Revue Francaise de Psych Analyse No 1
Revue Francaise de Psych Analyse No 1
Revue Francaise de Psych Analyse No 1
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Année 1927
REVUE FRANÇAISE
de
Psychanalyse
Phychanalytique de Paris
Première année
1927
8, Place de l'Odéon
Tome premier N° 1. 1927
EDITORIAL
de Langue Française
(PARTIE MEDICALE)
Schizophrénie et schizonoïa
Par R. LAFORGUE.
Par A. HESNARD
et du phénomène moral
Par Ch. ODIER.
Sommaire
CHAPITRE I. — Considérations générales.
Préambule.
1. Court résumé de la différenciation endopsychique
freudienne
A. Le soi ; B. Le moi.
2. Genèse du surmoi.
3. La fonction du surmoi.
4. La résistance.
5. Résumé clinique.
6. Les tendances perverses.
A. Le gant glace.
I. Le fétichisme
B. Le corset .
A. Le masochisme moral.
II. Le masochisme B. Le masochisme féminin.
C. Le masochisme érogène.
CHAPITRE III.— Argument
analytique.
7. Le dualisme fonctionnel du surmoi.
A. Court exposé du problème.
B. Le principe de l'identification.
8. Le phénomène moral.
9. Les tendances individuelles et les tendances raciales.
10. L'introjection morale.
A. La désexualisation du complexe d'OEdipe.
B. La castration.
C. La persistance de l'auto-punition et du senti-
ment de culpabilité.
MEMOIRES ORIGINAUX. — PARTIE MEDICALE 25
CHAPITRE I.
Considérations générales
PRÉAMBULE
B. — Le moi.
(1) II m'est impossible d'exposer ici en détail des notions nouvelles qui
réclameraient de longs commentaires. Aussi ne puis-je que renvoyer ceux
qu'elles intéressent aux ouvrages suivants : « Das Ich und das Es», (déjà
cité). — « Massenpsychologie und Ichanalyse » (1920) dans un paragraphe
duquel « Eine Stufe und Ich », Freud expose pour la première fois sa con-
ception du surmoi. Son dernier ouvrage enfin « Angst, Hemmung, Syrnp-
tom » (1925).
Toutes ces questions, en outre, sont discutées dans le dernier numéro de
28 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
§ 2. — GENÈSE DU SURMOI.
§ 3. — LA FONCTION DU SURMOI
4. — LA RÉSISTANCE.
CHAPITRE II.
Observation
I. — Le fétichisme.
II. — Le masochisme.
'
(1) Op. .cit.
DE PSYCHANALYSE
REVUE FRANÇAISE 4
50 REVUE FRANÇAISEDE PSYCHANALYSE
CHAPITRE III
Argument analytique
(1) Voir sur cette question, qui englobe aussi celle du masochisme pri-
maire : « Au delà du Principe de Jouissance », Freud.
56 REVUE FRANÇAISEDE PSYCHANALYSE
B. — Le principe de l'identification.
Le persécuteur, on s'en souvient, était en même temps
« objet homosexuel ». Par conséquent le désir d'être persécuté,
battu, est tout proche ici de celui d'être l'objet d'une relation
ou d'une agression sexuelle féminine de sa part : de même
qu'originellement de la part du père (être étouffé, défloré, etc.)
La situation récente de persécution correspond donc à un pro-
cessus de régression, par déplacement, vers la situation ori-
ginelle. C'est en raison de pareils faits que Freud conclut ainsi,
à la fin de son mémoire : « Au fond, conscience (Gewissen) et
morale sont liées à la domination et à la désexualisation du
— LE PHÉNOMÈNE MORAL.
§8.
Ce malade d'autre part refoula sa masculinité : donc beau-
coup plus que le principe de réalité n'exigeait de lui. Cette ex-
. pulsion inconsciente et excessive de ses tendances normales ré-
pond donc à un processus « hypermoral » en vertu duquel
l'introjection masochiste de la mère-objet fut accompagnée
d'une introjection de la mère-prohibitrice, dont l'interdiction
de la sexualité avait émané. En d'autres termes, ce processus
aurait introduit en son âme le germe pervers et le germe moral
à la fois. Il aurait impliqué la perpétuation, le non-renonce-
ment intrapsychique au complexe d'OEdipe négatif en même
temps qu'une vive réaction morale contre lui ainsi que contre le
complexe d'OEdipe positif. L'observation approfondie du ma-
lade démontrait sans cesse en effet que sa mère était restée à
ses yeux l'image et le critère de toute vertu, image à laquelle
toute infraction était instinctivement rapportée en tant que cou-
pable et punissable. Pareille réaction, par contre, fit complète-
ment défaut vis-à-vis de ses autres parents, de son parrain ou
de ses maîtres dont l'opinion lui était assez indifférente, ou
même l'incitait au mal, par contradiction. Il est évident que
la mort précoce du père joua ici un grand rôle. Ce cas rare
semble donc, en définitive, réunir un certain nombre de condi-
tions propre à la révision de la conception dualiste du surmoi.
Je serais tenté pour ma part de proposer une conception un
peu différente. Elle reviendrait à distinguer le phénomène
hédonique du phénomène moral, et consisterait à rapprocher le
premier du ça et le second du moi. Cette distinction qui pour-
rait paraître, au premier abord, toute schématique et sans
grand intérêt, apportera néanmoins quelque éclaircissement
théorique et pratique à cette question si obscure.
60 REVUE FRANÇAISEDE PSYCHANALYSE
—
§ 10. L'INTROJECTION MORALE.
fréquent chez les névrosés des deux sexes. Mais il prend une
forme et une valeur très spéciales chez la femme. Nous ne
nous occuperons ici que du problème du complexe de castration
chez l'homme.
Celle-ci, dans la majorité des cas, semble impliquer une va-
leur morale : sanction, punition de la sexualité génitale, et
par extension, de l'inceste en général. C'est sous cette forme,
jusqu'ici du moins, que nous l'avons présentée chez notre ma-
lade. Or nous sommes en droit maintenant de nous demander
si cette interprétation est en tout point fondée. Avant de ré-
pondre à cette question, je me reporterai au rêve du gilet dans
lequel, on s'en souvient, la fantaisie de castration était intime-
ment liée à une fantaisie de défloration. Alexander, au nom de
sa théorie des rêves couplés (1), verrait dans la première une
punition pour la seconde, tendant à rétablir le bilan de culpa-
bilité et à apaiser le surmoi. Mais cette manière de voir prête
à discussion.
Ce rêve m'est un exemple, parmi un grand nombre d'au-
tres ou de fantaisies produites, au cours de l'analyse, de cette
association intime du complexe de castration avec une fantai-
sie masochiste-féminine typique. Aussi me semble-t-il plus
conforme aux faits de le ramener, lui aussi, à un simple désir
pervers plutôt qu'à une sanction morale. Cette interprétation
cadrerait mieux avec l'allure générale du cas. Nous nous trou-
verions ainsi placés devant une réaction analogue à celle qui se
produisit à l'égard du complexe d'OEdipe, c'est-à-dire à une
stimulation de la tendance dominante par l'expérience vécue.
Mais ici il s'agirait de réprimandes que l'enfant s'attira de la
part de la mère à cause de son habitude d'onanisme. On peut
supposer qu'elle en vint même aux menaces : « Si tu conti-
nues, on te coupera ça ! ». Mais j'emprunte à d'autres cas
cette formule classique ; dans celui-ci, une telle menace de-
meure problématique. Peu importe d'ailleurs, car le point cer-
tain est que dans les deux situations, nous constatons une ré-
gression de la morale au complexe d'OEdipe masochiste, et que
cette régression dépouille le phénomène de son caractère mo-
ral. En effet, dans le rêve du gilet, il n'est question de crainte
Par A. HESNARD.
Par R. LAFORGUE.
REVUE FRANÇAISE
DE PSYCHANALYSE 6
Eléments affectifs en rapport
avec la dentition
par R. ALLENDY
lérable. Sans qu'il nous soit possible ici de donner des détails,
il est apparu clairement, dès le début de l'analyse, que cette
obsession équivalait à une peur intense de la grossesse et lui
servait de substitut conscient. L'origine de la maladie pouvait
être rattachée à l'intervention d'un dentiste qui avait arraché
une dent de lait avec un davier, vers l'époque de la puberté.
D'autre part la malade se rappelait qu'après un accouchement
laborieux, pour un frère plus jeune, sa mère avait dit : « J'ai-
merais mieux qu'on m'arrache toutes les dents que de recom-
mencer ». Tant que l'analyse resta limitée aux préoccupations
sexuelles et aux craintes qui y étaient attachées, la malade
n'éprouva qu'une amélioration partielle. Plus tard l'arrache-
ment des dents se montra sous l'aspect d'un désir de punition,
avec sentiment de culpabilité lié à une fixation paternelle et
l'obsession se mit à disparaître. L'analyse put remonter jus-
qu'aux étapes du sevrage. A ce moment, un symptôme acces-
soire d'anorexie persistante, plus ou moins négligé jusque-là,
se mit à disparaître à son tour. La malade comprit pourquoi
elle aimait tant rester au lit des journées entières et se faire
apporter par sa vieille bonne une nourriture généralement li-
quide ; elle réalisa le désir archaïque de renoncer aux dents
pour éviter le sevrage et à partir de ce moment l'amélioration
fut totale. Actuellement, l'analyse n'est pas encore terminée
mais il y a plus d'un mois que la patiente se trouve dans un
état absolument parfait et nous avons tout lieu de penser que
celui-ci se maintiendra.
En résumé, il nous semble que les phénomènes de la denti-
tion présentent des rapports importants avec l'évolution des
instincts, spécialement en ce qui concerne la transformation de
la libido digestive, captative, introvertie, en libido sexuelle,
oblative, extravertie, et l'origine du sadisme. Il y a donc lieu
d'attacher une importance considérable à l'image de la chute
des dents dans le symbolisine des rêves, du langage, des lé-
gendes, des associations d'idées. Il s'agit là d'une fuite devant
les responsabilités ou des efforts à venir, d'un certain maso-
chisme eu rapport chez l'homme avec l'idée de punition, de
castration, chez la femme avec les idées connexes d'accouche-
ment et de viol-. Ceci nous paraît si important qu'on pourrait
décrire un véritable complexe dentaire.
La Signification psychanalytique des
" "
sentiments dits de dépersonnalisation
Par A. HESNARD.
(1) C'est le cas des malades décrits en 1874 par KRISHABERsous le nom de
« Névropathie cérébro-cardiaque ». Il s'agissait d'un syndrome psychasthé-
nique apparenté au syndrome anxieux avec prédominance des sentiments
de dépersonnalisation et des signes somatiques d'ordre cardio-vasculaire
(troubles du rythme cardiaque, bouffées de chaleur, battements carotidiens et
céphaliques, état vertigineux, impressions anguleuses, etc.).
(2) Les schizophrènes accusent des impressions obsédantes de Dépersonr
nalisation mais sans en ressentir l'anxiété sincère des simples névropathes.
Ces impressions sont toutefois contemporaines, chez eux, de cette Retenue
affective qui traduit cliniquement et consciemment leur Refoulement sexuel,
toujours radical. « J'ai suprimé l'affectivité, disait un autre malade de
Minkowski (de Paris), comme je l'ai fait pour toute la réalité... Je ne sens .
plus les choses... Je supplée à ce manque de sensations par la.raison ». Ces
obsessions de dépersonnalisation sont plutôt des idées fixes acceptées par
le sujet que des idées vraiment obsédantes. (Minkowski. Le notion de perte
de contact vital avec la réalité, Paris, Jouve, 1926).
« J'ai du nirvanisme, dit un schizophène, nous parlons ensemble, mais
cela me semble irréel. Ma pensée est illusoire, elle me reste étrangère, elle
est froide... » (DIDE et GUIRAUD.Psychiatrie du praticien, p. 181).
MÉMOIRES ORIGINAUX. — PARTIE MÉDICALE 89
Observation
Un jeune homme de 18 ans vient nous consulter, envoyé par sa
famille qu'inquiète l'interruption totale de ses études secondaires
depuis quelques mois. Fils de fonctionnaire, il vit chez ses parents
dans une petite ville et n'a pas encore terminé ses classes au lycée.
(Il a l'intention de faire ultérieurement ses études de médecine (1).)
Il a un frère aîné, plus vieux que lui de trois ans, étudiant dans une
ville universitaire.
Grand, bien développé, aux traits agréables, le regard un peu
timide, il se présente avec une réserve correcte mais nous expose
sans embarras ses S3^mptômes : il souffre d'une insomnie absolu
ment rebelle à toute thérapeutique générale, diététique ou médica-
menteuse (a essayé, notamment, tous les hypnotiques à la mode), et
consistant dans une incapacité de s'endormir — sinon d'un sommeil
léger et éphémère — avec rumination mentale, fatigante, de même
contenu psychique que ses rêveries obsédantee diurnes. De plus il vit
dans un état atténué mais permanent de malaise, d'anxiété, qui s'exa-
gère' le matin et dans certaines circonstances déterminées (en classe,
dans la rue, dans les foules). Enfin il a l'esprit perpétuellement hanté
par certaines idées baroques, pénibles, qu'il ne parvient jamais à
chasser complètement: obsession d'ordre principalement philoso-
phique et métaphysique, dont la plus stable consiste dans une série
interminable de questions concernant l'origine du monde, de la vie,
l'apparition du premier homme sur la terre... Mais par dessus tout,
et en même temps qu'il est ainsi obsédé, il souffre d'un sentiment
pénible d'étrangeté du monde extérieur, des personnes et des choses
qui l'entourent, et, simultanément, d'un sentiment de dépersonna-
lisation : il entend sa propre voix comme celle d'un autre, s'écoute
parler, se regarde penser sans avoir l'impression que c'est lui qui
parle et qui pense; il se sent loin ou hors de lui-même, autre, etc..
Ces pénibles impressions surviennent principalement lorsque,
desoeuvré et rêveur, il erre dans les rues, et surtout partout où
il y a du monde (places, promenades, endroits fréquentés), ou encore
lorsqu'il rencontre quelqu'un dont l'abord soudain le force à sortir
de ses réflexions, ou lorsqu'il est surpris par quelque événement
inattendu. Elles l'effraient beaucoup et lui donnent la crainte de
devenir aliéné.
L'analyse dont nous résumons ici les grandes lignes commença
par l'évocation des associations d'idées spontanées concernant ses
idées obsédantes courantes : « Quel était le premier homme ? Un
être humain ou un animal... peu importe, c'était le premier être
vivant... Quelle curieuse chose que la vie ; qu'est-ce au fond, en quoi
(1) Ce jeune malade n'avait aucune idée des conceptions freudiennes avant
sa cure. Inutile de dire que nous nous sommes gardés de toute suggestion
dans l'orientation de ses associations, qui revenaient toujours sur le sujet de
son Auto-érotisme (souvent sans qu'il s'aperçût lui-même de cette orienta-
tion).
92 REVUE FRANÇAISEDE PSYCHANALYSE
(1) Nous avons aussi décelé ultérieurement chez lui une certaine jalousie
à l'égard du frère concernant la mère ; mais celle-ci manifestait une telle
préférence pour le malade que cette jalousie né paraît par avoir joué un
rôle important dans la névrose.
(2) Notons ici un fait signalé par plusieurs de nos malades de ce genre :
Très portés aux « rêveries du promeneur solitaire » et à l'admiration de la
nature (certains vont même jusqu'à pratiquer le plaisir solitaire en jouissant
des charmes du paysage), ils sentent cette agréable émotion se dissoudre en
eux au fur et à mesure de l'apparition, dans leur conscience de poète, de
l'inquiétude sexuelle (par exemple quand ils cessent brusquement leurs
pratiques).
MEMOIRES ORIGINAUX. — PARTIE MEDICALE 95
ques timides mais réelles passions pour des jeunes filles ; celle du
rêve lui en rappelle précisément la plus forte ; pour la première fois
de sa vie il associe le souvenir de cette chaste jeune fille avec un
désir physique précis, mais en l'attribuant à un rival (qui est pré-
cisément celui qui représente à ses yeux le plus manifestement la
virilité sans délicatesse, celle de son frère... qui a été aussi jadis
quelque peu un concurrent affectif à l'égard de la mère). Sa jalousie
indique toutefois qu'il tend à revenir lui-même à cette forme nor-
male de sexualité, mais qu'il ne l'ose pas franchement, ayant peur
d'être inférieur aux autres dans ce délicat domaine du coeur. Après
qu'il eut été frappé des rapports qu'il découvrait peu à peu entre ses
obsessions et les insuffisances de sa vie sexuelle, il eut le rêve sui-
vant, très remarquable et fort utile à l'analyse : « Je suis préoccupé
de savoir si je suis moi-même ou un autre. J'aperçois un miroir à
main dans lequel je ne puis voir qu'une partie de mon visage et m'y
contemple avidement. Je suis frappé de voir que le visage que j'y
aperçois m'est totalement inconnu et je me demande avec angoisse
quel est cet étranger qui est à la place de moi-même ? » (1)
Les associations amènent immédiatement des souvenirs relatifs
aux pratiques sensuelles solitaires dont nous avons parlé plus haut,
au cours desquelles il souhaitait parfois — ce souhait était d'ailleurs
réprimé par sa pudeur et maintenu à l'état de pur rêve irréalisable —
de voir à la place de son image virtuelle un être réel et vivant (2)...
Il nous confie avec une assez grande honte qu'il a parfois évoqué
dans ses rêves sensuels d'autres images masculines (camarades plus
jeunes que lui), mais il n'a jamais eu l'idée de se livrer à une expé-
rience homo-sexuelle quelconque ; c'est toutefois en devinant chez
des couples de camarades (l'un plus âgé que l'autre) l'existence de
complaisances sensuelles réciproques réelles qu'il a jadis au collège
découvert sur lui-même l'acte solitaire. Mais c'est seulement, croit-il,
après s'être désiré lui-même dans le miroir et à cause de cela seu-
lement, qu'il a eu ces imaginations contre-nature (3) ; il ne croit pas
que ce rêve matérialise un désir de ce genre, plus ou moins refoulé
(quoiqu'à notre avis, l'insistance du rêve à ne faire apparaître qu'un
(1) Exemple : « Un oeil est fixé sur moi, qui m'attire partout comme un
aimant. Vous êtes là, docteur, et, avec un instrument médical (que j'ai
réellement vu dans votre cabinet de consultation) vous me donnez un léger
coup sur la tête : Je tressaille aussitôt comme si je sortais d'un rêve et
j'aperçois la réalité qui m'entoure, si clairement et si joyeusement que je me
sens guéri, » D'après les associations, l'oeil représentait symboliquement sa;
névrose obsessionnelle.
MEMOIRES ORIGINAUX. — PARTIE MEDICALE 99
(1) Nous ne parlerons pas des autres théories, fort nombreuses, que nous
avons résumées dans notre ouvrage cité plus haut. Certains auteurs confon-
dent ces impressions relatives au sentiment de personnalité avec les trou-
bles objectifs et inconscients de la personnalité chez les hystériques (avec
lesquels elles n'ont cependant, rien de commun). Erreur qui paraît avoir été
commise par Jones, rapprochant des sentiments d'étrangeté décrits par Lö-
wenfeld (Ueber traumartige und verwandte Zustände. Centralb. f. Nerv. u.
Psych. 1909) les états crépusculaires hystériques étudiés par Abraham (jahr.
f. Psychan. II, 1). Voy. Jones, Traité théorique et pratique de Psychanalyse,
trad. franc, p. 359.
MEMOIRES ORIGINAUX. — PARTIE MEDICALE 101
(1) Pour nous l'instinct de puissance, dénoncé par Adler (après Nietzche)
au sein même des processus effectivement sexuels, fait très souvent partie
intégrante de la sexualité : c'est par erreur qu'on l'oppose souvent aux
instincts du Moi, dont certains sont certainement d'ordre sexuel. Au. sujet
de cette discussion, voir notre prochain ouvrage : l'Homme et le Sexe (en
préparation).
(2) L'Imagination est une fonction mentale essentiellement autistique,
auto-sexuelle ; mais son caractère auto-érotique est dissimulé par son rôle
d'objectivation mentale : L'individu croit jouir d'une réalité évoquée alors
qu'il ne jouit que de lui-même.
104 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
MESDAMES, MESSIEURS,
Le Moïse de Michel-Ange
(1) Il est à remarquer que l'ordonnance soignée du manteau sur les jam-
bes de la statue assise rend insoutenable cette première partie de la descrip-
tion de Justi. On devrait plutôt admettre que. Moïse, assis dans le calme et
sans s'attendre à rien, est effarouché par une vision subite.
MEMOIRES ORIGINAUX. — PARTIE NON MEDICALE 129
II
ceci seul est exact : un doigt unique, l'index, appuie sur une
partie de la barbe et y creuse une profonde rigole. Voilà certes
un geste bizarre et difficile à comprendre que de presser sa
barbe d'un seul doigt !
La barbe très admirée du Moïse descend des joues, de la
lèvre supérieure, du menton en un certain nombre de mèches
qu'on peut encore distinguer sur leur parcours. L'une des mè-
ches les plus écartées sur la droite, celle qui part de la joue, se
dirige vers le bord supérieur de l'index, qui la retient. Nous
admettons qu'elle continue à glisser plus bas entre ce doigt et
le pouce, caché. La mèche opposée, du côté gauche, descend
sans déviation jusqu'au bas de la poitrine. La grosse masse
de poils, intérieure à cette dernière mèche, de là jusqu'à la
ligne médiane, a subi la plus surprenante des fortunes. Elle
ne peut suivre le mouvement de la tête vers la gauche, mais est
contrainte de former une courbe mollement déroulée, une sorte
de guirlande venant croiser la masse pileuse interne de droite.
Elle se trouve en effet retenue par la pression de l'index droit
quoique émanant de gauche et constituant, en réalité, la part
principale de la moitié gauche de la barbe. La barbe semble
donc, dans sa masse principale, rejetée vers la droite bien que
la tête soit fortement tournée à gauche. A la place où l'index
droit s'enfonce s'est formé une sorte de tourbillon ; là, des
mèches de gauche s'entrecroisent à des mèches de droite, com-
primées les unes et les autres par le doigt autoritaire. Par delà
seulement les masses pileuses s'épandent, libres, après avoir
été déviées de leur direction primitive et retombent verticales
jusqu'à la main gauche qui, reposant ouverte sur les genoux,
en reçoit les extrémités.
Je ne me fais pas d'illusion sur la transparence de ma des-
cription et ne me risque pas à juger si l'artiste nous a facilité
ou non l'explication de ce noeud dans la barbe. Mais ce fait est
au-dessus de toute contestation : la pression de l'index de la
main droite rétient surtout des mèches de la moitié gauche de
la barbe, et, par cette énergique intervention, la barbe se trouve
empêchée de participer au mouvement de la tête et du regard
vers la gauche. On peut alors se demander ce que cette dispo-
sition signifie et à..quels motifs elle doit d'être. Si réellement
des considérations de ligne ou de remplissage ont amené l'ar-
MEMOIRES ORIGINAUX. — PARTIE NON MEDICALE 135
Fig. L. Fig. A.
Fig. B. Fig. C.
III
tion du peuple par Dieu, dont on ne dit rien, tandis que les
versets de 20 à 30 décrivent le châtiment exercé par Moïse
lui-même. On sait que les parties historiques de ce livre, qui
raconte l'Exode, présentent des contradictions encore plus
incongrues et frappantes.
Pour les hommes de la Renaissance — cela est évident — il
n'y avait pas de critique du texte biblique, ils le considéraient
comme cohérent et trouvaient sans doute qu'il n'offrait pas un
point de départ favorable à l'art descriptif. Le Moïse de la
Bible a été averti que le peuple s'est adonné à l'adoration des
faux dieux, il s'est porté vers la clémence et le pardon, et
tombe néanmoins dans un subit accès de fureur lorsqu'il aper-
çoit le Veau d'or et la foule dansant autour. Quoi d'étonnant
à ce que l'artiste, voulant décrire la réaction de cette doulou-
reuse surprise sur son héros, se soit rendu, pour des motifs
psychiques internes, indépendant du texte biblique? De tels
écarts du texte de l'Ecriture n'étaient nullement inhabituels,
même pour de moindres raisons, ni interdits à l'artiste. Un
tableau célèbre du Parmesan (1), qui se trouve dans sa ville na-
tale, nous montre Moïse assis en haut d'une montagne et pré-
cipitant les Tables à terre, quoique le verset de la Bible dise
expressément: il les brisa au pied de la montagne. Déjà la
représentation d'un Moïse assis ne peut s'appuyer sur lé texte
biblique et elle semble donner raison à ceux qui admettent que
la statue de Michel-Ange ne se propose pas de fixer un moment
précis de la vie du héros. La transformation que Michel-Ange,
d'après notre interprétation, fait subir au caractère de Moïse,
est plus importante que l'infidélité au texte biblique. Moïse, en
tant qu'homme, était, d'après les témoignages de la tradition,
irascible et sujet à des emportements passionnés C'est dans un
de ces accès de sainte colère qu'il avait tué l'Egyptien qui mal-
traitait un Israélite, ce qui le contraignit à quitter le pays et
à s'enfuir dans le désert. Dans un pareil éclat de passion il
avait fracassé les Tables écrites par Dieu lui-même. Quand la
tradition témoigne de pareils traits de caractère, sans doute est-
elle sans parti-pris et a-t-elle gardé l'empreinte d'une grande
Appendice
Je crois que la trouvaille dont il est ici fait part accroît la vraisem-
blance de l'interprétation que j'essayai dans mon travail de 1914.
Peut-être sera-t-il possible à un connaisseur d'art de combler l'abîme
creusé par les siècles entre le Moïse de Nicolas de Verdun et celui
du Maître de la Renaissance italienne, en montrant qu'il existe des
types intermédiaires de Moïse.
Le Cas de Madame Lefebvre
I. — LES FAITS.
(I) Mme Lefebvre disait au procès avoir demandé l'arrêt de l'auto après
le coup de revolver.
158 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
II. — LA RÉPERCUSSION.
III — LE THÈME.
IV. — LE MODE.
On a dit que Mme Lefebvre avait tué par avarice, parce qu'elle
trouvait sa bru trop dépensière. Elle se défend violemment
contre cette accusation, et elle n'a pas tort.
Mme Lefebvre était certes d'une avarice notoire. Cependant
son avarice n'était pas dans sa vie une constante, ainsi que
les experts l'ont souligné. Mme Lefebvre était, comme d'ailleurs
en général les avares, avare dans beaucoup de cas, mais par-
fois large dans d'autres.
Quand il était question de sa santé ou de celle des siens, de
son mari ou de ses fils, elle dépensait,;n'hésitait pas à aller
consulter les plus grands médecins, à suivre des cures dispen-
dieuses. Mais dans tout ce qui regardait sa bru, Mme Lefebvre,
pourtant riche de plusieurs millions, manifestait une avarice
extrême, sordide, au point de donner l'impression à certains
d'être pathologique.
Elle commença par faire dans une église une scène à sa fu-
ture bru, à propos de l'auto que celle-ci prenait trop souvent
avec son fiancé, ce qui occasionnait trop de dépenses. Elle rac-:
courcit le voyage de noces sous prétexte que plus long il coû-
terait trop cher, ferait faire des pertes d'argent à son fils à
propos de sa maison, de son étude ; elle aurait reproché aux
jeunes époux d'avoir pris pour ce voyage de noces des premiè-
res classes. Elle persécutait sa belle-fille, pourtant peu dépen-
sière elle-même (60.000 francs d'économies sur près de 100.000
francs de revenu la première année du mariage, voir dossier),
168 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Mme Lefebvre aima ses deux fils avec une ardeur renfermée
et absolue. Cet amour permis par l'Eglise devait emplir son
coeur étroit. Quand son second fils, Charles, à six ans, tomba
malade, jour et nuit elle le soignait. Elle n'a pas assez de mots
de louange pour son fils André, si doux, si bon, qu'il suppor-
tait même sa femme, dit-elle en souriant de ce sourire qui fit
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toire des jeunes filles à qui le membre viril peut pousser si elles
sautent un trop large fossé.) Mais quand la fille enfin doit se
résigner, devant l'évidence de la réalité, à être la créature
châtrée, une compensation lui est donnée. La petite fille pres-
sent, du tréfonds de son être, qu'en elle un jour « poussera
autre chose ». Et ainsi le désir de l'enfant, chez la femme du
moins ayant subi la juste évolution féminine, vient remplacer
le désir du pénis.
Mme Lefebvre semble avoir subi cette évolution. L'enfant
semble avoir comblé son être, par ailleurs non parvenu au plein
stade génital. Nous n'entrerons pas ici dans les considérations
ayant trait aux parts relatives, dans la génitalité finale de la
femme, des erotiques uréthrale et anale (clitoris et vagin). Nous
dirons simplement que la femme n'a pas droit, comme l'hom-
me, dans l'acquisition de sa pleine génitalité, à l'abandon pres-
que total de son erotique anale, le vagin n'étant, suivant l'ex-
pression que Mme Lou Andréas-Salomé, qu'une annexe « louée
à l'anus ».
Mme Lefebvre, malgré son arrêt sur la voie de la pleine géni-
talité, put être une mère passionnée, sur le mode anal. Elle
aima ses enfants en bourgeoise rangée, avare et ménagère,
sans un regard vers le dehors. Elle aima ses fils avec l'ardeur
initiale inconsciente dérivant des premiers complexes de la vie
infantile. Ses fils étaient, suivant les lois profondes de l'in-
conscient, pour elle l'équivalent dû pénis regretté.
Et elle réagit contre la perte, la prise d'un de ces fils, de
par une autre, avec la sauvagerie primitive inhérente au stade
où sévissent chez l'enfant les primitifs complexes. Sans doute,
dans l'enfance, la répression de la première période de sexua-
lité infantile et la menace, réalisée chez la petite fille, de cas-
tration, pour ce péché, émanèrent-elles, chez Marie Lemaire,
d'une femme, de sa mère sans doute. La femme est souvent,
pour l'enfant, la castratrice, celle qui réfrène la sexualité par
la menace de castration. Chez la petite fille, la castration pour
l'inconscient étant réalisée, elle attribue aisément celle-ci à la
mère qui fait les enfants. L'inconscient de Marie Lemaire dut
de bonne heure, de ce fait, considérer la mère comme la « vo-
leuse ». C'est d'ailleurs de « vols » que Mme Lefebvre devait
plus tard prendre prétexte pour acheter son revolver.
MEMOIRES ORIGINAUX. — PARTIE NON MEDICALE 175
V. — LA PSYCHOSE.
l'est pas ! Car cela veut dire : " Je suis là ». Et c'est là le crime.
La jeune femme étrangère vint et vola le fils. Nous étudierons
plus loin la surdétermination de ce vol. Etudions d'abord
l'absence étrange, en la dévote bourgeoise, de remords, de
conscience morale.
C'est ce trait qui révolta peut-être le plus le peuple et le
jury : ils y virent une abominable maîtrise de soi. Et c'est
ce même trait qui est — nous le verrons —
pourtant plus loin
l'une des signatures du pathologique.
Voici un an et demi que Mme Lefebvre est en prison et elle
continue à s'y bien porter. La « guérison par le crime» semble
se consolider. La seule beauté de cette petite femme au visage
ordinaire et fripé, au menton hérissé de poils, aux dents irré-
gulières, aux yeux bleu gris ternes, ce sont ses abondants che-
veux, blonds encore malgré l'âge. Or, depuis son incarcéra-
tion, sous une influence mystérieuse, ces cheveux, au lieu de
blanchir, ont foncé, bien qu'on ne puisse soupçonner la bour-
geoise austère qu'était Mme Lefebvre de les avoir autrefois
décolorés, ni la direction de la prison d'introduire un coiffeur
pour les teindre. Et Mme Lefebvre ne se plaint plus que de très
petites douleurs hépatiques, ne réclame plus de médicaments,
de purges continuelles, comme autrefois. Le halo psychique
de l'hypocondrie s'est éteint, il ne reste plus que le noyau
physique. Et cela au point qu'une tumeur du sein, qui se dé-
clara voici un an, laisse Mme Lefebvre absolument indifférente.
Cette femme qui, durant douze ans, courut tous les médecins
pour des « nerfs tordus, des organes descendus », pour de ces
maux qu'on dit « imaginaires », ne se préoccupe pas d'un can-
cer au sein (Diagnostic des experts du tribunal : squirre).
« Je crus, me dit-elle, d'abord que c'était le frottement de la
paillasse qui avait occasionné cela ». « Cela est bien moins dé-
sagréable, me répondit-elle, que mes maux passés. » Et quand
ses avocats lui disent qu'elle devra montrer cela « à son arri-
vée à Haguenau, au médecin de la maison centrale», elle sem-
ble à peine les écouter.
C'est que Mme Lefebvre maintenant est heureuse, heureuse
d'un calme que rien ne peut troubler et qu'elle ne connut pas
de longtemps « Je n'ai plus d'ennuis » répète-t-elle comme
une chose évidente pour tout le monde. Elle semble vraiment
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jour et nuit par les ennuis que lui causait sa bru. Son fils
Charles lui dit un jour : Maman, tu en deviendras folle !) : ils
veulent « accomplir leur tâche jusqu'au bout ». Si au début
leurs discours et leurs démarches semblent ne tenir que de la
passion, à mesure qu'ils s'exaltent, le désir de faire triompher,
leur cause n'a plus de frein et les subjugue complètement, le
caractère morbide devient évident (Mme Lefebvre insistant pour
obtenir de sa bru le respect dû aux parents).
« Il s'agit là, non pas d'un simple état passionnel, non pas
d'une revendication légitime de droits injustement lésés, mais
bien d'une « haine maladive » (Morel), d'une obsession de joui-
en jour plus tyrannique et pour la satisfaction de laquelle le
revendicateur, négligeant sa profession, sans souci, de l'avenir
et de ses véritables intérêts, tout entier à sa soif de vengeance,
n'hésite pas à sacrifier sa fortune, sa famille, sa liberté et sa
vie même. (Mme Lefebvre risquant l'échafaud ou la réclusion
perpétuelle.)
" Toute résistance extérieure détermine une lutte, parfois
angoissante, comparable à celle que provoque la résistance
intérieure dans les crises d'obsession-impulsion. Une malade,
à la suite d'un jugement prétendu injuste, resta obsédée et
angoissée durant trois mois, puis finit « pour se soulager du
poids épouvantable qui étouffait sa poitrine » par se livrer à
des voies de fait sur le juge. Et les auteurs rappellent Louvel,
l'assassin du duc de Berry « roulant dans une tête étroite une
pensée mal comprise et souffrant jusqu'à ce que sa main fatale
l'ait déchargé par un crime du poids et du maigre de son idée
(Lamartine) ».
— poursuivent
" Non moins caractéristique Sérieux et Cap-
gras — que l'irrésistibilité de l'idée obsédante est le sentiment
de soulagement qui suit sa satisfaction. Le persécuteur homi-
cide, en voyant sa victime à terre, goûte un sentiment de triom-
phe et retrouve le calme de l'esprit au moins pour un certain
temps (R.-Leroy). » Sérieux et Capgras traitent ensuite de la
« force maniaque » qui pousse les revendicateurs, « mania-
ques raisonnants », à agir malgré eux. Or, Mme Lefebvre,
d'après les certificats médicaux fournis au procès, semble avoir
montré des phénomènes de cyclothymie. (Certificat du Doc-
teur Jean Faidherbe, du 9 octobre 1925.)
MÉMOIRES ORIGINAUX. PARTIE NONMÉDICALE 183
Tout ce que l'on peut voir à ce sujet chez Mme Lefebvre est
ceci: la régression aux stades prégénitaux, datant de la méno-
pause, la revendication développée plus tard sur ce fond, et se
rattachant au complexe de castration, n'avaient pas suffi à
faire de Mme Lefebvre une criminelle. Mais à tout ceci s'ajoute
soudain, avec la grossesse de sa belle-fille, une reviviscence,
d'une intensité inusitée, de l'antique complexe d'OEdipe vécu
dans l'enfance, en présence de la mère enceinte du père. Et
c'est de ce puissant — nous est.
l'appoint dynamisme qu'il
malheureusement impossible de doser — qui permit aux ins-
tincts primitifs meurtriers de triompher, chez la vieille bour-
geoise, de toutes les inhibitions les ayant jusqu'alors entravés.
2. La topique. « J'avais, me dit Mme Lefebvre, l'impression,
en tuant, de faire mon devoir. » C'est dire que, chez cette
femme par ailleurs dévote et scrupuleuse (« Je ne sais com-
ment j'ai pu en arriver là, écrit Mme Lefebvre le 29 décembre
1925 à son mari et à son fils Charles, moi qui me reprochais
amèrement lorsqu'il m'arrivait sans y penser de dire un peu
de mal du prochain — très peu de chose ») le surmoi vint
se confondre ici avec le ça. L'impératif catégorique, dicté par
le surmoi, se trouva alors en réalité dicté par le ça. La topo-
graphie de l'âme étant ainsi modifiée, il n'y eut plus conflit, il
y eut crime, l'inconscient, le conscient et la conscience étant
alors d'accord.
Je n'agiterai pas ici la question de savoir quelles modifica-
tions une régression dans le ça entraîne dans le surmoi. Je
me contenterai d'un parallèle entre le crime de Mme Lefebvre
et les jeux de la petite Marie Lemaire.
Le petit frère Charles, qui jouait avec celle-ci à l'enterre-
ment des poussins crevés, avait, me dit-elle, pris l'initiative
de ce jeu. Ce petit frère, héritier, dans ce complexe d'OEdipe
minuscule sur l'échelle fraternelle, du grand complexe
d'OEdipe sur l'échelle paternelle, était donc le complice, l'ins-
tigateur, des actes symboliques funèbres. Il permettait, il
ordonnait les funérailles symboliques de la petite soeur repré-
sentée par le poussin.
De même, plus tard, Dieu, père projeté dans l'immensité,
père agrandi comme le frère était père amenuisé, permet à
— davantage — lui ordonner son crime.
Mme Lefebvre, paraît
MEMOIRES ORIGINAUX. — PARTIE NON MEDICALE 191
VI. — LA ET LE DÉTERMINISME.
JUSTICE
Editorial 1
COMPTES RENDUS
Première conférence des psychanatystes de langue française. . 2
Société psychanalytique de Paris. Séance du 4 novembre 1926. 3
Séance du 10 janvier 1927. 3
Séance du 21 décembre 1926. 4
Séance du 20 décembre 1926. 4
Séance du 30 novembre 1926. 5
MÉMOIRES ORIGINAUX
(Partie médicale)
R. LAFORGUE. — Schizophrénie et schizonoïa 6
A. HESNARD. — Observations sur la notion de schizonoïa. 18
E. PlCHON. — Sur la prétendue différence entre l'orga-
nique et le psychogène 20
MINKOWSKI (de Zurich). — Sur le rattachement des
lésions et des processus psychiques de la schizo-
phrénie à des notions plus générales 21
CH. ODIER. — Contribution à l'étude du surmoi et du phéno-
mène moral 24
A. HESNARD. — Critique des notions de surça et de
pseudo-morale 73
R. LAFORGUE. — A propos du surmoi 76
R. ALLENDY. — Eléments affectifs en rapport avec la dentition. 82
A. HESNARD. — La signification psychanalytique des senti-
ments dits « de dépersonnalisation » 87
F. DEUTSCH (trad. Mlle A. BERMAN). — De l'influence du psy-
chisme sur la vie organique 105
MÉMOIRES ORIGINAUX
(Partie non médicale)
S. FREUD (trad. Mme E. MARTY). — Le Moïse de Michel Ange. 120
Marie BONAPARTE. — Le cas de Mme Lefebvre 149
BIBLIOGRAPHIE
R. CRUCHET : Les erreurs et les dangers du freudisme, p. 199. —
L'Evolution Psychiatrique, p. 200. — H. FLOURNOY : Quelques
rêves au sujet de la signification symbolique de l'eau et du feu,
p. 202. — K. FAHRENKAMP : Les échanges psycho-physiques dans
les maladies hypertensives, p. 204. — Alfred ADLER : La con-
naissance de l'homme, p. 205. — FEDERN-MENG : Le livre psycha-
nalytique populaire, p. 205.