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Thème :
Membres du jury :
A M. Nazim MEKBEL pour m’avoir généreusement transmis toutes les chroniques de feu son
père MEKBEL Saïd ;
Résumé :
La chronique journalistique, de par son genre textuel spécifique, offre la possibilité à ses auteurs de s’exprimer
de manière tout à fait particulière, tant d’un point de vue stylistique que linguistique. Dans la presse francophone en
Algérie, un des aspects de cette spécificité se manifeste à travers le plurilinguisme de ces énoncés.
Dans notre recherche, nous allons, dans un premier temps, décrire la réalité sociolinguistique en Algérie pour
contextualiser notre recherche d’un point de vue macro-sociolinguistique. Ensuite, nous brosserons un historique de la
presse francophone en Algérie afin de mieux appréhender le contexte micro-sociolinguistique des supports desquels
notre corpus a été extrait.
Pour ce faire, nous avons choisi d’analyser les productions de manière synchronique (selon les thématiques)
et diachronique de 2 chroniqueurs algériens d’expression française toujours en activité, en l’occurrence Hakim Laâlam
et Kamel Daoud et, nous avons comparé avec les chroniques de feu Saïd Mekbel produites dans les années soixante.
A travers un croisement de données, nous tenterons d’identifier tous les types de contact de langues auxquels ont
recours les chroniqueurs puis, nous aspirons à comprendre les diverses motivations qui président à cette variation
linguistique.
Summary :
The journalistic chronicle, by its specific textual kind, offers the possibility to the authors to express
themselves in a very particular way, as well from a stylistic point as linguistic. In the French press in Algeria, one of
the aspects of this specificity manifests itself through the multilingualism of these statements.
In our research, we will first describe the sociolinguistic reality in Algeria to contextualize our research from a
macro-sociolinguistic point of view. Then, we give a history of the French-language press in Algeria in order to
understand well the micro-sociolinguistic context of the supports from which our corpus was extracted.
To do this, we have chosen to analyze the productions synchronically (according to themes) and diachronic of
2 Algerian chroniclers of French expression still in activity, in this case Hakim Laâlam and Kamel Daoud and, we
compared with the chronicles of fire Saïd Mekbel produced in the sixties. Through a cross-reference of data, we will
try to identify all the types of language contact used by the chroniclers and then we aim to understand the various
motivations that govern this linguistic variation.
:الملخص
و بالخصوص من الناحية األسلوبية، إمكانية لمؤلفيه للتعبير عن أنفسھم بطريقة خاصة للغاية، بنوعه النصي المحدد،يمنح المنشور الصحفي
. يظھر أحد جوانب ھذه الخصوصية من خالل تعدد اللغات لھذه العبارات، في الصحف الصادرة باللغة الفرنسية في الجزائر.على اللغوية
بعد. سنقوم أوال بوصف الواقع اإلجتماعي اللغوي في الجزائر لوضع سياق بحثنا من وجھة نظر علم اإلجتماع اإلجتماعي الكلي،في بحثنا ھذا
سنتحدث عن تاريخ الصحافة الصادرة بالفرنسية في الجزائر من أجل فھم أفضل للسياق اللغوي اإلجتماعي الجزئي للنتائج التي تم استخراجھا من،ذلك
.الجانب التطبيقي
اخترنا أن نقوم بتحليل النواتج بطريقة متزامنة ) وفقا للمواضيع ( و التغيرات للمحررين الجزائريين الناطقين للغة الفرنسية إلى،للقيام بذلك
. و إذ بنا قمنا بعملية المقارنة مع الناشر سعيد مقبل في منشوراته النار في الستينات، من بينھم حكيم لعالم و كمال داوود،يومنا ھذا
سنحاول تحديد جميع أنواع اإلتصال اللغوي المستخدم من قبل الناشرين و من ثم نھدف إلى فھم الدوافع المختلفة التي تحكم،من خالل البيانات
.ھذا االختالف اللغوي
:الكلمات المفتاحية
.أخبار صحفية – اإلتصال اللغوي – التنوع – التعدد اللغوي – حكيم لعالم – كمال داوود – سعيد مقبل
SOMMAIRE
Introduction Générale…………………………………………………………………….. p7
Première partie
Aspects du contexte des langues en Algérie : langues en contact.
Chapitre 1
Réalité sociolinguistique en Algérie
1-Introduction partielle……………………………………………..…………….………….p12
2-Aperçu de la réalité sociolinguistique en Algérie…………………….…………….……..p12
2.1 complexité des contacts des langues en Algérie………………………………...p18
2.2 En quel terme approcher les contacts des langues ?............................................p22
2.3 En Algérie, bilinguisme ou plurilinguisme ?.......................................................p22
2.4 Etat de l’art sur le contact des langues dans les chroniques de la presse
Francophone en Algérie …………………….………..........................................p27
Chapitre 2
Langues et médias en Algérie
Chapitre 3
Choix et orientations théoriques
Deuxième partie
Chapitre 1
Corpus et méthode
1-Introduction partielle………………………………………………………….…………p156
2-Rappel du sujet de la recherche………………………………………………………….p156
3-Questions de recherche…………………………………………………………………..p157
4-Objectifs de recherche…………………………………………………………………....p158
5-Choix du cadre théorique………………………….……………………………………..p159
6-Choix du sujet et des chroniques………………………………………………………...p160
7- Présentation des chroniqueurs…………………………………………………………..p161
8-Dénominations des chroniques……………………………………………………….….p163
9- Constitution du corpus……………………………………………………………..……p165
9.1-Difficultés dans la collecte du corpus…………………………………….……p168
9.2-corpus de référence…………………………………………………………….p168
10-Méthode de repérage ……………………………………………………………….......p168
11-Méthode d’analyse du corpus…………………………………………………………..p169
11.1-choix des outils d’analyse……………………………………………….…....p169
11.2-Grilles d’analyse des emprunts…………………………………………...…..p170
11.2.1- Lecture des grilles d’analyse………………………………….…...p171
11.3-Analyse de l’alternance codique……………………………………….……..p174
11.4Aanalyse des expressions idiomatiques………………………………….……p174
11.5-Analyse des néologismes……………………………………………………..p175
11.6-Analyse titrologique…………………………………………………..……....p176
11.7-Analyse onomastique : la sobrication……………………………………..….p176
11.8-Les anglicismes……………………………………………………………….p176
12- Choix de l’analyse qualitative et quantitative …………………………………….…...p177
13-Conclusion partielle……………………………………………………………………..p180
Chapitre 2
Présentation et analyse des résultats
11.1-Analyse qualitative…………………………………………………………..p314
11.2-Analyse quantitative………………………………………………………….p315
12-Analyse titrologique chez Saïd Mekbel………………………………………………..p316
12.1-Analyse qualitative…………………………………………………………..p316
12.2-Analyse quantitative………………………………………………………….p317
14-Analyse onomastique…………………………………………………………………..p319
15-Les anglicismes………………………………………………………………………..p320
Chapitre 3
Discussion des résultats
Conclusion générale……………………………………………………………………......p336
Bibliographie........................................................................................................................p342
ANNEXE (1)
ANNEXE (2)
ANNEXE (3)
ANNEXE (4)
Introduction Générale
L'intérêt que je porte aux différentes chroniques de la presse francophone est d’abord
d’ordre personnel et subjectif, ayant pratiqué la presse écrite sous toutes ses formes,
notamment, la chronique. Cette passion pour ces petits textes d’une saveur « particulière »,
mêlée à la curiosité scientifique qui m’anime, m’ont amené à regarder différemment le
processus d’’énonciation de ces productions.
J’ai donc remarqué qu'à travers cet espace quotidiennement publié, et selon les divers
thèmes abordés, les chroniqueurs se livraient à plusieurs jeux de rôles : variations du discours,
de ton, de lexique, de sens, de figures de style voire même de langues. Tantôt critiques et
ironiques, tantôt accusateurs et dénonciateurs, parfois même cyniques, souvent témoins,
rarement passifs.
La présence de contact de langues de manière récurrente dans ces énoncés de la presse
francophone crée la différence avec les autres articles contenus dans le même support : les
chroniqueurs se livrent à une importante pratique plurilingue en utilisant, en plus de la langue
support qui est le français, des mots en arabe institutionnel, des mots d’arabe algérien,
communément désigné par « darija » et, chez certains, parfois, le berbère, il est surtout
question du kabyle. Je reviendrai ultérieurement plus longuement sur les descriptions de ces
différentes langues.
Dans la production de leurs chroniques, les chroniqueurs empruntent ces différentes
unités linguistiques (lexicales et/ou sémantiques) de systèmes linguistiques étrangers soit, de
manière intégrale, soit en se les appropriant en les adaptant au système linguistique français, il
s’agit parfois d’expressions ou de termes que les auteurs empruntent aux pratiques effectives
qui ont cours dans la société algérienne plurilingue.
J’ai d’abord remarqué que cet usage d’au moins deux langues dans un même énoncé était
très fréquent et que la réalisation de ce contact pouvait prendre différentes formes : code
mixing, code switching (alternance codique), emprunts, xénismes, calques, néologismes…
Ce plurilinguisme m’a interpelée à différents niveaux :
D’abord, la présence de lexèmes (occurrences) d’un système linguistique B1 dans le
système français A dans les énoncés que j’avais entrepris d’étudier, a toujours suscité en moi,
en tant que lectrice de journaux, une réaction, une émotion ou bien une interprétation souvent
ludique ou bien ironique, parfois même cynique mais jamais passive.
En partant du constat que le recours au plurilinguisme est, à priori, une pratique quasi
constante dans ces chroniques, j’aimerais savoir si cette pratique est liée à un thème
particulier favorisant ce plurilinguisme. J’estime, à ce stade que cet indice me permettra
d’identifier la langue source la plus prêteuse au français chez les chroniqueurs en question.
Ensuite, sur quel plan se produit ce contact de langue : Lexical ? Sémantique ?
Phonétique ? Puis, la nature syntaxique de l’occurrence est –elle importante pour
permettre « l’empruntabilité » ? Et, surtout qu’est-ce qui peut justifier le recours à une autre
langue ?
1
Je désigne par « système linguistique B » les idiomes autres que le français.
7
Je me suis également demandé si ces pratiques d’écriture plurilingues était conscientes
et/ou volontaires ou alors, involontaires et donc, inconscientes ? Serait-ce une liberté
excentrique mue par une stratégie communicationnelle, une mode, ou bien encore une
nécessité née d’un réel déficit dans le système linguistique français ? Comment fallait-il
appréhender cette pratique ? Existait-il un intérêt « professionnel » derrière cette forme de
discours ou bien était-ce un acte gratuit et « naturel » ?
Les questions foisonnent et combien même ma volonté est de pouvoir y répondre en
entier, ma prétention n’est pas aussi grande surtout en ce qui concerne l’aspect « volontaire »
de cette pratique qui doit être confirmé par l’auteur de la chronique. Par conséquent, je me
limiterai dans ma présente recherche à tenter de savoir si :
1. le recours à l’emprunt est motivé par un besoin d’expressivité (le mot juste) plutôt
qu’un déficit linguistique lorsque certains thèmes sont abordés pour donner corps et sens à
leurs productions respectives, sans lequel, l'argumentation entreprise par les chroniqueurs
dans leur démarche rhétorique serait incomplète.
Le recours à l’emprunt est une simple stratégie communicationnelle visant à « plus
et/ou mieux » toucher l’affect du lecteur non seulement en rappelant régulièrement
l’appartenance du chroniqueur à une même communauté mais également en suscitant
l’empathie, la complicité, la proximité et confirmant le partage du même capital socioculturel
et donc le partage du même capital linguistique.
Le recours à l’emprunt est un acte naturel, involontaire et inconscient, inhérent à
l’identité des locuteurs pour qui le français n’est pas la langue maternelle.
Dans ce sens, il me semble judicieux, auparavant, de savoir si je dois aborder la chronique
comme étant un discours constitué d'une suite de phrases et à ce titre, ce serait sa composante
transphrastique, c'est à dire la combinaison des enchaînements assurant la cohésion de
l'ensemble textuel qui devrait être retenue en priorité ou bien alors, plutôt une activité
langagière porteuse de sens, auquel cas, ce serait la composante énonciative –soit l'ensemble
des systèmes de repérage et de régulations opérés par un autre énonciateur produisant du
"texte" à l'intention du co-énonciateur- qui devrait être privilégiée.
En réalité, je suppose que le processus auquel ont recours les chroniqueurs dans la presse
algérienne dépasse le simple phénomène d’emprunt ou une alternance codique à but
explicatif ou informatif. Pour moi, ce serait également et profondément révélateur d’une
pratique langagière « naturellement » bilingue voire même multilingue, inhérente à l’identité
culturelle des chroniqueurs et donc, à leurs pratiques sociolinguistiques effectives.
Patrick Charaudeau évoque ce phénomène dans une recherche consacrée à l’identité
discursive qu’il décrit comme étant « un enjeu de crédibilité qui repose sur le besoin pour le
sujet parlant d’être cru, soit par rapport à la vérité de son propos, soit par rapport à ce qu’il
pense réellement, c'est-à-dire à sa sincérité. Le sujet parlant doit donc défendre une image de
lui-même (un éthos) qui l’entraîne stratégiquement à répondre à la question « comment puis-
je être pris au sérieux ? ».2
2
Lien vers la publication http://www.patrick‐charaudeau.com/Identite‐sociale‐et‐identite.html consulté le
25.02.2014
8
Par ailleurs, cette même identité peut varier selon les situations de communication et là
le sujet parlant se pose la question « je suis là pour comment parler ? » A chaque situation de
communication correspondrait donc un discours approprié qui, non seulement tiendrait compte
de la volonté du sujet parlant de défendre son éthos mais, aussi, selon moi, de mieux affecter
l’Autre et donc atteindre son pathos.
Du coup je me rends compte que c’est dans une relation d’altérité qu’il faudrait aussi
observer ces pratiques langagières particulières. Puis, j’ai soulevé la possibilité que le recours
à ces emprunts soit lié au thème abordé c'est-à-dire que le locuteur choisit son code
linguistique en fonction de la situation ou du contexte mais aussi et surtout en fonction de son
objectif. Pour pouvoir confirmer ou infirmer cette possibilité, il fallait donc s’intéresser aux
aspects sémantiques et sémiotiques de l’énoncé et plus seulement à sa structure syntaxique.
Cela étant, ma démarche de recherche n’allait plus seulement être quantitative, mais
également et surtout, qualitative.
Ainsi, pour appréhender ce phénomène dans sa globalité sociolinguistique, il devenait
évident qu’une étude synchronique ne suffirait plus bien qu’elle soit éloquente quant à la
manière et le fonctionnement dont se réalisent ces « mixages » linguistiques. Il me fallait donc
absolument établir également une étude diachronique afin de m’assurer, autant que possible et
dans la limite du corpus qui est le mien, que cette variation n’est en rien « conjoncturelle »
mais, qu’elle est bien une attitude langagière permanente chez mes chroniqueurs.
A la lumière de ces éléments de théories, je me propose de définir, sur différents plans, la
chronique à partir de quatre critères :
1-Son genre de discours médiatique par son appartenance à un domaine, c'est-à-dire son
support concret de communication (le journal quotidien ou hebdomadaire) .
2- Sa typologie par son appartenance à un Ensemble plus grand de facteurs sémiotiques
(l’intitulé, le thème, le ton d’une chronique ne peut être contradictoire à la ligne éditoriale du
journal)
3- La construction de sa structure interne : Les séquences « narratives, descriptives,
explicatives, argumentatives et dialogales » de l’énoncé, les articulateurs logiques qui assurent
la connexité inter phrastique et inter séquentielle ....
4- la visée illocutoire de son énonciateur qui se réalise par une démarche rhétorique
individuelle : (mise en pratique de différents outils propres à chaque énonciateur : lexicaux-
sémantiques, découpages séquentiels, allusions, figures de styles, emprunts, représentations
collectives…).
En effet, dans leurs productions, les chroniqueurs ne veulent ou ne peuvent écrire
(s’exprimer) uniquement en langue française, ils puisent sciemment ou inconsciemment dans
la langue arabe classique et/ou algérien et parfois même berbère, en fonction de l’objectif visé,
du journal et de sa ligne éditoriale mais aussi en fonction de la personnalité du locuteur dont la
langue maternelle sera l’arabe algérien ou le tamazight.
Cela étant, je me propose d’analyser la nature de ces observables insérées, de déterminer
leur langue source, et surtout de tenter de comprendre les motivations qui sont à l’origine de
cette insertion.
A ce titre, ma problématique peut être formulée selon le questionnement suivant:
A quels types de contacts de langues les chroniqueurs ont-ils recours dans la production
de leurs chroniques? Et, Pourquoi ?
9
PREMIERE PARTIE
Aspects du contexte des langues en Algérie : langues en contact.
CHAPITRE 1
Réalité sociolinguistique en Algérie
1-Introduction partielle
Dans ce premier chapitre, j’aborderai, dans un bref aperçu, la réalité des pratiques
langagières dans la société algérienne. Je me réfère aux travaux de plusieurs linguistes
algériens dont Khaoula Taleb Ibrahimi, d’Abderezzak Dourai, Abdou Elimam, Aziza
Boucherit, Ibtissem Chachou, etc. Pour mieux appréhender la situation actuelle, je propose
dans la première partie de retracer l’évolution diachronique des langues en usage en Algérie en
commençant par les temps les plus reculés, ceux de l’Algérie Numide.
Par la suite, j’évoquerai la cohabitation de ces langues et ce qu’il en découle comme
complexité d’un point de vue micro comme macrolinguistique.
Dans les troisième et quatrième points, je dresserai un état de l’art sur le sujet de ma
thèse : le contact des langues dans les chroniques journalistiques de manière générale et
l’emprunt de manière particulière, puis, je ferai part de la difficulté dans le choix de la
terminologie adéquate pour approcher ce contact des langues en Algérie, je tenterai de mieux
comprendre s’il faut aborder cette question en termes de bi/plurilinguisme individuel ou de
bi/plurilinguisme de la société.
Pour ce faire, dans le cinquième point, j’expliquerai les notions de bilinguisme et de
plurilinguisme en me basant sur les travaux effectués dans ce domaine.
Ensuite, je m’intéresserai à l’orientation politique voulue par l’Etat algérien, le processus
d’arabisation entrepris dès 1962, processus bancal, mal assumé dont j’expliquerai les
dysfonctionnements dans la réalité sociolinguistique.
A partir de ce processus, je mentionnerai les statuts politiques de chaque langue et, je
finirai par les représentations de chacune d’entre elles chez les locuteurs algériens.
1
Calvet, L.J, « la Sociolinguistique » PUF, Que –sais‐je ? n° 2731, Paris 1993, p 88.
2
Le Panarabisme Mouvement politique et Idéologique affirmant la nécessité d'unir le tous les pays de
langue et de civilisation arabes en une grande communauté d'intérêts et qui donne naissance , après la
seconde guerre mondiale, à une éphémère République Arabe Unie dominée par l’Egypte de Gamal
Abdenasser (1958‐1961).
12
Depuis les temps les plus reculés, l’Algérie a servi de comptoir maritime aux différents
négoces reliant les contrées lointaines (Inde, Egypte, Grèce, Italie et pays Sub- Sahariens) et
par conséquent, elle a été le carrefour de plusieurs cultures et donc lieu de croisement de
plusieurs langues. Celles-ci se sont, au fil du temps, superposées aux langues berbères (ancien
libyque) puis, phénicien (langue sémitique au même titre que l’arabe) devenu punique3 qui
sont considérés par des linguistes algériens et autres comme des substrats.
Il faut rappeler que les premières informations sur les langues pratiquées en Algérie sont
fournies par des sociologues, des géographes, des voyageurs, des Historiens comme
Abderrahmène Ibn Khaldoun, William Marçais ou encore Charles André Julien qui se sont,
eux-mêmes, basés sur les résultats des fouilles archéologiques réalisées sur les sites antiques
(tels que Timgad ou Tipaza en Algérie) ainsi que sur la base d’observation puis de description
de pratiques langagières contemporaines, chacun selon son époque.
Le déchiffrage des « codes » qu’en ont fait les spécialistes a permis de révéler certaines
réalités sur la coexistence depuis les temps les plus reculés, d’au moins deux langues : berbère
et phénicien. Des recoupements ont, par la suite, permis aux sociolinguistes et dialectologues
de proposer des théories sur l’évolution diachronique de la langue dans ce contexte socio-
historique.
Selon Mahfoud Kaddache: «Le monde berbère s’est enrichi au contact de la civilisation
phénicienne. L’influence de celle-ci s’est faite sentir non seulement sur le plan pratique, mais
aussi sur les plans culturel et religieux» 4 . De son côté, Chachou Ibtissem, fait part du
bilinguisme avéré déjà à l’époque des phéniciens, «il a été attesté que les bilinguismes punico-
berbère et libyco-latin, y sont une pratique qui date de vingt cinq siècles environ et ce, du
moins, sur le plan de l’écrit »5.
Dès l’avènement du christianisme, et donc, à l’époque de l’empire byzantin, le latin
supplante le phénicien et le berbère, notamment dans les domaines de la religion,
l’administration et les sciences.
Entre la fin du VIIe et le début du VIIIe siècle, le Maghreb connait une première
invasion de troupes armées venues du moyen Orient pour islamiser les peuples. Ces porteurs
de l’étendard de l’Islam prônaient l’application des percepts du Coran (EL QURAAN) dont la
révélation s’est faite en langue arabe. Aziza Boucherit6 estime que c’est cette première vague
de soldats musulmans qui est à l’origine de l’apparition de la langue arabe en Algérie. Une
farouche résistance opposa les autochtones aux envahisseurs venus d’Orient Mais, jusque là,
l’objectif des troupes d’Oqba Bnu Nafi puis, celles de Moussa Ibn Noussayr n’était autre que
l’islamisation. En revanche, pour Aderezzak Dourari, 7 c’est plutôt la deuxième vague
d’envahisseurs venus du Yemen, les Banu Hillal,Banu Sulaym et Banu Maaqil au XIe qui
3
Abdou Elimam in la revue « Synergie, Tunisie » n°1, 2009, pp 25‐38. Les traces du punique subsistent à
travers le nom des lieux (Carthage) et des mots tels que « fniq » dérivé de phénicien signifiant coffret à
bijoux
4
Kaddache Mahfoud, « l’Algérie dans l’antiquité » SNED , Alger 1982, p 45
5
Chachou Ibtissem « situation sociolinguistique de l’Algérie : Pratiques plurilingues et variétés à l’œuvre ». éd l’Harmattan, Condet-sur-
Noireau, Oct 2013.
6
Âziza.Boucherit, « l’arabe parlé à Alger », in édition ANEP, Rouiba 2006, p11 ;
7
Dourai Abderezzak, article en ligne http://www.algerie‐dz.com/forums/archive/index.php/t‐223398.html
13
occasionne un réel brassage linguistique car, contrairement aux premiers qui étaient venus en
missionnaires, les Banu Hillal étaient venus en famille dans le but de conquérir et de créer
leur propre dynastie.
Cette nouvelle civilisation qui envahit le Maghreb, en plus d’apporter une religion
nouvelle et une culture nouvelle, apporte d’abord une langue nouvelle: l’arabe. Gabriel Camps
affirme que « Cet arabe maghrébin est issu de la langue bédouine introduite au XIe siècle par
les tribus hilaliennes, car ce sont elles, en effet, qui ont véritablement arabisé une grande
partie des Berbères».8 Et, par conséquent, c’est cette langue qui donnera le substrat arabe à la
langue de cette région, contrairement à Abdou Elimam qui pense que c’est le punique qui est
le substrat de cet arabe maghrébin.
Abderezzak Dourari 9 estime, quant à lui, qu’on ne peut exclure aucune des deux
explications : l’arabe algérien connaissant à la fois de trop fortes influences de l’arabe hilalien
et des influences du punique et du berbère.
Ces tribus arabes se sont mêlées à celles originaires des lieux, en particulier dans les
zones pastorales des hauts plateaux, en raison de la similitude de leur mode de vie. Cette
invasion arabo- islamique, Yves Lacoste la désigne comme un très grand phénomène
géopolitique 10 constituant pour lui, la date à laquelle naquit le projet d’unification
PANISLAMIQUE des peuples conquis. Cette date charnière a eu pour conséquences les
bouleversements des cultes, des cultures, des langues…subis par les tribus autochtones « La
conquête arabe sur la région fut l’un des plus grands, sinon le plus grand des chocs de
civilisation qu’ait connus la région avec l’avènement d’une religion : l’islam et d’une langue :
l’arabe »11expliquent les spécialistes
A partir de cette période de l’Histoire et dès l’adhésion des peuplades à cette nouvelle
religion et à ce nouvel idiome, les langues existantes dans le Maghreb en général et en Algérie,
plus particulièrement, ne seront plus jamais les mêmes. Il a fallu composer avec l’arabe des
Banou Hillal.
Dans son étude consacrée à la sociologie de l’Algérie, Pierre Bourdieu passe en revue les
différentes communautés du pays et aborde les conséquences de leur mixité d’un point de vue
linguistique « les échanges ont été si intenses et si prolongés que les termes en présence, tels
que l’arabisme ou le berbérisme ne peuvent plus être distingués (…) que par une opération de
l’esprit…la compréhension de cette synthèse originale, résultat de la confrontation dialectique
qui n’a cessé d’opposer le fonds local aux apports orientaux ». 12 On assiste donc à la
formation d’un nouvel idiome où s’ajoutent aux substrats berbère et punique, le superstrat
arabe dans toutes ses « variétés ».
8
Dourari Abderezzak, op cité.
9
idem
10
Lacoste Yves, Islamisme, un très grand phénomène géopolitique, in « Maghreb, peuples et civilisations »,
Paris, Oct 2004.p 15
11
Ambroise Queffelec, Yacine Derradji, Valérie Debov, Dalila Smaali et Yasmina Cherrad « le Français en
Algérie, lexique et dynamique des langues » éd de Boeck Supérieur, AUF, 2002 p 14.
12
Pierre Bourdieu, « sociologie de l’Algérie », éd Que sais-je ? 1970, p 90
14
Dès le début du XIIe siècle, Ibn Toumert13 le berbère du haut Atlas marocain, (un exemple
édifiant de l’intégration des Berbères à la culture, la langue et la religion des Arabes), prône
une morale religieuse puritaine, conforme aux dogmes de l’islam dont il accuse les
Almoravides d’Andalousie et du Maghreb de s’être éloignés. Il rédige et publie des ouvrages
en arabe mais, en fin rhéteur, il s’adresse à ses compatriotes dans leur langue naturelle
(berbère), et leur traduit même le coran dans leur langue. Dès lors, le triptyque berbérité-
islamité-arabité devient réel et complexe.
Concernant la facilité avec laquelle s’est faite cette assimilation linguistique par les
autochtones, Abdou Elimam évoque des raisons génétiques communes. Les
langues berbères, par le biais du phénicien, et l’arabe auraient la même origine sémitique
(c’est pourquoi les systèmes phonatoires sont très ressemblants). Or, d’autres linguistes
classent les langues berbères dans la famille des langues chamitiques regroupant aussi le copte
de l’Egypte par exemple et rejettent totalement cette thèse d’une même protolangue
sémitique.
La chute de Grenade survenue en 1492 et l’exil des maures d’Andalousie ainsi que
l’invasion espagnole qui s’en suit laisse également une empreinte dans le patrimoine artistique,
culturel et linguistique local : la musique andalouse avec ses différentes variantes, les
patronymes des familles tels que KORTOBI, ANDALOUSSI, BENKATABA, GHARNOUT,
BENGHARNOUT, CHEBLI…
Succèdera, en 1516 l’occupation Ottomane qui durera trois siècles. La particularité de
cette « invasion » et la manière dont elle est décrite par les manuels scolaires algériens ne font
pas de cette occupation une colonisation en soi, mais plutôt un protectorat bienveillant et
salvateur. Philippe Marçais 14 explique que cette période a eu pour principal effet de diffuser
la langue arabe dans les régions septentrionales en raison du transfert des populations qui a
découlé de cette invasion.
Des traces de cette période ottomane sont non seulement apparentes dans la langue
« arabe algérien » mais avant tout dans des patronymes algériens, notamment dans certaines
villes : Alger, Cherchell, Mostaganem, Constantine, Médea, Tlemcen et Bejaïa où la présence
ottomane a été marquée par des Beylicats et donc plus importante que d’autres15.
Mohammed Ben Cheneb16 s’est appuyé sur les travaux de William Marçais, notamment,
pour dresser une compilation de mots algériens dont il précise l’étymologie turque et/ou
persane. Il avait établi une liste comportant 634 mots d’origine turque dans le parler algérien
en 1922. Mais, selon Aziza Boucherit17, d’autres recherches ultérieures affirment qu’en 1981,
cette liste se serait rétrécie et, il ne reste que 71 emprunts toujours en usage.
13
Mohamed Ibn Toumert fondateur de la dynastie Almohade (El mouahidine)
14
Marçais Ph, article « Algérie ».Article V. Langues » Encyclopédie de l’Islam t 1, Leiden, Brill, p 384‐390,
385
15
Noms d’origine Turcs en Algérie : « Bouchenak pour Bosnique, Kara pour noir, Daouadji pour chamelier
ainsi que les noms s’achevant par le suffixe « dji » comme Kahouadji, Kalaïdji, Benabadji. , Berber pour
barbier, Kritly pour crétoi, Benosmane pour fils d’ Osmanli…Ces mots existent aussi pour la dénomination des
ustensiles et de mets de cuisine ( dolma, chorba, bourak…), d’habillement( karakou, kouiyet, houiyek…), de
métiers (chaouch, agha, kahwadji…)
16
Mots turcs et persans conservés dans le parler algérien, Alger, 1922, p 88
17
Boucherit Aziza, op cité, p 12.
15
D’un point de vue linguistique, plusieurs sociolinguistes dont Yacine Derradji évoqueront
la « stratification » de la société à cette époque. (1516- 1830)19. Notion par laquelle des
spécialistes analysent non seulement les contextes mais également les sphères sociales dans
lesquelles sont pratiqués les idiomes en présence dans cette même société, à savoir : le
berbère, l’arabe classique (le plus proche de la langue du Coran), l’arabe dialectal, le turc,
l’espagnol ainsi qu’une minorité d’hébreu.
Entre 1830 et 1962, La France occupe l’Algérie et l’adjoint à sa monarchie
« renaissante » : l’Algérie devient territoire français.
Pendant cette troisième période cruciale pour ma recherche, des populations constituées
de français, espagnols, portugais et italiens principalement se sont installées en Algérie et ont
formé une communauté de colons20. Aussi bien les colons que les Algériens (cette identité
n’existent pas encore) avaient la langue française comme langue officielle : celle de l’école,
de l’administration, de la justice, etc. Combien même les langues maternelles demeuraient
pratiquées au sein des familles respectives. L’idéologie francophone d’Onésime Reclus est en
marche et se concrétise à travers toutes les colonies du Royaume, puis de l’Empire.
Mais, qu’en est-il de la langue de la population autochtone d’antan ?
Mis à part certains orientalistes qui se penchent sur l’étude ethnologique du peuple, un
déni total est pratiqué sur l’identité algérienne, sa (ses) langue (s) et sa (ses) culture (s). D’où
la difficulté pour moi d’avoir une description « scientifiquement fiable » et « neutre » de la
réalité sociolinguistique de l’époque coloniale : les seules informations disponibles sont
parfois jugées par les sociolinguistes actuels folkloriques, véhiculant des stéréotypes
orientalistes et colonisateurs. Il n’en demeure pas moins que ces informations sont précieuses
d’un point de vue sociologique.
Le français s’étend progressivement en Algérie dans tous les secteurs de la vie publique
sans jamais se substituer à la langue arabe (réservée à la littérature arabe ou à la liturgie) ou
aux langues algériennes (réservées aux pratiques officieuses et familiales).
En réalité, l’orientation linguistique du dernier envahisseur sera aussi radicale que celle de
l’envahisseur arabe : l’instauration du français comme unique langue officielle, procédant ainsi
à une réelle « dépersonnalisation » et une seconde « déculturation » de l’Algérien
18
Kaddache Mahfoud, « l’Algérie durant la période ottomane », OPU, Alger 2003, p 206
19
« Le français en Algérie, lexique et dynamique des langues » op -cité, p16.
20
les traces hispanophones se retrouvent en particulier dans l’Oranie (saclera,pour escalier, likhia signifiant
lessive, el morro signifiant brun et escuela signifiant école, karentika signifiant calientita farine de pois
chiche) à titre indicatif sont des mots encore usités à Oran et SBA
16
« indigène » et confinant la langue arabe aux seuls lieux de culte d’antan, et les rares zaouïas
qui peuvent survivre aux destructions massives et systématiques. Les Médersas quant à elles,
ont un rôle précis : « (…) celui de former des cadres pour l’enseignement de l’arabe, pour la
justice (cadi, bachadel, adel, et accessoirement pour le culte (muphti, imam). »21
En 132 ans, le colonisateur a également procédé à des actions d’évangélisation qui, pour
la plupart (pour ne pas dire entièrement) passent par l’école et donc l’instruction. Les régions
les plus touchées sont sans doute les régions montagneuses, compte tenu de leur grande
pauvreté. De ce contact, naîtra inéluctablement un bilinguisme des individus et des transferts
de mots du français vers les langues locales. Dans une enquête menée entre 1908 et 1909,
Marcel Cohen fait déjà part de cette variation linguistique « De nombreux individus se servent
de deux langues (…) c’est une continuelle alternance de l’arabe et du français (…). Le
mélange peut se faire de phrase à phrase, de partie de phrase à partie de phrase ; enfin de
mots isolés d’une des deux langues peuvent se rencontrer éparpillés dans une phrase
prononcée dans l’autre langue ».22
Je considère cette information de Marcel Cohen importante pour ma recherche car elle
prouve à la fois l’existence du plurilinguisme individuel et, l’ancrage de pratiques
variationnistes qui sont le reflet d’un environnement multilingue. D’ailleurs, certaines
références font part de l’existence du pataouète 23 des Européens pieds-noirs et du sabir des
Algériens pendant cette période.
Entre 1946 et 1949, l’enseignement indigène se confond avec l’enseignement
européen jusqu’à former un cadre unique. A cette époque, le français est enseigné
aux Algériens en tant que langue maternelle, avec les mêmes programmes, les
mêmes méthodes qui étaient appliqués en France pour les petits Français.
Les petits Algériens ne commençaient-ils pas leur cours d’Histoire par « nos ancêtres les
Gaulois » et ne récitaient-ils pas la « marseillaise » comme hymne de la Mère Patrie? Et, ne
devaient-ils pas raconter leur fête de Noël en guise d’exercice de pratique
rédactionnelle comme tout autre enfant de colon chrétien ?
A ce propos, Louis Rigaud fait remarquer que : "(…) c’est ainsi que les élèves d’Algérie
ont appris à connaître sur le bout des doigts leurs ancêtres les Gaulois, même s’ils n’étaient
pas d’origine française, Vercingétorix et Jules César, Clovis(…), le Roi Soleil,(…) la Loire et
ses affluents, les Alpes et le Mont Blanc, le Massif Central et la chaîne des Pyrénées (…) Mais
on n’apprenait rien sur l’histoire et la géographie de l’Algérie. Le ciel était-il tombé sur la
tête de nos hommes Politiques de l'époque? ».24
La première réaction des Algériens islamisés depuis plus de dix siècles et arabisés au
moins depuis cinq siècles à ce moment là (1830), fut évidemment le rejet et de la religion
chrétienne et de la langue française. Il aura fallu près d’un siècle (après la 1ère guerre
mondiale) pour que l’Algérien accepte cette école française et prenne conscience de la
nécessité de l’instruction qu’on lui propose. Cette même école qui apprendra les valeurs de la
21
Rabah Sebaa in « L’Algérie et la langue française : l’altérité partagée » p 31 Ed Dar el Gharb, Oran 2002.
22
Cohen Marcel, « le parler des juifs d’Alger » Paris, Champion, 1912 p 12 ;
23
Le pataouète est la langue française telle que pratiquée par les Européens pieds‐noirs d’Algérie
24
L.Rigaud, « l’école en Algérie : 1830‐1962, de la Régence aux centre sociaux éducatifs » éd PUBLISUD, Nov
2001, pp 23‐73
17
« Nous devons à présent souligner le fait qu’une communauté linguistique n’est jamais
homogène et presque jamais fermée. Les dialectologues ont souligné la perméabilité des
cellules linguistiques, et l’on a pu montrer que les changements linguistiques se propagent
25
Fanny COLONNA, Les Instituteurs algériens à l’École Normale de Bouzaréah 1889‐1939, thèse de troisième
cycle, Paris, La Sorbonne, 1971, p. 38.
26
Khaoula Taleb‐Ibrahimi, Algérie : coexistence et concurrence des langues, revue « Année du Maghreb »
https://anneemaghreb.revues.org/305?lang=ar
18
comme des ondes à travers l’espace. Mais il reste à souligner que la diversité linguistique
commence chez le voisin – que dis-je ? –, à la maison, chez tout un chacun. Il ne suffit pas de
remarquer que chaque individu est déjà un champ de bataille de types et d’habitudes
linguistiques en conflit, et, dans le même temps, une source permanente d’interférence
linguistique. Ce que, de manière inconsidérée et un peu rapide, nous appelons une langue est
l’agrégat de millions de tels microcosmes dont un grand nombre attestent des comportements
linguistiques non conformes tels que la question se pose alors de savoir s’ils ne devraient pas
être groupés dans d’autres langues ». 27 Cette réflexion d’André Martinet concernant
homogénéité des langues est porteuse de deux informations primordiales :
La première est liée aux communautés linguistiques qui subissent « naturellement » des
influences, des changements linguistiques à cause de la perméabilité des systèmes
linguistiques de chacune. C’est la réalité macrolinguistique du plurilinguisme des
communautés.
La seconde, s’intéresse à l’individu qui, à son niveau, utilise plus d’une langue dans son
discours en y introduisant des occurrences étrangères. C’est la réalité microlinguistique du
locuteur.
L’observation des pratiques langagières aussi bien formelles qu’informelles d’un point de
vue diachronique révèle la coexistence de plusieurs codes d’origines diverses pratiqués par
les locuteurs algériens dont les mutations et l’évolution en terme d’emprunts ou de créativité
échappent à la communauté linguistique. De telles pratiques linguistiques innovantes
commencent à un niveau individuel et finissent par s’installer à un niveau collectif. Elles sont
la preuve qu’une langue est vivante, qu’elle évolue et, qu’elle est en contact avec d’autres
langues qui l’influencent.
De nos jours, la technologie et les médias audiovisuels aidant, nous sommes témoins du
flux de mots nouveaux introduits dans le capital lexical algérien, par le biais du français,
notamment des anglicismes tels que rooter, switcher, driver,…Mais pas seulement. En effet, Au
cours du dépouillement de mon corpus, j’ai relevé des anglicismes utilisés par les
chroniqueurs dans leurs productions journalistiques comme Hadith-Boys, Ghaïta-Band, le
rapp-fetwa… (J’y reviendrai en détail ultérieurement)
Khaoula Taleb Ibrahimi, qui s’est depuis longtemps investie dans ce domaine explique
avec pertinence que « La notion de pratique langagière marque une évolution dans la
description linguistique et sociolinguistique car il ne s’agit plus uniquement d’analyser les
règles internes au système linguistique qui organisent la compétence d’un locuteur idéal (…)
ou de décrire les régularités structurales d’un corpus fermé de données (…), mais de
s’intéresser à la diversité des locuteurs, à la diversité de leurs conduites». Elle ajoute que
«L’étude de pratiques langagières permet de rassembler une somme d’informations et de
renseignements sur la réalité sociolinguistique d’une société donnée, en ce sens elles font
partie d’un ensemble plus important qui englobe toutes les pratiques humaines» 28 Cette
pluralité linguistique avérée permet de considérer l’Algérie comme un exemple concret de
plurilinguisme social avec tout ce que cela comporte comme diversités idéologiques et
culturelles.
27
André Martinet , préface de « la linguistique » d’André Tabouret‐keller, PUF, Strasbourg, 2001.
28
Khaoula Taleb‐Ibrahimi « les Algériens et leur (s) langue (s) »Al Hikma, Alger 1995, p 120
19
29
Dictionnaire de Didactique du Français, asdifle, Clé International, Paris, 2003, p.195
30
COSTE, D., MOORE, D. & ZARATE, G. (1997) version révisée 2009. Compétence plurilingue et pluriculturelle.
Vers un Cadre Européen Commun de référence pour l’enseignement et l’apprentissage des langues vivantes.
Strasbourg: Éditions du Conseil de l’Europe. www.coe.int/lang/fr
31
Cité par M‐L Moreau in « sociolinguistiques », éd mardaga, 1997, p 94.
20
Pour Josiane Hamers et Michel Blanc, le concept de « contact de langue » est différent, il
consisterait en : « La présence simultanée de deux ou plusieurs langues à un niveau individuel,
interpersonnel ou sociétal »32Si l’on considère aussi bien le cas de l’Algérien en sa qualité de
locuteur, que celui de la famille algérienne en sa qualité d’espace de pratiques de la langue de
première socialisation (langue maternelle ou vernaculaire) et enfin celui de la société dans sa
globalité où sont également pratiquées à la fois la langue véhiculaire (arabe algérien), français,
et langues maternelles, force est de constater que la situation de « contact de langues » est une
constante.
1- La sphère berbérophone,
2- La sphère arabophone
3- La sphère des langues étrangères
L’auteure de ce découpage explique aussi que parmi les langues étrangères, c’est le
français qui jouit d’un statut particulier en ayant perduré et influencé les pratiques des autres
sphères. Pour ma part, je suis frustrée par ce découpage que je trouve un peu trop schématique.
Sans prétention aucune de remettre en question la notoriété de Khaoula Taleb Ibrahimi, je
n’adhère pas complètement à ce découpage. D’abord, je suis perplexe face à cette notion
d’hermétisme que suscite en moi la désignation de « sphère ». J’aurais préféré que la
description soit faite en terme d’interpénétration, et donc de la perméabilité de ces sphères.
Ensuite, il me semble que la pratique du français en Algérie telle qu’elle se réalise par les
Algériens peut constituer en soi une sphère francophone, indépendante des autres langues
étrangères telles que l’anglais , l’espagnol, l’Italien33… Néanmoins, je précise que ces sphères
ne sont pas hermétiques et qu’au-delà du multilinguisme de la société, il faut également
prendre en ligne de compte le plurilinguisme, du moins, le bilinguisme individuel.
En effet, plusieurs langues coexistent dans le contexte algérien d’une manière régulière et
constante. Certes, d’une manière particulière, voire conflictuelle surtout sur le plan des
représentations auxquelles j’accorderai une plus grande explication ultérieurement, mais,
finissent par coexister tout de même dans l’environnement linguistique algérien.
Cette réalité évidente de plusieurs langues ou variétés langagières, Khaoula Taleb
Ibrahimi la décrit comme « houleuse, fluctuante et parfois conflictuelle dans un champ
symbolique et culturel traversé de rapports de domination et de stigmatisation linguistique,
des rapports aggravés par les effets d’une politique unanimiste, volontariste et centralisatrice
32
C.Hélot in « du bilinguisme en famille au plurilinguisme à l’école », éd l’Harmattan, 2009, p28.
33
L’anglais est une langue uniquement enseignée à partir de la 1ere année moyenne. Aucun algérien n’a
pour langue de communication en Algérie , l’anglais. L’espagnol est également une langue enseignée en 2e
position au lycée à partir de la 1ere année pour les classes de Langues. Néanmoins, comme nous l’avons cité
précédemment, de par leur Histoire commune, il persiste dans le parler algérien des mots espagnols. Quant
à l’Italien, c’est en particulier dans les villes portuaires de l’Est où s’entretenaient des relations commerciales
avec l’Italie
21
qui exacerbe les enjeux d’une problématique identitaire fortement malmenée par les
vicissitudes de l’histoire »34.
Avant d’entamer toute explication, il faut admettre qu’aucune langue ne se suffit à elle-
même. C'est-à-dire qu’aucun système linguistique ne possède suffisamment de mots à lui seul
pour prétendre remplir toutes les fonctions de communication et exprimer tous les besoins
langagiers. Toutes les langues en contact s’interpénètrent et empruntent les unes aux autres,
tout simplement.
C’est le constat auquel sont parvenus tous les spécialistes de la linguistique comparative.
Il est donc tout a fait normal de puiser dans un autre système linguistique L2 des mots qui font
défaut à L1.
34
Khaoula Taleb‐Ibrahimi, « Algérie : coexistence et concurrence des langues », l’Année du Maghreb,
https://anneemaghreb.revues.org/305?lang=ar
35
Khaoula Taleb‐Ibrahimi, , op cité p73
36
« Identification » et pas « identité »
37
Nous désignons par « aujourd’hui » l’époque post‐ indépendance.
22
Oswald Ducrot et Tsvetan Todorov s’entendent sur le fait que « l’individu bilingue
(multilingue) est celui qui possède deux (plusieurs) langues apprises l’une comme l’autre en
tant que langues maternelles (…) le bilingue a donc cette capacité à parler parfaitement les
deux langues » 40 Je suis quelque peu sceptique face à cette définition qui fait de la
simultanéité de l’apprentissage des deux langues et leur usage de manière alternée ou parallèle
une condition pour la définition d’un état de bi/plurlinguisme.
Cette précocité dans l’acquisition des langues et /ou la simultanéité de leur apprentissage
ne sont en rien des conditions sine qua nones pour la définition d’un état de bi/plurilinguisme
selon Macnamara qui explique que « Le bilingue est quelqu’un qui possède une compétence
minimale dans une des quatre habiletés linguistiques, à savoir comprendre, parler, lire et
écrire dans une langue autre que sa langue maternelle ».41
Par contre, pour R. Titone, il s’agit plus d’une superposition, combien même précoce, de
deux langues dont une seule est maternelle « (…) Le bilinguisme est la capacité d’u individu
de s’exprimer dans une seconde langue en respectant les concepts et les structures propres à
cette langue, plutôt qu’en paraphrasant sa langue maternelle. »42.Une autre approche, celle de
W. Mackey conforte aussi cette vision additionnelle de langue seconde en plus de la langue
38
Date des travaux menés par Weinreich Uriel sur la variation linguistique
39
Georges Lüdi « les ressources plurilingues : représentations et mise en œuvre dans les contextes
institutionneles » éd des archives contemporaines, Suresnes, Janvier 2014.
40
Oswald Ducrot & Tsvetan Todorov « Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage » éd du Seuil,
Paris, 1972.
41
Macnamara in « Hox can one measure the extent of a person’s bilingual proficiency?” Ed L.Kelly, Torronto,
1969, p 82.
42
Renzo Titone « le bilinguisme précoce » éd Dessart, Bruxelles, 1972, p 11.
23
maternelle plutôt que l’acquisition simultanée et parallèle de deux langues, toutes deux ayant
le même statut de langues maternelles. « (Le bilingue) personne qui, en plus de première
langue, possède une compétence comparable dans une autre langue et qui est capable
d’utiliser l’une ou l’autre en toutes circonstances avec une efficacité semblable ».43
Dans ce même ordre d’idées, Elisabeth Deshays, soutenant la thèse de Georges Lüdi,
ramène le bi/plurilinguisme de l’individu à une notion de « multicompétences » selon les
situations de communications auxquelles il est confronté « Le bilingue désigne la capacité
d’un individu à utiliser deux langues avec une correction phonétique suffisante pour la
compréhension de ce qui se dit, ainsi qu’une maîtrise minimale du vocabulaire et des
structures grammaticales comparables à celles d’un autochtone du même milieu social et
culturel ».44
Je rappelle donc que pour le cas de ma recherche, les chroniqueurs locuteurs sont
bi/plurilingues et, ils réalisent un discours bi/plurilingue dans un support censé être
exclusivement francophone, mais, destiné en premier lieu à un lectorat évoluant dans une
société algérienne plurilingue comme je l’ai décrite auparavant.
Mon intérêt va à présent s’orienter sur les pratiques variationnistes individuelles à
l’intérieur de cette société mulilingue, « Il faut donc distinguer entre le bilinguisme de
l’individu et celui de la collectivité »45.
La notion de bilinguisme dans son aspect générique a longtemps porté à confusion. Car,
le bilinguisme peut décrire en même temps une aptitude individuelle à parler deux langues
comme il peut décrire la situation de deux langues en contact dans une société donnée.
Yacine Derradji nous propose un tableau dans lequel il identifie les types de bilinguisme :
43
M.Siguan etF.Mackey « éducation et bilinguisme‐ UNESCO‐ » éd Delachaux et Niestlé, 1986, p 11.
44
E. Deshays « L’Enfant bilingue » éd Robert Laffont, Paris 1990, p33.
45
Maris Louise Moreau in Sociolinguistique, éd Mardaga, 1997, p 61.
24
D’abord, dans un schéma le plus simple, le bilinguisme est rencontré chez le jeune
algérien (Dont les parents sont de même langue maternelle) dès sa scolarisation, c'est-à-dire à
05 ans. L’enfant pratiquant jusque là uniquement sa langue vernaculaire ( native) se trouve
confronté à l’arabe institutionnel qui constitue une langue étrangère pour lui et qui va, par
conséquent, lui poser des problèmes d’assimilation et de compréhension dans l’apprentissage
de la lecture, du calcul et des autres matières. Mais, très vite, il est rattrapé par l’arabe
classique via les cours de littérature arabe et de théologie.
Abdou Elimam affirme dans ce sens « qu’il n’est pas exagéré de dire qu’un écolier
algérien est un sujet dont on vide la substance linguistique native pour lui substituer une
prothèse langagière. C’est ce mécanisme-là qui produit de la schizophrénie précoce. Si les
modalités d’enseignement sont perfectibles, l’aliénation linguistique, elle, laisse des traces
indélébiles ».46
Même si ces trois variantes de la langue arabe dérivent d’un même groupe de langues
sémitiques et chamito-sémitiques, il n’en demeure pas moins que leur acquisition ne se réalise
pas de la même manière chez l’enfant pour qui, seule la langue vernaculaire (arabe algérien ou
berbère de même origine chamito-sémitique) se réalise de manière inconsciente.
A ce niveau, il est intéressant de se pencher sur la manière de présenter la langue arabe
institutionnelle dans les écoles comme étant la version « correcte » de langue maternelle.
L’école a donc pour mission de « corriger » la langue naturelle considérée « fautive, vulgaire »
46
Article sur « le Soir d’Algérie » du 11 octobre 2010, consulté le 26 mars 2016
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/10/11/article.php?sid=107185&cid=41
25
de l’enfant chez qui va nourrir dès cet âge là, le complexe linguistique et vivre une première
forme d’insécurité.
Dès la troisième année de son parcours primaire, l’enfant est mis en situation
d’apprentissage d’une nouvelle langue étrangère : le français qui est sa deuxième nouvelle
langue. Le voici donc en situation de polyglossie institutionnelle qui le met dans l’obligation
d’acquérir des compétences linguistiques plurielles : le plurilinguisme pour acquérir le savoir.
La difficulté d’apprentissage sera d’autant plus grande que les deux nouvelles langues
sont deux langues académiques possédant toutes deux leurs systèmes phonologiques distincts,
leurs orthographes et leurs syntaxes respectives et surtout leurs histoires propres.
De ce fait, il est exposé simultanément à deux codes écrits diamétralement opposés :
l’arabe de droite à gauche et le français de gauche à droite. Des interférences peuvent surgir
dans l’esprit de l’apprenant quant à la structure de la phrase : en français où le syntagme
nominal se place avant le syntagme verbal contrairement à l’arabe.
Certes, en théorie, il peut exister un effet positif à la scolarisation bilingue car, le
bilinguisme est porteur en soi d’enrichissement linguistique et culturel. Ceci à condition que
l’apprentissage d’une langue ne se confine pas uniquement aux cours de classe. Il doit
s’étendre à la famille, l’environnement, les médias…Ce qui n’est pas toujours le cas en
Algérie.
Philippe Blanchet et Pierre Martinez s’accordent à expliquer que « Toutes les analyses
sociolinguistiques des contextes bilingues et pluriculturels mettent en avant un facteur
identitaire, prégnant dans le choix des langues. De fait, l’idéologie unilingue présuppose les
stéréotypes d’une identité commune fondée sur la seule langue, alors que l’idéologie
plurilingue construit peut-être les représentations identitaires sur l’existence de plusieurs
langues inégalement partagées par les membres d’une communauté. Le développement d’une
compétence plurilingue serait donc favorisé dans un milieu dans lequel la reconnaissance de
l’altérité préside à la construction identitaire. La notion de posture plurilingue rendrait alors
mieux compte des pratiques au sein d’une même communauté ». 47
Je tiens à rappeler que le français ne constitue la langue maternelle d’aucun des
chroniqueurs dont j’ai eu à traiter ici les productions écrites. Elle peut néanmoins être
considérée comme langue familière ayant toujours fait partie de leur environnement
linguistique, mais, surtout, l’outil de travail pour exprimer des opinions.
La langue d’écriture ici n’est donc pas « naturelle » mais, élue comme étant celle qui
véhiculera les discours en situation médiatique. Elle est aussi le résultat d’un apprentissage. Le
rapport à cette langue « étrangère » acquise n’est pas appréhendé de la même manière que
leurs langues maternelles respectives.
La pratique bilingue ou plurilingue en Algérie est particulière car malgré sa généralisation,
elle demeure non officielle, voire illégitime, d’autres diront illégale : la parole légitime et
circulante, de nos jours, ne s’inscrivant que dans les formes officielles institutionnalisées,
faisant fi des réalités des formes d’expression quotidiennes de l’Algérien.
47
P. Blanchet et P.Martinez in « Pratique innovantes du plurilinguisme », éd Archives contemporaines, 2010,p
222.
26
En résumé, les Algériens sont tous au moins bilingues parlant langue arabe/arabe
algérien ou langue maternelle/arabe algérien 49 mais, la scolarisation aidant, ils sont en réalité
dans la grande majorité plurilingues : langue maternelle +arabe algérien + arabe institutionnel
+français.
C’est donc encore, en termes d’altérité, ce rapport à l’autre langue, celle du « colon » et
les représentations qui en sont faites qui conditionnent l’épanouissement linguistique et
identitaire de toute une communauté et qui la place de facto dans une situation d’insécurité
linguistique alarmante. Par contre, le bilinguisme individuel est plus simple à identifier.
François Grosjean insiste sur le fait que : « L’individu bilingue n’est pas la somme de deux
individus monolingues mais plutôt un locuteur spécifique totalement compétent qui a
développé une compétence communicative égale à celle des monolingues, mais de nature
différente. Et, cette compétence de communication spécifique des bilingues inclut non
seulement la connaissance de deux langues mais la capacité de passer de l’une à l’autre et les
connaissances des effets produits par l’alternance, tout comme le monolingue passe d’un
registre à l’autre suivant ses interlocuteurs et les situations de communication. »50
Il serait donc compliqué d’établir les critères de « bilinguisme » d’une personne sans la
soumettre aux conditions de communication et au contexte requérant l’usage de langue
différente. C’est donc l’approche fonctionnelle qui peut déterminer le bilinguisme. Seulement,
ce bilinguisme massif ne relève pas d’un choix de la société, auquel cas, ce bilinguisme aurait
été un bilinguisme d’élite. Les Algériens subissent ce bilinguisme. Il s’agit donc d’un
bilinguisme de masse avec tout ce que cela peut comporter comme connotation historique,
sociétale, économique, politique, institutionnelle, familiale et culturelle. Selon Christine Hélot,
cette dichotomie bilinguisme de masse vs bilinguisme d’élite : «(…) fait partie du système de
représentations qui reflète le caractère inégalitaire de différentes situations de bilinguisme. »51
2.4-Etat de l’art sur le contact des langues dans les chroniques de la presse
francophone en Algérie
En entamant les lectures scientifiques pour ma recherche sur le présent sujet, j’ai vite
compris qu’il me fallait à la fois cumuler des informations portant sur le phénomène de contact
des langues dans la presse en général et dans les chroniques, en particulier, et, retracer un
historique (combien même bref) sur le journalisme en général et la chronique en particulier.
48
R.Jackobson cité par Moatassime « Arabisation et langue française au Maghreb » éd l’Harmattan 1992,
p65.
49
Dans ce cas en particulier, je fais référence à des natifs berbérophones dont la langue maternelle n’est pas
l’arabe algérien.
50
Christine Helot in « du bilinguisme en famille au plurilinguisme à l’école » éd l’Harmattan, 2009 p 24.
51
Idem p 37
27
Concernant la premier pan de ma recherche, celui du contact des langues dans la presse,
j’ai pu lire les nombreux travaux de Dalila Morsly, ceux de A.Djaballah-Belkacem qui
abordent la « mobilité linguistique français-arabe dans la consommation de la presse écrite en
Algérie, depuis l’indépendance à nos jours : glissement naturel ou inversion forcée des
tendances » ou encore les articles d’Ibtissem Chachou, mais, plus axés sur la publicité. En
sus, la revue SOCLES 52 a consacré son 7e numéro au « contact des langues et discours
médiatique », ce qui m’a offert plusieurs articles à consulter.
Concernant les thèses de doctorat, je me suis aperçue que seules quatre thèses sur les 228
soutenues dans le cadre de l’EDAF et publiées sur le site officiel du cerist ont eu pour objet
d’étude des contacts des langues dans la presse algérienne francophone. Une thèse soutenue
en 2012 à l’université de Bejaïa propose une recherche intitulée « Usages plurilingues et
variations lexicales dans la presse écrite algérienne francophone (El Moudjahid, El
Watan, La Tribune et Liberté, les éditions de 2006-2007 ». Il s’agit donc d’une étude
synchronique, réalisée, en partie, grâce à des logiciels lexicométriques et qui s’intéresse à
l’alternance codique et aux mécanismes discursivo-argumentatifs qui participent au
façonnement du français employé dans quatre journaux francophones. L’analyse du corpus, a
révélé que l’alternance des langues arabe, berbère et française, telle qu’elle se manifeste dans
ces quatre quotidiens, obéit à des stratégies discursives mises en place par les journalistes afin
de créer un univers communicationnel spécifiquement algérien.
Une autre thèse soutenue en 2011, intitulée «Etude des procédés énonciatifs et
argumentatifs, à travers une analyse discursive des chroniques « Raina Raikoum » du Quotidien
d'Oran » propose deux approches pour l’analyse des mécanismes mis en place dans l’acte
d’énonciation du chroniqueur : la première sémiotico-linguistique et la seconde polyphonique. Ces
deux approches vont révéler que le phénomène de contact des langues en présence dans la chronique
est le résultat d’une influence de l’environnement sociolinguistique du chroniqueur.
52
SOCLES est la revue du laboratoire LISODIP de l’Ecole Normale Supérieure de Bouzaréah 2
28
En revanche, je n’ai trouvé que très peu de travaux accordés à la chronique de Hakim
Laâlam53 : un seul article intitulé « l’emprunt à l’arabe dans la chronique « Pousse avec eiux »
de Hakim Laâlam » et aucune recherche accordée aux chroniques de Saïd Mekbel.
En matière d’ouvrage scientifique sur les emprunts dans la presse, je ne peux en citer
qu’un seul qui m’ait servi de référence et qui est l’ouvrage collectif coordonné par Yacine
Derraji, intitulé « le français en Algérie, Lexique et dynamique des langues »
Pour ce qui concerne le deuxième pan de ma recherche, celui relatif à l’histoire du
journalisme et de l’écriture des chroniques en Algérie, je n’ai pas eu les mêmes opportunités,
les ouvrages scientifiques en français sont rares. Je n’ai trouvé que quelques extraits des
ouvrages de Z. Ihaddadène, car n’ayant pas été réédités « La presse écrite algérienne de 1965,
à nos jours (1985) » et ceux de M. Himeur en ligne « l’Histoire de la presse en Algérie : du
« bras écrit » de la colonisation à Facebook et Twitter » et en dernier, l’ouvrage de B.
Mostafaoui intitulé « Médias et liberté d’expression en Algérie : repères d’évolution et
éléments d’analyse critique ». Par ailleurs, j’ai également pu consulter des articles,
notamment celui de H.Miliani « « La presse écrite en Algérie, positionnements médiatiques et
enjeux linguistiques » paru dans la revue MULTILINGUALES de l’Université de Bejaïa ainsi
que celui de A. Abaci « presse francophone en Algérie : entre discours officiel et réalité
linguistique » des éditions l’Harmattan. Néanmoins, aucune de ces références ne m’offraient
d’informations sur la chronique de manière spécifique. Toutes mes références sur la question
allaient, par conséquent, être puisées chez des chercheurs occidentaux.
A ce titre, je considère mon sujet novateur dans le sens où d’abord, il ne se contente pas
d’une observation synchronique d’une pratique d’écriture, mais, il apporte une information
nouvelle sur ces mêmes pratiques sur dix années pour Kamel Daoud et Hakim Laalam et, ce
qui totalement novateur, c’est de traiter du cas de Saïd Mekbel qui a produit des chroniques
depuis 1965 jusqu'à 1994, date de son assassinat, ce qui va offrir un panel de chroniques
d’avant et après 1990 (date de l’ouverture des médias) si l’on considère cette date charnière
par rapport à la libération aussi de la parole des journalistes, comme l’ont soulevé certaines
conclusions des thèses et articles précédemment cités . J’estime que ce dernier point est
important dans le sens où il va me permettre de confirmer ou d’infirmer si le plurilinguisme
qui apparaît dans les chroniques est lié à la loi de l’ouverture des médias (post 1990) ou bien
s’il est une pratique qui a de tout temps existé chez les chroniqueurs algériens.
Ensuite, ma recherche n’est pas restreinte à un des aspect du contact des langues dans les
chroniques, comme c’est le cas des autres thèses, mais, elle brosse tous les aspects de ce
plurilinguisme et tente d’en expliquer les motivations : ce qui motive l’emprunt, ce qui motive
l’alternance codique, ce qui motive le néologisme produit à partir d’une situation de contact de
langues, ce qui motive le recours aux expressions idiomatiques en arabe institutionnel, en
arabe algérien et en kabyle et même les sobriquets et les anglicismes.
Enfin, à partir de cette analyse, il sera possible de comparer les pratiques plurilingues chez
des usagers d’une même corporation, en l’occurrence les chroniqueurs, et, mieux appréhender
leur rapport aux langues en présence dans l’environnement sociolinguistique algérien.
53
article intitulé « l’emprunt à l’arabe dans la chronique « Pousse avec eux » de Hakim Laâlam » par Ikram
Aya Bentounsi, dans la revue Expressions n°1, juin 2015, pp 25‐35
29
En Algérie, dès les premières années de l’indépendance, l’Etat a fait le choix idéologique,
celui de l’arabisation. Cependant, certaines sources historiques 56 révèlent que le mythe de
l’Algérie arabe et du Panarabisme serait antérieur au leader Djamal Abdel Nacer. Napoléon
III, pendant son règne sur l’Empire colonial français, avait déjà fait le rêve d’un Royaume
arabe qui s’étendrait d’Alger à Baghdad et où régnerait l’égalité entre « indigènes » et
« Européens », royaume et nation arabes dont il serait le protecteur. D’après Abdelhamid
Mehri57, l’orientation « arabisante » aurait également été imposée bien avant l’indépendance,
par le général De Gaulle « Il a voulu mettre en oeuvre une stratégie pour faciliter le contrôle
d´une société en rébellion. Il l´a rendue obligatoire (la langue arabe), y compris pour les
54
A.Elimam, « langues maternelles et citoyenneté en Algérie » éd Dar el gharb 2004, p325.
55
Abderezzak Dourari, « Politiques Linguistiques en Algérie : entre monolinguisme d’Etat et plurilinguisme de
la Société » Le Soir d’Algérie :25.10.2011.
56
http://www.histoire.presse.fr/collections/algerie‐algeriens/le‐reve‐arabe‐de‐napoleon‐iii‐12‐04‐2012‐
44963
57
Abdelhamid Mehri (1926‐2012) homme politique Algérien. Il occupa divers postes de ministres et a été
Secrétaire Général du parti FLN de 1986 à 1996.
30
Français; le décret fut signé par Debré et De Gaulle avec bien-sûr des arrière-pensées
politiques»58
A ce Sujet, Christian Baylon affirme que «Les idéologies s’acquittent de cette fonction de
légitimation [d’un pouvoir] apparemment rationnelle grâce au discours, lequel possède un
pouvoir qui lui est propre, celui de changer la force en droit et l’obéissance en devoir et c’est
cette dernière qui créerait l’illusion de rationalité propre à l’idéologie : en donnant aux
individus le sentiment de raisonner, elle leur ôte la liberté de penser par eux-mêmes.»59
Coûte que Coûte, il fallait anéantir ce multilinguisme ambiant et uniformiser la langue.
Une Nation = Une langue. Episode de notre Histoire qui n’est pas sans rappeler un certain
abbé Grégoire et la glottopolitique jacobine qui découla de son rapport après la révolution
française de 1789.60
La réalité est que le spectre de la tour de Babel fait peur au pouvoir censé gérer et
promouvoir la diversité culturelle et linguistique du pays. Par conséquent, quitte à défier
l’évolution naturelle des langues qui n’est jamais statique (celles que l’on maintient en l’état
finissent par disparaître, du moins de l’usage), l’Etat Algérien préfère le monolinguisme
officiel autiste qui ne correspond à aucune pratique langagière réelle.
3.1-Processus d’arabisation
58
Article paru sur le journal l’Expression dz.com, le 15novembre 2006
http://www.lexpressiondz.com/actualite/38281‐%C2%ABl%E2%80%99arabisation‐nous‐a‐
%C3%A9t%C3%A9‐impos%C3%A9e‐par‐de‐gaulle%C2%BB.html
59
Christain Bylon cité par Abderezzak Dourai, article en ligne
http://www.cnplet.net/file.php/1/cnplet_mina/navi‐horiz/doc_recherche/4.pdf
60
Il s’agit de la politique de terreur linguistique qui a été menée au lendemain de la révolution française par
le club des Jacobins, mené par Lafayette et Robespierre, dont la politique linguistique était totalitaire :
l’uniformisation de la langue française à travers tous les départements de l’Hexagone. A leur demande, en
1794, après quatre années d’enquête, un rapport de la situation sociolinguistique de l’époque avait été
dressé par l’abbé Grégoire concluant à la nécessité d’anéantir les patois. Des lois radicales ont été
promulguées dans ce sens, interdisant l’usage des patois en situation officielle au risque de se voir
emprisonner et démis de ses fonctions. Source http://brezhoneg.gwalarn.org/istor/gregoire.html.
31
Abdel hamid Ben Badis qui reviendra à la charge en confirmant dans sa célèbre citation
devenue référence de légitimation jusqu’à nos jours « L’Algérie est ma patrie, l’islam est ma
religion, l’arabe est ma langue.» Il va sans dire que ces propos sont en soi un déni de
l'identité maghrébine berbère amazighophone qui n'a donc d'autre choix que de « se renier ».
Des chartes nationales (1964, 1976 et 1986) viendront successivement asseoir de
manière définitive la langue arabe comme langue officielle en Algérie.
Le trop rapide processus d’ « arabisation » de la société, en réalité plurilingue, mais
officiellement et surtout « voulue » Arabe pour Ben Badis et les Oulémas a non seulement
engendré un clanisme sociétal dans les représentations collectives: les francisants vs les
arabisants, mais également « contribué à la marginalisation de plus en plus forte des dialectes
populaires »61 comme l’évoque Khaoula Taleb Ibrahimi.
Dalila Morsly évoque cette orientation politique linguistique dans ce qu’elle décrit comme
étant « l’écart entre le projet d’arabisation qui se présente comme un projet d’uniformisation
par et autour de AL ARABIYA AL FUSHA dans le contexte d’une société plurilingue,
l’incohérence d’une planification qui ignore les langues premières des apprenants, l’arabe
dialectal et le tamazight »62. Car, ce n’est pas seulement la langue qui est censée être arabisée
mais également la culture. C’est donc toute une Histoire et toute une identité qui s’est
construite à travers les différentes civilisations que l’Algérien doit au bout du compte renier
pour en adopter une autre que le pouvoir lui a décrétée : la culture arabe.
Cette démarche aurait été dirigée « contre » la langue française « les politiques
linguistiques algériennes ont été conçues contre le français puisque leur objectif primordial a
consisté à rendre à la langue arabe sa place et son prestige glorieux, éradiquer le français et
minorer les langues maternelles ».63C’est donc, de manière évidente, pour les décideurs pour
qui l’arabisation est fondée sur la relation indissociable Arabité/Islamité que ce processus
homogénéisant est engagé non pas pour remplacer le français, mais, et surtout pour redonner à
la langue arabe toute sa sacralité bafouée pendant le colonialisme.
Cette idéologie confirme la raison pour laquelle l’homogénéisation de la langue en
Algérie ne s’est pas fondée sur un processus d’algérianisation en créant une académie de la
langue algérienne par exemple (langue véhiculaire) comme cela s’est passé en Turquie de
Mustapha Ettaturk 64
Pour l’Etat Algérien, il s’agissait de remettre la langue arabe à sa place « naturelle »
qu’elle n’aurait jamais du quitter, étant la langue du Coran. Et, c’est par l’exportation du
61
Khaoula Taleb‐Ibrahimi « les Algériens et leur (s) langue (s) » éd el Hikma
62
D ;MORSLY, « politiques et planifications linguistiques » p5
63
Amal Abaci « presse francophone en Algérie : entre discours officiel et réalité linguistique.le cas du
Quotidien d’Oran, rubrique tranche de vie » contribution dans Langues et Médias en Méditerranée, éd
l’Harmattan, Condé‐Sur‐Noiseau, juillet 2012, p25.
64
Mustapha Kemal Ettaturk est élu président de la Turquie en 1923. Il fit de la politique linguistique son
cheval de bataille. L'un des volets de la politique de modernisation porta le nom turc de Dil Devrimi, c'est‐à‐
dire la «révolution linguistique». Le but ultime de la réforme était de développer la langue turque populaire
(ou vernaculaire) en une langue nationale normalisée afin de servir comme moyen d'unité nationale. Pour y
parvenir, il fallait changer l'écriture et purifier la langue turque de tous les emprunts, aussi bien lexicaux que
grammaticaux. En réalité, Mustafa Kemal avait comme objectif de séparer la Turquie de ses racines
islamiques et de faciliter la communication avec le monde occidental. L'Histoire compte peu d'exemples de ce
genre où un gouvernement a réalisé des changements linguistiques d'une aussi grande envergure en un temps
aussi court et, il faut le reconnaître, avec autant de succès.
32
« savoir » oriental via ses enseignants coopérants que les premières classes d’arabe vont se
tenir après l’indépendance. A se demander pourquoi avoir recours à d’autres « arabophones »
pour enseigner l’arabe (le leur) si les algériens étaient déjà arabophones ?
Cette orientation politique a fait réagir plusieurs intellectuels algériens dès le début, parmi
lesquels Kateb Yacine qui se demandait tout naturellement « Si nous sommes arabes, pourquoi
vouloir nous arabiser ? A l’évidence, ce déni volontaire mené par la politique linguistique de
l’Etat d’une identité séculaire né de la confusion entre langue et culture a été et continue d’être
une véritable source de conflit entre les intellectuels « arabisants » et « algérianisants »65
Faut-il encore rappeler que l’Algérie n’a jamais été purement et uniquement
« arabophone » mais qu’elle était déjà pluriculturelle et plurilingue avant la colonisation
française ? (Pour ne prendre que ce dernier repère historique). L'amazighité est d'abord une
culture et une identité avant de véhiculer un idiome.
Cette nouvelle situation de crise a un air de déjà vécu pour les berbérophones qui
connurent un épisode similaire en 1949 raconté par un témoin du siècle, en l’occurrence Ali
Yahya Abdenour66, dans un ouvrage intitulé « La crise berbériste de 1949. Portrait de deux
militants : Ouali Bennaï et Amar Ould-Hamouda. »67Cet ouvrage qui se veut un témoignage est
également sous tendu par un véritable travail de recherche anthropologique sur la société
Kabyle des années trente mais aussi qui met le doigt sur les premiers stigmates d’un malaise
profond causé par un mémorandum rédigé par le parti de Messali en 1948. Ce document était
destiné à l’ONU. «Ce mémorandum refuse de donner à l’existence de l’Algérie une origine plus
lointaine que l’occupation arabe qui remonte au VIIe siècle de l’ère chrétienne», relève le
président d’honneur de la LADDH. Alors que Messali proclamait «l’Algérie sera éternellement
algérienne» au stade de Belcourt, en 1936, il soutient dix ans plus tard que «l’Algérie est
arabe» en l’arrimant au Moyen-Orient.68
Ali Yahia Abdenour explique comment, un an plus tard, en juillet 1949, cinq étudiants
rédigent un contre-mémorandum intitulé : L’Algérie libre vivra « La réaction de l’état-major
du FLN-ALN sera des plus sévères. Les militants berbéristes subiront une véritable purge, peu
après le début de la guerre de Libération nationale ».69 Ce précieux témoignage apporte des
éléments supplémentaires à même de mieux appréhender la teneur de cette crise dans la
genèse de l’identité berbère.
C'est donc en toute logique que va naître en 1968 un mouvement de contestation,
conscientisant, désireux de faire valoir la constante « amazigh » de l'identité nationale, à la tête
duquel, on retrouve Mouloud Mammeri, fondateur dudit mouvement Culturel Berbère. De ce
déni volontaire perçu comme une injustice flagrante d'interdire l'usage officielle d'une langue
à ses usagers vernaculaires, découlera une grande frustration qui se traduira en un mouvement
65
Par « algérianisants » je qualifie les Algériens qui revendiquent une identité qui leur est propre et qui est le
produit d’un brassage de toutes les civilisations et les cultures, sans complexe aucun, ni reniement aucun :
ce sont les partisans de l’Algérie berbère.
66
Ali Yahya Abdenour est le président de la LADDH Ligue Algériennes Des Droits de l’Homme.
67
Ouvrage paru aux éditions BARZAKH
68
Extrait du journal http://lequotidienalgerie.org/2014/01/15/la‐crise‐berberiste‐de‐1949‐les‐verites‐
cinglantes‐dun‐temoin‐du‐siecle/
69
idem
33
34
Foudil Cheriguen pense à ce sujet que « Bien que reléguée au rang de langue étrangère,
les textes ne lui accordent pas une mention implicite dans les Chartes (même si le terme n’est
jamais cité). Elles évitent soigneusement d’employer "langue française", or, dans la réalité
elle peut prétendre à une certaine co-officialité : dans la mesure où elle est utilisée à titre
officiel (prise de parole du Président de la République et des responsables politiques, parution
du Journal Officiel et de la presse dans cette langue)".75
72
Avec l’arrivée au Pouvoir de Med BOUDIAF, cette loi sur la généralisation de l’arabisation a été
momentanément gelée pour être réanimée en 1996.
73
Dans son article 16, cette loi prévoit : « Sous réserve des dispositions de l'article 13 de la loi relative à
l'information, l'information destinée aux citoyens doit être en langue arabe.L'information spécialisée ou
destinée à l'étranger peut être en langues étrangères. »
74
Six constantes :1‐ le caractère républicain de l’Etat, 2‐ l’ordre démocratique basé sur le multipartisme, 3‐
L’islam comme religion de l’Etat, 4‐ L’arabe comme langue nationale et officielle, 5‐ aux libertés
fondamentales et aux Droits de l’Homme et du citoyen, 6‐ A l’intégrité et à l’Unité du territoire national
75
Foudil Cheriguen « Politique linguistique en Algérie »,in Mots, les langues du Politique n°52, Septembre
1997, pp 62‐74.
35
La dichotomie entre le discours politique et celui de la société est d’autant plus aberrante
que l’Algérie se trouve être en réalité la deuxième communauté francophone après la France.
Malgré cela, aucun des différents gouvernements algériens qui se sont succédé au pouvoir
depuis 1962 n’a accepté ou admis l’appartenance à la Francophonie.
Pourquoi ce refus de l’Etat algérien qui ressemble plus à un « non de principe », un
acharnement, plutôt qu’à un refus justifié ?
En réalité, la « francophonie » ou l’adjectif qui en découle « francophone » dans son
acception lexicale ne devrait poser aucun problème en soi. La francophonie se définissant
uniquement par la capacité de parler français ; l’Organisation Internationale de la
Francophonie explique « considérer francophone, sans distinction de niveaux, toute personne
sachent lire et écrire en français ».79 Cependant, ne peuvent appartenir à l'OIF (Organisation
76
Chiffres avancés par DR Mouloud Lounaouci, Linguiste Université de Tizi‐Ouzou,
77
Mouloud Lounaouci « les Berbères et leur langue : le cas de l’Algérie » actes de colloque de l’INALCO, 9
novembre 1996, Paris, l’Harmattan, 1996.
78
Mohamed Harbi « l’islamisme, une révolution conservatrice ? » in Confluences‐Méditerranée, n° 11
79
« la langue française dans le monde 2010 » éd Nathan, p10, http://www.francophonie.org/La‐langue‐
francaise‐dans‐le‐monde‐34383.html
36
Internationale de la Francophonie) que les pays où la langue française est officielle, même
seconde comme c'est le cas pour la Maroc, la Tunisie, et les pays d'Afrique Sub- Saharienne.
D'un point de vue officiel, la francophonie est régie par des considérations politico-
administratives. D'un point de vue officieux, la francophonie est une simple pratique
langagière. Malheureusement, cette notion est entachée d’une représentation préalable
sciemment brouillée par le pouvoir, et par conséquent devenue confuse dans la société
algérienne pour qui, c’est plutôt la dimension « francité »80 qui est problématique.
80
Xavier Deniau in « Que sais‐je ? » éd PUF, 2003, p 14.
81
idem
82
Xavier Deniau in « Que sais‐je ? » éd PUF, 2003, p 19.
83
idem
84
,PORCHER et V.FARO-HANOUN in « Politiques linguistiques » éd lHarmattan , 2000 p 115,
37
Tahar Bendjelloun,85 quant à lui, refuse cette distinction entre auteurs français et auteurs
francophones. Il affirme que « Les mots se jouent des visas pour entrer dans la littérature. La
littérature française est donc celle que construisent tous les auteurs qui s’expriment en
français, où que ce soit dans le monde. A cet égard, le qualificatif de « francophones », pour
désigner les écrivains ressortissant d’autres pays que la France, et les œuvres qu’ils
produisent, est non seulement absurde, mais aussi blessant. Ne fait-il pas penser aux
tentatives d’instaurer une hiérarchie entre les Français dits « de souche » et les autres,
pourtant tous citoyens égaux en droits ? »86Il s’interroge, par ailleurs, sur cet à priori vis-à-
vis des écrivains en langue française dont l’origine ne serait pas française et sur leur
« stratification » en sous littérature française « Pourquoi la cave de ma mémoire, où habitent
deux langues, ne se plaint jamais ? Les mots y circulent en toute liberté, et il leur arrive de se
faire remplacer ou supplanter par d’autres mots sans que cela fasse un drame. C’est que ma
langue maternelle cultive l’hospitalité et entretient la cohabitation avec intelligence et
humour (…) que de fois il m’est arrivé, en écrivant, d’avoir un trou, un vide, une sorte de
lacune linguistique. Je cherche l’expression ou le mot juste, mot parfois banal, et je ne le
retrouve pas. La langue arabe, classique ou dialectale, vient à mon secours et me fait
plusieurs propositions pour me dépanner. Ces mots arabes, je les écris dans le texte même, en
attendant que ceux qui m’ont lâché reviennent. C’est une question d’humeur, de fatigue ou
d’errance (…) Cette situation est simplement fabuleuse. Personne ne peut affirmer que cette
appartenance à deux mondes, à deux cultures, à deux langues n’est pas une chance, une
merveilleuse aubaine pour la langue française. Car c’est en français que j’écris et, pour des
raisons de choix et de défi (…) ».87
Le hasard n’a donc aucune place dans cet héritage linguistique ni dans l’attitude
linguistique des écrivains, et chroniqueurs algériens d’expression française. Seules des études
sociologiques, anthropologiques, psychologiques et historiques peuvent apporter des
explications à ces emprunts et à ces interférences linguistiques qui se réalisent dans les actes
de langage d’une communauté ou d’un individu.
Compte tenu de ces facteurs particuliers, le premier constat frappant pour tout
sociolinguiste qui se pencherait aujourd’hui sur l’étude de la situation linguistique de l’Algérie
est « la complexité » du fait de la coexistence de plusieurs langues parlées auxquelles on ne
reconnaît pas officiellement le même statut. Toutefois, certains spécialistes prônent encore
cette notion de « co-officialité » qui ne dit pas son nom. Abderezzak Dourari avance à ce sujet
que « Le français peut prétendre à une co-officialité de fait dans la mesure, au moins, où,
concrètement les membres du gouvernement le parlent souvent et avec facilité, et que le
journal officiel de la République Algérienne (JORA) parait en arabe scolaire et en français,
que les diplômes algériens sont rédigés en arabe scolaire et comportent leur traduction en
français, que les pièces d’état civil portent toujours la mention « écriture du nom en
caractères latins »…Il possède un statut important à l’école, pourtant arabisée et à
85
Tahar Bendjelloun est un écrivain Marocain d’expression française. Lauréat du prix Gancourt
86
Tahar Bendjelloun in « On ne parle pas le francophone », le mensuel « le Monde diplomatique », mai
2007, pp 20,21
87
idem
38
l’université, dans les branches techniques et dans la formation post-graduée toutes disciplines
confondues y compris la littérature et la langue arabe (…) »88
Ce qui en résulte, c’est l’imbroglio de la politique linguistique en Algérie, car, infectée
d’« idéologismes » et d’amalgames religieux qui ont fait que la séparation entre langue et
religion n’a pu se faire. Dans leur discours sur les langues et représentations sociales, Danièle
Moore et Bernard Py expliquent qu’Il ne faut pas perdre des yeux que « Les idéologies
linguistiques ne concernent ainsi pas la langue seulement, mais plutôt différentes visions des liens
entre les langues et l’identité (par exemple nationale), qui s’actualisent par le biais, notamment, des
modèles de socialisation prévalents, des rituels religieux, de l’école, etc ».89
La dénomination de cette langue véhiculaire divise encore les sociolinguistes qui tour à
tour la désigne d’arabe algérien ( Ambroise Quéfélec, Abderrezak Dourari ou Mohamed
Miliani, Chachou Ibtissem) arabe dialectal (Foudil Chériguen, Aziza Boucherit) l’arabe parlé
(Morsly Dalila), dialecte algérien ou parlers algériens (Taleb-Ibrahimi Khaoula) puis le
maghribi selon Elimam Abdou.
Pour ma part, face à cette difficulté de nommer la langue en question, tout au long de ma
recherche je désignerai cette variété linguistique par arabe algérien car, j’estime que la
désignation d’arabe dialectal constitue en soi une stigmatisation réductrice profitant aux
promoteurs de cette situation diglossique de l’arabe institutionnel ou classique et de l’arabe
algérien et à l’éradication de l’identité Algérienne qu’Ahmed Moatassim désigne par culture
arabo-berbère.
Malgré cela, la désignation « maghribi » prônée par Abdou Elimam, quant à elle, me
semble trop générale, bien qu’intérresssante, compte tenu des particularités et des variantes de
chacune des langues véhiculaires et maternelles pratiquées au Maghreb.
88
A.Dourari, « les malaises de la société algérienne », Casbah éditions, Alger 2004, p8
89
Moore Danièle et Py Bernard, « discours sur les langues et représentations sociales »
http://www.academia.edu/7850619/Discours_sur_les_langues_et_repr%C3%A9sentations_sociales._Par_Da
ni%C3%A8le_Moore_et_Bernard_Py
90
A.Moatassim « Arabisation et langue française au Maghreb » éd Tiers Mone, aris 1992, p 124.
39
En l’absence de statut politique, les spécialistes des langues en Algérie ne sont pas tous
d’accord sur la question de dénomination et même de variétés de langues arabes pratiquées en
Algérie. Bien que les deux chartes de 1976 et de 1986 s’accordent sur l’importance, si ce n’est
la primordialité de la langue arabe dans la construction de l’identité culturelle du peuple
algérien d’après Chériguen Foudil, « il demeure un flou entourant la dénomination de la
langue arabe dans le texte de la charte nationale de 1976 et de 1996 ».91 Paradoxalement,
ajoute t-il, « cet arabe dialectal est, sans aucun doute, la langue, qui de toutes, dispose du plus
grand nombre de locuteurs, ce qui constitue un atout majeur ». 92
En réalité, je ne peux parler de cette relation sans évoquer le rapport diglossique existant
entre ces deux idiomes, car, bien que l’arabe algérien soit d’un point de vue scientifique une
langue à part entière, il n’a jamais été reconnu (par les locuteurs eux-mêmes aussi) autrement
que comme un dialecte.
Déjà en 1930, William Marçais93 avait établi un rapport sur la langue arabe dans
lequel, il décrivait le « marché linguistique » algérien de la manière suivante :
« 1)- La langue arabe se présente à nous sous deux aspects sensiblement différents:
1. Une langue littéraire dite arabe écrit (c’est le terme que nous adopterons) ou régulier,
ou littéral, ou classique, qui seule a été partout et toujours écrite dans le passé, dans laquelle
seule aujourd’hui encore sont rédigés les ouvrages littéraires ou scientifiques, les articles de
presse, les actes judiciaires, les lettres privées, bref tout ce qui est écrit, mais qui, exactement
telle qu’elle se présente à nous, n’a peut-être jamais été parlée nulle part, et qui dans tous les
cas ne se parle aujourd’hui nulle part. 2. Des idiomes parlés, des patois tantôt assez proches,
tantôt visiblement éloignés les uns des autres, dont chacun n’a jamais été écrit, dont la
fixation scripturale a valu aux orientalistes qui l’ont tentée les sarcasmes indignés du monde
arabe, dont les gens peu cultivés eux-mêmes s’efforcent de s’éloigner dans leur
correspondances, mais qui, partout, et peut-être depuis longtemps, est la seule langue de la
conversation dans tous les milieux, populaires ou cultivés.
2)-Tel à mes yeux est l’arabe. Une langue? deux langues? Pour qui a lu les vieilles
Antinomies linguistiques de Victor Henry, la question est oiseuse. Disons deux états d’une
même langue, assez différents pour que la connaissance de l’un n’implique pas, absolument
pas, la connaissance de l’autre; assez semblables pour que la connaissance de l’un facilite
considérablement l’acquisition de l’autre. En tout état, un instrument pour l’expression de la
pensée qui choque étrangement les habitudes d’esprit occidentales; une sorte d’animal à deux
91
Cette citation est extraite de l’ouvrage de CHACHOU Ibtissem, « la situation sociolinguistique en Algérie :
Pratiques plurilingues et variétés à l’œuvre ». éd l’Harmattan, Condé –sur –Noireau, octobre 2013
92
Fodil Chériguen « Essais de sémiotique du nom propre et du texte » OPU, 2008, p103.
93
Professeur au collège de France et orientaliste arabisant, (1872‐1956) , il fut successivement directeur de
la médersa de Tlemcen puis celle d’Alger en 1904, inspecteur général de l’enseignement aux indigènes en
1908 et directeur de l’école supérieure de langue et littérature arabe à Tunis en 1913. Auteurs de plusieurs
articles sur la langue arabe dont deux sur « lz diglossie arabe » dans la revue « l’enseignement public ».
40
têtes et quelles têtes! que les programmes scolaires ne savent trop comment traiter, car ils ne
sont pas faits pour héberger les monstres ».94
La vision de Yacine Derradji s’inscrit également dans une dimension pluriglossique car,
selon lui, il existe plusieurs variantes de la langue arabe :
Cette triglossie, arabe, se composerait selon Benzakour (dont l’intervention s’inscrit dans
la mouvance variationnsite de William Labov et Louis-Jean Calvet) de l’arabe classique,
l’arabe moderne et l’arabe dialectal qui forment un ensemble « vécu sous forme d’un
continuum ». Ahmed Boukous partage également cette vision de « continuum » et décrit le
phénomène de variation comme étant une même continuité harmonieuse « il en résulte que le
94
Marinette Mattey « Le concept de diglossie est‐il périmé ? », article en ligne https://halshs.archives‐
ouvertes.fr/hal‐00996045/document
95
Djamel Eddine Kouloughli article en ligne « Sur quelques approches de la réalité sociolinguistiques
arabes » https://ema.revues.org/1944
96
M.Matthey , op ‐cité
97
Djamel Eddine Kouloughli , op cité.
98
« Glosse » voulant dire « variété », triglossie veut dire trois variétés d’une langue.
99
Djamel Eddine Kouloughli , op cité.
41
passage de la variété haute à la variété basse ou l’inverse , se fait non plus de manière
abrupte en quittant un système linguistique pour un autre, mais se déroule de manière douce
et continue, car la base structurelle de l’arabe médian est en quelque sorte le commun
dénominateur des structures des deux systèmes de base, celui de l’arabe standard et celui de
l’arabe dialectal »100
Cette approche en termes de « continuum » consacre son intérêt sur la définition du
« variable » et donc le point de vue des variationnistes est micro-linguistique.
Apparemment, cette crise n’était en rien conjoncturelle. Près d’un siècle après, en 2013,
Ibtissem Chachou évoque l’arabe algérien (cette langue dont on ne dit pas le nom) comme
étant « une langue dans l’ombre de l’arabe institutionnel »101.
Puis, c’est à juste titre que Foudil Chériguen explique dans ses recherches comment,
contrairement aux langues berbères, l’arabe algérien s’est de lui même exclu des débats
politico-linguistiques contestataires des années 1980 « la péjoration dans laquelle a été tenue
l’arabe dialectal parce que non-écrit, et une certaine intériorisation de ce sentiment
d’infériorité linguistique par ses locuteurs dont la grande majorité s’accorde à privilégier un
arabe littéral, pourtant jamais vraiment en usage en dehors de l’enceinte scolaire et d’une
partie de la presse, qui lui est donc relativement étranger, ont mené derechef à une
dévalorisation (non seulement en Algérie mais dans l’ensemble du Maghreb) ».102
Mais l’arabe algérien se pratique, vit et évolue dans une zone d’influence qui s’élargit de
jour en jour comme le décrit Abderezzak Dourari. Officiellement, cette langue n’existe pas
quand bien même elle est celle pratiquée par la plus grande majorité des Algériens. Qu’ils
soient locuteurs monolingues ou plurilingues, les Algériens finissent par s’y rejoindre.
Abderezzak Dourai cite l’arabe algérien comme étant une langue qui « s’est imposée par
la force de la dynamique sociale et historique comme langue commune des Algériens. Elle
possède beaucoup de ressemblances avec la langue que parlent des Maghrébins et divers pays
à tel point que les Maghrébins de divers pays ne semblent pas avoir besoin d’une autre langue
pour se comprendre notamment entre Tunisiens, Algériens et Marocains ».103L’arabe algérien
ne bénéficie d’aucun statut officiel « Pourtant parlée par 85% des locuteurs en Algérie,
l’arabe algérien a longtemps fait l’objet d’une stigmatisation qui a opéré par le biais de la
production/diffusion de glossonymes dévalorisants et de discours dépréciatifs, lesquels ont
servi à justifier son exclusion des domaines officiels ainsi que la clôture prématurée d’un
éventuel débat sur son statut juridique ».104explique I. Chachou affirmant que le recours à
l’arabe algérien dans les slogans publicitaires, notamment, s’est imposé de manière naturelle
et qu’aujourd’hui les campagnes publicitaires et les slogans qui accrochent doivent composer
avec cette langue vivante, et ceci, en l’absence de tout statut officiel pour l’arabe algérien : En
100
Boukous Ahmed article en ligne http://www.ircam.ma/doc/divers/asinag‐1‐ahmed_%20boukous.pdf
consulté le 25 mars 2016.
101
I.Chachou « la situation sociolinguistique de l’Algérie » ed l’harmattan, Paris, 2013, p98
102
Idem p 106.
103
A.Dourari, op cité
104
I.Chachou « l’algérianité exprimée au travers de la publicité ou la variabilité sociolinguistique au service du
marketing » in Langues et médias en Méditerranée, ed l’Harmattan, juillet 2012, p51
42
somme, en Algérie, cette langue est utilisée partout et par tous, ( ou presque) mais, pour
l’Etat algérien, elle n’existe pas.
Selon Khaoula Taleb Ibrahimi qui préfère la désignation de arabe dialectal, « C’est la (les)
véritable (s ) langue (s) des populations qui n’avaient pas accès à l’arabe littéraire dans les
foyers ».105 Et, continue en la décrivant par : « Ces dialectes constituent la langue maternelle
de la majorité des Algériens et sont le véhicule d’une culture populaire riche et variée ; par
leur étonnante vitalité, les parlers algériens témoignent d’une formidable résistance face à la
stigmatisation et au rejet que véhiculent à leur égard les normes culturelles dominantes ».106
Tous les critères sont réunis pour définir cette langue arabe algérien ou les langues
berbères ( toutes deux langues maternelles) comme langues basses, voire minorées désignation
puisée chez Jean-Baptiste Marcellesi107 pour qui « la désignation de langues minorées (…)
réfère au processus de minoration par lequel des systèmes virtuellement égaux au système
officiel se trouvent cantonnés par une politique d’Etat certes, mais aussi par toutes sortes de
ressorts économiques, sociaux dans lesquels il faut inclure le poids de l’histoire, dans une
situation subalterne, ou bien sont voués à une disparition pure et simple »
Marie Louise Moreau propose dix caractéristiques pour définir la langue minorée :
2-L’absence de l’usage institutionnalisé : l’arabe algérien n’est pas autorisé dans les
rédactions de textes officiels et administratifs.
105
« le français en Algérie : lexique et dynamique des langues » op ‐cité
106
idem
107
Marcellesi, J.‐B. : Bilinguisme, diglossie, Hégémonie : problèmes et tâches.‐ Paris, Langages, n° 61,
Larousse, 1981 : 8.‐ p.p. 5‐11.
108
A ce sujet, j’aimerais marquer un arrêt pour rappeler les débats houleux et passionnés qui ont valu une levée de
boucliers et des prises de positions tranchées de la part des personnalités politiques, religieuses et scientifiques lorsque la
proposition d’introduire l’arabe algérien comme langue d’enseignement s’est faite par le ministère de l’éducation
nationale chapeauté par Mme Benghabrit , en juillet 2015. A ce sujet, Abdou Elimam détruit les arguments des détracteurs
en expliquant que « c’est parce qu’une langue n’est pas utilisée dans des domaines scientifiques qu’on la dit incapable de
dire la science » in langues maternelles et citoyenneté algérienne p326
109
Par opposition à l’écrit officiel. Néanmoins, nous avons vu apparaître ces dernières années une tendance à l’usage de
l’arabe algérien dans les publicités notamment les opérateurs de téléphonie mobile ou l’agroalimentaire qui ont opté pour
des slogans en arabe algérien exemple : « Djezzy, Ich la vie » trad : « Djezzy, Vis la Vie » ou bien encore, « Jumbo zid el
benna ala bna » trad « Jumbo, rajoute du goût au goût »…
110
La situation est différente concernant les médias audio-visuels où le contact avec l’auditeur ou le téléspectateur lors
d’intervention directe d’émission sportive, culinaire, artistique… fait surgir cette langue véhiculaire qu’est l’arabe algérien
et même le français, d’une manière spontanée. Mais, il arrive aussi que le journaliste où l’animateur reprenne
l’intervenant en reformulant dans un arabe « classique » qu’il juge plus « convenable ».
43
8- Les rapports fonctionnels de la langue minorée avec une langue dominante sont stables
dans la longue durée. C’est le cas de l’arabe algérien et des langues berbères qui se trouvent
en situation de diglossie par rapport à l’arabe littéraire ou classique
10-Sa rentabilité sociale est restreinte, sa connaissance restant sans profit en termes de
mobilité sociale et de promotion professionnelle.
Ce sont les critères 4,5 et 10 qui m’empêchent de cataloguer l’arabe algérien comme
étant une langue minorée. D’abord, l’arabe algérien est transcrit depuis longtemps soit avec
l’alphabet arabe soit avec l’alphabet latin, 111 de plus, les publicitaires ont depuis quelques
années adopté cette langue pour leurs slogans dont la réception est très positive au sein de la
société. Ensuite, il n’est pas confiné dans un espace restreint et n’est pas non plus spécifique à
un nombre d’usagers minoritaires. C’est d’ailleurs cela qui représente toute la particularité de
cette réalité sociolinguistique algérienne. Il serait donc judicieux d’aborder ce phénomène en
termes de diglossie.
Ainsi, par une volonté politique, l’arabe algérien et les langues berbères, dont je parlerai
par la suite de manière plus approfondie, sont considérées comme des « dialectes » et
n’existent pas dans le discours officiel. Pourtant, ils n’en sont pas moins « vivants ». Ce qui
dénote d’un réel décalage entre le discours officiel, la pratique et le statut officiel de ces
langues.
L’arabe algérien est une langue vernaculaire (native et naturelle selon Elimam Abdou)112
C’est la langue de la créativité, celle que les artistes vont choisir pour leurs chansons, celle
que les familles et les amis adoptent pour communiquer entre eux, pour conclure des affaires,
pour rire et pleurer… Pour exprimer leurs émotions, et leur première socialisation. C’est la
langue à laquelle une communauté entière s’identifie.
4.2 Statut de l’arabe institutionnel
Louis-Jean Calvet désigne par « médian » cette variété de la langue arabe écrit oralisé.
Ahmed Boukous reprend cette appellation en le définissant comme « (…) un mésolecte
s’intercalant entre deux variétés distantes (…) ». 113 Dalila Morsly est la première à avoir
111A ce sujet, depuis l’avènement de la téléphonie mobile et des réseaux sociaux, les locuteurs « algérophones »
redoublent d’ingéniosité et utilisent des chiffres pour transcrire les phonèmes propres à l’arabe algérien en français,
exemple : (3) pour le son [ʔˤ ], (9) pour [q ] et (7) pour [ħ ]…
112
Synergie Tunisie, n°1, 2009.
113
Boukous Ahmed, op cité
44
désigné cette variété de la langue arabe par cet adjectif « institutionnel », Leïla Messaoudi
quant à elle, le qualifie d’arabe standard en expliquant que
« Sous le qualificatif standard, il est entendu qu’il s’agit de la variété codifiée, la
variété savante. C’est, également, la langue qui bénéficie d’un statut de jure et qui est
utilisée, à l’écrit, dans divers domaines, notamment juridique et administratif. ».114
Il y a lieu de relever à ce niveau qu’aucune mesure officielle n’a été prise pour une
démarche de standardisation. C’est donc le besoin de communiquer dans une langue autre que
l’arabe algérien, renié car jugé « vulgaire », qui a fait naître cette langue.
L’arabe institutionnel ne constitue, pourtant pas la langue véhiculaire des Algériens. Cet
idiome n’est parlé de façon spontanée par personne (tout comme l’arabe classique mentionné
ci-après et dont il est considéré respectivement soit comme un dérivé soit comme une variété,
selon Khaoula Taleb Ibrahimi). Il est adapté aux besoins économiques, pédagogiques et
scientifiques du système linguistique arabe classique finit par être plus ou moins homogénéisé,
par les médias notamment. C’est une langue intermédiaire entre l’arabe classique et littéraire
et l’arabe algérien considérée langue du registre vulgaire. Cette variante de la langue arabe est
réservée aux seuls discours et interventions officielles : écoles, ouvrages scolaires, médias.
Foudil chériguen le nomme « arabe littéral ». Il le décrit comme étant « l’arabe littéral
reste toujours la langue intra- muros des écoles, comme toujours, il n’a pas gagné la rue et la
vie quotidienne car sérieusement concurrencée, voire, éliminé par l’arabe algérien, le berbère
et le français »115
-Langue nationale et officielle de l’Etat Algérien, telle que le stipule la constitution (peut-
être assimilé à l’arabe institutionnel sur ce point légal).
- Langue de la révélation, elle est mythifiée car celle du Coran. Ce seul critère lui confère
une dimension de sacralité. L’arabe classique est utilisé en littérature et en théologie. Selon
Cohen Marcel, « L’arabe classique offre un corpus qui, par sa seule existence de texte,
constitue un élément fondamental de cohésion linguistique. De plus, apparaissant comme la
propre parole de Dieu, il prend une valeur de norme définitive »116.
De la même manière que l’arabe algérien le déni de la langue berbère (des langues
berbères) affiché par la politique linguistique et idéologique engendre la difficulté pour les
114
Messaoudi Leïla, « langue spécialisée et technolecte : quelle relation ? » META, journal des traducteurs,
lien ttp://id.erudit.org/iderudit/039607ar
115
F.Cheriguen « Esais de sémiotique du nom propre et du texte » OPU, 2008, 126‐127.
116
M. Cohen 1997.
45
spécialiste des langues à les nommer « Une langue polynomique est une langue dont l’unité est
abstraite »117rappelle Ibtissem Chachou qui cite Jean-Baptiste Marcellesi.
Salem Chaker, en pourvoyeur de l’unité linguistique profonde estime que « la langue
berbère est une et chaque dialecte n'en est qu'une variante régionale ». 118 Il explique dans
son texte que les premières explorations linguistiques, comme celle de Venture de Paradis
(menée en 1787-88 et publiée en 1838), reconnaissaient déjà le chleuh du Maroc et le kabyle
comme dialectes d'une même langue, ce qui n’a jamais été contesté, il ajoute : « (C'est que,
malgré la dispersion géographique, malgré l'absence de pôle de normalisation et en dépit de
la faiblesse des échanges, les données structurales fondamentales restent les mêmes partout :
le degré d'unité (notamment grammaticale) des parlers berbères est tout à fait étonnant eu
égard aux distances et vicissitudes historiques. Les divergences sont presque toujours
superficielles et ne permettent pas d'établir une distinction tranchée entre les dialectes : la
plupart des critères de différenciation -qu'ils soient phonologiques ou grammaticaux- se
distribuent de manière entrecroisée à travers les dialectes. La classification (linguistique) des
dialectes berbères est de ce fait un véritable casse-tête pour les berbérisants et les tentatives
les plus récentes, qui font appel à des grilles de paramètres très sophistiquées, aboutissent
pratiquement à un simple classement géographique. »119
D’un autre côté, dans ses travaux de recherche sur les Berbères, Gabriel Camps fait
allusion à la proposition de Marcel Cohen , en 1924, « d’intégrer le berbère dans une grande
famille dite chamito-sémitique, qui comprend en outre l’égyptien ancien et le copte qui en est
sa forme moderne, le couchitique et le sémitique. Chacun de ses groupes linguistiques a son
originalité, mais ils présentent entre eux de telles parentés que les différents spécialistes
finirent par se rallier à la thèse de M.Cohen »120.
Dans ce sens, concernant l’appartenance à la grande famille des langues chamito-
sémitiques, il estime qu’en fait, « seul le touareg et les parlers les plus périphériques (Libye,
Egypte et Mauritanie) présentent un ensemble de caractéristiques linguistiques spécifiques qui
pourraient éventuellement justifier qu'on les considère comme des systèmes autonomes, et
donc comme des "langues" particulières. Encore qu'il s'agisse là aussi, presque toujours, plus
de modalités particulières de réalisation que de véritables différences structurales »121.
En définitive, pour Salem Chaker, il ne peut être question que d’UNE langue berbère, les
autres parlers n’en sont que les variantes.
D’autres sociolinguistes, dont Dalila Morsly, critiquent la « standardistaion convergente »
prônée par Salem Chaker, entre autres spécialiste de la question berbérophone estimant
cette normalisation linguistique trop simpliste dont a fait l’objet LA langue TAMAZIGHT a
révélé toute la complexité dont peut faire preuve le traitement des questions linguistiques
lorsqu’il s’est agi d’enseigner la langue tamazight à l’école : celle-ci étant différente des
langues maternelles berbères, voire complètement étrangère aux berbérophones.
117
I. Chachou « Reflexions épistémologiques autour de l’état de la dénomination et de la hiérarchisation des
langues dans le discours universitaire algérien » revue socles n°1, décembre 2012.p49.
118
Unité et diversité de la langue berbère" fait au colloque international "Unité et diversité de Tamaziɣt" tenu à
Ghardaïa du 20 au 21 avril 1990 et dont les actes ont été publiés en 1992 à Tizi‐Ouzou par GDM Agraw Adelsan Amaziɣ.
L'article a été ensuite repris par l'auteur lui‐même comme premier chapitre de son ouvrage " Manuel de Linguistique
berbère. Tome II : syntaxe et diachronie" paru aux Editions ENAG en 1996.
119
idem
120
Gabriel Camps, lez Berbères, mémoire et identité, Barzakh, Alger 2007.
121
idem
46
Ibtissem Chachou précise que cette situation risque de créer une nouvelle situation
diglossique « (…) A terme, si elle n’est pas remplacée par les langues berbères natives, une
diglossie risque d’être reconduite qui reproduirait les rapports de force hiérarchiques de
domination entre ce qui serait une langue et ce qui ne serait que des dialectes ».122
C’est tout naturellement que des questions d’ordre « strcutural » avant même celui
didactique ou pédagogique se sont imposées :
Autant de questions qu’il a fallu trancher car, très vite, les interprétations des choix
risquent de vaciller d’un côté pro « arabisant » comme pro « francisant »…C’est dire si les
traumatismes identitaires ont la peau dure.
On dénombre en Algérie au moins cinq variétés de langues berbères : le chaoui ( implanté
dans les Aurès principalement), le tergui (dans le Sud Hoggar et Tassili) , le kabyle ( la petite
et Grande Kabylie) et le mzabi implanté dans la vallée du M’zab, le Chenoui, dans les monts
Chenoua. Pour ce qui est du Maghreb, il existe encore d’autres parlers propres aux régions du
Rif et de l’Atlas marocain : le Chleuh et le Djerbi, langue insulaire et du Sud de la Tunisie
D’un point de vue politique, les langues berbères ne sont pas reconnues en Algérie. Elles
ne sont même pas considérées comme langue véhiculaires, leur domaine de pratiques étant,
selon ce même point de vue, confiné à des régions géographiques réduites et, surtout, à
l’interaction des interlocuteurs au sein d’une même communauté linguistique.
Les chartes de 1976 et de 1986 ainsi que les différentes constitutions ne font aucune
référence aux langues berbères (35% de locuteurs), selon Foudil Chériguen123 qui apporte des
explications autres qu’idéologiques et politiques à la régression de la pratique de ces langues
en Algérie qu’il estime en danger « (…) le berbère apparaît donc comme une langue
doublement menacée : par l’arabisation dialectale liée à l’urbanisation progressive, à l’exode
rural, et par conséquent à la multiplication des moyens de communication qui permet à la loi
du plus fort de mieux s’exercer, puis par l’autre arabisation, celle de l’arabe
moderne*prédominant dans l’enseignement ».124
122
I. Chachou « Reflexions épistémologiques autour de l’état de la dénomination et de la hiérarchisation des
langues dans le discours universitaire algérien » revue socles n°1, décembre 2012.p 50.
123
F.Cheriguen « Essais de sémiotique du nom propre et du texte » OPU, 2008, p125
124
Idem p 110.
* par arabe moderne, Foudil Cheriguen parle de l’arabe que j’ai désigné par arabe institutionnel dans ma
recherche.
47
Le 07 février 2016, les parlementaires ont adopté le projet de nouvelle constitution. Les
dispositions contenues dans cette révision prévoient, selon le texte, notamment de "parachever
le dispositif mis en place pour préserver l'unité nationale" par la constitutionnalisation des
fondamentaux identitaires. Elles tendent à "renforcer la pratique démocratique" en accordant
une large place à l'opposition parlementaire, ambitionne d'assurer de "larges espaces de
liberté" et présentent de "nouvelles garanties à la consolidation de l'Etat de droit". 128 Ce
nouveau rendez-vous avec l’Histoire est important car, en adoptant « à une large majorité »129
125
HCA Haut Conseil de l’Amazighité instance créée par l’Etat sous la tutelle directe du Président de la
République, dont les
126
Dalila Morsly « Enseigner la variation : exemple de tamazight » n° 164 CNPD‐CRDP, Alger 2011, p146.
127
Abdou Elimam « le maghribi alias ad‐daridja, langue consensuelle des Maghrebins » ed Dar el Gharb,
Oran, 2003
128
Extrait du journal « Tribune des Lecteurs » n° 2111 du 07 février 2016, p2.
129
Extrait du discours du Président Bouteflika Abdelaziz lu par le Président de l’APN, M. Bensalah Aek à
l’issue de l’adoption de la loi portant révision de la constitution
« En ce jour historique, il m'est particulièrement agréable de saluer le sens élevé de la responsabilité, du
patriotisme et la clairvoyance dont ont fait preuve, résolument, les membres du Parlement, toutes
48
Malgré les 11,2 millions 130 d'Algériens de plus de cinq ans déclarant savoir lire et écrire
en français, cette langue familière, notamment dans les régions Nord du pays, est considérée
comme étant la première langue seconde. Malgré cela, elle est volontairement reléguée au rang
de langue « étrangère » lourdement connotée, car porteuse d’un passé colonial qui la place
dans un rapport conflictuel avec la langue arabe, symbole de l’identité arabo-musulmane.
Sur cette période coloniale, justement, et sur les pratiques langagières réelles, il existe
plusieurs avis. Certes, d’un point de vue officiel, la langue française était LA langue officielle
de l’empire (l’Algérie étant devenue un territoire, un prolongement de l’empire). Selon
Mostefa Lacheraf, pendant cette période coloniale, « les Algériens n’ont jamais cessé de
parler leurs langues populaires d’y fonder et d’y enrichir un humanisme parallèle
d’expression (…) on vous dit qu’on nous avait imposé l’usage du français. Le croire tout
bonnement, sans procéder à la moindre analyse, reviendrait à accorder un préjugé (social)
favorable au colonialisme, dans un pays qui compte près de 85% d’analphabètes bien qu’il
soit resté 130 ans en contact direct avec la langue française »131
Je rappelle à ce niveau que la langue française tout en dominant les pratiques langagières
administratives de l’Algérie, par le biais de ses institutions, durant la décennie 62-72, est
officiellement considérée depuis 1962, date de l’indépendance de l’Algérie, comme une
langue étrangère.
Quelle est la place réelle du français chez les locuteurs Algériens ? Je m’appuie sur une
étude de Yacine Derradji pour affirmer ce qui suit : Premièrement, la langue française a été
consacrée « première langue étrangère dans la société, les entreprises et dans les
tendances politiques et tous courants idéologiques confondus", site consulté le 26 mars 2016 :
www.aps.dz/algerie/36257‐révision‐de‐la‐constitution
130
Statistiques citées dans « la langue française dans le Monde 2010 » éd Nathan 2010,
131
Mostefa LACHERAF « l’Algérie, Nation et société »ed CASBAH, 2004, p283‐284
132
Pour l’anecdote, lors d’une conférence de presse, le Ministre de l’Industrie, Bouchouareb Abdesselem a
été interpelé par une journaliste arabophone qui demandait au ministre de répondre en arabe à sa question,
ce dernier a répondu « je parle comme je veux (…) l’important est que le message arrive » information du
17‐03 – 2016 sur le site france‐algerie.com/ .
49
133
Y.Derradji, « la langue française en Algérie.Etude sociolinguistique et particularités lexicales »thèse de
Doctorat d’Etat, Univ de Constantine, 2000.
Les données statistiques (1995/1996) Ministère de l’éducation Nationale/ Direction de la Planification, Sous
Direction des Statistiques, n°34 ONPS
Les données statistiques (1997/1998) Ministère de l’éducation Nationale/ Direction de la Planification, Sous
Direction des Statistiques, n°36 ONPS
134
Idem.
135
Aziza Boucherit « Quelques éléments sur la situation linguistique de l’Algérie », Rencontres français/arabe
‐ arabe/français. Construire ensemble dans une perspective plurilingue, Institut du monde arabe, 13‐14 nov.
2003, Paris, ADPF, p59
136
I. Chachou « Reflexions épistémologiques autour de l’état de la dénomination et de la hiérarchisation des
langues dans le discours universitaire algérien » revue socles n°1, décembre 2012.p
137
Khetiri Brahim « le Français et la norme dans l’institution scolaire en Algérie » in cahiers du SLADD, n°4,
p81
50
de bien parler la langue et d’autres qui, par comparaison, sont à condamner. On trouve ainsi
chez tous les locuteurs une sorte de norme qui les fait décider que telle forme est à proscrire,
telle autre à admirer : on ne dit pas comme cela, on dit comme cela, etc. »138Je complèterai
cette première approche par la citation de Khaoula Taleb Ibrahimi qui explique que « la langue
c’est par quoi et en quoi se réalise la socialisation de l’individu, la structuration de son être
social. Cette langue qui le met en relation avec l’individu, l’engage dans un double processus
où il y a reconnaissance à l’individu d’une identité, celle de membre d’un groupe,
reconnaissance acquise contre l’acceptation d’une loi, celle du groupe. Ainsi, étendue, la
langue définit la structure symbolique de la communauté ».139
Les représentations sont donc, d’abord, une notion psychologique. Elles se définissent
comme étant l’image individuelle ou la conception initiale que tout locuteur (en contexte
scolaire ou autre) se fait de la langue. Cette notion de représentation d’une langue a été
proposée pour la première fois par Emile Durkheim140 à travers l’étude des religions et des
mythes. Sa définition première de ce phénomène est la suivante :
« La société est une réalité sui generis ; elle a ses caractères propres qu'on ne retrouve
pas, ou qu'on ne retrouve pas sous la même forme, dans le reste de l'univers. Les
représentations qui l'expriment ont donc un tout autre contenu que les représentations
purement individuelles et l'on peut être assuré par avance que les premières ajoutent quelque
chose aux secondes. "141
Plus tard, Serge Moscovici, dans le domaine de la psychologie sociale, explique, en
parlant des représentations sociales (et non plus collectives comme les appelaient Durkheim)
« il n'y a pas de coupure entre l'univers extérieur et l'univers intérieur de l'individu (ou du
groupe). Le sujet et l'objet ne sont pas foncièrement distincts … se représenter quelque chose,
c'est se donner ensemble, indifférenciés le stimulus et la réponse. Celle-ci n'est pas une
réaction à celui-là, mais, jusqu'à un certain point, son origine. »142
138
Louis Jean Calvet « la sociolinguistique » éd Que sais‐je ? 1998, p 46.
139
KTI « les Algériens et leu (s) langue (s), dar le hikma 1997, p 73
140
Emile DURKHEIM, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Aris, éd Le livre de poche, 1991.
141
idem
142
Serge Moscovici, La psychanalyse, son image et son public, Paris, PUF 1961 (2è éd. 1976).
143
Denise JODELET, Représentation sociale : phénomènes, concept et théorie, in Psychologie sociale, sous la
direction de S. Moscovici, Paris, PUF, Le psychologue, 1997, p. 365.
51
Ali-Bencherif Zakaria, dans sa thèse d’Etat, définit les représentations comme étant « des
éléments de la conscience sociale imposés aux individus, un ensemble de références, de
normes, dont l’individu a besoin dans les relations inter- personnelles, lui permettant de
saisir son environnement, d’interpréter les évènements, de classer, voire de catégoriser et
transformer les faits ».144
Dans une démarche descriptive de ce phénomène mais, plus spécifique aux langues,
Branca- Rosoff désignera cette notion de représentations par « opinions stéréotypées »
véhiculées par les locuteurs « C’est l’ensemble des images que les locuteurs associent aux
langues qu’ils pratiquent ; qu’il s’agisse de valeurs esthétiques ; de sentiments normatifs ; ou
plus largement métalinguistiques ».145
Ainsi, les langues, et par conséquent leur pratique, ne seraient pas neutres.
Denise Jodelet parle d'affiliation sociale « Partager une idée, un langage, c'est aussi
affirmer un lien social et une identité ». 146 Les pratiques langagières sont donc jugées
positivement ou négativement et le choix au recours d’une langue devient systématiquement
porteur de sens, d’interprétation et de sentiments car, révélateur (selon le
locuteur/interlocuteur) d’un ancrage identitaire et culturel, d’un statut social,
« les représentations ont aussi pour fonction de situer les individus et les groupes dans le
champ social…(elles permettent) l'élaboration d'une identité sociale et personnelle gratifiante,
c'est-à-dire compatible avec des systèmes de normes et de valeurs socialement et
historiquement déterminés ».147
C’est dire que le décodage d’un ensemble de signes linguistiques ne suffit pas à
comprendre et interpréter un discours, un texte. Par ailleurs, je tiens à mentionner cette autre
citation de Foudil Cheriguen que je trouve parfaitement descriptive de ce
phénomène « quand la représentation n’est jamais absente, que peut signifier la notion de
144
Zakaria Ali‐Bencherif, thèse de doctorat, université de Tlemcen, 2010.
145
Branca‐Rosoff in « Situation sociolinguistique en Algérie » Ibtissem Chachou, l’harmattan, 2013, p 49.
146
D.Jodelet, op cité, p 376
147
MUGNY et CARUGATI, 1985, p. 183, cités par J‐C ABRIC, op. cité, p. 16.
148
Anne‐Marie Houdebine‐ Gravaud, « L’Imaginaire linguistique », L’Harmattan, 2002, p.10
149
Dominique SHNAPPER dans la préface de « Ecritures de l’identité » de Clara Levy éditions PUF, Vendôme,
nov 1998.
52
neutralité, sinon une attitude consciente de l’impossibilité à produire une objectivité sans
faille ? »150
Ces jugements peuvent avoir trait à la fonction esthétique d’une langue que l’on trouve
« belle ». Ce qui, scientifiquement parlant, n’a aucune valeur.
Le fonctionnement de la langue elle-même comme étant une langue « difficile » peut
également être l’objet de jugement. Puis, le jugement peut également être établi sur les
locuteurs pratiquant de cette langue. La langue devient alors un critère de classification
diverses : culturelle et cultuelle, sociale, intellectuelle et même révélateur d’une obédience
politique.
Selon Henri Boyer, « C’est une forme de savoir pratique reliant un sujet à un objet, une
forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée commune à un
ensemble social(…). C’est une instance intermédiaire entre concept et perception (…) elle se
situe sur des dimensions d’attitudes, d’informations, d’images (…)elle contribue à la
formation des conduites et à l’orientation des communications sociales (…) elle aboutit à des
processus d’objectivation, de classification, et d’ancrage (…) elle se caractérise par une
focalisation sur une relation sociale et une pression à l’inférence ; et surtout (…) elle
s’élabore dans différentes modalités de communication : la diffusion, la propagation et la
propagande ».151
La représentation d’une langue se situerait donc à la croisée du psychologique et du
sociologique chez tout locuteur multilingue. Ce croisement est d’autant plus important qu’il va
définir l’appartenance culturelle et identitaire du locuteur dans sa société.
Pour Khaoula Taleb Ibrahimi « Ce qui frappe dans les représentations des locuteurs
algériens dans leur discours sur la langue, c’est la manière dont elles fonctionnent, dont elles
se structurent. Les représentations langagières et les attitudes qu’elles sous-tendent selon un
schéma récurrent et quasi constant(…) celui de l’idéologie diglossique » 153 . Puis, de
s’interroger si les Algériens sont vraiment conscients que leur arabe algérien (dialectal) est une
150
F.Cheriguen « Essais de sémiotiuqe du nom propre et du texte » OPU, 2008 p 131.
151
Henri Boyer « langues en conflit » éd l’Harmattan 1991, p39.
152
KTI « les Algériens et leur(s) langue(s). Eléments pour une approche sociolinguistique de la société
algérienne » Dar l Hikma, 1997, p89.
153
Idem p 82
53
variante de l’arabe classique sur laquelle sont venus se greffer des emprunts laissés par les
différents épisodes de l’Histoire coloniale de l’Algérie, ou bien alors si cette polarité
diglossique serait si profondément intériorisée qu’ils ne le réalisent pas, craignant d’ôter sa
sacralité à la langue classique, celle de la révélation divine.
J’en veux pour preuve de cette diglossie profonde chez le locuteur Algérien, le plus banal
des exemples : celui d’un Algérien lambda à qui un journaliste tend un micro pour avoir son
avis sur un sujet quelconque. L’hyper correction du locuteur et son recours à l’arabe
institutionnel est un réflexe répondant au stimulus de « l’officialité » ici symbolisée par le
micro du journaliste « L’arabe algérien, parlé, dialectal, daridja ou maghrébin est considéré
comme un arabe fautif qu’il faut corriger par la langue pure, arabiya Fusha. Cette langue
arabe dialectale, qui est une autre langue que celle imposée par les pouvoirs étatiques, se
perçoit, par ceux-là mêmes qui la parlent comme une langue honteuse. D’où l’intérêt à
apprendre l’arabe pur, écrit de surcroît pour être promu dans l’échelle sociale, se constituer
en élite »154affirme Foudil Chériguen.
Cette variété d’arabe est proche de l’arabe classique (littéraire ancien) par sa
morphosyntaxe et sa phonologie. C’est la version de l’arabe classique « adaptée » aux besoins
modernes de communication formelle, différent de celui du Coran et des Mouâlaqates 156
(Mu’allaqate) antéislamiques. Cet arabe institutionnel est la langue intermédiaire utilisée dans
l’enseignement, les médias, les discours politiques et religieux.
Malheureusement, tous ne perçoivent pas cette différence entre les deux états de la langue
arabe, ce qui, selon Aziza Boucherit « obscurcit le débat sur l’arabisation, (…) le terme
classique est souvent utilisé pour désigner indifféremment ces deux états de langue ; certes
« classique » renvoie à un ensemble distinct de l’ensemble dit arabe « dialectal » cependant
cette confusion a l’inconvénient de dénier à l’arabe (tout classique qu’il soit) son caractère
154
F.Chériguen « Essais de sémiotique du nom propre et du texte » OPU, 2008, p 137.
155
Khaoula Taleb‐Ibrahimi « les Algériens et leur (s) langue (s) : éléments pour une approche
sociolinguistique de la société algérienne » Dar el hikma, 1997, p87.
156
Signifiant littéralement : suspendues. C’est l’Ensemble des poésies arabes antéislamiques représentant
l’anthologie de la poésie arabe médiévale. L'interprétation la plus ancienne et la plus populaire, apparue au
IXe siècle, veut que ces odes aient été jugées si excellentes qu'elles auraient été brodées en lettres d'or puis
suspendues à la kaâba de la Mecque. Les poètes les plus connus de cette période sont Imrou’l qays, Antar
Ibn chadad, Tarafa, Zuhayr bnou abi salma, Amr ibn Kaltoum.
54
de langue vivante, soumise, comme toutes les autres langues vivantes à des changements et
des variations dus à son usage dans le temps et l’espace, et d’entretenir l’idée que l’arabe
moderne est le même que celui du Coran ».157
Même dans les textes de loi, il n’a jamais été fait allusion aux variétés d’arabe. Quelle
variété d’arabe est la langue nationale en Algérie? S’agit-il de l’arabe classique ? L’arabe
moderne institutionnel ou l’arabe algérien ? Cet amalgame entre les variétés d’arabe a
engendré une résistance chez les arabophiles et arabophones qui sacralisent tout ce qui touche
de près ou de loin la langue arabe (classique ou moderne).
Cette variété d’arabe est devenue la langue refuge mais aussi un critère de distinction et de
légitimité158 pour les Algériens.
Bien que ce ne soit pas un point de vue scientifique, il n’en demeure pas moins que les
déclarations de Mohamed Fellag, qui est un personnage public, est intéressant dans le sens où
il fait partie de ceux qui assument complètement leur identité algérienne berbérophone « C'est
ma langue, le mélange des trois langues, c'est ma langue; c'est ça que je parle naturellement,
et elle est comprise naturellement, parce que le public est comme moi, que ce soit au marché,
dans la rue, dans le bus ou dans les milieux scientifiques, les gens parlent comme ça! [...] Moi,
je suis contre tous les purismes, je suis pour le mélange, je suis pour l'utilisation libre de toute
contrainte. Je ne suis pas linguiste, mais je pense que c'est comme ça que les langues sont
faites, en se mélangeant à d'autres langues. Travailler ces langues, ça m'amuse aussi; c'est
riche, on s'adapte tout de suite; un mot qui manque en arabe dialectal, hop! on le prend au
français et on le conjugue en arabe, on le triture et on en fait un mot.».160
157
Aziza Boucherit « l’arabe parlé à Alger »ANEP, Rouiba 2004, p18.
158
A titre d’exemple, la Ministre de l’Education Nationale, Mme Benghabrit Noria a connu depuis la date de
son installation une campagne de dénigrement par rapport à sa méconnaissance de la langue arabe
institutionnelle, ce qui prouve, dans l’imaginaire collectif, son incompétence pour être à la tête du secteur de
l’Education Nationale.
159
S.Chaker « Berbères aujourd’hui : Berbères dans le maghreb contemporain »2e édition révisée,
l’Harmattan, 1998. P9
160
M. Fellag est un comédien et humoriste algérien http://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/algerie‐
1demo.htm
55
C’est dans l’Histoire de l’Algérie, ou plutôt dans les orientations des politiques
linguistiques amorcées à l’indépendance que les tensions sociolinguistiques persistantes à ce
jour trouvent leur origine.
« Oulach Smah Oulach » signification : « pas de pardon » c’est par cet illustre slogan
kabyle que j’ai envie de résumer toute la situation linguistique mais aussi culturelle et
identitaire de la communauté berbérophone en Algérie.
Selon Dalila Morsly, le déni de reconnaissance réelle* du tamazignt par le pouvoir est à
l’origine de crispation identitaire de la part des berbérophones natifs. D’abord par rapport à
cette fixation de vouloir unifier tous les parlers berbères sous une seule langue fabriquée
appelée TAMAZIGHT et dont le résultat observé dans les manuels scolaires est un ensemble
de discours « inintelligibles car l’apprenant est confronté à des difficultés liées aux
néologismes et aux emprunts inter dialectaux (…)». 161 Ensuite, son introduction de son
enseignement dans certaines écoles du cycle moyen comme langue étrangère ne fait
qu’entériner son statut de langue étrangère au même titre que le français ou l’anglais en
Algérie.
Même un demi -siècle après l'indépendance, le sujet algérien n'a pas pansé toutes ses
plaies d'un point de vue représentatif des langues. Il demeure déchiré entre le mythe d'une
Nation Arabe et du PANARABISME rêvé par Nasser 162 véhiculé par la langue arabe
classique qui se trouve être d'abord la langue sacrée du Coran et, par la Modernité dont l'accès
se produit inévitablement par le français, qui est perçue par la majorité des algériens et l’Etat,
comme la langue honnie, la langue du colonisateur.163
La question linguistique aurait sans doute pu être réglée dès l’indépendance avec la
reconnaissance de l’identité berbère dans la nouvelle constitution de 1963 estiment certains
linguistes. Au lieu de cela, Ahmed Benbella 164 entérine la démarche « arabisante » en
proclamant dans ces quelques articles de la constitution de la jeune nation :
56
165
Y.Lacoste, « Enjeux politiques et géopolitiques de la langue française en Algérie : contradictions coloniales
et postcoloniales » http://www.herodote.org/spip.php?article288
166
Dalila Morsly « le français dans la réalité algérienne »thèse de doctorat, Paris V, 1988.p5
167
M,AKROUN cité par DOURARI in « entre monolinguisme d'Etat et plurilinguisme de la société » le soir
d'Algérie du 25.10.2010
57
langues, influencent les procédures et les stratégies qu’ils développent et mettent en œuvre
pour les apprendre et les utiliser »168 .
168
Farouk Bouhadiba in « Enseignement/ Apprentissage du français en Algérie : enjeux culturels et
représentations identitaires » manifestation université d’Ouargla NOV 2011, p 41
169
idem.
170
ibid
171
idem
172
KTI, « les Algériens et leur(s) langue(s) »p 87.
58
Mon insistance sur ce volet « représentations linguistiques » nous semble justifiée dans la
mesure où les attitudes du locuteur algérien à toutes les langues en contact n’est jamais censé
être « innocent » et les rapports passionnels qu’entretiennent l’Algérie et la France depuis
que leurs Histoires respectives ont été liées n’aident pas à l’objectivité dans le regard et la
représentation collective de la langue française.
173
idem
174
Référence faite au soulèvement des jeunes en Octobre 1988 qui aura été à l’origine du multipartisme et
de l’avènement de la liberté de la presse.
59
C'est donc en partie à cause de cette politique linguistique confuse que le niveau
linguistique des étudiants est de plus en plus faible, et que les moyens de prises en charge se
résument à des réformes successives. Pour y pallier, une séance hebdomadaire de français
comme matière transversale d'une durée 1h30 mn est programmée pour les filières
scientifiques.
Depuis 2003, ayant constaté cette dichotomie entre l'arabisation imposée dans le
programme de l'Education Nationale et la « francisation » du cursus universitaire, une réforme
a été introduite dès l'école primaire, notamment dans les matières scientifique : calcul,
mathématiques, technologie, sciences naturelles...Ainsi, à titre d'exemple, les problèmes de
calcul sont énoncés en arabe avec des unités transcrites en latin ( DA , Km, Kg,,,) Il en est de
même pour la géométrie où les droites, triangles ou autres segments sont désignés par des
lettres latines (A), (ABC), [AB]...En sciences naturelles, l'enseignant explique sa leçon en
arabe et cite les noms des réacteurs ou de l'expérience en français : exp en 1AM, la
« photosynthèse » est nommément indiquée sur le livre de l'élève au même titre que le
bromothymol ou le bleu de méthylène...Peut-on alors considérer pour autant que les élèves sont
bilingues ? A un niveau individuel, les facteurs inhérents à chaque apprenant font la différence
en matière de motivation ou de démotivation. Chaque étudiant apprendra selon ses propres
représentations de la langue française.
60
La volonté politique est clairement affichée à travers les stratégies et les programmes
arrêtés tant par l’Éducation nationale que par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Recherche Scientifique, depuis 2003, date de mise en place de ce système.
Le français ne s'étudie donc plus que pour son « utilité ». Doit-on pour autant se
permettre de ne pas apprendre le français estimant qu'il n'est pas nécessaire dans l'objectif
professionnel que l'on s'est fixé ? La communication n’est-elle donc pas « utile » ? Et la
littérature alors ? Peut-on, dans notre rôle d’enseignant, apprendre (transmettre) aux étudiants
une langue étrangère sans leur apprendre (transmettre) sa culture sans s’inscrire en faux dans
notre démarche d’apprentissage ? N’avons-nous pas toujours appris, qu’une langue est
indissociable de sa culture ? En revanche, ces représentations à l’égard d’une langue étrangère
sont totalement différentes chez l’Algérien quand il s’agit de l’anglais ou bien encore de
l’espagnol.
6-Conclusion partielle
L’Histoire est là pour nous prouver que l’ancrage des pratiques variationnistes dans
l’environnement linguistique des Algérie est une réalité malgré la complexité des relations
conflictuelles, diglossiques (voire pluriglossiques) qu’entretiennent les langues en présence
entre elles. Les orientations des politiques linguistiques nourries d’idéologismes parvenus
n’ont servi qu’à attiser ces conflits et à stigmatiser les usagers de chacune des langues en
présence : l’arabe algérien/l’arabe institutionnel/le français et les langues berbères.
Bien qu’à des degrés de compétence différents, la majorité des algériens sont
bi/plurilingues. Ceci est une autre réalité malgré les divergences de point de vue des
spécialistes sur les notions et les niveaux de bilinguisme individuel et collectif et surtout
malgré le discours officiel qui prône un monolinguisme fantasmé.
De ce déni volontaire du plurilinguisme de la société algérienne, et surtout par le refus
officiel de reconnaître un statut, du moins, une existence, à l’arabe algérien et au français, la
société algérienne, notamment son école, se débat dans considérations identitaires, loin de
servir son épanouissement et son évolution.
61
CHAPITRE 2
62
1-Introduction partielle
Dans ce chapitre, je m’intéresse de manière générale aux langues des médias en Algérie.
J’aborde d’abord dans la première partie les médias audiovisuels puis, dans le deuxième
point, la presse écrite francophone, notamment la presse ayant émergé après 1990, date de
l’ouverture du champ médiatique en Algérie.
Mes recherches m’ont permis de constater que la réalité des pratiques langagières
actuelles n’est pas le reflet du discours officiel qui prône l’arabisation et la langue arabe
comme étant seule langue officielle. C’est dans ce sens, que je soumets dans le paragraphe
suivant les textes de loi régissant l’usage des langues dans la presse.
Par ailleurs, malgré une guerre menée par la politique linguistique contre le français après
l’indépendance, une prolifération de titres de journaux en langue française après l’ouverture du
champ médiatique en 1990 est venue contredire le discours politique et prouver que le
français était une langue d’accès à l’information au même titre que l’arabe. Pour mieux étayer
cette réalité, je propose, entre autres recherches, une enquête réalisée auprès des étudiants de
master 1 Français des médias et de la Communication de l’université de Mostaganem,
Abdelhamid Ibn Badis, autour de la lecture journalistique, il s’agit du paragraphe intitulé
« quel lectorat pour quelle presse ? »
Par la suite, et toujours dans le but de mieux appréhender l’interprétation des pratiques
langagières plurilingues que j’étudie, je tente de définir les contours du genre textuel auquel
appartient la chronique journalistique. En effet, mes lectures avisées des chroniques et ma
curiosité scientifique, m’ont permis de comprendre que, plus qu’un autre écrit journalistique,
la chronique était un espace où se concrétisait à la fois le rendu de l’information, le style
individuel du locuteur, sa représentation de la langue qu’il utilisait et son choix délibéré d’user
ou pas d’une autre langue autre que le français, c'est-à-dire de recourir ou pas à l’emprunt.
C’est dans ce cinquième point que je tenterai d’expliquer comment se manifeste ce contact des
langues, de manière générale, dans les chroniques, et, l’emprunt en particulier.
D’un autre côté, le ton, jamais neutre de ces chroniques fait qu’il y a des effets de pathos
qui sont réalisés à travers des figures de style dont l’humour et l’ironie sont les plus
récurrentes. Ce sont ces marques de l’énonciation que sont la rhétorique, l’ironie et la
connotation que je me propose d’étudier successivement en dernier lieu.
63
Placées sous l’autorité du Ministère de l’information sur la base du décret du 1er aout
1963, la radio et la télévision se sont vues assignées la mission de service public. La radio
Algérienne assura dès lors des programmes en deux langues nationales (Arabe et Tamazight)
ainsi que les langues étrangères (Français, anglais et espagnole)
Après une série de restructurations, la radio Algérienne a lancé depuis 1991 son plan de
diversification de ses programmes et de redéploiement géographiques et ce, grâce au réseau
de ses radios locales et thématiques, ce qui lui permet en 2012 de totaliser 55 chaînes
radiophoniques, dont 3 chaînes nationales diffusant en 3 langues : la Chaîne 1 en Arabe, la
Chaîne 2 en Tamazight et la Chaîne 3 en Français. Quatre chaîne thématiques : Radio Coran,
Radio Culture, Jil Fm et Radio Algérie Internationale (RAI) qui diffuse en 4 langues (l’Arabe,
le Français, l’Anglais et l’Espagnol). Et 48 radios locales.Ces radios locales pratiquent une
presse de proximité mais, émettent de manière simultanée les informations nationales deux
fois par jour à 13h et 17h.
1
Informations recueillies auprès du site :http://www.djazairess.com/fr/latribune/13523
2
http://radioalgerie.dz/news/fr/article/20150504/39267.html consulté le 06.05.2015
*HCA : Haut Commissariat à l’Amazighité
3
A ce niveau, je suis désappointée par rapport à la définition que se fait le ministre de la Communication
d’une langue « nationale » et je me demande pourquoi est‐ce que des sessions de formation devraient être
prévues à des journalistes pour apprendre ce qui est censé être leur langue nationale ?Mais, je dois avouer
que cette même annonce ne fait que conforter la thèse de Dalila Morsly qui dénonce la préfabrication du
64
La télévision n'a fait son apparition qu'en décembre 1956, et, elle n'était qu'un service
restreint qui fonctionnait selon des normes françaises, car « le pacte colonial excluait par
définition tout algérien du bénéfice du progrès qu'il fût : Economique, social, culturel,
scientifique ou technique »4. La radiodiffusion et télévision implantées en Algérie n'allaient
bien sûr pas échapper à la règle.
Les programmes diffusés étaient donc importés de France et servaient à reproduire les
rapports de domination culturelle institués par la colonisation.
Le 1er Août 1963, la radiodiffusion télévision algérienne a été créée. Sur le site 5de l’ENTV,
on peut lire les informations suivantes :
Tamazight et la volonté du pouvoir d’en faire une langue berbère unique. Aussi, Une telle démarche, même
si elle est saluée par les parties « berbéristes », demeure un non évènement pour la majorité. Il ya lieu de
souligner qu’au même titre qu’el moudjahid ou Echaab, par la simple volonté politique, l’Etat aurait pu
subventionner un titre de presse quotidien en tamazight. Mais, il n’en fut rien.
4
Bouba Bouchair‐Boubekri article en ligne http://www.revue‐signes.info/document.php?id=2242 « Le
débat télévisé en Algérie : spécificités argumentatives et environnement de production ».
5
http://www.entv.dz/tvfr/dossiers/index.php?id=4&voir=314 information recueillie le 07.01.2016
65
audiovisuels avaient trait aux campagnes de vaccination, aux inscriptions sur les listes
électorales…des messages à caractère citoyen ou d’intérêt public et parfois même
pédagogique.
Mais, avec l’installation en Algérie des multinationales, notamment dans la téléphonie, le
contact de langues a été introduit dans les supports médiatiques publicitaires. Ce
multilinguisme apparait sous la forme d’arabe classique/arabe algérien ou bien Français/arabe
algérien.
Dans une recherche sur les contacts de langues en milieu publicitaire en contexte
Algérien, Chachou Ibtissem avait mis en exergue que « le plurilinguisme est exploité par les
créatifs (…) il est une stratégie de communication à des fins mercatiques de la part des
publicitaires »6
Bien que « l’Estafette » soit le premier journal apparu en Algérie dès 1830, il n’empêche
que cet organe exclusivement destiné aux troupes armées déployées dans cette nouvelle
colonie de l’empire n’a pas joué un rôle important d’un point de vue communicationnel. De ce
fait, l’évolution de la presse musulmane en Algérie est divisée par Claude Collot 7 en 3
grandes périodes
1- de 188l à 1925 :
2- De 1925 à 1947 :
3- De 1947 à 1962 :
6
Chachou Ibtissem voir le lien thèse en ligne https://tel.archives‐ouvertes.fr/tel‐00650009/documen
7
Claude Collot, « Le régime juridique de la presse musulmane algérienne 1881‐1962» Revue algérienne des
sciences juridique économique et Politique,, juin 1969., p 339
66
seulement en Algérie 8 , aurait plus d’un siècle contrairement aux allégations ou aux
suppositions de certains qui la pensaient née après l’indépendance, en 1962.
«Le voyage de Ben Siam»9, du nom de son auteur, fut le premier reportage en langue
arabe composé de 05 longs articles (plus ressemblant à un carnet de voyage très pratiqué à
cette époque) il fut publié à partir du 15 juin 1852 dans le journal Al-Moubacchir (le
messager). Ce reportage avait pour objet le couronnement de Napoléon III en 1852, cérémonie
à laquelle, Slimane Ben Siam fut convié. A cette époque déjà, deux publications existaient,
sous contrôle colonial évidemment : el Moubacchir et l’Akhbar. Zoubir Seif el islam estime
que « Cette première génération de journalistes a contribué à l’introduction de la
«modernité politique et sociale» dans l’Algérie colonisée de la fin du XIXe siècle ».10
Selon Himeur Arezki11, en 1866 déjà, le nombre de journaux édités en Algérie, s’élevait à
15, sans compter quelques revues littéraires et scientifiques. Ils furent publiés essentiellement
à Alger (6), Constantine (5) et Oran (4).
Dès 1880, le nombre grimpa à 74 titres. Tous au service de la colonisation. La grande
majorité était éditée en français. Mais il y avait aussi une petite poignée paraissant en
espagnol, tels que La Fraternidad et El-Putuet, et en arabe comme L’Akhbar, El-Mountakheb,
Mobacher à titre d’exemples.
Depuis ces prémices, beaucoup de noms prestigieux ont pris la plume pour endosser le
rôle de « journalistes » mais, jusqu’à l’indépendance, on ne peut parler que de journalisme
militant, engagé pour la cause nationale.
Au fil du temps, et avec l’accès à l’instruction des Algériens colonisés, la conscience
« patriotique » s’éveilla et le journal devint un vecteur incontournable pour la transmission
des pensées, et des idées militantes, revendicatrices de liberté, du moins d’égalité avec le
colon. C’est ainsi que les mouvements politiques eurent chacun leur propre support médiatique
d’information.
La langue dudit support importait peu : arabe ou français. L’essentiel était dans le message
nationaliste et dans l’adhésion des lecteurs à la cause Nationale. Parmi ces noms illustres,
Omar Racim, plus connu dans le monde artistique, (qui signait ses articles el djazaïri) lança
dès 1908 son premier journal « el Djazaïr », suivi de « el hak » en 1911 puis du troisième,
« Dou el Fikar ». Les lignes éditoriales de ces trois publications étaient nettement
nationalistes.Omar Benkaddour el Djazaïri 12 quant à lui, créa le premier mensuel « el
Farouk » en 1913 et, l’Emir Khaled (petit fils de l’Emir Abdel Kader) lança en 1919 el
Ikdam.
8
En réalité le premier journal publié en Algérie remonte à juin 1830, « l’Estafette d’Alger », un journal
militaire adressé aux contingents débarqués sur les côtes d’Alger. En 1871, « le moniteur d’Alger », un
bimensuel apparaît dans les deux langues français/arabe pour faire l’apologie du colonialisme auprès des
« indigènes » lettrés.
9
Si Slimane Ben Siam, auteur de « Relation du voyage en France » texte français et texte arabe. ‐ Riḥlat...
Solaymān ibn Ṣayyām ilà bilād Firānsa. ‐ Un autre titre arabe à la couv. : al‐Riḥla al‐Ṣayyāmīya
Édition : Alger : Impr. du Gouvernement , 1852
10
Informations recueillies sur « le jeune indépendant » du 14 .09.2009
11
Arezki Himeur, Presse écrite‐Période coloniale site : http://www.almanach‐
dz.com/index.php?op=fiche&fiche=2697
12
un savant réformateur du début du siècle dernier, qui s’est distingué comme brillant journaliste avant de
se convertir au soufisme, à la fin de sa vie.
67
L’Association des Oulémas menée par Ben Badis fonda « Echihab » dès 1926. L’Etoile
Nord-Africaine, créa en 1930 « el Oumma ». Le PPA (Parti du Peuple Algérien) lança dès
1936 « le Peuple ». Il y eut par la suite d’autres journaux, notamment « Liberté », puis
« Alger Républicain » en 1938. Ce dernier s’est distingué par la collaboration prestigieuse
d’Albert Camus, Mouloud Feraoun, et Kateb Yacine, entre autres. Il a été fondé par le Parti
Communiste Algérien. Bien que ces deux organes fussent l’œuvre de Français d’Algérie, leurs
Conseils d’administrations comptaient des Algériens autochtones. Ces journaux étaient le
porte-voix du petit peuple. D’ailleurs, il suffit de connaître le sort qui a été réservé à Alger
Républicain par le Gouvernement colonial pour s’assurer de leur aspect « dérangeant » à
cette époque. « AR »13 fut interdit à plusieurs reprises à cause de ses prises de positions : 1939
et 1955.
A l’indépendance, en 1962, Alger Républicain réapparaît. Il est le journal le plus lu. Mais,
dès 1965, après le coup d’Etat de Houari Boumediène 14 , il est une nouvelle fois l’objet
d’interdiction de diffusion.
Seuls les journaux de l’Etat, ou plutôt du FLN15, parti unique à l’époque pouvaient exister.
Pourquoi ? Pour la raison évidente que, de tout temps, dans les pays où les régimes
dictatoriaux et totalitaires ont régné, l’information a été considérée comme un pouvoir
parallèle, dans le sens où le journal (le journaliste) est un faiseur d’opinion, à même de
rassembler des masses, de les influencer et prendre le risque de les dresser contre le pouvoir en
place.
Entre 1962 et 1990, l’Etat algérien ne pouvait pas prendre un tel risque. C’est pourquoi, il
a gardé le monopole des médias lourds (Télévision, radio et presse écrite).
D’ailleurs, avant 1985, seuls quatre titres existaient : « El Moudjahid », « Algérie
Actualités », « El chaab »et « el djoumhouria » (ex la République) en plus des bureaux de
l’APS (Agence Presse service), unique source d’informations, dont les articles étaient en
réalité, bien plus comparables à des communiqués ou des comptes rendus qu’à des articles
d’information et d’analyse. En parallèle, existait aussi « El Djaïch », le journal de l’armée
algérienne. En 1985, « Horizons » en français et « el Massa » en arabe, sont venus enrichir
ce paysage médiatique. Pour ce qui est de la presse berbérophone, « plusieurs tentatives de
création de presse partisane, associative ou indépendante de langue berbère ont été
enregistrées depuis l’ouverture du champ médiatique au début des années 90, (…) le manque
de lectorat a sans doute été à l’origine de l’échec de ces tentatives explique Achour Cheurfi qui
ajoute que « le seul journal (Assalu) lancé par le RCD exclusivement consacré à l’amazighité
a cessé de paraître à son 44e numéro pour des raisons financières »16
Aujourd’hui, plus d’un quart de siècle après la circulaire (03 avril 1990) Du
Gouvernement Hamrouche 17mettant fin au monopole de l’Etat sur la presse écrite, peut-on
parler de manière objective de l’existence d’une presse libre en Algérie ?
13
Acronyme pour « Alger Républicain ».
14
Houari Boumédiene de son vrai nom Mohamed Boukherouba était le 2é président algérien parvenu au
pouvoir après un coup d’Etat le 19.06.1965. Décédé le 27 décembre 1978.
15
Front de Libération National : parti crée en 1954. Il crée l’armée de libération nationale qui mena la
révolution algérienne entre 1954 et 1962. Le FLN fut le parti unique en Algérie jusqu’en 1991.
16
A.Cheurfi « la presse algérienne : genèse, conflits et défis »Ed Casbah, Alger 2010, p44.
17
Mouloud Hamrouche, Chef du Gouvernement du 9.9.1989 au 25.07.1990
68
En 1990 les Algériens sont censés avoir obtenu leur « multipartisme » et leur « liberté
d’expression ». Mais, est-ce pour autant que la démocratie est réelle en Algérie ? Rien n’est
moins sur, et les évènements à venir le prouveront : Entre 1993 et 1997, cinquante sept (57)
journalistes ont été tués en Algérie. Leurs exécutions ont été revendiquées par les groupes
terroristes qui sévissaient à cette époque en Algérie : GIA (Groupe Islamique Armé) et AIS
(Armée Islamique du Salut).
En effet, même si en surface ce décret a été publié, il reste toujours quelques secteurs où
le monopole de l’Etat persiste. Analysé sous un angle économique, l’argent demeurant
toujours le nerf de la guerre, même celle de l’information ; surtout celle de l’information, on
s’aperçoit vite de la supercherie. Il faut préciser que la publicité (poumon d’un journal car elle
en est la véritable source financière) demeure à ce jour institutionnalisée par une structure
étatique, en l’occurrence l’ANEP (Agence Nationale des Editions et de la Publicité).
Cette instance gère en 1995 à hauteur de 85% du marché publicitaire des journaux20. A
ce jour, Les structures étatiques n’ont toujours pas le droit de choisir le journal sur lequel elles
veulent faire paraître une annonce, un avis, un communiqué…Toute publication publicitaire
18
B.Mostefaoui in « Médias et liberté d’expression en Algérie » éd el Dar el Othmania, Alger, Nov 2013,
préfacé par Ali‐ yahya Abdenour
19
Presse 1988/1992 historique ½ par Belkacem‐Ahcène Djaballah voir lien : http://www.almanach‐
dz.com/index.php?op=fiche&fiche=2486
20
Estimée selon Mostefaoui à 1 milliard de dinars en 1995. L’ANEP suspend en 1996 ses contrats avec el
watan puis en 1997 avec Liberté, pour « délit d’informer ».
69
doit impérativement être gérée par l’ANEP21. D’où le pouvoir, indirect mais réel, de cette
instance sur les lignes éditoriales des journaux qui ne peuvent se passer de cette manne
financière.
Par ailleurs, en 1990, cinq sociétés ont le monopole de l’impression de tous les titres à
travers le pays ( avec tout ce que cela comporte comme aléas de pénurie de papier et de grève
du personnel et de politique de quota imposé par titre…) 22 : L’imprimerie du quotidien
gouvernemental El Moudjahid (SIMPRAL), l’Entreprise algérienne de presse (ENAP), la
Société d’impression de l’Ouest (SIO), la Société d’impression d’Alger (SIA), la Société
d’impression de l’Est (SIE).
Le tristement célèbre journal « le matin » fondé en 1991, fut suspendu en 2004 et son
siège vendu aux enchères. La cause officielle de cette fermeture est le non-paiement de dettes
cumulées auprès de la SIA. 24 Celui-ci va renaître en 2007 sous la version numérique
http://www.lematindz.net.
En septembre 2014, « Les imprimeries publiques ont récupéré 40 milliards de centimes
sur 400 milliards de centimes de créances impayées qu’elles détiennent auprès des
journaux », précise M. Grine dans une déclaration à TSA. 25 c’est dire si la politique de
monopole se maintient.« J’appelle les imprimeries publiques à ne plus faire de cadeaux aux
journaux endettés et à récupérer leurs créances », ajoute M. Grine.
21
Agence Nationale de l’édition et de la publicité, créée en 1967, il s’agit d’une entreprise étatique qui
détient le monopole des publicités étatiques exigées pour certains secteurs tels que les appels d’offres de
marchés, les études notariales, etc.
22
On se souviendra de l’épisode de la pénurie de papier qui a eu lieu en mai 1995 et qui eut comme
conséquence des kiosques vides.
23
Comité de justice pour l’Algérie « les violations de la liberté de la presse »Dossier n°7 réalisé par François
Gèze et Sarah Kettab, , juin 2004, voir le lien
24
Son directeur Mohamed Benchicou a été arrêté le 14 juin 2004 à l’aéroport d’Alger et emprisonné pour deux années
Officiellement pour avoir été en possession de bons du Trésor ce qui constitue une infraction à la réglementation sur le
mouvement des capitaux. Mais, il ne faut pas omettre d’ajouter que Benchicou avait écrit et publié en France juste
avant les élections présidentielles de 2004 un livre pamphlet sur le président Bouteflika, « Bouteflika, une
imposture algérienne » .
25
TSA journal en ligne Tout Sur l’Algérie
70
En parallèle à cette presse « libre » naissante, une instance de censure appelée « comité de
lecture » au niveau des imprimeries allait également naître. C’est dire si la notion liberté en
Algérie est relative et polysémique, selon que l’on soit d’un côté ou de l’autre du pouvoir.
Et, pour clore cet épisode historique sur les circonstances de la naissance de la presse
libre, il ne faut pas occulter un volet très important : la pénalisation du délit de presse.
En effet, en 2001, un amendement a été opéré sur l’article 144 du code pénal 26 portant la
pénalisation du délit de presse. Un texte de loi prévoit : « Est punie d'une amende de 100.000
DA à 500.000 DA toute personne qui offense le Président de la République par une expression
outrageante, injurieuse ou diffamatoire, que ce soit par voie d'écrit, de dessin, de déclaration,
ou de tout autre support de la parole ou de l'image, ou que ce soit par tout autre support
électronique, informatique ou informationnel. Les poursuites pénales sont engagées d'office
par le ministère public. En cas de récidive, l'amende est portée au double ». L’article 144 bis
Un autre article comprend des peines identiques et concerne les «outrage, injure ou
diffamation » envers le Parlement ou l’une de ses deux chambres, les juridictions, l’Armée
nationale populaire et les corps constitués». L’article 146
Dans le cadre de l’application de cette loi, des centaines de journalistes et leurs directeurs
de publications ont été condamnés. En mai 2006, « dans le souci constant du Chef de l’Etat à
préserver, consolider et renforcer la liberté de la presse » soulignait le communiqué, le
Président de la République27 décide de gracier environ 200 journalistes.
Dans son analyse des idéologies, Noam Chomsky explique : « N’oublions pas comment
s’impose une idéologie. Pour dominer, la violence ne suffit pas. Il faut une justification d’une
autre nature. Ainsi, lorsqu’une personne exerce son pouvoir sur une autre – que ce soit un
dictateur, un colon, un bureaucrate, un mari, ou un patron-, elle a besoin d’une idéologie
justificatrice, toujours la même : cette domination est faite « pour le bien » du dominé. En
d’autres termes, le pouvoir se présente toujours comme altruiste, désintéressé et généreux ».28
En 2011, un nouvel amendement sur cette même loi (144 bis1) exclut la responsabilité du
directeur de la publication et fait endosser l’entière responsabilité de l’article à son signataire,
en l’occurrence le journaliste. La même année, pour marquer la journée de la presse, le 03.mai,
le Président de la République 29 fait part de son intention de dépénaliser le délit de presse.
Mais, les évènements postérieurs nous prouvent que rien n’a changé.
71
de prison ferme pour « offense au président de la république ». Ledit journaliste blogueur avait
eu « l’indélicatesse » de publier sur son blog un poème satirique visant le président Bouteflika.
Après une grève de la faim entamée en Août 2016, il décède en prison le 11.12.2016. Un autre
cas de condamnation, celle du journaliste arabophone hassan Bouras accusé « d’outrage à
magistrats, outrage à corps constitué et exercice illégal d’une profession réglementée » et
condamné en conséquence à un an de prison ferme en novembre 2016.
Autrefois solidaires dans leur lutte commune pour la liberté d’expression, voilà que les
journalistes, et les propriétaires de journaux surtout, commencent à se livrer à la conquête du
plus grand nombre de lecteurs et surtout au plus grand marché publicitaire obéissant à la
diversité de la demande qu’a engendré le multipartisme et l’ouverture au marché international.
D’ailleurs, beaucoup de lecteurs ne croient pas à cette liberté de la presse et affirment que tous
les titres en Algérie sont parrainés par des « clans » du pouvoir.
Les Directeurs de journaux ont bien compris que pour être réellement libres, il fallait être
indépendants, financièrement parlant et ne plus se soumettre à ce « chantage » du pouvoir. En
2001, El watan (français) et El khabar (arabe) éditent leur premiers numéros dans leur
propre imprimerie (rotative) qu’ils viennent d’acquérir conjointement.
La presse francophone en Algérie constitue, selon moi, un vecteur des plus importants de
la francophonie, dont les journalistes sont le moteur qui contribuent de manière très
significative, en parallèle avec l’école, à faire vivre cet idiome menacé par le spectre de
l’arabisation globale, du monolinguisme et de la culture unique.
Avant 1990 l’Algérie ne comptait que trois quotidiens francophones à savoir : Alger
Républicain, El Moudjahid et Horizons 2000 devenu progressivement Horizons. Le quatrième
étant un hebdomadaire : Algérie Actualités.
Saïd Mekbel, un des trois chroniqueurs dont j’ai analysé le contact des langues dans les
chroniques fait partie de cette génération de journalistes qui ont vécu et écrit pendant ces deux
périodes. Il m’a donc semblé intéressant de voir si de tous temps, les chroniqueurs algériens
mettent les langues en contact dans leurs productions ou bien si l’ouverture du champ
médiatique avait révélé et exacerbé le bi/plurilinguisme des chroniqueurs.
30
Citation d’Ali‐Yahya Abdennour, idem
72
31
Gilles Kraemer « la presse francophone en méditerranée »éd Maisonneuve & Larose, mars 2002, p 26.
32
idem
33
« Hizb frança » expression intégralement transcrite de l’arabe signifiant le parti de France. Cette
expression est employée pour décrire les affinités avec la culture française.
34
A.ABACI : « presse francophone en Algérie : entre discours officiel et réalité linguistique »article dans
Langues et Médias en Méditerranée, ed l’Harmattan, juillet 2012, p 26.
73
I-Dispositions générales
Art. 6.
Les publications périodiques d'information générale, créées à compter de la promulgation
de la présente loi, sont éditées en langue arabe.
Toutefois, les publications périodiques destinées à la diffusion et la distribution nationale
ou internationale et les publications périodiques spécialisées peuvent être éditées en langues
étrangères après avis du Conseil supérieur de l'information.
Art. 7.
Le Conseil supérieur de l'information peut interdire, par décision motivée, l'utilisation
d'une langue étrangère par des périodiques d'information générale.
Cette décision est susceptible de recours devant la chambre administrative de la cour
suprême.
Art. 13.
Les organes de la radiodiffusion sonore, relevant du secteur public, se chargent au niveau
de la chaine spécialisée dans la diffusion des cultures populaires par l'utilisation de tous les
dialectes populaires aux fins de communications et d'enracinement, dans la société, du
principe d'unité nationale et des valeurs arabo-islamiques. Les modalités d'application de cette
disposition seront fixées par voie règlementaire.
I-Dispositions générales
74
Les titres de la presse francophone, malgré leur diversité et leur nombre important,
représentent une partie minoritaire en termes de tirage. En moyenne, Le lecteur âgé de trente
ans en 1990 avait suivi un cursus scolaire francophone ou bilingue.
Par conséquent, toutes les générations antérieures étaient entièrement francophones et ce
sont elles qui constituaient le lectorat de cette presse d’expression française. A ce propos,
Kreamer affirme dans ses travaux que ce bilinguisme est une particularité du lectorat
algérien« ...Dans le cas où l’acquisition d’une langue étrangère est parfaite et qu’elle ne
s’accompagne pas d’une perte de la langue maternelle, il y a bilinguisme ; c'est à dire que le
locuteur possède ces deux langues au même titre que ceux pour qui elles sont la langue
maternelle »35
Néanmoins, même si le lecteur algérien ne maîtrise pas parfaitement de la même façon les
deux langues qui coexistent dans la presse, il possède les compétences d’utiliser les deux
langues en alternance.
Dans son étude sur les enjeux linguistiques de la presse algérienne, Hadj Miliani estime
que « Le développement de la presse est un des indicateurs les plus significatifs quant à la
singularité du champ médiatique algérien et un cas intéressant de profils linguistiques en
compétition. Il se révèle, depuis une vingtaine d’années, comme un secteur culturel qui a le
plus bénéficié de l’ouverture démocratique de la fin des années 80, et un des segments de
l’industrie culturelle qui s’est ouvert le premier aux investissements privés nationaux. Cette
dynamique amis en perspective une forte diversification tant dans les orientations
idéologiques que dans les contenus (…) »36.Mais, ce qu’il ne faut pas occulter, c’est qu’au
même moment où les lecteurs francophones disparaissaient, les journalistes francophones se
raréfiaient naturellement et inéluctablement, car, issus de la même génération. Je pourrais
également avancer la thèse de l ’ absence d ’ institut de journalisme francophone. Tous les
35
G.Kreamer in « La presse francophone en méditerranée » éd Maisonneuve &Larose, 2002, p 26.
36
H.Miliani in « La presse écrite en Algérie, positionnements médiatiques et enjeux linguistiques » revue
multilinguales Univ Béjaïa,
75
Les chiffres avancés par le ministère de la communication au printemps 2013 affichent une
progression du nombre de quotidiens : 131 titres nationaux dont 95 de droits privés (51 pour les titres
en arabe et 44 pour les titres en français). Le paradoxe dans cette réalité est que malgré le nombre très
élevé de journaux, ils ne sont pas révélateurs d’une réelle liberté d’expression car, la majorité des
lignes éditoriales de ces titres ne sont pas critiques (dans l’opposition) et, en plus, la presse régionale
et/ou locale n’a aucun poids politique. « Le lectorat francophone, pour sa part, (...) s’est rétréci
comme une "peau de chagrin" avec pour seuls renouvellements ou apports nouveaux quelques lecteurs
arabisants soucieux de s’ouvrir sur "’autre" ou voulant améliorer leur connaissance de la langue
française (encore dominante dans la sphère économique, industrielle et scientifique)... et depuis
quelques années avec la révolution des TIC (internet entre autres), l’arrivée sur le marché des lecteurs
de jeunes portés sur les langues étrangères et peu soucieux des considérations idéologiques ou
nationalistes. Mais tout cela ne fait pas des évolutions rapides et conséquentes. » 37
Combien même le nombre de ces titres suscite l’optimisme, ils englobent à la fois les
hebdomadaires et les journaux de proximité (locaux et régionaux). Les seuls chiffres publiés,
auxquels j’ai eu accès, sont ceux de 2010 où l’organisme international des médias et journaux,
4 International Media & Newspapers 38, a classé les journaux algériens en fonction de leur
popularité.
1er – El Khabar (arabe)
2ème – El Watan – (français)
3ème – Liberté – (français)
4ème – Le Soir d’Algérie (français)
5ème – La Tribune (français)
6ème – Ech-Chorouk El-Youmi (arabe)
7ème – Le Quotidien d’Oran (français)
8ème – L’Expression Alger (français)
9ème – La Dépêche de Kabylie (français)
10ème – Le Jeune Indépendant – (français)
11ème – Horizons (français)
12ème – El Moudjahid (français)
13ème – Le Financier (français)
14ème – Al Fadjr (arabe)
15ème – Ech Chaâb (arabe)
37
Ahcène Djaballah cité par Hadj MILIANI in « LA PRESSE ECRITE EN ALGERIE, POSITIONNEMENTS MEDIATIQUES ET
ENJEUX LINGUISTIQUE »
38
4 IMN est un organisme présenté sous forme d’annuaire international axé sur les journaux du monde
entier. Il classe 7000 journaux par critère de popularité sur Internet dans 200 pays.
76
Une autre étude réalisée en 2010 toujours par la société IMMAR Research & Consultancy39,
spécialisée dans des études et du conseil marketing en Afrique sub-saharienne et en Afrique du
Nord, les lecteurs francophones en Algérie, sont à peine 10 % du total du lectorat estimé à
15 925 000 lecteurs. Selon cette étude 25% des lecteurs sont bilingues, soit 1 lecteur sur 4.
Par contre 65% des lecteurs de la presse quotidienne en Algérie sont arabophones.
Ainsi, à la lecture de ces statistiques, de façon globale, la presse quotidienne francophone
est de 4 459 000 lecteurs, alors que la presse arabophone peut compter 1 466 000 lecteurs : soit
plus du double.
39
IMMAR Research&Consultancy est un organisme installé à Paris qui a effectué une recherche et établi des
statistiques en 2010 sur les lecteurs internautes algériens. Les résultats ont été publiés par la presse et repris
par le Professeur Hadj Miliani.
40
Chiffres avancés par B. Mostefaoui in « Médias et liberté d’expression en Algérie » éd El Dar el Othmania,
Alger 2013,p 72
41
Sondage réalisé par l’Agence Média&Survey en 2012
77
Les 39.34% restants sont attribués respectivement aux titres : El Watan, Liberté, le
Soir, Le Quotidien, El moudjahid, le Buteur et l’expression.
Il est évident que la presse francophone a subi une véritable déperdition en termes de
lectorat depuis les années 90.
Les raisons de cette profonde mutation sont multiples, liées en premier lieu au système
éducatif national (le processus d’arabisation et l’école fondamentale) mais, pas seulement.
La création des journaux en ligne a également contribué à la diminution du lectorat
francophone.
Le vieillissement de la génération purement francophone ou bilingue.
Et, naturellement, l’arrivée sur le marché la nouvelle génération dont le cursus scolaire a
été et est totalement arabophone jusqu’à l’université où le changement s’opèrera en fonction
des filières étudiées.
Afin d’étayer ma recherche, j’ai entrepris d’interroger 40 étudiants (30 filles et 10 garçons
du master1 langue et communication du département de français de la promotion 2016/2017)
sur leur lecture des titres de presse nationale. Mon questionnaire comportait deux questions
fermées et deux questions ouvertes :
Sexe Âge
Lisez- vous la presse écrite algérienne ? OUI NON
Pourquoi ?
En quelle langue lisez-vous le journal ? Arabe français
Pourquoi ?
Résultat du sondage : « pour les filles : 13 filles lisent contre 17 qui ne lisent pas. Les
raisons principales évoquées pour celles qui ne lisent pas est le manque d’intérêt, le manque de
temps et le manque de crédibilité des informations de la presse algérienne ainsi que la
préférence de l’audiovisuel et des réseaux sociaux. Celles qui lisent expliquent qu’elles lisent
pour être au courant de l’actualité du pays ou bien pour le plaisir de lire. La langue choisie
pour la lecture est le français pour 7 d’entre elles qui y trouvent un moyen d’améliorer leur
niveau linguistique. 5 autres lisent dans les deux langues arabe et français car, le français est
une langue d’études alors que l’arabe est plus facile pour elles (habitude, identité arabe). Une
dernière avoue ne lire qu’en arabe car elle ne comprend pas le français.
Pour les garçons, 7 lisent contre 5 qui ne lisent pas. Les raisons évoquées sont similaires à
celles des filles. Pour les langues de lecture, 4 étudiants lisent en français car ils « aiment cette
langue ». 2 étudiants lisent dans les deux langues et expliquent cela par le fait que l’arabe est
« langue maternelle » et que le français est une langue d’apprentissage. Le dernier étudiant lit
exclusivement en arabe estimant que la presse arabophone est plus « vaste » et plus
« claire ».(voir les réponses en annexe).
Bien que ce petit sondage n’ait pas la prétention d’être exhaustif, il n’en demeure pas
moins révélateur de plusieurs réalités et représentations partagées dans la société algérienne :
le désintérêt pour la lecture et notamment les journaux, la faiblesse linguistique des étudiants
en master, la confusion entre arabe institutionnel et arabe algérien, l’identification à une nation
« arabe »…
78
Par ailleurs, deux des trois principaux titres arabophones à grand tirage sont dotés de sites
ON LINE interactifs aussi bien en arabe qu’en français et en anglais. Aussi, deux chaînes
télévisées privées sont venues enrichir le patrimoine audiovisuel jusque là exclusivement
étatique (Echorouk TV et Ennahar TV, DZAIR TV, KBC, Numidia, ainsi que des chaînes
thématiques, dédiées à la cuisine : SAMIRA, el Benna).
Aussi, l’usage de la langue arabe standard dans les journaux et parfois même dialectal
dans un phénomène naturel d’emprunt a changé le rapport à la langue arabe de beaucoup de
lecteurs, même bilingues ou francophones qui optent pour les journaux dits à sensation
arabophones (on citera à titre d’exemple la « guéguerre » médiatique entre l’Egypte et
l’Algérie quasi exclusivement menée par le journal Echorouk ).
Interrogé par le « Jeune Indépendant » sur l’avenir pressenti pour la presse francophone,
Brahim Brahimi, enseignant à l’école du journalisme à Alger et auteur d’ouvrages sur le
journalisme estime que « La presse francophone a encore de l’avenir parce qu’elle fait un
travail de journalisme sérieux et crédible. Nous sommes, malgré l’arabisation, le deuxième
pays francophone au monde. Le bilinguisme va s’imposer de nouveau, par-delà l’idéologie. La
clientèle francophone reste fidèle et attachée à l’éthique. Il y a aussi ce pont avec les pays de
la région, le français aussi comme outil de communication dans la mondialisation. Mais
comme disait Malek Bennabi,42 notre presse est trop «boulitique». Il faudra songer à revoir
cela ».43
La célèbre citation de feu Tahar DJAOUT 44 tombé sous les balles terroristes sera
longtemps un leitmotiv de toute la corporation « le silence, c’est la mort, et toi si tu te tais tu
meurs, et si tu parles, tu meurs…alors, dis et meurs ! » Elle décrira de la meilleure des façons
le climat dans lequel le métier de journaliste s’exerçait pendant toute une décennie. Une autre
citation du même auteur, bien que moins célèbre mais tout aussi lourde de sens, extraite
d’une de ses œuvres « Il faudra arriver à ce que les journalistes fassent leur travail et les
policiers le leur, sans interférence et sans confusion ».45
Ali -Yahya Abdenour46 qui a préfacé le dernier ouvrage de Belkacem Mostefaoui, intitulé
« Médias et liberté d’expression en Algérie » 47 réitère les convictions des démocrates en
expliquant dans son intervention,«L'Algérie a besoin d'une presse libre et de qualité qui n'est
pas en liberté surveillée. Il faut ouvrir l'audiovisuel en direction de la télévision et des radios
qui ont des obligations de service public. La télévision, reine des médias, considérée comme la
principale source d'information, ne peut être celle de la pensée unique et de la parole unique.
Un pays qui ne peut faire entendre d'autres voix que celles proférées par le pouvoir, ses alliés
et ralliés, est menacée de déclin politique et intellectuel.»
42
Malek Bennabi (1905‐1973) était un penseur et théoricien algérien
43
Brahimi dans un entretien accordé au « jeune Indépendant » en 2009 lien : http://www.algeria‐
watch.org/fr/article/presse/dossier_presse.htm
44
Tahar Djaout, (1954‐1993) journaliste, poète et écrivain algérien assassiné.
45
Tahar Djaout, « les vigiles », éd du Seuil, Paris, 1995.
46
Ali‐ Yahya Abdenour est membre fondateur et Président d’honneur de la ligue Algérienne des Droits de
l’Homme (1989).
47
Ouvrage paru aux Editions Dar el Othmania fév 2013
79
7-Genres textuels
L’étude des genres textuels elle-même étant l’un des objets d’étude les plus récents des
sciences du langage, il n’est donc pas étonnant que les hypothèses se fassent et se défassent,
que des théories viennent en contredire d’autres ou, au contraire, les étayer. La notion de
genres journalistiques, pour autant qu’elle soit utilisée par les professionnels de l’information
et par les chercheurs, n’est pas une notion stable.
Pour Georges-Elia Sarfati, « le genre est une catégorie de classification définie d’après
certaines contraintes formelles et permettant traditionnellement de répertorier les textes
littéraires. »49
Pour ce qui est de la notion de « texte » elle-même, ce n’est que vers les années soixante
que des analyses « sérieuses » vont être réalisées de manière à apporter un point de vue
novateur sur ledit concept.
Cette nouvelle conceptualisation sera l’œuvre de Hjelmslev« La théorie du langage s'intéresse
à des textes, et son but est d'indiquer un procédé permettant la reconnaissance d'un texte
48
Article « Emergences des nouvelles chaines télévisées algériennes » El watan, 25 avril 2012, cité par Hadj
Miliani.
49
Georges‐Elia Sarfati « éléments d’analyse du discours » Paris, éd Nathan, 2001, p 16
80
donné au moyen d'une description non contradictoire et exhaustive de ce texte. Mais elle doit
aussi montrer comment on peut, de la même manière, reconnaître tout autre texte de la même
nature supposée en nous fournissant les instruments utilisables pour de tels textes ».50
En 1972, Le terme « texte » fera son entrée d’une manière officielle dans les sciences du
langage. La première définition trouvée dans le Dictionnaire de linguistique dirigé par Dubois
est la suivante :
« 1. On appelle texte l'ensemble des énoncés linguistiques soumis à l'analyse : le texte est
donc un échantillon de comportement linguistique qui peut être écrit ou parlé. (Syn. :
CORPUS.)
2. L. Hjelmslev prend le mot texte au sens le plus large et désigne par là un énoncé quel qu'il
soit, parlé ou écrit, long ou bref, ancien ou nouveau. « Stop » est un texte aussi bien que le
Roman de la rose. Tout matériel linguistique étudié forme également texte, qu'il relève d'une
ou de plusieurs langues. Il constitue une classe analysable en genres, eux-mêmes divisibles en
classes, et ainsi de suite jusqu'à épuisement des possibilités de division ». 51
La deuxième définition d’après Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage de
Ducrot et Todorov est celle-ci :
« (…)La notion de texte ne se situe pas sur le même plan que celle de phrase (ou de
proposition, syntagme, etc.); en ce sens, le texte doit être distingué du paragraphe, unité
typographique de plusieurs phrases. Le texte peut coïncider avec une phrase comme avec un
livre entier; il se définit par son autonomie et par sa clôture (même si, en un autre sens,
certains textes ne sont pas « clos ») ; il constitue un système qu'il ne faut pas identifier avec le
système linguistique mais mettre en relation avec lui : relation à la fois de contiguïté et de
ressemblance. En termes hjelmsleviens, le texte est un système connotatif, car il est second par
rapport à un autre système de signification (…) ». 52
Partant donc du principe que les écrits journalistiques sont des énoncés autonomes
produisant un sens complet, des discours véhiculant un message, adressés à un lectorat à
travers un canal qui est le journal lui-même et dont le code est la graphie ( l’écriture), je les ai
considérés « textes » susceptibles d’être analysés au même titre que tous les actes de
langages, que tous les discours et tous les textes littéraires.
50
Hjelmslev cité par F.Rastier in http://www.revue‐texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_Fondations.html
51
J.Dubois « Dictionnaire de linguistique ». éd Larousse, Paris 1972.
52
Ducrot et Todorov « Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage » éd Seuil, Paris 1972, p. 443‐
448
81
publics, des messages dans des réseaux sociaux, parmi bien d’autres productions
langagières ? ».53
Jean Michel ADAM,54 dans une démarche de catégorisation des unités rédactionnelles et
genres discursifs de la presse écrite, avoue avoir été confronté à des définitions des genres qui
demeurent souvent liées à l’espace annoncé qu’ils occupent selon la conception des rubriques
(titre, chapeau, brève, éditorial, reportage…).
Autant d’éléments que J.M ADAM va définir comme étant le « péritexte » journalistique
qui, selon lui, sème le flou dans une démarche de catégorisation des genres. Ce qu’il appelle
« péritexte », c’est l’ensemble des éléments décomposables
53
D.Ablali "les genres textuels : une question d’interprétation ? »éd Lambert‐Lucas, , avril 2015,
54
http://pratiques‐cresef.fr/p094_ad1.pdf
55
P.Charaudeau in « visées discursives, genres situationnels et constructions textuelles » in Actes du colloque
de Toulouse sur Textes, types et genres, 2001.
56
Idem.
82
Ces deux définitions m’ont confortée dans l’hypothèse que j’avançais et selon laquelle,
le classement des textes sur la base de la récurrence des marques formelles, non seulement
serait problématique mais, en plus, ne serait pas exhaustif.
Assez vite, j’ai été rattrapée par une autre réalité inhérente aux textes : Si l’on ne
considère que l’aspect « référentiel » du message, j’allais surement être souvent en situation
de polysémie, cette autre caractéristique de la lexico-sémantique de langue française.
Apparemment, le plus judicieux allait être de permettre au texte (énoncé) de se créer des
repères significatifs des intentions de communication. Ces repères sont indissociables des
représentations individuelles et collectives.
D’après Bakhtine, « il faut au sujet parlant des repères pour pouvoir s’inscrire dans le
monde des signes, signifier ses intentions et communiquer. Cela résulte du processus de
socialisation du sujet à travers le langage et du langage à travers le sujet, être individuel et
collectif. C’est conjointement que se construisent, de par l’usage, la normalisation des
comportements, du sens et des formes, le sujet les enregistrant dans sa mémoire. Cela permet
de faire l’hypothèse qu’existent chez lui une mémoire des discours,(…) une mémoire des
situations de communication (…) et une mémoire des formes des signes, (…). »57
Cela étant, je pars du postulat que l’acte d’écrire n’est jamais gratuit et qu’il n’est que la
mise en mots de représentations ou du reflet du réel en me référant aussi aux recherches de
Christian Lagarde 58 « Ecrire est avant tout représenter, c'est-à-dire transposer le réel.
Cependant, il ne s’agit pas là de refléter ou réfléchir la réalité, mais bien plutôt de la
réfracter, en ce sens que l’image du réel donné à travers le langage suppose nécessairement
une altération de l’objet représenté (…) ».
57
Bakhtine cité par Charaudeau idem.
58
Christian Lagarde « Des écritures bilingues : sociolinguistique et littérature. »éd l’Harmattan, Paris, 2001
83
C’est donc, tout naturellement, à la lecture de ces notions que je suis amenée à faire
valoir la notion de pré-lecture que Jocelyne Giasson 59 décrit dans ses travaux sur la
compréhension de la lecture, comme étant une étape incontournable chez tout lecteur pour
aborder les textes écrits et notamment les textes journalistiques. Toutefois, toute démarche de
lecture dépend de la nature du lecteur et de ses compétences cognitives et de son vécu, son
histoire personnelle, ses émotions à mettre en application lors du processus de lecture.
Le lecteur
Structures du lecteur
Processus de lecture
Structures cognitives structures affectives
Connaissance de la langue connaissance du monde
7.1-la structure du lecteur
Toutes ces connaissances sont mises en application lors d’une action de lecture. D’où les
différentes lectures et les interprétations qui en découlent respectivement.
59
Jocelyne.Giasson in « le schéma de la compréhension en lecture » Revue Inspection Education Nationale,
circonscription le MANS IV, oct 2002 site : http://cic‐le‐mans‐4.ia72.ac‐nantes.fr/IMG/pdf/comp‐lect‐CII‐III‐
anim‐peda.pdf
84
Maquette 1 Maquette 2
Chaque espace est étudié de manière à véhiculer un message.
-La manchette : elle comporte l’état civil du journal (son nom, son logo, son numéro
d’édition, le prix
-La Tribune : De par sa position centrale, cet espace comporte l’information principale du
jour.
- Les sous-tribunes : Les informations importantes mais, pas principales.
-Le ventre : va comporter l’image accompagnant le Titre principal du numéro.
-Le cheval : comporte généralement une information des pages centrales.
Les informations publiées sur la « une » sont hiérarchisées par:
- leur emplacement,
- le corps des caractères utilisés,
- la surface utilisée,
- l'ajout éventuel d'un document iconographique : dessin, photo, schéma.
85
En plus de la une, la maquette du journal, une fois adoptée, doit savoir rester immuable.
D’où l’importance du choix du Titre, des couleurs, de la calligraphie, du grammage, du
rubriquage, de l’intitulé des rubriques… c’est ce qui va constituer « le gabarit » 62 d’un
journal. Et, c’est précisément ce gabarit qui va être porteur de sens pour le lecteur qui sera soit
séduit soit déçu par cet aperçu qui est le premier contact avec l’interprétation.
Les rubriques d’un journal sont diverses : Evènements, économie, Culture, Société,
Locale, Internationale, Sports, Divertissements…Seulement, dans leurs diversités, elles
doivent demeurer « stables » : Le lecteur doit pouvoir retrouver à la même page de son journal
le même type d’informations. Ce processus s’inscrit dans une démarche implicite de
fidélisation du lectorat.
60
Martin‐ Lagardette http://omarbelkheir.wordpress.com/la‐structuration‐de‐linformation‐dans‐la‐presse‐
ecrite‐algerienne/.Omar
61
idem
62
Terme technique utilisé pour « la mise en page » d’un journal ou d’une page Web.
63
J.Mouriquand, cité par Jean Michel Adam « genre de la presse écrite et analyse de discours », revue
SEMEN, n°13, Presse Universitaire de Franche‐Comté 1997, p 55
86
Ainsi, Comme l’explique Aek Sayad 64 , les points de vue fonctionnel, énonciatif et
textuels sont-ils tous trois impliqués dans la production du genre. D’après D.Maingueneau &P.
Charaudeau, le premier, fonctionnel, convoque les six fonctions du langage préalablement
analysées par R.Jackobson 65 . Le deuxième point de vue, énonciatif, défendu par Emile
Benvéniste qui invite à la distinction entre discours et récit par le biais des marques déictiques,
subjectives et/ou évaluatives dans le discours et l’absence de renvoi à la situation
d’énonciation dans le récit qui privilégie par ailleurs le temps du passé simple. Le dernier
point de vue, textuel, concerne l’organisation du texte. Aek Sayad avance que pour Jean
Michel Adam, « il s’agit de définir la régularité compositionnelle de ceux-ci (les textes) en
proposant un niveau intermédiaire entre la phrase et le texte appelé séquentiel, ayant une
valeur prototypique de récit, description, argumentation, etc. »66
La chronique se trouve définie comme un « article de journal où se trouvent les faits, les
nouvelles du jour, les bruits de la ville » Dans le Grand Dictionnaire Universel Larousse du
XIXe siècle.
C’est un des genres journalistiques canoniques de la presse depuis le XIXème siècle, à côté
de la critique et du fait-divers. Elle entretient des liens étroits avec la littérature. Certains y
voient l’héritage d’une tradition rhétorique satirique de la Rome antique où se mêlaient
humour, ironie, cynisme et dérision évoquées dans un sujet pourtant « sérieux » et combinées
dans des figures de style suscitant le comique, l’absurde ou l’insolite de la situation, selon la
perception des récepteurs du message. Mais cela peut-il constituer une définition en soi ?
Evidemment pas.
Interrogé sur le sujet, Guido Almansi a déclaré : « Saint Thomas d’Aquin disait qu’il
savait ce qu’était le temps, mais, qu’il ne savait pas si on le lui demandait. De même, nous
savons ce qu’est l’ironie aussi longtemps que personne ne nous demande de la définir. »67
64
Aek Sayad « les stratégies argumentatives dans la presse algérienne » thèse de doctorat 2010‐2011 en
ligne, voir le lien theses.univ‐oran1.dz/rechepage.php?pageNum...42...0...
65
Fonction émotive (émetteur), fonction conative (récepteur), fonction phatique (canal), fonction poétique
(message) fonction référentielle (contexte) et la fonction métalinguistique (code).
66
Idem.
67
Guido Almansi, « l’Affaire mystérieuse de l’abominable tongue‐in‐cheek Poétique, Nov 1978 cité par Jean
Sareil dans « l’écriture comique » éditions PUF, Vendôme, Novembre 1984, page 16.
87
et les opinions propres à son auteur. D’où l’impossibilité d’arriver à une définition objective
de cet exercice de style.
A mi chemin entre le journalisme et la littérature, la chronique constitue un produit
« hybride ». Journalisme et littérature ont continuellement entretenu des relations
d’interdépendance, depuis l’avènement de « la civilisation du Journal » 68 ; relations parfois
fraternelles, mais, le plus souvent ambigües, comme l’expliquent les spécialistes qui se sont
penché sur cette ambivalence définie comme « lien de complicité conflictuelle qui n’a cessé de
la lier (la presse) à la littérature ».69Ces mêmes spécialistes nous expliquent même qu’au
XIXe siècle, la presse était essentiellement composée de littérature.
La chronique francophone, en particulier, a souvent été rédigée par des écrivains et
inversement, les chroniqueurs ont souvent basculé dans l’écriture littéraire. C’est une tradition
qui perdure depuis le XIXe siècle avec Guy de Maupassant, Emile Zola, Barbey d’Aurevilly
ou Jules Vallès puis au XXe siècle avec Proust, Colette, Mauriac ou Aragon.
Amine Zaoui, écrivain d’expression bilingue (français et arabe) a produit une vingtaine
de romans dont « la chambre de la vierge impure » ou « festin de mensonges » parus en 2009
en français et « le huitième ciel » en 2008 écrit en arabe. Il collabore régulièrement en
proposant des opinions dans deux titres nationaux « Liberté » en français dans une rubrique
intitulée « Souffles » et en arabe sur le journal « Echorouk ».
Kamel Daoud, journaliste au Quotidien d’Oran depuis 1994, publie depuis 1997,
quotidiennement des chroniques dans la rubrique « Raïna –Raïkoum ». En parallèle, il est
l’auteur de plusieurs romans dont« la préface du nègre » 2008, « le minotaure 504 » en 2011,
et « Meursault, contre-enquête » paru en octobre 2013 et « Zabor ou les psaumes » en 2017.
Hakim Laâlam, journaliste au Soir d’Algérie, publie quotidiennement des chroniques dans
la rubrique « Pousse avec eux ».Il a également écrit le roman « Rue Sombre au 144 Bis » en
2013. Auparavant, il avait collaboré au journal liberté dans une chronique quotidienne intitulée
« le nez et la perte ».
Plusieurs jeunes de la génération 198870 ont vécu cette ambivalence entre journalisme et
littérature. Sid Ahmed Semiane, plus connu sous le pseudonyme de SAS a publié des
chroniques dans divers quotidiens nationaux, « la tribune » en 1994 puis, rejoint « le matin »
68
Dominique Khalifa, Philippe Régnier, Marie‐Eve Thérentier &Alain Vaillant « la Civilisation du Journal »
Paris, Nouveau Monde édition « Opus Magnus », 2012 Par « civilisation du journal », on entend Histoire de la
presse.
69
idem
70
1988 est une date charnière en Algérie car elle correspond aux évènements ayant mené à la liberté de la
presse et au multipartisme.
88
qu’il quitte en 2002 dans lequel il signait une chronique intitulé « tag ala men tag ». SAS est
l’auteur de plusieurs romans : «Octobre, ils parlent » paru en 1998, « Au refuge des balles
perdues » en 2005 et « des nuits dans mon rétroviseur » en 2010. Mustapha Benfodil , grand reporter
au journal El watan est également romancier, dramaturge et poète. Il a écrit entre autres, « zarta ! » et
« les bavardages du seul » et « archéologie du chaos (amoureux) ». De son côté, Adlène Medi,
rédacteur en chef de l’hebdomadaire el watan week-end, a écrit « le casse-tête turc » et « la prière du
Maure ».
Pierre Sormany, dans son livre intitulé « le métier de journaliste » 71 en propose une
définition fonctionnelle, qui rejoint celle convenue entre les gens du métier : « C'est un texte-
amalgame où peuvent se retrouver des informations nouvelles, de l'analyse, du commentaire
ou même du reportage, au fil d'une lecture personnelle qu'en fait le ou la journaliste. La
chronique repose non pas sur la transmission de l'essentiel (la nouvelle) ni sur sa remise en
contexte (l'analyse), mais sur la personnalité de celui à qui on la confie. C'est sa lecture de
l'actualité et sa façon de la raconter ». 72
Je pense que ces produits journalistiques, aussi différents soient-ils des autres formes
« caractérisables » car bien structurées dans leurs formes respectives, que sont l’article
informatif, la brève, le reportage, l’analyse, l’interview ou le commentaire, les chroniques
obéissent tout de même à des normes d’écritures et certainement de lectures.
A propos de l’énoncé, Bakhtine propose la définition suivante « L’énoncé, dans sa singularité, en
dépit de son individualité et de sa créativité, ne saurait être considéré comme une combinaison
absolument libre de formes de langue. "
Selon François RARSTIER"(…) il convient en effet de lier, par une sémantique des
normes, la diversité des textes à la diversité des genres et des pratiques sociales. Les critères
de leur typologie sont à la fois intralinguistiques (structures et unités) et extralinguistiques
(objectifs et situation des textes)".
Dans ce même ordre d'idées, Denise MALRIEU estime que: "La linguistique ayant
toujours fonctionné au niveau de la phrase et non du texte, a tendance à vouloir tout
désambiguïser au niveau de la phrase ou de son contexte restreint, sous estimant par là les
informations très riches apportées par le texte pour définir le contrat de lecture. Le genre se
définit à la fois par son contexte externe de communication (support, édition auxquels
correspond un public), par insertion dans des ensembles d'objets sémiotiques (le titre d'un
article hérite des informations du titre de la revue ou du numéro où il s'insère et par sa
structure interne (…)".73
71
Livre publié une 1ere fois en 1990, puis en 200 et enfin en 2011 aux Editions BOREAL au Québec
72
Idem, p 120.
73
Denise Malrieu, in revue n°154 "langages", mars 2004.
89
genre, car c’est au niveau du genre que se situe la norme constituante (…) Notre
raisonnement nous amène à privilégier le genre comme niveau d’analyse, car c’est dans le
genre que les formations discursives se développent et c’est à travers les contraintes du genre
que les textes sont saisis et interprétés ».74
En effet, d’une chronique à l’autre, et d’un auteur à l’autre cet exercice se révèle différent
d’un point de vue stylistique intrinsèque au registre de langue et à l’usage du contact des
langues aussi.
Dans une étude précédente75, je m’étais interrogée sur l’existence d’une typologie de la
chronique journalistique chez Kamel Daoud (Le Quotidien d’Oran). Mon travail qui avait
porté sur l’analyse du procédé rhétorique sur près de deux cents chroniques de ce même
auteur m’avait alors amené à conclure que la seule constante dans le discours de cet auteur
étaient l’ironie créée par différentes figures de style : métaphore, euphémisme,
litote…inhérentes à la nature du texte satirique.
Bien que je n’aie pu dégager une macrostructure de la chronique type, j’ai néanmoins
trouvé des constantes dans les chroniques de Kamel Daoud : D’une chronique à l’autre, le
dispositio était différents (séquences), le type de raisonnements utilisés dans le processus
rhétorique étaient également aussi divers que variés : déductif, inductif, par analogie, par
l’absurde même.
Ce qui est par contre indéniable, c’est que produire une chronique journalistique relève, en
plus de l’exercice de base informatif et communicationnel, d’un exercice de style.
Ce qui est peut- être, néanmoins, commun d’une chronique à une autre et d’un
chroniqueur à un autre, pourrait se résumer en les points suivants :
La chronique est une sorte d’article écrit au jour le jour selon le point de vue d’une
personne sur le fait saillant de l’actualité. Ce fait saillant peut évidemment relever d’un fait de
société, d’un évènement politique, de catastrophe naturelle, ou de polémiques …
Thomas Grimm, chroniqueur au Petit Journal76 écrit qu’« En chroniqueur fidèle, j’obéis à
une seule loi, l’actualité ; c’est l’actualité seule qui me guide ».
Le chroniqueur prend pour point de départ un événement actuel, plus ou moins anodin, et
brode sur ce sujet.
74
D.Malrieu in « Linguistique de corpus, genre textuel, temps et personnes » CNRS‐Equipe Linguistique des
Textes Paris, juin 2003.
75
F.Tilikète « Vers une typologie de l’entreprise rhétorique dans l’acte d’énonciation des chroniques de Kamel
Daoud » mémoire de magistère EDAF, Mostaganem, Mai 2011.
76
Le petit journal est l’un des journaux les plus anciens de France fondé en 1867
90
Contrairement aux autres auteurs d’articles présents dans les supports de presse écrite
tenus à une distanciation, le chroniqueur n’est pas soumis aux mêmes règles de neutralité et
d’objectivité.
Le chroniqueur commente un fait, l’analyse, use de modalisateurs, d’ironie, de caricature
pour convaincre son lectorat… et ne se contente pas de lui relater des faits. D’ailleurs, cet
espace a souvent servi à mobiliser les masses.
Silvia Disegni77 qui s’est intéressée à cette « frontière » entre l’écriture des chroniques et
l’écriture littéraire chez de nombreux auteurs français du XIXe qui se sont distingués dans les
deux exercices, a démontré dans son ouvrage intitulé « Jules Vallès, du journalisme au roman
autobiographique », qu’il était impossible de dissocier les deux écritures et que sans cesse, le
journaliste et l’écrivain se confondaient.
La chronique remplit également une fonction sociale, elle est un moyen de dénoncer les
travers de la société, parfois, de les railler, de les parodier.
Au XIX siècle, en France, les chroniques étaient considérées à la fois comme des potins,
des causeries souvent négatives et pourtant indispensables :« [Les chroniqueurs sont] la pluie
de sauterelles du Journalisme contemporain. L'Egypte, cette pauvre vieille, maudissait ses
sauterelles. Elle les appelait douloureusement une plaie... mais le Journalisme tend son chapeau
aux siennes, comme les Croisés, après une sécheresse, tendaient leurs casques à la rosée...Il les
recueille, il les ramasse, il les recherche et il les paie des prix fabuleux, qui ne sont pas des fables
car il publie, pour qu'on n'en ignore et pour forcer la foi aux choses incroyables, ses traités de
Laurent-le-Magnifique avec eux. Importants, ces messieurs? que dis-je ? ils sont indispensables.
Ils sont les rois du Journalisme. »78
Dans ce même ordre d’idée, il semble impérieux que le chroniquer détienne suffisamment
de connaissances, autres que lexicales et syntaxiques, pour produire un effet « particulier »
chez les lecteurs ciblés (Pathos)79. En plus de devoir receler une grande culture générale, Il
s’agit aussi de partager les mêmes connaissances que son lectorat. Pour pouvoir les atteindre et
réussir dans son exercice de rhétorique, le locuteur (chroniqueur) doit savoir parfaitement
puiser et exploiter l’imaginaire collectif, les représentations de son lectorat, du Pathos et de
l’Ethos80
Interrogé sur le choix de son expression dans une langue plutôt que dans une autre, Amine
Zaoui, auteur algérien bilingue explique tenir compte de la composition sociologique du public
arabophone, et la manière avec laquelle il réagit à ce type de roman, il répond que « le lectorat
arabophone est difficile dans la mesure où il n’a pas suffisamment de tradition de lecture du
roman et confond entre lire un roman qui appartient à l’imagination et un autre qui relève du
Fikh, du droit et de la religion (…) j’estime qu’écrire en arabe est un courage et en même
77
S.Designi,« Jules Vallès : du journalisme au roman autobiographique » éd l’Harmattan, Paris 1996. Préface
de Roger Bellet, p5
78
Jules Barbey d'Aurevilly, cité par CARVALHOSA, Sandrine « Chronique journalistique et
causerie ».Carnets: revue électronique d’études françaises. IIe série, nº 2, 2014, p 11.
79
Pathos: appel fondé sur l'émotion
80
Ethos : appel fondé sur le charisme de l'orateur, logos: appel fondé sur la logique ou le raisonnement
91
temps, un besoin pour forger un lecteur qui questionne et s’interroge autour d’un texte. Et
c’est aussi l’œuvre d’un romancier de provoquer, choquer, et tenter de faire évoluer le roman
monotone, d’expression arabe». 81 C’est dire si la dimension sociologique, l’imaginaire
linguistique collectif et les représentations linguistiques sont des facteurs importants de la
composante énonciative et que tout texte produit, notamment écrit, dès lors qu’il est public
doit tenir compte de son interlocuteur.
Cette langue courante et vivante dans laquelle apparaissent des emprunts, des allusions,
des expressions types (parfois figées) propre à la langue arabe dans ses différentes catégories,
et même parfois du tamazight, c’est justement celle que nous avions retrouvée à travers
plusieurs chroniques dans nos différentes lectures et que nous nous sommes proposé
d’analyser.
Dans son article « Messieurs de la chronique » (Gil Blas, novembre 1884), Guy de
Maupassant écrivit : « Elle (la chronique) doit être courte et hachée, fantaisiste, sautant d’une
chose à l’autre et d’une idée à la suivante sans la moindre transition. Les qualités essentielles
du chroniqueur restent la bonne humeur, la légèreté, la vivacité, l’esprit ».82
Une des autres plume notoire a également collaboré dans ce journal : il s’agit d’Emile
Zola, qui décrit dans son ouvrage « De la critique : littérature obscène » comment le journal
en question a connu le succès après avoir recruté des chroniqueurs.
« (…) Un journal s'est fondé, le Gil Blas, qui, dans ses débuts, se vendait assez mal(…).
Puis, voilà tout d'un coup le Gil Blas se vendait, il avait pris une spécialité de chroniques
légères qui lui donnait tout un public spécial, j'entends, si l'on veut, le grand public, les
hommes et surtout les dames qui ne détestent pas les aimables polissonneries. De là, en
quelques semaines, la grande colère de la presse vertueuse (…) il a donné à ses lecteurs la
81
Extrait d’une interview publiée sur « El Moudjahid » n° 14473 du 01.04.2012, Rubrique « Culture », p 17.
82
« Gil Blas » est un journal de la presse écrite française paru entre 1879 et 1914 puis réapparu entre 1920
et finit par disparaitre définitivement en 1941. Guy de Maupassant et Emile Zola avaient publié des
chroniques. Pour des raisons personnelles ou professionnelles, Maupassant usait de 05 des pseudonymes
pour signer ses chroniques, tels que : Maufrigneuse, Un officier, Un colon, Guy de Valmont ou Chaudron du
Diable. « Maufrigneuse », en l’occurrence la Duchesse de Maufrigneuse a été emprunté à des personnages
de la comédie humaine Balzacienne, personnage révélé dans la nouvelle « les secrets de la princesse de
Cadignan »et qui était l’équivalent du « Dom Juan » féminin. Informations recueillies sur le Site Léon
Brunschvicg.
92
friandise de leur goût.(…) J'y ai lu des articles charmants, par exemple des chroniques de M.
Théodore de Banville, d'une grâce lyrique, les nouvelles si fines et si gaies de M. Armand
Silvestre, les études colorées de M. Richepin ; voilà trois poètes dont la compagnie est fort
honorable. Il est vrai que le reste de la rédaction est moins littéraire. »83
L’écriture de la chronique se doit d’être particulière, spirituelle et brillante. Selon Gilbert
Lavoie84 affirme que la qualité première d’un chroniquer réside en sa capacité d’écriture « Il
faut, explique t- il, écrire d’une façon exceptionnelle, savoir prendre les lecteurs par la main,
être capable de leur faire vivre l'événement, de leur montrer l'être humain derrière toutes les
histoires, de faire ressortir ses angoisses, ses difficultés, ses joies et ses peines. C'est la qualité
la plus fondamentale ».85
La difficulté de cet exercice de style réside dans le fait que la chronique doit être
imaginative, créative, et particulièrement pertinente dans le choix des éléments de la
rhétorique que va utiliser son auteur. Outre la disposition des séquences, de l’énoncé (le plan),
le « ton » de la chronique est également libre. Il peut être ironique, accusateur, cynique,
nostalgique… il est surtout libre et libertaire.
Il ne suffit assurément pas de maîtriser les bonnes règles de grammaire d’une langue et de
détenir l’information pour s’improviser chroniqueur. Du fait de son "hybridité" et de la
perméabilité de ses contours avec la littérature mais également avec l’information et
l’évènementiel, la chronique permet à son auteur d'y mêler l'objectivité, la subjectivité, la
narration, la description, l’exhortation, et l'information avec un souci de l'esthétique d'où le
rôle social de la chronique par le biais de laquelle le journaliste dénonce, critique et ne
cautionne plus les intérêts ou les valeurs du pouvoir des institutions mises en place. Un bon
journaliste n’est donc pas forcément un bon billettiste.
Benveniste 86 voit dans cette notion "l'unité psychique qui transcende la totalité des
expressions qu'elle assemble, et qui assure la permanence de la conscience". La subjectivité
est donc la capacité du locuteur à se poser comme sujet. Suivant le raisonnement de
Benveniste, subjectivité et langage sont donc intimement liés. Le langage dit-il, est la
"possibilité de la subjectivité" qui en constitue "une propriété fondamentale". Cette
subjectivité, selon l'auteur, trouve son fondement dans la langue, c'est sans doute en raison des
contraintes conventionnelles et l'exercice de la communication langagière. Elle est fondée sur
l'ego que révèle le langage et peut être qualifiée de subjectivité au premier degré.
83
H. Mittérand et H.Suwala in « Emile Zola, journaliste » éd Presse Universitaire de Franche‐Comté, 1968.
Zola a commencé sa contribution dans la presse et notamment dans Gil Blas par la publication de ses
œuvres des Rougon‐Macquard, « au bonheur des Dames » sous forme de feuilleton
84
Gilbert Lavoie est chroniqueur et rédacteur en chef du journal canadien « le Droit d’Ottawa » entre 1992
et 1994 puis, celui du journal « le Soleil » entre 1994 et 2001 voir lien :
www.lapresse.ca/lesoleil/opinion/chroniqueurs
85
idem
86
Emile BENVENISTE, « problèmes de linguistique générale 1», Gallimard, Paris, 1966, p 260.
93
Selon Orecchioni87, il existe une autre forme de subjectivité dite évaluative et affective,
qu’elle nomme « subjectivème ». Cette forme de subjectivité joue un rôle essentiel dans la
relation « journaliste/lecteur ». Dans cette relation, le journaliste scripteur partage avec le
lecteur sa vision, son évaluation, son appréciation et son jugement, à travers un dispositif
caractérisé par la sélection de modalisateurs et de substantifs évaluatifs, d’emprunts, de
calques et autres figures de styles organisant le discours en termes d’évaluation, de jugement
de valeur et d’opinions d'adhésion ou de rejet de la part du scripteur.
87
Catherine KERBRAT‐ORECCHIONNI, in "les actes de langage dans le discours: théories et fonctionnements"
éd Broché, Mars 2008.
88
Raquel Pastor dela Silva « Le repérage des traces de subjectivité dans la construction de la relation lecteur
– scripteur au cours de la lecture de textes de médiacritique d’art en langue étrangère » Édition électronique
URL : http://aile.revues.org/1471 ISSN : 1778-7432
89
Aristote cité par J.M ADAM in « la linguistique textuelle » éd Armand Colin, 2008, p 208.
90
Pistis (grec) : ensemble des moyens de persuasion
94
Selon moi, chaque locuteur (chroniqueur) usera, plus ou moins, de l’une ou de l’autre
composante, selon plusieurs facteurs :
-Sa propre personnalité (son vécu, son engagement politique, sa culture, ses principes
moraux…)
-Son but à travers le message qu’il veut faire parvenir à son lectorat.
-Le type de lectorat ciblé.
-La ligne éditoriale du journal (pro- ou anti – pouvoir en place)
A la lumière de ces théories, nous ne pouvons tirer aucune conclusion définitive sur la
typologie de la chronique si ce n’est qu’elle relève d’un genre protéiforme instable.
D’un point de vue topographique, la chronique occupe une place généralement stable
dans le journal.
De plus en plus de journaux optent pour la dernière page (24) ex : les deux chroniques
« El Ghoul » et « Mesmar J’ha » que nous avons étudiées étaient toutes les deux,
respectivement, à la page 24 d’ « Alger Républicain » et « Le Matin » tous deux, aujourd’hui,
disparus du paysage médiatique.
Sur un autre journal francophone, El Watan, Chawki Amari publie quotidiennement une
chronique intitulé « degré zéro » à la page 24.
« Pousse avec eux », dont le support est « Le Soir d’Algérie » est également à la page 24.
95
Mais, cela n’en n’est pas pour autant une règle : « Raïna- Raïkoum » par contre est à la
page 03 du Quotidien d’Oran.
Tous ces textes sont encadrés, parfois mis en exergue par un fond coloré et présentés
dans un caractère (police) différent de celui des autres articles : italique, gras. Cette distinction
n’est en rien fortuite, bien au contraire, elle est voulue de manière à attirer l’attention du
lecteur.
Contrairement aussi aux autres articles informatifs qui sont soit signés soit anonymes
(Extraits de l’APS), il peut arriver que certaines chroniques soient même rehaussées de la
photo (portrait ou caricature) de leurs auteurs ; cas de « Mesmar J’ha » (le matin), et « Tag ala
men Tag » (Liberté), « Pousse avec eux » (le Soir d’Algérie).
Par ailleurs, d’un point de vue législatif, contrairement aux autres contenus du journal, le
Directeur de la publication n’est plus engagé dans les propos véhiculés à travers les chroniques
depuis l’amendement de la loi 144 bis en 2.
Riches de cette inter et pluri culturalité, il devient donc plus aisé pour les chroniqueurs
algériens de choisir le mot le plus adéquat ne laissant nulle place à l’approximation, quitte à
puiser dans un autre système linguistique que celui institutionnel. La fonction conative et les
effets du pathos priment sur la fonction métalinguistique ou poétique du discours.92
Par ce choix lexical, le locuteur/chroniqueur puise dans le fonds des représentations
identitaires, sociales et culturelles de l’Autre. Même si cet Autre n’est actuellement devenu
qu’une minorité dans la société. Cet Autre existe et le chroniqueur écrit pour lui ce qu’ils
partagent comme idéal et ce qu’ils ont comme convictions communes, mais aussi comme
langues communes.
92
Roman Jackobson établit 6 facteurs dans une situation de communication réussie. Chacun de ces facteurs
a une fonction.
96
créent et modifient tous les jours ». 93 selon les explications avancées dans l’article d’Amal
Abbaci.
Cette liberté de manier le français, de l’adapter à un contexte socioculturel algérien, je suis
tentée de le décrire par une volonté « d’algérianiser le français ». Mais, ce serait trop facile et
trop rapide comme conclusion. Ainsi, comme le décrit Ibtissem Chachou « (…) En effet, la
dynamique sociolinguistique du français en Algérie, à l’implémentation de laquelle
concourent les locuteurs et scripteurs algérianophones atteste de l’ancrage de cette langue
parmi les emplois effectifs voire créatifs qui s’y développent au quotidien. Ils oscillent entre
éclatement et métissage et transitent par l’intervalle des variations, elles mêmes intrinsèques
au changement. Ce dernier n’en finit pas d’asseoir, toujours dans l’esprit de cette dynamique
en cours, un travail d’acclimatation de la langue au contexte. Cette contextualisation procède
du besoin pour le sujet de rendre compte d’un à-dire pour se dire différent en se disant
différemment et/ou autrement, en conférant à sa parole des fonctionnalités et des nuances
riches, diverses et variées ».94
Il est vrai que les chroniques à partir desquelles j’ai formé mon corpus, ne ressemblaient
pas à d’autres chroniques de presse franco-française. Elles ont cette particularité de
coexistence de plusieurs idiomes dans un même discours. Une sorte de métissage et
d’alternances linguistiques bien plus représentatif et bien plus proche de la réalité
sociolinguistique des locuteurs algériens.
93
Amal ABBACI « Presse Francophone en Algérie : entre discours officiel et réalité linguistique. Cas du
quotidien d’Oran, rubrique Tranche de vie » in Langues et médias en Méditerranée, éd l’Harmattan, Condé‐
sur‐Noiteau‐, juillet 2012.p26.
94
Ibtissem Chachou « Algérianisation du français : vous avez dit Sabir ? » article intégral dans la revue de
sociolinguistique LENGA, https://lengas.revues.org/379
95
Dubuisson, C. et R. Rancourt (1999) «Le bilinguisme sourd», conférence présentée à l'IRD, Montréal. Disponible sur
le site: http://www.unites.uqam.ca/surdite/HTML/rezums/DR99Ibs/.htm
96
« Le français est notre butin de guerre » célèbre citation de l’écrivain algérien Kateb Yacine (1929‐1989).
97
Tahar Djaout, soumis à des questions sur ses choix linguistiques pour écrire,
s'interrogea « Est-ce qu'un écrivain algérien n'est pas simplement de nationalité
algérienne? » 98 La description d’une langue comme étant une « terre d’accueil » pour
plusieurs écrivains francophones non natifs et donc bilingues, a longtemps circulé. C’est
dans une œuvre à mi chemin entre l’essai philosophique, la recherche documentaire et le
témoignage que l’on peut classer « l’arbre à dires » de Mohamed Dib, dans lequel il
explore, s’interroge et tente de répondre à cette question identitaire profondément ancrée
dans la société algérienne et qui transparaît, justement, à travers les représentations des
« francophones ». C’est à juste titre qu’il commence par se poser la question
« existentielle » suivante : « je parle une autre langue : qui suis-je ? » 99 . Puis, pour
expliquer sa relation à la langue française, il dit : « Que vous dirais-je ? Le français est
devenu ma langue adoptive. Mais écrivant ou parlant, je sens mon français manœuvré,
manipulé d’une façon indéfinissable par la langue maternelle. Pour un écrivain, ça me
semble un atout supplémentaire, si tant est qu’il parvienne à faire sonner les deux idiomes
en sympathie ».100C’est tout à fait cette même notion de suprématie de la langue maternelle
que défend Julien Green, pour qui il n’existerait pas de bilinguisme symétrique ou équilibré
dans l’acte d’écriture : « je suis de plus en plus porté à croire qu’être tout à fait bilingue est
impossible (…) un homme peut parler couramment une demi douzaine de langues, et ne se
sentir chez lui que dans une seule, celle de ses pensées intimes. Moi-même, selon les
circonstances, je pense dans l’une ou l’autre langue, mais autant que je puisse m’en rendre
97
Malek Haddad « les zéros tournent en rond » Ed Maspéro, 1961
98
Tahar Djaout in « Voix multiples » n°10, 1985
99
Med DIB in « l’arbre à dires », éd Dahleb, Réghaïa, 2012, p 42
100
Idem, p 46.
98
Dans un exposé rendu public lors du colloque organisé par le CNRPH (Centre
national de recherche préhistorique, anthropologique et historique) à la Bibilothèque
Nationale d’Alger, le 17.03.2012,Sabéha Benmansour 102 a développé et revenue sur
l’ancrage des écrivains francophones, comme Mohamed Dib et Mouloud Feraoun, et de
leurs écrits dans l’Algérie profonde, pour démontrer que "leur attachement à la patrie et à la
cause nationale est resté intact et ce, au-delà de la langue d’expression" de ces romanciers.
Cet ancrage et leur rapport à l’algérianité mis en avant par les deux auteurs dans leurs
œuvres, représentent pour l’universitaire "Une manière (sans équivoque) de faire parler un
monde que les armes ont refoulé au profit d’un autre. L’attachement des deux écrivains à
leurs régions respectives est une écriture de soi qui pousse le lecteur à voir ce que l’on
refuse de montrer (...) et bien qu’écrits en français ces œuvres regorgent de codes enfouis
dans la mémoire collectives algériennes et qui constituent des portes sur l’Algérie
profonde ».103
Farouk Bouhadiba104 illustre son point de vue sur la question en citant la trilogie de
Mohammed Dib qui, selon lui, est l’œuvre littéraire qui révèle le mieux cette notion
d’appropriation, d’algérianisation du français sous forme d’emprunts, de calques ou
d’alternance codique. Interrogé sur le choix des langues mises en contact, Mohamed Dib
explique que le français en Algérie est « …le véhicule idéal d’une pensée qui cherche à
travers les réalités locales à rejoindre les préoccupations universelles de notre époque [….]
En outre, le français nous assure un public ». C’est un autre argument « utilitaire et
efficace » qui apparaît pour les usagers de la langue française.
99
Par ailleurs, de cette complexité relationnelle est née un usage spécifique du français
en Algérie et par les Algériens. Ce Rapport est tellement « particulier » qu’il a suscité chez
Y.Derradji le besoin de recourir à un concept sociolinguistique nouveau à même de décrire
les pratiques langagières dans la société algérienne à savoir « le particularisme
lexical ».Par ce concept, il désigne « les particularités lexicales d’une variété linguistique
propre à une communauté linguistique perçues par la majorité des membres de cette
communauté comme la manifestation d’une identité culturelle et sociale bien
particulière ».107
Philippe Blanchet décrit l’espace francophone qu’est l’Algérie, entre autres, comme
étant un « Des espaces marquées par des pluralités linguistiques et culturelles fortes,
croisées par un usage commun de formes transversales du français » 108 Cette forme
transversale du français, cette variante, Yacine Derradji la décrit comme un particularisme
qui se manifesterait chez le locuteur, par le droit à l’écart. Le nom respect de la norme
académique n’est plus perçue comme une faute mais comme un choix, « une façon d’être,
une volontaire affirmation de soi qui se réalise par l’exercice d’un travail sur toutes les
potentialités de la langue française » explique t-il encore. Cette notion est intéressante dans
la mesure où elle peut d’ores et déjà me permettre d’élargir le champ des hypothèses pour
apporter une explication à ma problématique de recherche ; des hypothèses qui seraient
également liées à la cultur et l’identité de l’énonciateur et non pas seulement à des formes
rédactionnelles et communicationnelles à visée stratégique..
Cette manière de s’approprier le français les spécialistes l’interprètent comme étant
une forme d’autonomisation, un droit à l’usage local de la langue française« La
communauté linguistique algérienne d’expression francophone affiche un tant soit peu son
autonomie par rapport aux normes académiques en faisant valoir la prépondérance d’un
105
Cité par A,Kacem in « Culture Arabe /culture française PARENTE RENIEE » éd l'hARMATTAN2002 ,p203,
106
Abderezzak Dourari, in « Situation sociolinguistique en Algérie » par Ibtissem Chachou, l’harmattan, 2013,
p50
107
Yacine Derradji « la langue française en Algérie : particularisme lexical ou norme endogène » in les cahiers
du SLADD, n° 2 de janvier 2004. p15.
108
P. Blanchet et Pierre Martinez « Pratiques innovantes du plurilinguisme : émergence et prise en compte
en situations francophones ». éd des archives contemporaines, p3
100
usage légitime, d’une norme locale. Celle-ci se constitue en tant que particularisme,
comme un signe distinctif spécifique -intrinsèque- qui se manifeste sur le plan du corpus de
ce français régional d’Algérie, par des marqueurs spécifiques qui peuvent toucher même la
structure de cette langue et surtout par une importante néologie tant sémantique que
lexicale ».109estiment P.Blanchet et P.Martinez.
C’est donc cette distanciation volontaire par rapport à la norme prescriptive
académique que les sociolinguistes évoquent en parlant du Français d’Algérie et non plus
du Français en Algérie. En fait, cet usage spécifique remonte à la période coloniale où l’on
observait déjà des pratiques particulières liées à chaque communauté francophone : les
Pieds-noirs; notamment, avaient un usage différent de la langue française que les Français
de la métropole selon A.Lanly110, dans une enquête descriptive réalisée en 1962 qui s’était
intéressé à la syntaxe et la structuration du discours.
Les sociolinguistes constatent cette altérité expliquant que ce n'est qu'à travers cette
relation à l’Autre que le dialogue devient possible, la communication aboutie et l'insertion
dans le monde accomplie. Mais, faut-il encore vouloir cette insertion et ne pas la
considérer comme un obstacle à l'hégémonie d'une communauté spécifique, réfractaire à la
francophonie ?
Riches de cette inter et pluri culturalité, il devient donc plus aisé pour les
chroniqueurs algériens de choisir le mot le plus adéquat ne laissant nulle place à
l’approximation, quitte à puiser dans un autre système linguistique que celui institutionnel.
La fonction conative et les effets du pathos priment sur la fonction métalinguistique ou
poétique du discours.111
Par ce choix lexical, le locuteur/chroniqueur puise dans le fonds des représentations
identitaires, sociales et culturelles de l’Autre. Même si cet Autre n’est actuellement devenu
qu’une minorité dans la société. Cet Autre existe et le chroniqueur écrit pour lui ce qu’ils
partagent comme idéal et ce qu’ils ont comme convictions communes, mais aussi comme
langues communes.
Écrire une chronique journalistique est un exercice qui ne peut être réalisé à partir
d’une simple théorisation sur l’écriture journalistique. La chronique journalistique étant,
justement, cette production si particulière de la presse écrite dont j’expliquerai plus loin les
spécificités, elle requiert en plus de la cohérence avec la ligne éditoriale du journal,
l’actualité et l’évènementiel, une réelle maîtrise de la langue et, surtout, un style.
Ce même style qui fait la différence entre ceux qui se prêtent à son jeu et qui,
souvent, oublient que le lecteur est exigent, désireux parfois d’être confortés dans leurs
convictions. Car, contrairement aux comptes rendus qui demeurent des productions
109
idem
110
André Lanly, « le Français d’Afrique du Nord. Etude linguistique » PUF, Paris, 1970, p 367
111
Roman Jackobson établit 6 facteurs dans une situation de communication réussie. Chacun de ces facteurs
a une fonction.
101
purement informatives et factuelles, respectant les conditions des cinq W : What ? Who ?
Whère ? Why ? When ? La chronique, est un autre forme d’expression où l’auteur met plus
l’accent sur l’exercice de style pour atteindre son lecteur. Pour ce faire, les stratégies sont
multiples (je décrirai les stratégies rhétoriques dans la suite de ce chapitre) et, le recours au
contact de langues par l’emprunt pourrait, comme je tente de le montrer dans mon analyse,
en être une.
Le contact de langues qui se concrétise dans le discours médiatique construit, selon
Charaudeau «un miroir social »112. Les études qui ont été menées, Morsly 1993, Chachou
2011, 2013 et Djaballah-Belkacem 2011 convergent vers un même constat : l’espace
médiatique est le reflet des pratiques linguistiques à l’œuvre dans la communauté et le
croisement de patrimoines linguistiques et culturels hérités et d’autres fantasmés.
Le recours à l’emprunt (une forme d’alternance codique) dans un discours écrit aussi
« naturellement » que dans un discours oral ou une conversation où l’interlocuteur est censé
avoir et partager les mêmes connaissances et compétences linguistiques que le locuteur,
laisse supposer que les énonciateurs ont une motivation, une volonté de produire de
l’empathie, de la connivence, de l’accommodation et, surtout il s’agit d’une stratégie de la
part du locuteur par laquelle il se construit un éthos, une identité qui véhicule toute la
composante socio-pragmatique partagée avec le lecteur, à même de la reconnaître et de
s’identifier à elle.
Louis Deroy, explique que « les emprunts exigent un certain bilinguisme (…)
Inversement, il est impossible à un locuteur bilingue de ne pas faire d’emprunts et même
impossible de ne pas les répandre (…) mais, si le bilinguisme n’est pas nécessaire pour
112
Guilbert Louis « la créativité lexicale » éd Larousse, Paris 1975.
113
Morsly Dalila « la sociolinguistique en Algérie : Etat des lieux et perspectives », revue scientifique et
académique de l’Université d’Alger II « Réflexions et Perspectives » n°1, Alger, OPU, 2012 pp 223-258
102
justifier la plupart des emprunts lexicaux » 114 Cheriguen Foudil partage complètement
cette approche « L’emprunt tel que pratiqué en Algérie est plus une transplantation de la
langue qui va au-delà du simple emprunt (…) C’est une sorte de bilinguisme…(…)
L’emprunt serait plutôt un phénomène se situant à mi chemin entre le changement
linguistique (quand un fait linguistique impliquant d’anciennes habitudes de pensée ou de
vies, entre en contradiction avec de nouvelles habitudes de pensée ou de vie) et le
bilinguisme…».115De toute évidence, on comprend déjà que l’emprunt ne pourrait exister
chez un locuteur monolingue et que seule cette compétence « bilingue » le permet. Mais,
on comprend aussi que ce qui est sous-entendu est qu’il existe un usage « particulier » de
l’emprunt en Algérie. Cette notion de « particularisme lexical », Yacine Derraji l’a abordé
pour dire « les particularités lexicales d’une variété linguistique propre à une communauté
linguistique perçues par la majorité des membres de cette communauté comme la
manifestation d’une identité culturelle et sociale bien particulière »116
Yacine Derraji, de son côté, explique que le français tel qu’il est pratiqué en Algérie,
reflète le mode d’expression d’une communauté et obéit à des normes consenties par la
communauté dans son ensemble. Combien même un « prétendu »117 écart peut être décelé
par rapport à la norme référentielle (le français de France), c’est le sentiment collectif
partagé qui semble conférer à cette pratique sa « normalité ». Le particularisme en question
se révèle, selon, Yacine Derraji dans le contexte sociolinguistique algérien par des
« algérianismes » : des productions linguistiques typiques des locuteurs algériens
bi/plurilingues qui englobent à la fois emprunts et néologismes.
12.2- Comment ?
Il ne faut jamais perdre de vue que la chronique journalistique s’inscrit dans le cadre
d’un discours médiatique. Chaque titre possède son lectorat, plus ou moins large, selon la
ligne éditoriale du journal et selon le style du chroniqueur. Parmi les lecteurs, certains ne
114
Louis Deroy, « l’emprunt linguistique » éd les Belles Lettres, 1956, p211.
115
idem
116
Derraji Yacine « la langue française en Algérie : particularisme lexical ou norme endogène ? » article paru
aux Cahiers du SLADD revue du laboratoire de Recherche Sciences du Langage, Analyse du discours et
Didactique n°2, janvier 2004, p 15.
117
« Prétendu » revêt ici une importance majeure dans le sens où l’écart n’est perçu que par rapport à une
norme et que par un Autre, étranger à ladite communauté, ce que Derraji appelle l’observateur attentif
« étranger ».
118
Deroy Louis, op‐cité P 172
103
comprendront pas les emprunts (surtout s’ils sont facultatifs) et encore moins les xénismes
et ne pourront pas identifier leur langue source, « d’où l’importance que revêtent les
différents procès de repérage du terme étranger » estime Foudil Cheriguen119
Dans les chroniques journalistiques que j’ai dépouillées, les emprunts ne se
manifestent pas toujours de la même manière. Ils peuvent, en effet, être identifiables par
leur forme (leur mise entre guillemets, entre parenthèses) ou par leur écriture en italique,
ou par l’apposition d’une explication en français, voire d’une traduction comme ils peuvent
ne pas l’être.
HL-(…Et plus j’y pense, plus l'odeur du chaudron dans lequel se mitonne «ettakh’lat»
m’envahit le nez et me fait suffoquer…)
HL- (…Al Hamdoulillah, la «izza et la karama» se lisent sur les visages de tous les
travailleurs algériens.
KD- (…elle chante déjà en boucle l'éloge d'El Aziz. Ses Injazates, réalisations, travaux
d'Hercule, triomphes…)
(Injazates=réalisations)
KD- (…Fêter noël c'est haram, interdit, signe de colonisé et d'assimilé quand c'est fêté chez
nous. ..)
(haram=interdit)
119
Cheriguen Foudil « les mots des uns , les mots des autres : le français au contact de l’arabe et du
berbère » éd Casbah, Alger, 2008, p 31.
104
C’est lorsque l’emprunt est introduit dans un extrait et repris , non pas par son synonyme,
mais, par une explication, le synonyme exact n’existant pas. Le chroniqueur emploie
carrément une tournure explicative avec le mot « traduire ».
Exemple :
1- (…A Mostaganem, une militante récemment arrêtée et harcelée continuellement,
s'est vu traiter de «f'haymiya» par une policière dans le fourgon de ramassage.
Traduire : intello ou «poseuse» de questions dans un pays sans réponses. …) ( K.D
du 25.12.2012)
C’est lorsque l’emprunt est indirectement traduit par des explications exemple :
« …on n’est déjà plus dans le simple décalage, on n’est déjà plus dans la gestion incongrue
des deniers publics, on est en plein dans le kofr, dans le contresens, dans l’antithèse même
du discours divin…)
« kofr » est expliqué par le chroniqueur par le contresens, l’antithèse même du discours
divin.
Exemples d’insertion sans aucune forme de repérage
1- D’abord, cette justice qui s’est mise au sprint depuis quelques semaines et qui débite
les procès de harragas comme les bûcherons canadiens débitent le bois dans les
majestueuses forêts du Klondike …Réjouissez-vous, car mazal el kheïr mazal !
Tellement mazal, que je fume du thé pour rester éveillé à ce cauchemar qui
continue.
105
Selon Dominique Maingueneau (1994)*120 ‹‹tout discours peut être défini comme un ensemble
de stratégies d'un sujet dont le produit sera une construction caractérisée par des acteurs, des
objets , des propriétés, des événements sur lesquels il s'opère››.
Gérard Molinié121 quant à lui, voit immédiatement dans cette praxis une emprunte sociale
et culturelle:"Caractère sociale dans la mesure où l'on parle d'une attitude, de relations, de
positions des individus humains à l'intérieur d'un cadre politique ou institutionnel de quelque
sorte que ce soit, mais existant et subsistant d'après des usages, des mœurs, des lois, des
codes, des rites dont l'observance ou l'inobservance fonde le jeu de la société (…) le monde de
la rhétorique est celui de la vie, du mouvement, du déplacement, des communications et des
rapports sociaux".
Ainsi, argumenter, c’est donc définir la stratégie la plus efficace, la plus habile pour
convaincre par l'usage de la raison (raisonnement) et persuader en faisant appel aux
sentiments, aux émotions et à l'affectivité (éthos et pathos) de l’auditeur et/ou lecteur si bien
que se met alors en place un processus de séduction : « le pathos est l’une des techniques
d'argumentation destinée à produire la persuasion, cela en émouvant les récepteurs » selon
Maingueneau122. Le corpus que nous nous proposons d’étudier assume plusieurs fonctions :
informer, témoigner, mais aussi et surtout dévoiler tout en séduisant.
Argumenter pour les chroniqueurs se résumerait donc à :
► Faire connaître sa position, sa thèse,
► La faire admettre à un lecteur
►Ebranler des contradicteurs, faire douter un adversaire, faire basculer les indécis,
► Critiquer une position contraire ou éloignée,
► Démontrer avec rigueur, ordre et progression,
► Se mettre en valeur,
► Servir une cause, un parti, une foi…
Par ailleurs, pour construire son argumentation, le locuteur part d’une base, sorte de
terrain d’accord qu’il présuppose avoir en commun avec son lectorat. Il convient surtout de
rappeler que l’argumentation est indissociable de la situation d’énonciation, c'est-à-dire du
statut du locuteur et de son lectorat, mais aussi des croyances de ce lectorat (cible), valeurs en
usage dans la communauté, traditions, les tabous, les faiblesses, etc…
L’une des stratégies rhétoriques dans les actes d’énonciations respectifs des chroniqueurs
étudiés demeure l’humour par L’IRONIE. Cette figure de style est omniprésente. Patrick
CHARAUDEAU avoue qu’il persiste un flou quant à sa définition précise et malgré la
multitude des dénominations et des tentatives de définitions, on ne peut se contenter d’une
120
Dominique Maingueneau « Argumentation et analyse du discours »L’Année sociologique, 1994.
121
G. Molinié "Dictionnaire de la rhétorique"livre de poche, Paris 2001.
122
Dominique Maingueneau , idem
106
définition unanime et complète. Ce qui est néanmoins établi et convenu par tous c’est que
l’ironie est une catégorie discursive énonciative construite sur « le décalage ».
Florence Mercier-Leca insiste sur la fait que ce décalage ne se manifeste pas seulement
sous la forme de l’antiphrase qui consiste à « dire le contraire de ce que l’on pense » comme
l’avait défini Du Marsais « l’ironie est une figure par laquelle on veut faire entendre le
contraire de ce qu’on dit : ainsi, les mots dont on se sert dans l’ironie, ne sont pas pris dans le
sens propre et littéral (…) ».123Elle précise que cette définition antique de Quintilien, bien
qu’elle ait été reprise jusqu’au XIX e siècle par Fontanier « l’ironie consiste à dire par une
raillerie, ou plaisante, ou sérieuse, le contraire de ce qu’on en pense, ou de ce qu’on veut faire
pense » est incomplète car, elle n’explique pas toutes les formes d’ironie produites en dehors
du cas de l’antiphrase.
Pour Henir Suhamy, l’ironie « s’exprime à travers des exclamations, des interrogations,
ou n’importe quelle autre forme de discours, sans être liée à un vocabulaire ou des
constructions spécifiques. »124
Selon Laqabi, « l’ironie fait certainement partie de ces mots qui se refusent à toute
définition close et statique. Chaque fois, le vocable est lié de manière presque consubstantielle
à un adjectif qualificatif épithète ou à un complément de nom, afin de canaliser au maximum
le flot des acceptions possibles et dérivations certaines. »
Cette nouvelle approche qui décèle le besoin d’expliquer l’ironie autrement que par
l’antiphrase, sans pour autant identifier les autres formes de constructions sémantiques, va
néanmoins bousculer les fondements de la rhétorique, car, tout en cautionnant l’antiphrase, elle
confirme que l’ironie n’est pas nécessairement et/ou uniquement le produit de la seule
antiphrase.
Dans mes chroniques, l’ironie est une constante mais n’est pas uniquement le produit de
l’antiphrase.
Dans une étude antérieure sur les stratégies rhétoriques dans l’acte d’énonciation dans les
chroniques journalistiques, j’étais parvenue à démontrer que Bien que ce topique qu’est
l’ironie soit avant tout un état d'esprit et un mode de pensée, j’avais tenté néanmoins de lui
donner un cadre pragmatique et linguistique car à mon sens, aussi vaste que puisse être le
champ de l'ironie, un certain nombre de traits définitionnels communs se font rapidement jour.
Ainsi, j’avais retrouvé plusieurs catégories de figures introduisant l'ironie en dehors de
l’antiphrase :
Les figures de diction (allitérations) les figures de construction (anaphores) les figures de
sens (détournements) et enfin les figures de pensées qui sont d'après moi les plus difficiles à
123
Du Marsais « Des tropes et des différents sens, 1730 » Passage extrait de « Lironie » de Florence Mercier‐
Leca, édition Hachette, Hévreux, 2003. P13.
124
Henri Suhamy « les figures de style », éd Que sais‐je, PUF, Paris, 2004, p 108.
107
distinguer car liées à une manipulation des relations logiques ou de la valeur de vérité qui ne
sont, quant à elles plurielles, en corrélation directe avec le contexte extralinguistique.
Attelée donc à répertorier les différentes figures de style par lesquelles l'ironie est
produite dans les énoncés de mes chroniqueurs, je me suis aperçue que certaines deviennent
tout de suite récurrentes : l'antiphrase, la métaphore, le paradoxe et l'hyperbole avec une
prédominance certaine de la métaphore, celle-ci étant la figure de prédilection des rhétoriciens
ainsi que l’alternance des codes. Pour ce qui concerne ma recherche, j’axe mon intérêt sur ce
dernier point. Dans ce sens, je ne me contente pas de m’expliquer cette ironie par un simple
exercice sémantique mais, je lui accorde d’autres origines dont, le contexte. Je m’appuie pour
ce faire sur la thèse de Patrick Charaudeau qui explique que comme pour tout acte
d’énonciation, l’humour produit par le biais de l’ironie, exige la mise en relation de trois
protagonistes : le locuteur, le destinataire et la cible
1- Le locuteur : c’est le chroniqueur qui commente l’actualité en se servant de l’ironie
à des fins de stratégie communicationnelle.
2- Le destinataire : ici, le lecteur qui devient « complice » des commentaires du
chroniqueur. Il est appelé à partager sa version décalée de la lecture de l’évènement.
3- La cible : sur quoi porte l’ironie, le sujet du commentaire décalé.
Le locuteur
Contexte ou
situation de
communication
Le destinataire La cible
Pour que le destinataire décèle l’ironie sans ambiguïté avec l’insulte, il faut que le
locuteur, en l’occurrence le chroniqueur, ait une certaine légitimité.
Cette légitimité est accordée à nos chroniqueurs pour plusieurs raisons, notamment :
108
1- Tous les chroniqueurs sont Algériens, ils peuvent donc, commenter voire critiquer
des évènements ou des personnages appartenant à la société algérienne.
2- La posture d’opposant au pouvoir en place adoptée par les chroniqueurs renforce ce
sentiment de légitimité, car, ils se positionnent d’ores et déjà du côté du peuple.
3- L’usage de référents sociaux et culturels (voire cultuels) communs met en confiance
le lecteur qui partage les mêmes valeurs
16- la connotation
Pour les linguistes, la notion de « connotation » n’a de sens que par opposition à la notion
de « dénotation ». Les définitions que tentent de lui donner les spécialistes de la linguistique,
de la stylistique et de la sémiotique sont toutes différentes. Néanmoins, ils s’accordent tous
pour expliquer que cette notion ne peut trouver son explication dans une seule science.
Roland Barthes explique que « les connotations sont des sens qui ne sont ni dans le
dictionnaire ni dans la grammaire de la langue dont est écrit le texte. »125Il renvoie donc à des
connaissances extralinguistiques tout comme André Martinet qui affirme que « tout ce que ce
terme peut évoquer, suggérer, exciter, impliquer de façon nette ou vague chez chacun des
usagers… »126.
De l’absence d’une définition claire et précise, on peut comprendre que la connotation se
perçoit à travers toutes les « valeurs supplémentaires » qui s’ajoutent à l’information elle-
même.
Néanmoins, il ressort déjà de toutes les études que la connotation ne peut exister que
lorsqu’il y a maîtrise de la langue, car elle est apport des significations secondes à une unité de
sens.
Pour Bloomfield, la connotation relève de la pratique individuelle du langage, donc de la
parole. Cette particularité renforce l’élément psychologique dans l’acception de la
connotation.
Par ailleurs, les connotations sont plurielles : il n’existe pas une connotation mais,
plusieurs, selon chaque lecture.
Georges Mounin affirme que « les connotations sont justement les éléments qui, à la
frange du signifié, rattachent le signifiant aux situations vécues les plus concrètement
individuelles du locuteur. »127 C’est dire si la part de subjectivité et de l’éthos est importante
dans la production de la chronique et, combien la visée illocutoire (pathos) en est dépendante.
Dans mon corpus, j’ai repéré certains emprunts produits pour la seule connotation qu’ils
comportaient. D’abord, dans le registre des langues lui-même (familier, soutenu, alternance
codique) puis, le choix des mots pour chacun des chroniqueurs, notamment concernant les
emprunts facultatifs, c'est-à-dire, lorsque le mot équivalent existe dans la langue française.
126
Martinet, André « Connotations, poésie et culture » T 2, p 1288.
127
Mounin Georges, « la communication poétique » éd Gallimard, Paris, 1969, p25
109
17-Conclusion partielle
Plusieurs constats issus de la réalité algérienne ont été posés à travers les différents titres
de ce chapitre. D’abord, le nombre des lecteurs francophones qui rétrécit telle une peau de
chagrin pour des raisons historiques et culturelles mais aussi pour des raisons d’orientations
politiques et idéologiques qui se concrétisent à travers les programmes scolaires, et les médias,
entre autres. Ladite politique linguistique qui « se mord la queue » en adoptant une attitude
nihiliste par rapport au français et qui, en même temps, rédige ses textes officiels dans cette
langue, crée un véritable situation absurde et « absurdissante » dont les conséquences sont
aujourd’hui perçues aussi bien dans les compétences linguistiques des Algériens, que dans
leurs représentations collectives.
Ensuite, j’ai abordé la presse francophone post 1990, date d’ouverture du champ
médiatique en Algérie et j’ai essayé de savoir si cette « liberté d’expression » officialisée était
réelle dans la pratique journalistique ou bien était-elle encore un autre mythe.
C’est d’ailleurs un espace tellement différent des autres articles qu’il devient le reflet du
plurilinguisme de la société algérienne, différemment exprimé selon chacun des
locuteurs/scripteurs.
110
CHAPITRE 3
Choix et orientations théoriques
111
1-Introduction partielle
Dans cette partie de ma recherche je vais tenter de définir les phénomènes linguistiques
observés lors du dépouillement de mon corpus. Ces phénomènes variationnels sont inhérents
au contact des langues.
En premier lieu, j’évoquerai succinctement le code mixing, (mélange des codes) qui est le
phénomène duquel dérive le code switching, en citant quelques notions théoriques dans un
paragraphe intitulé « code mixing : mélange de codes ».
Ensuite, je vais tenter d’apporter des définitions au concept, très galvaudé depuis les
années soixante, qu’est l’alternance codique ou le code switching dans la version anglophone.
Ces définitions seront proposées et discutées de manière chronologique, selon leur ordre
d’apparition.
C’est le deuxième titre que j’ai intitulé « alternance codiques : essais définitoires ».
Lors de ma recherche de documentation sur le sujet, j’ai eu à constater que la grande
majorité des travaux qui ont été faits sur la variation linguistique ont ciblé la langue orale :
l’interaction, conversation, émission radiophonique, etc. D’où, la difficulté de diversifier les
approches et de les confronter. Pour moi, il allait d’abord être question d’expliquer que
l’énoncé pouvait aussi être écrit et que derrière chaque chroniqueur, se cachait un locuteur
pour pouvoir, par la suite, examiner les productions bilingues/ plurilingues, identifier le type
de production linguistique née de ce contact, puis, déterminer les process d’intégration de
l’occurrence repérée et les contraintes pesant sur les structures linguistiques, soit pour analyser
le rôle et les significations sociales de l'alternance de codes et étudier leur fonction sociale en
tant que marqueur identitaire. Pour ce faire, je m’appuie sur les réflexions de Jean-Michel
Adam sur la différence entre texte, contexte et discours. Interrogé sur sa position quant à la
définition qu’en fait Kerbrat-Orecchioni( à savoir : discours = texte+contexte), Jean-Michel
Adam explique « on est toujours en contexte (…) quand on travaille sur des énoncés, on ne
peut travailler hors contexte (…) ».1
Evidemment, en ce qui concerne ma recherche, la tâche se complique car, il ne s’agit pas
uniquement de l’analyse d’un discours quelconque mais, d’un discours médiatique qui a la
particularité d’être bi/plurilingue, comme je l’ai expliqué dans le premier chapitre de cette
première partie.
Compte tenu de l’environnement sociolinguistique multilingue dans lequel sont produits
ces énoncés et du bi/plurilinguisme individuel des chroniqueurs dont j’ai choisi d’étudier les
productions écrites dans la presse algérienne d’expression française, je vais développer par la
suite les fonctions de l’alternance des langues et tenter de confronter deux approches. Cette
mise en parallèle me semble nécessaire pour mieux cerner les motivations de ce phénomène
lors de ma démarche d’analyse ultérieure. Mais, ce qui sera d’autant plus nécessaire c’est
1
Article comportant questions posées à J.M Adam, paru dans la revue « Pratiques »n° 129‐130 du mois de
juin 2006 intitulé « Textes, Contextes et discours en question »
http://www.unil.ch/files/live//sites/fra/files/shared/Entretien_Pratiques‐Adam.pdf
112
113
2
Marie Louise Moreau « Sociolinguistiques, concepts de base » éd MARDAGA, Liège, 1997, p 207.
3
Myres Scotton Carol & Ury William « Bilingual strategies of code switching » International Journal of the
Sociolingy of Language, n°13, 1977, pp 5‐20
4
Josiane Hamers & Michel Blanc « Bilingualité et Bilinguisme » éd Mardaga, Bruxelles, 1983, p 455.
5
Ceux-ci sont « des langues secondes créées pour les besoins de la communication par deux communautés
linguistiques parlant des langues différentes (…) mais si les pidgins sont la résultante d’un mélange de
langues, tous les mélanges codiques ne sont pas des pidgins » selon la définition de Moreau ML dans
« Sociolinguistiques, concepts de base » éd MARDAGA, Liège, 1997, p 207.
114
Une des variantes du code mixing est le code switching. Le premier décrit un mélange de
langues dans une même phrase et le deuxième une alternance dans laquelle les deux langues
restent séparées dans une même phrase.
L’alternance codique (code switching) impose des opérations structurelles au locuteur
qui dénote sa maîtrise du fonctionnement des systèmes des deux langues, alors que le code
mixing n’exige aucune compétence structurelle de la part du locuteur.
Dans le respect d’une évolution chronologique, je vais tenter de présenter quelques
définitions de l’alternance codique :
D’abord, Gumperz John, initiateur des études sur ce phénomène, définit l'alternance
codique comme : « la juxtaposition à l'intérieur d'un même échange verbal de passages où le
discours appartient à deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux différents »6
Les premières études de John Gumperz visaient uniquement la langue orale et, spécifiquement,
l’échange : l’interaction.
En 1977, Carol Scotton et William Ury veulent synthétiser le concept du code switching
et apportent la définition suivante :
6
idem
7
La définition originale a été faite en anglais : « the use of two or more linguistic varieties in the same
conversation or interaction. The switch may be only for one word or for several minutes of speach. The
varieties may be anything from genetically unrelated languages to two styles of the same language. The use of
solitary, established loan words or phrases is not considered code-switching”
115
Plus brièvement, Guadalupe Valdes-Fallis dit que « L’alternance codique est le fait
d’alterner deux langues au niveau du mot, de la locution, de la proposition ou de la phrase
»8Cette autre définition est plus globale, elle ne se limite pas à l’alternance des « mots » mais,
inclut d’autres types d’alternances qu’elle identifie de par leur nature telles que les locutions,
les propositions et des phrases entières.
Shana Poplack, de son côté, définit l'alternance codique comme : « La juxtaposition de
phrases ou de fragments de phrases, chacun d'eux est en accord avec les règles
morphologiques et syntaxiques (et éventuellement phonologiques) de sa langue de
provenance. L'alternance de codes peut se produire à différents niveaux de la structure
linguistique (phrastique, intra-phrastique, interjective) » 9
Par cette définition, Shana Poplack est dans la continuité de la définition de Gumperz
John Tous deux se focalisent sur l’aspect linguistique du phénomène.
Mais, jusque là, toutes les définitions sont orientées vers le bilinguisme individuel, facteur
sine qua none du discours alternatif : c'est-à-dire qu’il n’y a alternance codique que lorsque
deux codes sont utilisés dans un même discours « les éléments des deux langues font partie du
même acte minimal de parole ». 10 Mais, Josiane Hamers et Michel Blanc vont élargir la
définition puisqu’ils expliquent que le code switching n’est pas spécifique au bilinguisme, il
l’est à toute sorte de plurilinguisme : « Dans l’alternance des codes, deux codes(ou plusieurs)
sont présent dans le discours, des segments de discours alternent avec des segments de
discours dans une ou plusieurs langues. Un segment(x) appartient uniquement à la langue
(LY) il en va de même pour un segment(Y) qui fait partie uniquement de la langue (LY), un
segment peut varier en ordre de grandeur allons d’un mot à un énoncé ou un ensemble
d’énoncé, en passant par un groupe de mots, une proposition ou une phrase ».11
Un autre aspect de la production de cette « interlangue » est développé par Georges Lüdi
et Bernard Py qui évoquent la connaissance préalable des acteurs ou participants à cet échange
discursif de (s) langue (s) utilisées «L’alternance codique est un passage d’une langue à
l’autre dans une situation de communication définie comme bilingue par les participants»12
Aussi, l’alternance des codes engloberait l’ensemble des phénomènes linguistiques (emprunts
lexicaux, calques, xénismes, pidgin,…) : toutes formes de marques trans-codiques inhérentes
au plurilinguisme
« Tout observable, à la surface d’un discours en une langue ou une variété donnée, qui
représente, pour les interlocuteurs et/ou le linguiste, la trace de l’influence d’une autre langue
ou variété ». 13 Cette définition m’intéresse particulièrement dans la mesure où, dans ma
recherche, je fais l’hypothèse que les énonciateurs ont une parfaite connaissance préalable de
leur public cible et, de son patrimoine linguistique et culturel. Le recours à l’alternance
codique par les journalistes dans leurs productions en est la preuve, mais aussi, le but : les
8
Guadalupe Valdès‐Falis, citée par Bernard Zongo « le parler ordinaire multilingue à Paris : ville et
alternance codique, pour une approche modulaire » éd l’Harmattan, Paris, 2004, p22
9
S.Poplach citée par Zakaria Ali‐Bencherif, thèse de doctorat, 2009, p48
10
Marie‐ Louise Moreau « Sociolinguistique de base », Mardaga, Bruxelles, p 33.
11
J.Hamers et M.Blanc op‐cité p 176.
12
Georges LÜDI et Bernard PY, « Etre bilingue » nouvelle édition BERN, Peter Lang, 2003, p146
13
idem, p142
116
chroniqueurs semblent vouloir dire aux lecteurs (interlocuteurs passifs) je vous connais, vous
me connaissez, nous partageons la (les) même (s) langue (s) et donc la (les) même (s) culture
(s).
Un peu plus tard, dans le début des années soixante dix, John Gumperz introduit à cette
dernière approche Labovienne un élément lié aux acteurs de cette variation : il se base sur
l’intercompréhension des acteurs de la conversation et leur capacité de décoder
respectivement le message de l’autre. Il est question alors de prendre en ligne de compte le
facteur socio-ethnographique de la communication définissant l’alternance codique 14 (code
switching dans sa terminologie anglophone) comme résultante du bilinguisme, « Si tu peux
décoder ce que je veux dire, tu dois partager mes traditions dans ce cas, tu comprendras
pourquoi je me comporte de cette façon ».15
117
l’aspect inconscient, naturel et spontané de cette variation « Les participants plongés dans
l'interaction elle-même, sont souvent tout à fait inconscients du code utilisé à tel ou tel
moment. Ce qui les intéresse avant tout, c'est l'effet obtenu lorsqu’ils communiquent ce qu'ils
ont à dire ».17
Par ailleurs, le recours à tel ou tel code ne se fait pas de manière aléatoire : le code
switching est un choix du locuteur pour mettre en exergue, donner du poids ou rapporter
un discours. C’est donc révélateur d’une maîtrise des systèmes des deux codes : Toujours
selon Gumperz : « Il ne fait aucun doute que le recours efficace à des stratégies de
communication présuppose une compétence grammaticale et une connaissance de la culture" .
Il me faut préciser que, longtemps, ce phénomène linguistique qu’est l’alternance codique
a été considéré comme un handicap linguistique, se réduisant à une incapacité du locuteur à
parler « convenablement » une des deux langues et non pas une compétence du locuteur à
passer alternativement d’un code à l’autre, selon des conditions à définir.
D’autres points de vue, plus récents, de ce phénomène ont amené à des relectures et des
interprétations en adéquation avec des données nouvelles adaptées à chaque situation de
bilinguisme comme le précise Bernard Zongo « son réexamen permet des réajustements et
des reformulations indispensables au regard des données nouvelles émergentes » 19 : c’est
l’approche modulaire qui est proposée.
17
idem
18
J.Hamers &M. Blanc « Bilingualité et Bilinguisme »Mardaga, Bruxelles, 1983, p 445
19
B. Zongo op‐cité p17
118
Zakaria Ali-Bencherif fait une synthèse des ces approches. Il aborde celle variationniste
linguistique de Shana Poplack, celle, fonctionnelle, de John Gumperz , l’approche
interactionniste, conversationnelle de L. Dabène et psycholinguistique de Lüdi & Py. Je
retiendrai pour mon analyse la perspective variationniste linguistique de Shana Poplack qui
établit trois formes d’alternances codiques :
a)-L’alternance intraphrastique
Selon Shana Poplack 20, c’est la forme la plus intéressante à observer : deux structures
syntaxiques appartenant à deux langues différentes coexistent à l’intérieur d’une même phrase.
Cette forme montre comment une l’alternance peut se réaliser entre deux éléments d’une
phrase pourvu qu’ils soient ordonnés de la même façon selon les règles grammaticales de leurs
langues respectives
Exemples :
Ici le mot étranger est le Complément du nom 1 ( la chitta) qui vient compléter
l’information du COD (le prix) grâce à la préposition « de »
L’alternance codique est possible dans ce cas car l’ordre syntaxique est respecté. Aussi
bien en arabe classique qu’en arabe algérien il existe la complémentarité nominale. Shana
Popack désigne cette première condition par « la contrainte d’équivalence » qui permet ou
exclut l’alternance codique intra-phrastique. Par ailleurs, Shana Poplack fait remarquer que
dans ce cas de figure, l’alternance codique sert à la répétition et /ou la traduction. Dans le cas
du 3ème exemple, je remarque que l’emprunt « imam » est utilisé au masculin pluriel. La
marque du pluriel apparaît par le « s » final, de la même manière que dans un nom d’origine
française.
20
Poplach Shana, “Conséquence linguistique du contact de langues : un modèle d’analyse variationniste »
article en ligne, revue Persée : http://www.persee.fr/doc/lsoc_0181‐4095_1988_num_43_1_3000
119
« Et après le ramadhan, après la grande bouffe, après nous avoir gavé de viande
brésilienne (…) qu’allez-vous nous parachuter ?(…) ? H’chouma alikoum !... »
Dans cet exemple, la phrase est une expression idiomatique empruntée l’arabe algérien.
La traduction littérale pourrait-être « honte à vous ! ». Elle constitue une phrase complète et
autonome. Le point d’alternance est le point d’interrogation qui la précède.
4-L’Interférence
L'interférence est un phénomène linguistique issu du fait du contact de langues. Selon
Mackey « l'interférence est l'utilisation d'éléments appartenant à une langue tandis que l'on en
parle ou que l'on en écrit une autre. C’est une caractéristique du discours et non du code. Ella
varie qualitativement et quantitativement de bilingue à bilingue et de temps en temps elle varie
121
aussi chez un même individu ; cela peut aller de la variation stylistique presque imperceptible
au mélange de langues absolument évident ».21
Ce phénomène linguistique n’existe que dans des situations de bilinguisme. Il est désigné
de manière fautive et se produit lorsque le locuteur réalise des transferts linguistiques
inappropriés, plus ou moins contrôlés, d’une langue à une autre sur la base d’une des deux
structures linguistiques. Lorsque ce transfert / cette incursion « cet acte par lequel une langue
accueille un élément étranger » 22 se réalise de manière maîtrisée et voulue d’une langue vers
l’autre, on parlera d’emprunt comme l’explique Louis-Jean Calvet.
Josiane Hamers et Michel Blanc évoquent cet aspect « fautif et problématique » dans la
définition qu’ils donnent de l’interférence : « des problèmes d’apprentissage dans lesquels
l’apprenant transfère le plus souvent inconsciemment et de façon inappropriée des éléments et
des traits d’une langue connue dans la langue cible ».23
Dans le cas des chroniqueurs que j’étudie, je ne peux retenir l’hypothèse de l’interférence
comme étant à l’origine de l’alternance codique car, tous trois ont une maîtrise parfaite de la
langue française. Toute alternance codique ne serait donc que le résultat d’un choix, d’une
motivation personnelle, et situationnelle.
George Mounin de son côté, ne fait pas allusion à l’aspect « problématique » du
phénomène. Il définit l’interférence comme « les changements ou identifications résultant
dans une langue des contacts avec une autre langue, du fait du bilinguisme ou du
plurilinguisme des locuteurs»24
Uriel Weinrich quant à lui, cité par Louis-Jean Calvet, conçoit l’interférence comme un
«remaniement de structures qui résulte de l’introduction d’éléments étrangers dans les
domaines les plus fortement structurés de la langue, comme l’ensemble du système
phonologique, une grande partie de la morphologie et de la syntaxe et certains domaines du
vocabulaire (parenté, couleurs, temps, etc.)»25
Quand bien même elles sont abordées différemment, ces quatre définitions convergent
vers une même notion de « production linguistique » nouvelle issue du contact ou de
l’influence d’une langue sur une autre. Seule, la définition de U. Weinrich souligne les
domaines de réalisation de ces interférences : la phonologie, la morphosyntaxe et le lexique.
Cette dernière approche qui met en avant « la créativité lexicale » en parlant de remaniement
constitue, en fait, un préambule à la réalisation des néologismes et des emprunts.
21
Mackey W.F, « Bilinguisme et contact de langues », Klincksieck, Paris 1976, p414.
22
Calvet, L.J, « La sociolinguistique », Presse Universitaire de France Que Sais‐je ? Paris, 1993, p 32
23
J.Hamers &M.Blanc, op cité.
24
« Didactique des langues et Sciences du langage »revue en ligne http://monampanzu.over‐
blog.com/article‐notions‐d‐interferences‐et‐transferts‐linguistiques‐121684801.html
25
idem
122
5-De l’emprunt
Pour aborder l’emprunt, M.Pergnier aborde d’abord le phénomène de l’« interférence ».
Selon lui, c’est le premier processus visibles lorsque deux langues, ou plus, coexistent, car, les
contacts entre populations à travers l’Histoire se manifestent dans le vocabulaire : « L’emprunt
est le résultat d’interférences entre deux langues et il n’y a donc emprunt que dans la mesure
où deux langues sont en contact à travers un nombre plus ou moins élevé de locuteurs,
bilingues à des degrés divers ».26
Le Petit Robert définit l’emprunt comme « un acte par le quel une langue accueille un
élément d’une autre langue, élément (mot, tour) ainsi incorporé. Emprunt à l’anglais –
anglicisme. Le fonds primitif et les emprunts. Emprunt assimilé, francisé, traduit : calque ».27
Ces emprunts sont devenus des unités lexicales complètement intégrées dans la langue
française, répertoriées dans le dictionnaire français après avoir subi des modifications
généralement phonétiques et/ou phonologiques de manière à être facilement prononçable par
les francophones natifs :
26
Pergnier M « les anglicismes » 1re édition PUF, Paris, 1989, p 23.
27
Nouveau Petit Robert, dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, édition 2001
28
Dans un ordre quantitatif, je cite les langues ayant le plus prêté au français à ce jour à partir des travaux
réalisés par Walter H en 1997. Evidemment, la langue étant dans une dynamique perpétuelle, ces chiffres ne
sont pas immuables, ils peuvent changer. L’anglais et américain (2613 mots) ; l’italien (1164) ; dialectes gallo‐
romains (1012) germanique ancien (694) ; arabe (442) ; allemand (408) ; espagnol (362) ; néerlandais (312) ;
langues d’Asie (258), langues celtiques (236) ; langues amérindiennes (233) ; langues slaves et baltes (148) ;
langue malayo‐polynésienne (137) ; persan (98) ; langues chamito‐sémitiques sans l’arabe (94) ; sanskrit
(89) ; langues africaines (81) ; portugais (68), turc (58) ; langues scandinaves modernes (47) ; langues pré‐
indoeuropéennes ( 39) ; langues créoles (22) ; langues finno‐ougriennes (21) ; divers (arménien, basque…)
(20). Voir lien http://www.irdp.ch/activites_eole/annexes_doc/annexe_doc_18.pdf
123
Gros fruit charnu de l'abricotier, sucré et savoureux, dont le noyau lisse contient
une amande comestible et dont la pulpe est utilisée en confiturerie et en pâtisserie. (La
production annuelle totale d'abricots est de l'ordre de 3 millions de tonnes. Les plus
importants producteurs sont la Turquie [16 %] et l'Iran [9%], suivis de l'Italie, du Pakistan et
de la France dont la production se situe, pour chacun d'entre eux, autour de 6 % du total
mondial.)
124
34
épuisement.
-Jogging: n.m. anglais, jogging. “Course à pied pratiquée pour l'entretien de la forme
physique, sur les terrains les plus variés (bois et campagne, routes, rues des villes).
Survêtement utilisé pour cette activité.35 »
-Footing : n.m crée de l’anglais foot, pied. « Course à pied entrecoupée de marche, faite
sur un rythme régulier et sans forcer, pour entretenir sa forme physique. »36
-Rockeur : n.m. américain, rocker. Chanteur de rock. Familier, adepte du style rock,
personne qui, dans sa tenue ( blouson de cuir noir, bottes, etc) imite les chanteurs de rock.37
Souvent à travers l’Histoire la guerre des mots a été déclarée entre puristes et modernistes.
Les premiers, comme à l’exemple des académiciens français, ont eu pour mission au XVIIe
siècle de « de travailler dans la plus grande diligence et le plus grand soin afin de rendre la
langue pure et éloquente, capable de traiter des sciences et des arts »39. Par pureté ici, il y a
lieu de comprendre faire la guerre aux emprunts. Mais, quatre siècles après, on voit bien que le
français continue de contenir des emprunts qui le font, d’ailleurs, vivre et évoluer, notamment
les anglicismes qui ont migré vers le français, en abondance, au XIX siècle, puis, d’autres
plus récents, liés à la technologie numérique et les médias ( le show-biz, la star, people, le
best-off…)
C’est justement en termes d’enrichissement lexical et culturel et non pas une dénaturation,
que Jean Tabi-Manga définit le phénomène de l’emprunt « L’emprunt est un processus
lexicogénique. Il enrichit la dynamique du français dans un contexte multilingue, et donc de
contacts culturels ».40
Il est bon de rappeler que l’emprunt linguistique est un phénomène commun à toutes les
langues, quand bien même, celles (les langues) qui vivent au contact d’autres, empruntent en
plus grand nombre, plus « généreusement ». C’est le cas du contexte sociolinguistique
algérien qui est plurilingue par excellence.
34
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/oued/56870#u2IFwFDOsw9wruhm.99
35
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/jogging/44936#lxLRfow4SepZgj1g.99
36
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/footing/34538?q=footing#34497
37
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/rocker/69683?q=rockeur#68928
38
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/parking/58227?q=parking#57883
39
Extrait du statut de l’académie française fondée le 29.01. 1635 par le cardinal de Richelieu « La principale
fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles
certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences » (article
XXIV) ».
40
Jean Tabi‐Manga , article, «Prolémogènes à une théorie de l’emprunt en français langue seconde »Presse
Université Québec, 2006, p 106‐176
125
Dans le dictionnaire de Linguistique édité par Jean Dubois, une définition est proposée :
« Il y a emprunt linguistique quand un parler A utilise et finit par intégrer une unité ou un trait
linguistique qui existait précédemment dans un parler B (dit langue source) et que A ne
possédait pas. L’unité ou le trait emprunté sont eux-mêmes appelés emprunts ». 41 Cette
définition met en avant la condition « d’absence d’équivalent dans la langue cible », donc,
c’est aussi le déficit lexical d’une langue qui est à l’origine de l’emprunt, mais, lorsqu’il se
réalise, ce dernier sert au final à l’enrichissement du capital lexical d’une langue. C’est ce
qu’expliquent Georges Lüdi et Bernard Py en abordant plutôt la notion d’enrichissement du
vocabulaire : « les emprunts lexicaux sont des unités lexicales simples ou complexes d’une
autre langue introduites dans un système linguistique afin d’augmenter le potentiel
référentiel ; elles sont supposées faire partie de la mémoire lexicale des interlocuteurs même
si leur origine étrangère peut rester manifeste ».42
Cette même attitude de « justification » de l’emprunt est appuyée par Langueux qui parle
de ce phénomène en le comparant à un renouvellement et une mise à jour du lexique d’une
langue, toutefois, il soumet deux conditions à la « légitimation » de l’emprunt «L’importation
intelligente et raisonnée de termes étrangers, c’est-à-dire conforme à des besoins réels,
constitue un des moyens les plus adéquats dont une langue puisse se servir pour renouveler et
mettre à jour son lexique ».43
L’intelligence et la raison deviennent pour Langueux deux critères sur la base desquelles
un emprunt peut se réaliser. Il met l’accent sur la nécessité de l’emprunt et sur la quantité de
mots « voyageurs » qui peuvent être admis dans une langue avec un but précis :
l’enrichissement et la mise à jour du lexique, sans quoi, il n’ ya pas nécessité à recourir à
l’emprunt à une langue source lorsqu’une réalité similaire existe dans la langue cible.
41
Dubois, J et al « Dictionnaire de Linguistique et des sciences du langage » Paris, Larousse, 1973
42
G.Lüdi & B.Py « être bilingue » éd Petre Lang, Bern, 1986
43
Elizabeth C ;Saint, article en ligne revue «Communication, Lettres et Sciences du Langage »
http://clsl.recherche.usherbrooke.ca/vol7no1/SAINT_vol7_no1_2013.pdf
126
discours courant) via les dictionnaires, comme « attestation » de son intégration au système
linguistique français.
Exemples :
1- « Quelle est la différence entre un émir et un émir ? (…) (de pétrole ou de casemates).
Les deux naissent l'un de l'autre : l'émir d'Arabie est le Père financier et idéologique de l'émir
du Sahel. Il le nourrit de livres, fatwas, satellites, chouyoukhs et best of du manuel du
moyen-âge…
extrait de la chronique de K.Daoud du 23.02.2014
1- « Et, je remarque ce truc énorme, cette traînée liquide à la suite de ce cortège de fin
du monde salafiste ».
extrait de la chronique de Hakim Laâlam n°93.
Tous les emprunts sus- cités appartiennent quasiment à un même champ lexico-
sémantique, et à une même thématique : politico-religieuse. Ces sont des mots nouvellement
employés par les francophones, notamment dans les médias. Ces signes linguistiques sont
apparus en même temps que certains évènements (tels que la lutte anti-terroriste en Algérie
dans les années 90, les printemps arabes, les attentats, les groupes terroristes armés) d’abord
en dehors de France puis, en France.
Une étude a été réalisée sur les emprunts aux Etats Unis dans les années cinquante, selon
laquelle, la plus grande majorité des emprunts sont des nominaux simples « 71 à 75%. Le
substantif apparaît donc comme l’élément le plus facile à déplacer de la langue source vers la
langue cible » 44
44
Brahim Khetiri , thèse de doctorat intitulée « L’emprunt à l’arabe dans le français au Maghreb ; Etude
comparative » Université Mentouri, Constantine 1, année 2013‐2014, p 39 lien :
http://bu.umc.edu.dz/theses/francais/KET1349.pdf
127
La résistance des verbes de la langue source à l’intégration dans la langue cible pourrait
être expliquée par l’appartenance à des systèmes grammaticaux différents (arabe algérien,
kabyle, français). La conjugaison des verbes dans les langues sources arabe algérien ou
kabyles (chamito-sémitiques) ne se produit pas de la même manière que dans le français qui
est une langue d’origine indo-européenne.
Ce constat conforte mon autre hypothèse sur les traductions littérales que subissent les
expressions idiomatiques (étant généralement des lexies complexes) produisant des calques
ainsi que la créativité lexicale que s’autorisent les énonciateurs qui s’approprient la langue
française lorsqu’il s’agit de verbes.
Cette créativité lexicale est parfois le produit de manipulation d’un emprunt (Dérivation,
suffixation…) dont la nature grammaticale d’origine est un substantif, comme je vais
l’expliquer dans ce même chapitre dans la partie consacrée aux « néologismes et créativités
lexicales ».
Par ailleurs, il me faudra procéder à une analyse spécifique pour distinguer ce que j’avais
dans un premier temps identifié comme étant des emprunts des xénismes dont les critères
définitionnels sont différentes, de l’alternance codique, plus générique, en procédant à des
vérifications d’existence dans le dictionnaire et de légitimation justifiée par le déficit
linguistique entre autres éléments de pertinence.
Les formes et classifications de l’emprunt ont fait l’objet de plusieurs études, analyses et
discussions. Il ressort, au final, que tous les emprunts ne peuvent pas être classés dans une
même catégorie. Tous les emprunts ne sont pas nécessaires, par conséquent, leur emploi dans
un discours, n’aura forcément pas la même justification.
Exemples :
1- « Même chose pour des religieux étrangement absents du registre des fetwas… »
Extrait du corpus de Hakim Laâlam P 282
128
3- « (…) Avec El Hadj El Anka en noir et blanc, auguste et la voix frémissant, les
femmes en Haïk (…) »
Fetwa Inexistante
Islam, islamistes Inexistante
El hadj Inexistante
Haïk Inexistante
b)-Emprunt facultatif :
C’est celui emprunté pour des raisons autres que celles d’un déficit linguistique. Certains
linguistiques estiment d’ailleurs, à leur sujet, qu’ils sont subsidiaires, injustifiés, voire,
« inutiles » parce qu’« une désignation existe ou est possible dans la langue emprunteuse.»46
mais, que le locuteur peut juger « insuffisante » ou pas totalement fidèle à ce qu’il voudrait
signifier. Il s’agit dans ce cas de l’emprunt connotatif dont l’utilisation renvoie à d’autres
besoins que la désignation épilinguistique pure, notamment, par la charge affective,
l’allusion, le non-dit, les représentations qu’ils véhiculent.
Exemples :
1- -« Les revendications des peuples étaient et resteront légitimes : liberté, justice, fin
des Moukhabarates, droit de regard sur l'argent de tous »
4-« une faute grave ? Celle d’affirmer que le sang des chouhada appartient d’abord et
seulement à leurs familles et leur pays ? «
Ici, le mot Moukhabarate peut être remplacé par son équivalent français Services de
Renseignements, mais, il n’aurait pas la connotation escomptée, car, Moukhabarates ne sert à
désigner que les services secrets (de contre-espionnage) de certains pays moyen-orientaux,
syriens en particulier. Il en est de même pour La harga, et les Harragas, tous deux
correspondant à une réalia algérienne, qui peuvent peut être remplacés par immigration
clandestine et émigrés clandestins.
46
Deroy Louis, op cité, p172.
129
Puis, les Chouhadas dans sa signification première peut être traduit par son équivalent
français « martyrs ». Sauf que, « Chouhadas » renvoie au combat pour la religion musulmane
uniquement, ce qui en fait un terme restrictif.
Ces quatre exemples d’emprunts ont des équivalents dans la langue française, mais, ceux-
ci doivent être complétés par des explications supplémentaires, des compléments du nom. Ce
recours à une autre langue s’est donc avéré pour l’émetteur nécessaires pour des raisons autres
que sémantiques « tout mot emprunté l’est pour une raison qui semble bonne et suffisante à
l’emprunteur » 47des besoins autres qu’épilinguistiques et dont la fonction est celle de préciser
le sens, d’économiser les explications afin d’éviter la périphrase française.
C’est le plus connu des emprunts et généralement le plus usité. Il sert à mieux rendre
compte d’une réalité que le locuteur estime « incomplète » ou « inexistante » dans la langue de
l’énoncé. L’emprunt peut être intégral (forme et sens) ou bien partiel 48 (forme ou sens).
L’emprunt intégral ne subit pas d’altération graphique ou phonologique. L’emprunt hybride ou
partiel, quant à lui, est en partie adapté à la langue cible.
Dans mon corpus, j’ai repéré des emprunts lexicaux à l’arabe institutionnel (arabismes), à
l’arabe algérien et kabyle (algérianismes), et mêmes des anglicismes.
Exemples :
a)-Emprunts intégraux :
Arabe institutionnel Arabe algérien Kabyle anglais
Langue source (berbère)
47
Deroy Louis, cité par Brahim Khetiri op cité p 45.
48
Egalement nommé emprunt hybride
130
b)-Emprunts Hybrides :
Islamiste Hittistes
Exemple d’emprunt Djihadiste Harragas
Hybrides relevés Imamiste
Califal
Les emprunts hybrides cités ont été adaptés au système de la langue cible soit par
dérivation, suffixation49, notamment, soit par la flexion par rajout de la marque du pluriel « S »
à l’écrit :
49
Cette remarque mérite qu’on s’y arrête car, par le rajout de la marque du pluriel « S », imprononçable
pourtant à l’oral, le chroniqueur prouve que la syntaxe dominante dans son discours est bien le français.
50
idem
131
les structures sous jacentes du signifié ».51comme l’explique M.Pergnier. De son côté, J.Tabi –
Manga avance que les calques « représentent la projection en français des schémas syntactico-
sémantiques plus ou moins lexicalisés du substrat linguistique. Sur le plan de la sémantaxe,
cette réactivation de la substance du contenu local (africain) à travers une forme d’expression
française traduit un phénomène proprement culturel. Enfin, les calques traduisent la tendance
à la fonctionnalisation de la langue française, c’est-à-dire cet effort d’adaptation du français
à la seule fonction de communication par affranchissement des contraintes grammaticales ».52
Dans mon corpus, j’ai constaté que les calques se produisaient le plus souvent pour
traduire des expressions idiomatiques algériennes auxquelles, aucune autre réalité ne
correspond dans la langue française.
Exemples :
1- « Elle est avec le debout » ici « le debout » signifie en arabe algérien (Waqef) la
personne en situation de force et non pas comme traduit en français en position verticale.
(Extrait de la chronique de Kamel Daoud intitulée « Ali la fuite et le cheval de Reaggan »
du 23.01 .2014 parue au Quotidien d’Oran, p 3)
2- « On nous enlève le pantalon» signifiant ici être déshonoré et non pas être
déshabillé. Le pantalon est le symbole de virilité et d’honneur.
(Extrait de la chronique de Kamel Daoud intitulée « garder la barbe ou sauver le
pantalon ? » du 11.04.2010 parue au Quotidien d’Oran p3)
3- « (…) C'est la Kabylie qui mange le Ramadan » signifiant ne pratique pas le
jeune du mois de ramdhan
(Extrait de la chronique de Kamel Daoud « Manger les «mangeurs» est-il hallal ? du
05.08.2013)
4- « (…) Vous avez mangé la tête de tous les autres ». signifiant porter malheur et
assister à la mort de tous les autres, leur survivre (un peu comme la mante religieuse)53
(Extrait de la chronique de Kamel Daoud « Une autre forme du 11 janvier » du
14.01.2014)
Les exemples sus- cités sont des expressions idiomatiques. Ce sont elles qui font, le plus
souvent, l’objet de traduction littérale lorsque le bilinguisme est maîtrisé, comme c’est la ces
de mes chroniqueurs. Le calque ici est voulu.
51
M.Pergnier, op cité, p 89.
52
J.Tabi Manga op cité p 165
53
En latin « mantis religiosa »Insecte de l’ordre des Mantoptères. Les spécialistes ont observé que, souvent,
la femelle mangeait le mâle pendant l’accouplement, Elle commence par la tête.
132
Dans mon corpus, ce phénomène touche les emprunts faits dans les deux sens : du
français vers l’arabe algérien et de l’arabe vers le français. Il s’inscrit dans le cadre de la
réciprocité des langues en contact qui est à l’origine de leurs évolutions respectives.
Evidemment, il existe dans la langue arabe institutionnelle des emprunts faits au français et à
l’anglais, notamment dans les domaines scientifiques et technologique. Fouzia Benzakour,
justifie cette influence par les nécessité du monde moderne « l’influence du français apparaît
aussi, et peut-être plus encore, dans le lexique où l’arabe moderne emprunte massivement au
français les lexèmes en rapport avec la vie moderne occidentale, la science et la technique, en
les adaptant à son système phonologique/ phonétique et en les intégrant soit entièrement, soit
partiellement, à ses structures morphologiques »54
Exemples :
Foudil Cheriguen partage également cet avis sur l’obligation d’adapter l’emprunt au
système linguistique français afin de lui permettre de survivre et d’être facilement usité par les
francophones natifs « pour qu’un terme soit emprunté, il est nécessaire qu’il soit suffisamment
répandu dans la langue emprunteuse, que les usagers de celle-ci, l’admettent, soit tel quel,
soit en lui faisant subir quelques modifications (par rapport à la langue d’origine) d’ordre
phonique surtout, afin de mieux l’adapter à la langue emprunteuse ».
Je rappelle à ce niveau que les systèmes phonétiques et phonologiques arabes et français
sont différents quant à la prononciation de certains phonèmes. Par exemple, il n’existe pas de
voyelle fermée [y] ni demi-fermées [e] et [Ø] en arabe, comme il n’existe pas non plus de
phonème [x] en français. Ces nouvelles lexies que je prends pour exemple, formées avec les
traits distinctifs du système linguistique algérien sont complètement intégrées dans la langue
algérienne et sont réempruntées par le chroniqueur dans un énoncé en langue française. Il y a
donc double emprunt né du fait de la double influence des langues en contact:
54
Benzekour Fouzia, « le Français au Maroc » lexique et contact de langues, article en ligne
https://books.google.dz/books?id=yifNHpBkV9sC&pg=PA110&lpg=PA110&dq=benzakour+influence+du+fran
%C3%A7ais+sur+l%27arabe&source=bl&ots=mfrKtFHI‐
D&sig=7lrHvlBSZ7Y0CkouKkO5jq4zRug&hl=fr&sa=X&redir_esc=y#v=onepage&q=benzakour%20influence%2
0du%20fran%C3%A7ais%20sur%20l%27arabe&f=false
133
Par ailleurs, j’ai également relevé des emprunts phonétiques du français vers l’arabe
algérien (algérianisme), réemprunté dans les chroniques journalistiques :
Exemple : « El miziria » ce mot est à l’origine un mot français : la misère. Il a été
emprunté à la langue française et accueilli dans l’arabe algérien en subissant certaines
modifications d’ordre morphosyntaxiques et phonologiques, pour devenir [mizirija]
55
Deroy, Louis, « l’Emprunt linguistique » les belles lettres, Paris,1956, p 224
56
J.Dubois « Dictionnaire de Linguistique et des sciences du langage », Paris, Larousse, 1973.
134
étant le mot voyageur à l’état brut, tel qu’il existe et tel qu’il est employé dans sa langue
d’origine et dans le même contexte avant de connaître un processus morphosyntaxique
d’intégration dans le système linguistique de la langue cible. Par ailleurs, il réside également
une notion de temps, d’ancienneté de la migration dudit mot d’une langue vers une autre qui
peut aider à distinguer entre l’emprunt et/ou le xénisme : plus elle est ancienne (migration),
moins l’identification de l’emprunt sera aisée, et plus elle est récente (migration) plus il sera
facile de le repérer : cas du xénisme.
L’unité lexicale demeure à l’état de xénisme tant qu’elle réfère à une réalité existant dans
sa langue d’origine et pas dans la langue d’accueil.
Exemples :
« la vénérable tante s’est vu opposer un refus catégorique au motif qu’elle ne portait pas le
hidjab ». ( HL chronique 21)
« le hidjab » renvoie à une réalité de la société musulmane. Bien qu’en France, une
communauté musulmane importante soit installée, le mot « hidjab » n’est pas employé, on lui
préfère « voile », ce qui fait de lui un mot faiblement ( ou pas du tout) compris par la
communauté francophone native.
Actuellement, nous assistons à un phénomène de migration de certains mots liés à une
réalité spécifique à la société arabo- musulmane, situation que je qualifierai de
« conjoncturelle », inexistante dans la langue française dont le substrat est le Latin. Je rappelle
que le latin est une langue indo-européenne alors que l’arabe, l’arabe algérien qui en est une
variante, ainsi que les langues berbères appartiennent à la famille des langues sémitique ou
chamito- sémitique. Le critère d’appartenance à de familles de langues différentes est non
seulement important dans le sens où une langue véhicule des référents et une culture partagés
par une même communauté. Ainsi, sous la pression de certains évènements sécuritaires
notamment qui ont touché toute l’Europe, ou presque, il devient récurent d’entendre des mots
tels que « Jihad ou islamiste,». Dans un autre contexte socio-économique, cette fois, les
médias parleront aussi de Harraga en voulant décrire des immigrés clandestins venus
d’Algérie.
Ainsi, ces mots sont passés dans le discours médiatique français depuis quelques années
déjà. Ces emprunts sont devenus tellement galvaudés qu’aucune explication n’est nécessaire
lors de leur usage dans un discours francophone, ce qui m’autorise à dire qu’ils ont été
totalement intégrés dans la langue française et qu’ils ne sont plus considérés comme xénismes,
Pour ce qui est de l’adjectif « hallal », à titre d’exemple, très récurrent dans mon corpus, il a
d’ores et déjà subi cette intégration. Preuve en est ce chapeau dans un article de la presse
française57 : Robert Ménard (Maire de Béziers) : "Il n'y aura pas de repas halal dans les
cantines municipales" à Béziers. On voit bien que Hallal est employé sans aucune explication
supplémentaire à l’attention du public. Il devient donc évident que « hallal » renvoie
57
http://www.rtl.fr/actu/politique/robert‐menard‐il‐n‐y‐aura‐pas‐de‐repas‐halal‐dans‐les‐cantines‐
municipales‐a‐beziers‐7770959684
135
actuellement à une réalité socioculturelle et/ou religieuse connue par la société française de
l’Hexagone.
C’est dans ce sens qu’ Ambroise Queffelec propose des critères de classement respectifs
qui permettent de répertorier et de différencier les xénismes et les emprunts sur la base de la
fréquence d’emploi. La démarcation sera, du coup, établie entre les deux notions en termes
d’opposition « une dichotomie brutale entre ces deux catégories qui constituent en fait les
deux pôles du continuum »58. Plus un mot étranger (arabe, algérien ou kabyle) est utilisé dans
la langue française moins il référera à une réalité étrangère et plus il sera intégré dans le
système linguistique français.
Tout en admettant que c’est « la fréquence des xénismes dans le discours qui accroît
pour la langue la probabilité d’emprunter »59. Cheriguen Foudil relève « Toutefois, l’insertion
seule du xénisme peut n’être qu’occasionnelle »60 , il met ainsi en exergue la fragilité du
critère de fréquence de l’emploi, qui ne pourrait être, à lui seul, un critère suffisant de
différenciation, contrairement à ce que Queffelec Ambroise propose. Pour Cheriguen Foudil,
toute la question doit être abordée en termes d’intercompréhension (locuteur-interlocuteur)
« la distinction n’apparaît qu’en fonction de celui qui écoute le discours : si le xénisme est
compris, il fonctionne comme un emprunt. Inversement, si un emprunt même intégré de longue
date n’est pas connu de l’auditeur, il lui arrive de fonctionner comme un xénisme en ce sens
qu’il peut nécessiter un complément d’explication ».61
En effet, dans une étude consacrée aux emprunts et xénismes, Cheriguen Foudil, explique
que le classement des « mots migrateurs » dans l’une ou l’autre des catégories dépend de la
réaction de l’interlocuteur « semble être emprunt, ce qui est perçu comme connu, et xénisme ce
qui est perçu comme inconnu ». 62Seulement, à ce niveau de l’explication, il avoue que la
notion de connu et d’inconnu devient relative au degré de bilinguisme des interlocuteurs : ce
qui est perçu comme connu par l’un ne l’est pas forcément par l’autre. « la notion de
connu/inconnu implique la compétence de celui à qui on parle »63 mais, il avoue tout de
même, que cet autre critère n’est pas non plus infaillible : on ne peut juger de la compétence
linguistique d’un interlocuteur sur la base de la méconnaissance d’un seul terme. Par ailleurs,
dans le cas de ma recherche, comme il est question de chroniqueur et de lecteurs, la réception
des « mots étrangers » chez le destinataire (ici le lecteur) est impossible à observer et à juger à
moins de mener une enquête de réception (ce que j’aimerais réaliser dans une recherche
ultérieure)
Toutes ces réflexions prouvent combien le flou entre emprunt et xénisme demeure
persistant et qu’il serait prétentieux de ma part de prétendre soumettre des définitions arrêtées.
Toutefois, à travers mes différentes lectures sur le sujet, je ne peux que confirmer l’approche
58
Brahim Khetiri, op cité.
59
Cheriguen Foudil « les mots des uns, les mots des autres : le français au contact de ;l’arabe et du berbère »
éd Casbah, février 2008, page de couverture
60
idem
61
Cheriguen Foudil « les mots des uns, les mots des autres : le français au contact de l’arabe et du berbère »
éd Casbah, Alger, 2008, p 68
62
idem
63
ibid
136
de Cheriguen Foudil qui estime que « La difficulté d’établir des typologies précises des divers
discours ou même seulement des unités lexicales, incite à la prise en charge par le
lexicologue, de l’univers socioculturel, et dans le cas de l’emprunt, des deux langues en
contact avec leur « cadre » social et culturel qui implique qu’on fasse appel non seulement à
la sociologie et à l’Histoire, mais aussi à l’ethnologie voire même à l’anthropologie (…)
Traiter des mots c’est aussi traiter de leur environnement extralinguistique ». 64
Compte tenu de ces explications, dans mon analyse, il me sera impossible de procéder à
cette distinction xénisme/emprunt étant donné le volume de mon corpus et, l’absence
d’enquêtés francophones monolingues.
HL 10.1- « Nabil est de cette race de journalistes que le discours officiel et les fetwas
présidentielles préfèrent »
64
ibidem p 70 ;
65
Définition proposée par le Dictionnaire de didactique des langues, éd HACHETTE, 1976, p 383.
66
Derradji Yacine, cité par Khetiri Brahim, mémoire de magistère en ligne, 2004, p 51
http://bu.umc.edu.dz/theses/francais/KET100023.pdf
137
KD 11.5-« Et que le règne des chouyoukhs et des satellites investit par ses hadiths,
versets, interprétations et manipulations. »
KD 26. 3-« l’islam aurait fini comme une Daïra à la Mecque et pas un empire ».
HL 1.1 - « Candidate à la “harga” dans la cale d’un rafiot presque aussi rouillé que le
Batna ».
HL 44.4-« qui a ordonné aux journaux télévisé d’ouvrir leur « une » sur l’arrivée des
poussahs portant qamis, claquettes et barbes… »
138
Ce sont les expressions populaires, locutions figurées ou imagées, expressions dites aussi
figées. Véritables lieux d’exploration privilégiée où s’épanouit la créativité et l’inventivité
poétique, humoristique, sarcastique ou ironique, les expressions idiomatisées véhiculent, au-
delà de la dimension sémantique basique, la dimension culturelle qui fait référence à une
mémoire collective et à des représentations communes à une société.
Alain Rey souligne qu’« un lexique ne se définit pas seulement par des éléments
minimaux, ni par des mots simples ou complexes, mais aussi par des suites de mots convenues,
fixées, dont le sens n’est guère prévisible »67
« Une expression figée ou locution » comme l’appelle A.Rey, ou bien encore « expression
idiomatique routinisée » telle que la désignent Louis-Jean Calvet et John Gumperz, constitue
un élément important de la phraséologie d’une langue qui peut en altérer la compréhension et
par conséquent, être à l’origine du mauvais maniement d’une langue étrangère car relevant de
la culture populaire, des proverbes, et autres maximes qui constituent un patrimoine culturel et
linguistique particulier. Le risque dans l’usage d’une langue étrangère sans connaissance
préalable de ces expressions réside dans la possibilité de leur utilisation au premier degré,
alors que celles-ci véhiculent toute une histoire, toute une culture, souvent implicites.
« Les expressions idiomatiques constituent un des éléments fondamentaux de notre
langage qui donne à la dimension poétique une occasion de s’épanouir au niveau du
quotidien. Elles sont toujours porteuses de symboles et, dans ce sens, forment un véritable
langage de signes motivés ». 68 C’est en ces termes que Olga Diaz définit les expressions
idiomatiques, mettant en avant l’aspect métalinguistique, symbolique et sémiotique de la
locution. Du coup, arriver à décoder les images et les codes transmis à travers ces expressions
idiomatiques signifie déjà une connaissance de la langue en question et atteste du bilinguisme
maîtrisé du locuteur. Comprendre une expression c’est reconnaître le contenu culturel qu’elle
véhicule : « C’est prendre acte du fait que toute langue est porteuse d’une philosophie du
monde, d’un imaginaire et même d’utopies qui sont inscrites dans le tissu de sa grammaire,
dans la structure de ses mots, et l’organisation de ses phrases ». 69
Toutefois, bien qu’il soit convenu que ces blocs de mots fixes (car n’ayant pas
d’autonomie lexicale et dont on ne peut changer la morphosyntaxe et dont le sens est
imprédictible) sont des composantes essentielles de la langue, il n’en demeure pas moins que
les travaux sur les expressions figées ou idiomatiques sont plutôt rares.
Dans mon corpus, j’ai relevé certaines expressions idiomatiques empruntées à leur langue
d’origine dans l’énoncé en langue française. Cet emprunt se fait de deux manières : La
67
Alain Rey « Dictionnaire des expressions et locutions », éd Broché, février 1997, préface.
68
Olga Diaz, article intitulé « les expressions idiomatiques » revue Persée en ligne
http://www.persee.fr/doc/colan_0336‐1500_1983_num_58_1_3566
69
Hagège Claude, « Contre la pensée unique », éd Odile Jacob, Paris, 2012, p 189.
139
140
entre guillemets, ou bien traduites en français (précédées ou suivies d’une traduction) comme
elles peuvent être sans identification.
Exemples :
1- « le pays de Mikki » employé à la fois par Kamel Daoud et par Saïd Mekbel qui dit
« bled Mickey » traduit de l’expression idiomatique « Bled Miki » périphrase pour décrire des
situations burlesques, comiques mais de mauvais goût en Algérie.
2- « Le T'chekoupi est un pays sans les deux (Sans la géographie et sans le Temps),
mais qui existe quand même.(…) ( « le pays de T’chekoupi et sa gravité » du 01.07.2009)
ajouter Saïd Mekbel
Concernant l’expression « One , Two , Three » qu’on retrouve chez Hakim Laâlam, en
réalité extraite de l’autre expression d’origine « One twoo, three, viva l’Algérie », expression
qui, comporte à la fois des emprunts à l’anglais (one, two, thrée) , à l’espagnol (viva) et au
français (L’Algérie) constituant au final un énoncé hybride. Sauf que Algérie a été
complètement intégré au système phonologique arabe algérien et se prononce avec un R roulé
puis. Selon Chachou Ibtissem, cette altération est volontaire, « le R de « three »prononcé à
l’anglaise, devant rimer avec celui d’Algérie »72
Il est indéniable que l’usage de ces expressions idiomatiques dans leur langue d’origine
peut déstabiliser le lecteur surtout s’il est étranger. C’est pourquoi, chez les chroniqueurs
étudiés, il arrive qu’on trouve l’expression en question suivie d’une traduction soit entre
guillemets, soit, sous forme de réitération.
Du grec Néo (nouveau) et Logos (mot), le néologisme / la néologie désigne, dans une
première lecture, la création consciente ou inconsciente de nouvelles unités lexicales (mots
nouveaux) Ce qui constitue une constante dans l’évolution et la dynamique des langues.
Définitions :
Dans le dictionnaire de Jean Dubois on entend par néologie, « le processus de formation
de nouvelles unités lexicales » et par néologisme, le produit ou le résultat dudit processus.
Plusieurs travaux portant sur la définition du néologisme ont été confrontés à des
difficultés d’ordre définitionnel que J.F Sablayrolles 73 met en exergue dans la synthèse
suivante :
La première difficulté est de définir la nature de la lexie. La deuxième porte sur la notion
de nouveauté : c'est-à-dire à partir de quel moment une lexie devient un néologisme et jusqu’à
72
Chachou Ibtissem, thèse de doctorat op cité, p 283.
73
Article de Jean François Sablayrolles « la néologie aujourd’hui » lien https://hal.archives‐
ouvertes.fr/halshs‐00169475/document
141
quand le reste t- elle encore ? Puis, la troisième porte sur la perception de la nouveauté par les
locuteurs : pour qui est-ce que cette lexie est nouvelle ?
Quand on y pense, force est de constater que l’emprunt, à l’instant où est puisé d’une
langue source (Au stade de xénisme donc) et réalisé dans une langue cible, constitue un
néologisme : innovation lexicale, création lexicale ou création d’un mot nouveau dans la
langue cible, jusqu’à ce qu’il intègre complètement le système linguistique qui l’accueille.
La néologie consiste donc en un processus de création de mots nouveaux, d’unités
lexicales nouvelles (signifié et signifiant nouveaux) et parfois, de sens nouveau donné à une
lexie 74 qui existait auparavant, (un signifié nouveau uniquement). Le produit final de la
néologie, le résultat de la néologie est le néologisme. Il existe donc la néologie lexicale et la
néologie sémantique.
Dans mon étude, j’ai observé des néologismes produits dans une langue autre que le
français (emprunt) mais, ayant été adaptées au système grammatical français, de manière à l’y
intégrer. Ces observables sont donc non seulement des emprunts mais, des « emprunts
néologiques ».
A cet effet, on peut considérer que tout emprunt est un néologisme en soi. Mais, tout
néologisme n’est pas forcément un emprunt. Celui-ci peut être « fabriqué » à partir d’un ou de
plusieurs mots déjà existant dans la langue même. Aussi, tous les néologismes n’ont pas la
même chance de survie, d’après Ferdinand De Saussure, «C’est dans la parole que se
trouve le germe de tous les changements : chacun d’eux est d’abord lancé par un certain
nombre d’individus avant d’entrer dans l’usage.. .Mais, toutes les innovations de la parole
n’ont pas le même succès. Elles n’entrent dans le champ d’observation (langue) qu’au
moment où la collectivité les a accueillies ».75
Dans le cas de mes observables, il s’agit d’une innovation lexicale produite par le contact
des langues dans la société algérienne. Celle-ci ne se produit guère de manière aléatoire. Elle
doit correspondre et respecter la syntaxe de la langue « la possibilité de création de nouvelles
unités lexicales en vertu des règles de production incluses dans le système lexical »76
Pour s’assurer du caractère néologique d’une unité lexicale, le sentiment ou l’intuition
linguistique ne suffisent pas. Il est préférable de vérifier dans plusieurs dictionnaires ; un seul
74
Si l’on considère à titre d’exemple la lexie « souris » avant l’apparition de l’informatique, ce mot ne
correspondait qu’au petit animal rongeur. Avec l’avènement de l’informatique, la « souris » est devenue
polysémique et désigne une autre réalité qui est le petite appareil permettant de contrôler le curseur sur
l’écran de l’ordinateur. Ce terme a été traduit de l’anglais « mouse ». Un autre exemple, dans le même
contexte, pour la lexie « windows » il s’agit d’un anglicisme signifiant à l’origine « fenêtre ». En informatique,
cet emprunt est utilisé aujourd’hui dans un sens nouveau qui est celui de « système d’exploitation » d’une
marque précise, en l’occurrence Microsoft.
75
De Saussure Ferdinand, « Cours de Linguistique générale » éd Payot, Paris, 1971, p 24
76
Guilbet, L « Fondements lexicologiques Du Dictionnaire », Grand Larousse de la langue française, Paris,
Larousse, 1971
142
A cet effet, pour attester du caractère néologique, j’ai du me référer à un certain nombre
d’ouvrages qui vont constituer le corpus d’exclusion. Il s’agit des références suivantes :
1- Robert P. & al., Le Petit Robert, Dictionnaire De La Langue Française, Paris, Le
Robert. (2003)
2- Dubois J., « Dictionnaire De La Langue Française, Lexis » Paris, Larousse. (1992).
3- « Le Français En Algérie : Lexique Et Dynamique Des Langues », Louvain-La-
Neuve, De Boeck-Duculot-AUF, (2002),
Co-auteurs :Queffelec A, Derradji Y, Debov V, Smaali D, Cherrad-Bencherfa Y.
Si je prends l’exemple de « hittiste », ce terme est apparu vers la fin des années 80, début
des années 90 en Algérie. Saïd Mekbel en fait déjà usage dans ses chroniques que j’analyse
dans la deuxième partie. Il est la forme adjectivale française en ISTE de HIT [ħitˁ] (mur en
arabe). Il faisait référence alors à de jeunes gens chômeurs qui, à longueur de journée étaient
adossés au mur. Aujourd’hui, « Hittiste » n’est plus un néologisme en Algérie. Il a perdu son
caractère « néo » nouveau pour devenir un mot « socialement établi » comme le décrit
L.Guilbert.
Le français d’Algérie, comme le désigne Derradji Yacine, renferme des particularités
lexicales inhérentes au contact des langues partageant le même espace que le français.
Les 4e et 5e références sont récentes et m’ont permis de vérifier les néologismes
répertoriés dans les chroniques postérieures entre 2004 et 2014.
Le néologisme est souvent le résultat d’un besoin linguistique inhérent à une conjoncture
spatiotemporelle particulière, comme il peut-être une simple « lubie », un jeu auquel s’adonne
l’écrivain/chroniqueur, qui, dans son exercice d’écriture est d’abord dans une dynamique de
77
Sablayrolles, JF, « Fondements Théoriques des Difficultés Pratiques du Traitement des Néologismes »Revue
française de Linguistique Appliquée, (06‐2002) vo 7‐1, p 101
78
Louis Guilbert, « Théorie du néologisme » cahiers de l’association internationale des études françaises n°
25, 1973, pp 9‐29
143
création et de séduction. C’est cet acte d’énonciation qui est défini par Emile Benveniste
comme étant « une mise en fonction de la langue par un acte individuel d’utilisation »79 doit
également prendre en ligne de compte plusieurs facteurs extralinguistiques qui constituent le
cadre énonciatif qui vont l’expliquer, à savoir :
- La relation émetteur/ récepteurs (ici lecteurs interprétants)
- La situation de communication avec tout ce que cela signifie comme spécificité de
l’espace, du moment, du canal, etc.
Dans le discours médiatique et/ou publicitaire, il est très fréquent que les slogans
soient construits autour de néologismes circulant dans l’arabe algérien. Ibtissem Chachou
estime que la presse francophone en Algérie est « le lieu où abondent les algérianismes, on y
retrouve également des termes et des expressions en arabe institutionnel et en arabe algérien,
transcrits en graphie latine.(…) la créativité lexicale et sémantique y est également mise à
contribution ».80
En effet, les lexicologues précisent qu’il existe deux types de néologisme : néologisme de
la langue qui sont partagés et connus par une communauté linguistique et le néologisme du
discours qui est le produit d’un locuteur en situation d’énonciation. D’après mon observation
du corpus collecté, il apparait que ce discours passe essentiellement par la chronique
journalistique.
Dans mon corpus j’ai relevé un nombre intéressant de néologismes, appartenant aux deux
genres (langue et discours) et, n’observant pas les mêmes règles de fabrication. Certains
néologismes sont construits à partir d’une lexie préexistante en français, d’autres ont été
empruntés à l’arabe algérien, ou à l’arabe classique et d’autres encore, à l’anglais.
79
Benveniste Emile « Problèmes de Linguistique Générale » Gallimard, Tome 2, p 80.
80
Chachou Ibtissem « Aspects de contacts de langues en contexte publicitaire algérien : Analyse et enquête
sociolinguistique » Thèse de doctorat, 2010‐2011, p 166.
144
Sahelistan Hamassiste
Hadith-boys Néo-islamiste
Tombage
Reculage
145
rapport à la nature de mon corpus. Cette fonction est axée sur la visée illocutoire du
néologisme : le chroniqueur a pour objectif d’influencer, faire réagir, toucher, produire un
effet sur le lecteur. Ce sont des néologismes d’appel «Les néologismes peuvent avoir comme
premier objectif d’attirer sur eux l’attention de l’interprétant pour l’engager à lire ou à
écouter le dire du locuteur ou à y prêter une attention particulière» comme l’avance
Sablayrolles.
9.4-Types de néologismes
Sablayrolles J.F 83 évoque la difficulté d’établir une typologie des néologismes, car, selon
lui, cette activité sous-entend forcément le passage par une classification qu’il considère
aléatoire, tant les justifications d’une grille de classement établie par soi ou reprise chez
d’autres linguistes, sont difficiles à apporter. De cette difficulté nait une pléthore de typologies
(Une centaine selon Sablayrolles) 84 proposées par les linguistes et, par conséquent, une
confusion toute aussi grande. Néanmoins, il persiste une convergence vers une typologisation
sur la base trichotomique classique formelle/ sémantique/emprunt :
Pour bien comprendre cette notion, il faut d’abord savoir qu’il existe deux types de
néologismes : « Le néologisme lexical » qui est une unité lexical pourvue de forme et de sens
s’accommodant de la définition saussurienne du signe linguistique ( relation intrinsèque entre
signifiant et signifié), ainsi que « Le néologisme sémantique » qui n’est que le nouveau sens
donné à une unité préexistante et qui n’obéit plus à cette règle structuraliste. Le néologisme
sémantique est un cas de polysémie « toujours produite ou repérable par le contexte, le
contexte étroit de la phrase ou du syntagme où s’insère l’unité, le contexte large du domaine
83
Jean François Sablayrolles, article intitulé « néologismes : une typologie des typologies » C.I.E.L,
Université de Limoges, lien : http://www.eila.univ‐paris‐diderot.fr/_media/recherche/clillac/ciel/cahiers/96‐
97/1sablayrollestexte.pdf
84
idem
85
ibidem
146
discursif de référence.la polysémie y produit une variation infinie (…) » explique Jacqueline
Bastuji86
Dans mon corpus, j’ai n’ai rencontré qu’un seul néologisme de ce type : « Normal ! »(
analysé dans la deuxième partie). Par contre, dans le discours ambiant actuel, il existe
plusieurs exemples tels que « maqrout »[mæqrutˁ] qui à l’origine désigne un gâteau à base de
semoule et de miel, farci aux dattes mais, qui signifie aussi « mensonges mielleux », ou bien
encore « afsa »[ʕæsa] signifiant à l’origine en arabe algérien « piétinement » mais également
« astuce , tendance » ou bien encore « un mauvais coup », selon le contexte.
Exemples
1- Extrait du corpus de Kamel Daoud « effet Syrien et 4e mandat algérien » du
11.04.2013
« il a «Qaïdisé» la rébellion(…) son rôle de barrage contre l'afghanisation de son pays à
lui,(…) ».
86
Bastuji Jacqueline « aspect de la néologie sémantique » article paru dans la revue LANGAGES volume 8,
numéro thématique « la néologie lexicale » 1974, voir le lien : http://www.persee.fr/doc/lgge_0458‐
726x_1974_num_8_36_2270
87
Guilbert Louis
147
« (…) Et cela terrifie de voir cette jeunesse doucement dériver vers la chouroukisation
(…) ».
148
être islamiste.
a)-Par dérivation :
Il s’agit d’une forme de créativité lexicale qui a trait à l’aspect formel ou morphologique.
Elle consiste en la production de mots dérivés à partir d’un mécanisme de préfixation, de
suffixation ou les deux à la fois dans le respect du système linguistique de la langue en
question, en l’occurrence le français.
Exemples :
Bouteflikiste, baathiste, Aymanisme, Aymanistes, Wahabisme, Kedafistes,
Belkhademiens*, Bouteflikiens*, Si affifisation*, inchoufable, choufable…
Suffixation en ISME :
Exemples :
Aymanisme=patronyme d’Ayman (en référence à Abou Ayman El Zahraoui) + suffixe
ISTE pour désigner un mouvement idéologique dont el Zahraoui serait le guide.
Djihadisme= Radical Djihad + isme
Wahabisme= Radical Wahab + isme
Baathisme=Radical Baath + isme
Bouteflikisme=Radical patronyme Bouteflik (a) + isme
Harkisme= Radical harki + sme
149
Exemples :
Bouteflikiste= patronyme BOUTEFLIKA + suffixe ISTE, pour désigner les partisans de
l’idéologie de Bouteflika
Baathistes= patronyme du partis BAATH+ suffixe ISTE, pour désigner les partisans dudit
parti
Aymaniste= patronyme d’Ayman + suffixe pour désigner les partisans de l’idéologie
d’Ayman el Zahraoui
Kedafiste= patronyme de KEDHAFI+ suffixe ISTE pour dégigner les partisans de
l’idéologie de Kedhafi
Ainsi, certains néologismes disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus alors que d’autres
s’installent et se galvaudent, et parfois même se lexicalisent et intègrent la « norme » via les
dictionnaires, c’est le cas des « néologismes victorieux » comme les appellent JF Sablayrolles.
150
C’est pourquoi, ne peuvent être considérés comme étant néologismes que les mots qui ne
sont pas encore répertoriés dans les dictionnaires et, compris puis employés par un grand
nombre de la communauté linguistique, c’est ce que les spécialistes appellent « le seuil de
diffusion ».
10-La sobrication
« Le sobriquet ou surnom personnel est une forme linguistique au même titre que les
autres catégories onomastiques tels que le prénom ou le nom de famille. Il se présente comme
un "nom complémentaire […] (qui) vient s’ajouter au nom propre d’une personne […] et (qui)
peut aller jusqu’à s’(y) substituer"88 C’est donc un « besoin de singularisation » que Pierre
Henri Billy veut mettre en exergue à travers sa définition du sobriquet, explique O.Yermèche
tout en avançant qu’il (le phénomène) est présent dans tous les systèmes anthroponymiques du
monde, ce fait linguistique constitue un véritable phénomène socioculturel et linguistique, une
pratique sociale dynamique et féconde. Il se présente comme un code linguistique spécifique,
une stratégie de communication avec ses règles propres de construction et d’attribution.
Cette même linguiste 89dans une étude onomastique a publié un article sur le sobriquet
comme pratique langagière et sociale en Algérie et explique que ce phénomène « est un
véritable indicateur des comportements langagiers des locuteurs algériens, reflète la mentalité
de ce groupe, témoigne de l’histoire, de l’humour et de la créativité spontanée de ce dernier ».
Elle ajoute qu’il est «
2- la « sobrication » construite sur des propos énoncés par le nommé (reprise d’une expression
récurrente, défaillance de prononciation)
88
Pierre‐Henri Billy, « typologie du nom personnel »cité par Ourdia Yermèche.
89
O.Yermeche, « le sobriquet algérien : une pratique langagière et sociale. » revue algérienne
d’anthropologie et de sciences sociales « Insaniyat » n° 17‐18, 2002, pp 97‐110.
151
Dans ma recherche, j’ai relevé ce type de pratique langagière chez les trois chroniqueurs
exemple :
« Abdekka, Hmimed » chez Hakim Laâlam, « Da L’Ho, kawkaw, Kamis… » chez Saïd
Mekbel et « Chemsou, El Aziz » pour Kamel Daoud.
Sur la base de ces explications, je me propose d’extraire les sobriquets de mon corpus et
d’en analyser le procédé de « sobrication » et la motivation du chroniqueur.
11-Conclusion partielle
Puis, différentes approches de l’alternance codique ont été citées ainsi que leurs fonctions
respectives à partir desquelles je pourrai réaliser mon analyse qualitative, étayées par des
exemples de mon corpus.
90
idem
152
L’emprunt néologique a également été abordé et défini d’après les théories existantes.
Celles-ci me confirment que la créativité lexicale de manière générale, et celle produite avec
un substrat emprunté en particulier, est employée pour un effet de style du chroniqueur : c’est
sa marque de fabrique, son empreinte.
153
DEUXIEME PARTIE
Plurilinguisme à l’œuvre dans les chroniques journalistiques
CHAPITRE 1
Corpus et Méthode
155
1-Introduction partielle
Au vu de la réalité sociolinguistique algérienne plurilingue et des explications
antérieurement fournies sur les origines de ces contacts et leurs impacts respectifs, il devient
quasiment « naturel » de retrouver un contact de langues dans la presse algérienne
d’expression française, a fortiori avec les langues « dominantes » que sont les deux variétés
de l’arabe (classique et algérien) par rapport au français dans la société algérienne. La
première résultante linguistique évidente de ces influences sur le français serait donc le
recours aux emprunts (dans toutes ses formes) puis, une seconde, l’alternance des codes, car,
celle-ci est d’autant plus révélatrice d’un état de bi/plurilinguisme qui caractérise les locuteurs
eux-mêmes, et pas seulement la société. Cette société spécifique d’un point de vue
linguistique puis, le support lui-même (l’organe de presse) qu’est le journal et l’espace de la
chronique en particulier, constituent le contexte de ma présente thèse.
Harold Gafinkel estime que « non seulement le contexte de l’action influence le contenu
présumé de cette action mais, les actions faites contribuent au sens progressivement élaboré
de la situation elle-même […] « l’action » et le « contexte » sont des éléments qui s’élaborent
et se déterminent mutuellement dans une équation simultanée que les acteurs passent leur
temps afin de définir la nature des évènements dans lesquels ils se trouvent ».1
Dans la première partie de ce chapitre, je vais dépeindre le cadre de ma recherche et
rappeler le thème, le sujet et la problématique ainsi que les hypothèses que j’avais formulées
en fonction des objectifs fixés.
En deuxième lieu, je vais présenter la méthodologie pour laquelle j’ai opté, discuter ce
choix méthodologique, tenter de démontrer sa pertinence, ses avantages et ses inconvénients
pour ma recherche.
Par la suite, il s’agira de décrire comment s’est opérée la phase de choix et de collecte du
corpus : pourquoi avoir opté pour le type « chronique » et pas un autre type d’écriture
journalistique. Ces chroniques d’expression française constituent le corpus linguistique, socle
de ma recherche. J’expliquerai le choix de ces chroniqueurs, dont je présenterai succinctement
la biographie, puis la sélection des chroniques en question.
Dans la deuxième partie de ce chapitre, je tenterai de présenter et de justifier les grilles
élaborées pour l’analyse des différents phénomènes transcodiques relevés. Chacune des
rubriques composant les quatre grilles utilisées dans mon analyse sera expliquée.
«Le cadrage est un découpage de l’objet d’étude, il est d’ailleurs corrélatif avec la
problématique de mon objet d’étude (…) la réflexion sur la problématique concerne aussi la
réflexion sur le cadrage. »2 avancent Pierre Paillé et Alex Mucchielli. Autrement dit, il existe
1
Harold Garfinkel cité par Pierre Paillé &Alex Mucchielli dans « l’analyse qualitative en sciences humaines et
sociales », collection U, éd Armand Colin, Paris, 2005, p11
2
Pierre Paillé&Alex Mucchielli, « l’analyse qualitative en sciences humaines et sociales » », collection U, éd
Armand Colin, Paris, 2005, P 18
156
une interdépendance entre les deux notions que sont la problématique et le cadre (cadrage) de
la recherche. C’est précisément ce que j’ai tenté de faire en m’étalant sur la réalité
sociolinguistique en Algérie dans le premier chapitre de la première partie de ma thèse.
En sus, la particularité stylistique accordée à la chronique que j’explique dans le premier
chapitre de la deuxième partie de ma recherche, ainsi que le profil de chacun des chroniqueurs
(deuxième chapitre de la deuxième partie) sont autant d’éléments à même de conforter mon
questionnement de départ.
Ma recherche s’intéresse aux marques transcodiques dans les chroniques journalistiques
d’expression française dans la presse algérienne.
Comme je l’ai expliqué dans la genèse de ma recherche, les chroniqueurs dont j’ai étudié
les énoncés ont recours aux emprunts et à l’alternance des codes ainsi qu’au mélange des
codes dans leurs discours médiatique.
3-Questions de recherche
Puis, je m’intéresse à la nature syntaxique de ces observables. Je pense alors que certaines
natures sont plus à même d’être empruntées / empruntables que d’autres : les substantifs sont-
ils plus facilement empruntables que les adjectifs ou les noms d’agents ou bien encore les
syntagmes nominaux ? « l’empruntabilité » est-elle facilitée par la nature syntaxique de
l’occurrence ?
157
-Puis, il est également possible que le recours à l’emprunt soit un acte « naturel »,
involontaire et inconscient, inhérent à l’identité des locuteurs bi/plurilingues, appartenant à
une société algérienne dont la réalité sociolinguistique n’est pas monolingue, contrairement au
discours officiel.
Cela étant, ma démarche de recherche n’allait plus seulement être quantitative, (fréquence
et récurrence des emprunts, récurrence des thématique) mais d’abord et surtout, qualitative (à
la recherche du sens et des motivations).
4-Objectifs de recherche
158
sociolinguistique est aussi de démontrer que les chroniqueurs dont j’ai observé les énoncés
sont consciemment ou inconsciemment auteurs d’une production langagière particulière
plurilingue et que leurs énoncés écrits ne sont que le reflet de leurs énoncés oraux : les
chroniqueurs finissent par écrire comme ils parlent. La langue des chroniques est la langue
« commune », celle de la communication
J’aspire donc à arriver à démontrer que l’AC plus couramment étudiée dans un contexte
oral, peut également devenir un style de l’écrit dans une communauté bi/ plurilingue.
Ainsi, Ce qui m’avait intéressée et suscité ma curiosité était de déterminer la nature de ces
« interférences » linguistiques, la fréquence de ce phénomène et sa (ses) motivation (s).
Il s’agit donc pour moi d’identifier la nature de la particularité linguistique, ce recours à
l’insertion d’une ou plusieurs unités lexicales étrangères à la langue du texte puis, le
fonctionnement de cet emprunt c'est-à-dire « le comment ? » et surtout, tenter de justifier le
« Pourquoi » de sa présence et sa pertinence dans un discours (à la base) censé être produit en
français.
Par ailleurs, pour appréhender le phénomène que je me propose d’étudier dans sa
globalité sociolinguistique, il devient évident qu’une étude synchronique ne suffise plus bien
qu’elle soit éloquente quant à la manière et le fonctionnement dont se réalisent ces
« mixages » linguistiques. Il me faut donc absolument établir également une étude
diachronique afin de m’assurer, autant que possible et dans la limite du corpus qui est le mien,
que cette variation n’est en rien « conjoncturelle », ni une mode propre aux jeunes
chroniqueurs des années 2000 mais, qu’elle est bien une attitude langagière permanente chez
mes chroniqueurs, d’où l’analyse comparative que je propose avec les chroniques de Saïd
Mekbel.
159
Le choix des chroniques à partir desquelles j’ai constitué mon corpus s’est fait d’une
manière évidente. Je m’explique :
Ce sont d’abord mes lectures quotidiennes de ces chroniqueurs dont j’apprécie
particulièrement le style (bien que totalement différents) qui m’ont amenées à constater, au fil
du temps, que le recours au contact de langues dans leurs discours était un phénomène
commun.
Ensuite, je dois dire que le sujet de cette thèse constitue une des perspectives de
recherches proposées lors de mon mémoire de magistère qui portait également sur l’acte
d’énonciation dans les chroniques journalistiques5. Ainsi, lorsque j’ai décidé de poursuivre ma
recherche dans le cadre d’une thèse sur le contact des langues dans les chroniques
journalistiques, c’est tout naturellement que mon choix s’est fixé sur mes chroniqueurs
préférés, en l’occurrence : Kamel Daoud et Hakim Laâlam.
3
Philippe Blanchet, « la linguistique de terrain, méthode et théorie : une approche ethno‐
sociolinguistique »Presse universitaire, Rennes, 2000, p30
4
idem
5
Mémoire de magistère intitulé « vers une typologie de l’acte d’énonciation dans les chroniques
journalistiques de Kamel Daoud » Mai 2011, Université Abdelhamid Ibn Badis de Mostaganem.
160
Cette différence stylistique dont je fais part réside dans différents aspects :
D’abord le registre de langue qui est soutenu6 chez Kamel Daoud et plus courant, voire,
familier7 chez Hakim Laâlam. Ensuite, la présentation du corps de la chronique elle- même :
Chez Kamel Daoud, la chronique se présente sous forme d’un titre et d’un seul texte, parfois
fragmenté. Pour Hakim Laâlam, on retrouve le titre, un chapeau sans rapport avec le thème de
la chronique, puis, le texte.
J’ai donc recueilli des chroniques de Kamel Daoud et des chroniques de Hakim Lâalam.
Mais, au fur et à mesure que j’avançais dans mon analyse, j’ai été confrontée à deux
réalités : la premières est que je suis vite arrivée à saturation du corpus avec Kamel Daoud. En
effet, ce dernier traitant généralement de la même thématique, il emploie régulièrement le
même vocabulaire, d’où le nombre plus réduit de chroniques collectées. Ensuite, le profil des
chroniqueurs me paraissait assez ressemblants (voir biographies plus bas) et que, par
conséquent, mes conclusions pouvaient alors ne pas être significatives, car, on pourrait me
reprocher la spécificité de l’environnement sociolinguistique des locuteurs qui était quasi
similaire. Il fallait donc élargir mon échantillonnage, ce que je fis en choisissant de comparer
avec un autre chroniqueur appartenant à la première génération de journalistes/chroniqueurs de
l’Algérie indépendante : Saïd Mekbel.
En optant pour les chroniques de Feu S.Mekbel, je pense m’être éloignée du profil des
deux autres chroniqueurs : Said Makbel étant d’une autre génération, de langue maternelle
berbérophone, de formation autre que littéraire et surtout, ayant produit des chroniques avant
et après la loi de 1990.
Ce dernier facteur est de taille aussi. Il pouvait m’aider à comprendre si la loi 90 -02 qui
avait libéré la presse avait également libéré l’expression et le discours des journalistes
Algériens ou bien si ce contact de langue se pratiquait aussi avant la loi en question.
6
Le recours à un vocabulaire riche et recherché, des références bibliographiques, historiques et culturelles
qui dénotent d’une recherche, d’une réflexion murie qui n’est pas spontanée à l’oral. Le registre soutenu
appartient à l’ordre de l’écrit.
7
On retrouve un vocabulaire de la vie courante, des expressions argotiques, sans mots recherchés ou
spécialisés. Ce type de registre appartient plus à l’ordre oral. Il est généralement spontané.
161
Hakim LAALAM :De son vrai nom Réda BELHADJOUDJA, né le 20 juin 1962 à Bordj
Bou Arreridj. Il se présente13lui même comme étant un algérien des plus « normaux » ayant
suivi une scolarité bilingue et un cursus universitaire de langue française en Algérie. Il obtient
un magistère en Littérature et Linguistique françaises à l’Université d’Alger.
Réda Belhadjoudja avoue avoir croisé le journalisme tout à fait par hasard. En 1985, il fait
ses premières armes au journal étatique « Horizons » 14 . En 1989, il rejoint le journal « le
Matin » dans lequel il est d’abord chroniqueur TV puis, s’orient vers des chroniques satiriques
« le nez et la perte » jusqu’en 1994, date de sa fermeture.
En parallèle, depuis 1991, il est invité à collaborer avec la Radio Chaîne 3 de manière
permanente. Il gardera le micro pendant vingt ans, puis, sera licencié en 2002 pour motif « de
chroniques attentatoires aux plus hautes autorités du pays, diffamatoires et visant à déstabiliser
la sécurité du pays. ».
Ses positions par rapport au pouvoir lui ont valu d’être emprisonné en 2003 à six mois de
prison ferme et 250 000 DA d’amende.
Pour une plus grande liberté d’expression, il crée le personnage de Hakim LAALAM en
rejoignant le journal « Le Soir d’Algérie » qu’il n’a plus quitté depuis et où il publie une
chronique quotidienne intitulée « Pousse avec eux ». Hakim Laâlam est également auteur d’un
roman intitulé « Rue Sombre au 144 bis » publié aux éditions Koukou en 2013.
8
Cette démarche « d’algérianniser » le titre de la rubrique est déjà révélatrice d’un type de discours pour
lequel opte le chroniqueur déjà en 1964.
9
Il s’agit du Président Houari Boulédienne qui ordonna la fermeture du journal après son coup d’Eta en Juin
1965.
10
1989 ( 23 février) correspond en Algérie au référendum sur une nouvelle constitution algérienne, plus
démocratique et respectueuse des libertés publiques. Plébiscite avec 99 % des voix. Instauration du
multipartisme.
11
« Baroud » signifie « poudre à canon » en arabe.
12
13
Interview en ligne http://www.kassaman.com/article‐interview‐de‐reda‐belhadjoudja‐alias‐hakim‐laalam‐
114055578.html
14
En 1985, date de sa création ce journal portait le nom de « Horizons 2000 ». Il s’agit d’un journal étatique
généraliste paraissant le soir et dont la ligne éditoriale fixée par le pouvoir en place à l’époque (Chadli
Bendjedid) était de séduire un jeune lectorat. Pour ce faire, Maâmar Farah, le Directeur de la Publication du
journal a fait appel à de jeunes, qu’il a formé sur le tas.
162
Kamel DAOUD :Né le 17 juin 1970 à Mostaganem, Kamel Daoud est journaliste et
écrivain. Il a suivi toute sa scolarité dans l’école algérienne bilingue avant de décrocher une
licence de langue et littérature française à l’Université d’Oran en 1993. Il entame sa carrière
journalistique en rejoignant en 1991 l’équipe de l’hebdomadaire « Détective »15où il apprend
le métier de reporter. En 1994, il est recruté au journal « Le Quotidien d’Oran » avec une
jeune équipe de journalistes dont aucun n’était issu de la profession. Il assurera le poste de
chef de rubrique « Oran » et commencera à publier de temps à autres des billets dans la
chronique « Raïna Raïkoum » de la page 3 qui, au fil du temps, deviendra son espace
particulier. Kamel Daoud est auteur de recueils de nouvelles, d’essais et d’un roman16. Il est
également détenteur de plusieurs prix littéraires17.
Le premier constat est que toutes les chroniques que je me suis proposé d’étudier ont un
intitulé particulier :
« EL GHOUL » [alɤu:l] à l’origine, cet espace d’Alger- Républicain était intitulé l’Ogre.
C’est sur proposition du chroniqueur (Saïd Makbel) que l’intitulé sera changé en 1964 en « el
Ghoul ». Alger Républicain disparaîtra dès la prise du pouvoir par Houari Boumediène18 le 19
juin 1965 pour réapparaître en 1988 avant de disparaître à nouveau définitivement du champ
médiatique algérien, sous le poids de difficultés économiques (dettes accumulées auprès des
sociétés d’impression) mais aussi par l’obstruction des islamistes.
Les explications que je peux avancer à propos de l’intitulé de la chronique sont que
« l’Ogre » appartient plus à la Culture Européenne (personnage récurrent dans les contes de
Charles Perrault, notamment ou des frères Grimm. Par contre, dans les pays du Maghreb, le
mot « El Ghoul » ou encore « El Ghoula »[alɤulɑ], son féminin, résonne tout de suite chez le
lecteur algérien, car appartenant à son imaginaire collectif et faisant partie de son patrimoine
culturel : les contes et légendes populaires, le plus souvent transmis par l’oralité. Comme
l’explique Fardinand De Saussure, la langue est un système de signes dénotés, seule la
parole (qui est un acte individuel) demeure connotée. Martinet André avance aussi que la
15
16
« la fable du nain » en 2003, « ô pharaon » en 2005, ‘l’Arabe et le vaste pays de ô » 2008, « la préface du
nègre » en 2008, et le roman « Meursault, contre‐enquête » en 2013.
17
Prix Mohamed Dib en 2008, Prix François Mauriac en 2014, Prix des Cinq Continents en 2014, Prix
Goncourt du premier roman en 2015 et le prix journalistique Jean louis Lagardère du journaliste de l’année en
2016.
18
Houari Boumédiene de son vrai nom Boukherouba était le 2é président algérien venu au pouvoir après un
coup d’Etat le 19.06.1965. Décédé le décembre 1978.
163
connotation est « tout ce que ce terme peut évoquer, suggérer, exciter, impliquer, de façon
nette ou vague chez chacun des usagers… »19
Cette parole connotée je la retrouve dans ce recours aux emprunts dans ces chroniques
qui, au-delà de leur aspect informatif, implique une connaissance des interprétations
communes aux chroniqueurs et aux lecteurs.
-« Pousse avec eux » est publié à la page 24 du Soir d’Algérie fondé en Septembre 1990.
Cet intitulé obéit à un processus différent des autres précédemment cités dans le fait qu’il ne
consiste pas en une expression arabe empruntée mais en une traduction intégrale ( calque)
d’une expression populaire algérienne qui est « dezz m3ahoum »[dɑzmʕɑhum] surtout
19
Martinet André cité par Marie‐Nöelle Gary‐Prieur « la notion de connotation (s) »
http://www.persee.fr/doc/litt_0047‐4800_1971_num_4_4_2531
20
C’est l’histoire de Djeha qui vend sa maisonnée à un homme en lui précisant qu’il lui vendait toute la
maisonnée à l’exception du clou qui était dans la cuisine. L’homme ne comprit pas tout de suite l’importance
que pouvait avoir ce clou, et finit par accepter les conditions du contrat. Le lendemain de la vente, Djeha
revint dans sa maisonnée, entra et accrocha son panier au clou dans la cuisine. L’homme stupéfait et en
colère lui demanda de quel droit il était entré dans sa cuisine, Djeha lui rappela malicieusement que le clou
était encore à lui.
21
Dans les années 80, un groupe de musique de Sidi Bellabès (à l’Ouest du pays) portait le nom de Raïna‐Raï
[rɑjnɑ/raj] signifiant à la fois : notre Raï (la musique) est une bonne musique, ou bien notre opinion a du
sens.
164
employé à l’Est. Cette expression typique est utilisée lorsqu’on veut signifier de l’indifférence
quant à l’opinion ou au jugement négatif de quelqu’un d’autre. Il n’existe pas d’expression
similaire en français.
9-Constitution du corpus
La sélection des chroniques a été difficile compte tenu du nombre de productions des
chroniqueurs que j’avais choisis. Mais, comme il fallait bien délimiter un corpus, celle-ci s’est
faite de manière à éviter les redondances des mêmes manifestations du contact des langues et à
collecter celles qui me semblaient les plus intéressantes de par leurs constructions syntaxiques
et/ou sémantiques comme c’est le cas des expressions idiomatiques et les néologismes.
Après avoir arrêté mon choix sur les chroniqueurs dont je voulais analyser la
manifestation du contact des langues dans leurs discours journalistiques respectifs, j’ai
commencé en 2014 par collecter un maximum de chroniques. Il s’agit donc d’une démarche
quantitative pour apporter une confirmation sur la récurrence de ce phénomène linguistique
qu’est le contact de langues.
Dans un premier temps, j’ai dépouillé 119 chroniques de Hakim Laâlam publiées dans
le journal « le Soir d’Algérie » entre 2005 et 2014 réparties comme suit :
10 chroniques de 2005
10 chroniques de 2006
13 chroniques de 2007
13 chroniques de 2008
12 chroniques de 2009
12 chroniques de 2010
13 chroniques de 2011
10 chroniques de 2012
11 chroniques de 2013
10 chroniques de 2014.
J’ai constaté que les chroniques de Hakim Laâlam étaient structurées différemment des
autres chroniques de Kamel Daoud et de Saïd Mekbel.
En effet, toutes les chroniques de Hakim Laâlam sont composées d’un chapeau en plus
du titre et du corps du texte. Le chapeau n’a aucun rapport thématique avec la chronique. Il
165
s’agit d’un petit paragraphe, parfois d’une seule phrase (exemples HL 1, HL 4, ou HL 5…)
plus en rapport avec la Une du journal ou le fait saillant du jour que le sujet de la chronique
elle-même. Ce petit énoncé est toujours ironique et, souvent clôturé sur un emprunt ou une
expression idiomatique, parfois écrit phonétiquement ou bien encore des onomatopées que le
chroniqueur met en caractère gras exemples :
l’ex wali de Blida est catégorique : « je suis victime d’un vaste règlement de comptes »
Laâboulou El Ghoula ?
« Météo. Les experts sont formels. Un fort nuage radioactif arrivera sur Alger le 6 août
prochain. » Rabbi yestar !
« Alors qu’il était censé travailler à la maison, Abdekka s’en va vadrouiller à l’est du
pays » Cé pas sérieux !
« C’est la liesse au sein de la police après l’annonce d’une augmentation de 50% des
salaires. Les policiers ont promis : « Nous allons redoubler d’efforts ! » Aïe !Aïe ! Aïe !
Par ailleurs, les titres des chroniques de Hakim Laâlam sont également souvent en langue
arabe algérienne et toujours en majuscule. Ce constat m’amène à traiter différemment cet
usage et de lui consacrer une analyse titrologique, car il ne s’agit pas du phénomène de
contact de langues inséré dans un texte, mais, une phrase autonome du corps du texte.
(exemples HL 2, HL 4, HL 7, HL 8…).
Exemples :
Par la suite, j’ai procédé au dépouillement du corpus constitué à partir des chroniques de
Kamel Daoud. Il s’agit de 61 chroniques publiées entre 2009 et 2014 réparties comme suit :
09 chroniques de 2009
09 chroniques de 2010
10 chroniques de 2011
09chroniques de 2012
166
14 chroniques de 2013
10 chroniques de 2014.
Dans un deuxième temps, j’ai procédé à la compilation des chroniques de Kamel Daoud :
09 chroniques de 2009
09 chroniques de 2010
10 chroniques de 2011
09 chroniques de 2012
14 chroniques de 2013
09 chroniques de 2014
Le nombre des chroniques de Kamel Daoud est moins important que celui de Hlim
Laâlam pour la simple raison que je suis vite arrivée à la saturation du corpus avec Kamel
Daoud à cause des redondances des mêmes marques transcodiques. A contrario, Hakim
Laâlam, dont le style et le registre de langue sont différents, propose une pléthore d’emprunts
sous différentes formes, au point qu’il me fallait faire un choix tout à fait arbitraire.
En dernier lieu, et, à titre comparatif, je me suis intéressé aux chroniques de Saïd Mekbel
afin de constater si le phénomène de contact de langues est également présent chez un
chroniqueur dont le profil journalistique est différent de par l’âge et de par l’exercice antérieur
à la loi de 1990 permettant l’ouverture du champ médiatique. Pour ce faire, j’ai compilé les
chroniques suivantes :
c)- 50 chroniques de Said Makbel (37+13+30 ) : Mon corpus a été formé à partir d’un
recueil de 37 chroniques intitulé « Saïd Mekbel :dix ans déjà » paru aux éditions DALIMEN,
2005. Ces chroniques ont été éditées par son fils Nazim Mekbel. Il nous propose 9 chroniques
publiées au journal « Alger Républicain » entre 1990 et 1991, 9 chroniques du journal « Le
Matin » publiées entre 1991 et 1993, 7 chroniques publiées dans le bimensuel « El Manchar »
en 1991, 12 autres dans l’hebdomadaire « Ruptures » ainsi qu’une nouvelle que j’ai décidé,
après coup, de ne pas analyser, la nouvelle et la chronique n’appartenant pas au même type
d’écrits.22 Ajouté à cela, j’ai choisi 13 chroniques de manière aléatoire publiées dans « Alger
Républicain » puis « Le Matin » et qui ne faisaient pas partie du recueil.
Par la suite, j’ai comparé avec 30 des chroniques publiées entre 1963 et 1965.
22
A titre indicatif, j’aimerais souligner que cette nouvelle intitulée « la mère te dit » ne comporte aucun
indice de contact de langues.
167
De manière générale, je n’ai trouvé aucune difficulté à collecter mon corpus puisqu’il
s’agit de chroniques publiées dans des journaux nationaux. Le seul hic est survenu lorsque j’ai
décidé d’étendre ma recherche avec un chroniqueur d’une autre génération (antérieure à 1990)
et que j’ai voulu collecter les chroniques de Feu Saïd Mekbel. Ce dernier, ayant été assassiné
le 03.12.1994, toutes mes chroniques sont antérieures à cette date. Pour les collecter, j’ai
d’abord essayé de joindre les dirigeants de l’ex journal « Le Matin » qui auraient pu avoir
gardé des archives de leurs publications. Mais, mes tentatives furent vaines, le journal ayant
été fermé. Ma deuxième tentative était de faire appel à son fils, Nazim Mekbel, ce que je fis.
D’ailleurs, celui-ci m’a transmis toutes les chroniques en sa possession depuis 1963.
Le repérage des situations de contact de langues s’est fait après lecture, par un
dépouillement manuel systématique des occurrences et autres expressions. Cette étape n’a pas
été aussi aisée que je le pensais au départ car, « l’assemblage de ces observables » relève de
plusieurs facteurs dont certains sont interprétatifs et donc subjectifs car, inhérents (en partie) à
ma propre intuition linguistique en tant que locutrice/lectrice. Certains chercheurs optent pour
une analyse lexicométrique, ce qui est fort intéressant. Néanmoins, pour l’objectif de ma
recherche, cet outil n’aurait pas été complet car, il n’aurait servi qu’à fournir des données
statistiques partielles, excluant les expressions idiomatiques, les calques, les néologismes et ,
surtout, les motivations (humour, ironie, connivence…) de ce recours aux langues autres que
le français de la part des chroniqueurs. Comme l’explique A. Mucchielli, « dans le cadre d’une
recherche quantitative, les chercheurs s’aperçoivent des limites de l’opérationnalisme
classique et de la mesure strictement mathématique et s’ouvrent à l’emploi d’autres
procédures typiquement qualitatives.» 23.
23
Alex Mucchielli cité par Philippe Blanchet, « la linguistique de terrain :méthode et théorie, une approche
ethno‐sociolinguistique »éd PUR, mars 2000, p33.
168
ce, dans la mesure où certaines de ces marques sont en français, comme le cas des calques,
ou bien encore, elles relèvent de la création néologique de l’auteur.
En outre, la fonction propositionnelle (ce que disent les mots) et la fonction illocutoire de
ces mots (ce que l’on fait par ces mots : exhorter, accuser, parodier…) ainsi que la fonction
perlocutoire (le but du locuteur, faire agir le lecteur) ne peuvent être identifiées par ce type
d’outil numérique. C’est un aspect interprétatif qui dépasse le cadre numérique et qui ne peut
être décelé de manière automatisée.
L’extraction de ces unités a été confirmée selon deux critères : D’abord une vérification
auprès de mon corpus de référence (cité plus haut) puis, ma propre connaissance des langues
mises en contact. Celles-ci ne pouvant être l’unique référence de compréhension et
d’interprétation comme le préconise Ph.Blanchet qui explique que « le chercheur ne met pas
ses propres convictions, perspectives, et prédispositions en avant : rien n’est pris d’emblée
comme vérité. » Il n’en demeure pas moins, que le fait de partager le même environnement
socio- culturel et linguistique que les chroniqueurs soit avantageux pour l’interprétation.
Dans certains cas, les chroniqueurs eux-mêmes utilisent des indices calligraphiques ou
typographiques (italiques ou les guillemets) qui facilitent ce repérage. Jean-François
Sablayrolles estime que ces marques constituent « un indice intéressant de repérage. » 24
Néanmoins, elles ne peuvent pas être considérées comme un indice suffisant. Elles sont donc
« à manier avec précautions car, elles ont bien d’autres usages. »25
Dans ce sens, il faut faire appel aux compétences culturelles et idéologiques mises en
avant par Catherine Kerbrat qui enrichit la théorie des fonctions de la communication de
Jackobson en ajoutant que « (Les compétences culturelles) englobent l’ensemble des savoirs
implicites que l’émetteur et le récepteur possèdent sur le monde et l’ensemble des systèmes
d’interprétation et d’évaluation de l’univers référentiel (compétence idéologique). Ces deux
types de compétences entretiennent avec la compétence linguistique des relations très
étroites. » 26
Pour chacun des chroniqueurs, j’ai opté pour une analyse synchronique liée au contexte à
même de révéler l’origine de la variation diaphasique, et diachronique, liée à l’évolution de ce
phénomène linguistique.
24
Sablayrolles Jean‐François & Jacquet‐Pfau Christine « les emprunts :du repérage aux analyses. Diversité
des objectifs et des traitements » article HAL archives ouvertes, lien :
https://halshs.archives‐ouvertes.fr/halshs‐00411342/document p 7.
25
Idem.
26
Article en ligne d’ Alpha Ousmane Barry « Les textes de méthodologie » Université de Franche‐Comté,
lien : https://depot.erudit.org/bitstream/002331dd/1/metho‐2002‐01‐barry.pdf
169
Dans le cadre de ma recherche, seule la variation diaphasique m’intéresse, car, liée aux
situations de production et aux types de discours produits. Gadet Françoise la définit Comme
la « capacité des locuteurs à moduler leur façon de parler en fonction de différents
interlocuteurs et activités »27
Evidemment, cette variation linguistique qui révèle un plurilinguisme n’existe que par
rapport aux autres articles journalistiques plus « normés » obéissant donc à la norme de la
langue française standard, le journal étant d’expression française.
L’aspect synchronique devrait me permettre d’analyser le plurilinguisme de leurs discours
(chroniqueurs) respectifs à un moment T, sans doute lié à une conjoncture particulière, ou une
thématique bien définie, caractéristique que j’allais également tenter de démontrer dans mon
analyse (voir la grille d’analyse plus bas)
Mais, me contenter de cet échantillon ne pourrait certainement pas suffire à établir une
conclusion pertinente et exhaustive à même de répondre à mes hypothèses de recherche. Il
fallait donc que j’élargisse ma recherche aussi dans le temps et non pas seulement dans la
variété des thèmes abordés.
Face aux chroniques sélectionnées, et, sur la base des définitions que je propose dans le
chapitre… de la partie…, je tenterai d’isoler ce que j’estime être des emprunts, des segments
d’alternance codiques. Chacune des deux genres de variations sera soumise à une analyse
adaptée. Toutefois, je dois signaler à ce niveau, qu’étant donné l’ambiguïté qui prévaut et les
divergences dans les définitions des concepts code mixing/code switching/emprunt/xénismes,
dont je mentionne la « flexibilité », je n’ai identifié comme étant « emprunts » que ceux
lexicalisés et stabilisés, les autres marques transcodiques ont été analysées sous la forme
d’alternance codique. Le xénisme ou pérégrinisme relevant de la pratique individuelle, (celle
du chroniqueur) tout comme le code mixing, je n’ai pas trouvé de critères de différenciation
suffisamment pertinents pour établir cette catégorisation.
170
Seulement, ils ajoutent qu’un travail analytique doit être effectué en amont, à même de cerner
les bases à partir desquelles cette catégorie a été construite. Cette démarche doit me permettre
de mettre en relation les phénomènes avec leurs concepts théoriques respectifs et d’identifier
le type de marques transcodiques repérées. Cette première partie repose sur des statistiques
exploratoires qui faciliteront la synthèse en répondant à la question de récurrence et de
thématiques posées dans la problématique.
Un premier diagramme angulaire (camembert) qui permet, selon moi, de mieux estimer en
terme de proportions les phénomènes décrits grâce aux couleurs attribuées à chaque type de
marque transcodique est proposé en premier.
Ce type d’analyse concerne la typologie des observables, leur nature grammaticale, les
langues empruntées, les marques de repérage, les thématiques, les motivations ainsi que leurs
récurrence.
Les rubriques proposées dans la grille ci-dessous ont été conçues de manière à répondre
au mieux aux questions de la problématique
Pour chaque marque transcodique repérée, j’ai procédé à une analyse selon les critères ci-
dessous mentionnés dans la grille :
(Grille n°1)
code Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation fréquence
ttranscodique prêteuse gram d’intégration repérage
a)- Codage :
Selon la méthode préconisée par l’Ecuyer29 sur laquelle je m’appuie dans la recherche du
sens, chaque phénomène de contact de langues a été codifié de manière à me faciliter
l’analyse
Pour les chroniques de Hakim Laâlam, j’ai apposé les lettres HL et une numérotation
progressive jusqu’à 115, exemple :
Puis, une sous-numérotation pour codifier les marques à l’intérieur d’une même
chronique, exemple :
HL 1.2 signifie corpus de Hakim Laâlam chronique n°1, marque transcodique n°2
29
René l’Ecuyer « Méthodologie de l’analyse Développementale de contenu : méthode GPS et concept de
Soi » livre numérique, édition Presse Universitaire du Québec, avril 2011.
171
Ensuite, il y a des chroniques analysées à partir du recueil intitulé « Saïd Mekbel, dix ans
déjà » voir en annexe. Celles-ci seront codifiées SM* (avec un astérisque en plus).
Par ailleurs, la langue prêteuse est également liée à la thématique. A titre indicatif, on
verra que lorsque le thème de la religion est abordé, c’est l’arabe classique qui est emprunté et
non pas l’arabe algérien.
c)-Typologie :
30
« Tandis que le substantif est aisément entraîné hors de sa langue par l’objet ou la notion qu’il représente,
l’adjectif se prête beaucoup moins à l’emprunt parce qu’il n’a pas d’autonomie. » Extrait de « L’emprunt
172
plus un mot est autonome, plus il est enclin à être emprunté. Or, j’ai également recensé un
grand nombre d’expressions idiomatiques empruntées.
Il s’agit pour moi de relever la manière dont cette marque transcodique est passée de sa
langue source vers sa langue cible pour y être adaptée puis accueillie : Il peut s’agir d’une
intégration morphosyntaxique (dérivation, flexion, nominalisation), phonologique ( adaptation
au système phonologique algérien et/ou arabe) ou lexicologique (l’équivalence attribuée en
français d’un mot emprunté par le chroniqueur) ou bien encore emprunt intégral sans aucun
procédé d’intégration. Cette information devrait me permettre de savoir s’il existe un procédé
plus récurrent qu’un autre et de tenter d’expliquer les raisons de cette récurrence.
Il s’agit pour moi de mettre en exergue les moyens mis en œuvre par le chroniqueur pour
identifier cet emprunt :
g)- Thématique :
Ce critère me permettra de confirmer mon hypothèse selon laquelle il existerait des sujets,
thèmes ou domaines plus propices ( incitateurs) au code mixing (emprunts et /ou alternance
codique) que d’autres. Il s’agit de recenser les champs sémantiques qui constituent des
« domaines pourvoyeurs » d’emprunts ou de contact des langues chez les chroniqueurs et, dire
s’ils appartiennent à ce que Yacine Derradji appelle « les réalités spécifiques algériennes»31
ou à des réalités plus vastes appartenant au monde arabo-musulman. Dans mon analyse, j’ai
relevé thématiques omniprésentes qui sont : la religion, la politique, l’habillement, la
gastronomie, la musique et l’administration. Toutefois, dans certains cas, il m’a semblé
difficile de pouvoir trancher catégoriquement entre deux thématiques que j’estime pouvant
être liées, comme pour l’emprunt « islamiste » qui renvoie à la fois à la politique et la religion
ou bien encore à « hidjab » qui, lui renvoie à la religion et l’ habillement.
h)- la motivation :
173
surtout la parole (l’acte individuel). Cette libération se perçoit à travers des prises de position
et des divergences d’opinion d’abord puis, par le biais d’un plurilinguisme assumé et d’autres
formes de créativités lexicales mixtes.
Les segments dans lesquels les langues sont alternées, sont analysés à part. Chaque phrase
retenue fera apparaître en caractère gras le mot étranger à la langue du texte et sera suivie
d’une description et d’une explication selon les paramètres d’analyse suivants :
Bien que relevant de l’alternance codique, les expressions idiomatiques relevées dans les
chroniques et figurant dans la grille d’analyse seront traitées à part selon les grilles suivantes :
Une première grille (grille n°2) générale comporte tous les types d’expressions relevées :
intégrales, calquées ou formulées dans une alternance codique. Par la suite, chaque type est
analysé dans des grilles spécifiques : (grille n°3) pour les expressions intégrales, (grille n°4)
174
pour les expressions calquées et (grille n°5) pour les expressions produites dans une alternance
codique. Ces grilles seront suivies d’explications et de graphes récapitulatifs qui permettront
de mieux visualiser les proportions de cet emploi par type.
Grille n°2 :
Grille n°3
Grille n°4 :
Grille n°5
Les néologismes relevés dans mon corpus sont de natures différentes. Seuls les emprunts
néologiques (formés à partir d’un contact des langues) sont ici analysés. Ils sont le produit
d’un substrat arabe algérien ou institutionnel, adapté au système linguistique français (le
bouchkarisme, imamiste, califal). Ces néologismes ont fait l’objet d’une analyse spécifique
selon la grille suivante :
Grille n°6 :
175
11.6-Analyse titrologique
Ayant observé dans mon corpus que les chroniqueurs choisissaient souvent
des intitulés dans une langue autre que le français, (arabe algérien ou arabe institutionnel), je
me suis interrogée sur l’interprétation de cette insertion qui me semblait différente des autres
emprunts du texte, le titre étant une partie autonome du corps du texte.
Dans ce sens, je ne pouvais analyser de la même manière et avec les mêmes outils les
titres et les autres observables.
Il ne s’agit pas ici de procéder à une analyse titrologique de manière détaillée et complète,
c’est-à-dire en analyser tous les aspects paratextuels, péritextuels et sémiotiques comme le
préconise Gérard Genette 32 car celle-ci impliquerait une étude où le titre est abordé en
profondeur et de façon systématique à partir de la détermination de son emplacement, de sa
date d'apparition, de son mode d'existence verbal, des caractéristiques de son instance de
communication et de ses fonctions. A cet effet, je me suis proposé de relever ces titres puis
d’en étudier uniquement les éléments suivants : La (les) langue (s) utilisée (s) au niveau des
titres, la typologie du phénomène linguistique et sa motivation.
Une autre forme de créativité lexicale relative à la société algérienne et que j’ai relevé est
la « sobrication » qui consiste en l’action de créer un sobriquet à partir du nom ou du prénom
en adoptant différentes techniques
Exemples : H’mimed, Boutef, Da L’Ho.
Dans cette recherche, ce n’est pas tant l’analyse typologique et linguistique de ces
créativités lexicales qu’est la sobrication que j’envisage, mais, surtout, l’aspect ethno-
sociologique. A cet effet, c’est sur la base des travaux antérieurs dans le domaine de
l’onomastique, notamment ceux d’Ourdia Yermèche que je propose une analyse des
mécanismes de fonctionnement et de l’interprétation de ces sobriquets relevés dans mon
corpus.
11.8-Les anglicismes
176
presse algérienne d’expression française, mais, de manière indirecte. En effet, des anglicismes
apparaissent dans le corpus de Hakim Lâlam et Kamel Daoud, mais, ils ne peuvent pas être
considérés comme étant des emprunts faits directement à l’anglais, puisqu’ils ont été
lexicalisés et empruntés d’abord par la langue française que ces chroniqueurs emploient. Par
conséquent, la langue source n’est plus l’anglais, mais le français. Ce sont donc des emprunts
à l’anglais via le français.
Une fois ces anglicismes collectés, j’ai pu les classer par domaines dont les plus récurrents
sont le domaine du spectacle, la technologie, la télévision.
Etant fondée sur (l’écriture) la langue, l’analyse qualitative accorde donc la primauté au
sens. En adoptant ce type d’analyse, il est question de rechercher le sens et de le produire.
Pierre Paillé et Alex Mucchielli estiment également que « le sens peut être défini comme
l’expérience humaine (réelle ou imaginée) à laquelle peut être rapporté un énoncé (mot ou
ensemble de mots)qui en permet la compréhension. »34
Les chroniques que je me propose d’étudier sur le plan de la variation, sont des
productions humaines, à mi chemin entre l’écriture journalistiques et la production littéraire
comme je l’explique dans la spécificité des chroniques journalistiques.
Ces « expériences » comme nommées plus haut, ne sont que les résultats des lectures et
des interprétations personnelles de chacun des chroniqueurs avec tout ce que cela suppose
comme transposition consciente ou inconsciente de leur vécu respectif, de leurs
représentations, de leurs connaissances et de leur culture, le tout soumis à un exercice de style
personnel.
33
Philippe Blanchet, « la linguistique de terrain :méthode et théorie, une approche ethno‐
sociolinguistique Ȏd PUR, mars 2000, p30.
34
Pierre Paillé et Alex Mucchielli, «« l’analyse qualitative en sciences humaines et sociales » éd Armand Colin
p
177
En optant pour ce type d’analyse, j’en comprends la complexité car, rien n’est moins
exact que les sciences humaines. Philippe Blanchet estime que « Dans une méthodologie
qualitative, les sujets ou les groupes ne sont pas réduits à des variables, mais sont considérés
comme un tout : le chercheur qualitatif étudie le contexte dans lequel évoluent les personnes
ainsi que le passé de ces derniers. »35
Et, bien que j’aie recours dans certains cas à une analyse quantitative pour réaliser des
statistiques, notamment pour observer la fréquence de certains emprunts et la récurrence de
certaines thématiques, aucun chiffre ni aucun résultat ne peut répondre à ma problématique
qui se focalise sur les motivations qui président à l’ usage plurilingue dans les chroniques
journalistiques d’expression française dans la presse algérienne.
Le recours à ce mixage de deux types d’analyses est très fréquent et a prouvé ses
résultats, « le nombre ne pouvant exister en l’absence de toute compréhension (…) l’utilisation
d’une forme de comptage fréquentiel au sein d’une analyse essentiellement interprétative peut
s’avérer un choix judicieux si l’on trouve un contexte pertinent de lecture. » 36 expliquent
P.Paillé et A.Mucchielli.
M’appuyant sur cette théorie, je comprends que je ne peux donc accéder à la construction
de sens par le seul comptage des « observables » ni par l’identification de leurs natures
respectives, ni même par la connaissance de leurs différentes thématiques que m’offre
l’analyse quantitative. Mais, je dois faire appel à d’autres compétences de traitement de ces
« observables » qui ne sont pas quantifiables et qui ne découlent pas d’une science exacte :
l’humour, l’ironie, le pathos, la connivence, l’allusion, le clin d’œil…
Cette approche compréhensive est celle que je préconise pour mon analyse qualitative. Et,
combien même, j’annonce le fait que certaines caractéristiques de l’analyse qualitative ne sont
pas « mathématiques », ils n’en sont pas moins objectifs, même s’ils ne peuvent être
considérés comme une Vérité Générale. En effet, P.Paillé et A.Muccielli s’appuient sur les
travaux de Schutz pour expliquer que l’objectivité est un critère de l’approche compréhensive
en sciences humaines : [ En ce qui concerne la compréhension, comme méthode particulière
aux sciences humaines, Schutz montre qu’avec cette méthode on élabore des théories du même
type que toutes les théories scientifiques répondant aux critères classiques de validité. En
effet, si les faits de départs sont différents des faits des sciences physiques et naturelles, si la
« méthode compréhensive » est différente des méthodes mathématique ou expérimentale, il
n’en reste pas moins que les théories élaborées en sciences humaines sont comme toutes les
théories des sciences empiriques (…)]37.
Par ailleurs, il ne faut pas omettre que les données récoltées par l’analyse quantitative vont
faire l’objet d’une « qualitativisation », c’est-à-dire qu’il n’est pas uniquement question pour
moi d’avancer des chiffres relatifs à la récurrence ou à la fréquence ou la typologie de
35
Ph. Blanchet, « la linguistique de terrain :méthode et théorie, une approche ethno‐sociolinguistique »éd
PUR, mars 2000, p30.
36
Ibidem p22
37
Ibid p 15
178
l’emprunt ou bien encore aux domaines pourvoyeurs d’empruntabilité, encore faut-il que
j’interprète ces résultats à partir des différents diagrammes proposés afin de donner du sens à
ces réalités observées.
C’est à cet effet qu’une description de la réalité sociolinguistique en Algérie a été élaborée
dans le premier chapitre de la première partie de ma recherche et qu’un intérêt particulier a
été porté aux représentations sociolinguistiques et Imaginaire des locuteurs en Algérie dans le
troisième chapitre de la même partie.
38
Philippe Blanchet &Thierry Bulot « Module de méthodologie de recherche sociolinguistique et
sociodidactique du plurilinguisme » lien vers le site http://eprints.aidenligne‐francais‐
universite.auf.org/655/1/... Consulté le 12.09.2015
39
Pierre Paillé et Alex Mucchielli, «« l’analyse qualitative en sciences humaines et sociales » éd Armand Colin
p 38
179
13-conclusion partielle
Dans ce premier chapitre il est question de présenter les assises méthodologiques dans
lequel s’inscrit ce travail et les réflexions théoriques qui l’orientent qui pourraient susciter
d’éventuelles réserves si les référents scientifiques venaient à être différents comme le
précisent Paillé & Mucchielli dans leurs travaux40.
J’ai commencé par un rappel du sujet de recherche en faisant mention de sa genèse que
je relate en introduction générale puis, des questions de recherche sans perdre de vue mon
objectif de recherche.
Puis, je suis passée à la présentation des chroniqueurs car, leurs profils respectifs sont
différents : différentes générations et différents milieux socioculturels.
Dans la démarche suivante, je décris mon corpus, très volumineux du reste, car, il est aussi
question pour moi, dans le cadre de ma recherche de démontrer la récurrence de ces variation
que je tente d’analyser, afin d’étayer mes hypothèses de départ.
Cette analyse s’est faite en deux temps : une première analyse qualitative pour tous les
types de variations relevés qui me permet de cerner la nature du contact des langues. Chaque
type de contact a été analysé séparément pour une meilleure appréhension des motivations
du phénomène. Pour cette analyse, j’ai fait appel à différentes grilles dont je justifie plus haut
la pertinence ainsi qu’à des dictionnaires (corpus de référence) indispensables, notamment
dans l’analyse des néologismes.
Une deuxième analyse, quantitative cette fois, me permet de mieux estimer l’expansion
des différentes variations les plus utilisées dans ces chroniques et par chroniqueur. Pour ce
faire, j’ai utilisé des statistiques.
En dernier lieu, je reviens sur le choix de ce type d’analyse empirico-inductive et
j’argumente l’approche compréhensive pour laquelle j’ai opté pour mener à bien ce travail.
40
P. Paillé& A. Mucchielli 2005,op cit, p 18.
180
CHAPITRE 2
Présentation et analyse des résultats
1- Analyse des emprunts chez Hakim Laâlam :
1.1-Analyse qualitative
HL 1.1 - « Candidate à la “harga” dans la cale d’un rafiot presque aussi rouillé que le Batna ».
Ident Marque Langue Typologie Nature gram Procédé marque de Thématique motivation fréquence
trans prêteuse d’intégr repérage
La harga Arabe Emprunt Substantif Aucun guillemets sociétal connotation 1
HL 1.1 algérien intégral de
nécessité
« la harga », [la/ħarga], cette première marque transcodique est un emprunt à l’arabe algérien, c’est un emprunt intégral de
nécessité qui se manifeste dans la chronique entre guillemets. Il s’agit du substantif du verbe « hrag », de l’arabe « haraqa » La
harga signifiant l’émigration clandestine mais, comportant une connotation spécifique aux émigrés algériens qui, une fois arrivés
en terre d’exil, brûlaient leurs papiers d’identité pour ne pas être renvoyés en Algérie. Ici, le but du chroniquer est de railler une
situation dramatique ce qui constitue l’humour noir en employant un terme connoté. Pour Maingueneau Dominique, « la
connotation d’un concept correspond à sa compréhension, c'est-à-dire à l’ensemble des attributs qui définissent ce concept
(…)les connotations apparaissent donc comme des valeurs ajoutées, secondaires, périphériques qui relèvent moins de la
linguistique à proprement parler que de la stylistique, la psycholinguistique ou de la sociolinguistique 1».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL 3.2 Wali A.Inst Emprunt nom d’agent Aucun aucune Administratio Ironie 3x
intégral de n/ politique
nécessité
1
Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau « Dictionnaire d’analyse du discours » éd Seuil, Mesnil –sur‐ l’estrée, 2002, p 131.
182
Wali, « والي, » [wāli]. Il s’agit d’un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe institutionnel sous forme d’adjectif. Ce mot
correspond en français à « Préfet ». La thématique de cet emprunt est l’administration /politique. L’ironie est produite par le
contexte de l’acte d’énonciation de distanciation entre ce qui est « répété » et ce qui est pensé par le chroniqueur. Selon
Charaudeau Patrick, « le jeu énonciatif consiste pour le locuteur à mettre le destinataire dans une position où il doit calculer le
rapport entre ce qui est dit explicitement et l’intention cachée que recouvre cet explicite. Il s’ensuit une dissociation entre le sujet
énonciateur (celui qui parle explicitement) et le sujet locuteur qui se trouve derrière dont l’intention doit être découverte. »2
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
Arouch arabe Emprunt substantif aucun aucune Politique/ Le mot 1
HL 4.2 algérien intégral de communautaire juste
et kabyle nécessité
« arouch », «عروش, » [ʕru:∫]. Il s’agit d’un emprunt intégral de nécessité fait aussi bien à l’arabe algérien qu’au kabyle. Il est
employé ici car ne correspondant à aucune réalité dans la langue cible, le français. C’est le mot juste. Arouch, au singulier
« ârch »[ʕar∫] fait référence à une communauté ayant le même ancêtre et unis autour des mêmes intérêts politiques et/ou sociaux.
Les arouch dont il est question ici ont un ancrage régional (Kabylie) et identitaire (berbère).
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL 4.4 Akher kalima A.Inst Emprunts SYNT N aucun guillemets Médias/ Ironie 1
et Mala’âb el intégraux de TV
Âalam nécessité
2
Patrick Charaudeau « des catégories pour l’humour ? » http://www.patrick‐charaudeau.com/IMG/pdf/____2006_b_Humour_Q‐_de_Com.pdf
183
« Akher kalima » « [ » اخر كلمةāxir/kalima] et « mala’âb el Âalam » « [ » مالعب العالمmalāʕib/alʕālam].Il s’agit ici des noms de
deux émissions de la télévision algérienne reprises intégralement par le chroniqueur. La note ironique est produite par le décalage
entre le sujet de la chronique qui est politique et la nature des deux émissions en question dont la première est de culture générale
et la deuxième sportive.
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL 6.2 La fitna Arabe Emprunt substantif aucun aucune Religion Le mot juste 1
instit intégral de Ironie
nécessité
« fitna », « [ » فتنةfitna] Il s’agit d’un emprunt intégral de nécessité fait à la langue arabe institutionnelle relevant du domaine de
la religion. Il n’existe pas d’équivalent en français. « fitna » peut être traduite par « zizanie ». L’indice de l’ironie est relevé à
cause de l’identité du locuteur qui symbolise le pouvoir en place, et donc, déforme la vérité.
HL 6.4- « Si Abdelaziz a clairement rendu hommage aux forces de sécurité et à l’ANP qui ont su faire barrage en 1992 à
l’arrivée au pouvoir des islamistes ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL 6.4 Islamistes Arabe Emprunt Adjectif Suffixation aucune Religion/ Le mot juste 10
institutionnel adapté de en ISTE et politique
nécessité flexion
184
Il ne s’agit pas ici de faire de l’humour mais, juste d’employer le mot juste qui n’a pas d’équivalent en français. « Islamistes » est
le pluriel d’ « islamiste » formé à partir du substantif « ISLAM ». Cette forme adjectivale adaptée au système grammatical
français par la suffixation en ISTE signifie celui qui appartient au mouvement (courant) radical de l’Islam et qui revendique la
Chariâa comme unique repère légal.
HL 10.1- « Nabil est de cette race de journalistes que le discours officiel et les fetwas présidentielles préfèrent »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL 10.1 Fetwas Arabe Emprunt Substantif Flexion aucune Religion Ironie 1
institutionnel adapté de
nécessité
« fetwas » « فتوي, » [fatwā] . C’est un emprunt à la langue arabe institutionnelle. Il a été adapté au système linguistique français
par la flexion. Or, ce pluriel n’existe pas dans la langue arabe où le pluriel est «fatawas »[fatāwā] Il est employé ici car il n’existe
pas d’équivalent dans la langue française. « Fetwas » correspond à une décision (un avis juridique ou religieux) émis par une
instance religieuse avérée et habilitée lorsque la jurisprudence en la matière n’a pas tranché. Son emploi dans un contexte autre
que religieux (en l’occurrence politique) qui créé l’ironie.
HL 12.1- « un coup enseigné à Khalida par un moine Shaolin enseignant son art martial dans la zaouïa « Ma Yakh’falekch ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL 12.1 La zaouïa Arabe Emprunt Substantif Aucun aucun Religieux/ ironie 1
algérien intégral de sociétal
nécessité
185
La « zaouïa » [zāwja] est un substantif de l’arabe algérien emprunté par le français pour absence de mot équivalent. Il est
employé ici pour deux raisons : d’abord pour le mot juste et pour la connotation qu’il comporte (Expliqué en H1.1). La zaouïa
est un lieu de culte qui regroupe une confrérie et dans laquelle sont dispensés des enseignements théologiques. La zaouïa sert
aussi de lieu d’hébergement et de restauration à qui le demande (Voyageurs, démunis…). L’évocation de la « zaouïa » est
ironique car, ces lieux censés être apolitiques, sont devenus pendant les campagnes de Bouteflika, des fiefs de partisans.
L’humour est aussi suscité par l’apposition de « moine Shaolin » qui relève de la culture Boudhiste à « zouïa ».
HL 15.2- « C’est un peu trop facile de s’en prendre à des gosses en les traitant de « Hizb frança » et de « harkas ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL 15.2 Harkas Arabe Emprunt Adjectif flexion guillemets Politique Discours 1
algérien adapté de rapporté +
nécessité connotation
« hizb frança » sera expliqué plus loin avec les expressions idiomatiques.
Ici « harkas » [ħarkα] pluriel de « Harki »[ħarki] est un emprunt à l’arabe algérien. Il peut être traduit par « collaborateurs ou
traître » mais, la désignation en arabe algérien est connotée car spécifique aux Algériens qui ont collaboré avec la France
pendant la colonisation. « harki » est devenu une insulte chez les Algériens.
HL 15.4- « Déjà qu’avec nos conneries, l’islamisme armé, nous leur avons volé leurs quinze plus belles années, les premières. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL 15.4 Islamisme Arabe Emprunt Substantif Dérivation aucune Politique Le mot juste 3
institutionnel adapté de (suffixation )
nécessité en ISME
186
« L’islamisme » est un emprunt à la langue arabe institutionnelle. Il a été adapté et intégré au système linguistique français par
le suffixe ISME. ISLAM+ ISME signifie courant politique de pensée radicale qui prend la Chariâa comme unique référence
légale. Il est employé ici pour absence de terme équivalent en français.
HL 20.2- « Saïd Abadou, secrétaire général de l’ONM, l’immortelle Organisation Nationale des Moudjahidine, … »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Moudjahidine Arabe Emprunt nom d’agent aucun aucune Politique Le mot juste 2
20.2 institutionnel intégral de
nécessité
« Moudjahidine », « [ » مجاھدينmuƷāhidin] pluriel de « Moudjahid » est un adjectif emprunté à l’arabe institutionnel, signifiant
« maquisards ». Il est employé ici car c’est le mot juste correspondant au « M » des sigles de l’ONM.
HL 21.2- « Djilali pique une colère rouge. Ou noire comme les « m’layate » de cirta »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL M’layate Arabe Emprunt substantif aucun guillemets habillement Le mot juste 1
21.2 algérien intégral de + clin d’œil
nécessité
187
« m’layate » [mlājāt] est le pluriel de « m’laya » qui est un substantif emprunté à l’arabe algérien. Il renvoie au voile noir
spécifique de la région de Constantine. Son emploi ici est d’abord motivé par la volonté du chroniqueur de faire un clin d’œil au
lecteur de Constantine3 par le biais de cette comparaison. Puis, par l’absence d’équivalent en français.
HL 21.3- « la vénérable tante s’est vu opposer un refus catégorique au motif qu’elle ne portait pas le hidjab ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Hidjab Arabe Emprunt substantif aucun aucune Habillement Le mot 2
21.3 institutionnel intégral de reeligieux juste
nécessité
« hidjab », « [ » حجابħiƷāb] est le substantif du verbe « hadjaba » qui signifie dans la langue arabe institutionnelle « cacha,
voila, éclipsa ». Il renvoie au voile islamique qui n’est ni le voile blanc du Maghreb, ni le noir de Constantine. Il n’existe pas de
mot équivalent en français.
HL 23.1- « 10 enfant de moins de 10 ans ont été victimes, un imam, sérial pédophile à Boghni ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Arabe Emprunt nom d’agent Aucun aucune Religion Le mot juste 3
23.1 imam institutionnel intégral de
nécessité
« imam » , «[ » امامimām] est un emprunt à la langue arabe institutionnel, intégré dans le système linguistique français. Il est
employé faute de mot équivalent en français. C’est le mot juste. Il renvoie à un guide religieux qui mène la prière et donne des
prêches dans une mosquée. Il s’agit d’un nom d’agent
3
L’Histoire nous apprend que l’apparition de ce voile noir à Constantine date du XVIIIe siècle et qu’elle est liée à la mort de Salah Bey qui gouverna ce
beylicat pendant 21 ans. En guise de deuil, les femmes de Constantine auraient adopté le noir comme couleur de voile.
188
HL 27.2- « c’est une habitude électorale en Algérie, les femmes restent à la maison la matinée pour préparer le repas et faire le
ménage, ensuite, une fois le traditionnel berkoukès cuit, elles iront accomplir leur devoir ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Berkoukès Arabe Emprunt substantif Aucun aucune Gastronomie Ludique/ 2
27.2 algérien intégral de ironique
nécessité
« berkoukès » [barku:kɛs] est un emprunt fait à l’arabe algérien. Il s’agit d’un plat traditionnel fait à base de semoule roulée en
petites billes dans une sauce rouge avec ou sans viande, généralement préparé à l’occasion d’une naissance. Son emploi ici est
motivé par l’aspect ironique, le chroniqueur étant entrain d’avancer de faux arguments.
HL 31.1- « Quand on m’annonce avec fanfare et zorna que des tonnes de viande brésilienne et des tonnes de pommes de terre
canadiennes vont inonder le marché… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Zorna Arabe Emprunt Substantif Aucun aucune musical Ludique/ 1
31.1 algérien intégral de ironique
(algérois) nécessité
« zorna » [azzorna] est un emprunt à l’arabe algérien, spécifiquement algérois. Il s’agit d’un instrument à vent appelé « ghaïta »
[ɣājtˁα] à l’Ouest. Il n’existe aucun équivalent en français. « zorna » peut aussi faire référence à toute la troupe musicale. Son
emploi dans ce contexte est motivé par l’hyperbole 4décalée introduite par l’amplification de l’annonce « enjouée » du
gouvernement comparée ici à fanfare et « zorna ».
4
L’hyperbole du grec « hyperbolê », « excès » « est une figure de style de la rhétorique qui s’applique à toute formulation excessive par rapport à ce
que l’on peut supposer de l’intention communicative réelle du locuteur. L’hyperbole augmente ou diminue les choses avec excès… » extrait du
« Dictionnaire de l’analyse du discours » Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau, » éd Seuil, Mesnil –sur‐ l’estrée, 2002, p 295.
189
HL 31.2- « …, c’est censé provoquer quelle réaction en moi ? que je danse la gigue écossaise ou le Aïssaoua sur la table de ma
cuisine .»
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Aïssaoua Arabe Emprunt substantif Aucun aucune Musical/ / ironique 1
31.2 algérien intégral de culturel
nécessité
« Aïssaoua » [ʕisāwa] est un emprunt à l’arabe algérien. Il n’a aucun équivalent en français. Il renvoie à la fois à un genre
musical et à la troupe de musique traditionnelle avec les mêmes instruments que la troupe de la « zorna » même si l’Histoire des
Aïssaoua 5est différente. La motivation est la même que celle de HL 31.1.
HL 33.2- « il y avait un peu de l’exposition universelle de 1900 dans ce colloque algérien sur les harragas ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Harragas Arabe Emprunt Adjectif Flexion aucune Société connotation 5
33.2 algérien intégral
facultatif
« harragas » [ħarrāga] est un emprunt intégral facultatif car le chroniquer aurait pu le remplacer par « émigrés clandestins »,
mais, il lui a préféré sa forme algérienne qui est connotée. C’est la forme adjectivale du substantif « harga ».( voir HL 1.1)
« harragas » a été adapté au système syntaxique français par la flexion.
5
La confrérie des Aissaoua est un ordre mystico‐religieux fondé au début du XVIe siècle à Meknès (Maroc) par Mouhamed Benaïssa surnommé « Cheikh
el Kamil » signifiant « le maître parfait ».
190
HL 34.2- « alors qu’elle regardait impuissante les buldozers abattre sa demeure, elle aurait jeté un sort terrible : « J’implore
Belazreg et Belahmar réunis et leur demande de frapper de malheur et de destruction tout ce qui … »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Belazreg et Arabe Emprunt Nom propre Aucun aucune Société/ Discours 1
34.2 Belahmar algérien intégral de culture rapporté
nécessité connotation
« Belazreg »[ballazrag] et « Belahmar »[bellaħmar] sont des emprunts à l’arabe algérien. Selon les croyances populaires, ce sont
les noms des mauvais Djins (démons) à qui on concède des pouvoirs surnaturels qu’ils mettent au service des cartomanciennes
(et autres médiums) en contrepartie, les sorciers doivent les adorer. L’évocation par leur nom de ces démons est motivée par la
volonté de tourner en dérision l’institution bancaire algérienne. Il s’agit donc d’un emploi ironique et satirique.
HL 34.3- « vérifiez par vous-mêmes chères lectrices, chers lecteurs, sur l’une de leurs faces, vos billets de 200 DA sont à
l’effigie de Houbel, Brrrr! »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Houbel Arabe Emprunt Nom propre Aucun aucune Religion humour 1
34.3 institutionnel intégral de
nécessité
« houbel »[hubal] est un emprunt à l’arabe institutionnel. Il est le nom d’un Dieu païen de la Tribu des Qoreïchites. Le monument
« Maqam eccahid » traduire par « le sanctuaire au martyr » érigé à Alger en 1982 a été surnommé « houbel » allusion faite à
l’adoration des dieux païens par les algérois qui ont été divisés par ce projet urbanistique et socioculturel. L’onomatopée
« Brrrrrr ! » produit aussi un effet comique.
HL 37.2- « Qui des menaces de représailles sanglantes de la kasma de Bir –el –djir et des millions de ses adhérents contre cette
télé ennemie. »
191
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Kasma Arabe Emprunt substantif Aucun aucune Politique le mot juste 2
37.2 institutionnel intégral de
nécessité
« la kasma » « [ » قسمةqasma] est un emprunt intégral nécessaire. Ce terme emprunté à l’arabe institutionnel pourrait correspondre
à « division» Il s’agit d’une subdivision6 au niveau communal du parti FLN. L’emploi de cette unité est motivé par l’emploi du
mot juste.
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL wilaya Arabe Emprunt substantif Aucun aucune Administrat Le mot juste 2
39. 3 institutionnel intégral de ion/
nécessité
« wilaya » « [ » واليةwilāya] est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe institutionnel. Il renvoie à un découpage
administratif des villes et communes rattachées administrativement en Algérie. Son emploi est justifié par l’absence d’équivalent
en français.
6
L’organigramme du FLN indique une instance nationale « la Centrale » composée de 15 membres, présidée par un Secrétaire Général,
des instances de wilayas appelées « mouhafadha » et des instances communales appelées « kasma »
192
HL 43.1 -« les indices d’une atteinte à la religion d’Eta, l’islam. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Islam Arabe Emprunt substantif Phonétique aucune religion Le mot juste 1
43.1 institutionnel intégral de
nécessité
« islam » est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe institutionnel. Il s’agit de la religion du prophète Mohamed. Ce terme
a été intégré dans le système linguistique français. Il n’existe pas de terme équivalent en français.
HL 43.3 – « il y a ces lots de savates saisies parce qu’elles portaient sur la semelle l’inscription « Allah ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Allah Arabe Emprunt Nom propre Aucun guillemets religion Mot juste 2
43.3 institutionnel intégral de
nécessité
« Allah » est un emprunt intégral de nécessité. Il renvoie au nom du Dieu des musulmans. C’est un nom propre, ce qui justifie
son emploi.
HL 44.4-« qui a ordonné aux journaux télévisé d’ouvrir leur « une » sur l’arrivée des poussahs portant qamis, claquettes et
barbes… »
Iden Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
t transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Qamis Arabe Emprunt substantif Aucun aucune religion Le mot juste
44.4 institutionnel intégral de
nécessité
193
« qamis » est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe institutionnel. Il désigne une longue tunique (robe) blanche masculine
à manche longues et col Mao, en coton portée par les musulmans. Il n’existe pas de mot équivalent en français. Le « qamis » est
l’habit traditionnel de Saoudiens.
HL 45.1- « l’une de mes idées folles a investi ma caboche, tard dans la nuit, pendant un sommeil pourtant alourdi par une chorba
fric carabinée… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Emprunt SYNT N Aucun aucune Gastronomi Humour 2
45.1 Chorba fric Arabe intégral de e
algérien nécessité
« chorba fric » [∫u:rba/frik]est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe algérien. Il renvoie à une spécialité culinaire du
Centre et de l’Est algériens à base de soupe de légumes à base de viande et de blé vert concassé. Son emploi ici a un effet
ludique.
HL 57.2- «Grâce à Si Goulamallah, nous pouvons compter désormais sur l’argent de la zakat ! »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL La zakat Emprunt substantif aucun aucune religion Le mot juste 4
57.2 Arabe intégral de
instituionnel nécessité
« la zakat » « [ » الزكاةazzakāt] est un emprunt intégral de nécessité à l’arabe institutionnel. Il est le 3e des 5 piliers de l’Islam. Il
consiste en un impôt prélevé annuellement sur ses fonds propres afin de les purifier. « zakat » signifie « purification ».
HL 60.5- « Abdekka deviendra, sous ton grimage, le numéro un de la chasse aux émirs, l’ennemi juré des chouyoukh du FIS,
l’ami de la presse libre, … »
194
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Emirs Arabe Emprunt Nom d’agent flexion aucune Politique / Le mot juste 1
60.5 institutionnel adapté de religion
nécessité
Arabe Emprunt Nom d’agent aucun aucune Politique/ Le mot juste 1
Chouyoukh institutionnel intégral de religion
nécessité
« émirs »[ami:r] est un emprunt adapté de nécessité. L’adaptation apparaît par le biais de la flexion (S) du pluriel. Il n’existe pas
de mot équivalent en français« émir » renvoie à un titre de noblesse dans le monde musulman. Il signifie « celui qui ordonne ».
« chouyoukh »[∫uju:x] est un emprunt intégral de nécessité. C’est le pluriel de « cheikh » [∫ajx] Il n’existe pas de mot équivalent
en français. Il renvoie à un titre honorifique accordé à un homme d’un certain âge et surtout dont les connaissances théologiques
sont avérées.
HL 62.2- « il suffit juste de demander d’aller en masse aux daïras de leurs circonscriptions… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Daïras Arabe Emprunt Substantif flexion aucune Administrat Le mot juste 1
62.2 institutionnel adapté de if
nécessité
« daïras »[dāʹira] est un emprunt adapté de nécessité fait à l’arabe institutionnel. « daïras » correspond à un découpage
administratif établi en 19697 de la « wilaya ». «Chaque wilaya est subdivisée en X daïras qui regroupent X communes. « daïra »
correspond à « Sous-préfecture ». Il est employé ici car, le mot juste.
7
Avant cette date, l’Algérie était organisée en 15 départements. A partir de Mai 1969, sous le Président Houari Boumédiene, ( avec la vague
d’arabisation) il y eut une réorganisation territoriale à l’issue de laquelle naîtront les noms suivants : Wilaya en remplacement de Préfecture, wali en
remplacement de Préfet ; Assemblée Populaire de Wilaya en remplacement de Conseil général ; Daïra en remplacement à Sous‐préfecture ; Chef de
Daïra en remplacement à Sous‐préfet ; Assemblée Populaire Communale en remplacement à Mairie.
195
HL 67.1- « Tous unis contre la conduite en état de …Niqab ! »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Niqab Arabe Emprunt substantif aucun aucune religion Le mot juste 1
67.1 institutionnel intégral de + ironie
nécessité
« le niqab »[niqāb] est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe institutionnel. Il renvoie à une tenue vestimentaire importée
d’Arabie Saoudite qui voile intégralement la femme à l’exception des yeux. Il n’existe pas d’équivalent en français. Son emploi
est motivé par l’ironie situationnelle : le champ de vision étant amoindri par le niqab.
HL 72.1 « l’opération « couffins de l’Aïd » qui a succédé à « couffins du Ramadhan » a été une réussite totale. En attendant
bien sûr les opérations suivantes : «les couffins de l’Aïd el- kebir, les couffins de l’Achoura, les couffins du Mouloud, les
couffins…
Iden Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
t transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Arabe Emprunt substantif aucun aucune religion Mot juste 1
72.1 L’Aïd institutionnel intégral de
nécessité
Arabe Emprunt Nom propre 1
Ramadhan institutionnel intégral de
nécessité
Arabe Emprunt Nom + 1
L’Aïd el-kebir institutionnel intégral de adjectif
196
nécessité
Arabe Emprunt Nom propre 1
Achoura institutionnel intégral de
nécessité
Arabe Emprunt substantif 1
Mouloud algérien intégral de
nécessité
Les quatre premières marques transcodiques du tableau sont des emprunts à l’arabe institutionnel, phonétiquement adaptés à la
langue française. La cinquième, est par contre un emprunt à l’arabe algérien, en arabe institutionnel, il aurait dit « el mawlid »..
Aucun des emprunts n’a de mots équivalents en français car ils correspondent à des notions relevant du domaine de la religion
musulmane.
« L’Aïd »[alʕi:d] est une fête religieuse qui clôt le jeun du mois de « Ramadhan »[ramadˁān]. « L’Aïd el-kebir », signifiant « le
grand Aïd, la grande fête » est la fête religieuse du sacrifice du mouton sacré en guise de soumission à la volonté divine.
« Achoura »[ʕa∫u:rā] est une autre fête religieuse d’origine juive célébrée le 10e jour du mois de Moharam (1er mois de l’année
lunaire). « Mouloud »[mu:lu:d] fête correspondant à « la naissance du prophète Mohamed »
HL 74.1 «-« tant qu’ils s’amusaient à « papa bricole » soudant les portes des mouhafadhate au chalumeau et à l’arc, … »
Iden Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
t transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
74.1 Mouhafadhate Arabe Emprunt substantif aucun aucune politique Le mot juste 2
institutionnel intégral de
nécessité
197
« mouhafadhate »[muħāfađˁāt] est un emprunt intégral de nécessité. C’est le pluriel de « mouhafadha » qui correspond à un
découpage administratif dans la gestion du parti FLN. La mouhafadha est le bureau de wilaya dudit parti.
HL 83.2-« on n’a pas le droit ensuite donner des leçons de moralité au Makhzen et au système de gouvernance et de gestion
marocain. »
Iden Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
t transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Makhzen Arabe Emprunt substantif aucun aucune Politique connotation 1
83.2 institutionnel intégral
facultatif
« mekhzen »[almaxzan] est un emprunt intégral facultatif fait à l’arabe institutionnel. Ce mot est polysémique. Dans le sens
premier, il, désigne un « entrepôt ». Dans un sens spécifique, les Marocains l’emploient pour désigner leur Etat, et les
institutions régaliennes marocaines. L’emploi de cet emprunt est motivé par la connotation de « royauté » qui sous-entend ( pour
la majorité) la répression, pour les Algériens.
HL 87.3-« Qu’il est loin le temps où Ali Benhadj (…) décrétait la démocratie kofr dans une mémorable interview (…) et
présidait le califat dans l’année en cours. »
Iden Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
t transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Le califat Arabe Emprunt substantif aucun aucune Politique/ Ironie 1
87.3 institutionnel adapté de religion
nécessité
198
« califat » [xilāfa] est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe institutionnel. Il désigne un mode de gouvernance politique
(un régime) prôné par les islamistes sur le modèle des successeurs du prophète Mohamed. Le chef reconnu du Califat est le
« Calife, Khalife »[xali:fa]. Il désigne aussi l’étendue géographique soumise à ce régime politique.
L’emploi dans ce contexte est motivé par l’ironie. Le chroniqueur « raille » le groupe terroriste par le nom surdimensionné (
hyper –assertion) qu’eux-mêmes se donnaient « califat ». Il s’agit d’une hyperbole que Maingueneau et Charaudeau définissent
comme étant « figure de style de la rhétorique qui s’applique à toute formulation « excessive » par rapport à ce que l’on peut
supposer de l’intention communicative réelle du locuteur. En tant qu’hyper –assertion, l’hyperbole s’oppose à cette autre figure
qu’est la « litote », laquelle est une hypo-assertion ».8
Iden Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
t transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Siwak Arabe Emprunt substantif aucun aucune Religion Le mot juste 1
87.8 institutionnel intégral de
nécessité
« siwak »[siwāk] est un emprunt intégral de nécessité à l’arabe institutionnel. Il désigne la racine d’un arbuste (salvadora persica)
dont les ‘musulmans ‘ spécialement se servent pour se nettoyer les dents. L’emploi de cet emprunt est d’abord motivé par
l’absence d’équivalent en français. Néanmoins, il y a également une motivation ironique derrière cet emploi car, depuis
l’avènement du FIS, les islamistes ont adopté un certain mode vestimentaire et certains accessoires (dont le siwak) comme signes
ostentatoires de leur appartenance.
8
Idem p 295
199
HL 88.5-« une faute grave ? Celle d’affirmer que le sang des chouhada appartient d’abord et seulement à leurs familles et leur
pays ? »
Iden Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
t transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Chouhada Arabe Emprunt Nom d’agent aucun aucune Politique connotation 1
88.6 institutionnel intégral
facultatif
« chouhada »[∫uhadāʹ] est un emprunt intégral facultatif fait à l’arabe institutionnel. Il signifie « martyrs » ; singulier
« chahid »[∫ahi:d]. Son emploi dans ce contexte est justifié par la connotation que comporte cet emprunt : guerre de libération,
victimes, morts, souffrances…mais aussi, le discours politique du FLN qui se sert de ces « chouhada » comme fond de
commerce.
HL 93.6- « Et, je remarque ce truc énorme, cette traînée liquide à la suite de ce cortège de fin du monde salafiste. »
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t transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Salafiste Arabe Emprunt adjectif Dérivation aucune Religion Le mot juste
93.6 institutionnel adapté de par
nécessité suffixation
en ISTE
« salafiste » est un emprunt intégral de nécessité à « salafi » [salafijj] en arabe institutionnel. Il ne correspond à aucun mot en
français. Il est la forme adjectivale de « salaf » signifiant « ancêtre » ou bien « prédécesseur ». Le « salafiste » est donc un
partisan d’un mouvement politico-religieux « le salafisme » qui prône le retour aux percepts de l’islam dans sa version
originelle. Il est employé ici pour la justesse du signifié.
HL 100.2-« excusez surtout notre armée de ne pas avoir demandé aux tangos d’In Aménas s’ils voulaient des croissants à leur
réveil sous siège, s’ils souhaitaient des « ghraief », des crêpes pour le goûter… »
200
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transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Ghraief Arabe Emprunt substantif Aucun guillemets gastronomie Ironie 1
100.2 algérien intégral de
nécessité
« ghraief » [ɣrājaf] est un emprunt intégral facultatif fait à l’arabe algérien. A l’ouest, on les appelle « Baghrir » Il s’agit d’une
spécialité maghrébine, des crêpes dont la spécificité est d’avoir « mille trous ». L’emploi ici est motivé par l’ironie produite par
l’antiphrase « « on s’excuse (…) excusez-nous ! Vraiment on est confus ! » et l’hyperbole de la périphrase « s’ils voulaient des
croissants, des Ghraief, des crêpes …)
HL 100.4-« il est vrai que nous aurions dû attendre que les ravisseurs prennent le large, pour ensuite, ensuite seulement, les
prendre en chasse, comme dans nos jeux d’enfant, « tchila » et , « Ghoumaydha » !... »
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transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Tchila Arabe Emprunt Intitulé Aucun guillemets société Humour 1
100.4 algérien intégral
facultatif
ghoumaydha Arabe Emprunt substantif Aucun guillemets société Humour 1
algérien intégral
facultatif
« tchila » [t∫i:la]et « Ghoumayda » [ɣumajdˁa] sont des emprunts intégraux fait à l’arabe algérien. Il s’gait de noms de jeux de
société. « Tchila » correspond à « touché c’est gagné », c’est la déformation phonétique de « tu l’as » et « ghomaydha » à
« cache- cache ». Leur emploi est justifié ici par la même motivation que HL 100.3
HL 101.1-« Parce que, proposer un livre, de la lecture au Garnement, ça revient à offrir un château Laroque Saint Emilion Grand
Cru Classé 1982 à un buveur de piquette, voire de Zombreto. »
201
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transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Zombreto Arabe Emprunt substantif Aucun aucune société Connotation 1
101.1 algérien intégral de / humour
nécessité
« zombreto » [zombretˁo] est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe algérien. Il ne correspond à aucun mot en français. Il
s’agit d’une boisson alcoolisée de fabrication artisanale composée d’alcool à brûler et d’eau ou limonade. Son emploi ici est
motivé par l’ironie que suscite le paradoxe : le Cru classé / zombreto.
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transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Raïs Arabe Emprunt Nom d’agent Aucun aucune politique Connotation 5
102.2 algérien intégral
facultatif
« raïs » [rājas] est un emprunt intégral facultatif. Selon sa prononciation, il appartient à une variante de l’arabe ou à l’autre. Il
signifie « Président ». Le premier Président à avoir été surnommé ainsi est Gamal Abdenasser. « raïs » est un terme connoté de
la culture du panarabisme qui renvoie ici à Bouteflika.
HL 102.5- (Abdekka a retenu, décidé et signé tout seul, dans la solitude de sa convalescence européenne pour le 22 Octobre.
« El Mouqawama El-Djazaïria. »)
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transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL El Arabe Emprunt Synt N aucun guillemets politique Le mot juste
102.5 mouqawama institutionnel intégral de « intitulé »
el djazaïria nécessité
202
« el mouqawama el djazaïria »[almuqāwama/alƷazaʹirijja] est un emprunt intégral de nécessité à l’arabe institutionnel signifiant
« la résistance Algérienne ». Il s’agit de l’intitulé d’un journal, le mot juste.
HL 105.2-« Que faut-il comprendre à travers ce geste, la main tendue par Saïdani au FFS ? Que le gars peut…jouer du bendir
d’une seule main ! »
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transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Bendir Arabe Emprunt substantif Aucun aucune musique Humour et 1
1052 algérien intégral de ironie
nécessité
« bendir »[bandi:r] est un emprunt intégral de nécessité. Il s’agit d’un instrument à percussion utilisé dans les pays du Maghreb
qui n’a pas son équivalent en français. Son emploi ici est motivé par le mot juste mais, aussi l’humour car, il ne s’agit pas d’une
information mais, juste d’une point d’humour ironique (en chapeau), une allusion au passé de Saïdani (le SG du FLN) qui avait
fait partie d’une troupe musicale populaire avant de devenir le SG du FLN (parti au pouvoir).
HL 109.4- « De fins limiers chaussant des lunettes à double foyer, voire à quatre foyers, puisque la charia le leur permet… »
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transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL La charia Arabe Emprunt substantif Aucun aucune religion Le mot juste 1
108.5 institutionnel intégral de et l’ironie
nécessité
« charia » ou « chariâa »[a∫∫ari:ʕa] est un emprunt intégral de nécessité. Il s’agit de la loi islamique qui codifie l’ensemble des
droits et des devoirs des musulmans. Il n’existe pas de mot équivalent en français. Son emploi est essentiel mais le contexte est
ironique car le chroniqueur fait un jeu de mots grâce à la polysémie de « foyers » : le sens premier ici désigne le « verre des
lunettes » et le second désigne les « femmes », en l’occurrence 4, autorisées par la loi islamique « charia ».
203
HL 112.3-« je verrais bien Cheb Anouar. Ou plutôt Cheikh Anouar. Ouais ! »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
HL Cheb Arabe Emprunt Adjectif Aucun aucune musique ironie 1
112.3 institutionnel intégral
facultatif
« cheb » [∫āb] est un emprunt intégral facultatif à l’arabe institutionnel. Il signifie « jeune ». Cet adjectif est apposé
systématiquement à tous les jeunes chanteurs de Raï depuis une trentaine d’années. Pour le féminin , on dira « chabba ».
La note d’ironie cynique est créée ici par l’opposition de Cheb Anouar qui est un chanteur au Cheikh Anouar (Haddam) qui est
un terroriste du GIA et que le Pouvoir en place peut blanchir à tout moment, selon le chroniqueur « Le cynique est celui qui
avoue avec insolence, et en la considérant comme naturelle, une conduite contraire aux conventions sociales, aux règles morales
; qui manifeste du cynisme : Un être cynique et immoral. Qui appartient à l'école philosophique grecque d'Antisthène et de
Diogène. »9
Au total, hakim Laâlam a utilisé 55 emprunts. Ceux-ci sont de différents types et de différentes langues.
9
Définition extraite du dictionnaire en ligne http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/cynique/21363 visité le 26.06.2016 à 15H05
204
1.1- Analyse quantitative
a)-Langue des emprunts
1- Nécessité de l’emprunt
205
4-Nature grammaticale de l’emprunt
ذ
nature grammaticale
substantif Parmi les 55 emprunts, 34
adjectif sont des substantifs (62%),
11 sont des noms d’agents
nom d'agent
(20%) , 5 sont des adjectifs
autre
(9%) et 5 autres des
syntagmes ou des noms
propres (9%) .
5-Marque de repérage
marque de repérage
206
7-Motivations de l’emprunt : Les motivations de l’usage de ces
emprunts sont différentes.
motivations Principalement, c’est le mot juste à
le mot juste
hauteur de 36% pour le mot juste et 24%
pour l’ironie. La connotation et l’humour
ironie
sont également des motivations pour
humour l’empruntabilité chez Hakim Laâlam à
hauteur de 13% et 7%, de manière
connotation respective.Par ailleurs, il existe une autre
forme de motivation que j’ai decelé qui
autres intervient souvent dans les chroniques
20%, qui comprend plusieurs aspcets à la
fois (humour et ironie) ou bien (le mot
juste ironie) et (allusion et ironie). Dans
la courbe, elle est représentée par la
rubrique « autres ».
207
2-Analyse de l’alternance codique chez Hakim Laâlam
HL.1.2- « Pas de queue sous la pluie ou le soleil et avec dans la nuque le souffle rauque d’un
policier fatigué et énervé de répéter depuis 6 heures du matin “wakhar errawla !” ».
Cette phrase est réalisée dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien
car il s’agit d’un discours rapporté au style direct, introduite par le verbe « répéter » et les
guillemets. Les guillemets marquent la rupture entre les deux énonciateurs ( le chroniquer et
le policier). L'effacement énonciatif est motivé par la recherche de l'objectivité, de la
neutralité et de la précision : c'est l'enjeu de la crédibilité, selon A.Rabattel10 . L'effacement
énonciatif constitue dans ce cas une stratégie « permettant au locuteur de donner l'impression
qu'il se retire de l'énonciation, qu'il "objectivise" son discours »
Wakher errawla !, « [ » وخر ارولwaxxar/arrawla]. Il s’agit ici d’un groupe verbal formulé en
arabe algérien constitué d’un verbe et d’un complément de lieu : wakher (verbe à l’impératif
singulier masculin) + errawla (l’arrière). Il n’existe pas de mot exact en arabe algérien pour
signifier « recule ! » donc, en arabe algérien, on dit « pousse- toi vers l’arrière ! ». L’ironie
est situationnelle car elle oppose le drame des jeunes suicidaires au discours « rengaine » et
« indifférent » du policier représentant ici l’autorité. Ici l’effet ironique est réussi car, comme
l’explique Mercier-Lecca Florence, il y a « connaissance préalable de ce que l’on pourrait
appeler des « communautés discursives » qui fournissent le contexte tant pour l’encodage
que pour l’attribution de l’ironie (…) ».11
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique interjective: « Et +
Cheh fel habssin ! » français /arabe algérien sans aucune marque graphique distinctive, si ce
n’est la majuscule.Aucune traduction n’est apportée.
« cheh » prononcé [∫∫ah] au centre et à l’Est ou bien [a∫∫aħ] à l’Ouest, est une expression
idiomatique signifiant « bien fait ! »
« Fel Habssin» [fal/ħābsi:n] peut être traduit par « pour les arriérés ». « habssin» pluriel de
« habess » [ħābas]est emprunté à l’arabe algérien et signifie littéralement «à l’arrêt ». Dans ce
contexte, il signifie « intellectuellement limités» ceux dont les mentalités sont « arrêtées »,
des ignares rétrogrades, contre l’évolution. La marque transcodique en entier peut être
traduite par « Bien fait pour les ignares ! ». La motivation est l’humour.
10
Alain Rabatel in « l’effacement énonciatif et discours rapporté » revue trimestrielle LANGAGES N°156,
coordonnée par Alain Rabatel, éd Larousse, déccembre 2004
11
Florence Mercier‐Leca, « l’ironie », éd Hachette supérieur, Paris, 2003, P 41
208
HL 6.1- Et les centaines de milliers de jeunes brandissant des baskets neuves au stade et
scandant « elli madach Stan smith yessena el guirra jdida ! » c’était quoi ?
HL 8.5- « Moins de 3000 DA par tête de pipe depuis França et ce ministre s’entête,… »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans marque de repérage par l’utilisation du lexème « França » [frānsα] qui constitue d’abord
un emprunt au français par l’arabe algérien du mot « France ». Il a intégré le système
linguistique de la langue véhiculaire des Algériens (toutes les langues maternelles). En arabe
institutionnel, on prononce « farança » c’est donc la prononciation qui détermine ici la langue
prêteuse. Son emploi est motivé par un effet humoristique. « França » traduit le passé
lointain, les années de colonisation antérieures à 1962. Il existe en Algérie des repères
temporels liés à des évènements marquants, exemples : « âam el Boun »[ʕām/al/bu:n]
signifiant « l’année du bon » allusion faite à la 2e guerre mondiale où les Algériens étaient
soumis à des bons de rationnement. « âam zastava » allusion faite aux années (1983-1986) à
la période où les voitures de cette marque avaient été importées et vendues aux Algériens
inscrits dans une liste d’attente.
HL 8.6- « Mais, mech’hah khouya ! Pourtant, on vous a bien expliqué que nous n’en étions
plus à revendiquer… »
Cette phrase est prodiuite dans une alternance codique extraphrastique interjective
français/arabe algérien.
« mech’hah kouya ! » [ma∫ħāħ/xujα], peut être traduit par « c’est qu’il est radin mon frère ! »
Il s’agit d’une phrase nominale complète réalisée dans un code mixing français/ arabe
algérien. Son usage a un objectif ludique.
209
La visée ironique et ludique dans cet énoncé produit dans une alternance codique
extraphrastique français/ arabe institutionnel/réside en l’emploi sui généris de « haya ya
aouled ! » [hajja/jā/awlād] signifiant en arabe institutionnel « allez, les enfants ! » puis,
« Ah’ssantou ! » [aħsantu:] dans le même arabe institutionnel, est un verbe qui apparaît ici
sous une forme fautive (erreur de frappe ?), le chroniqueur aurait du dire « Ah’ssantoum ! »
voulant dire « Très Bien à vous ! » il n’existe pas de verbe équivalent en français. Ces deux
marques du discours direct sont une allusion au discours du maître d’école. Le chroniqueur
endosse le rôle de ce maître (l’autorité gouvernementale) et s’adresse aux lecteurs dans un
style direct. C’est donc cette volonté d’infantiliser le lectorat (le peuple) et l’euphémisme
employé par le pouvoir pour décrire le terrorisme qui sont ironiques. Patrick Charaudeau
explique que « Les litotes et autres euphémismes sont donc à mettre au compte de ce procédé
d’ironie, puisque l’énoncé exprimé de façon négative exprime un jugement inverse très
fortement polarisé (…) »12
HL 12.1- « un coup enseigné à Khalida par un moine Shaolin enseignant son art martial
dans la zaouïa « Ma Yakh’falekch ».
HL 14.2- « comme si l’on attendait des lecteurs que nous sommes que nous prenions fait et
cause pour la société d’électricité, pour « Eddawla » et que nous lâchions entre nos dents un
vicelard « Ecchah fih ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel. Ici le mot « Eddawla » [addawlα] est facultatif du fait de l’existence d’un
terme équivalent en français qui est « l’Etat ».La fonction de cette alternance est la citation
car son emploi est motivé par la connotation, la charge symbolique qu’il représente.
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique impérative
français/arabe institutionnel. « tarakabou » « ترقبوا » [taraqqabu:] signifiant
12
idem
210
approximativement « surveillez » il s’agit d’un verbe conjugué à la 2e personne du pluriel,
masculin, à l’impératif. L’ironie est introduite à deux niveaux : d’abord le fait d’accuser la
poste suisse de perturbations, or, la Suisse est connue pour sa rigueur, ensuite, par l’emploi
du verbe « tarakabou ! » dans le sens où il fait allusion au discours des animatrices TV des
années 80 et 90, notamment employé pour annoncer le mois de Ramadhan lorsque les
musulmans attendent l’annonce du début du jeûne qui se fait par l’observation attestée du
croissant lunaire.
HL 18.1- « Car, mesdames et messieurs, les malabars qui se sont vu confier par leur
hiérarchie la protection des Kébir, Benhadj et autres « VIP de la lame, de la scie, de la
mah’choucha » sont rétribués par les impôts que vous et moi payons ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans marque de repérage. « mah’choucha »[maħ∫u:∫α] signifie en français « fusil à canon
scié », ce terme est la reformulation de « lame, la scie » qui a une fonction
métalinguistique.Son emploi est motivé par l’allusion aux terroristes du GIA (Groupe
Islamique Armé) dont les membres utilisaient ce surnom. L’ironie est produite par
l’apposition de VIP (verry important personality) et mah’choucha.
HL 19.2-« Et plus j’y pense, plus l’odeur dans lequel se mitonne « ettakh’lat » m’envahit le
nez et me fait suffoquer. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien.
« ettakh’lat » [attaxlātˁ] en arabe algérien est le substantif du verbe « khallat » signifiant au
sens propre « touiller, mélanger » et au sens figuré, « manipuler quelqu’un pour créer des
problèmes ».Sa fonction est référentielle. Son emploi est ludique et ironique à la fois, car, ce
terme employé dans ce contexte ramène la scène politique locale à un bas niveau de
commérages.
HL 19.2-« Bon Dieu ! Pourquoi ne puis-je pas faire comme les autres, comme tout le monde
et croire tout simplement que le blanchiment de Djabballah maintenant n’a aucun lien avec
une pratique coutumière du régime, ettikherbichin ? »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien.
« ettikherbichin »[attixarbichin] signifie en arabe algérien, « gribouillages » ou parfois,
« magouilles ». Sa fonction est référentielle.Son emploi est motivé par une note humoristique
et ironique qui décrit une scène politique où la stratégie est absente et où règnent les
magouilles.
211
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien,
en caractère gras. « wach dakhlek ? » [wā∫/daxlak] signifiant littéralement « De quoi tu te
mêles ? » est composé de deux unités : « wach ? » signifiant «qu’est-ce que ? » dans le parler
algérois et « dakhlek » signifiant « t’ingérer ». Sa fonction est interjective.L’emploi de cette
locution est motivé par l’aspect humoristique.
HL 23.2- « je trouve anormal qu’un imam qui a abusé de 10 enfants de moins de dix ans
comparaisse devant des enquêteurs de la police, puis montre sa « fat’cha », debout à la
barre des accusés »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
repéréec par les guillemets. « fat’cha »[fαt∫α] signifiant « face ou visage » dans l’arabe
algérien. Sa fonction est référentielle. Ce mot algériannisé a été lui-même emprunté
vraisemblablement à l’italien « faccia ». Dans l’arabe algérien, l’emploi de ce mot est
toujours négativement connoté, d’où son emploi dans cette chronique pour exprimer le
dégout suscité par le personnage.
HL 23.3- « Car si, à eux, on accorde cette rahma d’une exécution immédiate, ou pire, d’une
réclusion à vie… ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel sans aucune marque de repérage. Sa fonction est réfrentielle. « rahma »,
« [ » رحمةraħma] dans la langue arabe institutionnelle signifiant « miséricorde ». Son emploi
ici est motivé par la charge culturelle et religieuse que le mot « rahma » comporte. L’ironie
est introduite par la juxtaposition de deux concepts paradoxaux : rahma et exécution.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel sans aucune marque de repérage, « khabith » « [ » خبيثxabi:θ] signifiant en
français « sournois ». Sa fonction est réfrentielle. Son emploi peut être motivé par la
connotation que ce mot comporte religieusement parlant et par l’ironie par allusion à
Bouteflika qui a réalisé la concorde civile13.
13
La concorde civile a été établie par la loi 99‐08 du 13 juillet 1999 visant à exonérer les poursuites contre les
personnes impliquées dans les actes de terrorisme, atténuer leur probation ou l’atténuation des peines, selon
les cas. Cette loi a suscité une grande controverse dans la société , notamment dans les familles victimes de
terrorisme.
212
HL 26.1- «les Algériens rament encore à la poursuite de leur chimérique métro. Ah Sahbi !
ça fait trop ! Bezzef ! d’autant plus bezzef que dans le même temps, un mec qui a lancé un
méga- projet de production de papier… »
Cet énoncé est produit dans une alternance codique extraphrastique français/arbe algérien.Sa
fonction est interpellative. « Ah Sahbi ! » [ah/sˁaħbi]en arabe algérien signifiant « Ah mon
ami ! » ( sera analysé plus bas avec les expressions idiomatiques) « bezzef » [bɛzzāf] est un
adverbe de l’arabe algérien qui signifie « trop ». Il est utilisé par le chroniqueur comme
procédé de confirmation et d’insistance. Sa fonction est la réitération, le terme équivalent
ayant été employé juste avant.
HL 26.2- « …garder un statu quo qui favoriserait le commerce informel, le partage mafieux
de la rente, la tchippa et le bakchiche ? »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien,
« tchippa » [t∫ippα] signifiant en français « pot de vin ». Il est utilisé ici par le chroniqueur
comme procédé emphatique, le mot « bakchiche » lui-même emprunté (au turc sans doute)
ayant été employé juste après Sa fonction est la réitération. La motivation est ludique.
HL 29.2- « Al hamdoulillah, la « izza et la karama » se lisent sur les visages de tous les
travailleurs algériens »
« Al hamdoulillah » est une expression idiomatique qui sera analysée dans partie qui leur est
consacrée.
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique (allusion au discours
présidentiel) français/ arabe institutionnel. La fonction est la citation par allusion.
14
Les tropes (du grec tropos, « détournement », « torsion ») « sont des figures par lesquelles on fait prendre à
un mot une signification qui n’est pas précisément la signification propre de ce mot »Dumarsais 1969 : 68 cité
par Patrich Charaudeau et Dominique Maingueneau « Dictionnaire d’analyse du discours » éd Seuil, Mesnil –
sur‐ l’estrée, 2002 p 590.
15
Patrich Charaudeau et Dominique Maingueneau « Dictionnaire d’analyse du discours » éd Seuil, Mesnil –sur‐
l’estrée, 2002, p 50.
213
HL 32.4- « Encore un qualificatif, encore un superlatif, encore une phrase aussi empruntée et
je gerbe mon f’tour ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans marque de repérage. « f’tour » [ftˁu:r]est un terme polysémique, il peut avoir comme
équivalent « déjeuner » s’il fait référence au repas habituel de midi auquel cas, il devient
facultatif. Mais, il peut s’agir du repas par lequel le jeûne est rompu pendant le mois de
ramadhan, sa fonction est référentielle. Il s’agit ici d’une hyperbole utilisée pour exprimer
l’intensité du dégoût du chroniqueur.
HL 32.5- « on n’est déjà plus dans le simple décalage, on n’est déjà plus dans la gestion
incongrue des deniers publics, on est en plein dans le kofr, dans le contresens… »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel sans marque de repérage. « kofr » « [ » كفرkufr] signifie en français
« blasphème ». Sa focntion est référentielle.Son usage est motivé par la connotation qu’il
comporte, allusion faite aux intégristes algériens qui l’utilisent pour accuser les autres. La
figure de style ici est une gradation ascendante16 qui créé l’effet ludique.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans aucune marque de repérage. « chouwafa » [∫uwwāfa] signifie en français « voyante,
médium ». Son emploi ici n’a qu’un effet ludique puisqu’il est juxtaposé à trois synonymes
en français : sorcière, cartomancienne et diseuse de bonnes aventures. Sa fonction est la
réitération/ reformulation de « cartomancienne et diseuse de bonne aventures » dans ce même
extrait qui produit une figure d’accumulation ludique.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
repérée par les guillemets. « t’marmid » en arabe algérien signifie « mésaventures ». Sa
fonction est référentielle. Son emploi est motivé par la connotation et la part de sous-entendus
qu’il comporte : la bureaucratie, la lenteur, les erreurs judiciaires…
16
La gradation est une figure de style qui consiste à utiliser une série de termes selon un ordre ascendant ou
descendant. Les éléments de la gradation évoquent une idée similaire exprimée à des degrés divers; ils sont
généralement de même nature et de même fonction grammaticales. La gradation est un procédé
d’accumulation et d’amplification.
214
HL 36.3- « je choisirai sans hésitation Enrico ou machi Belkhadem ! Enrico oualla
Belkhadem ! »
Cet énoncé est produit dans une alternance codique intraphratsique français arbe algérien
« ou macchi »[u/ma∫∫i] est « oualla » [wɛlla] sont des locutions indépendantes synonymes qui
peuvent êtres traduites par « et pas » ou bien « et non pas ». Leur emploi ici est purement
ludique.
HL 38.1- « comme un ours slovaque relâché en plein maquis de Yakourène pour lancer sur
de frêles lycéens les casques bleus, les camions à eau, les Azrayan et tout le toutim
répressif. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
retranscrite avec une majuscule. « azrayan » [ʕazrājan] est employé dans l’arabe algérien
(précisément algérois, à l’ouest c’est « Azrine » [ʕazri:n]. C’est le nom déformé de« azraël »
donné à l’ange de la mort dans les croyances musulmanes et hébraïque. Sa fonction est
référentielle.Son usage ici dans une métaphore (agent de police=azrayan) a pour but la
gradation ascendante dans la description qui produit l’ironie escomptée.
HL 38.3- « Il n’y a pas de quelconque armée étrangère. Juste des lycéens. Des enfants !
Ichach’ra ! B’zouza !. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
HL 39.3 « Des policiers ont été mobilisés devant les débis de boissons afin d’interdire la
vente d’alcools.Pas une goutte de Kham’r en ville. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel sans marque de repérage. « kham’r », « » خمرsignifie en français « boisson
alcoolisée ». Sa fonction est la réitération reformulation de l’information précedente
« boissons alcoolisées ».Son emploi ici est motivé par la connotation dont il est chargé, ce
mot étant employé dans le Coran et par les islamistes.
HL 41.1- « eux, se jettent en mer par désespoir et « leur » organisation s’étripe pour un siège,
el koursi ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans marque de repérage.« el koursi » [alkursij] signifie en français « trône/pouvoir » Sa
215
fonction est la réitération / reformulation après « siège » ; La motivation est l’ironie en faisant
allusion à l’attachement des politiciens au pouvoir.
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe
institutionnel, repérée par des guillemets. « el mounadhama el djamaâouia » , « المنظمة
الجمعوية »[almunadˁdˁma/alƷamʕāwijja] signifie « l’organisation associative » . C’est
l’appellétion officielle. La fonction est la citation du discours officiel. Son emploi ici est
ironique à deux niveaux : 1- le chroniqueur parodie le discours politique. 2- il est juxtaposé
à son paradoxe qui est « fonctionnaires de la jeunesse ».
HL 42.1 – « il n’est plus question de refaire la même erreur. Abadan ! Vous vous fourrez le
doigt dans l’œil… »
Cette phrase est réalisée dans une alternance codique extraphrastique intejective d’insistance
français/arabe institutionnel sans aucune marque de repérage.« Abadan », « [ » ابداabadan] Il
signifie « jamais » son emploi est justifié par le seul effet humoristique.
HL 42.2- « comment a-t-on permis cette hérésie ? Eh ouais, « hachwa ! » pour reprendre ce
bon mot populaire.
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique repérée par les
guillemets et la position assumée du chroniqueur du choix de cet item. Sa fonction est la
réitération qui vient après « hérésie ».« hachwa » [ħa∫wa]est une expression de l’arabe
algérien, populaire comme le dit lui-même le chroniqueur. Il signifie « entourloupe, ruse ».
Son emploi est motivé par l’humour.
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien
repérée par des guillemets. Il s’agit d’un discours direct introduit par « je dis ». « bravo
alik »[brāvu/ʕlik] signifiant « bravo à toi ! » est composé de deux unités : bravo emprunté au
français mais, la prononciation est différente, le « r » étant roulé dans l’arabe algérien et le [o]
est remplacé par le [u]. La 2e unité, « alik » signifie « à toi ». L’emploi de cette expression est
ironique par l’antiphrase qui consiste en « un type de trope dans lequel le locuteur donne à
entendre qu’il dit le contraire de ce qu’il pense »17 d’après la définition de Dominique
Maingueneau et Patrick Charaudeau.
17
Patrick Charaudeau &Dominique Maingueneau in « Dictionnaire d’analyse du discours », éd SEUIL,
Paris,2002
216
HL 44.5- « faudrait juste savoir qui a tout Sali, tout salopé ! Pas moi !pas vous ! Alors qui ?
Ch’koun ? Anwa ? je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. »
Cette phrase ext produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
algérien/kabyle sans marque de repérage. « chkoun ? » [∫ku:n] est un emprunt intégral
facultatif fait à l’arabe algérien. Il signifie « qui ? qui est-ce qui ? », il est utilisé pour réaliser
un effet d’insistance ironique en posant la question dans trois langues différentes au cas où le
destinataire n’aurait pas compris. Le chroniqueur utilise un phénomène énonciatif qui est la
reformulation « qui est une relation de paraphrase consistant à reprendre une donnée en
utilisant une expression linguistique différente de celle employée pour lé référenciation
antérieure (…) la reformulation peut avoir une fonction explicative ou imitative. Dans le
premier cas, elle relève de la didacticité des productions. » 18. La fonction est la réitération.
« Anwa ? » [anwα] signifie « Qui » (masculin) en kabyle. Cette reformulation dans trois
langues différentes dans un même énoncé avec l’affirmation qui la précède ( pas moi ! pas
vous !) produit un effet complice avec le lecteur et le Pouvoir devient la cible de l’ironie.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/ arabe
algérien, sans marque de repérage. « walou »[walu] signifie « rien ». Il est utilisé ici dans un
phénomène de reformulation explicative pour exprimer le « néant » il s’agit de la traduction
en arabe algérien du premier terme en français. La fonction est la réitération et la motivation
est l’insistance ironique.
HL 46.4- « T’es ébahi. T’es sous le choc ! Une commission nationale, dialna pour s’occuper
du droit international, dialhoum ! .»
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans marque de repérage. « dialna » [djālna] et « dialhoum »[djālhum] sont des emprunts
intégraux facultatifs fait à l’arabe algérien (précisément algérois). Ils signifient
respectivement « nôtre » et « leur ». La fonction est référentielle.Leur emploi ici constitue
une anaphore sémantique dont le but est l’ironie par l’implicite (sous-entendu) censé être
décodé par le lecteur qui partage les mêmes représentations collectives que le chroniqueur.
C’est la connivence. Le chroniqueur oppose « dialna, nôtre »/ « dialhoum / leur » il s’installe
de facto dans le même camp que les lecteurs.
18
extrait du « Dictionnaire de l’analyse du discours » Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau, » éd
Seuil, Mesnil –sur‐ l’estrée, 2002, p 490
217
HL 47.2- « …le même vendeur de la petite république revient sur nos bacons crier de drôles
de choses : balakou ! A-tten-sion ! Méfiez-vous de ces sociétés étrangères qui viennent chez
nous… »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français /arabe
algérien sans marque de repérage. « balakou ! »[balāku] signifie en arabe algérien « méfiez-
vous ! » Il s’agit de la reformulation de « méfiez-vous ! » Sa fonction est la réitération dans le
disocurs direct. Son emploi est ici motivé par l’humour que produit le découpage syllabique
et l’emploi volontaire du « S » au lieu du « t », car il s’agit d’une imitation du discours oral.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français /arabe algérien
sans marque de repérage. « boumba »[bumba] est un emprunt phonétique facultatif. Il signifie
« bombe » en français d’Algérie. Il s’agit d’une métaphore dans le langage familier pour la
description d’une belle fille. « chabba »[∫ābba] signifie « belle » et
« m’bah’bha »[mbaħħebħa] signifie « pomponnée ». Le chroniqueur a recours à
l’accumulation de trois occurrences en arabe algérien. Cette figure de style de la rhétorique
consiste à « aligner un grand nombre de mots ou de groupes de mots de même nature et de
même fonction grammaticales, de manière à insister sur l'idée exprimée. Cette figure, parfois
aussi appelée entassement, sert notamment à amplifier la portée du propos et à donner un
rythme saccadé à la phrase. Comme les termes qui la composent sont souvent présentés de
façon désordonnée, la figure produit aussi une impression de profusion, de désordre et de
disproportion. »19la fonction est la réitération. La motivation est l’ironie.
HL 50.2- « on nous a expliqué que le mandat à vie est un « mat’lab », une demande
populaire. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe
institutionnel, repérée par les guillemets. « mat’lab », « [ » مطلبmatˁlab] signifie « une
demande ». Sa mise entre guillemets explique que son emploi ici est justifié ici par la volonté
de parodier le discours officiel. La focntion est la reformulation. La motivation est l’ironie
car, l’explication donnée ne correspond pas à la réalité.
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien
sans aucune marque de repérage. « khouya » [xuja] signifiant « mon frère ». Sa fonction est
interpellative. Il s’agit d’une marque d’interpellation qui ponctue le discours circulant en
19
Définition extrait de la Banque de dépannage linguistique lien :
http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4089 visitée le 24.06.2016 à 12h00
218
Algérie. Il traduit ce mythe de fraternité des musulmans car utilisé même par des inconnus
pour s’apostropher. Au féminin, on dira « kh’ti » [xti] avec quelques variantes selon la
région. Ici, le ton est ludique.
HL 54.1-« ce n’est pas Al Djazaïr que les partants quittent ou que les harraga laissent derrière
eux. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel sans marque de repérage. « Al Djazaïr », « [» الجزائرalƷazaʹir] est le nom arabe
officiel de « Algérie ». Le choix de cet emprunt a pour but de désigner l’Algérie officielle
qui n’est qu’une partie de l’Algérie. La fonction est référentielle. La motivation est la
connotation.
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe
institutionnel sans marque de repérage. « la yadjouz ! », « [ » ال يجوزlā/jaƷu:z] signifie en
arabe institutionnel« illicite, non autorisé, pas permis» c’est la forme négative de « yadjouz »
[jaƷu:z] signifiant « autorisé, licite ». Sa focntion est le disocurs direct. Son emploi est
motivée par le pastiche « qui est une pratique d’imitation de la rhétorique(…) le pasticheur
laisse des indices de la visée pragmatique de son énoncé par une indication dans le paratxete
ou en donnant un caractère caricatural aux contenus ou aux marques stylistiques. » 20Le
chroniqueur reprend ironiquement le discours des islamistes contre eux.
HL 57.4- « à nouuuuuuuuus l’oseille de la zakat ! Aboule le fric ! Par ici la monnaie ! Awid
leflouss ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/kabyle/arabe
algérien sans marque de repérage. Sa fonction est la réitération.« awid leflouss » [awid/lɛflus]
est un code mixing entre le kabyle et l’arabe algérien. C’est un syntagme verbal composé de
« awid=donne » + « leflouss= l’argent ». Sa fonction est la réitération. Son emploi dans ce
contexte est justifié par le but humoristique de cette accumulation.
HL 58.2- « ils s’en souviendront longtemps de la raclée qu’on va leur administrer ces
pseudos Oum eddenya. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien
introduite par « pseudo » et la majuscule. « oum eddenya », « ʹ[ » أم الدنياumm/addanjā] est un
syntagme nominal composé de « Oum » signifiant en arabe institutionnel « Mère » et
20
Idem, p 423.
219
« eddenya » signifiant en arabe algérien « le Monde, la Vie ». En arabe institutionnel, il se
prononce « el dounya » [ʹumm/addunjā].D’où la difficulté de spécifier les langues alternées.
Néanmoins, par « oum eddenya » el chroniqueur cite le surnom auto- proclamé de l’Egypte
(Misr) par les Egyptiens eux-mêmes allusion à la civilisation des Pharaons. La fonction est la
citation. L’emploi ici est ironique.
HL 58.3- « Et, y a pas de solidarité et d’union arabe qui tienne ! on y va pour les pulvériser !
à mort Lemss’raoua. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
repérée par la majuscule. « Lemss’raoua » [lmasrαwα] en arabe algérien est la forme
plurielle de «l’ mesri » signifiant « l’habitant de Misr », « l’Egyptien ». Sa focntion est
référentielle. Son emploi ici est justifié par l’humour et la complicité avec les lecteurs.
HL 62.1- « je trouve tout un pays traumatisé par quoi, je vous le demande ? Par une vulgaire
petite grippe. Une grippette, une gripouillette, qui se la joue zaâma grande star avec des
initiales compliquées H1N1… »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans marque de repérage. « zaâma »[zaʕma] signifie « soi-disant ». Sa focntion est
métalinguistique. Il est employé ici pour son effet ludique dans une figure de gradation
descendante : gripe, grippette, gripouillette.
HL 63.3- « plutôt que de bousculer ainsi l’ordre établi, nos « élus » préfèrent la solution de
facilité. Celle qui consiste à demander un acte contre-nature à un ministre de bonne famille.
Haggarine ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique interjective
français/arabe algérien sans marque de repérage. « Haggarine »[ħaggāri:n], pluriel de
« haggar » [ħaggār] en arabe algérien. Il est la forme adjectivale de « hogra » [ħogra] qui
signifie « oppression, abus de pouvoir, intimidation, humiliation, mépris exprimé par le
pouvoir envers le peuple » à la fois. Sa fonction est métalinguistique. La motivation est
l’ironie.
Cette phrase est réalisée dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans marque de repérage. « rahma » a été expliqué plus haut et « el moum’nin »[al/mu:mnin]
est la version algérienne de « mou’minin»[al/muʹminin]. C’est le pluriel de
« moumène »[mu:mɛn] qui signifie « croyant ». la focntion est référentielle. L’emploi de ces
deux occurrences est justifié par la volonté de reproduire une séquence du discours social
stéréotypé ( le cliché). L’ironie est produite par le décalage entre le discours et la réalité.
220
HL 64.3 –« Nous, on n’est pas comme les G’war ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien,
repérée par la majuscule. « g’war » [gwɛr] en arabe algérien est le pluriel de « gawri »[gāwri]
qui signifie « occidental».Sa focntion métalinguistique. Il est fidèlement utilisé ici dans le
cadre d’un discours circulant pour un effet ludique.
HL65.2-« Quittez ce terrain où vous avez si mal joué un demi siècle durant, où vous avez
tenté d’arranger les matches, où vous avez truandé, où vous avez traficoté. Fuera ! Barra ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique Français/
espagnol/arabe algérien. « fuera » signifiant « dehors ! » et « Barra ! »[barrα] signifie
également « dehors » en arabe algérien. Il est employé par le chroniqueur pour reformuler le
« cassez-vous ! » par lequel il commence sa séquence. Sa fonction est la réitération par la
reformulation (stratégie rhétorique) dans plusieurs langues et de plusieurs manières (verbes :
cassez- vous !, adverbes : barra ! fuera !, substantif : expulsion) un message à un pouvoir
« sourd ». la motivation est l’humour.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel. « moutanaqibate »[mutanaqqibāt]. Il s’agit de la forme adjectivale de
« niqab » expliqué en HL 67 .1. La marque transcodique apparaît 3 fois dans cette chronique
entre guillemets car le chroniqueur marque sa distanciation par le biais de ces traces
graphiques. Sa fonction est référentielle. Sa motivation est de railler en décrivant
l’incohérence et l’absurdité de la situation. Il n’ y a pas de jeu d’ironie car ce qui est pensé est
dit explicitement Comme l’explique Charaudeau P « Dans la raillerie, il n’y a pas à
proprement parler de discordance entre le dit et le pensé comme dans l’ironie ; simplement,
on constate que le dit est toujours quelque peu exagéré par rapport au pensé, qu’il y a une
différence de degré entre l’un et l’autre : un dit exagéré, répété, agressif (…) »21
HL 69.2-« Non ! Désolé ! il ne s’agit point de chitta ! c’est juste que dans cet espace, je me
targue de sauvegarder un minimum de probité et d’objectivité.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans marque de repérage.« chitta »[∫∫ita] correspond en français à « brosse ». Ce mot est
généralement employé dans une expression « yedreb chitta »[jadrab/a∫∫ita] qui signifie « il
21
Charaudeau Patrick, « des catégories pour l’humour ? » in revue Questions de Communication, OCT 2006, p
31
221
passe la brosse/ brosser dans le sens du poil ». Sa focntion est référentielle.Ici son emploi en
arabe algérien est motivée par l’humour car il s’agit d’un mot lourdement connoté en
Algérie : tous les hommes politiques sont traités de « chiyatine » [∫ijjatin]: brosseurs au
pouvoir en place. Dans le discours circulant, il n’existe pas d’opposition politique réelle.
HL 71.2-« et si un jour on vous avait dit que des islamistes, ( …) allaient investir le tribunal
(…) et cirer à tue-tête, en pleine salle d’audience devant les officiers de loi (…) : Allah
Akbar ! yamout ett’aghout ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe
institutionel, repérée par les guillemets car il s’agit d’un discours rapporté. « Allah Akbar »
est une expression idiomatique dont l’analyse se fera ci dessous avec les emprunts de même
nature.
HL 77.4-« Alors, s’il vous plait, tous les samedis, quand vous irez par désœuvrement vous
empaler sur l’innocent couteau d’un jeune et gentil baltagui, rappelez-vous que pendant
que… »
Ces deux phrases sont produites dans une alternance codique intraphrastique
français/égyptien sans marque de repérage.« baltaguia »[baltˁagijja] , au singulier
« baltagui »[baltˁagi] est un emprunt à l’égyptien. Il s’agit d’un terme péjoratif pour désigner
les hommes de main ( généralement des repris de justice analphabètes) payés par le pouvoir
pour accomplir la sale besogne, et casser l’opposition quitte à employer la force. Sa focntion
est référentielle. La motivation est le clin d’œil fait à l’insulte faite aux supporters Algériens
traités de « baltaguia » par les Egyptiens qui ont perdu le match (1-0) à Oum Douremane
(Soudan) en Nov 2009. C’est à ce moment que ce terme a été repris par les médias. Avant
cela, on citait ce genre de personnes de « mercenaires du pouvoir ».
HL 78.1-« la RADP prend de drôles d’allures depuis quelques semaines. Elle se transforme
en SPA de la matraque, en SA de la baston, en SARL du Kallouz. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien,
sans marque de repérage. « kallouz »[qallu:z] signifie « matraque ou gourdin » . Sa fonction
222
est la réitération.Son emploi est motivée par l’effet humoristique que produit l’accumulation
de « matraque, baston, kallouz » dans cette figure. « el kallouz » est socialement connoté, il
renvoie à l’Etat dictatorial et répressif dont la police use de la matraque pour réprimer les
étudiants qui manifestent.
HL 78.2- « Plus frappant encore, vous avez matraqué des étudiants à quelques heures
seulement de la célébration de Youm el Ilm, la journée du savoir ! Mon Dieu ! »
Cette phrase est produite dans un code mixing extraphrastique français/arabe institutionnel.
« yaoum el ilm »[jauwm/al/ʕilm] estle nom d’une journée de célébration du Savoir
correspondant à la commémoration du 16 avril 1940, date à laquelle est décédé Abdelhamid
Ibn Badis de l’association des Oulémas Algériens. La focntion est la citation.L’ironie
situationnelle est produite par le matraquage des étudiants le jour de la célébration du Savoir.
HL 82.1-« Bensalah doit aussi demander pardon pour ne pas avoir eu le courage de recevoir
le « raqi », l’exorciste qui a accompagné l’équipe nationale de foot au cours de toutes ces
dernières défaites. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel repérée par les guillemets. « raqi »[rāqi:] signifie « exorciste ». On remarque
que justement, le chroniqueur a juxtaposé l’équivalent en français. La focntion est la
réitération.L’emploi est motivé par la connotation du mot en arabe car, le « raqi » a remplacé
le médecin dans la société algérienne actuelle ainqi que par l’ironie situationnelle (du sort)
qui est produite par le mot « défaite » qui est le contraire du résultat escompté, et donc
l’inutilité du « raqi ».
HL 86.3 –« est-ce que je filme, moi, mes soirées de beuveries dans les bars pour faire
ensuite irruption, en compagnie de mes potes, dans vos halakate et vous distribuer « bessif »
nos exploits, nos prouesses en matière de descente ? »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel pour « halakate »[ħalaqāt] qui est le pluriel de « halaka »[ħalaqa] qui signifie en
français « cercle ». Il désigne un cercle qui a pour but l’apprentissage de l’islam. Sa focntion
est référentielle. Il est employé ici pour la connotation qu’il comporte (les islamistes préfèrent
employer des mots en arabe institutionnel).
Dans une alternance codique extraphrastique franais/arabe algérien pour « bessif » [bassif]
qui sera analysé avec les expressions idiomariques plus bas.
223
Cette phrase est produite dans un code mixing extraphrastique français/arabe algérien, sans
marque de repérage. « kif kif » dans l’arabe algérien signifie « pareil ». La focntion est la
réitération.Le chroniqueur l’emploie d’abord en français : le même acabit, et reformule en
arabe algérien. L’emploi de ce mot est justifié par la visée ludique.
HL 90.1- « en arabe parlé, dans le langage courant, celui de la rue, il y a un terme qui décrit
fort bien cette situation : « ett’baâbaâ » ! oui, « ett’baâbaâ ! » tellement que ça en devient
presque rigolo d’amateurisme ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien
repérée par les guillemets. « ett’baâbaâ »[attbaʕbaʕ] est employé faute de mot équivalent
selon le chroniqueur qui estime que c’est un terme qui exprime fort bien la situation. Sa
fonction est donc la citation.Dans cette même chronique, le chroniqueur emploi
« humhumiser » qui est un néologisme fabriqué à partir de l’onomatopée qui est HUM !
HUM ! (radical ) + ISER . ce terme signifie « s’éclaircir la voix ». La motivation est
ludique.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien,
sans marque de repérage.
« zerda » [zarda]est un emprunt intégral facultatif qui renvoie à une sorte de « boustifaille »
lors des fêtes organisées pour célébrer des saints. La focntion est référentielle.Ici, l’ironie est
produite grâce à l’extrapolation des festivités du parti FLN, ce qui permet l’hyperbole.
224
il doit lui-même, plus ou moins, ou pour son existence, ou pour sa manière d’être ».23La
focntion est référentielle.
Dans ce contexte la métonymie est produite pour les besoins de la cohérence sémantique
entre le Raqi ( exorciste) + le kanoun ( braséro) ustensile nécessaire pour allumer le feu +
l’amulette (objet fétiche, par lequel, notre objectif est censé se réaliser)
HL 95.2-« Que celui qui a le bout du canon qui le démange y aille ! Tafadhalou chers
amis ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe
institutionnel. « tafadhalou » [tafadˁdˁlu:] est un verbe conjuguez au pluriel, mode impératif.
Il signifie « allez-y ! ».Sa fonction est impérative. Son emploi dans ce contexte est motivé par
la reformulation ludique de « vas-y toi ! toi d’abord ! » L’humour est produit par le
sentiment de méfiance à l’égard des « amis incitateurs ».
HL 97.2 –« Ces ralliements « Afwadjan ! Afwadjan ! » sont l’occasion pour moi d’une
halte hommage à une catégorie d’Algériens particulières. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/ arabe
institutionnel repérée par les guillemets. « afwadjan »[afwāƷan] est le pluriel de
« fawdj »[fawƷ] signifiant « groupe », « Afwadjan » signifie donc « la foule » formée par
plusieurs groupes.Sa fonction est la réitération qprès « les ralliements ». L’emploi de cet
emprunt est motivé par le clin d’œil à un verset du Coran24 où ce mot est employé pour
décrire la foule qui se précipite vers « l’islamisation ». Ici l’ironie est produite par
l’extrapolation de l’analogie entre les adhérents opportunistes de TAJ25 et les premiers
musulmans lors de l’avènement de l’Islam en 610.
HL 102.4-« de toutes les dates qui ont marqué cette profession, entre autres, mais, ce n’est
pas la seule, l’assassinat du premier journaliste algérien, Saïd Mekbel, le 03 décembre 1994,
rien, nada, walou ! »
23
Fontanier Pierre, « les figures du discours » éd Fammarion, Manchecourt, 1977, p 79.
24
Sourate el nasr (110e) verset n°2.
25
TAJ « Tajamouaâ Amal el Jazaïr » est le parti politique islamiste fondé par Amar Ghoul en 2012 après avoir
quitté le MSP (Mouvement pour le Salut et la Paix) autre parti islamiste.
225
HL 103.2-« Un ami (…) m’a surpris l’autre jour en m’avouant que les images de Abdekka
peinant à tenir le conseil des ministres, (…) l’avaient ému,(…) m’a lâché « ghadhni ! »
traduit : il m’a fait pitié !(…) A mes yeux, aux yeux de la morale et de l’éthique qui guident ma vie,
et celle de mes enfants, je l’espère, moi, Boutef’, «Ma Ghadhnich !».
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien,
repérée par les guillemets et la traduction. Sa fonction est le discours rapporté.« ghadhni »
[ɣādˁni] est la forme conjuguée du verbe signifiant, comme l’explique le chroniqueur : « il
m’a fait pitié ». L’emploi de cet emprunt est motivé par la volonté de reproduire le plus
fidèlement le discours de son interlocuteur, mais, produire un effet ludique également en
l’opposant à sa propre réponse (cinglante) qui est la forme négative de la déclaration de son
ami « ma ghadhnich ! » [maɣādˁni:∫] traduire « il ne m’a inspiré de pitié !». Aucune note
d’humour n’apparaît dans ce pamphlet, bien au contraire, il exprime de la colère.
HL 104.1 –« Dites-moi bark ! pourquoi plus le temps passe autour de cette affaire
Sonatrach, plus le rire de Chakib Khelil me semble retentir à nouveau, de plus en plus fort ? »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
sans maqrue de repérage. « bark »[bark] signifie « juste », ou « seulement » .On pourrait
réecrire la phrase : Dites-moi seulement pourquoi… » . Sa fonction est interjective.Son
emploi ici est motivé par l’effet ludique.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/ arabe algérien,
repérer par les guillemets. « mech’kakin »[ma∫kāki:n] en arabe algérien est le pluriel de
« mec’kak »[ma∫kāk] signifiant « sceptique » qui est mentionné dans la même phrase. Sa
fonction est la réitération.Son emploi est motivé par l’ironie puisque le Président (châtelain)
est bel et bien malade.
HL 108.2-« Dans une même famille, deux frères : l’un moudjahid, maquisard. L’autre Harki,
traître. Le Front, El Djebha, ordonne au frère maquisard de tuer… »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel, repérée par la traduction.Sa fonction est la réitération « El djebha »[alƷƷabha]
signifie « Front ». Par « el Djebha », le chroniqueur reformule le Front de Libération
Nationale , dont la branche armée, ALN (Armée de Libération Nationale) a mené la guerre de
libération.
226
Dans cette chronique, je remarque que tous les items sont reformulés en français par
l’énonciateur soit avant , soit après le mot : moudjahid=maquisard, harki=traître et el
djebha=Front. Le chroniqueur connait les mots équivalents en français, mais, il utilise tout de
même des mots étrangers, car ceux-ci sont connotés.
HL 108.5-« ils ont tué leurs frères. La chair de leur chair. Le sang de leur sang. Pour
l’Algérie. Pour le pays. Pour Leb’led !... »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien,
repérée par la reformulation. Sa fonction est la réitération. « leb’led » [lablād] en arabe
algérien signifie « le pays ». Le chroniqueur reformule « l’Algérie, pays, leb’led ! » Il fait le
choix de cette désignation affectivement connotée qui vise à toucher le pathos26 du lecteur.
HL 108.6 « Il fut un temps, dans mon pays, où l’on hésitait pas à assassiner son « khouya »
pour sauver ce qui est plus cher que le frère, plus précieux que la mamelle partagée, El
Djazaïr. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
pour « khouya » et français/arabe institutionnel pour « el Djazaïr » [alƷˁƷˁazājar] qui est le
nom de l’Algérie en arabe. Sa fonction est référentielle. Son emploi est motivé par l’effet de
pathos escompté par le chroniqueur, compte tenu de la charge affective que comporte cette
dénomination en arabe.
HL 111.1-« IIl doit venir cet édito qui allumerait la « chettaha » sinon, tout le monde va
penser qu’il est désormais loisible de s’essuyer les pieds et de s’essorer les chaussettes sur
des services devenus paillassons ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien,
repérée par les guillemets. « chettaha »[∫atˁtˁħa] signifie « danseuse ». Il s’agit du surnom
donné à Saâdani, le SG du FLN, pour le ridiculiser. La focntion est référentielle. « chettaha »
est au féminin, ce qui est la première forme d’insulte. La deuxième étant dans le sens même
de « danser » pour un homme politique. L’ironie est produite par la métaphore réalisée.
26
« le pathos étant une des composantes de la rhétorique qui repose sur trois règles selon Quintilien,
(Institutions, IV: 2, 4‐6) :1‐ Montrez‐vous ému !, 2‐Montrez‐les choses !3‐Décrivez les choses émouvantes ».
extrait du Dictionnaire de l’analyse du discours de Charaudeau et Maingueneau, p 424.
227
Cette phrase est produite dans une alternance codique français/arabe algérien, repérée par les
guillemets.« chekkem » [∫akkām] correspond à « traître, délateur ou mouchard ». Sa fonction
est la réitération. Le chroniqueur reformule « le visage qui fleure bon la traîtrise » par
« chekkem » Sa connotation réside dans les représentations qu’ont les Algériens des hommes
politiques=traîtres.
« Ana n’goul » [ana/ngul] traduire par « moi, je dis » est une réplique du film algérien
« Patrouille à l’Est »27 Son emploi ici a pour objectif le clin d’œil et l’humour notamment la
reprise de la prononciation « matricoule » avec le phonème [u] arabisé, le [y] n’existant pas
dans système phonatoire arabe. Sa focntion est le discours direct.Cette réplique introduit
néanmoins une pointe d’ironie puisque le personnage du film en question est un algérien au
service de l’armée française.
HL 116.1-« les murs du salon officiel de l’aéroport Houari Boumédiène résonnent encore de
ces récriminations d’un Algérien contre ses compatriotes, balancées sans retenue, ni hachma
aux oreilles d’un étranger… »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien,
sans marque de repérage. « hachma »[ħa∫ma] signifie en arabe algérien « scrupule » ou bien
« gêne » employé ici en reformulation de « retenue ». Sa focntion est la réitération. La
motivation est un effet ludique.
HL 116.2- « Mon linge sale, je le lave ici, dans un lavoir de mon pays (…) ça reste ici. « fé
esster ! ». Entre nous ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien,
repérée par les guillemets. « fé esster »[fasstar] signifie en arabe algérien « discrètement ».
Son emploi ici entre dans le cadre d’une reformulation de « entre nous », ou « reste ici ». Sa
focntion est la réitération. Il est motivé par l’humour.
Au total, Hakim Laâlam utilise 76 fois l’alternance codique dans ses chroniques. Cette
variation apparaît différemment du point de vue des langues alternées, des formes d’AC, de la
focntion de l’AC ainsi que de sa motivation.
27
« patrouille à l’Est » est un long métrage algérien réalisé par Amar Laskri sorti en 1971 sous le titre arabe
« dawriya nahwa cherq » [dawrijja/naħwa/a∫∫arq] où le grand acteur Hassan Hassani prononce cette réplique
dans un accent algérien.
228
1.1-Analyse quantitative
a)-Langue alternées
formes d'AC
Sur les 76 segments où l’alternance
codique est repérée, on retrouve 43
segments où l’alternance est
intraphrastique, soit 57% contre 33
intraphrastique où elle est extraphrastique, soit 43%.
extraphrastique
229
d)-Motivations de l’alternance codique
L’ironie et l’humour apparaissent dans ce
graphe de proportions quasi égales avec,
motivations respectivement 32% et 36% des
ironie motivations globales. La connotation tient
la troisième place avec 17% du total des
humour
motivations, suivies par une autre forme
connotation de motivation que j’ai identifiée par
« autres » à hauteur de 9%. Dans cette
connivence rubrique, j’ai inclus les aternances dont les
allusion/clin d'œil motivations sont plusieurs à la fois, exp :
humour et ironie ou bienencore, allusion
autres ironique…De moindre proportion, je
retrouve à deux reprises l’allusion (clin
d’œil) ce qui constitue 3% des
proportions et enfin, une connivence.
Au total, Hakim Laâlam emploi 55 emprunts, 76 AC. 42 autres segments sous forme
d’alternance codique sont analysés dans la partie suivante réservée aux expressions
idiomatiques
N° occurrences Récurrence
1 Islamisme 7x
2 Khouya 5x
3 Kofr 5x
4 Imam 4x
5 Chouïa 3x
6 Moudjahidine 3x
7 Harragas 3x
8 Emirs 3x
9 Raqi 3x
10 Harga 2x
11 islamiste 2x
12 wali 2x
13 França 2x
14 Edawla 2x
230
15 Harka 2x
16 Rahma 2x
17 Bezzef 2x
18 Chouwafa 2x
19 Al Djazaïr 2x
20 La yadjouz 2x
21 El koursi 2x
22 Qamis 2x
23 Walou 2x
24 Hogra 2x
25 Chitta 2x
26 Cheikh 2x
27 Ett’baâ’baâ 2x
28 Afwadjan 2x
29 Raïs 2x
30 Barakat ! 2x
231
3-Analyse des expressions idiomatiques chez Hakim Laâlam
D’abord, je dois expliquer que ces 42 segments sont tous produits dans une alternance
codique extraphrastique. Je n’ai pas jugé judicieux de les analyser dans la partie consacrée à
l’alternance codique car, elles sont elles-mêmes divisibles en 3 catégories : les expressions
idiomatiques intégrales, les expressions idiomatiques calquées et celles produites dans un
code mixing.
3.1-Analyse qualitative
HL 2.2- « Soubhanou Allah ! Pour moi, dans ma logique, dans mon mécanisme, peut-être
simpliste, je suis prêt à l’admettre, (…) »
[subħānallāh] : Il s’agit d’une expression dont l’origine est l’arabe institutionnel. Retranscrite
ici de manière fautive. En effet, il fallait écrire « Soubhana Allah ! » ou bien
« Soubhanallah ! » en arabe institutionnel « ! » سبحان ﷲmais pas « Soubhanou ». Cette
expression est religieuse. Elle est évoquée pour exprimer la grandeur et le pouvoir de Dieu
lors d’une situation extraordinaire, stupéfiante, inexplicable. Elle signifie « A la Gloire de
Dieu ». Selon les situations et l’intonation, elle exprime la stupéfaction réelle ou feinte
(l’ironie) comme c’est le cas dans cette chronique où l’énonciateur fait semblant de s’étonner
de la politisation de l’ONTA.
HL 3.1-« « A toutes les femmes 5 étoiles bonnes fête ! Et Cheh fel habssin !
« Cheh »[∫∫ah] ou bien « Ecchah »[a∫∫aħ] en arabe algérien « ! » اشهou bien encore
« ! » اشحest une expression algérienne existant aussi bien chez les arabophones que les
berbérophones. Cette expression signifie « bien fait ! » on peut la retrouver sous forme de
« Ecchah fih » , « Ecchah + fih » qui signifie « bien fait + pour lui ». Le chroniqueur
explique déjà qu’il s’agit d’une expression « vicelarde » car elle englobe un sentiment de
vengeance, de réjouissement du malheur d’autrui. Cette expression peut être accompagnée
d’un mouvement typique qui consiste en le frottement verticalement du point d’une main
sur la paume de l’autre. Son emploi ici est motivé par la volonté de créer de la connivence et
de la familiarité avec le lecteur.
HL 5.2 –« l’ex wali de Blida est catégorique : je suis victime d’un vaste règlement de
comptes : Lâaboulou El Ghoula ? »
232
monde occidental. Le personnage « El Ghoula » est terrifiant, donc, cette expression signifie
« on a voulu lui faire peur ». La motivation est l’ironie.
HL 8.3 –« Nous vous tendons la main, la paume ouverte et dirigée vers Sidi Rabbi :
essadaka yal moum’nin ! Un peu d’aumône, que diable ! La charité s’il vous plaît ».
« Sidi Rabbi , en arabe « [ » سيدي ربيsidi/rabbi] qui donne en français « mon maître mon
Dieu ». « Rabb +i » qui veut dire « Dieu + mon » ne désigne pas dans la langue véhiculaire
en Algérie n’importe quelle divinité mais, seulement « Allah ». « Sidi » traduit
« Maître+mon » est placé devant « mon Dieu » comme signe de respect dans un contexte de
prosternation et de religiosité.
HL 8.7-« Mais juste à vous demander à vous dont le même sang (théoriquement) de papiers
et de terre (yek ?) D’avoir un peu de compassion et de lâcher des miettes du pactole.»
« yek ? » ou bien encore « Yak ? » en arabe algérien « [ » ياكjāk] est une expression qui
ponctue la conversation qui est aussi une forme de demande d’acquiescement. Elle
correspond en français à « n’est-ce pas ? » ou bien « tu es d’accord ? ». On peut retrouver
cette expression avant ou après la question. Son utilisation ici est motivée par l’ironie de
l’antiphrase.
HL 9.4-« Inâal bouha khedma ! je fume du thé et je reste éveillé. Le cauchemar continue. »
HL 10.2-« Ya kho ! Tu verras. Viendra le jour où nous raserons les mûrs devant eux ! »
233
lorsque le contexte ne permet pas la familiarité. Dans cette chronique il est employé dans le
cadre d’un discours rapporté intégralement.
« wal hamdou li allah ! » en arabe « ! [» و الحمدwal/ħamdu/lillāh] est une expression figée
du domaine religieux. Elle signifie « louange + à Dieu » que les musulmans doivent dire à
chaque évènement bon, ou mauvais pour exprimer leur gratitude face à la volonté de
Dieu.Dans ce contexte, cette expression produit un effet ironique car elle constitue une
antiphrase. Le chroniqueur dit le contraire de ce qu’il pense vu qu’il est contre la politique de
conciliation nationale.
HL 25.1-« Et puis, au-delà du FLN parti, il y a le profil de Abdelaziz 2. Non pas que ce gars-
là soit un menteur. Hacha ! Non pas que ce mec-là n’ait jamais dit la vérité. Noooooooon !
(…) »
« hacha ! »[ħā∫a] se retrouve aussi sous la forme conjuguée « hachak » adressé à une
personne (au singulier) et « hachakoum » adressé à un groupe de personnes (au pluriel).
C’est la forme tronquée de l’expression « hacha qadrek ! » qui signifie « sauf votre (ton)
respect ». Selon le contexte, la formule est utilisée pour signifier le respect, elle pourrait
correspondre à « sauf votre respect ! », « sans vous commander ! », ou bien encore « excusez
le terme ». Ici, l’expression est utilisée dans une antiphrase qui est confirmée par le long
« Noooooon !! » qui veut dire en réalité « oui ».
HL 25.2-« Alors, Allah yerham babek ya Si Abdelaziz, laissez la vérité tranquille, elle a
déjà été assez violée dans ce pays ! (…) »
234
HL 29.1/29.2-« la pomme de terre s’est vendue hier à 70 DA. Al Hamdoulillah. (…) les
abricots à 90 DA au mois de juin. Al hamdoulillah. (…) Les chiffres du chômage flirtent avec
des seuils de guerre civile permanente. Al hamdoulillah.(…) Al hamdoulillah, l’hydre de la
précarité a été terrassée. (…) les rapts d’enfants sont aussi nombreux que les plants de pavot.
Al hamdoulillah. (…) Il n’ ya jamais eu autant de scandales financiers en Algérie que depuis
1999. Al hamdoulillah, les caisses sont pelines (…) Aïch la vie ! »
HL 30.1-« Météo. Les experts sont formels. Un fort nuage radioactif arrivera sur Alger le
06.Août prochain. Rabbi yestar ! »
« Inch’allah » [n∫āllah] est une expression issue à l’origine de l’arabe institutionnel « Inchaâ
Allah ». Mais, sa prononciation ici, avec des apocopes, est celle de l’arabe algérien. Cette
expression signifie « Si Allah veut » elle traduit une prière, un souhait entièrement soumis et
conscients de la suprématie divine sur l’avenir des croyants, le MEKTOUB, « ce qui est
écrit », prédestiné. Son emploi ici est ironique car il vient s’opposer à « un sentiment
28
Pierre Fontanier « les figures du discours »éd Champs‐Flammarion, Manchecourt, Sept 2004.
235
d’indécence ». Le chroniqueur réalise une antiphrase car il feint espérer la réalisation de ce
projet qu’il décrit « indécent »..
HL 40.1-« Dans le cas où Abdelaziz 1er n’est pas convaincu, nous ferons tout pour le
convaincre ! Wallah ! juré, promis ! »
« wallah ! » , « [» و ﷲwallah] en deux mots « wa allah » « Par Allah ! » qui est la
construction type des formules de serment dans l’arabe du Coran » « wa ellayl, wa Eccham’s,
wa el qamar.. ; » « Par la Nuit, Par le soleil, par la lune… » est une expression religieusement
connotée. Il s’agit d’un serment devant Dieu. Traduit intégralement en français, il correspond
à on lui attribue la même fonction que « je le jure ! ». Cette expression est très familière dans
la langue véhiculaire qu’est l’arabe algérien pour confirmer ou insister sur la véracité des
propos avancés mais, pas en arabe institutionnel, le serment n’étant pas souhaitable, à forciori
celui « par Allah ! ». le chroniqueur le traduit ici par « juré, promis », pour l’expliquer aux
lecteurs qui ne maîtrisent pas l’arabe. Son emploi ici est motivé par l’ironie que produit la
mise en scène ( parodie).
HL 46.1 –« Elle c’est la CNDHI. Que se cache-t-il derrière ces terribles lettres ? Pas de
panique ! c’est juste la toute nouvelle, toute fraîche Commission nationale du droit
humanitaire international. Ya baba ! Ya sidi ! Ya moulaya ! Quand t’entends ça (…) t’es
subjugué, t’es ébahi. Tu es sous le choc… »
HL 55.5- [Si Abdelmadjid est tout fier de lancer sur un ton conquérant : « Notre premier
objectif est d’instaurer un Etat islamique ! » Ya boureb ! Rien que ça !... »
« Ya boureb ! » [jā/burαb] est une expression en arabe algérien, surtout à l’Est. Elle n’a pas
d’équivalent en français. Elle veut dire « ô père de Dieu ! ». Elle est assimilée à une
grossièreté car elle exprime l’énervement et la colère. Certains estiment même que c’est un
blasphème. Elle est la forme amplifiée de « Ya Rab ! » «Ô Dieu ! ». Son emploi ici est
motivé par l’expression du dégoût que lui inspirent les déclarations de cet ancien ministre
qu’il juge « opportuniste ».
236
HL 55.8/ 55.9-« Personne ne lui dit fermement « la République islamique la yadjouz au pays
de Ben M’hidi, de Ali la pointe, de Hassiba Benbouali ou d’Amirouche. » Personne ! Tout
simplement parce que depuis 1999, Macha Allah, nous sommes en démocratie. »
« la yadjouz » [lā/Ʒaju:z] est un verbe à la forme négative (la=ne pas + yadjouz=licite, permis
par l’islam).Dans cette chronique, « la yadjouz » est employée comme une expression figée
car, elle n’a pas été accordée au sujet qui est la République (féminin). Or, « la yadjouz » est
au masculin, donc figé pour imiter le discours des islamistes eux-mêmes qui l’emploient pour
interdire des pratiques de la vie courante. Il s’agit d’une parodie ironique.
HL 62.2-« je pars pour quelques jours seulement et quand je reviens, je trouve un pays
traumatisé par quoi ? je vous le demande ? Par une vulgaire petite grippe. Une grippette, une
gripouillette qui se la joue zaâma grande star avec des initiales compliquées. »
« zaâma » [zaʕma] est une expression de l’arabe algérien qui prend son sens selon le
contexte. Elle peut signifier « vraiment ? », « tu crois ? »,pour exprimer le scepticisme et le
doute d’une personne sur les propos ou les actions d’une autre. Cette expression peut
exprimer aussi « soit- disant », « par exemple » « c’est-à-dire ». Ici, cette expression peut
être traduite par « genre », « style ». Son emploi est motivé par l’effet humoristique.
HL 67.3-« Et dire que c’est de maçons pareils que les âmes sensibles et chagrines attendent
le changement et le bain de jouvence. Yakhi hala yakhi !. Je fume du thé et je reste éveillé,
le cauchemar continue. »
« yakhi hala yakhi ! » [jaxi/ħāla/jaxi],en français intégral « mon frère situation mon frère ! ».
C’est une expression propre à l’Algérois qui s’emploie face à une situation incongrue,
burlesque ou absurde, elle peut être traduite par « n’importe quoi ! », « quelle drôle de
situation ! ». Elle est employée ici pour dénoncer de manière comique et ironique la situation
absurde des femmes en « niqab » qui refusent d’ôter le voile pour la photo du passeport
biométrique.
237
HL 71.1-[ C’est un moment très important. On aurait tort de passer dessus comme
« mourour el kiram », sans y prêter attention. ]
HL 73.1-[Chadli Bendjedid fait des révélations fracassantes : « j’ai dirigé le pays durant
13ans ! »Non ? Goul wallah !]
HL 75.2- [Comment se fait-il que l’Etat, Eddawla, ya aâjaba, en soit réduite à « refaire
appel » aux relais de la mosquée dans des tâches qui lui sont pourtant dévolues.]
HL 80.5-« Si c’est celle-là l’option retenue, si l’Algérie doit se construire avec ce genre de
deals, bla djedha que dès demain matin, moi qui suis allergique à tout encartement, je prends
ma carte du RND ! »
« bla djedha », « [» بالجدھاbla/Ʒeddha] est une expression qui n’a aucun sens si elle est
traduite intégralement en français « sans son grand-père ». Elle est employée pour signifier
29
Relevant de la théorie d’Austin : « quand dire c’est faire ».
238
un rapport de force, « qu’elle veuille ou pas ! ». Son emploi ici a plus le sens de « advienne
que pourra ». Il est motivé par l’effet humoristique.
HL 86.5 –« Et puis, très franchement, est-ce que je filme, moi, mes soirées de beuveries dans
les bars pour faire ensuite irruption en compagnie de mes potes dans vos halakate et vous
distribuer « bessif » nos exploits, nos prouesses en matière de descente ? »
« bessif », [bassif] en français « à coup de sabre ! » cette expression qui révèle de la violence
a en réalité perdu cette signification sanglante et terrifiante pour ne signifier que l’aspect
obligataire « de force » exp « bessif, je dois y aller », pour dire « je suis forcé (e )d’y aller ».
HL 89.3-« Tata peut vous illusionner une Algérie plurielle et démocratique. Rien que pour
ça, yaâtik Essaha, Tata ! ils doivent être aux anges. »
HL 94.1 –« Ainsi, du discours de Sétif, la majorité a cru interpréter à travers cette expression
« Tab Djenana » qu’Abdekka annonçait la fin, sa fin. »
« Tab Djenana », « [» طاب جناناtˁāb/Ʒnānna] est une expression de l’arabe algérien. Au sens
propre, elle signifie, « les fruits de notre jardin sont mûrs», au sens figuré, « nous sommes à
bout de souffle », « nous sommes fatigués, vieux ». C’est dans son discours en mai 2011 à
Sétif que le président Bouteflika a prononcé cette expression idiomatique algérienne. Depuis,
les médias, notamment la presse écrite francophone, à repris cette formule pour désigner
Bouteflika qui est devenu « Tab Djenanou », signifiant « celui dont les fruits sont mûrs ».
L’emploi de cette expression est motivée d’abord par la fidélité au discours rapporté puis, par
l’ironie car, contrairement à ce que les Algériens ont cru comprendre (et que le chroniqueur
explique ici de manière ironique) cette expression n’était pas du tout un message de départ
pour Bouteflika, donc, il fallait inventer une troisième lecture de cette expression, selon HL
qui est « Nous sommes juste à point pour gouverner ».
HL 99.3-« En gros, ce sont des gens très sympathiques. Je l’ai déjà dit ? Maâlich, faut
vraiment que je le redise, tellement ils sont sympas et gentils. »
« maâlich » [māʕli:∫] est une expression empruntée à l’arabe algérien signifiant « ce n’est pas
grave ! » ou bien encore, « ça n’a pas d’importance ! ». Son emploi ici est motivé par l’effet
humoristique de la reformulation.
239
102.6-“Abdekka a retenu, decidé et signé tout seul dans la solitude de sa convalescence
européènne pour le 22 octobre. El Mouqawama-El-Djazaïria. Wa zidni Rabbi iîlmen ! »
« wa zidni Rabbi iîlmen » est ici emprunté de manière fautive (consciente ?), le véritable
verset est « wa qoul Rabbi zidni iîlmen » qui est le verset 114 de la sourate TAHA. Qui
signifie « Dis, ô seigneur, accroît mes connaissances (mon savoir) ! ». L’effet escompté est
l’ironie par l’antiphrase à l’entame de la chronique « rendons grâce à Abdekka » et toute la
périphrase qui accompagne cet axe. « wa zidni Rabbi iîlmen ! » est une hyperbole qui traduit
la stupéfaction et l’ignorance feinte du chroniqueur.
109.2- [Comment atteindre ce fameux « super juge » américain, chargé du dossier Chakib
khelil ? Comment arriver à le joindre pour lui dire dans le creux censé être implacable de
l’oreille « Enaâl Echittan ! »]
« ya Dellali ! » [jā/dellāli] est une expression de l’arabe algérien souvent employée dans les
chansons populaires comme refrain, notamment du Raï. Elle signifie « mon chéri », « mon
gâté ! »
Le clin d’œil ici est pour les chansons « men wahran l’marseille ya Dellali » ou bien encore
« Trig el lyci ya dellali », dans les deux cas, il est question d’un trajet, d’un itinéraire. Son
emploi ici est motivé par l’humour et le clin d’œil.
HL 115.4-« le temps de réparer et Hop !Boutef’ est remis sur pieds et sur paroles reviendra
sur scène par le même canal. Le monte-charge de Shakira. Cinima khouya !
30
Le juge américain, Stephen Gibbons a ouvert une enquête d’investigation pour identifier l’origine de la
fortune de Chakib khelil (ex ministre de l’énergie et des Mines) aux Etats‐Unis.
240
HL117.1-« Et là, le bras qui s’était levé rageur vers le ciel en 1991 pour dire ( …)ce bras-là,
s’il lui prend l’envie de se lever à nouveau, kassaman Bi allah que je me le casse. »
a)-expressions calquées :
HL 100.3-« nous aurions du mettre des gants pour « leur enlever leur bon Dieu » à ces
vermines. »
« Enlever leur bon Dieu » est un calque de l’expression en arabe algérien « » نحيله ربه. Cette
formule, assimilée à un juron ou un blasphème, signifie, comme le traduit le calque, extraire
ce qu’il y a de plus profond en lui, l’anéantir. Elle est employée pour exprimer la colère. Son
241
emploi ici est motivé par l’ironie paradoxale de l’extrapolation : mettre des gants pour leur
enlever leur bon Dieu.
HL 29.1/29.2-« la pomme de terre s’est vendue hier à 70 DA. Al Hamdoulillah. (…) les
abricots à 90 DA au mois de juin. Al hamdoulillah. (…) Les chiffres du chômage flirtent avec
des seuils de guerre civile permanente. Al hamdoulillah.(…) Al hamdoulillah, l’hydre de la
précarité a été terrassée. (…) les rapts d’enfants sont aussi nombreux que les plants de pavot.
Al hamdoulillah. (…) Il n’ ya jamais eu autant de scandales financiers en Algérie que depuis
1999. Al hamdoulillah, les caisses sont pelines (…) Aïch la vie ! »
« Aïch la vie ! »[ʕi∫/la/vi] intégralement, « Vie la Vie » ! cette expression est en réalité un
slogan publicitaire d’un opérateur de téléphonie mobile en Algérie, en l’occurrence Djezzy »,
lancé dans une campagne publicitaire en 2002. Il peut être traduit par « fais-toi plaisir ! »,
« profite de la vie ! ». Depuis cette campagne, ce slogan produit dans un code mixing, mi
arabe mi français, est entré dans la langue algérienne et se galvaude pour signifier un état de
bien- être. Dans ce contexte, il produit l’ironie car, après l’énumération de toute la mal-vie
des Algériens, le chroniqueur conclut par « Aïch la vie ! », c’est une antiphrase.
« chadi madi w khatt err ‘mel »,[∫adi/madiw/xatˁtˁarmal] « chadi, madi et trait de sable »,
issue de l’arabe algérien sans la conjonction de coordination « et » mais avec le « ». Cette
expression intraduisible est en fait composée de deux expressions idiomatiques : « chadi
madi » + « khatt err ‘mel ». la première es une comptine récitée dans les jeux d’enfants où
ceux –ci doivent procéder à une sélection, un choix « chadi, madi, qali rassi, neddi hadi
wella hadi, fatima bent ennabi… » « chadi, madi, m’a tête m’a dit, je prends celle-ci ou bien
celle-là, fatima la fille du prophète… » similaire à « Am stram gram, pic et pic et colégram,
Bour et bour et ratatam. La deuxième expression est « khatt err’mel ». Il s’agit d’un mode
voyance africain, pratiqué dans le Sud surtout. Il consiste en le traçage d’un trait (khatt) sur
la terre ou le sable : la géomancie (la voyance par la terre) et interpréter la manière dont les
grains de sable retombent et de quel côté, s’il y a d’autres éléments, etc. Son emploi ici,
sociétalement connoté produit l’effet ironique escompté : le chroniqueur compare la gestion
du pays à un jeu de hasard assisté par les prédictions d’une voyante.
Il s’agit de la même analyse effectuée en « inâal bouha »Voir HL 9.4 sauf que là cette
expression est dans un code mixing arabe algérien/français.
242
HL 70.1-[ C’est petit, vraiment petit d’incriminer la coupe de cheveux des joueurs algériens
et leur choix de la teinture « BBR »]
« BBR » est l’acronyme de « Blonde Bla Rabbi » qui est une expression formée dans un code
mixing français/arabe algérien. En français, « Blonde sans Dieu ». Cette expression est
employée lorsqu’une personne se teint mal les cheveux à l’eau oxygénée ou que l’effet final
soit un blond trop artificiel, trop criard. Cette personne va à l’encontre de la Nature (Dieu)
qui l’a faite brune, c’est un peu le pouvoir de défier la nature. L’emploi ici a un effet
humoristique.
HL 116.1-« les murs du salon officiel de l’aéroport Houari Boumediene résonnent encore de
ces récriminations d’un Algérien contre ses compatriotes, balancées sans retenue ni hachma
aux oreilles d’un étranger. »
3.2-Analyse quantitative
243
langues des expressions
intégrales
arabe algérien 21 exp idio sont an arabe
algérien, soit 60% contre 9 en
arabe
arabe institutionnel, soit 26%
institutionnel
et 5 expressions idiomatiques
Fr/arabe
algérien sont produites dans un code
mixing français/arabe algérien,
ce qui représente 14%
motivations La motivation première de
l’emploi de ces expressions est
l’ironie à hauteur de 52%, soit 22
ironie expressions, contre 48% motivées
humour par l’humour avec 20
expressions, ce qui équivaut à
48%.
244
4-Analyse qualitative des emprunts chez Kamel DAOUD
4.1-Analyse qualitative
KD1.2-« Dans le taxi, la radio algérienne : elle chante déjà en boucle l'éloge d'El Aziz. Ses Injazates, réalisations, travaux
d'Hercule, triomphes. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD El Aziz A rabe Emprunt Adjectif aucun majuscule politique Jeu de mots 1
1.2 institutionnel intégral de ironique
nécessité
« El Aziz » [alʕazi:z] en arabe « » العزيزest un emprunt intégral de nécessité à l’arabe institutionnel. Il est employé ici pour
désigner Abedelaziz Bouteflika. En arabe institutionnel, le prénom est composé d’un nom et de son complément: ABD+ EL
AZIZ. « El aziz » signifie « le chéri » c’est l’un des 99 noms d’Allah en islam. Le jeu de mot ironique ici c’est cette confusion
volontaire entre Dieu et Bouteflika le chéri .
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque ded Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Djihadiste Arabe Emprunt nom d’agent Dérivation aucune Politique/ Le mot juste 8
3.2 institutionnel adapté de par religion
nécessité suffixation
en ISTE
« djihadiste » de l’arabe [Ʒihadijj] est un emprunt adapté de nécessité. Il ne correspond à aucun autre mot en français. Il désigne
une réalité propre au monde musulman. Radical « djihad » qui est la guerre sainte en islam + suffixe ISTE. Le « djihadiste » est
celui qui adopte les préceptes du « Djihad » même dans la polotique et la gouvernance.
245
KD 3.4-« L’art du nu chez le djihadiste est impérieux. Il est le tracé du califat … »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Califat Arabe Emprunt substantif Suffixation aucune Politique / connotation 1
3.4 institutionnel adapté de en AT religion
nécessité
« le califat »,[xilāfa] « » الخالفةest un emprunt adapté par suffixation en « AT » qui désigne la fonction. C’est un emprunt de
nécessité fait à l’arabe institutionnel. Il désigne un mode de gouvernance politique (un régime) prôné par les islamistes sur le
modèle des successeurs du prophète Mohamed ainsi que les limites géographiques à travers lesquelles il s’étend. Le chef
reconnu du Califat est le « Calife, Khalife », en arabe «» خليفة. Il est employé ici pour sa connotation religieuse et archaïque.
KD 4.1-« ce fut comme le jour de l’indépendance » disent les gens quand ils veulent donner l’échelle d’une joie. Oui. Avec el
hadj el Anka en noir et blanc… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD El hadj Arabe Emprunt Adjectif aucun aucne Religion/ Connotation 1
4.1 algérien intégral de
nécessité
« el hadj »[alħāƷ], « » الحاجest un emprunt intégral facultatif et de nécessité à la fois : intégralement, il signifie « pèlerin »,
« celui qui a accompli le pèlerinage à la mecque ». Néanmoins, dans la société algérienne, il est également un titre de respect et
de déférence pour les personnes d’un certain âge. Son emploi dans cette chronique est systématique car, en Algérie quand on
parle du chanteur Med el Anka, on ajoute toujours « el hadj ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Haïk Arabe Emprunt substantif aucun majuscule habillement le mot juste 1
4.2 algérien intégral de
nécessité
246
« Haïk »[ħājak], en arabe « » الحايكest un emprunt intégral de nécessité. Il renvoie à un long voile blanc avec qui recouvrait à la
fois la tête et le corps des femmes algériennes (Il arrivait au chevilles) avant l’arrivée du Hidjab ( Arabie) et de la djellaba
(Maroc) dans les années 1990. Au-delà de la fonction vestimentaire du voile, celui-ci est devenu un symbole culturel et
identitaire ;La motivation est le mot juste.
KD 5.1- des patients qui contestent ce que dit le docteur mais jamais ce que dit le cheikh Chemssou du quartier.
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Cheikh Arabe Emprunt Nom d’agent aucun aucune religion ironie 1
5.1 institutionnel intégral de
nécessité
« cheikh »[a∫∫i:x] « [ » الشيخIl renvoie à un titre honorifique accordé à un homme d’un certain âge et surtout dont les
connaissances théologiques et la sagesse dans le jugement sont avérées. Le « cheikh » a une fonction sociale dans la
communauté arabo-musulmane. Il n’existe pas de mot équivalent en français. Son emploi ici est motivé par l’ironie : Chaque
quartier possède son « cheikh Chemssou » allusion faite à un prédicateur extrémiste qui passe sur la chaîne télévisée d’Ennahar.
KD 5.2 – « Avec la confusion des salafistes bêtes et imbéciles qui confondent chrétiens et athées. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD salafistes Arabe Emprunt nom d’agent Suffixation aucune Politique / Le mot juste 1
5.2 institutionnel adapté de en ISTE + religion
nécessité flexion
« salafistes » de l’arabe « salafi »[salafijj] est un emprunt intégral de nécessité adapté par le système linguistique français grâce à la
suffixation en ISTE . Le salafiste est donc un partisan d’une doctrine religieuse qui prône le retour aux préc
247
KD 5.3- Des sortes de Foutouhate mais à l'échelle de la cigale.
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD foutouhate Arabe Emprunt substantif aucun majuscule Politique / le mot juste 1
5.3 institutionnel adapté de religion et la
nécessité connotation
« foutouhates », « [ » فتوحاتfutūħāt] est le pluriel de « fath » [fatħ] qui signifie en arabe institutionnel l’action d’ouvrir. Ce mot renvoie aux
guerres saintes menées par les armées musulmanes au 7e et 8e siècle à travers l’extrême orient et le Maghreb. Le chroniqueur explique que
l’emploi de ce mot est nécessaire car il ne lui trouve pas d’équivalent en français, il dit « des sortes de… ». Il s’agit d’un souci de clarté et de
connotation.
KD 6.1-« Les revendications des peuples étaient et resteront légitimes : liberté, justice, fin des Moukhabarates, droit de regard sur
l'argent de tous »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Moukhabarate Arabe Emprunt substantif flexion majuscule Politique le mot juste 1
6.1 s institutionnel adapté
facultatif
« Moukhabarates » [muxābarāt], « » مخابراتest un emprunt facultatif à l’arabe institutionnel adapté par la flexion (s du pluriel).
C’est le nom des services de renseignements (espionnage et contre espionnage) dans les pays du Moyen-Orient. Son emploi ici
n’est pas justifié par l’absence d’équivalent en français par la volonté de faire écho à une dimension culturelle et légendaire de
ces services dans les pays arabes.
248
KD 6.3-« cet islamiste qui réduira le cri au kamis et le courage à des fatwas »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Kamis arabe emprunt substantif aucun aucune habillement ironie
6.3 institutionnel intégral de /religion
nécessité
Fatwa Arabe Emprunt substantif Aucun aucune religion Le mot 2
institutionnel intégral de juste/Ironie
nécessité
« kamis », « [ » قميصqαmi:s] est un emprunt intégral de nécessité à l’arabe institutionnel. Il désigne une longue tunique
masculine généralement de couleur blanche, à manches longues que revêtent principalement les Saoudiens dans leur quotidien.
Cette tenue importée par les islamistes en Algérie est devient un signe d’appartenance à un mouvement religieux. Son emploi ici
renvoie à cette symbolique de signe religieux ostentatoire.
« fetwa » [fαtwā] en arabe « » فتوىest un emprunt intégral de nécessité. C’est un emprunt à la langue arabe institutionnelle. Il
est employé ici car il n’existe pas d’équivalent dans la langue française. « Fetwa » correspond à une décision ou un avis
(juridique ou religieux) émis par une instance religieuse musulmane avérée et habilitée lorsque la jurisprudence en la matière
n’a pas encore tranché. Son emploi ici est motivé par l’ironie de l’antiphrase : toute la périphrase décrit le contraire de ce que
devrait être une fetwa. Le chroniqueur s’amuse même à créer des néologismes pour ridiculiser la cible de cette chronique :
(double fetwa, Rap-fetwa) que.
KD 7.2-« Ennayer de nos enfances aurait été interdit de fête et de festivité à Biskra »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Ennayer tamazight/ Emprunt nom aucun aucune Religion/ le mot juste 3
7.2 arabe intégral de société
algérien nécessité
249
« Ennayer » également prononcé « Yennayer » [jɛnnαjɛr] « يناير, » correspond au nouvel an berbère qui débute en 950 av JC. Il
coïncide avec le 12 janvier du calendrier grégorien31.
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Hallal Arabe Emprunt Adjectif Aucun guillemets Religion Connotation 4
8.4 institutionnel intégral
facultatif
Haram Arabe Emprunt Adjectif Aucun guillemets Religion connotation 4
institutionnel intégral
facultatif
« hallal », en arabe « [ » حاللħαlāl] est un emprunt intégral facultatif. Il signifie « licite » par les préceptes de l’Islam. L’emploi
de l’emprunt est justifié par la connotation qu’il comporte. « hallal » est devenu une notion très « importante » dans la société
algérienne depuis l’avènement des partis islamistes. « hallal » est un emprunt intégré dans la langue française.
KD 10.15-« il avait commencé par la triste saga d’offrir des hauts- parleurs aux mosquées avant de se déclarer fils spirituel de
Chemsou, l’imam loufoque d’Ennahar »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Imam Arabe Emprunt Nom d’agent Aucun aucune religion Le mot 2
10.15 institutionnel intégral de juste.
nécessité
31
La légende veut que l’origine de cette fête soit liée à la fondation de la XXIIe dynastie des Pharaons par le roi berbère « Chachneq » qui réunifia
l’Egypte et envahit la Palestine puis s’empara des trésors du roi Salomon en 950 av JC. La célébration de cet évènement par l’offrande de céréales et
fruits secs témoigne du lien étroit entre les éléments de la nature avec la vie des Berbères.
250
« imam », « » امامest un emprunt à la langue arabe institutionnel, intégré dans le système linguistique français. Il est employé
faute de mot équivalent en français. C’est le mot juste. Il renvoie à un guide religieux (musulman) qui mène la prière et donne
des prêches dans une mosquée. La juxtaposition de « loufoque » à imam crée le décalage ludique.
KD 11.5-« Et que le règne des chouyoukhs et des satellites investit par ses hadiths, versets, interprétations et manipulations. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Hadiths Arabe Emprunt substantif Flexion aucune religion Le mot juste 1
11.5 institutionnel adapté de
nécessité
Le « hadith », « [ » حديثħαdiθ] est une des paroles, des actions, des réflexions…attribuées au prophète selon le témoignage de
personnalités dont la bonne foi est attestée, qui forment la chaine de transmission. Celui-ci peut –être authentique (sahih)
[sαħi:ħ] ou douteux (daiîf) [dˁαʕi:f]. L’ensemble des hadiths forment la Sunna qui complète le Coran. Son emploi ici est justifié
par l’absence de mot équivalent en français. L’ironie est produite par la figure d’accumulation et, la chute, surtout :
manipulations.
KD 11.8-« la fatwa a donc remplacé le conte, tué Djeha et l’humour, le rire et le souvenir… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Djeha Arabe Emprunt Nom propre Aucun aucune Culture/ Humour 1
11.8 algérien intégral de société
nécessité
251
« Djeha », « [ » جحاᴣħα] est un emprunt intégral de nécessité. Il s’agit du nom d’un personnage de légende, héros rusé et
débrouillard, personnage principal de célèbres contes à moralité dans les pays du Maghreb, et même au Moyen-Orient. La
prononciation « Djeha » change selon les pays32. L’ironie est produite par la juxtaposition des paradoxes : fatwa/Djeha.
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Mange le Arabe Calque Synt V Traduction guillemets religion humour 1
12 .3 Ramadan algérien intégrale
KD 12.3-« Et ceux qui, dans la tradition de moutons et de méchants, vont répéter que c’est la Kabylie qui « mange le
Ramadan »… »
« Manger le Ramadan » est un calque. Il s’agit d’un calque qui traduit intégralement l’expression en arabe algérien qui est
« yakoul Ramdhan », « [» ياكل رمضانjαkul/ramdˁan] qui correspond en français à « non jeuneurs ». la construction de cette phrase
fait de Ramadhan un COD alors que Ramadhan est un mois de l’année lunaire, et donc pas comestible. Son emploi est motivé par
la volonté de répéter fidèlement le discours circulant, créant ainsi une pointe d’humour et de connivence. « Non jeuneurs » est
dénoté, alors que « manger le ramadan » c’est bien de chez nous.
KD 12.4-«… un responsable des affaires religieuses de Tizi Ouzou qui expliquera que ses brebis sont à lui et que les autres (les
déjeuneurs) sont des gens d’ailleurs, étrangers, manipulés ou Koreïchites ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Koreïchites Arabe Emprunt Adjectif Dérivation aucune religion Ironie 1
12.4 institutionnel adapté de par
nécessité suffixation +
flexion
« koreïchites » est un emprunt adapté. Il est la forme adjectivale de « Koreïch » [quraj∫] qui est le nom d’une tribu de la Mecque
de l’époque du Prophète. « Koreïch » est la tribu qui s’est opposée à l’islamisation de la Mecque et qui a combattu les
compagnons du Prophète. Elle symbolise chez les musulmans les ennemis du Prophète. Son emploi est motivé ici par
l’extrapolation de l’hyperbole qui produit l’ironie (déjeuneurs= koreïchites)..
32
En Algérie c’est Djeha, en Tunisie, CH’ha [∫ħα], en Egypte Goha [goħα]
252
KD 13.1- « Un jour, un wali, aujourd’hui décédé… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégr repérage
KD Wali (s) Arabe Emprunt Nom d’agent Aucun aucune Administrati Le mot juste 5
13.1 institutionnel intégral de on/politique
nécessité
« wali », « [ » الواليwāli:] est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe institutionnel. En Algérie, il existait un « Préfet » à la
tête de chaque « Préfecture/ wilaya). Le changement de nom est intervenu en 1974 avec la politique d’arabisation et le nouveau
découpage administratif de collectivités territoriales. La thématique de cet emprunt est l’administration /politique.
KD 14.1-« l’Egypte pos-Moubarek reste fascinante. On y voit, de jour en jour, ce que des islamistes au pouvoir peuvent faire
d’un pays ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Islamiste (s) Arabe Emprunt adjectif Dérivation aucune religion Le mot juste 7
14.1 institutionnel intégral de par
nécessité suffixation +
flexion
« islamiste » dont le pluriel est « Islamistes » est formé à partir du substantif « ISLAM ». Cette forme adjectivale adaptée au
système grammatical français par la suffixation en ISTE et la flexion au pluriel, signifie celui qui appartient au mouvement (au
courant) radical de l’Islam et qui revendique la Chariâa comme unique repère légal. Son emploi ici est motivé par l’absence
d’équivalent en français.
253
KD 14.4 –« la fille du morshid des ‘frères’, le véritable président de l’Egypte sur le modèle du guide suprême, a été claire dans
son dernier twit… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Morshid Arabe Emprunt nom d’agent Aucun aucun Religion/po Le mot juste 1
14.4 institutionnel intégral litique
nécessaire étrangère
Frères Arabes Calque nom guillemets Religion/ ironie 2
institutionnel politique
étrangère
« morshid » ou « morchid », « [ » مرشدmur∫id] est un emprunt intégral facultatif. Il correspond à « Guide spirituel» qui est une
fonction dans les lieux de culte musulmans.
« frères » est un calque qui renvoie à « ikhwa », « [ » اخوةixwa].Dans l’appellation intégrale de ce mouvement : « Jamîyat el
Ikhwa El muslimin »33, « » جمعية االخوة المسلمينtraduire par « Société des Frères Musulmans ».Iici la motivation est ironique car,
les relations ne sont pas fraternelles.
KD 14.5-« comment le peuvent-ils, eux qui sont les envoyés de Allah/Dieu et les dépositaires de ses volontés ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD ALLAH Arabe Emprunt Nom propre Aucun traduction Religion connotation 2
14.5 institutionnel intégral
facultatif
« Allah », « [ » ﷲallāh] est le nom de Dieu en Islam. Kamel Daoud l’oppose souvent à Dieu dans ses chroniques quand il parle
des islamistes et des actes terroristes pour bien montrer qu’il y a une différence entre les croyants monothéistes qui croient en
Dieu et les islamistes pour qui il n’y a de Dieu qu’Allah, ce qui dénote de l’intolérance.
33
Mouvement fondé en Egypte en 1928 par Hassan el Banna dont l’objectif est la restauration du califat islamique.
254
KD 15.3-« Evoquer les origines de la peau, l’accent, le mouton de l’Aïd c’est du racisme… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD L’Aïd Arabe Emprunt substantif aucun majuscule Religion le mot juste 1
15.3 institutionnel intégral de
nécessité
« l’Aïd », « [ » العيدalʕi:d] est un emprunt intégral de nécessité. Il désigne une fête religieuse célébrée à l’issue du jeun du mois
de Ramadhan.
KD 16.5-« les enfants ont compris que la charité ici n’est pas humaine mais religieuse. Du coup, ils réagissent en fonction : les
fillettes sont en hidjab… ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Hidjab Arabe Emprunt Substantif Aucun aucune Religion le mot juste 1
16.5 institutionnel intégral de
nécessité
« hidjab », « [ » حجابħijāb] est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe institutionnel. Il désigne une tenue vestimentaire
féminine longue et ample qui permet de couvrir intégralement le corps de la femme, exception faite de son visage, ses mains et
ses pieds. Cette tenue est un signe ostentatoire d’appartenance religieuse. L’emploi de hidjab ici renvoie à cette dimension
religieuse musulmane. Sa motivation est le mot juste.
KD 17.1/17.2 –« Au matin, on apprend à la radio qu’Al Qaïda de l’Irak parraine, reconnait et adoube, comme filiale le Front
Ennousra en Syrie. Ennousra étant la nouvelle armée rêvée de Zawahiri, du drapeau noir et des djihadistes qui combattent contre
Bachar en Syrie ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Al Qaïda Arabe Emprunt Substantif Aucun aucune Religion/ Le mot juste 1
17.1 institutionnel intégral de politique
nécessité étrangère
17.2 Djihadistes
Voir KD 3.2
255
« Al Qaïda », « [ » القاعدةalqāʕida] est un emprunt intégral de nécessité. Il signifie intégralement « la base, ou le fondement, la
règle ». C’est le nom donné à une organisation radicale islamiste qui a pour objectif d’installer l’Etat islamique et prône la guerre
sainte (le djihad avec ce que cela implique comme attentats sanglants) pour y arriver.
KD 17.4-« Et, l’avatar de Ben Laden, vient d’en bénir l’action et de demander la fondation d’un califat du Cham après la chute
des Assad et des Makhlouf ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD califat Voir KD 3.4
17.4
Cham Arabe Emprunt Toponyme Aucun aucune Politique toponyme 1
institutionnel intégral étrangère juste
facultatif
« Cham » ou « bilad Echam », « [ » شامa∫∫ām] est le nom arabe historique de l’actuelle Syrie. Son emploi est motivé par la
volonté de reproduire le discours des djihadistes qui l’utilisent et qui traduit la dimension mégalomane et fantasmagorique de
réinstaurer la Nation Musulmane (comme au temps des Califs).
KD 17.7-« le choix se pose entre accepter le pays de Khelil et Cie ou le pays de Mokhtar Belmokhtar comme émir national à El
Mouradia ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Emir Arabe Emprunt Substantif Aucun aucune Religion/ ironie 1
17.7 institutionnel intégral de Politique
nécessité
17.8 El mouradia Arabe Emprunt Toponyme aucune Politique le mot juste 1
intégral
256
« émir »en arabe « [ » اميرami:r] est un emprunt intégral de nécessité. Il n’existe pas de mot équivalent en français ; « émir »
renvoie à un titre de noblesse dans le monde musulman, notamment dans les pays du Golfe arabique, parfois traduits par
« Prince ». Il signifie intégralement « celui qui ordonne ». Dans le domaine politico-religieux, par contre, ce terme est
implicitement associé à « mou’minin » : « émir des croyants » c’est le titre des califs qui se sont succédé à la tête de l’empire
musulman dans lequel le politique n’était pas dissocié du religieux, la chariâa étant le repère et le modèle de gouvernance. Son
emploi est donc volontaire car il comporte une connotation politico-religieuse.
« El Mouradia » est le nom d’un quartier d’Alger. C’est là où se situe le palais présidentiel. Par « El Mouradia », le chroniqueur
désigne le siège de la Présidence. (Comme on dirait l’Elysée pour désigner le siège de la présidence en France). Il s’agit d’une
figure du discours appelée métonymie « substitution de termes (…) désignation d’un objet par le nom d’un autre objet qui fait
comme lui un tout absolument à part, mais, qui lui doit ou à qui il doit lui- même plus ou moins, ou pour son existence, ou pour
sa manière d’être (…). P. Fontanier distingue neuf types de métonymies : celles de la cause, celle de l’instrument, celle de l’effet,
celle du contenant (« la France » pour parler de ses habitants), celle du lieu, celle du signe, celle du physique, celle du patron,
celle de la chose (…) ».34
KD 18.5/18.6/18.7-« … ce que disent et pensent une majorité d’algériens formatés par les chaînes religieuses wahabites ou
chiites, les reliquats folkloriques du FIS devenu salafisme… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Wahabites Arabe Emprunt Adjectif Suffixation aucune Religion + Le mot juste 1
18.4 institutionnel adapté de en ITE + Politique
nécessité flexion
chiites Arabe Emprunt Adjectif Suffixation aucune Religion + Le mot juste
18.5 institutionnel adapté de en ITE + Politique
nécessité flexion
18.6 salafisme Arabe Emprunt Substantif Suffixation aucune Religion + Le mot juste
institutionnel adapté de en ISME politique
nécessité
34
Marc Bonhomme »les figures clés du discours » éd SEUIL, Paris, 1998, p52.
257
« wahabites » est un emprunt adapté de nécessité. Il est la forme adjectivale de « wahabisme »35, « wahabites » est adapté au
système français par dérivation : Wahab(radical) + ISTE. Son emploi est nécessaire car il n’existe aucun mot équivalent en
français
« Chiites » est un emprunt adapté de nécessité. C’est la forme adjectivale de « chiisme »36 construite sur la base d’un radical
(chiâa) +suffixe en ITE. Il désigne des adeptes d’une idéologie religieuse, une ramification de l’islam apparue à la mort du
Prophète et qui s’est opposée à sa succession.
« salafisme » est un emprunt adapté de nécessité. Il ne correspond à aucun mot en français. « le salafisme » est une idéologie
politico-religieuse adoptée par les wahabites qui prônent le retour aux percepts de l’islam ancestral ( ancêtre=salaf) un islam qui
appelle à la restauration de l’Etat islamique et à l’adoption de la Chariâa dans sa version originelle. Il est employé ici pour la
justesse du signifié.
KD 20.1/20.2/20.3/20.4-« Qui est Belkhadem en effet ? Pas seulement lui, mais cette synthèse entre Zaouïa, religion, Kasma,
burnous, tampon au front et vision primaire du politique comme génuflexions et distributions de passeports de Hadj… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
KD Zaouïa Arabe Emprunt Substantif Aucun majuscule Religion/ ironie 1
20.1 algérien intégral de société
20.2 nécessité
20.3 Kasma Arabe Emprunt Substantif aucun majuscule politique ironie 2
20.4 intégral
facultatif
burnous Arabe Emprunt Substantif phonétique aucune vestimentai ironie 1
algérien intégral de re
nécessité
Hadj Voir KD 5.12
35
Le « Wahabisme » est une idéologie politico‐religieuse fondée en 1745 en Arabie, par Mohamed Abdel wahab, qui récupéra à son compte le
mouvement antérieur « Hanbali ». Ce mouvement prêche le retour de l’islam à sa « primitive pureté » et rejeter toutes les traditions qui gravitent autour
de la religion : la visite des mausolées, les rites funéraires, les festivités, la musique…
36
« chiisme », en arabe « chiâa » est une ramification de l’islam qui ne reconnait que Ali et ses descendants, comme légitimes successeurs du prophète,
car son gendre : « Ahl el beyt » traduire par « les membres de la maison ». Principalement implanté en Iran, Irak, Liban, Bahreïn.
258
« Zaouïa », « [ » زاويةzāwija] est un emprunt intégral de nécessité. Ce mot est polysémique. En arabe institutionnel, il signifie
« angle ». En arabe algérien, il désigne un lieu de culte très répandu dans le Maghreb, qui regroupe une confrérie dont le rôle est
aussi bien théologique, instructif que social.
« Kasma », « [ » قسمةqasma] est un emprunt intégral facultatif. Il désigne le bureau local du FLN. Son emploi est motivé par
l’humour car il est connoté : ce mot étant assimilé dans les représentations communes à FLN, parti unique au pouvoir depuis
1962.
« burnous », « [ » برنوسbarnu:s] est un emprunt adapté de nécessité. Cet emprunt a été intégré au dictionnaire de la langue
française après adaptation phonétique de « barnous » en arabe algérien ou « avernous » [avernus] en berbère. Il désigne une
longue cape masculine tissée dans la laine avec ou sans capuchon, blanc ou marron, selon la région et la couleur de la laine.
L’emploi de ces quatre emprunts dans une même phrase est justifié par la volonté de produire le stéréotype ironique.
KD 22.4 –« un produit pouvant passer d’une catégorie à l’autre, selon le Mufti ou selon l’Imam ou selon la géographie ou
l’argent. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Mufti Arabe Emprunt Nom d’agent Aucun majuscule Religion Mot juste 1
22.4 institutionnel intégral de
nécessité
« mufti », « [ » مفتيmufti:] est un emprunt intégral de nécessité. Il désigne une fonction d’interprète officiel des textes religieux
au sein d’une mosquée (un jurisconsulte).
259
KD 23.1-« les idées d’Echourouk sur la femme, la liberté, l’Occident, les juifs, le football et le crime. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Echourouk Arabe Emprunt Nom Aucun aucune médias connotation 1
23.1 institutionnel intégral de
nécessité
« Echourouk », « [ » الشروقa∫∫uru:q] est le nom d’une chaîne télévisée de droits privés dont l’orientation éditoriale est islamiste.
Son emploi ici est nécessaire. Par ailleurs, son usage produit une figure de style qui est la métonymie : le chroniqueur veut
désigner par le nom de la chaîne les mentalités islamistes des journalistes et autres animateurs qui travaillent pour cette chaîne.
KD 24.2 –« la police ou la gendarmerie ou le DRS retrouvent plus rapidement un opposant meneur de manifestations,
l’interceptent à la gare d’Alger, avant l’hôtel, avant même qu’il ne quitte sa wilaya… »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Wilaya Arabe Emprunt substantif Aucun aucune Administratio Mot juste 1
24.2 institutionnel intégral de n
nécessité
« wilaya », « [ » واليةwilāja] est un emprunt intégral de nécessité à l’arabe institutionnel. Il correspond à un découpage
géographique et administratif effectué en Algérie, en remplacement aux préfectures et régions de l’époque coloniale et pos-
coloniale jusqu’en 1974.
KD 25.6-« Morsi est comparé à Omar le second Calife par la propagande de la confrérie. Il mourra comme lui, les conquêtes en
moins ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Calife Arabe Emprunt nom d’agent phonétique majuscule Politique/ Mot juste 1
25.6 institutionnel intégral de religion
nécessité
260
« calife », « [ » خليفةxali:fα] est un emprunt adapté phonétiquement au système linguistique français. Il désigne une réalité
inexistante dans la réalité française. « le calife » est le successeur du prophète et le guide suprême de toute les musulmans. »le
calife » est à la tête d’une « califat » voir KD 3.4
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
26.2 Salaf Arabe Emprunt substantif aucun traduction Religion l’ironie/ sous- 5
institutionnel intégral entre entendu
facultatif parenthèses
« salaf », «[ » سلفsalaf] est un emprunt intégral facultatif. Il signifie « ancêtre » comme le signale entre parenthèses le
chroniqueur lui-même. « salaf » désigne la génération du prophète et ses compagnons. Les intégristes veulent restaurer
l’authenticité de la pratique religieuse à leur image.
Son emploi n’est donc pas motivé par l’absence de mot équivalent en français, mais par une stratégie communicationnelle dont
le but est de produire l’ironie. Le salafiste descendent-ils du salaf ? est en soi une question ironique pour deux raisons au moins :
1- la question est construite sous le forme de « l’homme descend-il du singe ? » 2- tout le monde a un ancêtre, les salafistes y
compris. Cette question implique un sous-entendu ironique qui est : les salafistes sont une génération spontanée.
KD 26. 3-« l’islam aurait fini comme une Daïra à la Mecque et pas un empire ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Daïra Arabe Emprunt substantif aucun majuscule administrati Humour/ironi 1
26.3 institutionnel intégral de on e
nécessité
« Daïra », « [» دائرةdāʹirα] est un emprunt intégral de nécessité. Il correspond à une subdivision de la wilaya dans le découpage
administratif algérien. Une daïra peut regrouper plusieurs communes. Cet emprunt est employé ici pour l’humour.
261
KD 26.7-« un salafiste, (…) appelle au djihad contre la modernité dans un haut-parleur fabriqué en Allemagne (…) ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Djihad Arabe Emprunt substantif Aucun aucune Politique/ Le mot juste 1
26.7 institutionnel intégral de religion
nécessité
« Djihad », « [ » جھادƷihād] est un emprunt intégral de nécessité. Il existe plusieurs types37 de Djihad en islam. A la base,
« Djihad » signifie « effort vers un but déterminé ». C'est-à-dire une lutte pour accomplir le bien et combattre ses faiblesses. Dans ce
contexte il renvoie à « guerre sainte ». Son emploi ici est justifié ici par la volonté de cohérence avec le thème et aussi à produire de l’ironie
en mettant la cible de l’ironie (les salafistes) face à leur paradoxe : prôner le salafisme avec des moyens technologiques actuels.
KD 30.4-« et surtout de cette alliance entre le régime et la « plèbe », les segments violents de la société, ceux qu’on lance en
guerre punitive contre les classes moyennes quand celles-ci veulent les réformes ou se révoltent. En égyptien, cela s’appelle El
Baltaguya ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD El baltaguya Egyptien Emprunt adjectif Aucun explication Politique/ Le mot juste 1
30.4 intégral de + société + connotation
nécessité majuscule
« El Baltaguya », « [ » البلطجيةbaltˁagijja] est un emprunt intégral fait à l’égyptien comme le confirme le chroniqueur. Au
singulier « baltagui ». Il s’agit d’un terme péjoratif pour désigner les hommes de main, les sbires (Généralement des repris de
justice analphabètes) payés par le pouvoir pour accomplir la sale besogne, et casser l’opposition quitte à employer la force. Ce
terme est apparu en Algérie après le match Algérie-Egypte en 2009. Il a été repris par les médias algériens, notamment la presse
écrite, pour désigner les casseurs de manifestations, les déclencheurs d’émeutes depuis la prise de pouvoir de Bouteflika en 1999.
Il est utilisé ici pour la justesse du sens, pour la connotation qu’il comporte.
37
En islam il existe quatre types de Djihad :celui que l’on mène par la cœur, par la langue, par la main et par l’épée. Le Djihad majeur est celui que l’on
mène contre son égo. Le Djihad mineur est celui que l’on livre dans une bataille armée.
262
KD 33.3/33.4-« les Chebiha tuent et le disent et en font des photos souvenirs parce qu’ils savent que personne ne peut les
atteindre avec la main. Chebiha vient du mot arabe chabah. C'est-à-dire fantôme ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Chebiha Arabe syrien Emprunt adjectif Aucun majuscule Politique/ Le mot juste 1
33.3 ( chabiha) intégral de + connotation
nécessité
33.4 Chabah Arabe Emprunt Nom Aucun traduction politique ironie
institutionnel intégral
facultatif
« chebiha » ou « chabiha », « ∫[ » شبيحةabi:ħa] est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe Syrien. Il désigne des milices
armées du pouvoir Syrien employées à réprimer l’opposition. Son emploi est justifié par l’absence de mot équivalent.
« chabah »[∫abaħ] est un emprunt intégral mais facultatif car, comme l’explique le chroniqueur lui-même dans sa chronique,
« chabah », « » شبحa un équivalent en français qui est « fantôme ». L’emploi de « chabah » en arabe est volontaire car, il permet
de retrouver phonétiquement la racine du mot « Chebiha ». Ce rappel produit un effet sous-entendu cynique. Chabah= fantôme
(sous-entendu =la mort).
KD 39.2- [« jetez-les à l’Oued ! » aurait dit un policier contre les étudiants grévistes cette semaine après de violentes courses-
poursuites].
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Oued Arabe Emprunt Substantif aucun majuscule toponyme Le mot juste 1
39.1 algérien intégral de + clin d’œil
nécessité
« oued », « [ » وادwād] est un emprunt intégral de nécessité. Il correspond à une rivière ou un cours d’eau temporaire du
Maghreb, notamment dans les régions désertiques où il désigne plus le lit de la rivière. Il s’agit dans ce contexte d’un discours
rapporté que les médias ont attribué à un policier : « jetez-les à l’oued ! » en parlant des étudiants manifestants et l’oued ici
renvoie à l’Oued Ouchayeh. Signifiant « déposez-les à Oued Ouchayeh ! », surtout, « empêchez-les d’atteindre Alger centre ! ».
Cette phrase a été reprise volontairement au sens propre par le chroniqueur pour faire un clin d’œil aux évènements de Paris en
Oct 1961 lorsque des Algériens ont été jetés dans la Seine à Paris.
263
KD 43.2-« Les islamistes et les conservateurs n'ont pas daigné se mêler du débat sur l'immigration clandestine et la harga ou la
réserve des changes ou les droits syndicaux. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD La harga Arabe Emprunt substantif aucun aucune Société ironie 1
43.2 algérien intégral
facultatif
« la harga », [alħarga] est un emprunt fait à l’arabe algérien. Il signifie l’émigration/immigration clandestine. Dans son sens
littéral, [ħarga] signifie « brûlure ». A l’origine, ce terme fait référence à l’action de brûler les papiers d’identité personnels par
les émigrés clandestins (Algériens notamment) des années 70 et 80 en Europe, pour ne pas être identifiés et expulsés dans leur
pays d’origine. Depuis les années 90, il désigne l’émigration clandestine de façon générale. Son emploi est justifié par la
connotation qu’il comporte tandis que « immigration clandestine » est dénotée.
KD 45.1 –« Car quand il s'agit de se faire élire ou de manger un Douar, on nous envoie l'ENTV »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Douar Arabe Emprunt substantif aucun majuscule sociologie Humour/
45.1 algérien intégral de ironie
nécessité
« dou
ar »[duwwar] est un emprunt fait à l’arabe algérien. Il correspond à « un hameau », un rassemblement de quelques habitations,
généralement, appartenant à des personnes d’une même famille, d’une même tribu. « douar » correspond actuellement à un
découpage administratif, affilié à une commune. L’emploi est motivé par l’humour et l’ironie pour dénoncer le simulacre des
élections en Algérie.
264
KD 45.4-« Et le plus grave dans cette arnaque par le vide, restera ce traitement de chèvres qu'on nous impose en guise de droit à
l'information, la vraie, pas celle transmise par un chanteur de Raï. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Raï Arabe Emprunt substantif aucun majuscule musique/so Le mot juste 1
45.4 algérien intégral de ciété
nécessité
« le Raï » [arrāj]est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe algérien. Il désigne un genre musical propre à l’Ouest algérien.
Son emploi est motivé par l’absence de mot équivalent en français.
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD djellaba Arabe Emprunt substantif aucun aucune habillement Le mot
46.1 algérien intégral de juste/humour
nécessité
« djellaba » [Ʒallāba] est un emprunt intégral fait à l’arabe algérien. Il désigne une longue robe de laine ( pour les hommes) ou de
tissu ( pour les femmes) avec capuchon portée dans les pays du Maghreb. Le chroniqueur l’emploie dans une série de nominale
de vêtements typiques à une culture arabo-musulmane. Il n’existe pas de mot équivalent en français.
KD 46.2-« des conducteurs à Djelfa se font retirer leurs permis sur un malentendu entre la casquette et la Chéchia. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD chéchia Arabe Emprunt substantif aucun majuscule vêtement Le mot juste /
46.2 algérien intégral de humour
nécessité
265
« chéchia »[∫a∫ijja] est un emprunt fait à l’arabe algérien. Il désigne une coiffe, un couvre-chef masculin en laine, de couleur
rouge, porté dans les pays du Maghreb. Il reflète la culture musulmane et est opposé ici à « casquette » .Son emploi est motivé
par l’absence de mot équivalent en français mais également par l’humour que produit cette analogie.
KD 47.3-« Un homme qui commerce hors de la loi (le Canon, alias le Kanoun), qui ne paye pas d'impôts et qui vend et achète à
travers une frontière qui permet de transformer le sucre en argent et le kif en bien-être. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Le kif Arabe Emprunt substantif aucun majuscule société ironie/ Jeu de 1
47.3 algérien intégral mots
facultatif
« le kif » [alki:f] est une drogue hallucinogène extraite d’une plante en Afrique du Nord, (en particulier au Maroc que le
chroniqueur désigne ici par frontière). Son emploi ici est motivé par la volonté de produire un jeu de mot : « kif » étant
polysémique et signifiant aussi « le plaisir /le bien-être ». le kif est un emprunt intégré dans le système linguistique français.
KD 48.2-« Le Pouvoir est une sorte de but en boucle avec un casting fermé: chouhadas, légitimité, militaires, FLN, «services»,
clans, régions et reliquats de disputes nocturnes qui remontent à l'époque du maquis. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD chouhadas Arabe Emprunt nom d’agent flexion aucune Politique Ironie / 1
48.2 institutionnel adapté connotation
facultatif
« chouhadas »[∫uhadāʹ] en arabe institutionnel et [∫uhada] en arabe algérien est un emprunt adapté au système linguistique
français par la flexion. Il correspond à « martyrs ». Son emploi ironique est motivé par la connotation historique et politique
cultivée dans une langue de bois depuis la guerre de révolution en Algérie.
266
KD 49.1/49.2-« Des étudiants en «sciences» islamiques, des rangées de mémorisateurs du Coran, des femmes en hidjab. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Mémorisateurs Arabe calque Syntagme Traduction aucune Religion/po ironie 1
49.1 du Coran institutionnel nominal intégrale litique
« mémorisatuers du Coran » est le claque de l’arabe institutionnel de « [ » حفاظ القرآنħuffādˁ/alqurʹān].Son emploi ici est ironique
car, par « mémorisateurs » qui est un néologisme, le chroniqueur décrit l’action précise d’ingurgitation mécanique de ces
étudiants qu’il oppose à « sciences » qu’il met sciemment entre guillemets pour bien montrer qu’il n’y a aucune action
scientifique, d’où l’ironie.
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Chevaliers du Arabe calque Syntagme Traduction guillemets médias/reli Ironie/ le mot 1
49.3 Coran institutionnel nominal intégrale gion juste
« chavaliers du Coran » est le nom calqué d’une émission en arabe « [» فرسان القرآنfursān/alqurʹān] retransmise par l’ENTV.
Son emploi ici est motivé par l’ironie que suscite la présence du Chef du Gouvernement Belkhadem , d’obédience islamiste, dans
un telle cérémonie.
267
KD 49.6/49.7-« Qu'on nous le dise clairement si on veut revenir à l'époque où nous étions quelques officiers ottomans, un Dey et
des dizaines de tribus fascinées par les amulettes et les walis. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Un Dey Osmanli/ara Emprunt nom d’agent aucun majuscule Politique/ ironie 1
49..6 be intégral de historique
institutionnel nécessité
« Dey », « , » [addāj] désigne le titre du régent d’Alger à l’époque ottomane. Il est employé ici ironiquement car, le « dey » est
assimilé à la régence et la féodalité de l’époque ottomane en Algérie.
KD 49.8-« L'ENTV devient de plus en plus un long Adhan entrecoupé de quelques émissions sur le rien ébahissant. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD adhan Arabe Emprunt substantif Aucun majuscule Religion Le mot juste 1
49.8 institutionnel intégral de
nécessité
« adhan », « [ » آذانāđān]est un emprunt intégral de nécessité fait à l’arabe institutionnel. Il s’agit de l’appel à la prière en islam.
En français, c’est « muezzin » signifiant « celui qui procède à l’appel à la prière », en arabe[muʹađđin]. Son emploi est motivé
d’abord par l’absence de mot équivalent en français, puis, par le paradoxe situationnel : la liberté escomptée par les Algériens et
l’appel à la prière imposé pendant le JT.
KD 50.1-« La terre est le bien «habous» de la Révolution, des Martyrs, donc du Pouvoir qui a libéré le pays selon sa
biographie. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD habous Arabe Emprunt substantif Entre guillemets Droit Ironie 1
50.1 institutionnel intégral guillemets musulman
268
« habous », en arabe « [ » الحبوسħabu:s] correspond à une législation du droit musulman concernant un bien foncier
(immobilier) qui ne peut être ni vendu ni cédé et dont les revenus vont à l’aumône ou bien dont l’usufruit peut être donné à une
personne de son choix. Son emploi ici est ironique car, le chroniqueur produit une métaphore entre le pays (Algérie) dont les
revenus sont partagés par les personnes au pouvoir légitimées par la participation (directe ou indirecte) à la révolution nationale.
KD50.2/50.3/50.4-« Ce n'est plus la terre du arch, de l'individu, de la zaouïa ou du bien wakf avec le titre de propriété que
donne la religion ou l'ancêtre. »
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Arch Arabe Emprunt substantif Aucun aucune religion Le mot juste 1
50.2 algérien intégral de
nécessité
50.3 Zaouïa Voir KD 20.1
50.4 Wakf Synonyme de Habous
« arch » « [» عرشʕar∫] fait référence à une communauté ayant le même ancêtre et unis autour des mêmes intérêts politiques et/ou
sociaux. « le ârch » était le mode de gestion de la communauté en Kabylie.
KD50.5-« Ce n'est pas pour rien que les islamistes du Fis ont commencé par les fameux «Soug Errahma», des sortes de marchés
de la charité, très populaires «où le pauvre pouvait acheter quoi manger».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Soug errahma Arabe Emprunt Syntagme Entre guillemets Politique ironie 1
50.5 algérien intégral de nominal guillemets sociale
nécessité
« soug errahma » [sug/arraħma] est un emprunt intégral fait à l’arabe algérien. Correspond en français à « marché de la
miséricorde ». Il désigne un marché où les prix sont bas de manière à ce que les plus pauvres puissent y faire leurs achats. Ce
269
type de marché parallèle a été initié dans les années 90 par l’ex FIS (parti islamistes dissous) pour gagner un électorat parmi la
frange la plus pauvre, qui est d’ailleurs la plus nombreuse en Algérie. Le chroniqueur explique la signification de cet emprunt. La
motivation de cet emploi est donc l’ironie.
KD51.1-« Les saisons du hadj algérien sont devenues de si grosses entreprises de désordre que le gouvernement pense à
quémander l'expérience iranienne pour s'en sortir.
« les saisons du Hadj » est un calque de l’arabe institutionnel [mawsim/al/ħaƷƷ] signifiant la période du pèlerinage correspondant
au mois Dhou el Hijja [đulħiƷƷa] du calendrier lunaire adopté par les musulmans pour la célébration de leurs rites.
KD 53.1- [A l’époque « chawarma », phase involutive de la phase KMS, elle-même phase conséquente de l’époque « garde
communal »… ]
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque Thématique Motivation Fréquen
transcodique prêteuse grammatica d’intégratio de ce
le n repérage
KD Chawarma Arabe Emprunt substantif Aucun guillemets Gastronomie stéréotype+ 3
52.1 algérien via intégral de ironie
l’arabe nécessité
oriental
« chawarma » [∫awarma] est un emprunt intégral fait au turc via l’arabe algérien. Il désigne une spécialité culinaire moyen-
orientale à base de viande ou de poulet épicés et grillés. Cet emprunt a complètement été intégré à l’arabe algérien depuis
l’apparition de la restauration rapide turque et syrienne il y a une dizaine d’années. Par l’emploi de cet emprunt très galvaudé, le
chroniqueur aspire à stéréotyper péjorativement les comportements des Algériens qu’il décrit comme une phase « involutive »,
morbide. Cette hyperbole introduit l’ironie cynique.
270
KD 53.6/53.7/53.8-« vouloir la beauté des femmes mais uniquement pour soi, vouloir les réponses en censurant les questions, un
visa à vingt ans, une Omra à trente, une Haddja à cinquante et plein d’arrières petits-fils nourris à la Chawarma en guise
d’identité ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Omra Arabe Emprunt substantif Aucun majuscule Religion Le mot juste 1
52.6 institutionnel intégral de + stéréotype
nécessité
« omra » en arabe « [ » عمرةʕomrα] est un emprunt intégral de nécessité. Il correspond à une visite optionnelle de la Mecque et
de Médine ( les lieux saints de l’islam) sans être pour autant le pèlerinage « Hajj » qui est un des cinq piliers de l’islam. Il n’ ya
aucune obligation pour les musulmans d’accomplir la « omra ». Son emploi est motivé par l’ironie. Le chroniqueur dénonce
l’islamisation des algériens qui n’ont d’autres rêves ou de projets que de se précipiter à la Mecque dès l’âge de trente ans. Le
chroniqueur est dans la caricature/ stéréotype de la société.
KD 56.1 « … fait par le lobby des anciens Moudjahidine, des martyrs, fils de Chahîd, et de toute cette caste qui a été doublée par
ses chefs ».
Ident Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquenc
transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage e
KD Chahîd Arabe Emprunt adjectif Aucun majuscule politique ironie 2
55.1 institutionnel intégral de
nécessité
« chahîd », «∫[ » شھيدahi:d] est un emprunt intégral facultatif. Il signifie « martyr ». Le chroniqueur a utilisé l’équivalent en
français juste avant d’employer l’emprunt pour faire référence à l’appellation exacte de l’ONEC (Organisation Nationale des
Enfants de Chahid). On voit que même dans la dénomination de cette organisation, il y a un mélange des deux langues : arabe
institutionnel et français, car, « CHAHID » est religieusement connoté : est chahid celui qui est tombé en martyr pour l’islam et
la Patrie musulmane.le chroniqueur ironise le nombre et les compare à une caste.
271
KD57.2-« On ne sait pas si l’info est un canular ou une vérité : la création d’un nouveau parti du nom d’El-Mourabitoun (…) il
s’agit d’une dynastie qui domina l’Espagne et l’Afrique du Nord, fondée par des tribus berbères sahariennes, nomades (…) »
« el mourabitoun », en arabe « [ » المرابطونalmurabitˁun] est un emprunt intégral facultatif, correspondant aux « Almoravides »
en français. Son emploi est motivé par le report de la dénomination exacte du parti créé. Néanmoins, derrière cette dénomination
il y a une connotation religieuse et pas seulement historique, car, les Almoravides étaient rigoristes et prônaient l’unification du
grand Maghreb musulman et d’y inclure l’Andalousie par la guerre sainte « le djihad ». L’ironie est introduite par cette analogie
décalée entre les vrais « El-Mourabitoun » du moyen-âge et le parti politique du même nom créé au XXIe siècle.
KD 57.3-« d’un savant importé de l’Arabie Saoudite d’aujourd’hui, avec le même schéma de maquis, « couvents », ribats, sorte
de caserne religieuses ».
272
KD 57.5-« Rien n’interdit en effet de créer un parti du nom d’El Mourabitoun ou d’El Mouwahidoun. »
KD 57.6-« un royaume à Tlemcen, un autre à Tiaret (vif intérêt possible de Belkhadem, Belkheir ou Hadjar), un beylicat à
Constantine (Betchine ?)… »
KD 57.7-« on continuera ce chemin qui monte, jusqu’à la conquête de l’Espagne par les harragas andalous, (…) »
38
Dictionnaire Larousse en ligne. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/extrapolation/32473
273
« harraga » [ħarraga], pluriel de « harrag » signifiant intégralement « brûleur » est un emprunt intégral à l’arabe algérien. Il
correspondait au départ à des émigrés clandestins qui brûlaient leurs papiers d’identité une fois arrivés sur le sol étranger
(clandestinement ou pas) pour ne pas être identifiés et expulsés vers leur pays d’origine (lorsque le titre de séjour a expiré).
Actuellement, il correspond à une forme d’immigration de masse, entreprise par les habitants du Sud de la méditerranée via des
embarcations de fortune vers les pays du Nord de la méditerranée. L’emprunt est utilisé pour l’effet ludique que produit cette
analogie lorsque la traversée est dans le sens inverse.
KD 59.1/59.2–« le Maghreb a toujours été le Maghreb du Machrek ».
« Maghreb », en arabe « [» مغربmaɣrib] est un emprunt intégral de nécessité. Il sert à désigner les pays d’Afrique du Nord :
Maroc, Algérie, Tunisie. « le maghreb » est complètement intégré dans le système linguistique français. Mais, « Maghreb » ici
est un complément du nom qui, pris tout seul, na correspond à rien. Pour le chroniqueur, c’est une « géographie secondaire ».
« Machrek », en arabe « [ » المشرقma∫riq] est un emprunt intégral facultatif. Il signifie « Moyen- Orient ».Le « machrek » est
pour le chroniqueur la référence géographique sur la base de laquelle le « maghreb » existe. Le « maghreb du Machrek ».
KD 59.4/ 59.5/ 59.6-« Bush a voulu tuer les islamistes, il a fini par les multiplier et les diversifier : maintenant on a les chiites,
les sunnites, les Qaïda… »
274
« chiites » voir KD 13.6
« sunnites », en arabe « » ُسنﱢ ﱞيest un emprunt adapté au système linguistique français par la suffixation en ITE du nom
« Sunna », en arabe « » السنة النبوية. Cette forme adjectivale signifie « partisan de la Sunna39 » ; Son emploi est justifié par le mot
juste.
39
La Sunna est l’ensemble des actes, paroles, habitudes du prophète Mohamed dans la tradition musulmane. Elle complète le Coran chez les musulmans
orthodoxes qui la considèrent comme référence secondaire après le Coran.
275
4.2- Analyse quantitative
a)-Langues des emprunts
langues des emprunts Le dépouillement a révélé que la
arabe langue la plus empruntée par
institutionnel Kamel Daoud est l’arabe
institutionnel avec 53 emprunts
arabe algérien
sur 75, soit une proportion de
72%. L’arabe algérien quant à
syrien lui, est utilisé à hauteur de 27%
avec 20 items et un seul en
syrien.
b)-Typologie des emprunts
typologie des emprunts
Les emprunts intégraux sont
dominants chez Kamel Daoud
avec 57 emprunts, ce qui
intégral correspond à 76%, contre 13
adapté
calque
empriunts adaptés (hybrides),
soit 17% et 5 calques, soit une
proportion de 7%.
c)-Nécessité de l’emprunt
nécessité de l'emprunt
63 emprunts sont nécessaires,
soit, 84% de la totalité des
nécessaires
emprunts contre 12 facultatifs,
soit, 16% .
facultatif
276
d)-Nature grammaticale des emprunts
Au total, 37 emprunts sur les
nature grammaticale substantif
75 sont des substantifs, ce qui
nom d'agent/nom correspond à 49% contre 17
propre qui sont des noms d’agents
adjectif c'est-à-dire 23% et 15
adjectifs, soit, 20%. 5
syntagmes emprunts sont des syntagmes
(verbaux ou nominaux), ce qui
verbe correspond à 7% de la totalité
des emprunts.
277
g)-Motivation de l’emprunt
278
5-Analyse de l’alternance codique chez Kamel Daoud
5.1-Analyse qualitative
La deuxième phrasde de cet extrait ( la première a été analysé avec les emprunts en KD 1.2)
est produite dans une alternance codique intraphrasqtique Français/arabe institutionnel,
repérée par la majuscule.« injazates »[inƷāzāt] en arabe, « » انجازاتqui signifie
« réalisations ». la fonction est la réitération. Le choix de l’emploi de l’arabe est motivé par la
reformulation dans la gradation ascendante qui produit un effet ironique : Injazates,
réalisations, travaux d’Hercule, triomphes.
L’emploi de la phrase avec ces deux termes juxtaposés donne lieu à une alternance codique
extraphrastique français/arbe institutionnel ;« haram », « [ » حرامħαrām] signifie « illicite »
ou « interdit » par les préceptes de l’islam : « c’est péché ». Son emploi a une fonction
référentielle, la connotation qu’il comporte et qui va produire un effet ironique : ce qui est
« haram » devrait être, en principe connu et immuable puisque édicté par le coran. Mais,
justement, en Algérie, le nombre de choses devenues « haram » s’accroît, comme si le coran
changeait. L’ironie est introduite par cette notion de « colonne » bipolaire.
KD10.12 -« On ne reprochera pas à Belkhadem, l’ancien Premier ministre son sport favori
qui consiste à distribuer des passeports de Hadj, car, c’est hallal… »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel dont la fonction est référentielle. « haddj » en arabe [ħaƷƷ] signifie « le
pèlerinage » Il s’agit du 5e pilier de l’islam. Son emploi est justifié par les sous-entendus qu’il
comporte : En Algérie, le pèlerinage est soumis à un rationnement (imposé par l’Arabie
Saoudite), ce qui a pour conséquence de favoriser la spéculation autour des passeports de
Hadj. Cette situation elle-même est paradoxale (d’où l’ironie) et contraire à l’islam qui
interdit ce genre de pratiques spéculatives.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel dont la fonction est référentielle. « Errissala », « » الرسالةsignifie « la lettre »
ou le « message ». « Errissala » est employé ici en clin d’œil amusé et ironique à un film
culte tourné en 1976 du même nom qui raconte l’avènement de l’Islam. Ce film est
régulièrement diffusé, (depuis au moins 35 ans) sur les chaînes TV algériennes à chaque fête
religieuse.
279
KD 12.5 –« détestable Jahiliya qui a ce don de revenir en cycle dans ce monde dit
« arabe »… »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel. Sa fonction est référentielle « Jahiliya », « [ »جاھليةƷāhilijja] correspond à
« période antéislamique ». Son emploi ironique est motivé par la connotation que comporte
ce terme par rapport à son équivalent en français qui est dénoté, presque
« scientifique ». « Jahiliya » est la substantif du verbe « jahala » signifiant « ignore », la
jahiliya est donc l’Etat de grande ignorance de l’Homme, que l’Islam va « éclairer ». L’ironie
est aussi produite par le fait que le chroniqueur désigne le présent comme étant « jahiliya » du
fait l’état actuel des mentalités inquisitrices
KD 13.2-« le loisir par exemple redevient une préoccupation alors qu’il se limitait aux
folklores saisonniers de la « culture Nationale » puritaine (Ettakafa El wataniya) ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe
institutionnel. Sa fonction est la citation qui permet une disctanciation au chroniqueur.
« Ettakafa El wataniya », « [ » الثقافة الوطنيةaθαqafa/alwatˁanijja] correspond à « la culture
patriotique ». Ce syntagme est employé dans un procédé de traduction pour parodier le
discours politique patriotique. L’ironie est produite par la juxtaposition des paradoxes :
(folklores saisonniers/ ettakafa el wataniya)
KD 14.2- « ceux qui ne sont pas avec eux, sont des impies, des kouffar, des sionistes, des
traîtres, des infiltrés ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel. Sa focntion est la réitération. « kouffar », « [ » كفارkuffār] est le pluriel de
« kafer » qui signifie « impie ». Tous ceux qui ne sont pas « islamistes » sont « kouffar »
l’accumulation par le reformulation réalisée par le chroniqueur décrit les amalgames
obsessionnels des islamistes : les Autres ( ceux qui ne sont pas avec nous)=impies, =
kouffar= traîtres=sionistes= infiltrés.Son emploi est aussi motivé par la connotation qu’il
comporte : « kouffar » renvoie à la période des premières conquêtes islamiques.
KD 15.7-« Dénoncer l’islamophobie est à encourager, c’est légitime et cela est de bonne
guerre. Mais, écrire ce qui précède est signe que vous êtes pro-occidental, pro-juif, contre
l’Islam, Allah, la Palestine et la nation. Et, que vous voulez la bénédiction des Ennassara, des
juifs ou des prix et des distinctions ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel dont la focntion est réfrentielle. D’abord, le chroniqueur choisit d’employer
Allah car leEmploi du mot Dieu (même avec la première lettre en majuscule) n’aurait pas
280
suffi à représenter le Dieu de l’Islam, ALLAH. Dieu est un mot dénoté. Il peut tout aussi bien
renvoyer aux chrétiens qu’aux juifs.
KD 16.6-« le monde n’est plus un monde pour tous, mais le terrain violent d’un partage :
Dar el islam et le désert des incroyances ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique interphrastique arbe institutionnel/
français dont la fonction est référentielle.
Dar el kufr est l’autre territoire qui n’est pas géré par des musulmans mais par des
« incroyants » qui ne croient pas en « Allah » et son messager et par conséquent, où les
préceptes de l’islam ne sont pas respectés. L’installation des musulmans dans ces territoires
est soumise à certaines conditions impérieuses.
L’emploi ici de cette description réductrice est ironique car elle vise la reproduction du
stéréotype « qui dénonce un figement au niveau de la pensée ou de l’expression (…) les
stéréotypes sont des images toutes faites qui médiatisent le rapport de l’individu au réel. La
psychologie sociale et la sociologie y ont vu des représentations collectives figées, des
croyances préconçues souvent nocives concernant des groupes ou des individus »40comme
l’expliquent Charaudeau et Mingueneau.
40
Extrait du « Dictionnaire de l’analyse du discours » de Partick Charaudeau et Dominique Maingueneau, éd
Seuil, Mesnil‐sur –L’estrée, 2002, p 544.
281
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien.
Il s’agit d’un discours rapporté intégralement. La focntion est le discours rapporté qui permet
au chroniqueur la disctanciation« f’haymiya », « [» فھايميةfhājmijja] est employé pour décrire
une personne qui cherche trop à comprendre. « f’hama » signifie en arabe algérien
«l’intelligence ou la compréhension » Il peut être traduit aussi par intello, « poseuse » (
notion d’excès) de questions comme l’écrit le chroniqueur lui-même pour expliquer ce mot
qu’il a choisi de reprendre intégralement, entre guillemets, car il s’agit d’un discours
rapporté. L’ironie est produite ici par la juxtaposition des paradoxes : f’haymiya/sans
réponses.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel dont la focntion est la réitération.« Houkouma », « [»حكومةħuku:mα] signifie
« gouvernement » D’ailleurs, le chroniqueur appose trois synonymes à cet emprunt :
gouvernement, Etat, Pouvoir. Ce qui prouve bien que le recours à ce lexème dans une langue
autre que le français est volontaire et non pas nécessaire. Seul la connotation peut justifier ce
recours à « houkouma » : pouvoir, abus de pouvoir, régime militaire, répression…le même
procédé est appliqué pour « Châabi », « ∫[ » شعبيαʕbi] qui constitue une alternance codique
avec l’arabe algérien et qui désigne une personne du peuple. il est un adjectif signifiant
« populaire ». le chroniqueur procède de la même manière que le premier en y apposant une
traduction en français : le peuple, le civil, le plébéien.
Ces deux marques sont utilisées de la même manière, apposés à trois synonymes en français
dans une sorte d’accumulation opposées, voire, paradoxales, surtout les derniers mots :
Pouvoir/plébéien. Le chroniqueur produit ainsi l’ironie par le biais d’une hyperbole : une
« amplification à l’extrême » comme il l’annonce lui-même.
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel dont la fonction est référentielle. « hizb », « [ » حزبħizb] signifie « parti ». Le
choix du recours de l’arabe peut-être motivé par la volonté de railler les politiciens algériens
qui « s’arabisent » dès qu’ils veulent faire de la politique, car soumis à une politique
linguistique qui ne reconnait que l’arabe institutionnel comme langue de communication, et,
n’échappent pas à la stigmatisation des « francophones, francophiles » dès lors qu’ils ne
parlent pas en arabe institutionnel. Cette explication est confirmée par la phrase introductive
du chroniqueur : [lire l’actualité des pays « arabes »] je constate que le mot « arabes » est mis
entre guillemets car, sujet à controverse. La motivation est l’ironie
282
« Nour » est le nom dudit parti41. « nour » signifie en français « lumière ».
KD 25.3/25.5-« l’émergence du califat ne peut aller sans un remake de la fitna : c’est dans le
sang et l’histoire ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel a une fonction référentielle. D’un point de vue purement linguistique, « fitna »
« [» فتنةfitnα] est le substantif du verbe « fatana » qui signifie en arabe institutionnel « mis à
l’épreuve ». Ce mot est polysémique mais a toujours une connotation religieuse. De manière
générale, « fitna » est employé chez les musulmans pour désigner la source de tous les maux,
sujets qui peuvent engendrer la dispute, la guerre, faire couler le sang: l’argent est une
« fitna », la femme, le regard, la liberté, l’injustice, …sont des « fitna ». l’usage de ce lexème
est motivé par la continuité du champ lexico-sémantique de « califat » : les deux notions
appartiennent à un temps révolu, d’un point de vue diachronique, mais, les salafistes veulent
les actualiser.
KD 29.3-« Que croire quand on voit un leader remercier EL fakhama, appeler les Algériens
à voter mais s’écraser comme des insectes… »
KD 34.1-« Il faut parler l'algérien pour peser la lourde connivence entre les mots «harraga» et
«n'hrag». Le premier veut dire immigration clandestine, le second, immolation par le feu. Les
deux veulent dire «feu», brûler, brûlure »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien.
Cette alternance a une fonction métalinguistique. Le chroniqueur explique qu’il est nécessaire
de parler algérien pour en comprendre les nuances. « n’hrag »[naħræg] est la forme verbale à
la première personne du singulier.Iic, le chroniqueur profite de son bilinguisme pour
expliquer les subtilités de la langue et la polysémie du mot.
41
Le parti Egyptien « hizb El Nour » est un parti politique fondé en 2011, après la chute de Moubarak,. Parti
d’obédience islamiste, wahabiste soutenu financièrement par l’Arabie Saoudite et qui a concurrencé les frères
musulmans (Parti aux allures modernistes) selon El Nour.
283
KD 38.1- « Et c'est ce qui donne cette immense émotion aux cris des Syriens, que l'on peut
voir sur internet, demandant simplement cette chose qui ressemble comme une goutte d'eau à
l‘amour et qui est destinée à tous et pas seulement à une personne: la Liberté. Houria. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique interphrastique français/arabe
institutionnel. Sa fonction est la réitération. « houria » [ħurrijja] signifie liberté. Le
chroniqueur utilise ce lexème arabe dans un procédé de reformulation. La motivation ne peut
être que connotative.
KD 39.1-[ lors des cycles du CNCD, l’ENTV a montré des riverains « dérangés », des
commerçants qui demandent aux grévistes d’aller ailleurs et des jeunes de la Houma
expliquer qu’ils n’aiment pas les noirs et les arabes ou presque].
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel dont la fonction est la citation qui permet la distanciation au chroniqueur( ce
sont les autres qui le disent). « Houma » ou « el houma », « [ » الحومةalħu:ma] signifie « le
quartier » En Algérie, l’identification d’une personne passe aussi par l’appartenance à un
même espace occupé : le même quartier, en l’occurrence. Mais, en français, « quartier »
demeure dénoté, juste une référence spatiale, tandis qu’en arabe algérien, (algérois surtout) il
est aussi signe d’affection lorsqu’on désigne une personne par « oueld el houma=foils du
quartier) ou bien (bent el houma= fille du quartier) à qui on doit respect et protection.La
motivation est la connotation.
KD 45.3-« Le chroniqueur a encore dans les oreilles cette voix caverneuse du communiqué,
défilant sur l'écran de l'ENTV, lu avec la gravité d'un film d'horreur et qui commence par ce
mot affreux : «Balagh», «Communiqué n°…», sur le mode stalinien et avec la langue des
guerres perdues de Abd Nasser. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe
institutionnel dont la fonction est le discours rapporté. « balagh »[balāɣ] correspond à
« communiqué » que le chroniqueur reprend immédiatement après. La motivation de cet
emploi est ironique car elle renvoie chez les téléspectateurs algériens une image rigoriste
(stalinien) du message institutionnalisé par la télévision algérienne arabisée (AbdNasser) par
le mythe du panarabisme.
KD 47.2-« Kanoun contre Boukanoune. En langue algérienne, kanoun veut dire âtre, foyer de
feu, marmite, mais aussi la «Loi».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
dont la focntion est métalinguistique puisque le chroniqueur explique la polysémie du
mot.« kanoun » [alkānu:n] correspond à « braséro ». Son emploi retranscrit en caractères
latins dans cette chronique se veut polysémique : « la loi » + « réchaud » sauf qu’en réalité,
284
ces deux mots ne se prononcent pas de la même manière : pour « la loi » [alqānu:n] et
[alkānun] pour « réchaud ou braséro » comme l’explique d’ailleurs le chroniqueur lui même.
Son emploi peut être justifié par l’aspect ludique du jeu de mots avec le nom de la ville où se
passe l’incident, la ville de Boukanoun.
KD 54.1- [l’espace national est toujours habité par trois personnages : « moi », « les autres »,
« Edawla »].
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe
institutionnel, sa fonction est référentielle. « edawla », «[ » الدولةaddawla] signifie «l’Etat »..
« edawla » est chargé de référents pour les Algériens. Par exemple, pour ceux de plus de
quarante ans, « edawla » est un clin d’œil au président Zeroual qui avait une manière
particulière de prononcer ce mot en hochant la tête. Pour les autres, plus jeunes, il renvoie à
une entité répressive, « toute puissance ». le chroniqueur emploie ici une figure d’analogie
qui est la personnification : il prête à « Edawla » des traits d’un personnage à des fins
ironiques. Par eilleurs, je suis tentée d’émettre l’hypothèse qu’il y a un clin d’œil à la
tryptique « Dieu-les autres et moi ». Son emploi ici est motivé par la connotation qu’il
comporte.
KD 55.8-« Qu’est-ce qui s’est passé ? Beaucoup de choses. D’abord la fallaka électorale : les
Algériens ont compris, à coup de bâtons, qu’il ne faut plus jamais voter dans ce sens ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutitonnel, sa fonction est référentielle. « la fallaka », en arabe « [ » الفلقةalfalaqa], est
extrait de « falaq » qui signifie « fente ». « la fallaka » correspond à un mode de supplice qui
consiste à infliger des coups de bâtons, cravache, ou autre sur la plante des pieds pendant que
les jambes sont immobilisées. Son emploi ici est motivé par l’humour et la connotation
religieuse 42que comporte ce mot par allusion à « la raclée » de l’ex FIS et les conséquences
de son élection.
KD 56.5-[Une belle réponse envoyée par un ami au chroniqueur suite à la dernière élection :
« je pense que notre « société » a été tétanisée, meshoura pour rester dans les catégories
adéquates et ses leaders politiques pseudo-modernistes et ses élites « khobziztes » le sont
encore davantage],
42
En islam, il est toléré de punir, ou « corriger » son épouse lorsque le mari estime qu’elle l’a mérité, sauf qu’il
est conseillé de ne pas la défigurer. Cela étant, le choix de lui infliger des coups sur cette partie du corps que
sont la plante des pieds constitue une punition « bienveillante ».
285
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien
dont la fonction est le disocurs rapporté.« meshoura », « [ » مسحورةmasħu:ra] signifie
« ensorcelée » Son emploi ici est motivé d’abord par la volonté de rapporter fidèlement un
discours, ensuite par l’effet ludique de son emploi an arabe algérien, compte tenu des
croyances et des superstitions collectives où la sorcellerie occupe une place très importante.
Par ailleurs, « khobziste » qui est un emprunt néologique est également considéré comme un
mot appartenant à l’arabe algérien, même s’il a été adpaté au système français par la
suffixation en ISTE (KHOBZ + ISTE) « khobz » signifie en français « pain ». Il signifie en
français « opportuniste ».
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel dont la fonction est référentielle. « Alam el Mithal »43, « عالم المثال
»[ʕālam/almiθāl], est un syntagme nominal qui désigne à un monde mystique, spirituel qui
est parallèle au monde matériel, le nôtre. Son utilisation sert la coninuation de l’analogie
hyperbolique entre le pays de T’chekoupi ( analysé avec les expressions idiomatiques) qui est
l’Algérie et ce « Alam el mithal » où il n’ ya aucune limitation, qui produit un effet ironique
a)-langues alternées :
langues alternées L’alternance français/arabe
institutionnel est prédominante avec
18 segments, ce qui représente 78%
Fr/arabe
de la totalité des alternances contre
instit
F/arabe alg 5 segments où l’alternance se
produit entre le français et l’arabe
algérien, soit, 22%.
« Alam el mithal » ou « » عالم المثالen arabe, « il existe un monde pourvu de dimension et d’étendue,
43
autre que le nôtre et celui du plérôme des intelligences, ne te hâte pas de crier au scandale. Ces cités
mystiques parmi lesquelles le prophète a lui‐même nommé Jabalqa et Jabarsa, existent bel et bien. Il
arrive aux pèlerins de l’esprit de contempler ce monde; ils y trouvent tout ce qui est l’objet de leurs désirs
sans effort ni déplacement.". Sohrawardi définit cette terre du ‘Âlam el mithâl, comme terre du symbole et
des correspondances, le lieu des images en suspens. Henry Corbin, le traducteur de ses textes, lui donne
comme nom l’expression latine "mundus imaginalis". Lien :
http://www.soufismemaroc.com/alamelmithal‐connaissanceactive.html
286
b)-Formes d’alternance codique
formes d'AC 65% des alternances sont
intraphrastiques, contre 26%
intraphrastique
d’extraphrastiques et seulement 9%
extraphrastique d’interphrastiques
interphrastique
La fonction la plus redondante est la
fonctions de l'AC référentielle à hauteur de 48% suivie
référentielle de la focntion de citation et disocurs
qui représente 26% ainsi que celle de
disocurs/citation
la réitération qui représente 22%. La
métaling dernière fonction est
métalinguistique qui représente 4%
réitération
de la totalité des alternances
codiques.
17 alternances condiques ont
motivations été produites à des fins
ironie ironiques, soit, 74%, contre 3
alternances motivées par
humour l’humour, soit 13% et 13%
également pour la connotation
connotation
287
6-Analyse qualitative des expressions idiomatiques chez Kamel Daoud
6.1-Analyse qualitative
a)-Expressions intégrales :
KD 4.3/ 4.4-« Certains chantaient la Palestine, d’autres Allah Ouakbar, d’autres encore Bab
El Oued Echouhada… »
« Allah Ouakbar », intégralement, « Allah est le plus grand » est une expression
religieusement connotée. Cette expression est très répandue dans la langue courante. Elle est
employée pour exprimer sa soumission a Dieu (Allah) face à la fatalité. Les supporters de
football ont repris ce slogan religieux pour exprimer la force de leur équipe favorite et la
volonté de Dieu devant ses exploits.Son emploi ici entre dans le cadre d’un discours rapporté.
Il s’agit de la chanson.
« Bab El Oued Echouhada », traduit par « Bab El Oued les Martyrs » est un slogan scandé
par les supporters de l’équipe du MCA ( Mouloudia Club d’Alger) dont Bab El Oued est le
fief. Le quartier de Bab El Oued a souvent été le bastion de la rébellion et les habitants se
disent « insoumis, indomptables ». Ce slogan, qui est en réalité un cri de colère, est né après
un épisode douloureux de ce quartier populaire d’Alger : le soulèvement du 05 Octobre 1988
au cours duquel des centaines de jeunes gens ont été tués par les forces de l’ordre dans un
contre-mouvement de répression. « Chouhada » est devenu le symbole de la mal- vie, victime
d’une mauvaise gouvernance (chômage, crise de logement, drogue, harga…) et pas seulement
le « martyr ». Son emploi ici est motivé par l’intitulé de la chanson.
« Tab jnanou », [tˁāb/Ʒnānu] intégralement traduit « (les fruits de) son jardin est (sont) mûr
(s) ». Cette expression de l’arabe algérien se dit d’une vieille personne qui est fatiguée dont
les stigmates de l’âge et de la vieillesse apparaissent. Cette expression a été reprise par
Bouteflika lors d’un meeting à Setif en 2011 laissant penser qu’il se sentait fatigué et qu’il ne
se représenterait pas aux élections de 2014. Depuis cette date, cette expression est devenue le
surnom de Bouteflika. Son emploi ici est ironique, car, bien que signifiant la fin de vie et la
volonté de quitter le pouvoir, cette expression est à l’opposé des actes de Bouteflika.
288
KD 30.1-« Chez nous, le régime dit qu’il veut deux ans, changer la Constitution comme il
veut et sélectionner qui il veut dans le cadre Hadj moussa/Moussa Hadj. »
« El Hadj Moussa/Moussa El hadj » est une expression en arabe algérien qui consiste en la
permutation des deux mots. Elle signifie que même si les choses sont présentées
différemment, même si les versions ont l’air différentes, même si les appellations semblent
différentes, le résultat est le même El hadj Moussa= Moussa El Hadj. C’est l’équivalent en
français de « Blanc bonnet et bonnet blanc ». L’emploi de cette expression est ironique et
dénonce les stratégies toujours prévisibles du gouvernement.
« T’chekoupi » écrit aussi « chkoubi, chkoupi » [t∫kuppi] est une expression de l’arabe
algérien. Ce serait une expression propre aux marins, « chkoubi » étant une mauvaise algue
marine. Les mauvais jours, lorsque les pêcheurs ne remontent rien dans leurs filets, ils disent
qu’il n’ya que les algues et l’écume, « chkoupi we r’ghawi » t∫kuppi/warrɣawi]. Cette
expression péjorative signifie dans le parler algérien « qui n’a aucune valeur ». Ce mot est
devenu un peu passe partout et polysémique : foireux, merdique, dégoutant. Le chroniqueur
explique qu’il s’agit d’un mot algérien et le définit ironiquement comme étant « un
croisement entre un jeu de dés et d’un piège à rats » : le hasard et le traquenard, on n’échappe
pas à tous les deux. Le pays de t’chekoupi c’est l’Algérie, le pays qui n’obéit à aucune
logique, seuls le hasard et les traquenards sont lois.
289
pouvoir, lorsque la justice sociale est inexistante. La loi de la jungle où, le plus fort impose
ses règles. La motivation de cet emploi est ironique
KD6.4-« Sans issue, la mer est derrière nous et l'ennemi est en nous. »
La légende veut que ’expression d’origine soit attribuée à Tariq Ibn Ziyad qui l’aurait
employée en s’adressant à ses soldats en arrivant en terre ibérique. Face à leur hésitation
d’aller de l’avant, ledit commandant des troupes aurait prononcé cette phrase enseignée à
l’école. L’enseignement nous rapporte donc ce discours en langue arabe classique. Or, Tariq
Ibn Ziyad était berbère et à la tète d’une armée de soldats berbères. La langue prêteuse reste,
par conséquent, mystérieuse. Néanmoins, cette phrase appartient au patrimoine culturel
algérien et ce détournement est ironique dans la mesure où, l’ennemi n’est plus devant nous,
mais, en nous.
KD 8.5-« C'est la vieille peur algérienne exprimée dans le conte de «la vache des orphelins».
« Personne n’entre dans la tombe de l’autre » est un calque inversé de l’expression en arabe
algérien « [ » كل واحد يدخل في قبرهkul/waħad/jadxul/fi/qabru] signifiant « chacun entre dans sa
propre tombe » Cette formule, religieusement connotée signifie que chacun sera seul pour
affronter le jour du jugement d’Allah et qu’il ne peut se substituer à quelqu’un d’autre pour
fuir le châtiment divin, que chacun recevra les sanctions selon ses actes. Mais, de manière
44
Il s’agit d’une vache qu’une mère décédée a légué à ses deux enfants en bas âge pour assurer leur
subsistance. Mais, la marâtre, jalouse de la bonne santé des deux enfants, alors que son enfant à elle était
chétive, employa plusieurs stratagèmes pour se débarrasser de cette vache qu’elle finit par faire vendre par
son mari dépité. Mais, voilà qu’un palmier surgit de la tombe de leur mère et leur offre des dattes. La marâtre
qui les épie s’en aperçoit et le fit arracher. Après une série de péripéties, les deux enfants décident de s’enfuir.
Dans leur fuite, le frère boit à une source maléfique et se voit transformé en faon. Puis, un jour, un beau jeune
homme fortuné croisa leur chemin et fur épris par la fille qu’il décida d’épouser.
290
courante, elle se dit pour interdire de porter des jugements sur autrui « que chacun s’occupe
de ses oignons ». le chroniqueur énonce qu’il s’agit bien d’une phrase de « chez nous », donc
en « algérien » qu’il a traduit intégralement en français, langue de la chronique. Le
chroniqueur marque son appartenance. Son emploi est motivé par l’humour, l’empathie et la
connivence.
KD 34.5-« Le match est nul avec beaucoup de morts de 1990 à 2000, quelques mangeurs de
ramadhan arrêtés l’année dernière, la cas Habiba, la convertie de Tiaret… »
KD 37.2-« Aucune fable ancienne ne raconte le cas de rencontre entre la corne d'abondance
et la casserole trouée. »
KD 42.1-« Quand le taureau qui a libéré le pays tomba de fatigue après l'indépendance, des
égorgeurs, nés d'un proverbe certifié, ont surgi . »
291
Cette expression est la traduction intégrale de l’expression « quand la vache tombe, ses
égorgeurs deviennent nombreux » [min/albagra/tˁtˁiħ/jaketru/xdamāha] ce qui signifie :
lorsque la personne qui était autrefois forte, s’affaiblit, tout le monde se permet de l’attaquer.
C’est à peu ^près l’équivalent de l’expression « tirer sur le corbillard » en français.
Cette phrase est la traduction erronée d’un hadith qui cite la Chine et non l’Inde. En arabe
institutionnel « [ » اطلبوا العلم ولو في الصينutˁlubu/lʕilma/walaw/fisˁsˁi :n].L’effet escompté était
l’ironie car le chroniqueur oppose la viande indienne importée par le gouvernement pendant
le mois de ramadhan depuis quelques années à (au lieu) l’importation du savoir préconisé par
l’islam.
KD 52.3-« Pour le moment, la mode est celle de l'indignation dite religieuse : qu'on nous
enlève les pantalons mais qu'on ne touche pas à nos barbes ni à nos voiles. »
6.2-Analyse quantitative
292
Emploi des expressions
Sur les 16 expressions
idiomatiques par nature
idiomatiques relevées,
11 sont icalquées, soit
73%, contre 5
exp calquées expressions intégrales,
exp intégrales soit, 27%.
b)-Langues prêteuses
motivations L’ironie et l’humour sont les
motivations principales de ces
humour expressions idiomatiques, avec,
respectivement, 6 et 5
ironie emprunts, soit, 38% et 31%.
Vient ensuite le clin d’œil
discours ironique avec 3 expressions ,
soit, 19% et 2 expressions
clin d'œil motivées par le discours
ironique rapporté, soit, 13%.
Au total, j’ai relevé chez Kamel Daoud 114 marques transcodiques (75 emprunts et 23
phrases produites dans des alternances codiques et 16 expressions idiomatiques) . Parmi ces
293
marques, 33 sont récurrentes et n’ont été analysées qu’une seule fois afin d’éviter la
saturation du corpus.
N° marque fréquence
1 Islamiste 18x
2 Fatwa 10x
3 Hallal 10x
4 Haram 10x
5 Imam 6x
6 Zaouia 5x
7 wali 5x
8 Califat 5x
9 Haïk 4x
10 Cheikh 4x
11 Burnous 4x
12 El Hedj 3x
13 djihadistes 3x
14 Moukhabarate 3x
15 Kamis 3x
16 Emir 3x
17 Hidjab 3x
18 Errissala 3x
19 Chariâa 3x
20 Mufti 3x
21 El hadj 2x
22 Foutouhate 2x
23 Ennehar 2x
24 Hadith 2x
25 Koreïchite 2x
26 Wahabite 2x
27 Kasma 2x
28 Islamisme 2x
29 Wilaya 2x
30 Fitna 2x
31 Calife 2x
32 Chouhada 2x
33 Adhan 2x
294
Corpus de Saïd MEKBEL
7-Analyse des emprunts
7.1-Analyse qualitative
SM 2.2-« (…) les voilà, en quelques jours propulsés dans les sphères les plus hautes. Pour quels mérites ? Un, pour avoir laissé la
barbe, deux porté la djellaba, trois pris la carte du FIS, … »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM 2.2 djellaba Arabe Emprunt subst Aucun aucune habillement ironie 1
algérien intégral de
nécessité
SM 3.2-« Cher Cheikh du FIS, vous n'avez pas été bien inspiré en nous conseillant de nous préparer à changer nos habitudes
vestimentaires et alimentaires. »
SM 3.3-« . Pour commencer, n'étant pas de vos partisans, nous ne voyons vraiment aucune raison de le devenir, n'ayant pas cette
habitude de manger à tous les râteliers, ni même celle de retourner notre veste surtout pour la transformer en kamis. »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM 3.3 Kamis Arabe Emprunt substantif Aucun aucune habillement ironie 1
295
institutionnel intégral de
nécessité
« kamis » voir KD 6.3
SM 4.3-« La sentence leur est venue de l’un des plus grands parmi les Oulamas de ce pays, puisqu’il s’agit de monsieur
Belkhadem… »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM 4.3 Les oulamas Arabe Emprunt Nom Flexion majuscule Religieux/poli Humour + 1
institutionnel intégral tique ironie
facultatif
« Oulamas »,ou bien « Oulémas » [ʕulāma] de l’arabe institutionnel, « [» علماءʕulamāʹ] est un emprunt intégral à l’arabe
institutionnel où ce mot subit une apocope de la dernière lettre [.]. Il signifie de manière générale « savants », mais, il peut aussi
désigner, de manière particulière, « spécialistes de l’islam », en référence à l'Association des Oulémas musulmans algériens
( ) جمعية العلماء لمسلمين45. Son emploi est motivé par l’ironie produite par l’antiphrase : Belkhadem (n’est pas) est un des plus grands
parmi les Oulamas de ce pays.
SM 5.3-« . Mais voilà que l'homme prend autre allure et se révèle mieux sous cette kachabia brune de laine épaisse qu'il a dû
aujourd'hui enfiler pour se protéger du froid et de la pluie (…) »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM 5.3 Kachabia Arabe Emprunt substantif aucun aucune Vestimentaire Le mot juste 2
algérien intégral de
nécessité
« kachabia » [qa∫∫abijja] est un emprunt intégral à l’arabe algérien. Il s’agit de la désignation d’une tenue vestimentaire
masculine, hivernale, tissée dans du poil de chameau, de couleur brune. C’est un vêtement typique des Hauts-Plateaux où les
45
Association des Oulama Musulmans Algériens (الجزائريين )جمعية العلماء لمسلمين est un mouvement associatif historique fondé en 1931 à Constantine,
influencé par le mouvement réformiste des frères musulmans du moyen‐ Orient. Sa devise : l’islam est notre religion, l’arabe est notre langue et l’Algérie
est notre pays ».
296
hivers sont rudes. « Kechabia » ou « djellaba » est le terme donné à ce vêtement traditionnel selon les régions.Il s’agit du mot
juste.
SM 5.6-« En cachant son kamis sous une kachabia, Abassi est allé de l'auteur de la tribune : dans le premier siège, au nom de la
religion, il a miné la foi des citoyens ; au second, au nom du jihad, il veut maintenant ruiner leur civisme. »
Marque Langue Typologie Nature Procédé Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration
SM 5.6 Jihad Arabe Emprunt substantif aucun Politique/relig Le mot juste 1
institutionnel intégral de ion
nécessité
- « Kamis » voir SM 3.3
- « Kachabia » voir SM 5.3
« Jihad », « , »[Ʒihād] est un emprunt intégral de nécessité. Il correspond à « guerre sainte ». Son emploi est motivé par la
connotation religieuse qu’il comporte, contrairement à « guerre » qui est dénoté.
SM 6.2-« gueule d'enterrement faisait hier ce premier jour de l’Aïd el fitr ! Alger, le matin une ville morte avec se journée
sans journaux et magasins fermés comme pour une grève générale. »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM 6.2 Aïd el fitr Arabe Emprunt syntagme aucun majuscule société Le mot juste 1
institutionnel intégral de nominal
nécessité
« Aïd el fitr », « » [ʕi :d/alfitˁr]est une fête religieuse annonçant la fin du mois de ramadhan pendant lequel les musulmans
doivent observer le jeûne. Toutes les villes sont désertées pendant cette journée, les commerces aussi.Il s’agit du mot juste.
« Cheikh » voir SM 3.2 Son emploi ici est motivé par l’humour que produit son effet « démagogique et populiste », comme
expliqué par le chroniqueur.
297
SM* p 30-« le pays n’était plus qu’un patchwork composé par une main malhabile et ignorante (…) Bref, c’était une
chakchouka-khalota-mouloukhiya. »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM* Chakchouka Arabe Emprunt Substantif Aucun aucune gastronomie Humour 1
7.1 algérien ou intégral de
berbère nécessité
Khalota Arabe Emprunt Substantif aucun aucune gastronomie Humour 1
algérien intégral de
nécessité
Mouloukhiya Arabe Emprunt substantif aucun aucune gastronomie Humour 1
algérien, intégral de
tunisien, nécessité
égyptien
« chakchouka-khalota-mouloukhiya » est un mot composé de trois unités autonomes :
1- « chakchouka » ou « tchektchouka » [t∫akt∫uka]en arabe algérien ou en berbère est un plat typique du Maghreb composé
de poivrons verts et/ou rouges, de pimentys, de tomates et d’oignons. Cette expression est employée quand on veut
comparer la chose à un « mélange ».
2- « khalouta » [xαlu:tˁα] qui signifie « mélange » est un plat traditionnel en Algérie. Comme son nom l’indique, il s’agit
d’un mélange à base de plusieurs légumes, de riz et de pois-chiche.
3- « mouloukhiya » [muluxijja] est un plat traditionnel de l’Est algérien, très populaire en Tunisie et en Egypte. Il s’agit
d’une poudre de corète préparée en sauce avec de la viande de veau.
L’emploi de ces emprunts de manière à en faire un seul mot composé est motivé par l’effet humoristique que produit cette
accumulation (pêle-mêle) de noms de plats traditionnels, tous à base d’un mélange.
298
SM* 32-« Y a cet enfoiré de Abassi qui était là en consultation qui leur a dit qu’il fallait une fetwa. »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM 32 fetwa Arabe Emprunt substantif Aucun aucune Religieux Humour 1
institutionnel intégral de
nécessité
. SM*p33- « Tu dois savoir qu’à chaque chiffre annoncé y a Belkhadem qui pointe comme la rounda en faisant des barres. »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM* p Rounda Arabe Emprunt substantif aucun aucune Jeu de société Humour/ 1
33 algérien phonétique ironie
« rounda » est un emprunt phonétique de « ronda »[rrõnda] qui est un jeu de cartes très populaire en Algérie. L’origine de ce jeu
de cartes est vraisemblablement espagnole46. L’humour et l’ironie motivent cet emploi, car, dans la ronda, il existe certains tours
de cartes, dont le pointage, qui consiste à prendre note de l’annonce faite de la part du joueur lorsqu’il a en main un bon jeu :
paire (ronda) ou un tiercé (tringla) et à comptabiliser les points de chaque tour de jeu.
46
Les termes employés dans ce jeu sont espagnols, exp : le comptage : l’as, dos, tres, « rey » pour le Roi. Aussi pour annoncer le tapis, on dit « messa »
qui veut dire table en espagnol.
299
SM p 77-[ c’est ainsi qu’il y eut les premières « sorties » de Boudiaf, par télévision interposée]
« sortie » est la traduction intégrale de l’arabe algérien [ xarƷa] signifiant réplique/réaction anecdotique, ou surprenante. Il est
utilisé par le chroniqueur pour sa polysémie : « sortie » signifiant déplacement en français et « sortie » comme calque à l’arabe
algérien. L’effet escompté est ludique.
SM p121 –« c’est un homme fort et large comme ça et quand il porte sa belle gandoura blanche, on dirait un congélateur 500
litres à deux portes. »
300
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM p Gandoura Arabe Emprunt substantif aucun aucune vêtement humour 1
121 algérien intégral
facultatif
« gandoura »[gandura] est un emprunt fait au kabyle [taqandurt] via l’arabe algérien. Il s’agit à l’origine dut qui désigne la robe
kabyle traditionnelle. Il sert aussi à la désignation de toutes les robes traditionnelles : oranaises, annabi, chaoui…L’emploi de ce
emprunt est motivé par la comparaison ludique établie par le chroniqueur.
SM* p 123-« le pauvre, il savait pas que Hadja était la fille d’un taleb . »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM p Taleb Arabe Emprunt Nom d’agent aucun aucune Religion/ humour 1
123 algérien intégral de culture
nécessité
« taleb » [tˁālab] est un emprunt fait à l’arabe algérien. Il désigne à l’origine un homme qui a étudié la théologie. Mais, dans la
société algérienne, le « taleb » désigne aussi le pratiquant des sciences occultes comme la sorcellerie. Son emploi est motivé ici
par la connotation et les sous-entendus ironiques auxquels renvoie ce mot : la récitation du Coran par une vieille femme ont été
plus forts que la stature (congélateur) de l’homme.
SM p 157-« Tenez, vous l’avez oubliée cette nuit dans la précipitation de l’évacuation du hammam après l’alerte au gaz . »
Marque Langue Typologie Nature Procédé marque de Thématique Motivation Fréquence
Ident transcodique prêteuse grammaticale d’intégration repérage
SM p Hammam Arabe Emprunt substantif aucun aucune société humour 1
157 algérien intégral de
nécessité
301
« hammam » [ħammām] désigne en arabe algérien le bain maure. Il est employé ici pour des besoins linguistiques d’abord mais
également pour l’effet ludique que produit la scène décrite.
302
7.2-Analyse quantitative des emprunts
a)-Langues des emprunts
L’arabe algérien est employé 11
langue des emprunts fois à hauteur de 65% et l’arabe
institutionnel est la langue de 6
emprunts, soit, 35% .
arabe
institutionnel
arabe
algérien
emprunts par nature
Les emprunts intégraux
dominent dans ce graphe. Avec
15 emprunts, Ils représentent
emprunts
intégraux 88% de la totalité , contre 1
emprunt phonétique et 1
phonétique
calque, soit 6% chacun.
calques
typologie de l'emprunt par
nécessité 13 emprunts parmi les 17 sont
nécessaires, soit 76%, contre 4
facultatifs, correspondant à
24% de la totalité des
emprunt de emprunts.
nécessité
emprunt
facultatif
303
d)-Nature grammaticlae des emprunts
nature grammaticale
12 emprunts sont des
substantif
substantifs, soit 71%,
contre 4 noms d’agents
Nom qui correpondent à 24% et
d'agent 1 Syntagme nominale, soit
syntagmes 6%.
marque de repérage 13 emprunts ne
comportent aucune
marque de repérage, ce
qui représente 76% de la
guillemets totalité des emprunts. 3
majuscule emprunts sont en
aucune
majuscule, soit 18% et 1
seul est mis entre
guillemets, soit 6%.
La thématique de la religion est
thématiques
celle qui revient 5 fois et
représente 29% de la totalité
religion
des thèmatiques, contre 24%
pour l’habillement qui revient 4
politique
fois. La gastronomie et la société
revienent de manière égale 3
société
fois, et représentent chacune
18% de la totalité des
thématiques. Enfin, la politique
g)-Motivations de l’emprunt est présente à hauteur de 12% .
304
motivations L’humour a motivé l’emploi de 7
emprunts, représentant ainsi
41% de la totalité des
motivations. L’ironie en a
ironie motivé 6, soit, 35% et 3
humour emprunts ont été utilisé pour la
jeu de mot justesse du mot, représentant
le mot juste
ainsi 18% . Enfin, 1 seul emploi
d’emprunt a été motivé par le
jeu de mot.
8.1-Analyse qualitative
SM 4.2-« On a fini par le leur dire : elle est H’RAM cette grève de la faim que font les
hommes qui manifestent leur révolte désespérée à la Maison du Peuple. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien
(En arabe institutionnel, la première voyelle est prononcée « HARAM », alors qu’en
algérien, il subit une apocope de la première voyelle). Sa fonction est référentielle. « H’ram »
[ħrām] signifie « illicite ou interdit en islam ». Son emploi est motivé par l’effet ironique.
SM 5.2-« Et Abassi Madani en était visiblement satisfait, qui s'arrêtait à chacune de ses
phrases pour écouter le son de sa voix qui s'en allait au-dessus des têtes, amplifiée par les
micros : Oumâ…aaa. Et on voyait bien le plaisir du maître, à sa façon de pencher la tête pour
s'écouter, (…) »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe
institutitonnel. Sa fonction est le disocurs rapporté. « Ouma », « [» األمةalʹumma] ne signifie
pas seulement « Nation » mais aussi le Monde arabo-musulman, le panarabisme, né à partir
des critères idéologiques de langue (l’arabe), de religion (L’islam), d’appartenance à la ligue
Arabe et de positionnement géographique (Moyen-Orient et Maghreb). Son emploi ici est
motivé par la dérision.
SM 6.3-« Les éléments semblaient s'être donné le mot pour nous filer un cafard à chasser au
Moubyd au ciel gris de tristesse (…) »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe algérien.
Sa fonction est référentielle.« moubyd », [mubi:d] signifiant « destructeur » en arabe
institutionnel est aussi la marque de l’unique insecticide fabriqué en Algérie dans les années
305
70 et 80. Bien que ce terme soit issu de l’arabe institutionnel, pour les algériens, « moubyd »
était devenu un terme très galvaudé, synonyme d’insecticide. Il a fait l’objet de blagues et
autres anecdotes qu’on attribue à des personnalités publiques47. Son emploi est humoristique.
SM 8.2-« le mot Istiqlal, oui Istiqlal. Aberrant n'est-ce pas ? Et ce mot n'a pas été dit une fois
ou cent ou mille fois. On n'a pas cessé de le crier et de le chanter. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique interphrastique français/arabe
institutionnel. Sa fonction est métalinguistique. « istiqlal », « [» اِ ْستِ ْقال ٌلistiqlāl] signifie
« indépendance ». Son utilisation est motivée, à la fois, par la charge émotionnelle
(connotation) de ce mot pour les Algériens qui ont vécu la colonisation mais également par
l’ironie que produit ce mot à cause de la désillusion des Algériens indépendants.
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien.
Sa fonction est le disocurs rapproté.« khad’ouna ! », « [ » خدعوناxadʕu:na] signifie « ils nous
ont trahis » comme le traduit le chroniqueur, de manière juxtaposée à l’expression en arabe
algérien. Son emploi constitue un clin d’œil à l’expression de même construction
« Hagrouna ! »[ħagru:na] signifiant approximativement « ils nous ont méprisés, ou dénigrés,
abusés ». C’est Ahmed BENBELLA qui a prononcé cette phrase devenue culte, lors d’un
discours le 8 Octobre 196348 lors de la guerre des Sables (qui opposa l’Algérie au Maroc).
SM 12.2-« Lui c'était le chef du staff, et mon père il disait que sans arrêt il faisait sentir qu'il
était de la vaillante équipe du FLN et parfois il faisait dans le populo et la démago avec les
Choubaines et il se faisait même appeler cheikh. »
Cette phrase est produite dans une alternance codique intraphrastique français/arabe
institutionnel. Sa fonction est référentielle.
« choubaines », signifie « jeunes ».Son emploi est motivé par l’humour et l’emploi de la
dénomination juste. Cette précision n’est pas fortuite car elle met le doigt sur la politique
47
Une des blagues qui dénonce l’efficacité de cet insecticide est celle –ci : « Chadli en visite à l’usine de
fabrication de « moubyd » demande au chef de production de lui montrer l’efficacité de ce produit. Le chef de
production s’exécute et ramène des mouches pour l’expérience. Chadli prend un flacon et pulvérise en visant
la mouche. Celle‐ci lève les bras, comme pour le déodorant ». C’est dire si le produit était efficace.
48
L'Algérie etait victime d’une trahison du nouveau roi Hassan II , Dans le but de conquérir les régions de
Béchar et Tindouf, l’armée du Maroc agressera l’Algérie récemment indépendante et qui n’a pas encore soigné
ses blessures de la sanglante guerre contre le colonialisme français , Ahmed Benbella a prononcé sa fameuse
Réplique " Hagrouna El merrakchia "
306
linguistique du pays qui a obligé les clubs sportifs à arabiser leurs noms en 49 1977.Le
chroniqueur parle d’effet « populo et démagogique » que produit cette dénomination.
Plusieurs équipes sportives ont pris cette dénomination « chabab ».
SM p36-« A peine si l’âge a empâté ses traits, arrondi les angles, l’œil est resté vif, la voix
aussi claire qu’en octobre 1963 quand elle a lancé le fameux « Hagrouna ! »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien.
Sa fonction est le disocurs rapporté
« Hagrouna » [ħagru:na] signifiant en français « ils nous ont méprisés » est un emprunt fait à
l’arabe algérien. Voir SM 9.2
Il s’agit d’une chronique intitulée « a chacun sa vérité » à la page 47 du recueil. Saïd Mekbel
désigne par « festi » et « argaz » (qui ne sont pas des noms propres mais communs) les deux
personnages qu’il met en scène. D’où, la récurrence de l’alternance codique extraphrastique
tout au long de cette chronique. La fonction de cette alternance est référentielle.
SM p 105- « jeudi nous sommes invités à prendre le thé chez madame tamerbouta »
Dans cette chronique, Saïd Mekbel attribue à une famille le nom de « tamerbouta ». Or, ce
syntagme est une particularité de l’orthograpge arabe institutionnel.
49
EEn 1977, l’actuelle JSK remporte le doublé coupe et championnat d’Algérie. Les supporters scandaient alors
Je Suis Kabyle (JSK) un jeu de mot avec le nom dudit club. La sentence du Pouvoir ne se fait pas attendre, « la
Jeunesse Sportive de Kabylie, JSK devient JET, « Jeunesse électronique de Tizi‐Ouzou », traduit en arabe par
«جمعية الكترونيك تيزي وزو » cette nouvelle dénomination décidée par le Pouvoir en place a pour objectif d’ôter la
dimension identitaire et culturelle contenue dans le terme « Kabylie ». Pour ne pas que cela soit flagrant, on
décide aussi de que Mouloudia Club d’Alger MCA ou Mouloudia Club d’Oran MCO deviendront
respectivement, MPA et MPO, Mouloudia des Pétroliers d’Alger « ملودية نفط الجزائر , » et Mouloudia des
Pétroliers d’Oran « ملودية نفط وھران ».
307
Cette alternance codique extraphrastique est produite entre le français et l’arabe
institutionnel. Sa focntion est référentielle.« tamerbouta » [ta/marbu :tˁa], en arabe « ت
» مربوطةest une expression que l’on retrouve dans les règles de l’orthographe de la langue
arabe institutionnelle. Elle correspond à une forme de terminaison dans le système
linguistique arabe. Par cette dénomination, ajoutée à l’information « prendre du th » Said
Mekbel veut sans doute décrire une famille « guindée, à l’anglaise » Cet emploi est motivé
par l’humour.
SMp 129-« cheb didi était tellement bien sur scène qu’il a enchaîné sur « Ana melit mel
ghorba »
Cette phrase est produite dans une alternance codique extraphrastique français/arabe algérien.
Sa fonction est le disocurs rapporté.« ana melit mel ghorba »[ana/ mellit/mel/ɣurba] est un
extrait du refrain de la chanson de Warda el Djazaïria éponyme. Cette prononciation indique
que cet emprunt est fait à l’arabe algérien, la version égyptienne se prononçant différemment
[malli:t/ ana/min/ilɣurba]. L’emploi est motivé par la note humoristique du contexte de la
chronique.
extraphrastique
308
c)-Fonctions de l’alternance codique :
fonction de l'AC 6 alternances ont une fonction
référentielle, soit 55%, contre
4 qui ont une fonction de
citation/discours citation, soit, 36%, et 1 seule,
a une fonction
référentielle métalinguistique, soit, 9%.
métalinguistique
d)‐Motivations de l’AC :
9.1-Analyse qualitative
a)-Expressions intégrales :
SM 14.1-« Barakat ! »
Expression également employée par Hakim Laâlam et analysée en HL 66.3 Cette expression
interjective s’emploie pour signifier le ras-le-bol, la colère, les dépassements et les abus, en
l’occurrence ceux du FIS, ex parti islamiste dissous. La motivation est la connivence et
l’empathie avec le lecteur.
SM p 48- « D’accord que vous criez « A bas le FLN » mais ça sentait « Dehors Mesmar
Djeha »
309
« mesmar Djeha » expression expliquée dans le chapitre 3 de la partie 1 , paragraphe : intiulés
des chroniques. Elle est produite ici dans une alternance codique français / arabe algérien. La
motivation est ironique.
SM p 63 –« Salem Fellawen »
« Bled Mickey », prononcé [blād/miki] est une allusion au personnage de bande dessinée
puis animé de Walt Disney, Mickey Mousse. (Mickey la souris). Cette expression produite
dans un code mixing (arabe algérien-français) même si Mickey est à l’origine un personnage
de Disney américain. Cette espression est employée pour décrire le ridicule, le dérisoire,
quand rien n’est sérieux. Elle signifie « le pays du ridicule », en l’occurrence l’Algérie. Cette
expression très galvaudée a été reprise par le chanteur de Rapp « Lotfi Double Kanon » dans
une chanson en 2004. Son emploi est bien antérieure à cette date puisque déjà entre 1990 et
1993, Saïd Mekbel l’avait employée mais, on remarque la retranscription de Mickey de
manière correcte, respectant l’orthographe et la phonétique d’origine, alors qu’en réalité, la
prononciation dans cette expression a également été adptée au système phonétique algérien
où Mickey devient Miki.
« la tchitchi » était une expression dans les années 80 et début 90 à Alger. Elle désignait
d’abord la jeunesse dorée, issue de famille bourgeoise, nouveaux riches et, par extension,
celui qui est à la mode, dans le coup, « IN ». Il s’agit d’une imitation de l’accent de ces
jeunes qui parlaient en français avec un phonème [t∫] au lieu de [t].
Ce terme est aujourd’hui has-been, désuet,, seules les personnes de près de cinquante ans
peuvent l’utiliser encore. il est remplacé par « annouch »[ʹannu:∫], signifiant « minet ». Cette
expression n’a pas survécu au temps.la motivation de cette emploi est humoristique et un peu
ironique aussi.
310
SM p 35-« Y a même Kasdi Merbah qui dit : et qu’set-ce que vous pensez si on fait une
grève ? C’est là que le zbel m’est monté à la tête et j’ai foutu le camp. »
9.2-Analyse quantitative
langue des EX ID 50% des expressions sont
produites dans un code
mixinf français/arabe
arabe
algérien algérien, quand 33% sont en
arabe algérien et 17% en
fr/arabe
algérien kabyle
kabyle
311
L’humour est la motivation qui a
suscité le plus d’expressions
motivations avec un pourcentage de 33%,
humour
contre un volume équitable de
ironie 17% pour chacune des quatre
autres motivations que sont
humour/ironie l’ironie, la connivence, la
connivence crédibilité et l’humour ironique
crédibilité
Au total, j’ai relevé 34 marques transcodiques chez Saïd Mekbel à travers ses 37 chroniques
(17 emprunts et 17 alternances codiques dont 6 sont des expressions idiomatiques). Certaines
marques sont récurrentes et n’ont été analysées qu’une seule fois. Les occurences récurrentes
sont le plus souvent celles attribués à ses personnages.
N° emprunts fréquence
1 Raïs 12x
2 Argaz 10 x
3 tamerbouta 8x
5 hadja 8x
6 Cheb 6x
7 Cheikh 5x
8 sortie 2x
9 kamis 2x
10 kachabia 2x
11 istiqlal 2x
10.1-Analyse qualitative
312
HL 16 B’RAHMET EL WALDINE, VENEZ alternance codique Arabe sarcasme
INVESTIR CHEZ NOUS ! algérien/français
HL 19 MAZAL ETTIKHERBICHIN ? Arabe algérien humour/ironie
HL 20 AKHTINI, NAKHTIK ! Arabe algérien humour
HL 27 LA GIFLE, LA BAFFE, LE KEF, alternance codique français/ humour produit
ESSAKLA ! arabe algérien/ par la
reformulation
HL 29 C’EST LA CATA,MAIS AL alternance codique
HAMDOULILLAH ! français/arabe algérien
HL 32 KOFR ! Arabe institutionnel connotation
HL 33 BLED LES OFFICES code mixing Arabe ironie
algérien/français
HL 35 CHADI MADI ET KHAT ERR’MEL, Code mixing arabe ironie/humour
DEUX CONSTANTES NATIONALES algérien/français
INAÂL BOUHA L’HYPOCRISIE ! alternance codique arabe humour
HL 36 algérien/français
HL 39 MAZAL EL KHIR MAZAL ! Arabe algérien ironie
HL 44 QUI ? CH’KOUN ? ANWA ? alternance codique humour
français,/arabe algérien/kabyle
HL 53 ALLILOU DIALNA ! arabe algérien ironie
HL 57 A NOUS L’OSEILLE DE LA ZAKAT ! code mixing français/arabe ironie
algérien
HL 63 DEPUTES HAGGARINE ! Code mixing arabe humour
algérien/français
HL 66 KOFR ! KOFR ! KOFR ! Arabe institutionnel connotation
HL 69 PAS UNE GOUTTE DE PERDUE , alternance codique humour
KHOUYA ! français/arabe algérien
HL 81 NO FUTUR ! Anglais humour
HL 103 MA GHADHNICH ! Arabe algérien humour
HL 105 LE DREBBKI EST MORT ! VIVE LE Code mixing arabe algérien ironie
POSTIER ! /français
HL 107 CREUSE, KHOUA, CREUSE ! alternance codique humour
français/arabe algérien/français
COMMENT JOINDRE UN JUGE alternance codique français/ humour
HL 109 AMERICAIN POUR LUI DIRE arabe algérien
« ENÂAL ECCHITAN » ?
PARIS-ALGER, YA DELLALI ! alternance coidique humour
HL 113 français/arabe algérien
28 chroniques parmi les 119 étudiées chez Hakim Laâlam ont des intitulés produits dans une
langue autre que le français. Ce qui représente une proportion de 23,5%.
Parmi les langues utilisées dans ces 28 titres, il y a l’arabe algérien, l’arabe institutionnel,
l’alternance codique ainsi qu’un titre en anglais
313
10.1.-Analyse quantitative
11.1-Analyse qualitative
314
talibanisation d’une décennie institutionnel/français
KD 26.1 Qui est le salaf du salafiste ? Code mixing français/arabe ironie par la
institutionnel répétition
KD 29.1 La fatwa Ksentini/esthétique Code mixing arabe le mot juste
des farfadets instituionnel/français
KD 33.1 L’explication du concept Code mixing arabe le mot juste
Chebiha institutionnel/français
La nouvelle herwala Code mixing /arabe
KD 35.1 institutionnel
Un autre rat et ses Code mixing français/arabe connotation
KD 38.1 moukhabarate signalé à Damas institutionnel
Le problème c’est le Kanoun Code mixing français/arabe humour par le biais
KD 47.1 pas le Boukanoun institutionnel des homonymes
KD 53.1 L’aboutissement « chawarma » Code mixing français/arabe humour/ironie
moyen-oriental algérianisé
KD 57.1 « El Mourabitoun : retour vers Code mixing français/arabe le mot juste
le futur institutionnel
KD 58.1 La pays de T’chekoupi et sa Code mixing français/arabe l’ironie/connotation
gravité algérien
Sur 61 chroniques étudiées, j’ai relevé 20 titres produits dans une langue autre que le
français, ce qui représente un volume très important de près de 32,78%.
11.2-Analyse quantitative
100% des titres sont produits dans
langues des titres un code mixing bilingue ou
plurilingue. Ce dernier peut, en effet
être composé de différentes langues :
français/arabe institutionnel ou
code mixing
français/arabe algérien ou bien
encore français/arabe
institutionnel/anglais.
315
12- Analyse titrologique chez Saïd MEKBEL
12.1-Analyse qualitative
Sur les 37 chroniques de Saïd Mekbel, 14 ont des titres produits dans une langue autre que le
français, ce qui représente un volume significatif de 37,83%. Ces 14 titres sont produits dans
différentes langues, selon les proportions suivantes :
12.2-Analyse quantitative
316
langue des titres Je constate que la
proportion la plus
importante est le code
arabe algérien mixing, à hauteur de 50%
(7 titres). 2 titres sont en
arabe arabe institutionnel, soit,
institutionnel 14% et 36% sont en arabe
code mixing algérien.
composition de l'alternance
codique La composition
français/arabe algérien est
franç/arabe la plus importante avec
algérien 71,42% (5 titres), loin
devant la composition
Franç/arabe
instituionnel français/arabe
institutionnel ou
Franç/kabyle
Françaiçs/kabyle de
proportion égale à hauteur
de 14,28% (ce qui
correpond à 1 chronique).
317
résultat de la wantoutrisation mot valise du slogan (One , too, tree, viva
ch 4 le wantoutri l’Algérie) ici la forme du Substantif
fatwa moderne déclinée sur un air de composition savante (anglais-arabe
ch 10 le rapp-fatwa musique Rapp. institutionnel)
ch 10 la Action de rendre adepte à la chaîne dérivation par suffixation. Radical
Chouroukisatio arabophone Chourouk TV jugée par le Chourouk+ISATION
n chroniqueur être islamiste.
ch 11 kaboulisé soumis à l’idéologie de Kaboul, des Dérivation par passivation. Création du
talibans verbe kabouliser. (Kaboul) + Isé
ch 16 le sahelistan terme géographico-politique qui renvoie mot valise crée à partir de Sahel + istan
aux pays du Sahel influencés par (ISTAN) utilisée pour nommer des
l’idéologie de l’Afghanistan. contrées.
Sahel+ISTAN construit pour rappeler
Afghanistan
ch 17 Qaïdisé Soumis à la Loi d’el Qaïda dérivation par passivation.
Participe passé du verbe Qaïder. Radical
Qaïd + ISE
L’afghanisation action de transformer le pays en Dérivation par suffixation en ISATION de
Afghanistan (radicalisation religieuse) l’adjectif Afghan.
ch 18 les groupe de jeunes qui prêchent le coran et composition savante (arbe
hadiths-boys les Hadiths à la manière moderne des institutionnel+anglais)
Boys-Band
ch 19 chouroukisée soumis à la ligne éditoriale de la chaîne Dérivation par passivation. Radical
TV Echourouk à tendance islamiste. « chourouk »+ Isé
ch 20 la « Si procédé de création d’un modèle de Dérivation par suffixation en ISATION à
affifisation » référence qui est « Si afif » partir du nom Si Affif
ch 20 talibanisation procédé de création d’un modèle de Dérivation par suffixation en ISATION à
référence qui est le « taliban » partir de l’adjectif taliban
ch 27 Inhérent à l’Imam Adjectivation par suffixation en ISTE
Imamiste radical IMAM+r suffixation en ISTE
318
parti HEZBOLLAH suffixation en ISTE. Radical arabe
(hezbollah)+ ISTE.
SM Hittisme attitude, comportement des chômeurs qui nominalisation par suffixation en ISME
P40 s’adossent au mur, qui le « soutiennent »
Hitt étant le mot en arabe algérien
signifiant le mur
Sur les 20 emprunts néologiques que j’ai analysés, j’ai pu voir que les procédés de la
créativité sont différents.
La dérivation par suffixation sous plusieurs formes est celle qui a été la plus employée.
-la suffixation en ISTE concerne 4 néologismes. La suffixation en ISME est appliquée pour 2
néologismes et la suffixation en ISATION a été utilisée 5 fois. Un seul néologisme a été crée
sur le modèle des verbes du 1er groupe ER.
-la passivation (é, ée) a été le procédé de créativité lexicale de 4 néologismes.
-la composition savante a été utilisée 4 fois
-le mot valise a été appliqué 4 fois également.
Mon corpus comprend 10 sobriquets, ou surnom dont le procédé de sobrication est très
répandu dans la société algérienne. En revanche, j’ai repéré un seul sobriquet dans mon
corpus de comparaison constitué des chroniques de Saïd Mekbel publiées entre 1963 et
1965. Il s’agit du sobriquet « Djeha » qui revient souvent et qui sert à la fois à l’auto-
désignation pour Saïd Mekbel et/ou à la désignation du citoyen lambda.
319
première syllabe. Il s’agit d’un diminutif. La motivation est
humoristique car le diminutif familier contraste avec la
position politique du personnage
Kaw kaw Voisin sobriquet attribué sur une caractéristique extérieure au
nommé, en l’occurrence des cacahuètes qu’il mange à
longueur de journée comme l’explique Saïd Mekbel à la
page139 ;
Alilou Ali Zeghdoud altération du nom par rajout d’un suffixe à la fin. Il s’agit
d’un homme politique, SG du parti RA (Rassemblement
Algérien) candidat aux présidentielles de 2009. Ce
diminutif crée un décalage ironique : son omniprésence
dans le monde politique depuis 1962 fait qu’il est presque
devenu un membre de la famille.
El aziz Abdelaziz transformation de la forme composée à la forme simple par
troncation du premier phonème et de la première syllabe.
Le sens ici vise Bouteflika qui lui-même est Dieu
et non plus son sujet.
Djeha Djeha (Said Mekbel Ce sobriquet (surnom) très répandu est utilisé pour son effet
et le cittoyen humorristique.Il désigne un personnage clownesque, drôle
lambda) et naïf.
Bien que ces occurrences soient le produit d’un contact de langues, ces marques
transcodiques ne sont pas à proprement parlé des emprunts mais, des anglicismes
complètement intégrés à la langue française et notamment au discours médiatique. Ces
occurrences ou expressions ont été reprises par les chroniqueurs via le français.D’où la
difficulté d’identifier la langue source. Par ailleurs, ces marques ne sont pas toutes des
emprunts, certaines ont été repérées sous-forme d’alternance codique, dont la fonction était la
réitération ou bien le disocurs. Cela étant, j’ai considéré comme étant emprunt, les mots que
j’ai pu retrouver dans les dictionnaires français. Les autres sont considérs comme étant des
marques de l’alternance codique.
J’ai donc relevé ces occurrences sans les analyser, estimant que cette analyse pourrait faire
l’objet d’une recherche spécifique ultérieure. En revanche, j’ai procédé à l’analyse du type du
phénomène de variation et des thématiques.
anglicismes
Coming-out, zappeur, le must, du shit, dressing, stand-bye, “I love Jesus”, serial-
pedophile, le timming, guest-star, The date, mon saoul, merchandising, one-woman-
show, “Yes! He can ! », en direct-live, surbookés, des news, un package, un casting,
le racket, peopolisé, leader, « new-deal », bug, star, townships, staff, le deal, No
320
futur, le talk show, Networks, prime-time, boys-band.
anglicimes
Cow-boy, serial-killers, remake, talk-show, way of life, racket, kidnapping, “hand-
made”, leader, off-shore, “no man’s land”, sniper, meeting, hold-up, “nine eleven”,
web master, patriot act
321
le racket emprunt
peopolisé néologisme par
passivation
leader emprunt
new deal alternance codique
bug emprunt technologie
star emprunt spectacle
townships
staff emprunt
No futur! alternance codique
extraphrastique
talk-show spectacle/television
networks technologie
prime-time emprunt spectacle/television
boys-band
322
CHAPITRE 3
Discussion des résultats
323
L’analyse de mon corpus m’a permis d’aboutir à certains résultats que je vais soumettre à la
discussion et à l’interprétation.
En effet, j’ai retrouvé chez les trois chroniqueurs, Hakim Laâlam, Kamel Daoud et Saïd
Mekbel, aussi bien le phénomène de l’emprunt que celui de l’alternance codique, l’emprunt
néologique et celui de la sobrication. Bien que ces similitudes soient générales, il n’en
demeure pas moins que j’ai relevé certaines particularités dans l’emploi de ces variations,
propres à chacun des chroniqueurs.
TYPE HL KD SM
emprunt 55 75 17
Alternance codique 76 23 11
expression 42 16 6
idiomatique
Il est vrai que le nombre de chroniques par chroniqueur n’est pas le même pour des raisons
de saturation du corpus en ce qui concerne Kamel Daoud et pour l’indisponibilité des
chroniques de Saïd Mekbel dont le décès est survenu en décembre 1994. Néanmoins, toutes
ces chroniques appartiennent à la presse francophone en Algérie et sont donc révélatrices
d’un phénomène linguistique avéré et récurrent. Aussi, mes statistiques sont présentées
dans mon analyse en pourcentage et pas uniquement en nombre.
De prime abord, je remarque qu’en termes de proportions, la mise en contact des langues se
fait de manière différente. L’alternance codique est la forme prépondérante chez Hakim
Laâlam, les emprunts sont la forme que Kamel Daoud emploie le plus, tandis que
l’équilibre entre les deux formes est parfait chez Saïd Mekbel.
Je rappelle encore une fois que les expressions idiomatiques sont des alternances codiques
extraphrastiques. Comme je l’ai expliqué dans le chapitre réserve à la méthodologie.
324
institutionnel
Arabe algérien 36% 27% 65%
typologie HL KD SM
integral 87% 76% 88%
adapté 13% 17% 0
nécessité HL KD SM
nécessaire 80% 63% 76%
facultative 20% 37% 24%
En premier lieu, le constat que je fais est que l’arabe institutionnel est la langue
prépondérante des emprunts pour HL et KD, alors que pour Saïd Mekbel emploie l’arabe
325
algérien dans des proportions plus importantes. Je rappelle que les écrits journalistiques de
Saïd Mekbel s’arrêtent en 1993 et que ceux des deux autres chroniqueurs ont été
sélectionnés sur une période allant de 2004 à 2014. D’après moi, cette information est
primordial quand on sait que l’analyse de l’emprunt ne peut se faire de manière isolée. Je
tiens donc forcément compte du contexte de production de certaines occurrences qui
n’existaient pas encore dans la réalité sociale algérienne en 1993, notamment, “djihadiste,
djihad, salafiste”. Bien que ces termes ne soient en rien des néologismes en soit, il n’en
demeure pas moins qu’ils n’étaient pas employés par les medias, ni par la société de
manière courante, voire, “banalisée”. Tous ces termes appartiennent aujourd’hui au lexique
politico-religieux, non pas de l’Algérie ou des pays “arabes” seulement, mais de nombreux
pays européens aussi qui ont été touchés par la mouvance terroriste au nom de l’islamisme
ou bien qui sont actuellement embarqués dans des guerres au nom de la “démocratie” dans
des pays “arabo-musulmans” tells que la Libye, la Syrie, le Mali, l’Irak ou bien la Turquie.
Ceci est donc la première différence que je relève entre les deux chroniqueurs dans années
2000 et Saïd Mekbel.
En deuxième lieu, je constate que les emprunts sont nécessaires pour les trois
chroniqueurs. Pour les deux premiers, l’explication est la même, liée à la thématique
politique et/ou religieuse et donc, par nécessité linguistique. Pour Saïd Mekbel, bien que
ces emprunts soient également intégraux et nécessaires, ils ne sont pas liés dans leur
majorité à la même thématique politico-religieuse, mais, à celle de l’habillement. Ce
résultat n’est pas illogique non plus. Je m’explique: l’habillement auquel fait référence Saïd
Mekbel, étant un élément de l’identité et de la culture algérienne, il devient compréhensible
que ces mots étrangers ne trouvent pas d’équivalents dans la langue française, d’une part, et
qu’ils soient nécessaires et en arabe algérien, d’autre part.
Néanmoins, je tiens à préciser à ce niveau que l’analyse des thématiques s’est révélé
être plus complexe que je ne me l’étais imaginé, car, souvent, je n’ai pu dissocier la
thématique religieuse de la politique (exemple: un parti islamiste) ou la thématique
religieuse de l’habillement ( exemple: hijab, qamis). J’ai du donc recourir à l’ensemble du
contexte et, considérer que parfois, une même occurrence pouvait relever de l’une ou de
l’autre des thématiques.
326
Par ailleurs, j’ai également constaté que Kamel Daoud tout Comme Saïd Makbel
usaient de la majuscule (en 2e position) comme marque de repérage sans que ce mot soit un
nom propre, et, sans qu’il soit en début de phrase non plus.
Aussi, ai-je confirmé que ce sont les substantifs et les noms qui sont les plus
empruntés. Néanmoins, la dérivation adjectivale peut survenir sur des emprunts bien
galvaudés et complètement intégrés dans la langue cible.
En dernier lieu, les motivations de l’emploi des emprunts par les chroniqueurs sont
de manière générales communes, bien qu’à des proportions différentes. Ainsi, le souci de
rigueur et de clarté avec l’emploi du “ mot juste” est-il la motivation première des trois
chroniqueurs. Ce résultat confirme l’emploi des emprunts nécessaires et leurs thématiques
1
Foudil Cheriguen « les mots des uns, les mots des autres » éd Casbah Alger 2008, p 290 ;
327
a)-Langues alternées
alternance HL KD SM
Forme d’AC HL KD SM
fonction de l’AC HL KD SM
reiteration 36% 22% /
2
Oswald Ducrot définit l’humour comme étant une forme d’ironie
328
motivations HL KD SM
17% 13% 9%
connotation
Le premier constat est que l’alternance des langues dans les productions des chroniqueurs
varie entre français/arabe algérien et Français/arabe institutionnel. Pour moi, le choix des
langues alternées est d’abord inhérent au registre de langue dans lequel les chroniques sont
produites, puis, en relation avec les thématiques abordées. Pour Hakim Laâlam et Saïd
Mekbel dont le registre de langue est courant, parfois familier, (voire argotique concernant
Hakim Laâlam), il devient logique que ce soit l’arabe algérien que les chroniqueurs vont
alterner avec le français. En revanche, pour Kamel Daoud, dont le registre de langue est
soutenu, et dont les thématiques prépondérantes sont la religion et la politique il devient
également logique que ce soit l’arabe institutionnel qui soit alterné avec le français. Aussi,
ai-je constaté la présence du kabyle chez Saïd Mekbel et Hakim Laâlam.Je me l’explique
par rapport à la culture et l’identité des chroniqueurs, tous deux kabyles. C’est la part de
l’éthos dans l’énonciation.
329
un exercice stylistique nouveau (du moins dans les chroniques publiées). D’ailleurs,
certaines chroniques sont parfois apparues sous forme de nouvelles car, le journal était un
hebdomadaire, voire, un bimensuel. J’ai aussi remarqué que Saïd Mekbel met souvent en
scène les personnages de ses chroniques et s’amuse en leur désignant des sobriquets et des
surnoms en arabe algérien
En dernier lieu, les motivations de l’alternance codique semblent confirmer les résultats du
premier point, celui du choix des langues alternées. En effet, si l’arabe algérien est la
langue la plus alternée pour Hakim Laâlam, c’est parce que cette alternance est motivée par
l’humour, alors que c’est l’ironie qui motive l’alternance du français et de l’arabe
institutionnel chez Kamel Daoud. Pour moi, l’humour est mieux exprimé en arabe algérien,
c’est la langue de la connivence et de l’empathie, celle où on exprime le plus naturellement
les émotions. Par contre, l’ironie peut être exprimée avec l’arabe institutionnel lorsqu’il
s’agit d’ironiser des idées ou des contextes, par le biais de clin d’œil, de citation ou de
reformulation. Néanmoins, la frontière entre les deux notions est très difficilement
délimitable. J’avoue pour ma part avoir souvent hésité entre les deux notions. Pour mois,
l’une n’excluant pas l’autre ou les autres, c'est-à-dire que la motivation peut-être à la fois
l’humour, l’ironie et la connivence ou encore la connotation. C’est d’ailleurs, parfois la
présence de tous ces éléments à la fois qui produit l’effet escompté par le chroniqueur chez
le lecteur.
64 expressions idiomatiques ont été relevées et analysées. Tout comme les emprunts,
certaines sont communes à deux chroniqueurs à la fois. L’emploi de ces expressions
idiomatiques varie d’un chroniqueur à un autre, selon la nature, les langues mises en
contact, et la motivation de cet emploi :
nature HL KD SM
330
langues HL KD SM
arabe algérien 60% 81% 33%
arabe institutionnel 26% 19% /
Fr/arabe algérien 14% 50%
Kabyle 17%
motivation HL KD SM
Les expressions idiomatiques analysées ont été employées dans une forme d’alternance
codique extraphrastique. Les chroniqueurs n’ont pas un même rapport aux expressions
idiomatiques. Je remarque que Hakim Laâlam les emploie la plupart du temps
intégralement alors que Kamel Daoud opte pour le calque quand Saïd Mekbel les emploie
de manière équilibrée entre la forme intégrale ou le code mixing.
Le recours aux expressions idiomatiques dans leur langue source est un choix stratégique
rhétorique. Certains spécialistes l’ont abordé d’un point de vue polyphonique (le
331
chroniqueur n’est pas le seul énonciateur dans ce discours, il existe d’autres co-
énonciateurs) et ont constaté que ce comportement relevait « de la polyphonie plurilingue,
puisqu’elle met la multiplicité des langues en corrélation avec la multiplicité des voix dans
le discours. » 3
qui relève également de l’empreinte stylistique de chacun des chroniqueurs car, qu’elles
soient intégrales, claquées ou encore produites dans un code mixing, à travers cet emploi, le
chroniqueur arrive tout de même à produire l’effet escompté : ironie, humour ou
connivence et empathie.
Les chroniqueurs emploient souvent des titres dans des langues autres que le français. Ce
phénomène n’est pas un cas isolé car, les chiffres sont importants. Ainsi, Pour Hakim
Laâlam, sur les 119 chroniques analysées, 28 titres sont concernés. Pour Kamel Daoud, sur
les 61 chroniques, 20 titres ont été repérés et pour Saïd Mekbel, sur les 37 chroniques, 14
comportent des titres de ce type.
Sur un total de 217 chroniques analysées, 63 titres ne sont pas en français, ce qui
correspond à 29%, d’où l’intérêt de ce phénomène linguistique.
Chez Kamel Daoud, 100% des titres analysés sont produits dans un code mixing. Alors que
pour les deux autres, l’arabe algérien seul, ou l’arabe institutionnel seul sont également
présents. Ce code mixing n’est pas uniforme. Il ne concerne pas toujours les mêmes
langues mises en contact. Je suis en présence de plusieurs langues en contact :
français/arabe algérien, français/arabe institutionnel, et autres. Dans la rubrique autres, j’ai
3
Bektache Mourad « les grandes tendances de l’alternance des langues dans la presse écrite d’Algérie »,
article de la revue multilinguales, lien :
www.univbejaia.dz/documents/multilinguales/12%20BEKTACHE%20Mourad.PDF
332
inclus les cas isolés tels que français/arabe algérien/kabyle et anglais (voir HL) puis,
français/arabe institutionnel/anglais et français/anglais (voir KD) ou encore français/kabyle
(voir SM).
Dans mon corpus, les sobriquets sont attribués à des personnages politiques ( Nhineh pour
Nahnah ex leader du parti islamistes HAMAS, Nounou pour Noureddine Zerhouni ex
ministre de l’intérieur, Da L’HO, pour Hocine Ait Ahmed l’ex Secrétaire Général du parti
démocrate FFS et Alilou pour Ali Zeghdoud le SG du parti RA…) ainsi que pour un voisin
4
Robert Sablayrolles « la rue, lieu de sociabilité ? »Publication Universitaire de Rouen n°214, 1997
333
Les procédés de sobrication sont différents. J’ai repéré des troncations, des diminutions
simples et d’autres avec rajout de phonème ou de syllabe finale. Ces sobriquets peuvent être
produits à partir du nom du personnage ou bien à partir d’un élément qui lui est extérieur,
comme c’est le cas pour kawkaw ou Cheb Didi, Djeha. J’ai également repéré deux
surnoms : « Abdekka » chez Hakim Lâlam et « El aziz » chez Kamel Daoud. Ces deux
surnoms sont attribués à un même personnage qui est le président Bouteflika. Le premier
s’inscrit dans un registre humoristique, l’autre est ironique.
Les procédés de ces créations lexicales sont différentes dans mon corpus. Je rappelle que je
n’ai repéré ce type de créativités que chez Kamel Daoud (19) et un seul chez Saïd Mekbel :
dérivation, composition savante et mot-valise, sigle comme base de dérivation
(Hamassiste). Qu’il soit en ISTE, en ISATION ou en ISME, le procédé de dérivation par
suffixation est celui qui a été les plus employé par les chroniqueurs, bien plus que les mots
valises ou les compositions savantes. Ces deux derniers procédés ont été employés pour la
création d’un néologisme à base de deux langues (arabe institutionnel/anglais) voir trois
langues comme c’est le cas pour le slogan (one, two, tree, viva l’Algérie).
334
Dans mon corpus, j’ai repéré 55 anglicismes entre Hakim Laâlam (38) et Kamel Daoud
(17), en dehors des compositions savantes ou mots-valises ayant été analysés avec les
emprunts néologiques. Les anglicismes sont en infériorité numérique par rapport
aux arabismes, algérianismes et autres berbérismes. Ces anglicismes apparaissent soit sous
forme d’emprunts soit sous forme d’alternance codique. La différence entres les deux types
de variations a été confirmée par le recours aux dictionnaires de français qui admettent ces
« emprunts » comme étant des mots intégrés d’origine anglaise.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une langue source directement empruntée dans les pratiques
langagières dans la société algérienne, il n’en demeure pas moins que les anglicismes sont
apparus via le français dans les médias, puis dans certaines thématiques spécialisées
(anglicismes de spécialité) telles que la technologie ou le monde du spectacle, d’où mon
intérêt pour ces occurrences étrangères. Les spécialistes expliquent que de telles insertions
sont jugées inévitables si leur emploi désigne une réalité observable uniquement dans la
langue d’origine de l’emprunt (Network, Webmaster) appartenant au lexique du Net ou
encore (offshore) appartenant au monde de la finance et (pime-time, talk-show) à celui du
spectacle ou encore une allusion détournée comme « Yes, he can ! » clin d’œil au « Yes, we
can ! » de OBAMA. Je constate qu’aucun commentaire métalinguistique n’accompagne ces
anglicismes. Néanmoins, ils sont généralement identifiables par une marque de repérage qui
prouvent leur aspect étranger (allogène).Je rappelle que dans mon analyse, je n’ai pas porté
la même attention à ces marques qu’à celles empruntées à l’arabe algérien, l’arabe
institutionnel et le berbère, à cause mon manque de maîtrise de la langue source (anglais)
qui ne me permet de définir avec exactitude l’aspect nécessaire ou non de cet emprunt.
L’interprétation que je fais de cet emploi est plutôt en relation avec la langue même,
considérée par les chroniqueurs comme étant plus « savante » plus « actuelle » ou encore
plus « branchée », selon le cas. Deroy explique qu’ « on emprunt volontiers par admiration,
des mots, des tournures à une langue que l’on tient pour plus fine, plus élégante, plus riche,
représentative d’une civilisation supérieure ».5 C’est ce qui expliquerait l’effet de mode qui
peut motiver certains emplois non nécessaires linguistiquement parlant, mais, nullement
considérés comme « inutiles » puisque l’utilité de cet emploi réside dans notre analyse dans
la motivation et l’effet produit sur le lecteur. Ces anglicismes produisent donc un effet de
style qui en touchant l’affect, produisent une emphase. C’est donc les fonctions expressive,
conative et esthétique du message qui sont mises en avant par les chroniqueurs.
5
Louis Deroy « L’emprunt linguistique » éd les belles lettres, Paris 1956, p 172
335
Conclusion générale
Cette recherche partait de l’idée que la langue telle que pratiquée par les chroniqueurs
algériens de la presse francophone était influencée dans leurs productions journalistiques
par les pratiques langagières et discursives plurilingues de la réalité sociolinguistique
algérienne, résultat des langues en contact dans ladite société : arabe algérien, arabe
institutionnel, berbère et accessoirement l’anglais (par le biais du français). En
m’appuyant sur un corpus regroupant 214 chroniques de trois chroniqueurs différents :
Saïd Mekble, Hakim Laâlam et Kamel Daoud, et de deux époques différentes (antérieures
et postérieures à 1990) il m’a été donné de constater la présence d’un grand nombre
d’emprunts à l’arabe algérien, l’arabe institutionnel et au Kabyle. Ce premier constat est
révélateur d’une dynamique d’interactions linguistiques propre à une situation
bi/plurilingue dans laquelle s’inscrit mon corpus d’étude.
J’ai organisé mon travail en deux parties, respectivement divisées en 3 chapitres chacune.
Après une introduction générale dans laquelle j’annonce brièvement la genèse de mon
présent travail, j’entreprends la première partie intitulée « Aspects du contexte des langues
en Algérie : langues en contact » par le premier chapitre « Réalité sociolinguistique en
Algérie ». Dans ce chapitre, je tente de donner un aperçu plus au moins fidèle à la réalité
sociolinguistique en Algérie. Cette information est nécessaire car, elle permet de mieux
comprendre le contexte de ces écrits et de cerner la complexité du contact des langues en
présence dans un même environnement. Complexité liée à la politique linguistique
d’arabisation entreprise dans ce pays depuis l’indépendance en 1962 et qui a engendré un
bi/plurilinguisme mal assumé et une situation de di/pluriglossie de la langue arabe. Ces
relations qu’entretiennent les langues, d’abord, entre elles, puis pour les locuteurs, je les
expose en expliquant les statuts des langues d’un point de vue officiel et légal, et, d’un
point de vue représentationnel, dans l’imaginaire collectif.
336
Cette partie de ma recherche m’a permis de mieux constater l’évolution des écritures
bi/plurilingues chez les auteurs /chroniqueurs algériens d’expression française, dont les
comportements sont symptomatiques d’une volonté consciente et/ou inconsciente de
revendiquer et imposer UNE identité pluriculturelle, l’algérianité. Présente aussi bien chez
les romanciers que chez les chroniqueurs (compte tenu de la spécificité du genre de cette
dernière) la notion d’ « algérianité » n’a de sens que par l’assimilation et la cohabitation
de toutes les cultures et donc de toutes les langues qui ont existé à travers l’Histoire et qui
continuent d’exister, quel que soient leurs statuts officiels, totalement en porte à faux avec
la réalité sociolinguistique du pays.
Dans le troisième et dernier chapitre de cette première partie intitulé « choix et orientations
théoriques », je fais appel à de nombreuses théories sur la variation linguistique. Il s’agit de
la présentation et la discussion des concepts. Je cite plusieurs théories en les confrontant
puis j’en retiens celles que j’estime en adéquation avec ma problématique et aussi mes
hypothèses de départ. Je commence par cerner les phénomènes en mettant en exergue leurs
différences (code mixing≠emprunts≠ alternance codique≠ interférence≠ emprunts
néologiques) conformément aux assises théoriques. Aussi, au fur et à mesure que mon
analyse avançait, j’ai pu comprendre pourquoi les spécialistes n’étaient pas tous unanimes
quant aux critères de différenciation et combien ceux-ci étaient minces, et que, par
conséquent, le consensus sur les concepts en question n’est pas chose aisée.
337
Le résultat est éloquent : le plurilinguisme dans les chroniques de Saïd Mekbel n’apparaît
qu’après 1990.
L’alternance des codes est un autre type de cette variation, privilégié par Hakim Lâalam
en l’occurrence. Néanmoins, elle apparait chez les chroniqueurs dans les deux formes
intraphrastique, et extraphrastique. A travers la première forme, partie compositionnelle de
la phrase, le chroniqueur intègre « naturellement » des unités en arabe institutionnel ou en
arabe algérien à son discours en français, sans aucune marque de repérage. Il ne s’agit donc
pas d’un discours rapporté ou d’une expression idiomatique ou d’une allusion mais, d’une
alternance codique voulue et assumée par le chroniqueur.
338
Pour la deuxième forme, elle permet de rendre compte de l’altérité : le discours de cet
Autre qui est commun à l’énonciateur/chroniqueur et à l’énonciataire/lecteur, et qui en est
également la référence (expression idiomatique, témoignage, discours rapporté…). A ce
niveau, le scripteur peut opter pour la traduction, mais, il fait le choix de l’intégralité et, le
plus souvent sans explication. Le seul repérage se fait par les guillemets, par conséquent, le
lecteur est supposé avoir les mêmes compétences plurilingues que le scripteur.
Je me dis alors que le chroniqueur fait le choix de la co-énonciation et de l’intégralité
des langues d’énonciation. Il faut rappeler que par le choix de l’arabe algérien qui est une
langue sans statut légal, le chroniqueur adopte une posture de « rejet » de ce nihilisme
constitutionnel : « Je suis algérien=je parle et j’écris l’algérien » semblent dire ce
comportement.
Le recours aux expressions figées dans ces chroniques constitue un exercice individuel de
style mais surtout une empreinte herméneutique, révélatrice d’une appartenance
socioculturelle et donc soicolinguistique aussi. Par ailleurs, il y a aussi la visée
humoristique ou ironique qui est produite par le décalage entre les deux langues et les deux
cultures : français/ arabe algérien ou français/arabe institutionnel. Ce même
bi/plurilinguisme revendiqué par les chroniqueurs et dans le quel ils s’expriment
« naturellement » pour écrire et s’adresser à un lectorat dont ils partagent les mêmes
connaissances linguistiques et culturelles. Il est évident que le recours aux expressions
calquées est un acte réfléchi et conscient et non pas le résultat d’une interférence
linguistique, qui, elle, est perçue de manière fautive et inappropriée car générée par des
lacunes dans la langue cible.
Ensuite, il y a la visée stratégique par le biais de la connotation dont les enjeux sont
d’atteindre l’affect « pathos » du lecteur : Les expressions idiomatiques véhiculent, en plus
d’un sens caché, un patrimoine culturel commun qui touche à la fois l’intellect et l’affect du
lecteur. De manière nuancée ou claire, les valeurs expressives, celles qui traduisent au
mieux, car naturellement, les idées politiques, les positions, les engagements idéologiques
et les sentiments du chroniqueur/ locuteur sont affichées. Aussi, les valeurs impressives,
celles qui touchent et produisent un effet émotionnel sur son lectorat, dans la pure tradition
rhétorique. Ce qui serait envisageable, dans une recherche future, c’est une enquête de
réception auprès des lecteurs pour mieux appréhender le processus d’interprétation de ces
expressions idiomatiques en arabe classique ou arabe algérien et leur portée (fonction)
communicationnelle et /ou affective dans une chronique en langue française.
339
l’humour qui est omniprésent dans les chroniques de Saïd Mekbel et Hakim Laâlam. Ces
néologismes ont donc été produits pour créer une relation de connivence avec le lecteur.
Toutefois, je fais part d’autres néologismes qui auraient été, selon moi, motivés par le
besoin linguistique : celui de décrire une réalité nouvelle dans la société en recourant à des
compositions savantes et hybrides qui incluent même l’anglais.
La chronique, rappelons-le est avant tout un exercice de style particulier, bien que
soumis à des impératifs journalistiques communs aux autres types d’articles qui sont : le
respect de l’information, le respect de la ligne éditoriale du journal et, la satisfaction du
lecteur, le journal étant aussi (d’abord) une entreprise commerciale. C’est pour ce dernier
critère de « satisfaction » que le chroniqueur s’adonne à des jeux de séduction envers des
lecteurs qui deviendront « ses » lecteurs. Il emploie des expressions idiomatiques, des
emprunts facultatifs, des emprunts néologiques et même des sobriquets typiquement
algériens pour créer ce lien empathique avec son lectorat, pour le gagner.
340
thématiques pourvoyeuses d’emprunts que cette variation peut se réaliser : plus les
chroniqueurs ont accès à l’information liée à la politique intérieure, plus les contacts de
langues vont avoir lieu. Il devient tout à fait aisé pour moi d’expliquer l’absence de contact
de langues dans les chroniques de Saïd Mekbel, antérieures à cette date (1990) : aucune
chronique n’avait trait à la politique intérieure de l’Algérie.
Ainsi, je me dis que de plus en plus, les chroniqueurs algériens (tout comme les
écrivains) écrivent comme ils parlent. De plus en plus les algériens écrivent comme ils
pensent aussi. Et, de plus en plus les journalistes algériens écrivent ce qu’ils sont :
plurilingues et donc pluriculturels : L’écriture de manière générale n’est pas qu’un exercice
stylistique ; il est aussi révélateur d’une identité.
Riches de cette inter et pluri culturalité, il devient donc plus aisé pour les
chroniqueurs algériens de choisir le mot le plus adéquat ne laissant nulle place à
l’approximation, quitte à puiser dans un autre système linguistique que celui institutionnel.
La fonction conative et les effets du pathos priment sur la fonction métalinguistique ou
poétique du discours.
Par ce choix lexical, le locuteur/chroniqueur puise dans le fonds des représentations
identitaires, sociales et culturelles de l’Autre. Même si cet Autre n’est actuellement devenu
qu’une minorité dans la société. Cet Autre existe et le chroniqueur écrit pour lui ce qu’ils
partagent comme idéal et ce qu’ils ont comme convictions communes, mais aussi comme
langues communes.
Pour conclure, ces quelques exemples de pratiques plurilingues confortent, à mon avis, une
seule et même thèse : Les chroniqueurs écrivent comme ils parlent et comme ils pensent.
Les chroniqueurs écrivent surtout ce qu’ils sont : plurilingues et pluriculturels.
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