Manifestations Neurologiques Centrales Du SAPL
Manifestations Neurologiques Centrales Du SAPL
Manifestations Neurologiques Centrales Du SAPL
Faites le point
Manifestations neurologiques
centrales du syndrome des
anticorps antiphospholipides
Central neurological manifestations of antiphospholipid
syndrome
SUMMARY
The brain is one of the main organs damaged in antiphospholipid syndrome, making it a frequent
concern for neurologists. Stroke and transient ischemic attack are the well-documented neu-
rological manifestations associated with antiphospholipid syndrome, which makes antiphospho-
lipid syndrome a common cause of stroke or transient ischemic attack in young people. It is thus
crucial to diagnose antiphospholipid syndrome in these patients who are exposed to both acute
and prolonged risk of relapse, which is maximal during the first year following thrombosis. The
risk of thrombotic relapse is variable and closely related to the antiphospholipid antibodies profile.
Various non-stroke neurologic and psychiatric manifestations have been described in anti- Auteur correspondant :
phospholipid syndrome patients, such as migraine, seizure, cognitive dysfunction, psychiatric E. Hachulla,
disorders, chorea, transverse myelitis and multiple sclerosis-like syndrome. The objective of this service de médecine interne,
Centre national de référence des
article is to summarize updated data available on neurological manifestations of antiphospholipid maladies systémiques rares,
syndrome and to help neurologists manage those patients in their daily practice. hôpital Claude-Huriez, CHRU de
© 2015 Published by Elsevier Masson SAS. Lille 2, rue Polonovski, 59037
Lille, France.
Adresse e-mail :
[email protected]
http://dx.doi.org/10.1016/j.praneu.2015.10.010
© 2015 Publié par Elsevier Masson SAS.
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Faites le point C.M. Yelnik et al.
état des lieux des connaissances actuelles sur les liens entre
INTRODUCTION SAPL et neurologie, avec une description des principales
Le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) est une manifestations neurologiques rencontrées. Sous-tendues
maladie vasculaire d'origine auto-immune, qui constitue une par des hypothèses physiopathologiques différentes, celles-
étiologie classique d'infarctus cérébral du sujet jeune. C'est ci sont séparées en 2 catégories : manifestations thromboti-
une maladie qui peut toucher tous les territoires vasculaires de ques et manifestations non thrombotiques du SAPL. Dans la
tous calibres, qu'ils soient veineux ou artériels. La prévalence seconde partie, les modalités pratiques de prise en charge de
du SAPL est mal connue, estimée à 0,2 % dans une étude de ces patients sont décrites, en conformité avec les dernières
population générale, basée sur un plan national d'assurance recommandations internationales, afin de guider le neurologue
maladie américaine incluant 2 518 034 travailleurs [1]. Dès dans sa pratique clinique quotidienne.
les années 1960, les liens entre thrombose et présence
d'un anticoagulant circulant de type lupique (ACC), puis avec
la positivité des anticorps anticardiolipines (aCL), ont été
décrits au cours du lupus systémique (LS). Le SAPL a fina-
MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES
lement été individualisé et défini pour la première fois THROMBOTIQUES
par Harris et al. dans les années 1980. Cependant, il a été
constaté que la présence d'anticorps antiphospholipides
Physiopathologie : thromboses et SAPL
(aPL), en particulier à faible titre, n'était pas systématiquement La physiopathologie du SAPL est complexe et n'est encore
associée à une augmentation du risque thrombotique, avec que partiellement élucidée. Les aPL détectés au cours du
une prévalence non négligeable des aPL dans la population SAPL ne reconnaissent pas directement les phospholipides
générale. Celle-ci augmente avec l'âge et est estimée entre membranaires, mais certaines protéines associées à ces
1 % et 5 %. Afin de ne pas poser de diagnostic de SAPL en phospholipides, comme la protéine b2GP1, qui est leur cible
excès, des critères de classifications internationaux ont été antigénique principale. Les aPL jouent un rôle pathogène
mis au point, révisés en 1998, puis lors du congrès de Sydney direct, participant à l'instauration d'un état procoagulant. Les
en 2004 [2]. Les critères actuels associent : la présence d'une aPL sont un groupe d'anticorps hétérogènes et, parmi eux, les
manifestation clinique, parmi une thrombose artérielle ou une anticorps anti-b2GPI sont les aPL les plus liés aux complica-
thrombose veineuse profonde (TVP) ou une complication tions thrombotiques. Différents mécanismes d'action des aPL
obstétricale et la persistance, au-delà d'un seuil défini, ont été décrits. Les aPL interagissent avec la cellule endo-
d'aPL, parmi les aCL, les anticorps anti-b2 glycoprotéine I théliale conduisant à une altération des fonctions anticoagu-
(anti-b2GPI) et la présence d'un ACC (Tableau I). lantes de l'endothélium, avec production de protéines
L'atteinte neurologique du SAPL est fréquente, variée et repré- d'adhésion, de cytokines pro-inflammatoires et de facteurs
sente une cause majeure de morbimortalité de la maladie [3]. de la coagulation. Les aPL activent également les plaquettes
En effet, l'accident vasculaire cérébral est le plus fréquent site avec surexpression du complexe GpIIbIIIa, augmentation de la
thrombotique atteint et représente la 3e cause de décès toutes production de thromboxane A2. Les monocytes sont égale-
causes confondues chez ces patients [3]. De plus, le SAPL et ment activés avec surexpression du facteur tissulaire. D'autres
le LS sont les maladies auto-immunes systémiques les plus éléments du système de la coagulation sont également per-
fréquemment responsables de complications neurologiques. turbés : diminution de l'activité anticoagulante de la protéine
Le neurologue est donc régulièrement impliqué dans la prise C, désorganisation de la pellicule anticoagulante d'annexine V
en charge de ces patients, qui, du fait d'un risque spécialement présente à la surface de l'endothélium, activation du système
élevé de récidive, relèvent d'une prise en charge spécifique. La du complément. Selon l'hypothèse du « second hit », une
première partie de cette mise au point a pour but de faire un agression vasculaire, telle qu'une chirurgie ou une infection,
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Manifestations neurologiques centrales du syndrome des anticorps
antiphospholipides
Faites le point
Épidémiologie
La fréquence des aPL après un premier AVC/AIT varie en
fonction des études. Une revue systématique récente de la
littérature l'estimait à 13,5 % [4]. Cependant, les auteurs
déploraient les nombreuses limites des études disponibles
limitant la fiabilité des résultats. Ainsi, plus de 50 % des études
sont rétrospectives et les techniques de dosage des aPL très
hétérogènes, ne respectant souvent pas les critères interna-
tionaux (recherche simultanée des 3 marqueurs dans 11 %
des études seulement, seuil de positivité des aPL trop bas
dans 36 % des articles, absence de confirmation d'un test
positif dans 50 % des études). La fréquence des AVC/AIT Figure 1. Photographie de livedo racemosa.
au cours du SAPL est estimée autour de 31 % selon les
résultats observés dans la plus large cohorte multicentrique
prospective disponible, incluant 1000 patients SAPL (Euro- Mécanismes des infarctus cérébraux
APS) [5].
À l'exclusion d'études anciennes reposant sur des méthodes La thrombose in situ est le mécanisme majoritairement à l'origine
de détermination des aPL obsolètes, la plupart des études plus de l'AVC/AIT. Cependant, un mécanisme cardio-emboligène est
récentes ont retrouvé une association entre la survenue d'un aussi possible. Une valvulopathie a été retrouvée chez 11,6 %
AVC/AIT et la positivité des aPL. Chez la femme jeune, la des patients de Euro-APS [5] et jusqu'à plus de 30 % des cas
présence d'un ACC, retrouvée chez 17 % des cas d'AVC/AIT dans les études échographiques. Elle est définie par un épais-
versus 0,4 % des contrôles, était très fortement associée à la sissement valvulaire de plus de 3 mm, par un épaississement
survenue d'un premier AVC/AIT, avec un odds ratio (OR) de localisé de la portion proximale ou médiale des cuspes, ou par la
43,1 avec un intervalle de confiance (IC) de 12,2–152 à 95 % présence de nodules valvulaires irréguliers jusqu'à la présence
[6]. Ce risque était encore majoré en cas de prise de pilule de véritables végétations (endocardite de Libman-Sacks) et
estroprogestative ou de tabagisme actif, montrant l'effet syner- délabrement valvulaire. Une association forte a été rapportée
gique de la présence d'autres facteurs de risque de thrombose entre valvulopathie et survenue d'un AVC au cours du SAPL. Au
avec les aPL. Galli et al. ont montré, dans une revue de cours du LS, les aPL sont également associés à l'atteinte val-
littérature sur les données publiées de 1988 à 2000, qu'à la vulaire et à la survenue d'une endocardite de Libman-Sacks
fois la présence d'un ACC et des aCL étaient significativement [10]. Ces lésions touchent préférentiellement le cœur gauche.
associés aux infarctus cérébraux, avec cependant des résul- Des mécanismes à la fois thrombotique et inflammatoire
tats plus nuancés concernant les aCL [7]. Très récemment, seraient à l'origine des lésions valvulaires, comme l'attestent
Sciascas et al. ont montré que les aPL étaient des facteurs de les dépôts de fibrines avec thrombi capillaires et calcifications
risque indépendants de survenue d'un AVC/AIT (OR 5,48 ; intravalvulaires associés à des dépôts d'IgG, d'aCL et de
95 % IC : 4,42–6,79) [8]. Selon les experts internationaux, les complément sur les analyses immuno-histologiques de valves
données disponibles sont suffisantes pour conclure à l'asso- de patients SAPL [11]. Très rarement, chez 0,4 % des patients
ciation entre aPL et AVC/AIT, justifiant leur place au sein des de Euro-APS, l'embol provient d'un thrombus intraventriculaire,
critères cliniques de classification du SAPL. formé le plus souvent au niveau du cœur droit [5].
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Manifestations neurologiques centrales du syndrome des anticorps
antiphospholipides
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d'AVC/AIT et l'efficacité rapportée des immunosuppresseurs SAPL, des symptômes mimant une sclérose en plaques
en cas d'épilepsie réfractaire. (SEP) ont été décrits. Des études se sont donc intéressées
à la fréquence des aPL chez des patients répondant aux
Chorée et autres mouvements anormaux critères diagnostiques de SEP. La fréquence des aCL, qui
sont presque exclusivement les seuls aPL recherchés dans
La chorée et le SAPL ont fait l'objet de multiples publications
ces études, variait entre 5 % et 21 %. La comparaison avec
sous la forme de case reports, entre 1985 et 2014. Les mou-
des sujets témoins permettait de conclure à une association
vements choréiques décrits étaient autant unilatéraux que
dans la moitié des cas environ. Ici encore, l'interprétation des
généralisés, parfois récidivants et pouvaient apparaître à tout
résultats est gênée par des méthodes de dosages des aCL
moment de l'évolution du SAPL. Dans la plupart des cas, les
très hétérogènes. De plus, les fréquences des aPL dans ces
chorées étaient peu graves, même si l'intensité des symptômes
études étaient probablement surestimées, comme le suggè-
pouvait être importante et l'évolution était favorable spontané-
rent les fréquences largement supérieures à celle habituelle-
ment ou sous traitement symptomatique classique, comme
ment mesurées chez les sujets contrôles (entre 7 % et 10 %).
l'halopéridol. En revanche, les chorées étaient associées
Dans ces études, aucune caractéristique, tant clinique, que
à une fréquence accrue de complications obstétricales lors
biologique ou d'imagerie, ne permettait de différencier claire-
de grossesses ultérieures. L'association entre chorée et SAPL
ment un SEP-like syndrome lié aux aPL d'une SEP classique,
est, en revanche, très peu documentée. Dans la seule étude
à l'exception d'une plus grande rareté des bandes oligoclona-
disponible, la chorée était associée à la présence d'un LS et la
les dans le liquide céphalorachidien en cas de positivité des
positivité des anti-b2GPI de type IgM [15]. Au cours du LS, il a
aPL [24]. Concernant les myélites transverses, aucune étude
été observé une association entre chorée et la présence d'un
ne permet d'évaluer leur réelle association avec les aPL/
ACC, mais pas des aCL [22]. Cependant, ces résultats n'ont pas
SAPL.
été confirmés dans l'étude de Sanna et al. [23]. Beaucoup plus
rarement, d'autres mouvements anormaux ont été rapportés
chez des patients SAPL : dystonie, ballisme, dyskinésie, syn- Psychose et autres troubles psychiatriques
drome parkinsonien, ataxie cérébelleuse. Des psychoses, délires aiguës, troubles de l'humeur (dépres-
sion, manie et trouble bipolaire), troubles du comportement
Sclérose en plaques-like syndrome et myélite avec agressivité et troubles anxieux ont été observés chez
transverse certains patients. Il a, par exemple, été rapporté le cas d'une
De même, les données publiées sur le sujet sont principale- jeune patiente qui présentait des troubles psychotiques dans
ment limitées à des case reports. Chez certains patients un contexte d'aCL isolés à titre significatifs et d'anomalies de
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Faites le point C.M. Yelnik et al.
perfusion cérébrale à l'imagerie [25]. L'évolution a été favo- Quel bilan biologique prescrire et comment
rable sous immunosuppresseurs seuls sans recours aux anti- l'interpréter ?
psychotiques. Cependant, les données de la littérature sont ici
encore trop rares pour conclure quant à une éventuelle asso- Le bilan complémentaire pour la recherche des aPL
ciation avec les aPL ou le SAPL. Une seule étude a montré une comprend : un bilan d'hémostase avec temps de céphaline
association entre positivité des aCL IgG et psychose chez activée (TCA) en précisant la recherche d'ACC, un bilan
34 patients psychotiques en comparaison à 20 sujets sains immunologique avec recherche d'aCL et d'ab2GP1. La
(24 % versus 0 %) [26]. D'après des données publiées dans complexité et la multiplicité des tests biologiques disponibles
les années 1990, une possible induction d'aPL par les médi- rendent nécessaire leur réalisation par un laboratoire entraîné.
caments antipsychotiques a été évoquée devant une augmen- À ce jour, seule la recherche des « aPL conventionnels » est
tation de la fréquence des aPL mesurée chez les patients recommandée. La recherche d'autres anticorps, telle que les
traités. Finalement, cela n'a pas été confirmé plus récemment. anticorps antithrombines ou antiphosphatidylethanolamines,
Au cours du LS, les résultats des études sont également est limitée au domaine de la recherche.
controversés. Une étude rétrospective retrouvait une associa- Brièvement, la recherche de l'ACC de type lupique repose sur
tion entre aPL et la survenue de psychoses au cours de des tests de coagulation phospholipides dépendants. Les
l'évolution du LS, mais ces résultats n'ont pas été confirmés tests les plus utilisés sont le Temps de céphaline + activateur
par deux études prospectives ultérieurement. Ainsi, chez (TCA), le test au venin de Vipère Russel dilué et éventuelle-
57 patients lupiques, avec des critères de positivités des ment le temps de thromboplastine dilué. La présence d'un
aPL conformes aux recommandations actuelles, aucune asso- ACC de type lupique est confirmée par 2 étapes :
l'absence de correction de l'allongement du test de coagula-
ciation n'a été retrouvée entre présence des aPL et ces diffé-
rents troubles psychiatriques [27]. tion par l'ajout de plasma témoin normal alors que tous les
facteurs de coagulation sont normaux ;
la neutralisation de l'effet inhibiteur par l'ajout d'un excès de
phospholipides.
SAPL ET NEUROLOGIE : MODALITÉS Ces tests sont rendus ininterprétables en cas de prise d'anti-
PRATIQUES DE PRISE EN CHARGE coagulants oraux directs antiXa ou antiIIa et nécessitent d'être
réalisés à distance de l'arrêt de ces traitements. Les hépa-
Dans quelles situations cliniques suspecter un rines, par leur activité antiIIa et antiXa, et les autres anti-
SAPL chez un patient de neurologie ? thrombotiques comme le danaparoïde sodique ou
Face à un nouvel AVC/AIT, il est licite de suspecter un SAPL l'argatroban, peuvent également biaiser le résultat du test
devant : avec un risque accru de faux-positif. Le biologiste réalisant
AVC ou AIT survenu chez un sujet jeune âgé de moins de l'examen doit donc être informé de toutes les thérapeutiques
45 ans ; antithrombotiques utilisées avant d'effectuer la recherche
AVC ou AIT récidivants ; d'ACC de type lupique.
antécédents personnels de thromboses artérielle ou veineuse La recherche d'aCL et d'anti-b2GP1 repose sur des tests
ou antécédents personnels de complications obstétricales immunologiques utilisant des techniques Elisa. À ce jour, la
( 3 fausses couches spontanées avant 12 semaines standardisation de ces tests reste problématique. Seule la
d'aménorrhée [SA] ou 1 mort fœtale in utero après recherche des isotypes IgG et IgM est indiquée. L'interpréta-
12 SA ou accouchement prématuré avant 36 SA/prééclam- tion de ces tests doit être prudente, en particulier en cas de
psie/syndrome d'hémolyse-cytolyse hépatique-thrombopénie positivité des aCL ou anti-b2GP1 isolée, à taux faibles ( 40
[HELLP]) ; UGPL ou MPL ou valeur du 99e percentile). Parfois, telles
présence d'un livedo racemosa, évocateur alors d'un syn- que lors d'une infection virale, une production transitoire d'aPL
drome de Sneddon. peut être détectée. Il n'est pas exceptionnel également qu'a-
Selon les recommandations des sociétés américaines Heart près un accident vasculaire cérébral, il y ait une augmentation
and Stroke, une recherche d'aPL n'est pas indiquée en routine transitoire des aPL. Ainsi, avant de conclure à la présence
après un AVC ou AIT en l'absence d'autres manifestations d'aPL, il est nécessaire de confirmer la persistance des aPL
évocatrices de SAPL, ce d'autant qu'une autre cause évidente sur un second test à 12 semaines d'intervalle.
est retrouvée [28]. Il nous semble nécessaire de moduler cette La détermination du profil biologique du patient est fonda-
recommandation car les autres manifestations du SAPL mentale car il est maintenant bien établi que celui-ci condi-
(migraine, ulcère cutané, thrombopénie) ne sont pas fréquem- tionne le risque thrombotique. Ainsi, ce risque est augmenté
ment retrouvées en dehors du livedo. en cas de positivité de l'ACC et des anti-b2GP1 plutôt que
Par ailleurs, les aPL peuvent être considérés comme un fac- des aCL, ce d'autant que les anticorps sont présents à tau-
teur de risque de thrombose et méritent certainement d'être x élevés. Ce risque serait maximal chez les patients triples
recherchés même en présence d'un facteur de risque mineur positifs, c'est-à-dire positifs pour les 3 types d'aPL
et devront être considérés comme suspects s'ils sont à taux simultanément.
élevé (> 40 UI ou > 99e percentile) et persistants.
Quelle prise en charge thérapeutique spécifique
Par contre, devant l'absence de données robustes documen-
tant l'association des manifestations neurologiques non throm- est alors recommandée ?
botiques avec les aPL ou le SAPL, ces situations cliniques Du fait de la rareté des essais randomisés, la prise en charge
rencontrées en l'absence de tout autre contexte thrombotique, thérapeutique d'un patient SAPL après un premier AVC/AIT
y compris chez un sujet jeune, ne doivent pas faire évoquer un n'est toujours pas parfaitement codifiée. La nécessité d'une
SAPL en premier lieu et donc ne pas faire partie du bilan de prophylaxie secondaire semble toutefois largement admise du
première intention effectué en neurologie. fait d'un risque élevé de récidive. Celle-ci repose dans la
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antiphospholipides
Faites le point
plupart des cas sur une anticoagulation au long cours. Les équivalent [30]. Cependant, la puissance de cette étude était
anti-vitamines K (AVK) sont à privilégier autant que possible. limitée par le faible effectif de patients inclus (n = 20). Ainsi, au
Les nouveaux anticoagulants dits anticoagulants directs (AD) cas par cas, il peut être discuté une antiagrégation plaquet-
ne sont pas recommandés dans le SAPL. Des échecs théra- taire, seule ou en alternative aux AVK, spécialement en cas
peutiques sont décrits et le recul des patients traités par d'infarctus lacunaire asymptomatique ou de risque hémorra-
l'équipe de Londres n'est pas encore suffisant pour conclure gique élevé.
formellement [29]. En pratique, chez un malade traité par AD, Dans la majorité des cas, une prescription d'anticoagulants
si des arguments biologiques en faveur d'un SAPL sont mis en apparaît indispensable, en particulier en cas de multiple posi-
évidence, les AVK doivent être proposés. On rappelle que la tivité et si les taux d'aPL sont élevés. Par contre, il ne faudrait
recherche d'anticoagulant circulant de type lupique n'est pas pas traiter abusivement par anticoagulant un patient ayant des
possible sous AD, en raison en particulier d'un risque de faux- taux faibles ou transitoires d'aPL, ce qui a été démontré dans
positifs. l'étude WARSS/APASS [31].
L'objectif d'INR à maintenir au long cours est toujours sujet En association avec le traitement antithrombotique, le contrôle
à controverse. En effet, les études sont divergentes quant à la des autres facteurs de risques cardiovasculaire convention-
supériorité d'une cible d'INR 3 par rapport à un objectif nels est également un élément essentiel.
d'INR plus conventionnel compris entre 2 et 3. Des recommandations internationales ont été publiées [32] et
De plus, la place de l'aspirine, bien que largement prescrite, rappelées dans le Tableau III. Cependant, le niveau de preuve
n'est toujours pas bien définie. Un essai randomisé en double de ces recommandations est faible.
insu a comparé l'efficacité de l'aspirine seule à celle de l'aspi- Les sociétés américaines Heart and Stroke recommandent
rine associée à une anticoagulation (INR cible entre 2 et 3), en une antiagrégation plaquettaire en cas de positivité des
prévention de la rechute après un premier AVC. Elle concluait aPL, mais ne remplissant pas les critères de classification,
à la supériorité de la bithérapie avec un risque hémorragique ou en cas de non-introduction des anticoagulants [28].
Tableau III. Prise en charge des manifestations neurologiques thrombotiques du SAPL selon les recommandations
internationales : « Report of the Task Force at the 13th International Congress on APS ».
Recommandations Niveau des
recommandations
1. Mesures générales pour tous les sujets porteurs d'aPL
1.1. En cas de profil à haut risque, un contrôle strict de tous les autres FDRCV conventionnels est indiqué, Non-côté
indépendamment d'un antécédent de thrombose ou LS
4. Prophylaxie secondaire
4.1. Les patients aux antécédents de thrombose veineuse ou artérielle cérébrale et ayant des aPL ne 1C
remplissant pas les critères de classification pour le SAPL doivent être pris en charge la même façon
que s'ils n'avaient pas d'aPL
4.2. En cas de première thrombophlébite cérébrale et de SAPL défini, un traitement par AVK avec un 1B
objectif d'INR entre 2 et 3 est indiqué
4.3. En cas de premier AVC/AIT (voir 4.5) et de SAPL défini, un traitement par AVK avec un objectif d'INR Non-coté du fait d'un
supérieur à 3 ou par aspirine à dose antiagrégante et AVK avec un objectif d'INR entre 2 et 3 est manque de consensus
indiqué
4.4. Une estimation du risque hémorragique devrait être faite avant de prescrire des AVK avec un objectif Non-côté
d'INR supérieur à 3 ou une combinaison d'aspirine et d'AVK (non coté)
4.5. Après un premier épisode d'AVC (embols d'origine cardiaque exclus), en l'absence de LS, avec un Non-côté
profil d'aPL à faible risque et un facteur déclenchant réversible, l'aspirine seule à dose antiagrégante
peut être prescrite
5. Durée de traitement
5.1. En cas de SAPL défini compliqué d'une thrombose cérébrale, les anticoagulants sont indiqués pour 1C
une durée indéfinie
5.2. En cas de premier épisode de thrombose veineuse cérébrale avec un profil d'aPL à faible risque, et, Non-côté
avec un facteur déclenchant identifié et transitoire, l'anticoagulation pourrait être limitée à 3 à 6 mois
6. En cas de SAPL réfractaire ou difficile Non-côté
6.1. Face à des difficultés de prise en charge du fait de thromboses récidivantes, de fluctuations de l'INR,
de saignement majeur ou de risque important de saignements graves, les alternatives thérapeutiques
incluent les traitements par HBPM au long cours, l'hydroxychloroquine ou les statines
Méthode de gradation des recommandations : i) force des recommandations : grade 1 = élevée = « nous recommandons » ; grade 2 = faible = « nous suggérons » ; ii)
niveau de preuve : de A = élevé à C = faible ; iii) non-côté : recommandations basées sur l'expérience faisant consensus chez les experts ; Non-côté du fait de l'absence de
consensus : recommandations basées sur l'expérience ne faisant pas consensus chez les experts.
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Manifestations neurologiques centrales du syndrome des anticorps
antiphospholipides
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