Maître Et Sentier
Maître Et Sentier
Maître Et Sentier
L'éditeur numérique a fait les choix suivants quant aux livres publiés :
- Seul le contenu du livre à proprement parler a été conservé,
supprimant toutes les informations en début ou en fin de livre
spécifiques à l'édition de l'époque et aux ouvrages du même auteur.
- Le sommaire de l'édition papier originale a été supprimé sauf dans
certains ouvrages où le sommaire, sous forme de liens hypertextes
renvoyant au chapitre concerné, est thématique − sommaire rappelé
en tête de chapitre.
- Certaines notes de bas de page ont été supprimées ou adaptées, car
renvoyant à des informations désuètes ou inutiles.
- L'orthographe traditionnelle ou de l'époque a été remplacée par
l'orthographe rectifiée de 1990 validée par l'académie française.
PRÉFACE
Une seule raison peut m'inciter à écrire cette préface au livre de mon
honoré collègue. Ce livre parle de maintes choses qui ont été jusqu'ici
étudiées et discutées dans un cercle relativement réduit, composé d'étudiants
très versés en théosophie, et prêts à apprécier toute information concernant
des régions qui leur sont encore inconnues, mais qu'ils espèrent pouvoir
atteindre plus tard, vérifiant ainsi directement les affirmations de leurs ainés.
Les rapides changements dans le Monde de la pensée rendent utiles la
diffusion de quelques notions susceptibles de contribuer à préparer dans une
certaine mesure l'esprit du public.
Je puis personnellement garantir l'exactitude de presque toutes les
assertions faites dans ce livre, aussi je désire m'y associer, ajoutant au nom
de mon collègue, comme au mien, que cet ouvrage n'est qu'un recueil
d'observations, aussi soigneusement faites que consignées, sans aucune
prétention à faire autorité, ni à être acceptées comme telles. Ce livre ne
prétend pas être inspiré, c'est un compte rendu honnête de choses vues par
son auteur.
Annie Besant
LIVRE
PREMIÈRE PARTIE
—
LES MAITRES
CHAPITRE PREMIER
—
L'EXISTENCE DES MAITRES
1
Madame Annie Besant, qui fut présidente de la Société Théosophique depuis 1907 jusqu'à sa mort
en 1933.
ont-ils vu son visage et eu par la suite, une preuve définitive d'identité. On
trouvera, d'autre part, de nombreux témoignages dans l'ouvrage Old Diary
Leaves 2 (À la découverte de l'Occulte pas mentionné), écrit par le Colonel
Olcott. On peut encore se reporter à l'intéressant traité intitulé : Do the
Brothers exist ? Par M. A. O. Hume, qui occupait autrefois une haute [15]
position dans le Service Civil aux Indes et qui collabora beaucoup avec notre
ex-vice-président A. P. Sinnett. Ceci fut publié dans le livre Hints on
Esoteric Theosophy. M. Hume qui était un anglo-indien sceptique avec
l'esprit positif d'un homme de loi, fit personnellement une enquête sur
l'existence des Frères, un autre nom donné aux Maitres parce qu'ils
appartiennent à la Grande Fraternité, et aussi parce qu'ils sont les Frères
ainés de l'humanité et, même à cette date reculée, M. Hume conclut qu'il
avait recueilli des témoignages irréfutables de leur existence. Bien entendu,
beaucoup d'autres preuves se sont accumulées depuis l'époque où ce livre
fut écrit.
La possession d'une vision prolongée et celle d'autres facultés résultant
du développement de nos pouvoirs latents, nous a, d'autre part, fait
expérimenter constamment qu'il y a d'autres hiérarchies d'êtres que l'homme
et que certaines d'entre elles sont d'un rang qui correspond à l'Adeptat, dans
un ordre d'existence plus élevé que le nôtre. Nous rencontrons, en effet, des
êtres que nous appelons des Dévas ou des Anges et d'autres encore, qui sont
visiblement bien au-dessus de nous sous tous les rapports.
Depuis que nous sommes parvenus au cours de notre développement à
communiquer avec les Adeptes, nous leur avons naturellement demandé, en
toute révérence, comment ils ont atteint ce niveau. Ils nous ont tous déclaré
qu'il n'y a pas très longtemps encore ils étaient au degré d'évolution où nous
sommes aujourd'hui. Ils sortent des rangs de l'humanité et l'un d'eux nous a
dit qu'en temps à venir nous serons ce qu'ils sont aujourd'hui, et que tout
l'ensemble de notre Système solaire est une manifestation de la vie, évoluant
de degré en degré, s'élevant de plus en plus haut, au-delà de toute vision
humaine, jusqu'à la Divinité même.
Il y a des stades définis au début de l'évolution de la vie, le végétal
succédant au règne minéral, l'animal au règne végétal et le règne humain au
règne animal. De même le genre humain a une fin définie, une frontière au-
2
Publié en français sous le titre d'Histoire authentique de la Société Théosophique (3 vol.).
delà de laquelle il passe dans un royaume distinctement [16] supérieur ; au-
delà des hommes, il y a les surhommes.
En étudiant ce système d'évolution, nous avons appris qu'il y a en tout
homme trois grandes divisions : le corps, l'âme, l'esprit, chacune d'elles
pouvant être subdivisée à son tour. Ceci correspond bien à la définition
donnée par Saint Paul il y a deux mille ans. L'Esprit ou Monade, est le
souffle de Dieu (car le mot esprit vient du latin spiro), la divine étincelle qui
est vraiment l'Homme, quoiqu'il soit plus exact de la décrire comme planant
au-dessus de l'homme actuel. Le plan du développement de la Monade
comporte sa descente dans la matière, afin d'acquérir la définition et la
précision dans les détails matériels. Autant que nous puissions le voir, cette
Monade, qui est une étincelle du Feu divin, ne peut descendre assez bas pour
atteindre ce plan physique dans lequel nous pensons et œuvrons, cela sans
doute parce que son taux de vibration diffère par trop de celui de la matière
physique, ce qui nécessite des états de matière intermédiaires. Sur quel plan
de la nature existe originairement cette étincelle divine, nous l'ignorons, un
tel plan étant au-delà de toute compréhension. La manifestation plus basse
de la Monade, ce qu'on pourrait appeler une réflexion de l'étincelle divine,
descend jusqu'au plus bas des Plans cosmiques ainsi que je l'ai dit dans mon
Précis de Théosophie.
Nous parlons communément des sept plans d'existence, lesquels sont
des subdivisions du plan cosmique inférieur appelé, dans nos livres, plan
prakritique, c'est-à-dire plan physique du Cosmos. La Monade peut
descendre jusqu'au second de ces sous-plans, celui que nous appelons, en
conséquence, le plan monadique, mais elle ne semble pas pouvoir pénétrer
plus bas. Afin d'obtenir le contact nécessaire avec de la matière encore plus
dense, elle projette une partie d'elle-même à travers deux plans entiers et ce
fragment constitue ce que nous appelons l'Égo ou l'Âme.
L'Esprit divin, bien au-dessus de notre personnalité, plane simplement
au dessus d'elle ; l'âme n'en est qu'une [17] représentation faible et partielle,
l'extrémité, pour ainsi dire, de ce doigt de feu que pointe la Monade vers
notre plan. L'âme elle-même ne peut descendre au-dessous de la partie
supérieure du plan mental – le cinquième plan en partant du haut, le plan
physique étant le septième et le moins élevé – et, afin de pouvoir atteindre
un niveau plus bas, elle doit à son tour, projeter une petite fraction d'elle-
même, laquelle devient la personnalité, que chacun croit ordinairement être
lui-même, n'est, en réalité, que le fragment d'un fragment.
Toute évolution à travers les règnes inférieurs a pour but de préparer le
développement de cette constitution humaine. Un animal, pendant sa vie sur
le plan physique, et pour un certain temps après cela dans le monde astral,
possède une âme, tout aussi individuelle et indépendante que celle d'un
homme, cette âme ne se réincarne pas de nouveau en un corps isolé ; elle
retourne à une sorte de réservoir de matière subtile que dans nos livres nous
appelons l'âme-groupe. C'est comme si l'âme-groupe était un bassin d'eau,
fournissant la vie à plusieurs animaux de même espèce, par exemple de vingt
chevaux. Quand un cheval est sur le point de naitre de cette âme-groupe, les
choses se passent comme si l'on plongeait un récipient dans ce bassin pour
l'en retirer plein d'eau. Au cours de son existence, ce cheval fait toutes sortes
d'expériences qui modifient son âme et desquelles il tire certaines leçons ;
ces leçons peuvent être comparées à des teintures de couleurs diverses,
jetées dans le récipient plein d'eau. À la mort du cheval, l'eau du récipient
est rejetée dans le bassin et la coloration acquise se répand dans le bassin
tout entier. Il est donc évident que si un autre cheval nait ensuite de la même
âme-groupe, la portion d'eau figurant son âme, et versée dans un autre
récipient, ne pourra être la même que celle qui avait représenté le premier
cheval.
Quand un animal s'est développé suffisamment pour passer dans
l'humanité, son âme, à la fin de son existence, ne se fond plus dans l'âme-
groupe, mais demeure [18] une entité indépendante. Et alors se produit un
fait à la fois étrange et très beau. Cette essence d'âme, figurée par l'eau du
récipient, devient un véhicule pour quelque chose de beaucoup plus élevé,
incarnant alors une vie plus haute. Nous n'en avons pas d'analogie exacte
sur le plan physique, sinon celle d'insuffler de l'air dans de l'eau sous haute
pression pour en faire de l'eau gazeuse. Si nous retenons ce symbole, l'eau
qui représentait précédemment l'âme animale est devenue à présent le corps
causal d'un homme et l'air insufflé dans cette eau est l'égo, dont j'ai parlé,
cette âme de l'homme qui est une manifestation de l'Esprit divin. Cette
descente de l'égo est symbolisée dans l'ancienne mythologie grecque par le
symbole de la Coupe ; elle l'est encore par le Saint Graal ; car le Graal ou la
Coupe sont un résultat parfait de toute cette évolution inférieure, dans
laquelle est versé le vin de la Vie divine, afin que puisse naitre l'âme de
l'homme. Comme nous l'avons dit, ce qui avait été l'âme animale, devient le
corps causal de l'homme, corps qui a son existence dans la partie supérieure
du plan mental, en tant que véhicule permanent de l'égo ou âme humaine.
Tout ce qui a été appris au cours de cette première évolution des formes est
alors transféré à ce nouveau centre de vie.
L'évolution d cette âme consiste donc en son retour graduel à un niveau
supérieur sur le plan immédiatement au-dessous du plan monadique,
emportant avec elle le résultat de sa descente sur notre plan, sous la forme
d'expériences et de qualités acquises.
Notre corps physique est entièrement développé et de la sorte, nous
sommes censés en être maitres, mais nous ne le serons véritablement que
lorsque le corps sera tout à fait sous le contrôle de l'âme. Il en est
généralement ainsi parmi les races supérieures de l'humanité actuelle, bien
qu'à de certains moments le corps prenne encore le mors aux dents. Le corps
astral, lui aussi, est pleinement développé, mais il s'en faut encore de
beaucoup qu'il soit sous notre parfait contrôle ; même parmi les races
auxquelles nous appartenons, on trouve un [19] grand nombre de gens qui
sont les victimes de leurs propres émotions. Loin d'être à même de
gouverner ces émotions à leur guise, ils ne se laissent que trop souvent
gouverner par elles ; ils laissent leurs émotions partir à la débandade, comme
un cheval sauvage pourrait s'enfuir affolé entrainant son cavalier en maint
endroit où il n'a nulle envie d'aller.
On peut donc considérer que chez les bons sujets des races les plus
avancées de notre époque, le corps physique est pleinement développé et
suffisamment sous leur contrôle, alors que le corps astral, également
développé, est bien loin de l'être encore. Le corps mental est en cours
d'évolution, sa croissance est incomplète. Il y a, par conséquent, beaucoup à
faire avant que ces trois corps, physique, astral et mental, soient entièrement
subordonnés à l'âme. Quand ceci sera un fait accompli, le soi inférieur aura
été absorbé par le Soi supérieur et l'égo, l'âme maitrisera la personnalité.
Quoique l'homme ne soit pas encore parfait, ses différents véhicules sont
maintenant suffisamment harmonisés pour n'avoir qu'un but unique.
Jusqu'à présent, l'âme s'est efforcée lentement, graduellement, de
contrôler ses véhicules personnels jusqu'à ce qu'ils ne fassent plus qu'un
avec elle ; c'est à la Monade ensuite de maitriser l'âme et un temps viendra
où, de même que la personnalité et l'âme n'ont plus fait qu'un, de même
l'Esprit et l'âme ne formeront plus qu'un. Ce sera l'unification de l'égo avec
la Monade. Lorsque ce résultat sera obtenu, l'homme aura atteint le but de
sa descente dans la matière – il sera devenu le Surhomme, l'Adepte.
Aussi, pour la première fois, prendra-t-il contact avec la vie réelle, car
toute cette formidable évolution, à travers les règnes inférieurs d'abord et
ensuite à travers le règne humain jusqu'à l'Adeptat, n'est qu'une préparation
à cette vraie vie de l'Esprit qui commence seulement quand l'homme devient
plus qu'un homme. L'Humanité est la classe finale de l'école du monde et
quand l'homme a fini d'en suivre les cours, il passe alors dans [20] la vie
réelle, la vie de l'Esprit glorifié, la vie du Christ. Ce qu'est cette vie, à peine
le savons-nous encore ; bien que nous voyions ceux qui la partagent, elle est
douée d'une gloire et d'une splendeur défiant toute comparaison, et qui
dépasse même notre compréhension. C'est cependant, une réalité vivante et
profonde et dont l'ultime possession, par chacun de nous, est d'une absolue
certitude. Nous ne pourrions nous y soustraire, même si nous le voulions.
Lorsque nous agissons égoïstement et nous mettons en travers du courant de
l'évolution, nous retardons notre progrès, mais nous ne pouvons finalement
l'arrêter.
Étant libéré de sa vie humaine, l'homme parfait abandonne d'ordinaire
ses différents corpos matériels ; mais il garde le pouvoir de revêtir un
quelconque s'il lui arrive d'en avoir besoin au cours de son travail. Dans la
majorité des cas, celui qui atteint à ce niveau n'a plus besoin d'un corps
physique ; il ne retient pas non plus ses corps astral, mental, ni même le
corps causal car il vit d'une façon permanentent à son niveau le plus élevé.
Quand, pour une raison quelconque, il doit agir dans un plan inférieur au
sien, il est obligé de prendre un véhicule temporaire appartenant à ce plan
dont, seuls, les états de matière lui permettent d'entrer en contact avec ceux
qui y vivent habituellement. S'il veut, par exemple, parler à un homme sur
le plan physique, il lui faut prendre un corps physique et se matérialiser,
partiellement au moins, faute de quoi il ne pourrait se faire comprendre.
De même, s'il désire produire une impression sur notre mental, il
s'enveloppera d'un corps mental. À quelque moment qu'il ait besoin, pour
son travail, d'un véhicule inférieur, il a le pouvoir d'en prendre un à son gré,
mais il ne le garde que le temps nécessaire.
Il existe sept voies ouvertes à l'homme parfait pour monter encore ; nous
en donneront la liste dans un chapitre ultérieur.
Le Monde est guidé et dirigé, dans une large mesure, par une Fraternité
d'Adeptes à laquelle appartiennent nos Maitres. Nombre d'étudiants en
Théosophie se font [21] à leur égard toutes sortes d'idées fausses : certains
les considèrent comme vivant ensemble, en une grande communauté
monastique, dans quelques endroit secret ; d'autres les croient des Anges ;
beaucoup de nos étudiants s'imaginent qu'ils sont tous Indous, ou qu'ils
résident tous dans l'Himalaya. Rien de cela n'est vrai. Les membres de la
Grande Fraternité sont en constante communication entre eux ; mais leurs
rapports mutuels ont lieu sur des plans supérieurs et ils ne vivent pas
nécessairement ensemble. Quelques-uns de ces grands Frères, que nous
appelons Maitres de la Sagesse, acceptent, comme faisant partie de leur
œuvre, de prendre des élèves auxquels ils donnent leur enseignement, mais
ceux-là ne constituent qu'une faible fraction de la puissante phalange des
hommes parfaits.
Les pouvoirs de l'Adepte sont, en vérité, nombreux et merveilleux, mais
ils procèdent tous, d'une manière naturelle, de facultés que nous possédons
nous-mêmes… En réalité, l'Adepte possède ces mêmes facultés à un degré
infiniment plus haut. Je crois que la caractéristique la plus saillante du
Maitre, si on le compare avec nous, est qu'il considère toute chose d'un point
de vue fort différent du nôtre, car il n'y a, en lui, absolument aucune trace
de cette pensée personnelle si manifeste chez la majorité des hommes.
L'Adepte a éliminé le soi inférieur et vit, non pour lui-même, mais pour tous,
et cependant, en un sens que lui seul peut réellement comprendre, ce "tous"
n'est vraiment autre que lui-même. Il a atteint ce stade dans lequel il n'y a
plus aucune imperfection dans le caractère, plus rien d'une pensée ou d'un
sentiment existant pour le soi personnel, et son unique mobile est de
collaborer à l'évolution, en harmonie avec le Logos qui la dirige. Sans doute
la caractéristique la plus marquée de l'Adepte, après celle dont nous venons
de parler, est celle de son développement complet, sous tous les aspects.
Nous sommes tous imparfaits ; aucun de nous n'a atteint le niveau le plus
élevé dans aucun domaine, et [22] le grand savant ou le grand saint mêmes
n'ont d'ordinaire atteint à une hauteur exaltée qu'en un point seulement, et
bien des côtés de leur nature ne sont pas encore développés. Nous possédons
tous quelque germe de multiples caractéristiques mais chacun de nous n'est
que partiellement éveillé et d'une façon très inégale. Un Adepte, par contre,
est un homme dont la dévotion et l'amour, la sympathie et la compassion
sont parfaites, en même temps que son intellect est quelque chose
d'infiniment plus grand que nous ne pouvons nous en faire une idée à l'heure
actuelle, et sa spiritualité merveilleuse et divine. Il s'élève au-dessus et au-
delà de tous les hommes que nous connaissons, par le fait que, seul, il est
parfaitement développé.
CHAPITRE II
—
LES CORPS PHYSIQUES DES MAITRES
3
L'Occultisme dans la Nature. Traduction française (2 vol.).
Adeptes est beaucoup plus grand que l'indiqueraient pour nous les
apparences. Le Maitre Morya, par exemple, semble être dans la pleine force
de l'âge, 35 ou 40 ans, selon notre estimation habituelle, et pourtant, s'il faut
en croire ses élèves, il aurait quatre ou cinq fois cet âge. Mme Blavatsky nous
dit elle-même que lorsqu'elle le vit étant encore enfant, il lui parut
exactement le même que dans les derniers temps de sa vie à elle. De même,
le Maitre Kuthumi semble avoir le même âge que son constant ami et
compagnon de Maitre Morya ; cependant on rapporte qu'il obtint un diplôme
dans une Université d'Europe un peu avant le milieu du siècle dernier, ce
qui ferait de lui pour le moins un centenaire. Nous n'avons, pour l'instant,
aucun moyen de déterminer dans quelles limites ces Maitres prolongent la
durée de leurs corps physique, quoiqu'il existe des témoignages établissant
que cette durée [41] dépasse aisément le double des trois lustres et demi (70
ans) du Psalmiste.
Un tel corps, propre à un travail supérieur, est inévitablement très
sensitif et demande par conséquent des ménagements particuliers pour
pouvoir toujours donner son maximum de rendement. Il s'userait, comme
s'usent les nôtres, s'il était soumis aux mille frottements du monde extérieur
et au torrent incessant de ses vibrations antipathiques. Aussi les grands Êtres
vivent-ils généralement dans un isolement relatif, ne faisant que de rares
apparitions dans ce chaos insensé qu'est notre vie journalière ; s'il leur fallait
venir exposer leur corps dans le tourbillon de curiosité et de violentes
émotions dont est entouré un Instructeur mondial lors de sa venue, sans
aucun doute la vie de leur corps en serait considérablement abrégée et de
toute manière rendue fort pénible, en raison même de leur extrême
sensibilité.
En occupant temporairement le corps d'un élève, l'Adepte évite ces
inconvénients, tout en conférant un élan incalculable à l'évolution de l'élève.
Il n'habite, d'ailleurs, le véhicule emprunté qu'aux moments nécessaires pour
adresser une allocution, par exemple, ou pour répandre un flot spécial de sa
bénédiction ; dès qu'il se retire du corps prêté, que son but est atteint, il se
retire du corps prêté, que l'élève – ayant attendu le temps nécessaire –
réoccupe aussitôt, tandis que l'Adepte réintègre son propre véhicule, pour
reprendre son travail usuel. De cette manière, son travail habituel n'est que
peu affecté et il a, néanmoins, toujours à sa disposition un corps par
l'intermédiaire duquel il peut, quand il convient, coopérer sur le plan
physique à la bienfaisante mission de l'Instructeur mondial.
Nous pouvons aisément nous représenter à quel point doit être affecté
l'élève privilégié qui prête ainsi son corps à un grand Être, bien que l'étendue
de l'effet produit échappe à notre estimation : un véhicule accordé sur une
telle influence lui sera de toute évidence, par la suite, une aide puissante. De
plus, pendant que son corps est utilisé, il aura le privilège de se baigner dans
le merveilleux magnétisme de l'Adepte, car il doit [42] toujours se tenir à
proximité pour réintégrer son corps dès que le Maitre le quitte.
Aussi cette pratique d'emprunter un corps approprié est-elle toujours
adopté par les grands Êtres lorsqu'ils jugent utile de venir parmi les hommes
à des périodes telles que celles qui prévalent actuellement dans le monde.
Le Seigneur Gautama l'employa quand il vint pour atteindre l'état de
Bouddha ; et le Seigneur Maitreya fit de même lorsqu'il visita la Palestine,
il y a deux mille ans. La seule exception à ma connaissance se produit quand
le nouveau Bodhisattva assume la charge d'Instructeur mondial après que
son prédécesseur est devenu "Bouddha". À sa première apparition dans le
monde en cette qualité, il prend alors le corps d'un nouveau-né, à la manière
ordinaire. Ainsi fit notre Seigneur, l'actuel Bodhisattva lorsqu'il naquit en
tant que Srî Krishna, dans les plaines ardentes de l'Inde et fut révéré et chéri
avec une dévotion passionnée qui n'a peut-être jamais été égalée.
Cette occupation temporaire du corps d'un élève ne doit pas être
confondue avec l'usage permanent, par une personnalité avancée, d'un
véhicule préparé à son intention. Nombre d'élèves de Mme Blavatsky savent
que notre grande fondatrice, lorsqu'elle abandonna le corps dans lequel nous
la connûmes, entra dans un corps que son possesseur venait de quitter. Je ne
sais pas si ce corps avait été préparé exprès à cet effet ; mais je connais des
cas où il en fut ainsi. En pareille circonstance, il y a toujours une certaine
difficulté pour adapter le véhicule aux besoins et aux caractéristiques du
nouvel occupant. Aussi est-il probable que ce corps ne parvient jamais à
faire un véhicule parfait. L'Égo sur le point de se réincarner dans de telles
conditions se trouve dans cette alternative : ou bien consacrer une peine et
un temps considérables à diriger la croissance d'un nouveau véhicule, qui
soit une représentation de lui aussi parfaite que la chose est possible sur le
plan physique, ou bien éviter tous ces ennuis en entrant dans le corps qu'un
Égo lui abandonne ; procédé qui peut fournir un instrument très acceptable
pour l'usage courant, mais qui ne donne [43] jamais, sous maints rapports,
tout ce que son nouveau possesseur pourrait vouloir en tirer. Il est certain
qu'un élève ne demanderait pas mieux que d'avoir l'honneur d'abandonner
son corps à son Maitre, mais, en vérité, bien peu nombreux sont les
véhicules assez purs pour servir à ce dessein.
On demande souvent pourquoi l'Adepte, dont le travail semble
s'accomplir presque entièrement sur les plans supérieurs, a réellement
besoin d'un corps physique. Ceci, évidemment, ne nous regarde pas ;
toutefois, s'il n'y a pas d'irrévérence à spéculer en pareille matière, plusieurs
explications semblent s'offrir à nous. En effet, l'Adepte consacre beaucoup
de temps à la projection de courants d'influence, et bien que – autant que
nous avons pu l'observer – cette projection s'opère sur le plan mental
supérieur ou sur le plan directement au-dessus, il est à présumer que des
courants éthériques sont généralement émis, tout au moins de temps à autre.
Par ailleurs, la possession d'un corps physique constitue assurément un
avantage. La plupart des Maitres que j'ai vus sur le plan physique ont
quelques élèves ou auditeurs qui vivent avec eux, ou près d'eux ; il est donc
possible qu'un corps physique soit utile aux Maitres dans leurs rapports avec
ceux qui les approchent. En tout cas, nous pouvons être certains que si un
Adepte se décide à prendre la peine d'entretenir un corps physique, c'est qu'il
a pour cela une raison sérieuse ; en effet, nous en savons assez au sujet de
leurs méthodes de travail pour pouvoir affirmer qu'ils font toutes les choses
en tout temps pour le mieux, et par les moyens qui exigent la moindre
dépense d'énergie.
DEUXIÈME PARTIE
—
LES ÉLÈVES
CHAPITRE III
—
LE CHEMIN QUI MÈNE AU MAITRE
ENTRÉE EN PROBATION
"Je sais que votre unique but dans la vie est de servir la
Fraternité ; cependant, n'oubliez pas qu'il y a devant vous
de plus hauts degrés à gravir, et que le progrès sur le
Sentier exige une vigilance toujours en éveil. Non
seulement vous devez être toujours prêts à servir, mais
vous devez guetter constamment les occasions – que dis-
je, créer des occasions – de vous rendre utiles dans les
petites choses, afin que vous ne manquiez pas de voir le
plus grand travail lorsqu'il se présentera.
N'oubliez jamais un instant votre alliance occulte ; elle
doit être pour vous une inspiration toujours présente, non
seulement un bouclier contre les pensées vaines qui
flottent autour de nous, mais encore un stimulant pour
l'activité spirituelle. La vanité et la mesquinerie de la vie
ordinaire vous deviendront alors impossibles, bien que ne
dépassent pas notre compréhension et notre compassion.
[72]
L'ineffable félicité de l'Adeptat n'est pas encore vôtre,
mais souvenez-vous que vous ne faites qu'un avec Ceux
qui vivent de cette vie supérieure ; vous êtes les
dispensateurs de leur lumière dans ce monde inférieur, de
sorte que vous aussi, sur votre plan, devez être de radieux
soleils d'amour et de joie. Le monde peut ne pas
comprendre, ne pas apprécier : votre devoir est de briller.
Ne vous reposez pas sur vos lauriers ; il y a des sommets
encore plus élevés à atteindre. Le besoin de
développement intellectuel ne doit pas être perdu de vue ;
d'autre part, il faut augmenter en nous la sympathie,
l'affection, la tolérance. Chacun doit se rendre compte
qu'il existe des points de vue différents des siens et tout
aussi digne d'attention. Toute rudesse ou vulgarité de
langage, toute tendance à discuter, doivent absolument
disparaitre ; celui qui s'y voit enclin, doit en réprimer
l'impulsion dès qu'elle s'élève en lui ; il devra parler peu
et toujours avec délicatesse et courtoisie. Ne parlez jamais
sans vous demander si ce que vous allez dire est à la fois
bienveillant et sensé. Celui qui s'efforce de créer en soi
l'amour, est à l'abri de beaucoup d'erreurs. L'amour est la
vertu suprême, sans laquelle les autres qualités "n'arrosent
que du sable".
Les pensées et les sentiments indésirables doivent être
rigoureusement proscrits ; il faut les combattre jusqu'à ce
que leur retour ne soit plus possible. Les mouvements
d'irritabilité troublent la mer calme de la conscience de la
Fraternité. L'arrogance doit être exclue, car elle est un
sérieux obstacle au progrès. La parfaite délicatesse de
pensée et de langage est nécessaire ; c'est l'arôme du tact
parfait qui jamais ne peut choquer ni offenser. Tout cela
est difficile à acquérir ; toutefois, si vous le voulez, vous
y parviendrez.
Le service défini, et non pas le bon plaisir, devrait être
votre objectif ; songez, non pas à ce que vous désirez faire,
mais bien à ce que vous pourriez faire pour aider
quelqu'un d'autre ; oubliez-vous et portez votre attention
sur les autres. En conséquence, il faut qu'un élève soit [73]
bon, obligeant, secourable, non pas de temps à autre, mais
tout le temps. Rappelez-vous que chaque moment qui n'est
pas consacré au service, ou à vous adapter au service, est
pour nous du temps perdu.
Quand vous constatez en vous-même des défauts avérés,
il faut les prendre en mains avec courage et résolution ; en
persévérant, vous réussirez ; c'est une question de volonté.
Guettez occasions et suggestions : soyez une valeur
productrice. Je suis toujours prêt à vous assister ; mais je
ne peux pas faire la besogne pour vous ; c'est de vous que
l'effort doit venir. Essayez d'approfondir toutes les
occupations journalières et de mener une vie de
dévouement le plus complet au service.
Jusqu'à présent vous avez bien fait, mais je désire que vous
fassiez mieux encore. Je vous ai mis à l'épreuve en vous
offrant des occasions d'aider, et jusqu'ici vous les avez
saisies noblement ; en retour, je vous en accorderai de plus
nombreuses et de plus importantes, et votre progrès
dépendra de la façon dont vous les reconnaitrez et les
mettrez à profit. Souvenez-vous que la récompense d'un
travail réussi est dans la chance qui s'offrira pour vous de
faire plus de travail, et que la fidélité dans ce qui semble
être de petites choses, entraine vers l'emploi dans les
affaires de plus grande importance. J'espère pouvoir
bientôt vous attirer plus près de moi, ce qui vous permettra
d'aider vos frères le long du Sentier qui mène aux pieds du
Roi. Soyez reconnaissants d'avoir une grande puissance
d'aimer, de savoir inonder votre monde de lumière, de
vous répandre au dehors avec une royale prodigalité et de
semer le bienfait comme un roi ; cela, en vérité, est bien,
mais prenez garde, de peur qu'au cœur de cette grande
fleur d'amour ne se glisse un tout petit mobile d'orgueil,
lequel pourrait s'étendre comme le fait la tache de
corruption presque invisible qui s'accroit jusqu'à ce qu'elle
ait empoisonné et corrompu toute la fleur. Rappelez-vous
ce qu'a écrit notre grand Frère : "Sois humble lors même
que tu atteindras la sagesse ; sois plus humble encore
lorsque tu seras devenu Maitre." Cultivez donc cette
modeste plante embaumée qu'est l'humilité, [74] jusqu'à
ce que son doux arome pénètre chaque fibre de votre être.
Quand vous tâchez d'atteindre l'unité, ce n'est pas suffisant
d'attirer les autres, de les envelopper de votre aura pour
établir l'union avec vous ; le faire est déjà beaucoup
assurément, néanmoins il vous faut aller encore plus en
avant ; être vous-même en chacun d'eux ; pénétrer dans les
cœurs mêmes de vos frères et les comprendre. Que ce ne
soit jamais par curiosité : le cœur d'un frère étant à la fois
un lieu secret et sacré, on doit chercher ni à le fouiller ni à
l'agiter ; s'efforcer, au contraire, et sans intrusion, de
comprendre de compatir, de secourir. Il est facile de
critiquer autrui de son propre point de vue ; plus difficile
d'arriver à le connaitre et à l'aimer, ce qui est pourtant
l'unique moyen de l'amener à soi. Je veux que vous
croissiez rapidement afin que je puisse me servir de vous
dans le grand travail, et, pour vous aider à avancer cette
possibilité, je vous donne ma bénédiction.
Sois aussi la bienvenue, toi la plus récente recrue de notre
excellente troupe. Il ne t'est pas facile de t'oublier
entièrement, de te plier sans réserve au service du monde,
et cependant ce qui nous est demandé est de [75] vivre afin
d'être une bénédiction pour les autres, et faire le travail qui
nous est indiqué. Avoir fait un bon commencement au
cours de ton développement personnel, c'est bien ; mais
beaucoup reste encore à faire. Réprime même les plus
légères ombres d'irritabilité et sois toujours prête à
recevoir conseils et leçons : cultive l'humilité et le
sacrifice de soi-même et sois remplie d'un ardent
enthousiasme pour le service. De cette façon tu deviendras
un instrument convenable dans la main du grand Maitre,
un soldat dans l'armée de Ceux qui sauvent le monde. Pour
t'y aider, je te prends maintenant comme élève en
probation."
*
Il se peut que l'on soit surpris de l'extrême simplicité de ces
instructions ; elles pourront même sembler méprisables et peu aptes à guider
et à aider les gens à travers l'immense complexité de notre civilisation
moderne. Mais, qui pense ainsi oublie que c'est l'essence de la vie de l'élève
que de mettre toute cette complexité et, suivant l'expression du Maitre, de
quitter notre monde pour aller dans le sien. On pénètre ainsi dans un monde
de la pensée où la vie est simple et d'une direction nette, dans lequel le bien
et le mal sont une fois de plus clairement définis, et où s'ouvrent devant nous
des issues claires et intelligibles. C'est la vie simple que le disciple devra
mener ; c'est la vraie simplicité atteinte qui rend possible le progrès
supérieur. Nous avons fait de notre vie un enchevêtrement et une incertitude,
un amas de confusions, une tempête de courants contraires dans lesquels le
faible défaille et sombre ; mais il faut que l'élève du Maitre soit fort et sain,
il faut qu'il prenne sa vie en mains et qu'il la rende simple, d'une simplicité
divine, il faut que son esprit balaye toutes ces confusions, ces illusions
créées par l'homme et qu'il aille, comme une flèche, droit à son but. "À
moins que vous soyez convertis et deveniez comme de petits enfants, vous
ne pourrez en aucune façon entrer dans le royaume du ciel." Et le royaume
du [76] ciel, ne l'oubliez pas, est la Grande Fraternité blanches des Adeptes.
On voit d'après ces extraits combien est élevé l'idéal que le Maitre place
devant ses élèves, et peut-être apparait-il à certains d'entre eux comme "un
conseil de perfection", autrement dit, un but ou un état impossible à atteindre
parfaitement quant à présent, mais vers lequel, néanmoins, il faut
constamment tendre. Si tous les aspirants visent haut, pas un cependant ne
peut pleinement atteindre le but qu'il se propose, autrement il n'aurait pas
besoin d'exister ici-bas dans une incarnation physique. Nous sommes tous
très loin d'être parfaits, mais les jeunes qui peuvent être amenés auprès des
grands Êtres ont une merveilleuse opportunité, en raison même de leur
jeunesse et de leur plasticité ; aussi leur est-il plus facile qu'aux autres
personnes âgées d'éliminer tout ce qui, en eux, doit disparaitre. S'ils peuvent
cultiver l'habitude d'adopter le point de vue qu'il faut, d'agir pour de bonnes
raisons et d'observer une attitude juste toute leur vie, ils ne peuvent manquer
d'approcher rapidement et de plus en plus, de l'idéal des Maitres. Si l'élève
en probation pouvait voir, dans son corps physique à l'état de veille, les
images vivantes que façonne le Maitre, il comprendrait bien mieux
l'importance de ce qui lui parait n'être que détails accessoires.
L'irritabilité est une difficulté courante ; comme je l'ai déjà expliqué ;
être irritable c'est une chose assez fréquente dans notre civilisation actuelle,
où les nerfs sont trop tendu. Nous vivons en grande partie, au milieu de
bruits torturants ; or, le bruit, par-dessus tout, ébranle les nerfs à cause de
l'irritation. Le fait de se rendre dans le quartier des affaires d'une grande ville
et de rentrer chez soi avec la sensation d'être complètement brisé, épuisé, est
un inconvénient que connaissent tous les sensitifs. Beaucoup d'autres
facteurs contribuent à cette grande lassitude, mais elle est due
principalement au bruit et aussi à la pression de tant de corps astrals vibrant
à des fréquences différentes et qui sont tous agités et excités par des
bagatelles. Dans de pareilles [77] conditions, il est très difficile d'éviter
l'irritabilité, spécialement chez les élèves dont les corps sont vibrants et plus
sensitifs que ceux de l'homme ordinaire.
Sans doute cette irritation est-elle quelque peu superficielle ; elle ne
pénètre pas profondément ; néanmoins, il est préférable d'éviter, autant que
possible, une irritation, même superficielle, parce que les effets en persistent
beaucoup plus longtemps qu'on ne le pense communément. Ainsi,
lorsqu'une tempête se produit, c'est le vent qui d'abord agite les vagues, mais
leur agitation persiste longtemps après la chute du vent. Tel est l'effet produit
sur l'eau, qui est d'une manière relativement lourde, mais la matière du corps
astral est infiniment plus fine que celle de l'eau, et les vibrations mises en
mouvement la pénètrent beaucoup plus profondément, produisant ainsi un
effet plus durable. Telle impression légère, désagréable, ou temporaire,
qu'on oublie en dix minutes peut-être, peut néanmoins produire sur le corps
astral un effet qui persistera pendant quarante-huit heures, car les vibrations
ne se stabilisent qu'après un temps prolongé.
Quand un tel défaut est reconnu, on peut arriver à le faire disparaitre,
non pas en y portant l'attention, mais en s'efforçant de construire la vertu
opposée. Un moyen simple de l'attaquer consiste évidemment à dresser sa
pensée contre lui, mais il n'est pas douteux que ce procédé soulève
l'opposition des élémentals astral et mental, de sorte qu'il vaut souvent
mieux essayer de témoigner de la considération pour les autres, basée
naturellement sur l'amour qu'on leur porte. Un homme rempli d'affection et
de considération ne se permettra pas à leur égard des paroles et des pensées
empreintes d'irritation. S'il peut se bien pénétrer de cette idée, il obtiendra le
même bon résultat sans exciter l'opposition des élémentals.
Il existe bien d'autres formes d'égoïsme qui peuvent retarder très
sérieusement les progrès de l'élève : l'indolence est une de ces formes. J'ai
vu une personne prenant un tel plaisir à la lecture d'un livre ne se décidait
pas à la cesser à temps pour être ponctuelle ; [78] une autre écrivait très mal,
sans se soucier des désagréments qu'elle imposait aux yeux et à l'humeur de
ceux qui avaient à lire sa calligraphie. Toutes ces choses tendent à nous
rendre moins sensibles aux influences élevées, à jeter dans la vie des autres
le désordre et la laideur, à détruire la maitrise de soi et la capacité d'agir,
essentielles ainsi que la ponctualité, à la production d'un travail satisfaisant.
Peu de personnes ont cette capacité d'agir : lorsqu'un travail déterminé leur
est donné, elles ne finissent pas complètement, trouvant à cela toutes sortes
d'excuses ; ou bien encore si on leur demande quelque renseignement, elles
ne savent pas où le trouver. Sous ce rapport, les êtres diffèrent beaucoup ;
ainsi, on posera une question à une personne qui répondra sans plus : "Je ne
sais pas, mais je vais chercher", et elle reviendra avec le renseignement
demandé. Telle autre personne veut agir mais revient en disant qu'elle n'a
rien fait, tandis qu'une autre persévèrera jusqu'à ce qu'elle ait réussi.
Dans tout bon travail, dans des cas de peu d'importance peut-être,
matériellement parlant, mais de grande valeur au point de vue spirituel,
l'élève doit toujours penser d'avantage qui en résultera pour autrui et à
l'occasion qui lui est donnée de servir le Maitre. Il doit y penser, et non pas
au bon karma que ce travail peut lui valoir, ce qui serait une autre forme très
subtile de la tendance à tout rapporter à soi. Rappelez-vous comment
s'exprima le Christ : "D'autant que vous l'avez fait pour le humble de mes
frères, vous l'avez fait pour moi."
D'autres effets subtils de même espèce se voient dans le découragement,
la jalousie et les assertions agressives de l'individu au sujet de ses droits. Un
Adepte a dit : "Pensez moins à vos droits et davantage à vos devoirs." Il est
évidemment des circonstances dans lesquelles l'élève, ayant affaire avec le
monde extérieur, se trouve dans la nécessité d'exprimer courtoisement ce
dont il a besoin, mais, vis-à-vis de ses camarades élèves, il ne peut être
questions de droits, mais seulement d'opportunités. Bien [79] souvent
lorsqu'un homme éprouve une contrariété, il commence par manifester des
sentiments agressifs ; peut-être n'ira-t-il pas jusqu'à haïr, mais il n'en fait pas
moins apparaitre dans son corps astral une lueur terne, qui affecte également
son corps mental.
Des perturbations semblables, tout aussi désastreuses dans leurs effets,
s'établissent fréquemment dans le corps mental. Lorsqu'un homme se laisse
extrêmement tourmenter par quelque problème qu'il tourne et retourne dans
son esprit sans parvenir à aucune conclusion, il déclenche par là quelque
chose comme une tempête dans son corps mental. En raison de l'extrême
finesse des vibrations sur ce niveau, le mot "tempête" n'exprime que
partiellement la réalité ; il serait plus exact, sous certains rapports, de
comparer l'effet produit dans le corps mental à un point douloureux ou à une
irritation par frottement. On rencontre parfois des possédés de la manie de
la discussion : il faut qu'ils argumentent à propos de tout ; apparemment, ils
affectionnent tellement ce genre d'exercice qu'ils se soucient à peine de
savoir de quel côté du problème ils sont engagés. Une personne de cette
espèce a son corps mental dans un état d'inflammation perpétuelle,
susceptible de devenir, à la plus légère provocation, une véritable plaie
ouverte. Il n'y a, pour une telle personne, aucun espoir de progrès occulte,
quel qu'il soit, jusqu'à ce qu'elle ait appelé l'équilibre et le bon sens au
secours de son état maladif.
Heureusement pour nous, les bonnes émotions persistent encore plus
longtemps que les mauvaises, par la raison qu'elles agissent dans la partie la
plus fines du corps astral ; l'effet d'un sentiment de vive affection ou de
profond dévouement persiste dans votre corps astral longtemps après la
disparition et même l'oubli de l'incident qui l'a causé. Il est possible, bien
qu'assez rare, que deux catégories de fortes vibrations soient misent en
mouvement simultanément dans le corps astral, par exemple l'amour et la
colère. Au moment où il est sous le coup d'une intense colère, un homme
n'est guère susceptible, vraisemblablement, d'éprouver un vif sentiment
d'affection, à moins [80] que la colère ne procède d'une noble indignation ;
en pareil cas, les résultats de ces sentiments coexisteront, mais l'un sera à un
niveau beaucoup plus élevé que l'autre et par la suite persistera plus
longtemps.
Il est fort naturel que la jeunesse désire se distraire, être gaie, lire,
écouter des choses amusantes et en rire ; il n'y a là rien que de très naturel
et cela ne fait aucun mal. Si les gens pouvaient voir les vibrations mises en
mouvement par le bon rire enjoué, ils se rendraient bien vite compte que par
ce rire le corps astral se trouve secoué, comme est secoué le foie lorsqu'on
monte à cheval ; loin d'être nuisible, cet exercice est salutaire. En revanche,
si l'on pouvait voir le résultat de certaines plaisanteries moins agréables
faites par des gens à l'esprit vil, on se rendrait compte d'un affreux contraste ;
les plaisanteries de cet ordre sont tout à fait nuisibles, et les formes
produites, longtemps accrochées au corps astral, attirent toutes sortes
d'entités répugnantes. Ceux qui veulent s'approcher des Maitres doivent être
entièrement dégagés de tout cela, aussi bien que de tout ce qui est tapageur,
violent, et les plus jeunes doivent éviter de tomber dans l'enfantillage ou la
niaiserie.
Certains jeunes manifestent parfois une tendance à ricaner ; il leur faut
réprimer à tout prix, attendu qu'elle produit un très mauvais effet sur le corps
astral autour duquel elle tisse un réseau de fils, d'un gris-brun fort déplaisant
à voir et formant une épaisseur qui s'oppose à la pénétration des bonnes
influences : d'om le réel danger contre lequel les jeunes doivent assidument
se tenir en garde. Soyez joyeux et heureux sans contrainte ; le Maitre aime
vous voir ainsi et cela facilitera vos pas sur votre chemin ; mais veillez à ce
que votre rire ne devienne pas un rire malséant ni que d'autre part, il ne
dégénère en un rire sot.
En ceci, comme en toutes choses, il y a une ligne de démarcation définie
entre ce qui est inoffensif et ce qui peut aisément devenir malfaisant. La
méthode la plus [81] sure pour la déterminer est de considérer si le plaisir
demeure dans les limites de la délicatesse et du bon gout. Dès que le rire
dépasse ces limites, dès l'instant qu'il contient la moindre pointe de
turbulence ou cesse d'être un parfait raffinement, on glisse vers un terrain
dangereux. La signification intérieure de cette distinction est que tout va
bien tant que l'égo conserve le plein contrôle de son corps astral ; mais
aussitôt que ce contrôle lui échappe, le rire devient niais et dépourvu de sens.
Un corps astral demeuré ainsi sans contrôle est à la merci de toute
influence qui passe et il pourra facilement être affecté de pensées et de
sentiments tout à fait indésirables. Veillez aussi à ce que votre gaieté soit
toujours pure et nette, à ce qu'elle ne soit jamais, pas même un instant,
empreinte d'un malicieux plaisir à la vue de la souffrance ou de la
déconfiture d'autrui. Si quelque accident mortifiant arrive à quelqu'un ne
demeurez pas à rire stupidement de son aspect ridicule : précipitez-vous
pour secourir et consoler. La bonté affectueuse et la promptitude à venir en
aide doivent constamment faire partie de vos qualités maitresses.
Le clairvoyant, qui peut voir l'effet produit sur les véhicules supérieurs
par les émotions indésirables, ne trouve aucune difficulté à comprendre
combien il est important de les maitriser ; mais, précisément parce que la
plupart d'entre nous ne peuvent voir cet effet, nous sommes presque tous
exposées à le perdre de vue et à nous laisser aller à la négligence. Il en est
de même de l'effet produit par les remarques sur des choses indifférentes ou
légères. Suivant la légende, le Christ, au cours de sa dernière incarnation sur
terre, aurait dit que les hommes auront à rendre compte au Jour du Jugement
de chacune de leurs paroles inutiles. Cela parait d'une sévérité excessive, et
si la conception orthodoxe du jugement était correcte, ce serait réellement
injuste et abominable. En réalité, le Christ ne voulait pas dire que chaque
parole inutile condamnerait un homme aux tourments éternels – au surplus,
il n'existe rien de semblable – mais [82] nous savons que toute parole et
toute pensée a son karma, son résultat, et la répétition de sottises crée autour
de la personne qui les profère, une atmosphère qui écarte les bonnes
influences. Pour l'éviter, une attention constante est nécessaire. L'idéal qui
ne permettrait pas un instant d'oubli, serait certes surhumain ; mais, après
tout, les disciples visent à devenir surhumains, puisque le Maitre dépasse
l'homme. Il est évident que si l'élève pouvait vivre une vie parfaite, il serait
déjà lui-même Adepte ; or, il ne peut pas être encore parfait, mais il doit
constamment se remémorer son idéal s'il veut s'en approcher rapidement.
Toute parole vaine qu'il prononce affecte momentanément ses relations avec
le Maitre ; aussi doit-il surveiller ses paroles avec le plus grand soin.
Il est spécialement nécessaire à l'aspirant d'éviter toute impatience et
tout air d'importance. Maint travailleur énergique et sincère gâte la plupart
de ses efforts et les rend stériles en tombant dans ces travers ; car il engendre
autour de lui une aura de vibrations désordonnées telle que pas une pensée
ou un sentiment ne peut la traverser sans y produire une altération, et que le
bien, alors même qu'il rayonne au dehors, se trouve neutralisé par cette
trépidation. Soyez, dans ce que vous faites, précis, mais cela dans le calme
parfait, jamais avec bruit ou fracas.
Un autre point, sur lequel il convient d'insister auprès de nos étudiants,
est qu'en occultisme nos paroles ont toujours une signification littérale. Si
l'on fixe comme règle de ne prononcer aucune parole de critique, de ne rien
dire que de charitable à l'égard d'autrui, c'est à prendre au pied de la lettre et
non à interpréter comme bon nous semble ; cela ne veut pas dire que nous
devons nous réduire quelque peu le nombre des paroles critiques, mais que
nous devons entièrement et définitivement les exclure. Nous avons
tellement l'habitude d'entendre des recommandations de morale auxquelles
personne ne semble se conformer sérieusement, que nous avons finies par
penser qu'un acquiescement de pure forme à telle ou telle ligne de
conduite, ou qu'un faible effort de temps [83] à autre pour en approcher, est
tout ce que la religion demande de nous. Il faut complètement abandonner
tournure d'esprit et comprendre que l'exacte et littérale obéissance est exigée
en matière d'enseignement occulte, que celui-ci soit donné par le Maitre ou
par son élève. La présence d'un disciple ancien et éprouvé des Maitres est
souvent d'un grand secours pour l'aspirant, qu'il soit en probation ou accepté.
Autrefois dans l'Inde, lorsqu'un guru choisissait ses chéla, il en formait un
groupe qu'il emmenait partout où il allait. De temps à autre, il leur donnait
quelque enseignement, mais la plupart du temps ces chéla ne recevaient pas
d'instruction et cependant ils faisaient de rapides progrès parce qu'au lieu
d'être entourés d'influences ordinaires ils étaient constamment dans l'aura de
l'instructeur. D'autre part, le guru aidait ses élèves à la construction de leur
caractère et les surveillait sans cesse attentivement. Nos Maitres ne peuvent
adopter ce monde, du moins physiquement, mais ils s'arrangent parfois de
manière à ce que quelques-uns de leurs anciens élèves puissent s'entourer
d'un groupe de jeunes et s'occuper d'eux individuellement, à la manière d'un
jardinier avec ses plantes, dirigeant sur eux jour et nuit les influences
voulues pour éveiller certaines qualités ou renforcer quelque point faible. Il
est rare que les anciens élèves chargés de donner cet enseignement reçoivent
des instructions directes au sujet de ce travail, quoique le Maitre fasse, à
l'occasion, quelque remarque ou commentaire.
Le fait que les élèves sont toujours groupés favorise leur progrès ; ils
sont influencés en commun par des idéaux élevés, ce qui hâte le
développement des caractéristiques désirables. Il semble inévitable, dans le
cours de la loi karmique, que celui qui aspire ardemment soit mis en contact
avec quelqu'un de plus avancé que lui-même, et s'il est capable de répondre
aux vibrations de son ainé en occultisme, il en retire le plus grand profit
spirituel. D'une manière générale, le Maitre ne fait avancer ni grandir
personne qui n'ait été aidé et guidé par un élève ancien. Il y a cependant des
exceptions et [84] chaque Maitre a sa façon personnelle d'agir vis-à-vis de
ses élèves. Dans un certain cas, Annie Besant a déclaré que le Maitre a pour
coutume d'envoyer ses élèves à "l'autre bout du champ" afin qu'ils puissent
acquérir une grande force, par le développement de leurs capacités avec le
minimum d'assistance extérieure. Chaque individu est traité de la manière
qui lui convient le mieux.
CHAPITRE V
—
ACCEPTATION
CHAPITRE VII
—
LA PREMIÈRE INITIATION
4
La Lumière sur le Sentier.
UNE PREMIÈRE INITIATION
5
Dans le sens de buddhi, principe spirituel.
Cette merveilleuse cérémonie terminée, les Maitres entourent le
nouveau Frère et le félicitent cordialement, cependant que l'Etoile
flamboyante disparait.
La nuit suivante, je recevais l'ordre de présenter le néophyte au Seigneur
du Monde. Ceci est sans aucun doute, un très rare honneur et ne fait, en
aucune manière, partie de la cérémonie de la première Initiation : Il suit
généralement la troisième.
Nous nous rendons à Shamballa à l'heure fixée et sommes, comme à
l'habitude, reçus dans le grand hall. Nous trouvons le Roi en conversation
avec le Seigneur Gautama Bouddha et le Seigneur Maitreya. Ce dernier
présente le néophyte au Roi comme "notre plus jeune Frère, l'Étoile-
d'amour-qui-brille-sans-cesse", et Sanat Koumara sourit gracieusement au
jeune homme, qui s'agenouille devant Lui. Le néophyte élève ses mains à
l'orientale en signe de salutation et le Roi, les lui prenant de sa main droite,
lui dit :
"Tu as bien travaillé, mon fils, et je suis content de toi ; je
t'ai fait venir pour te le dire. Continue et fais mieux encore,
car je compte sur toi pour jouer un grand rôle dans l'avenir
de ma nouvelle sous-race. Mon étoile brillait visiblement
au-dessus de ta tête il y a quelques heures ; souviens-toi
qu'elle y est toujours suspendue, alors que tu ne peux la
voir et que, partout où elle brille, sont le pouvoir, la pureté
et la paix."
Puis, le Seigneur Bouddha, étendant sa main sur la tête du néophyte,
parle à son tour :
"Je désire aussi te donner ma bénédiction et te féliciter, car
j'estime que tes rapides progrès actuels sont un gage pour
l'avenir ; j'espère t'accueillir un jour comme un Frère du
glorieux Mystère, comme un membre de la Dynastie
spirituelle, par laquelle la lumière arrive aux mondes."
Les trois Koumaras, qui se tiennent en arrière, sourient [120] aussi au
jeune homme, agenouillé et muet de saisissement, mais resplendissant
d'amour et d'adoration. Le Roi étend ses mains pour bénir les assistants,
cependant que nous nous prosternons.
Après quoi, nous partons.
*
Le temps occupé par la cérémonie de l'Initiation varie suivant diverses
considérations, et entre autres, selon la somme de connaissances que le
candidat apporte avec lui. Certaines traditions indiquent une durée de trois
jours et trois nuits, mais elle est souvent beaucoup plus courte. Une des
cérémonies auxquelles j'ai assisté a rempli deux nuits et une journée de
réclusion, d'autres ont été condensées en une seule nuit, en laissant de côté
une grande part de ce qui y est inclus d'habitude, pour être complété ensuite
par les élèves les plus avancés des Maitres. Certaines des anciennes
Initiations ne durèrent si longtemps que parce que le candidat dût être
instruit au sujet du travail astral. Il y a également quelques expériences
bouddhiques à réaliser, car un certain développement du véhicule
bouddhique est nécessaire pour l'Initiation, faute de quoi quelques-uns des
enseignements qui doivent être donnés à ce niveau ne pourraient être
compris. La plupart des théosophes ont déjà fait du travail astral et ont ainsi
appris des détails de ce monde dont une grande partie doit être expliquée à
ce moment, si elle n'est pas déjà connue. Mais quand l'Initiateur sait que le
candidat possède déjà un certain développement bouddhique, d'anciens
élèves sont souvent chargés de le faire passer par toutes les expériences de
cet ordre, soit la nuit suivante, soit dès que la chose peut avoir lieu.
La cérémonie actuelle de l'Initiation dure moins de six heures ; mais un
certain temps est consacré aux candidats, tant avant qu'après la cérémonie.
Les Maitres félicitent toujours les candidats après leur Initiation, Une autre
force pour le bien vient d'être rendue manifeste, et la Nature, qui travaille et
gémit avec ses enfants, se réjouit quand l'un d'eux rejoint cette Fraternité,
qui, à la fin, la délivrera [121] de ses peines. Chacun d'eux leur adressant
quelques mots aimables ; ils saisissent l'occasion d'une semblable réunion
pour transmettre certains ordres à leurs élèves. L'admission d'un néophyte
est une victoire pour tous et le fait qu'une âme de plus est à jamais en
sécurité, est une occasion de grande réjouissance, surtout pour les jeunes
membres.
Nous avons déjà parlé des rapports étroits qui existent entre un élève
accepté et son Maitre ; cette intimité ne fait que grandir continuellement et
un moment arrive d'ordinaire où l'élève se rapproche assez du portail
d'Initiation pour que le Maitre juge bon d'établir entre le Chéla et lui une
union plus intime encore. L'élève devient alors ce qu'on appelle le Fils du
Maitre et le lien entre eux est tel que non seulement le mental inférieur, mais
aussi, l'égo, dans le corps causal de l'élève, se trouve enveloppés dans celui
de l'Adepte et que ce dernier ne peut plus tirer le voile, dont il a été parlé
précédemment, pour se séparer de l'élève. On trouve une belle allusion à cet
état d'union profonde dans La Lumière sur le Sentier : "Je vous donne ma
paix, peut être dit seulement par le Maitre aux disciples bienaimés qui sont
comme lui-même". Ils sont ainsi ceux qui ont l'inestimable privilège de
pouvoir transmettre cette paix à autrui dans toute sa plénitude. Tout disciple
accepté du Maitre a le droit et le devoir de bénir en son nom et chaque fois
qu'il fera un digne usage de ce don, une magnifique émanation du pouvoir
du Maitre secondera surement son effort. Il doit tout spécialement donner
en esprit cette bénédiction quand il pénètre dans une maison : "Que la
bénédiction du Maitre s'étende sur cette maison et sur tout ce qui y vit".
Mais, seul un Fils du Maitre peut donner le sentiment même de son intime
présence, par une indicible paix. Seul celui qui est Fils du Maitre est ou sera
bientôt un membre de la grande Fraternité blanche ; et ceci, comme je l'ai
dit, confère le pouvoir de donner une bénédiction plus grande encore, bien
que toutes deux soient appropriées chacune à son domaine particulier.
Je me souviens d'avoir donné l'une et l'autre de ces [122] bénédictions,
en différentes circonstances, à un puissant ange du voisinage, que j'ai
l'honneur de bien connaitre. Passant certain jour, en bateau, près de son
domaine, je lui envoyai, à titre de salutation, la pleine bénédiction de mon
Maitre, et ce fut, en vérité, un beau spectacle de voir la manière dont il la
reçut, s'inclinant profondément et montrant combien il l'appréciait par une
adorable et douce lumière de sainteté et d'extrême dévotion. Un autre jour,
en une circonstance analogue, je lui envoyai la bénédiction de la Fraternité
et instantanément tous les pouvoirs de ce puissant ange rayonnèrent en
vibrante réponse, en même temps que s'illuminait tout son territoire. Ce fut
comme si un soldat s'était mis soudain au "garde-à-vous" ou, mieux encore,
comme si toute chose, non seulement dans cet ange mais encore dans les
milliers de créatures secondaires travaillant sous ses ordres, s'était soudain
trouvée revivifiée et portée à une plus haute puissance. Toute la nature
répondit instantanément. Car vous l'avez compris, mon Maitre, si
profondément qu'il soit révéré par cet ange, n'est pas son Maitre, mais mon
Roi est son Roi, car il est Unique, et Son pouvoir s'étend à toute notre Terre.
La question de savoir si un homme approche du point où il est prêt pour
l'Initiation comporte trois considérations dépendant les unes des autres. La
première est de savoir s'il est en possession d'une somme suffisante des
qualités nécessaires, telles qu'elles sont indiquées dans Aux Pieds du Maitre,
et ceci implique qu'il doit avoir un minimum de toutes, et beaucoup plus
qu'un minimum de certaines d'entre elles. Pour fixer les idées, représentons-
nous la méthode adoptée pour noter les compositions dans certains examens.
Il est arrêté d'avance, par les examinateurs, que nul candidat ne sera admis
s'il reste au-dessous d'un certain minimum pour chacun des sujets ; le taux
fixé pour ce minimum est très faible, par exemple 25 % du maximum. Tout
candidat qui n'atteindra pas 25 % dans un sujet quelconque sera donc refusé ;
mais d'autre part, celui qui n'atteindra que ce pourcentage pour chacun des
différents sujets ne réussira [123] pas davantage, car une limite inférieure
est établie pour la totalité des points, ce qui sera, par exemple, de 40 % du
maximum possible. Par suite, un candidat qui ne dépassera pas 25 ou 30%
dans un ou deux des sujets, doit en fournir beaucoup plus pour d'autres, afin
d'atteindre la moyenne générale requise. Telle est précisément la méthode
adoptée en occultisme ; le candidat doit non seulement posséder à un certain
degré chacune des qualités nécessaires, mais encore avoir complètement
développé certaines d'entre elles. Un candidat ne peut réussir s'il manque
entièrement de discernement ; cependant s'il en possède beaucoup moins
qu'il ne devrait, un amour débordant pourra peut-être compenser cette
insuffisance. En second lieu, l'égo doit avoir entrainé ses véhicules
inférieurs à lui permettre de s'exprimer parfaitement par leur intermédiaire
lorsqu'il le désire ; il doit avoir effectué ce que dans nos premiers manuels
théosophiques nous appelions la "jonction du soi supérieur et du soi
inférieur". En troisième lieu, il doit être assez résistant pour supporter le très
grand effort nécessaire, lequel concerne même le corps physique.
Pour ce qui est du niveau général à partir duquel l'élève peut être initié,
il présente une grande variété. Ce serait une erreur de supposer que tous les
Initiés sont égaux en développement, tout comme il serait risqué d'admettre
que tous ceux qui ont le diplôme de la licence ès lettres sont égaux en savoir.
Il se peut fort bien qu'un individu possède à un degré exceptionnel beaucoup
des qualités requises et soit très au-dessus du minimum d'ensemble, tout en
étant très faible et au-dessous du minimum pour un sujet particulier ; il lui
faudra naturellement attendre jusqu'à ce qu'il puisse obtenir le minimum
indispensable pour le sujet négligé. Fort probablement, pendant qu'il
s'efforcera d'atteindre ce minimum, il augmentera encore son avance sur les
autres sujets. Cette considération montre que, bien qu'un certain niveau
général soit nécessaire pour l'Initiation, certains des élèves qui sont
présentés peuvent l'avoir dépassé de beaucoup en certaines matières. [124]
Il s'ensuit d'autre part, que l'on peut rencontrer des différences
considérables dans les intervalles de temps séparant deux initiations
successives. Un homme qui vient seulement de parvenir à obtenir la
première peut néanmoins posséder à un degré considérable la plupart des
qualités nécessaires pour la seconde ; en pareil cas, l'intervalle entre les deux
sera vraisemblablement court. Par contre, un candidat qui n'aura pu passer
la première Initiation que tout juste, à tous les points de vue, aura
évidemment à développer lentement en lui toutes les facultés et les
connaissances additionnelles nécessaires pour la seconde Initiation ; et
l'intervalle entre les deux sera probablement long.
Nous sommes maintenant entrés dans une période de l'histoire du
Monde où un progrès rapide à tous les niveaux de l'Évolution est possible ;
en effet la venue prochaine de l'Instructeur mondial a engendré une vague
si puissante de pensées et de sentiments concernant les choses spirituelles –
pensées et sentiments dans la direction générale de l'Évolution – que
quiconque faisant, à l'heure actuelle, un effort dans ce sens se trouve nager
avec le courant et avancer, par suite, rapidement.
Et ceci ne s'applique pas seulement au courant des pensées et des
sentiments humains ; en fait, la pensée humaine ne constitue qu'une très
faible portion de cette vague, pour la raison que les humains ayant
connaissance, d'une manière définie, de l'approche de cette venue ne sont
encore qu'une petite minorité. Ce qui compte surtout c'est la formidable
pression mentale et émotive provenant des légions d'anges qui connaisse le
Plan divin et s'efforcent de tout leur pouvoir de contribuer à sa réalisation.
Un progrès si rapide n'est pas sans risquer d'entrainer un réel
surmenage, quoique peu d'aspirants se rendent suffisamment compte de ce
fait. L'étudiant en occultisme qui se propose de hâter son développement
fera bien de se souvenir qu'une des conditions nécessaires est une bonne
santé physique. Il désire condenser en une vie le progrès qui, dans des
circonstances ordinaires, se répartirait sur une vingtaine de vies, ou même
davantage, [125] et comme la somme de progrès à réaliser est la même dans
l'un ou l'autre cas, car aucune réduction n'est faite au niveau des conditions
à remplir pour l'Initiation, il est évident qu'il doit, s'il veut réussir, faire
travailler ses véhicules bien davantage.
Sur le plan physique, il est possible d'abréger la période d'études
nécessaires normalement pour un examen donné ; mais on ne peut le faire
qu'en imposant un effort beaucoup plus grand au cerveau, à l'attention, à la
vue, au pouvoir de résistance, et nous savons tous combien il est facile de
surmener l'un ou l'autre et de causer ainsi un tort considérable à la santé
physique. Les mêmes remarques s'appliquent aux efforts faits en vue de
hâter l'évolution spirituelle ; cette croissance forcée peut être réalisée ;
beaucoup y sont parvenus et c'est là une belle chose à accomplir, mais
toujours à cette condition que l'aspirant évite, avec le plus grand soin, tout
surmenage excessif, de peur qu'en définitive il ne retarde son
développement au lieu de le favoriser. Il ne suffit pas de jouir d'une bonne
santé physique au début de ses efforts ; il faut encore la conserver jusqu'au
bout, car le progrès, en lui-même, n'est qu'un moyen en vue d'une fin
altruiste : nous nous efforçons de nous développer rapidement, non pas afin
de devenir grands et sages, mais en vue d'obtenir le pouvoir et la
connaissance utiles au travail pour l'humanité dans les meilleures conditions
possibles de rendement. N'oublions jamais que l'occultisme est, par-dessus
tout, l'apothéose du bon sens et de la mesure.
Jusqu'à présent, sauf de très rares exceptions, les aspirants n'ont guère
été initiés que lorsque leur corps physique a atteint l'âge mûr et qu'ils ont
prouvé, par leurs activités dans la vie, qu'ils se sont consacrés de tout cœur
au travail du Logos. Cependant, au cours de ces dernières années, un certain
nombre d'égos, jeunes de corps, ont joui du privilège de l'Initiation afin,
nous est-il dit, que le Seigneur lors de sa venue, puisse disposer d'un groupe
de jeunes travailleurs prêts à le servir. À son arrivée, l'Instructeur du Monde
apportera la prodigieuse conscience de la Fraternité, et plus il pourra réunir
autour de lui, en un lieu quelconque, d'aides possédant un corps physique,
plus son travail sera facilité. Sans doute pourra-t-il utiliser les services de
tout homme ordinaire dans la mesure de ses capacités, mais il est évident
qu'un homme qui est déjà un élève accepté du [126] Maitre lui sera, sous
maints rapports, beaucoup plus utile ; infiniment plus encore pourra l'être
celui qui a passé le portail de l'Initiation et qui a multiplié en lui tous les
liens qui réunissent entre eux les membres de la Fraternité. C'est toujours
l'égo qui est initié ; l'âge du corps physique qu'il se trouve revêtir à un
moment donné n'a que peu à voir dans la question.
Dans tous les cas où des jeunes gens ont été initiés, des membres plus
anciens de la Fraternité, vivant près d'eux ou se tenant en contact avec eux
sur le plan physique, se sont chargés de les guider et de les assister. Ceci est
nécessaire à cause de l'accroissement considérable des responsabilités
qu'apporte l'Initiation, parallèlement à l'extension de conscience aux facultés
et aux pouvoirs additionnels qui en découlent. Toute erreur, tout faux pas
d'un Initié entraine des conséquences karmiques bien plus grandes que celles
qui résulteraient d'une action identique de la part de quelqu'un n'appartenant
pas à la Fraternité. Il n'est donc pas inutile de faire ici quelques
recommandations à ces jeunes gens. Chacun d'eux devra se souvenir qu'il a
été initié parce que, au cours de vies passées et peut-être durant la vie
présente, il a, jusqu'à un certain point, aidé le monde, et parce qu'on espère
qu'il continuera dans cette voie et deviendra un canal de plus en plus large
pour la Vie du Logos. C'est en raison de la probabilité de son utilité
croissante qu'il est admis à l'Initiation ; et à cette cérémonie il a, d'ailleurs,
fait le serment – non pas en tant qu'égo, mais en tant que Monade – de
consacrer sa vie à être pour autrui une continuelle bénédiction, de même que
le Logos déverse sans arrêt son amour. Il doit donc, à toute heure du jour, se
remémorer ce serment et lui subordonner toutes choses. Le karma de son
passé lui apporte diverses caractéristiques des impulsions personnelles ; il
doit prendre garde que celles-ci ne l'incitent à penser à lui-même et à son
propre bienêtre, plutôt qu'au grand Soi et au bienêtre du monde.
Avant de pouvoir entreprendre le travail plus vaste qui l'attend, le jeune
Initié doit, souvent, se préparer [127] pour une éducation ordinaire dans un
collège et une université. En pareil cas il va se trouver au milieu de
circonstances qui le pousseront à des activités et à des intérêts très
personnels. La vie va lui offrir de nombreuses tentations, et d'occasions
tendant à lui faire oublier son serment à la Fraternité. Il devra, à travers tous
ces obstacles, conserver une attitude clairement définie, découlant du fait
qu'il a lié son existence aux buts poursuivis par la Fraternité. Dans cette vie
au milieu du monde, il devra, en toute occasion – étude, récréation,
amusement, etc. – se demander nettement : "ce que je vais faire doit-il servir
à faire de moi un meilleur instrument pour le travail du Maitre, ou un
meilleur canal pour répandre l'amour et le bonheur ?" Il n'oubliera pas que
la Fraternité a les premiers droits à ses services ; il ne se mettra donc pas
dans une situation qui lui rende impossible l'accomplissement de ce devoir.
On n'attend nullement de lui qu'il mène une vie d'ermite ; cependant il
mènera, dans la société, cette vie qui doit lui procurer le développement dont
il a besoin, il devra constamment s'observer et s'assurer qu'elle contribue à
faire de lui un meilleur canal pour le Logos. Il s'ensuit que toute expérience
– fût-elle agréable et inoffensive – qui ne peut servir à faire de lui un canal
plus large pour le Logos, ou lui offrir une occasion de service, est sans valeur
et, par conséquent, du temps perdu pour lui. Il doit donc s'efforcer de profiter
de toute occasion d'aider qui se présente et d'apprendre tout ce qui peut
contribuer à augmenter son utilité.
Quand l'élève franchit le grand pas de l'Initiation et devient membre de
la Fraternité, il devient en même temps, d'une manière beaucoup plus
profonde qu'auparavant, le frère de chaque être de la famille humaine. Cela
ne veut pas dire qu'il doit diriger leur vie en critiquant leurs faiblesses ; son
rôle dans la vie n'est pas de critiquer, mais d'encourager ; s'il croit opportun
d'émettre une suggestion, il doit le faire avec réflexion et en usant de la plus
grande courtoisie. Le monde, qui ne voit pas les membres les plus élevés de
la Fraternité, est enclin à [128] juger cette organisation d'après l'opinion qu'il
peut se faire des jeunes membres qui se trouvent à sa portée ; c'est là ce que
signifie la remarque contenue dans l'allocution, prononcée lors de
l'Initiation, que "le néophyte détient entre ses mains l'honneur de la
Fraternité".
Ainsi qu'il a été dit précédemment, il est du devoir de l'Initié de
prodiguer l'affection et la bénédiction, afin que les hommes, en tout lieu où
il vient à se trouver, soit un peu plus heureux du fait de sa présence. Il doit,
par conséquent, tourner sans cesse vers le dehors ses pensées et ses actes ;
le jugement que porte le monde sur ses actions doit lui être indifférent : seul
le jugement de la Fraternité lui tenant à cœur. Que lui importe qu'il soit
populaire ou impopulaire dans le monde, pourvu que dans tous ses actes il
reste loyal envers l'idéal spirituel qui lui a été confié. Des membres plus
avancés de la Fraternité peuvent avoir besoin d'utiliser ses services, à tout
moment, et où qu'il se trouve, parfois même sans qu'il en soit conscient dans
son cerveau physique ; ces membres ne pourront disposer de lui si, à un tel
moment il est occupé à méditer sur ses propres affaires, c'est-à-dire s'il est
tourné vers le dedans, au lieu de l'être vers le dehors, vers le monde, à qui il
doit porter aide. La suprême nécessité pour lui est donc la formation de son
caractère, afin que, si le Maitre vient à le regarder, il se trouve en train de
penser au bien du monde, et non pas à se préoccuper si ce monde est pour
lui une cause de joie ou de tourments.
CHAPITRE VIII
—
LES DEUXIÈME ET TROISIÈME INITIATIONS
[133] Avis a été reçu qu'une grande réunion d'Adeptes doit avoir lieu
chez le Seigneur Maitreya, dans la nuit de la pleine lune du mois de Chaitra,
et que cette occasion serait mise à profit pour l'admission de certains
candidats à l'Initiation du Sakridagamin, aussitôt que possible après la
réunion. Le Maitre Morya nous invite, en tant que tuteurs, à nous présenter
chez lui à 10 heures, au plus tard, la nuit de la pleine lune, avec le candidat
dont nous avons la charge.
Dans cette soirée de la pleine lune beaucoup d'amis venus des Indes
planent aux environs et, au moment où les candidats et leurs tuteurs se
rendent à l'habitation du Maitre Kouthoumi, ces amis les suivent
discrètement et attendent respectueusement à quelque distance. Peu après
leur arrivée le Maitre Morya pénètre dans la maison, puis les deux Maitres
en ressortent presque immédiatement pour se rendre à l'habitation du
Seigneur Maitreya, suivis des disciples, qui restent dans le jardin pendant
que les Maitres entrent dans la maison.
Ce jardin est situé sur une pente méridionale des monts Himalaya, ayant
vue sur une large étendue des plaines de l'Inde jusqu'à l'extrême horizon ; il
est bien abrité dans un renfoncement et protégé à l'arrière par un bois de pin
qui le contourne sur la droite. Au-delà de ce bois, et un peu vers l'est, se
dresse la très antique maison de pierre, avec sa large véranda à colonnes, où
habite le Manou de notre race, le Seigneur Vaïvasvata. Le jardin du Seigneur
Maitreya est inondé par la lumière argentée de la pleine lune, qui tombe sur
les grands massifs de rhododendrons ainsi que sur d'autres fleurs
printanières dans tout leur éclat, et éclaire d'une manière éblouissante le
siège de marbre blanc qui entoure l'arbre géant, lieu de repos favori du
Seigneur Maitreya, sur lequel il vient précisément s'assoir, en sortant de la
maison. Les Maitres se groupent en demi-cercle à sa droite et à sa gauche,
sur la pelouse formant terrasse, juste au-dessous de son siège. [134]
Une marche plus bas, sur cette terrasse, se tiennent les deux candidats,
entre les deux Maitres qui les présentent : le Maitre Kuthumi et le Maitre
Djwal-Koul. Derrière eux se tiennent les tuteurs du plus jeune des candidats,
chargés de l'assister dans le monde inférieur. Le Manou est assis un peu en
arrière, à la droite du Bodhisattva, et, au-dessus d'eux, brille la forme
glorieuse du Seigneur Gautama Bouddha, lequel a, dans sa dernière vie
terrestre, accepté de ces deux candidats "le vœu que rien ne peut plus
rompre" et qui, maintenant, leur donne sa toute-puissante bénédiction, à
l'occasion du nouveau pas qu'ils sont sur le point de franchir. Près de lui est
le Mahachohan, le Chef des cinq Rayons, et entre eux va surgir tout-à-
l'heure, sur l'invocation solennelle du Bodhisattva, l'Étoile de Feu de
l'Initiateur unique, le puissant Roi de la Hiérarchie Occulte, le Seigneur du
monde. Telle est la scène exquise de la cérémonie de cette Initiation.
Le Maitre Kuthumi et le Maitre Djwal Kul, conduisant les candidats,
s'approchent d'un pas, et le Bodhisattva demande :
"Qui sont ceux que vous amenez aujourd'hui devant
moi ?"
Le Maitre Kuthumi répond :
"Ce sont deux Frères qui, ayant rejeté les entraves de la
séparativité, du doute et de la superstition, ayant recueilli
le fruit de leur labeur et prouvé son résultat, désirent
maintenant entrer sur le Sentier du Sakridagamin. Je les
présente comme Gotrabhous."
Le Seigneur Maitreya questionne :
"Continuerez-vous à guider ces Frères le long du Sentier
qu'ils veulent suivre ?"
Le Maitre répond :
"Je le ferai."
Et le Seigneur dit :
"Notre règle exige que deux des Frères supérieurs se
portent garants de tout candidat qui se présente pour le
deuxième Sentier. Un autre de nos frères appuie-t-il leur
requête ?"
Le Maitre Djwal Kul déclare :
"Je les recommande à mon tour."
Le Seigneur s'adresse alors aux tuteurs : [135]
"Vous avez, en votre qualité de Frères, vivant dans le
monde extérieur, pris charge du plus jeune de ces
candidats. Vous avez acquis de l'expérience dans vos
devoirs de tutelle ; consentez-vous, son corps étant dans
l'âge tendre, à persévérer dans votre charge et à aider votre
pupille dans ses pas le long du second Sentier ?"
"Nous y sommes tous disposés et le ferons avec joie",
répondent-ils.
Le Seigneur insiste :
"Votre affection pour lui est-elle assez puissante pour que
la tâche vous soit agréable et facile ?"
Et les tuteurs répondent :
"Notre affection pour lui est encore plus profonde qu'au
début de notre tâche ; il est facile à guider et très désireux
d'apprendre."
Le Seigneur dit à l'un des candidats :
"Et ton cœur, à toi, est-il également plein d'affection
envers ces deux frères et seras-tu content de te soumettre
à leur direction, sans permettre que rien ne vienne s'élever
entre ton cœur et le leur ?"
"Je serai heureux de m'y soumettre, répond le jeune
homme, car je les aime tous deux tendrement et leur suis
reconnaissant de leur sollicitude."
Le Seigneur dit à l'un des candidats :
"Ainsi, vous désirez entrer dans le sentier du
Sakridagamin ?"
Et tous deux répondent :
"C'est notre désir, si toutefois nous en sommes capables."
Le Bodhisattva poursuit :
"Conformément à la coutume immémoriale de notre
Fraternité, qui veut que des témoignages soient fournis, à
chaque Initiation successive, sur la manière dont les
candidats ont employé les pouvoirs qui leur ont été
confiés, et considérant qu'un pouvoir n'est vraiment tel
que lorsqu'il en est fait usage pour le secours d'autrui, je
demande : "Qui peut témoigner des services rendus par
ces candidats depuis qu'ils ont déjà comparu devant nous
et ont été admis dans la Confrérie ? Quel travail défini ont-
ils fait par l'enseignement ? Qui ont-ils aidé ?"
Ces mots solennels sont à peines prononcés, jetant dans [136] le monde
comme une sorte d'appel à comparaitre, qu'une multitude de témoins
surgissent des quatre coins de l'horizon et viennent se placer en silence au-
dessus de cette scène, jetant des regards de reconnaissance sur les candidats
qui en forment le centre.
Le Maitre Kuthumi parle à son tour :
"Ces âmes accourues en foule, de bien des nations et de
bien des pays, sont celles qui ont reçu de ces deux
candidats, mes élèves, lumière, force et réconfort. Des
lèvres de mon fils le plus âgé, mon message exprimé a
touché des milliers d'hommes et femmes ; il a travaillé
sans répit à porter la lumière à ceux qui sont dans la nuit,
et ceux-ci sont venus en témoigner. Il a, d'autre part, écrit
un livre et de nombreux articles qui témoignent de son
affectueux labeur pour son prochain. Mon fils plus jeune,
– ici le Maitre sourit tendrement – est encore bien jeune
de corps pour le travail public, mais il a écrit un petit livre
pour transmettre à d'autres l'enseignement que je lui ai
donné et ces autres, par dizaines de mille, l'aiment comme
le guide qui les amène à nous ; ceux-là aussi sont venus
apporter leur témoignage."
Et d'innombrables voix s'écrient : "Nous en témoignons", et l'air même
semble n'être plus qu'une voix, si nombreux sont les témoignages. Et le
sourire du Bodhisattva prend une indicible douceur, pendant qu'il écoute,
lui, un Sauveur du monde, la réponse enthousiaste qu'il vient de provoquer.
Le premier tuteur s'exprime alors :
"Je puis témoigner que le plus âgé de ces candidats est
resté pendant tout le cours d'une période d'amères luttes et
d'incidents douloureux, parfaitement loyal envers mon
Frère et moi-même, – en apparence opposés l'un à l'autre
– demeurant fort et doux, serein et fidèle. Je témoigne
également de son travail inlassable et désintéressé pour
autrui, au service duquel il a mis toutes ses capacités.
Quant à mon plus jeune et bienaimé pupille, je témoigne
qu'il s'efforce constamment d'aider ceux qu'il rencontre,
faisant preuve, à cet effet, d'une rare habileté [137] ; il
répand autour de lui une affection et une pureté
rayonnantes, qui font de sa seule présence une
bénédiction. Tous connaissent la valeur inestimable de
son petit livre."
Le second tuteur parle aussi en faveur des candidats comme suit :
"J'ajoute mon témoignage à ce qui vient d'être dit sur le
compte de ces deux candidats, qui me sont chers. Le plus
âgé m'a apporté personnellement toute son aide
affectueuse, loyale et entièrement dévouée ; beaucoup de
personnes m'ont dit, d'autre part, quelle inspiration et
quelle lumière il a introduites dans leur vie. Pour ce qui
est du plus jeune candidat, j'ai pu, moi-même, me rendre
compte de l'affection et de la dévotion extraordinaires qu'il
a inspirées chez les membres de son Ordre, tant à Adyar
qu'à Bénarès, et du changement qu'il a produit en eux. J'ai,
en outre, reçu de nombreuses lettres à son sujet, ceux qui
les ont écrites déclarant qu'ils doivent une nouvelle
conception de la vie au petit livre dont il est l'auteur."
Puis, le Maitre Kuthumi appelle parmi la multitude de gens venus pour
porter témoignage, quelques-uns de ceux qui ont connu la vérité par l'un ou
l'autre des deux candidats. Beaucoup s'avancent alors pour reconnaitre l'aide
reçue, chacun disant la reconnaissance qu'il garde en son cœur, la plupart
ajoutant que Aux Pieds du Maitre a donné une nouvelle direction à leur vie.
Certains, qui ont été beaucoup aidés, mais n'ont pu venir à cette
cérémonie parce qu'ils sont à l'état de veille et vaquent à leurs occupations
ordinaires, sont représentés par des images vivantes faites par le Maitre, et
bien que ces images ne puissent rien dire ni faire, il est probable que quelque
reflet de ces merveilleuses influences du moment s'en iront réagir sur leurs
modèles. La foule des témoins se retire alors, pendant que la cérémonie se
poursuit.
Le Bodhisattva s'adresse ensuite aux candidats, approuvant le travail
qu'ils ont accompli et exprimant l'espoir que les nouveaux pouvoirs qui vont
leur être conférés seront employés aussi bien que l'ont été ceux qu'ils
possèdent déjà. Il continue : [138]
"Vous avez rejeté pour toujours les trois entraves qui lient
vos frères sur la terre et maintenant votre propre liberté
doit être employée à alléger pour eux le poids de ces
entraves. Vous avez appris, en toute certitude, que l'idée
du soi séparé est une illusion ; il vous faut maintenant
imprimer cette certitude à vos véhicules inférieurs, afin
qu'il n'y ait plus jamais, de leur part, aucune action, aucune
pensée pour le soi séparé, mais qu'au contraire tout soit
accompli pour le Soi unique, opérant à travers tous.
Voulez-vous vous efforcer d'agir ainsi sans interrompre
vos efforts avant d'y être parvenu ?"
Les candidats répondent :
"Je le veux".
Le Seigneur Maitreya dit ensuite :
"Vous avez rejeté l'entrave du doute ; vous savez que
l'évolution est un fait et que le processus de cette évolution
est une perpétuelle plongée dans la matière, sous l'action
de la loi du réajustement. Vous devez employer les
pouvoirs qui vont vous être donnés à faire cesser chez les
autres le doute au sujet de ces faits vitaux, afin qu'ils
puissent partager le bénéfice du savoir que vous avez
acquis. Voulez-vous utiliser ces pouvoirs afin d'apporter
la lumière à votre prochain ?"
Les candidats répondent :
"Je le veux".
Et le Seigneur Maitreya :
"Vous avez abandonné toute superstition ; vous savez que
l'homme peut trouver la lumière dans toute religion ; vous
savez que les rites et les cérémonies n'ont pas de valeur
intrinsèque et que tout ce qui est accompli par leur moyen
peut l'être sans leur aide, par la connaissance et par la
volonté. Par-dessus tout, vous êtes libérés de cette
superstition qui croit à l'existence d'une puissance en
courroux, derrière l'Évolution : vous savez que tout ce qui
existe est compris dans l'universel Amour et que c'est
l'évangile de l'Amour universel que vous avez à répandre
parmi les hommes. Voulez-vous essayer de chasser
l'obscurité en répandant cet évangile ?"
Les candidats répondent :
"Je le veux".
Le Seigneur Maitreya :
"N'oubliez jamais que la seule obscurité qui existe [139]
résulte de l'ignorance et de l'illusion. C'est à juste titre qu'il
a été dit : "Tout ce qui nous est donné de bon descend d'en
haut et nous vient du Père de Lumière, en lequel il n'y a
pas l'ombre d'un changement". En lui n'existe nulle trace
d'obscurité ; mais les hommes tournent le dos à Sa
Lumière et cheminent dans leur propre ombre, se
plaignant alors de l'obscurité."
Les candidats subissent ensuite certaines épreuves au sujet du travail
sur le plan mental. Le Seigneur leur fait examiner quelques habitants du
Monde céleste, de la catégorie de ceux qui seraient dans l'avenir confiés à
leurs soins, – et leur demande ce qu'ils feraient pour porter aide dans chaque
cas particulier, en tenant compte des limites qu'ils auraient à subir dans ce
travail. L'un de ces cas est celui d'un moine du Moyen Âge, rempli de
dévotion, mais ayant des idées très bornées au sujet de Dieu, des Saints et
de l'Église et le Seigneur demande aux candidats ce qu'ils feraient pour aider
à son évolution.
Tout ce qui se passe durant la seconde Initiation a lieu sur le plan
mental ; tout le monde opère, par conséquent, dans le corps mental et non
plus dans le Mayaviroupa, utilisé sur le plan astral.
Une fois ces épreuves passées avec succès par les candidats, ceux-ci
sont conduits au Seigneur Maitreya et s'agenouillent devant lui. Le Seigneur
se lève alors et, se tournant du côté de Shamballa, il s'écrie à haute voix :
"Fais-je ceci, ô Seigneur de Lumière, de Vie et de Gloire,
en Ton Nom et pour Toi ?"
Aussitôt, apparait au-dessus de lui l'Etoile de Feu, apportant le
consentement de l'Initiateur unique, et l'auguste figure du Seigneur Gautama
Bouddha s'illumine d'un éclat aveuglant, tandis qu'il élève la main droite
pour donner sa bénédiction. Le Mahachohan se lève également pour ajouter
sa propre bénédiction, pendant que le Bodhisattva impose ses mains sur
chacune des deux têtes inclinées, et tous se prosternent en un révèrent
hommage devant les Êtres puissants ; ensuite c'est le silence…
Au milieu de ce silence est transmise la Clé de la [140] Connaissance,
le Bodhisattva déversant, de ses propres corps mental et causal, des rayons
de pouvoir qui, tombant sur les corps mental et causal du nouvel Initié,
stimulent en une soudaine et splendide croissance les germes de pouvoir
similaire qui s'y trouvaient en puissance latente. Comme un bouton de fleur
qui, stimulé par les rayons du soleil, éclaterait soudain dans toute la gloire
de la fleur épanouie, ainsi leurs corps mental et causal développent tout d'un
coup les pouvoirs qui s'y trouvaient latents, et c'est un spectacle d'une
radieuse beauté. À travers cette expansion des corps, peut maintenant se
manifester librement l'intuition, ce grand pouvoir nouveau qui vient être
libéré. Et le Seigneur Maitreya dit :
"Prenez ce nouveau pouvoir que je vous donne et confiez-
vous à lui sans crainte. Amenez vos véhicules inférieurs à
un état de réceptivité tel qu'à travers ces véhicules, ce
pouvoir puisse librement parvenir jusqu'à votre cerveau
physique et guider votre conduite sans possibilité
d'erreur ; que ce pouvoir brille sans cesse sur le chemin
qui s'ouvre devant vous et qu'il vous prépare à entrer dans
le troisième Sentier."
Le Seigneur Maitreya termine par la grande bénédiction ; puis l'Etoile
et les augustes Figures s'évanouissent ; tous les assistants se prosternent de
nouveau avec respect et la grande cérémonie prend fin. Les Maitres
assemblés quittent alors leurs places ; chacun d'eux dit quelques mots
affectueux aux deux nouveaux Initiés et les bénit. Le Maitre Kuthumi
adresse également quelques paroles de sympathie à la foule, venue pour
porter témoignage et qui s'était retirée à quelque distance, mais à laquelle on
avait permis de s'approcher de nouveau pour saluer ses leaders ; ces derniers,
grâce aux nouvelles connaissances qu'ils viennent d'acquérir, donnent
quelque conseil à chacun de leurs fidèles, puis leur donnent congé en les
bénissant.
La deuxième Initiation active le développement du corps mental et c'est
vers ce moment que l'élève apprend à utiliser le Mayaviroupa, – qu'on
traduit parfois par [141] "corps (ou forme) de l'illusion". C'est un corps astral
temporaire, formé par celui qui est capable de fonctionner dans son corps
mental. Lorsqu'un homme voyage dans le plan astral, c'est, d'habitude, dans
le corps astral ; cependant, s'il lui était nécessaire de se montrer sur le plan
physique pendant qu'il fonctionne dans le corps astral, il aurait à matérialiser
autour de lui un corps physique. C'est ce qui se fait quelquefois, quoique
rarement, car cette matérialisation entraine une grande dépense de force. De
même, si cet homme opérait sur le plan mental et désirait se manifester sur
le plan astral, il lui faudrait matérialiser un corps astral temporaire, qui est
le Mayaviroupa. Après avoir achevé son travail, il se retirait de nouveau sur
le plan mental et le corps temporaire s'évanouirait, les matériaux le
composant retournant à la circulation générale de matière astrale, d'où ils
avaient été extraits par la volonté de l'élève.
Jusqu'à l'époque de la première Initiation, l'homme travaille la nuit dans
son corps astral ; mais dès que ce corps est entièrement sous son contrôle et
qu'il peut l'utiliser pleinement, le travail dans le corps mental commence.
Quand ce corps est, à son tour, complètement organisé, il constitue un
véhicule beaucoup plus flexible que le corps astral et bien des choses qui
sont impossibles sur le plan astral peuvent être accomplies dans le corps
mental. Avec le pouvoir de former le Mayaviroupa, l'homme devient
capable de passer instantanément du plan mental au plan astral et
inversement et d'utiliser à tout moment le pouvoir plus grand et le sens plus
aiguisé du plan mental ; l'homme n'a besoin de former la matérialisation
astrale que lorsqu'il désire se rendre visible aux êtres du monde astral. Il est
nécessaire que le Maitre commence par apprendre à son élève à créer le
Mayaviroupa, après quoi, bien que ce ne soit pas chose facile au début,
l'élève peut le construire lui-même.
Une expansion et un développement considérables du corps mental
suivent la seconde Initiation, mais il s'écoule, d'ordinaire, quelques années
avant que les effets s'en fassent sentir dans le cerveau physique. Lorsque ces
effets [142] commencent à se manifester, ils entrainent incontestablement
un très grand effort pour le cerveau, ce dernier ne pouvant instantanément
s'accorder au taux de vibrations nécessaire.
La période qui suit la prise de la seconde Initiation, est sous maint
rapport, la plus dangereuse parmi celles que le candidat doit passer au cours
du Sentier, bien qu'à n'importe quel stade précédant la cinquième Initiation,
la possibilité subsiste, soit de faire une chute, soit de passer par nombre
d'incarnations sans avancer notablement. En tout cas, c'est à cette phase, plus
particulièrement, qu'une faiblesse marquée dans le caractère du candidat se
fera jour. Il semble qu'il devrait être impossible à un homme qui s'est élevé
à cette hauteur de tomber en arrière ; malheureusement l'expérience nous a
montré que cela se produit quelquefois. Dans la presque totalité des cas, ce
danger provient de l'orgueil ; s'il en reste la moindre parcelle dans la nature
de l'homme, il court de sérieux risques de chute. Car, ce que nous
considérons ici-bas comme l'intellect n'est qu'une simple réflexion de la
chose véritable ; et pourtant certains d'entre nous ont l'orgueil de leur
intellect, de leurs conceptions plus profondes que celles de la masse.
Combien plus fiers encore pourrions-nous être si nous percevions en nous
un petit aperçu de ce que notre véritable intellect est destiné à devenir plus
tard ! Il y aurait là un danger sérieux de chute, pour qui s'y exposerait, et par
conséquent une période de temps très dure à traverser. Seule une incessante
et croissante vigilance peut permettre au candidat de franchir cette étape
avec succès et il doit constamment s'efforcer d'anéantir toute trace d'orgueil,
d'égoïsme et de parti pris.
La connaissance de ce qui précède jette une clarté nouvelle et soudaine
sur certains textes de la Bible. Cette dangereuse phase de la vie de l'Initié est
figurée dans l'Évangile par la tentation dans le désert, qui suivit le baptême
du Christ par Jean. Les quarante jours passés dans la solitude du désert
symbolisent la période au cours de laquelle l'expansion donnée au corps
mental, lors de la seconde Initiation, opère son travail dans le[143] cerveau
physique, travail qui, pour le candidat ordinaire, peut fort bien exiger
quelque quarante ans, sinon davantage. Dans la vie de Jésus, c'est durant
cette période que son cerveau fut préparé pour l'incarnation du Christ qui
allait l'occuper. À ce moment, le Diable, qui, dans le symbolisme, représente
la nature intérieure, vient tenter l'Initié, lui suggérant d'abord de faire usage
de ses pouvoirs pour la satisfaction de ses propres désirs : "Si tu es Fils de
Dieu, ordonne que ces pierres se transforment en pain." On le tenta ensuite
de se jeter du haut d'une tour du temple, accomplissant ainsi un miracle qui
étonnerait la populace. En dernier lieu, le Diable, lui montrant tous les
royaumes du monde et leur gloire, lui dit : "Toutes ces choses, je te les
donnerai, si tu consens à te courber devant moi et à m'adorer" ; ainsi l'Initié
est, par-là, tenté d'user de ses pouvoirs pour gratifier sa propre ambition.
Chacune de ces tentations représente une forme différente de l'orgueil.
Si l'on peut comparer la première grande Initiation à une nouvelle
naissance, ou renaissance, la seconde Initiation correspond au baptême du
Saint-Esprit et du Feu ; car c'est le pouvoir de la troisième Personne de la
Trinité bénie qui, à ce moment, descend comme une onde de flamme, une
vague de lumière ardente. L'homme arrivé à cette phase est appelé, par les
bouddhistes, le Sakadagamin, "l'homme qui ne revient qu'une fois", –
signifiant que celui qui est arrivé à ce niveau n'a plus besoin que d'une seule
incarnation pour atteindre le degré de l'Arhat, la quatrième Initiation, après
laquelle il ne sera plus obligé de se réincarner physiquement. Le nom indou
de cette seconde étape est Koutichaka, c'est-à-dire "l'homme qui construit
une hutte", celui qui est arrivé à un lieu de paix. À ce stade, il n'est pas rejeté
d'autres entraves ; c'est d'ordinaire une période de considérable avancement
psychique et intellectuel. Si ce qu'on appelle communément les facultés
psychiques n'ont pas été acquises auparavant, elles doivent être maintenant
développées, car il serait impossible, sans elles, d'assimiler la connaissance
qui est donnée au cours de cette période, [144] ou d'accomplir le travail
supérieur pour l'humanité auquel l'Initié va avoir le privilège de participer.
Il faut donc qu'il acquière la maitrise de la conscience astrale durant sa vie
physique de veille ; parallèlement le monde céleste s'ouvrira devant lui
pendant son sommeil, car la conscience d'un homme, hors de son corps
physique, dépasse toujours d'un degré celui qu'il occupe dans son enveloppe
de chair. Quand le candidat a passé par les quatre stades de la seconde
Initiation et est, une fois de plus, devenu "Gotrabhou", il est prêt pour la
troisième Initiation, celle de l' "Anagamin", mot signifiant littéralement
"celui qui ne retourne plus", car il doit normalement atteindre l'Initiation
suivante au cours de la même incarnation. Le nom indou de ce stade est
"Hamsa", qui veut dire "cygne", mais est également considéré comme une
forme de la sentence "So-ham", littéralement "je suis Cela". Il existe,
d'ailleurs, une vieille tradition qui veut que le cygne soit capable de séparer
le lait de l'eau ; de même, le Sage est en mesure d'attribuer une juste valeur,
pour les êtres vivants, aux phénomènes de la vie.
Cette Initiation est représentée, dans le symbolisme chrétien, par la
Transfiguration du Christ. Il se rendit sur une haute montagne isolée et fut
transfiguré devant ses disciples : "Sa figure se mit à resplendir comme le
soleil et son vêtement devint blanc comme la lumière"…, "d'un blanc
éblouissant de neige, d'un blanc que nul artifice ne saurait produire." Cette
description ne peut être que celle de l'Augoeidès, l'homme glorifié, et c'est
une peinture exacte de ce qui se produit lors de cette Initiation, car si la
deuxième grande Initiation intéresse principalement la mise en activité du
corps mental inférieur, c'est à la troisième Initiation qu'est spécialement
développé le corps causal. L'égo est amené en contact plus intime avec la
monade et se trouve, en vérité, transfiguré. Il n'est pas jusqu'à la personnalité
qui ne soit affectée par cette merveilleuse effusion. Le soi supérieur et le soi
inférieur ne font plus qu'un, il est vrai, dès la première Initiation, et cette
unité ne peut plus jamais [145] se perdre ; néanmoins le développement du
soi supérieur, devient tel maintenant, qu'il ne peut plus se refléter dans les
mondes inférieurs de la forme, quoique les deux "Soi" ne fassent plus qu'un
au plus haut degré possible.
L'Évangile dit, d'autre part, qu'à la Transfiguration apparurent Moïse et
Élie, les deux figures principales de l'Ancien Testament, celui-ci l'un des
plus grands parmi les prophètes juifs, celui-là représentant la loi d'Israël.
Ainsi ces deux dispensations de la vérité : celle de la Loi, et celle de
l'inspiration prophétique, sont représentées comme étant voisines de Celui
qui allait établir une nouvelle dispensation : celle de l'Évangile. Et ces divers
symboles ont une signification qui est liée à certains faits relatifs à la
troisième Initiation.
Un autre symbole s'y rapportant apparait dans le récit évangélique de la
présentation du Christ à son Père dans le Temple, épisode qui n'est guère à
sa place dans la tradition car le Christ se trouve alors être un petit enfant.
Or, l'homme prêt pour la troisième Initiation doit comparaitre devant le Roi
spirituel du monde, le puissant Chef de la hiérarchie occulte qui, à l'occasion
de cette troisième étape, confère lui-même l'Initiation, ou bien délègue l'un
de ses Élèves, – les trois Seigneurs de la Flamme, qui vinrent avec lui de
Vénus – pour la conférer en son nom ; et, dans ce dernier cas, l'homme est
présenté au Roi peu après que l'Initiation a eu lieu. Ainsi le Christ fut-il mis
en présence de son Père ; le bouddhi s'épanouit en l'Initié jusqu'à ne faire
plus qu'un avec sa source, sur le plan nirvanique et, par-là, se trouve réalisée
la merveilleuse union entre le premier et le second principe en l'homme.
L'Anagamin jouit, pendant qu'il accomplit le cycle de son travail
journalier, de toutes les splendides possibilités que confère la pleine
possession des facultés du plan mental supérieur ; et quand, la nuit, il quitte
son véhicule physique, il entre de nouveau dans la conscience
extraordinairement plus large, qui appartient au plan bouddhique. Au cours
de cette étape, il doit rejeter les derniers vestiges des quatrième et cinquième
entraves : Kamaraga [146] et Patigha, c'est-à-dire l'attachement aux
jouissances de la sensation, dont le type est l'amour terrestre ainsi que toute
trace de colère ou de haine. L'aspirant doit se libérer de tout assujettissement
aux choses extérieures. Il ne s'ensuit nullement qu'il ne doit plus éprouver
d'attraction pour ce qui est agréable, ou beau, ou pur, ni de répulsion pour
ce qui est opposé à ces qualités, et qu'il ne doive pas en tenir compte au
cours de son travail. Cela signifie seulement qu'il ne fera pas de ces
conditions un facteur décisif au point de vue de son devoir et qu'il les
ignorera délibérément, chaque fois que son travail l'exigera.
Nous devons nous garder ici d'un malentendu possible et qu'en fait nous
constatons fréquemment. L'affection humaine la plus pure et la plus noble
ne périt jamais, n'est jamais, d'aucune manière, diminuée par l'entrainement
occulte ; elle est, au contraire, accrue et élargie jusqu'à comprendre tous les
êtres dans la même ferveur qui, au début, était prodiguée à l'un d'eux. Mais
l'étudiant s'élève, avec le temps, au-dessus de toute considération relative à
la simple personnalité de ceux qui l'entourent et est, par-là, exempt de toute
l'injustice et de la partialité que l'affection ordinaire traine si souvent à sa
suite.
Il ne faudrait pas davantage s'imaginer qu'en acquérant cette large
affection pour tous, il doive renoncer à son affection particulière pour ses
plus proches amis. Les liens si parfaits existant entre Ananda et le Seigneur
Bouddha, ainsi qu'entre saint Jean et le Christ prouvent, au contraire, que
cette affection personnelle peut être énormément intensifiée ; en vérité,
l'attachement entre un Maitre et ses élèves est plus fort et de beaucoup
qu'aucun lien terrestre. Car l'affection qui fleurit sur le Sentier de Sainteté
est une affection entre égos et non pas seulement entre personnalités ; elle
est donc aussi forte que permanente et ne craint pas d'amoindrissement ni
de changements : c'est "le parfait amour qui a rejeté toute crainte."
CHAPITRE IX
—
L'ÉGO
6
publié dans l'Homme visible et invisible, du même auteur.
antérieur, de telle sorte qu'aucune des qualités acquises au cours de son
évolution n'est perdue.
7
Lumière de l'Asie. Livre VI.
Dorénavant l'Arhat est en possession de la conscience bouddhique dans
son corps physique et, lorsqu'il quitte ce corps durant le sommeil ou l'extase,
il pénètre immédiatement dans la gloire ineffable du plan nirvanique. Au
moment de son Initiation, il faut qu'il ait au moins une [166] lueur de cette
conscience nirvanique, de même que pour la conscience bouddhique, lors
de la première Initiation, et à partir de ce moment, ce sera son effort
journalier de pénétrer de plus en plus avant dans le plan nirvanique. C'est
une tâche d'une difficulté prodigieuse, mais peu à peu le candidat deviendra
capable de s'élever toujours plus vers la splendeur ineffable.
Le premier contact est tout à fait troublant et se traduit tout d'abord par
la sensation d'une intensité de vie surprenante pour celui-là même qui est
familiarisé avec le plan bouddhique. Cette surprise, d'ailleurs, l'Initié l'a
éprouvée quoique à un degré moindre à l'occasion de chacune de ses
premières ascensions d'un plan à un autre. Même lorsqu'on s'élève, pour la
première fois, en pleine conscience, du plan physique au plan astral, la vie
nouvelle semble tellement plus vaste que tout ce qu'on a connu jusqu'alors
que l'on s'écrit : "Je croyais savoir ce que c'est que de vivre, mais je l'ai
toujours ignoré jusqu'à présent !" En pénétrant dans le plan mental, cette
sensation est doublement intense ; l'astral nous semblait merveilleux et il
n'en est rien, comparé au monde mental. L'accès dans le plan mental
supérieur nous réserve la même expérience. À chaque pas, la surprise se
renouvèle quoi que nous puissions faire pour nous y préparer par la pensée,
parce que toujours la réalité dépasse infiniment ce que nous imaginions et
que la vie sur ces plans supérieurs est un bonheur d'une intensité telle qu'il
n'y a pas de mots pour l'exprimer.
Les orientalistes européens ont traduit le mot Nirvana par celui
d'annihilation, parce qu'il signifie "éteint" dans le sens où la lumière d'une
bougie est éteinte par un souffle. Rien ne saurait être plus radicalement
opposé à la vérité. Certes, c'est l'annihilation de tout ce que nous représente
ici-bas le nom d'homme puisqu'il n'y a plus alors d'homme, mais le Dieu
dans l'homme, un Dieu parmi d'autres Dieux plus grands que lui.
Essayons d'imaginer l'univers entier rempli, ou plutôt fait d'un immense
torrent de lumière vivante, le tout se mouvant, avançant sur un plan
dépourvu de relativité en [167] une marée montante, irrésistible d'océan de
lumière, lumière qui aurait un but, si cela est intelligible, formidablement
concentré mais sans la moindre apparence de tension ou d'effort… les
paroles manquent. Tout d'abord nous n'éprouvons rien d'autre que la joie qui
émane de cela, nous ne voyons rien en dehors de la lumière intense ; puis,
peu à peu, nous commençons à nous apercevoir de ce que même dans cette
clarté éblouissante il y a des points encore plus brillants, des foyers, pour
ainsi dire, grâce auxquels la lumière acquiert une qualité nouvelle qui la rend
perceptible sur les plans inférieurs et sans laquelle les habitants de ces plans
seraient dans l'impossibilité de ressentir cette effusion. Alors,
graduellement, nous nous rendons compte du fait que ces soleils secondaires
sont les grands Êtres, Archanges, Seigneurs du Karma, Dhyan Chohans,
Bouddhas, Christs et Maitres et tant d'autres dont nous ne connaissons même
pas les noms et que c'est à travers Eux que la lumière et la vie se répandent
sur les plans inférieurs. Petit à petit, à mesure que nous nous accoutumons à
la merveilleuse réalité, nous découvrons que nous ne faisons qu'un avec
Eux, bien que très éloignés du faite de leur splendeur ; que nous faisons
partie de Celui qui est en Eux tous et aussi en chacun des points de l'espace
qui les sépare ; nous reconnaissons que nous aussi nous sommes des foyers
et qu'à travers nous, à notre niveau bien inférieur, la lumière et la vie
s'épandent vers ceux qui sont encore plus éloignés que nous, non pas de
Cela, car tout fait partie de Cela et il n'existe rien d'autre nulle part, mais de
l'image claire, de la compréhension, de l'expérience personnelle de Cela.
Mme Blatvatsky parlait souvent de cet état de conscience comme ayant
son centre partout et sa circonférence nulle part, phrase qui incite à la
réflexion et a été attribuée tant à Pascal qu'au cardinal de Cusa et au Zohar,
mais qui appartient en propre aux livres d'Hermès. Bien éloigné en vérité de
l'annihilation est un semblable état de conscience, l'Initié qui y parvient n'a
pas le moins du monde perdu le sentiment de sa propre personnalité ; sa
mémoire ne présente aucune lacune, il est le même homme et tout [168] cela
par surcroit et c'est alors qu'il peut dire en vérité : "Je suis moi" avec la pleine
connaissance de ce que "moi" signifie réellement. Cela peut sembler étrange
et cependant c'est vrai. Nous ne disposons pas de mots qui puissent donner
la plus faible idée d'une expérience semblable car tout ce qui est familier à
notre esprit s'efface bien avant que ne soit atteint le niveau dont nous
parlons. D'ailleurs, même à ce degré, l'Esprit s'enveloppe d'une sorte de
voile impossible à décrire, car en un sens il apparait comme un atome et
d'autre part, il semble qu'il compose tout le plan. L'Initié a l'impression d'être
partout mais de pouvoir se concentrer de n'importe où sur son être intérieur
et si, en quelque lieu que ce soit, cette expansion de la force semble se
ralentir cela lui apparait comme étant une forme.
L'être humain qui une seule fois a contemplé cette merveilleuse unité
ne l'oubliera jamais et ne pourra jamais non plus être tout à fait le même
qu'auparavant. Si grossières que soient les enveloppes dont il se voilera pour
aider, pour sauver les autres, quelque étroitement qu'il soit lié à la croix de
matière, si bien enfermé, emprisonné, séquestré qu'il puisse être, il ne pourra
jamais oublier que ses yeux ont contemplé le Roi dans toute sa gloire, qu'il
a vu le pays qui est bien loin et cependant tout près puisqu'il est toujours en
nous et qu'il ne tient qu'à nous de le voir, car pour atteindre au nirvana, point
n'est besoin de nous en aller vers des cieux lointains, il suffit d'ouvrir notre
conscience à la gloire de sa présence. Ainsi que l'a dit le Seigneur Bouddha,
il y a bien longtemps : "Ne gémissez pas, ne pleurez pas, ne priez pas, mais
ouvrez les yeux et voyez ; car la lumière est là qui vous entoure et elle est
merveilleusement belle, elle dépasse en splendeur tout ce que dans leurs
rêves ou dans leurs prières les hommes ont jamais désiré…, et elle est là à
tout jamais." "Le pays qui est bien loin" et une parole empruntée au prophète
Isaïe, mais, chose étrange, c'est une traduction incorrecte. Isaïe n'a point
parlé du pays qui est bien loin mais du "pays aux vastes étendues" ce qui
exprime une idée différente et d'une grande [169] beauté. Elle indique que
le Prophète avait pénétré dans les plans supérieurs et que dans sa pensée il
comparait la splendeur des chants célestes semés d'étoiles avec les
souterrains étroits où nous rampons ici-bas. C'est en effet l'image que
suggère la comparaison de notre vie avec cette vie supérieure : il semble
que, d'une part, on voit les hommes se trainer à tâtons par des chemins
tortueux et sombres, tandis que, d'autre part, les êtres vivent d'une vie
splendide, marchant vers un but déterminé, avec la conscience bien claire
de la Volonté divine animant leurs volontés et agissant à travers eux.
Quelle tâche formidable est celle de l'Arhat ! Il lui faut escalader les
cimes les plus élevées de ce plan, le plus sublime de ceux où se manifeste la
vie humaine et en même temps, il doit se débarrasser des cinq dernières des
dix grandes entraves, à savoir :
6. Ruparaga – le désir de la beauté de la forme ou de l'existence
physique dans une forme, sans excepter l'existence dans le monde
céleste.
7. Aruparaga – le désir de la vie sans forme.
8. Mano – l'orgueil.
9. Uddhachcha – l'agitation ou l'irritabilité ; la possibilité d'être
affecté par quoi que ce soit.
10. Avija – l'ignorance.
La sixième et la septième entraves comprennent non seulement l'idée
de Raga ou attraction, mais aussi celle de Dvesha ou répulsion et la
libération de ces chaines implique une qualité de caractère telle que tant sur
les plans inférieurs de la forme que sur les plans supérieurs dépourvus de
forme, rien ne puisse retenir l'Arhat, fût-ce un instant par son charme non
que l'éloigner par son caractère repoussant s'il a un travail à accomplir sur
le plan en question.
Lorsqu'il a limé la huitième chaine, Mano, l'Initié, oublie la grandeur de
ses propres victoires et tout orgueil lui devient impossible dans la lumière
où il se tient désormais sans interruption et où il ne peut se comparer avec
rien d'inférieur. Puis il atteint la sérénité parfaite que rien ne peut troubler,
qui lui donne la liberté d'acquérir [170] toute connaissance, de devenir en
somme omniscient en ce qui concerne notre chaine planétaire.
Le candidat arrive alors au seuil de la cinquième Initiation, celle de
l'Adeptat ; "il a complètement épuisé les causes qui l'avaient fait homme" il
peut franchir l'étape qui fait de lui un être suprahumain, un Asekha comme
disent les bouddhistes, puisqu'il n'a plus rien à apprendre dans tout ce que
peut lui offrir le règne humain de la Nature. Les Indous le nomment
Jivanmoukta, esprit libéré, être libre, non pas d'une indépendance
personnelle mais parce que sa volonté est une avec la Volonté universelle,
avec la Volonté de l'Être unique et sans second. Il baigne sans cesse dans la
lumière nirvanique même dans sa conscience de veille, s'il lui plaît de
demeurer sur terre dans un corps physique et s'il quitte ce corps, s'élève plus
haut encore sur le plan monadique au-delà de la portée de nos paroles et
même de notre pensée.
Écoutons encore le Seigneur Bouddha8 :
"N'essaie pas de mesurer avec des paroles
l'Incommensurable, ni de plonger la corde de la pensée
dans l'Impénétrable. Celui qui interroge se trompe, celui
qui répond se trompe. Ne dis rien !"
En symbolique chrétienne, l'ascension et la descente du Saint-Esprit
représentent le moment où l'Adeptat est atteint ; en effet, l'Adepte s'élève
alors nettement au-dessus de l'horizon humain, au-delà de la terre, bien que,
si tel est son désir, comme ce fut le cas pour le Christ, il puisse revenir pour
8
Lumière de l'Asie. Livre VIII.
enseigner et aider les hommes. Dans son ascension, il s'unit à l'Esprit Saint
et le premier usage qu'il fait de son nouveau pouvoir est de le répandre à
flots sur ses disciples, ainsi que le Christ fit à la Pentecôte descendre des
langues de feu sur la tête des Apôtres. En jetant les yeux sur l'un des
diagrammes montrant les principes qui composent l'être humain, publié dans
nos ouvrages antérieurs, l'on verra [171] le rapport qui existe entre les
manifestations du Logos dans le plan cosmique prakritique et dans l'âme
humaine ; l'on verra que le triple Atma, l'Esprit triple de l'homme, se trouve
dans la région inférieure du plan nirvanique ou spirituel et que la
manifestation la plus inférieure de la troisième Personne de la Trinité, de
Dieu en tant que Saint-Esprit, est indiquée dans la région supérieure du
même plan. À ce niveau, l'Adepte s'unit à Lui, et ceci fournit l'explication
véritable de la fête chrétienne de la Pentecôte, qui est la fête du Saint-Esprit.
C'est en raison de son unité avec Lui que l'Asekha peut accepter des
disciples ; quant à l'Arhat, quoiqu'il ait bien des choses à enseigner, il
continue à travailler sous les ordres d'un Adepte, agit à sa place et transmet
ses ordres sur le plan physique mais il ne peut avoir ses propres élèves,
n'étant pas encore rattaché au Saint-Esprit par un lien particulier.
Au-dessus de l'Initiation de l'Adepte, il y a celle du Chohan et plus haut,
d'autres encore dont il sera question dans le chapitre traitant de la Hiérarchie
occulte. L'échelle des êtres se prolonge au sein de nuées resplendissantes où
peu d'entre nous sont encore capables de pénétrer et lorsque nous
interrogeons ceux qui se tiennent sur les échelons supérieurs et en savent
infiniment plus que nous, tout ce qu'ils peuvent dire est que l'échelle monte
au-delà des limites de leur propre vision. Ils en connaissent un nombre de
degrés beaucoup plus grand que nous, mais elle monte plus haut, toujours
plus haut, vers des cimes d'une splendeur inimaginable et nul n'en connait
la fin.
Bien que tout ce que je viens de dire soit absolument exact, c'est-à-dire
que nul d'entre nous ne peut voir l'extrémité de l'échelle et que l'œuvre de
Ceux qui occupent les rangs supérieurs de la Hiérarchie nous est presque
incompréhensible, je désire établir bien clairement que Leur existence et
Leur activité sont aussi réelles et aussi précises, et même à un plus haut
degré, que la chose du monde la plus objective et que notre vision de ces
grands Êtres et aussi nette que possible. Quoique je ne sache que peu de
chose touchant la partie la plus élevée de son œuvre, depuis de longues
années il m'a été donné de voir constamment, presque chaque jour le
Bodhisattva occupé à cette œuvre est très souvent j'ai contemplé le Seigneur
[172] du monde dont l'existence merveilleuse est inconcevable, de sorte
qu'Ils sont à mes yeux des Êtres aussi réels que qui que ce soit, parmi ceux
que je connais et que je suis aussi certain que possible de Leur existence et
d'un fragment du rôle qu'ils remplissent dans l'univers. J'ai l'absolue
certitude de la vérité formidable de ce que je puis dire d'Eux, et, néanmoins,
je ne puis donner d'explication à leur sujet, ni comprendre plus d'une
parcelle de Leur activité. J'ai vu des Dhyan Chohans et des Esprits
planétaires et des Envoyés venant de systèmes solaires différents du nôtre et
je connais d'une manière absolue l'existence et la gloire transcendante de ces
Êtres, mais il se peut fort bien que je ne sache rien de Leur œuvre
formidable. J'ai vu de mes yeux la manifestation du Logos de notre système
solaire, je l'ai vu Lui-même tel qu'Il apparait parmi ses pairs et la majesté
inexprimable qui m'a frappé en Lui n'est sans doute que la millionième partie
de celles qu'Ils voient, Eux, lorsqu'ils Le contemplent.
De même qu'Arjuna dans la Bhagavad Gita, j'ai vu la Divinité
manifestée dans une forme : cela ne peut faire l'ombre d'un doute. Et je tiens
à témoigner de la réalité des faits en question. Je sais qu'en parlant ainsi, je
m'expose au mépris. L'on me dira : "qui êtes-vous pour dire des choses
semblables ?" Mais j'ai vu, et ce serait commettre une lâcheté que de refuser
mon témoignage.
J'ai déclaré à différentes reprises, tant dans mes écrits que de vive voix,
que je ne demande à personne de baser sa croyance en la théosophie sur
l'une quelconque de mes assertions. Je suis d'avis que chacun devrait étudier
le système par lui-même et aboutir à ses conclusions personnelles,
n'acceptant une doctrine, que, soit parce qu'il en connait la vérité de par sa
propre expérience, soit parce qu'il reconnait cette doctrine comme
l'hypothèse la plus vraisemblable qui puisse être formulée. Mais tout cela ne
modifie en rien le fait que je tiens des preuves à la disposition de ceux qui
ont le désir de les connaitre, des preuves que j'ai placées sous leurs yeux
dans ce livre et dans d'autres. Nous qui écrivons en ce vingtième [173] siècle
sur des sujets théosophiques, nous pouvons pleinement reprendre pour notre
compte cette simple déclaration de saint Jean, vieille de près de deux mille
ans.
"Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons
entendu, vu de nos yeux, examiné et touché de nos propres
mains, c'est cela que nous venons vous annoncer".
Nous qui avons vu apportons notre témoignage ; qu'il soit accepté ou
rejeté par le monde, peu nous importe. "Quiconque a senti l'Esprit du Très
Haut ne peut ni le confondre, ni en douter, ni le renier : O monde, quand
bien même tu nierais Son existence d'une voix unanime, je t'abandonnerais
et garderais ma foi !"
Immédiatement au-delà de l'Initiation de l'Asekha, le Sentier supérieur
se divise en sept grandes voies entre lesquelles il faut que le Disciple fasse
son choix ; sur ce sujet, je ne puis mieux faire que de citer ce qui a été dit
dans L'Homme, d'où il vient, où il va :
"Lorsque le règne humain est franchi et que l'homme, à
l'état d'Esprit libéré, est arrivé au seuil de son existence
suprahumaine, sept Sentiers s'offrent à son choix : Il peut
entrer dans l'omniscience bienheureuse et toute-puissante
du Nirvana, avec la possibilité d'activités qui dépassent de
beaucoup notre compréhension et la perspective de
devenir, peut-être, dans quelque futur Univers, un Avatar,
c'est-à-dire une Incarnation divine ; c'est ce qu'on appelle
parfois "revêtir la robe de Dharmakaya". Il peut entrer
dans la "Phase spirituelle", expression qui englobe des
significations inconnues et entre autres, probablement,
celle qui est interprétée comme le fait de "prendre le
vêtement de Sambhogakaya". Il peut faire partie du
réservoir de forces spirituelles où puisent les Agents du
Logos pour l'accomplissement de Leur tâche, revêtant
ainsi la "robe du Nirmanakaya". Il peut demeurer membre
de la Hiérarchie occulte pour gouverner et protéger le
monde où il a atteint la perfection. Il peut passer dans la
Chaine suivante et y collaborer à l'édification des formes.
Il peut prendre place dans la merveilleuse évolution des
Anges ou Dévas. Il peut enfin se placer à la disposition
immédiate du Logos pour Le servir en [174] n'importe
quel point du Système solaire, devenant le Serviteur et le
Messager qui ne vit que pour exécuter Sa volonté et
accomplir Son œuvre à travers tout le système qu'Il régit.
De même qu'un général s'entoure d'un état-major dont les
membres portent ses ordres en tous les points du champ
de bataille, de même ces Êtres forment l'état-major de
Celui qui est le Chef suprême, ils sont les "Ministres de
Son bon plaisir".
Il semble que ce Sentier soit considéré comme très pénible, représentant
le sacrifice le plus grand ouvert à l'Adepte et que, pour cette raison, il soit
entouré d'une grande considération.
Les membres de ce grand État-Major n'ont pas de corps physique mais
ils peuvent s'en former un dans la matière du globe où ils sont envoyés, grâce
à Kriyashakti "le Pouvoir de créer". L'État-Major comprend des Êtres à des
degrés très différents mais ayant atteint celui d'Arhat. L'homme qui prend la
robe du Dharmakaya se retire dans la Monade et rejette jusqu'à son atome
nirvanique ; le Sambhogakaya conserve son atome nirvanique et se
manifeste comme Esprit triple et le Nirmanakaya conserve son corps causal
de même que les atomes permanents qui l'ont accompagné durant tout le
cours de son évolution afin de pouvoir à tout moment, s'il le désire,
matérialiser autour de ces atomes trois corps : mental, astral et physique. Il
maintient le lien qui le rattache au monde d'où il est venu dans le but précis
d'être en mesure de fournir le réservoir d'où la force spirituelle est déversée
sur ce monde.
Dans la Voix du Silence, il est dit que les Nirmanakayas forment la digue
protectrice qui préserve le monde d'un flot plus furieux encore de misères et
de douleurs.
À ceux qui n'entendent pas le sens intérieur des choses, cette déclaration
semble impliquer que misères et douleur viennent du dehors attaquer le
monde et que ce sont ces grands Êtres qui parent leurs coups ; il n'en est
rien, tout le mal du monde émane de ceux-là mêmes qu'il frappe. Chaque
être humain fait sa propre loi, chacun décrète [175] sa condamnation ou sa
récompense, mais le rôle des Nirmanakayas est de créer une grande réserve
de force spirituelle pour venir en aide à l'humanité. Constamment, ils
émanent cette force, n'en retenant pas une parcelle pour Eux-mêmes et la
placent tout entière au service de la Grande Fraternité qui l'emploie à alléger
le lourd fardeau des hommes.
Ce qui précède montre que parmi ceux qui atteignent le niveau de
l'Adeptat, les Initiés qui restent sur notre terre comme membres de la
Hiérarchie occulte sont relativement peu nombreux. Ces Êtres et leur
activité étant néanmoins d'une importance capitale, nous leur consacrerons
les derniers chapitres de cet ouvrage.
QUATRIÈME PARTIE
—
LA HIÉRARCHIE
CHAPITRE XI
—
LE TRAVAIL DES MAITRES
9
Ces efforts ont été résumés comme suit par M. Fritz Kuntz, dans le tableau.
elle fut [187] préparée à remplir son rôle. Comment, le moment venu, la
Grande Fraternité l'envoya en Amérique pour y chercher le Colonel Olcott,
qui devait lui apporter les qualités qui lui manquaient : la faculté
d'organisation, celle de parler aux hommes, de les grouper autour de lui, de
les façonner en un organisme actif dans le monde extérieur.
Effort Nature du mouvement Résultat
tenté
1275 Roger Bacon et la Restauration de la Culture Démocratie de la
mentale Culture : Renaissance
1375 Christian Rosenkreuz et L'essor de la
Culture.
1475 L'imprimerie Démocratie du
Fixation du Savoir Savoir : La Réforme
10
En 1925.
La race Aryenne, qui domine aujourd'hui le monde par son intelligence
particulièrement développée, a succédé à la race Atlante, dont les membres
forment encore la majeure partie de l'humanité et occupent une grande partie
de la surface de la terre.
Dans cet ordre d'idées, la Grande Fraternité, en ce moment, est adonnée
à des œuvres d'une importance capitale. La première est la préparation de
l'incarnation physique, et de la vie active, parmi les hommes, du
Bodhisattva, ou Instructeur du Monde.
Il a déjà paru dans les diverses religions existantes, et la façon dont il a
été présenté a pu beaucoup varier, mais toutes les religions sont d'accord sur
le genre de vie qu'elles réclament de leurs adhérents. Nous trouvons bien
des dissemblances entre les enseignements extérieurs du Christianisme, du
Bouddhisme, de l'Indouisme, ou de l'Islamisme, mais si nous considérons
les véritables fidèles de chacune de ces religions, et si nous étudions leur vie
journalière, nous remarquons que tous ont exactement la même manière de
vivre, et que tous s'accordent sur les vertus à pratiquer et les défauts à
éliminer. Tous nous disent qu'un homme doit être charitable, franc,
bienveillant, respectable, secourable envers les malheureux. Ils disent
encore qu'un homme dur, avide, cruel, menteur et sans honneur ne fait aucun
progrès, et qu'il n'aura de chance de succès avant qu'il change sa conduite.
En gens pratiques, reconnaissons que ce qui importe dans une religion, ce
ne sont pas les vagues spéculations métaphysiques sur des sujets que nul ne
connait avec certitude, et qui ne peuvent influencer notre conduite. Ce qui
importe, ce sont les préceptes qui gouvernent notre vie de chaque jour et qui
font de nous, dans nos relations avec nos semblables, un homme comme
ceci plutôt qu'un homme comme cela. Ces préceptes sont identiques dans
toutes les religions du monde, et seront les mêmes dans le nouvel
enseignement, quel qu'il puisse être. [190]
Peut-être pouvons-nous aller un peu plus loin dans nos prédictions
concernant l'enseignement du Boddhisattva. La vérité fondamentale, sur
laquelle il insistera, c'est que les souffrances du monde ont leur source dans
le manque d'amour et de fraternité ; que si l'homme apprend à aimer et que
s'il veut adopter l'attitude fraternelle, tout le mal disparaitra et ce sera de
nouveau l'âge d'or. Nous ne pouvons espérer que cet avenir soit immédiat,
mais cependant alors les hommes commenceront à voir par eux-mêmes, et
à comprendre combien, ils ont plus à gagner dans cette voie que dans l'autre.
La seconde de ces trois grandes œuvres qu'entreprend la Grand
Fraternité, est la préparation des corps physique, émotionnel et intellectuel
des hommes dans la 6e sous-race de la race aryenne. Cette sous-race a déjà
commencé d'apparaitre en Amérique, en Australie, et peut-être en d'autres
régions du globe. Le Manou, avec le pouvoir créateur de son intelligence et
de sa volonté, est à l'œuvre sur les plans supérieurs, modifiant jusqu'au type
physique des enfants du Nouvel âge, partout où cela est possible. Quelques-
uns des plus jeunes membres de la Fraternité, travaillant dans le monde
extérieur, ont reçu des instructions pour faire donner à ces enfants, partout
où il sera possible, l'éducation et l'entrainement qui conviennent à la
nouvelle race. Le travail est petit encore, mais il est appelé à prendre
d'énormes proportions, jusqu'à l'apparition, dans quelques siècles, de la 6e
sous-race. Celle-ci apparaitra, distincte et admirable, avec ses jeunes
générations, dans le monde nouveau, tandis que l'ancien monde continuera
à porter la 5e sous-race vers la maturité et la perfection. Peut-être même
rayonnante et glorieuse répandra ses bénédictions sur la 5e, et pourra-t-on
voir, pour la première fois, une race s'éteindre, digne et sereine, à un âge
vénérable, après avoir porté des fruits précieux. Ce sera là le prix de son
service présent et à venir envers la race en enfance, et la récompense de ses
[191] luttes, triomphales, mais aussi pleines de sacrifices, contre les
pouvoirs des ténèbres, luttes qui ouvriront alors aux hommes des possibilités
que jamais race ne connut.
Il nous faut essayer de comprendre ce que l'on entend par : appartenir à
la 6e sous-race. Nos idées manquent par trop d'élasticité. Quand la 6e sous-
race sera pleinement développée, elle présentera certains caractères
nettement définis ; caractères physiques, astrals et mentals, que l'on ne
rencontre pas encore dans l'homme moyen de la 5e sous-race. N'oublions pas
que la 6e sous-race sera construite avec les matériaux fournis par la 5e et que
chacun des égos qui en fera partie aura à développer ces caractères l'un après
l'autre. Le processus de la préparation est très long et s'étend à travers
plusieurs vies. Aussi, lorsque nous nous tournons pour examiner nos
contemporains, et surtout les plus jeunes à ce point de vue, il ne faut pas
nous imaginer pouvoir dire qu'un tel appartient à la 6e sous-race et non à
telle autre.
Il serait plus juste de dire : A semble posséder 25 % des caractéristiques
de la 6e sous-race ; B en possède peut-être 50 % ; C en a une grande
proportion, peut-être 75 % ; tandis qu'enfin D, je ne vois rien qui lui manque,
il en est spécimen parfaitement développé. Vraisemblablement le jeune
homme ou la jeune fille qui donnent des espérances appartient au type A,
car, dans le monde, très rares sont les B ; pour ce qui est des C et des D, ils
sont pratiquement inexistants, sinon dans un tout petit cercle. En outre, le
développement est fort irrégulier. Tel jeune homme peut avoir réalisé un
progrès considérable en ce qui concerne l'astral, ou le mental sans qu'il y
paraisse beaucoup dans le corps physique ; d'autre part, grâce à une hérédité
favorable, il peut avoir un corps physique apte à exprimer un développement
plus grand sur les plans supérieurs que celui qu'il a atteint en réalité. Très
rares encore sont ceux qui peuvent s'attendre à présenter tous les caractères
requis. Soyons satisfaits s'ils en possèdent un ou deux.
Même à son apogée, la 6e sous-race ne sera pas parfaitement uniforme.
Par exemple, bien qu'elle soit généralement dolichocéphale, elle aura
toujours des subdivisions [192] brachycéphales. Elle comprendra des
hommes aux cheveux clairs, et d'autres aux cheveux foncés. Certains auront
les yeux bleus, d'autres bruns. Bien entendu les caractères astrals et mentals
sont bien plus importants, mais dans la plupart des cas ce n'est que sur
l'apparence physique que l'on peut fonder son estimation La note
fondamentale de la race sera l'altruisme, et la note dominante,
l'enthousiasme pour le service, qui devra être accompagnée de la bonté
active et de la tolérance large et cordiale. Celui qui, oubliant son propre
plaisir, ne pense qu'à la manière d'aider les autres, est fort avancé déjà sur le
Sentier. Le discernement et le sens commun seront aussi des caractéristiques
marquées.
Si nous voulons savoir à quel aspect physique nous pouvons nous
attendre, peut-être pouvons-nous dire que le point dominant sera une
conformation parfaite des mains et des pieds, des doigts minces, aux ongles
ovales, la finesse des doigts et du pouce vus de profil sera remarquable. La
peau excessivement fine sera également une caractéristique importante. Il y
aura trois types de visages : l'un nettement ovale, avec le front haut, le
second moins ovale avec un front plus long, et le troisième pratiquement
brachycéphale. Ce dernier assez rare. Le mot brachycéphale signifie : dont
la tête mesure en largeur les 4/5 de la longueur. On rencontre chez les
hommes qui approchent de cette sous-race une expression particulière,
facile à reconnaitre si on la recherche.
La troisième grande œuvre des Adeptes est la fondation de la 6e race-
racine, qui doit paraitre physiquement en Californie, d'ici 700 ans. Une
communauté sera établie dans ce pays, ayant à sa tête le Manou de cette
race, notre Maitre Morya ; auprès de lui nous trouvons le Maitre Kuthumi,
son compagnon de travail, qui sera le Bodhisattva de cette même race. Nous
avons étudié cette communauté dans l'Homme, d'où il vient, où il va. Encore
que ceci soit dans quelques centaines d'années – peu de choses en somme
dans la vie d'un homme – nous pouvons tous voir, en considérant la chose,
que les préparatifs vont leur train, et que la Société [193] Théosophique n'y
joue pas un petit rôle. Chaque branche de notre Société encourage (ou
devrait le faire) chacun de nos membres dans ses efforts pour appliquer au
monde extérieur la connaissance théosophique qu'il a pu acquérir ; ceci, bien
entendu, suivant son tempérament et ses possibilités en relation avec les
autres hommes. Tout cela aide la race actuelle.
Dans la branche théosophique – si elle ne trahit pas ses idéals – cette
branche où sont groupés tant d'hommes de types dissemblables, on devrait
voir se manifester parmi les membres une grande largeur d'esprit, car ceux-
ci, en effet, y reçoivent une éducation de fraternité qu'ils ne trouveraient
nulle part ailleurs.
La Plupart des sociétés sont organisées pour atteindre un but ou remplir
un objectif donné, mais en ce qui concerne la Société Théosophique, nous
savons ceci : bien qu'un idéal de perfection séduise particulièrement un
homme, tandis qu'un autre idéal plaît surtout à un autre, la fraternité ne sera
réalisée ni par l'un ni par l'autre de ces idéals seuls. Elle ne sera réalisée ni
par le triomphe du seul idéal d'amour, ni par celui de vérité ou de beauté,
mais bien par l'union de ces trois idéals. Enchevêtrés comme les trois liens
qui forment une corde, ils constituent en réalité la corde qui rattache à jamais
l'homme au divin, comme il a été dit, il y a bien longtemps dans
l'Hitopadesha :
"De petites choses deviennent très puissantes
Si elles sont judicieusement combinées.
Des éléphants furieux sont entravés
Par une corde faite de brins d'herbes emmêlés."
Tel est l'esprit de fraternité, acquis progressivement par le théosophe
véritable qui est lié à son camarade par une nécessité intérieure plutôt que
par une impulsion extérieure. Être membre de cette Société est, en vérité,
subir un entrainement donné par les Maitres et qui, s'il est couronné de
succès, rendra l'homme digne de naitre dans la communauté de la 6e race-
racine, lorsqu'elle sera établie sur le plan physique.
CHAPITRE XII
—
LES CHOHANS ET LES RAYONS
11
. Prononcer : Tchor'an.
Êtres qui occupent des positions extrêmement élevées, et qui sont tout à fait
en dehors de la Hiérarchie occulte de notre planète.
Afin de mieux saisir le travail particulier qu'accomplissent les Maitres,
une petite digression s'impose ici, qui nous permettra de comprendre la
signification des sept Rayons. Cette tâche est loin d'être facile. Il y a déjà
longtemps, certaines informations, très incomplètes il est vrai, mais
cependant fort précieuses, nous furent données. J'ai conservé un souvenir
très précis de l'incident. M. Cooper Oakley, un frère indou et moi, nous nous
étions assis sur le toit à Adyar pour deviser. À cette époque lointaine, seule
la maison du Quartier Général était bâtie, derrière laquelle s'étendaient
environ cinq hectares de terrain, plus ou moins à l'état de jungle. Soudain,
le Maitre Djwal Kul, qui était le disciple principal du Maitre Kuthumi,
s'avança vers nous. Nous recevions alors de lui de fréquents enseignements,
et il se montrait toujours très affable et très patient envers ses élèves. Ce
jour-là, nous abordâmes le sujet des Rayon, et M. Cooper Oakley, de cette
façon particulière qui le caractérisait, lui demanda : "Je vous en prie Maitre,
voulez-vous nous expliquer la théorie des Rayons ?"
Le Maitre sourit subtilement et répondit :" Je ne puis satisfaire votre
curiosité tant que vous n'aurez pas atteint une Initiation tout à fait supérieure.
Voulez-vous toutefois écouter ce qu'il m'est permis de vous révéler, car ces
informations seront inévitablement partielles et sujettes à vous induire en
erreur ; ou préférez-vous attendre jusqu'au moment où vous aurez le droit
d'approfondir complètement la question ? "Nous souvenant du proverbe :
[196] un "tiens" vaut mieux que deux "tu l'auras", nous demandâmes au
Maitre de nous éclairer autant qu'il était en mesure de le faire. Ainsi qu'il
nous avait prévenus, une partie des enseignements forts intéressants que
nous notâmes, nous parut incompréhensible.
"Je ne puis vous en expliquer davantage, ajouta le Maitre, car je suis lié
par des serments, mais si votre intuition vous ouvre de nouveau horizons, je
vous dirai si vous êtres dans la bonne voie". Ces informations
supplémentaires, bien que réduites à peu de chose, nous furent cependant
d'un grand secours.
Rayon Caractéristique La magie Dernière religion
du Rayon caractéristique
I Fohat, Schechinah … Brahmanique
II Sagesse Râja Yoga Bouddhique
(Intelligence
Humaine)
III Akasha Astrologie Chaldéenne
(Forces
magnétiques
Naturelles)
IV Naissance d'Horus Hâtha Yoga Égyptienne
(Développement
physique.)
V Feu Alchimie Zoroastrienne
(Substances
matérielles)
VI Incarnation de la Bhakti (Dévotion) Chrétienne, etc.,
Divinité (Kabale, etc.)
VII … Magie rituelle Culte des
Élémentales
12
Le Pseudo Denys l'Aréopagyte.
parallèles, selon le Rayon auquel ils appartiennent. L'association avec les
humains est nécessaire pour que l'individualisation ait lieu ; à la tête de
chaque Rayon nous rencontrons alors les animaux domestiques capables de
s'individualiser. L'éléphant, le chien, le chat, le cheval, sont des exemples
de ces différentes classes. Il s'ensuit que les impulsions de la Vie universelle
qui animent un chien, ne pourront pas animer un cheval ou un chat, mais se
manifesteront toujours à travers la même espèce jusqu'au moment de
l'individualisation.
Des recherches n'ont pas encore été entreprises pour classifier les
animaux et les végétaux par Rayons, mais j'ai eu l'occasion d'approfondir, il
y a quelques années, la question des pierres précieuses. J'ai découvert que
chaque Rayon est représenté par l'une de ces pierres, à travers laquelle sa
force s'exprime plus facilement. Je reproduis ici un tableau, déjà paru dans
la Science des Sacrements, qui donne une liste à la fois des pierres
précieuses à la tête de chaque Rayon, et celles qui sont une expression plus
faible de la même influence :
Rayon Pierre à la tête du Substituts
Rayon
I Diamant Cristal de Roche
II Saphir Lapis-lazuli,
Turquoise, Sodalithe
III Émeraude Aigue-marine, jade,
Malachite
IV Jaspe Calcédoine, Agate,
Serpentine
V Topaze Citrine, Stéatite
VI Rubis Tourmaline, Grenat,
Cornaline, Escarboucle
VII Améthyste Porphyre, Violane
13
Martyr, en Grande Bretagne, aux IIIe-IVe siècles. Fête le 22 juin.
il est en outre très absorbé par la situation politique de l'Europe et par le
développement de la science physique moderne.
Le résumé qui suit, et que j'ai déjà donné dans la Science des
Sacrements, ouvre des aperçus sur les Rayons et le travail accompli par les
Chohans. Dans ce résumé, j'ai indiqué la pensée que doivent avoir à l'esprit
ceux qui aspirent à servir :
1. La Force.
"Je serai fort, brave, et je persévèrerai dans son service."
2. La Sagesse.
"J'atteindrai cette sagesse intuitive qui ne peut se développer que
par l'amour parfait."
3. L'Adaptabilité ou le Tact.
"J'essayerai de développer la faculté de parler et d'agir avec à-
propos et toujours au bon moment et d'aller au-devant de tous les
êtres sur la route [210] qui est la leur, afin de les aider plus
efficacement."
4. Beauté et Harmonie.
"Autant que je le pourrai, j'apporterai la beauté et l'harmonie dans
ma vie et dans mon entourage afin qu'ils soient plus dignes de lui ;
j'apprendrai à voir la beauté dans toute la Nature afin de mieux le
servir."
5. La Science (la connaissance des détails).
"J'accroitrai mes connaissances et je développerai en moi-même la
précision scrupuleuse, afin de m'en servir pour son œuvre."
6. La Dévotion.
"Je construirai en moi le grand pouvoir de la dévotion, afin que je
puisse par ce moyen lui amener les autres."
7. Le Service ordonné.
"J'ordonnerai le service de Dieu selon les règles qu'il a prescrites,
afin de profiter complètement de l'aide bienfaisante que Ses anges
sacrés cherchent toujours à apporter."
Toutes ces qualités différentes devront à tour de rôle être développées
en chacun de nous, mais nous ne les possèderons à l'état de perfection que
lorsque nous serons devenus des êtres surhumains. Nos imperfections se
manifestent actuellement dans nos vies par le fait que certaines qualités sont
infiniment plus visibles que d'autres. Quelques-uns, par exemple, qui sont
très évolués dans le sens du discernement et de la précision méticuleuse,
n'ont pas cultivé l'affection et la dévotion, aussi leur nature est froide et dure,
ils paraissent fréquemment antipathiques et sont aptes à se tromper dans leur
jugement sur autrui, et lorsqu'ils considèrent un problème intellectuel leur
attitude est souvent extrêmement critique. Ils sont portés à juger les
individus qu'ils rencontrent plutôt défavorablement, tandis que ceux qui
appartiennent au type de la dévotion et de l'affection chercheront à
comprendre le point de vue leur interlocuteur et seront disposés à le
considérer plus favorablement, … et même si leur jugement est faux, car ils
[211] sont souvent entrainés par leur sentiments, du moins pencheront ils du
côté de l'indulgence. Ces deux cas démontrent un jugement qui manque de
justesse. Il sera donc nécessaire pour nous d'arriver avec le temps à
équilibrer parfaitement ces qualités, car le surhomme est celui qui possède
l'équilibre absolu. Ainsi que le dit la Bhagavad-Gîta : "L'équilibre s'appelle
Yoga".
Dans les sept Logoï planétaires, il se produit périodiquement certains
changement cycliques, qui correspondent peut-être à l'aspiration et à
l'expiration, ou au battement du cœur sur le plan physique. Quoi qu'il en soit,
il se peut qu'un nombre infini de combinaisons variées en résultent ; et
puisque nos corps astrals sont formés de la même matière que les leurs, il
s'ensuit qu'aucun Logos planétaire ne se modifiera astralement sans que
chaque être humain n'en ressente le contrecoup, surtout les individus chez
lesquels il y a une prépondérance de cette matière en voie de transformation.
Nous avons choisi le plan astral comme exemple, mais ce qui précède
s'applique à tous les autres plans ; nous arriverons de la sorte à concevoir un
peu à quel point les émotions ressenties par les Esprits planétaires ont de
l'importance pour nous.
Quelles qu'elles soient, elles apparaissent dans l'histoire des races
humaines comme des changements cycliques réguliers, qui se produisent
dans le tempérament des individus et conséquemment dans le caractère des
civilisations. En laissant de côté les périodes mondiales, et en ne considérant
que la période d'une seule race-mère, nous constatons que les sept Rayons
jouent successivement un rôle prédominant (peut-être même plus d'une
seule fois). Chacune de ces sept périodes se décompose à son tour en sept
sous-cycles d'influence, d'après certaines règles curieuses qui demandent
une explication. Prenons comme exemple l'époque dans laquelle le
cinquième Rayon devient prépondérant dans l'histoire d'une race. Pendant
ce laps de temps, l'idée principale du cinquième Rayon et probablement de
la religion qui en dérive, conservera une importance capitale. Mais cette
[212] période se divisera elle-même en sept périodes secondaires dans
lesquelles la première subdivision, tout en conservant l'idée maitresse du
cinquième Rayon, subira l'influence du premier Rayon, et les méthodes de
ce Rayon s'amalgameront avec celle du Rayon prédominant. Dans la
seconde subdivision, l'idée et les méthodes propres au cinquième Rayon
seront influencées par le second Rayon, et ainsi de suite ; de sorte que ce
sera évidemment dans la cinquième subdivision que l'idée se manifestera de
la façon la plus pure et avec le plus d'intensité. Il semblerait naturel que ces
divisions et ces subdivisions fussent respectivement en rapport avec les
sous-races et les subdivisions de ces dernières, mais jusqu'à présent nous
n'avons pu conclure dans ce sens.
En abordant un sujet aussi complexe et aussi obscur que celui-ci, nous
ne sommes guère en mesure, étant donné le peu de connaissances dont nous
disposons encore, de multiplier les exemples ; cependant, puisque l'on nous
a dit que le sixième Rayon de la dévotion est prépondérant à l'heure actuelle,
nous pouvons essayer de retracer l'influence du premier sous-cycle dans
l'histoire des pouvoirs merveilleux que possédaient les saints des premiers
siècles ; l'influence du second, dans la secte des Gnostiques, qui attachaient
une importance particulière à la recherche de la véritable sagesse, ou Gnose ;
l'influence du quatrième dans les efforts entrepris, grâce à une étrange
déformation mentale, pour développer le pouvoir de la volonté en endurant
des souffrances répugnantes, ainsi que le firent Saint Siméon stylite 14 et les
Flagellants 15 ; l'influence du cinquième chez les alchimistes et les Rose-
Croix du moyen âge ; tandis que l'influence du sixième, celui de la plus pure
dévotion, peut se retrouver dans les extases des ordres contemplatifs, et le
[213] septième sous-cycle provoquerait l'attachement aux invocations et aux
formes extérieures de l'Église Romaine.
L'apparition du spiritisme moderne et le culte des élémentals, qui
caractérise si souvent ses formes dégradées, peut-être envisagé comme un
signe précurseur de l'influence du septième Rayon qui se manifestera dans
l'avenir ; d'autant plus que ce mouvement doit son origine à une société
14
Passa 69 ans sur une colonne.
15
Sectes fanatiques, XIIe aux XVe-XVIe siècles. Le roi Henri III en créa une et s'y affilia. Condamnées
par différents Papes.
secrète qui existe dans le monde depuis l'époque ou le septième Rayon était
prépondérant dans l'Atlantide.
Tous ceux qui ont approfondi l'histoire religieuse peuvent se convaincre
de l'importance et de la réalité du pouvoir dominateur exercé par un Rayon
pendant le cours de son cycle d'influence. Ils savent à quel point la foi était
complètement aveugle au Moyen Age, combien ceux qui parlaient au nom
de l'Église, tout en ignorant les bases de la religion, essayaient d'imposer
leurs idées sur d'autres individus qui souvent étaient plus instruits qu'eux.
Les détenteurs du pouvoir – les chrétiens dogmatiques – étaient précisément
ceux qui connaissaient le moins le sens véritable des dogmes qu'ils
enseignaient. D'autres auraient pu leur expliquer la signification de bien des
points de la doctrine chrétienne, mais la majorité ne voulait pas les entendre,
et rejeta comme hérétiques les plus éclairés.
Pendant le cours de cette sombre période, les individus qui avaient de
réelles connaissances, tels les alchimistes, (non pas ceux que ceux-ci fussent
beaucoup plus instruits, mais certains d'entre eux avaient certes des
connaissances plus étendues que les chrétiens), se rencontraient parmi les
membres des ordres secrets comme les Templiers et les Rose-Croix, et
certaines vérités étaient aussi connues des premiers francs-maçons. Tous
furent persécutés au nom de la religion par les chrétiens ignorants.
Bien des saints du moyen âge étaient remplis d'une dévotion qui était
souvent très belle et atteignait même le domaine spirituel ; mais en général,
leur piété revêtait une forme si étroite qu'ils adoptaient, en dépit [214] de
leur spiritualité, une attitude intransigeante vis-à-vis de ceux dont l'opinion
différait de la leur, qui allait parfois même jusqu'à la persécution ouverte.
Quelques rares personnages eurent un idéal vraiment spirituel, mais ils
éveillèrent la suspicion. Tels furent : Ruysbroeck, Marguerite et Christine
Ebner, Molinos, Jacob Boehme et les Quiétistes. Dans presque tous les cas,
les ignorants persécutèrent ceux qui en savaient davantage ; ils agirent au
nom de leurs croyances, cependant, nous aurions tort de croire que leur
dévotion ne fut pas à la fois très sincère et très intense.
Le règne de la dévotion ne se montra pas seulement dans la chrétienté.
Les religions qui subsistaient de l'époque plus lointaine où les autres Rayons
avaient joué un rôle, en subirent un puissant reflet. L'indouisme peut être
considéré comme une doctrine sévère par les gens dont la dévotion est
ardente. La religion de Shiva, Dieu le Père, la première Personne de la Sainte
Trinité, se répandit dans l'Inde presque entière, et aujourd'hui encore, les
trois quarts des Indous adorent cet aspect de la Divinité. L'idéal du devoir –
le Dharma – qui est resté la base même de cette religion, fut présenté aux
croyants. D'après ses préceptes, les hommes sont nés dans des castes
différentes, selon leurs mérites ; leur devoir consiste à poursuivre le Dharma
propre à sa caste dont ils font partie. Pour s'élever dans une caste supérieure,
il leur fallait accomplir des efforts tellement exceptionnels, que pendant
longtemps de tels cas se présentèrent très rarement. Les fidèles de cette
religion respectaient profondément la loi et l'ordre, et n'admettaient pas que
l'on fut mécontent du sort ; ils enseignaient que le chemin qui mène à Dieu
consiste à savoir tirer le plus de profit possible des conditions dans
lesquelles chacun était appelé à vivre. Si l'on mettait en pratique cette
croyance, les conditions s'amélioraient de vie en vie. Ils déclaraient aussi
que la porte du royaume de Dieu peut-être ouverte à chaque homme, quelle
que soit sa caste, s'il vit en accord avec ses principes, sans faire croitre ses
chances de réussite par la lutte, mais en accomplissant fidèlement [215] et
strictement son Dharma dans la situation que Dieu lui a dévolue.
Cette doctrine peut paraitre froide et scientifique aux yeux de ceux qui
sont sur la ligne de la dévotion. Mais lorsque le Rayon de la dévotion fit
sentir tout d'abord son influence dans le monde, un grand changement
survint, et le culte de la seconde Personne de la Trinité, Vishnu qui s'incarna
comme Srî Krishna, fut instauré. On assista alors à la manifestation d'un
sentiment qui pouvait s'exprimer sans entrave, et qui, dans sa forme intense,
devint pour ainsi dire une orgie d'émotions. À l'heure actuelle, il est probable
que la dévotion que l'on rencontre aux Indes parmi les adorateurs de Vishnu,
est encore plus grande que celle qui se voit chez les chrétiens, dont la
religion est de leur propre aveu basée sur le sentiment. Les démonstrations
auxquelles nous assistons aux Indes sont souvent embarrassantes pour nous,
qui appartenons à des races moins expansives. J'ai vu des hommes d'affaires
qui d'ordinaire paraissaient durs, se jeter dans des dévotions extatiques qui
les poussaient à éclater en sanglots et à se transformer complètement, en
entendant prononcer le nom de l'enfant Sri Krishna. Tout ce que les chrétiens
des nations occidentales éprouvent pour l'enfant Jésus, est également
ressenti par les Indous pour l'enfant Krishna.
Tel fut l'effet que la dévotion produisit sur une religion qui tout d'abord
n'avait pas le caractère dévotionnel. Le Bouddhisme n'est pas non plus une
croyance qui s'appuie sur la dévotion. L'indouisme donna la religion
Bouddhiste à la quatrième grande race, et le cycle dévotionnel de cette race
ne coïncide pas nécessairement avec le nôtre. Cette religion n'attache pas
d'importance à la prière ; elle enseigne à ses croyants que Dieu, dans la
mesure où elle admet son existence, connait beaucoup mieux nos besoins
que nous ne pouvons le faire, qu'il est donc inutile de prier, d'essayer de Le
fléchir, car Il agit infiniment mieux qu'aucun homme ne peut le concevoir.
Les Bouddhiste de Birmanie disent : "La Lumière [216] infinie existe, mais
elle n'est point pour nous. Nous l'atteindront un jour ; en attendant, nous
devons suivre les enseignements de notre Seigneur, et veiller à
l'accomplissement des préceptes qu'il nous a donné."
Ce n'est pas qu'ils ne reconnaissent pas Dieu, mais ils le placent si haut,
sur un plan si éloigné du nôtre, ils sont tellement convaincus de son
existence sur ce plan incognescible, qu'ils s'arrêtent à cette conception. Les
missionnaires prétendent qu'ils sont athées. J'ai vécu parmi eux et je les ai
fréquentés plus intimement que ne le font la majorité des missionnaires,
aussi j'ai l'impression qu'ils ne sont nullement enclin à l'athéisme, mais leur
sentiment de respect est trop grand pour leur permettre d'adopter une attitude
de familiarité avec Dieu, ou comme tant de croyants occidentaux de parler
de Lui sur un ton d'intimité, comme s'ils avaient la connaissance précise à
la fois de Son œuvre et de tout ce qu'il entreprend. Cette façon d'agir
paraitrait extrêmement irrévérencieuse à un oriental. Le Bouddhisme a subi
aussi le feu de la dévotion, et en Birmanie les fidèles de cette religion
adorent le Seigneur Bouddha presque comme un Dieu. Je me suis aperçu de
cette croyance lorsque j'écrivis un catéchisme pour les enfants bouddhistes.
Le Colonel Olcott publia le premier catéchisme bouddhiste destiné aux
enfants, mais le sens des réponses était difficile à saisir même pour des
personnes plus âgées. La nécessité d'écrire une introduction à l'usage de la
jeunesse nous apparut, et l'autre catéchisme, qui était le fruit, d'un
magnifique travail, fut réservé aux étudiants. Dans son livre, le Colonel
Olcott avait posé la question suivante : "Le Bouddha est-il un Dieu ?" à
laquelle il répondait :"Non, pas un Dieu, mais un homme comme nous,
seulement beaucoup plus élevé que nous ne le sommes." Cette réponse fut
pleinement accepté à Ceylan et au Siam, mais en arrivant en Birmanie, les
Bouddhistes nous firent des objections quant à cette interprétation négative.
"Il est plus grand, nous dirent-ils, qu'aucun Dieu dont nous ayons
connaissance." Le mot sanscrit pour Dieu est "Deva", et les Indous ne
donnent jamais au mot Dieu la même [217] signification que nous, à moins
qu'ils ne parlent d'Ishvara, ou bien de la Trinité : Shiva, Vishnou et Brahma.
Lorsque les missionnaires déclarent que les Indous ont trente-trois
millions de Dieux (ou trente millions et trois cents), le mot qui est employé
est "deva", et comprend un grand nombre d'êtres, tels que des anges, des
esprits de la nature, et d'autres encore ; mais ils ne les adorent pas plus que
nous ne le ferions. Ils connaissent leur existence et les classifient : c'est tout.
La dévotion a fait son apparition en Birmanie, mais à Ceylan, où les
habitants descendent pour la plupart d'immigrants indous, ils affirment, au
sujet des offrandes au Seigneur Bouddha, que c'est par reconnaissance pour
tout ce qu'il a fait pour eux. Lorsque nous leur demandâmes s'ils croyaient
que le Bouddha en était averti et s'il était satisfait, ils répondirent : "Oh non !
Il est entré très loin dans le Paranivâna ; nous n'espérons pas qu'Il le sache,
mais c'est à Lui que nous devons la connaissance de la Loi telle qu'Il nous
l'enseigna ; aussi nous perpétuons le souvenir de Son Nom, et nous lui
offrons des présents par sentiment de reconnaissance."
Cette vague de dévotion a puissamment influencé le monde depuis la
venue de l'Enfant Krishna, il y a deux mille quatre cents ans, mais l'intensité
caractéristique de la sixième phase a disparu, et le septième sous-cycle
prépare rapidement l'avènement du septième Rayon. La dévotion ignorante
se rencontre encore parmi les paysans de bien des nations aryennes ; mais
les individus qui ont acquis une culture supérieure ne se laissent pas
facilement gagner par ce sentiment à moins d'en comprendre l'objet. Il y eut
une phase qui joua un rôle dans la quatrième sous-race en particulier, dans
laquelle les fidèles se laissèrent aller à la dévotion envers tout ce qui de
nature à éveiller leurs émotions, tandis que le développement du mental
inférieur provoqua dans la cinquième sous-race une réaction vers
l'incrédulité. Cette nouvelle tendance ne fut pas plus satisfaisante que
d'autre, et maintenant elle est entrée dans le domaine du passé. Actuellement
les individus sont plus portés à faire des [218] recherches et à examiner les
croyances, qu'à les rejeter impitoyablement de prime abord.
Un double changement a lieu en ce moment, car en plus des
modifications suscitées par l'influence du Rayon, nous sommes
actuellement au début de la sixième sous-race, qui développera l'intuition et
la sagesse, et qui unira l'intelligence supérieure de la cinquième sous-race
aux émotions de la quatrième.
Le Rayon dont l'influence se fait déjà sentir, développera l'usage des
cérémonies, et comme il ne s'agira plus de la septième subdivision du
sixième Rayon, on ne les envisagera pas du point de vue de l'apparat, mais
plutôt en considérant leur utilité par rapport à la grande Évolution des Dévas.
Les êtres retireront un véritable bienfait de la compréhension de ces
cérémonies.
Dans nos régions, ces cérémonies jouent un rôle de plus en plus
important. En Angleterre, vers le milieu du siècle dernier, les églises et les
cathédrales n'occupaient qu'une vie insignifiante. L'église paroissiale de
campagne n'avait, en général, pas plus d'importance qu'une chapelle
appartenant à une secte dissidente ; on y trouvait par d'ornements, pas de
vitraux ni de décorations d'aucun genre ; tout y était extrêmement banal et
rudimentaire. On ne prêtait nulle attention à l'embellissement de ces lieux et
au respect qu'on leur doit, afin de les rendre dignes de Dieu et de son
service ; le seul souci absorbant consistait à prêcher, et encore en adoptant
surtout le point de vue pratique. À l'heure actuelle, nous ne trouverions plus
en Angleterre un seul de ces monuments dans l'état que je viens de décrire.
L'indifférence a fait place au respect, les églises ont été dans bien des cas
admirablement décorées, et dans beaucoup d'entre elles, ainsi que dans les
cathédrales, les cérémonies sont exécutées méticuleusement et avec
infiniment de dignité. Toute la conception du service religieux a été
modifiée.
L'influence du nouveau Rayon se fait encore sentir dans d'autres
directions. Nous voyons surgir une forme spéciale de la Franc-maçonnerie,
appelée la Maçonnerie [219] Mixte, qui diffère des autres groupes en ce sens
que la nécessité d'y admettre les femmes sur un pied d'égalité avec les
hommes a été reconnue. D'ailleurs, les idées modernes conduisent à mettre
la femme au même niveau que les hommes et lui accordent des droits égaux.
Les fondateurs de la Maçonnerie Mixte ne songèrent pas tout d'abord à
l'influence que pourrait exercer le Rayon, mais néanmoins le mouvement a
été dominé par la tendance actuelle vers toutes les formes de cérémonies. Je
me souviens que le cérémoniale, qui était fort simple dans les rues de
Londres pendant toute la grande partie du règne de la Reine Victoria,
recouvra un certain éclat pendant les dernières années de sa vie, et Edouard
VII lui restitua toute sa splendeur d'autrefois. Un grand nombre d'individus
commencent à ressentir l'influence du Rayon, et ils seront, comme ils ne
l'ont jamais été auparavant, mus par le désir de voir et même de participer à
ces cérémonies.
CHAPITRE XIII
—
LA TRINITE ET LES TRIANGLES
16
Voir Étude sur la Conscience, par A. Besant.
pourvu à la transmission de leur influence jusqu'au niveau le plus bas par le
moyen de leurs représentants, le Manou Vaïvasvata et le Seigneur Maitreya
respectivement.
Ces deux grands Adeptes se trouvent parallèles avec le Mahâchohan sur
leurs Rayons respectifs, tous deux ayant passé l'Initiation qui porte ce nom ;
ainsi est formé un autre Triangle pour administrer les pouvoirs du Logos
jusqu'en bas, au plan physique. Nous pouvons exprimer les deux Triangles
en un seul diagramme (voir ci-dessous).
Pendant la période entière d'une race-racine, le Manou établit les détails
de son évolution et le Boddhisattva ou Instructeur du Monde, directeur de
l'éducation et de la religion accorde son aide aux membres de cette race-
racine pour qu'ils développent telle spiritualité qui leur est possible à ce
stade, tandis que le Mahâchohan dirige l'intelligence des hommes de façon
que la culture générale et la civilisation s'étendent suivant le plan cyclique.
Voilà la Tête et le Cœur, et la Main avec ses cinq [223] Doigts tous actifs
dans le monde, modelant la Race en un être organique, l'Homme Céleste.
Ce mot n'est pas simplement une comparaison mais il exprime bien un
fait réel car, à l'issue de l'effort de chaque race-racine, ceux qui ont atteint
l'Adeptat pendant son cours forment un organisme puissant qui est
véritablement un, l'Homme Céleste en qui se trouvent, comme dans l'homme
terrestre sept grands centres dont chacun est un puissant Adepte.
17
Par l'étendu de l'aura, toutefois, on pourrait mesurer ces différences…
Diagramme 3 – Les Trois Aspects du Logos
La seconde Personne de la Très Sainte Trinité n'existait depuis bien des
siècles avant que le Seigneur Maitreya vînt en évolution ; et la première
descente de cette Seconde Personne en incarnation se fit lorsque, à la
seconde effusion de vie, il prit les véhicules de sa manifestation dans la
matière vierge de son nouveau système Solaire, déjà imprégné et vivifié par
Dieu le Saint-Esprit. Quand cela a été fait, nous avons pour la première fois
le Christ non manifesté opposé au Christ manifesté, et même alors il devait
être vrai que le Christ, en tant que Dieu était, dans un sens, plus grand que
Christ en tant qu'homme. À mesure que les Bodhisattva qui doivent
représenter la Seconde Personne sur différentes planètes de son système,
atteignent un par un la direction de leur Rayon, ils deviennent à leur tour si
complètement un avec lui qu'ils méritent le titre de Christ comme homme,
et de cette façon, au moment de la consommation d'une telle Initiation
l'union hypostatique a lieu pour chacun d'eux.
Ce second Aspect du Logos se déverse d'en haut dans la matière, y est
incarné, se fait homme ; il est par conséquent "égal au Père en ce qui
concerne Sa Divinité, et inférieur au Père en ce qui concerne son humanité"
ainsi qu'il est dit dans le Crédo d'Athanase.
Notre Seigneur, le Bodhisattva a été un homme comme nous et est
encore homme, quoique Homme parfait ; cependant cette humanité a été si
bien recueilli dans la Divinité qu'il est, en vérité, le réel Christ,
représentation du second Aspect de la Trinité ; car en Lui et par Lui il est
possible pour nous d'atteindre ce divin Pouvoir. C'est pourquoi il est dit du
Christ qu'il est le Médiateur entre [228] Dieu et l'homme ; cela n'est pas
parce qu'il nous rachète de quelque horrible châtiment, ainsi que le croient
bien des chrétiens orthodoxes, mais parce qu'il est en vérité un Médiateur,
Celui qui se tient entre le Logos et l'homme, que celui-ci peut voir, et par
qui le pouvoir de la Divinité se déverse sur l'humanité. Il est bien, par
conséquent, le Chef de toutes les religions à travers lesquelles nous
parviennent ces bénédictions.
CHAPITRE XIV
—
LA SAGESSE DANS LES TRIANGLES
18
Se trouve dans "Rétractations", XIII.
eux que se trouve celui de ses élèves qui fut envoyé pour fonder la foi
musulmane.
L'envoi d'Instructeurs que j'ai mentionné ci-dessus n'est qu'une partie
de son travail qui n'est pas limité à l'humanité, mais comprend l'éducation
de toutes les créatures sur terre, entre autres l'évolution des Dévas. C'est
pourquoi il est à la tête de toute les religions qui existent à notre époque, et
de beaucoup d'autres qui ont disparu pendant le cours des âges, mais,
naturellement, il n'en est responsable que tant qu'elles conservent leur
première forme, et il n'est pas responsable de la corruption
qu'inévitablement l'homme introduit dans toutes les religions à mesure que
se déroulent les siècles. Lui-même varie le type de religion et l'adapte à la
période de l'Histoire du monde qui la voit naitre, ainsi qu'au peuple
particulier à qui elle est donnée, mais, bien que la forme puisse en changer
au cours de l'évolution, la morale en est toujours la même.
Il reviendra bien des fois encore pendant la marche en avant de la race-
racine. Il fondera bien des religions, attirant chaque fois autour de lui ceux
des hommes de cette race qui seront préparés à le suivre, et parmi lesquels
il choisira ceux qu'il peut s'attacher par des liens plus étroits, ceux qui sont
élèves dans le vrai sens du mot. Puis, vers la fin de la race, qui aura laissé
loin derrière elle sa beauté première, lorsqu'une nouvelle race commencera
à dominer dans le monde, il prendra ses dispositions pour que tous les élèves
qui l'ont suivi dans ses incarnations antérieures, reviennent au monde
ensemble, à peu près à l'époque de sa dernière vie sur terre.
C'est alors qu'il atteindra la grande Initiation de Bouddha et qu'il
parviendra à l'illumination parfaite. Dans ce temps-là ses propres élèves
seront tous fortement attirés vers lui, sans le reconnaitre physiquement ni se
souvenir de lui ; sous son influence un grand nombre entreront sur le Sentier
et plusieurs s'élèveront à des stades supérieurs, ayant déjà fait des progrès
considérables dans leurs incarnations précédentes. Tout d'abord, en lisant
dans les livres Bouddhistes le récit du nombre important d'hommes ayant
atteint le niveau d'Arhat instantanément lorsque le Seigneur Gautama devint
Bouddha, j'ai cru à une impossibilité, mais en examinant la chose de plus
près je m'aperçus qu'il y avait là quelque vérité. Peut-être les chiffres sont-
ils exagérés mais c'est un fait indiscutable que beaucoup d'élèves ont atteint
subitement des degrés supérieurs de l'initiation sous l'impulsion du puissant
magnétisme et du pouvoir du Bouddha.
À côté de la grande fête de Wesak il est une autre occasion où, chaque
année, les membres de la Fraternité se rencontrent officiellement. En ce cas,
la réunion est généralement tenue dans le jardin de la maison du Seigneur
Maitreya, située aussi dans l'Himalaya, mais sur le versant sud. Cette fois
aucun pèlerin, n'est présent sur le plan physique, mais tous les visiteurs
astrals qui connaissent la célébration de cette fête sont accueillis avec
bienveillance. Elle a lieu le jour de la pleine lune du mois d'Ashadha
correspondant, en général, au mois de juillet. C'est l'anniversaire du jour où
le Seigneur Bouddha proclama pour la première fois la grande découverte,
du jour où il prêcha à ses disciple, à Sarnath, près de Bénarès, le sermon
connu sous le nom de "Dhammachakkappattana Sutta" qui a été traduit par
Rhys Davids comme : "la Mise en mouvement des Roues du Char du
Royaume de la Voie droite". Il y exposa, pour la première fois, les quatre
nobles Vérités et le noble Sentier octuple, expliquant la grande Voie
moyenne [247] du Bouddha, la vie de parfaite rectitude dans le monde,
placée entre l'extravagance de l'ascétisme d'une part, et l'insouciance de la
vie ordinaire du monde de l'autre.
Dans son amour pour son grand Prédécesseur, le Seigneur Maitreya
ordonna que, lors de l'anniversaire de ce premier prêche, ce même sermon
serait récité une fois de plus en présence de la Fraternité assemblée, et il
ajoute d'ordinaire quelques mots pour l'expliquer et en donner des exemples.
La récitation du sermon commence au moment de la pleine lune ; cette
lecture et les paroles du Seigneur Maitreya durent d'ordinaire une demi-
heure. Le Seigneur Maitreya prend place sur un siège de marbre établi à
l'extrémité d'une terrasse élevée, dans le jardin délicieux qui s'étend devant
la façade de sa maison. Les plus grands Dignitaires s'assoient près de lui,
tandis que le reste de la Fraternité est groupé dans un jardin, quelques mètres
au-dessous. À cette occasion comme pour l'autre, il y a souvent des
possibilités d'agréables entretiens ; les Maitres distribuent parmi leur
disciples et ceux qui aspirent à le devenir des paroles de bonté et des
bénédictions.
Il est peut-être utile de décrire la cérémonie et de faire le récit de ce qui
se dit habituellement à ces Festivals, bien que naturellement, il soit
absolument impossible de reproduire le merveilleux, la beauté et l'éloquence
des paroles du Seigneur Maitreya dans de telles occasions. Les lignes qui
suivent ne prétendent pas rapporter un discours, c'est une combinaison de
fragments imparfaitement retenus, je le crains, et dont quelques-uns ont déjà
paru ailleurs ; mais à ceux qui ne le connaissent pas, cela peut donner
quelque idée de la ligne adoptée en général.
Ce grand sermon est extraordinairement simple. Les différents points
qui le composent sont très souvent répétés et, la sténographie n'existant pas
à cette époque, ce qui aurait permis de l'écrire et de le faire lire à tous, il
fallait que ses disciples se souvinssent des paroles qu'il avait dites par
l'impression qu'elles leur avaient produite sur le moment. Aussi ces paroles
étaient-elles très simples et il les répétait encore et encore, comme un refrain
afin [248] que les auditeurs en soient pénétrés. En lisant ce sermon on se
rend bien compte qu'il était composé tout exprès pour qu'on se le rappelle
facilement. Ses divers points se présentent de telle façon que lorsqu'on l'a
entendu, chaque point rappelle le suivant, comme une sorte de mnémonique,
et chacune de ses phrases séparées, retenues aisément par la mémoire,
suggère au Bouddhiste un tout formé d'idées reliées entre elles. Ainsi le
sermon, tout simple et court qu'il est, renferme une explication et une règle
de l'existence.
On pourrait croire que tout a été dit bien des fois au sujet de ce sermon ;
et cependant le Seigneur, avec sa merveilleuse éloquence et sa manière
personnelle de dire, le fait paraitre chaque année comme quelque chose de
nouveau et il semble à chacun que le message s'adresse à lui-même. À cette
occasion le miracle de la Pentecôte se renouvèle, comme au moment de la
première prédication : le Seigneur s'exprime en langue pâli, si sonore, mais
tous ceux qui sont présents l'entendent parler leur propre langue natale, ainsi
qu'il est rapporté dans les Actes des Apôtres.
Le sermon débute par une proclamation affirmant que le Sentier du
milieu est le plus sûr comme d'ailleurs le seul vrai Sentier. Se plonger dans
les excès et les plaisirs sensuels de la vie mondaine ordinaire est vil et
dégradant et ne conduit à rien : d'un autre côté, l'extrême ascétisme est aussi
mauvais et inutile. Il peut se faire qu'un petit nombre d'êtres se sentent attirés
vers la vie de l'ascète et du solitaire et soient capables de la vivre – quoique
même alors, il ne faut pas qu'il y ait d'excès – mais le Sentier moyen d'une
vie bonne, vécue dans le monde, est pour la plupart le meilleur et le plus sûr.
Le premier pas à faire pour vivre une telle vie est d'en comprendre les
conditions ; et le Seigneur Bouddha nous les a exposées dans ce qu'il a
appelé les quatre nobles Vérités. Ce sont :
1. La souffrance
2. La cause de la souffrance. La cessation de la souffrance (ou la
délivrance de la souffrance) [249]
3. Le Sentier qui mène à la délivrance de la souffrance.
1. La première Vérité est une affirmation que toute vie manifestée est
affliction à moins que l'homme ne sache la vivre. En commentant ce point
le Bodhisattva dit que la vie manifestée est une affliction dans deux sens,
dont l'un est, dans une mesure inévitable, mais dont l'autre est une erreur
complète et peut être évitée facilement. Toute vie manifestée est, dans un
sens une affliction par le fait d'être une limitation pour la Monade qui est le
véritable Esprit de l'homme, limitation que nous ne pouvons concevoir le
moins du monde avec notre cerveau physique, parce que nous n'avons
aucune idée de la liberté glorieuse de la vie supérieure. C'est précisément
dans le même sens qu'il a toujours été dit que le Christ s'offre lui-même en
sacrifice quand il descend dans la matière.
C'est bien sans aucun doute un sacrifice, car cette limitation est
tellement immense qu'elle le prive de tous les pouvoirs glorieux qui lui
appartiennent sur son propre niveau. Cela est aussi vrai de la Monade de
l'homme ; son sacrifice est grand, en effet, lorsqu'elle se met en rapport avec
la matière inférieure, lorsqu'elle plane au-dessus, à travers les siècles sans
fin de son développement jusqu'au niveau humain, lorsqu'elle dépose un tout
petit fragment d'elle-même – gros pour ainsi dire comme le bout du doigt –
et ainsi crée un égo, ou âme individuelle !
Bien que nous soyons seulement un très petit fragment, véritablement
le fragment d'un fragment, néanmoins nous sommes une partie d'une
magnifique Réalité. Il n'y a pas de quoi s'enorgueillir de n'être qu'un
fragment, mais nous avons la certitude que, par conséquent, faisant partie
du plus Haut, nous pouvons éventuellement nous élever jusqu'à lui et
devenir ainsi un avec lui. Voilà la fin, voilà le but de notre évolution. Et
rappelons-nous que si nous devons atteindre ce but, un jour, ce n'est [250]
pas pour jouir de notre progrès, mais pour que nous soyons capables d'aider
au plan de l'évolution. Tous ces sacrifices, toutes ces limitations peuvent à
juste titre se dépeindre comme entrainant la souffrance, mais on les accepte
avec joie dès que l'égo à la compréhension. Un égo ne possède pas la
perfection de la Monade, aussi ne comprend-il pas très bien tout d'abord : il
faut qu'il apprenne comme un autre. Les limites considérables qui se
produisent à chaque nouvelle descente dans la matière sont inévitables, et
c'est pourquoi toutes ces souffrances sont inséparables de la manifestation.
Il faut que nous acceptions cette limitation comme un moyen d'arriver au
but, comme faisant partie du Plan Divin.
La vie est souvent une souffrance dans un autre sens, mais c'est une
souffrance que l'on peut entièrement éviter. L'homme qui mène la vie
ordinaire du monde éprouve souvent des inquiétudes de toutes sortes. Il ne
serait pas exact de dire qu'il est toujours dans le chagrin, mais il est souvent
dans l'anxiété et il est sans cesse exposé à de grandes peines et grands soucis.
La raison en est que, hanté par des désirs inférieurs, il est prisonnier de
ces désirs, non pas nécessairement mauvais en eux-mêmes, mais s'adressant
à des objets inférieurs. Constamment l'homme s'efforce d'atteindre quelque
chose qu'il n'a pas, il est rempli de soucis tant qu'il n'est pas sûr de l'avoir, et
dès qu'il le possède il est inquiet de le perdre. Cela est vrai, non seulement
de l'argent mais de la position, de l'influence, de la fortune et de la situation
sociale. Tous ces appétits aiguisés causent, de différents manières, beaucoup
d'inquiétude, et il ne s'agit pas seulement de ce que ressent un individu qui
a ou n'a pas ce qu'il désire, mais il faut aussi tenir compte de toute l'envie,
de la jalousie, des mauvaises sentiments qu'éprouvent ceux qui, eux aussi,
désirent ces choses.
Beaucoup d'autres objets de désirs, plus dignes en apparence que ceux-
là, ne le sont cependant guère. Combien de fois, par exemple, un jeune
homme désire l'affection de quelqu'un qui ne la lui rend pas, qui ne peut pas
lui rendre ! De ces désirs sans issue découlent bien [251] des tristesses, de
la jalousie, de mauvais sentiments. Vous me direz que cela est naturel… ;
sans doute, et l'affection rendue est une grande source de bonheur.
Cependant si on ne peut pas la lui rendre, l'homme doit avoir la force
d'accepter la situation et ne pas laisser ces désirs sans satisfaction le
tourmenter. Quand nous disons qu'une chose est naturelle, nous voulons dire
qu'elle est naturelle à l'homme moyen. Mais il faut que l'étudiant en
occultisme s'efforce de s'élever quelque peu au-dessus du niveau de
l'homme moyen, car autrement comment peut-il aider cet homme ? Il faut
que nous nous élevions au-dessus de ce niveau afin de pouvoir tendre d'en
haut une main secourable. Il faut que nous tendions non pas vers ce qui est
naturel, dans le sens du moyen, mais vers ce qui surnaturel.
Celui qui est clairvoyant reconnaitra aisément la vérité de ce grand
enseignement du Bouddha que, somme toute, la vie est une souffrance ; car
s'il regarde le corps astral et mental des êtres qu'il rencontre il les verra
remplis d'un grand nombre de menus tourbillons tournant vertigineusement,
qui représentent toutes sortes d'étranges petites pensées, petits soucis, petits
chagrins, causés par une chose ou une autre. Tout cela amène du trouble et
de la souffrance, alors que ce dont nous avons le plus besoin pour progresser,
c'est la sérénité. Le seul moyen d'obtenir la paix est de se débarrasser
complètement de toutes ces choses, et cela nous conduit à notre seconde
noble Vérité, la Cause de la Souffrance.
2. Nous venons de voir que le désir est toujours la cause de la
souffrance. Si un homme n'éprouve aucun désir, s'il n'aspire ni à une haute
situation, ni au pouvoir, ni à la fortune, alors dans l'acquisition ou la perte
de ces biens sa tranquillité n'est point troublée. Il ne se fait point de soucis
et reste calme et serein. Tout naturellement, puisqu'il est humain, il désirera
ceci ou cela, mais toujours avec modération et douceur et ainsi ne se laissera
point tourmenter. Nous savons, par exemple, combien fréquemment les
êtres sont abattus par le chagrin lorsqu'ils perdent, par la mort, ceux qu'ils
aiment. Mais si leur [252] affection est à un niveau supérieur, si c'est leur
ami qu'ils aiment et non le corps de leur ami, il ne peut exister de sentiment
de séparation, ni de chagrin par conséquent. S'ils sont mus par le désir du
contact physique avec cet ami sur le plan physique, alors aussitôt leur désir
provoquera du chagrin. Mais s'ils écartent ce désir et s'ils vivent dans la
communion de la vie supérieure, le chagrin disparaitra. On s'afflige parfois
à l'approche de la vieillesse, lorsque les véhicules s'affaiblissent ; on
désirerait avoir la même force, les mêmes facultés qu'autrefois ; il est sage
de réprimer ce désir, de comprendre que le corps a bien rempli sa tâche, que
si l'on ne peut plus travailler autant qu'auparavant, on doit, tout de même,
dans le calme et la douceur faire ce que l'on peut et ne pas s'affliger du
changement survenu. Un peu plus tard on aura un corps nouveau, et pour
être certain d'avoir un bon corps il faut se servir de son mieux du corps actuel
et, en tout cas, demeurer calme, serein, tranquille. Pour cela il est nécessaire
de s'oublier soi-même, et de faire cesser tout désir et de tourner ses pensées
vers le dehors pour venir en aide aux autres suivant ses capacités.
3. La cessation de la souffrance. – Nous voyons déjà comment cesse la
souffrance, comment vient le calme : c'est en gardant toujours sa pensée
fixée sur les choses supérieures. Nous avons encore à vivre dans ce monde,
si poétiquement décrit comme l'étoile de l'affliction – ce qu'il est bien
réellement pour beaucoup, peut-être pour la plupart, quoiqu'il puisse en être
autrement – nous pouvons pourtant y vivre heureux si nous n'y sommes pas
attachés par le désir. Nous sommes dans le monde, mais ne devrions pas en
être, du moins au point d'en éprouver du souci, de l'inquiétude, de la peine...
Notre devoir est, sans aucun doute, d'aider les autres dans leurs soucis, leurs
inquiétudes, leurs chagrins, mais pour le faire efficacement nous ne devons
pas en avoir nous-mêmes, nous devons réprimer doucement toute agitation
qui pourrait en causer, dès qu'elle nous effleure, et conserver notre calme et
notre contentement. Si nous acceptons avec philosophie cette vie supérieure
nous [252] verrons bientôt que la souffrance cessera pour nous presque
entièrement.
Il y en aura peut-être qui penseront qu'une telle attitude est hors de notre
portée, mais il n'en est rien, car le Seigneur Bouddha ne nous l'aurait jamais
prescrite. Tous nous pouvons l'atteindre, tous nous devons l'atteindre, parce
que ce n'est qu'alors que nous pouvons aider réellement, efficacement, notre
prochain.
4. Le Sentier qui conduit à la délivrance de la souffrance. – Ceci nous
est donné dans ce que l'on appelle le noble Sentier deux fois quadruple, une
autre des magnifiques oraisons du Seigneur Bouddha. C'est une très belle
déclaration, parce qu'on peut l'accepter à tous les niveaux d'évolutions.
L'homme du monde, même sans éducation, peut la prendre dans ses aspects
inférieurs et y trouver la paix et du réconfort. Et le plus profond philosophe
peut cependant aussi l'accepter, l'interpréter à son niveau, y apprendre bien
des choses.
Le premier pas sur ce Sentier est la Croyance Juste. Il y a des êtres qui
n'approuvent pas cette qualité parce qu'elle leur semble imposer une sorte
de foi aveugle. Ce n'est pas du tout ce genre de foi qui est nécessaire, mais
plutôt une certaine connaissance des facteurs principaux de la vie. Il nous
est demandé de comprendre un peu le Plan Divin en ce qui nous concerne,
et que, ne pouvant le voir par nous-mêmes, nous l'acceptions du moins tel
qu'on nous l'expose. Certains faits généraux se présentent toujours à
l'homme sous une forme ou sous une autre. L'explication en est donnée
même aux tributs sauvages, par leurs médecins, et au reste de l'humanité par
tous les instructeurs religieux et par toutes les Écritures. Il est très vrai que
les religions et Écritures diffèrent, mais afin d'être heureux il faut qu'un
homme accepte tous les points sur lesquels elles sont d'accord. L'éternelle
Loi de cause et d'effet est un de ces faits. Si un homme vit dans l'illusion
qu'il peut faire ce qui lui plaît et que ses actions ne se retourneront jamais
contre lui, il découvrira certainement que ces actes l'entraineront au malheur
et à la souffrance un jour ou l'autre. De plus, [254] s'il ne comprend pas que
le progrès est le but de sa vie, que la volonté de Dieu à son égard est qu'il
grandisse et qu'il devienne quelque chose de meilleur, de plus noble, alors
aussi il attirera sur lui-même, le malheur et la souffrance parce qu'il vivra
vraisemblablement pour le côté inférieur de la vie, et que ce côté-là ne
satisfait jamais définitivement l'homme intérieur. C'est pourquoi il faut au
moins qu'il connaisse quelque peu les grandes lois de la nature et, s'il ne peut
encore rien en apprendre lui-même, il vaut mieux qu'il croit à leur existence.
Plus tard, à un niveau supérieur, et avant qu'on puisse atteindre la seconde
initiation, il nous est dit qu'il faut tuer toute espèce de doute.
Lorsqu'on demanda au Seigneur Bouddha si cela signifiait que nous
devons accepter aveuglément toutes les formes de croyance, il répondit :
"Non, mais il faut que vous reconnaissiez vous-mêmes trois grandes choses :
qu'un homme ne peut atteindre finalement la perfection que sur le sentier de
la Sainteté et de la Vie vertueuses ; qu'afin d'y parvenir il se meut à travers
de nombreuses existences, s'élevant graduellement de plus en plus haut, et
qu'il n'y a qu'une seule et unique Loi de Justice éternelle sous laquelle
œuvrent toutes choses".
À ce stade, il faut que l'homme rejette toute espèce de doute et qu'il soit
entièrement convaincu de ces choses dans son for intérieur ; quant à
l'homme du monde il devrait au moins y croire car s'il ne possède pas ce
guide dans sa vie il ne peut aller plus loin.
Le deuxième pas sur le noble Sentier est la Pensée juste, et ceci signifie
deux choses différentes. La première exige que nous ne pensions qu'à ce qui
est bien et jamais à ce qui est mal. Nous pouvons au fond de notre esprit
avoir toujours, soit de belles pensées élevées, soit des pensées ordinaires,
sur des choses courantes. Ne confondons pas : tout ce que nous faisons nous
devons le faire complètement et attentivement, avec autant de concentration
de pensée qu'il est nécessaire. Mais la plupart des êtres, une fois qu'ils ont
fini leur travail, ou lorsqu'ils s'arrêtent de travailler, continuent à penser
[255] à des choses sans importance et relativement grossières. Ceux qui se
sont consacrés au Maitre cherchent toujours à retenir au fond de leur esprit
la pensée de ce Maitre, de telle sorte qu'à tout instant de répit que leur
laissent leurs occupations, cette pensée prend le dessus dans leur esprit et
s'en empare entièrement. Et aussitôt l'élève pense : "Que puis-je faire pour
que ma vie ressemble à la vie du Maitre ? Comment puis-je m'améliorer de
façon à montrer la beauté du Seigneur à ceux qui m'entourent ? Que puis-je
faire pour continuer son œuvre qui est de venir en aide aux autres ? Envoyer
autour de nous des pensées d'aide et de sympathie est un des moyens que
nous pouvons employer.
Rappelez-vous aussi qu'il faut que la pensée juste soit définie et non
éparpillée ; une pensée qui s'arrête un moment sur une chose et puis vole à
une autre est complètement inutile et ne nous aide pas du tout à apprendre à
penser. La pensée juste ne doit jamais renfermer l'ombre du mal, ni rien de
douteux. Ceux qui délibérément ne penseraient jamais à quoi que ce soit
d'impur ou d'affreux, cependant nourrissent des pensées à peu près voisines
– pas tout à fait mauvaises, mais douteuses, très certainement. Il ne doit rien
y avoir comme cela dans la pensée juste, et chaque fois que se présente une
réflexion tant soit peu soupçonneuse ou malveillante, il faut la chasser
promptement. Assurons-nous que nos pensées sont toutes bonnes et
bienveillantes.
La pensée juste a encore un autre sens, et c'est la pensée exacte – qui
consiste à ne penser que ce qui est vrai. Il nous arrive si souvent d'avoir,
concernant autrui, des pensées fausses ou injustes, causées, par les préjugés
ou l'ignorance ! Nous nous persuadons qu'une certaine personne est
mauvaise et en conséquence, que tout ce qu'elle fait est mal. Nous lui
attribuons certaines intentions sans aucune raison, et en faisant cela nous
pensons faussement ; notre pensée n'est pas la Pensée juste. Tous ceux qui
ne sont pas encore devenus des adeptes ont en eux de mauvaises tendances
aussi bien que de bonnes, mais malheureusement il est dans nos habitudes
[256] de fixer sur le mal notre attention et d'oublier ce qui est bien et même
de ne point le chercher. Par conséquence, notre pensée à leur sujet n'est pas
la pensée juste, non seulement parce qu'elle n'est pas charitable mais aussi
parce qu'elle est fausse. Nous ne regardons qu'un côté et nous ignorons
l'autre. De plus, en fixant notre attention sur le mal qui se trouve dans un
homme, nous encourageons et nous renforçons ce défaut, tandis que par la
pensée juste nous pourrions produire le même effet sur les belles qualités
qui existent dans la nature.
Le pas suivant est la Parole Juste, et ici encore nous retrouvons les
mêmes divisions. Premièrement nous devrions toujours parler de choses
bonnes. Parler des mauvaises actions des autres n'est pas notre affaire. Dans
la plupart des cas les histoires que l'on nous rapporte sur d'autres personnes
ne sont pas vraies, et si nous les répétons, nos paroles à nous sont aussi
mensongères et nous nous nuisons à nous-mêmes aussi bien qu'aux
personnes de qui nous parlons. Et même si l'histoire est vraie nous faisons
mal en la répétant, car ce n'est pas le moyen de rendre meilleur l'homme
dont nous parlons, et il vaudrait mieux n'en rien dire du tout. Instinctivement
nous agirions ainsi dans le cas d'un mari, d'un fils, d'un frère ; nous sentirions
certainement que c'est mal de divulguer la mauvaise action d'un être cher à
ceux qui, sans cela, ne la connaitraient pas. Mais s'il y a quelque sincérité
dans notre profession de fraternité universelle nous sentirions aussi que nous
n'avons pas le droit de dire du mal d'un homme quel qu'il soit, que nous
devons parler des autres comme nous désirerions que les autres parlent de
nous. Et je le répète, rappelons-nous que beaucoup parlent d'une manière
fausse, en se laissant aller à l'exagération et à l'inexactitude. De riens ils font
des énormités : cela n'est assurément pas la Parole juste.
Encore une fois, la parole doit être bienveillante, et elle doit être droite
et forte, sans sottise. Une grande proportion de "gens du monde" s'imaginent
qu'il faut "faire la conversation" que c'est bizarre et impoli de ne pas babiller
constamment. Il leur semble que lorsqu'on [257] rencontre un ami il faut
tout le temps parler, car sans cela l'ami serait offensé. Souvenez-vous que le
Christ a formellement déclaré que nous aurons à rendre compte plus tard de
toutes les paroles oisives que nous aurons prononcées.
La parole oisive est souvent méchante, mais en dehors de cela, même
les paroles oisives qui sont innocentes entrainent une perte de temps, s'il faut
que nous parlions, disons au moins quelque chose d'utile et de secourable.
Il y en a qui, avec l'idée de paraitre spirituels, parlent sans cesse sur un ton
de plaisanterie ou de moquerie. Il faut que ce qu'ils disent dépasse ce que
l'on vient de dire ; il faut qu'ils s'amusent de tout ou ridiculisent tout. Or,
tout cela appartient au chapitre des paroles oisives et sans aucun doute il est
nécessaire que nous soyons extrêmement prudents quant à cette question de
la parole juste...
Le point suivant est l'Action Juste. Nous voyons immédiatement que
ces trois pas, tout naturellement, se suivent l'un, l'autre : si nous ne pensons
qu'à des choses bonnes, nous ne parlerons certainement pas de choses
mauvaises, parce que nous parlons de ce que nous avons à l'esprit, et si notre
pensée et notre parole sont toutes deux bonnes, alors l'action qui suivra sera
bonne aussi. Or, il faut agir avec promptitude et après réflexion. Nous
connaissons tous certains êtres qui, lorsque des difficultés surviennent, sont
incapables de les résoudre ; ils touchent à tout, ne sachant que faire, et gênent
ceux dont le cerveau est en meilleur état. D'autres se hâtent d'agir sans
penser à rien. Apprenez à penser rapidement et à agir promptement,
toutefois après avoir réfléchi. Surtout que votre action soit sans égoïsme,
qu'elle ne soit jamais influencée par des considérations personnelles. Cela
est très difficile pour la plupart, et cependant c'est un pouvoir qu'il faut
acquérir. Nous avons, nous qui nous efforçons de vivre pour le Maitre, de
nombreuses occasions de mettre en pratique cette idée dans notre travail.
Nous devons tous penser seulement à ce qui est meilleur pour le travail et à
ce que nous pouvons faire pour aider notre [258] prochain, et mettre
complètement de côté toute considération personnelle. Il ne faut pas nous
demander à quelle part du travail nous aimerions participer, mais il faut que
nous tâchions de faire de notre mieux la partie qui nous est assignée.
De nos jours, peu de personnes vivent solitaires, comme faisaient les
moines et les ermites d'autrefois. Nous vivons avec d'autres, de sorte que,
quoi que nous pensions ou disions, un grand nombre d'êtres en sont
nécessairement affectés. Nous devrions nous rappeler toujours que notre
pensée, notre parole, ou notre action ne sont pas simplement des qualités
mais des pouvoirs qui nous ont été donnés pour en faire usage, et de cet
usage nous sommes directement responsable. Tous ces pouvoirs nous sont
donnés afin d'en user pour le service, et les employer autrement, c'est faillir
à notre devoir.
Nous arrivons maintenant au cinquième pas : les justes moyens
d'existence et c'est un sujet qui s'adresse à un très grand nombre d'entre nous.
Les justes moyens d'existence sont ceux qui ne causent point de tort à quoi
que ce soit de vivant. Nous voyons immédiatement que cela exclut le
commerce du boucher et du pêcheur, mais ce commandement va bien plus
loin encore. Nous ne devons pas gagner notre vie en faisant du tort à une
créature et par conséquent, il saute aux yeux que vendre de l'alcool n'est pas
parmi les justes moyens d'existence. Celui qui vend de l'alcool ne tue pas
précisément ses clients, mais sans aucun doute, il leur fait grand tort, et il vit
du tort qu'il leur fait.
L'idée va plus loin encore. Prenez le cas d'un marchand malhonnête
dans sons commerce ; ses moyens d'existence ne sont pas justes parce qu'il
agit déloyalement et trompe les gens. Si un commerçant est honnête dans
ses affaires, s'il achète sa marchandise en gros et la revend au détail avec un
profit raisonnable, ses moyens d'existence sont justes, mais dès qu'il
commence à induire, en erreur et à vendre comme bon un article médiocre,
il trompe. Un moyen d'existence juste peut devenir injuste s'il est employé
déloyalement. Nous devons [259] nous comporter avec les autres comme
nous voudrions qu'ils se comportent avec nous. Quand une personne fait le
commerce d'une certaine sorte de marchandises elle a sur ces marchandises
des connaissances spéciales ; le client a confiance en elle parce que lui-
même ne possède pas cette connaissance spéciale. Lorsque vous vous fiez à
un médecin ou à un avoué, vous vous attendez à être traité honnêtement ; le
client s'adresse au commerçant de la même manière et ce dernier doit être
aussi honnête envers son acheteur que l'avocat ou le docteur envers son
client ou son malade.
Quand un homme a confiance en vous, il se fie à votre honneur pour
que vous agissiez au mieux dans son intérêt. Vous avez le droit de faire un
profit raisonnable de vos affaires mais il ne faut pas pour cela oublier votre
devoir.
Le sixième pas est l'activité juste ou juste effort, et il est très important.
Nous ne devons pas nous contenter d'être bon négativement. Ce qui nous est
demandé, ce que l'on désire de nous, ce n'est pas simplement l'absence de
mal mais l'action bonne, positive. Lorsque le Seigneur Bouddha fit cette
magnifique et courte déclaration de sa doctrine en un seul verset, il
commença par ces mots : "Cessez de mal faire", mais à la ligne suivante
nous lisons :" Apprenez à bien faire". Une bonté passive ne suffit pas. Tant
de personnes bien intentionnées n'achèvent jamais rien !
Chacun possède une certaine force, non pas seulement physique, mais
mentale. Quand nous avons devant nous le travail d'une journée, nous
réservons nos forces et avant de la commencer nous n'entreprenons rien qui
puisse nous fatiguer et nous empêcher de bien faire ce travail quotidien. De
même, possédant une certaine dose d'intelligence et de volonté à notre
niveau, nous ne pouvons accomplir qu'une certaine somme de travail, par
conséquent, il faut que nous prenions soin de la façon dont nous dépensons
cette force. Il y a encore d'autres pouvoirs. Chacun jouit d'une certaine
influence sur ses amis [260] et sa parenté. Cette influence est un pouvoir et
nous sommes responsables du bon usage que nous en faisons. Nous sommes
entourés d'enfants, de parents, d'amis, d'employés, de domestiques, et sur
tous nous avons quelque influence, au moins par exemple : il faut donc que
nous surveillons nos paroles et nos actions parce que d'autres nous imiteront.
L'activité juste consiste à régler notre tâche utilement et à ne pas la
gaspiller. Bien des choses sont à faire, mais certaines sont pressantes, plus
urgentes que d'autres. Il faut rechercher où notre activité serait la plus utile.
Il n'est pas bon que tous fassent la même chose et il vaut mieux que la tâche
soit partagée entre tous, pour qu'elle soit parfaitement terminée et non pas
laissée à demi-achevée. En cela nous devons nous servir de notre raison et
de notre sens commun.
La mémoire juste ou le souvenir juste est le septième pas et signifie
plusieurs choses. La mémoire juste dont a parlé le Seigneur Bouddha a
fréquemment été prise, par ses partisans, pour la mémoire des incarnations
passées, que lui-même possédait parfaitement. Une des histoires de la Jataka
raconte que quelqu'un ayant mal parlé de lui, il se retourna vers ses disciple
et leur dit :" J'ai insulté cet homme dans une existence antérieure et en retour
il parle mal de moi maintenant ; je n'ai pas le droit d'en conserver le
souvenir". Sans aucun doute, si nous nous souvenions de tout ce qui nous
est arrivé auparavant, nous pourrions organiser bien mieux que nous ne le
faisons, notre vie actuelle. Néanmoins, la plupart d'entre nous ne possédons
pas la mémoire de nos vies passées, mais nous ne devons pas, à cause de
cela, penser que l'enseignement au sujet de la mémoire juste ne s'applique
pas à nous.
Premièrement elle signifie le souvenir personnel. Il nous faut
constamment nous rappeler qui nous sommes, ce qu'est notre tâche, quel est
notre devoir, et ce que nous devrions faire pour le Maitre. Ensuite, elle
signifie l'exercice d'un choix raisonnable concernant ce dont nous nous
souviendrons. Il nous arrive à tous, dans nos vies, des choses agréables aussi
bien que des choses pénibles. Le [261] sage prendra soin de se souvenir des
choses bonnes mais il laissera s'effacer les mauvaises. Supposons que
quelqu'un vienne à parler malhonnêtement à un autre. Cette autre s'en
souviendra indéfiniment et ne cessera de répéter que telle ou telle personne
s'est montrée désobligeante envers elle et en aura l'esprit empoisonné. Mais
à quoi cela lui servira-t-il ? À rien, évidemment ; ce sera une cause d'ennui
pour lui et il entretiendra de mauvaises pensées. Certainement, ce n'est pas
cela la mémoire juste. Nous devrions pardonner et oublier immédiatement
le mal qui nous est fait, mais nous devrions conserver le souvenir des bontés
que l'on a eues pour nous, parce qu'elles nous ont remplis d'amour et. Et puis
nous avons tous commis des erreurs ; il est bon que nous nous en souvenions
dans le but de ne point les répéter ; mais à d'autres égards, nous y appesantir,
renouveler sans cesse les regrets, le chagrin qu'elles nous causent, cela n'est
pas la mémoire juste.
Le dernier pas est appelé la méditation juste, ou juste concentration.
Ceci se rapporte non seulement à la méditation prescrite à laquelle nous nous
livrons comme faisant partie de notre discipline, mais signifie aussi que le
long de nos vies nous devons nous concentrer sur notre objectif qui est de
bien agir et d'être une aide utile. Dans la vie journalière nous ne pouvons
pas être constamment en méditation à cause de la tâche quotidienne qui nous
incombe à tous dans le cours de nos vies ordinaires ; et cependant je ne suis
pas bien sûr qu'une déclaration de ce genre, faite sans réserve, soit
entièrement vraie. Notre conscience ne peut pas être toujours retirée du plan
physique sur les plans supérieurs, cependant il est possible de vivre une vie
de méditation, en ce sens que les objets supérieurs soient toujours si
fortement présent dans le fond de notre esprit que, ainsi que je l'ai dit en
parlant de la pensée juste, ils puissent instantanément prendre la première
place lorsque nous ne sommes pas occupés d'autre chose. Alors notre vie
sera réellement une vie de perpétuelle méditation sur les objets les plus
élevés et les plus nobles, interrompue de temps à autre [262] par la nécessité
de mettre nos pensées d'accord avec la vie de chaque jour.
De telles habitudes mentales nous influenceront bien que nous ne
puissions-nous en apercevoir. Les semblables s'attirent toujours ; deux
personnes qui adoptent cette ligne seront plus tard attirées l'une vers l'autre
et il est bien possible que, dans la suite, ceux qui ont formé l'habitude des
pensées élevés se trouveront rassemblés en un noyau, se développeront
graduellement, peut-être en une Loge Théosophique ; dans tous les cas, ils
se réuniront, leurs pensées réagiront les unes sur les autres, et de cette façon,
chacun aidera fortement au développement de tous. Encore une fois, partout
où nous allons nous sommes entourés d'une multitude d'être invisibles,
anges, esprits de la nature et hommes qui n'ont plus de corps physiques. Si
nous sommes dans un état élevé de concentration nous attirerons les
meilleurs de ces divers ordres d'êtres, de sorte que partout où nous irons,
nous serons entourés de bonnes et saintes influences.
Voilà l'enseignement du Seigneur Bouddha tel qu'Il l'a donné dans ce
premier Sermon ; c'est sur cet enseignement qu'est fondée l'immense
étendue du Royaume de Justice, dont il a mis en mouvement, pour la
première fois, les roues du Chariot Royal, lors de la fête d'Ashadha. Il y a
tant de siècles.
Quand arrivera, dans l'avenir lointain, le temps de la Venue d'un autre
Bouddha, que le Bodhisattva d'à présent prendra l'incarnation finale dans
laquelle ce grand pas sera fait, il prêchera au monde la Loi divine sous la
forme qui lui semblera la mieux adaptée aux besoins de cette ère-là ; puis il
sera remplacé, dans ses hautes fonctions, par le Maitre Kuthumi, qui s'est
transféré sur le deuxième Rayon afin de prendre la responsabilité de devenir
le Bodhisattva de la sixième race-racine.
CHAPITRE XV
—
LA FORCE DANS LES TRIANGLES