La Libéralisation Financière en Corée Thaïlande Et Malaisie
La Libéralisation Financière en Corée Thaïlande Et Malaisie
La Libéralisation Financière en Corée Thaïlande Et Malaisie
DONADIEU José
Résumé :
Cet article a pour objectif central d’analyser les modalités théoriques d’une
libéralisation financière, menée dans un pays se situant au départ en équilibre de répression
financière, afin de déterminer dans quelle mesure elle est soutenable. On montrera que cette
soutenabilité est fonction de deux variables fondamentales : le service de la dette et le retour
brut sur capital. De l’évolution de ces deux variables au cours du processus d’ajustement à la
libéralisation des taux dépend le déclenchement ou non d’un Ponzi game (difficultés de
remboursement de la dette pour les entreprises et situation de liquidity crunch).
L’application de ce modèle théorique à trois pays est asiatiques permettra de conclure,
dans le cas de la Corée, au déclenchement d’un Ponzi game avec un retard de deux à trois ans
(à la fin de l’année 1997), et, dans le cas de la Thaïlande et de la Malaisie, à une libéralisation
financière mise en œuvre dans des conditions assurant sasoutenabilité sur le long terme.
1
Introduction :
1. Pourquoi la libéralisation financière est-elle ressentie comme nécessaire dans les trois
pays à partir du milieu des années 80 ?
Le fait que de forts taux d’épargne aient coexisté, en Asie (en Indonésie, ou à
Singapour, par exemple), avec des situations de répression financière, est éloquent à ce titre,
(Chowdury and Islam, 1993) : il apparaît en fait que la libéralisation progressive des taux
d’intérêt est un élément parmi d’autres (et non le plus important) ayant déterminé
l’accroissement du taux d’épargne en Asie.
Il est incontestable qu’au cours des années 80, le problème se pose de la façon dont
l’ont décrit les partisans de la libéralisation financière : les structures de la répression
financière ne permettent pas de mobiliser suffisamment de capitaux pour assurer la poursuite
du développement industriel. De fait, les tigres et les dragons asiatiques souffrent dans les
années 80 d’un besoin de financement interne pour l’investissement industriel : la demande de
crédit est en général très excédentaire, malgré de forts taux d’épargne.
Mais ce n’est pas la hausse des taux bancaires qui va permettre un accroissement des
fonds pour l’investissement privé et public, ce sont deux effets corollaires à la libéralisation
financière : la libéralisation des mouvements de capitaux et le développement des marchés
boursiers.
Le financement du développement industriel par des capitaux étrangers est une des
caractéristiques centrales des modèles de développement thaïlandais et malais. Il était donc
indispensable de supprimer toute barrière aux mouvements entrants et sortants de capitaux.
Cependant, dans un objectif d’attraction des capitaux externes, il est nécessaire
d’assurer une rémunération des placements domestiques au moins égale aux standards
internationaux, en faisant l’hypothèse de prime de risque nulle. Il faut donc procéder à une
libéralisation des taux d’intérêt domestiques pour que ceux-ci s’établissent à leur niveaux de
marché et, donc, deviennent attractifs pour les investisseurs internationaux. Une économie en
situation de répression financière, dans laquelle les taux sont plafonnés, ne peut satisfaire à
ces critères.
Quels sont les effets d’une politique de libéralisation des taux bancaires, lorsque la
liberté de circulation des capitaux est assurée ?
Les dépôts bancaires devenant plus attractifs, il va s’opérer une substitution en faveur de
ceux-ci, en provenance de la consommation, de l’épargne informelle et de l’épargne
étrangère. Notons que les investisseurs étrangers vont également accroître leurs placements
vers les banques domestiques.
La substitution en provenance du marché financier informel (MFI), comme l’ont montré
les modèles néo-structuralistes (Taylor, 1983 ; Van Wijnbergen, 1983), est celle qui amène la
croissance la plus faible des fonds disponibles pour l’investissement domestique1. Cependant,
1
Dans le cadre de ces deux modèles, une substitution en provenance du marché financier informel induit
même une décroissance des fonds disponibles pour l’investissement (du fait de l’existence d’un taux de réserve
obligatoires sur le marche financier officiel). Cependant, l’observation empirique comparative des taux pratiqués
sur le MFO et sur le MFI montre en fait que le taux réel de prêt sur le MFI est souvent supérieur au taux de prêt
ayant cours dans le secteur bancaire officiel, même après la libéralisation des taux.
Cela peut s’expliquer par l’existence d’une prime de risque permettant de parer au risque de défaut
(Chang et Jung, 1984), ou par le fait que la très forte segmentation des MFI implique d’importants coûts de
fonctionnement (Llanto, 1990).
4
dans les années 80, le MFI occupe une place déjà faible dans les secteurs financiers malais,
thaïlandais et coréens (le MFI coréen représente en 1980 12% du crédit au secteur privé
(Laymann, 1988), la substitution en provenance de l’épargne informelle va donc peu jouer,
d’autant plus qu’elle est très illiquide.
La substitution en provenance de la consommation risque également de jouer assez
faiblement, en Asie, du fait du niveau déjà élevé du taux d’épargne. Ceci dit, lorsque le
revenu augmente fortement, le taux d’épargne peut également gagner plusieurs points . Ainsi,
le taux d’épargne thaïlandais est passé de 23/25% entre 1982 et 1985 à plus de 30% à partir de
1988. Et ce bond semble être moins imputable à une hausse des taux bancaires créditeurs qu’à
une hausse des revenus (Fry, 1984).
En revanche, la substitution en provenance de l’épargne étrangère (par des investisseurs
locaux et étrangers) va jouer fortement et sera effectivement déterminée par la libéralisation
des taux d’intérêt, qui permet aux placements domestiques de devenir attractifs.
Dans les cas de la Corée, de la Thaïlande et de la Malaisie, à la fin des années 80, la
hausse des fonds disponibles pour l’investissement provient donc principalement de la
substitution en provenance de l’épargne étrangère des investisseurs locaux et étrangers, qui est
la plus productive des trois, puisqu’elle ne détermine pas de baisse de l’épargne sur le MFI, ni
de réduction de la demande domestique, par une diminution de la consommation.
- l’attraction des capitaux externes, permise par la libre circulation des capitaux et la
libéralisation financière, passe par un développement des marchés financiers. Il faut
également moderniser ceux-ci et favoriser l’apparition de nouveaux instruments financiers.
- les coûts de l’intermédiation bancaire sont plus importants que ceux du financement
direct, lorsque le risque existant (ou du moins, estimé par les opérateurs) sur le marché
boursier est suffisamment faible, ce qui a rapidement été le cas en ce qui concerne les marchés
émergents asiatiques.
- le fort accroissement du levier d’endettement des entreprises ayant accès au crédit
officiel, pendant la période de répression financière, empêche celles-ci de continuer à se
financer par endettement bancaire, sauf à créer une situation générant un important risque
système en cas de choc externe sur le marché des produits dans lesquels se sont spécialisés
ces entreprises (situation des chaebols coréens : le développement du financement par funding
a été favorisé au cours des années 90, mais semble être intervenu trop tard).
Analyse intuitive : effets induits d’une libéralisation des taux non annoncée :
Les firmes peuvent jouer sur deux variables : l’endettement (L), c’est à dire l’emprunt
net (B), et le stock de capital (K).
Les firmes maximisent :
∫ U(C).e-ρt dt (1.2)
C = rK . K + B – rL - δK - K& (1.3)
K& = I - δK (1.4)
L& = B (1.5)
B est l’emprunt net, cela signifie donc que, en équilibre de répression financière, à
chaque période, B équivaut à l’amortissement emprunté – l’amortissement payé = 0. Ce qui
veut donc dire que le service de la dette est réglé avec le retour brut sur capital. En équilibre
de répression financière, la dette L ne varie donc pas2. Cette hypothèse est levée dès que les
autorités monétaires prennent des mesures de libéralisation des taux.
La substitution des valeurs d’équilibre de ces trois équations donne (les valeurs
d’équilibre, en situation de répression financière, sont marquées par « * »):
B1 = B1• (1.6)
B1 < Z1 (1.7)
Z1 = h + φ B1• (1.8)
B1• est le crédit désiré par les entreprises du groupe 1, = crédit obtenu.
Z1 est l’offre de crédit officiel au groupe 1 : la demande de crédit est donc inférieur à
l’offre de crédit, pour les entreprises du groupe 1.
Z1 décrit la capacité des banques à offrir du crédit, qui dépend de l’activité d’open
market de la banque centrale (définie par un paramètre h), ainsi que de la proportion du crédit
désiré par les firmes, refinancé par la banque centrale. Pour l’instant, l’élasticité de l’offre de
refinancement aux banques commerciales, φ, est égale à 1.
Le crédit désiré des entreprises 2 (B2*) est supérieur au crédit officiel obtenu (B2) + le
crédit informel (BU) obtenu.
B2 = Z2 (1.10)
BU = ZU (1.10a)
2
Cette hypothèse est restrictive, et même abusive dans le cas de la Corée (pays dans lequel le levier
d’endettement des entreprises a fortement augmenté pendant la période de répression financière). Elle ne
compromet cependant pas le modèle, centré sur le processus d’ajustement à la libéralisation financière : seul sera
pris en compte la valeur de rL à la fin de la période de répression financière, peu importe que L ait augmenté au
cours de cette période.
11
Z2 = h + φ B2 = Z – B1 (1.11)
ZU = λ (1 + ru –r). D (1.11a)
ZU décrit le comportement d’offre de crédit sur le MFI.
Avec D l’ensemble des dépôts dans l’économie, λ la part des dépôts allant sur le MFI et
ru le taux d’intérêt débiteur sur le MFI.
A partir de là, on va supposer que les firmes du groupe 1 dominent (ce qui apparaît
plausible en Corée, Malaisie et Thaïlande), leur réponse va donc dominer l’ajustement macro-
économique. A partir de maintenant, on oubliera donc l’indice (1) pour désigner les variables
se rapportant aux entreprises du groupe 1 : les entreprises sont implicitement considérées
comme appartenant au groupe 1.
Sikorski considère alors que l’on se situe dans le cas où L/K > L/K* : les firmes du
groupe 1 souffrent plus d’une inefficience du crédit (par exemple, problème de surcapacité
des industries lourdes) que d’un rationnement du crédit.
La banque centrale aura donc pour objectif, lors de la libéralisation financière, la baisse
de L/K, afin de se rapprocher de L/K*.
Il s’agit d’une mesure non annoncée, les entreprises ne peuvent donc pas jouer sur le
stock de capital K : elles ne pourront jouer que sur l’emprunt B pendant l’exercice présent.
Hypothèse implicite : les prêts passés ont été contractés sur la base de taux d’intérêt
variables.
A partir de là, les firmes maximisent toujours :
∫ U(C).e-ρt dt
Notons que les contraintes financières 1.6, 1.7 et 1.8 ne jouent pas : φ est toujours égal à
1 (l’offre de refinancement de la banque centrale est toujours parfaitement élastique).
On se trouve donc ici face à un problème de commande optimale dans lequel L est la
variable d’état et B la variable de contrôle, dont la résolution va permettre d’identifier
l’évolution dans le temps de B (rappels théoriques concernant la résolution de problèmes de
commande optimale par le principe du maximum de Pontryagin dans l’annexe 1).
Pour cela, on maximise le Hamiltonien suivant :
MAX
H = U [rK.K* + B - rL - δK*] + mL (B) (1.14)
B
Baisser r pour permettre aux entreprises d’accroître B et rK.K et baisser rL, afin de
rapprocher L/K de L/K*. Mais ce retour à la répression financière déterminera une hausse de
Ψ, soit une perte de crédibilité de la capacité de la banque centrale à mener à bien une
politique de libéralisation financière dans le futur.
On suppose que cette hausse de Ψ est à ce moment là supérieure à l’écart entre L/K et
L/K*, le retour à la répression financière est donc sous-optimal. La politique adoptée sera
donc une poursuite de la libéralisation financière, accompagnée d’une politique monétaire
restrictive. En effet, il faut réduire la dette des entreprises du groupe 1, dont le levier
d’endettement devient trop élevé. φ se rapproche donc de 0.
Cette fois, les entreprises ne peuvent plus s’endetter : rL* est constant et B=0 :
l’équation 1.16 incorpore les contraintes 1.9, 1.10 et 1.11 pour φ = 0 et h = 0 ; la banque
centrale n’intervient plus sur l’open market et présente une offre de refinancement aux
banques commerciales complètement inélastique. Les entreprises vont donc jouer sur K : rK.K
va détendre la contrainte budgétaire et I va la tendre.
Notons ici que, au cours de la période précédente, rK.K* était insuffisant à répondre à la
hausse de rL. Si B = 0, il semble donc acquis que rK.K au cours de la période 3 sera également
insuffisant à servir la dette. On assistera donc à un désinvestissement (pour satisfaire à
l’équation (1.16) ), ce qui induira une baisse supplémentaire de rK.K. Ce cycle ne peut être
interrompu que si rK augmente de façon exogène. La discussion portant sur la valeur de rK
sera donc primordiale dans l’étude de l’évolution de K au cours de cette période.
On se trouve cette fois face à un problème de commande optimale dans lequel K est la
variable d’état et I la variable de contrôle.
On montre alors (annexe 3) que la résolution du Hamiltonien :
MAX
H = U [rK.K – rL* - I) + mK (I - δK) (1.19)
I
(avec mK la variable associée au capital)
va donner cette fois le « time path » pour K :
Si rK > ( δ + ρ ), c’est à dire si le retour brut sur capital est supérieur au taux de
dépréciation du capital plus la préférence pour le présent, alors K va augmenter au fil du
temps (les deux exposants des exponentielles sont positifs), déterminant un accroissement
supplémentaire de rK.K, et donc un allégement de la contrainte financière des entreprises.
Cependant, en période de difficultés financières pour les entreprises, il est probable que
la préférence pour le présent ρ soit élevée, et donc que rK soit non seulement < ( δ + ρ ), mais
plus proche de δ que de ρ (on rappelle que rK doit être > δ sinon un investissement amène une
décroissance du stock de capital).
A ce moment là, le premier terme est une exponentielle à exposant positif mais très
proche de 0, le second une exponentielle à exposant négatif, qui va donc tendre vers 0, et le
troisième terme est d’autant plus négatif que rL*, le service de la dette, est fort.
Il semble donc que, sous ces hypothèses, le stock de capital décroisse avec le temps.
La chute de K d’autant plus forte que rL* est élevé et que rK est proche de δ.
Notons cependant que si rK augmente de façon exogène au cours de la période 3, alors
le premier terme peut rapidement devenir supérieur au troisième : le stock de capital peut
retrouver une courbe ascendante.
Finalement, plus les firmes présentent un levier d’endettement élevé, plus une part
importante du crédit contracté après la hausse de r (pendant la seconde période) a été alloué à
des fins non productives (pour satisfaire aux échéances de remboursement de la dette),
impliquant une baisse de rK.K.
A ce moment là, la firme considérée se trouve dans la situation où rL est élevé et où
rK.K est faible : K baisse.
Au niveau macro-économique, on constate alors une baisse de l’investissement, qui
implique une baisse du taux de croissance.
La fonction de réaction de la banque centrale s’est modifiée : la baisse de K (au moins
sur le court/moyen terme, pour les firmes 1, qui ont un fort levier d’endettement) entraîne un
éloignement supplémentaire de L/K de L/K*.
La période de jeu se termine donc : la banque centrale peut intervenir.
La fin de la période 3 se caractérise donc par un éventuel liquidity crunch.
Finalement, les entreprises maximisent toujours la même fonction d’utilité, mais cette
fois sous les contraintes :
C = rK.K + B’ – rL - I (1.16’)
K& = I - δK (1.17)
L& = B + B’= B’ (1.18’)
C’est à dire que les entreprises peuvent maintenant jouer à la fois sur K et sur L, par
l’intermédiaire de l’endettement externe (B’).
Sans procéder à la résolution du hamiltonien impliquant deux variables de contrôle, on
peut, intuitivement, dégager plusieurs tendances dominantes :
Conclusions du modèle :
Mais ce scénario idéal apparaît nettement irréaliste, dès lors que l’on considère d’autres
implications (caractéristiques des trois pays étudiés, vers le milieu des années 90), de
l’ouverture des flux de capitaux.
Le point central, ici, est que la libéralisation des flux internationaux de capitaux va
déterminer un accroissement des entrées de capitaux (d’autant plus forte que le différentiel
d’intérêt s’accroît, du fait de la libéralisation financière). Ce qui entraîne :
- une hausse de rL, et donc un accroissement de la probabilité de déclenchement du
Ponzi game sur le moyen/long terme.
- une plus grande difficulté à mener une politique monétaire restrictive.
- une forte hausse de l’investissement (taux d’épargne asiatiques élevés et fort
excédent de la balance des mouvements de capitaux), qui implique, du fait de la loi
des rendements décroissants, une baisse de rK (le rendement brut du capital).
D’autres éléments, non imputables à l’ouverture des flux de capitaux, ni à l’appréciation
du change réel, expliquent la chute de rK à partir du milieu des années 90 (pour des
statistiques concernant cette chute, voir Corsetti, Pesenti and Roubini, 1998) :
D’abord, la libéralisation financière, en déterminant un accroissement du service de la
dette, va pousser les entreprises et institutions financières débitrices qui ont du mal à servir la
dette, à chercher des rendements plus élevés à cour terme. Elles vont donc investir sur les
marchés boursiers et immobiliers, qui proposent des rendements court terme probables élevés,
même si les rendements moyens anticipés sont faibles, du fait d’un risque plus élevé. On
passe donc de « high yields/low risk projects » à des « low yields/high risk projects » (Palma,
1998).
Ensuite, deux chocs réels vont induire une chute de rK par le biais d’une baisse des
exportations : la crise dans le secteur des semi-conducteurs, et, pour la Corée, la crise
asiatique à partir de l’été 97.
Tout ceci montre que si la suppression des obstacles aux mouvements de capitaux
permet d’éviter le liquidity crunch sur le court terme, elle ne fait que reculer dans le temps le
déclenchement d’un Ponzi game, en déterminant une hausse supplémentaire de rL, alors que
rK.K se détériore, pour les raisons que nous venons de présenter.
En Malaisie, il n’y a plus d’obstacles au libre mouvement des capitaux dès 1976.
En 1982/1983, le plan de stabilisation prévoit une hausse des taux par un resserrement
de la politique monétaire (pour obliger le cartel bancaire à hausser les taux d’intérêt), ainsi
qu’une fermeture partielle de la fenêtre de refinancement à taux bonifié.
Ce plan, qui induit effectivement une forte hausse des taux réels, du fait de la baisse de
l’inflation à partir de 1982, ainsi qu’une baisse de la liquidité du marché du crédit, avec la
fermeture partielle de la fenêtre de refinancement, va générer une situation de liquidity crunch
qui se traduira, comme en Thaïlande, par des faillites d’institutions financières et par des
difficultés financières pour certaines entreprises entre 1983 et 1985.
Les entreprises et institutions financières en difficulté font l’objet d’un plan de
sauvetage gouvernemental, puis la fenêtre de refinancement est élargie, en 1986.
18
En 1985, les autorités monétaires font pression sur le cartel bancaire pour un
retournement à la baisse des taux de prêt. Mais il faut attendre 1986/1987 pour que les
banques puissent baisser les taux débiteurs. En effet, avant l’arrivée de capitaux étrangers
dans le système financier malais, les difficultés financières connues par les banques
commerciales les ont incitées à accroître leurs marges pour résorber les créances douteuses
contenues dans leurs actifs.
Après la réintroduction de ces mesures de libéralisation financière, les taux seront de
plus en plus déterminés par des mécanismes de marché, et de moins en moins par le cartel
bancaire, les banques ayant dû s’ouvrir à la concurrence du fait du boom des capitaux
externes dans le pays.
Seule persistera la fenêtre de refinancement : le Banking and Financial Act de 1989
prévoit encore un plancher de 20 % de crédit des banques commerciales à accorder aux
secteurs prioritaires.
A la lumière du modèle développé plus haut, et en prenant pour exemple les expériences
de libéralisation financière thaïlandaise, malaise et coréenne, on peut dégager quelques
mesures principales permettant d’éviter l’apparition d’un Ponzi game.
(1) Tout d’abord, il semble déterminant de procéder à une hausse des taux progressive
et de manière à ce qu’elle ne soit pas ressentie comme un choc par les banques et les
entreprises. En effet, une libéralisation des taux progressive, de même qu’une libéralisation
financière annoncée, permet de ne pas ressentir l’effet du Ponzi effect à plein.
19
De fait, si la hausse des taux est limitée et échelonnée dans le temps, une partie de
l’endettement B contractée à la période 2 sera suffisante à satisfaire à l’accroissement derL
dû à la hausse de r. Le reste de B pourra alors être affecté à des investissements productifs, ce
qui permettra une hausse de rK.K à la période 3. De même, la hausse limitée de r implique un
faible accroissement de rL.
Or, on a vu que la phase de décroissance de K était d’autant plus courte que rK.K était
fort et que rL était faible.
De la même façon, une hausse des taux annoncée permettra aux entreprises de réduire
leurs perspectives d’investissement et leur levier d’endettement auprès des banques
commerciales domestiques dès la période précédant la libéralisation financière, en recourant
plus intensément au financement direct, mais aussi à l’endettement auprès de banques
étrangères.
Ces précautions induiront une baisse de rL à la période 3 et, donc, un Ponzi effect moins
fort. Notons que l’efficacité de cette mesure dépend de la crédibilité de la banque centrale.
Les entreprises seront d’autant plus incitées à réduire leur levier d’endettement que
l’application de la libéralisation financière leur paraît crédible. Or, cette crédibilité a pu être
mise à mal par des mesures antérieures de libéralisation des taux annulées par une
réintroduction postérieure de mesures de répression financière.
En ce qui concerne cette mesure, il est intéressant de noter que, en Corée, par exemple,
la libéralisation des taux sur les dépôts s’est faite de façon extrêmement progressive, entre
1993 et 1996, afin de permettre aux entreprises de faire face aux nouvelles échéances. De fait,
les banques commerciales, dont les actifs sont constitués en grande partie de prêts à des
chaebols dont les leviers d’endettement sont excessivement élevés (entre 300 et 400%),
seraient mises dans des situations très difficiles si certaines de ces entreprises n’arrivaient plus
à honorer leurs échéances.
(3) Troisième condition facilitant les mesures de hausse des taux d’intérêt : il faut que
les mouvements de capitaux soient libres et que la hausse des taux soit susceptible d’attirer
des capitaux étrangers, en particulier des investissements de portefeuille, afin de limiter les
risques de liquidity crunch (voir extension du modèle en économie ouverte). On amènera ici
20
les restrictions déjà posées : il ne faut pas que cette libéralisation des mouvements de capitaux
n’implique de trop forte hausse de rL ni de trop forte dégradation de la rentabilité des
investissements.
La hausse des taux sera suivie d’un fort excédent de la balance de capitaux à plusieurs
conditions : marchés boursiers sécurisés et modernisés, perspectives de rendement élevées,
innovations en terme d’instruments financiers, risque de change limité, variables macro-
économiques et politiques stables…
Ici encore, Thaïlande, Malaisie et Corée ont parfaitement réuni ces différents conditions,
ce qui leur a permis d’éviter un liquidity crunch au début des années 90. Par contre, comme
on le montrera plus loin, les effets pervers de l’accroissement des flux entrant de capitaux
n’ont pu être évités, et le Ponzi game a été repoussé dans le temps, et non définitivement
évité.
(4) Enfin, on peut noter une dernière condition facilitant l’application d’une
libéralisation financière : il faut que l’économie connaisse une période de croissance. Si l’on
se situe dans une phase de récession, rK.K sera faible et la baisse de K lors de la troisième
phase du modèle risque de se prolonger sur le moyen terme, poussant les autorités à rétablir
des mesures de répression financière (situation malaise en 1984/1985).
C’est à l’évidence une condition réalisée dans les trois pays au début des années 90 : le
taux de croissance des secteurs stratégiques dépasse les 10% et la rentabilité des
investissements sur les marchés boursiers (et immobiliers pour la Thaïlande et la Malaisie)
des trois pays attire des capitaux du monde entier.
L’apparition d’un Ponzi game en Corée a donc été évitée en 1993/1996 par un
échelonnement très progressif des mesures de libéralisation financière, qui implique un
accroissement très faible de rL, malgré le niveau très élevé de l’endettement des chaebols
coréens.
De plus, le développement du financement sur la place boursière de Séoul et le fort
accroissement de l’excédent de la balance des capitaux à court terme dès le début des années
90, permet au système financier coréen de rester très liquide.
Mais le Ponzi game est évité grâce à un autre phénomène : entre 1990 et 1995, rK.K est
très élevé en Corée, du fait du fort taux de croissance des exportations (tableau 1, annexe 3).
Cependant, comme nous l’avons déjà montré, si le liquidity crunch est évité sur le court
terme, le Ponzi game n’est que repoussé.
Les afflux de capitaux externes vont impliquer un accroissement supplémentaire de rL
(les leviers d’endettement des chaebols coréens dépassent souvent 400%) et une baisse de
rK.K, qui sera renforcée par la crise des semi-conducteurs, puis la crise sud est asiatique.
21
Dès le début 1997, les chaebols coréens commencent à connaître des difficultés à servir
leur dette (faillites de 3 des 18 plus grands chaebols entre janvier et juillet 1997 : Hanbo, Jinro
et Kia).
A la suite de cette initialisation d’un Ponzi game, des mesures de répression financière
vont être réintroduites en Malaisie: réouverture de la fenêtre de financement et pressions pour
que les banques commerciales baissent les taux débiteurs (période 4 du modèle).
En Thaïlande, un « fund for rehabilitation and development of capital institutions » est
crée en 1985. Il reçoit des contributions à taux nul de toutes les institutions financières, est
chargé de renflouer les établissements en difficulté et est géré par la banque centrale.
Ceci dit, en règle général, les autorités monétaires thaïlandaises préfèrent assurer la
crédibilité de la politique de libéralisation financière à venir plutôt que de procéder à une
réduction des plafonds sur les taux d’intérêt débiteurs.
interprétée comme une hausse des taux sur une période donnée, ne semble pas avoir
déterminée de fragilisation du secteur bancaire dans les années 90.
Conclusion :
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26
Résolution :
Où x& (t) représente la dérivée de x(t) par rapport à t (en règle générale, le point dénote
une dérivée par rapport à t) et H, appelé hamiltonien, s’écrit :
D’autre part, le principe de Pontryagin établit que si u0 (t) est une commande optimale à
laquelle correspondent x0 (t) et Ψ0(t), alors, pour chaque valeur de t appartenant à (0, T), on
a:
H [x0(t), u0(t), Ψ0(t) ]= Max H [x0(t), u(t), Ψ0(t) ]
U
MAX
H = U [rK.K* + B - rL - δK*] + mL (B) (1.14)
B
On pose alors, respectivement, les conditions (a) = (2.1), (d) = (2.2) et (b)= (2.3) :
L& = B (2.1)
δH / δB = 0
⇔ δU/δC . δC/δB + mL = 0
⇔ UC + mL = 0 (2.2)
m& L = -δH / δ L
= - (δU/δC . δC/δL - ρmL)
= UC . r + ρmL (2.3)
MAX
H = U [rK.K – rL* - I) + mK (I - δK) (1.19)
I
K& = I - δK (3.1)
m& K = -δH / δ K = UC . R + δmK + ρmK (3.2)
δH / δI = - UC + mK = 0 (3.3)
& K - (δ + ρ - rK)mK = 0
m (3.4)
29
Et 3.4, 3.1 et 2.7 permettent d’écrire C (t), de la même façon que précédemment :
81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96
Exportations 20747 20934 23272 26486 26633 34128 46560 59973 61832 63659 70541 76199 82089 94964 124632 129968
Importations 24596 23762 25120 27575 26653 29829 39031 48690 57471 66109 77344 77954 79771 97824 129076 144933
Bal. comm. -3849 -2827 -1849 -1089 -20 4299 7529 11283 4361 -2450 -6803 -1755 2319 -2860 -4444 -14965
Solde -4607 -2551 -1524 -1293 -795 4709 10058 14505 5361 -2003 -8317 -3944 990 -3867 -8507 -23006
courant
Invts directs 102 69 69 110 234 460 616 1014 1118 789 1180 728 588 809 1776 2325
80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96
Solde comm. -1910 -2030 -730 -2870 -1900 -1340 380 -420 -2070 -2910 -6750 -5990 -4160 -4290 -3720 -7960 -9490
Solde cour. -2070 -2570 -1000 -2870 -2110 -1540 240 -360 -1650 -2500 -7280 -7570 -6300 -6360 -8080 - -
13550 14700
ts
Inv directs 180 280 180 350 400 160 260 180 1080 1720 2300 1850 1970 1570 870 1180 1390
Invts portef. 96 44 68 108 155 895 -29 346 530 1490 -38 -81 920 5460 2480 4080 3580
Cpte op fin 1870 2070 500 2450 2620 1620 470 1300 4250 7530 10510 11760 9480 10500 12170 21910 19500
Bal globale -206 43 -231 -324 516 82 710 940 2600 5030 3230 4620 3030 3910 4170 7160 2170
Tableau 3 : Evolution de la balance des paiements malaise de 1980 à 1996 ( en dizaine de millions de $ )
80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95
Déf. comm. -240 10 75 -43 -298 -357 -324 -583 -554 -391 -192 -39 -315 -303 -157 10
Déf. courant 28 248 360 350 167 61 12 -263 -181 21 167 418 216 300 452 736
Invts directs 93 126 139 126 79 69 49 42 72 167 251 340 520 500 434 413
Invts portef. -11 113 180 141 100 194 3 14 -44 -10 -25 17 112 70 164 44
Cpte op fin 64 203 334 335 215 176 157 -142 -136 144 362 541 877 1435 136 560
Bal globale 46 -45 -26 -15 48 115 145 111 -45 123 195 123 661 1135 -316 -176