Nihilime Jean-Luc Nancy
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Quand le sens ne fait plus monde
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Jean-Luc Nancy
L'épuisement du sens
Chez Nietzsche, le nihilisme, qu'il qualifie d'« effondrement
des valeurs suprêmes », est lié à la mort de Dieu, qui signifie la réfu
tation du Dieu moral, d'un Dieu comme valeur, garant des valeurs
et de leur possibilité. Je serais même tenté de remplacer valeurs par
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Quand le sens ne fait plus monde
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Quand le sens ne fait plus monde
7. Voir Aldo Schiavone, lus. L'invention du droit en Occident, Paris, Belin, 2009.
8. Voir Jan Assmann, Moïse l'Égyptien, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2003.
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importante que la Loi, car elle n'est pas menacée par la mort de
Dieu. L'Alliance signifie ce qui va devenir, dans le christianisme,
le pardon des péchés. Or le péché est une chose absolument inédite,
complètement solidaire de la subjectivité, elle-même solidaire de la
rupture complète de l'ordre dont on parle. Parce qu'il n'y a plus
d'ordre, j'ai un moi. Augustin était vraiment nécessaire après Jean
et Paul, pour faire le christianisme. Parce qu'il dit que l'homme est
devenu un sujet qui a en lui, par lui-même, un rapport à infiniment
plus et autre que lui.
9. Friedrich Nietzsche, Antéchrist, suivi de Ecce Homo, Paris, Gallimard, coll. « Folio »,
1990.
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Quand le sens ne fait plus monde
10. Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, Paris, Le livre de poche, 2010.
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La tentation de la maîtrise
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Quand le sens ne fait plus monde
Mais elle ouvre également le rien, car c'est là que commence la ques
tion de la théologie négative, qui mènera ensuite au nihilisme.
La théologie négative était déjà apparue avant, mais va effecti
vement prendre de plus en plus d'importance, jusqu'à cette phrase
d'Eckhart, « prions Dieu de nous laisser quittes et libres de Dieu ».
Ce que dit Eckhart, et qui reste valable je pense, c'est que l'on n'est
jamais complètement libre de Dieu que si l'on est parvenu à prier
Dieu pour l'être. Que veut dire « prier Dieu », c'est-à-dire ne parler
à personne mais pourtant parler vraiment ? C'est quelque chose que
la poésie, la littérature en général sait, ou a su...
Si nous sommes peut-être sortis de la question de Dieu, nous
sommes en revanche toujours, et peut-être plus que jamais, dans la
question du savoir. Ou plutôt, aujourd'hui de la recherche, sorte de
« mauvais infini » du savoir. Nous ne cessons d'être inondés de
« découvertes » des sciences cognitives, qui, du moins dans leur
vulgarisation, donnent l'impression de repousser toujours plus loin
la question du sens, d'affirmer une sorte de pensée tautologique :
« C'est comme ça parce que c'est comme ça. »
La science moderne a été rendue possible à partir du moment
où, comme l'a bien dit Kant, la science s'est mise à construire elle
même son objet. C'est ainsi que l'on crée un préalable de conditions
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Elle repose également sur le postulat que le monde est quelque chose
qui est « à faire », qui n'est pas donné. Or toute une série de théma
tiques plus ou moins philosophiques dans le débat intellectuel du
XIXe siècle reviennent à dire : le monde n'est rien, donc je peux en faire
quelque chose. Une forme de nihilisme actif, aurait dit Nietzsche. Que
penser de cette croyance selon laquelle le monde est « à faire » ? N'est
elle pas le préalable d'un certain nihilisme technique ?
Je ne sais pas. Au contraire de la proposition « le monde n'est
rien, il est ce que j'en fais », il me semble que ce que nous apprend
la technique, c'est que l'homme est un pur produit de la nature - un
des acquis de la science moderne contre lequel un certain fanatisme
se déchaîne. Que l'homme se situe dans la descendance du singe
est très important ; cela veut dire que la nature, la physis comme dit
Heidegger, a la capacité de produire un étant qui la déglingue
complètement.
Si nous comprenons cela, nous ne pouvons plus parler de la
nature comme d'une sorte de donné préalable dont nous avons
besoin, car c'est bien autre chose : nous sommes dedans. Ce qui veut
dire que la question du sens est la question de ce que fait cet animal
dans la totalité de ce qui existe. L'homme est cet étant, ce vivant qui
en parlant, c'est-à-dire en maniant le sens, défait et refait constam
ment la totalité du monde. Mais on ne peut pas dire que le monde
n'est que ce qu'il produit. On peut dire que le monde se produit lui
même comme sa propre transformation, en tant que l'homme est
partie du monde.
Cela permet d'aller au-delà du discours qui consiste à dire que
nous avons à faire un monde nouveau. Marx disait que l'histoire de
l'homme deviendra l'histoire naturelle et vice versa. Dans cette
formule cependant, il montre qu'il a le sens des deux, et de leur
interdépendance. On insiste beaucoup sur la production chez Marx,
mais quand il dit cela, il n'oublie pas que la production vient de la
nature.
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Quand le sens ne fait plus monde
Manchot et le « rien »
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Il est intéressant que l'exigence d'en finir avec le rien fasse revenir au
récit. C'est admettre ce qui a été l'un des refus fondamentaux de
Blanchot et du structuralisme, à savoir la transitivité du récit, le fait
que le récit parle du monde. C'est ce que Ricœur a dit, mais qui l'a
placé en porte à faux par rapport à la vision du littéraire comme texte
pur.
16. Uri Eisenzweig, Naissance littéraire du fascisme, Paris, Le Seuil, coll. « La librairie du
XXIe siècle », 2013. Voir le compte rendu d'Alice Béja dans ce numéro, p. 229.
17. Voir Jacques Derrida, De l'esprit. Heidegger et la question, Paris, Galilée, 1987 (rééd.
par Flammarion, coll. « Champs », sous le titre Heidegger et la question. De l'esprit et autres
essais, en 2010).
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Jean-Luc Nancy
L'expérience du toucher
Venons-en à la question du toucher, que vous avez notamment abordée
dans Noli me tangere19. C'est comme cela que Derrida avait qualifié
votre travail : partir d'une expérience, le toucher20, qui renvoie au
monde sur un autre mode que celui du discours, de la rationalité, de
la transcendance au sens heideggerien. C'est comme si le monde, ou
un aspect du monde, nous était préhensible. Est-ce ce type
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21. Voir J.-L. Nancy et Aurélien Barrau, Dans quel monde vivons-nous ?, Paris, Galilée,
2011.
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