pour notre
intellect humain, mais qui renferme cependant une éternelle vérité, bien au-
dessus de notre compréhension. [149]
La méthode générale de cette descente de l'Esprit dans la matière
semble toujours être la même, quoique les conditions différentes des divers
plans amènent, naturellement, de nombreuses variations de détail. Le Logos
projette la Monade, minuscule fragment de Lui-même, jusqu'à un niveau
infiniment au-dessous du Sien propre ; il va sans dire qu'une telle descente
implique de très grandes limites ; mais c'est là un sujet bien trop au-delà de
l'extrême limite de notre conscience pour être décrit ou même
convenablement compris. Exactement de la même manière, la Monade
projette un minuscule fragment d'elle-même, qui devient l'égo ; et de ce fait
cette limite s'accroit énormément. Le même processus se reproduit encore
lorsque l'égo projette un menu fragment de lui-même dans les corps mental,
astral et physique de l'homme, fragment que nous appelons la personnalité.
Cette dernière parcelle est le point de conscience que les clairvoyants
perçoivent à l'intérieur de l'homme. Suivant un certain système de
symbologie, c'est "l'Homme doré, de la grandeur d'un pouce", qui se tient
dans le cœur. Beaucoup d'entre nous le voient plutôt sous la forme d'une
étoile ; en ce qui me concerne, je l'ai toujours perçu comme une brillante
étoile lumineuse. L'homme peut fixer cette Etoile de conscience où il veut,
c'est-à-dire dans l'un quelconque des sept principaux centres du corps. Celui
de ces centres qui est le plus naturel à un individu particulier dépend surtout
de son type ou rayon et aussi, je crois, de la race et de la sous-race à laquelle
il appartient. En tant qu'hommes de la cinquième sous-race de la cinquième
race-racine, nous conservons presque toujours cette conscience dans le
cerveau, dans le centre dépendant du corps pituitaire. On trouve, cependant
des hommes d'autres races pour qui il est plus naturel de la tenir centrée dans
le cœur, la gorge ou le plexus solaire.
Cette Étoile de conscience est le représentant de l'égo ici-bas, dans les
plans inférieurs, et nous appelons "personnalité" sa manifestation à travers
ses véhicules ; c'est là l'homme tel que le connaissent ses amis, sur la terre.
[150]
Mais, bien que cette personnalité fasse partie intégrante de l'égo, bien
que la seule vie et le seul pouvoir qu'elle possède soient ceux de l'égo, elle
oublie cependant fréquemment ces faits fondamentaux et en vient à se
considérer comme une entité tout à fait distincte et à agir ici-bas pour ses
propres fins. Elle possède toujours avec l'égo une ligne de communication,
appelée dans certains de nos livres "l'Antahkarana" ; mais elle ne fait
généralement aucun effort pour s'en servir. Dans le cas de gens ordinaires,
qui n'ont jamais étudié ces questions, la personnalité est pratiquement tout
l'homme, et l'égo ne se manifeste que très rarement et partiellement.
L'évolution de l'homme à ses débuts consiste en l'ouverture de cette
ligne de communication, afin que l'égo puisse de plus en plus s'affirmer par
son moyen pour arriver finalement à dominer entièrement la personnalité,
au point que celle-ci n'ait plus de pensée ni de volonté indépendantes, mais
soit uniquement, comme elle a mission de l'être, l'expression de l'égo, sur
les plans inférieurs.
Bien entendu, l'égo, qui appartient à un plan très supérieur à celui de la
personnalité, ne pourra jamais s'exprimer pleinement ici-bas ; le mieux que
nous puissions espérer est que la personnalité ne représente rien qui ne soit
désiré par l'égo et qu'elle exprime de ce dernier tout ce qui ne peut être
exprimé dans ce monde inférieur.
Tandis que l'homme entièrement inexercé n'a, pour ainsi dire, aucune
communication avec son égo, au contraire, l'Initié jouit d'une pleine
communication ; ainsi qu'on peut s'y attendre il y a, parmi nous, des hommes
évolués à tous les degrés, compris entre ces deux extrêmes. On doit se
rappeler que l'égo lui-même est seulement en cours de développement et que
l'on a affaire à des égos à des degrés très différents d'avancement. De toute
manière, un égo est, sous quantité de rapports, quelque chose d'infiniment
plus grand qu'une personnalité ne peut l'être, car malgré qu'il ne soit, comme
cela a été dit plus haut, qu'un fragment de la Monade, il est cependant
complet en tant qu'égo dans son corps causal, même lorsque ses pouvoirs ne
sont pas évolués ; tandis qu'il n'y a, dans la personnalité, qu'un [151] reflet
de la vie de l'égo. D'autre part, la vie au niveau de l'égo est immensément
plus vaste et plus forte que ce que nous appelons vie ici-bas. De même que
l'évolution consiste, pour la personnalité, à apprendre à exprimer l'égo plus
pleinement, de même l'évolution pour l'égo, est d'apprendre à exprimer plus
pleinement la Monade. La personnalité ignorante oublie complètement cette
relation avec l'égo et se croit tout à fait indépendante. Par contre, il semble
difficile d'imaginer que l'égo, à son niveau beaucoup plus élevé, puisse
ignorer son lien avec la Monade ; il est évident, en tout cas, que certains
égos sont beaucoup plus conscients que d'autres à la nécessité de leur
évolution, ce qui revient à dire qu'il y a des égos plus jeunes et d'autres plus
âgés, ces derniers s'efforçant avec plus d'ardeur que les jeunes, de déployer
leurs possibilités latentes.
Nous sommes enclins à penser que l'égo ne peut grandir qu'au moyen
de la personnalité, mais il n'en est pas ainsi, ou plutôt il n'en est ainsi que
pour un petit groupe de qualités. Comme je l'ai expliqué en détail dans
l' "Homme Visible et Invisible", le corps causal d'un sauvage est presque
incolore ; au fur et à mesure qu'au cours de son évolution il développe de
bonnes qualités pouvant produire des vibrations dans la matière du corps
causal, les couleurs exprimant ces qualités commencent à se montrer ; et peu
à peu, le corps causal, au lieu d'être vide, s'emplit d'une vie palpitante et
active. L'égo peut alors manifester tellement plus de lui-même qu'il accroit
énormément sa grandeur ; celle-ci s'étend, graduellement, de plus en plus
autour de son centre physique, au point qu'un jour, l'homme arrive à
envelopper des centaines et même des milliers de personnes dans les limites
de son corps causal, c'est-à-dire de lui-même, et peut exercer, de la sorte,
une vaste influence pour le bien.
Mais ceci, tout merveilleux que ce soit, n'est qu'un aspect du
développement de l'égo. Il y a bien d'autres voies de progrès dont nous ne
connaissons rien ici-bas ; il mène une vie qui lui est propre parmi ses pairs,
parmi les grands Aroupadévas, parmi toutes sortes d'Anges [152]
splendides, dans un monde bien au-delà de notre portée. Le jeune égo n'est,
sans doute, que très peu éveillé encore à cette vie glorieuse, … tout comme
un petit enfant n'a qu'une connaissance rudimentaire des multiples intérêts
du monde qui l'entoure ; mais, à mesure que sa conscience évolue, elle
s'ouvre graduellement à toute cette magnificence dont l'éclat et la beauté le
fascinent.
En même temps, l'égo lui-même devient un être glorieux et donne, pour
la première fois, un aperçu de ce que Dieu entend que l'homme devienne.
Parmi ces êtres exaltés, les pensées ne prennent plus forme et ne flottent plus
comme elles le font au niveau inférieur, mais passent comme des éclairs
d'une entité à une autre. Là nous n'avons plus de véhicules nouvellement
acquis, arrivant lentement et graduellement à être dirigés et parvenant
péniblement à exprimer plus ou moins l'âme qui les habite ; nous sommes,
là, face à face avec un corps plus antique que les montagnes, une réelle
expression de la Gloire divine, qui se tient, sans cesse, derrière ce corps et
brille à travers lui de plus en plus, à mesure que se construisent ses pouvoirs.
Là nous n'avons pu affaire aux formes extérieures : nous voyons les choses
en elles-mêmes ; nous voyons la réalité que nous ne pouvions que deviner à
travers ses expressions imparfaites. Là, la cause et l'effet ne font qu'un, et
sont clairement visibles dans leur unité, comme les deux faces d'une même
pièce de monnaie. Là nous avons quitté le concret pour l'abstrait ; nous ne
connaissons plus la multiplicité des formes, mais l'idée qui est derrière ces
formes ; nous touchons l'essence même des choses ; nous n'avons plus
besoin d'étudier les détails, de discuter sur un sujet ou d'essayer de
l'expliquer : nous en prenons l'essence et pouvons la manier d'une seule
pièce, comme nous ferions d'une pièce de jeu d'échecs. Ce qui, ici-bas,
constituerait un système philosophique exigeant de nombreux volumes pour
l'expliquer, se présente pour ainsi dire comme un objet unique et bien défini,
une pensée qu'on pourrait jeter sur la table, comme on abat une carte. Un
opéra ou un oratorio qui, pour être rendu ici-bas, occuperait [153] un
orchestre entier pendant plusieurs heures, est représenté par une unique et
puissante note ; les méthodes de toute une école de peinture sont condensées
en une seule idée magnifique, et de telles idées sont comme des jetons
intellectuels dont se servent les égos pour converser entre eux.
Il est fort malaisé d'expliquer en paroles de notre monde les différences
qui existent entre les égos, étant donné qu'ils sont beaucoup plus grands,
sous maints rapports, que tout ce qui nous est connu ici-bas. Toute analogie
peut, comme on le sait, devenir trompeuse si elle est poussée trop loin ou si
elle est prise trop à la lettre ; néanmoins, je donnerai peut-être une idée de
l'impression générale que produisent des égos à différents degrés d'évolution
si je dis qu'un égo avancé me fait l'effet d'un ambassadeur à l'allure digne et
au ton extrêmement courtois, plein de sagesse et d'affabilité, tandis que
l'homme moins développé donne davantage l'impression d'un rude et cordial
gentilhomme campagnard.
L'égo qui est déjà sur le Sentier et approche de l'Adeptat a beaucoup en
commun avec les grands anges et projette autour de lui des influences
spirituelles d'un pouvoir prodigieux.
Faut-il donc, dans ces conditions, s'étonner que l'égo se jette
énergiquement dans le tourbillon d'intense activité de son propre plan et que
ce dernier lui semble infiniment plus intéressant et plus important que l'écho
amorti des luttes lointaines d'une personnalité étriquée et seulement à moitié
formée, voilée, au surplus, par la dense obscurité d'un monde inférieur ?
Dans la vie physique de l'homme ordinaire, il y a peu de sujets d'intérêt
pour l'égo et c'est seulement à de rares intervalles que survient un évènement
de quelque importance, susceptible d'attirer, pour un instant, son attention
et dont il puisse tirer quelque chose qui en vaille la peine. L'homme ordinaire
vit par bribes ; la plupart du temps il n'est aucunement éveillé à la vie réelle
supérieure. Certains d'entre nous sont enclins à [154] se plaindre de ce que
nos égos nous donnent très peu d'attention ; demandons-nous si nous nous
occupons beaucoup de notre égo. Combien de fois, par exemple, en un jour
donné, avons-nous eu une pensée quelconque au sujet de notre égo ? Si nous
désirons attirer son attention, il nous faut faire en sorte que notre
personnalité puisse lui servir. Dès que nous commencerons à consacrer la
plus grande partie de nos pensées aux choses supérieures, ce qui revient à
dire dès que nous commencerons à vivre, il y a des chances pour que l'égo
fasse plus attention à notre personne.
L'égo n'ignore pas que certaines parties nécessaires de son évolution ne
peut s'accomplir qu'à travers cette personnalité, et par le moyen de ses corps
mental, astral et physique ; il sait, par conséquent, qu'il devra, un jour ou
l'autre, s'en préoccuper, prendre ces corps en main et les amener sous sa
domination. Mais on comprend sans peine, que la tâche doit souvent lui
paraitre peu engageante, et qu'une personnalité donnée peut, au début, ne
présenter guère d'intérêt ou d'espoir. Si nous considérons nombre de gens
qui nous entourent – avec leur corps physique empoisonné de viande,
d'alcool et de tabac, avec leur corps astral exhalant l'avidité et la sensualité,
et leur corps mental sans aucun intérêt sauf pour les affaires et peut-être pour
les courses de chevaux et les combats de boxe – nous comprendrons
facilement pourquoi un égo observant ces choses de son plan élevé, prendra
peut-être le parti de sursoir au sérieux effort qui s'impose jusqu'à une
prochaine incarnation, dans l'espoir que le nouveau jeu de véhicules sera
plus sensible à son influence que ceux sur lesquels son regard horrifié se
pose actuellement. Nous pouvons nous imaginer qu'il doit se dire : "Je ne
puis rien faire de cela ; peut-être tomberai-je, la prochaine fois, sur de
meilleurs instruments ; en tout cas, ils ne peuvent être pires et, en attendant,
j'ai ici un travail plus important à accomplir que de m'occuper d'eux."
Quelque chose de semblable se produit assez souvent au cours des
premières phases d'une nouvelle incarnation. [155] Dès la naissance de
l'enfant, l'égo vient planer au-dessus de lui et, dans certains cas, essayer
d'influer sur son développement pendant qu'il est encore très jeune. Mais en
général, l'égo consacre peu d'attention au nouveau corps, jusqu'à ce que ce
dernier ait atteint l'âge d'environ sept ans, époque vers laquelle le travail de
l'élémental karmique est pratiquement terminé. Les enfants diffèrent
tellement entre eux qu'il n'est pas surprenant que les rapports entre les égos
et les personnalités correspondantes diffèrent tout aussi grandement.
Certaines personnalités d'enfants sont vives et faciles à impressionner,
pendant que d'autres sont obtuses ou arriérées ; quand ces dernières
caractéristiques dominent, l'égo s'abstient fréquemment de porter au
nouveau corps un intérêt actif jusqu'à nouvel ordre, en espérant que l'enfant,
en grandissant, deviendra plus intelligent et plus réceptif.
Une telle décision nous semble malavisée parce que si l'égo néglige sa
personnalité actuelle il est peu probable que la suivante soit meilleure ; et
s'il laisse le corps de l'enfant se développer sans son influence, les attributs
indésirables que ce corps a commencé à manifester peuvent fort bien
s'accentuer au lieu de disparaitre. Mais nous sommes mal placés pour porter
un jugement, étant donnée notre très imparfaite connaissance du problème ;
d'autre part, nous ne pouvons rien voir du travail plus élevé auquel l'égo se
consacre.
On se rend compte ainsi à quel point il nous est impossible d'estimer
avec une précision quelconque le degré d'évolution d'une personne que nous
ne pouvons voir que sur le plan physique. Dans tel cas, des causes karmiques
peuvent avoir produit une belle personnalité, qui n'a cependant derrière elle
qu'un égo d'avancement moyen ; alors que, dans tel autre cas, des causes
analogues peuvent avoir engendré une personnalité défectueuse ou
inférieure, bien qu'appartenant à un égo comparativement avancé. On en
trouve un bon exemple dans les anecdotes relatives à la vie du Seigneur
Bouddha : Un homme vint un jour le trouver, – ainsi que le faisaient
beaucoup de gens lorsqu'ils étaient embarrassés, – et lui dit qu'il [156]
éprouvait de sérieuses difficultés à pratiquer la méditation et que c'est à
peine s'il pouvait arriver à une certaine concentration d'esprit. Le Bouddha
lui dit alors qu'il y avait à cela une raison bien simple : dans une vie
précédente, il avait eu l'habitude stupide de tracasser de saints hommes en
troublant leur méditation. N'empêche que cet homme pouvait, en tant
qu'égo, être plus avancé que ses compagnons dont la méditation se passait
normalement.
Quand l'égo a décidé de diriger sur la personnalité le plein effet de son
énergie, le changement qui se produit est absolument merveilleux.
Quelqu'un qui n'a pas fait d'observations personnelles à cet égard ne peut
imaginer à quel point ce changement peut être radical, rapide,
extraordinaire, lorsque les conditions sont favorables – c'est-à-dire quand
l'égo est suffisamment fort et que la personnalité n'est pas incurablement
vicieuse, – surtout quand cette dernière fait un effort marqué pour devenir
une parfaite expression de l'égo et se rendre intéressante à celui-ci.
La difficulté pour nous, consiste surtout dans ce fait qu'il nous faut
considérer simultanément la question de deux points de vue distincts. Ici-
bas, nous sommes en effet, pour la plupart, des personnalités marquées et
nous pensons et agissons presque exclusivement comme telles ; et
cependant, nous n'ignorons nullement que nous sommes, en réalité, des égos
et ceux d'entre nous qui, par de longues années de méditation, se sont rendus
plus sensibles aux influences subtiles, sont souvent conscients de
l'intervention de ce moi supérieur. Mieux nous pourrons nous accoutumer à
nous identifier avec l'égo, plus clairement et plus sainement envisagerons-
nous les problèmes de la vie ; mais, pour autant que nous nous sentons être
encore des personnalités, dirigeant leurs aspirations vers le soi supérieur, il
est évidemment de notre devoir et de notre intérêt de nous ouvrir à
l'influence de ce soi, de tenter d'atteindre jusqu'à lui et de faire naitre en
nous-mêmes avec persévérance, des vibrations susceptibles de lui être
utiles. Veillons, tout au moins, à ne pas [157] nous opposer à l'égo, mais, au
contraire, à faire pour lui de notre mieux, selon notre degré de
développement.
Étant donné que l'égoïsme est l'intensification de la personnalité, notre
premier souci doit être de nous débarrasser de ce défaut. Ensuite, il nous faut
conserver notre mental plein de hautes pensées, car s'il est constamment
occupé par des sujets d'ordre inférieur (alors même que ces derniers seraient
estimables en eux-mêmes) l'égo ne saurait l'utiliser pour s'exprimer. Lorsque
l'égo fait une tentative dans ce but, recevons-le avec enthousiasme et hâtons-
nous d'obéir à ses ordres, afin qu'il puisse, de plus en plus, envahir notre
mental et entrer par-là en possession de son héritage en ce qui concerne les
plans inférieurs. Ainsi, nous approcherons-nous de jour en jour du but vers
lequel nous aspirons. Ainsi ferons-nous nos premiers pas sur le Sentier qui
mène directement à la première Initiation, par laquelle l'inférieur et le
supérieur arrivent à se fondre, et à partir de laquelle il ne doit plus rien rester
dans la personnalité qui ne soit une représentation de l'égo, l'inférieur étant
devenu une simple expression du supérieur. La personnalité peut avoir eu, à
un moment donné, un grand nombre de défauts, tels que la jalousie, la
colère, le découragement, etc., mais ils ont tous été rejetés, et cette
personnalité reproduit, aujourd'hui, uniquement ce qui lui vient d'en haut.
L'égo ayant amené le soi inférieur en harmonie avec lui, s'élève maintenant
jusqu'au plan bouddhique, plan de l'unité. C'est seulement de cette manière
que l'homme peut commencer à rejeter l'illusion du soi qui se dresse en
travers de son progrès ultérieur, et c'est pourquoi l'expérience bouddhique
est nécessaire lors de la première Initiation, si l'on n'a pas acquis cette
expérience précédemment. Dans bien des cas elle est venue auparavant,
parce que les émotions supérieures, affectant le corps astral, se sont reflétées
dans le véhicule bouddhique et l'ont tiré de sa léthargie, ce qui a produit un
certain éveil avant l'Initiation.
Tout ce qui vit ne fait qu'un, en réalité, et il est du devoir de ceux qui
entrent dans la Fraternité d'en acquérir [158] la certitude. On nous enseigne
bien que le Soi est un et nous essayons de nous représenter ce que cela
signifie ; mais c'est toute autre chose de le voir par soi-même, comme le fait
le candidat lorsqu'il pénètre dans le plan bouddhique. C'est comme si, dans
la vie physique, chacun de nous vivait au fond d'un puits d'où il peut
apercevoir la lumière du jour venant d'un monde supérieur ; et comme la
lumière du jour pénètre dans la profondeur d'une multitude de puits, sans
cesser d'être l'unique, de même en est-il pour la Lumière de l'Unique, qui
illumine l'obscurité de nos cœurs. L'Initié s'est, par ses efforts, soulevé hors
du puits de la personnalité et s'aperçoit, alors, que la lumière qu'il croyait
sienne est, en vérité, la Lumière Infinie, qui donne le jour à tout ce qui existe.
Pendant qu'il vivait dans le corps causal, l'égo reconnaissait déjà la
Conscience divine dans toute créature ; quand il voyait un autre égo, sa
conscience s'élançait, au-devant de lui, pour reconnaitre le Divin. Mais, sur
le plan bouddhique, il ne s'élance plus du dehors pour lui faire accueil, car
cet égo est déjà enchâssé dans son cœur : il est cette conscience et elle est
lui. Le "moi" et le "toi" n'existent plus, car ils se sont fondus en un seul et
ne sont plus que des facettes d'une même chose, transcendante pour eux et
qui néanmoins les englobe.
Et, de cette étrange fusion ne résulte aucune perte du sens de
l'individualité, malgré qu'il y ait perte totale du sens de la séparation. Ceci
semble un paradoxe, alors que c'est l'exacte vérité. L'homme se souvient de
tout le passé qui git derrière lui ; il est lui-même, celui qui accomplit tels et
tels actes dans le lointain passé. Il n'est changé en aucune manière, si ce n'est
qu'il est maintenant beaucoup plus qu'il n'était alors, et qu'il se sent
renfermer en lui-même nombre d'autres manifestations ignorées jusqu'à
présent. Si en ce lieu et en cet instant, une centaine d'entre nous pouvions
élever simultanément notre conscience jusqu'au monde de l'intuition, nous
ne ferions plus qu'une seule conscience, mais qui, pour chacun de nous
semblerait être la sienne propre, sans le moindre changement, [159] sauf
qu'elle contiendrait en même temps la conscience des autres.
Et à chacun de nous il semblerait que c'est nous qui avons absorbé tous
ces autres. Nous sommes d'ailleurs ici manifestement en présence d'une
sorte d'illusion, car un faible effort supplémentaire nous permettra de nous
rendre clairement compte que nous formons, chacun, une des innombrables
facettes d'une plus grande Conscience et que ce que nous avions pris
jusqu'alors pour nos qualités, notre intellect, notre énergie, n'ont jamais
cessé d'être Ses qualités, Son intellect, Son énergie. Nous sommes parvenus
à la réalisation même de la formule antique "Tu es Cela". Parler de cette
question ici-bas et la comprendre, tout au moins croire que nous la
comprenons intellectuellement, d'une part… et pénétrer, d'autre part, dans
ce monde merveilleux ; savoir, avec une certitude que rien ne pourra jamais
plus ébranler, sont évidemment deux choses bien différentes.
Quand cette conscience bouddhique illumine pleinement le cerveau
physique, elle donne une valeur nouvelle à nos actes et à nos relations dans
la vie. Nous ne considérons plus telle personne ou telle chose avec un degré
quelconque de bonté ou de sympathie : nous sommes cette personne ou cette
chose et nous la connaissons comme nous connaissons la pensée de notre
propre cerveau ou les mouvements de notre propre main. Nous apprécions
les motifs d'autrui comme les nôtres propres, alors même que nous
comprenons parfaitement qu'une autre partie de nous-mêmes, possédant une
connaissance plus étendue, ou se plaçant à un point de vue différent, pourrait
agir de toute autre manière.
Il ne faudrait pas supposer, cependant, qu'un homme qui pénètre pour
la première fois dans la subdivision inférieure du monde de l'intuition
devient aussitôt pleinement conscient de son unité avec tout ce qui vit. La
maitrise de ce sens ne s'acquiert que quand, à force de travail et de peine, on
atteint à la plus haute subdivision de ce royaume de l'unité. Le fait même de
pénétrer dans le plan bouddhique entraine une énorme extension de la [160]
conscience et la réalisation de l'unité de soi-même avec un certain nombre
d'autres personnes ; mais, devant l'homme qui parvient à cette phase, s'ouvre
une période d'efforts pour l'évolution du soi, analogues, sur ce niveau-là, à
ceux que nous entreprenons ici-bas quand, par la méditation, nous essayons
d'ouvrir notre conscience aux influences du plan immédiatement supérieur.
Pas à pas, sous-plan par sous-plan, l'aspirant doit conquérir son avance, et
même au niveau dont il s'agit, l'effort persistant est nécessaire à qui veut
progresser.
Ayant passé la première Initiation et pénétré, avec une certaine
conscience, dans le plan bouddhique, ce travail d'éveil progressif de sous-
plan en sous-plan s'impose donc au candidat, qui doit s'affranchir des trois
grandes entraves qui s'opposent à son progrès ultérieur. Il est maintenant
définitivement sur le Sentier de Sainteté ; il est devenu ce que les
Bouddhistes nomment un "Sotapatti", ou "Sohan", autrement dit "celui qui
est entré dans le courant" ; tandis que les Indous l'appellent "Parivrajaka",
qui signifie l' "errant", c'est-à-dire celui qui ne se sent plus chez lui dans
aucun lieu des trois mondes inférieurs.
CHAPITRE X

LES INITIATIONS SUPÉRIEURES

L'étudiant simplifiera son travail en divisant, par la pensée, en deux


groupes les quatre étapes du sentier qui conduit à l'Adeptat et en réunissant
dans le premier groupe les trois étapes dont il vient d'être question. Durant
celles-ci, la conscience bouddhique est portée à sa perfection, mais à la
quatrième Initiation, le candidat pénètre dans le plan nirvanique et dès ce
moment, il lui incombe d'avancer sans cesse en s'élevant à travers le plan ou
plus exactement à travers la région de celui-ci, composée de ses cinq sous-
plans inférieurs, où l'égo humain peut exister. L'Initiation en question peut
aussi être considérée comme un point situé à mi-chemin du but puisque l'on
dit généralement qu'il faut en moyenne sept vies pour parvenir de la
première à la quatrième Initiation et sept autres pour arriver de la quatrième
à la cinquième. Comme je l'ai dit plus haut, ces chiffres sont susceptibles
d'être largement modifiés dans un sens ou dans l'autre et à l'époque actuelle
le temps employé est le plus souvent très réduit du fait que les vies se
succèdent habituellement sans interruption, sans aucun intervalle passé dans
le monde céleste.
Le candidat qui a franchi la quatrième Initiation est désigné dans le
vocabulaire bouddhiste par le terme d'Arhat qui signifie le digne, le capable,
le vénérable ou parfait et dans les livres orientaux l'on peut lire à son sujet
des choses fort belles qui témoignent de la conscience qu'ont leurs auteurs
du haut degré d'évolution atteint par cet Initié. Les Indous le nomment
Parahamsa, celui qui est au-dessus et ou au-delà du Hamsa. Dans le
symbolisme chrétien, la quatrième Initiation est indiquée par les souffrances
au Jardin des Oliviers, la Crucifixion et la Résurrection du Christ ; étant
donné qu'il faut tenir compte de certaines étapes préliminaires, le symbole
serait plus complet si l'on y introduisait les divers évènements qu'on nous
dit s'être passés au cours de la Semaine Sainte. [161] Le premier de ces
évènements est la résurrection de Lazare par le Christ, évènement
commémoré régulièrement le dimanche qui précède celui des Rameaux,
bien que, selon le récit évangélique, il ait lieu huit ou quinze jours
auparavant. Le dimanche eut lieu l'entrée triomphante à Jérusalem ; le lundi
et mardi, le Christ prêcha à plusieurs reprises dans le Temple ; le mercredi,
Judas Iscariote le trahit ; le jeudi vit l'institution de la sainte Eucharistie et
la nuit du jeudi au vendredi, les jugements de Pilate et d'Hérode. Le
Vendredi Saint, ce fut la Crucifixion ; le samedi le sépulcre et à minuit, le
samedi, ou plutôt dès la première heure du dimanche, le Christ surgit du
tombeau, triomphant à tout jamais.
Tous ces incidents du drame christique ont un rapport avec ce qui se
passe, en réalité, à l'occasion de la quatrième Initiation. L'acte merveilleux
et exceptionnel du Christ ressuscitant Lazare ce samedi, prépara en grande
partie l'unique triomphe terrestre dont il jouit peu après, car le peuple
s'assembla en foule dès qu'il entendit parler de la résurrection. On attendit
que le Christ sortit de la maison pour se diriger vers Jérusalem et on lui fit
une ovation émue ; on l'honora comme on honore encore de nos jours, en
Orient, tout être que l'on considère comme saint. Le peuple lui fit une escorte
enthousiaste jusqu'à Jérusalem. Il s'empressa de mettre à profit l'occasion
que lui fournissait ce léger succès pour prêcher et enseigner dans le Temple
où la foule s'amassa pour le voir et l'entendre. Ceci est un symbole de ce qui
se passe en réalité. L'Initié attire l'attention et se fait apprécier, jusqu'à
atteindre un certain degré de popularité. Alors ne manque jamais de surgir
le traitre qui se dresse en face de lui et qui, dénaturant ses actes et son
enseignement, leur donne l'apparence du mal. Comme l'a dit Ruysbroeck :
"Parfois, ces infortunés sont privés des bonnes choses de la terre, de leurs
amis et de leurs parents et sont abandonnés de toutes les créatures ; leur
sainteté n'inspire que méfiance et mépris ; les hommes donnent une fâcheuse
interprétation à toutes leurs œuvres et ceux qui les entourent les repoussent
et les dédaignent ; et parfois, ils [163] sont affligés de diverses maladies."
Puis c'est une avalanche d'obstacles et d'insultes et finalement, le monde
rejette complètement l'Initié. C'est là que se place la scène du Jardin de
Gethsemani, où le Christ eut l'impression d'être totalement abandonné ; puis
il est tourné en dérision et crucifié. Enfin s'élève de la Croix ce cri : "Mon
Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ?" Mme Blavatsky
défendait une thèse qu'elle a exposée dans la Doctrine Secrète et dont je ne
puis personnellement vérifier l'exactitude, selon laquelle le sens véritable de
cette exclamation serait : Mon Dieu, Mon Dieu, comme Vous me glorifiez !
J'ignore laquelle de ces deux versions est la plus exacte, mais chacune d'elle
exprime une grande vérité. L'un des traits caractéristiques de la quatrième
Initiation est le fait d'abandonner l'homme complètement à lui-même.
D'abord, il lui faut rester isolé sur le plan physique ; tous ses amis se tournent
contre lui les uns après les autres, par suite de quelque malentendu ; tout
cela d'ailleurs s'arrange plus tard mais, pour le moment, le candidat éprouve
l'impression d'avoir tout le monde contre lui. Peut-être cette épreuve ne
serait-elle pas si pénible si elle n'avait pas aussi un aspect interne, car l'Initié
doit également faire l'expérience d'un état nommé Avichi, ce qui signifie
"sans ondes", c'est-à-dire sans vibrations. L'état d'Avichi n'est pas ce qu'en
a fait l'hypothèse courante, une sorte d'enfer, mais bien un état dans lequel
l'homme se sent complètement seul dans l'espace et a l'impression d'être
isolé de toute vie même de celle du Logos et c'est sans contredit l'expérience
la plus effroyable à laquelle un être humain puisse être soumis. L'on dit
qu'elle ne dure qu'un moment ;… ceux qui l'ont subie ont néanmoins
l'impression qu'elle est bien plus longue car, à ce niveau, le temps et l'espace
n'existent pas. Le résultat de cette terrible expérience est, me semble-t-il,
double. D'une part, elle met le candidat à même de sympathiser avec ceux
auxquels l'état d'Avichi échoit en partage comme conséquence de leurs actes
et, d'autre part, elle lui enseigne à pouvoir demeurer comme retranché de
toute vie extérieure, à éprouver une certitude[164] personnelle de son unité
avec le Logos et à se rendre compte de ce que cette certitude est absolue et
que toute sensation d'isolement n'est qu'une illusion.
Il en est qui ont échoué devant cette terrible épreuve et qui ont dû
rebrousser chemin et recommencer le travail qui prépare à l'Initiation ; mais
pour celui qui peut la supporter sans faiblir, c'est certainement une
expérience merveilleuse, si dure qu'elle soit. De sorte que si en ce qui
concerne l'épreuve l'interprétation qui s'impose est : "Pourquoi m'avez-vous
abandonné", "Comme vous me glorifiez !" exprimerait très exactement le
sentiment de celui qui en sort victorieux.
Ce qui différencie l'Initiation en question de toutes les autres, c'est
précisément ce double caractère de souffrance et de triomphe. Chacune des
Initiations était symbolisée dans la tradition chrétienne par un fait précis : la
Naissance, le Baptême, la Transfiguration ; pour représenter la quatrième,
toute une suite d'évènements a été jugée nécessaire. La Crucifixion
accompagnée des souffrances diverses dont elle fut le point culminant fut
choisie pour caractériser l'un des aspects de cette Initiation tandis que l'autre
était représenté par la Résurrection et le triomphe sur la mort. À ce niveau
de l'Évolution, toujours il y a souffrance physique, astrale et mentale,
toujours la condamnation de la société et l'échec apparent ; toujours aussi il
y a sur les plans supérieurs triomphe éclatant qui demeure caché aux yeux
du monde. La qualité particulière de douleur qui accompagne
invariablement cette Initiation déblaie le Karma arriéré qui pouvait être
susceptible d'encombrer encore la route de l'Initié et la patience et la bonne
humeur avec lesquelles il la supporte influent grandement sur
l'affermissement de son caractère et aident à déterminer la part qu'il pourra
utilement assumer dans le travail qui s'offre à lui. Voici une antique formule
égyptienne décrivant la Crucifixion et la Résurrection qui symbolisent
l'Initiation réelle :
"Le candidat sera alors lié à la croix de bois, il mourra,
sera enterré et descendra dans le monde souterrain ; après
le troisième jour il sera ramené d'entre les morts."
C'est seulement après que se fussent écoulés trois nuits [165] et trois
jours et une partie du quatrième que le candidat de ces temps reculés était
retiré, toujours à l'état de trance, du sarcophage où il était étendu et porté en
plein air vers la face orientale de la pyramide du temple, de façon à ce que
les premiers rayons du soleil touchent son visage et l'éveillent de son long
sommeil.
Il est un vieux dicton : "Sans croix, pas de couronne" qu'on peut
interpréter dans ce sens que si l'homme ne descend pas dans la matière, il
est impossible d'arriver à la résurrection et de recevoir la couronne de gloire ;
c'est par la limitation, par la tristesse et la douleur qu'il a remporté la victoire.
Il nous est impossible de décrire cette résurrection, les mots que nous
pourrions employer en souilleraient la splendeur, toute tentative de
description semblerait presque un blasphème. Cependant, il faut dire qu'à ce
stade c'est la victoire complète sur tous les chagrins, les peines et les
difficultés, les tentations et les épreuves et cela à tout jamais, car cette
victoire est le fruit de la connaissance et de la force intérieure.
Qu'il nous soit permis de rappeler en quels termes le Seigneur Bouddha
proclama la liberté qu'il avait conquise 7 :
"J'ai habité mainte demeure de la vie, cherchant toujours
celui qui a bâti ces prisons des sens pleines d'affliction et
mon combat incessant a été pénible. Mais maintenant, toi,
constructeur de ce tabernacle, toi, je te connais ! Tu ne
bâtiras plus ces murs qui contiennent la souffrance, tu ne
dresseras plus le faite de tes artifices et tu ne placeras plus
de nouvelles solives sur l'argile ; ta maison est détruite et
sa poutre maitresse est brisée ! C'est l'Illusion qu'il l'avait
construite. Je vais marcher désormais sans cesse pour
atteindre la délivrance."

7
Lumière de l'Asie. Livre VI.
Dorénavant l'Arhat est en possession de la conscience bouddhique dans
son corps physique et, lorsqu'il quitte ce corps durant le sommeil ou l'extase,
il pénètre immédiatement dans la gloire ineffable du plan nirvanique. Au
moment de son Initiation, il faut qu'il ait au moins une [166] lueur de cette
conscience nirvanique, de même que pour la conscience bouddhique, lors
de la première Initiation, et à partir de ce moment, ce sera son effort
journalier de pénétrer de plus en plus avant dans le plan nirvanique. C'est
une tâche d'une difficulté prodigieuse, mais peu à peu le candidat deviendra
capable de s'élever toujours plus vers la splendeur ineffable.
Le premier contact est tout à fait troublant et se traduit tout d'abord par
la sensation d'une intensité de vie surprenante pour celui-là même qui est
familiarisé avec le plan bouddhique. Cette surprise, d'ailleurs, l'Initié l'a
éprouvée quoique à un degré moindre à l'occasion de chacune de ses
premières ascensions d'un plan à un autre. Même lorsqu'on s'élève, pour la
première fois, en pleine conscience, du plan physique au plan astral, la vie
nouvelle semble tellement plus vaste que tout ce qu'on a connu jusqu'alors
que l'on s'écrit : "Je croyais savoir ce que c'est que de vivre, mais je l'ai
toujours ignoré jusqu'à présent !" En pénétrant dans le plan mental, cette
sensation est doublement intense ; l'astral nous semblait merveilleux et il
n'en est rien, comparé au monde mental. L'accès dans le plan mental
supérieur nous réserve la même expérience. À chaque pas, la surprise se
renouvèle quoi que nous puissions faire pour nous y préparer par la pensée,
parce que toujours la réalité dépasse infiniment ce que nous imaginions et
que la vie sur ces plans supérieurs est un bonheur d'une intensité telle qu'il
n'y a pas de mots pour l'exprimer.
Les orientalistes européens ont traduit le mot Nirvana par celui
d'annihilation, parce qu'il signifie "éteint" dans le sens où la lumière d'une
bougie est éteinte par un souffle. Rien ne saurait être plus radicalement
opposé à la vérité. Certes, c'est l'annihilation de tout ce que nous représente
ici-bas le nom d'homme puisqu'il n'y a plus alors d'homme, mais le Dieu
dans l'homme, un Dieu parmi d'autres Dieux plus grands que lui.
Essayons d'imaginer l'univers entier rempli, ou plutôt fait d'un immense
torrent de lumière vivante, le tout se mouvant, avançant sur un plan
dépourvu de relativité en [167] une marée montante, irrésistible d'océan de
lumière, lumière qui aurait un but, si cela est intelligible, formidablement
concentré mais sans la moindre apparence de tension ou d'effort… les
paroles manquent. Tout d'abord nous n'éprouvons rien d'autre que la joie qui
émane de cela, nous ne voyons rien en dehors de la lumière intense ; puis,
peu à peu, nous commençons à nous apercevoir de ce que même dans cette
clarté éblouissante il y a des points encore plus brillants, des foyers, pour
ainsi dire, grâce auxquels la lumière acquiert une qualité nouvelle qui la rend
perceptible sur les plans inférieurs et sans laquelle les habitants de ces plans
seraient dans l'impossibilité de ressentir cette effusion. Alors,
graduellement, nous nous rendons compte du fait que ces soleils secondaires
sont les grands Êtres, Archanges, Seigneurs du Karma, Dhyan Chohans,
Bouddhas, Christs et Maitres et tant d'autres dont nous ne connaissons même
pas les noms et que c'est à travers Eux que la lumière et la vie se répandent
sur les plans inférieurs. Petit à petit, à mesure que nous nous accoutumons à
la merveilleuse réalité, nous découvrons que nous ne faisons qu'un avec
Eux, bien que très éloignés du faite de leur splendeur ; que nous faisons
partie de Celui qui est en Eux tous et aussi en chacun des points de l'espace
qui les sépare ; nous reconnaissons que nous aussi nous sommes des foyers
et qu'à travers nous, à notre niveau bien inférieur, la lumière et la vie
s'épandent vers ceux qui sont encore plus éloignés que nous, non pas de
Cela, car tout fait partie de Cela et il n'existe rien d'autre nulle part, mais de
l'image claire, de la compréhension, de l'expérience personnelle de Cela.
Mme Blatvatsky parlait souvent de cet état de conscience comme ayant
son centre partout et sa circonférence nulle part, phrase qui incite à la
réflexion et a été attribuée tant à Pascal qu'au cardinal de Cusa et au Zohar,
mais qui appartient en propre aux livres d'Hermès. Bien éloigné en vérité de
l'annihilation est un semblable état de conscience, l'Initié qui y parvient n'a
pas le moins du monde perdu le sentiment de sa propre personnalité ; sa
mémoire ne présente aucune lacune, il est le même homme et tout [168] cela
par surcroit et c'est alors qu'il peut dire en vérité : "Je suis moi" avec la pleine
connaissance de ce que "moi" signifie réellement. Cela peut sembler étrange
et cependant c'est vrai. Nous ne disposons pas de mots qui puissent donner
la plus faible idée d'une expérience semblable car tout ce qui est familier à
notre esprit s'efface bien avant que ne soit atteint le niveau dont nous
parlons. D'ailleurs, même à ce degré, l'Esprit s'enveloppe d'une sorte de
voile impossible à décrire, car en un sens il apparait comme un atome et
d'autre part, il semble qu'il compose tout le plan. L'Initié a l'impression d'être
partout mais de pouvoir se concentrer de n'importe où sur son être intérieur
et si, en quelque lieu que ce soit, cette expansion de la force semble se
ralentir cela lui apparait comme étant une forme.
L'être humain qui une seule fois a contemplé cette merveilleuse unité
ne l'oubliera jamais et ne pourra jamais non plus être tout à fait le même
qu'auparavant. Si grossières que soient les enveloppes dont il se voilera pour
aider, pour sauver les autres, quelque étroitement qu'il soit lié à la croix de
matière, si bien enfermé, emprisonné, séquestré qu'il puisse être, il ne pourra
jamais oublier que ses yeux ont contemplé le Roi dans toute sa gloire, qu'il
a vu le pays qui est bien loin et cependant tout près puisqu'il est toujours en
nous et qu'il ne tient qu'à nous de le voir, car pour atteindre au nirvana, point
n'est besoin de nous en aller vers des cieux lointains, il suffit d'ouvrir notre
conscience à la gloire de sa présence. Ainsi que l'a dit le Seigneur Bouddha,
il y a bien longtemps : "Ne gémissez pas, ne pleurez pas, ne priez pas, mais
ouvrez les yeux et voyez ; car la lumière est là qui vous entoure et elle est
merveilleusement belle, elle dépasse en splendeur tout ce que dans leurs
rêves ou dans leurs prières les hommes ont jamais désiré…, et elle est là à
tout jamais." "Le pays qui est bien loin" et une parole empruntée au prophète
Isaïe, mais, chose étrange, c'est une traduction incorrecte. Isaïe n'a point
parlé du pays qui est bien loin mais du "pays aux vastes étendues" ce qui
exprime une idée différente et d'une grande [169] beauté. Elle indique que
le Prophète avait pénétré dans les plans supérieurs et que dans sa pensée il
comparait la splendeur des chants célestes semés d'étoiles avec les
souterrains étroits où nous rampons ici-bas. C'est en effet l'image que
suggère la comparaison de notre vie avec cette vie supérieure : il semble
que, d'une part, on voit les hommes se trainer à tâtons par des chemins
tortueux et sombres, tandis que, d'autre part, les êtres vivent d'une vie
splendide, marchant vers un but déterminé, avec la conscience bien claire
de la Volonté divine animant leurs volontés et agissant à travers eux.
Quelle tâche formidable est celle de l'Arhat ! Il lui faut escalader les
cimes les plus élevées de ce plan, le plus sublime de ceux où se manifeste la
vie humaine et en même temps, il doit se débarrasser des cinq dernières des
dix grandes entraves, à savoir :
6. Ruparaga – le désir de la beauté de la forme ou de l'existence
physique dans une forme, sans excepter l'existence dans le monde
céleste.
7. Aruparaga – le désir de la vie sans forme.
8. Mano – l'orgueil.
9. Uddhachcha – l'agitation ou l'irritabilité ; la possibilité d'être
affecté par quoi que ce soit.
10. Avija – l'ignorance.
La sixième et la septième entraves comprennent non seulement l'idée
de Raga ou attraction, mais aussi celle de Dvesha ou répulsion et la
libération de ces chaines implique une qualité de caractère telle que tant sur
les plans inférieurs de la forme que sur les plans supérieurs dépourvus de
forme, rien ne puisse retenir l'Arhat, fût-ce un instant par son charme non
que l'éloigner par son caractère repoussant s'il a un travail à accomplir sur
le plan en question.
Lorsqu'il a limé la huitième chaine, Mano, l'Initié, oublie la grandeur de
ses propres victoires et tout orgueil lui devient impossible dans la lumière
où il se tient désormais sans interruption et où il ne peut se comparer avec
rien d'inférieur. Puis il atteint la sérénité parfaite que rien ne peut troubler,
qui lui donne la liberté d'acquérir [170] toute connaissance, de devenir en
somme omniscient en ce qui concerne notre chaine planétaire.
Le candidat arrive alors au seuil de la cinquième Initiation, celle de
l'Adeptat ; "il a complètement épuisé les causes qui l'avaient fait homme" il
peut franchir l'étape qui fait de lui un être suprahumain, un Asekha comme
disent les bouddhistes, puisqu'il n'a plus rien à apprendre dans tout ce que
peut lui offrir le règne humain de la Nature. Les Indous le nomment
Jivanmoukta, esprit libéré, être libre, non pas d'une indépendance
personnelle mais parce que sa volonté est une avec la Volonté universelle,
avec la Volonté de l'Être unique et sans second. Il baigne sans cesse dans la
lumière nirvanique même dans sa conscience de veille, s'il lui plaît de
demeurer sur terre dans un corps physique et s'il quitte ce corps, s'élève plus
haut encore sur le plan monadique au-delà de la portée de nos paroles et
même de notre pensée.
Écoutons encore le Seigneur Bouddha8 :
"N'essaie pas de mesurer avec des paroles
l'Incommensurable, ni de plonger la corde de la pensée
dans l'Impénétrable. Celui qui interroge se trompe, celui
qui répond se trompe. Ne dis rien !"
En symbolique chrétienne, l'ascension et la descente du Saint-Esprit
représentent le moment où l'Adeptat est atteint ; en effet, l'Adepte s'élève
alors nettement au-dessus de l'horizon humain, au-delà de la terre, bien que,
si tel est son désir, comme ce fut le cas pour le Christ, il puisse revenir pour

8
Lumière de l'Asie. Livre VIII.
enseigner et aider les hommes. Dans son ascension, il s'unit à l'Esprit Saint
et le premier usage qu'il fait de son nouveau pouvoir est de le répandre à
flots sur ses disciples, ainsi que le Christ fit à la Pentecôte descendre des
langues de feu sur la tête des Apôtres. En jetant les yeux sur l'un des
diagrammes montrant les principes qui composent l'être humain, publié dans
nos ouvrages antérieurs, l'on verra [171] le rapport qui existe entre les
manifestations du Logos dans le plan cosmique prakritique et dans l'âme
humaine ; l'on verra que le triple Atma, l'Esprit triple de l'homme, se trouve
dans la région inférieure du plan nirvanique ou spirituel et que la
manifestation la plus inférieure de la troisième Personne de la Trinité, de
Dieu en tant que Saint-Esprit, est indiquée dans la région supérieure du
même plan. À ce niveau, l'Adepte s'unit à Lui, et ceci fournit l'explication
véritable de la fête chrétienne de la Pentecôte, qui est la fête du Saint-Esprit.
C'est en raison de son unité avec Lui que l'Asekha peut accepter des
disciples ; quant à l'Arhat, quoiqu'il ait bien des choses à enseigner, il
continue à travailler sous les ordres d'un Adepte, agit à sa place et transmet
ses ordres sur le plan physique mais il ne peut avoir ses propres élèves,
n'étant pas encore rattaché au Saint-Esprit par un lien particulier.
Au-dessus de l'Initiation de l'Adepte, il y a celle du Chohan et plus haut,
d'autres encore dont il sera question dans le chapitre traitant de la Hiérarchie
occulte. L'échelle des êtres se prolonge au sein de nuées resplendissantes où
peu d'entre nous sont encore capables de pénétrer et lorsque nous
interrogeons ceux qui se tiennent sur les échelons supérieurs et en savent
infiniment plus que nous, tout ce qu'ils peuvent dire est que l'échelle monte
au-delà des limites de leur propre vision. Ils en connaissent un nombre de
degrés beaucoup plus grand que nous, mais elle monte plus haut, toujours
plus haut, vers des cimes d'une splendeur inimaginable et nul n'en connait
la fin.
Bien que tout ce que je viens de dire soit absolument exact, c'est-à-dire
que nul d'entre nous ne peut voir l'extrémité de l'échelle et que l'œuvre de
Ceux qui occupent les rangs supérieurs de la Hiérarchie nous est presque
incompréhensible, je désire établir bien clairement que Leur existence et
Leur activité sont aussi réelles et aussi précises, et même à un plus haut
degré, que la chose du monde la plus objective et que notre vision de ces
grands Êtres et aussi nette que possible. Quoique je ne sache que peu de
chose touchant la partie la plus élevée de son œuvre, depuis de longues
années il m'a été donné de voir constamment, presque chaque jour le
Bodhisattva occupé à cette œuvre est très souvent j'ai contemplé le Seigneur
[172] du monde dont l'existence merveilleuse est inconcevable, de sorte
qu'Ils sont à mes yeux des Êtres aussi réels que qui que ce soit, parmi ceux
que je connais et que je suis aussi certain que possible de Leur existence et
d'un fragment du rôle qu'ils remplissent dans l'univers. J'ai l'absolue
certitude de la vérité formidable de ce que je puis dire d'Eux, et, néanmoins,
je ne puis donner d'explication à leur sujet, ni comprendre plus d'une
parcelle de Leur activité. J'ai vu des Dhyan Chohans et des Esprits
planétaires et des Envoyés venant de systèmes solaires différents du nôtre et
je connais d'une manière absolue l'existence et la gloire transcendante de ces
Êtres, mais il se peut fort bien que je ne sache rien de Leur œuvre
formidable. J'ai vu de mes yeux la manifestation du Logos de notre système
solaire, je l'ai vu Lui-même tel qu'Il apparait parmi ses pairs et la majesté
inexprimable qui m'a frappé en Lui n'est sans doute que la millionième partie
de celles qu'Ils voient, Eux, lorsqu'ils Le contemplent.
De même qu'Arjuna dans la Bhagavad Gita, j'ai vu la Divinité
manifestée dans une forme : cela ne peut faire l'ombre d'un doute. Et je tiens
à témoigner de la réalité des faits en question. Je sais qu'en parlant ainsi, je
m'expose au mépris. L'on me dira : "qui êtes-vous pour dire des choses
semblables ?" Mais j'ai vu, et ce serait commettre une lâcheté que de refuser
mon témoignage.
J'ai déclaré à différentes reprises, tant dans mes écrits que de vive voix,
que je ne demande à personne de baser sa croyance en la théosophie sur
l'une quelconque de mes assertions. Je suis d'avis que chacun devrait étudier
le système par lui-même et aboutir à ses conclusions personnelles,
n'acceptant une doctrine, que, soit parce qu'il en connait la vérité de par sa
propre expérience, soit parce qu'il reconnait cette doctrine comme
l'hypothèse la plus vraisemblable qui puisse être formulée. Mais tout cela ne
modifie en rien le fait que je tiens des preuves à la disposition de ceux qui
ont le désir de les connaitre, des preuves que j'ai placées sous leurs yeux
dans ce livre et dans d'autres. Nous qui écrivons en ce vingtième [173] siècle
sur des sujets théosophiques, nous pouvons pleinement reprendre pour notre
compte cette simple déclaration de saint Jean, vieille de près de deux mille
ans.
"Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons
entendu, vu de nos yeux, examiné et touché de nos propres
mains, c'est cela que nous venons vous annoncer".
Nous qui avons vu apportons notre témoignage ; qu'il soit accepté ou
rejeté par le monde, peu nous importe. "Quiconque a senti l'Esprit du Très
Haut ne peut ni le confondre, ni en douter, ni le renier : O monde, quand
bien même tu nierais Son existence d'une voix unanime, je t'abandonnerais
et garderais ma foi !"
Immédiatement au-delà de l'Initiation de l'Asekha, le Sentier supérieur
se divise en sept grandes voies entre lesquelles il faut que le Disciple fasse
son choix ; sur ce sujet, je ne puis mieux faire que de citer ce qui a été dit
dans L'Homme, d'où il vient, où il va :
"Lorsque le règne humain est franchi et que l'homme, à
l'état d'Esprit libéré, est arrivé au seuil de son existence
suprahumaine, sept Sentiers s'offrent à son choix : Il peut
entrer dans l'omniscience bienheureuse et toute-puissante
du Nirvana, avec la possibilité d'activités qui dépassent de
beaucoup notre compréhension et la perspective de
devenir, peut-être, dans quelque futur Univers, un Avatar,
c'est-à-dire une Incarnation divine ; c'est ce qu'on appelle
parfois "revêtir la robe de Dharmakaya". Il peut entrer
dans la "Phase spirituelle", expression qui englobe des
significations inconnues et entre autres, probablement,
celle qui est interprétée comme le fait de "prendre le
vêtement de Sambhogakaya". Il peut faire partie du
réservoir de forces spirituelles où puisent les Agents du
Logos pour l'accomplissement de Leur tâche, revêtant
ainsi la "robe du Nirmanakaya". Il peut demeurer membre
de la Hiérarchie occulte pour gouverner et protéger le
monde où il a atteint la perfection. Il peut passer dans la
Chaine suivante et y collaborer à l'édification des formes.
Il peut prendre place dans la merveilleuse évolution des
Anges ou Dévas. Il peut enfin se placer à la disposition
immédiate du Logos pour Le servir en [174] n'importe
quel point du Système solaire, devenant le Serviteur et le
Messager qui ne vit que pour exécuter Sa volonté et
accomplir Son œuvre à travers tout le système qu'Il régit.
De même qu'un général s'entoure d'un état-major dont les
membres portent ses ordres en tous les points du champ
de bataille, de même ces Êtres forment l'état-major de
Celui qui est le Chef suprême, ils sont les "Ministres de
Son bon plaisir".
Il semble que ce Sentier soit considéré comme très pénible, représentant
le sacrifice le plus grand ouvert à l'Adepte et que, pour cette raison, il soit
entouré d'une grande considération.
Les membres de ce grand État-Major n'ont pas de corps physique mais
ils peuvent s'en former un dans la matière du globe où ils sont envoyés, grâce
à Kriyashakti "le Pouvoir de créer". L'État-Major comprend des Êtres à des
degrés très différents mais ayant atteint celui d'Arhat. L'homme qui prend la
robe du Dharmakaya se retire dans la Monade et rejette jusqu'à son atome
nirvanique ; le Sambhogakaya conserve son atome nirvanique et se
manifeste comme Esprit triple et le Nirmanakaya conserve son corps causal
de même que les atomes permanents qui l'ont accompagné durant tout le
cours de son évolution afin de pouvoir à tout moment, s'il le désire,
matérialiser autour de ces atomes trois corps : mental, astral et physique. Il
maintient le lien qui le rattache au monde d'où il est venu dans le but précis
d'être en mesure de fournir le réservoir d'où la force spirituelle est déversée
sur ce monde.
Dans la Voix du Silence, il est dit que les Nirmanakayas forment la digue
protectrice qui préserve le monde d'un flot plus furieux encore de misères et
de douleurs.
À ceux qui n'entendent pas le sens intérieur des choses, cette déclaration
semble impliquer que misères et douleur viennent du dehors attaquer le
monde et que ce sont ces grands Êtres qui parent leurs coups ; il n'en est
rien, tout le mal du monde émane de ceux-là mêmes qu'il frappe. Chaque
être humain fait sa propre loi, chacun décrète [175] sa condamnation ou sa
récompense, mais le rôle des Nirmanakayas est de créer une grande réserve
de force spirituelle pour venir en aide à l'humanité. Constamment, ils
émanent cette force, n'en retenant pas une parcelle pour Eux-mêmes et la
placent tout entière au service de la Grande Fraternité qui l'emploie à alléger
le lourd fardeau des hommes.
Ce qui précède montre que parmi ceux qui atteignent le niveau de
l'Adeptat, les Initiés qui restent sur notre terre comme membres de la
Hiérarchie occulte sont relativement peu nombreux. Ces Êtres et leur
activité étant néanmoins d'une importance capitale, nous leur consacrerons
les derniers chapitres de cet ouvrage.
QUATRIÈME PARTIE

LA HIÉRARCHIE

CHAPITRE XI

LE TRAVAIL DES MAITRES

Nous venons de voir que, parmi les hommes atteignant à l'Adeptat, il


en est peu qui demeurent sur la terre, comme membres de la Hiérarchie
Occulte, pour y collaborer à l'évolution de la vie, en accord avec la Plan
divin. À l'heure actuelle, seuls quelque cinquante ou soixante de ces
surhommes sont ainsi occupés, et voici ce qu'écrit Annie Besant, dans sa
brochure intitulée les Maitres, au sujet de leur travail en général :
"Ils aident par d'innombrables moyens au progrès de
l'humanité. De la sphère la plus élevée, ils répandent sur
tout l'univers une lumière et une vie qui peuvent être
recueillies et assimilées, aussi naturellement que la
lumière du Soleil, par ceux qui sont assez réceptifs pour
en profiter. De même que le monde matériel vit de la Vie
de Dieu, concentrée par le Soleil comme par une lentille,
de même le monde spirituel vit de la même vie, à laquelle
la Hiérarchie Occulte sert de foyer. De plus, les Maitres,
qui sont en rapport direct avec les religions, s'en servent
comme des réservoirs où ils accumulent de l'énergie
spirituelle destinée à être distribuée aux fidèles par les
"voies de la Grâce" attribuées à ce moyen d'aide. Vient
ensuite la grande œuvre intellectuelle, consistant pour les
Maitres à émettre des formes pensées d'une grande
puissance intellectuelle, qui doivent être saisies par les
hommes de génie, assimilées par eux, et apportées au
monde par leur intermédiaire. Dans cet ordre d'idées ils
envoient également leurs instructions à leurs disciples, en
leur indiquant quelles tâches ils doivent entreprendre. Puis
c'est le travail dans le monde [178] mental inférieur, la
génération des formes-pensées qui influent sur
l'intelligence concrète et la guide, suivant les directives
utiles au monde ; c'est aussi l'instruction des habitants du
monde céleste. Ce sont ensuite les activités importantes du
monde intermédiaire, l'aide aux prétendus morts, la
direction générale et la surveillance des disciples plus
jeunes, l'envoi de secours dans les nombreux cas de
besoin. Dans le monde physique, ils observent la tendance
des évènements, corrigent et neutralisent, autant que la loi
le permet, les courants mauvais, équilibrent constamment
les forces qui travaillent pour et celles qui travaillent
contre l'évolution, pour fortifier le bien et affaiblir le mal.
Ils travaillent encore, en accord avec les anges des nations,
dirigeant les forces spirituelles, tandis que leurs
collaborateurs s'occupent des forces matérielles."
Nous allons considérer plus en détail quelques-unes de ces grandes
lignes de travail, dont Annie Besant donne un aperçu, avec cette clarté de
vision qui l'a rendue universellement célèbre. Bien que le nombre des
Adeptes soit restreint, ils ont décidé qu'aucune vie, dans le monde entier, ne
serait ni méprisée ni négligée. Ils ont donc divisé la terre en régions
particulières, un peu comme l'Église, dans les anciens pays, partageait le
territoire entier en paroisse, de telle sorte qu'un homme, où qu'il puisse
habiter, se trouvât forcément dans une de ces divisions géographiques, et eût
toujours à sa disposition une organisation religieuse définie pour subvenir à
ses besoins spirituels ou parfois même matériels. Les paroisses des Adeptes,
toutefois, ne sont ni des districts de campagne, ni des quartiers de villes,
mais bien d'immenses pays, voire même des continents. Ainsi, d'après leur
partage, on peut dire qu'actuellement un grand Adepte est chargé de
l'Europe, tandis qu'un autre s'occupe des Indes ; la terre entière est donc
divisée de la sorte, ces paroisses ne suivant ni les frontières géographiques
ni les frontières politiques. Dans son territoire l'Adepte doit diriger toutes
les formes et tous les degrés de l'évolution, non seulement la nôtre, mais
encore le grand règne des anges, puis différentes [179] classes d'esprits de
la nature, les animaux, les végétaux, les minéraux qui sont en dessous de
nous, et enfin les règnes d'essence élémentales, sans parler d'autres
évolutions dont l'homme, jusqu'à présent, n'a jamais entendu parler. Il a
donc un vaste travail à accomplir. Chaque race ou chaque nation, en plus de
la protection des Adeptes, possède un Esprit de la Race, un Déva ou un ange
gardien qui veille sur elle et la protège pendant son développement. Cet être
correspond assez bien à la conception ancienne du Dieu de la tribu, bien
qu'il se trouve à un niveau beaucoup plus élevé. Telle fut par exemple Pallas
Athénée.
Il existe de nombreuses influences qui, travaillant au service du Logos,
aident à l'évolution de l'homme ; elles s'exercent naturellement toutes dans
la même direction et elles coopèrent entre elles. Il ne nous faut jamais
commettre l'erreur d'attribuer à l'action de ces grands travailleurs les
désastres qui viennent parfois s'abattre sur une nation, comme la Révolution
française, ou le récent bouleversement de la Russie. Ceux-ci sont
entièrement causés par les passions sauvages du peuple qui, déchainées, ont
amené la destruction au lieu de la construction. Ceci illustre clairement, le
danger qui menace le travail des Adeptes, lorsqu'ils font des essais dans la
direction démocratique. Certes, il est un mal terrible caché dans la tyrannie,
et souvent aussi beaucoup de souffrances, mais au moins y trouve-t-on une
sorte de direction ; le problème qui se pose à ceux qui veulent renverser un
tyran est de le faire sans perdre l'équilibre ni le contrôle de soi. En cas de
perte, nombreux sont les hommes qui ne peuvent plus dominer la partie
animale de leur personnalité ; les passions grondent alors, les foules se
déchainent et tous les êtres, peuvent être obsédés par ces grandes vagues
d'influences mauvaises. L'Ange national s'efforce de guider les émotions de
son peuple ; il s'intéresse aux hommes par grandes masses, et s'il était
nécessaire, tel un général sur le champ de bataille exhortant ses troupes à
avancer, il saurait leur insuffler l'enthousiasme et le désir des actes
héroïques, sans pour cela gaspiller [180] leurs vies ni négliger leur
souffrances ; en cela encore on peut le comparer à un chef prudent.
Une partie importante du travail des Adeptes, comme nous l'avons vu
dans un précédent chapitre, est accomplie sur des niveaux beaucoup plus
élevés que le plan physique. Ils sont occupés, en effet, à y déverser leurs
propres forces et celles aussi qui proviennent de la réserve que remplissent
les Nirmanakayas. C'est le Karma du monde d'avoir ainsi à son service un
peu de cette force qui soulève, et même l'homme ordinaire a le privilège de
participer à ce grand sacrifice, s'il dirige sa volonté dans la même direction
que la Volonté divine, réservant quelques-unes de ses pensées et de ses
émotions au service de l'humanité et à cette réserve de forces. L'humanité,
grâce à cela, évolue en tant qu'unité, et le miracle de la fraternité permet à
chacun des hommes de faire bien plus de progrès qu'il n'en pourrait faire s'il
était abandonné à lui-même. Tout ceci fait partie du plan du Logos, qui a
probablement prévu que nous jouerions un rôle dans Son plan. Lorsqu'Il le
conçut, il pensa : "Quand les hommes auront atteint un certain point, dans
leur évolution, ils commenceront à coopérer intelligemment arec moi. Je
vais donc faire en sorte qu'il leur soit possible de puiser dans ma force, dès
que ce point sera atteint".
Il compte ainsi sur chacun de nous.
La Grande Fraternité, sur les plans supérieurs s'identifie avec tous les
hommes, et c'est par son entremise que devient possible la distribution de
ces suppléments de force du grand réservoir spirituel. Les Adeptes la font
rayonner sur tous les égos sans exception, sur le plan mental supérieur,
aidant ainsi, autant qu'il est en leur pouvoir, au développement de la vie qui
réside en chacun d'eux. On pourrait comparer cette vie à une graine qui,
incapable de mourir, ne saurait que croitre, puisque le Logos lui-même est
au cœur de sa propre existence. Dans l'homme, cette plante s'est élevée hors
du sol et cherche l'air ; sa croissance rapide est due en grande partie
actuellement aux rayons du Soleil, ou plutôt à la force spirituelle qu'elle
reçoit à travers le canal de la [181] Hiérarchie. C'est là l'une des nombreuses
manières dont les plus avancés peuvent aider ceux qui le sont moins, à
mesure que de plus en plus ils partagent la nature divine, en accord avec le
Plan divin.
Chacun des Adeptes qui a entrepris ce travail fait rayonner sa force sur
un nombre considérable d'Égos, nombre qui peut souvent se chiffrer par
plusieurs millions à la fois. Toutefois, cette force qu'il déverse possède une
propriété merveilleuse : elle s'adapte à chacun des Égos qui la reçoivent,
comme si celui-ci était le seul à la recevoir, et l'on pourrait croire que celui
qui la fait rayonner est attentivement concentré sur cet Égo seulement. Il est
difficile, sur le plan physique, d'expliquer comment la chose est possible.
Mais cela découle du fait que la conscience nirvanique du Maitre est une
sorte de point qui contient cependant le plan tout entier. Il peut faire
descendre ce point à travers plusieurs plans, et l'étendre ensuite comme une
vaste bulle. À la périphérie de cette grande sphère, se trouvent tous les corps
causals qu'il veut influencer, et lui, emplissant sa sphère, apparait tout entier
à chaque unité séparée. De la sorte il anime de sa vie les innombrables idéals
des hommes. Pour eux Il est le Christ idéal, ou Râma idéal, ou l'idéal
Krishna. Il peut être encore un Ange, ou peut-être un Esprit-guide. Ce travail
diffère totalement de celui qui consiste à diriger une grande paroisse ; en s'y
adonnant, le Maitre s'occupe surtout des hommes d'un type déterminé, ceux
qui se développent suivant sa propre ligne d'évolution. Bien entendu la
grande masse de ces hommes est tout à fait inconsciente de son action. Le
Maitre ayant souvent à s'occuper de cas spéciaux, il lui arrive de confier une
partie de son travail aux Dévas, en leur laissant, dans des limites très nettes,
une liberté d'action considérable. À leur tour, ces Dévas emploient des
esprits de la nature, et construisent différentes formes-pensées. Il existe, ici
encore, en relation avec leur travail, un vaste champ d'activité.
Dans la Science des Sacrements, j'ai montré comment les grands Êtres
profitent des cérémonies de toutes les [182] religions pour déverser leur
force sur les plans inférieurs du monde. Ils stimulent par-là, chez autant
d'hommes que possible, toute la croissance spirituelle dont chaque individu
est capable. Mais ce n'est pas seulement dans les cérémonies religieuses que
les Maitres agissent ainsi. Ils utilisent en effet toutes les occasions qui se
présentent à eux. Que des hommes se rassemblent, sous l'influence de la
dévotion, qu'ils soient animés momentanément par des pensées plus nobles
et plus élevées que de coutume, cela encore fournira aux Adeptes une
occasion précieuse dont ils profiteront aussitôt. Cette réunion constitue en
effet un foyer dont ils peuvent se servir comme d'un canal pour répandre
leur force spirituelle. Les hommes, lorsqu'ils sont éparpillés ou retirés dans
leurs maisons, constituent un certain nombre de lignes le long desquelles
peut s'écouler une petite quantité de leur force spirituelles, mais s'ils se
rassemblent, en quelque réunion, tout se passe comme si ces lignes séparées
se fondaient pour former une sorte de chenal, qui permette la dispensation
de bénédiction d'un caractère plus important que celui qui passe à travers
toutes les lignes séparées.
J'ai vu des millions de pèlerins rassemblés à Bénarès, la Cité Sainte.
Nombreux, parmi eux étaient les ignorants et les superstitieux, mais tous
étaient momentanément remplis de dévotion et concentrés sur une seule
pensée. La somme d'émotion dévotionnelle générée par une semblable foule
est presque incalculable, et les Adeptes ne manquent jamais de l'utiliser pour
le bien. On ne peut nier, évidemment, qu'un même nombre d'hommes, aussi
enthousiastes, mais plus intelligents, produirait bien plus de force encore, et
même une force capable d'agir sur des plans beaucoup plus élevés, mais il
importe de ne pas nous tromper, et de ne jamais mésestimer la valeur
formidable de l'énergie générée par une foule ignorante, voire même
fanatique. Les membres de la Grande Fraternité ont une habileté
merveilleuse pour dissocier le mal d'avec le bien, ou plutôt, pour tirer d'une
grande masse de mauvaises choses jusqu'à la dernière once de force qui
puisse être utilisée pour le bien. [183]
On rencontre fréquemment la dévotion la plus intense alliée au
sectarisme le plus haineux ; dans ce cas l'Adepte extraira l'émotion
dévotionnelle et l'emploiera jusqu'au dernier point, en se contentant
d'ignorer et de laisser de côté cette haine sauvage qui, pour nous, semble
faire partie intégrante de l'émotion. Il arrive donc ainsi que des hommes,
d'un caractère tout à fait indésirable engendrent malgré tout une certaine
quantité de bon Karma, mais ils en engendreraient évidemment bien plus
s'ils se débarrassaient de leurs tristes défauts.
Une cité comme Bénarès est toujours un centre de force prodigieux,
même en dehors des pèlerinages annuels. C'est une ville de tombeaux et de
reliques, et tout ceci peut servir de canal aux Adeptes. Tel est le cas pour
toutes les reliques, dans le monde entier. Il peut exister quelque part, par
exemple, une relique d'un grand saint appartenant à l'une quelconque des
religions du monde. Si cette relique est authentique il en rayonne un
magnétisme puissant, à cause de son lien avec un homme de cette valeur.
En y faisant passer un courant de force, les Maitres peuvent donc l'utiliser
pour bénir les fidèles qui la vénèrent. Il arrive toutefois souvent que la
relique ne soit pas authentique ; mais ce qui nous semble d'importance
capitale a, en réalité, moins d'influence qu'on ne pourrait le croire.
Si les fidèles ont depuis longtemps créé autour de cette relique un réel
centre d'émotion dévotionnelle, par cela même, il deviendra possible aux
membres de la Grande Fraternité de l'utiliser avec autant de fruit qu'une
véritable relique. Le fait que les fidèles se trompent ne diminue pas le moins
du monde son utilité, puisque leur dévotion est sincère, et que c'est là tout
ce qui importe. Si l'on connaissait davantage cette vérité, peut-être cela
arrêterait-il les gens irréfléchis qui sont tentés de tourner en dérision la
superstition des paysans catholiques d'Italie, de Sicile ou d'Espagne, ou de
mépriser les coolies qui rendent un culte à quelque relique qui n'est
évidemment pas ce qu'ils la supposent être. Il est indéniable que la vérité
soit préférable à l'erreur, mais il faut [184] cependant nous souvenir qu'il
n'est pas bon d'arracher aux ignorants les objets de leur dévotion, avant qu'ils
soient capables de s'élever à des choses supérieures. Les iconoclastes ne font
qu'appauvrir le monde ; non contents de détruire la dévotion, ils obstruent
encore les canaux qui servent aux Maitres pour distribuer leur force.
Il est, bien entendu, impossible à un paysan ignorant de juger de
l'authenticité d'une relique, et il serait profondément injuste que sa dévotion,
répandue dans une bonne intention, mais en toute ignorance ait une valeur
différente, pour une raison dont il ne peut avoir aucune connaissance. Dans
le vaste monde des réalités les choses ne sont jamais aussi mal arrangées.
La véritable dévotion s'attire toujours une réponse nette et cordiale, même
si l'objet autour duquel elle est concentrée n'est pas ce que l'on croit. Seule,
la dévotion importe. Elle doit recevoir, et elle reçoit en réalité la juste
réponse qu'elle mérite ; la relique, même fausse, est un point sur lequel la
dévotion se concentre, et un point imaginaire remplira tout aussi bien qu'un
point réel.
Nous avons déjà vu que les disciples des Maitres sont des apprentis et
qu'au niveau le plus bas, ils agissent comme transmetteurs de force. Ils
accomplissent ainsi une grande variété de travaux dans chaque branche de
la civilisation et de la culture humaine, civilisation et culture qui constituent
dans leur ensemble une portion du travail des Adeptes dans le monde. Une
part importante de ce travail est accomplie soit par des hommes inspirés ou
guidées par ces disciples, soit par des Sociétés diverses ou par des
organismes que ces disciples ont créés ou influencés. Sans ces influences
secourables, bien pauvre en vérité serait l'humanité, encore que bien peu,
parmi les hommes connaissent la source de leur véritable richesse. Les
Adeptes ne peuvent se distraire de leur travail supérieur pour remplir eux-
mêmes des tâches plus vulgaires et plus faciles ; le feraient-ils, le mécanisme
tout entier de l'évolution aurait à en souffrir.
On demande parfois pourquoi, par exemple, les grands Êtres n'ont pas
écrit de livres. En posant cette question, [185] on oublie que les Adeptes
sont en train de travailler à l'évolution du monde. Il leur est difficile
d'abandonner leur travail pour venir nous donner quelques informations à
son sujet. Il est vrai que si l'un de ces grands Êtres avait le temps d'écrire un
livre, si son énergie ne pouvait être mieux employée, ce livre serait de
beaucoup supérieur à tout ce que nous possédons. Mais si, dans le plan des
choses, chaque travail devait être exécuté par ceux qui sont capables de le
faire déjà en perfection, il n'y aurait plus de champ pour exercer nos facultés
et il serait difficile de trouver une utilité à notre existence en ce monde.
Le service pratiqué sur le plan astral, dont j'ai traité dans mon livre Les
Aides Invisibles, est une des branches d'activité qui a été récemment
organisée sur une vaste échelle par les disciples des Maitres.
La majeure partie de ce travail s'exerce en relation avec ceux qui,
aussitôt après la mort, se trouvent souvent désorientés et dépaysés, parfois
même en proie à la terreur. Ceci a lieu surtout lorsqu'il s'agit d'êtres qui ont
été effrayés durant leur vie par des histoires qui ont cours, dans certaines
sectes perverties, au sujet des tortures affreuses qui suivent la mort. Bien
que cela remonte à de nombreuses années, ce fut dans le sein de la Société
Théosophique que fut fondée cette organisation des Aides Invisibles, et
qu'elle entreprit son travail. À l'origine, elle était composée d'hommes et de
femmes vivants, qui avaient résolu d'employer ainsi, d'une façon précise, le
temps consacré au sommeil du corps. Ils réunirent ensuite autour d'eux un
grand nombre de morts qui n'avaient pas songé encore à travailler de cette
manière.
Jusqu'alors les nouveaux venus sur le plan astral étaient généralement
laissés à eux-mêmes, à moins qu'ils ne vinssent à rencontrer quelque relation
qui pût les familiariser avec leur nouvelle vie. Par exemple, une mère qui
venait de mourir continuait à veiller sur ses enfants ; si par hasard il arrivait
à l'un d'eux de la suivre peu de temps après, elle lui donnait les informations
[186] et les secours dont elle pouvait disposer. En général, les hommes de
bonne volonté, voyant quelqu'un ayant besoin d'aide, lui transmettaient leur
expérience propre. Dans les civilisations plus anciennes, quand les familles
étaient nombreuses et unies, peu d'hommes, peut-être, en comparaison
d'aujourd'hui, se trouvaient sans un ami qui pût leur porter secours de l'autre
côté de la mort. Les lecteurs de la littérature orientale se souviendront de
l'importance que les livres religieux de l'Inde attachent aux liens familiaux
et aux devoirs qui s'étendent jusque dans les régions invisibles, par-delà le
voile de la mort. Toutefois, la condition du plan astral aurait pu être
comparée à un pays privé d'hôpitaux, d'écoles, ou de bureaux d'information
publique, où les hommes étaient nombreux à souffrir, et où ces souffrances
pouvaient atteindre de très grandes proportions, lors de calamités
particulières ou de guerres.
Un tableau excellent de la façon dont les Adeptes s'efforcent de rendre
meilleur la civilisation, nous est offerte par Annie Besant, dans ses
Conférences de Londres de 1907. Elle y résume en quelques mots les efforts
qui furent tentés par la Grande Fraternité pour tirer l'Europe des ténèbres du
Moyen âge. Elle nous dit qu'au XIIIe siècle, un puissant personnage, résidant
alors au Tibet, fit parvenir à la Grande Fraternité l'ordre d'avoir à tenter un
effort, dans le dernier tiers de chaque siècle, pour apporter la lumière à
l'Europe. En parcourant soigneusement l'histoire, on verra qu'à dater de ce
jour, un nouveau rayon de lumière fut envoyé de la Loge vers la fin de
chaque siècle 9. Le dernier en date de ces efforts fut la fondation de la Société
Théosophique en 1875. Après mure réflexion, les Maitres Morya et
Kuthumi assumèrent la responsabilité de tenter cet essai. Ils choisirent Mme
Blavatsky, cette noble travailleuse, pour les aider sur le plan physique. La
plupart des étudiants de la littérature théosophique savent de quelle manière

9
Ces efforts ont été résumés comme suit par M. Fritz Kuntz, dans le tableau.
elle fut [187] préparée à remplir son rôle. Comment, le moment venu, la
Grande Fraternité l'envoya en Amérique pour y chercher le Colonel Olcott,
qui devait lui apporter les qualités qui lui manquaient : la faculté
d'organisation, celle de parler aux hommes, de les grouper autour de lui, de
les façonner en un organisme actif dans le monde extérieur.
Effort Nature du mouvement Résultat
tenté
1275 Roger Bacon et la Restauration de la Culture Démocratie de la
mentale Culture : Renaissance
1375 Christian Rosenkreuz et L'essor de la
Culture.
1475 L'imprimerie Démocratie du
Fixation du Savoir Savoir : La Réforme

1575 Tentative d'union des classes


1675 Sociétés secrètes. Démocratie
politique : Révolution
1775 La liberté politique, malheureusement
surtout par la révolution
1875 Société Théosophique Démocratie de
Société des recherches psychiques. l'occultisme :
Évolution
Église Catholique libérale.
Franc-Maçonnerie.
Évolution
1975 Vaste essor de ce qu'on appelle actuellement
l'Ésotérisme. Évolution spirituelle.

Tableau 1 – Efforts de la Grande Fraternité en Europe

Les étudiants savent aussi comment la Société Théosophique fut fondée


à New-York, pour avoir ensuite son quartier général transféré aux Indes.
Tandis que j'écris 10 notre Société est dans sa cinquantième année de
service envers l'humanité, et il est [188] possible d'estimer la quantité
formidable de bien qu'elle a pu accomplir dans chacune des branches de la
vie humaines. On ne saurait aucunement mesurer son influence d'après le
nombre de ses membres, ou de ses branches, et toutefois leur nombre n'est
pas sans signification, puisqu'elles couvrent toutes les parties civilisées du
globe.
Mais dans chacune des sphères de l'effort humain, elle a fait résonner
sa note caractéristique qui s'est réfléchie partout autour de nous, dans les
discours et dans les œuvres des hommes d'état et des savants, des hommes
de lettres et des artistes ou de bien d'autres encore, qui pour la plupart peut-
être, n'ont jamais entendu prononcer le mot "théosophie". Elle a attiré
l'attention sur les réalités du monde invisible, et sur le pouvoir de la pensée.
Elle a exprimé ce que réclame, dans le monde extérieur, la fraternité des
hommes : bien moins une uniformité dans la vie humaine qu'une
organisation mutuelle qui permette à des individus dissemblables de s'entre-
aider, chacun compétent dans un type particulier, et tous liés les uns aux
autres par ce lien indissoluble qu'est le respect de chacun pour celui qui
diffère de lui. Elle a rapproché, comme cela n'avait jamais été fait encore,
l'Orient et l'Occident, réclamant la bonne foi impartiale dans la comparaison
des religions, en établissant enfin, avec une lumineuse clarté, l'unité
essentielle de leurs enseignements et leur source commune. Grâce à elle, des
milliers d'âmes ont été conduites aux pieds des Maitres, les servants de
toutes leurs forces et de tout leur cœur, pour le bien de l'homme dans les
jours à venir.
Dans l'œuvre qu'elle accomplit envers le monde, la Grande Fraternité
ne songe pas seulement au présent, mais encore à l'avenir. Elle prépare le
développement des races et des nations nouvelles, où les qualités de
l'homme seront harmonieusement équilibrées. Comme nous le verrons dans
les chapitres qui traitent de la Hiérarchie, le hasard ne joue aucun rôle dans
le progrès des hommes ; la formation des races, avec leurs caractères
propres, physiques, émotionnels et mentals, – races qu'on pourrait comparer
à des classes dans la grande [189] école du monde, où l'homme acquerrait
des qualités spéciales, est tout aussi nette que l'emploi du temps ou le
programme des cours dans un collège moderne.

10
En 1925.
La race Aryenne, qui domine aujourd'hui le monde par son intelligence
particulièrement développée, a succédé à la race Atlante, dont les membres
forment encore la majeure partie de l'humanité et occupent une grande partie
de la surface de la terre.
Dans cet ordre d'idées, la Grande Fraternité, en ce moment, est adonnée
à des œuvres d'une importance capitale. La première est la préparation de
l'incarnation physique, et de la vie active, parmi les hommes, du
Bodhisattva, ou Instructeur du Monde.
Il a déjà paru dans les diverses religions existantes, et la façon dont il a
été présenté a pu beaucoup varier, mais toutes les religions sont d'accord sur
le genre de vie qu'elles réclament de leurs adhérents. Nous trouvons bien
des dissemblances entre les enseignements extérieurs du Christianisme, du
Bouddhisme, de l'Indouisme, ou de l'Islamisme, mais si nous considérons
les véritables fidèles de chacune de ces religions, et si nous étudions leur vie
journalière, nous remarquons que tous ont exactement la même manière de
vivre, et que tous s'accordent sur les vertus à pratiquer et les défauts à
éliminer. Tous nous disent qu'un homme doit être charitable, franc,
bienveillant, respectable, secourable envers les malheureux. Ils disent
encore qu'un homme dur, avide, cruel, menteur et sans honneur ne fait aucun
progrès, et qu'il n'aura de chance de succès avant qu'il change sa conduite.
En gens pratiques, reconnaissons que ce qui importe dans une religion, ce
ne sont pas les vagues spéculations métaphysiques sur des sujets que nul ne
connait avec certitude, et qui ne peuvent influencer notre conduite. Ce qui
importe, ce sont les préceptes qui gouvernent notre vie de chaque jour et qui
font de nous, dans nos relations avec nos semblables, un homme comme
ceci plutôt qu'un homme comme cela. Ces préceptes sont identiques dans
toutes les religions du monde, et seront les mêmes dans le nouvel
enseignement, quel qu'il puisse être. [190]
Peut-être pouvons-nous aller un peu plus loin dans nos prédictions
concernant l'enseignement du Boddhisattva. La vérité fondamentale, sur
laquelle il insistera, c'est que les souffrances du monde ont leur source dans
le manque d'amour et de fraternité ; que si l'homme apprend à aimer et que
s'il veut adopter l'attitude fraternelle, tout le mal disparaitra et ce sera de
nouveau l'âge d'or. Nous ne pouvons espérer que cet avenir soit immédiat,
mais cependant alors les hommes commenceront à voir par eux-mêmes, et
à comprendre combien, ils ont plus à gagner dans cette voie que dans l'autre.
La seconde de ces trois grandes œuvres qu'entreprend la Grand
Fraternité, est la préparation des corps physique, émotionnel et intellectuel
des hommes dans la 6e sous-race de la race aryenne. Cette sous-race a déjà
commencé d'apparaitre en Amérique, en Australie, et peut-être en d'autres
régions du globe. Le Manou, avec le pouvoir créateur de son intelligence et
de sa volonté, est à l'œuvre sur les plans supérieurs, modifiant jusqu'au type
physique des enfants du Nouvel âge, partout où cela est possible. Quelques-
uns des plus jeunes membres de la Fraternité, travaillant dans le monde
extérieur, ont reçu des instructions pour faire donner à ces enfants, partout
où il sera possible, l'éducation et l'entrainement qui conviennent à la
nouvelle race. Le travail est petit encore, mais il est appelé à prendre
d'énormes proportions, jusqu'à l'apparition, dans quelques siècles, de la 6e
sous-race. Celle-ci apparaitra, distincte et admirable, avec ses jeunes
générations, dans le monde nouveau, tandis que l'ancien monde continuera
à porter la 5e sous-race vers la maturité et la perfection. Peut-être même
rayonnante et glorieuse répandra ses bénédictions sur la 5e, et pourra-t-on
voir, pour la première fois, une race s'éteindre, digne et sereine, à un âge
vénérable, après avoir porté des fruits précieux. Ce sera là le prix de son
service présent et à venir envers la race en enfance, et la récompense de ses
[191] luttes, triomphales, mais aussi pleines de sacrifices, contre les
pouvoirs des ténèbres, luttes qui ouvriront alors aux hommes des possibilités
que jamais race ne connut.
Il nous faut essayer de comprendre ce que l'on entend par : appartenir à
la 6e sous-race. Nos idées manquent par trop d'élasticité. Quand la 6e sous-
race sera pleinement développée, elle présentera certains caractères
nettement définis ; caractères physiques, astrals et mentals, que l'on ne
rencontre pas encore dans l'homme moyen de la 5e sous-race. N'oublions pas
que la 6e sous-race sera construite avec les matériaux fournis par la 5e et que
chacun des égos qui en fera partie aura à développer ces caractères l'un après
l'autre. Le processus de la préparation est très long et s'étend à travers
plusieurs vies. Aussi, lorsque nous nous tournons pour examiner nos
contemporains, et surtout les plus jeunes à ce point de vue, il ne faut pas
nous imaginer pouvoir dire qu'un tel appartient à la 6e sous-race et non à
telle autre.
Il serait plus juste de dire : A semble posséder 25 % des caractéristiques
de la 6e sous-race ; B en possède peut-être 50 % ; C en a une grande
proportion, peut-être 75 % ; tandis qu'enfin D, je ne vois rien qui lui manque,
il en est spécimen parfaitement développé. Vraisemblablement le jeune
homme ou la jeune fille qui donnent des espérances appartient au type A,
car, dans le monde, très rares sont les B ; pour ce qui est des C et des D, ils
sont pratiquement inexistants, sinon dans un tout petit cercle. En outre, le
développement est fort irrégulier. Tel jeune homme peut avoir réalisé un
progrès considérable en ce qui concerne l'astral, ou le mental sans qu'il y
paraisse beaucoup dans le corps physique ; d'autre part, grâce à une hérédité
favorable, il peut avoir un corps physique apte à exprimer un développement
plus grand sur les plans supérieurs que celui qu'il a atteint en réalité. Très
rares encore sont ceux qui peuvent s'attendre à présenter tous les caractères
requis. Soyons satisfaits s'ils en possèdent un ou deux.
Même à son apogée, la 6e sous-race ne sera pas parfaitement uniforme.
Par exemple, bien qu'elle soit généralement dolichocéphale, elle aura
toujours des subdivisions [192] brachycéphales. Elle comprendra des
hommes aux cheveux clairs, et d'autres aux cheveux foncés. Certains auront
les yeux bleus, d'autres bruns. Bien entendu les caractères astrals et mentals
sont bien plus importants, mais dans la plupart des cas ce n'est que sur
l'apparence physique que l'on peut fonder son estimation La note
fondamentale de la race sera l'altruisme, et la note dominante,
l'enthousiasme pour le service, qui devra être accompagnée de la bonté
active et de la tolérance large et cordiale. Celui qui, oubliant son propre
plaisir, ne pense qu'à la manière d'aider les autres, est fort avancé déjà sur le
Sentier. Le discernement et le sens commun seront aussi des caractéristiques
marquées.
Si nous voulons savoir à quel aspect physique nous pouvons nous
attendre, peut-être pouvons-nous dire que le point dominant sera une
conformation parfaite des mains et des pieds, des doigts minces, aux ongles
ovales, la finesse des doigts et du pouce vus de profil sera remarquable. La
peau excessivement fine sera également une caractéristique importante. Il y
aura trois types de visages : l'un nettement ovale, avec le front haut, le
second moins ovale avec un front plus long, et le troisième pratiquement
brachycéphale. Ce dernier assez rare. Le mot brachycéphale signifie : dont
la tête mesure en largeur les 4/5 de la longueur. On rencontre chez les
hommes qui approchent de cette sous-race une expression particulière,
facile à reconnaitre si on la recherche.
La troisième grande œuvre des Adeptes est la fondation de la 6e race-
racine, qui doit paraitre physiquement en Californie, d'ici 700 ans. Une
communauté sera établie dans ce pays, ayant à sa tête le Manou de cette
race, notre Maitre Morya ; auprès de lui nous trouvons le Maitre Kuthumi,
son compagnon de travail, qui sera le Bodhisattva de cette même race. Nous
avons étudié cette communauté dans l'Homme, d'où il vient, où il va. Encore
que ceci soit dans quelques centaines d'années – peu de choses en somme
dans la vie d'un homme – nous pouvons tous voir, en considérant la chose,
que les préparatifs vont leur train, et que la Société [193] Théosophique n'y
joue pas un petit rôle. Chaque branche de notre Société encourage (ou
devrait le faire) chacun de nos membres dans ses efforts pour appliquer au
monde extérieur la connaissance théosophique qu'il a pu acquérir ; ceci, bien
entendu, suivant son tempérament et ses possibilités en relation avec les
autres hommes. Tout cela aide la race actuelle.
Dans la branche théosophique – si elle ne trahit pas ses idéals – cette
branche où sont groupés tant d'hommes de types dissemblables, on devrait
voir se manifester parmi les membres une grande largeur d'esprit, car ceux-
ci, en effet, y reçoivent une éducation de fraternité qu'ils ne trouveraient
nulle part ailleurs.
La Plupart des sociétés sont organisées pour atteindre un but ou remplir
un objectif donné, mais en ce qui concerne la Société Théosophique, nous
savons ceci : bien qu'un idéal de perfection séduise particulièrement un
homme, tandis qu'un autre idéal plaît surtout à un autre, la fraternité ne sera
réalisée ni par l'un ni par l'autre de ces idéals seuls. Elle ne sera réalisée ni
par le triomphe du seul idéal d'amour, ni par celui de vérité ou de beauté,
mais bien par l'union de ces trois idéals. Enchevêtrés comme les trois liens
qui forment une corde, ils constituent en réalité la corde qui rattache à jamais
l'homme au divin, comme il a été dit, il y a bien longtemps dans
l'Hitopadesha :
"De petites choses deviennent très puissantes
Si elles sont judicieusement combinées.
Des éléphants furieux sont entravés
Par une corde faite de brins d'herbes emmêlés."
Tel est l'esprit de fraternité, acquis progressivement par le théosophe
véritable qui est lié à son camarade par une nécessité intérieure plutôt que
par une impulsion extérieure. Être membre de cette Société est, en vérité,
subir un entrainement donné par les Maitres et qui, s'il est couronné de
succès, rendra l'homme digne de naitre dans la communauté de la 6e race-
racine, lorsqu'elle sera établie sur le plan physique.
CHAPITRE XII

LES CHOHANS ET LES RAYONS

Dans le chapitre précédent, j'ai essayé de décrire quelques-unes des


nombreuses branches d'activité des grands Maitres, mais il en existe
beaucoup d'autres sur lesquelles nous n'avons pas de précisions ; cependant,
nos informations nous permettent d'inférer que le travail des Adeptes est à
la fois immense et varié, et qu'ils agissent selon leur tempérament et leurs
préférences. À la base de toutes choses nous constatons l'existence d'une
division septénaire, que j'expliquerai en détails tout à l'heure ; cette division
se rencontre également dans la grande Fraternité Blanche. Dans la
Hiérarchie, on peut reconnaitre distinctement les sept Rayons. Le premier,
ou le Rayon du commandement est gouverné par le Seigneur du Monde ; à
la tête du second Rayon se trouve le Seigneur Bouddha, et au-dessous de
ceux-ci se tiennent respectivement la Manou et le Bodhisattva de la race-
mère qui est alors prédominante dans le monde. Sur un rang parallèle avec
ces derniers, nous rencontrons le Mahâchohan dont la fonction consiste à
surveiller les cinq autres Rayons qui, en outre ont chacun leur chef. Dans le
prochain chapitre, je décrirai ce que je sais des rangs supérieurs de la
Hiérarchie, en m'efforçant de donner un aperçu sur le travail accompli par
ceux qui sont à la tête des Rayons compris entre le troisième et le septième,
ainsi que sur les Maitres Morya et Kuthumi qui se trouvent sur le même
niveau que les autres, et sont chargés de la direction du premier et du
deuxième Rayon.
Le titre de Chohan 11 est donné aux Adeptes qui ont passé la sixième
Initiation, mais ce mot désigne aussi celui qui est à la tête des cinq Rayons
compris entre le troisième et le septième, et qui occupe une situation tout à
fait spéciale et élevée dans la Hiérarchie. On m'a laissé entendre que la
signification du mot Chohan peut se [195] traduire à peu près par le mot
"Lord", tel qu'il est employé d'une façon générale et particulière en
Angleterre. En anglais, nous donnons ce titre à un homme parce qu'il le
possède, mais nous attribuons un autre sens à ce mot lorsque nous parlons
du "Lord Chancellor" ou du "Lord Lieutenant" du district. Ce terme Chohan
se rencontre fréquemment dans la Doctrine Secrète et d'autres écrits,
lorsqu'il s'agit du Dhyan Chohan, mais il s'applique en même temps à des

11
. Prononcer : Tchor'an.
Êtres qui occupent des positions extrêmement élevées, et qui sont tout à fait
en dehors de la Hiérarchie occulte de notre planète.
Afin de mieux saisir le travail particulier qu'accomplissent les Maitres,
une petite digression s'impose ici, qui nous permettra de comprendre la
signification des sept Rayons. Cette tâche est loin d'être facile. Il y a déjà
longtemps, certaines informations, très incomplètes il est vrai, mais
cependant fort précieuses, nous furent données. J'ai conservé un souvenir
très précis de l'incident. M. Cooper Oakley, un frère indou et moi, nous nous
étions assis sur le toit à Adyar pour deviser. À cette époque lointaine, seule
la maison du Quartier Général était bâtie, derrière laquelle s'étendaient
environ cinq hectares de terrain, plus ou moins à l'état de jungle. Soudain,
le Maitre Djwal Kul, qui était le disciple principal du Maitre Kuthumi,
s'avança vers nous. Nous recevions alors de lui de fréquents enseignements,
et il se montrait toujours très affable et très patient envers ses élèves. Ce
jour-là, nous abordâmes le sujet des Rayon, et M. Cooper Oakley, de cette
façon particulière qui le caractérisait, lui demanda : "Je vous en prie Maitre,
voulez-vous nous expliquer la théorie des Rayons ?"
Le Maitre sourit subtilement et répondit :" Je ne puis satisfaire votre
curiosité tant que vous n'aurez pas atteint une Initiation tout à fait supérieure.
Voulez-vous toutefois écouter ce qu'il m'est permis de vous révéler, car ces
informations seront inévitablement partielles et sujettes à vous induire en
erreur ; ou préférez-vous attendre jusqu'au moment où vous aurez le droit
d'approfondir complètement la question ? "Nous souvenant du proverbe :
[196] un "tiens" vaut mieux que deux "tu l'auras", nous demandâmes au
Maitre de nous éclairer autant qu'il était en mesure de le faire. Ainsi qu'il
nous avait prévenus, une partie des enseignements forts intéressants que
nous notâmes, nous parut incompréhensible.
"Je ne puis vous en expliquer davantage, ajouta le Maitre, car je suis lié
par des serments, mais si votre intuition vous ouvre de nouveau horizons, je
vous dirai si vous êtres dans la bonne voie". Ces informations
supplémentaires, bien que réduites à peu de chose, nous furent cependant
d'un grand secours.
Rayon Caractéristique La magie Dernière religion
du Rayon caractéristique
I Fohat, Schechinah … Brahmanique
II Sagesse Râja Yoga Bouddhique
(Intelligence
Humaine)
III Akasha Astrologie Chaldéenne
(Forces
magnétiques
Naturelles)
IV Naissance d'Horus Hâtha Yoga Égyptienne
(Développement
physique.)
V Feu Alchimie Zoroastrienne
(Substances
matérielles)
VI Incarnation de la Bhakti (Dévotion) Chrétienne, etc.,
Divinité (Kabale, etc.)
VII … Magie rituelle Culte des
Élémentales

Tableau 2 – Les Rayons et leurs caractéristiques

Le tableau ci-dessus représente les Rayons et leurs caractéristiques, tels


que le Maitre nous les donna. [197]
On nous expliqua que la religion qui se trouve inscrite en face de chacun
des Rayons ne doit pas nécessairement être considérée comme une
expression parfaite de celui-ci, mais seulement comme une relique qui est
restée de l'époque, la plus rapprochée de nous, dans laquelle ce Rayon
particulier exerça une influence prépondérante dans le monde. La magie
distinctive du premier Rayon, et la caractéristique du septième ne nous
furent pas communiquées. La signification de la naissance d'Horus ne put
être expliquée, mais l'un des traits significatif du quatrième Rayon est
l'usage des forces d'action et d'interaction – autrement dit, des forces
masculines et féminines de la nature. La conception phallique que nous
rencontrons dans certaines religions doit être attribuée à une interprétation
erronée et matérielle de quelques-uns des secrets appartenant à ce Rayon.
Le véritable développement sur le septième Rayon s'obtiendrait au moyen
de communications et d'instructions provenant des Dévas supérieurs.
Il ressort de ce qui précède que les informations reçues jusqu'ici sont
fragmentaires. Non seulement il ne s'agit pas là d'une description complète
du sujet, mais ce n'est même pas un schéma parfait, car l'on nous signifia
clairement que ce tableau offrait d'immenses lacunes qui ne pouvaient être
comblées que beaucoup plus tard. Très peu de choses, à ma connaissance,
ont été écrites jusqu'ici sur cette question, et ces quelques renseignements
ont été donnés avec tant de circonspection, qu'ils sont à peine intelligibles.
D'ailleurs, les Instructeurs occultes sont extrêmement réservés sur ce
chapitre.
L'essentiel pour nous est de nous rappeler la présence d'une division
septénaire qui se rencontre partout dans le monde manifesté, que ce soit dans
la vie ou dans la matière. Toute vie qui existe dans notre chaine de mondes
évolue à travers l'un des sept Rayons auquel elle appartient, chacun des
Rayons ayant sept subdivisions. Dans l'univers, nous trouvons quarante-
neuf Rayons qui forment, au moyen de groupes septénaires, les sept grands
Rayons. Toutefois, dans notre chaine de mondes et peut-être dans [198]
notre système solaire, un seul de ces grands Rayons cosmiques est agissant,
et ses subdivisions représentent nos sept Rayons. Il ne faut pas que nous
oublions que notre système solaire n'est pas la seule manifestation de ce
Logos, car chacun des sept grands Logoï peut avoir des millions de systèmes
qui dépendent de lui. Ainsi que je l'ai expliqué dans The Inner Life :
"Notre système solaire tout entier est la manifestation de
son Logos, et chaque parcelle est une partie déterminée de
ses véhicules. Toute la matière physique du système
solaire, considéré dans sa totalité, constitue son corps
physique ; toute la matière astrale forme son corps astral ;
toute la matière mental, son corps mental, et ainsi de suite.
Au-dessus et en dehors de son système, il mène une
existence infiniment plus vaste et plus grande qui lui est
personnelle, mais cette constatation n'affecte en rien la
vérité de l'argument que nous venons d'exposer.
Ce Logos solaire contient en lui-même sept Logoï
planétaires, qui sont pour ainsi dire des centres de forces,
des canaux à travers lesquels il déverse son énergie.
Cependant, nous pouvons dans un certain sens les
considérer comme faisant partie de lui. En effet, la même
matière qui entre dans la composition de ses véhicules se
retrouve dans ceux des Logoï planétaires, car il n'y a
aucune particule de matière dans le système qui ne soit
partie intégrante d'eux-mêmes. Cette remarque s'applique
à tous les plans, mais prenons comme exemple le plan
astral, car sa matière est suffisamment fluide pour servir
de démonstration, et assez proche de la matière physique
pour ne pas être au-delà des limites de notre
compréhension.
Chaque molécule de la matière astrale du système fait
partie du corps astral du Logos, et en même temps du
corps astral de l'un ou de l'autre des sept Logoï planétaires.
Souvenez-vous que votre corps astral et le mien se
composent également de ces mêmes éléments, car aucune
particule de matière n'est notre propriété exclusive. Dans
chaque corps astral il y a des parties qui appartiennent à
chacun des grands Logoï planétaires, mais [199] leurs
proportions varient à l'infini. Les corps des Monades qui,
à l'origine, émanèrent de l'un des Logoï planétaires,
possèderont pendant toute leur évolution plus de
particules identiques à celles de ce Logos que des autres.
Il s'ensuit donc que les individus se différencient, puisque
les monades ont appartenu primitivement à l'une ou à
l'autre de ces sept Puissances."
En terminologie chrétienne, ces sept grands Êtres se retrouvent dans la
vision de Saint Jean l'Évangéliste, lorsqu'il écrivit : "Et les sept lampes de
feu qui brulent devant le Trône sont les sept Esprit de Dieu." Ce sont les sept
mystiques, les grands Logoï planétaires qui constituent les centres de vie
dans le Logos lui-même. Ils sont les véritables Chefs de nos Rayons – non
pas seulement pour notre monde, mais pour le système solaire tout entier.
Chacun d'entre nous a dû provenir de l'un ou de l'autre de ces Êtres puissants.
Ils sont les sept Seigneurs sublimes de la Doctrine Secrète, les sept
Primordiaux, les Pouvoirs créateurs, les Intelligences incorporelles, les
Dhyan Chohan, les Anges de la Présence. Mais n'oublions pas que ce dernier
titre comporte deux significations différentes qui ne doivent pas être
confondues. À chaque célébration de la Sainte Eucharistie de nos frères
chrétiens, un "Ange de la Présence" apparait, qui est en réalité une forme-
pensée du Seigneur Christ, un véhicule de sa conscience, et qu'on a fort
justement appelé une manifestation de sa Présence. Mais ces sept grands
Êtres reçoivent ce titre pour un raison toute différente – parce qu'ils se
tiennent toujours dans la présence du Logos lui-même, en qualité de
représentants des Rayons dont ils sont les Chefs – de la sorte ils nous
représentent aussi, puisque nous faisons tous partie de la Vie divine qui
existe en chacun d'entre nous.
Quoique nous appartenions tous fondamentalement à l'un des Rayons,
c'est-à-dire au canal à travers lequel en tant que Monade nous sommes sortis
de l'Éternité pour pénétrer dans le Temps, nous possédons en nous-mêmes
[200] un peu de tous les Rayons. Il n'y a pas une once de force, un grain de
matière qui ne fasse virtuellement partie de l'un ou de l'autre de ces Êtres
merveilleux ; en somme chaque individu est littéralement en union intime
avec leur substance, non pas d'un seul, mais avec celle de tous, bien que la
substance de l'un d'entre eux soit toujours prédominante. C'est pourquoi ces
grands Anges stellaires ne peuvent accomplir le moindre mouvement sans
que nous en ressentions tous plus ou moins le contrecoup, car nous sommes
les os de leurs os, la chair de leur chair, l'esprit de leur esprit. Ces grandes
réalités sont la base véritable de la science souvent incomprise de
l'astrologie.
Nous sommes perpétuellement dans la présence du Logos solaire, car
dans Son système il n'y a pas de lieux où Il ne soit, et tout ce qui existe est
en Lui. Mais ces sept Esprits font partie du Logos d'une façon toute spéciale,
ils sont des manifestations de Lui, pour ainsi dire, des qualités qui émanent
de Lui – des centres à travers lesquels Son Pouvoir s'exprime. Un aperçu de
cette idée se trouve dans les noms qui leurs sont assignés par les Israélites.
Le premier de ces Esprits est toujours appelé Michel, "votre Prince", ainsi
qu'on le désigne ; et ce nom veut dire "la Force de Dieu", ou bien parfois
encore "Celui qui est semblable à Dieu dans sa force." El, en hébreu, signifie
Dieu ; nous retrouvons cette appellation dans Beth-El, autrement dit "la
Maison de Dieu" ; et Elohim est le mot employé pour désigner "Dieu" dans
le premier verset de la Bible. La terminaison El revient dans chacun des
noms des sept Esprits. Gabriel signifie "l'Omniscience de Dieu", et on
l'appelle quelquefois le Héros de Dieu. Il est en rapport avec la planète
Mercure, de même que Michel est associé avec Mars. Raphaël veut dire "le
Pouvoir Guérisseur de Dieu", et il est en contact avec le Soleil, qui est pour
nous sur le plan physique le grand générateur de santé. Uriel est "la Lumière,
ou le feu de Dieu" ; Zadkiel est "la Bienveillance de Dieu", et se trouve en
rapport avec la planète Jupiter. Les autres Archanges sont généralement
dénommés Chamuel et [201] Jophiel, mais je n'ai pas présent à la mémoire
ni leurs significations, ni leurs planètes.
Saint Denys 12 désigne ces sept Esprits sous le nom de Constructeurs,
ou de Coopérateurs de Dieu. Saint Augustin déclare qu'ils sont en possession
de la Pensée Divine ou du Prototype, et Saint Thomas d'Aquin écrit que
Dieu est la Cause Première et que ces anges sont la cause secondaire de tous
les effets visibles. Tout est accompli par le Logos, mais par l'intermédiaire
de ces Esprits planétaires. La science explique que les planètes sont des
agrégations fortuites de matière, des condensations de la masse nébuleuse,
nous ne saurions le nier, mais pourquoi ces agrégations se forment-elles à
des points précis ? Parce qu'il existe derrière ces phénomènes des
Intelligences vivantes qui déterminent l'emplacement de ces points, afin
qu'ils puissent se contrebalancer. En vérité tout est le résultat des forces
naturelles qui travaillent sous l'empire des lois cosmiques ; mais n'oublions
pas qu'il y a derrière chaque force un administrateur, une Intelligence qui
dirige celle-ci et la gouverne. En les décrivant, je me suis servi de la
terminologie chrétienne mais ces mêmes Êtres se retrouvent sous d'autres
noms dans toutes les religions.
Lorsque la matière primordiale ou l'Esprit, qui plus tard allait devenir
nous-mêmes, émergea, tout d'abord, de l'infini non-différencié, il se déversa
dans sept canaux, ainsi que l'eau s'écoulerait d'une citerne dans sept conduits
teintés de couleurs différentes, qui donneraient à l'eau une coloration
particulière, reconnaissable à tout jamais. À travers tous les règnes
successifs : élémentales, minéral, végétal, animal, les Rayons se distinguent
les uns des autres. Il en est de même chez l'homme, bien que l'influence des
Rayons agisse différemment dans les règnes inférieurs. Puisque
l'individualisation n'existe pas chez ceux-ci, il est évident que toute une
espèce animale, par exemple, sera sur le même Rayon ; nous pourrions de
la sorte grouper les animaux par catégories dans sept [202] colonnes

12
Le Pseudo Denys l'Aréopagyte.
parallèles, selon le Rayon auquel ils appartiennent. L'association avec les
humains est nécessaire pour que l'individualisation ait lieu ; à la tête de
chaque Rayon nous rencontrons alors les animaux domestiques capables de
s'individualiser. L'éléphant, le chien, le chat, le cheval, sont des exemples
de ces différentes classes. Il s'ensuit que les impulsions de la Vie universelle
qui animent un chien, ne pourront pas animer un cheval ou un chat, mais se
manifesteront toujours à travers la même espèce jusqu'au moment de
l'individualisation.
Des recherches n'ont pas encore été entreprises pour classifier les
animaux et les végétaux par Rayons, mais j'ai eu l'occasion d'approfondir, il
y a quelques années, la question des pierres précieuses. J'ai découvert que
chaque Rayon est représenté par l'une de ces pierres, à travers laquelle sa
force s'exprime plus facilement. Je reproduis ici un tableau, déjà paru dans
la Science des Sacrements, qui donne une liste à la fois des pierres
précieuses à la tête de chaque Rayon, et celles qui sont une expression plus
faible de la même influence :
Rayon Pierre à la tête du Substituts
Rayon
I Diamant Cristal de Roche
II Saphir Lapis-lazuli,
Turquoise, Sodalithe
III Émeraude Aigue-marine, jade,
Malachite
IV Jaspe Calcédoine, Agate,
Serpentine
V Topaze Citrine, Stéatite
VI Rubis Tourmaline, Grenat,
Cornaline, Escarboucle
VII Améthyste Porphyre, Violane

Tableau 3 – Pierres Précieuses et Rayons


[203] Nous pouvons déduire de ce qui précède que les sept types sont
visibles parmi les êtres humains, et que chacun de nous appartient à l'un ou
à l'autre des Rayons. Les différences fondamentales de ce genre ont toujours
été reconnues dans la race humaine ; il y a un siècle on décrivait les êtres
comme ayant des tempéraments lymphatiques ou sanguins, énergiques ou
flegmatiques, et les astrologues les cataloguaient avec des noms de
planètes : les Jupitériens, les Martiens, les Vénusiens, les Saturniens, ainsi
de suite. Ce sont là simplement quelques-unes des méthodes employées pour
noter les dissemblances profondes qui résultent du canal différent par lequel
nous nous sommes acheminés, ou plutôt par lequel il a été décrété que nous
évoluerions.
Il est toutefois très difficile de découvrir à quel Rayon un homme
ordinaire appartient, car il s'est plongé dans la matière et a engendré une
grande variation de karma, dont certains aspects seraient susceptibles de
dominer et d'obscurcir son type essentiel, même pendant toute une
incarnation. Mais l'homme qui s'approche du Sentier devrait manifester une
tendance impérieuse, une impulsion déterminante, capable de le guider vers
le genre d'activité ou de service qui caractérise son Rayon, et qui l'attirerait
aux pieds d'un des Maitres, sur sa ligne ; de la sorte il serait, pour ainsi dire,
enrôlé dans le Collège dont on pourrait considérer le Chohan de ce Rayon
particulier comme le Directeur.
Afin de mieux faire comprendre les différences de types, je citerais, en
me référant au tableau, quelques exemples des méthodes susceptibles d'être
employées par les personnes appartenant aux différents Rayons, lorsque
celles-ci se servent de la magie pour obtenir un résultat donné. L'homme sur
le premier Rayon atteindrait l'objectif désiré grâce à une force de volonté
irrésistible, en refusant de condescendre à l'emploi de moyens quels qu'ils
soient. L'être humain appartenant au second Rayon se servirait également
de la volonté, tout en ayant la compréhension très nette des moyens variés à
sa disposition, et il dirigerait sa force dans [204] la direction la plus
favorable. Les individus du troisième Rayon emploieraient tout
naturellement les pouvoirs du plan mental, en notant soigneusement le
moment exact où les influences sont les plus propices. L'homme du
quatrième Rayon utiliserait les forces physiques plus subtiles de l'éther,
tandis que son frère du cinquième Rayon mettrait probablement en
mouvement les courants de ce que l'on appelait la lumière astrale. Celui qui
relève du sixième Rayon obtiendrait le résultat qu'il recherche par l'intensité
de sa foi dans la Divinité et l'efficacité de la prière qu'il lui adresserait, tandis
que l'homme du septième Rayon se servirait de la magie rituelle et serait
porté à invoquer l'assistance des esprits non-humains.
Si nous considérons l'emploi des méthodes de guérison, le premier
Rayon puiserait de la grande fontaine de Vie universelle la santé et la force ;
le second aurait une compréhension profonde de la nature de la maladie, et
saurait avec précision comment diriger sa force de volonté afin d'obtenir le
meilleur résultat ; le troisième invoquerait les grands Esprits planétaires et
choisirait le moment où les influences astrologiques sont le plus favorables
pour l'application de ses remèdes ; le quatrième croirait surtout à la vertu
des moyens physiques, tels que le massage, le cinquième se servirait de
médicaments ; le sixième chercherait la guérison au moyen d'un foi ardente,
et le septième, grâce à des mantram ou des invocations magiques. Dans tous
les cas que je viens de citer, l'opérateur pourrait utiliser l'un ou l'autre des
procédés indiqués, mais il se rendra compte que la méthode la plus efficace
est celle qui est typique de son Rayon.
Chez les membres de la Fraternité des Adeptes, les différences
distinctives des Rayons sont beaucoup plus marquées que chez les autres
hommes, et sont visibles dans leur aura. Le Rayon auquel un Maitre
appartient affecte profondément non seulement son apparence, mais aussi le
genre de travail auquel il s'adonne. Nous pouvons mieux saisir les
caractéristiques spéciales des Rayons en observant le travail des cinq
Chohan, des Rayons [205] allant du troisième au septième, et les deux
Chohan qui se tiennent, au même niveau, sur le premier et deuxième Rayon,
dont la mission consiste à servir les grands Êtres qui sont leur Chefs. Les
sept Chefs des Rayons de la Hiérarchie sont les reflets des sept Esprits
devant le Trône. Il est évident que nous ne pouvons donner ici qu'un aperçu
tout à fait vague des qualités propres à chaque Rayon, et du travail accompli
par les Adeptes. En outre, il y a lieu de signaler que la possession complète
des qualités particulières à un Rayon, n'implique jamais l'absence des
qualités caractéristiques des autres Rayons. Si nous parlons de la force
prééminente d'un Adepte, par exemple, cela ne signifie pas qu'il ait atteint
la perfection humaine dans le domaine de la dévotion, de l'amour, et toutes
les autres qualités.
J'ai déjà parlé du Maitre Morya, qui est le représentant du premier
Rayon, au niveau de l'Initiation Chohanique. Il possède toute la force sereine
et inébranlable de son Rayon, il joue un grand rôle dans la formation des
nations ainsi que dans le travail de direction des êtres humains. Sur ce même
Rayon, nous rencontrons celui que nous avons désigné sous le nom de
Jupiter, et qui agit au nom de la Hiérarchie, comme directeur pour les Indes.
Il est le gardien de cette nation qui, à travers les âges de la cinquième race,
nourrit les semences qu'elle contient en germe, et les envoie en temps voulu
à chaque sous-race, afin qu'elles puissent y croitre, murir et s'épanouir. Il se
plonge aussi dans ces sciences plus abstraites, dont la chimie et l'astronomie
sont les signes extérieurs, et le travail qu'il poursuit dans cet ordre d'idées
démontre la variété des activités qui peuvent exister dans les limites d'un
seul Rayon.
Le Maitre Kuthumi, qui fut autrefois le grand instructeur Pythagore, est
également un Chohan, et il représente sur ce niveau le second Rayon. Ce
Rayon est celui de la sagesse, qui donne au monde ses grands Instructeurs,
et je décrirai, dans le chapitre suivant, la tâche qui est réservée à ces Adeptes
lorsque je traiterai le sujet du Bodhisattva et du Bouddha. J'ai déjà parlé de
la [206] sagesse et de l'amour merveilleux qui irradient du Maitre que j'ai
l'inexprimable joie et honneur de servir et de suivre, et tout ce que j'ai dit à
propos de l'entrainement et des enseignements donnés aux élèves s'applique
spécialement à sa méthode. Des instructeurs, appartenant à d'autres Rayons,
font également progresser leurs élèves et développent chez ceux-ci, grâce à
des moyens toujours irréprochables, les mêmes nobles qualités. Cependant
leurs méthodes sont nettement dissemblables, et d'ailleurs le même Maitre
agira différemment avec chacun de ses élèves.
À la tête du troisième Rayon se trouve le Maitre dénommé : le Chohan
vénitien. Chez les individus de ce Rayon qui travaille pour le bien de
l'humanité, apparait d'une façon très marquée la faculté d'adaptation, qui est
l'une des caractéristiques de cette ligne. Cette influence permet de s'adapter
aux personnes afin de mieux les aider et d'être, selon la parole de saint Paul,
"Toutes choses pour tous les hommes". Ceux qui sont évolués sur ce Rayon
montrent infiniment de tact et une facilité remarquable pour agir avec à-
propos. L'astrologie est en rapport avec ce Rayon, car autant qu'en puisse
juger un profane, cette science consiste à savoir quel est le moment propice
pour mettre en action certaines forces, et aussi à connaitre les périodes
défavorables où il vaut mieux s'abstenir de toute entreprise ; de la sorte, on
peut éviter beaucoup de difficultés et se rendre plus utiles.
Le Quatrième Rayon est sous la direction du Maitre Sérapis. Dans les
premiers temps de la Société Théosophique, nous entendions souvent parler
de lui, car il prit en main temporairement, l'instruction du Colonel Olcott,
lorsque le Maitre particulier de ce dernier, le Seigneur Morya, était absorbé
par d'autres occupations. Les Maitres échangent aussi parfois leurs élèves.
La ligne spéciale de ce Chohan est l'Harmonie et la beauté, et ceux qui
appartiennent à ce type souffrent toujours s'ils ne peuvent créer un entourage
harmonieux, car c'est dans cette direction que tend leur perfectionnement.
L'art [207] a une importance toute particulière sur ce Rayon, et beaucoup
d'artistes y sont rattachés.
À la tête du cinquième Rayon, nous rencontrons le Maitre Hilarion,
doué, pour les observations scientifiques, d'un esprit d'une justesse
remarquable. Il fut autrefois le philosophe Jamblique, de l'école
néoplatonicienne, et il nous donna, par l'intermédiaire de MC, La Lumière
sur le Sentier et l'Idylle du Lotus Blanc. Ainsi que l'a exprimé Annie Besant,
"il sait manier habilement la prose poétique anglaise et les paroles
mélodieuses". Son influence s'exerce principalement sur les savants, et les
être évolués sur ce Rayon se distinguent par la faculté qu'ils possèdent de
pouvoir faire des observations d'une exactitude scrupuleuse. La science du
Maitre s'étend naturellement bien au-delà des données actuelles, et il
travaille avec l'aide de certains pouvoirs qui lui sont connus, et que la nature
introduit dans la vie de l'homme.
Les émotions et les aspirations humaines trouvent un écho dans la
nature qui les intensifie. Si un homme est gai et heureux, d'autres créatures
jouiront de sa présence ; les esprits de la nature iront à sa rencontre et son
propre bonheur en sera accru. Ce genre de réaction peut avoir lieu partout.
Dans le Nord de l'Europe, par exemple, les esprits de la nature sont plutôt
méditatifs, et plongés dans la rêverie et le recueillement mélancolique. Leur
habitat normal est situé en Ecosse, en Irlande, au pays de Galles, en Bretagne
et d'autres lieux similaires ; ils sont moins facilement accessibles à la gaité,
et d'un tempérament plutôt froid et difficile à éveiller. Dans ces contrées la
nature est moins joyeuse, il y pleut beaucoup, le ciel est obscur, gris et le
vert prédominent, enfin la vie et la poésie sont teintées de tristesse. Le
contraste est frappant entre ces pays et la Grèce ou la Sicile, où tout est
radieux, doré, bleu et rouge, et où les êtres sont heureux de vivre. Les esprits
de la nature s'imprègnent du bonheur humain, et ils sont surtout attirés vers
tous ceux qui sont remplis d'un amour joyeux, heureux de se retremper dans
leur aura et de les servir [208] d'une façon bienfaisante. Aujourd'hui, cet
aspect de la vie est à peu près ignoré. Nous savons à présent que l'eau
équivaut à 𝐻𝐻2 𝑂𝑂, mais les anciens grecs et les anciens Indous admettaient
l'existence des esprits de l'eau, et étudiaient la manière de les utiliser d'une
façon aussi précise que nous faisons mouvoir aujourd'hui une machine au
moyen de l'électricité.
Le Maitre Jésus, qui atteignit l'Adeptat pendant l'incarnation où il fut
connu sous le nom d'Apollonius de Tyane, et qui devint plus tard Srî
Râmanujâcharya, le grand réformateur religieux du sud de l'Inde, dirige le
sixième Rayon, celui de la dévotion du Bhakti. Ce Rayon est celui des saints
et des mystiques de toutes les religions, et le Chohan Jésus s'occupe
spécialement de ceux-ci, quelle que soit la Divinité qu'ils adorent. Il y a dix-
neuf siècles, Apollonius de Tyane reçut de la Fraternité une mission, dont
l'un des buts consistait à établir dans plusieurs pays des centres magnétiques.
On lui remit des objets ayant la nature de talismans, qu'il enterra dans des
endroits désignés, afin que la force qui rayonnait de ceux-ci préparât ces
lieux à servir de centres, en vue des grands évènements à venir. Quelques-
uns de ces centres ont déjà été utilisé, d'autres ne le sont pas encore et
doivent dans un avenir immédiat être employés pour la venue du Christ.
Nous nous rendons compte que beaucoup de détails du travail qu'il
accomplira furent définitivement projetés il y a près de deux mille ans, et
que même sur le plan physique certaines préparations eurent lieu dès cette
époque.
Le Chef du septième Rayon est le Maitre, historiquement connu au
XVIIIe siècle, sous le nom de comte de Saint-Germain, et que nous appelons
parfois le Maitre Rakoczi, parce qu'il est le dernier survivant de cette maison
royale. Il fut Francis Bacon et Lord Verulam au XVIIe siècle ; Christian
Rosencreuz au XIVe siècle ; Roger Bacon au XIIIe siècle ; c'est l'Adepte
hongrois du Monde Occulte. À une époque plus reculée, il fut le célèbre
néoplatoniciens Proclus, et [209] auparavant Saint Alban 13. Son travail
s'effectue pour une grande part au moyen de la magie rituelle, et il se sert de
grands anges qui sont tout dévoués à ses ordres et qui sont heureux
d'exécuter ses volontés. Bien qu'il connaisse toutes les langues européennes
et beaucoup de langues orientales, il utilise surtout le latin, qui est la forme
spéciale de sa pensée, et dont la splendeur et le rythme ne peuvent être
surpassés ici-bas. Dans les cérémonies où il officie, il revêt des costumes de
nuances variées et des bijoux somptueux. Il possède un vêtement en mailles
d'or, qui appartint autrefois à un empereur romain, au-dessus duquel il jette
un magnifique manteau cramoisi, dont l'attache est constituée par une
améthyste et un diamant en forme d'étoile à sept pointes. Parfois aussi, il
porte un superbe costume violet. Les cérémonies, et les rites des anciens
Mystères, dont les noms eux-mêmes sont oubliés depuis longtemps par le
monde extérieur, ne constituent pas le seul travail auquel il s'adonne, mais

13
Martyr, en Grande Bretagne, aux IIIe-IVe siècles. Fête le 22 juin.
il est en outre très absorbé par la situation politique de l'Europe et par le
développement de la science physique moderne.
Le résumé qui suit, et que j'ai déjà donné dans la Science des
Sacrements, ouvre des aperçus sur les Rayons et le travail accompli par les
Chohans. Dans ce résumé, j'ai indiqué la pensée que doivent avoir à l'esprit
ceux qui aspirent à servir :
1. La Force.
"Je serai fort, brave, et je persévèrerai dans son service."
2. La Sagesse.
"J'atteindrai cette sagesse intuitive qui ne peut se développer que
par l'amour parfait."
3. L'Adaptabilité ou le Tact.
"J'essayerai de développer la faculté de parler et d'agir avec à-
propos et toujours au bon moment et d'aller au-devant de tous les
êtres sur la route [210] qui est la leur, afin de les aider plus
efficacement."
4. Beauté et Harmonie.
"Autant que je le pourrai, j'apporterai la beauté et l'harmonie dans
ma vie et dans mon entourage afin qu'ils soient plus dignes de lui ;
j'apprendrai à voir la beauté dans toute la Nature afin de mieux le
servir."
5. La Science (la connaissance des détails).
"J'accroitrai mes connaissances et je développerai en moi-même la
précision scrupuleuse, afin de m'en servir pour son œuvre."
6. La Dévotion.
"Je construirai en moi le grand pouvoir de la dévotion, afin que je
puisse par ce moyen lui amener les autres."
7. Le Service ordonné.
"J'ordonnerai le service de Dieu selon les règles qu'il a prescrites,
afin de profiter complètement de l'aide bienfaisante que Ses anges
sacrés cherchent toujours à apporter."
Toutes ces qualités différentes devront à tour de rôle être développées
en chacun de nous, mais nous ne les possèderons à l'état de perfection que
lorsque nous serons devenus des êtres surhumains. Nos imperfections se
manifestent actuellement dans nos vies par le fait que certaines qualités sont
infiniment plus visibles que d'autres. Quelques-uns, par exemple, qui sont
très évolués dans le sens du discernement et de la précision méticuleuse,
n'ont pas cultivé l'affection et la dévotion, aussi leur nature est froide et dure,
ils paraissent fréquemment antipathiques et sont aptes à se tromper dans leur
jugement sur autrui, et lorsqu'ils considèrent un problème intellectuel leur
attitude est souvent extrêmement critique. Ils sont portés à juger les
individus qu'ils rencontrent plutôt défavorablement, tandis que ceux qui
appartiennent au type de la dévotion et de l'affection chercheront à
comprendre le point de vue leur interlocuteur et seront disposés à le
considérer plus favorablement, … et même si leur jugement est faux, car ils
[211] sont souvent entrainés par leur sentiments, du moins pencheront ils du
côté de l'indulgence. Ces deux cas démontrent un jugement qui manque de
justesse. Il sera donc nécessaire pour nous d'arriver avec le temps à
équilibrer parfaitement ces qualités, car le surhomme est celui qui possède
l'équilibre absolu. Ainsi que le dit la Bhagavad-Gîta : "L'équilibre s'appelle
Yoga".
Dans les sept Logoï planétaires, il se produit périodiquement certains
changement cycliques, qui correspondent peut-être à l'aspiration et à
l'expiration, ou au battement du cœur sur le plan physique. Quoi qu'il en soit,
il se peut qu'un nombre infini de combinaisons variées en résultent ; et
puisque nos corps astrals sont formés de la même matière que les leurs, il
s'ensuit qu'aucun Logos planétaire ne se modifiera astralement sans que
chaque être humain n'en ressente le contrecoup, surtout les individus chez
lesquels il y a une prépondérance de cette matière en voie de transformation.
Nous avons choisi le plan astral comme exemple, mais ce qui précède
s'applique à tous les autres plans ; nous arriverons de la sorte à concevoir un
peu à quel point les émotions ressenties par les Esprits planétaires ont de
l'importance pour nous.
Quelles qu'elles soient, elles apparaissent dans l'histoire des races
humaines comme des changements cycliques réguliers, qui se produisent
dans le tempérament des individus et conséquemment dans le caractère des
civilisations. En laissant de côté les périodes mondiales, et en ne considérant
que la période d'une seule race-mère, nous constatons que les sept Rayons
jouent successivement un rôle prédominant (peut-être même plus d'une
seule fois). Chacune de ces sept périodes se décompose à son tour en sept
sous-cycles d'influence, d'après certaines règles curieuses qui demandent
une explication. Prenons comme exemple l'époque dans laquelle le
cinquième Rayon devient prépondérant dans l'histoire d'une race. Pendant
ce laps de temps, l'idée principale du cinquième Rayon et probablement de
la religion qui en dérive, conservera une importance capitale. Mais cette
[212] période se divisera elle-même en sept périodes secondaires dans
lesquelles la première subdivision, tout en conservant l'idée maitresse du
cinquième Rayon, subira l'influence du premier Rayon, et les méthodes de
ce Rayon s'amalgameront avec celle du Rayon prédominant. Dans la
seconde subdivision, l'idée et les méthodes propres au cinquième Rayon
seront influencées par le second Rayon, et ainsi de suite ; de sorte que ce
sera évidemment dans la cinquième subdivision que l'idée se manifestera de
la façon la plus pure et avec le plus d'intensité. Il semblerait naturel que ces
divisions et ces subdivisions fussent respectivement en rapport avec les
sous-races et les subdivisions de ces dernières, mais jusqu'à présent nous
n'avons pu conclure dans ce sens.
En abordant un sujet aussi complexe et aussi obscur que celui-ci, nous
ne sommes guère en mesure, étant donné le peu de connaissances dont nous
disposons encore, de multiplier les exemples ; cependant, puisque l'on nous
a dit que le sixième Rayon de la dévotion est prépondérant à l'heure actuelle,
nous pouvons essayer de retracer l'influence du premier sous-cycle dans
l'histoire des pouvoirs merveilleux que possédaient les saints des premiers
siècles ; l'influence du second, dans la secte des Gnostiques, qui attachaient
une importance particulière à la recherche de la véritable sagesse, ou Gnose ;
l'influence du quatrième dans les efforts entrepris, grâce à une étrange
déformation mentale, pour développer le pouvoir de la volonté en endurant
des souffrances répugnantes, ainsi que le firent Saint Siméon stylite 14 et les
Flagellants 15 ; l'influence du cinquième chez les alchimistes et les Rose-
Croix du moyen âge ; tandis que l'influence du sixième, celui de la plus pure
dévotion, peut se retrouver dans les extases des ordres contemplatifs, et le
[213] septième sous-cycle provoquerait l'attachement aux invocations et aux
formes extérieures de l'Église Romaine.
L'apparition du spiritisme moderne et le culte des élémentals, qui
caractérise si souvent ses formes dégradées, peut-être envisagé comme un
signe précurseur de l'influence du septième Rayon qui se manifestera dans
l'avenir ; d'autant plus que ce mouvement doit son origine à une société

14
Passa 69 ans sur une colonne.
15
Sectes fanatiques, XIIe aux XVe-XVIe siècles. Le roi Henri III en créa une et s'y affilia. Condamnées
par différents Papes.
secrète qui existe dans le monde depuis l'époque ou le septième Rayon était
prépondérant dans l'Atlantide.
Tous ceux qui ont approfondi l'histoire religieuse peuvent se convaincre
de l'importance et de la réalité du pouvoir dominateur exercé par un Rayon
pendant le cours de son cycle d'influence. Ils savent à quel point la foi était
complètement aveugle au Moyen Age, combien ceux qui parlaient au nom
de l'Église, tout en ignorant les bases de la religion, essayaient d'imposer
leurs idées sur d'autres individus qui souvent étaient plus instruits qu'eux.
Les détenteurs du pouvoir – les chrétiens dogmatiques – étaient précisément
ceux qui connaissaient le moins le sens véritable des dogmes qu'ils
enseignaient. D'autres auraient pu leur expliquer la signification de bien des
points de la doctrine chrétienne, mais la majorité ne voulait pas les entendre,
et rejeta comme hérétiques les plus éclairés.
Pendant le cours de cette sombre période, les individus qui avaient de
réelles connaissances, tels les alchimistes, (non pas ceux que ceux-ci fussent
beaucoup plus instruits, mais certains d'entre eux avaient certes des
connaissances plus étendues que les chrétiens), se rencontraient parmi les
membres des ordres secrets comme les Templiers et les Rose-Croix, et
certaines vérités étaient aussi connues des premiers francs-maçons. Tous
furent persécutés au nom de la religion par les chrétiens ignorants.
Bien des saints du moyen âge étaient remplis d'une dévotion qui était
souvent très belle et atteignait même le domaine spirituel ; mais en général,
leur piété revêtait une forme si étroite qu'ils adoptaient, en dépit [214] de
leur spiritualité, une attitude intransigeante vis-à-vis de ceux dont l'opinion
différait de la leur, qui allait parfois même jusqu'à la persécution ouverte.
Quelques rares personnages eurent un idéal vraiment spirituel, mais ils
éveillèrent la suspicion. Tels furent : Ruysbroeck, Marguerite et Christine
Ebner, Molinos, Jacob Boehme et les Quiétistes. Dans presque tous les cas,
les ignorants persécutèrent ceux qui en savaient davantage ; ils agirent au
nom de leurs croyances, cependant, nous aurions tort de croire que leur
dévotion ne fut pas à la fois très sincère et très intense.
Le règne de la dévotion ne se montra pas seulement dans la chrétienté.
Les religions qui subsistaient de l'époque plus lointaine où les autres Rayons
avaient joué un rôle, en subirent un puissant reflet. L'indouisme peut être
considéré comme une doctrine sévère par les gens dont la dévotion est
ardente. La religion de Shiva, Dieu le Père, la première Personne de la Sainte
Trinité, se répandit dans l'Inde presque entière, et aujourd'hui encore, les
trois quarts des Indous adorent cet aspect de la Divinité. L'idéal du devoir –
le Dharma – qui est resté la base même de cette religion, fut présenté aux
croyants. D'après ses préceptes, les hommes sont nés dans des castes
différentes, selon leurs mérites ; leur devoir consiste à poursuivre le Dharma
propre à sa caste dont ils font partie. Pour s'élever dans une caste supérieure,
il leur fallait accomplir des efforts tellement exceptionnels, que pendant
longtemps de tels cas se présentèrent très rarement. Les fidèles de cette
religion respectaient profondément la loi et l'ordre, et n'admettaient pas que
l'on fut mécontent du sort ; ils enseignaient que le chemin qui mène à Dieu
consiste à savoir tirer le plus de profit possible des conditions dans
lesquelles chacun était appelé à vivre. Si l'on mettait en pratique cette
croyance, les conditions s'amélioraient de vie en vie. Ils déclaraient aussi
que la porte du royaume de Dieu peut-être ouverte à chaque homme, quelle
que soit sa caste, s'il vit en accord avec ses principes, sans faire croitre ses
chances de réussite par la lutte, mais en accomplissant fidèlement [215] et
strictement son Dharma dans la situation que Dieu lui a dévolue.
Cette doctrine peut paraitre froide et scientifique aux yeux de ceux qui
sont sur la ligne de la dévotion. Mais lorsque le Rayon de la dévotion fit
sentir tout d'abord son influence dans le monde, un grand changement
survint, et le culte de la seconde Personne de la Trinité, Vishnu qui s'incarna
comme Srî Krishna, fut instauré. On assista alors à la manifestation d'un
sentiment qui pouvait s'exprimer sans entrave, et qui, dans sa forme intense,
devint pour ainsi dire une orgie d'émotions. À l'heure actuelle, il est probable
que la dévotion que l'on rencontre aux Indes parmi les adorateurs de Vishnu,
est encore plus grande que celle qui se voit chez les chrétiens, dont la
religion est de leur propre aveu basée sur le sentiment. Les démonstrations
auxquelles nous assistons aux Indes sont souvent embarrassantes pour nous,
qui appartenons à des races moins expansives. J'ai vu des hommes d'affaires
qui d'ordinaire paraissaient durs, se jeter dans des dévotions extatiques qui
les poussaient à éclater en sanglots et à se transformer complètement, en
entendant prononcer le nom de l'enfant Sri Krishna. Tout ce que les chrétiens
des nations occidentales éprouvent pour l'enfant Jésus, est également
ressenti par les Indous pour l'enfant Krishna.
Tel fut l'effet que la dévotion produisit sur une religion qui tout d'abord
n'avait pas le caractère dévotionnel. Le Bouddhisme n'est pas non plus une
croyance qui s'appuie sur la dévotion. L'indouisme donna la religion
Bouddhiste à la quatrième grande race, et le cycle dévotionnel de cette race
ne coïncide pas nécessairement avec le nôtre. Cette religion n'attache pas
d'importance à la prière ; elle enseigne à ses croyants que Dieu, dans la
mesure où elle admet son existence, connait beaucoup mieux nos besoins
que nous ne pouvons le faire, qu'il est donc inutile de prier, d'essayer de Le
fléchir, car Il agit infiniment mieux qu'aucun homme ne peut le concevoir.
Les Bouddhiste de Birmanie disent : "La Lumière [216] infinie existe, mais
elle n'est point pour nous. Nous l'atteindront un jour ; en attendant, nous
devons suivre les enseignements de notre Seigneur, et veiller à
l'accomplissement des préceptes qu'il nous a donné."
Ce n'est pas qu'ils ne reconnaissent pas Dieu, mais ils le placent si haut,
sur un plan si éloigné du nôtre, ils sont tellement convaincus de son
existence sur ce plan incognescible, qu'ils s'arrêtent à cette conception. Les
missionnaires prétendent qu'ils sont athées. J'ai vécu parmi eux et je les ai
fréquentés plus intimement que ne le font la majorité des missionnaires,
aussi j'ai l'impression qu'ils ne sont nullement enclin à l'athéisme, mais leur
sentiment de respect est trop grand pour leur permettre d'adopter une attitude
de familiarité avec Dieu, ou comme tant de croyants occidentaux de parler
de Lui sur un ton d'intimité, comme s'ils avaient la connaissance précise à
la fois de Son œuvre et de tout ce qu'il entreprend. Cette façon d'agir
paraitrait extrêmement irrévérencieuse à un oriental. Le Bouddhisme a subi
aussi le feu de la dévotion, et en Birmanie les fidèles de cette religion
adorent le Seigneur Bouddha presque comme un Dieu. Je me suis aperçu de
cette croyance lorsque j'écrivis un catéchisme pour les enfants bouddhistes.
Le Colonel Olcott publia le premier catéchisme bouddhiste destiné aux
enfants, mais le sens des réponses était difficile à saisir même pour des
personnes plus âgées. La nécessité d'écrire une introduction à l'usage de la
jeunesse nous apparut, et l'autre catéchisme, qui était le fruit, d'un
magnifique travail, fut réservé aux étudiants. Dans son livre, le Colonel
Olcott avait posé la question suivante : "Le Bouddha est-il un Dieu ?" à
laquelle il répondait :"Non, pas un Dieu, mais un homme comme nous,
seulement beaucoup plus élevé que nous ne le sommes." Cette réponse fut
pleinement accepté à Ceylan et au Siam, mais en arrivant en Birmanie, les
Bouddhistes nous firent des objections quant à cette interprétation négative.
"Il est plus grand, nous dirent-ils, qu'aucun Dieu dont nous ayons
connaissance." Le mot sanscrit pour Dieu est "Deva", et les Indous ne
donnent jamais au mot Dieu la même [217] signification que nous, à moins
qu'ils ne parlent d'Ishvara, ou bien de la Trinité : Shiva, Vishnou et Brahma.
Lorsque les missionnaires déclarent que les Indous ont trente-trois
millions de Dieux (ou trente millions et trois cents), le mot qui est employé
est "deva", et comprend un grand nombre d'êtres, tels que des anges, des
esprits de la nature, et d'autres encore ; mais ils ne les adorent pas plus que
nous ne le ferions. Ils connaissent leur existence et les classifient : c'est tout.
La dévotion a fait son apparition en Birmanie, mais à Ceylan, où les
habitants descendent pour la plupart d'immigrants indous, ils affirment, au
sujet des offrandes au Seigneur Bouddha, que c'est par reconnaissance pour
tout ce qu'il a fait pour eux. Lorsque nous leur demandâmes s'ils croyaient
que le Bouddha en était averti et s'il était satisfait, ils répondirent : "Oh non !
Il est entré très loin dans le Paranivâna ; nous n'espérons pas qu'Il le sache,
mais c'est à Lui que nous devons la connaissance de la Loi telle qu'Il nous
l'enseigna ; aussi nous perpétuons le souvenir de Son Nom, et nous lui
offrons des présents par sentiment de reconnaissance."
Cette vague de dévotion a puissamment influencé le monde depuis la
venue de l'Enfant Krishna, il y a deux mille quatre cents ans, mais l'intensité
caractéristique de la sixième phase a disparu, et le septième sous-cycle
prépare rapidement l'avènement du septième Rayon. La dévotion ignorante
se rencontre encore parmi les paysans de bien des nations aryennes ; mais
les individus qui ont acquis une culture supérieure ne se laissent pas
facilement gagner par ce sentiment à moins d'en comprendre l'objet. Il y eut
une phase qui joua un rôle dans la quatrième sous-race en particulier, dans
laquelle les fidèles se laissèrent aller à la dévotion envers tout ce qui de
nature à éveiller leurs émotions, tandis que le développement du mental
inférieur provoqua dans la cinquième sous-race une réaction vers
l'incrédulité. Cette nouvelle tendance ne fut pas plus satisfaisante que
d'autre, et maintenant elle est entrée dans le domaine du passé. Actuellement
les individus sont plus portés à faire des [218] recherches et à examiner les
croyances, qu'à les rejeter impitoyablement de prime abord.
Un double changement a lieu en ce moment, car en plus des
modifications suscitées par l'influence du Rayon, nous sommes
actuellement au début de la sixième sous-race, qui développera l'intuition et
la sagesse, et qui unira l'intelligence supérieure de la cinquième sous-race
aux émotions de la quatrième.
Le Rayon dont l'influence se fait déjà sentir, développera l'usage des
cérémonies, et comme il ne s'agira plus de la septième subdivision du
sixième Rayon, on ne les envisagera pas du point de vue de l'apparat, mais
plutôt en considérant leur utilité par rapport à la grande Évolution des Dévas.
Les êtres retireront un véritable bienfait de la compréhension de ces
cérémonies.
Dans nos régions, ces cérémonies jouent un rôle de plus en plus
important. En Angleterre, vers le milieu du siècle dernier, les églises et les
cathédrales n'occupaient qu'une vie insignifiante. L'église paroissiale de
campagne n'avait, en général, pas plus d'importance qu'une chapelle
appartenant à une secte dissidente ; on y trouvait par d'ornements, pas de
vitraux ni de décorations d'aucun genre ; tout y était extrêmement banal et
rudimentaire. On ne prêtait nulle attention à l'embellissement de ces lieux et
au respect qu'on leur doit, afin de les rendre dignes de Dieu et de son
service ; le seul souci absorbant consistait à prêcher, et encore en adoptant
surtout le point de vue pratique. À l'heure actuelle, nous ne trouverions plus
en Angleterre un seul de ces monuments dans l'état que je viens de décrire.
L'indifférence a fait place au respect, les églises ont été dans bien des cas
admirablement décorées, et dans beaucoup d'entre elles, ainsi que dans les
cathédrales, les cérémonies sont exécutées méticuleusement et avec
infiniment de dignité. Toute la conception du service religieux a été
modifiée.
L'influence du nouveau Rayon se fait encore sentir dans d'autres
directions. Nous voyons surgir une forme spéciale de la Franc-maçonnerie,
appelée la Maçonnerie [219] Mixte, qui diffère des autres groupes en ce sens
que la nécessité d'y admettre les femmes sur un pied d'égalité avec les
hommes a été reconnue. D'ailleurs, les idées modernes conduisent à mettre
la femme au même niveau que les hommes et lui accordent des droits égaux.
Les fondateurs de la Maçonnerie Mixte ne songèrent pas tout d'abord à
l'influence que pourrait exercer le Rayon, mais néanmoins le mouvement a
été dominé par la tendance actuelle vers toutes les formes de cérémonies. Je
me souviens que le cérémoniale, qui était fort simple dans les rues de
Londres pendant toute la grande partie du règne de la Reine Victoria,
recouvra un certain éclat pendant les dernières années de sa vie, et Edouard
VII lui restitua toute sa splendeur d'autrefois. Un grand nombre d'individus
commencent à ressentir l'influence du Rayon, et ils seront, comme ils ne
l'ont jamais été auparavant, mus par le désir de voir et même de participer à
ces cérémonies.
CHAPITRE XIII

LA TRINITE ET LES TRIANGLES

Nous savons que le Logos de notre système solaire – ce que la plupart


des hommes entendent lorsqu'ils parlent à Dieu – est une Trinité ; il a, ou
plutôt, Il est, Trois Personnes, Il fonctionne sous Trois aspects qui portent
dans les différentes religions bien des noms divers mais ne sont pas toujours
considérés de la même façon. Car ce puissant système qu'est la Trinité :
Père, Mère, Fils, qui, du moins, nous est compréhensible si nous pensons
aux méthodes de génération. Ainsi, trouvons-nous Osiris, Isis et Horus dans
l'enseignement égyptien, et Odin, Freya, Thor, dans la mythologie
scandinave. Les Assyriens et le Phéniciens croyaient à une Trinité dont les
Personnes étaient Anu, Ea et Bel, que les Druides nommaient Taulac, Fan
et Mollac. Dans le Bouddhisme du Nord, on nous parle d'Amitâbha,
Avalokitésvara et Manjusri. Dans la Kabale Juive les Trois sont Keter,
Binah, Chokma, et dans la religion de Zoroastre, Ahuramazda, Mithra et
Ahriman. Le principe de la Trinité est donc reconnu bien que les
manifestations en soient différentes.
Dans le grand système Indou, il y a la Trinité de Shiva, Vishnou et
Brahma où ne se trouve pas l'élément Mère mais où il est cependant reconnu
indirectement puisqu'il est dit de chacun de ces Trois qu'Il a un Shakti ou
Pouvoir, parfois nommé dans le symbolisme son "Consort" ou son épouse.
Ceci est évidemment une manifestation de son pouvoir dans la matière,
peut-être une manifestation quelque peu inférieure à celle à laquelle nous
pensons lorsque nous parlons de la Trinité même. Dans le système chrétien,
nous avons la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, et à ce propos il est
intéressant [221] de remarquer que dans les anciens livres le Saint-Esprit est
très clairement mentionné comme étant féminin.
Une semblable Trinité existe dans le cas de Logoï supérieurs et plus
grands ; et bien loin, bien au-delà de tout ce que nous pouvons savoir ou
imaginer, il y a bien l'Absolu, dont la présentation est aussi une Trinité. À
l'autre bout de l'échelle, nous trouvons dans l'homme une Trinité : son esprit,
son intuition et son intelligence, représentant les qualités triples de la
volonté, la sagesse ou connaissance et l'activité. Cette trinité dans l'homme
est une image de cette autre plus grande Trinité et pourtant elle est bien plus
encore qu'une image. Elle n'est pas seulement symbolique des Trois
Personnes du Logos, mais aussi, d'une manière impossible à comprendre
dans la conscience physique, elle est une réelle expression et une réelle
manifestation de ces Trois Personnes à ce niveau inférieur.
De même que le Logos est une Trinité, le Gouvernement Occulte du
monde réside en trois grands départements, sous la direction de trois
puissants Chefs. Ceux-ci ne sont pas simplement des reflets des trois aspects
du Logos, mais en sont, d'une manière très réelle, de véritables
manifestations. Ce sont le Seigneur du Monde, le Seigneur Bouddha et le
Mahâchohan, qui ont atteint des degrés dans l'Initiation leur conférant la
conscience de veiller sur les plans de la nature au-delà du champ d'évolution
de l'humanité où siège le Logos manifesté 16.. Le Seigneur du Monde est un
avec le premier Aspect sur le plus élevé de nos sept plans et administre la
Volonté divine sur terre ; le Bouddha est uni au deuxième Aspect qui réside
sur le plan Anupadaka, et envoie la Sagesse divine d'en haut sur l'humanité ;
le Mahâchohan est absolument un avec le troisième Aspect qui réside sur le
plan nirvânique et exerce l'Activité Divine, représentant le Saint-Esprit. Il
est bien réellement le Bras du Seigneur étendu sur le monde pour y faire son
œuvre. Le tableau suivant le fera comprendre : [222]
Logos Pouvoirs Plans de la Triangle des Rayons
divins Nature Agents
1er Aspect Volonté Adi ou ce qui Le Seigneur 1
crée. du Monde
2e Aspect Sagesse Anupadaka ou Le Seigneur 2
Monadique Bouddha.
3e Aspect Activité Atmique ou Le 3
spirituel Mahâchohan

Tableau 4 – Le Triangle des Agents des Rayons

Le premier et le deuxième membre de ce grand Triangle diffèrent du


troisième en ce qu'ils sont engagés dans un travail d'un tel caractère qu'il ne
descend pas sur le plan physique mais seulement sur le niveau du corps
bouddhique en ce qui concerne le Seigneur Bouddha et sur le plan atmique
pour le grand Agent du Premier Aspect. Cependant aucun travail ne serait
possible sur les plans inférieurs sans leur travail supérieur, aussi ont-ils

16
Voir Étude sur la Conscience, par A. Besant.
pourvu à la transmission de leur influence jusqu'au niveau le plus bas par le
moyen de leurs représentants, le Manou Vaïvasvata et le Seigneur Maitreya
respectivement.
Ces deux grands Adeptes se trouvent parallèles avec le Mahâchohan sur
leurs Rayons respectifs, tous deux ayant passé l'Initiation qui porte ce nom ;
ainsi est formé un autre Triangle pour administrer les pouvoirs du Logos
jusqu'en bas, au plan physique. Nous pouvons exprimer les deux Triangles
en un seul diagramme (voir ci-dessous).
Pendant la période entière d'une race-racine, le Manou établit les détails
de son évolution et le Boddhisattva ou Instructeur du Monde, directeur de
l'éducation et de la religion accorde son aide aux membres de cette race-
racine pour qu'ils développent telle spiritualité qui leur est possible à ce
stade, tandis que le Mahâchohan dirige l'intelligence des hommes de façon
que la culture générale et la civilisation s'étendent suivant le plan cyclique.
Voilà la Tête et le Cœur, et la Main avec ses cinq [223] Doigts tous actifs
dans le monde, modelant la Race en un être organique, l'Homme Céleste.
Ce mot n'est pas simplement une comparaison mais il exprime bien un
fait réel car, à l'issue de l'effort de chaque race-racine, ceux qui ont atteint
l'Adeptat pendant son cours forment un organisme puissant qui est
véritablement un, l'Homme Céleste en qui se trouvent, comme dans l'homme
terrestre sept grands centres dont chacun est un puissant Adepte.

Diagramme 2 – Les deux Triangles des grands Agents sur


Terre
Le Manou et le Bodhisattva occuperont dans ce grand Être la place des
centres du cerveau et du cœur. Nous, nous serons leurs serviteurs, étant en
eux, faisant partie d'eux, glorieusement un avec eux, et cette splendide
totalité continuera jusqu'à ce que, à sa prochaine évolution, elle devienne le
Régent de quelque future Divinité solaire. Cependant tellement au-dessus
de toute compréhension est la merveille de ces choses, que l'union avec
d'autres ne gêne en rien la liberté d'aucun [224] Adepte dans l'homme
Céleste et ne l'empêche nullement d'agir tout à fait en dehors de ses limites.
Jusqu'à une époque récente ce n'était pas la règle que la fonction du
Mahâchohan soit remplie par un Adepte de ce grade. Habituellement chacun
des cinq Chohans était nommé à son tour à la direction des cinq Rayons,
mais il fallait qu'auparavant il passât l'Initiation de Mahâchohan. À présent
nous trouvons un Chohan à la direction de chacun des cinq Rayons, ainsi
qu'un Mahâchohan distinct de tous les autres.
Seigneur
du
Monde
Initiations possible sur le 1er et le 2e Rayons
I seulement
N Plus Pratyeka
I élevées Boudha Buddha
T
I
A Manou Bodhisattva Mahâchohan
T
I 6 Chohan Chohan Chohan Chohan Chohan Chohan Chohan
O 5 Asekha Asekha Asekha Asekha Asekha Asekha Asekha
N 4
S
3 1er 2e 3e 4e 5e 6e 7e
2 Rayon Rayon Rayon Rayon Rayon Rayon Rayon

Tableau 5 – Initiations possibles sur les Rayons


Sur ces cinq Rayons, de trois à sept l'Initiation de Mahâchohan est la
plus élevée que l'on puisse atteindre sur notre globe. Mais il est possible de
monter plus haut que le premier et le second Rayon ainsi qu'il est indiqué
dans le tableau d'Initiation ci-dessus, où l'on verra que l'Initiation de
Bouddha est possible sur le second et le premier Rayon et que sur celui-ci
l'Adepte peut aller plus loin encore.
Afin que l'on ne puisse pas croire qu'il y ait là [225] quelque injustice,
nous devons bien insister sur le fait que le nirvâna peut être atteint aussi bien
sur un Rayon que sur un autre ; quand il est parvenu au niveau Asekha, un
homme est immédiatement libre de jouir de cet état pendant une période qui
nous paraitrait une éternité, mais il n'en connait que le premier état. Celui-
ci est bien au-delà de tout ce que nous pouvons comprendre, et cependant
bien au-dessous des états plus élevés atteints respectivement par le Chohan
et le Mahâchohan. Ceux-ci mêmes palissent devant la gloire de ces divisions
de l'état nirvânique auxquels parviennent ceux des Adeptes qui font
l'immense effort nécessaire pour passer pendant la vie terrestre les
Initiations encore plus élevées du premier et du deuxième Rayon.
La possibilité de changer de Rayon, par la ferme volonté de la faire,
laisse tous les sentiers ouverts devant l'étudiant. On sait que les deux Maitres
les plus intimement liés à la Société Théosophique ont fait cet effort, et ceux
d'entre nous qui désirent leur rester unis en tant qu'individus font
certainement aussi en ce moment le même effort, consciemment ou nom. Le
moyen d'effectuer le transfert est bien simple en théorie, quoique très
difficile parfois à mettre en pratique. Lorsqu'un étudiant qui est sur le
sixième Rayon, ou Rayon dévotionnel, veut se transférer sur le deuxième
Rayon, celui de la connaissance, il faut d'abord qu'il s'efforce de se placer
sous l'influence de la seconde subdivision de son propre sixième Rayon.
Ensuite, il essaiera assidument jusqu'à ce qu'elle y domine entièrement. De
cette manière, au lieu d'être sur la seconde subdivision du sixième Rayon il
se trouvera sur la sixième du second Rayon ; en un mot il aura tempéré sa
dévotion en accroissant sa connaissance jusqu'à ce que cette dévotion soit
devenue la dévotion de la Sagesse ou Connaissance Divine. De là il peut
encore, s'il le désire, se transférer sur quelque autre subdivision du second
Rayon, par un effort suffisamment énergique et constant.
Évidemment nous nous départons ici du règlement habituel, car une
monade qui descend par et à travers un [226] Esprit planétaire s'en
retournera par un autre. Ces changements-là sont assez rares mais, en fin de
compte, aboutissent à un équilibre satisfaisant. Les transferts se font
habituellement sur le premier et le second Rayon, et il s'y trouve
relativement peu de personnes aux degrés inférieurs d'évolution.
L'unité merveilleuse des membres de ces Triangles avec le Logos
s'explique très bien par le cas du Bodhisattva. Nous avons vu que l'union
d'élève à Maitre est plus intime que n'importe quel lien imaginable sur la
Terre, plus intime encore parce qu'à un niveau plus élevé était le lien qui
unissait le Maitre Kuthumi à son Instructeur, le Maitre Dhruva qui, à son
tour, devint l'élève du Seigneur Maitreya à l'époque où celui-ci prit des
élèves. De cette façon le Maitre Kuthumi fut un avec le Seigneur Maitreya
et comme leur unité sur le plan est plus parfaite encore, le Maitre Kuthumi
est un avec le Bodhisattva d'une manière absolument parfaite.
Les Adeptes nous paraissent tellement loin au-dessus de nous, que nous
pouvons à peine distinguer une différence quelconque dans la splendeur
propre aux degrés inférieurs et aux degrés supérieurs. Ce sont autant
d'étoiles au-dessus de nous, et cependant ils disent d'eux-mêmes qu'ils sont
de la poussière sous les pieds du Seigneur Maitreya. Il doit donc y avoir là
une énorme différence qui nous échappe. Nous contemplons ces hauteurs
prodigieuses où tout nous parait d'une éblouissante et égale splendeur sans
que nous puissions distinguer si l'un dépasse l'autre 17. Il nous est possible,
tout au moins de comprendre que l'unité réalisée par le Maitre Kuthumi avec
le Seigneur Maitreya doit être bien plus grande, bien plus réelle que tout ce
qui est imaginable sur les plans inférieurs.
Plus encore, le Bodhisattva s'unit avec la seconde personne du Logos
qu'il représente. Il a assumé la fonction de Le représenter sur la terre, et c'est
là ce qu'il faut entendre par l'union hypostatique du [227] Christ en tant que
Dieu avec le Christ en tant qu'homme. Car lui, le Bodhisattva, Celui qu'en
Occident nous appelons le Christ, est la connaissance-intuition, le
représentant et l'expression de la Seconde Personne de la Sainte-Trinité.
C'est là que réside le mystère des deux natures du Christ qui, bien qu'Il soit
à la fois Dieu et Homme, cependant n'est pas deux, mais un seul, Christ-Un,
non parce qu'Il a fait chair sa Divinité mais parce qu'Il a pris son humanité
dans sa Divinité.

17
Par l'étendu de l'aura, toutefois, on pourrait mesurer ces différences…
Diagramme 3 – Les Trois Aspects du Logos
La seconde Personne de la Très Sainte Trinité n'existait depuis bien des
siècles avant que le Seigneur Maitreya vînt en évolution ; et la première
descente de cette Seconde Personne en incarnation se fit lorsque, à la
seconde effusion de vie, il prit les véhicules de sa manifestation dans la
matière vierge de son nouveau système Solaire, déjà imprégné et vivifié par
Dieu le Saint-Esprit. Quand cela a été fait, nous avons pour la première fois
le Christ non manifesté opposé au Christ manifesté, et même alors il devait
être vrai que le Christ, en tant que Dieu était, dans un sens, plus grand que
Christ en tant qu'homme. À mesure que les Bodhisattva qui doivent
représenter la Seconde Personne sur différentes planètes de son système,
atteignent un par un la direction de leur Rayon, ils deviennent à leur tour si
complètement un avec lui qu'ils méritent le titre de Christ comme homme,
et de cette façon, au moment de la consommation d'une telle Initiation
l'union hypostatique a lieu pour chacun d'eux.
Ce second Aspect du Logos se déverse d'en haut dans la matière, y est
incarné, se fait homme ; il est par conséquent "égal au Père en ce qui
concerne Sa Divinité, et inférieur au Père en ce qui concerne son humanité"
ainsi qu'il est dit dans le Crédo d'Athanase.
Notre Seigneur, le Bodhisattva a été un homme comme nous et est
encore homme, quoique Homme parfait ; cependant cette humanité a été si
bien recueilli dans la Divinité qu'il est, en vérité, le réel Christ,
représentation du second Aspect de la Trinité ; car en Lui et par Lui il est
possible pour nous d'atteindre ce divin Pouvoir. C'est pourquoi il est dit du
Christ qu'il est le Médiateur entre [228] Dieu et l'homme ; cela n'est pas
parce qu'il nous rachète de quelque horrible châtiment, ainsi que le croient
bien des chrétiens orthodoxes, mais parce qu'il est en vérité un Médiateur,
Celui qui se tient entre le Logos et l'homme, que celui-ci peut voir, et par
qui le pouvoir de la Divinité se déverse sur l'humanité. Il est bien, par
conséquent, le Chef de toutes les religions à travers lesquelles nous
parviennent ces bénédictions.
CHAPITRE XIV

LA SAGESSE DANS LES TRIANGLES

Le Bouddha de l'époque actuelle est le Seigneur Gautama qui prit


naissance pour la dernière fois en Inde, il y a à peu près deux mille cinq
cents ans, et dans cette incarnation-là finit les séries de ses vies comme
Bodhisattva. Il succéda au précédent Bouddha Kasyapa dans la fonction de
Chef du deuxième Rayon de la Hiérarchie occulte de notre globe. Le récit
de sa vie de Siddhârta Gautama a été magnifiquement écrit par Sir Edwin
Arnold dans la Lumière de l'Asie, un des poèmes les plus beaux, les plus
sublimes de la langue anglaise. Sept Bouddha apparaissent successivement
pendant une période mondiale, un pour chaque race ; et chacun dirige à son
tour le travail spécial du deuxième Rayon pour le monde entier, lui-même
se consacrant à la partie qui concerne les mondes supérieurs, tandis qu'il
confie à son représentant, le Bodhisattva, la fonction d'Instructeur du monde
sur les plans inférieurs. Les écrivains orientaux ne trouvent point de
louanges assez forts, ni de dévotion assez profonde pour Celui qui atteint
cette position, et de même que nous considérons comme quasi-divins dans
leur sagesse et leur bonté, ces Maitres vers qui s'élèvent nos regards, de
même à un degré bien plus élevé placent-ils le Bouddha précédent ayant été
le produit d'autres évolutions, et il fallait qu'il fît un effort tout spécial pour
se préparer à cette dignité. C'est de cet immense effort que parlent
constamment les Bouddhistes comme du Grand Sacrifice, du
Mahâbhinishkramana.
Il y a des milliers d'années, le besoin se fit sentir de choisir parmi les
Adeptes l'Instructeur du monde pour la quatrième race-racine, car le temps
était venu où l'humanité devait être apte à fournir son propre Bouddha.
Jusqu'à la moitié de la quatrième ronde de la quatrième incarnation de notre
chaine (point central du plan [230] d'évolution auquel nous appartenons),
les grands Adeptes dont on avait besoin, Manou, Instructeurs du monde,
étaient fournis à notre humanité par des humanités plus avancées, faisant
partie d'autres chaines ayant progressé davantage, et plus anciennes ; nous-
mêmes qui avons été aidés ainsi, nous aurons plus tard le privilège de
pourvoir à d'autres plans d'évolution moins avancés. De cette manière est
démontrée la fraternité réelle de tout ce qui vit ; et nous voyons qu'il ne s'agit
pas simplement d'une fraternité de l'humanité ou même de la vie qui existe
sur cette chaine de mondes, mais que toutes les chaines du système solaire
réagissent l'une sur l'autre et s'entraident l'une, l'autre. Bien que je n'aie
aucune preuve que les systèmes solaires aussi s'entraident de cette manière,
j'imagine cependant, par analogie, qu'il doit en être de même. J'ai du moins
vu des visiteurs venus d'autres systèmes, comme je l'ai déjà dit, et j'ai
remarqué qu'ils ne voyagent pas seulement pour le plaisir, mais qu'ils sont
sur notre système dans une intention bien définie. Ce qu'est cette intention,
je l'ignore…et d'ailleurs ce n'est pas mon affaire.
À l'époque reculée dont nous avons parlé, l'humanité aurait dû
commencer à fournir ses propres Instructeurs, mais il nous est dit qu'aucun
n'avait encore atteint le niveau requis pour pouvoir assumer une si énorme
responsabilité. Les premiers fruits de l'humanité étaient alors deux Frères
également développés sous le rapport occulte ; l'un, celui que nous appelons
maintenant le Seigneur Gautama Bouddha, et l'autre, notre grand Instructeur
actuel, le Seigneur Maitreya. Quelles qualités leur avaient manqué ? Nous
ne le savons pas mais, dans son grand amour pour l'humanité, le Seigneur
Gautama s'offrit immédiatement à se préparer pour entreprendre n'importe
quel effort nouveau nécessaire pour atteindre le développement désiré. La
tradition nous apprend que, vie après vie, il s'adonna à la pratique de vertus
spéciales, chaque vie lui assurant la possession de quelque grande vertu.
Les Bouddhistes ont parlé dans leurs livres sacrés de grand sacrifice du
Bouddha, mais ils sont loin d'en avoir compris la nature, puisque pour
beaucoup il aurait [231] consisté dans la descente du Seigneur Bouddha des
plans nirvânique, après son illumination, pour enseigner sa Loi. Il est bien
vrai qu'il est descendu ainsi, mais cela n'était pas un sacrifice, c'était un
genre de travail ordinaire et sans agrément. Le grand sacrifice qu'il a fait est
d'avoir passé des milliers d'années à se rendre capable de devenir le premier
de l'humanité à aider ses frères en leur enseignant la sagesse qui est la vie
éternelle. Voilà, ce qu'il a fait, et noblement fait. Nous connaissons
quelques-unes de ses diverses Incarnation en qualité de Bodhisattva de son
époque, mais il peut y en avoir beaucoup que nous ignorons. Il a été Vyasa,
Hermès le trois fois grand, celui que dans l'ancienne Égypte on a appelé le
Père de toute sagesse ; le premier des vingt-neuf Zoroastres, Instructeurs de
la religion du feu ; plus tard il a vécu, Orphée, parmi les Grecs, les instruisant
par le moyen de la musique et du chant. Finalement il a pris naissance pour
la dernière fois dans l'Inde, et, parcourant la vallée du Gange dans tous les
sens, il a prêché sa Loi, attirant, autour de lui tous ceux qui, dans les vies
antérieures avaient été ses disciples.
D'une manière que nous ne pouvons pas espérer comprendre encore, il
y eut dans l'œuvre du Seigneur Bouddha certains points que probablement
il n'a pas eu le temps de perfectionner absolument, à cause de la grande
tension de ces nombreux siècles d'effort. Il ne saurait être question de faute
ou d'échec à un tel niveau, mais peut-être la tension dans le passé avait été
trop grande, même pour un pouvoir tel que le sien. Nous ne pouvons pas le
savoir, mais c'est un fait qu'il y eut certaines questions de second ordre
auxquelles il ne put donner toute son attention et, en conséquence, la vie
postérieure du Seigneur Gautama n'a pas pu être tout à fait semblable à celle
de ses prédécesseurs. Je l'ai déjà dit, d'habitude, lorsqu'un Bodhisattva a
vécu sa vie finale et est devenu Bouddha, lorsqu'il est entré dans sa gloire,
"portant avec lui ses gerbes", comme l'expriment les Écritures chrétiennes,
il passe entièrement à son successeur son œuvre extérieure et se consacre
lui-même à ses travaux pour [232] l'humanité sur les plans supérieurs.
Quelles que puissent être les nombreuses activités d'un Dhyani Bouddha,
elles ne le ramènent plus sur terre par la naissance, mais, à cause de
circonstances particulières apparues dans la vie du Seigneur Gautama, deux
différences prirent place et deux actions supplémentaires furent accomplies :
Premièrement, le Seigneur du Monde, le grand Roi, l'Unique Initiateur,
envoya l'un de ses trois élèves, qui sont tous Seigneurs de la Flamme venus
de Vénus, prendre une incarnation terrestre presque immédiatement après
que le Seigneur Gautama eut atteint l'état de Bouddha, afin que, pendant une
très courte existence passée à parcourir l'Inde, il puisse y établir certains
centres de religions nommés :matha. Dans cette incarnation il s'appela
Shankarâchârya, non pas celui qui écrivit les commentaires, mais le grand
fondateur de cette lignée, qui vécut il y a plus de deux mille ans.
Srî Shankarâchârya fonda une école de philosophie indoue, ranima
l'Indouisme dans une grande mesure, redonnant une nouvelle vie à ses
formes et rassemblant un grand nombre des enseignements du Bouddha.
Quoique de bien des manières l'Indouisme aujourd'hui soit loin de son
idéal élevé, c'est une foi bien plus vivante qu'à l'époque ancienne de la venue
du Bouddha, alors qu'il avait dégénéré dans un système de formalisme. C'est
à Srî Shankarâchârya qu'est largement due la disparition des sacrifices
d'animaux ; on en offre encore dans l'Inde, mais ils sont rares et sur une bien
plus petite échelle. En plus de son enseignement sur le plan physique, Srî
Shankarâchârya accomplit un travail occulte par rapport aux plans
supérieurs de la nature, d'une importance considérable pour la vie ultérieure
de l'Inde.
Le second acte supplémentaire dont il a été question plus haut, fut
entrepris par le Seigneur Gautama lui-même. Au lieu de se consacrer
entièrement à une autre œuvre plus élevée, il est resté suffisamment en
contact avec son monde pour que l'invocation de son successeur puisse
l'atteindre si c'est nécessaire, de sorte qu'il est [233] possible d'obtenir
encore ses conseils et son aide dans un cas urgent. Il se chargea également
de revenir dans le monde une fois par an, le jour anniversaire de sa mort, et
d'y répandre un flot de bénédictions.
Le Seigneur Bouddha possède son propre type spécial de force, qu'il
répand en donnant sa bénédiction au monde, et cette bénédiction est une
chose unique et vraiment merveilleuse, car par son autorité et sa position,
un Bouddha a l'accès à des plans de la nature qui demeurent complètement
au-delà de notre atteinte. C'est pourquoi il peut transmuter et faire descendre
à notre niveau les forces particulières à ces plans. Sans cette médiation du
Bouddha, ces forces ne nous seraient d'aucun secours dans la vie physique ;
les vibrations en sont tellement extraordinaires et si incroyablement rapides
que, quel que soit le niveau auquel nous puissions atteindre, elles nous
traverseraient sans que nous y soyons sensibles et nous en ignorerions
complètement l'existence. Mais, au lieu de cela, la force de la bénédiction
se répand sur le monde entier et trouve immédiatement des canaux à travers
lesquels elle s'écoule, tout comme l'eau trouve immédiatement un conduit,
fortifiant de cette façon tout bon travail et apportant la paix aux cœurs qui
sont capables de la recevoir.
Le moment choisi pour cette ineffable effusion est le jour de la pleine
lune du mois indien de Vaïsakh (qui correspond habituellement au mois de
mai) ; c'est l'anniversaire des évènements les plus marquants de sa dernière
vie terrestre – sa naissance, l'instant où il atteignit l'état de Bouddha et son
départ du plan physique.
En rapport avec cette visite, et entièrement à part de son immense
signification ésotérique, une cérémonie exotérique est accomplie sur le plan
physique durant laquelle le Seigneur apparait devant une foule de pèlerins ;
ceux-ci se prosternent tous au moment où il apparait, mais cela peut-être
seulement par imitation du geste des Adeptes et de leurs disciples qui, eux
voient le [234] Seigneur. Il semble probable que quelques-uns des pèlerins
l'ont vu par eux-mêmes, car l'existence de la cérémonie est très connue
parmi les Bouddhistes de l'Asie Centrale, et on en parle comme de
l'apparition de l'Ombre, ou réflexion du Bouddha – cette tradition est
acceptée comme un fait certain. Autant que nous sachions, il n'y a aucune
raison pour qu'une personne quelconque arrivant dans le voisinage à ce
moment, ne puisse être présentée à cette cérémonie. Aucun effort apparent
ne semble être fait pour restreindre le nombre de spectateurs, quoique, à la
vérité, on entende parler de groupes de pèlerins qui auraient erré durant des
années sans pouvoir trouver l'endroit.
Tous les membres de la Fraternité Blanche – sauf le Roi lui-même et
ses trois Disciples – se rendent d'ordinaire à cette cérémonie, et il n'existe
aucune raison pour que nos membres sérieux ne soient pas présentés dans
leurs corps astrals. Ceux auxquels le secret a été confié essaient d'habitude
de s'arranger de manière à dormir une heure environ le moment exact de la
pleine lune, et à ne pas être dérangé pendant l'heure suivante.
L'endroit choisi est un petit plateau entouré de montagnes peu élevées,
sur la pente nord de l'Himalaya, non loin de la frontière du Népal, à 400
milles environ de Lhassa. Cette petite plaine est de forme oblongue, ayant
peut-être un mille et demi en longueur et un peu moins en largeur. Le sol
s'incline légèrement du sud au nord, il est généralement stérile et pierreux.
Par endroit, il est cependant recouvert d'un gazon rude et d'une végétation
rabougrie ; un ruisseau descend du côté ouest du plateau, traverse le coin
nord-ouest et s'échappe au milieu du côté nord, par un ravin couvert de pins,
et finalement se jette dans un lac que l'on aperçoit à quelques milles de là.
La contrée environnante parait sauvage et inhabitée ; aucune habitation n'est
visible, sauf sur le penchant de l'une des collines, à l'est de la plaine, seule
s'élève une stupa en ruine entourée de quelques huttes. Au centre de la partie
sud se trouve un énorme bloc de pierre gris [235] blanchâtre veinée d'une
substance brillante, bloc formant comme un autel d'environ 3,60 m de long,
1,80 m de large et 0,90 m de hauteur.
Illustration 3 – La plaine de Wesak

Quelques jours avant le moment choisi, une grande quantité de tentes


d'une apparence bizarre, la plupart noires, dont le nombre va toujours
croissant, apparaissent sur les bords du ruisseau et au pied des collines
environnantes, cet endroit, autrement si désolé, est animé [236] par les feux
des campements d'une grande multitude. Beaucoup de ces hommes viennent
des tributs nomades de l'Asie Centrale et quelques-uns même du Nord
lointain. Le jour précédant la pleine lune, tous ces pèlerins prennent leurs
vêtements pour se préparer à la cérémonie.
Quelques heures avant la pleine Lune, tous se réunissent dans la partie
nord, la plus basse de la plaine, et s'asseyent par terre tranquillement et avec
ordre, ayant toujours soin de laisser un espace considérable devant le grand
autel de pierre. Généralement quelques Lamas sont présents et profitent, à
l'ordinaire, de cette occasion pour s'adresser au peuple. Environ une heure
avant le moment où la lune sera pleine, les visiteurs astrals commencent à
arriver, et, parmi eux, les membres de la Fraternité.
Quelques-uns de ceux-ci se matérialisent de manière à être vus par les
pèlerins, et sont reçus avec des génuflexions. Souvent nos Maitres et même
de plus grands Êtres, condescendent, en cette occasion, à converser d'une
manière amicale avec leurs disciples et ceux qui sont désignés pour le faire,
préparent le grand autel de pierre pour la cérémonie en le couvrant des plus
admirables fleurs et en plaçant à chaque angle de grandes guirlandes du
Lotus sacré. Au centre est placée une magnifique coupe d'or ciselé pleine
d'eau, et devant elle un espace est laissé libre parmi les fleurs.
Environ une demi-heure avant la pleine lune, à un signal donné par le
Mahâchohan, les membres de la Fraternité s'avancent simultanément dans
l'espace ménagé au centre de la plaine, au nord du grand autel de pierre et
tous tournés vers l'intérieur, forment un large cercle formé de trois cercles
concentriques, [237] l'anneau extérieur étant composé des plus jeunes
membres la Fraternité et les plus grands Dignitaires occupant certains points
du cercle intérieur.
Quelques versets des Écritures Bouddhistes sont alors chantés en pali,
et lorsque les voix meurent dans le silence, le Seigneur Maitreya se
matérialise au centre du cercle, tenant en ses mains le Sceptre du Pouvoir.
Illustration 4 – Le Sceptre de Pouvoir

Ce merveilleux symbole est, en quelque sorte, un centre


physique ou point d'appui pour les forces déversées par le Logos
planétaire, et fut magnétisé par lui, il y a des millions d'années,
quand, pour la première fois, Il projeta la vague de vie humaine
autour de notre chaine de globes. On nous dit que c'est le signe
physique de l'attention concentrée du Logos et il est transporté de
planète en planète, suivant que son attention va de l'une à l'autre –
c'est-à-dire là où se trouve le théâtre central de l'évolution – et que,
lorsqu'il quittera cette planète pour la suivante, notre Terre tombera
dans une sorte d'inertie. Nous ne savons pas s'il est également
transporté sur des planètes non-physiques, nous ne comprenons pas
la manière dont il en est fait usage, ni la part qu'il joue dans
l'économie du monde. Ce sceptre est généralement détenu par le
Seigneur du Monde à Shamballa et, autant que nous pouvons le
savoir, il ne sort de ses mains qu'à cette seule occasion : la Fête de
Vaïsakh. C'est une [238] barre ronde de ce métal aujourd'hui perdu,
l'orichalcum, d'environ 0,60 m de long et de 0,05 m de diamètre ; à
chaque extrémité, un énorme diamant ayant la forme d'une boule de
laquelle part un cône. Il a l'étrange apparence d'être toujours entouré
d'un feu, d'avoir une aura de flamme brillante et transparente. Nul
autre que le Seigneur Maitreya ne peut le toucher pendant la
cérémonie.
Aussitôt que celui-ci se matérialise au centre du cercle, Adepte
et Initiés s'inclinent gravement devant lui, et un autre verset est
chanté. Après cela, d'autres versets étant entonnés, les anneaux
intérieurs se divisent en huit parties, de façon à former une croix dans
le cercle intérieur, le Seigneur Maitreya s'avançant de façon à se
placer au sommet qui se trouve proche de l'autel. Sur cet autel, dans
l'espace laissé libre par la Coupe d'or, le Seigneur Maitreya dépose
avec révérence le Sceptre du Pouvoir, tandis que derrière lui, le
cercle se modifie et devient une figure courbe, tous faisant face à
l'autel. Ensuite, la figure courbe devient un triangle renversé, représentation
du signe bien connue de la Société Théosophique, à l'exception du serpent
qui l'entoure. Cette figure, à son tour, se transforme en l'étoile à cinq
branches, le Seigneur Maitreya occupant la pointe sud la plus proche de
l'autel de pierre, et les autres grands Dignitaires ou Chohans, les cinq pointes
où les lignes s'interceptent.
Illustration 5 – Figures Symboliques

Une représentation des figures symboliques est tracée ci-dessus,


plusieurs d'entre elles n'étant pas commodes à décrire.
Quand ce septième et dernier stade est atteint, les chants cessent et,
après quelques instants de silence solennel, le Seigneur Maitreya prenant de
nouveau en ses mains le Sceptre du Pouvoir et l'élevant au-dessus de sa tête,
prononce, par quelques mots sonores en pâli : "Tout est prêt, Maitre, viens !"
Pendant qu'il abaisse le Sceptre de feu à l'heure exacte de la pleine lune,
le Seigneur Bouddha apparait comme une figure gigantesque, flottant dans
l'espace, au-dessus [239] des collines du sud. Les membres de la Fraternité
s'inclinent en joignant les mains, et la multitude derrière eux se prosterne la
face contre terre, tandis que les autres chantent les trois versets enseignés
par le Seigneur lui-même, pendant sa vie terrestre au petit écolier Chatta :
"Le Seigneur Bouddha, le Sage des Sakyas, est parmi
l'humanité le meilleur des Instructeurs. Il a fait ce qui
devait être fait, et abordé sur l'autre rive (Nivârna). Il est
plein de force et d'énergie.
En lui, le Béni, je prends refuge.
La Vérité est immatérielle, elle apporte la libération de la
passion, du désir et la peine ; elle est libre de toute
souillure, elle est douce, claire et logique.
En cette Fraternité des nobles Êtres, je prends refuge."
Alors les assistants se lèvent et fixent leurs regards vers le Seigneur,
tandis que la Fraternité chante pour le bénéfice du peuple les nobles paroles
de la Mahâmangal Sutta, que le professeur Rhys Davids a ainsi traduites :
"Dans leur aspiration vers le bien, dévas et hommes en nombre
Ont regardé comme des bienfaits diverses choses ;
Mais toi, ô Maitre, dis-nous
Quel est donc le plus grand bienfait ?

Ne pas servir l'insensé


Mais servir le sage ;
Honorer ceux qui, de l'honneur, sont dignes ;
Voilà le plus grands des bienfaits.

Une grande connaissance et une grande éducation,


La maitrise de soi et un esprit instruit,
Des paroles aimables bien dites
Voilà le plus grand des bienfaits.

[240] Faire vivre père et mère,


Chérir femme et enfant,
Avoir un métier pratique
Voilà le plus grands des bienfaits.

Faire l'aumône et vivre avec droiture,


Aider ses proches,
Ne point commettre d'actions blâmables,
Voilà le plus grands des bienfaits.

Abhorrer le péché et cesser de le commettre,


S'abstenir de boissons capiteuses,
Ne se point lasser de bien faire ;
Voilà le plus grand des bienfaits.
Être tolérant et doux,
S'associer avec des paisibles,
En temps opportun parler religion ;
Voilà le plus grand des bienfaits.

Se contraindre et rester pur,


Connaitre les quatre grandes Vérités,
Bien comprendre Nirvâna ;
Voilà le plus grand des bienfaits.

Dans les vicissitudes de l'existence,


L'âme qui reste ferme,
Sans passion, sans chagrin, sure ;
Voilà le plus grand des bienfaits.

Invincible de toutes parts,


Est celui qui agit ainsi ;
Partant, il marche en sureté.
Et le plus grand des bienfaits est sien."
La forme qui flotte au-dessus des collines est d'énorme taille, mais
reproduit exactement les traits et la forme du corps dans lequel le Seigneur
passa sa dernière vie terrestre. Il apparait assis, les jambes croisées et les
[241] mains jointes, vêtu de la robe jaune des moines Bouddhiste, drapée de
façon à laisser le bras droit découvert. Aucune description ne peut donner
une idée de la face – face semblable à celle d'un dieu – car elle réunit le
calme et la puissance, la sagesse et l'amour, en une expression contenant
tout ce que notre pensée peut imaginer de divin. Nous pouvons dire que le
teint est d'un blanc jaune clair, les traits bien dessinés ; que le front est large
et noble, les yeux grands lumineux, d'un bleu sombre ; le nez légèrement
aquilin, les lèvres rouges, d'un tracé ferme ; mais tout ceci ne nous montre
que le masque extérieur et ne donne qu'une faible idée de l'ensemble vivant.
Les cheveux noirs – presque bleu-noirs – et curieusement ondulés ne sont
pas portés longs suivant la coutume indoue, ni rasé à la manière des moines
orientaux, mais coupés avant d'atteindre les épaules, partagés au centre et
rejetés en arrière du front. L'histoire nous dit que lorsque le Prince Siddhârta
quitta son palais pour chercher la Vérité, Il saisit ses longs cheveux et les
coupa court d'un coup d'épée ; depuis, il les garda toujours de la même
longueur.

Illustration 6 – La Cérémonie du Wésak


Quand la "Mahâmangala Sutta" est terminée, le Seigneur Maitreya
saisit sur l'autel la coupe pleine d'eau et l'élève, la multitude qui s'était munie
de vases remplis d'eau, suit son exemple... Lorsqu'il la replace sur l'autel de
pierre, le verset suivant est chanté :
"Il est le Seigneur, le Saint qui est parfait en savoir, qui
possède la connaissance octuple, et qui a accompli les
quinze pratiques saintes, qui a terminé le voyage
conduisant à l'état de Bouddha ; le Sans-rival, l'Instructeur
des hommes qui doivent être soumis (par la doctrine) ;
l'Instructeur des dieux et des hommes : Il est le Béni, le
Seigneur Bouddha."
À ces deniers mots, un sourire d'ineffable amour rayonne de la face du
Seigneur, en même temps qu'Il élève la main droite en l'attitude de
bénédiction, tandis qu'une grande pluie de fleurs tombe sur le peuple. De
[242] nouveau, les membres de la Fraternité s'inclinent ; de nouveau la foule
se prosterne et la Figure s'évanouit lentement dans le ciel, tandis que la foule
donne libre cours à son émotion en poussant des cris de joie et de louange.
Les membres de la Fraternité s'avancent vers le Seigneur Maitreya dans
l'ordre de leur admission ; chacun prend une gorgée de l'eau contenue dans
la coupe d'or ; les pèlerins les imitent avec leurs récipients, emportant le
reste chez eux dans leurs bizarres bouteilles de cuir pour éloigner de leurs
maisons toutes influences mauvaises et guérir peut-être leurs malades. La
multitude alors se sépare avec de mutuelles salutations et le peuple emporte
dans ses demeures lointaines un souvenir ineffaçable de la cérémonie
merveilleuse à laquelle il prit part.
Nous trouvons dans la vision de Saint Jean un intéressant aperçu des
prédécesseurs du Bouddha :" Et autour de ce trône il y avait vingt-quatre
trônes ; et sur ces trônes je vis vingt-quatre vieillards assis, vêtus de
vêtements blancs et sur leur tête ils avaient des couronnes d'or". Celui qui a
le privilège de voir ceci…et rappelez-vous qu'il appartiendra à chacun
quelque jour, le voit du point de vue spécial de ses croyances propres. C'est
pourquoi Saint Jean vit ce qu'il s'attendait à voir, les vingt-quatre Anciens
ou Vieillards de la tradition juive. Ce nombre vingt-quatre marque la date à
laquelle cette vision eut lieu pour la première fois, ou plutôt la date du jour
où l'idée juive de cette gloire fut formulée. S'il nous était possible de
contempler cette gloire ineffable, ce n'est pas vingt-quatre, mais vingt-cinq
Anciens que nous y verrions, car il y a eu un Seigneur Bouddha qui y est
parvenu depuis que cette vision s'est cristallisée dans le système religieux
des juifs. Car ces Anciens ne sont autres que les Instructeurs successifs des
mondes pendant notre Ronde actuelle. On compte sept Bouddha pour
chaque monde, ce qui fait vingt et un pour les trois mondes où nous avons
passé, et puis vient le Seigneur Gautama, le quatrième des Bouddha de ce
monde-ci. C'est pourquoi dans ces temps-là le nombre [243] des Anciens
était de vingt-quatre, mais, si nous pouvions les voir, nous en compterions
maintenant vingt-cinq. L'Église chrétienne donne de ce fait une traduction
quelque peu différente et fait de ces Anciens ses douze apôtres et les douze
prophètes juifs. Si ces vingt-quatre étaient vraiment les apôtres et les
prophètes, le Voyant se serait vu lui-même parmi ces derniers et, surement,
le fait aurait été mentionné. Ces Anciens avaient sur la tête une couronne
d'or, nous dit-on, et plus loin nous lisons qu'ils jettent leurs couronnes devant
lui, ainsi que nous le chantons dans notre magnifique cantique de la fête de
la Trinité.
Je me souviens qu'étant enfant je me demandais avec étonnement
comment cela pouvait être. Il me paraissait étrange que ces hommes puissent
constamment jeter leurs couronnes et cependant en avoir toujours à jeter. Ne
pouvant pas comprendre, j'essayais de trouver quel moyen leur permettait
de remettre leur couronne sur la tête de façon à ce qu'ils les aient de nouveau
pour les jeter encore.
Ces idées quelque peu ridicules ne sont peut-être que très naturelles
chez un enfant, mais elles disparaissent lorsque l'on comprend. Si nous
avons vu des images du Seigneur Bouddha, nous n'avons pas manqué de
remarquer un petit cône sortant de la couronne qu'il a sur la tête. C'est
comme une couronne de la couleur de l'or, qui représente l'effusion de la
force spirituelle découlant de ce que l'on appelle le brahmarandra chakra, le
centre au sommet de la tête de l'homme, le lotus aux mille pétales, ainsi que
l'expriment poétiquement les livres orientaux.
Chez l'homme d'un développement supérieur, la gloire et la splendeur
découlent de ce centre qui lui forme une véritable couronne, et le passage
de l'Écriture chrétienne veut dire que tout ce que cet homme a développé,
tout le splendide Karma qu'il fait, toute la magnifique force spirituelle qu'il
génère, tout cela il le jette perpétuellement aux pieds du Logos pour être
employé à son œuvre. De sorte qu'il peut encore et toujours continuer à jeter
sa [244] couronne d'or parce qu'elle se reforme perpétuellement à mesure
que la force jaillit du dedans de lui.
Le Seigneur Maitreya, dont le nom signifie bienveillance ou
compassion, prit la charge de Bodhisattva lorsque le Seigneur Gautama la
quitta, et il a depuis fait bien des efforts pour l'avancement de la Religion.
L'un de ses premiers actes, en assumant ses fonctions, fut de profiter du
magnétisme extraordinaire qu'avait généré dans le monde la présence du
Bouddha pour que les grands Instructeurs apparaissent simultanément dans
plusieurs parties de la terre ; de sorte que dans un espace de temps
relativement court, nous trouvons non seulement le Bouddha lui-même, Srî
Shankarâchârya et Mahâvîra dans l'Inde, mais aussi Mithra en Perse, Lao-
Tseu et Confucius en Chine et Pythagore dans l'ancienne Grèce.
Lui-même est apparu deux fois : Krishna dans les plaines de l'Inde,
Christ au milieu des collines de la Palestine. Dans son incarnation de
Krishna, l'amour était le trait principal, Krishna enfant attirait tous ceux qui
avaient pour lui l'affection la plus profonde, la plus intense. De nouveau,
lorsqu'il revint en Palestine, l'amour était la note dominante de son
enseignement. Il disait :"Je vous laisse ce nouveau commandement, que
vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés". Il demandait
que ses disciples soient tous un en lui, comme lui était un avec le Père. Son
disciple le plus intime, Saint Jean, a insisté très fortement sur ce point :
"Celui qui n'aime pas, ne connait pas Dieu, car Dieu est Amour.
Ce que l'on appelle maintenant le christianisme comme il l'enseignait à
l'origine, était sans doute une magnifique conception, tristement déchue,
depuis, de son idéal élevé, entre les mains de représentants ignorants. Il ne
faut pas supposer que la doctrine de l'amour fraternel, l'amour du prochain,
était alors nouvelle dans le monde. Comme le dit Saint Augustin dans son
ouvrage De Civitate Dei : "il existait parmi les anciens une chose identique
à ce que nous appelons la religion chrétienne et qui n'a jamais manqué à la
race humaine depuis ses débuts jusqu'au moment où le Christ est venu dans
la chair, moment à [245] partir duquel la vraie religion, qui existait déjà, a
commencer à s'appeler chrétienne 18. Les lecteurs de la Bhagavad-Gita se
rappelleront aussi les appels à l'amour et à la dévotion si fréquents dans ses
pages. Le Bodhisattva a également occupé parfois le corps de Tsong-Ka-pa,
le grand réformateur religieux tibétain et, à travers les siècles, il a envoyé
une suite de ses élèves, y compris Nâgarjuna, Aryasanga, Râmanujâcharya,
Madhvâcharya, et bien d'autres, qui fondèrent les sectes nouvelles ou
jetèrent une clarté plus grande sur les mystères de la religion, et c'est parmi

18
Se trouve dans "Rétractations", XIII.
eux que se trouve celui de ses élèves qui fut envoyé pour fonder la foi
musulmane.
L'envoi d'Instructeurs que j'ai mentionné ci-dessus n'est qu'une partie
de son travail qui n'est pas limité à l'humanité, mais comprend l'éducation
de toutes les créatures sur terre, entre autres l'évolution des Dévas. C'est
pourquoi il est à la tête de toute les religions qui existent à notre époque, et
de beaucoup d'autres qui ont disparu pendant le cours des âges, mais,
naturellement, il n'en est responsable que tant qu'elles conservent leur
première forme, et il n'est pas responsable de la corruption
qu'inévitablement l'homme introduit dans toutes les religions à mesure que
se déroulent les siècles. Lui-même varie le type de religion et l'adapte à la
période de l'Histoire du monde qui la voit naitre, ainsi qu'au peuple
particulier à qui elle est donnée, mais, bien que la forme puisse en changer
au cours de l'évolution, la morale en est toujours la même.
Il reviendra bien des fois encore pendant la marche en avant de la race-
racine. Il fondera bien des religions, attirant chaque fois autour de lui ceux
des hommes de cette race qui seront préparés à le suivre, et parmi lesquels
il choisira ceux qu'il peut s'attacher par des liens plus étroits, ceux qui sont
élèves dans le vrai sens du mot. Puis, vers la fin de la race, qui aura laissé
loin derrière elle sa beauté première, lorsqu'une nouvelle race commencera
à dominer dans le monde, il prendra ses dispositions pour que tous les élèves
qui l'ont suivi dans ses incarnations antérieures, reviennent au monde
ensemble, à peu près à l'époque de sa dernière vie sur terre.
C'est alors qu'il atteindra la grande Initiation de Bouddha et qu'il
parviendra à l'illumination parfaite. Dans ce temps-là ses propres élèves
seront tous fortement attirés vers lui, sans le reconnaitre physiquement ni se
souvenir de lui ; sous son influence un grand nombre entreront sur le Sentier
et plusieurs s'élèveront à des stades supérieurs, ayant déjà fait des progrès
considérables dans leurs incarnations précédentes. Tout d'abord, en lisant
dans les livres Bouddhistes le récit du nombre important d'hommes ayant
atteint le niveau d'Arhat instantanément lorsque le Seigneur Gautama devint
Bouddha, j'ai cru à une impossibilité, mais en examinant la chose de plus
près je m'aperçus qu'il y avait là quelque vérité. Peut-être les chiffres sont-
ils exagérés mais c'est un fait indiscutable que beaucoup d'élèves ont atteint
subitement des degrés supérieurs de l'initiation sous l'impulsion du puissant
magnétisme et du pouvoir du Bouddha.
À côté de la grande fête de Wesak il est une autre occasion où, chaque
année, les membres de la Fraternité se rencontrent officiellement. En ce cas,
la réunion est généralement tenue dans le jardin de la maison du Seigneur
Maitreya, située aussi dans l'Himalaya, mais sur le versant sud. Cette fois
aucun pèlerin, n'est présent sur le plan physique, mais tous les visiteurs
astrals qui connaissent la célébration de cette fête sont accueillis avec
bienveillance. Elle a lieu le jour de la pleine lune du mois d'Ashadha
correspondant, en général, au mois de juillet. C'est l'anniversaire du jour où
le Seigneur Bouddha proclama pour la première fois la grande découverte,
du jour où il prêcha à ses disciple, à Sarnath, près de Bénarès, le sermon
connu sous le nom de "Dhammachakkappattana Sutta" qui a été traduit par
Rhys Davids comme : "la Mise en mouvement des Roues du Char du
Royaume de la Voie droite". Il y exposa, pour la première fois, les quatre
nobles Vérités et le noble Sentier octuple, expliquant la grande Voie
moyenne [247] du Bouddha, la vie de parfaite rectitude dans le monde,
placée entre l'extravagance de l'ascétisme d'une part, et l'insouciance de la
vie ordinaire du monde de l'autre.
Dans son amour pour son grand Prédécesseur, le Seigneur Maitreya
ordonna que, lors de l'anniversaire de ce premier prêche, ce même sermon
serait récité une fois de plus en présence de la Fraternité assemblée, et il
ajoute d'ordinaire quelques mots pour l'expliquer et en donner des exemples.
La récitation du sermon commence au moment de la pleine lune ; cette
lecture et les paroles du Seigneur Maitreya durent d'ordinaire une demi-
heure. Le Seigneur Maitreya prend place sur un siège de marbre établi à
l'extrémité d'une terrasse élevée, dans le jardin délicieux qui s'étend devant
la façade de sa maison. Les plus grands Dignitaires s'assoient près de lui,
tandis que le reste de la Fraternité est groupé dans un jardin, quelques mètres
au-dessous. À cette occasion comme pour l'autre, il y a souvent des
possibilités d'agréables entretiens ; les Maitres distribuent parmi leur
disciples et ceux qui aspirent à le devenir des paroles de bonté et des
bénédictions.
Il est peut-être utile de décrire la cérémonie et de faire le récit de ce qui
se dit habituellement à ces Festivals, bien que naturellement, il soit
absolument impossible de reproduire le merveilleux, la beauté et l'éloquence
des paroles du Seigneur Maitreya dans de telles occasions. Les lignes qui
suivent ne prétendent pas rapporter un discours, c'est une combinaison de
fragments imparfaitement retenus, je le crains, et dont quelques-uns ont déjà
paru ailleurs ; mais à ceux qui ne le connaissent pas, cela peut donner
quelque idée de la ligne adoptée en général.
Ce grand sermon est extraordinairement simple. Les différents points
qui le composent sont très souvent répétés et, la sténographie n'existant pas
à cette époque, ce qui aurait permis de l'écrire et de le faire lire à tous, il
fallait que ses disciples se souvinssent des paroles qu'il avait dites par
l'impression qu'elles leur avaient produite sur le moment. Aussi ces paroles
étaient-elles très simples et il les répétait encore et encore, comme un refrain
afin [248] que les auditeurs en soient pénétrés. En lisant ce sermon on se
rend bien compte qu'il était composé tout exprès pour qu'on se le rappelle
facilement. Ses divers points se présentent de telle façon que lorsqu'on l'a
entendu, chaque point rappelle le suivant, comme une sorte de mnémonique,
et chacune de ses phrases séparées, retenues aisément par la mémoire,
suggère au Bouddhiste un tout formé d'idées reliées entre elles. Ainsi le
sermon, tout simple et court qu'il est, renferme une explication et une règle
de l'existence.
On pourrait croire que tout a été dit bien des fois au sujet de ce sermon ;
et cependant le Seigneur, avec sa merveilleuse éloquence et sa manière
personnelle de dire, le fait paraitre chaque année comme quelque chose de
nouveau et il semble à chacun que le message s'adresse à lui-même. À cette
occasion le miracle de la Pentecôte se renouvèle, comme au moment de la
première prédication : le Seigneur s'exprime en langue pâli, si sonore, mais
tous ceux qui sont présents l'entendent parler leur propre langue natale, ainsi
qu'il est rapporté dans les Actes des Apôtres.
Le sermon débute par une proclamation affirmant que le Sentier du
milieu est le plus sûr comme d'ailleurs le seul vrai Sentier. Se plonger dans
les excès et les plaisirs sensuels de la vie mondaine ordinaire est vil et
dégradant et ne conduit à rien : d'un autre côté, l'extrême ascétisme est aussi
mauvais et inutile. Il peut se faire qu'un petit nombre d'êtres se sentent attirés
vers la vie de l'ascète et du solitaire et soient capables de la vivre – quoique
même alors, il ne faut pas qu'il y ait d'excès – mais le Sentier moyen d'une
vie bonne, vécue dans le monde, est pour la plupart le meilleur et le plus sûr.
Le premier pas à faire pour vivre une telle vie est d'en comprendre les
conditions ; et le Seigneur Bouddha nous les a exposées dans ce qu'il a
appelé les quatre nobles Vérités. Ce sont :
1. La souffrance
2. La cause de la souffrance. La cessation de la souffrance (ou la
délivrance de la souffrance) [249]
3. Le Sentier qui mène à la délivrance de la souffrance.
1. La première Vérité est une affirmation que toute vie manifestée est
affliction à moins que l'homme ne sache la vivre. En commentant ce point
le Bodhisattva dit que la vie manifestée est une affliction dans deux sens,
dont l'un est, dans une mesure inévitable, mais dont l'autre est une erreur
complète et peut être évitée facilement. Toute vie manifestée est, dans un
sens une affliction par le fait d'être une limitation pour la Monade qui est le
véritable Esprit de l'homme, limitation que nous ne pouvons concevoir le
moins du monde avec notre cerveau physique, parce que nous n'avons
aucune idée de la liberté glorieuse de la vie supérieure. C'est précisément
dans le même sens qu'il a toujours été dit que le Christ s'offre lui-même en
sacrifice quand il descend dans la matière.
C'est bien sans aucun doute un sacrifice, car cette limitation est
tellement immense qu'elle le prive de tous les pouvoirs glorieux qui lui
appartiennent sur son propre niveau. Cela est aussi vrai de la Monade de
l'homme ; son sacrifice est grand, en effet, lorsqu'elle se met en rapport avec
la matière inférieure, lorsqu'elle plane au-dessus, à travers les siècles sans
fin de son développement jusqu'au niveau humain, lorsqu'elle dépose un tout
petit fragment d'elle-même – gros pour ainsi dire comme le bout du doigt –
et ainsi crée un égo, ou âme individuelle !
Bien que nous soyons seulement un très petit fragment, véritablement
le fragment d'un fragment, néanmoins nous sommes une partie d'une
magnifique Réalité. Il n'y a pas de quoi s'enorgueillir de n'être qu'un
fragment, mais nous avons la certitude que, par conséquent, faisant partie
du plus Haut, nous pouvons éventuellement nous élever jusqu'à lui et
devenir ainsi un avec lui. Voilà la fin, voilà le but de notre évolution. Et
rappelons-nous que si nous devons atteindre ce but, un jour, ce n'est [250]
pas pour jouir de notre progrès, mais pour que nous soyons capables d'aider
au plan de l'évolution. Tous ces sacrifices, toutes ces limitations peuvent à
juste titre se dépeindre comme entrainant la souffrance, mais on les accepte
avec joie dès que l'égo à la compréhension. Un égo ne possède pas la
perfection de la Monade, aussi ne comprend-il pas très bien tout d'abord : il
faut qu'il apprenne comme un autre. Les limites considérables qui se
produisent à chaque nouvelle descente dans la matière sont inévitables, et
c'est pourquoi toutes ces souffrances sont inséparables de la manifestation.
Il faut que nous acceptions cette limitation comme un moyen d'arriver au
but, comme faisant partie du Plan Divin.
La vie est souvent une souffrance dans un autre sens, mais c'est une
souffrance que l'on peut entièrement éviter. L'homme qui mène la vie
ordinaire du monde éprouve souvent des inquiétudes de toutes sortes. Il ne
serait pas exact de dire qu'il est toujours dans le chagrin, mais il est souvent
dans l'anxiété et il est sans cesse exposé à de grandes peines et grands soucis.
La raison en est que, hanté par des désirs inférieurs, il est prisonnier de
ces désirs, non pas nécessairement mauvais en eux-mêmes, mais s'adressant
à des objets inférieurs. Constamment l'homme s'efforce d'atteindre quelque
chose qu'il n'a pas, il est rempli de soucis tant qu'il n'est pas sûr de l'avoir, et
dès qu'il le possède il est inquiet de le perdre. Cela est vrai, non seulement
de l'argent mais de la position, de l'influence, de la fortune et de la situation
sociale. Tous ces appétits aiguisés causent, de différents manières, beaucoup
d'inquiétude, et il ne s'agit pas seulement de ce que ressent un individu qui
a ou n'a pas ce qu'il désire, mais il faut aussi tenir compte de toute l'envie,
de la jalousie, des mauvaises sentiments qu'éprouvent ceux qui, eux aussi,
désirent ces choses.
Beaucoup d'autres objets de désirs, plus dignes en apparence que ceux-
là, ne le sont cependant guère. Combien de fois, par exemple, un jeune
homme désire l'affection de quelqu'un qui ne la lui rend pas, qui ne peut pas
lui rendre ! De ces désirs sans issue découlent bien [251] des tristesses, de
la jalousie, de mauvais sentiments. Vous me direz que cela est naturel… ;
sans doute, et l'affection rendue est une grande source de bonheur.
Cependant si on ne peut pas la lui rendre, l'homme doit avoir la force
d'accepter la situation et ne pas laisser ces désirs sans satisfaction le
tourmenter. Quand nous disons qu'une chose est naturelle, nous voulons dire
qu'elle est naturelle à l'homme moyen. Mais il faut que l'étudiant en
occultisme s'efforce de s'élever quelque peu au-dessus du niveau de
l'homme moyen, car autrement comment peut-il aider cet homme ? Il faut
que nous nous élevions au-dessus de ce niveau afin de pouvoir tendre d'en
haut une main secourable. Il faut que nous tendions non pas vers ce qui est
naturel, dans le sens du moyen, mais vers ce qui surnaturel.
Celui qui est clairvoyant reconnaitra aisément la vérité de ce grand
enseignement du Bouddha que, somme toute, la vie est une souffrance ; car
s'il regarde le corps astral et mental des êtres qu'il rencontre il les verra
remplis d'un grand nombre de menus tourbillons tournant vertigineusement,
qui représentent toutes sortes d'étranges petites pensées, petits soucis, petits
chagrins, causés par une chose ou une autre. Tout cela amène du trouble et
de la souffrance, alors que ce dont nous avons le plus besoin pour progresser,
c'est la sérénité. Le seul moyen d'obtenir la paix est de se débarrasser
complètement de toutes ces choses, et cela nous conduit à notre seconde
noble Vérité, la Cause de la Souffrance.
2. Nous venons de voir que le désir est toujours la cause de la
souffrance. Si un homme n'éprouve aucun désir, s'il n'aspire ni à une haute
situation, ni au pouvoir, ni à la fortune, alors dans l'acquisition ou la perte
de ces biens sa tranquillité n'est point troublée. Il ne se fait point de soucis
et reste calme et serein. Tout naturellement, puisqu'il est humain, il désirera
ceci ou cela, mais toujours avec modération et douceur et ainsi ne se laissera
point tourmenter. Nous savons, par exemple, combien fréquemment les
êtres sont abattus par le chagrin lorsqu'ils perdent, par la mort, ceux qu'ils
aiment. Mais si leur [252] affection est à un niveau supérieur, si c'est leur
ami qu'ils aiment et non le corps de leur ami, il ne peut exister de sentiment
de séparation, ni de chagrin par conséquent. S'ils sont mus par le désir du
contact physique avec cet ami sur le plan physique, alors aussitôt leur désir
provoquera du chagrin. Mais s'ils écartent ce désir et s'ils vivent dans la
communion de la vie supérieure, le chagrin disparaitra. On s'afflige parfois
à l'approche de la vieillesse, lorsque les véhicules s'affaiblissent ; on
désirerait avoir la même force, les mêmes facultés qu'autrefois ; il est sage
de réprimer ce désir, de comprendre que le corps a bien rempli sa tâche, que
si l'on ne peut plus travailler autant qu'auparavant, on doit, tout de même,
dans le calme et la douceur faire ce que l'on peut et ne pas s'affliger du
changement survenu. Un peu plus tard on aura un corps nouveau, et pour
être certain d'avoir un bon corps il faut se servir de son mieux du corps actuel
et, en tout cas, demeurer calme, serein, tranquille. Pour cela il est nécessaire
de s'oublier soi-même, et de faire cesser tout désir et de tourner ses pensées
vers le dehors pour venir en aide aux autres suivant ses capacités.
3. La cessation de la souffrance. – Nous voyons déjà comment cesse la
souffrance, comment vient le calme : c'est en gardant toujours sa pensée
fixée sur les choses supérieures. Nous avons encore à vivre dans ce monde,
si poétiquement décrit comme l'étoile de l'affliction – ce qu'il est bien
réellement pour beaucoup, peut-être pour la plupart, quoiqu'il puisse en être
autrement – nous pouvons pourtant y vivre heureux si nous n'y sommes pas
attachés par le désir. Nous sommes dans le monde, mais ne devrions pas en
être, du moins au point d'en éprouver du souci, de l'inquiétude, de la peine...
Notre devoir est, sans aucun doute, d'aider les autres dans leurs soucis, leurs
inquiétudes, leurs chagrins, mais pour le faire efficacement nous ne devons
pas en avoir nous-mêmes, nous devons réprimer doucement toute agitation
qui pourrait en causer, dès qu'elle nous effleure, et conserver notre calme et
notre contentement. Si nous acceptons avec philosophie cette vie supérieure
nous [252] verrons bientôt que la souffrance cessera pour nous presque
entièrement.
Il y en aura peut-être qui penseront qu'une telle attitude est hors de notre
portée, mais il n'en est rien, car le Seigneur Bouddha ne nous l'aurait jamais
prescrite. Tous nous pouvons l'atteindre, tous nous devons l'atteindre, parce
que ce n'est qu'alors que nous pouvons aider réellement, efficacement, notre
prochain.
4. Le Sentier qui conduit à la délivrance de la souffrance. – Ceci nous
est donné dans ce que l'on appelle le noble Sentier deux fois quadruple, une
autre des magnifiques oraisons du Seigneur Bouddha. C'est une très belle
déclaration, parce qu'on peut l'accepter à tous les niveaux d'évolutions.
L'homme du monde, même sans éducation, peut la prendre dans ses aspects
inférieurs et y trouver la paix et du réconfort. Et le plus profond philosophe
peut cependant aussi l'accepter, l'interpréter à son niveau, y apprendre bien
des choses.
Le premier pas sur ce Sentier est la Croyance Juste. Il y a des êtres qui
n'approuvent pas cette qualité parce qu'elle leur semble imposer une sorte
de foi aveugle. Ce n'est pas du tout ce genre de foi qui est nécessaire, mais
plutôt une certaine connaissance des facteurs principaux de la vie. Il nous
est demandé de comprendre un peu le Plan Divin en ce qui nous concerne,
et que, ne pouvant le voir par nous-mêmes, nous l'acceptions du moins tel
qu'on nous l'expose. Certains faits généraux se présentent toujours à
l'homme sous une forme ou sous une autre. L'explication en est donnée
même aux tributs sauvages, par leurs médecins, et au reste de l'humanité par
tous les instructeurs religieux et par toutes les Écritures. Il est très vrai que
les religions et Écritures diffèrent, mais afin d'être heureux il faut qu'un
homme accepte tous les points sur lesquels elles sont d'accord. L'éternelle
Loi de cause et d'effet est un de ces faits. Si un homme vit dans l'illusion
qu'il peut faire ce qui lui plaît et que ses actions ne se retourneront jamais
contre lui, il découvrira certainement que ces actes l'entraineront au malheur
et à la souffrance un jour ou l'autre. De plus, [254] s'il ne comprend pas que
le progrès est le but de sa vie, que la volonté de Dieu à son égard est qu'il
grandisse et qu'il devienne quelque chose de meilleur, de plus noble, alors
aussi il attirera sur lui-même, le malheur et la souffrance parce qu'il vivra
vraisemblablement pour le côté inférieur de la vie, et que ce côté-là ne
satisfait jamais définitivement l'homme intérieur. C'est pourquoi il faut au
moins qu'il connaisse quelque peu les grandes lois de la nature et, s'il ne peut
encore rien en apprendre lui-même, il vaut mieux qu'il croit à leur existence.
Plus tard, à un niveau supérieur, et avant qu'on puisse atteindre la seconde
initiation, il nous est dit qu'il faut tuer toute espèce de doute.
Lorsqu'on demanda au Seigneur Bouddha si cela signifiait que nous
devons accepter aveuglément toutes les formes de croyance, il répondit :
"Non, mais il faut que vous reconnaissiez vous-mêmes trois grandes choses :
qu'un homme ne peut atteindre finalement la perfection que sur le sentier de
la Sainteté et de la Vie vertueuses ; qu'afin d'y parvenir il se meut à travers
de nombreuses existences, s'élevant graduellement de plus en plus haut, et
qu'il n'y a qu'une seule et unique Loi de Justice éternelle sous laquelle
œuvrent toutes choses".
À ce stade, il faut que l'homme rejette toute espèce de doute et qu'il soit
entièrement convaincu de ces choses dans son for intérieur ; quant à
l'homme du monde il devrait au moins y croire car s'il ne possède pas ce
guide dans sa vie il ne peut aller plus loin.
Le deuxième pas sur le noble Sentier est la Pensée juste, et ceci signifie
deux choses différentes. La première exige que nous ne pensions qu'à ce qui
est bien et jamais à ce qui est mal. Nous pouvons au fond de notre esprit
avoir toujours, soit de belles pensées élevées, soit des pensées ordinaires,
sur des choses courantes. Ne confondons pas : tout ce que nous faisons nous
devons le faire complètement et attentivement, avec autant de concentration
de pensée qu'il est nécessaire. Mais la plupart des êtres, une fois qu'ils ont
fini leur travail, ou lorsqu'ils s'arrêtent de travailler, continuent à penser
[255] à des choses sans importance et relativement grossières. Ceux qui se
sont consacrés au Maitre cherchent toujours à retenir au fond de leur esprit
la pensée de ce Maitre, de telle sorte qu'à tout instant de répit que leur
laissent leurs occupations, cette pensée prend le dessus dans leur esprit et
s'en empare entièrement. Et aussitôt l'élève pense : "Que puis-je faire pour
que ma vie ressemble à la vie du Maitre ? Comment puis-je m'améliorer de
façon à montrer la beauté du Seigneur à ceux qui m'entourent ? Que puis-je
faire pour continuer son œuvre qui est de venir en aide aux autres ? Envoyer
autour de nous des pensées d'aide et de sympathie est un des moyens que
nous pouvons employer.
Rappelez-vous aussi qu'il faut que la pensée juste soit définie et non
éparpillée ; une pensée qui s'arrête un moment sur une chose et puis vole à
une autre est complètement inutile et ne nous aide pas du tout à apprendre à
penser. La pensée juste ne doit jamais renfermer l'ombre du mal, ni rien de
douteux. Ceux qui délibérément ne penseraient jamais à quoi que ce soit
d'impur ou d'affreux, cependant nourrissent des pensées à peu près voisines
– pas tout à fait mauvaises, mais douteuses, très certainement. Il ne doit rien
y avoir comme cela dans la pensée juste, et chaque fois que se présente une
réflexion tant soit peu soupçonneuse ou malveillante, il faut la chasser
promptement. Assurons-nous que nos pensées sont toutes bonnes et
bienveillantes.
La pensée juste a encore un autre sens, et c'est la pensée exacte – qui
consiste à ne penser que ce qui est vrai. Il nous arrive si souvent d'avoir,
concernant autrui, des pensées fausses ou injustes, causées, par les préjugés
ou l'ignorance ! Nous nous persuadons qu'une certaine personne est
mauvaise et en conséquence, que tout ce qu'elle fait est mal. Nous lui
attribuons certaines intentions sans aucune raison, et en faisant cela nous
pensons faussement ; notre pensée n'est pas la Pensée juste. Tous ceux qui
ne sont pas encore devenus des adeptes ont en eux de mauvaises tendances
aussi bien que de bonnes, mais malheureusement il est dans nos habitudes
[256] de fixer sur le mal notre attention et d'oublier ce qui est bien et même
de ne point le chercher. Par conséquence, notre pensée à leur sujet n'est pas
la pensée juste, non seulement parce qu'elle n'est pas charitable mais aussi
parce qu'elle est fausse. Nous ne regardons qu'un côté et nous ignorons
l'autre. De plus, en fixant notre attention sur le mal qui se trouve dans un
homme, nous encourageons et nous renforçons ce défaut, tandis que par la
pensée juste nous pourrions produire le même effet sur les belles qualités
qui existent dans la nature.
Le pas suivant est la Parole Juste, et ici encore nous retrouvons les
mêmes divisions. Premièrement nous devrions toujours parler de choses
bonnes. Parler des mauvaises actions des autres n'est pas notre affaire. Dans
la plupart des cas les histoires que l'on nous rapporte sur d'autres personnes
ne sont pas vraies, et si nous les répétons, nos paroles à nous sont aussi
mensongères et nous nous nuisons à nous-mêmes aussi bien qu'aux
personnes de qui nous parlons. Et même si l'histoire est vraie nous faisons
mal en la répétant, car ce n'est pas le moyen de rendre meilleur l'homme
dont nous parlons, et il vaudrait mieux n'en rien dire du tout. Instinctivement
nous agirions ainsi dans le cas d'un mari, d'un fils, d'un frère ; nous sentirions
certainement que c'est mal de divulguer la mauvaise action d'un être cher à
ceux qui, sans cela, ne la connaitraient pas. Mais s'il y a quelque sincérité
dans notre profession de fraternité universelle nous sentirions aussi que nous
n'avons pas le droit de dire du mal d'un homme quel qu'il soit, que nous
devons parler des autres comme nous désirerions que les autres parlent de
nous. Et je le répète, rappelons-nous que beaucoup parlent d'une manière
fausse, en se laissant aller à l'exagération et à l'inexactitude. De riens ils font
des énormités : cela n'est assurément pas la Parole juste.
Encore une fois, la parole doit être bienveillante, et elle doit être droite
et forte, sans sottise. Une grande proportion de "gens du monde" s'imaginent
qu'il faut "faire la conversation" que c'est bizarre et impoli de ne pas babiller
constamment. Il leur semble que lorsqu'on [257] rencontre un ami il faut
tout le temps parler, car sans cela l'ami serait offensé. Souvenez-vous que le
Christ a formellement déclaré que nous aurons à rendre compte plus tard de
toutes les paroles oisives que nous aurons prononcées.
La parole oisive est souvent méchante, mais en dehors de cela, même
les paroles oisives qui sont innocentes entrainent une perte de temps, s'il faut
que nous parlions, disons au moins quelque chose d'utile et de secourable.
Il y en a qui, avec l'idée de paraitre spirituels, parlent sans cesse sur un ton
de plaisanterie ou de moquerie. Il faut que ce qu'ils disent dépasse ce que
l'on vient de dire ; il faut qu'ils s'amusent de tout ou ridiculisent tout. Or,
tout cela appartient au chapitre des paroles oisives et sans aucun doute il est
nécessaire que nous soyons extrêmement prudents quant à cette question de
la parole juste...
Le point suivant est l'Action Juste. Nous voyons immédiatement que
ces trois pas, tout naturellement, se suivent l'un, l'autre : si nous ne pensons
qu'à des choses bonnes, nous ne parlerons certainement pas de choses
mauvaises, parce que nous parlons de ce que nous avons à l'esprit, et si notre
pensée et notre parole sont toutes deux bonnes, alors l'action qui suivra sera
bonne aussi. Or, il faut agir avec promptitude et après réflexion. Nous
connaissons tous certains êtres qui, lorsque des difficultés surviennent, sont
incapables de les résoudre ; ils touchent à tout, ne sachant que faire, et gênent
ceux dont le cerveau est en meilleur état. D'autres se hâtent d'agir sans
penser à rien. Apprenez à penser rapidement et à agir promptement,
toutefois après avoir réfléchi. Surtout que votre action soit sans égoïsme,
qu'elle ne soit jamais influencée par des considérations personnelles. Cela
est très difficile pour la plupart, et cependant c'est un pouvoir qu'il faut
acquérir. Nous avons, nous qui nous efforçons de vivre pour le Maitre, de
nombreuses occasions de mettre en pratique cette idée dans notre travail.
Nous devons tous penser seulement à ce qui est meilleur pour le travail et à
ce que nous pouvons faire pour aider notre [258] prochain, et mettre
complètement de côté toute considération personnelle. Il ne faut pas nous
demander à quelle part du travail nous aimerions participer, mais il faut que
nous tâchions de faire de notre mieux la partie qui nous est assignée.
De nos jours, peu de personnes vivent solitaires, comme faisaient les
moines et les ermites d'autrefois. Nous vivons avec d'autres, de sorte que,
quoi que nous pensions ou disions, un grand nombre d'êtres en sont
nécessairement affectés. Nous devrions nous rappeler toujours que notre
pensée, notre parole, ou notre action ne sont pas simplement des qualités
mais des pouvoirs qui nous ont été donnés pour en faire usage, et de cet
usage nous sommes directement responsable. Tous ces pouvoirs nous sont
donnés afin d'en user pour le service, et les employer autrement, c'est faillir
à notre devoir.
Nous arrivons maintenant au cinquième pas : les justes moyens
d'existence et c'est un sujet qui s'adresse à un très grand nombre d'entre nous.
Les justes moyens d'existence sont ceux qui ne causent point de tort à quoi
que ce soit de vivant. Nous voyons immédiatement que cela exclut le
commerce du boucher et du pêcheur, mais ce commandement va bien plus
loin encore. Nous ne devons pas gagner notre vie en faisant du tort à une
créature et par conséquent, il saute aux yeux que vendre de l'alcool n'est pas
parmi les justes moyens d'existence. Celui qui vend de l'alcool ne tue pas
précisément ses clients, mais sans aucun doute, il leur fait grand tort, et il vit
du tort qu'il leur fait.
L'idée va plus loin encore. Prenez le cas d'un marchand malhonnête
dans sons commerce ; ses moyens d'existence ne sont pas justes parce qu'il
agit déloyalement et trompe les gens. Si un commerçant est honnête dans
ses affaires, s'il achète sa marchandise en gros et la revend au détail avec un
profit raisonnable, ses moyens d'existence sont justes, mais dès qu'il
commence à induire, en erreur et à vendre comme bon un article médiocre,
il trompe. Un moyen d'existence juste peut devenir injuste s'il est employé
déloyalement. Nous devons [259] nous comporter avec les autres comme
nous voudrions qu'ils se comportent avec nous. Quand une personne fait le
commerce d'une certaine sorte de marchandises elle a sur ces marchandises
des connaissances spéciales ; le client a confiance en elle parce que lui-
même ne possède pas cette connaissance spéciale. Lorsque vous vous fiez à
un médecin ou à un avoué, vous vous attendez à être traité honnêtement ; le
client s'adresse au commerçant de la même manière et ce dernier doit être
aussi honnête envers son acheteur que l'avocat ou le docteur envers son
client ou son malade.
Quand un homme a confiance en vous, il se fie à votre honneur pour
que vous agissiez au mieux dans son intérêt. Vous avez le droit de faire un
profit raisonnable de vos affaires mais il ne faut pas pour cela oublier votre
devoir.
Le sixième pas est l'activité juste ou juste effort, et il est très important.
Nous ne devons pas nous contenter d'être bon négativement. Ce qui nous est
demandé, ce que l'on désire de nous, ce n'est pas simplement l'absence de
mal mais l'action bonne, positive. Lorsque le Seigneur Bouddha fit cette
magnifique et courte déclaration de sa doctrine en un seul verset, il
commença par ces mots : "Cessez de mal faire", mais à la ligne suivante
nous lisons :" Apprenez à bien faire". Une bonté passive ne suffit pas. Tant
de personnes bien intentionnées n'achèvent jamais rien !
Chacun possède une certaine force, non pas seulement physique, mais
mentale. Quand nous avons devant nous le travail d'une journée, nous
réservons nos forces et avant de la commencer nous n'entreprenons rien qui
puisse nous fatiguer et nous empêcher de bien faire ce travail quotidien. De
même, possédant une certaine dose d'intelligence et de volonté à notre
niveau, nous ne pouvons accomplir qu'une certaine somme de travail, par
conséquent, il faut que nous prenions soin de la façon dont nous dépensons
cette force. Il y a encore d'autres pouvoirs. Chacun jouit d'une certaine
influence sur ses amis [260] et sa parenté. Cette influence est un pouvoir et
nous sommes responsables du bon usage que nous en faisons. Nous sommes
entourés d'enfants, de parents, d'amis, d'employés, de domestiques, et sur
tous nous avons quelque influence, au moins par exemple : il faut donc que
nous surveillons nos paroles et nos actions parce que d'autres nous imiteront.
L'activité juste consiste à régler notre tâche utilement et à ne pas la
gaspiller. Bien des choses sont à faire, mais certaines sont pressantes, plus
urgentes que d'autres. Il faut rechercher où notre activité serait la plus utile.
Il n'est pas bon que tous fassent la même chose et il vaut mieux que la tâche
soit partagée entre tous, pour qu'elle soit parfaitement terminée et non pas
laissée à demi-achevée. En cela nous devons nous servir de notre raison et
de notre sens commun.
La mémoire juste ou le souvenir juste est le septième pas et signifie
plusieurs choses. La mémoire juste dont a parlé le Seigneur Bouddha a
fréquemment été prise, par ses partisans, pour la mémoire des incarnations
passées, que lui-même possédait parfaitement. Une des histoires de la Jataka
raconte que quelqu'un ayant mal parlé de lui, il se retourna vers ses disciple
et leur dit :" J'ai insulté cet homme dans une existence antérieure et en retour
il parle mal de moi maintenant ; je n'ai pas le droit d'en conserver le
souvenir". Sans aucun doute, si nous nous souvenions de tout ce qui nous
est arrivé auparavant, nous pourrions organiser bien mieux que nous ne le
faisons, notre vie actuelle. Néanmoins, la plupart d'entre nous ne possédons
pas la mémoire de nos vies passées, mais nous ne devons pas, à cause de
cela, penser que l'enseignement au sujet de la mémoire juste ne s'applique
pas à nous.
Premièrement elle signifie le souvenir personnel. Il nous faut
constamment nous rappeler qui nous sommes, ce qu'est notre tâche, quel est
notre devoir, et ce que nous devrions faire pour le Maitre. Ensuite, elle
signifie l'exercice d'un choix raisonnable concernant ce dont nous nous
souviendrons. Il nous arrive à tous, dans nos vies, des choses agréables aussi
bien que des choses pénibles. Le [261] sage prendra soin de se souvenir des
choses bonnes mais il laissera s'effacer les mauvaises. Supposons que
quelqu'un vienne à parler malhonnêtement à un autre. Cette autre s'en
souviendra indéfiniment et ne cessera de répéter que telle ou telle personne
s'est montrée désobligeante envers elle et en aura l'esprit empoisonné. Mais
à quoi cela lui servira-t-il ? À rien, évidemment ; ce sera une cause d'ennui
pour lui et il entretiendra de mauvaises pensées. Certainement, ce n'est pas
cela la mémoire juste. Nous devrions pardonner et oublier immédiatement
le mal qui nous est fait, mais nous devrions conserver le souvenir des bontés
que l'on a eues pour nous, parce qu'elles nous ont remplis d'amour et. Et puis
nous avons tous commis des erreurs ; il est bon que nous nous en souvenions
dans le but de ne point les répéter ; mais à d'autres égards, nous y appesantir,
renouveler sans cesse les regrets, le chagrin qu'elles nous causent, cela n'est
pas la mémoire juste.
Le dernier pas est appelé la méditation juste, ou juste concentration.
Ceci se rapporte non seulement à la méditation prescrite à laquelle nous nous
livrons comme faisant partie de notre discipline, mais signifie aussi que le
long de nos vies nous devons nous concentrer sur notre objectif qui est de
bien agir et d'être une aide utile. Dans la vie journalière nous ne pouvons
pas être constamment en méditation à cause de la tâche quotidienne qui nous
incombe à tous dans le cours de nos vies ordinaires ; et cependant je ne suis
pas bien sûr qu'une déclaration de ce genre, faite sans réserve, soit
entièrement vraie. Notre conscience ne peut pas être toujours retirée du plan
physique sur les plans supérieurs, cependant il est possible de vivre une vie
de méditation, en ce sens que les objets supérieurs soient toujours si
fortement présent dans le fond de notre esprit que, ainsi que je l'ai dit en
parlant de la pensée juste, ils puissent instantanément prendre la première
place lorsque nous ne sommes pas occupés d'autre chose. Alors notre vie
sera réellement une vie de perpétuelle méditation sur les objets les plus
élevés et les plus nobles, interrompue de temps à autre [262] par la nécessité
de mettre nos pensées d'accord avec la vie de chaque jour.
De telles habitudes mentales nous influenceront bien que nous ne
puissions-nous en apercevoir. Les semblables s'attirent toujours ; deux
personnes qui adoptent cette ligne seront plus tard attirées l'une vers l'autre
et il est bien possible que, dans la suite, ceux qui ont formé l'habitude des
pensées élevés se trouveront rassemblés en un noyau, se développeront
graduellement, peut-être en une Loge Théosophique ; dans tous les cas, ils
se réuniront, leurs pensées réagiront les unes sur les autres, et de cette façon,
chacun aidera fortement au développement de tous. Encore une fois, partout
où nous allons nous sommes entourés d'une multitude d'être invisibles,
anges, esprits de la nature et hommes qui n'ont plus de corps physiques. Si
nous sommes dans un état élevé de concentration nous attirerons les
meilleurs de ces divers ordres d'êtres, de sorte que partout où nous irons,
nous serons entourés de bonnes et saintes influences.
Voilà l'enseignement du Seigneur Bouddha tel qu'Il l'a donné dans ce
premier Sermon ; c'est sur cet enseignement qu'est fondée l'immense
étendue du Royaume de Justice, dont il a mis en mouvement, pour la
première fois, les roues du Chariot Royal, lors de la fête d'Ashadha. Il y a
tant de siècles.
Quand arrivera, dans l'avenir lointain, le temps de la Venue d'un autre
Bouddha, que le Bodhisattva d'à présent prendra l'incarnation finale dans
laquelle ce grand pas sera fait, il prêchera au monde la Loi divine sous la
forme qui lui semblera la mieux adaptée aux besoins de cette ère-là ; puis il
sera remplacé, dans ses hautes fonctions, par le Maitre Kuthumi, qui s'est
transféré sur le deuxième Rayon afin de prendre la responsabilité de devenir
le Bodhisattva de la sixième race-racine.
CHAPITRE XV

LA FORCE DANS LES TRIANGLES

Un Roi spirituel gouverne notre monde. Il est l'un des Seigneurs de la


Flamme descendus il y a bien longtemps de Vénus. Les Indous l'appellent
Kumara ; ce dernier mot étant le titre de Prince ou de Gouverneur. Il est
souvent parlé de Lui, comme étant l'Unique Initiateur, l'Un sans second,
l'éternel Adolescent aux seize printemps ; on l'appelle aussi le Seigneur du
Monde. Il est le Gouverneur suprême ; dans sa main, dans son aura tout ce
que l'univers renferme est contenu. Représentant du Logos pour tout ce qui
concerne ce monde, il dirige l'ensemble de son évolution, non seulement
celle de l'humanité, mais aussi celle des Dévas, des esprits de la nature et de
toutes les créatures en rapport avec la terre. Il ne doit pas être confondu avec
la grande Entité appelée l'Esprit de la terre, qui emploie notre monde comme
son corps physique.
Son esprit englobe le Plan complet de l'évolution à un niveau
inconcevable pour nous. Il est la Force qui fait mouvoir toute la machine
mondiale, la personnification de la Volonté divine sur cette planète ; la
force, le courage, la décision, la persévérance et toutes les caractéristiques
similaires se manifestant ici-bas dans les vies humaines sont les réflexions
de cet Être. Sa conscience est d'une nature si vaste qu'elle comprend à la fois
toute la vie qui anime notre globe. Comme il dispose de Fohat dans ses plus
hautes attributions et peut agir directement avec les forces cosmiques en
dehors de notre Chaine, ses mains ont la puissance de déchainer les
bouleversements cycliques. Son influence s'étend sur l'humanité en masse,
mais lorsqu'elle se dirige sur un individu en particulier, l'on nous dit que son
action s'exerce à travers Atma et non au moyen de l'égo.
Lorsqu'un aspirant a, sur le Sentier, atteint un certain degré, il est
formellement présenté au Seigneur du Monde. Ceux qui l'ont ainsi rencontré
face à face, [264] disent que son apparence est celle d'un bel adolescent,
plein de dignité, d'une bienveillance au-delà de toute expression ; cependant,
son aspect reflète l'omniscience ; une impénétrable majesté l'enveloppe,
répandant autour d'elle une force d'une si grande puissance que certains n'ont
pu soutenir son regard et ont voilé leurs faces, frappés de respect. Mme
Blavatsky, notre grande Fondatrice, fut au nombre de ceux-là. Quand on a
passé par cette expérience, jamais on ne l'oublie et l'on ne peut plus douter
que, si grands, si terribles soient le péché et la douleur, toutes choses
travaillent d'une manière inéluctable pour le bien de tous, l'humanité étant
fermement guidée vers son but ultime.
Pendant chacune des périodes mondiales, l'on nous dit que trois
Seigneur du Monde se succèdent ; celui qui détient cet office est déjà le
troisième. Il réside avec ses trois Disciples dans une Oasis du désert de Gobi
appelée Shamballa ; on la nomme souvent l'Ile Sacrée, en souvenir du temps
où cette ile se trouvait au centre de la mer d'Asie. Ces quatre Seigneurs, les
plus grands parmi les Adeptes, sont souvent appelés "Les Fils du Brouillard
de Feu", car ils appartiennent à une évolution différente de la nôtre. Bien
qu'ils aient l'apparence humaine, la constitution de leurs corps diffère
complètement de la nôtre, en ce sens qu'ils sont plutôt des vêtements utilisés
selon leur convenance que des corps dans le sens ordinaire du mot, étant
artificiels et ne se transformant pas comme notre forme humaine. Ils ne
réclament aucune nourriture et demeurent sans changement pendant des
milliers d'années.
Les trois Disciples qui sont au même niveau que le Bouddha et dont les
noms sont Pratyeka ou Pachcheka Bouddha, assistent le Seigneur dans son
œuvre et sont eux-mêmes destinés à devenir nos trois Seigneurs du Monde
lorsque l'humanité occupera la planète Mercure.
Une fois toutes les sept années, le Seigneur du Monde préside à
Shamballa une importante cérémonie, un peu similaire à celle de Wesak,
toutefois plus grandiose encore et d'un type différent, où tous les Adeptes et
mêmes [265] quelques Initiés au-dessous de ce grade sont conviés et ont
ainsi l'occasion de venir en contact avec leur grand chef.
En dehors de cette cérémonie les chefs de la Hiérarchie officielle seuls
sont convoqués, à moins que pour une raison spéciale, il n'appelle quelqu'un
en sa présence.
Cette situation éminente de notre Roi Spirituel a été décrite dans la
Doctrine Secrète. Il y est dit que dans la suite des temps, les grands pas qui
marquent notre ascension vers la perfection resteront immuables et
conserveront leurs distances respectives ; mais tout le système en bloc aura
fait un pas en avant et ainsi toutes les acquisitions spirituelles qui dans cet
avenir éloigné indiqueront l'obtention d'un degré particulier, seront d'une
nature bien plus parfaite qu'elles ne le sont de nos jours. Les Hommes
parfaits de la septième ronde de notre chaine seront "seulement à un degré
au-dessous de la Race racine de leur Hiérarchie, la plus haute sur terre et sur
notre chaine terrestre". Il ressort donc ceci : que le Roi actuellement est
encore à un degré au-dessus de celui qui sera atteint par les hommes parfaits
de notre humanité – dans des périodes d'une durée incalculable se chiffrant
par des millions d'années – et nous faisant traverser deux rondes et demi
d'expériences variées. Cet Être merveilleux prit la charge de l'évolution de
notre terre pendant la troisième race. Cette venue dans le monde de notre
futur Roi est ainsi décrite dans l'Homme, d'où il vient, où il va :
"La grande étoile polaire de la Lémurie est encore intacte,
et l'immense croissant s'étend le long de l'équateur,
englobant l'actuelle Madagascar. La mer qui occupe le site
de notre désert de Gobi heurte encore de ses brisants les
falaises rocheuses de l'Himalaya du Nord, et tout est prêt
pour l'évènement le plus dramatique de l'histoire de la
Terre : la venue des Seigneurs de la Flamme.
Les Seigneurs de la lune et le Manou de la troisième race-
mère ont fait tout ce qui était en leur pouvoir [266] pour
amener les hommes au point où peut se produire la
vivification du germe mental et la descente de l'égo. Tous
les retardataires ont été soumis à une marche accélérée ; il
n'existe plus, dans le règne animal, d'espèces capables de
s'élever jusqu'à l'homme. La porte du règne humain n'a été
fermée pour les animaux que lorsqu'aucun immigrant
possible n'était plus en vue ; on ne peut y atteindre sans
l'aide de cette poussée formidable qui n'est donnée qu'une
fois dans l'évolution du Système, à une période médiane.
Un grand évènement astrologique, un groupement spécial
des planètes et des conditions magnétiques
particulièrement favorables sur la Terre, fournissent le
moment propice pour cette venue. C'était, il y a environ
six millions et demi d'années. Aucune tâche n'est plus
désormais possible, sauf celle qu'Ils viennent
entreprendre.
Alors, au bruit retentissant de sa descente rapide des
hauteurs insondables, enveloppé de flammes éclatantes
qui remplissent l'empyrées de longues langues de feu,
s'élance à travers les espaces célestes le charriot des Fils
du Feu, les Seigneurs de la Flamme qui viennent de
Vénus ; il s'arrête, plane sur l'Ile Blanche" qui repose
souriante sur le sein de la mer de Gobi, toute verte et
radieuse de masses fleuries aux mille couleurs et aux
exquis parfums : le plus charmant joyau offert à la Terre,
en bienvenue à son Roi. Le voilà ! Sanat Kumara,
"l'Adolescent aux seize printemps", "l'Adolescent
éternellement vierge", le nouveau Roi de la Terre ; Il entre
solennellement dans son royaume, avec ses trois Élèves,
les trois Kumaras, il est entouré de ses serviteurs. Trente
puissants Êtres, grands au-delà de toute conception
terrestre, sont là, à leur place hiérarchique, revêtus des
corps glorieux qu'ils se sont créés par Kryâshkti ; ils
constituent la première hiérarchie occulte, les branches de
l'unique et vaste Banyan, éducateur des futurs Adeptes,
centre de toute vie occulte. Leur demeure était alors, et est
encore aujourd'hui, l'impérissable [267] Terre sacrée, sur
laquelle brille à jamais l'Etoile éclatante, symbole du
Monarque de la Terre, le pôle immuable autour duquel
gravite sans cesse la vie de notre Terre."
De l'Un qui est au-dessus du Seigneur du Monde, la Doctrine Secrète
parle en ces termes :
L'Être dont nous venons de parler et qui doit rester sans
non, est l'Arbre duquel sont descendus, dans les âges
successifs tous les grands Sages et Hiérophantes
historiques : le Rishi Kapila, Hermès, Énoch, Orphée etc.
Comme homme objectif, c'est le mystérieux personnage
(toujours invisible, pour les profanes, quoique toujours
présent) dont parlent toutes les légendes d'Orient et dont
s'entretiennent les Occultistes et les étudiants de la
Science sacrée. C'est lui qui change de forme, et cependant
reste toujours le même. Et c'est lui encore qui possède
l'autorité spirituelle sur les Adeptes initiés du monde
entier. C'est, comme nous l'avons dit, "le Sans nom" qui a
beaucoup de noms et dont, cependant les noms et la nature
sont inconnus. C'est l'Initiateur, appelé le "Grand
Sacrifice" car, assis sur le seuil de la Lumière, il la
contemple, du cercle d'obscurité dans lequel il se trouve et
qu'il ne veut pas traverser, … car il ne quittera son poste
qu'au dernier jour de ce Cycle de Vie. Pourquoi le Veilleur
solitaire reste-t-il au poste qu'il a lui-même choisi ?
Pourquoi s'assied-il près des bords de la Fontaine de la
Sagesse primordiale dont il ne bois plus – car il n'y a rien
à apprendre qu'il ne sache déjà, ni sur cette Terre, ni dans
son Ciel ? Parce que les pèlerins solitaires, fatigués dans
leur voyage de retour vers leur patrie ne sont jamais surs,
même au dernier moment de ne pas perdre leur chemin
dans ce désert sans limite d'illusion et de matière qu'on
appelle la Vie terrestre ; parce qu'il désire montrer, à
chaque prisonnier qui a réussi à se libérer des liens de la
chair et de l'illusion, le chemin qui conduit à cette région
de liberté et de lumière, d'où il est lui-même un exilé
volontaire ; parce que, en un mot, il s'est sacrifié pour le
salut de l' Humanité, quoiqu'un très [268] petit nombre
d'élus puissent profiter du Gand Sacrifice.
C'est sous la direction silencieuse de ce Mahâ Guru que,
depuis l'éveil de la conscience humaine, tous les autres
Instructeurs de l'Humanité ont guidé les humanités
primitives. C'est par l'intermédiaire de ces "Fils de Dieu"
que les races en enfances reçurent leurs premières idées
sur les arts, les sciences et la connaissance spirituelle, et
c'est Eux qui posèrent la première pierre de ces antiques
civilisations qui provoquent l'étonnement des générations
modernes de chercheurs et de savants."
C'est sur le premier Rayon que le plus grand progrès possible pour
l'homme peut-être atteint par la Hiérarchie de notre Globe, car sur le premier
Rayon, il existe deux initiations au-dessus de celle du Manou. Certains
écrivains qui ont parlé des Pachcheka Bouddha, dont le rang est juste au-
dessus de celui du Manou, se sont singulièrement mépris en les décrivant
comme des Êtres égoïste refusant d'enseigner ce qu'ils avaient appris en
passant dans le Nirvâna. Il est vrai qu'ils n'instruisent pas, car ils doivent
accomplir le travail de leur propre Rayon et il est exact aussi qu'un temps
doit venir où ils quitteront le monde, mais simplement dans le but de
poursuivre ailleurs leur œuvre glorieuse.
Le pas suivant, l'Initiation que personne ne peut conférer, mais que
chacun doit prendre pour soi-même, élève l'Adepte jusqu'au rang du
Seigneur du Monde ; une charge lui est confiée, premièrement pour une
période plus courte et qu'il remplit comme premier ou second Seigneur du
Monde. Lorsque cette œuvre est accomplie, il passe sur un autre Monde, où
il assume une plus lourde responsabilité.
La tâche du troisième Seigneur du Monde est infiniment plus
importante que celle du premier et du second Seigneur, car son devoir
consiste à mener à bien une période de l'évolution à la fin de laquelle il devra
remettre entre les mains du Manou-Semence d'incalculables millions d'êtres
en évolution dont celui-ci sera à son tour responsable, pendant le Nirvâna
interplanétaire, et qu'il [269] confiera ensuite au Manou-racine du globe
suivant. Le troisième Seigneur du Monde ayant rempli ce devoir, prend une
nouvelle Initiation, complètement en dehors de notre monde et sa Hiérarchie
et atteint au rang de Veilleur Silencieux. Pendant toute la période d'une
ronde, il occupe ce poste de gardien et c'est seulement lorsque la vague de
vie a une fois de plus occupé notre planète et se prépare à la quitter, qu'il
abandonne cette tâche sublime qu'il s'est lui-même imposée et qu'il remet
alors entre les mains de son successeur.
Si éloignée de nous que soit la splendeur de ces hauteurs prodigieuses,
nous devons essayer néanmoins d'élever nos pensées vers elles et nous
efforcer de les comprendre, si peut soit-il. Elles marquent le terme vers
lequel chacun de nous doit tendre ; plus cette vision nous deviendra claire,
plus rapides et plus fermes seront nos progrès bien que nous ne puissions
tous espérer cet idéal et voler comme une flèche vers le but.
Dans la poursuite interrompue de ce progrès colossal, chaque homme
deviendra un jour pleinement conscient sur le plus haut de tous les plans, le
plan Divin ; il sera alors conscient simultanément à tous les degrés de ce
Plan Cosmique prakritique. Possédant ainsi en lui-même la puissance du
plan le plus élevé, il sera cependant capable de concevoir et d'agir sur le plan
le plus bas et de donner ainsi l'aide qui lui sera réclamée. À ce stade
d'existence, l'omnipotence, l'omniprésence seront l'apanage de tout être ;
c'est pourquoi les gains de cette vie actuelle, si peu appréciables lorsque
nous les considérons à notre point de vue personnel, prennent une valeur
grandiose s'ils sont les degrés nécessaires pour lesquels nous nous
acheminons vers la vraie vie. "L'œil ne voit pas, l'oreille n'entend pas, le
cœur de l'homme ne peut davantage concevoir les choses que Dieu réserve
à ceux qui l'adorent", car l'amour de Dieu, la sagesse de Dieu, la puissance
de Dieu et sa gloire dépassent, de même que sa paix, toute compréhension.
PAIX A TOUS LES ÊTRES
FIN DU LIVRE

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