2017 Mandeng Diane These
2017 Mandeng Diane These
2017 Mandeng Diane These
Présentée par :
Diane Mandeng
Directeur(s) de Thèse :
Alain Ondoua, Léopold Donfack Sokeng
Jury :
par :
DIRECTEURS DE RECHERCHE :
Alain ONDOUA Léopold DONFACK SOKENG
Professeur à l’Université de Poitiers Professeur à l’Université de Douala
(France) (Cameroun)
SUFFRAGANTS :
Alioune Badara FALL Dodzi Komla KOKOROKO
(Rapporteur) (Rapporteur)
Professeur à l’Université de Bordeaux Professeur à l’Université de Lomé
(France) (Togo)
MEMBRE :
Antoine CLAEYS
(Président du jury)
Maître de conférences HDR, à L’Université de Poitiers (France)
Les Uuniversités de Douala et de Poitiers n'entendent donner aucune approbation ni improbation
aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs.
Nos sincères remerciements s’adressent tout particulièrement à nos directeurs de thèse, les professeurs
Léopold Donfack Sokeng et Alain Ondoua, pour leurs précieux conseils, disponibilité, patience et sens de
l’écoute.
Nous tenons également à remercier notre famille et nos amis pour leur présence, leurs encouragements et
leurs prières au quotidien.
Nos mes profonds remerciements s’adressent par ailleurs à toute l’équipe de l’Institut de Droit Public
(IDP), et de manière particulière à madame Emmanuelle Chevrier et à monsieur Rémy Lérignier pour leur
disponibilité.
Enfin et surtout, nous tenons à exprimer notre reconnaissance à l’Agence Universitaire de la Francophonie-
Bureau Afrique Centrale et des Grands-Lacs (AUF- BACGL) qui a contribué à la réalisation de ce travail
en nous octroyant une bourse de mobilité pendant nos deux premières années de thèse.
Trente sept années après l’appel « aux urnes l’Afrique ! Élections et pouvoirs en Afrique
noire », lancé par les chercheurs du Centre d’études d’Afrique Noire (CEAN) de Bordeaux,
l’organisation des processus électoraux s’est développée et profondément enracinée dans la
culture sociopolitique des systèmes politiques des États africains. L’élection s’est dès lors
constituée comme la clé de voûte de tout système représentatif, et entraîne la problématique
de la consolidation de la démocratie et de l’État de droit. Malgré l’existence de nombreux
travaux sur l’élection, le contentieux électoral demeure assez complexe et constitue encore de
nos jours un facteur de tension et de crises postélectorales dans plusieurs États africains.
L’organisation d’une procédure contentieuse en matière électorale participe dès lors à l’objectif
de garantir aux citoyens la pleine jouissance de leur souveraineté. Elle obéit à la mise en place
d’un mécanisme adéquat et simplifié qui favorise l’accès des justiciables aux juges électoraux.
La procédure contentieuse telle qu’organisée au Cameroun comporte à l’évidence plusieurs
éléments qui favorisent la garantie des droits civils et politiques des citoyens. Elle s’avère
insuffisante et inefficace face à l’office d’un juge électoral englouti par des contraintes tant
sociopolitiques que professionnelles. Cela appelle la nécessité de procéder à un
réaménagement profond visant la garantie des droits civils et politiques des citoyens par
l’efficacité de l’office du juge électoral et partant, la consolidation de la démocratie
représentative.
Mots-clés en français :
Contentieux électoral - Élections - Juge électoral - Justice électorale - Office du juge
Abstract:
In 1979, the African study Center of Bordeaux, launched a new initiative about voting in
Africa. Thirty seven years later, the organization of electoral processes has been substantially
developed and is now deeply rooted in african political systems. Consequently, electing the
people political representatives is now a cornerstone of decision-making processes of African
political systems, leading to the enhancement of democracy issues and basic State rights
struggles (or political power struggles), which assume/require a strong involvement of
citizens. Regardless of intensive research activities about those issues, electoral disputes
resolution remains a serious concern in Africa, potentially leading to post-election crises and
violence, as well as long term conflicts in some African countries. Such a litigation process
requires an adequate and simplified electoral conflict resolution mechanism, helping the
involved parties to easily have access to the electoral court. The electoral litigation process in
Cameroon has several positive elements ensuring civic and political rights to citizens.
However, this process seems to suffer a lack, because the election judge is facing numerous
virtual political and socio-political constraints. Therefore it becomes evident that, there is a
need for a deep refitting of the law in order to better protect people’s rights by improving the
efficiency of the election judge, subsequently enhancing the Cameroonian representative
democracy system.
Keywords:
Electoral Dispute - Elections - -electoral judge - Electoral justice - Office of the judge -
INTRODUCTION ................................................................................................................ 9
PARTIE I. L’ORGANISATION COMPLEXE DU CADRE PROCÉDURAL .................................. 34
TITRE I. LE FOISONNEMENT D’ORGANES DE CONTRÔLE....................................................... 36
Chapitre I. L’intervention plurielle d’organes non juridictionnels........................................ 38
Chapitre II. L’intervention à échelle variable d’organes juridictionnels ............................... 83
TITRE II. L’ACCÈS QUASI-RESTRICTIF AUX ORGANES COMPÉTENTS ..................................... 132
Chapitre I. La détermination limitative des conditions subjectives de saisine................... 135
Chapitre II. Le relatif rigorisme des conditions objectives de saisine .................................171
PARTIE II. LE DÉROULEMENT LABORIEUX DU PROCÈS ÉLECTORAL .............................205
TITRE I. LA MALLÉABILITÉ DE LA CONDUITE DE L’INSTANCE ............................................. 208
Chapitre I. L’instruction des requêtes ................................................................................. 210
Chapitre II. Le cadre ambigu du prononcé de la décision ................................................. 245
TITRE II. LA FRAGILISATION DE L’OFFICE DU JUGE ............................................................. 287
Chapitre I. L’instrumentalisation institutionnelle............................................................... 290
Chapitre II. La fragilisation entretenue par le juge lui-même ............................................ 344
CONCLUSION GÉNÉRALE ...............................................................................................386
ANNEXES .......................................................................................................................392
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................406
INDEX ALPHABÉTIQUE ..................................................................................................423
TABLE DES MATIÈRES ....................................................................................................430
Raymond ODENT 1
6 Propos de François Mitterrand, cité par BOURGI A., « Mitterrand et la démocratie en Afrique. Discours de
la Baule, huit ans après », Ceri/SciencesPo-Cnrs, 2000.
7 QUANTIN P., « La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle », Pouvoirs, 2009/2, n°129, pp. 65-76.
8 L’État de droit est considéré comme la principale caractéristique des régimes qui donne la primauté au droit
et qui en fait un instrument privilégié de régulation de l'organisation politique et sociale. Il est soumis au
respect des dispositions posées, connues et garanties par des sanctions prévues par la loi et qui ne doivent
pas être des déclarations, affirmations, proclamations privées de substances, partant, dépourvues d’effets
juridiques 8.
9 Décision de la Cour constitutionnelle allemande du 23 octobre 1952.
10 ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, 11ème édition, Paris, L. G. D. J.-Lextenso, 2016, pp. 351-360.
Décisions du Conseil constitutionnel français du 11 janvier 1990 et du 9 avril 1992C. C. 89-271 D. C., 11
janvier 1990, p. 21 ; C. C. 92-308 D. C., 9 avril 1992, p. 55.
S’il est indéniable que la démocratie est un idéal universellement reconnu, l’on observe
que la démocratie à l’ « africaine » 13 continue de poser des difficultés liées à son
enracinement. Le professeur Patrick Quantin souligne à propos de la démocratie en Afrique
que la qualification du degré de démocratie, la qualité de celle-ci, ou de ses expériences sont
biaisées puisque le modèle sollicité pour mesurer l’écart à la norme n’est jamais discuté. Bien
plus, le référentiel démocratique est fortement marqué par le problème de l’identité, puisque
les solutions acceptables ne peuvent être qu’authentiquement africaines 14. L’analyse de la
procédure contentieuse en matière électorale au Cameroun nécessite dès lors de préciser le
contexte spatio-temporel (I), la délimitation et la précision notionnelle du sujet (II), l’intérêt
(II), la problématique (IV), puis la démarche méthodologique adoptée dans notre étude (V).
11 ARDANT Ph., MATHIEU B., Institutions politiques et droit constitutionnel, L. G. D. J.- Lextenso, 26ème édition,
2014, p. 164.
12 KUASSI J. B., MONKOTAN, « Les difficultés de la démocratisation en Afrique », in L’état de droit et la
démocratie, p. 297-316. [En ligne], disponible sur
http://www.bibliotheque.auf.org/doc_num.php?explnum_id=665, consulté le 15/02/2016).
13 QUANTIN P., « La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle », op. cit., p. 68.
14 QUANTIN P., « La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle », ibidem, pp. 66-69.
18 BAILEY (1971 : 50), cité par SINDJOUN L., « Élections et politiques au Cameroun : concurrence déloyale,
coalitions de stabilité hégémonique et politique d’affection », ibid., p. 93.
19 C’est à l’occasion du congrès du parti politique de l’Union Camerounaise ( UC) organisé en septembre 1960
à Garoua— capitale de la région du nord du Cameroun et dont le chef-lieu du département est la Bénoué—
que le président de la République Ahmadou Ahidjo lance un appel à la constitution d’un grand parti
national unifié, appel qui sera concrétisé en novembre 1961. SINDJOUN L., « Élections et politiques au
Cameroun : concurrence déloyale, coalitions de stabilité hégémonique et politique d’affection », op.cit., p. 94.
20 Sur le sens de la codification, BOURDIEU (1987 : 94-109), cité par SINDJOUN L., « Élections et politiques au
Cameroun : concurrence déloyale, coalitions de stabilité hégémonique et politique d’affection », ibidem,
p. 94.
21 Lire sur la question, GONIDEC P.-Fr., « Cameroun :seize ans de stabilité politique- un régime dominé par la
stature du président Ahidjo », in Le Monde diplomatique, août 1976, p. 21. [En ligne], disponible sur :
https://www.monde-diplomatique.fr/1976/08/GONIDEC/33870. Consulté le 10/03/2016) ; Rapport
Afrique de Crisis Group, « Cameroun : État fragile ? », n°160, International CrisisGroup Working to
Prevent Conflict Worldwide, 25 mai 2010, 50 p. ; BAYART J.-Fr, L’État au Cameroun, Paris, Presses de la
Fondation Nationale des Ssciences Politiques, 1984, p. 113-130.
À l’image d’une bourrasque, le Cameroun s’est laissé envahir par ces transmutations
d’ouverture à la démocratie, et s’arrime de manière concrète à la consolidation d’un État de
droit. D’un état de monopartisme de fait 23, le Cameroun s’ouvre de manière effective au
système multipartisan à partir des années 1990. Cette période symbolise la troisième phase de
son évolution politique, avec l’organisation d’élections disputées entre plusieurs candidats en
compétition 24. Des mutations ont à cet égard été noté sur les plans politique et institutionnel,
notamment la mise sur pied d’un cadre normatif permettant d’asseoir l’État de droit, de
garantir les libertés politiques des citoyens, et de réglementer et organiser les processus
électoraux. Le processus de démocratisation du Cameroun ne s’était pas opéré au travers de
l’organisation d’une Conférence nationale comme cela a été observé dans plusieurs États
africains. La rencontre tripartite organisée entre les pouvoirs publics, les partis politiques et la
société civile suite à « l’émergence explosive des mouvements pro-démocratie » 25 organisés
par les groupes d’opposition et la société civile, a abouti à l’adoption des lois dites de
26 Lois n°90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’expression et n°90/056 du 19 décembre 1990 portant
création des partis politiques.
27 En matière électorale, les textes qui régissent les opérations électorales n’étaient pas contenus dans un
document unique. Il n’existait pas un Code électoral, mais une pluralité de lois régissant une élection
déterminée. Voir la définition de la loi électorale par Guy CARCASSONNE, in Dictionnaire du vote, PERRINEAU
P. et REYNIÉ D. (Dir.), 1èreédition, Paris, PUF, 2001, pp. 586-590.
28 LÔ G., « Quelques réflexions sur le « démocratisation » en Afrique », in Mélanges Patrice Gélard : Droit
constitutionnel, Paris, Montchrestien, 2000, p. 427.
29 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 modifiée et complétée par celle n°2008/001 du 14 avril 2008.
30 L’article 21 rappelle le fondement du droit de vote, celui qui est attaché au caractère inaliénable et sacré de
l’individu, et qui confère une égalité à tous les citoyens dans la société.
31 Voir au sujet de l’origine des pouvoirs publics, PIERRE EUGÈNE, Traité de droit politique : Électoral et
parlementaire, Paris, LOYSEL, 1989, p. 127.
32 ARDANT Ph, Institutions politiques et droit constitutionnel, 18èmeédition, Paris, L.G.D.J., 2006, p. 169.
Si le phénomène de démocratisation de l’Afrique peut être daté des années 1990 au regard
de la succession d’évènements extérieurs, et internes que l’on a pu observé, il faudrait noter
que la démocratie représentative n’a pu être effective en Afrique qu’avec l’organisation
d’élections concurrentielles et la mise en oeuvre d’un cadre procédural permettant d’en
garantir la régularité. Selon Monsieur Gourmo lô, pour que la démocratisation des pays
africains ait un sens et une chance de s’affirmer, ils doivent avant tout la concevoir comme un
processus de reconstruction de l’État, non seulement dans les faits et les institutions, mais
aussi dans la tête de ses acteurs, sans quoi, celle-ci ne sera qu’un pur jeu d’ombres chinoises 35.
Il importe à cet effet de délimiter notre champ d’étude afin d’en préciser les notions.
33 QUANTIN P., « La démocratie en Afrique : à la recherche d’un modèle », op. cit., p. 68.
34 Sur le plan interne, l’article 2 alinéa 1 et 2 de la Constitution du 02 juin 1972, réaffirme l’attachement du
Cameroun aux principes démocratiques tels qu’énoncés par les instruments internationaux, et dispose que
la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce par soit par lʼ intermédiaire du président de la
République et des membres du Parlement, soit par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut
sʼ en attribuer lʼ exercice. Les autorités chargées de diriger l’État tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d’élections au
suffrage universel direct ou indirect, sauf dispositions contraires de la présente Constitution.
Sur le plan international, plusieurs textes juridiques promeuvent, la reconnaissance et la consécration de la
démocratie représentative par les États. Il s’agit notamment, des articles 21 de la Déclaration universelle des
droits de l’homme du 10 décembre 1948 ; 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques
adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution
2200 A (XXI) du 16 décembre 1966 ; 1 de la Déclaration sur les critères pour des élections libres et
régulières adoptée à l'unanimité par le Conseil interparlementaire lors de sa 154ème session le 26 mars 1994 à
Paris ; 23 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme adoptée à San José, Costa Rica, le 22
novembre 1969, à la conférence spécialisée interaméricaine sur les droits de l'Homme ; 4 et 6 de la Charte
africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée par la 8ème session ordinaire de la
conférence tenue à Addis-Abeba (Ethiopie), le 30 janvier 2007 ; 13 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya), et entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
35 LÔ G., « Quelques réflexions sur le « démocratisation » en Afrique », op. cit., p. 430-431.
« Chaque droit positif national constitue (…) l’une des manifestations qui caractérisent de
la façon la plus apparente, la forme et le degré de culture et de civilisation de l’État
considéré » 39. Il importe de circonscrire notre étude à l’analyse de la procédure contentieuse
applicable aux élections du président de la République, des députés à l’Assemblée nationale et
des conseillers municipaux qui se sont déroulées depuis les années 1990 au Cameroun. Nous
excluerons l’élection sénatoriale en raison de son caractère indirect qui n’admet pas la
participation directe des citoyens puisqu’elle représente les collectivités territoriales
décentralisées 40, et le référendum parce qu’il vise non pas le choix d’un représentant, mais
l’approbation des citoyens sur une question politique déterminée. Pour mieux appréhender la
procédure contentieuse en matière électorale telle qu’organisée au cameroun, Il importe de
préciser les notions qui la recouvrent.
La notion de procédure qui constitue l’élement central de notre étude est utilisée aussi bien
dans le domaine de l’administration que celui du droit. Lorsqu’elle est employée dans un cadre
général, la procédure est considérée comme un processus, une méthode, une formalité ou un
procédé qu’il faut accomplir ou respecter afin d’effectuer une tâche déterminée ou conduire
une expérience. Sous l’angle de l’administration, la procédure désigne la manière de procéder
juridiquement pour parvenir à un résultat juridique. Elle s’analyse par ailleurs comme une série
de formalités ou de démarches à acccomplir, d’étapes administratives à respecter pour aboutir
à une décision. Lorsqu’elle est non contentieuse, la procédure administrative constitue un
moment précontieux qui s’exerce devant l’administration active. Il permet de prévenir un
contentieux en solutionnant le litige avant qu’il ne soit porté devant les juridictions
administratives. Monsieur Jean-Marc Sauvé écrit en ce sens que la procédure administrative
non contentieuse a trouvé son origine dans le cadre matriciel de la procédure contentieuse.
Celle-ci concourt à la prévention des litiges contentieux et partant, à la bonne et sereine
administration de la justice 42, et repose sur des principes d’accessibilité, de simplicité, de
participation et de responsabilité. Au Cameroun, la procédure administrative non contentieuse
en matière électorale se déroule devant le Conseil électoral qui connaît des contestations et
réclamations portant sur les opérations préélectorales et électorales. Il peut également
ordonner les rectifications rendues nécessaires à la suite de l’examen des réclamations ou
contestations reçues relatives aux élections ou aux opérations référendaires 43.
En droit, si la notion de procédure évoque d’emblée le procès, on note qu’elle fait référence
au droit judiciaire, procédural ou processuel. Le Vocabulaire juridique la définit de manière large
comme « la branche de la science du droit ayant pour objet de déterminer les règles
d’organisation judiciaire, de compétence, d’instruction des procès et d’exécution des décisions
de justice » 44. Dans un sens restrictif, elle est l’ensemble d’actes accomplis pour parvenir à une
solution juridictionnelle. Pothier quant à lui définissait la notion de procédure à la fin de
l’ancien Régime comme « la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y
défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » 45.
42 SAUVÉ J.-M., « À la recherche des principes du droit de la procédure administrative », Colloque organisé par la
Chaire Mutations de l’action publique et du droit public (MADP) de l’institut d’études politiques de Paris, vendredi 5
décembre 2014, 6 pp. [En ligne], disponible sur : http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-
Interventions/A-la-recherche-des-principes-du-droit-de-la-procedure-administrative. (Consulté le
12/09/2016).
43 Article 10 de la loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral.
44 Vocabulaire juridique, op. cit., p. 390.
45 POTHIER, cité par CADIET L. « Procédure », in Denis ALLAND et Stéphane RIALS (DIR.), Dictionnaire de la
culture juridique, 1ère édition, Paris, Quadrige/Lamy-Puf, 2003, p. 1216-1222.
Qu’elle soit appréhendée comme le respect d’un formalisme que l’on doit observer ou
comme la manière de rendre justice, la procédure est considérée à tort ou à raison par les
profanes comme un formalisme vain, un terrain de manoeuvre souvent dilatoires où l’homme
subtil enlise des mauvaises querelles 47. Elle demeure indéniablement le moyen qui permet la
garantie des droits subjectifs reconnu aux citoyens, puisque tout ce qui anime l’administration
de la justice doit être considéré comme la justice elle-même. En admettant que la procédure
participe à la réalisation du droit, il devient impératif que les règles qui l’aménagent soient
simples, claires et accessibles aux justiciables. La notion de procédure sera entendue dans le
cadre de cette recherche comme l’ensemble des formalités que le justiciable doit accomplir
pour saisir valablement les organes compétents et aboutir au prononcé d’une décision de
justice. Elle est juridictionnelle et individuelle, puisqu’elle permet au justiciable, —personne
physique, morale et/ou l’administration—, de demander et d’obtenir le respect de son droit ou
de son intérêt légitime.Cette approche qui prend en considération la détermination de l’organe
compétent, le respect des délais de saisine, et celle de la qualité et l’intérêt des requérants
excluera celle restrictive qui concerne la forme suivant laquelle les procès sont conduits,
instruits et jugés.
Le contentieux électoral est constitué par l’ensemble des recours intentés à l’encontre des
inscriptions sur les listes électorales, les faits de campagne électorale et les résultats des
élections, pour cause d’erreurs ou d’irrégularités présupposées à l’occasion de l’organisation et
le déroulement des opérations électorales. Il désigne l’ensemble des règles qui permettent à
toute personne ayant une qualité et un intérêt pour agir 52, de former un recours s’il estime que
le déroulement des élections a été vicié par des irrégularités. Le contentieux électoral est à ce
titre considéré comme un contentieux subjectif qui porte sur la garantie des droits civiques et
politiques des citoyens. Il permet d’assurer un contrôle de la régularité externe et interne de
l’élection, le premier permettant de garantir le bon accomplissement des formes, des
procédures et des opérations qui l’accompagnent alors que le second veille à la validité des
résultats et de la qualité des élus. Selon le professeur Alain Didier Olinga, le contentieux se
La procédure contentieuse appréhendée dans son sens large que nous retiendrons dans le
cadre de notre étude, nous permettra d’analyser le règlement des différents litiges qui peuvent
naître aussi bien à l’occasion des opérations préélectorales, notamment préparatoires et
préliminaires, mais également celles postélectorales en l’occurrence celle des résultats du vote.
Nous exluerons de ce fait de notre champ d’analyse, la conception restrictive qui fait du
contentieux électoral celui des résultats, et celle qui met l’accent sur le financement de la
campagne électorale, car inexistant en Afrique et au Cameroun en particulier. La procédure
contentieuse en matière électorale sera dans le cadre de cette étude entendue comme
l’ensemble de formalités que le requérant doit accomplir pour réclamer un droit ou contester
devant l’organe juridictionnel compétent, les irrégularités qu’il a pu constater dans
l’organisation et le déroulement des opérations préélectorales et postélectorales, d’où
l’importance de ressortir l’intérêt qui s’attache à cette étude.
53 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », Juridis périodique, op. cit., p. 49.
54 GAUTHIER S, Le juge judiciaire, juge électoral : vers une harmonisation du contentieux des élections, Presses
Universitaires d’Aix-Marseille, 2007, p. 18.
55 MASCLET J. C., « Contentieux électoral », in Dictionnaire du vote, Paris, PUF, 2001, p. 201.
56 DELPEREE Fr., Le contentieux électoral, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, n°3334, 1998, p. 3.
57 OBOU O., Requiem pour un Code électoral, Abidjan, PUCI, 2000, p. 178. Cité par BOLLE St., « Vices et vertus
du contentieux des élections en Afrique », in Démocratie et élections dans l’espace francophone, Bruylant, Bruxelles,
2010, p. 532-552.
58 PONTIER J.-M., « Brèves remarques sur la simplification du droit », in Pontier J.-M. (Dir.), La simplification du
droit, Aix-en-Provence, PUAM, 2006, p. 12.
L’élection est considérée comme le mode quasi universel d’exercice du pouvoir politique et
comme l’instrument qui fonde et légitimise le pouvoir politique. Elle permet la participation
des citoyens à la gestion des affaires de leur société par le biais des représentants qu’ils
choississent librement au cours d’un vote organisé de manière compétitive. La procédure
contentieuse électorale se révèle à cet égard comme le moyen qui permet de crédibiliser les
consultations électorales et s’analyse comme la nécessité de garantir la volonté du corps
électoral qui apparaît comme « une retransciption de la volonté d’un peuple proclamé
souverain et qui exprime sa volonté au moyen de l’élection » 60. Il importe, comme le souligne
monsieur Stéphane Bolle, qu’un mécanisme permettant de contester la validité des élections
occupe une grande place dans les démocraties émergentes, car il est sain et primordial que les
contestataires de la classe politique et de la société civile puissent légalement faire entrendre
leur voix à chaque étape du processus électoral, afin de dénoncer les fraudes, déviances et
irrégularités observées 61. Le professeur Philippe Ardant poursuit dans cette logique en
précisant qu’il ne saurait avoir de contentieux plus important que celui de la désignation par le
peuple des représentants chargés d’exprimer sa volonté, puisqu’il constitue le contrôle majeur
de la démocratie 62. La procédure contentieuse électorale pose ainsi la question liée à la
viabilité de la démocratie représentative dont le fondement est le vote. Le droit de vote qui
59 OUMAR SAKHO P., « Quelle justice pour la démocratie en Afrique ? », in Pouvoirs, n°129, 2009/2, p. 57-64.
60 DAUGERON Br., La notion d’élection en droit constitutionnel : contribution à une théorie de l’élection à partir du droit
public français, op. cit. p. 59.
61 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 532.
62 ARDANT Ph., « Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat », in Conseil
constitutionnel et Conseil d’Etat : colloque des 21 et 22 janvier 1988 au Sénat, Paris, L. G.D. J.-Montchrestien, 1988,
p. 55.
En admettant que l’existence d’un cadre procédural accessible concourt à la garantie des
droits civils et politiques des citoyens et témoigne de l’ancrage d’un État africain aux principes
démocratiques, l’on note que l’aménagement des règles procédurales demeure un grand
handicap à l’efficacité de l’office du juge électoral africain. En effet, l’analyse des règles
procédurales révèlent de nombreuses insuffisances et complexités qui prêtent le flanc à de
diverses interprétations de la part du juge qui est accusé de manquer d’audace, d’être soumis
au pouvoir en place et de légitimer les fraudes et infractions électorales. Monsieur Ouedraogo
écrit à ce propos que, si les soupçons de collusion entre juges électoraux et autorités politiques
affaiblissent l’efficacité de l’office du juge électoral, le pouvoir de manipulation des règles
électorales laissé aussi bien aux acteurs politiques qu’aux juges électoraux, affecte bien plus les
structures sociales et génère généralement des violences postélectorales 63. L’étude de la
procédure contentieuse en matière électorale au Cameroun participe ainsi à une meilleure
connaissance des mécanismes et des techniques procéduraux par les acteurs sociopolitiques et
les praticiens du droit, pour une garantie efficace des droits civils et politiques des citoyens.
Elle offre parallèlement l’occasion au législateur d’opérer des réformes permettant
l’accessibilité et la simplification des règles normatives. L’étude de la procédure contentieuse
en matière électorale permet de manière globale, d’asseoir la démocratie représentative dont le
fondement demeure l’élection et vise la préservation et la promotion des droits fondamentaux
des citoyens au travers de la garantie d’une justice sociale, du renforcement de la cohésion
sociale, de la tranquilité nationale propice à la paix internationale et au développement
économique et social de la collectivité 64. Aborder la problématique liée à l’analyse de la
question liée à la garantie des droits civils et politiques se révèle à cet effet fondamentale.
IV. PROBLÉMATIQUE
63 OUSSEINI O., Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de l’Ouest francophone, Thèse de l’Université
de Lomé, 2014, p. 28.
64 Lire sur la question, RAPPORT DE L’UNION INTERPARLEMENTAIRE, La démocratie : principes et réalisation.
Genève, Union interparlementaire, 1998, p. IV. [En ligne], disponible sur :
www.ipu.org/PDF/publications/DEMOCRACY_PR_f.pdf. (Consulté le 20/10/2012).
65 MALIGNER B., Droit électoral, Paris, Ellipses, 2007, p. 593.
V. DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
Il est de principe que toute discipline qui se veut autonome, se définisse au travers de son
objet et de sa méthode. Le professeur Omar Aktouf définit la méthode comme « la procédure
logique d'une science, c'est-à-dire l'ensemble des pratiques particulières qu'elle met en œuvre
pour que le cheminement de ses démonstrations et de ses théorisations soit clair, évident et
irréfutable » 72. Descartes qui considère la méthode comme un moyen pour bien conduire une
pensée, met l’accent sur la nécessité de s’assurer de l’objectif de ce que l’on étudie, et surtout
de ce que l’on élabore à partir de cette étude. Selon lui, parce que le bon sens est la chose du
monde la mieux partagée, chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les
plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en
ont 73. Il en résulte que la méthode d’une recherche peut être entendue comme l’ensemble des
70 ABDEL KADER BOYE, « De quelques problèmes et aspects importants de la démocratie dans le contexte des
États d’Afrique noire », in La démocratie : principes et réalisations, Union Interparlementaire, Genève, 1998,
p. 39-48. [En ligne], disponible sur : www.ipu.org/PDF/publications/DEMOCRACY_PR_f.pdf. (Consulté
le 20/10/2014).
71 ABDEL KADER BOYE, « De quelques problèmes et aspects importants de la démocratie dans le contexte des
États d’Afrique noire », in La démocratie : principes et réalisations, ibidem, p. 42.
72 OMAR AKTOUF, Méthodologie des Sciences sociales et approches qualitatives des organisations : une introduction à la
démarche classique et une critique, Québec, Presses de l’Université du Québec, 1987,p. 27. [En ligne], disponible
sur : http//www.classiques.uqac.ca/contemporains/Aktouf_omar/.../metho_sc_soc_organisations.doc.
(Consulté le 16/05/2016).
73 DESCARTES R. Discours de la méthode, première partie : Pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences,
Paris, Librairie de la bibliothèque nationale, 1894, p. 11.
74 LOUBET DEL BAYLE, J.-L., Initiation aux méthodes des Sciences sociales, Paris-Montréal, L’Harmattan, 2000,
p. 27. [En ligne], disponible sur :
http//www.classiques.uqac.ca/contemporains/loubet_del...sc.../initiation_metho_sc_soc.pdf. (Conculté le
16/05/2016).
75 MENOUNI A, « Constitution et contentieux électoral », in Recueil des cours Constitution et élection, volume X,
Tunis, p. 10-60.
76 DEMICHEL André et Francine, Droit électoral, Paris, Dalloz, 1973, p. 12.
77 LAMOUROUX S. Le contentieux des actes périphériques en matière électorale, Thèse de l’Université d’Aix-en-
Provence, 21 janvier 2001, p. 8.
78 Les articles 2 et 3 de la Constitution.
Le droit processuel qui est considéré comme le droit du procès, droit commun à toutes les
procédures, se définit comme le droit qui garantit l’accès à la justice, le droit à un juge et à une
bonne justice, qui est le pivot de la garantie des droits et en conséquence, demeure au cœur de
l’effectivité des droits des citoyens 80. Il faudrait par ailleurs relever que les règles applicables à
l’électorat sont identiques à celles qui intéressent l’état des personnes, notamment la capacité,
la nationalité, le domicile. La garantie de ces règles relève de la compétence du juge judiciaire
qui intervient en matière électorale en qualité de juge civil, de juge pénal ou de juge des référés.
Le choix des instruments d’analyse utilisés dans notre étude permet de rendre compte du
cheminement que nous avons suivi afin de parvenir à des résultats fiables. Le professeur Jean-
Louis Bergel écrit à ce propos que la méthode est considérée dans son sens étymologique
comme un « cheminement », un enchaînement raisonné de moyens en vue d’une fin, ou la
voie à suivre pour parvenir à un résultat 81. Madeleine Gravitz quant à elle donne une vison
plus générale de la méthode, et l’analyse comme « l’ensemble des opérations intellectuelles par
lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu’elle poursuit, les démontre, les
vérifie » 82. L’étude de la procédure contentieuse en matière électorale au Cameroun nous
amène ainsi à adopter une démarche intégrative qui associe plusieurs instruments d’analyse,
car si la méthode apparaîssait unique et universelle à Descartes, elle s’est diversifiée en
fonction du domaine d’application et même à l’intérieur d’un domaine déterminé 83. Notre
démarche méthodologique portera sur l’analyse des différents textes et actes juridiques, ainsi
que sur les décisions existantes rendues par les juges compétents en matière électorale d’une
part, et sur d’autres méthodes telles que la description et le raisonnement juridique d’autre
79 DU BOIS DE GAUDUSSON J., « Point d’actualité sur les modalités de production du droit constitutionnel
dans les États africains francophones, in Mélanges Patrice Gélard : Droit constitutionnel, op. cit., p. 341-346.
80 GUINCHARD S., CHANAIS C., DELICOSTOPOULOS C., DELICOSTOPOULOS L. S., DOUCHY-OUDOT M.,
FERRAND F., LAGARDE X., MAGNIER V., RUIZ FABRI H., SINOPOLI L., SOREL J.-M., Droit processuel droit
fondamentaux du procès : (Avant-propos de Guinchard S., Brandac M., Lagarde X., Douchy M.), 7ème édition, Paris,
Dalloz, 2013, p. IX.
81 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, 2ème édition, Paris, PUF, 2016, p. 21.
82 GRAWITZ M. Méthodes des sciences sociales, 11ème édition, Paris, Dalloz, 2001, p. 351.
83 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, op. cit., p. 22.
84 LOUBET DEL BAYLE, J.-L., Initiation aux méthodes des Sciences sociales, op. cit., p. 207.
85 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, op. cit., p. 137.
86 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, ibidem, p. 138.
87 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 5ème édition, 2012, p. 11.
88 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, ibidem, p. 277.
93 ROUSSEAU D., « De la démocratie continue », in D. ROUSSEAU (Dir.), La démocratie continue : Actes du colloque
de Montpellier organisé par le CERCOP avec le parrainage de l’Association française de Science politique, Paris, LGDJ-
Bruylant, 1995, p. 6.
94 MASCLET J.,-C., Le droit des élections politiques, 1ère édition, Paris, PUF, 1992, p. 9.
95 JAUME L., « La représentation : une fiction malmenée », Voter : Pouvoirs, janvier 2002, n°120. p. 13.
Il analyse en effet la philosophie de ROUSSEAU et écrit par ailleurs que « la représentation n’est pas un fait
additif qui résulterait du vote exprimé, mais, en premier lieu ce que le citoyen trouve en lui-même quand il
s’examine du point de vue de l’intérêt et du bien de tous. » op.cit., p. 9. Thomas HOBBES écrit à ce propos
que « dans le véritable système représentatif, tout se fait au nom du peuple et pour le peuple ; rien ne se fait
directement par lui : il est la source sacrée de tous les pouvoirs, mais il n’en exerce aucun. ». BONAPARTE
quant à lui explique le but du système représentatif en ces : « tandis que la force colossale anime toutes les
parties de l’organisation politique, tandis que sa souveraineté, source véritable, source unique de tous les
pouvoirs, imprime à leurs différents actes un caractère solennel et sacré, il vit tranquille sous la protection
des lois. ».
Ressortir les positions des auteurs nous a paru indispensable dans la mesure elles permettent de cerner
l’idéal de la représentation qui ne devrait pas se limiter au vote, mais qui démontre la finalité de ce dernier.
96 ARDANT P., « Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat », op. cit., p. 55.
Les organes de contrôle sont entendus dans le cadre de ce titre, comme l’ensemble des
institutions créées par l’autorité publique, afin de veiller à la régularité des différentes phases
de l’organisation du scrutin. Eu égard à cette définition, l’on pourrait assimiler le contentieux
électoral à un duplex, puisqu’il met en exergue l’image d’une cascade qui voudrait que le
processus électoral se déroule en plusieurs étapes. Une séquence ne pouvant être ouverte, puis
close avant qu’une autre ne soit terminée. Cependant, pour qu’une phase soit close, il faut
nécessairement que le processus administratif se soit correctement déroulé, ou en cas de
réclamation ou de contestation qu’une décision ayant autorité de chose jugée soit intervenue.
Il en résulte que le contentieux électoral fait intervenir divers organes de contrôle selon le type
de scrutin et l’opération électorale en cause.
L’éclatement de la justice électorale ouvre aux électeurs, la possibilité de porter devant des
organes mixtes non juridictionnels ou juridictionnels, des réclamations ou des contestations
relatives à l’organisation ou au déroulement des opérations électorales. Parce qu’une
institution, lorsqu’elle se construit, dépend toujours, pour une part importante, de la
personnalité des hommes qui l’incarnent et la font vivre 98, notre propos dans le cadre de ce
titre, portera sur l’intervention plurielle d’organes non juridictionnels (Chapitre I), et celle des
organes juridictionnels (Chapitre II).
97 TOUVET L., DOUBLET Y.-M., Droit des élections, op. cit., p. 496.
98 ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 52.
99 ROUSSEAU D., « De la démocratie continue », in D. ROUSSEAU (Dir.), La démocratie continue : Actes du colloque
de Montpellier organisé par le CERCOP avec le parrainage de l’Association française de Science politique, op. cit., p 6.
100 Articles 2 de la loi n° 2000/016 du 19 décembre 2000 portant création d’un observatoire national des
élections (Onel) modifiée et complétée par la loi n° 2003/015 du 22 décembre 2003 d’une part et 10
alinéa 1 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral.
La commission est définie comme « une mission donnée par [le législateur], à un agent de
l’autorité publique, aux fins de surveillance (…), de remplacement (…), de conservation (…)
ou de règlement d’une situation juridique (…).» 101 Elle est l’attribution d’une charge, d’une
fonction par une autorité, une Administration. Elle peut également être considérée comme un
organe institué, dans le but de produire un acte précis, ou d’accomplir un contrôle
préalablement défini et circonscrit. Elle tient sa compétence soit d’un texte juridique, soit d’un
acte d’une autorité administrative.
Pour le président Robert Dossou, l’organisation des élections « est une question de culture,
d’habitude et de vécu » 104. L’organisation des élections au Cameroun est soumise à un régime
particulier qui dénote son originalité. En effet, l’article 49 de la loi n°2012/001 portant Code
électoral au Cameroun 105 institue les commissions mixtes chargées des opérations
préparatoires aux élections, de l’organisation et de la supervision des opérations électorales,
ainsi que celles qui contrôlent le déroulement et le recensement général des votes. Celles-ci ont
101 Le lexique des termes juridiques, 22ème édition, Paris, Dalloz, 2014-2015, p. 201.
102 DE GAUDUSSON J.D.B., « Les structures de gestion des opérations électorales : bilan et perspectives en
2000 et … dix ans après », In Démocratie et élections dans l’espace francophone, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 259-
286.
103 THIRIOT C., « La consolidation des régimes post-transition en Afrique, Le rôle des commissions
électorales », Patrick QUANTIN (DIR.), Paris, l’Harmattan, 2004, p. 130.
104 Lire l’intervention du président Robert DOSSOU, ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin.
Pour lui en effet, l’année 1990 marque une implosion du système électoral puisque les partis au pouvoir ont
commencé à perdre les élections et l’on a assisté à l’alternance au pouvoir. Le président Mathieu KÉRÉKOU
battu en 1991 est revenu et a élu en 1996. DOSSOU R., « Les élections en Afrique », in Aspects du contentieux
électoral en Afrique : Actes du séminaire de Cotonou 11-12 novembre 1998, Organisation Internationale de la
Francophonie, Paris, p. 20.
105 L’article 49 susvisé remplace les articles 10 et 26 (nouveau) des lois électorales, fixant successivement les
conditions d’élection et de suppléance du président de la République d’une part et des députés à
l’Assemblée nationale d’autre part.
106 La composition des commissions électorales varie en fonction de l’objet et la consistance de leurs
compétences. Elles sont constituées suivant les cas, d’un président qui est le représentant d’Elecam, le
président du tribunal de grande instance, d’un membre du Conseil constitutionnel ; d’un ou plusieurs
représentants de l’Administration ; du maire, de son adjoint ou d’un conseiller municipal ; d’un représentant
de chaque parti politique légalisé ou du candidat ; des magistrats de l’ordre judiciaire.
107 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », Juridis périodique, n° 41, janv.-
mars 2000, p. 35-52.
108 Loi n°13.003 du 13 novembre 2013 portant Code électoral de la République centrafricaine.
109 Loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant Code électoral en République du Bénin.
110 SINDJOUN L., Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel jurisprudentiel et
politiques constitutionnelles au prisme des systèmes politiques africains, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 507.
111 Eu égard aux dispositions de l’article 50 du Code électoral, il convient dans le cadre de cette étude, de nous
conformons à la délimitation du législateur qui a voulu, certainement dans un souci de simplification,
délimiter les opérations préparatoires à l’établissement et la révision des listes électorales, puis
l’établissement et la distribution des cartes électorales. Cette délimitation pourrait ainsi se justifiée par l’idée
d’introduction progressive et de facilitation d’une phase qui intervient en amont. A contrario, les opérations
préparatoires, définies de manière extensive par monsieur Richard GHEVONTIAN sont considérées comme
« tous les actes administratifs qui constituent le préalable à l'élection elle-même et qui ont un lien nécessaire
et direct avec elle ». Pour lui en effet, ces actes englobent la convocation des électeurs, le sectionnement des
communes, l’organisation du scrutin, l’enregistrement des candidatures, l’établissement des listes électorales,
et puis les actes relatifs a l'accès à l'antenne du service public de radiodiffusion et de télévision des partis et
des groupements politiques ainsi qu'au financement des formations politiques. GHEVONTIAN R., « Un
labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d'élections politiques », op. cit., p. 794.
112 LABETOULLE D., concl. Sur C.E. Ass., 23 novembre 1984, M. Tête, AJDA, 1985, p. 216, cité par BOITARD E.,
Le contentieux électoral dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Thèse de l’Université de Paris V, 19 janvier
2000, p. 55
113 VEDEL G., J.C.P., 1952, II, 6810.
114 BURDEAU G. Droit constitutionnel et institutions politiques, 20ème édition, Paris, LGDJ, 1984, p. 475.
Instituées par les articles 51 alinéa 2 et 53 alinéa 1 du Code électoral, les commissions en
charge des opérations préparatoires sont les commissions de révision des listes électorales
(CRLE). Elles exercent un rôle ambivalent qui porte cumulativement, sur l’établissement des
listes et le règlement des litiges.
115 DAKO S., « Le contentieux électoral dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle », in Annuaire béninois
de justice constitutionnelle. Dossier spécial 21 ans de jurisrudence de la Cour constitutionnelle du Bénin (1991-2012),
Cotonou-Bénin, Presses Universitaires du Bénin, 2014, p. 625.
116 Articles 12 et 28 respectivement des lois n° 2006/011 du 29 décembre 2006 modifiée et complétée par celle
n°2011/001 du 6 mai et n° 91-20 du 16 décembre 1991 modifiée et complétée par la loi n° 97-13 du
19 mars 1997 et par celle n° 2006/009 du 29 décembre 2006 et fixant les conditions d’élection du président
de la République et des députés à l’Assemblée nationale.
117 Article 51 du Code électoral.
En France, l’établissement et la révision des listes électorales sont confiés à une commission administrative
tripartite constituée pour chaque bureau de vote, composée du maire ou de son représentant, du délégué de
l'administration désigné par le préfet, ou le sous-préfet, et d'un délégué désigné par le président du tribunal
de grande instance. Article L.17 paragraphe 2 du Code électoral.
118 FRANCK CLAUDE, Droit des élections nationales et locales, 1ère édition, Paris, J. Delmas et Cie, 1998, p. 33.
119 Raymond CARRÉ DE MALBERG, en se fondant sur les deux courants d’idées de la Constituante durant la
Révolution française, —la nation en qui réside la souveraineté nationale, prends sa consistance
exclusivement dans les individus qui la composent ; la nation est une unité de nationaux, ainsi, les citoyens
considérés comme un ensemble, cessent de posséder individuellement la souveraineté—, parvient à mettre
en exergue la distinction entre le citoyen passif et le citoyen actif. CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la
théorie générale de l’État, tome II, Paris, Sirey, 1922, p. 431 – 432.
Considérée comme un préliminaire obligé, un acte d’une extrême importance 121, la liste
électorale a pour but de recenser les citoyens qui possèdent le droit de vote, et qui sont
appelés s’ils le désirent, à l’exercer dans le cadre d’une circonscription électorale rattachée au
lieu de leur domicile. Elle est définie comme « l’état nominatif des citoyens habilités à exercer
leur droit de suffrage dans la circonscription qu’elle recouvre » 122. Conformément aux
dispositions de l’article 6 de la loi n° 2000-514 du 1er août 2000 portant Code électoral ivoirien,
elle est « un document administratif sur le lequel sont inscrits l'ensemble des électeurs ».
Monsieur Siaka Sankaré relève le rôle fondamental de la liste électorale dans l’organisation des
processus électoraux, en la définissant comme le « socle de tout processus électoral et la
colonne vertébrale de tout système électoral » 123. À cet égard, elle est un répertoire de citoyens
qui remplissent les conditions de l'électorat, « un document administratif sur lequel sont
inscrits l’ensemble des électeurs » 124. Le régime de l’inscription sur les listes électorales varie
suivant les États. Elle peut être considérée comme un droit 125, un devoir 126, ou une
120 JEZE G., Les principes généraux du droit administratif, tome 2, Dalloz, 2005, p. 549.
Lire par ailleurs les développements sur le chapitre consacré à la nation, in DUGUIT L., L’État, les gouvernants
et les agents, Paris, Dalloz, 2005, p. 55-102. Il en ressort que, tout individu vivant dans la société, détient un
droit individuel qui s’impose au législateur qui doit le constater. En revanche, il convient de mentionner que
la qualité de citoyen à elle seule, ne confère pas l’exercice de la fonction électorale.
121 GHEVONTIAN R., « Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d’élections
politiques », RFDA, 1994, p. 796.
122 PERRINEAU P., REYNIÉ D., (Dir.), Dictionnaire du vote, 1ère édition, Paris, PUF, 2001, p. 582.
Julien LAFERRIÈRE définit la liste électorale comme le catalogue, par ordre alphabétique, des électeurs d’une
commune, dont l’utilité est de faire le triage entre les habitants de la commune qui sont électeurs et ceux qui
ne le sont pas, afin de déterminer le nombre d’électeurs de la circonscription électorale. (LAFERRIÈRE J.,
Manuel de droit constitutionnel, 2ème édition, Paris, Domat Montchrestien, 1947, p. 497).
123 SANKARE S., « Établissement d’un état-civil et listes électorales fiables », in : Démocratie et élections dans l’espace
francophone, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 287-301.
124 Article 6 du Code électoral ivoirien.
125 C’est la faculté d’exercer son droit d’inscription sur la liste électorale ou de s’abstenir de le faire. Cette
abstention n’est cependant pas sanctionnée.
Le dictionnaire du moyen-âge DMF (1330 - 1500) définit le droit comme ce qu’il est légitime de posséder,
de faire, d’exiger… dans le cadre de règles établies ; la faculté de disposer, de jouir de quelque chose, de
revendiquer quelque chose dans le cadre de règles établies. Il est par ailleurs définit comme un ensemble de
règles (morales ou juridiques) à caractère contraignant, régissant le comportement et les rapports des
hommes en société.
Dans le cadre de notre travail, nous nous limiterons à la deuxième définition, puisqu’il est question de
disposer de manière facultative de son droit de vote, celui-ci pouvant être garanti conformément aux règles
prévues par la législation en vigueur. Cette définition est tirée du CNRTL (centre national de ressources
textuelles et lexicales), [en ligne] www.cnrtl.fr/definition/dmf/droit. (Consulté le 08/09/2012).
126 Le devoir s’apparente à l’obligation et est définie comme toute conduite à tenir, tout acte à accomplir en
vertu d'une obligation de caractère religieux, moral ou légal. Définition du TLFI tirée du CNRTL (centre
national de ressources textuelles et lexicales), [en ligne] www.cnrtl.fr/definition/devoir/substantif.
(Consulté le 08/09/2012).
127 L’inscription sur la liste électorale est un droit pour les citoyens camerounais, ivoiriens, congolais
(successivement : articles 71, 5, 8). Elle est un droit et un devoir pour tout citoyen tchadien, remplissant les
conditions légales requises (article 8) ; elle est un devoir pour les béninois, et obligatoire pour les citoyens
centrafricains et ceux de la Guinée Conakry (24 et L.6).
En France par contre, l’on observe un clair-obscur, l’inscription sur les listes électorales est volontaire et
obligatoire. Le paradoxe rattaché à l’inscription sur les listes électorales découle, pour ce qui est de
l’obligation, de l’idée d’un électorat-fonction héritée de l’idée de la souveraineté nationale, qui fait de la
citoyenneté, non pas un droit individuel, mais une fonction sociale que le titulaire ne peut décliner. Quant à
l’aspect volontariste, il procède du droit fondamental de participation dont est titulaire chaque citoyen dans
sa société.
Le caractère volontariste de l’inscription découle des dispositions de l’article L. 11 de la partie législative du
Code électoral français. En application de ces dispositions, sont inscrits sur la liste électorale sur leur
demande, tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au
moins, ceux qui figurent pour la cinquième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au
rôle d'une des contributions directes communales et, s'ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré
vouloir y exercer leurs droits électoraux. Tout électeur ou toute électrice peut être inscrit sur la même liste
que son conjoint au titre de la présente disposition, ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans
la commune en qualité de fonctionnaires publics. Sont également inscrits, dans les mêmes conditions, les
citoyens qui, ne remplissant pas les conditions d'âge et de résidence ci-dessus indiquées lors de la formation
des listes, les rempliront avant la clôture définitive. A contrario, l’on observe que les articles L. 9 et 11-1 de la
loi n°97-1027 du 10 novembre 1997 impose l’inscription d’office des personnes âgées de 18 ans depuis la
dernière clôture définitive des listes électorales, ou la rempliront avant la prochaine clôture définitive des
listes électorales.
Lire sur la question, le Dictionnaire du Vote, op.cit., p. 582-583.
128 Les opérations relatives à l’établissement ou à la révision de la liste électorale, initialement limitées dans une
période bien prédéfinie, s’étendent désormais en année civile et prennent fin avec la convocation du corps
électoral qui se fait 90 jours avant le scrutin. Le fonctionnement complexe et quasi-inexistant des
commissions mixtes en charge des inscriptions sur les listes électorales en année non électorale, a subi de
profondes mutations avec l’adoption du nouveau Code électoral. Les articles 78, 79 et 80 fixent un
chronogramme du fonctionnement des commissions chargées de la révision des listes électorales : au plus
tard le 5 septembre, le président de la CRLE adresse un procès-verbal des travaux de la dite commission au
démembrement départemental d’Elecam ; après la saisie des vérifications du fichier provisoire le
responsable départemental d’Elecam transmet les listes électorales provisoires au démembrement
communaux pour affichage au plus tard le 20 octobre. La CRLE adresse au plus tard le 10 novembre le
procès-verbal des opérations rectificatives au démembrement départemental. À la suite de l’établissement
du fichier électoral révisé, le démembrement départemental transmet au ledit fichier au directeur général
des élections qui établit et rend publique la liste électorale au plus tard le 30 décembre.
129 L’article 74 alinéa 1 prévoit une révision annuelle des listes électorales sur l’ensemble du territoire national.
Cette période court du 1er janvier au 31 août de chaque année.
L’inscription en dehors de la période normale de révision s’opère sans conditions de résidence, elle est
cependant soumise à des conditions restrictives. En application aux dispositions des articles 82 et 83 du
Code électoral, peuvent être inscrits en dehors des périodes de révision, les fonctionnaires et agents des
administrations publiques, des agents du secteur privé, mutés ou admis à faire valoir leurs droits à la retraite
après la clôture des délais d’inscription, ainsi que les membres de leurs familles domiciliés avec eux à la date
de la mutation ou de la mise à la retraite. Les militaires démobilisés après la clôture des délais d’inscription
peuvent également, s’ils le désirent se faire inscrire sur les listes électorales.
La procédure de refonte des listes électorales que l’on pourrait qualifier d’exceptionnelle,
permet quant à elle de procéder à « la reconstitution intégrale des listes électorales » 132. La
refonte des listes prend en compte tous les changements qui sont intervenus dans la vie des
électeurs potentiels. Elle vise essentiellement à refaire un nouveau fichier électoral. La décision
d’opérer la refonte des listes électorales n’appartient cependant pas aux commissions
électorales. Initialement confiée au ministre de l’Administration territoriale et de la
décentralisation, la décision de refondre les listes électorales relève désormais des attributions
du Directeur général des élections. Ce dernier procède par décision, à l’occasion de la révision
annuelle, après avis conforme du Conseil électoral, à une refonte complète des listes
électorales 133.
130 L’article 74 alinéa 1 du Code électoral camerounais dispose à cet égard que les listes électorales sont permanentes.
Elles font l’objet d’une révision annuelle sur l’ensemble du territoire national. Il faudrait cependant, rappeler que les
dispositions du titre X du Code électoral camerounais, étendent désormais le territoire national aux
représentations diplomatiques et consulaires des pays de rattachement des citoyens camerounais établis ou
résidant à l’étranger.
Voir par ailleurs les articles L. 16 paragraphes 1 et 2 du Code électoral français ; 30 du Code électoral de la
République centrafricaine ; 11 du Code électoral béninois, etc.
131 La radiation se manifeste de diverses manières. Elle est d’office en cas de décès. En revanche, elle est
soumise à une notification préalable à l’électeur en cas d’inscription multiple sur les listes électorales.
L’électeur dispose dès lors d’une option lui permettant de choisir la liste sur laquelle il aimerait maintenir
son inscription. L’article 73 du Code électoral dispose que lorsqu’un électeur a été inscrit sur plusieurs listes,
seule la dernière inscription est prise en compte. Sauf option contraire de l’électeur. La radiation sur les
autres listes est d’office.
132 Article 76 alinéa 1.
133 La refonte du fichier électoral n’est pas rattachée à sa révision. L’on relève que la dernière refonte du fichier
électoral au Cameroun remonte à la période de l’élection du président de la République du 11 octobre 2004.
Le gouvernement avait entrepris à cette occasion la refonte complète des listes électorales afin d’effectuer
un toilettage et d’actualisation du fichier national, préalable à l’informatisation des listes électorales qui,
malgré les imperfections constatées, s’est concrétisée lors du double scrutin de 2007 relatif à l’élection des
conseillers municipaux et des députés à l’Assemblée nationale.
La procédure d’inscription sur les listes électorales pour l’élection présidentielle de 2011 a entraîné de
nombreuses revendications de la part des partis politiques qui exigeaient la refonte du fichier électoral
comme gage de transparence de l’élection à venir d’une part, et comme élément de matérialité de
l’indépendance d’Elecam qui devait consacrer une rupture avec le système électoral préexistant d’autre part.
Ces revendications sont restées vaines, et l’on a constaté et décrié à l’occasion de l’élection présidentielle du
09 octobre 2011 l’existence des doublons, des omissions et des erreurs sur le fichier électoral national que la
procédure d’informatisation mise sur pied depuis 2007 aurait dû éliminer.
Lire à ce propos le rapport de la mission d’observation de l’élection présidentielle du 11 octobre 2004 au
Cameroun dépêchée par le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)
du 6 au 15 octobre 2004, 65 p., p. 25… En ligne disponible sur :
democratie.francophonie.org/article.php3 ?id_article=1927&id….( Consulté le 15/11/2009).
134 La commission est composée de manière quadripartite, elle est présidée non plus par un représentant de
l’administration, mais par celui d’Elecam, et comporte un représentant de l’Administration désigné par le
sous-préfet, du maire ou un adjoint au maire ou un conseiller municipal, et d’un représentant de chaque
parti politique légalisé et présent sur le territoire de la commune concernée. Le directeur général des
élections a la charge de constituer, gérer et mettre à jour le ficher électoral national et de publier les listes
électorales sous le contrôle et la supervision du Conseil électoral.
135 Dans certains pays africains le législateur a opté de confier à une commission indépendante, l’exécution de
l’ensemble des opérations électorales (voir sur ce point les articles 6 de la loi n° 2000-514 du 1er août 2000
portant Code électoral de la Côte d’ivoire ; 11 de la loi n° 2000-18 du 03 janvier 2001 portant règles
générales pour les Élections en République du Bénin; 1er paragraphe 2 de la loi n 003 /PR/2009 portant
Code Électoral tchadien ; L. 2 de la loi n° 2009-09 du 16 janvier 2009 portant Code électoral sénégalais).
A contrario, certains États, à l’instar du Cameroun, ont choisi la mixité. Ainsi, l’établissement du fichier
électoral est effectué par deux organes, la commission mixte indépendante en relation avec l’Administration
(voir l’article 9 du Code électoral de la République centrafricaine) ; l’Administration et les commissions
électorales (article 7 du Code électoral gabonais).
L’article 7 de la loi du 24 novembre 2001 portant loi électorale en République du Congo, à l’exemple de
celui L.17 de la partie législative du Code électoral français —nous nous limitons à cette énumération non
exhaustive— confirment le rôle régalien de l’Administration dans le domaine de l’administration territoriale
notamment, celui de l’organisation des consultations électorales.
136 Messieurs HOUNKPE M., MADIOR FALL I. décrivent la liste électorale comme l’élément qui détermine la
démocratie, comme une composante clé de tout le processus électoral. Ainsi, la défaillance ou des
manipulations frauduleuses constatées dans la liste électorale pourrait entraîner l’exclusion de vrais citoyens
au profit de personnes non qualifiées et biaiser le principe de la représentation démocratique. Les commissions
électorales en Afrique de l’Ouest: Analyse comparée, op. cit, p. 126 - 127.
La mixité des commissions de révision permet de corroborer la pensée du professeur Jean-Claude
MASCLET qui voit en l’élection un facteur d’adhérence de la société politique, in « Rapport introductif». in
Aspects du contentieux électoral en Afrique : Actes du séminaire de Cotonou 11-12 novembre 1998, Organisation
Internationale de la Francophonie, Paris, p. 33.
137 SANKARE S., « Établissement d’un état-civil et listes électorales fiables », op. cit., p. 288.
À l’analyse, si le système béninois ne peut être considéré comme une panacée, il convient
toutefois de souligner qu’il est semble plus protecteur du droit de vote des citoyens et partant
de l’égalité qui s’y rattache. Il est dès lors impératif que le législateur camerounais réaménage
138 Article 11 de la loi n°2000-18 du 03 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République
du Bénin modifié et completé la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013.
139 L’article 186 du Code électoral béninois dispose que la Commission politique de supervision est un organe
administratif qui comprend des membres du Gouvernement, de l’Assemblée nationale, de l’Union nationale
des magistrats du Bénin, de l’Ordre des avocats et de la société civile. Elle dispose d’une réelle autonomie
par rapport aux institutions de la République.
140 L’article 192 du Code électoral béninois dispose que la MIRENA comprend un (1) démographe ; un (1)
sociologue ; un (1) informaticien ; un (1) statisticien ;un (1) spécialiste en cartographie ; un (1) spécialiste en
gestion et planifi cation ; un (1) spécialiste des techniques biométriques ; un (1) spécialiste des questions
d’élections ; un (1) magistrat ayant au moins dix (10) ans d’expérience.
A l’exception du spécialiste en gestion et planifi cation, du spécialiste des questions d’élections et du
spécialiste des techniques biométriques, les candidats aux fonctions de membres de la Mission
indépendante de recensement électoral national approfondi doivent justifi er d’une expérience d’au moins
dix (10) ans dans leur domaine de compétence respective. La Mission indépendante de recensement
électoral national approfondi est assistée de l’opérateur de la technologie biométrique.
Elle est dirigée par un bureau de trois (03) membres dont un (01) président ; un (01) gestionnaire-
comptable ; un (01) secrétaire-rapporteur chargé de la communication. En dehors du président qui est
nommé par la Commission politique de supervision conformément à l’article 189 alinéa 5 ci-dessus, les
autres membres du bureau sont élus par leurs pairs.
Les six (06) autres membres sont désignés chacun, délégué au recensement de l’aire opérationnelle.
141 L’article 188 du Code électoral béninois dispose que les membres de la Commission politique de
supervision sont nommés en Conseil des ministres. Elle est composée de quinze (15) membres désignés à
raison de deux (02) par le Président de la République ; neuf (09) par l’Assemblée Nationale en tenant
compte de sa configuration politique ; un (01) par la société civile ; un (01) par l’Ordre des avocats ; un (01)
par l’Union nationale des magistrats du Bénin ; le Secrétaire administratif permanent du Secrétariat
administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome.
Elle est dirigée par un Bureau de trois (03) membres dont un superviseur général élu par ses pairs qui
préside les séances ; un secrétaire général chargé du courrier et de la préparation des séances qui est le
Secrétaire administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome ; un rapporteur élu par
ses pairs.
142 Article 189 du Code électoral béninois.
En procédant par une analogie calquée sur le droit civil, nous pourrons énoncer sans
affirmation péremptoire, l’hypothèse selon laquelle l’intervention des commissions de révision
trouve de manière médiate, son assise dans les principes énoncés par l’article 1382 du Code
civil qui dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige
143 Monsieur CONTOGEORGIS définit le simple citoyen comme celui qui est gouverné selon le principe de la
représentation. CONTOGEORDIS G., « Le citoyen dans la cité », In Bernard BADIE, Pascal PERRINEAU
(Dir.), Le Citoyens- Mélanges offerts à Alain LANCELOT, Paris, Presses de sciences Po, 2000, p. 51-97.
144 Rapport sur l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone : Bamako, dix ans après
2000-2010, Paris, Organisation internationale de la francophonie, 2010, p. 60.
145 Article 78 alinéa 3 du Code électoral.
Dans la même perspective, par une analyse des phases d’intervention des commissions de
révision, et en les confrontant au contentieux administratif, l’on pourrait s’interroger sur le
sens de la saisine préalable des commissions de révision. Peut-on assimiler leur saisine à un
recours préalable —malgré le fait qu’il est de principe que le recours gracieux préalable soit
exclu en matière électorale— qui pourrait aboutir ou non, devant les instances supérieures,
notamment les commissions de supervision ou le Conseil électoral ? À notre avis, il serait plus
séant de répondre de manière nuancée. La compétence des commissions de révision est
organisée de manière hiérarchique. A priori, et logiquement, le citoyen ne pourrait valablement
saisir les commissions de supervision, ni le Conseil électoral sans avoir au préalable saisi en
amont, les commissions de révision pour demander son insertion sur les listes électorales 146.
Cette logique est confortée par le juge électoral qui se déclare généralement incompétent,
lorsqu’il est saisi des contestations relatives aux opérations préparatoires. En revanche, si la
saisine des commissions de révision peut être assimilée à un recours préalable, il conviendrait
de relever que le législateur l’a précarisé en aménageant, par l’emploi de l’adverbe « le cas
échéant » 147, une sorte d’éventualité, ou d’option pour le requérant. De la sorte, nous
pourrions à juste titre étendre notre raisonnement en formulant l’hypothèse de l’existence d’un
recours préalable en matière de contentieux des listes électorales au Cameroun. Cette
spécificité camerounaise en matière de contentieux de la liste électorale participe à élever le
citoyen à un statut de « hétairos de plein droit », qui permet d’être gérant et tenant du
processus politique 148.
Étant donné, comme le relève à propos le professeur Bernard Raymond Guimdo, que les
listes électorales constituent « des instruments décisifs dans le processus électoral, car elles ont
146 Cette ambigüité, entretenue les dispositions de l’article 6 paragraphe 7 de la loi n° 2000/
du 16 décembre 2000, modifiée et complétée par la loi n° 2003/015 du 22 décembre 2003 portant création
de l’Observatoire national des élections, donnent compétence à l’Onel de contrôler le fonctionnement des
commissions mixtes chargées de l'établissement et de la révision des listes électorales, superviser et
contrôler les opérations d'établissement, de conservation et de révision des listes électorales, superviser et
contrôler les opérations de distribution des cartes électorales. L’Onel connaît en outre de toute réclamation
ou contestation concernant les listes et cartes électorales non réglées par les commissions de supervision
compétentes. Il en découle que l'Onel supervise et contrôle le travail des instances de supervision et de
contrôle. Cela reviendrait-il à considérer l'Onel comme une sorte l'organe de contrôle de second degré ?
147 L’alinéa 3 de l’article 78 du Code électoral dispose que « dès la publication des listes électorales provisoires,
tout parti politique, tout électeur peut saisir la commission de révision ou, le cas échéant, la commission
départementale de supervision des irrégularités ou omissions constatées ».
148 Lire à ce propos, CONTOGEORGIS G., « Le citoyen dans la cité », in Mélanges offerts à Alain LANCELOT, op.
cit., p. 62.
149 GUIMDO DONGMO B. R., « Le contentieux des listes et cartes électorales », Rapport des ateliers de formation
« PAJ ». : Sur le contentieux électoral-le contentieux électoral municipal : le contentieux des opérations préélectorales, Kribi,
28 - 31 mai 2012, p. 3.
150 L’article 103 alinéa 2 du Code électoral atténue le rôle fondamental d’identification attaché à la carte
électorale.
En revanche, l’on pourrait considérer que la présentation d’une pièce permettant indiscutablement
d’identifier l’électeur, peut être valablement admise, puisque conformément aux dispositions de
l’article 84 du Code électoral les éléments obligatoires que doit contenir une carte électorale sont : les noms,
prénoms, date et lieu de naissance, filiation, photo, empreintes digitales, profession, domicile ou résidence.
151 Cependant, il faudrait relever que celle-ci est différée, l’électeur reçoit un récépissé qui atteste de son
inscription sur la liste électorale, mais c’est au vu de ce dernier qu’il pourra prétendre au retrait de sa carte
d’électeur. Voir les articles 84 alinéa 1 et 85 alinéa 3 du Code électoral.
152 Cet article dispose qu’ : « il est crée (…) plusieurs commissions chargées du contrôle de l’établissement et
de la distribution des cartes électorales ».
L’hypothèse d’un contrôle a posteriori est à cet égard confortée par les dispositions
antérieures de l’article 84 alinéa 3 du Code électoral qui prévoient que la distribution des cartes
s’opère quarante (40) jours avant le scrutin. Ce délai susmentionné permettrait à un électeur
régulièrement inscrit sur la liste électorale, et possédant le récépissé qui atteste de son
inscription, de réclamer devant l’organe compétent en l’occurrence la CCEDCE, la délivrance
de sa carte électorale. Quid du contrôle juridictionnel ? Le Code électoral est silencieux sur la
question, et l’on observe que le juge électoral se déclare généralement incompétent lorsqu’il est
saisi des questions y afférentes. Cette attitude du juge électoral laisse penser à l’intervention
des organes non juridictionnels en premier ressort, puis, éventuellement celle du juge judiciaire
en dernier ressort. La complexité de la procédure relative à l’établissement et à la distribution
des cartes électorales relevée au Cameroun tranche nettement avec celle de certains États
africains. Ces opérations sont confiées soit à une structure indépendante chargée de gérer les
processus électoraux 154, soit elles sont confiées à l’Administration, et elles s’opèrent de
153 La biométrisation du fichier électoral camerounais a été confiée le 1 avril 2012 à l’entreprise allemande
Giesecke CID. Cette entreprise aura entre autres pour attributions, l’établissement des cartes électorales
biométriques.
154 C’est le cas de la République centrafricaine (l’article 44 du Code électoral dispose que les cartes d'électeur
sont imprimées par les soins de la CEI qui se charge de les faire parvenir aux comités locaux dans des
cantines scellées, et il en est donné décharge) ; du Tchad (conformément aux dispositions de l’article 32, les
cartes d’électeur biométriques sont éditées par la CENI qui en arrête le modèle ainsi que le délai de
validité.) ; et du Bénin (l’article 15 paragraphe 3 du Code électoral dispose que le choix de la carte d'électeur
infalsifiable relève de l'appréciation souveraine de la CENA).
En revanche, certains pays conservent la procédure d’établissement des cartes d’électeur à l’Administration
c’est le cas du Gabon, nonobstant l’intervention de la Commission Nationale Électorale Autonone et
Permanente (CENAP) dans l’organisation et la supervision des scrutins. L’article 53 du Code électoral
Le caractère lacunaire des textes est source d’une distribution anarchique, fantaisiste et
discriminatoire. Les retraits des cartes ne se faisaient plus individuellement, mais l'on assistait à
des retraits en masse par les responsables des partis politiques. De même, la délocalisation de
la distribution si elle avait pour but de faciliter la distribution, était mal organisée. On
retrouvait ainsi les cartes dans les chefferies, entre les mains des "élites", des chefs de district
etc. La conséquence inévitable et immédiate était un manque de rigueur dans la distribution
des cartes, caractérisé par des délivrances multiples et frauduleuses qui favorisaient des votes
multiples, des charters électoraux.
Lors des précédentes échéances électorales organisées au Cameroun, l’on a opéré le constat
selon lequel la mauvaise gestion des opérations relatives à la carte électorale était l’objet des
nombreux recours intentés par les partis politiques devant le juge électoral 157.
dispose que ma carte électorale est remise au titulaire par l’Administration après traitement annuel de la liste
électorale par arrêté du ministre chargé de l’intérieur.
155 ABDOULKARIMOU, La pratique des élections au Cameroun, 1977-2007 : Regard sur un système électoral en mutation,
Yaoundé, Éditions Clé, 2010, p. 119.
156 Les articles 49 alinéa 2 et 65 alinéa 3 des lois n°s 92-010, et 91-20 relatives successivement à l’élection du
président de la République et des députés à l’Assemblée nationale disposent en effet qu’en cas de
renouvellement des cartes et de nouvelles inscriptions sur les listes électorales, et lorsque les cartes étaient
déposées à la sous-préfecture, celles-ci devaient être distribuées dans les quinze (15) jours qui précèdent le
scrutin.
157 Lire à ce propos, MANDENG D. « Le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun ».
Mémoire de DEA de l’Université de Douala, 2004-2005, p. 47-49.
Voir également le rapport de l’OIF dans le cadre de sa mission d’observation de l’élection présidentielle
du 11 octobre 2004 a relevé certains dysfonctionnements liés à la gestion de cette procédure. Il s’agissait
notamment, de la brièveté des délais dans la distribution des cartes pouvant occasionner des risques
d’embouteillage ou de cafouillages, de distribution parcimonieuses, des cas de suspicions de fraudes dans la
gestion des cartes confiées à des personnes non compétentes, p. 7.
Il sied à cet égard d’avancer que, si la procédure antérieure favorisait une mauvaise gestion
de la distribution des cartes électorales, et entretenait les votes multiples, les votes des absents
ou des morts, et le trafic des cartes non retirées, la nouvelle législation pourrait résorber ces
irrégularités longtemps décriées, et permettre aux électeurs de jouir pleinement de leur droit de
vote. Ce qui pourrait répondre à l’équation, une inscription, une carte, et un vote ou une voix.
Monsieur Abdelfattah Amor, citant dans ce sillage, monsieur Alain Garrigou qui considérait
avec justesse la carte d’électeur comme « la première pièce d’identité qui ne soit pas liée à une
condition sociale » affirme pour sa part que la carte d’électeur doit faire « abstraction des
clivages économiques et sociaux, des appartenances ethniques, religieuses et culturelles, des
affiliations politiques et engagements partisans, ainsi que des divisions idéologiques et des
représentations partielles (…). » 159. Louis Favoreu écrit adéquatement dans ce sillage, qu’
« afin de garantir le caractère véritablement démocratique d’un régime politique, il est
indispensable que les règles relatives au suffrage reposent sur des principes consacrés par la
Constitution et soient fixées de manière suffisamment précise pour éviter toute part
d’arbitraire dans leur application ». 160
Voir les recours la requête n° 61/CE/01-02 du 04 juillet 2002 -, arrêt n° 84/CE/01-02 du 17 juillet 2002 affaire
UNDP c/ État au Cameroun (MINAT) ; requête n°54/CE/01-02 du 04 juillet 2002 – arrêt n° 56/CE/01-02 du
17 juillet 2002 ; affaire UNDP c/État du Cameroun (MINAT); - recours n°06/CE/01-02 du 02 juillet 2002 et
recours n° 55/CE/2001-2002 du 04 juillet 2002, arrêt n°35/CE/01/02 du 17 juillet 2002, affaires UNDP,
UNITOC c/ État du Cameroun (MINAT) ;
158 Article 53 alinéa 3 du Code électoral.
159 GARRIGOU A. Le vote et la vertu comment les Français sont devenus électeurs, Paris, Presses de Sciences Po., 1992,
288 p., cité par ABDELFATTAH AMOR, Discours d’ouverture de la XVIème session d’enseignement de
l’Académie Internationale de Droit Constitutionnel (A.I.D.C.) de Tunis, in Constitution et élection, op.cit , p. 1-
7.
160 FAVOREU L., GAÏA P., GHEVONTIAN R., MESTRE J.-L., PFERSMANN O., ROUX A., SCOFFONI G., Droit
constitutionnel, 17ème édition, Paris, Dalloz, 2015, p. 600.
161 KEUTCHA TCHAPNGA C, « Le contentieux lié au déroulement du scrutin », Atelier de formation en contentieux
administratif portant sur « le contentieux électoral », Programme d’appui au secteur de la justice (PAJ), Kribi, 26-30
mars 2012, p. 1.
162 CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’État, tome II, op. cit., p. 345.
163 MELEDJE D F., « Le contentieux électoral en Afrique », Pouvoirs, 2009/2, n°129, p. 139-155, p. 4.
164 DOUMBE. BILLÉ S., « L’élection en droit administratif », RDP, 1994, Vol. 98, p. 1065-1102.
165 MENTHONG H. L., « Vote et communautarisme au Cameroun : "un vote de cœur, de sang et de raison" »,
in Politique Africaine, n°69, vol. 98, mars 1998, pp.40-52, p. 40.
Préalablement au scrutin, les présidents des bureaux de votes s’assurent que le matériel
électoral 168 est conforme aux prescriptions légales. Il procède au constat et à la mention au
procès-verbal de plusieurs actions relatives à l’heure d’ouverture des opérations électorales, à
l’ouverture et la fermeture de l’urne vide devant les personnes présentes dans le bureau de
vote.
169 QUANTIN P., « Un objet politique déjà identifié : le vote en Afrique », in Voter en Afrique : différenciations et
comparaisons. Colloque organisé par l’AFSP, Centre d’études d’Afrique noire-Institut d’études politiques de
Bordeaux : mars 2002, p. 13.
170 GHEVONTIAN R., « La sincérité du scrutin : études réunies et présentées par Richard GHEVONTIAN », in
Les cahiers du Conseil constitutionnel, n°13, 2002, p. 80-82.
171 L’électorat constitue un droit en ce sens qu’il est celui de voter, conféré non pour un intérêt personnel, mais
en vue d’un intérêt général. En tant que fonction, il permet au citoyen d’exercer une fonction publique dont
l’État est titulaire. Lire sur cette question, les développements de Julien LAFFERRIÈRE, Manuel de droit
constitutionnel, 2ème édition, Paris, Domat Montchrestien, 1947, p. 515. ; DUGUIT L., L’État, les gouvernants et
les agents, Paris, Dalloz, p. 106 - 128 ; Raymond CARRÉ DE MALBERG, Op. cit., p. 455-459.
172 L’article 101 alinéa 1 du Code électoral dispose à cet effet que tout électeur régulièrement inscrit sur une liste
électorale a le droit de prendre part au vote. L’article 105 du Code électoral prévoit par ailleurs la possibilité pour
un électeur infime, se trouvant dans l’impossibilité d’émettre personnellement son vote, de se faire assister.
Cette disposition ne s’applique cependant pas à tous les cas. Ainsi, peuvent être exclus des bureaux de vote,
les électeurs qui sont externes au ressort du bureau de vote, ou ceux qui sont porteurs d’une arme
quelconque, apparente ou cachée (article 60 du Code électoral).
173 ROSANVALLON P., Le sacre du citoyen, op. cit., p. 11.
174 TOUVET L., DOUBLET M.-Y., Droit des élections, Paris, Economica, 2007, p. 400.
175 DURAND O., « L’acte électoral entre sacralisation et indifférence », in À quoi bon aller voter aujourd’hui ?, sous
la direction d’Olivier DURAND, Paris, L’harmattan, 2009, p. 14.
Le vote personnel suppose que l’électeur se déplace personnellement pour émettre son
suffrage. Ce caractère a pour but de garantir l’authenticité du vote. Cependant, le caractère
personnel du vote comporte certains assouplissements, puisque certains États admettent le
vote par procuration. Ce procédé de vote qui déroge pourtant aux principes du vote personnel
et secret, présente deux nécessités antinomiques, l’avantage de réduire le taux d’abstention, et
l’inconvénient du risque de ne pas refléter l’exacte volonté de l’électeur.
Certains États à l’instar du Cameroun, n’admettent pas le vote par procuration 178, ils
prônent la participation personnelle de l’électeur. Cette exigence pousse l’électeur, désireux de
participer à la gestion des affaires politiques de sa cité, à considérer son acte comme lourd de
conséquences 179. A contrario, lorsque le vote par procuration est admis, le législateur soumet
son exercice au respect des conditions restrictives 180.
L’égalité du suffrage, dans une perspective large, renvoie également à l’égalité de la force électorale, de
l’influence du vote de chaque électeur sur le résultat.
176 Le juge électoral sanctionne la méconnaissance du principe d’égalité du suffrage par l’annulation du scrutin
d’une part, le redressement et la réformation des voix d’autre part. Voir les jugements n° 289/2006 – 2007
confirmé en appel par l’arrêt n°02/CEM/08 du 28 août 2008, le juge électoral, dans cette espèce,
sanctionne la mauvaise distribution des cartes électorales.
177 L’article 288 alinéa 1 paragraphes 3 et 5 du Code électoral dispose qu’est puni des peines prévues par
l’article 122 alinéa 1 (c, et e) du Code pénal notamment, une détention de trois mois à deux ans et d’une
amende de cinquante mille (50 000) à cinq cent mille (500 000) francs, ou l’une de ces deux peines
seulement, celui qui, déchu de son droit de vote, participe au scrutin à la suite des inscriptions multiples,
vote plusieurs fois.
178 L’article 80 du Code électoral centrafricain dispose que nul ne peut voter par correspondance ou par
procuration.
179 DURAND O., « L’acte électoral entre sacralisation et indifférence », in À quoi bon aller voter aujourd’hui ?, op.
cit., p. 14.
180 Les restrictions liées au vote par procuration sont relatives à la personne du mandant d’une part, et du
mandataire d’autre part.
Relativement au mandant, l’article L. 71 du Code électoral français prévoit que peuvent voter sur leur
demande par procuration, les personnes qui attestent sur l’honneur que pour des raisons professionnelles,
de santé, d’handicap, ou d’assistance à une personne malade ou infirme, ne peuvent participer au scrutin ;
celles qui, en raison d’obligations liées à une formation, aux vacances, ou de résidence distincte du lieu
d’inscription, ne peuvent être présents dans la commune le jour du scrutin ; enfin, celles qui sont placées en
détention provisoire, les détenus purgeant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale. En Afrique,
certains pays —énumérés de manière non exhaustive— à l’instar du Bénin (article 66), du Tchad
(article 57), et du Gabon (article 99,) prévoient le vote par procuration.
Concernant le mandataire, le législateur prévoit qu’il doit jouir de son droit de vote, et être dans la même
commune que le mandant ; par ailleurs, il ne peut disposer de plus de deux procurations (articles L. 73 et 73
du Code électoral français) ; en Afrique, a contrario, le législateur se rallie partiellement à la posture française,
Dans le cadre de leur mission de police, les commissions locales de vote sont également
chargées de veiller à l’expression d’un suffrage secret et éclairé. Le vote secret est considéré
comme une « condition nécessaire à la liberté de l’électeur » 183, à son indépendance, il permet
à celui-ci d’opérer son choix à l’abri des regards. La matérialisation du caractère secret du
suffrage s’opère par l’utilisation des enveloppes réglementaires uniformes et opaques 184, d’un
ou plusieurs isoloirs aménagés à cet effet.
et limite le nombre de mandat à un (articles 67et 69 du Code électoral) ; Tchad (articles 59 et 60 du Code
électoral) ; Gabon (article 100 du Code électoral).
181 Voir les articles 64 et 65 du Code électoral tchadien.
182 Lire sur ce point, SINDJOUN L., Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel
jurisprudentiel et Politiques constitutionnelles au prisme des systèmes politiques africains, Bruxelles, Bruylant, 2009,
p. 513 – 516 ; Texte de l’avis de la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar n° 03 – HCC/AV
du 9 mai 2006 sur la date de l’élection du président de la République ; voir par ailleurs la décision n° 73 –
603/741 du 27 juin 1973, relative au report par le préfet de la Réunion à une date ultérieure la plus
rapprochée possible du second tour des élections législatives aux motifs des pluies diluviennes.
183 LAFERRIÈRE J, Manuel de droit constitutionnel, op.cit., p. 531.
184 Lire sur la question de la régularité des bulletins de vote, ORENGO P., « Format des bulletins et secret du
vote- Conclusions sur Tribunal administratif de Nice, 9 octobre 2001, élections municipales de Sainte-
Maxime », RFDA, 2002, p. 893-1001. Il s’agissait pour le juge administratif de Nice, saisi le 9 octobre 2001
dans l’affaire élections municipales de Sainte-Maxime, Mme Troude, Mme Arnaud, de déterminer si le format
des bulletins de vote de madame Arnaud, a porté atteinte au secret du vote en conséquence, à sa sincérité. Le
juge administratif, décide que « l'utilisation d'un bulletin au format maximal, qui pour entrer dans
l'enveloppe nécessitait trois opérations de pliage et se traduisait par huit épaisseurs de papier n'ait pas eu
pour effet, de permettre de le distinguer d'un bulletin qui pour sa part, ne nécessitait pour entrer dans
l'enveloppe que deux opérations de pliage et ne se traduisait que par quatre épaisseurs de papier. (…) il est
évident que le pliage en huit du bulletin de la liste conduite par Mme Arnaud n'a pas pu ne pas gonfler
l'enveloppe de telle sorte qu'il était visible dès l'introduction du vote dans l'urne que cette dernière était plus
volumineuse que celle contenant le bulletin seulement plié en quatre de la liste conduite par M. Rolland, il
est clair qu'il a été porté atteinte au secret du vote. »
185 La violation du principe de liberté du suffrage est réprimée par l’article 123 – 1 du Code électoral
camerounais.
Le juge électoral quant à lui sanctionne cette méconnaissance par l’annulation du scrutin. Ainsi, les
irrégularités graves portaient notamment, sur les pressions financières sur les délégués de l’Onel dans le but
de taire les irrégularités constatées, le bourrage des urnes, le remplacement des électeurs absents par
d’autres personnes, la destruction du couvercle et du cadenas de l’urne, le monnayage des voix : Jugements
n°s 28/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UPC contre État du Cameroun (MINAT), circonscription
électorale du Nkam ; 93/CE/2001-200 du 10 septembre 2002 ; arrêt n°44/CE/01-02 du 17 juillet 2002,
SDF, UPC contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale du Nkam.
186 Le caractère probant des procès-verbaux à l’égard des partis politiques est érodé par les dispositions de
l’alinéa 2 de l’article 115 qui conditionne la remise d’un exemplaire du procès-verbal à sa signature préalable
par leurs mandataires. Il en résulte que les représentants des partis politiques sont dans un imbroglio qui les
oblige à opérer un choix, celui de signer, afin de recevoir le procès-verbal qui attestera de leur
consentement relativement au déroulement des opérations électorales, soit de refuser de signer, auquel cas
ils ne pourront rentrer en possession du procès-verbal, par conséquent, n’auront pas de preuve de leur
présence dans le bureau de vote. L’exigence de la signature en contrepartie de l’exemplaire du procès-verbal
à remettre au mandant, pourrait compromettre la valeur probante de celui-ci, puisque la signature d’un acte
vaut approbation et validation. Le refus de signer entraîne, une non-délivrance du procès-verbal, partant,
une absence de preuve en cas de contestation.
Dans une affaire n°32/CE/011-02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun, circonscription
de la Méfou et Akono, le juge électoral a sanctionné l’absence de mention de la participation du SDF. Sur
148 procès-verbaux de dépouillement reçus par la commission départementale, 31 seulement laissaient
apparaître la participation du SDF, les 117 autres ne mentionnent ni sa participation, ni son score. Par cette
posture, le juge électoral met en exergue la nécessité d’une participation effective de tous les membres du
bureau de vote, et concourt partant à la garantie du principe de la liberté du scrutin.
187 Le juge, lorsqu’il est saisi, n’hésite pas à sanctionner les irrégularités graves relevées pendant le scrutin par
une annulation de celui-ci, lorsqu’elles sont faites au mépris du contrôle exercé par la commission locale de
vote, telles que la destruction du couvercle et du cadenas de l’urne, l’intimidation et harcèlement et
expulsion de certains représentants des membres des bureaux de vote, la falsification et la confiscation des
procès-verbaux. Voir les annulations des élections du double scrutin des élections législatives et municipales
de 2002 et 2007. Dans l’affaire UNDP, RDPC contre État du Cameroun (MINAT), circonscription de Kumba,
arrêt n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, le juge électoral pose le principe de la régularité qui doit prédominer
dans l’établissement des procès-verbaux. En effet, dans cette espèce, le juge annule le scrutin aux motifs
que les griefs soulevés notamment, la falsification, les violences et destruction des procès-verbaux de
plusieurs bureaux de votes.
188 L’article 114 du Code électoral octroie aux commissions locales de vote une compétence de règlement des
contestations qui peuvent être présentées par les électeurs à l’occasion du dépouillement, il revient toutefois
au président de la commission locale de vote de les résoudre. En cas de partage des voix lorsque des
observations sont formulées, celle du président est prépondérante, et mention en est faite dans le procès-
verbal.
189 Voir les articles 63 paragraphe 5 et 192 du Code électoral .relatifs à l’élection du président de la République
et à celle des conseillers municipaux. Le verbe « veiller » est consubstantiel à la notion de contrôle, définie
comme la soumission à une vérification administrative, à un examen minutieux, et le fait de conserver une
domination suffisante pour agir afin de censurer, critiquer, et décider. Défini par ailleurs dans un sens plus
restreint, le contrôle est la vérification, la surveillance de l’ensemble des opérations destinées à vérifier le
bon fonctionnement d’un appareillage, en s’assurant notamment, de sa conformité avec les règles de
sécurité. Le doyen Gérard CORNU le définit comme la vérification de la conformité à une norme d’une
situation. Le lexique politique donne quant à lui une définition plus complète : il est la vérification de la
conformité de la loi par un organe politique ou par un organe créé à cet effet, afin soit d’assurer la
régulation des pouvoirs, soit de protéger les citoyens.
190 La commission départementale de supervision est composée d’un président, président du tribunal de
grande instance du ressort, et des membres issus de l’administration (03), d’Elecam (03), d’un représentant
de chaque candidat.
191 Article 63 du Code électoral camerounais.
Le rôle des commissions communales de supervision est variable, elles exercent des
compétences de rassemblement des procès-verbaux qui proviennent des démembrements
communaux d’Elecam, assurent le recensement des votes en application des dispositions de
l’article 192, et proclament les résultats du scrutin au niveau de la circonscription électorale.
199 L’article 69 alinéa 4 du Code électoral prévoit que ces procès-verbaux accompagnés des pièces annexes
doivent être transmis dans un délai de cinq (05) jours au Conseil constitutionnel.
200 Les articles 31 et 47 alinéa 1 des lois abrogées, relatives à l’élection du président de la République et des
députés à l’Assemblée nationale disposaient que le Conseil constitutionnel vérifiait les opérations électorales
au vu des procès-verbaux et les pièces annexes transmis par la commission nationale de recensement des
votes. À cet égard, l’on pouvait relever que le législateur avait érigé le rôle de la commission nationale en un
préalable obligatoire, qui participait à la garantie de la régularité du scrutin, puisque le juge électoral statuait
au vu du procès-verbal transmis par la commission. La question posée, était de savoir, si le juge électoral
était lié par les observations inscrites dans le procès-verbal de la commission nationale de recensement. Au
regard du caractère équivoque des décisions du juge électoral, il convient de noter que le juge électoral
pouvait tenir compte ou non du procès-verbal de ladite commission. Ce dernier ne le liait pas dans le
prononcé de sa décision, il pouvait néanmoins l’éclairer dans la motivation de ses décisions de réformation
des résultats, de rejet des recours ou d’annulation du scrutin.
Relativement aux demandes d’annulations du scrutin dont il était saisi, le juge électoral énoncait qu’
« attendu que les griefs décriés ont été constatés par la commission nationale de recensement général des
votes, qu’en effet il résulte des pièces produites notamment, du procès-verbal de cette commission
que(…) ; attendu ces irrégularités ont porté atteinte à la sincérité du scrutin ; qu’il s’ensuit que les recours
sont fondés, en conséquence l’élection législative dans la circonscription de (…) est annulée. Voir les cas
d’annulation cités de manière non exhaustive et aléatoire : Arrêts n°27/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF,
UNDP contre État du Cameroun (MINAT), circonscription de la Mifi ; n°28/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF,
UNDP contre État du Cameroun (MINAT), circonscription de la Sanaga-Maritime ; n°44/CE/01-
02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun (MINAT), circonscription du Nkam. n°54/CE/01-
02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun (MINAT), circonscription de Bamboutos ;
n°118/CEL/2007 du 07 août 2007, Basile Yagai (UNDP) contre État du Cameroun (MINAT), circonscription
électorale du Mayo Tsanaga nord ; n°118/CEL/2007, du 07 août 2007, Basile Yagai (UNDP) contre État du
Cameroun (MINAT), circonscription électorale du Mayo Tsanaga nord ; n°30/CEL/2007 du 07 août 2007, Nintcheu
Jean-Michel (SDF), Etroukang Jean-Pierre (UNDP) contre État du Cameroun (MINAT), circonscription électorale de
Wouri-Est.
En revanche, le Conseil constitutionnel n’appliquait pas toujours de manière instinctive cette démarche, et
dans cette hypothèse, il ne fondait pas sa décision sur les observations de la commission nationale. Ainsi, le
Conseil constitutionnel avait annulé les opérations électorales dans la circonscription électorale du Nyong
et Kellé, nonobstant l’absence d’unanimité au sein de la commission nationale de recensement, sur le point
de savoir si les faits de fraudes graves décriées ont pu influer sur les résultats du scrutin. Le juge
constitutionnel a estimé que les irrégularités constatées par les huissiers de justice Maîtres Yob Jacques
Bienvenu et Nken Nken Paul, constituaient une fraude ayant influencé de manière significative le résultat
du scrutin.
Les structures de gestion ne sont pas des juridictions, elles décident, émettent des avis,
peuvent saisir les organes juridictionnels et donner des injonctions ; peuvent être consultées
dans le cadre d’une procédure judiciaire, mais ne jugent pas. Leurs décisions ne revêtent pas le
caractère de la chose jugée.
La création des organes de contrôle résulte de la volonté politique de consolidation de la
démocratie et de l’État de droit. (…) [Elle] se situe dans le cadre d’une stratégie de protection des
libertés des administrés, et une limitation des pouvoirs de l’Administration 202.
Cette affirmation de monsieur Abdoulaye Diarra décrit de manière incontestable, la
préoccupation majeure qui explique les multiples mutations institutionnelles qui ont cours en
Afrique, et plus particulièrement au Cameroun à partir des années 1990. En effet, les États
s’engagent dans la consolidation de la démocratie et de l’État de droit sur le plan interne. Les
structures de gestion sont créées, dans le but de garantir la régularité, l’impartialité et
l’authenticité des processus électoraux.
L’idée qui a sous-tendu parallèlement la création des organes de contrôle, est l’attribution
de l’organisation et la gestion des élections à des structures indépendantes, neutres et
impartiales, aptes à garantir la régularité et la sincérité du scrutin. Sa matérialisation s’opère en
Afrique, à partir des années 1994 203 suivant le modèle en usage au Canada et au Québec, par
la mise en place des structures indifféremment appelées Commission électorale indépendante
(CEI), Observatoire national des élections (ONEL), Commission nationale autonome (CEN),
Commission électorale nationale autonome (CENA), Commission électorale nationale
indépendante (CENI) etc. Le but poursuivi est « la recherche d'une formule permettant
d'isoler, dans l'Administration de l’État, un organe disposant d'une réelle autonomie » 204.
202 DIARRA ABDOULAYE, « Les autorités administratives indépendantes dans les États francophones
d’Afrique noire : cas du Sénégal et du Mali », Afrilex, 2000, 25 p.
203 Lire à ce propos, Francophonie et démocratie, symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des
droits et libertés dans l’espace francophone (1er-3 novembre 2000 Bamako), Paris, édition Bruylant et Pédone, 2001,
947 p.
204 Voir la décision de la Cour constitutionnelle du Bénin, DCC 34-34 du 23 décembre 1994.
Le système camerounais est à cheval entre les deux systèmes. En effet, la création de
l’Observatoire national des élections (Onel) 207 (§ 1) permet d’expérimenter le premier système
de gestion des élections qui, dénoncé comme un folklore, entraîne la création d’« Elections
205 La création des structures indépendantes de gestion des processus électoraux découle des menaces de
rupture de la paix et de la cohésion sociale au lendemain de la tenue des élections organisées à partir des
années 1992. Voir dans ce sens :
POKAM H. de P., Les commissions électorales en Afrique subsaharienne : Analyse de leurs enjeux et de leurs usages par les
acteurs politiques au cours du processus d’invention de la neutralité électorale, 26 p, [en ligne], disponible sur :
www.cean.sciencespobordeaux.fr/pokam.pdf, (consulté le 17/02/2011) ;
OULD AHMED SALEM Z., « Gouvernance électorale et invention de la neutralité : la création de
l’observatoire national des élections (ONEL) au Sénégal », in Voter en Afrique : différenciations et comparaisons,
colloque organisé par l’AFSP, Centre d’études d’Afrique noire- Institut d’études politiques de Bordeaux, mars
2002, 33 p., [en ligne], disponible sur www.afsp.msh-paris.fr/archives/2002/afriquetxt/oulahmed.pdf,
(consulté le 17/02/2011) ;
ALAO S. A., Quel mode de gestion des élections pour l’avenir, 5 p., [En ligne], disponible sur
democratie.francophonie.org/IMG/pdf/bamako.324.pdf, (consulté le 17/02/2011) ;
MADIOR FALL, I., HOUNKPE M., JINADU A. L., KAMPALE P., « Organes de gestions des élections en
Afrique de l’Ouest : une étude comparative de la contribution des commissions électorales au renforcement
de la démocratie », Open Society Foundation, Dakar, 2011, 50 p., [en ligne], disponible sur
www.afrimap.org/.../AfriMAP_OuestAfrica_OGE_Complet_FR.pdf, (consulté le 17/02/2011).
206 DE GAUDUSSON J. D. B., « les élections à l’épreuve de l’Afrique », in Les cahiers du Conseil constitutionnel, n°13,
2002, p. 139 - 145 ; « Les structures de gestion des opérations électorales : Bilan et perspectives en 2000 et
… dix ans après », in Démocratie et élections dans l’espace francophone. Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 259 - 286.
207 L’Onel est créé par la loi n°2000/016 du 19 décembre 2000, modifiée et complétée par celle
n°2003/015 du 22 décembre 2003.
208 Institué par la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006, Elecam a subi diverses modifications relatives à son
organisation et son fonctionnement. La loi n°2011/001 du 06 mai 2011 transforme la composition du
Conseil électoral dont les membres passent de douze (12) à dix-huit (18), supprime la compétence relative à
la publicité des tendances enregistrées à l’issue des scrutins pour les élections législatives, présidentielles, et
sénatoriales précédemment confiée au Conseil électoral.
209 Il s’agit des élections législatives et municipales en 2002 ; présidentielles en 2004 ; puis législatives et
municipales en 2007.
210 OLINGA A. D., L’ONEL : réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création d’un Observatoire
National des Élections, Presses de L’UCAC, Yaoundé, p. 14.
La lecture des compétences énoncées par l’article 6 alinéas 7 et 8 permet de cerner la sphère
de compétence de l’Onel. En matière préélectorale, Il avait la compétence d’ordonner des
rectificatifs rendus nécessaires, à la suite de l’examen par lui, des réclamations ou
contestations, dirigées contre les actes des autorités administratives ou des commissions
mixtes, concernant les listes électorales et les cartes électorales ; il avait également la mission
de contrôler des préliminaires aux opérations électorales, de régler les contestations et les
réclamations portant sur les candidatures et le comportement des candidats ou leurs
représentants en période électorale, non réglées par les commissions de supervision
compétentes 214.
211 L’Onel était chargé de superviser et contrôler les activités des commissions électorales en charge des listes
et des cartes électorales, il vérifiait par ailleurs les opérations relatives à l’établissement et à la distribution
des cartes électorales.
Concernant la campagne électorale, l’Onel était compétent pour connaître des faits de campagne. L’on note
à ce propos que l’Onel, pendant le déroulement de la campagne électorale, avait sensibilisé les acteurs
politiques à respecter l’éthique de la campagne électorale, en leur rappelant que la campagne électorale ne
devait en aucun cas déboucher sur des dérapages, de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la
considération des adversaires, par quelque moyen que ce soit, à l’exemple des appels à la violence ou à la
haine, des attaques personnelles, des atteintes à la dignité des autres candidats, éviter par ailleurs de poser
des actes qui peuvent mettre en péril la paix, l’unité nationale et l’intégrité du pays.
212 Le contrôle des opérations électorales était relatif au contrôle de l’impression des documents électoraux, à
la publication des bureaux de vote, à la vérification de la régularité de la composition des membres des
bureaux de vote, et la composition des listes des membres des bureaux de vote, veillait à ce que la liste des
membres des bureaux de vote soit publiée et notifiée à ceux qui doivent la recevoir, supervisait et contrôlait
la mise en place du matériel électoral et des documents électoraux , vérifiait la régularité des opérations de
dépouillement du scrutin, de décompte des suffrages, et veillait à la bonne tenue, au ramassage et à
l’acheminement des procès-verbaux vers les commissions de recensement des votes.
213 Dans le cadre des opérations postélectorales, l’Onel, en application des dispositions de l’article 6 de la
loi n°2003/015 du 22 décembre 2003, exerçait une compétence de contrôle et de régularisation des procès-
verbaux des bureaux de vote, au vu des fiches d’observation de ses délégués. La commission nationale de
recensement des votes s’est fondée à plusieurs reprises, sur les procès-verbaux de l’Onel, pour procéder à la
régularisation des erreurs constatées dans les procès-verbaux transmis par les commissions de supervision.
214 À cet effet, l’Onel avait reçu et traité des requêtes concernant l’ensemble du processus électoral, relatives à
la violation des droits civiques, Les requêtes portaient par ailleurs sur les inscriptions sur les listes et les
cartes électorales, les candidatures, la campagne électorale, le dépouillement du scrutin et la proclamation
des résultats. Lorsque l’Onel recevait une requête, il accusait réception et transmettait la requête à l’organe
compétent pour traiter cette requête, ces derniers menaient des investigations afin de donner une solution à
la requête.
L’Onel jouait un rôle de collaborateur, sans véritable pouvoir. Il était à la fois une
Administration consultative et un organe de substitution des commissions de supervision.
Ainsi, il était confronté à une nécessaire collaboration avec les commissions électorales et
l’Administration, soupçonnés par l’opposition, d’être inféodés au pouvoir en place. Il
s’ensuivait que, l’Onel rencontrait pas mal de difficultés pour affirmer sa neutralité et son
impartialité.
215 MAISL H., Les autorités administratives indépendantes, Colliard C. -A. et Timsit G., (Dir.), Paris, Montchrestien,
1991, p. 82.
216 Voir à ce sujet les articles 3, 14 et 15 de la loi portant création de l’Onel fixant les conditions de nomination
des onze membres de l’Onel dont un président et vice président; celle des représentants au niveau
départemental, et communal, et la désignation des délégués devant opérer le contrôle la supervision des
opérations de vote dans les bureaux de vote le jour du scrutin.
Les compétences de cette structure étaient également diluées par l’existence d’une
répartition disproportionnée et concurrencée des compétences, et de l’attribution d’un rôle
subsidiaire qui lui déniait un véritable pouvoir.
L’Onel disposait des pouvoirs de conciliation 219 entre l’Administration et les partis
politiques, le pouvoir d’autosaisine et d’injonction. Il pouvait ainsi saisir l’Administration en
cas de violation à la loi, et l’« invite[r] à prendre les mesures de correction appropriées.» Cette
action de l’Onel ne comportait pas un véritable pouvoir sur l’autorité administrative, ni de
217 C’était d’ailleurs le cas lors du double scrutin du 27 juillet 2007, les partis politiques et la société civile ont
décrié la nomination de madame Régine DOOH Collins en arguant que son époux, monsieur DOOH Collins
était candidat aux élections législatives.
218 OLINGA A. D., L’ONEL : Réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création d’un Observatoire
national des élections, op. cit., p. 21.
219 Aux termes de l’article 12, en cas de non-respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux
élections par une autorité administrative, L’Onel l’invite à prendre les mesures de correction appropriées. Si
l’autorité administrative ne s’exécute pas, l’Onel propose à l’autorité administrative compétente des
sanctions administratives contre le fonctionnaire ou l’agent public responsable. Celle-ci statue sans délai. Le
cas échéant, l’Onel saisit les juridictions compétentes qui statuent elles aussi sans délai. La saisine est faite
par tout moyen laissant trace écrite.
Le rôle de l’Onel avait été fragilisé à la base, c’est pourquoi certains acteurs politiques et
observateurs l’avaient traité de structure « mort-née », parce qu’ayant été « vidé de tout
potentiel dissuasif » 220. Le statut et la structuration de l’Onel étaient ambigus, et ne
favorisaient pas la réalisation des objectifs qui lui étaient assignés. Les moyens d'action de
l’Onel concernaient l'ensemble des éléments financiers, matériels, techniques et humains, mis à
sa disposition par l’État 221, en vue d’assurer l'effectivité des missions qui lui étaient assignées.
Le caractère dépendant de l’Onel au pouvoir exécutif se manifestait en outre, par
l’établissement d’un rapport général sur le déroulement des opérations électorales adressé au
président de la République qui décidait après examen, de sa publication.
Sur le plan technique, le caractère ambigu de la nature des décisions de l’Onel conduisait les
observateurs à s'interroger sur la valeur juridique de celles-ci, puisqu’elles ne revêtaient aucun
caractère répressif. Les pouvoirs d’injonction et de saisine des juridictions compétentes qui lui
étaient reconnus, ne remettaient pas en cause, l’affirmation selon laquelle l’Onel était une
chimère, créée par le législateur pour se mettre à la cadence du vent démocratique qui soufflait
sur le continent africain. Ses injonctions en effet ne bénéficiaient d'aucune garantie d'exécution
par les autorités administratives.
Au vu des manquements qui ont entravé l’exercice d’un contrôle optimal des processus
électoraux par l’Onel, il convient de corroborer l’affirmation du doyen Léopold Donfack
Sokeng qui relevait avec justesse que, la faible capacité institutionnelle de cette institution à
fonctionnement intermittent d’une part, l’absence de professionnalisation d’autre part, avaient
considérablement handicapé la qualité du contrôle opéré par cette structure 222. Le professeur
Alain Didier Olinga quant à lui souligne à ce propos qu’ « une institution est charpentée en
fonction de l’idée d’entreprise qui lui sert de boussole, de principe actif et de régulateur. Entre
l’idée d’oeuvre et la structure de la faire accéder à l’éffectivité, il ya une relation dialectique
220 OLINGA A. D., L’ONEL : Réflexion sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création de l’ONEL,
Presses de l’UCAC, avril 2001, p.48.
221 L’article 20 de la loi du 19 décembre 2000 dispose que c’est l’État qui met à sa disposition de l’Onel tous les
moyens matériels et humains nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
222 DONFACK SOKENG L., Interview accordée au quotidien Cameroon tribune du 5 juin 2008, p. 12.
La création d’Elecam vient fort heureusement remplacer l’Onel. Les partis politiques et la
société civile voient dans cette nouvelle structure, un organe plus crédible plus apte à organiser
et superviser les processus électoraux, comme « un organisme relativement indépendant du
point de vue de son statut et de l’exercice de ses missions, [bénéficiant] d’autre part d’une
autonomie institutionnelle et fonctionnelle plus ou moins affirmée » 225.
Créée par la loi n 2006/011 du 29 décembre 2006, « Élections Cameroon » (Elecam) vient
remplacer l’Onel, avec des attributions différentes. En effet, cette structure est responsable de
l’ensemble des opérations relatives à l’organisation et au déroulement des processus
électoraux. Elle intègre le rôle de l’Onel dans la supervision et le contrôle des opérations
électorales et celui du ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation dans
l’organisation matérielle du scrutin. Elecam s'inspire en partie des institutions de gestion des
processus électoraux qui existent dans d’autres États. Il infère à la fois un changement des
rôles et des interlocuteurs institutionnels en matière d'élections, un transfert de responsabilités
par rapport au système actuel et la mise en place d'un nouveau type de relations et d'attitudes
pour les Administrations et autorités jadis parties prenantes dans le processus électoral 226.
L’article 8 de la loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral dispose qu’Elecam est
un organisme indépendant, chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision de
l’ensemble du processus électoral et référendaire. Il est doté d’une personnalité juridique et
jouit d’une autonomie de gestion. La création d’Elecam met fin au rôle prépondérant de
l’Administration dans la gestion des consultations électorales. Désormais, il organise, gère et
223 OLINGA A. D., L’ONEL : Réflexion sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création de l’ONEL, op.
cit., p. 13.
224 BEDJOKO MBASSI, « Le vote au Cameroun depuis 1992 : Exigences normatives et pratiques sociales », in
Cahier africain des droits de l'homme, n°9, mai 2003, p. 142.
225 ONDOUA A. « Vers une modernisation du système institutionnel de régulation des élections au Cameroun ?
À propos de la mise en place d’ « Élections Cameroon », in Les Voyages du droit- Mélanges Dominique Breillat,
Paris, L.G. D. J., 2011, pp. 485- 497.
226 Propos du premier président de la Cour suprême — siégeant en qualité de Conseil constitutionnel
conformément à l’article 67 alinéa 4 en vertu duquel la cour suprême exerce les attributions du Conseil
constitutionnel en attendant sa mise en place— lors de la prestation des membres du Conseil Électoral
d’Elecam du 29 janvier 2009.
Des qualités de probité sont requises aux membres d’Elecam qui sont choisis parmi des
personnalités de nationalité camerounaise, reconnues pour leur compétence, leur intégrité
morale, leur honnêteté intellectuelle, leur sens patriotique, leur esprit de neutralité et
d’impartialité. Ils doivent s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la
dignité de leurs fonctions 229. Ils bénéficient d’un statut particulier, à cet égard, ils ne doivent
en aucun cas, solliciter ou recevoir d’instruction ni d’ordre d’une autorité publique ou privée,
227 L’article 8 alinéa 1 (nouveau) de la loi n°2011/001 du 06 mai 2011 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement
d’« Elections Cameroons » (Elecam) porte de douze (12) à dix huit (18) membres la composition du
Conseil électoral, afin de calmer «une certaine tendance politique» et «permettre une plus grande intégration
des sensibilités sociopolitiques du pays» (exposé des motifs du projet de loi).
228 Le caractère "éventuellement renouvelable" du mandat des membres d’Elecam rend malléable leur statut, et
fragilise l’esprit de neutralité et d’intégrité recherché dans la création de cet organe de gestion. Au Sénégal,
par contre, l’on note que la CENA, chargée de contrôler et de superviser l’ensemble des opérations
électorales et référendaires, comporte une composition plus crédible, dans la mesure où ses membres sont
nommés pour un mandat de six (06) ans renouvelable par tiers tous les trois ans. (Article L.4 de la loi n°92-
16 du 07 février 1992 portant code électoral).
229 Voir l’affaire madame Pauline Biyong, membre d’Elecam exclu de ladite structure pour faute lourde et
violation du serment en raison des accusations qui pesaient sur elle. En effet, madame Pauline Biyong avait
gagné un marché d’affichage pour la campagne électorale d’un candidat à l’occasion de l’élection
présidentielle du 09 octobre 2011. Le Conseil électoral a estimé que cette activité compromettait son
indépendance et la dignité de sa fonction.
Elecam ainsi institué et doté des pouvoirs pour le bon accomplissement de ses missions, a
désormais des garanties légales adéquates pour assurer la stabilité et renforcer l’État de droit au
Cameroun. Il détient de ce fait, des compétences majoritairement administratives (A), et un
faible rôle contentieux (B).
Dans le cadre de son contrôle relatif aux opérations postélectorales, le Conseil électoral
transmet les procès-verbaux des élections au Conseil constitutionnel et aux instances prévues
par la loi 233. Les mutations apportées par le Code électoral restreignent les compétences du
Conseil électoral. En effet, préalablement compétent en vertu de l’article 6 alinéa 2
paragraphe 3 de la loi n°2006/011, pour publier les tendances enregistrées à l’issue des
scrutins pour les élections nationales, il est désormais limité à la transmission des procès-
verbaux aux instances compétentes, notamment à la commission nationale de recensement
général des votes. Néanmoins, l’on relève que l’article 11 renforce son pouvoir d’action dans le
fonctionnement d’Elecam, puisqu’il approuve le règlement intérieur d’Elecam, soumet des
rapports et/ou propositions aux autorités compétentes sur les questions relevant de ses
missions ; examine et approuve les programmes ou activités initiées par le Directeur général
émet ou formule des suggestions sur tout projet de texte qui lui est soumis, fixe, l’organisation
et les modalités de fonctionnement des démembrements etc. Il convient toutefois de rappeler
que les compétences administratives exercées par le Conseil électoral sont mises en scène par
le directeur général qui est chargé de la préparation et de l’organisation matérielle des
opérations électorales et référendaires 234.
décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’Elecam d’une part, et 55, 57 et 58 de la
loi n°2011/002 du 06 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi
n°92/010 du 12 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la
République.
233 L’article 7 étend son domaine de compétence, ainsi il approuve le règlement intérieur d’Elecam, soumet des
rapports et/ou propositions aux autorités compétentes sur les questions relevant de ses missions ; examine
et approuve les programmes ou activités initiées par le directeur général, émet un ou formule des
suggestions sur tout projet de texte qui lui est soumis, fixe, l’organisation et les modalités de
fonctionnement des démembrements, constate la composition des commissions départementales, et
régionale de supervision, celle de la commission nationale de recensement général des votes etc.
234 Article 22 du Code électoral.
En matière d’opérations préparatoires, le rôle du directeur général des élections porte sur la
constitution, la gestion, la mise à jour et la conservation du fichier électoral national ainsi que
des documents électoraux, de l’établissement en collaboration avec les commissions
électorales compétentes, de l’établissement des listes et cartes électorales et la distribution des
cartes électorales.
Il s’assure que les opérations de révision des listes électorales d’une part, d’établissement et
de distribution des cartes électorales d’autre part, sont effectivement accomplies par les
commissions compétentes. Il constate la composition des commissions électorales, et
parallèlement, désigne les représentants d’Elecam au sein desdites commissions.
En revanche, en matière électorale, son champ d’action est plus consistant. Il coordonne
les actions des observateurs accrédités par les autorités compétentes, organise les bureaux de
vote conformément aux prescriptions légales ; désigne les responsables de ceux-ci ; et peut
saisir les autorités compétentes en cas de menace de l’ordre public dans les bureaux de vote.
Dans le cadre du contrôle des opérations postélectorales, son action est relative au
transport des procès-verbaux et autres documents électoraux à partir des bureaux de vote
jusqu’au siège d’Elecam, à la transmission des procès-verbaux au Conseil électoral, à la
centralisation de tout le matériel et les documents électoraux en vue de leur conservation, et
enfin, à l’élaboration d’un rapport final sur le déroulement des élections. L’on relève par
ailleurs que le directeur général assure des missions qui relèvent de manière médiate de
l’organisation des processus électoraux.
La lecture des attributions des deux organes d’Elecam révèle le rôle quasi-inexistant du
Conseil électoral dans le règlement des litiges qui découlent de l’organisation et du
déroulement des processus électoraux. Néanmoins, l’on observe que son intervention
circonscrite, lui confère des compétences complétives et de substitution dans le contentieux
des opérations préélectorales et électorales.
235 Les articles 17, 43 et 40 successivement des lois relatives à l’élection des conseillers municipaux, des députés
à l’Assemblée nationale et du président de la République confient aux commissions de supervision le
contentieux des opérations préparatoires, relatif à l’inscription sur la liste électorale et à l’établissement et à
la distribution des cartes électorales. Cette compétence, parallèlement attribuée à Elecam par l’article 6
alinéa 2 de la loi n°2006/011 du 19 décembre 2006 crée une confusion quant à l’exercice de cette
compétence. Il est dès lors nécessaire de procéder par des hypothèses pour les dispositions conflictuelles
susmentionnées.
En se fondant sur l’hypothèse de la spécialité, l’on pourrait supposer que les dispositions des lois électorales
l’emportent sur celle portant création d’Elecam, ainsi, les commissions de supervision conserveraient leurs
compétences pour connaître des contestations ou réclamations concernant les opérations préparatoires. La
deuxième hypothèse se réfère à la postériorité, et entraînerait la compétence d’Elecam. Toutefois, une
dernière hypothèse qui se fonde sur l’option permettrait à l’électeur de saisir les commissions de
supervision ou Elecam.
Concernant le contrôle des opérations préliminaires, l’on relève que, paradoxalement aux
dispositions de l’article 10 alinéa 2 susmentionné, le Conseil électoral ne détient aucune
compétence contentieuse. Son action est limitée à l’acceptation ou au rejet des candidatures
dont le contentieux relève de la compétence du Conseil constitutionnel et de la juridiction
selon le cas. L’attribution limitative des compétences, restreint le pouvoir permettant à Elecam
de faire respecter la loi électorale, de manière à garantir aux électeurs et aux candidats en
présence, une pleine jouissance de leurs droits civils et politiques. Malheureusement, l’absence
d’un véritable pouvoir de sanction qui ferait d’Elecam, une structure de gestion apte à
consolider la démocratie camerounaise est à déplorer.
236 OLINGA A. D., Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections du Cameroun, Yaoundé, Presses
universitaires d’Afrique, 2007, p 54.
237 OLINGA A. D., Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections du Cameroun, op. cit., p. 11.
238 Selon le professeur Marie-Joëlle REDOR, le droit de vote est un droit fondamental, quel que soit le lien qu'il
entretient ou non avec l'idée de liberté en raison de sa consécration par la Constitution ou par une
Convention internationale.
REDOR M.-J., « Garantie juridictionnelle et droits fondamentaux », C. R. D. F., n° 1 /2002, p. 93. [En ligne],
site, http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/files/pdf/c1Redor.pdf, (consulté le 11/10/2012). Maurice
Hauriou corrobore cette pensée, pour lui en effet, « l’autorité juridictionnelle remplit une fonction
intermédiaire entre la législation et l’exécution : c’est donc que l’activité du juge, qui est consécutive à la loi,
mais qui en précède ou en conditionne l’exécution, forme une manifestation de puissance étatique, qui est
aussi tout aussi distincte du pouvoir exécutif que du pouvoir législatif. HAURIOU M., Les éléments du
contentieux, Recueil de législation de Toulouse, 8ème édition, 1905, p. 395 et s., cité par CARRÉ DE
MALBERG R., Théorie générale de l’État, tome I, Paris, Sirey, 1920, p. 755.
239 CARRÉ DE MALBERG R., Théorie générale de l’État, tome I, ibid., p. 577.
240 GUIMDO DONGMO B. R., « Le droit d’accès à la justice administrative au Cameroun : contribution à l’étude
du droit fondamental », RRJ, n°1, 2008, p. 453-498.
241 MASCLET, J-C., Droit électoral, 1ère édition, n°3, Paris, PUF, 1989. p. 14.
242 GHEVONTIAN R., « Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d'élections
politiques », in RFDA, 1994, p. 793.
La nécessité de garantir les droits fondamentaux 243 des citoyens n’a pas laissé
indifférentes les autorités judiciaires. Celles-ci ont affiché un déterminisme certain dans leur
volonté de promouvoir la primauté du droit, afin de purifier le corps représentatif de toute
illégitimité, et de garantir par ce fait les droits fondamentaux des citoyens. Tout d’abord, Le
juge en chef Dickson, dans l’affaire British Columbia Employees Union, déclare que :
Le droit d’accès aux tribunaux constitue sous le régime de la primauté du droit, un des piliers
de base qui protège les droits et les libertés de nos citoyens (…) Du moment qu'une personne ou un
groupe fait obstacle à cet accès, le tribunal exercera ses pouvoirs de manière à assurer aux justiciables
leur accès au tribunal (…). Il ne peut y avoir de primauté du droit sans accès aux tribunaux,
autrement, la primauté du droit sera remplacée par la primauté d’hommes et de femmes qui
décident qui peut avoir accès à la justice. 244
D’après le juge Black dans l’affaire Westbury contre Sanders, aux États-Unis, « les autres
droits, même les plus fondamentaux, sont illusoires si le droit de voter est sapé à sa base. » 245
L’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 stipule à cet égard
que : « chacun a le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial ». Le contentieux
électoral permet de porter devant les juges compétents un litige qui résulte de l’organisation ou
du déroulement des opérations électorales. Il est un « contrôle majeur, puisqu’il intéresse la
désignation par le peuple des représentants chargés d’exprimer sa volonté » 246. Le citoyen a la
possibilité de jouir librement de son droit de vote qui est soumis au respect des conditions
liées à l’électorat, notamment à l’inscription sur la liste électorale 247. La notion d’élection est
associée à celle de citoyenneté, elle permet au citoyen de s’exprimer et d’intervenir comme
acteur d’exercice de la souveraineté nationale.
Jean Rivero, soulevait à la fin des années soixante-dix, la nécessité de restaurer l’autorité du
juge judiciaire, en orientant son action, non vers la seule répression, mais vers la protection
effective d’une liberté menacée 248. Ainsi, l’on observe qu’en matière électorale, l’intervention
243 Encore appelés libertés fondamentales, les droits fondamentaux sont catégorisés en fonction de leur
apparition chronologique. Ainsi, l’on recense les droits de 1 ère, 2ème et 3ème génération. Le droit de vote
rentre dans première catégorie et vise la reconnaissance des droits-liberté. Consacrés par la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, ces droits tendent à la reconnaissance des droits
politiques aux citoyens notamment, le droit de vote et d’éligibilité.
244 British Columbia Employées Union Contre Colombie-Britannique (P.G.), 1988, 2 R.C.S., 214, p. 30
245 Westbury contre Sanders, 376, U.S., 1, 1964
246 ARDANT, P., Le contentieux électoral devant le conseil constitutionnel et le Conseil d’État, op. cit., p. 55-86.
247 Article 46 du Code électoral.
248 RIVERO J., LAUBADÈRE A., MATHIOT A., VEDEL G. Pages de doctrine, Paris, L.G.D.J., 1980, tome I, p. 561.
L’élection suppose un préalable de définition du corps électoral. Cet exercice consiste dans
la conciliation de deux objectifs en apparence contradictoires : l’exigence d’une relative
stabilité du statut de l’électeur, afin de ne pas donner prise à des manipulations génératrices
d’inégalités devant le suffrage d’une part ; et la facilitation de l’exercice du droit de vote pour
faire échec à l’abstentionnisme d’autre part 251.
La participation à l’élection requiert à cet effet le respect des conditions relatives à l’âge, la
nationalité, au domicile, à la résidence etc. Elle est parallèlement conditionnée par une
inscription préalable sur les listes électorales. Le rôle du juge judiciaire relativement à la
garantie juridictionnelle du droit de vote des électeurs consiste à régler des questions de droit
commun qui se rapportent entre autres à l’état et la capacité des électeurs, à leur domicile, et
leur nationalité. Cette action est en revanche circonscrite au contrôle des opérations
préparatoires (A), et diluée par l’intervention d’organes non juridictionnels (B).
249 La loi n°2011/011 du 06 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de l’ordonnance
n°81/002 du 29 juin 1981, portant organisation de l’état civil et dispositions diverses relatives à l’état des
personnes physiques, donne compétence au juge judiciaire de connaître de l’état des personnes. En matière
électorale, l’article 81 alinéa 4 dispose que la Cour d’appel du ressort d’Elecam statue en dernier ressort sur
tout recours tendant à la reconnaissance d’un droit d’inscription sur la liste électorale.
250 DELPÉRÉE F., Le contentieux électoral, op. cit., p. 39.
251 TOUVET L, DOUBLET, Y.-M., Droit des élections, op.cit., p. 59.
252 La majorité électorale est passée de 21 à 20 ans par la modification de l’article 2 alinéa 3 de la Constitution
du 2 juin 1972. Les lois électorales rappellent celle-ci aux articles 11 et 2 respectivement des lois fixant les
conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale et celle fixant les conditions d’élection et de
suppléance de la présidence de la République. Ainsi, a la qualité d’électeur, toute personne de nationalité ou
naturalisée dès lors qu’elle a atteint l’âge de 20 ans révolus et tant qu’elle n’est pas frappée d’une incapacité
prévue par la loi.
253 LAFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, tome II, Paris, Berger-Levrault et Cie,
Librairies éditeurs, 1898, p. 299.
254 CARRÉ DE MALBERG R. Théorie générale de l’État, tome I, op.cit, p. 696.
255 Voir La loi n°2011/011 modifiant et complétant les dispositions de l’Ordonnance n°81/002
du 29 juin 1981, portant organisation de l’état civil, op. cit.
La carte électorale est délivrée à tout électeur inscrit sur les listes électorales, elle comporte
les mentions relatives à son bureau de vote, son numéro d’inscription, ses noms et prénoms,
sa date et lieu de naissance, sa filiation, sa profession, son domicile et le numéro de la pièce
ayant servi à son identification. Elle sert pour plusieurs élections consécutives, sauf
renouvellement. En cas de renouvellement, la distribution se fait sous le contrôle de la
commission de contrôle de l’établissement et de la distribution des cartes électorales, dans les
quarante (40) jours précédant le scrutin.
256 L’arrêt n° 002/cc rendu par la cour d’appel de Bafoussam le 11 août 1995, Kago Lélé Jacques. Dans cette affaire, le
requérant Kago lélé Jacques, alors même qu'il avait été élu conseiller municipal de Bafoussam en 1987, se
voit refuser son inscription sur les listes électorales de cette ville en 1994. Sur ce, il saisit la commission
locale de supervision qui rejette sa requête au motif que l'intéressé a son domicile à Yaoundé. C'est contre
cette décision de la commission que Kago lélé interjette appel, la cour infirme la décision et ordonne non
seulement l'inscription du requérant, mais aussi celle des membres de sa famille.
257 L’article 103 alinéa 1 du Code électoral relève l’importance de la carte électorale dans le vote. « À son entrée
dans le bureau de vote, l’électeur doit présenter sa carte électorale. Il doit, s’il en est requis par la
commission locale de vote, prouver son identité suivant les règles et usages établis. »
Le contentieux relatif à la carte électorale est quasi-inexistant parce qu’il est généralement a
posteriori, et porté non pas devant le juge judiciaire, mais devant le juge électoral à l’occasion de
la contestation des opérations électorales. Les requérants se bornent à cette occasion, à décrier
les irrégularités relatives à la distribution sélective et discriminatoire des cartes dont la
conséquence est d’instaurer l’inégalité de chances entre les candidats, ouvrant ainsi la voie à
des retraits multiples sans véritables contrôle de la part de la CCEDCE. L’intervention du juge
judiciaire dans la garantie des droits de vote des électeurs est en outre sapée par l’exercice
d’une compétence non exclusive dans le contentieux des opérations préparatoires.
258 Voir le rapport général de l’Onel sur le déroulement des opérations des élections législatives et
municipales 2007, p. 43.
259 DRAI P., dans la préface de LENOBLE J., « Introduction : la crise du juge : mythe ou réalité ? », La crise du
juge,Paris, L.G.D.J., Bruxelles-Bruylant, coll. La pensée juridique moderne, 1990, 3 p.
260 Le juge judiciaire est fortement concurrencé par l’intervention d’autres organes de contrôle. Il n’intervient
que pour connaître des litiges non réglés de manière satisfaisante par les commissions de supervision ou
l’organe de régulation.
Le juge judiciaire connaît des décisions rendues en première instance par les organes non
juridictionnels. Malgré cela, l’on note qu’il joue un rôle factice dans le contentieux de
l’électorat, et son intervention est quasiment symbolique. Il donne l’impression d’être « une
pièce rapportée qui n’est pas autorisée à faire usage des principes caractéristiques du droit
électoral » 263, et c’est la commission de supervision, puis le Conseil électoral qui interviennent
en amont. Ce contrôle imparfait justifie quelquefois le contrôle indirect et exceptionnel du
261 Roger Gabriel NLEP relève le caractère juridictionnel implicite de la compétente des commissions de
supervision par l’emploi des termes « interjette appel » dans le rappel des faits relatif à l’arrêt Kago lélé Jacques.
NLEP R.G., « L’organisation générale des contentieux en matière électorale », in Aspects du contentieux électoral
en Afrique : Actes du séminaire de Cotonou 11-12 novembre 1998. Organisation Internationale de la Francophonie,
Paris, p. 49.
262 Article 10 du Code électoral.
263 GAUTHIER S., Le juge judiciaire, juge électoral : Vers une harmonisation du contentieux des élections, op. cit., p. 40.
La fraude électorale est définie par monsieur Bernard Maligner comme « tout acte violant
délibérément une disposition du Code électoral» 266. Elle est un acte grave qui tend à altérer la
sincérité du scrutin. Il distingue les auteurs de délits électoraux, et les classe en deux
catégories : les « délinquants électoraux ordinaires » qui sont ceux exempts d’un esprit de
fraude d’une part, et les « fraudeurs » qui sont les délinquants électoraux assez particuliers, qui
agissent délibérément dans l’intention de transgresser la loi électorale 267.
Cette définition qui rejoint l’approche que le professeur Olivier Ihl qualifie de définition
des juristes, parce qu’elle met en exergue l’idée de violation de la loi dans l’optique de porter
sciemment atteinte à la liberté et à la sincérité du vote afin d’altérer ou d’orienter les résultats
du scrutin, lui paraît cependant réductrice en raison de l’occultation de leur signification
264 Expression utilisée par Bernard MALIGNER, Droit électoral, Paris, Ellipses, 2007, p. 260.
265 BOULOC B., Droit pénal général, 24ème édition, Paris, Dalloz, 2015, n°248.
266 MALIGNER B., Halte à la fraude électorale, Economica, Paris, 1986, p. 26.
267 MALIGNER B., Droit électoral, ibid., p. 261.
Eu égard aux dispositions de l’article 12 du Code pénal 275, la répression pénale relève de la
compétence naturelle du juge judiciaire, en l’occurrence au juge pénal, dont le rôle consiste à
sanctionner les violations faites aux droits fondamentaux des citoyens. En matière électorale,
268 IHL O. « Les fraudes électorales : Problèmes de définition juridique et politique », p. 78-110. [En ligne]
URL :http://www.academia.edu/5372056/Les_fraudes_electorales._Problemes_de_definition_juridique_..
(Consulté le 10/05/2013).
269 DOMPNIER N., « La mesure des fraudes électorales », Histoire & mesure, XXII-1, 2007, p. 123-144. [En
ligne], URL : http://histoiremesure.revues.org/2313. (Consulté le 21 septembre 2012)
270 Le député Michel SAPIN, J.O. Débats. A.N. séance du 24 novembre 1988, p. 2721. Lui fait écho le
rapporteur du texte du sénat, Raymond BOUVIER : « Elle corrompt la démocratie, relève de pratiques et de
conceptions totalitaires et traduit un mépris du suffrage universel et de manière à saper les fondements de
nos institutions », in Rapport fait au nom de la commission des lois, J.O. doc. Sénat n° 120, 8 décembre
1988, p. 8, cité par ROY, M.P., « La loi du 30 décembre 1988 : La lutte contre la fraude électorale », A. J. D.
A., 20 juin 1989, p. 355.
271 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit., p. 751.
272 Lexique des termes juridiques, 21ème édition, Paris, Dalloz, 2014, p. 388.
273 AWAZI BIN SHABANIA E., Appréciation souveraine du juge dans la détermination de la proportionnalité entre l'attaque et
la riposte: cas d'une victime-agresseur originel, Mémoire, Université de Goma, 2010. [En ligne],
http://www.memoireonline.com/08/11/4701/m_Appreciation-souveraine-du-juge-dans-la-determination-
de-la-proportionnalite-entre-lattaque-et6.html, (consulté le 06/10/2012).
274 BOULOC B., Pénologie : exécution des sanctions, adultes et mineurs,, 3ème édition, Paris, Dalloz, 2005, p. 1.
275 Il s’agit du Code pénal camerounais n° 989/PJL/AN du 22 juin 2016, qui dispose que « sous réserve des
exceptions prévues au présent chapitre, les juridictions de la République sont compétentes pour connaître
de toutes les infractions auxquelles s'applique sa loi pénale ».
La compétence du juge pénal est énoncée par l’article 15 alinéa 1 de la loi n°2006/015
du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire. Il en découle que le tribunal de première
instance est compétent pour connaître des infractions qualifiées de délits ou contraventions.
En matière électorale, les titres X et XIV du Code électoral, relatifs aux dispositions pénales et
diverses, énumèrent les infractions qui touchent les processus électoraux. Celles-ci sont punies
par les peines principales relativement souples, prévues aux articles 122, et 123 277, puis 131 et
141 278 du Code pénal.
276 Le choix du législateur d’employer cette formulation met en exergue le fondement constitutionnel du droit
de vote dont la violation doit être sanctionnée.
277 Le Code pénal distingue les peines principales de celles accessoires. En effet, aux termes des dispositions
des articles 18 et 19, sont constitutifs des peines principales et accessoires, respectivement, La peine de
mort; L'emprisonnement ; l’amende, puis les déchéances, la publication du jugement, la fermeture de
l'établissement, la confiscation. Les peines accessoires antérieurement considérées dans le contexte français
comme celles qui procèdent automatiquement du prononcé de la peine principale, ont été supprimées par
les dispositions de l’article 159 du Code pénal. il s’ensuit qu’aucune peine ne peut être appliquée si la
juridiction ne l’a pas prononcé de manière expresse.
L’article 122 alinéas 1 à 3 du Code pénal par exemple, puni de l’emprisonnement de 3 mois à 2 ans et d’une
amende de cinquante mille (50 000) à cinq cent mille (500 000) francs ou de l’une de ces deux peines
seulement celui qui à l’occasion d’une élection, viole le secret du vote, porte atteinte à sa sincérité, empêche
les opérations de scrutin, en modifie le résultat.
Son article 123 en revanche sanctionne des infractions relatives à l’octroi ou à la promesse d’un avantage
particulier par voies de fait ou menace d’un dommage particulier quelconque, l’influence le vote d’un
électeur ou le détermine à s’abstenir d’une peine de 3 mois à 2 ans et d’une amende de dix mille (10 000) à
cent mille (100 000) francs.
278 Les articles 131 et 141du Code pénal régissent les infractions causées par un fonctionnaire. Alors que les
premières dispositions définissent la qualité de fonctionnaire, l’article 141 punit d'un emprisonnement de
un (01) à cinq (05) ans, tout fonctionnaire qui empêche un citoyen d'exercer ses droits électoraux, ou le
prive de l'exercice ou de la jouissance des droits mentionnés à l'article 30 (1), (2), (4) ou (5).
La fraude des opérations électorales est l’ensemble des infractions qui peuvent être
commises pendant le déroulement du scrutin. Le législateur recense des infractions qui
peuvent être regroupées en deux catégories : La première intéresse les personnes 281 et la
seconde concerne les violations de la sincérité du scrutin 282.
279 MASCLET J.-C., Droit des élections politiques, op. cit. p. 116.
280 DELPERÉE F., Le contentieux électoral, op. cit. p. 41.
281 La loi puni les déchus qui, au mépris de leur incapacité, participent au scrutin et ceux qui, profitant d’une
inscription frauduleuse, ou d’une usurpation d’identité votent plusieurs. Le bourrage des urnes, n’est pas
expressément mentionné par le législateur mais il constitue le moyen de plusieurs cas d’annulation ou de
réformation des résultats, c’est également le cas pour l’utilisation des charters électoraux (l’organisation et le
regroupement d’un nombre important d’électeur pour aller voter dans une circonscription dans laquelle ils
ne sont pas inscrits, en utilisant les cartes électorales non retirées).
282 Cette infraction intéresse d’une part ceux qui violent le secret du vote, empêchent les opérations électorales
par des violences ou outrages faites à l’égard de la commission locale de vote, modifient le résultat du
scrutin, et d’autre part se rapporte aux auteurs ou complices qui se rendent coupables de l’enlèvement
frauduleux de l’urne le jour du scrutin ; entrent dans le bureau de vote en portant une arme visible ou
dissimulée, suppriment ou détournent un ou plusieurs électeurs en les conduisant à s’abstenir de voter etc.
283 Voir l’arrêt n°96/CE du 17 juillet 2002, affaire PDS, UFDC, SDF, UNDP c/ État du Cameroun (MINAT), le
Conseil constitutionnel procède au redressement des décomptes des voix dans la circonscription du Haut-
Nkam après examen des griefs de fraudes soulevés par les requérants. Dans l’arrêt n° 57/CE/01-02 du 1
juillet 2002, affaire UNDP, RDPC c/ État du Cameroun, le Conseil constitutionnel annule l’élection législative
dans la circonscription de Kumba Urbain pour violences ayant entraîné la destruction des procès-verbaux
d’une dizaine de bureaux de vote, la destruction des véhicules et autres mobiliers par des incendies
volontaires, et des blessures causées à un électeur par un poignard.
284 MASCLET J.-C., Le droit des élections politiques, op. cit., p. 120.
Il est de principe en matière pénale, que la mise en mouvement de l’action publique est
faite par le procureur de la République, ou directement par la victime du fait dommageable 286.
Eu égard à ce postulat, l’on pourrait se poser la question de savoir, si le procureur de la
République est lié par l’acte de communication du dossier, ou s’il peut ou non décider mettre
l’action en mouvement. À l’évidence, le procureur a l’opportunité du déclenchement de
l’action devant le juge pénal. Ainsi, il peut décider librement d’agir en vertu du principe de
l’opportunité des poursuites. Dans ce cas, il classe le dossier sans suite, s’il ne lui semble pas
mériter de traitement judiciaire, ou le porte devant le juge pénal compétent. Le procureur
exerce seul l’opportunité des poursuites, il n’est donc pas lié par l’existence d’une éventuelle
plainte. Le commissaire de gouvernement Jean-Denis Combrexelles, écrit opportunément sur
cette question que la dénonciation n'apparaît pas comme une véritable saisine du juge
judiciaire, mais seulement comme une information transmise au ministère public 287.
285 Constitué de l’ensemble des magistrats du Parquet Général de la Cour suprême, du Parquet Général de la
Cour d’appel, du Parquet du Tribunal de grande instance et du Parquet du tribunal de première instance, le
Ministère public est la principale partie dans une instance répressive, ce qui rend sa présence aux audiences
impérative à peine de nullité de la décision (article 127 et 128 du CPP camerounais).
286 Article 60 de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale au Cameroun.
287 COMBREXELLE J.-D., « Le refus d’une autorité administrative indépendante de transmettre une plainte au
parquet : conclusions sur Conseil d’état, section, 27 octobre 1999, Solana », ibid., p. 828.
Outre l’action d’Elecam, l’on observe qu’il pèse sur le juge électoral une obligation de
« dénonciation » qui lui impose de communiquer le dossier au procureur de la République 288,
lorsqu’il constate et établit des faits frauduleux ayant empêché son contrôle, ou lorsqu’il retient
la fraude comme fondement de sa décision d’annulation ou de réformation des résultats du
scrutin.
L’absence d’une saisine directe sape la sanction pénale des fraudes électorales, puisque le
juge pénal ne peut être directement saisi par la victime. La détermination limitative des auteurs
de saisine, en l’occurrence l’exclusion des électeurs du prétoire, entraîne une garantie à
l’évidence imparfaite des droits civils et politiques.
288 Cette obligation pourrait, nonobstant le silence du Code électoral en la matière, découler des dispositions
de l’article 135 alinéas 1 et 2 qui dispose que le procureur de la République est saisi soit par une
dénonciation écrite ou orale, par une plainte ou un procès-verbal établi par une autorité compétente (…).
Toute personne ayant connaissance d’une infraction qualifiée crime ou délit, est tenue d’en aviser
directement et immédiatement, soit le procureur de la République, soit tout officier de la police judiciaire,
ou à défaut, toute autorité administrative de la localité.
Dans le contexte français en revanche, la procédure relative à la répression pénale est suffisamment
clarifiée. L'alinéa 2 de l'article 40 du code de procédure pénale dispose que : « toute autorité constituée, tout
officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou
d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce
magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs». En matière électorale l’on
observe qu’outre la compétence de principe du ministère public pour mettre en oeuvre la poursuite pénale,
les candidats et les électeurs peuvent se porter partie civile. Le juge électoral a l’obligation conformément à
l’article L.117-1 du Code électoral français, de communiquer le dossier au procureur de la République
compétent lorsqu’il a retenu des faits de fraude dans sa décision définitive. L’article L.38 donne par ailleurs
compétence au préfet chargé de procéder aux rectifications nécessaires sur les listes électorales de saisir le
parquet s’il constate des infractions aux lois pénales, aux fins de poursuites judiciaires.
Cette obligation de dénonciation ne peut être obligatoire que si elle respecte certains principes généraux
relatifs à la matérialité, la gravité, et à la qualification pénale des faits. Parailleurs, il faudrait noter que la
dénonciation doit respecter le délai prescrit. Voir sur cette question, COMBREXELLE J.-D., « Le refus d’une
autorité administrative indépendante de transmettre une plainte au parquet : conclusions sur Conseil d’État,
section, 27 octobre 1999, Solana », RFDA, 2000, p. 825-835.
289 DUVAL J.-M., « Droit électoral : la sanction des comportements irréguliers relevés au cours des opérations
électorales », Revue de droit constitutionnel, RFDC, 2001/4, n°48, p. 825-846.
290 L’article 122 alinéa 3 du Code pénal dispose à ce sujet que « l'action publique se prescrit après quatre mois
révolus à compter du délit ou du jour du dernier acte de poursuite ou d'instruction ».
291 La juridiction des référés trouve son origine dans la « clameur de haro », et se fondait sur le principe d’une
prompte solution. PIGEAU dans la procédure civile du châtelet de Paris, tome I, p. 11 édition de
MDCCLXXXV III(1787) décrit la clameur du haro comme « la situation de « celui qui prétend avoir à se
plaindre d’une personne qu’il rencontre, ou de quelque officier qui, dans le cours de ses fonctions, ne veut
pas déférer à son réquisitoire, l’oblige par l’autorité de cette clameur (…) de comparaître devant le juge du
lieu, pour être statué au moins provisoirement sur la cause qui fait l’objet du haro ». Cité par RIDEAU L.,
Des cas dans lesquels il ya lieu à référé, Paris, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, 1903, p. 6.
292 RIDEAU L., Des cas dans lesquels il ya lieu à référé, op.cit, p. 7.
L’article 484 du nouveau Code de procédure civile français définit l’ordonnance des référés
comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou
appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi au principal, le pouvoir
d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires ». Le référé suppose de la sorte l’existence
d’une urgence qui nécessite une solution du juge qui statue de manière provisoire sans se
prononcer sur le fond.
Monsieur Jacques Vuitton distingue les référés généraux des référés spéciaux. Ceux-ci
renvoient d’une part aux litiges qui ne sont pas limités par un texte juridique, à un objet ou une
matière précise ; et ceux dont la loi détermine préalablement les objectifs liés à un domaine ou
une matière précise 294. La procédure des référés permet ainsi d’« éviter que les parties ne
recourent à des mesures de justice privée dans l’attente de la décision au fond » 295. Autrefois
attribué de manière exclusive au juge judiciaire, en l’occurrence au président du tribunal de
grande instance, le référé est aujourd’hui attribué au président du tribunal de première instance
compétent 296, et s’étend aujourd’hui à d’autres matières telles que le droit administratif, le
droit commercial, le droit social, et chaque juridiction peut statuer sur des matières qui
ressortissent de sa compétence matérielle 297.
293 Lexique des termes juridiques, 22ème édition, op. cit. , p. 836.
294 Il s’agit entre autre du référé probatoire, du référé « vie-privée », du référé présomption d’innocence, du
référé présomption d’innocence ». Voir VUITTON J., op.cit., p. 65-92.
295 VUITTON J., VUITTON, X., Les référés: procédure civile, contentieux administrative, procédure pénale. 3ème édition,
Paris, LexisNexis, 2012, p. 13.
296 En droit camerounais, le référé judiciaire, en application des dispositions de l’article 15 de la loi n°2006/015
du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire telle que modifiée et complétée par la loi n°2011/027
du 14 décembre 2011.
297 PERROT R., « L’évolution du référé », In Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Toulouse, Presses de l’Université de
Toulouse, 1996, p. 645-663.
298 CHAUVEAU M., n° 2754 bis et suppléant, cité par Rideau, L., op.cit., p. 89
299 PERROT, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432, cité par VUITTON, J., op.cit., p. 13.
En raison de son rôle de gardien des libertés individuelles, le législateur a conservé une
compétence résiduelle au Juge judiciaire des référés pour connaître des litiges pénalement
réprimés par le Code électoral et le Code pénal. À ce titre, il peut être saisi lorsque des délits
pénalement réprimés par le code électoral et le code pénal sont commis d’une part, et lorsque
des atteintes ont été faites à la vie privée ou à l’image d’une personne pendant la campagne
électorale, à la liberté de communication et d’expression d’autre part. Il sanctionne par ailleurs
les infractions relatives aux documents électoraux–affichage en dehors des panneaux
réglementaires– et à la liberté de communication et d’expression.
L’intervention du juge judiciaire des référés est limitée, quoique visant principalement la
sincérité du scrutin et la garantie des droits des électeurs. Le juge des référés ne « dispose pas
de compétences spéciales (…) et ne fait donc pas partie des juges électoraux » 300. Ses
décisions revêtent non le caractère de jurisdictio, mais de celui d’impérium, qui découle du
« pouvoir d’ordonner » accordé au juge des référés par le législateur. Cette répartition
amoindri et cloisonne la compétence du juge judiciaire des référés.
300 GAUTHIER S., Le juge judiciaire juge électoral, op. cit., p. 143.
301 Par l’emploi des verbes « peut », « ordonner », le législateur dans les articles 808, 809, 848, 849, du NCPC
français, accorde des pouvoirs incontestables au juge judiciaire des référés. L’article 810 illustre la possibilité
d’extension des pouvoirs du juge à toutes les matières où il n’existe pas de procédure de référé.
302 GAUTHIER S., ibid., p. 145.
Au Cameroun, le référé est prévu respectivement, par les articles 182 du code de procédure
civile et commerciale camerounais, et 15 alinéa 2 de la loi n°2006 du 29 décembre 2006
portant organisation judiciaire. En effet, le président du tribunal de première instance, ou le
magistrat du siège par lui délégué à cet effet, est compétent pour statuer dans tous les cas
d’urgence, ou lorsqu’il s’agira de statuer provisoirement sur les difficultés relatives à
l’exécution d’un titre exécutoire ou d’un jugement. Les pouvoirs accordés au juge en matière
électorale se trouvent confrontés à une complexité liée à la répartition de compétences entre
les juges. Il est généralement question des conflits de juridiction et de compétence entre les
juges chargés de connaître du contentieux électoral 304. Ces conflits entraînent par conséquent
le cloisonnement de la compétence du juge judiciaire.
En France par exemple, la Cour de cassation précise dans une série de décisions que « la
compétence du juge judiciaire des référés est restreinte aux litiges dont la connaissance
appartient quant au fond aux juridictions de son ordre » 305. L’éviction du juge judiciaire de
certaines questions qui nécessitent une solution judiciaire pourrait causer un préjudice certain.
L’incompétence de principe du juge des référés, pour connaître des faits litigieux nés à
l’occasion de l’organisation ou du déroulement des élections, créee une situation de déni de
justice, puisqu’ils ne peuvent intervenir avant le scrutin, même lorsqu’une situation d’urgence
se présente. En outre, ne faudrait-il pas mentionner que, conformément aux articles 183, 184
et 185 du Code de procédure civile et commerciale, le juge des référés prend des ordonnances
dont le caractère transitoirerequiert l’attente de la décision des juges de fond. Nonobstant le
caractère exécutoire des ordonnances de référés, elles sont dépourvues de l’autorité de la chose
jugée, puisqu’elles ne lient pas les juges de fond et peuvent être révoquées par ces derniers, ou
par la survenance d’une situation nouvelle.
Le juge judiciaire en matière électorale dispose d’un champ d’action résiduel, voire
inexistant. Il est supplanté par le juge administratif et le Conseil constitutionnel qui exercent
une compétence étendue sur les opérations préélectorales, électorales et postélectorales.
303 BOYER J., « Le juge des référés peut … Réflexion sur les pouvoirs du juge des référés », in Mélanges dédiés à
Louis BOYER, Toulouse, Presses de l’Université de Toulouse, 1996, p. 135-142.
304 DELPÉRÉE F., Le contentieux électoral, op.cit., p. 41.
305 Cass. 1ère civ. 10 mai 1983, Sté Kalifa, bull. civ. I, n°144 ; 30 janv, 1985, Cofiroute, bull. civ. I, n°5 ; 3 mai
1988, Soinne c/ Sombardier, bull. civ. I, n°127, Cité par CAMBY, J.-P., Élections « Contentieux (relevant du
Conseil constitutionnel) », Rép. Cont. Adm, Dalloz, 2000, 1-76.
306 Le contentieux électoral est assimilé à un contentieux de pleine juridiction en raison des pouvoirs qui sont
conférés au juge administratif. Ici, le juge n’est pas saisi pour contrôler et sanctionner la légalité d’un acte
administratif, sa mission consiste à remplacer les décisions dont il est saisi, par ses propres décisions, il
dispose des pouvoirs plus étendus, qui vont au-delà de la simple annulation de l’acte litigieux. En matière
électoral, le juge administratif peut annuler partiellement ou totalement une élection, ou procéder à la
reformation des résultats.
307 Lire sur cette question, CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’État, tome I, op. cit.,
p. 698.
308 BUFFET S., Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, Thèse de
l’Université de Lyon III, 6 septembre 2007, p. 21.
309 L’article 1er alinéa 2 (a) du décret n° 2005/104 du 13 avril 2005 portant organisation du ministère de
l’administration territoriale et de la décentralisation dispose que le ministère de l’administration territoriale et
de la décentralisation est chargé de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique du
gouvernement en matière d’administration du territoire, de protection civile et de décentralisation. Il est à ce
titre, responsable entre autres, de l’organisation des consultations électorales à caractère national, local ou
référendaire dans les conditions prévues par les lois et règlements.
Avant l’indépendance, le Cameroun sous administration britannique connaissait la règle de l’unité de
contentieux sous laquelle le juge de droit commun était également juge de l’Administration à laquelle il
appliquait la common law comme à un simple particulier. Ainsi, le contentieux administratif était réglé par
les tribunaux de common law sous réserve d’appel devant la High court. Pour ce qui concernait le
Cameroun sous administration française, le décret du 14 avril 1920 avait créer le Conseil du contentieux
administratif qui était considéré comme le juge de droit commun en matière de contentieux administratif
local. Conformément aux dispositions de l’article 86 du décret français du 5 août 1881, le Conseil d’État
était juge d’attribution à l’égard du contentieux des services de la République française établis sur le
territoire du Cameroun. Il connaissait des appels formés à l’encontre des décisions du Conseil du
contentieux administratif.
La période postcoloniale voit naître la Cour suprême du Cameroun oriental indépendant créée par la loi
n°61/12 du 20 juin 1961 relative au contentieux administratif complété par le décret n°61-76 du 21 juin
1961. En application des textes susmentionnés, le tribunal d’État demeurait compétent pour connaître du
contentieux administratif, mais uniquement en premier ressort. La Cour suprême quant à elle connaissait
des pourvois en annulation formés contre les arrêts de tribunal d’État, et assurait le respect des
compétences de ce dernier par les autres juridictions.
Après cette première évolution historique, le Cameroun a connu la réunification et se voit doter , en
application des dispositions de l’article 33 de la loi n°61/LF/24 du 1er septembre 1961 d’une Cour fédérale
de justice chargée de statuer sur les recours en indemnités ou en excès de pouvoir dirigés contre les actes
administratifs des autorités fédérales. Une nouvelle réforme permettra finalement la création d’une
Assemblée plénière au sein de la Cour fédérale de justice chargée de connaître en appel les décisions
rendues en premier ressort. Malgré l’unification du Cameroun en 1972, et la création de la nouvelle Cour
suprême, l’on remarquera que l’Assemblée plénière a continué à connaître en appel les décisions rendues
par les juridictions inférieures. Celle-ci sera enfin remplacée par la Chambre administrative en application
des réformes intervenues avec les lois n°s 2006/22 et 16 du 29 décembre 2006 fixant successivement,
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratif et de la Cour suprême.
310 Conformément à l’article 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006, les tribunaux administratifs
connaissent en premier ressort du contentieux des élections régionales et municipales. Cependant, en
attendant la mise en place effective de ceux-ci, la chambre administrative, exerce cette compétence en vertu
des dispositions de l’article 140 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le
fonctionnement de la Cour Suprême.
311 MALIGNER B., « Élections contentieux administratif », in Répertoire contentieux administratif, Dalloz, octobre
2004, p. 16.
312 MALIGNER B., « Élections contentieux administratif », Répertoire contentieux administratif, ibid., p. 16.
313 Voir les dispositions de l’article 14 alinéa 1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 qui fait du juge
administratif, le juge de droit commun du contentieux administratif.
314 MALIGNER B, Droit électoral, op. cit., p. 17.
315 Lire sur cette question, GHEVONTIAN R. «Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires
en matière d'élections politiques », op. cit., p. 795.
316 La région est une collectivité territoriale décentralisée au même titre que la commune, et revêt par
conséquent un caractère administratif. Toutefois, il convient de relever que l’étude du contentieux électoral
régional, nonobstant l’adoption de différents textes juridiques, notamment la combinaison des lois n°s
2007/017, 018 et 019 du 22 juillet 2004 concourant à sa mise en œuvre effective, sera exclue de notre
champ d’étude, en raison d’une part de son ineffectivité, et de « caractère futuriste » le déterminant d’autre
part.
L’acte de convocation du corps électoral, pris sous la forme d’un décret présidentiel, est
considéré de manière abusive 319 au Cameroun comme un acte de gouvernement. Il revêt une
317 Saisi des recours en annulation des opérations électorales, fondés sur des irrégularités constatées dans
l’organisation des opérations préparatoires, le juge administratif s’est déclaré incompétent, en affirmant que
ce contentieux ressortit de la compétence des commissions électorales et juge judiciaire en appel.
Voir sur cette question, les jugements CS/CA, jugement n° 34/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC contre
État du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 35/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC ( CR d’Obala) contre État du
Cameroun ; CS/CA, jugement n° 36/95-96 du 09 mai 1996, affaire PAL contre État du Cameroun ; CS/CA,
jugement n° 59/95-96 du 18 juillet 1996, affaire Epale Roger contre État du Camercoun (CR de Bare-Moungo).
318 CAMBY, (J.-P.), « Élections (contentieux électoral constitutionnel) », in Répertoire du contentieux administratif,
n°56, Dalloz, avril 2007, p. 18.
319 La notion d’acte de gouvernement n’est pas définie de manière précise par le législateur camerounais, ce qui
permet aux juges administratif d’apporter une esquisser de définition de cette notion, à travers
l’énumération des critères des actes dits de gouvernement.
Le décret de convocation du corps électoral, malgré le fait qu’il touche à l’électorat échappe à la compétence
du juge judiciaire. En effet, la Cour suprême, dans un jugement du 18 décembre 1992, union démocratique
camerounaise (UDC), a estimé que le décret portant convocation du corps électoral est un acte de
gouvernement, et qu’il ne peut être déféré devant la cour suprême statuant en matière administrative.
Cependant, ce raisonnement est paradoxal et tout autant discutable puisque, sont considérés comme actes
de gouvernement, les actes relatifs aux rapports du pouvoir exécutif avec les autres pouvoirs publics
constitutionnels (dissolution de l'Assemblée nationale, nomination d'un membre du Conseil constitutionnel,
etc.) et les actes non détachables des relations internationales (la décision de ratification d'un traité, le vote
d'un représentant de l'État au Conseil de sécurité, etc.
320 Roger Gabriel NLEP met en exergue l’apport du juge judiciaire dans la réception de la théorie de l’acte de
gouvernement. Pour lui en effet, l’arrêt n°29/S du 14 juillet 1977 de la chambre sociale de la Cour suprême Tsanga
Soter contre Banque camerounaise de développement B.C.D. permet de distinguer l’acte de licenciement et l’acte
d’approbation. La chambre sociale de la Cour suprême saisie en appel décide que « le licenciement d’un
employé ne peut … être un acte de gouvernement ; que l’approbation par le président de la République de
la suppression d’un poste à la B.C.D. peut être considérée comme un tel acte [acte de gouvernement], mais
ne saurait en aucun cas écarter les règles devant être appliquées aux termes du Code du travail et du Statut
du personnel de la B.C.D. lors d’un licenciement. » Ici, le juge judiciaire sous-entend que l’acte
d’approbation du président de la République pourrait être considéré comme un acte de gouvernement.
NLEP R.G., L’administration publique camerounaise : contribution à l’étude des systèmes africains d’administration
publique, op.cit., p. 288-295.
321 La position adoptée par le juge administratif conforte le raisonnement de monsieur Lionel GUESSELE qui
avance la thèse de l’originalité de la notion d’acte de gouvernement en droit camerounais. Pour lui, cette
originalité se fonde sur le contexte socio-politique camerounais dont l’ipséité, permet d’intégrer l’ancienne
conception française d’actes de gouvernement de la période post 1875 et celle purement camerounaise.
En effet, dans le contexte français, la théorie classique de l’acte de gouvernement antérieurement fondée
sur la distinction entre la fonction administrative et la fonction gouvernementale a évolué depuis 1875 à
travers l’arrêt Prince Napoléon du 9 février 1875. Avant cet arrêt, le critère fondamental de l’acte de
gouvernement reposait sur le mobile politique, ainsi, lorsqu’un acte émanant du gouvernement était inspiré
par un mobile politique, il était considéré comme un acte de gouvernement (affaire Duc d’Aumale et
Michel Levy du 9 mai 1867). Désormais, l’acte de gouvernement en France est définit sur la base d’une
liste, le critère politique est abandonné, de la sorte, il ne suffit plus qu’un acte soit revête un mobile
politique ou qu’il émane du gouvernement pour être considéré comme acte de gouvernement. Au
Cameroun a contrario, le juge administratif a innové en étendant l’acte de gouvernement à l’acte portant
désignation des chefs traditionnels. Voir dans ce sens pour ce qui est de l’apport du juge administratif, les
jugements CS/CA n°66/78-79 du 31 mai 1979 Kouang Guillaume contre État du Cameroun ; n°7/79-80 du
31 mai 1989 Essomba Marc Antoine contre État du Cameroun ; n°40/79-80 du 29 mai 1980, Monkam Tientcheu
David contre État du Cameroun ; n°31/79-80 du 24 avril 1980 Essougou Benoît contre État du Cameroun. Voir
par ailleurs en matière électorale, les recours intentés devant le juge administratif des référé, pour
suspension de l’application du décret portant convocation du corps électoral. Ceux-ci sont rejetés pour
incompétence du juge, au motif que cet acte est considéré comme un acte de gouvernement : recours
n°51/191-92du 18 septembre 1992 UDC contre État du Cameroun (MINAT) ; recours n°512/91-92 du
18 septembre 1992, SDF contre État du Cameroun ; recours n°513/91-92 du 18 septembre 1992 SDF et
UFDC contre État du Cameroun ; CS-CA, jugement n°01/04-05 du 07 octobre 2004, Hilary Kebila Fokum
contre État du Cameroun.
Lire sur cette question, NLEP R.G., L’administration publique camerounaise « contribution à l’étude des systèmes
africains d’administration publique », op cit,. p ; 293 ; GUESSELE ISSEME L. M., L’apport de la Cour suprême au droit
administratif camerounais, Thèse de l’Université de Yaoundé II-Soa, 2010, p. 169-183.
322 DUEZ P., Les actes de gouvernement, Paris, Sirey, 1935, p. 17.
Il faudrait parallèlement remarquer que le juge administratif est quelquefois interpellé pour
statuer sur des actions en référés ou des demandes de sursis à exécution des actes dont les
effets seraient de nature à causer un préjudice irréparable. Dans ces hypothèses, le juge agit
non pas comme le juge électoral qui traite des questions de fond, mais comme le juge du
provisoire, et fait abstraction des considérations d’opportunités. Le professeur Alain Ondoua
déplore en effet cette position du juge administratif qui perpétue la figure du juge « protecteur
des prérogatives de l’Administration », et souligne la nécessité que des décisions soient
suffisamment développées et accessibles aux citoyens et aux acteurs politiques afin de remettre
au goût du jour « l’appel à la fabrique d’un droit politique » par les « faiseurs de systèmes »
représentés par la doctrine universitaire et les interprètes du droit 324.
Le contrôle des opérations préliminaires porte par ailleurs, sur la vérification du respect des
conditions de forme et de fond prescrites par la loi. Il se rapporte aux candidatures et la
campagne électorale. Le règlement juridictionnel des contestations liées à l’enregistrement des
candidatures a subi un réaménagement normatif et institutionnel profond. Autrefois quasi-
inexistant parce que réglé exclusivement par les commissions communales de supervision 325,
323 En France, le décret de convocation du corps électoral trouve un juge à partir de 1981. En effet, dans les
arrêts Bellot et Delmas, à l’occasion d’une élection législative, le Conseil d’État français, saisi d’un recours
contre le décret portant convocation du corps électoral, se fonde non pas sur la théorie de l’acte de
gouvernement, mais sur sa qualité de juge, et considère qu’il appartient au juge de l’élection d’apprécier la
légalité des actes qui sont les préliminaires Ainsi, l’on note qu’il appartient au juge de l’élection des
opérations électorales. Le Conseil constitutionnel admet sa compétence et statue avant le scrutin. Voir dans
ce sens, ARDANT P., « Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel et Conseil d’État », in
Conseil constitutionnel et Conseil d’État, Montchrestien, 1988, p. 61.
324 Lire sur la question, les observations du professeur Alain ONDOUA relatives aux espèces CS et
n° 08/OSE/CCA/CS/2013 du 19 août 2013 relatives respectivement à la demande de suspension du
décret présidentiel n°2008/463 du 30 décembre 2008 portant nomination des membres du Conseil
électoral d’Elecam, et à la demande de sursis à exécution du décret du président de la République
n°2013/220 du 02 juillet 2013 portant convocation du corps électoral en vue de l’élection des députés à
l’Assemblée nationale et des conseillers municipaux.
ONDOUA A., Pour une lecture orthodoxe de l’ordonnance de la Cour suprême n° 01/OSE/CCA/CS/2009 du
23 janvier 2009, Social Démocratic Front (SDF) contre État du Cameroun, [En ligne], http://ddata.over-
blog.com/xxxyyy/1/35/48/78/Cameroun/Cameroun-Contribution-ONDOUA-CS-sur-n...
ONDOUA A., Décret de convocation du corps électoral – La chambre administrative de la Cour suprême rejette la demande
de sursis à exécution du Mouvement pour la Renaissance de la République (MRC), [En ligne], http://www.la-
constitution-en-afrique.org/categorie-10218678.html.
ONDOUA A., « Le juge du sursis à exécution à l’épreuve du contentieux des actes préliminaires aux
élections : À propos de l’Ordonnance n°08/OSE/CCA/CS/2013 du 19 août 2013, Mouvement pour la
renaissance du Cameroun (MRC) c/ État du Cameroun », in Revue juridique et politique des États francophones, vol. 68,
n°2, avril-juin 2014, p. 253-265.
325 En application des dispositions de l’article 12 alinéa 2 de la loi n°92/002 du 14 août 1992 relative à
l’élection des conseillers municipaux, le juge administratif lorsqu’il était saisi des contestations relatives aux
opérations préélectorales, devait se déclarer incompétent, puisque cette compétence ressortissait de la
compétence des commissions communales de supervision. En cas de méconnaissance ou mauvaise
interprétation des dispositions susvisées par le juge d’instance, l’Assemblée plénière de la Cour suprême,
saisie en appel infirmait la décision du premier juge, nonobstant la reconnaissance du bien-fondé de l’action
de celui-ci sous-tendu par son « devoir de remplir et de réprimer, à tout moment qu’il est saisi, ou d’office
quand une affaire lui est déférée, tout acte administratif abusif qui viole les dispositions des lois comme
dans le cas d’espèce ».
Jugement n°59/CS-CA du 03 septembre 2002, affaire Kwapnang Moïse (candidat SDF et maire) contre État du
Cameroun, RDPC et SDF dont la décision a été infirme en appel par l’arrêt n°78/A/02-03 du 19 avril 2004,
affaire Kwapnang Moïse (candidat SDF), État du Cameroun (MINATD commune rurale de Loum) contre État du
Cameroun (MINATD), RDPC, SDF ; jugement n°91/CS-CA du 05 septembre 2002, affaire Dame Ngon Batamake
épouse Sende Jacqueline (candidate UPC) commune rurale de Messondo contre État du Cameroun (MINATD), infirmé
par l’arrêt n°84/A/03-04 du 19 avril 2004, affaire Moussi (candidat du RDPC), RDPC, Dame Ngon Batamake épse
Sende Jacqueline (candidate de l’UPC), État du Cameroun contre État du Cameroun (commune rurale de
Messondo) contre les mêmes parties.
326 Le juge administratif, dans une espèce du 02 septembre 2002, président national du parti politique UNDP,
commune urbaine de Yaoundé VIème contre État du Cameroun (MINAT), RDPC, saisi d’un recours en
annulation de l’élection municipale pour excès de pouvoir et retrait abusif et illégal des bulletins de vote de
l’UNDP dans tous les bureaux de vote de la circonscription de Yaoundé VI ème, opère une distinction entre
le contentieux de la déclaration des candidatures, et le contentieux des candidatures. Il rappelle ainsi, que la
participation aux consultations municipales et législatives au Cameroun pose des impératifs de constitution
de dossier en deux étapes : la première étape vise la déclaration de candidature ou de liste de candidature,
dont la décision d’acceptation ou de rejet ressortit de la compétence de l’autorité administrative, décision
pouvant être portée devant les commissions communales compétentes. La deuxième étape quant à elle, se
réfère au contrôle administratif du MINAT qui, après vérification de la déclaration, arrête et publie par un
acte ministériel la liste des candidatures. Cet acte de publication, pris par le MINAT, transforme la nature
juridique de la déclaration de candidature, en candidature ou liste de candidature. Ledit acte, inséré dans un
acte administratif, ne peut faire l’objet de contestation que devant la chambre administrative.
327 L’article 12 alinéa 2 paragraphe 5 de la loi n°92/002 du 14 août 1992 modifié par l’article 26 alinéa 1 de la
loi du 29 décembre 2006. L’article 26 (nouveau) de la loi n°2006/010 du 29 décembre 2006 attribue au juge
administratif la compétence de connaître des décisions d’acceptation ou de rejet d’une liste de candidats.
Toutefois, l’on relève que cette compétence, concomitamment conservée à la commission communale par
l’article 12 alinéa 2 paragraphe 5 crée un emboîtement malaisé dans son exercice, et élude tout argumentaire
relatif à l’abrogation de la disposition antérieure par la nouvelle, puisque ces deux dispositions sont
contenues dans la loi du 29 décembre 2006. Il en ressort que le juge administratif connaît en appel, des
décisions de la CCS. Le nouveau Code électoral vient fort heureusement clarifier, et renforcer le rôle du
juge administratif, et le reconnaît comme garant exclusif de la régularité des opérations préliminaires.
328 LAFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Tome II, op.cit., p. 308.
329 La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée une première fois à Nice le 7
décembre 2000, et officiellement adoptée dans sa version définitive par les présidents de la Commission
européenne, du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne le 12 décembre 2007, se fonde
sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité d’une part,
sur celles du principe de la démocratie et le principe de l’État de droit d’autre part, et consacre les droits de
vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen et aux élections municipales, comme droits
fondamentaux dont la promotion et la protection sont érigées au rang de « priorités pour l’espace
européen ». [En ligne], disponible sur : http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/la-
charte-des-droits-fondamentaux-25432.html. (Consulté le 16/09/2016).
330 La prise en compte de la composante sociologique suppose la participation de toutes les couches
sociologiques de la localité et partant, le respect des droits des minorités et des populations autochtones
conformément au préambule de la Constitution et aux différentes lois en vigueur. La protection des
minorités et des populations autochtones en matière électorale, se fait à travers l’exigence de la prise en
compte des composantes sociologiques dans la constitution des listes des candidats. Dans les jugements
n°059/CS-CA du 18 juillet 1986, Epale Roger Delore et n°060 CS-CA Ngueyong Moussa, les requérants
sollicitaient de la chambre administrative l’annulation des résultats des élections dans leurs circonscriptions,
au motif soulevé que la composition de la liste ne respectait pas la représentation des minorités
autochtones. La chambre administrative n’avait pas examiné le recours au fond en raison du fait que les
requérants n’avaient pas préalablement saisi la CCS.
En revanche, suite à un recours en interprétation de l’arrêt d’appel n° 94/A/02/03 du 19 avril 2004 rendu
en l’affaire SDF, Commune urbaine de Nkongsamba contre État du Cameroun (MINATD),et RDPC.
L’Assemblée plénière de la Cour suprême confirme, la décision de disqualification de la liste du SDF
rendue par le juge administratif, juge électoral. Ce dernier annule l’élection dans la circonscription et rend
nul et de nul effet les résultats obtenus par la liste du SDF qui a compéti au scrutin du 30 juin 2002, au
mépris de la décision de la CCS par procès-verbal n° 2 du 4 juin 2002 statuant définitivement sur la
question. La liste du SDF ne peut compétir que si elle respecte les conditions fixées par la loi électorale.
Voir à ce sujet, MOUANGUE KOBILA J., « Droit de la participation des minorités et des populations
autochtones : l’application de l’exigence constitutionnelle de la prise en compte des composantes
sociologiques de la circonscription dans la constitution de la liste des candidats aux élections aux
Cameroun », Revue française de droit constitutionnel, n°75, 2008, 36 p.
331 GERSTLÉ J., Campagne électorale (sociologie de la), in Dictionnaire du vote, op. cit., p. 133-138.
332 URGIN A., « La recette des candidats », in L'argent des élections, n°70, Paris, Seuil, 1994, p. 19.À l’occasion du
scrutin relatif à l’élection présidentielle du 09 octobre 2011 l’on a observé et déploré l’existence d’inégalités
flagrantes entre les candidats en lice. Pour Transparency international en effet, une inégalité des moyens
déployés en matière logistique comme sécuritaire a marqué la campagne électorale. Tandis que le candidat
sortant était entouré d’une armada sécuritaire impressionnante à chacune de ses sorties, les autres candidats
devaient eux-mêmes prendre des dispositions pour assurer leur sécurité. En outre, l’absence de toute
régulation des dépenses de campagne a permis que les candidats disposant des plus grandes facilités
financières, à l’instar de celui du RDPC, dominent nettement le paysage public et médiatique, puisqu’ils
avaient la possibilité de couvrir librement tout le territoire national. Le dispositif de financement et de
plafonnement des dépenses permet ainsi l'élimination systématique, sinon l'atténuation des irrégularités
résultant des disparités à travers l'allocation équitable des ressources publiques d'une part, et d'autre part par
l'adoption des mesures d'accompagnement visant à assainir les moeurs politiques, à lutter contre certaines
dérives liées à l'argent dans ses rapports avec la politique, à lutter contre le financement occulte des partis
politiques. Lire sur cette question, EL HADJ MBODY, « Le financement des campagnes électorales des partis
politiques dans les États africains francophones » in Francophonie et démocratie, op cit., p. 242-243 ; Lire
également sur cette question, MANDENG D., Le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun, op.cit.,
p. 56-58 : LAMOUROUX S., Le contentieux des actes périphériques en matière électorale, op.cit., p. 111-121.
L’éviction des commissions électorales du contentieux des opérations préliminaires n’a pas
suffi à elle seule à valoriser pleinement la compétence du juge administratif. Le caractère
lacunaire des dispositions textuelles participe pour une part importante à la fragilisation de son
intervention qui fort heureusement est rehaussée dans le contrôle des opérations
postélectorales.
333 Nonobstant les dispositions générales qui régissent la campagne électorale (articles 87à 95 du Code
électoral), l’article 260 alinéa 1 dispose qu’en période de campagne électorale, les contestations relatives à la
couleur, au sigle, au symbole choisi par un candidat ou une liste de candidat, sont portés devant la
juridiction administrative compétente. Dans une espèce du 03 septembre 2002, jugement n° 34/01-02,
RDPC contre État du Cameroun (MINAT), UPC, le juge administratif, pour pallier les insuffisances
constatées dans la loi qui régit les élections municipales, se réfère aux dispositions pertinentes régissant
l’élection des députés, mieux définir les conditions de l’élection des conseillers municipaux. Il s’était à cet
égard, appuyer sur les dispositions des articles 33 d’une part, 15 et 17 d’autre part, des lois relatives,
respectivement à l’élection des conseillers municipaux et des députés pour retenir sa compétence pour
connaître de l’éligibilité et de l’incapacité électorale des candidats.
334 DELPEREE F., Le contentieux électoral, op. cit., p. 7
Nonobstant son rôle de juge de la légalité des actes administratifs et de la régularité des
élections municipales, le juge administratif exerce dans le cadre du contrôle y afférent, une
compétence indirecte et exceptionnelle qui lui permet de garantir la régularité des élections en
cause 338.
335 Le contentieux électoral est considéré comme un contentieux de pleine juridiction. Il est distinct du
contentieux de l’excès de pouvoirs, et vise le règlement des contestations des résultats du scrutin. Bernard
BETSCH attribue au juge administratif, dans le cadre d’un recours de plein contentieux, la mission de
« remplacer la ou les décisions dont il est saisi par ses propres décisions qui viendront alors se substituer à
celles contestées », in, La commune devant le tribunal administratif. La lettre du cadre territorial, Voiron, 2004, p. 93.
336 BIPOUN-WOUM J.-M., « Recherches sur les aspects actuels de la réception du droit administratif dans les
États d’Afrique noire d’expression française : le cas du Cameroun », in Revue juridique et politique ind. Coop.,
tome 26, n°3, Paris, septembre 1972, p. 366.
337 Article 38 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour
Suprême.
338 Jugement n°53/95-96 du 18 juillet 1996, UNDP commune rurale de Biyouha contre État du Cameroun.
Dans cette espèce, le juge adminstratif avait annuler les élections municipales dans la circonscription de
Biyouha aux motifs que la Commission communale de supervision avait outrepasser ses pouvoirs en se
saississant d’office. Celle-ci avait en effet invalider les suffrages exprimés en faveur de l’UNDP aux motifs
que certains de ses candidats ne résidaient pas le district concerné.
339 DEMICHEL A., F., Droit électoral, op. cit., p. 9.
340 GUIMDO DONGMO B. R., « Le juge administratif camerounais et l'urgence : recherches sur la place de
l’urgence dans le contentieux administratif camerounais », op. cit., p. 215.
Juge de l’activité des autorités administratives, le juge administratif connaît par ailleurs des
actes administratifs qui découlent de l’organisation et du déroulement des élections nationales.
341 KAMTO M., « Le contentieux électoral au Cameroun », Lex lata, n°20, novembre 1995, p. 3 et 4. Lire
également TCHEUWA J.-CL. « Les principes directeurs du contentieux électoral camerounais : à propos de
« l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à l’occasion des élections
législatives et municipales du 22 juillet 2007», Revue française de droit constitutionnel, 2011/2 n°86, p. 41-29.
342 Le juge administratif estime que, lorsque la commission communale s’abstient, de statuer sur les griefs dont
elle est saisie, qui relèvent cependant de sa compétence, elle n’a pas assuré la régularité des opérations
électorales, et elle expose par conséquent celles-ci à la sanction de nullité. Voir les jugements n°s°52/95-
96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre État du Cameroun ; 85/95-96 du 26 septembre 1996.
343 GAUDEMET Y., « Crise du juge administratif et contentieux administratif », in La crise du juge, LGDJ, 1990,
p 98.
344 Les circonstances de cette stabilité dans la délimitation des compétences entre le Conseil constitutionnel et
le juge administratif sont les suivantes : En 1981, le Conseil constitutionnel, dans une décision Delmas,
acceptait de contrôler un acte administratif qui, par nature lui était étranger. Le Conseil d’État ayant rejeté le
recours du sieur Delmas pour incompétence, ce dernier s’adresse au Conseil constitutionnel et demande
l’annulation du décret de convocation des électeurs après la dissolution de l’Assemblée nationale. Le juge
constitutionnel affirme sa compétence dans un considérant, en posant que : « Considérant que si, en vertu de la
mission de contrôle de la régularité de l’élection des députés et des sénateurs qui lui est conférée par l’article 59 de la
Constitution, le Conseil constitutionnel peut exceptionnellement statuer sur les requêtes mettant en cause la régularité d’élections
à venir, ce n’est que dans la mesure où l’irrecevabilité qui serait opposée à ces requêtes en vertu des dispositions des articles 32 à
45 de l’ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 risquerait de compromettre gravement l’efficacité du contrôle par le Conseil
constitutionnel de l’élection des députés ou des sénateurs, vicierait le déroulement général des opérations électorales et, ainsi,
pourrait porter atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics. » Cette compétence du Conseil constitutionnel
est remise en cause en 1993, puisque le Conseil d’État effectue un revirement de jurisprudence, et se déclare
compétent pour connaître des actes qui interviennent avant le scrutin, il fonde sa compétence sur la notion
d’actes détachables, et s’affirme comme juge de la légalité des actes administratifs.
345 Les actes concernés sont entre autres ceux relatifs ou de celle contestant la régularité des décisions du
Conseil supérieur de l’audiovisuel concernant la programmation des émissions radiotélévisées pendant la
campagne officielle, des circulaires relatives aux modalités d’envoi des formulaires de présentation des
candidatures etc.
346 MALIGNER B., « Élections (contentieux électoral administratif) », Répertoire contentieux. administratif, Dalloz,
2004, p. 12et 13.
347 C.E du 5 avril 2002, Cazaux, rec., table, p. 738.
348 MALIGNER B., Contentieux électoral administratif, ibidem, p. 13
SECTION III.
L’affirmation de monsieur Édouard Herriot selon laquelle «on ne stabilise une démocratie
que par le mouvement » 352, permet de souligner les soubassements qui ont sous-tendu la
création du Conseil constitutionnel en France et dans certains États africains 353. Initialement
349 Le Conseil d’État s’est reconnu compétent pour examiner le refus d’organiser une élection législative
partielle, C.E. sect. 23 avril 1997, Mme Richard, rec., p. 828. TOUVET, L., DOUBLET, Y.-M., Le droit des
élections. op.cit., p. 515.
350 GOYARD Cl., État de droit et démocratie, op. cit. p. 303.
351 NDJOCKE H.Cl., « Le juge administratif est-il dans le maquis ? », Revue internationale de Droit africain EDJA,
Dakar, juil.-août-sept, 2006, p. 31-87.
352 HÉRRIOT E., Dictionnaire des citations politiques, Source : Discours, entretiens et autres sources. [En ligne],
disponible sur : http://www.citationspolitiques.com/theme.php3?id_mot=5, (consulté le 10/05/2010).
353 À l’origine dans le contexte français, l’on observe que c’est la Commission provisoire constitutionnelle qui a
jugé les premières contestations électorales. Cette dernière a contribué à la fixation des principes essentiels
de la jurisprudence électorale et a posé le principe de l’interprétation restrictive des textes définissant la
compétence du Conseil constitutionnel. La création du Conseil constitutionnel s’inscrit dans une logique de
continuité de l’action de la Commission provisoire constitutionnelle et tend entre autre, à restreindre les
éventuels débordements du Parlement, à limiter voire mettre fin à l’hégémonie parlementaire. Le Conseil
constitutionnel exerce des compétences hétéroclites, relatives au contrôle extérieur à la constitutionnalité
des lois, et celui y relatif, constituant sa principale raison d’être. Michel DEBRÉ, dans son exposé sur le
Conseil constitutionnel devant le Conseil d’État le 27 août 1958, affirme à cet égard que « la création du
Conseil constitutionnel (…) manifeste la volonté de subordonner la loi, c’est-à-dire la décision du
Parlement, à la règle supérieure édictée par la Constitution. » [en ligne], www.assemblee-nationale.fr › ... › Michel
Debré › L'exercice du pouvoir, (consulté le 10/05/2011). Lire par ailleurs PHILIP L., « les attributions et le rôle
du Conseil constitutionnel en matière d’élections et de référendums », in RDP, p. 47 ; Les grandes décisions du
Conseil Constitutionnel, 17ème édition, Paris, Dalloz, 2015, p. 6.
En Afrique en revanche, l’on observe que la problématique de la création du Conseil ou des Cours
constitutionnel(les) se pose au cours des années 1990, période qui apporte un vent de démocratisation, et
déclenche des réformes institutionnelles notamment, les révisions constitutionnelles dont le contenu
transforme peu ou prou la vie politique des États. En effet, plusieurs États ont procédé par la tenue des
conférences nationales, à une rupture de l’ordre juridico-politique préexistant (Bénin, Congo, Mali etc.),
d’autres par contre, ont employé la voie des réaménagements institutionnels sur le plan technique. Quoi
qu’il en soit, l’on note que l’essentiel de ces réformes portaient sur la consécration de la renaissance des
libertés politiques au Cameroun et, l’instauration d’un État de droit apte à garantir la protection des libertés
fondamentales des citoyens. La Constitution, norme suprême de l’État devient de ce fait, le fondement de
toute activité étatique, l’acte créateur des institutions politiques qui déterminent la forme de l’État et les
conditions de dévolution et d’exercice du pouvoir. La nécessité de protéger l a Constitution se fait dès lors
ressentir, et l’on note la mise sur pied d’un organe, le Conseil constitutionnel, chargé de garantir la
suprématie de la Constitution. Lire sur cette question, BOURGI A., « L’évolution du constitutionnalisme en
Afrique : du formalisme à l’effectivité », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2002/4, n°52, p. 721-748, p. 7.
354 Le Conseil constitutionnel règle trois catégories de contentieux relatifs aux matières qui lui sont
expressément attribuées par la Constitution : le contentieux des institutions, le contentieux des normes et le
contentieux des libertés. FAVOREU L., GAIA P., GHEVONTIAN R., MESTRES J.-L., PFERSMANN O., ROUX
A., SCOFFONI G., Droit constitutionnel, 18ème édition, Paris, Dalloz, 2015, p. 319.
355 PHILIP L., « Les attributions et le rôle du Conseil constitutionnel en matière d’élections et de référendums »,
ibid. p. 48.
356 DU BOIS DE GAUDUSSON J., « Le mimétisme postcolonial, et après ? », Pouvoirs, 2009/2, n°29, p. 51.
357 L’alinéa 1 de l’article 48 dispose que : « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection
présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires.
Il en proclame les résultats. »
Aux termes de l’article 67 alinéa 4 « La Cour Suprême exerce les attributions du Conseil Constitutionnel
jusqu'à la mise en place de celui - ci. »
358 FAVOREU L., « La crise du juge et contentieux constitutionnel en droit français », in, Crise du juge. Paris,
LGDJ, 1990, p. 72.
359 Les élections qui se sont tenues avant la réforme constitutionnelle qui instituait le Conseil constitutionnel
étaient contrôlées par la Cour suprême, en application des dispositions de l’article 93 de la loi n°90/010 du
17 septembre 1992 relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale. Depuis l’adoption de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996, l’on note l’institutionnalisation du Conseil constitutionnel, dont
l’effectivité est précarisée par les dispositions de l’article 67 alinéa 4 qui instaurent le caractère transitoire de
sa mise en place, la continuité du contrôle de la régularité des élections nationales par la Cour suprême qui
statue en qualité de conseil constitutionnel, en attendant la mise en place de ce dernier. Certes, ces
dispositions ont le mérite de préciser les conditions d’exercice de la compétence de contrôle de la régularité
des élections nationales attribuée au Conseil constitutionnel, toutefois, il convient déplorer le caractère
indéterminé de cette disposition transitoire, qui diffère la mise en place effective de cette institution bien
que les dispositions se rapportant à son organisation et à son fonctionnement aient été adoptées depuis le
21 avril 2004. L’absence d’une limitation temporelle pourrait favoriser une insécurité juridique, qui ne
permet pas une garantie efficace des droits civils et politiques des citoyens. Monsieur BAGUI KARI écrit
dans cette logique que, la Cour suprême agissant comme Conseil constitutionnel n’a pas exercé un contrôle
effectif notamment, dans le contrôle des élections présidentielles, puisque très peu de recours ont été
examinés dans le fond. La plupart des recours étaient déclarés irrecevables, ou non justifiés. BAGUI KARI
A., Le contentieux électoral en question, Yaoundé, Presses de GCC, 2004, p. 17 ; Lire par ailleurs, ATEBA EYONG
A. R., « Le contrôle de la régularité des élections politiques nationales par la Cour suprême 1992-2002 :
esquisse de bilan d’une décennie électorale contentieuse au Cameroun », Mémoire, Université de Yaoundé 2-
Soa, 2003, 154 p.
360 Nous limiterons notre étude aux élections présidentielles et législatives en raison du fait qu’aucune
consultation référendaire n’a été organisée au Cameroun depuis celle du 20 mai 1972 relative au passage du
Cameroun de l’État fédéral à l’État unitaire.
361 NGUELE ABADA M., « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des
États francophones post-guerre froide : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais ». [En ligne],
disponible sur http://www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes5/ABADA.pdf. 22 p. (Consulté le
16/09/2016).
362 Ce terme employé par madame Sophie Lamouroux renferme « tous les actes qui ont un lien direct,
nécessaire et immédiat avec une votation déterminée et sans lesquels le processus électoral ne peut
s’accomplir ». Pour elle en effet, ces actes périphériques, « précèdent le scrutin, ils en sont le ferment
obligatoire, s’ils lui succèdent, ils deviennent sa conséquence (...) [ils] sont incontestablement attachés à
l’élection qui va se dérouler ou qui vient de s’achever ». LAMOUROUX S., Le contentieux des actes périphériques en
matière électorale, op.cit., p. 14.
363 Dictionnaire du vocabulaire juridique, sous la direction de CABRILLAC R., 2ème édition, Paris, LexisNexis-Litec,
2004, 401 p.
364 Concernant le contrôle l’éligibilité du président de la République, l’on note que la loi se limite à
l’énonciation des conditions d’éligibilité et de la compétence du Conseil constitutionnel qui déclare
l’inéligibilité d’un candidat. Le silence de la loi sur les conditions de saisine du Conseil constitutionnel en
vue de constater l’inéligibilité d’un candidat a entraîné des débats houleux au cours du mois de juin 2011
entre les théoriciens, les praticiens du droit, et les membres de la société civile.
Il s’agissait de savoir si le président en fonction Paul BIYA, pouvait être rééligible, en vertu des dispositions
constitutionnelles relatives au renouvellement indéfini du mandat présidentiel, ou inéligible en raison des
dispositions antérieures qui limitait sa candidature à deux septennats.
La thèse de l’éligibilité soutenue par certains universitaires et hommes politiques reposait sur l’absence de
toute mention expresse interdisant au président en fonction de faire acte de candidature. Ainsi, faute de
clause contraire, la Constitution révisée en 2008 ouvre la possibilité à la rééligibilité à ce dernier. Pour les
tenants de la thèse de l’inéligibilité, le président en fonction en 2011, élu en 2004 sous l’égide des
dispositions constitutionnelles de 1996 limitant le mandat présidentiel à deux septennats, ne pouvait pas
solliciter un mandat en 2011, en invoquant les nouvelles dispositions constitutionnelles de 2008. Pour ces
derniers, parler de l’éligibilité du président Paul Biya serait rétroagir les nouvelles dispositions
Quant aux conditions d’inéligibilité relatives à l’élection des députés, elles sont énumérées
par l’article 162 alinéa 1et 2 du Code électoral, et concernent la fonction et l’appartenance à un
parti politique. Les incompatibilités portent sur les fonctions de membre du gouvernement, de
sénateur, de maire et de délégué de gouvernement etc. L’incompatibilité avec la fonction de
maire vient mettre un terme à une pratique antérieure de cumul vertical des mandats de maire-
député qui prévalait jusqu’aux élections de 2002 365. Outre l’identité des conditions
d’inéligibilité relatives à la situation de dépendance ou d’intelligence à une autre puissance
prévues pour les candidats à l’élection présidentielle, il faudrait souligner que l’éligibilité des
députés est soumise à des conditions plus rigoureuses. Ils ont l’obligation de demeurer dans
leur parti politique, sous peine d’être déchus de leur mandat.
constitutionnelles, puisqu’une nouvelle loi ne peut régir les dispositions en cours que lorsqu’elle l’a prévu
expressément.
365 Le professeur PATRICK FRAISSEIX distingue le cumul horizontal des mandats de celui vertical. Pour lui en
effet, le cumul horizontal porte sur deux mandats de rangs comparables, tandis que le cumul vertical
concerne deux mandats dont l’un est national et l’autre local. Il met en exergue le caractère paradoxal du
cumul des mandats qui permet aux mandataires de se positionner par rapport au pouvoir, et de transformer
la fonction élective en une profession à part entière, susceptible de restreindre l’élargissement de la classe
politique. « Situé au carrefour de tous les réseaux de représentation », le cumul des mandats serait selon le
professeur Fraisseix, un élément des relations entre les mandataires et les mandants d’une part et les
mandataires et le pouvoir d’autre part. Nonobstant les aspects aussi bien positifs que négatifs qu’elle
contient, la pratique du cumul des mandats pourrait davantage s’avérer néfaste dans un contexte africain
notamment, au Cameroun, soucieux de la promotion et la consolidation de la bonne gouvernance.
FRAISSEIX P., « Le cumul des mandats : un mal inévitable mais pas nécessaire », in Mélanges Patrice Gélard, op.
cit. p. 177-185.
366 MASSUH V., « Démocratie: délicat équilibre et universalité », in La démocratie : principes et réalisations, Union
interparlementaire, 1998, p. 69. [En ligne], disponible sur :
www.ipu.org/PDF/publications/DEMOCRACY_PR_f.pdf. (Consulté le 20/10/2014).
367 ARDANT P., « Le contentieux devant le Conseil constitutionnel et conseil d’État », op. cit., p. 59.
368 VETTOVAGLIA J.-P., « Des élections à la démocratie », in Démocratie et élections dans l’espace francophone, op. cit.,
p. 861.
369 LAFFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, op. cit., p. 324.
370 L’existence des partis politiques entraîne par voie de conséquence leur représentation au sein de la scène
politique. Ils concourent dès lors, conformément à l’article 3 de la Constitution camerounaise à l’expression
du suffrage. LISSOUCK F., Pluralisme politique et droit en Afrique noire francophone : Essai dur les dimensions
institutionnelles et administratives de la démocratisation en Afrique noire francophone, 2000, 319 p., Thèse de doctorat
en droit public et analyse politique, Université Jean-Moulin-Lyon 3, 2000, p. 13.
371 Articles 129 et 167 du Code électoral s’appliquant aux élections présidentielles et législatives puis, 43 et 47
fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel.
372 LAMOUROUX S., Le contentieux des actes périphériques en matière électorale, op.cit., p. 67.
373 Dans une espèce arrêt n°03 du 1er octobre 2004, Lontouo Marcus, candidat du parti politique Congrès National
Camerounais (CNC) contre État du Cameroun, le Conseil constitutionnel confirme la décision de rejet de la
candidature du requérant au motif que ce dernier ne s’est pas engagé à respecter la Constitution, et qu’il
pourrait la violer pendant l’élection à venir, voire après s’il n’est pas élu.
Relativement à cette espèce, il convient de dire que, conformément aux dispositions de l’article 54 alinéa 2
(d) de la loi relative à l’élection du président de la République, modifié par l’article 122 alinéa 2 (d), la
déclaration de candidature doit indiquer entre autres, l’engagement sur l’honneur du candidat à respecter la
Constitution. Cette exigence doit attester la soumission sans équivoque du candidat à la Constitution et à la
légalité républicaine. Attendu en revanche que le Sieur Lontouo dans sa déclaration, s’est engagé à « respecter
la Constitution camerounaise au cas où il serait élu », le Conseil constitutionnel a estimé que son
engagement est restrictif, hypothétique, et plein d’incertitude, et ne correspond pas à celui exigé par la loi.
Dans le même esprit de pédagogie, le Conseil constitutionnel a rendu des décisions pour sanctionner
l’incomplétude des dossiers de candidature. Il a ainsi préciser que les pièces exigées pour la déclaration de
candidature doivent être déposées en même temps que ladite déclaration, et non partiellement pour
attendre la réclamation de celles manquantes Arrêts n°08 du 1er octobre 2004, Issac Michael Enow Oben,
candidat du Cameroon Ideological Party contre État du Cameroun ; n°11, Matip Libam Henri, candidat du Mouvement
Démocratique des Paysans Camerounais (MDPC) contre État du Cameroun ; n°17, Tonye Jean Alphonse, candidat
indépendant contre État du Cameroun etc.
Plus récemment, l’on observe que le juge électoral confirme encore plusieurs décisions de rejet fondées sur
l’absence de signature sur la déclaration de candidature, il rappelle à cette occasion qu’il résulte, en
application de l’article 52 désormais remplacé par l’article 120 du Code électoral, que c’est la signature
figurant sur la déclaration même de candidature qui doit être légalisée. « Que si cette formalité n’est pas
accomplie, elle ne saurait être régularisée par la production d’une signature légalisée figurant en dehors de la
déclaration … » Les principaux manquements sur lesquels le juge fonde sa décision de rejet portent sur le
défaut de présentation de l’original du versement du cautionnement, le défaut de présentation du certificat
d’imposition, la non présentation du bulletin n°3 du casier judiciaire, du certificat de nationalité, l’absence
d’une signature légalisée sur la déclaration de candidature, etc. Décisions n°01/CEP/du 20 septembre 2011,
affaire Mbem Jean Delors (Égalité Sociale et Démocratique du Cameroun ESDC) contre Elections Cameroun (Elecam) ;
n°02/CEP/du 20 septembre 2011, affaire Tchana Lamartine (candidate Dynamique Conquérante Libérale des
Indomptables du Cameroun DCLIC) contre Elections Cameroun (Elecam) ; n°03/CEP/du 20 septembre 2011,
affaire Egono Valentin (candidat de l’Union camerounaise pour la Démocratie et l’Innovation UDCI ; Parti politique
UCDI) contre Elections Cameroun (Elecam) ; Décision n°12/CEP du 20 septembre 2011, affaire Louis Tobie
Mbida (candidat du parti des démocrates camerounais PDC) contre Elections Cameroon (Elecam).
374 JAUME L., « La représentation : une fiction malmenée », Pouvoirs, n°120, Voter, janvier 2007, p. 5.
375 MAZEAUD P., « Vœux du président du Conseil constitutionnel au président de la République, discours
prononcé le 3 janvier 2005 », in Cahiers du Conseil constitutionnel, n°18/2005, p. 2-9.
376 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, Paris, Economica, 1984, p. 28.
377 Le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi de l’annulation du scrutin, affiche une témérité variable qui ne
permet pas de garantir efficacement les processus électoraux. Lorsqu’il est saisi de l’annulation de l’élection
présidentielle, le juge électoral adopte une attitude circonspecte, et se limite aux rejets des recours, en
alléguant des motifs divers qui lui évitent d’examiner le fond du recours. Ainsi, l’on relève que le juge
électoral n’a annulé élection présidentielle. En revanche, l’on observe une certaine audace lorsqu’il connaît
du contentieux des élections législatives. Il annule partiellement le scrutin, ou réforme les résultats, et se
montre quelquefois pédagogue.
Voir les arrêts n°s 22/CE/96-97 du 23 juin 997, Inoua Mohamadou, candidat UNDP, circonscription
électorale du Mayo-Banyo contre État du Cameroun ; 46/CE/96-97 du 23 juin 997, Tchoumba Dieudonné,
candidat SDF, circonscription électorale du Ndé contre État du Cameroun ; 51/CE/96-97 du 23 juin 1997,
MDR, UNDP circonscription électorale du Mayo-Rey contre État du Cameroun (Minat) ; 44/CE/01-02 du
17 juillet 2002, SDF, UPC contre État du Cameroun (Minat) circonscription électorale du Nkam,
n°54/CE/01-02 du 17 juillet 2001, SDF, UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription de
Bamboutos ; n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, UNDP, RDPC contre État du Cameroun (Minat),
circonscription de Kumba, etc.
378 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, op. cit., p. 22.
Le contentieux des actes liés aux opérations préparatoires appartient en dernier ressort au
juge judiciaire qui « connaît des litiges qui mettent en jeu les droits de l’Homme et du
citoyen » 379. Il lui appartient de régler l’ensemble du contentieux y relatif. Cette compétence
du juge judiciaire, exclut celle du Conseil constitutionnel qui ne peut pas connaître de
l’inscription ou de la radiation d’un électeur sur les listes électorales, ainsi que du contentieux
de l’établissement et de la délivrance des cartes électorales. Nonobstant cette incompétence de
principe, le Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’examen d’un recours en annulation du
scrutin, peut connaitre, au moyen d’un contrôle par voie d’exception, du contentieux des
opérations préparatoires. Il intervient dans ce cas, non en qualité de juge de la régularité des
opérations relatives à la liste électorale, mais en tant que juge électoral. De ce fait, il peut
sanctionner les irrégularités commises dans l’établissement de la liste électorale si elles ont
porté atteinte à la sincérité du scrutin. Parallèlement, le Conseil constitutionnel exerce un
contrôle indirect sur les opérations préliminaires.
Le professeur Marcelin Nguélé Abada écrit dans ce sens qu’en confirmant l’obsolescence de la procédure
de validation du mandat des députés dans sa décision du 28 novembre 2002, la Cour suprême statuant en
qualité de Conseil constitutionnel met un terme à « un contrôle a posteriori de la décision du Conseil
constitutionnel déclarant élus les candidats à l’élection législative ». Il résulte de cette mutation
constitutionnelle que le Conseil constitutionnel exerce une compétence générale sur les élections politiques,
à l’exclusion des élections locales dontle contentieux est confié à la juridction administrative. NGUÉLÉ
ABADA M., « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des États
francophones post-guerre froide : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais », op. cit., p. 19.
381 La législation relative au financement des partis politiques intervenue dix années après l’adoption des « lois
dites de démocratie » en 1990, reprise par le titre XI du Code électoral prévoit le financement public des
partis politiques (chapitre I, articles 279 à 283 du Code électoral) et le financement public des campagnes
électorales et référendaires (chapitre II, articles 284 à 287 du Code électoral). Les dispositions
susmentionnées précisent la quotité de l’État aux dépenses afférentes à certaines dépenses de
fonctionnement et de campagnes électorales et référendaires des partis politiques. Cette subvention
octroyée sur des critères en apparence rationnels, —la première tranche est accordée aux partis politiques
après la publication des listes électorales proportionnellement aux listes présentées et acceptées dans les
différentes circonscriptions électorales ; la deuxième tranche quant à elle intervient après la proclamation
des résultats, au prorata du nombre de sièges obtenus, ou des résultats obtenus, notamment au moins 5%
des suffrages exprimés— ne permet cependant pas d’assurer l’égalité de chances entre les candidats. Les
auteurs susmentionnés écrivaient à propos qu’ « en application du critère de 5% des suffrages au moins
obtenus dans une circonscription électorale par un parti politique, la deuxième tranche de subvention de
l’État de 250 000 000 francs CFA a été distribuée à seize partis politiques. Les partis politiques les moins
représentatifs ayant obtenu un résultat d’au moins 5% des suffrages dans une circonscription électorale ont
reçu chacun 1 515 151 francs, tandis que le parti majoritaire ayant ce même résultat dans soixante-quatorze
circonscriptions électorales a encaissé 112 121 212 francs CFA. » Outre ces germes d’inégalités que
renferment les dispositions législatives concernant le financement des partis politiques. Certes, l’on observe
l’institutionnalisation d’une commission de contrôle chargées de vérifier l’adéquation entre l’objet des fonds
alloués et leur destination effective, puisque ceux-ci ne sauraient être une source d’enrichissement personnel
Il en résulte que, les compétences des deux juges posent un problème de délimitation du
champ d’action, puisqu’elles s’imbriquent, et se recoupent sur le contrôle des actes relatifs à
l’organisation et au déroulement des opérations électorales. Dans un souci de clarification des
contours des compétences entre le Conseil constitutionnel et le juge administratif, la
jurisprudence pose le principe d’acte détachable. En effet, le Conseil constitutionnel est
compétent pour connaître des actes administratifs intimement liés, non détachables de
l’élection dont il est le juge électoral. En revanche, la compétence du juge administratif est de
des partis politiques ou des candidats, au risque d’être assimilés à des détournements de deniers publics.
L’on déplore cependant la mise en place effective de celle-ci, et parallèlement celle de la chambre des
comptes de la Cour suprême dont le rôle est, en application des dispositions de l’article 8 paragraphe 6 de la
loi n°2003/005 du 21 avril 2003, phagocytées par celles transitoires prévues par les articles 78 et 79 de la loi
susvisée. BISSECK G., YOUMSI J., « le financement des partis politiques au Cameroun, Accpuf, bull., n°6,
novembre 2006, p. 91-93.
Dans le contexte français en revanche, l’on observe que le contentieux relatif au financement des partis
politiques et de la campagne électorale constitue un « contentieux central à titre principal » dont la sanction
entraîne soit l’inéligibilité du candidat, partant l’invalidation du scrutin, soit le prononcé d’une peine
d’emprisonnement et d’une amende, le versement au Trésor public d’une somme égale au montant du
dépassement tel que fixé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements
politiques (CNCCFP), et enfin la perte du droit au remboursement forfaitaire. Voir les dispositions de la loi
organique n°88-226 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, de la loi n°90-
55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des
activités politiques, la circulaire n°NOR/INT/A/08//C du 7 janvier 2008 relative au financement et au
plafonnement des dépenses électorales organisent de manière rigoureuse le financement des activités
politiques.
L’analyse des dispositions législatives et réglementaires susmentionnées laissent transparaître le souci du
législateur français de gommer les aspérités de fait qui existent entre les candidats et renforcer l’égalité entre
ces derniers. Ainsi, l’on observe que le financement des partis et groupements politiques d’une part, et le
plafonnement des dépenses électorales d’autre part, sont strictement régis et contrôlés. La création d’une
institution indépendante chargée de contrôler les comptes des candidats, de procéder à la publication
sommaire desdits comptes dans le journal officiel, et d’établir un rapport sur le bilan de son contrôle,
nonobstant la fragilité de ses moyens d’action, joue un rôle fondamental dans la garantie de la transparence
financière, puisqu’elle a l’obligation de saisir les organes compétents en cas de violation des dispositions
textuelles.
382 ARDANT P., Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, op. cit., p. 61.
383 CHAPUS R., Droit administratif général, 15ème édition, tome 1, Paris, Montchrestien, 2001, n°1160, p. 943.
384 ARDANT P., « Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel le Conseil d’État », op. cit., p. 55.
385 CHARLIER R.E., « Le juge et le service », in Mélanges offerts à Marcel Waline : le juge et le droit public, tome II,
Paris, LGDJ, 1974, p. 323-342.
386 Cité par BOURREL R., « Le juge administratif, nouveau gardien de la liberté individuelle ? », in La revue
administrative, n°377, Economica, sept.-oct. 2010, 451-560.
Le contentieux des élections se caractérise dans la plupart des États africains, par une
complexité décourageante pour les populations entretenue par le partage des compétences entre
plusieurs juges et ordres de juridictions ainsi que les conflits qui ne manquent pas de surgir dans
l’application de lois électorales rédigées en des termes propices aux divergences d’interprétations
(…) 387.
387 DU BOIS GAUDUSSON J.D.B., « Les élections à l’épreuve de l’Afrique », in Cahiers du Conseil constitutionnel,
n°13, Études et Doctrines, 2002, p. 14.
388 GILLI J.-P., « Le contrôle juridictionnel du permis de construire : incertitudes et insuffisances », in Mélanges
offerts à Marcel Waline, op. cit., p. 467- 478.
389 MELEDJE D., F., Le contentieux électoral, op.cit., p. 14
390 MASCLET J-C., Le droit des élections politiques, op. cit., p. 39.
391 BESSON E., « Principe de clarté et objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la
loi », in La simplification du droit, op.cit., p. 64.
392 CHARNAY J.-P., « Les techniques d’investigation dans le contrôle des élections parlementaires », RDP, 1964,
p. 9.
393 SOUVIGNET X., « L’accès au droit, principe du droit, principe de droit », in L’accès au droit, Jurisdoctoria, sous
le parrainage du professeur Étienne Picard, n°1, 2008, p. 23-48.
394 BURDEAU G., Le statut du pouvoir dans l’État, 2ème édition, tome II, Paris, LGDJ, 1969, p. 308.
395 FRYDMAN B., HAARSCHER G., Philosophie du Droit, 3ème édition, Paris, Dalloz, 2010, p. 10.
396 Voir les alinéas 1, 2, 3, 4, 7 de la Charte adoptée à la huitième session ordinaire de la conférence de l’Union
africaine tenue le 30 janvier 2007 à Addis-Abeba (Éthiopie). Voir par ailleurs l’article 2 de la Déclaration sur
les critères pour les élections libres et régulières adoptée à Paris le 24 mars 1994.
Les initiatives relatives à l’adoption des règles tant sur le plan interne qu’international ne
règlent pas la problématique que pose la garantie des droits civils et politiques des citoyens. En
effet, le Conseil de l’Europe, notamment la Commission de Venise, le souligne
opportunément, en précisant qu’« afin que les règles du droit électoral ne restent pas lettre
morte, leur non-respect doit pouvoir être contesté devant un organe de recours. 397 Cette
pensée est corroborée par le professeur Célestin Sietchoua Djuitchoko, qui affirme que « ce ne
sont pas les textes, si généreux soient-ils, qui assurent à eux seuls, la garantie des droits et
libertés. » 398
397 MUNGO A., « Le traitement judiciaire et administratif en Italie du contentieux électoral et interactions entre
les diverses institutions concernées ; comparaison avec la situation d’Azerbaïdjan », Rapport d’un séminaire sur
le rôle des juges en matière de règlement du contentieux électoral, Bakou, 29-30 sept. 2005, 15 p.
398 SIETCHOUA DJUITCHOKO C., « Le degré de régulation constitutionnelle dans les États d’Afrique noire
francophone depuis les transitions démocratiques », in Revue de Droit International et de Droit Comparé, Paris,
Bruylant, 2008, n°1, p. 58-94.
399 Léon DUGUIT considère l’action comme une voie de droit, tout moyen par lequel l’on pourrait assurer
l’obéissance à la règle de droit, et qui tend à lui donner une sanction directe ou indirecte. Dans sa critique à
la conception visant à considérer l’action comme un droit subjectif distinct, il estime que l’action ne saurait
se confondre avec le droit sur lequel repose le recours, puisqu’il permet de dire si le droit en cause existe ou
non dans l’espèce. Traité de droit constitutionnel, 3ème édition, tome I., p. 225 cité par VIZIOZ H., Études de
procédure, op.cit., p. 145.
400 Ce mot employé par le professeur Loïc CADIET, est considéré comme un « concept à construire ». pour lui
en effet, la justiciabilité se présente sous diverses acceptions dont celle relative au justiciable, lui permettant,
au moyen d’une action devant un organe compétent, de soumettre une prétention afin que soit prononcée
une décision de droit. CADIET, L., NORMAND, J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, 2ème édition,
Paris, PUF, 2013, p. 39.
La garantie effective des droits de vote des électeurs pose la problématique de la mise en
œuvre des mécanismes qui concourent à leur justiciabilité. Le professeur Loïc Cadiet définit la
justiciabilité comme l’ensemble des conditions matérielles et pécuniaires 404 d’une part, puis
celles relatives au droit d’agir ou à la sanction de l’abus du droit d’agir. En définitive, la
401 Cette pensée de madame Sévérine Buffet, met en exergue les caractéristiques d’un système qui promeut et
concourt à la consolidation de la démocratie représentative, qui permet aux citoyens de jouir pleinement de
leurs droits fondamentaux relatifs au vote, au droit d’être éligible et au droit d’accès au juge. BUFFET S., Le
contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, op. cit., p. 14.
402 BURDEAU G., Le statut du pouvoir dans l’État, op.cit., p. 309.
403 ROSANVALLON P., La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité, Paris, Seuil, 2008, p. 21.
404 Voir le jugement de la Cour d’appel Ndyanabo v. Attorney General, Civil appeal n° 64 of 2001 du
14 février 2002. La Cour d’appel de Tanzanie, saisie d’une requête aux fins de déclarer inconstitutionnelle
certaines dispositions de la loi électorale relatives à l’accès à la justice. La Cour décide de
l’inconstitutionnalité de la disposition de la loi électorale qui subordonne le déclenchement du contentieux
électoral au paiement de la caution d’un montant de cinq millions de shilling sur la base de l’interprétation
large de l’égal accès à la justice et du principe d’égalité. Pour lui en effet, les trois « piliers fondamentaux »
sur lesquels repose la Constitution sont l’État de droit, les droits fondamentaux et la justice indépendante,
impartiale et accessible. À cet égard, « abolir le droit des requérants indigents d’accéder à la justice, c’est
fermer les portes de la justice aux personnes en quête de justice ; si l’accès à la justice est limité aux
personnes riches, les pauvres n’auront aucun intérêt à accorder à l’État de droit alors que l’accès prompt et
égal à la justice es une condition de pérennité de l’État de droit. » SINDJOUN L., Les grandes décisions de la
justice constitutionnelle africaine : droit constitutionnel jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au prisme des systèmes
politiques africains, op.cit., p. 488-494.
Voir par ailleurs les développements sur la définition de l’accès au droit accès à la justice (moyens), in
Dictionnaire de la justice, CADIET L., (Dir.), 1ère édition, Paris, PUF, 2004, p. 3.
Les faits de l’espèce sont les suivants : le requérant, après sa défaite aux élections législatives de 2000, a saisi
la « High court » en vue de la contestation de la victoire de son adversaire, mais sa requête n’a pas été
examinée au motif qu’il ne s’était pas acquitté de la caution d’un montant de cinq millions de shilling
requise. Il a de la sorte saisi la Cour d’appel.
La justiciabilité, considérée dans le cadre de cette étude comme le droit de saisine, permet
aux électeurs de réclamer la reconnaissance d’un droit ou de contester devant l’organe
compétent, les faits qui leur semblent de nature à altérer la véracité et l’authenticité de leur
droit de vote 406. À l’évidence, il convient de souligner que la saisine est inéluctablement
rattachée à la procédure, et concourt à la défense et à la protection des droits et libertés
fondamentales des citoyens. Elle est une opération juridique qui déclenche l’intervention d’un
organe compétent pour régler un litige qui se pose, en permettant aux citoyens de faire
respecter leurs droits civils et politiques. Pothier, à la fin de l’Ancien régime, définit la
procédure comme « la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y
défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » 407. La
procédure contentieuse est l’ensemble des modalités par lesquelles les juges sont saisis, afin
d’instruire, de juger et d’énoncer des solutions sur les affaires qui sont portées à leur
connaissance. Selon monsieur Yves Strickler, « la procédure est un droit servant » ainsi, pour
que les requérant puissent accéder au prétoire, il est nécessaire que le législateur pose des
règles qui encadrent leur action 408.
L’aménagement des règles de saisine est nécessaire pour que le droit de vote des citoyens
soit effectivement garantit. Cette mission qui relève au premier chef du législateur, a pour but
de créer un cadre procédural permettant aux citoyens de disposer d’un recours utile devant les
organes compétents, visant la protection de l’intérêt personnel du requérant d’une part
(section I), et l’intérêt général d’autre part (section II).
405 CADIET L. NORMAND J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 38.
406 NLEP R. G., « L’organisation générale des contentieux liés à l’élection en Afrique francophone : le cas du
Cameroun », Rapport scientifique introductif au séminaire international d’échanges sur le contentieux électoral et l’État de
droit, Cotonou, Francophonie, 1998, 15 p.
407 Cité par CADIET L., NORMAND J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, ibid, p. 310.
408 STRICKLER Y., « Les actions en justice visant à contester ou établir la sincérité d’un acte ou d’un
document », in La sincérité en droit, sous la coordination d’Olivier Le Bot, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 129-142.
Jules Ferry, écrivait pertinemment à propos du suffrage universel désormais pierre angulaire
de tout régime démocratique, qu’il n’est pas seulement une institution sacrée et souveraine,
mais une politique et presque un symbole. Puisqu’il n’est pas seulement le fait, le droit, le juste,
il est aussi l’inévitable, le présent, tout l’avenir, l’honneur des multitudes, le gage des déshérités,
la réconciliation des classes, et la vie légale pour tous 409. À l’évidence, cette affirmation de
Jules Ferry prend tout son sens de nos jours, puisqu’au-delà de son universalité, le droit de
suffrage s’est enraciné dans les cultures de la quasi-totalité des États démocratiques et permet
au citoyen de participer à la vie politique de sa cité. Il devient dès lors impératif que, le
législateur mette à sa disposition, des mécanismes lui permettant de protéger personnellement
son suffrage, à travers un accès simplifié au juge.
Le contentieux électoral étant l’instrument dont disposent les électeurs pour dénoncer les
exactions et les violations liées à l’organisation et au déroulement des processus électoraux. Il
est appréhendé comme un enjeu de pouvoir, comme un phénomène de contestation politique
ou comme une technique juridique de règlement des contestations électorales, puisque la
validité des élections suppose que les résultats du scrutin ne soient entachés d’aucune
irrégularité. La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 énonce en son article 6 alinéa 1 que :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des
contestations sur ces droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle ». La Charte africaine des droits de l’Homme
et des peuples adoptée le 27 juin 1981 poursuit dans cette logique et stipule en ses articles 2 et
7 alinéa 1 (a) que toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et
garantis dans la Charte. Dès lors, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue et
peut saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux
qui lui sont reconnus et garantis par les Conventions, les lois, règlements et coutumes en
vigueur.
Cette disposition confirme la nécessité pour le citoyen de faire respecter ses droits, par la
saisine d’un organe habilité à connaître des irrégularités constatées pendant l’organisation ou le
409 FERRY J., « La lutte électorale en 1863 », in Discours et opinions de Jules Ferry, tome 1, Paris, 1983, p. 92, cité
par ROSANVALLON P. Le sacre du citoyen, op.cit. p. 450.
Le requérant, indifféremment appelé demandeur ou recourant, est celui qui se sent lésé
dans son droit, et qui saisit l’organe compétent pour réclamer un droit ou pour contester une
situation qu’il estime irrégulière. Il doit justifier d’un intérêt personnel qui lui octroie la qualité
et subséquemment, le droit de saisir les organes compétents. Selon le professeur Olivier
Gohin, le requérant est la personne qui, en vertu de son droit constitutionnel d’agir en justice
forme un recours dont la recevabilité est soumise au respect de certaines conditions
précises 412. La justification de la qualité pour agir est un moyen d’ordre public, et intervient en
amont ou en aval de la procédure, elle est soulevée à toutes les phases de la procédure, puisque
son défaut entraîne l’irrecevabilité du recours.
En matière électorale, les notions de qualité et d’intérêt pour agir sont quasiment
indissociables. Le droit de saisine n’est pas inhérent au droit fondamental d’accès au juge, et ne
peut être considéré comme une « liberté publique » qui donne de manière égale, un accès libre
Eu égard aux droits fondamentaux de participation et d’accès au juge, l’on observe que le
législateur reconnait de manière extensive, le droit de saisine à l’électeur, pour garantir ses
droits. Le professeur Narcisse Mouelle Kombi 414 affirme à ce sujet que l’accès au prétoire de
l’électeur s’appréhende à travers deux conceptions : la conception maximaliste, ouverte et
généreuse, conférant à l’électeur un regard absolu sur l’ensemble du processus électoral et
l’érigeant en agent plénier du contentieux électoral —élections municipales— 415, et celle
minimaliste voire quasi-inexistante dans le contentieux électoral —élections nationales—.
413 MOTULSKY H., Droit subjectif et action en justice, p. 95 cité par CADIET L., NORMAND J., AMRANI MEKKI S. La
théorie générale du procès, op. cit., p. 315.
414 MOUELLE KOMBI N., « Consultations électorales et respect de l’expression des citoyens », Revue africaine de
Politique Internationale, Afrique 2000, n°16, février 1994, p. 4-50.
415 Les articles 77 alinéa 3, 78 alinéa 3 et 81 alinéa 3, 189 alinéa 1, 114 alinéa 2 et 194 alinéa 1 du Code électoral,
accordent à tout électeur inscrit sur la liste électorale de la circonscription, le droit de saisir les organes
compétents dans le cadre du contentieux des opérations préélectorales, électorales et postélectorales.
La majorité se définit sous diverses acceptions en fonction de son objectif. Selon monsieur
Dominique Reynié, elle vise trois finalités : elle est une forme de procédure de décision ; une
forme du consentement, et l’expression de la souveraineté nationale. Ces finalités,
indissociables en raison de leur objet permettent au citoyen de s’exprimer en qualité d’individu
titulaire de droits inaliénables et sacrés, de décider et de choisir, de manière libre et éclairé son
représentant 416. La majorité électorale est définie comme l’âge légal qui octroie à une personne
l’aptitude d’exercer ses droits civils et politiques. Le droit camerounais distingue trois types de
majorité : la majorité civile, pénale et électorale ou politique. Notre propos se limitera à cette
dernière catégorie qui intéresse notre étude.
418 MICHON-TRAVERSAC A.-S., La citoyenneté en droit public, Paris, L.G.D.J., 2009, p. 243
419 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit., p. 672 ; LAGARDE P., « Nationalité », in Dictionnaire de la culture
juridique, op. cit. p. 1051-1056.
420 MOUELLE KOMBI N., « La condition juridique de l’électeur au Cameroun », op.cit., p. 61.
421 La situation d’exclusion des camerounais de la diaspora commence à trouver une lueur de solution en
juillet 2009. À l’occasion d’une visite en France, le président Paul BIYA avait promis de régler rapidement
les questions liées à la double nationalité et à la participation des camerounais de la diaspora aux élections
organisées sur le territoire camerounais. Cette promesse s’est concrétisée deux années plus tard à travers
l’adoption de la loi n°2011/013 du 13 juillet 2011 relative au vote des citoyens camerounais établis ou
résident à l’étranger d’une part, et la promulgation du décret n°20011/237 du 8 août 2011 portant sur les
modalités d’application de la loi n°2011/013 du 13 juillet 2011 d’autre part, dont les dispositions ont été
abrogées et remplacées par les articles 271 à 274 du Code électoral.
Cette évolution résulte des dispositions abrogées de la loi n°2011/013 du 13 juillet 2011 et de son décret
d’application du 08 août 2011, qui octroient un droit de vote partiel aux citoyens établis ou résidant à
l’étranger. Ainsi, conformément aux nouvelles dispositions de l’article 271 du Code électoral, les citoyens
camerounais établis ou résidant à l’étranger exercent leur droit de vote par la participation à l’élection du président de la
République et au référendum. Cette évolution quoique non négligeable, est considérée comme discriminatoire et
suscite des réactions de mécontentement de la part de certains acteurs politiques notamment, celle de
monsieur Mila Assouté, résidant en France, et candidat à l’élection présidentielle de 2011. Pour lui en effet,
ladite loi répare un tort fait à la Constitution, et vise à mettre fin à « l’apartheid électoral » qui a longtemps
prévalu, et qui excluait les citoyens de la participation politique pour des raisons de résidence. Lire sur cette
question, NGOUMA N., « Cameroun : Enfin le droit de vote pour les citoyens de la diaspora », in Africa
nouvelles, juillet 2011. Sources : http://www.africanouvelles.com/africains-de-la-diaspora/communautes-
africaines/817-cameroun-enfin-le-droit-de-vote-pour-les-camerounais-de-la-diaspora.html
RFI, « Cameroun : promulgation du décret autorisant la diaspora à voter »,
http://www.rfi.fr/afrique/20110809-cameroun; http://www.slateafrique.com/22427/elections-enfin-le-
droit-de-vote-pour-les-camerounais-de-la-diaspora. (Consulté le 16/09/2011).
422 CONTOGEORGIS G., « Le citoyen dans la cité », in Bertrand BADIE, Pascal PERRINEAU, (Dir.), Le Citoyen,
Paris, Presses de sciences Po, 2000, pp. 51-97.
423 Sur la définition de la condition juridique de l’électorat, lire Rousseau D., Droit du contentieux constitutionnel, op.
cit. p. 396-398.
424 Pour Léon DUGUIT, l’action se réduit à une demande en justice ; Gaston JÈZE pour sa part la considère
comme un pouvoir légal, objectif, dont la demande en justice est l’exercice. La pensée de Maurice
HAURIOU à contre courant des autres auteurs, ne définit pas la notion d’action, mais axe son étude sur les
conditions de recevabilité de celle-ci. Lire Études de procédure, p. 127-150.
430 Cette position s’applique de manière directe aux élections locales, considérées comme de proximité, et
intéressant de manière directe les intérêts locaux des citoyens. En effet, une lecture combinée des
articles 55 alinéa 2 de loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, puis 2 de la loi n°2009/011 du 10 juillet 2009
portant régime financier des collectivités décentralisées, et 3 alinéa 1 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004
fixant les règles applicables aux communes, permet de déterminer l’importance du rattachement territorial
dans la gestion des affaires de la localité. En revanche, l’on relève les données sont différentes pour ce qui
concerne les élections nationales, puisque les représentants bien qu’élus dans un cadre géographique
déterminé, agissent pour l’intérêt national. L’élection est « autonomisée » et « essentialisée », le représentant
n’est plus celui qui veut pour le peuple, mais celui qui est élu par le peuple. DAUGERON B., La notion
d’élection en droit constitutionnel : contribution à une théorie de l’élection à partir du droit public français, op. cit., p. 502.
431 Articles 275 alinéa 1.
432 Voir les arrêts n°96/CE du 17 juillet 2002, PDS, UFDC, SDF, UNDP contre État du Cameroun (Minat):
circonscription du Haut-Nkam ; Arrêt n°09/09/01-02 du 17 juillet 2002 SDF contre État du Cameroun (Minatd) ;
Jugement n°98/CE/2001-2001 du 05 septembre 2002 Monthe Nkouobite Jean candidat UFDC (CR de Bafang)
contre État du Cameroun (Minatd) et RDPC (intervenant volontaire).
Le droit de saisine visant un intérêt personnel se rapporte par ailleurs aux candidats.
Toutefois, ce droit est soumis au respect de certaines conditions qui déterminent leur qualité et
intérêt pour agir.
La candidature constitue un droit fondamental du citoyen par conséquent, elle est inhérente
à la démocratie représentative. Elle concourt ainsi au pluralisme politique et social, déclenche
le processus électoral et permet aux citoyens de choisir librement leurs représentants. La
433 DAUGERON B., La notion d’élection en droit constitutionnel : contribution à une théorie de l’élection à partir du droit
public, op.cit., p. 232.
434 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit., p. 147.
435 DEBBASCH C., BOURDON J., PONTIER J.-M., Lexique de politique, 7ème édition, Paris, Dalloz, 2001, 453 p.
436 EMERI Cl., « La candidature », in Dictionnaire du vote, op. cit., p. 143.
La saisine par les candidats est distincte selon l’objet de la contestation. Les candidats
peuvent agir directement dans le contentieux des opérations préliminaires et des opérations
électorales (A) ou indirectement par voie de représentation dans le contentieux des opérations
préparatoires (B).
Le statut juridique du candidat est soumis au respect des règles de fond et de forme qui
attestent de son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il prétend. En effet, l’acquisition du
statut de candidat obéit à des règles qui justifient la qualité et l’intérêt pour agir du candidat. Le
législateur accorde aux candidats un droit de saisine variable. Ce droit inhérent aux quatre
fonctions sus-énumérées, est réglementé de manière souple, puisque la loi électorale ne le
soumet pas à des conditions restrictives. Dès lors, l’on relève que les candidats justifient d’un
437 L’obligation d’être investi par un parti politique ne s’applique pas à l’élection du président de la République.
En effet, l’article 121 alinéas 1et 2 dispose que les candidats peuvent être indépendants à conditions d’être
présentés comme candidat à la présidence par au moins trois cents (300) personnalités originaires de toutes
les provinces, à raison de trente (30) par région et possédant la qualité soit de membre de l’Assemblée
nationale ou d’une chambre consulaire, soit de conseiller municipal, soit de chef traditionnel de premier
degré.
438 MIRANDA J., « Les candidatures dans les élections politiques », in Constitution et élections, A.I.J.C., 9 au
12 septembre 1996, p. 439-486.
Considérées comme des actes qui précèdent le scrutin proprement dit, les opérations
préliminaires constituées entre autres, des déclarations de candidatures, et de la campagne
électorale, jouent un rôle fondamental dans l’organisation des processus électoraux. Elles
participent à la consolidation du caractère démocratique de l’élection, et nécessitent
conséquemment la mise en œuvre des mécanismes adéquats qui en garantissent la régularité.
C’est dans cet ordre d’idées que le professeur Francis Delpérée écrit que c’est dans la
définition d’une opération électorale et des questions liées à son contrôle qu’une société
indique la conception qu’elle se fait de la démocratie, non seulement dans ses caractères
généraux, mais également dans ses modalités concrètes 442.
439 Articles 129, et 189 alinéa 1 des dispositions du Code électoral, applicables respectivement à l’élection du
président de la République et à celles des conseillers municipaux.
440 Articles 132 alinéa 3 et 194 alinéa 1 du Code électoral.
441 HÉRITIER A., « Le droit et la sincérité : à la recherche historique d’un couple ignoré », in La sincérité en droit,
op. cit., p. 32.
442 DELPÉRÉE F., Le contentieux électoral, Paris, PUF, 1998, p. 12.
443 L’évolution relevée la réglementation du contentieux des élections municipales se rapporte à la répartition
des compétences. En effet, la loi n°2006/010 du 29 décembre 2006 clarifie partiellement la compétence et
confie à la Chambre administrative de la Cour suprême la compétence de connaître en première instance et
en appel du rejet ou de l’acceptation d’une candidature ou d’une liste de candidature.
Cette compétence préalablement était attribuée par l’article 26 de la loi n°92/002 du 14 août 1992 à la
Commission communale de supervision ainsi, le juge administratif lorsqu’il était saisi du rejet ou de
l’acceptation d’une candidature d’une part ou des faits de campagne d’autre part, se déclarait incompétent et
rejetait le recours sur le fondement de l’article susvisé. Voir les jugements n° 36/96-97 du
05 décembre 1996, UNDP contre État du Cameroun (Commune rurale de Makary-Kousseri-Zina ; n°06/96-97 du
31 octobre 1996 Démocratie intégrale au Cameroun (DIC) contre État du Cameroun.
Dans un souci de limiter l’accès au prétoire et n’y faire intervenir que ceux qui ont un
intérêt personnel et direct, le législateur a énuméré de manière restrictive, le panel d’acteurs
jouissant du droit de saisine. Il en résulte que le droit d’action est refusé à une catégorie de
requérants, notamment aux associations, au président national d’un parti politique, au
mandataire d’un parti politique. Sous cet angle, le juge électoral, lorsqu’il est saisi par des
requérants qui se prévalent de cette qualité, rejette les recours pour défaut de qualité 444. Cette
attitude du juge électoral quoique respectueuse de l’esprit de la loi voulu par le législateur et
restreignant indiscutablement le droit d’accès au juge des citoyens, a concouru à un profond
réaménagement des règles procédurales, dont l’objectif était de procéder à une répartition
précise des compétences entre les organes impliqués, et de déterminer de manière précise, la
catégorie de personnes pouvant contester les opérations préliminaires.
À propos des opérations liées à la campagne électorale, l’on déplore l’imprécision qui
entoure cette phase du processus électoral. La contestation des faits de campagne autrefois
réglementée de manière imprécise 445, n’est pas prévue par le Code électoral. En effet, il
444 Voir les jugements n°31/01-02 du 02 septembre 2002, président national du parti politique UNDP, commune
urbaine de Yaoundé VI contre État du Cameroun (MINATD), RDPC ; n°33/01-02 du 03 septembre 2002,
président national de l’UNDP, commune rurale de Biyouha contre État du Cameroun (MINATD), RDPC (partie
intervenante) ; n°43/01-02 du 03 septembre 2002 président national de l’UNDP, commune rurale de Kette contre État
du Cameroun (MINATD) et RDPC ; n°39/2001-2002 du 03 septembre 2002 UNDP, commune rurale de
Yokadouma contre État du Cameroun (MINATD), RDPC ; arrêts n°06/CEL/07 du 07 juin 2007 DOUMBA
MAGA Sylvain RDPC contre État du Cameroun ; n°07/CEL/07 du 07 juin 2007 EGOH RINGO AKROBO
contre État du Cameroun etc.
Dans ces jugements, les requérants invoquant l’application d’une jurisprudence constante de 1996 de la
Chambre administrative en la matière, soutenaient que le recours devaient être déclarés recevables en dépit
du fait qu’ils ne sont pas introduits par les électeurs ou les candidats, mais par les partis politiques ou les
mandataires de ces derniers. Ils arguaient par ailleurs que l’interprétation de l’article 33 n’était pas limitative
et ne devait par conséquent pas interprété comme tel, puisque ce sont les partis politiques qui investissent
les candidats. Ainsi, sur le fondement des dispositions limitatives des lois électorales, le juge rappelle que les
qualités de requérant étant réservées aux personnes physiques, ni, le président d’un parti politique, ni le
mandataire du parti politique, ni le parti politique lui-même n’a qualité pour saisir le juge d’un recours.
445 Concernant le contrôle des faits de campagne, l’on observe que le mécanisme de sanction antérieurement
aménagé se limitait à conférer le droit de saisine aux victimes des faits diffamatoires qui ont la possibilité de
saisir les organes compétents, sans préjudices des poursuites contre l’auteur ou les complices. Cette garantie
considérée comme inefficace favorisait le manque d’enthousiasme des victimes des faits diffamatoires qui
ne l’exerçaient quasiment pas. La sanction des faits de campagne obéissait à deux moments : l’avant et
l’après de la proclamation des résultats.
Concernant l’élection des conseillers municipaux, l’article 28 alinéa 2 disposait que la commission locale de
supervision pouvait à défaut de la véracité de l’imputation, prononcer la disqualification de l’auteur des faits
discriminatoires. Lorsque la décision de la Commission intervenait après la proclamation des résultats, le
Conseil électoral la transmettait au juge administratif pour disqualification éventuelle du candidat élu.
À l’égard des élections nationales, le conseil constitutionnel, juge de la régularité des élections des députés à
l’Assemblée nationale et du président de la République pouvait prononcer la disqualification de l’auteur des
faits discriminatoires avant la proclamation des résultats. Lorsque sa décision intervenait après la
proclamation des résultats, le Conseil constitutionnel pouvait prononcer l’inéligibilité de l’auteur des faits
diffamatoires.
446 Le juge administratif sanctionnait par une irrecevabilité pour défaut de qualité, les recours portés devant lui
par les mandataires, les partis politiques, les présidents des partis politiques, les associations. Il arguait en
effet que « le législatif a délibérément voulu être limitatif dans sa conception de l’article 33 et que toute
tentative de violer cette conception en incluant d’autre catégories de personnes pouvant agir devant le juge
administratif en vertu de l’article 33, en dehors des électeurs ou des candidats, serait contraire à l’intention
voulue du législateur en même temps qu’il serait contraire à l’esprit de la loi ainsi conçue pour régler le
contentieux électoral pour les élections municipales. (…) Attendu qu’en ouvrant une brèche aux catégories
de personnes telles que les mandataires, partis politiques, présidents nationaux des partis politiques comme
ayant le droit d’ester en justice alors qu’ils ne justifient pas de leur qualité d’électeurs ou de candidats, la
chambre administrative [méconnait] les principes qui sous-tendent la doctrine de séparation des pouvoirs,
Les dispositions du Code électoral accordent de manière expresse le droit de saisine aux
mandataires, ceux-ci peuvent agir au nom du requérant. Il est de la sorte nécessaire, de
circonscrire la notion de mandataire en matière électorale et de préciser le champ d’action que
lui confère son mandat de représentation.
mais [se permet] volontairement d’assumer et d’exercer à tort des attributions qui ne sont pas les siennes, à
savoir légiférer, dénaturant ainsi le sens et la portée légale des dispositions de l’article 33 ».
Voir à ce sujet, les jugements n°106/CE/01-02 du 05 septembre 2002, TCHOUYAWE NGASSA Samuel
mandataire de l’UFDC commune rurale de Kekem contre État du Cameroun (MINATD) et le RDPC ; n°
115/CE/01-02 du 05 septembre 2002, SDF commune rurale de Bamougoum contre État du Cameroun (MINAT) et
le RDPC ; n°108//01-02 du 05 septembre 2002, TASSING Nicolas Yves Grégoire (SDF) contre État du
Cameroun et le RDPC (Partie intervenante); n°113/CE/2001-2002 du 05 septembre 2002, UDC commune
urbaine de Bafoussam contre État du Cameroun (MINAT) et le SDF.
447 Définition tirée du Dictionnaire du vocabulaire juridique, 2ème édition, Paris, LexisNexis Litec, 2004, 401 p.
448 CADIET L., NORMAND J.,AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 741.
449 Le mandataire doit justifier de son mandat par la production d’un acte authentique ou d’un acte sous seing
privé légalisé par l’autorité compétente. Ces conditions ne s’imposent cependant pas à l’avocat. Le
mandataire peut à cet égard signer les requêtes et mémoires aux lieu et place du mandant, il reçoit les
convocations et les notifications adressées au mandant.
Le droit de saisine visant un intérêt personnel porte sur toutes les phases du processus
électoral. Toutefois, l’on observe que cette saisine est complétée par la mise en œuvre d’une
saisine visant l’intérêt général dont l’objectif est de garantir la sincérité des processus
électoraux.
450 Lire relativement à la présentation de la journée d’études, MATHIEU B., « L’intérêt général comme norme
constitutionnelle », in cahiers du Conseil constitutionnel, Paris I, 2006, p. 3, [en ligne], http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mm/pdf/Conseil/mathieu.pdf, (consulté le
15/10/2011).
451 MATHIEU B., ibid.,p. 3.
452 TRUCHET, D., La fonction de l’intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d’État, Paris, L.G.D.J., coll.
Bibliothèque de droit public, tome 125, 1977, p. 19.
Le droit de saisine accordé aux partis politiques découle du caractère spécifique de leur
statut juridique, puisqu’ils sont considérés comme une association qui concourt à l’expression
du suffrage au sein de la société. Selon le professeur Alain Didier Olinga, l’existence des partis
politiques découle de leur unique vocation constitutionnelle et légale à savoir, concourir à
l’expression du suffrage à travers leur participation à la compétition électorale 456. L’action des
partis politiques porte sur les opérations préparatoires, préliminaires et électorales. Par ailleurs
l’on relève que la saisine peut être exercée directement par le parti politique qui intervient en
qualité de requérant (A) ou indirectement en appui d’une autre partie demanderesse ou
défenderesse au moyen de l’intervention volontaire (B).
Les partis politiques sont considérés comme une association. Ainsi, ils sont soumis aux
règles qui régissent la création, l’organisation et le fonctionnement de toute association.
L’article 2 de la loi n°90/053 relative à la liberté d’association, dispose que « l’association est
une convention par laquelle des personnes mettent en commun leurs connaissances ou leurs
activités dans un but autre que de partager les bénéfices ». Il s’ensuit que, seul pourrait être
considéré et reconnu comme un parti politique, tout regroupement dont l’activité ou l’intérêt
ne va pas à l’encontre des dispositions légales. La création d’un parti politique doit ainsi
respecter les conditions de forme et de fond prescrites relatives à sa constitution telles
qu’énumérées par les articles 4 à 11 de la loi n°90/053 susvisée 462. La demande de
constitution d’un parti politique est acceptée lorsque le dossier y relatif remplit les règles
prescrites par la loi. À cet égard, le ministre de l’administration territoriale et de la
décentralisation compétent accorde son autorisation par notification à l’intéressé de
l’acceptation ou du rejet de sa demande. La décision de refus de légalisation du parti politique
peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif 463. Cependant, lorsqu’elle est
accordée, la légalisation du parti politique lui confère une personnalité juridique, lui permettant
de jouir des droits inhérents à son existence, notamment le droit de saisir les organes
compétents pour contester une situation ou revendiquer un droit 464. Cependant, la légalisation
des partis politiques n’est pas suffisante pour exercer le droit à l’action reconnu. Les partis
politiques doivent remplir une condition complémentaire relative à la justification d’un intérêt
pour agir.
461 Les lois n°90/053 et n°90/056 relatives à la liberté d’association et aux partis politiques consacrent la
liberté de création et d’adhésion au parti politique de son choix. Les articles 1 et 2 de la loi n°90/056 du
19 décembre 1990 relative aux partis politiques disposent que les partis politiques sont des associations qui
concourent à l’expression du suffrage. Ainsi, ils se créent et exercent librement leurs activités dans le cadre
de la Constitution et de la loi qui les régit.
462 Aux termes de ces articles, ne peut être autorisé tout parti politique qui ne dépose une demande incomplète
et fournit pas entre autres, les informations précises relatives à son identité, sa profession, le domicile de
ceux qui sont chargés de la direction ou de l’administration d’une part, et qui porte atteinte à l’intégrité
territoriale, à l’unité nationale et à la forme républicaine de l’État, à la souveraineté nationale notamment,
par toutes sortes de discriminations basées sur les tribus, les provinces, les groupes linguistiques ou les
confessions religieuses, ; prône le recours à la violence ou envisage la mise sur pied organisation militaire ou
para-militaire ; reçoit les subsides de l’étranger ou dont l’un des dirigeants statutaires réside à l’étranger ;
favorise la belligérance entre les composantes de la nation ou entre les pays d’autre part.
463 L’article 7 alinéa 2 de la loi relative aux partis politiques pose la nécessité de motiver les décisions de rejet
des demandes de constitution ou de légalisation des partis politiques. L’absence de motivation entraîne
l’annulation de celle-ci pour excès de pouvoir. Par ailleurs, l’on note que le silence gardé par l’autorité
administrative pendant trois (03) mois à compter de la date du dépôt du dossier équivaut à la
reconnaissance implicite de l’existence légale du parti.
464 Articles 78 alinéa 3, 81 alinéa 2 du Code électoral.
465 Cette prétention de conquête et d’exercice du pouvoir, selon le professeur SEILER s’inscrit dans trois
logiques fondamentales à savoir : « la logique du projet » qui est le fait de conquérir le pouvoir au nom de
l’intérêt général ; « la logique de l’organisation » qui intéresse des personnes qui décident volontairement de
s’organiser et de se doter de moyens nécessaires en vue de l’atteinte de leur objectif, à savoir accéder au
pouvoir ; et enfin la « logique de la mobilisation » qui constitue le « la masse de manoeuvre que le parti s’est
assigné, le vaste contingent des appelés … ». SEILER, D.-L., op. cit., p. 23
466 KAMTO M., L’urgence de la pensée : Réflexions sur une précondition du développement en Afrique, Yaoundé, Mandara,
p. 166.
Outre la voie d’action à travers les mandataires, les partis politiques ont la possibilité d’agir
au moyen de l’intervention volontaire qui leur permet de participer à l’instance non à titre
principal, mais en qualité de tiers, dans une action engagée par des parties originaires.
L’article 66 du nouveau code de procédure civile français définit l’intervention comme une
« demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties
originaires ». La jurisprudence la considère comme une extension du procès à un tiers qui
devient partie d’une instance née de la demande originaire 477, et qui justifie d’un droit auquel
la décision à rendre est susceptible de préjuducier 478.
475 MÉJEAN CH., La procédure devant le tribunal administratif, Paris, Dalloz, 1949, p. 169.
476 MÉJEAN CH., La procédure devant le tribunal administratif, ibidem., p. 169.
477 GOHIN O., « Intervention » in Répertoire du contentieux administratif, Dalloz, avril 2000, 17 p.
478 La recevabilité de l’intervention volontaire dans le contentieux subjectif de pleine juridiction en France est
soumise à la justification d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige. Voir les arrêts, CE
sect., 15 juillet 1957, Ville de Royan : Rec. CE 499 Jurisprudence de principe Ville de Royan ; RD publ. 1958, 109,
concl. Lasry ; AJDA 1959, II, 393, chron. Fournier et Braibant, cité par GOHIN O. Le contentieux électoral, op. cit.,
p. 211
²En matière électorale l’intervention est soumise à restriction quant à la présentation des moyens et à
l’intérêt (CE 22 déc. 1972, élections municipales de Sainte Eulalie d’Ans, req. no 83949, Lebon 1106).
479 Article 88 de la loi n°75-17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême statuant en
matière administrative.
480 Arrêts n°83/A/03-04 du 19 avril 2004, affaire Union Démocratique du Cameroun (UDC), État du Cameroun
(Minatd) (commune rurale de Foumbot) contre État du Cameroun (Minatd), UDC ; n°84/A/03-04 du
19 avril 2004, affaire Moussi, candidat du RDPC, RDPC, dame Ngon Batamake épouse Sende Georgette, candidat
de l’UPC, État du Cameroun, (commune rurale de Messondo) contre les mêmes parties ; n°66/A/03-04 du
19 avril 2004, affaire Baïring Edmond (candidat du RDPC), Banmou David (candidat du RDPC), État du cameroun
(commune rurale de Gudiguis), contre État du Cameroun (Minatd) et ADD.
481 Le droit de contester les opérations électorales est ouvert à tout candidat, tout parti politique ayant pris part
à l'élection ou toute personne ayant qualité d'agent du gouvernement pour l'élection.
Le Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’élection présidentielle du 09 octobre 2011, a rejeté plusieurs
recours en intervention volontaire pour défaut d’objet, en raison non de l’exclusion de cette voie d’action,
mais pour des motifs divers tels que le défaut de précision des faits et moyens, l’incompétence du Conseil
constitutionnel, etc.
Décisions n°s 21/CEP/11 du 19 octobre 2011, affaire Ekindi Jean-Jacques (MP) contre Elecam et RDPC ;
22/CEP/11 du 19 octobre 2011, affaire CAHPAM contre Elecam ; 26/CEP du 19 octobre 2011, affaire Bernard
Achuo Muna. (A.F.P.) contre Elecam etc.
482 Dans une espèce du 12 novembre 1981, A.N., Tarn et Garrone, 2ème circonscription a rejeté la demande de monsieur
Jacques Briat visant à intervenir dans l’instance engagée par la requête de madame Régine Flament, aux motifs
que la procédure d'intervention n'est pas prévue par les textes qui régissent le contentieux des élections
législatives, en l’occurrence l’article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 qui dispose que « le droit de
contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales ou les listes
L’élection dans sa totalité est une opération qui intéresse l’ordre public. Pour cette raison, le
législateur étend le droit de saisine à l’Administration dont le rôle régalien qui se rapporte à
l’organisation et la supervision des processus électoraux et concourt à la recherche de
l’authentique expression de la volonté des électeurs d’une part et le rehaussement de l’acte
électoral que l’on décrit désormais comme une coquille de plus en plus vide, car source de
tensions au sein des sociétés 484.
L’Administration est agrégée à l’État, elle est constituée par l’ensemble des autorités qui
forment le pouvoir exécutif et les services dont il dispose 487, et concourt à son organisation et
son fonctionnement. Placée sous l’autorité d’un ministre, assisté d’un ministre délégué chargé
électorales consulaires de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux personnes
qui ont fait acte de candidature ».
483 Décision n° 81-902/918/933 AN du 12 novembre 1981, A.N., Tarn-et-Garonne (2ème circ.), [en ligne] site :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-
date/decisions-depuis-1959/1981/81-902/918/933-an/decision-n-81-902-918-933-an-du-12-novembre-
1981.110030.html, (consulté le 10/11/2011).
484 Lire à ce sujet DURAND O., « L’acte électoral entre sacralisation et indifférence », in A quoi bon aller voter
aujourd’hui ?, op cit., p. 9-30.
485 GUGLIELMI G. J., « Administration », in Denis ALLAND et Stéphane RIALS (Dir.), Dictionnaire de la culture
juridique, op.cit., p. 26-28.
486 WALINE J., Droit administratif, 26ème édition, Paris, Dalloz, 2016, p. 69. Lire par ailleurs, CORNU G.
« Administration », in Vocabulaire jurdique, op.cit., p. 33-34.
487 DE LAUBADÈRE A., VENEZIA J.-Cl., GAUDEMET Y., Traité de droit administratif, tome1, 14ème édition, Paris,
L.G.D.J., 1996, p. 59.
488 HÉRITIER A., « Le droit et la sincérité-à la recherche historique d’un couple ignoré », op.cit., p. 31.
L’analyse du cadre procédural avant l’adoption du Code électoral révèle une implication
considérable de l’autorité administrative dans la garantie de la régularité et la sincérité des
scrutins. En effet, l’analyse des dispositions des lois antérieures, notamment celles relatives à
l’élection du président de la République, des députés à l’assemblée nationale et des conseillers
municipaux 490 permet d’établir que l’Administration constituait la plaque tournante des
processus électoraux.
Outre son rôle d’organisateur des élections avant la création d’Elecam, l’Administration
disposait d’un droit de saisine étendu lui permettant de contester les opérations préélectorales
et électorales. Concernant les opérations préélectorales, il convient de remarquer que le champ
d’action de l’Administration était variable. Celle-ci agissait par l’intermédiaire des commissions
de révision des listes électorales et les sous-préfets d’une part 491, et des préfets d’autre part 492,
à l’effet de contester les irrégularités constatées dans l’organisation des opérations
préparatoires, notamment celles relatives à l’établissement de la liste électorale. A contrario,
489 LAMOUROUX S., Le contentieux des actes périphériques en matière électorale, op.cit., p. 7.
490 Lois n°2001/002 du 06 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°97/020 du
9 septembre 1997 et n°92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance à la
présidence de la République ; n°91-20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection des députés à
l’Assemblée nationale, modifiée et complétée par la loi n°97-13 du 19 mars 1997 et par celle n°2006/009
du 29 décembre 2006 ; n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux, modifiée et complétée par la loi n°2006/010 du 29 décembre 2006.
491 Les articles 40 et 26 alinéa 3 respectivement des lois n°92/010 du 09 septembre 1992 et n°91/020 du
16 décembre 1992 fixant les conditions d’élection du président de la République et des députés disposent
que : « lorsqu'un électeur est inscrit sur plusieurs listes électorales, le sous-préfet (…) peut exiger, devant la
commission de révision, huit (8) jours au moins avant la clôture, que cet électeur opte pour son maintien
sur l'une seulement de ces listes. Les réclamations et les contestations à ce sujet sont jugées et tranchées par
la commission saisie par le sous-préfet ou la commission qui est compétente pour opérer la révision de la
liste électorale sur laquelle figure l'électeur qui réclame l'option. »
492 Le déféré préfectoral est défini comme l'acte par lequel le préfet défère au tribunal administratif les
décisions des collectivités territoriales qu'il considère comme illégales, cela dans le cadre du contrôle
administratif exercé par l'État sur les collectivités.
Les articles 43 alinéa 2 et 59 alinéa 2 disposent que le préfet, doit déférer dans un délai de trois (03) jours, le
tableau concernant les additions ou les retranchements des noms des électeurs, lorsque les formalités et
délais prévus par la loi ont été méconnus. L’analyse des dispositions susvisées permet de relever le caractère
impératif rattaché à l’action des préfets. Contrairement à l’action des commissions électorales et des sous-
préfets qui peuvent saisir les organes compétents, l’on observe que le législateur, par l’emploi du verbe
« devoir », impose aux préfets de saisir les commissions départementales aux fins de sanctionner la violation
des prescriptions législatives.
Les agents de gouvernement sont de la sorte, définis comme des individus désignés par les
gouvernants, pour intervenir dans le domaine du droit subjectif qui relève de leur compétence.
Cependant, ces agents ne peuvent à ce titre, s’immiscer dans le domaine du droit objectif
504 MINISTÈRE DES DOMAINES ET DES AFFAIRES FONCIÈRES, Manuel du représentant de l’État devant les instances
judiciaires, op.cit. p. 34.
505 GONOD P., MELLERAY F., YOLKA Ph. (Dir.), Traité de droit administratif, tome 1, Paris, Dalloz, 2011, p. 124.
506 HÉRITIER A., « Le droit et la sincérité-à la recherche historique d’un couple ignoré », op.cit. p. 31.
507 GHEVONTIAN R., « La sincérité du scrutin, in La sincérité en droit, op.cit., p. 165.
508 Aux termes de l’article 43 alinéa 1 susvisé, « les administrations de l’état apportent leur collaboration et leur
appui à Elections Cameroon dans le cadre de l’exécution des missions qui lui sont assignées (…) en cas de
défaillance ou de dysfonctionnement d’Elections Cameroon, le président de la République prend des
mesures qu’il juge nécessaires pour y remédier (…) ».
509 Articles 118 alinéa 2 et 158 alinéa 2 du Code électoral.
L’action des acteurs électoraux est sous-tendue par le souci de conforter le statut du peuple
que le professeur Dominique Rousseau considère comme fondement et ligne de faille du
système représentatif 510, puisqu’il participe à la légitimation des élus. Le professeur Georges
Wiederkehr écrit dans cette logique que « l’action n’est pas ouverte à celui qui prétend la
fonder sur un intérêt illégitime » 511. Les notions de qualité et d’intérêt pour agir étant
indissociablement liées, le législateur prédéfinit de manière limitative les personnes habilitées à
saisir les organes compétents, et soumet leur saisine à la réclamation d’un droit ou la
contestation d’une situation irrégulière.
Bien qu’ouverte dans l’ensemble, la saisine des organes compétents est cependant
inégalement attribuées aux requérants. Le droit de contester les opérations préparatoires
devant les organes non juridictionnels est reconnu de manière extensive aux électeurs, aux
partis politiques, et à tout mandataire d’un parti politique ou d’un candidat. À l’inverse, l’on
remarque qu’il en va différemment selon que le litige est porté devant la Juridiction
administrative 512 ou devant le Conseil constitutionnel 513.
510 ROUSSEAU D., « De la démocratie continue », in ROUSSEAU D.(Dir.), La démocratie continue, Paris, LGDJ-
Bruylant, 1995, p. 6.
511 WIEDERKEHR G., « La légitimité de l’intérêt pour agir », in Mélanges en l’honneur de Serges Guinchard : justices et
droit du procès du légalisme procédural à l’humanisme processuel, Paris, Dalloz, 2012, p. 877-883.
512 Le droit de contester les opérations préliminaires est reconnu aux candidats, au mandataire de la liste ou de
toute autre liste ainsi qu’à tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune. En revanche,
concernant le contentieux des opérations électorales, le législateur limite le droit de saisine à trois catégories
de personnes, l’électeur, le candidat et toute personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour
l’élection en cause.
513 Le contentieux des élections nationales exclut l’électeur de la saisine. Ainsi, ne peuvent agir que les acteurs
qui sont directement impliqués dans l’élection, notamment, tout candidat, tout parti politique et toute
personne ayant qualité d’agent de Gouvernement pour l’élection en cause.
514 DEBOUY CH., Les moyens d’ordre public dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 345.
515 RIVERO J., WALINE M., Droit administratif, 21ème édition, Paris, Dalloz, 2006, p. 533.
516 CABRILLAC (Dir.), in Dictionnaire du vocabulaire juridique, op. cit., p. 12.
517 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13ème édition, Paris, Montchrestien, 2008, p. 368.
518 SINDJOUN L., « Esquisse de théorie du droit administratif camerounais (à propos du droit administratif
processuel du professeur Maurice Kamto) », op.cit., p. 324.
519 JAHEL S., « fin de non-recevoir et ordre processuel », in Justices et droit du procès : du légalisme procédural à
l’humanisme processuel, Paris, Dalloz., 2010, p. 723-730.
Considéré comme une « tendance générale dans une législation, à multiplier les formalités
dans la formation des actes juridiques ou l’exercice des droits, soit à des fins de preuve, soit à
des fins de publicité, soit à peine de nullité 522. La notion de forme quant à elle s’entend
comme toute façon d’agir, toute manière de procéder qui préside à l’accomplissement d’un
acte juridique ou au déroulement d’une série d’actes, à peine de nullité absolue 523, comporte
plusieurs acceptions ayant trait à la configuration extérieure, l’apparence reconnaissable ou
l’état sous lequel l’on perçoit une chose. La forme peut dès lors s’appréhender comme la
manière d’exprimer, de présenter quelque chose 524. Le dictionnaire du vocabulaire juridique
définit la forme comme une règle de procédure qui gouverne la « manière dont doit être
présentée, extériorisée une situation, une opération juridique, indiquant les formalités qui
doivent être accomplies » 525. En effet, le principe selon lequel « la forme prime sur le fond »
est à la base de la recevabilité de tout recours. Dans une espèce du 1 er février 1985, le juge
administratif camerounais a relevé le caractère impératif de la forme d’un recours en affirmant
qu’il est de tradition devant les juridictions administratives, d’examiner successivement les
questions de compétence, puis celles de procédure, et enfin le fond de l’affaire. L’accent mis
sur la nature procédurale du recours permet de ne plus se limiter au droit qui sous-tend la
saisine de l’organe compétent, mais de s’assurer du respect du formalisme procédural prévu
par le droit positif. Dans l’affaire Tonye Billong Joseph CS/CA jugement n°110 du 07 juillet 2004,
L’examen du recours devant un organe compétent est soumis au respect des exigences liées
à sa recevabilité, notamment celles relatives à sa présentation formelle. Pour le professeur
Alexandre Ciaudo, « la plupart des conditions formelles d’introduction des recours érigées à
peine d’irrecevabilité a pour objet de permettre au juge d’identifier le litige qui lui est
soumis » 527. Le professeur Maryse Deguergue quant à elle écrit que « l’examen de la
recevabilité vise à contrôler le respect des règles de forme et de procédure que le requérant
doit suivre, autant dans la présentation formelle de la requête que dans la manière d’introduire
le recours choisi. » 528. Le formalisme relatif à la recevabilité formelle du recours se rapporte à
cet effet comme l’affirme le professeur Bernard Pacteau, à sa présentation (§ I), et au respect
des délais dans lesquels il doit être introduit (§ II) 529.
526 Voir les affaires, 1er février 1985 Sende Joseph, CS/CA jugements n°110 du 07 juillet 2004, Tonye Billong
Joseph ; n°12 du 02 septembre 2002, Dang A Ziem (candidat SDF commune rurale de Bafia) contre État du
Cameroun ; n°113/CE/2001-2002 du 05 septembre 2002, UDC (commune urbaine de Bafia) contre État du
Cameroun (Minat) et SDF.
527 CIAUDIO A., L’irrecevabilité en contentieux administratif français, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques,
2009, p. 481.
528 DEGUERGUE M., Procédure contentieuse administrative, Paris, Montchrestien, 2003, p. 163.
529 PACTEAU B., Manuel de contentieux administratif, 3ème édition, Paris, PUF, 2013, p. 110 et 149.
530 DE DAVID BEAUREGARD-BERTHIER O., « Le contrôle du détournement de procédure en matière
d'élaboration des lois », Revue française de droit constitutionnel 2009/3 - n° 79, P.U.F, p. 451- 476.
531 La procédure administrative en apparence moins formaliste est essentiellement écrite. L’on note que c’est la
jurisprudence administrative qui est à l’origine de la distinction faite entre les formalités substantielles et
celles accessoires ou non substantielles. Les premières sont essentielles et leur méconnaissance est
sanctionnée par une nullité, puisqu’elles exercent une influence sur la validité de l’acte. A contrario, les
secondaires peuvent être régularisées, puisque leur inobservation n’invalide pas l’acte en cause. Voir les
développements de l’extrait sur le formalisme et le droit processuel, op. cit., p. 2.
532 Le formalisme en droit privé est très rigoureux dans la mesure où il concourt à la fois la garantie de la
liberté civile des individus et celle d'une bonne justice. Le formalisme et le droit processuel, ibidem, p. 3.
533 L’article 3 de la loi n°17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême statuant en
matière administrative prévoit la consignation d’une provision de 15 000 francs pour toute requête
introductive d’instance, sauf dispense expresse par une loi.
L’article 24 du code de procédure civile et commerciale dispose que « hormis les cas d’assistance judiciaire,
le demandeur est tenu avant toute instance de consigner au greffe de la juridiction qu’il entend saisir une
somme suffisante pour garantir le paiement des frais, enregistrement compris. »
534 En matière administrative, les articles 4 et 5 de la loi n°17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la
Cour suprême statuant en matière administrative disposent que la requête introductive d’instance doit
contenir les noms, prénoms, profession et domicile du demandeur, la désignation du défendeur, l’exposé
des faits qui servent de base à la demande ; les moyens et l’énumération des pièces produites à l’appui de la
demande. Elle est libellée sur papier timbré et signée par son requérant ou son mandataire (…) si le recours
est dirigé contre une décision d’une autorité administrative, il est accompagné d’une copie de cette décision
(…).
L’article 19 du Code de procédure civile et commerciale camerounais dispose que les parties peuvent saisir
la juridiction compétente par requête et plaider sur mémoires.
L’article 20 complète cette disposition et relève la nécessité de remplir les conditions liées à la présentation
formelle de la requête introductive d’instance. Celle-ci doit contenir des mentions prévues à l’article 6 du
texte précité, relatives aux dates des jours, mois et an, nom, profession et domicile du demandeur ; aux
noms, demeure et matricule de l’huissier ou l’agent d’exécution, nom et demeure du défendeur, et mention
de la personne à laquelle copie de l’exploit sera laissée ; à l’objet de la demande, l’exposé sommaire des
moyens ; à l’indication du tribunal qui doit connaître de la demande, la date etc.
535 GAZIER F., « Principes généraux de la procédure administrative contentieuse », Répertoire du contentieux
administratif, Dalloz, oct. 1998, 16 p., p. 1.
536 SINDJOUN L. « Esquisse de théorie du droit administratif camerounais (à propos du droit administratif
processuel du professeur Maurice Kamto) », op.cit., p. 324.
537 Lire à ce propos les articles 80, 130, 134 et 295 alinéa 1 du Code électoral camerounais du 13 avril 2012.
538 La théorie des formalités substantielles développée par le droit administratif s’étend à d’autres disciplines,
en l’occurrence au contentieux électoral. Elle permet de distinguer les formalités comme une simple forme
sans influence sur la décision et celles dont la méconnaissance influe de manière déterminante sur le sens de
la décision.
539 DE LAUBADÈRE A., VENEZIA J.-Cl., GAUDEMET,Y., Traité de droit administratif, tome1, 14ème édition, Paris,
L.G.D.J., 1996, p. 680.
Le recours est l’acte par lequel les parties saisissent l’organe compétent pour lui soumettre
une question qui nécessite une réponse de droit. Au-delà de ses différentes dénominations, il
convient de mentionner que cet acte introductif d’instance doit permettre l’identification des
parties. En effet, l’identification est indispensable, puisqu’elle permet de déterminer la qualité
et l’intérêt du requérant, et exclure du prétoire ceux qui n’en jouissent pas 542. Les parties 543
sont considérées comme les demandeurs, défendeurs, et accessoirement les intervenants
volontaires. Les mentions indispensables à l’identification des parties sont énumérées de
manière disparate par divers textes juridiques. La combinaison des articles 35 et 120 de la loi
n°2006-022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux
administratifs ; 76 alinéa 1 et 144 544 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant
540 Par formalité substantielle, on entend « une règle de procédure obligatoire dont la méconnaissance totale ou
partielle soit exerce une influence sur le sens de la décision dont elle régit l’édiction, soit prive les intéressés
d’une garantie ». Définition tirée d’un extrait consacré à la légalité externe des actes administratifs, [en
ligne], site : www.e-campus.uvsq.fr/claroline/backends/download.php?url... p. 23/58.
541 ODENT R. La procédure d’élaboration des actes administratifs en droit français. [En ligne], www.aca-
europe.eu/colloquia/1968/france-2.pdf . 17 p., p. 1.
542 Dans un jugement n°094/CE/06-07 du 12 juin 2007, Ngompe Jean contre État du Cameroun (Minatd), le juge
sanctionne le recours du requérant par une irrecevabilité aux motifs qu’il n’a pas la qualité pour agir,
puisque le recours collectif est irrecevable. Cette position est moins rigide dans le contentieux administratif.
L’article 33 de la loi n°2006/022 fixant l’organisation des tribunaux administratif prévoit une exception
lorsque le recours collectif est dirigé contre un acte indivisible.
543 Au Cameroun, la notion de parties est complexe. Si la définition de la notion de demandeur, encore appelée
requérant est en apparence simple, celle de défendeur révèle une complexité entretenue par les divers
aménagements institutionnels intervenus avec la création d’Elecam. Avant la création d’Elecam, les parties
à l’instance se limitaient au requérant et à l’État du Cameroun (Minatd) chargé d’organiser les processus
électoraux. Désormais, le contenu de la défense s’est développé, et fait intervenir Elecam (structure
indépendante chargée d’organiser et de superviser les processus électoraux et référendaires) et l’État du
Cameroun (Minatd), eu égard à sa mission régalienne relative dans le domaine de l’administration du
territoire.
544 Les dispositions de cet article abrogent toutes dispositions antérieures contraires à la présente loi,
notamment l’ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la cour suprême, les lois n°s
75/16 du 08 décembre 1975 fixant la procédure et le fonctionnement de la Cour suprême ; 76/28 du
14 décembre 1976 modifiant et complétant certaines dispositions de l’ordonnance n°72/06 du
En matière électorale a contrario, la position du juge est fluctuante. Considéré comme le juge
de « l’incidence déterminante sur le résultat du scrutin », le juge électoral délaisse très souvent
ce principe cardinal que le professeur Jean-Claude Tcheuwa considère à raison comme
« principe déterminant du droit et du contentieux électoral », pour s’adonner à d’autres
considérations évanescentes qui ne lui permettent pas toujours de garder en esprit, la quête
d’un équilibre entre formalisme rigide et garantie de la sécurité juridique d’une part, et
formalisme et simplification des procédures d’autre part 548. C’est ainsi qu’il sanctionne
rigoureusement les recours qui ne permettent pas d’identifier à suffisance le demandeur. Il les
26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour suprême ; 75/17 du 08 décembre 1975 fixant la procédure
devant la Cour suprême statuant en matière administrative.
545 PIETRI J-P., « La régularisation des requêtes devant le juge administratif », in Gouverner, administrer, juger,
Mélanges offerts à Liber Amicorum, Jean Waline, Paris, Dalloz, 2002, p. 695-710.
546 Peuvent faire l’objet d’une régularisation, le versement d’une consignation supplémentaire ordonnée par le
président de la juridiction en cas de nécessité— cette hypothèse ne concerne pas la matière électorale,
puisque la procédure contentieuse est gratuite — ; le défaut de timbre sur la requête, ou de signature du
requérant ou de son mandataire ; etc.
547 Article 35 alinéa 2. Cette disposition brille par ailleurs par sa flexibilité, puisque le législateur accorde au
requérant illettré qui n’a pas de mandataire et ne peut signer, d’apposer son empreinte digitale sur la
requête.
548 Lire à ce sujet, TCHEUWA J.-Cl., « Droit étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op. cit., p. 1-29.
L’examen d’un recours nécessite, outre le respect des formalités relatives à l’identification
de la requête et des parties, mais également celles ayant trait à l’objet du recours.
549 TCHEUWA J.-Cl., « Droit étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral camerounais : à propos
de « l’influence significative sur le résultat du scrutin », ibid, p. 6.
550 FEYEREISEN M., GUILLOT J., SALVADOR S., Procédure administrative contentieuse, Luxembourg, Promoculture,
2006, p. 242.
551 Selon le professeur DUPUIS, la forme concerne l’écrit, "l’instrumentum" : elle concerne la date, les visas, les
motifs la présentation en articles, la forme exécutoire, les signatures et les contreseings (…). A contrario, la
procédure est relative "au negotium" qui est l’ensemble des faits et gestes de l’auteur de l’acte, l’ensemble
des délais à respecter, les droits de la défense (…). DUPUIS G., Sur la forme et la procédure de l’acte administratif,
Paris, Economica, 1979, p. 9.
Nonobstant le silence de la loi électorale sur la forme des recours en appel devant la
Chambre administrative 557, il convient de relever que le formalisme qui y est rattaché est
strictement défini. En effet, au regard des dispositions des articles 74 et 76 de la loi
n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour
suprême, l’appel est fait par déclaration au greffe de la juridiction inférieure en matière de
contentieux dont émane la décision attaquée, par le demandeur en personne, par son avocat
ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial à peine d’irrecevabilité. Le greffier qui le reçoit
enregistre l’appel dresse le procès-verbal et en délivre une expédition au demandeur, et lui
notifie par écrit des délais auxquels il est soumis pour déposer son mémoire. Ce dernier doit
contenir les éléments permettant l’identification aussi bien du recourant que du recours, en
l’occurrence les noms et prénoms, profession et domicile de l’appelant, l’exposé des faits qui
552 Le professeur Bernard PACTEAU considère la procédure contentieuse administrative comme principalement
écrite. Cette prédominance étant justifiée par un souci de rationalisation du procès administratif. PACTEAU
B., Traité de contentieux administratif, 1ère édition, Paris, PUF, 2008, p. 302.
553 Terme employé par Roger Gabriel NLEP in L’administration publique camerounaise « contribution à l’étude des
systèmes africains d’administration publique », op.cit., p. 311.
554 Voir les articles 81 alinéa 3, 130 alinéa 4, 189 alinéa 1 et 194 alinéa 1 du Code électoral.
555 GOHIN O., Contentieux administratif, 2ème édition, op. cit., p. 215.
556 Lire sur cette question CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13ème édition, Paris, Montchrestien, 2008,
p. 741.
557 La Chambre administrative est désormais compétente, eu égard aux dispositions de l’article 38 (a), de la loi
n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême, pour
connaître des appels formés contre les décisions rendues en matière de contentieux des élections régionales
et municipales.
Défini d’une part comme « le temps accordé pour faire une chose, pour s’acquitter d’une
obligation » 561, et d’autre part comme une exigence temporelle imposée aux parties en cours
d’instance, pour accomplir un acte de procédure 562, un « espace de temps à l’écoulement
duquel s’attache un effet de droit » 563 ou encore comme « le temps accordé à l’un ou l’autre
des protagonistes d’une procédure pour réaliser une formalité précise » 564, les délais sont
considérés comme une exigence du formalisme procédural, ils sont d’ordre public 565, et
dominent toutes les procédures —civiles, pénales, sociales, administratives, etc. — Le
professeur Christian Debouy note dans ce sens que le temps imparti pour accomplir des actes
de procédure constitue un élément fondamental des « garanties fondamentales accordées aux
558 CADIET L.NORMAND J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 799.
559 CHOLET D. La célérité de la procédure en droit processuel, préface de Geneviève Giudicelli-Delage, Paris,
L.G.D.J., 2006, p. 2.
560 Lire la définition du délai raisonnable in, Dictionnaire du vocabulaire juridique, op.cit., p. 131.
561 Dictionnaire universel op.cit., p.332.
562 Dictionnaire du vocabulaire juridique, op.cit., p. 131.
563 CORNU G.,Vocabulaire juridique, op. cit., p. 313.
564 Lexiques des termes juridiques, 22ème édition, op. cit., p. 325.
565 Selon le professeur Alexandre Ciaudio, les moyens d’ordre public permettent d’organiser l’accès au juge en
rappelant aux justiciables les règles qu’ils doivent respecter. Pour lui en effet, les sanctions liées à
l’inobservation des délais de recours ont été érigés afin de protéger la sécurité juridique. Ainsi,
l’irrecevabilité du recours pourrait davantage être considérée comme une garantie des droits des administrés
qu’une atteinte à ceux-ci. CIAUDIO A., « Moyens d’ordre public et garantie des droits des administrés »,
Petites affiches, n°240, 2 décembre 2009, p. 3-14.
Le régime juridique des délais dans le contentieux électoral est spécifique. Cette spécificité
se manifeste au travers de la diversité des délais applicables à chaque élection, et du principe
de célérité 569 de l’instance qui exige que les délais soient brefs. Selon le professeur Jean-Claude
Masclet « il importe que le résultat réel de l’élection soit fixé sans tarder pour que le doute ne
subsiste pas sur la qualité de ceux qui ont été légitimement élus, ou pour que ceux qui ont
acquis leur élection de manière irrégulière n’exercent pas plus longtemps un mandat
usurpé » 570.
566 DEBOUY CHR., « Le temps en procédure administrative », Annales de l’Université de Clermont, 1983, p. 142.
567 DEBOUY CHR., Les moyens d’ordre public dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 303.
568 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13ème édition, op. cit., p. 662.
569 Concernant la célérité des procédures, monsieur Didier Cholet écrit que celle-ci est un objectif politique,
antonyme de la lenteur excessive concourant à l’amélioration du fonctionnement des tribunaux et
l’accélération du traitement des litiges. CHOLET D. La célérité de la procédure en droit processuel, ibid., p. 24.
570 MASCLET J.-CL., Le droit des élections politiques, op.cit., p. 105 ; Lire par ailleurs sur la question, DUGRIP O.,
L’urgence contentieuse devant les juridictions administratives, Paris, Puf, 1991, p. 13.
571 Bilan du contentieux des élections législatives des 9 et 16 juin 2002. Décisions rendues après instruction (octobre 2002-
avril 2003), 34 p., p. 3. Sources : Services du Conseil constitutionnel.
Relativement aux réclamations liées à l’inscription sur les listes électorales, l’on note que le
législateur avait éludé les questions relatives au refus d’inscription sur les listes électorales, mais
avait prévu des délais de saisine en ce qui concernait les contestations relatives à l’inscription
sur plusieurs listes électorales. Il en résulte que le requérant devait à cet effet, exiger devant la
commission de révision compétente, huit (08) jours avant la clôture des opérations
572 BERTILE V, Les paradoxes de la démocratie : Droits et devoirs de l’électeur et de l’élu, p. 6. [En ligne], diponible sur :
http : www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC8/BertileTXTpdf. (Consulté le 02/02/2011).
573 HAURIOU M., Précis de droit administratif, 11ème édition, 1927, p. 942.
À l’inverse, les réclamations relatives à l’omission sur les listes électorales n’étaient soumises
à aucune condition temporelle. Les articles 55 alinéa 1 et 39 alinéa 1 respectivement des lois
relatives à l’élection des députés et à celle du président de la République disposaient à cet égard
que « pendant la période de révision électorale, (…) tout citoyen omis sur la liste peut
demander son insertion ». La saisine des organes compétents s’effectuait par inscription sur un
registre ouvert dans chaque sous-préfecture, et c’est le sous-préfet qui en donnait récépissé et
les transmettait à la commission de supervision compétente, en l’occurrence la commission
communale ou départementale de supervision 576. Cette illimitation temporelle avait un effet
équivoque sur le règlement du contentieux de la liste. Dans un premier temps, l’illimitation
paraissait simplificatrice, puisqu’elle n’imposait pas un formalisme outrancier. Dans un second
temps en revanche, celle-ci constituait un risque pour le requérant qui pouvait voir sa requête
rejetée, pour forclusion ou comme étant sans objet, la phase de l’opération électorale en cause
étant passée.
À l’évidence, il serait approprié de reconnaître que le régime des délais de saisine applicable
au contentieux de la liste électorale a subi de profondes mutations tant sur le plan
institutionnel —avec la création d’Elecam— que sur celui normatif.
574 Articles 56 alinéa 1 et 40 alinéa 1 des lois relatives à l’élection des députés à l’Assemblée nationale et du
président de la République.
575 Articles 43 alinéa 3 et 43 alinéa 5 des lois relatives à l’élection des députés à l’Assemblée nationale et du
président de la République.
576 Articles 16, 42 et 55 alinéa 2, et 39 alinéa 2 des lois respectivement, n°s 92/002 du 14 août 1992 fixant les
conditions d’élection des conseillers municipaux, 91/20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions
d'élections des députés à l'Assemblée nationale, et 97/020 du 9 septembre 1997 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n°92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d'élection et de
suppléance à l a présidence de la République.
La première phase se rapporte aux inscriptions sur les listes électorales et s’achève avec la
publication de la liste provisoire, et permet la saisine de la CRLE ou le cas échéant la CDS
pour contester ou réclamer un refus d’inscription sur la liste électorale d’une part, et d’autre
part pour constater des irrégularités ou omissions sur la liste provisoire 578.
La deuxième phase qui s’achève avec la publication de la liste nationale, permet la prise en
compte des rectifications apportées à la liste électorale provisoire, et ouvre la voie aux
réclamations ou contestations relatives à une omission, une erreur ou une inscription d’un
électeur plusieurs fois sur la liste électorale 579. Il en résulte que les réclamations et les
contestations relatives aux opérations d’inscription sur les listes électorales s’arriment
nécessairement au calendrier prédéfini par le législateur.
À l’inverse des dispositions des lois antérieures, l’on observe que le Code électoral bien que
couvrant tous les aspects du contentieux de la liste électorale, demeure silencieux sur les délais
applicables à la saisine des organes compétents. Il en résulte que l’électeur pourrait déclencher
son action non pas dans des délais bien définis, mais dans un intervalle de temps séparant les
différentes phases relatives à la révision de la liste électorale. Ainsi, eu égard aux dispositions
de l’article 78 alinéas 2 et 3 580, le requérant peut réclamer ou contester un refus d’inscription
sur la liste électorale, faire constater une omission ou une erreur sur la liste électorale à partir
du 20 octobre. L’intervalle de temps qui sépare la publication de la liste provisoire de la
période à laquelle le procès-verbal des opérations rectificatives opérées par la CRLE est
adressé au démembrement départemental —au plus tard le 10 novembre— pourrait être
577 Les dispositions de l’article 297 du Code électoral abrogent et remplacent les dispositions de toutes les lois
antérieures dont l’objet se rapporte aux élections politiques.
578 Articles 63, 73 alinéa 4, et 78 alinéa 3 du Code électoral.
579 Articles 78, 79, 80 et 81 alinéa 2 du Code électoral.
580 L’article susvisé dispose qu’ au plus tard le 5 septembre, le président de la commission de révision des listes
électorales adresse le procès-verbal des travaux de ladite commission au démembrement départemental
d’Elections Cameroon. Sont annexés à ce procès-verbal, les documents relatifs aux radiations et
modifications. Après la saisie, les vérifications techniques et l’établissement du fichier électoral provisoire
du département, le responsable du démembrement départemental d’Elections Cameroon transmet les listes
électorales provisoires correspondantes aux démembrements communaux concernés pour affichage au plus
tard le 20 octobre. Dès la publication des listes électorales provisoires, tout parti politique, tout électeur
peut saisir la commission de révision ou, le cas échéant, la commission départementale de supervision des
irrégularités ou omissions constatées.
À l’inverse du contentieux relatif aux opérations préparatoires, l’on constate que les délais
applicables au contentieux des préliminaires et des opérations post électorales sont strictement
encadrés.
581 Affirmation du juge Cory dans l’arrêt Haig c Canada (Directeur général des élections), [1993] 2R.C.S. 995 cité par
BEAUDOUIN G. A., « Élections et groupes de pression », in Constitution et élections, op.cit. p. 9-60, p. 38.
L’article 129 du Code électoral fixe les délais de saisine applicables au contentieux relatif au
rejet ou à l’acceptation d’une candidature ainsi qu’à celles relatives à la couleur, au sigle ou au
582 DAËL S., Contentieux administratif, 4ème édition, Paris, Puf, 2013, p. 111.
583 BUFFET S., Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, op.cit., p. 435.
584 La procédure relative au constat de l’inéligibilité et de la déchéance d’un candidat, fixée par les articles
158 alinéa 2 et 161 alinéa 3 du Code électoral n’est encadrée par aucun délai.
Il convient cependant de préciser relativement au caractère des délais qu’ils ne sont pas
francs. Ils excluent le dies a quo —expression latine qui signifie à compter du jour où, le point
de départ du délai— et incluent le dies a quem —cette expression signifie jusqu’au jour où, c’est
à-dire le dernier jour, point d’arrivée du délai—. Selon monsieur Charles Méjean, lorsque la loi
a fixé un délai pour la présentation de la requête, c’est la notification ou la publication de la
décision qui fait courir le délai 585.
Le régime des délais en matière électorale est très équivoque. Certes, la brièveté des délais
concourt à la protection du mandat des élus, et empêche que les contestations ne gèlent la
situation des élus au regard du cumul des mandats —puisque la brièveté des délais leur permet
de démissionner de tel ou tel mandat et de n’exercer l’option que lorsque l’élection est
confirmée— 586, elle entraîne cependant un effet néfaste sur l’issue de l’instance, parce que ne
permettant pas au requérant de rassembler suffisamment d’éléments de preuves pour fonder
et justifier son recours. La méconnaissance des délais de saisine rigoureusement sanctionnée
par une fin de non-recevoir, et généralement fondée sur le caractère prématuré ou tardif du
recours— lorsque le délai expire, la requête est déclarée forclose, à l’inverse, elle est
prématurée lorsqu’elle intervient avant le point de départ du délai—, fragilise le principe de
l’accès au juge, puisque, comme le souligne fort opportunément Henry Vizioz, le but de
l’instance, au-delà de cette succession de formes et de délais à respecter, est de faire statuer le
juge sur un recours et d’aboutir au prononcé d’un jugement 587.
Le caractère excessivement bref des délais de saisine pourrait être justifié par la nature de
l’organe qui connaît du contentieux en cause. En effet, les élections nationales ressortissent de
la compétence du Conseil constitutionnel, et le caractère de chose jugée qui est rattaché à ses
décisions ne favorise pas des instances qui s’éternisent 588. Le contentieux des préliminaires se
rapportant à l’élection municipale est en revanche régi par des délais plus flexibles.
585 MÉJEAN CH., La procédure devant le tribunal administratif, op. cit., p. 54.
586 CAMBY J.-P., Le Conseil constitutionnel, juge électoral,6ème édition, Paris, Dalloz, 2013, p. 20. ; MENOUNI A.,
« Constitution et contentieux électoral », op. cit., p. 337.
587 VIZIOZ H., Etudes de procédure, op. cit, p. 12.
588 Les Articles 50 alinéa 1 et 15 alinéas 3 et 4 respectivement de la Constitution et de la loi fixant le
fonctionnement du Conseil constitutionnel disposent que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont
susceptibles d’aucun recours, elles s’imposent aux pouvoirs publics et doivent être exécutées sans délai.
Les contestations relatives au rejet ou à l’acceptation d’une candidature sont enserrées dans
des délais relativement étendus. Contrairement aux délais qui sont appliqués au contentieux
des élections nationales, l’on observe que les délais qui gouvernent le contentieux des élections
municipales sont relativement étendus. L’article 189 alinéa 2 du code électoral accorde un délai
de cinq (05) jours au candidat, au mandataire de la liste intéressée ou de toute liste, à l’électeur
inscrit sur la liste électorale de la commune concernée, pour contester le rejet ou l’acceptation
d’une liste électorale rendue le Conseil électoral. L’extension du droit de saisine et des délais de
saisine révèle de la part du législateur, un souci d’impliquer les citoyens à la gestion des affaires
de leur cité, puisque comme le souligne monsieur Néjib Belaïd, « [le local] contribue (…) au
renforcement du sentiment d’appartenance à la collectivité » 591.
589 BELAÏD N., « Constitution et élections locales », in Recueil des cours Constitution et élection, op.cit., p. 91-135.
590 Articles 12 alinéa 2 paragraphe 5 et 28 alinéa 2 de la loi n°92-002 du 14 août 1992, fixant les conditions
d'élection des conseillers municipaux. Modifiée et complétée par la loi n°2006/010 du 29 décembre 2006
591 BELAÏD N., « Constitution et élections locales », in Recueil des cours Constitution et élection, op.cit., p. 101.
592 Articles 133 alinéa 1, 168 alinéa 2 du Code électoral, et 42 alinéa1 de la loi fixant le fonctionnement du
Conseil constitutionnel.
593 Les délais relatifs à la proclamation des résultats varient en fonction de l’élection. En effet, aux termes des
dispositions des articles 137 et 168 alinéa 1 du code électoral, le Conseil constitutionnel dispose d’un délai
de quinze (15) jours et de vingt (20) à jours à compter de la date de clôture du scrutin pour proclamer
respectivement, l’élection du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale.
594 Articles 2 alinéa 2, 72 et 73, successivement des lois n°s°2006/022 et 016 du 29 décembre 2006 fixant
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs et de la Cour suprême.
595 RAVARANI G., « Interrogation autour d’un droit fondamental : l’appel », in Justices et droit du procès, op. cit.
p. 355-368.
596 Arrêt n°70/CEM/08 du 28 août 2008, affaire Mbondjo Jacques, État du Cameroun (Minatd) contre État du
Cameroun, Mounkouelle Joseph Raymond.
597 Le professeur Christian DEBOUY note à propos de la fixation des délais de saisine dans la procédure
administrative contentieuse que, lorsque le temps n’est pas imparti par les textes, ce soin est laissé au juge
qui devient, en raison du caractère inquisitorial de la procédure, une sorte de chef d’orchestre qui fixe le
tempo de la partition contentieuse. DEBOUY CHR. Le temps en procédure administrative, op. cit., p. 103.
SECTION II.
Considéré comme l’acte de procédure par lequel une personne saisit au principal un organe
compétent d’une prétention dont elle veut faire reconnaître le bien-fondé, le recours ouvre la
voie à l’action, et nécessite dès lors l’existence d’une demande qui n’est pas toujours un litige
ou un différend entre deux protagonistes. Il est de principe que, l’action n’est pas ouverte à
celui qui prétend la fonder sur un intérêt illégitime, d’où la nécessité de préciser l’objet de la
demande (§ I), et les faits et moyens de celle-ci (§ II).
598 Dans le contexte français en revanche, le principe de l’effet non suspensif de l’appel connaît quelques
exceptions. Les articles L250 et L250-1 disposent que l’appel n’a pas d’effet suspensif lorsque l’élection du
conseiller a déjà été annulée sur un précédent pourvoi dirigé contre les opérations électorales antérieures
relativement à une même cause d’inéligibilité, par une décision du tribunal administratif devenue définitive
ou confirmée par le Conseil d’État— dans ce cas le tribunal est tenu de spécifier que l’appel éventuel n’a
pas d’effet suspensif—. Le juge peut par ailleurs prononcer la suspension du mandat de celui ou de ceux
dont l’élection est annulée, en cas d’annulation pour manoeuvres dans l’établissement de la liste électorale
ou irrégularités dans le déroulement du scrutin.
599 COURRÈGES A., DAËL S., Contentieux administratif, 4ème édition, Paris, PUF, 2013, p. 165.
La requête peut poursuivre un ou plusieurs objets distincts selon que l’on se situe en droit
civil, social, commercial, des obligations, etc. Dans ces matières, l’objet du recours s’apparente
au but du contrat, à la prestation, à une activité et plus encore. En matière électorale a contrario,
l’objet de la requête varie en fonction de la phase du processus électoral, et poursuit une ou
plusieurs choses, lorsqu’elle contient des griefs connexes. En revanche, l’objet de la requête ne
saurait se rapporter à une question qui a déjà été tranchée par une décision antérieure, ou dont
la phase procédurale est dépassée. De la même manière, une simple observation ou un énoncé
d’irrégularités adressés à un organe compétent ne saurait être assimilée à une requête. C’est
ainsi que le professeur Michel Leroy relève le caractère malaisé qui sous-tend la détermination
de l’objet d’une requête, puisque « le requérant doit indiquer avec précision l’acte dont il
entend poursuivre l’annulation » 601, car c’est lui qui détermine les éléments constitutifs de
l’instance, un objet vague et non fondé ne pouvant être retenu.
600 Lexique des termes juridiques, 23ème édition, op. cit. p. 711.
601 LEROY M., Contentieux administratif, 3ème édition, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 528.
602 MÉJEAN CH., La procédure devant le tribunal administratif, op. cit., p. 45.
603 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit,. p. 255.
604 HECQUARD-THÉRON M., « Les moyens irrecevables dans la jurisprudence administrative », in Mélanges offerts
à Max Cluseau, Presses I.E.P. Toulouse, 1985, p. 246-284.
En ce qui concerne les opérations d’inscription sur les listes électorales, il faudrait noter
que l’inscription sur les listes électorales étant un droit, les griefs se rapportant au refus
d’inscrire, à l’omission ou l’erreur, à l’inscription d’un électeur plusieurs fois sur la liste
électorale peuvent faire l’objet d’une réclamation ou d’une contestation devant les
Commissions de révision des listes électorales, les Commission départementales de
supervision ou le Conseil électoral suivant le cas, eu égard aux dispositions des articles 73 605,
et 81 alinéas 2 et 3 606. Si certains aspects du contentieux de la liste électorale ne font
quelquefois l’objet d’aucun recours, en dépit des erreurs et inscriptions multiples constatées,
puisque le calendrier de publication des listes électorales provisoires ou nationales n’est pas
scrupuleusement respecté 607, il convient de préciser que les contestations ou réclamations
relatives aux listes électorales doivent contenir des informations relatives au nom des électeurs
à qui l’inscription a été refusée, ceux omis ou inscrits plusieurs fois sur la liste électorale.
Pour ce qui est des opérations préliminaires et celles postélectorales, il faudrait relever que
l’objet du recours doit impérativement viser la décision de rejet ou d’acceptation d’une
candidature ou d’une liste de candidature déterminée 608, ainsi que l’annulation partielle ou
605 Nul ne peut être inscrit sur plus d’une liste électorale ou plusieurs fois sur la même liste.
Lorsqu’un électeur a été inscrit plusieurs fois sur la même liste, il ne peut subsister qu’une seule inscription.
La radiation des autres inscriptions a lieu d’office. (…).
Tout refus d’inscrire un électeur doit être motivé et notifié à l’intéressé. Ce refus peut faire l’objet de
réclamation ou de contestation devant la commission départementale de supervision ou le Conseil électoral.
606 Tout parti politique, tout électeur, tout mandataire d’un parti ou d’un candidat peut saisir le Conseil
électoral de toute demande en réclamation ou contestation relative notamment à une omission, une erreur
ou une inscription d’un électeur plusieurs fois sur la liste électorale nationale.
En cas de rejet de la demande, l’intéressé peut former un recours devant la Cour d’appel du ressort
d’Elections Cameroon qui statue en dernier ressort (…).
607 À l’occasion du scrutin relatif à l’élection présidentielle du 09 octobre 2011, l’on observe que les
commissions électorales chargées de connaître du contentieux de la liste électorale ont été constituées vers
le 20 septembre 201, et rendue publiques dans le quotidien Cameroon Tribune, n° 9931 paru le 20 septembre
2011, p. 11-13.
608 Dans les espèces ci-dessous mentionnées, les recours visaient les rejets d’une liste de candidats, affaires
Mougoue Salomon, candidat de la liste UNDP, commune de Bandja contre État du Cameroun, jugement n°084/06-
07/CE du 12 juin 2007— annulation de la liste du MDR); Feutheu Jean-Pierre, mandataire du RDPC, commune de
Bafoussam III contre État du Cameroun, jugement n°064/06-07/CE du 12 juin 2007— le rejet de la liste UNDP—.
S’agissant des recours dirigés à l’encontre des décisions d’acceptation d’une candidature ou d’une liste de
candidats, il convient de remarquer que l’acceptation se rapporte à la réhabilitation d’une candidature ou à
Nonobstant la détermination des mentions liées aux personnes visées par le recours, la
requête doit nécessairement renseigner sur le champ territorial concerné par la requête.
À l’inverse, il faudrait noter que s’agissant des élections nationales, le département constitue
la circonscription électorale en application des dispositions de l’article 149 alinéa 1 du Code
électoral. Ainsi, les réclamations ou contestations relatives à l’acception ou au rejet d’une
candidature ou d’une liste de candidature d’une part, les demandes d’annulation partielle ou
totale des opérations électorales d’autre part, ne peuvent concerner une seule commune à
l’instar de l’élection des conseillers municipaux, elles s’étendent au département. Le juge
la contestation de la validation d’une candidature : Tchitchie François et UDC, commune de Bafoussam Ier contre
État du Cameroun, jugement n°073/06-07/CE du 12 juin 2007— ; Sohna Biyong Emmanuel candidat de l’UPC,
commune d’Éseka contre État du Cameroun, jugement n°59/06-07/CE du 12 juin 2007 ; Kikeck Jock, candidat et
mandataire de la liste UPC, commune de Penja contre État du Cameroun, jugement n°055/06-07/CE du 12 juin 2007 ;
etc.
609 Dans une espèce arrêt n°1/CE/04-05 du 1er octobre 2004, affaire Dr Joachim Tabi Owono, candidat du parti politique
Action pour la Méritocratie et l’Égalité des Chances (AMEC) contre État du Cameroun, le Conseil constitutionnel se
déclare incompétent et précise qu’une demande en annulation de l’investiture du candidat Paul Biya ne
saurait rentrer dans le cadre des contestations ou réclamations concernant le rejet ou l’acceptation des
candidatures, ainsi que celles se rapportant à la couleur, au sigle ou au symbole adoptés par un candidat.
610 Articles 189, 193 et 194 du Code électoral.
L’objet du recours n’étant pas formulé de manière explicite par le législateur, il convient de
se poser la question de savoir si l’action du requérant exprime une réclamation ou une
contestation relative aux opérations électorales ou aux résultats du scrutin ? À notre avis, ce
dernier ne saurait logiquement contester les résultats du scrutin, puisque les réclamations ou
contestations sont formulées avant la proclamation des résultats, c’est-à-dire, dans un délai
maximum de soixante-douze (72) heures à compter de la clôture du scrutin, pendant que le
Conseil constitutionnel arrête et proclame les résultats de l’élection dans un délai de quinze
(15) jours à compter de la date de clôture du scrutin 612. À l’analyse, l’objet de la requête doit
nécessairement se fonder sur les irrégularités qui ont émaillé l’organisation et le déroulement
du scrutin.
611 Arrêt n°96/CE du 17 juillet 2002, affaire PDS, UFDC, SDF, UNDP contre État du Cameroun.
612 Articles 132, 133, et 137 du Code électoral.
613 Article 30 du nouveau Code de procédure civile français.
614 LEROY M., Contentieux administratif, op. cit., p. 538.
Considéré comme un « élément général de procédure applicable sans texte » 617, une
condition naturelle de recevabilité 618, l’exposé des faits est indispensable à l’examen du
recours sur le fond.
L’exposé des faits varie en fonction de la phase du processus électoral. En ce qui concerne
le contentieux des opérations préparatoires, l’exposé des faits se rapporte aux griefs relatifs au
refus d’inscription sur les listes électorales du requérant ou à celui d’un électeur de sa
commune d’une part, aux irrégularités relatives à l’omission, aux erreurs, ou à l’inscription d’un
électeur sur plusieurs listes électorales d’autre part. Si le Code électoral ne prescrit pas
l’énonciation des faits comme condition de recevabilité de la requête dans le contentieux des
opérations préparatoires, il faudrait inversement observer que, s’agissant du contentieux des
préliminaires et des opérations postélectorales, l’exposé sommaire des faits est impératif. Les
dispositions des articles 35, 76 alinéa 1, 42 alinéa 3 respectivement des lois n°s 2006/022,
2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation des tribunaux administratifs, et de la
Cour suprême, 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel, puis 130 alinéa 1 du Code électoral, prévoient sur cette question que la requête
doit préciser sous peine d’irrecevabilité, les faits qui servent de base à la demande. Au regard
des dispositions susmentionnées, l’exposé des faits est requis aussi bien pour la demande
introductive d’instance, que pour une procédure en appel.
L’exposé des faits allant de pair avec celui des moyens, la recevabilité de la requête ne
saurait se limiter à un énoncé sommaire des faits, le requérant doit parallèlement préciser les
moyens et conclusions de sa demande.
Les moyens de fait concernent les évènements, les témoignages, les expertises. Ce sont les
faits litigieux permettent la détermination du droit applicable. Les moyens de droit quant à eux
se rapportent à la précision de la règle de droit violée par l’acte contesté d’une part, et d’autre
part l’indication de l’irrégularité qui a entaché l’acte en cause. Le professeur René Chapus les
considère comme « l’aliment de la discussion juridique provoquée par la situation du fait
litigieux, [sur laquelle se fonde le juge pour apporter une solution de droit]. » 620
À l’évidence, une requête peut contenir plusieurs moyens, il faudrait toutefois remarquer
que, la recevabilité des moyens est soumise à l’exigence de clarté et de sérieux, puisque comme
le souligne le professeur Michel Leroy, eu égard au principe de l’exceptio obscuri libelli, les
moyens confus sont irrecevables, car portant atteinte à la garantie des droits de la défense 621.
Le moyens doivent être énoncés avec précision, au risque d’être considérés comme une
simple allégation ne comportant aucun motif, puisque l’organe compétent saisi ne saurait
invoquer un moyen qui n’a pas été soulevé par le requérant. L’article 134 du Code électoral
précise à cet égard que « le Conseil constitutionnel peut, sans instruction contradictoire
préalable, rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des
griefs ne pouvant avoir aucune incidence sur les résultats de l’élection. » Certes, tous les
Les moyens non fondés sont ceux voués au rejet, car manquant en faits, ne comportant pas
matière à appréciation ou discussion juridique. Le requérant ne prouve pas ses allégations qui
manquent de base légale 624.
Les moyens inopérants quant à eux sont considérés comme inutiles, puisqu’ils n’ont aucune
influence sur l’issue du litige, ils sont étrangers ou n’entrent pas dans son champ
d’application 625.
Les moyens irrecevables a contrario s’appliquent aux recours imprécis, ou formulés sous la
forme d’une simple allégation, de manière incomplète, ou soulevés devant une juridiction
incompétente pour en connaître 626, dans ces cas, le juge ne peut les accueillir, et ils ne peuvent
être discutés , ni fonder la décision du juge.
622 Lire sur la question, CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, op. cit. p. 796 ;
623 RICCI CL., Contentieux administratif, op. cit. p. 99.
624 Arrêts n°33/CE du 17 juillet 2002, Social Democratic Front (SDF) ; Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais (RDPC) ; Union National pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) contre État du Cameroun (Minat) ;
n°38/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, MP, UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription du Wouri
centre et Manoka ; n°43/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, FSN, UNDP contre État du Cameroun (Minat),
circonscription du Ndé ; jugements n°81/01-02 du 03 septembre 2002, Kotié Emmannuel et autres candidats de l’UPC,
commune urbaine de Douala Ve contre l’État du Cameroun et le RDPC ; n°82/CE/01-02 du 03 septembre 2002,
Kamga Rigobert, candidat du SDF, commune rurale de Douala Ve contre État du Cameroun (Minat), RDPC ; n°34/06-
07/CE du 12 juin2007, Ngome Ebong Ernest, candidat du SDF, commune rurale de Tombel contre État du Cameroun
(Minat) ; n°34/06-07/CE du 12 juin2007, Ngome Ebong Ernest, candidat du SDF, commune rurale de Tombel contre
État du Cameroun (Minat) ; Décisions n°26/CEP/11 du 19 octobre 2011,Bernard Achuo Muna candidat A.F.P. contre
Elecam et RDPC ; n°27/CEP/11 du 19 octobre 2011,Ekane Anicet, candidat MANIDEM contre Elecam et RDPC ;
n°28/CEP/11 du 19 octobre 2011,Dame Walla Khabang Edith, candidate C.P.P.et RDPC contre Elecam et RDPC ;
etc.
625 Dans l’affaire, Essomba Pierre Roger, candidat en liste UNDP commune du Mfoundi IV contre État du Cameroun,
jugement n°065/06-07/CE du 12 juin 2007, le requérant sollicite du juge électoral la rectification de la liste
UNDP afin d’apporter des modifications substantielles de ladite liste par élimination de certains candidats
et l’intégration de nouveaux noms. Le juge rejette le recours au motif que son objet est étranger au litige et
ne rentre pas dans son champ d’application. Il en va de même des recours fondés sur des questions
d’investiture : Bion Mayo Jacob et Mamaga Léon candidats dans la commune de Matomb, contre État du Cameroun,
jugement n°28/06-07/CE du 12 juin 2007 ; Mme Nkoto Jeanne épse Zo’o, candidate RDPC commune de Mvangan
contre État du Cameroun, jugement n°075/CE du 12 juin 2007 ; Décision n°29/CEP/11 du 19 octobre 2011,
People’s Action Party contre elecam et RDPC, relatif à la neutralité, à l’intégrité et à l’indépendance des
membres de ELECAM ; n°30/CEP/11 du 19 octobre 2011, Dr Tabi Owono Joachim candidat AMEC
contre Elecam, Paul Biya —le recours tend à la disqualification de M. Paul Biya au stade du contentieux
postélectoral—.
626 Jugements n°32/01-02 du 17 juin 2002, UNDP commune rurale d’Ayos contre État du Cameroun (Minat) ; n°35/01-
02 du 20 juin 2002, Atangana Robert, candidat, tête de liste RDPC, commune de Yaoundé VIe contre État du Cameroun ;
jugement n°113 du 29 août 2007, Tiomo Bernard UNDP, commune de Bertoua Ier contre État du Cameroun — ;qui ne
comportaient pas de motifs, dans la mesure où le requérant s’était limité à évoquer les obstacles, les
L’énonciation des moyens allant de pair avec la précision de la chose demandée, la requête,
à peine d’irrecevabilité, doit traduire de manière claire le résultat escompté.
Par ailleurs, parce que le juge est lié par les termes de la requête, les conclusions, qu’elles
soient principales ou subsidiaires, doivent être formulées de manière claire et précise, ne
laissant aucune ambigüité sur la chose demandée. La recevabilité des conclusions contenues
dans une requête est soumise à un régime strict visant la recherche d’une adéquation entre la
nature du litige et la chose demandée d’une part, le grief et l’organe saisi d’autre part 628. La
tracasseries de tout genre sans en indiquer la nature— arrêt n°05 du 1er octobre 2004, Keme Wangue Arnold,
candidat du parti Mission Absolue et Suprême (MAS) contre État du Cameroun (Minat)
627 Jugements n°25 du 29 mars 1996, Front Patriotique National (FPN) contre État du Cameroun ; n°90 du
26 septembre 1996, RDPC, commune rurale de Messondo contre État du Cameroun.
628 Dans une décision n°19/CEP/2011 du 20 septembre 2011, le Conseil constitutionnel sanctionne par une
irrecevabilité, le recours de monsieur Boo Daniel qui sollicitait non pas la réhabilitation d’une candidature,
mais, portait plainte contre monsieur Paul Biya pour inéligibilité et flagrant délit de distraction massive des
deniers publics à l’occasion de son dernier congrès, alors que le contentieux en cause concernait
l’acceptation ou le rejet des candidatures.
629 DEBOUY CHR., Les moyens d’ordre public dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 360.
630 Dans une espèce arrêt n°96/CE du 17 juillet 2002, Parti Democratic Social (PDS) ; Union des Forces Démocratiques
du Cameroun (UFDC), Social Democratic Front (SDF) ; Union Nationale pour le Progrès et le Développement (UNDP)
contre État du Cameroun (Minat), circonscription du Haut-Nkam, le Conseil constitutionnel rejette le recours de
l’UNDP comme non justifié, en raison du fait que le recourant s’étant abstenu de régulariser sa requête
malgré l’invitation du président de la Cour suprême à faire parvenir les pièces justificatives au Conseil
constitutionnel dans un délai de quarante-huit (48) heures.
L’accès aux organes compétents en matière électorale a connu des avancées notables, tant
sur le plan de l’ouverture du prétoire que sur celui de la maîtrise des règles procédurales par les
différents acteurs impliqués dans le processus électoral. On observe à cet égard que,
nonobstant quelques dysfonctionnements dus à l’imprécision de certaines dispositions
textuelles, le cap de la recevabilité qui a longtemps été considérée comme un mouroir des
requêtes semble désormais maîtrisé et permet l’examen des recours sur le fond. Il convient
ainsi de reconnaître que, la période d’analphabétisme démocratique qui a poussé l’équipe des
chercheurs du Centre d’Études d’Afrique noire de Bordeaux à appeler l’Afrique aux urnes est
définitivement révolue 631.
631 Appel lancé par une équipe de chercheurs, Centre d’Études d’Afrique noire de Bordeaux, Aux urnes
l’Afrique ! Élections et pouvoirs en Afrique noire, Paris, Pedone, 1978, 259 p.
Selon le professeur Bernard Pacteau, la théorie de la recevabilité des demandes suppose que
le requérant puisse se conformer aux conditions d’accès au juge, par delà la compétence
juridictionnelle et en deçà du bien-fondé de la réclamation contentieuse, puisque la
méconnaissance de ces règles interdit tout examen de la requête et de ses mérites 633. L’accès
aux organes compétents est relativement facilité en matière électorale, compte tenu du
caractère contrasté qui préside le formalisme liée à la recevabilité du recours sur la forme et le
fond. Concernant la forme, on observe une certaine souplesse dans la fixation des conditions
liées à la qualité du requérant —énumération extensive des personnes habilitées à saisir les
organes compétents, action limitée dans le cadre d’une circonscription électorales
déterminée— d’une part, et à la forme du recours —l’absence d’un recours gracieux préalable
et la gratuite de la procédure— d’autre part. À l’inverse, la fixation des conditions de
recevabilité du recours sur le fond sont marquées par une rigidité modérée.
632 Rapport sur l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone : Bamako, dix ans après
2000-2010, op. cit., p. 59.
633 PACTEAU B., Traité du contentieux administratif, Paris, PUF, 2008, p. 166.
634 GAZIER F., « Principes généraux de la procédure administrative contentieuse », in Répertoire contentieux
administratif, Dalloz, oct. 1998, P. 1.
635 Rapport final de la mission d’observation électorale, élection présidentielle du 09 octobre 2011 au Cameroun, Yaoundé,
Transparency International Cameroon, 2011, p. 40.
636 HOURQUEBIE F., « Introduction : Justice et démocratie, question de légitimité et de Constitution », in Bioy
X. et Hourquebie F., (Dir.), Constitutions, justice et démocratie, Paris, L’harmattan, 2010, p. 9-24.
637 DU BOIS GAUDUSSON J.D.B., « Les élections à l’épreuve de l’Afrique », in Cahiers du Conseil constitutionnel,
n° 13, Études et Doctrines, 2002, p. 14.
638 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de
droit public, tome 151, 1988, p. 13.
La notion d’instance est ambivalente. Sur le plan fonctionnel, elle désigne un organe
compétent pour connaître d’une affaire, et constitue un rapport particulier qui se crée entre les
parties, en l’occurrence le juge et les parties, c’est le lien juridique d’instance. Sur le plan
matériel, l’instance correspond à une suite d’actes de procédure qui va de la demande en
justice jusqu’au jugement 640. Le dictionnaire juridique assimile l’instance à une procédure
engagée devant une juridiction, à une phase d’un procès. Ainsi, c’est la suite des actes et délais
d’une procédure à partir de la demande introductive jusqu’au prononcé du jugement 641. Il
s’ensuit que l’instance met en exergue les organes compétents d’une part, le formalisme auquel
sont soumises les parties et s’assimile au procès d’autre part. Selon Madame la professeure
Laura Weiller, « l’instance n’est pas seulement l’ensemble des actes de procédure accomplis
depuis son ouverture jusqu’à la décision qui y met un terme, c’est un ensemble d’actes plus ou
moins formaliste, mais aussi et surtout un lien entre les parties au procès » 642. En admettant
que cette définition extensive de l’instance a le mérite d’englober le formalisme allant de
l’introduction de l’instance à son terme et permet de mettre en exergue les parties impliquées à
l’instance, il convient de circonscrire l’objet de notre propos au déroulement de l’instance et
d’y exclure la procédure d’introduction d’instance.
Nonobstant l’existence d’un droit à garantir, il ya lieu de rappeler que le droit de saisine
reconnu aux acteurs du jeu politique fait appel aux exigences d’ordre procédural dont la
finalité première est d’empêcher l’arbitraire, la partialité ou l’influence des pressions
extérieures, notamment politiques 643. La nécessité d’un cadre procédural apte à garantir les
droits civils et politiques des citoyens est inhérente au déclenchement d’une action en justice,
entendue comme la saisine des organes compétents par un requérant, aux fins d'être entendu
sur le fond d’une prétention relative à une réclamation ou une contestation des opérations
préparatoires, préliminaires ou électorales. C’est dans cette logique que le professeur Jacques
Chevallier subordonne l’existence d’un contentieux à une réclamation ou contestation qui peut
639 GOODWIN-GILL G. S., Élections libres et régulières: Nouvelle édition augmentée, op. cit., p. 177.
640 Lexique des termes juridiques, 23ème édition, op.cit., p. 574.
641 Vocabulaire juridique, op.cit. p. 552.
642 WEILLER L., « Le contrat en procès », in PUTMAN E. (Dir.), L’accès à la justice, Aix-en-Provence, Presses
universitaires d’Aix-Marseille, 2007, p. 89-147.
643 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », in Défis des droits fondamentaux, op.cit. p. 316.
644 Cité par JAN P., La saisine du Conseil constitutionnel, Paris, LGDJ, 1999, p. 101.
645 JEULAND E., Droit processuel général, 3ème édition, Paris, L. G. D. J. -Lextenso éditions, 2014, p. 466.
646 Définition tirée du CNRTL, op. cit.
La conduite de l’instance en matière électorale diffère de celle qu’on retrouve dans les
procédures civiles ou pénales. Certes, les caractères généraux y afférents sont quasiment
identiques, il convient cependant de relever que la souplesse de la procédure contentieuse
électorale, prolongée dans le déroulement de l’instance renforce les disparités qui existent
entre les procédures susmentionnées. Assimilé à un plein contentieux, le contentieux électoral
est soumis à un formalisme proche de celui du contentieux administratif. L’on relève des
similitudes dans le déroulement du procès, notamment dans les phases d’admissibilité et
d’administration de la preuve. Par ailleurs, la procédure suivie est inquisitoriale et
s’accommode au système de la liberté de la preuve. Parce que l’instance doit parvenir à mettre
fin à un litige, la conduite de l’instance respecte un cheminement nécessaire, relatif à
l’instruction, à l’audience et au prononcé d’une décision. La conduite de l’instance dans le
contentieux électoral n’échappe pas à ce principe. Cependant il faudrait remarquer compte
tenu du caractère spécifique de la procédure contentieuse en matière électorale, que l’on assiste
à l’instruction des requêtes (Chapitre I) et à l’ambigüité du prononcé de la décision (Chapitre
II).
La procédure d’instruction est principalement écrite et secrète. Elle varie selon qu’on se
trouve dans le droit privé ou public. La procédure civile est accusatoire et fondée sur un
régime légal de preuve. Ici, on parle de l’administration de la preuve puisqu’il existe un juge
chargé de conduire les affaires. À l’inverse, dans le contentieux administratif, la procédure est
dite inquisitoriale, et aucun texte ne fixe le régime de la preuve qui est libre. L’instruction est
assurée au travers de la communication établie entre les parties. Le professeur Olivier Gohin
écrit à cet égard que « l’instruction écrite consiste dans la communication faite par les agents
respectifs aux membres du tribunal et à la partie adverse des mémoires et contre-mémoires, et
au besoin des répliques et dupliques. Chacune des parties doit joindre toutes les pièces et
documents invoqués par elle dans la cause » 648.
647 Lexique des termes juridiques, 23ème édition, op. cit., p. 578.
648 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 14.
LA CONDUITE DE L’INSTRUCTION
649 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit. p.236. Lire également sur la
question, LE BERRE H, Droit du contentieux administratif, 2ème édition, Paris, Ellipses, 2010, p. 186.
650 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, ibidem, p. 221-225.
651 Articles 37 et 80 des lois n°2006-022 et 016 du 22 décembre 2006 fixant respectivement organisation et
fonctionnement des tribunaux administratif et de la Chambre administrative de la Cour suprême.
652 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 159.
Qu’elle soit perçue sous un angle civiliste, pénaliste ou publiciste, la notion de preuve
conserve son caractère matériel qui met l’accent sur la volonté des parties à l’instance, de
produire les éléments de conviction permettant d’aboutir à la confirmation par le juge d’une
allégation qui repose sur des faits. Charles Méjean note dans ce sens que « la preuve est une
formalité indispensable, car si elle n’est pas accomplie, le juge n’ayant la certitude d’être en
présence d’une partie dont la prétention est juste, ne lui donnera pas gain de cause » 660.
Considérée comme la clé de voûte du système procédural, la preuve permet une bonne
administration de la justice et concourt à garantir les droits des citoyens, puisque comme le
souligne le professeur Pierre Pactet, « un droit ne présente pour son titulaire d’utilité véritable
que pour autant qu’il peut être établi en justice, un droit qui ne peut être prouvé étant
considéré comme pratiquement inexistant 661. Le professeur François Terré abondant dans ce
sens, relève le caractère central de la preuve en droit, en affirmant qu’elle est à la charnière du
système et du sujet de droit. Il continue dans cette lignée en précisant qu’il ne suffit pas d’être
titulaire d’un droit, ou de se trouver dans une certaine situation juridique pour obtenir
Prouver consiste à démontrer la réalité d’un fait, ou à présenter les éléments de conviction
de nature à entraîner la décision d’une autorité compétente 663. La preuve est principalement
entendue dans sa fonction finaliste. Elle vise la recherche de la vérité à travers une
démonstration ou un raisonnement qui permet de persuader le juge sur le bien-fondé des
allégations. Selon le professeur Bernard Pacteau, la preuve est la clé du procès, puisque de ses
rigueurs ou de ses souplesses dépendent les perspectives concrètes de l’action en justice 664. Il
en résulte qu’il appartient au demandeur d’apporter la preuve des griefs qu’il invoque dans sa
protestation. La charge de la preuve qui pèse sur le requérant varie en fonction de l’organe
compétent, elle est relativement souple devant le juge administratif et le requérant est à cet
égard soumis à la production d’un commencement de preuve (A) tandis qu’il est assujetti à
l’exigence d’un fondement probant devant le Conseil constitutionnel (B).
Bien que le régime de la preuve applicable à la procédure civile ne soit pas le même que
celui qu’on retrouve dans la procédure administrative, l’on observe que le juge administratif,
face à une absence de texte de portée générale en la matière, s’approprie cette règle et fait
supporter au demandeur le fardeau de la preuve, puisque c’est lui qui prend l’initiative de
l’instance. Pierre Pactet qualifiait la charge de preuve qui pèse sur le requérant de « juridique »,
puisqu’elle désigne l’obligation dont il se trouve tenue pour apporter la preuve positive ou
négative des faits qu’il allègue 668. À contrepied de cette position, Léo Goldenberg écrivait
dans sa thèse que la charge de la preuve est plus psychologique que juridique, puisque le juge
peut s’écarter de la charge juridique pour ne prendre en compte que son intime conviction 669.
En définitive, il faudrait dire ici que ces deux positions se complètent sans s’exclure, puisque
nonobstant l’exigence de commencement de preuve qui pèse sur le requérant, le juge emploie
670 Arrêt n°02/CEM/08 du 28 août 2008, Kamga Ngandjui, Tjoula Motho et Moumi II Feuga, Elogo Jacques, État du
Cameroun (Minatd) contre État du Cameroun (Minatd), Kwemo Pierre (SDF).
671 L’article 35 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs dispose que : « la
requête introductive d’instance doit contenir les nom, prénoms, profession et domicile du demandeur, la
désignation du défendeur, l’exposé des faits qui servent de base à la demande, les moyens et l’énumération
des pièces produites à l’appui de la demande ».
Les articles 75 et 76 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême disposent en ce
qui concerne la Chambre administrative que : « Dans les quinze (15) jours de la déclaration d’appel, le
demandeur dépose contre récépissé, son mémoire au Greffe de la Chambre administrative.
Le mémoire doit contenir les noms, prénoms, profession et domicile de l’appelant, l’exposé des faits qui
servent de base à l’appel, les moyens ainsi que l’énumération des pièces y annexées.
672 Dans les jugements ci-dessous énumérés de manière non exhaustive, le juge administratif a rejeté les
recours au fond, aux motifs que les allégations n’étaient appuyées par aucune pièce probante digne
d’intérêt, qu’elles étaient insuffisantes pur établir que les griefs soulevés avaient entamé la sincérité du
scrutin. Jugements n°81/CE/01-02 du 03 septembre 2002, Kotie Emmanuel et autres candidats de l’UPC, commune
urbaine de Douala Ve contre État du Cameroun (Minat) et RDPC ; 82/CE/01-02 du 03 septembre 2002, Kamga
Rigobert, candidat du SDF, commune rurale de Douala Ve contre Etat du Cameroun (Minat), et RDPC ; n°86/06-07 du
12 juin 2007, Ngantcha Louis Henri, tête de liste du RDPC dans la commune de Loum, contre État du Cameroun
(Minatd) ; n°95/CE/06-07 du 12 juin 2007, Hamadou Abba contre État du Cameroun ; etc.
673 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, op. cit., p. 219.
674 Dans les arrêts n°63/CE/01-02 du 17 juillet 2002, Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) Social
Democratic Front (SDF), circonscription des Hauts-plateaux contre État du Cameroun (Minat) ; n°84/CE/01-02 du 17
juillet 2002, UNDP , circonscription du Wouri-Est contre État du Cameroun (Minat) etc. ; Dans cette espèce, le
Conseil constitutionnel décide que, « attendu, en ce qui concerne les griefs sur le déroulement du scrutin
dans la circonscription dont il s’agit, il ne résulte de l’instruction de l’affaire aucune preuve ou
commencement que les faits dénoncés ont été perpétrés, étant à relever qu’aucune force probante ne
saurait être attachée aux photocopies de correspondances versées au dossier » . Il déclare le recours
irrecevable pour défaut de motifs, puisque le requérant s’est borné à l’invocation des obstacles à la
constitution de son dossier de candidature sans en indiquer la nature. Par ailleurs, dans l’arrêt n°05 du 1er
octobre 2004, Keme Wamgue Arnold, candidat du parti Mission Absolue et Suprême (MAS) contre État du Cameroun.
675 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, ibid., p. 32.
En outre, l’on note en ce qui concerne les éléments de preuve que le requérant n’est pas
astreint à la production des points de droit permettant de fonder ses allégations eu égard à cet
adage latin très ancien juria novit curia. Charles Méjean affirmait à cet effet que « la partie qui a
la charge de la preuve (...) n’a pas à établir l’existence des points de droit sur lesquels elle
appuie sa prétention, car le juge est censé connaître le droit mais doit par contre établir que les
faits existent bien et qu’ils entrent dans les conditions fixées par la loi pour la réalisation de
telle situation juridique déterminée » 678. Cette position de Charles Méjean semble avoir
désormais évoluer, puisque certains auteurs ont considéré que les parties jouent un rôle limité
dans le droit bien que les faits demeurent leur base de démonstration. Pour ces auteurs en
effet, « l’allégation est toujours colorée de droit » 679. Pour Pierre Pactet, la preuve permettant
676 COLSON J.-Ph., L’office du juge et la preuve dans le contentieux administratif, op. cit., p. 48.
677 En matière électorale, le requérant est amené à contester ou réclamer relativement aux opérations
préélectorales ou électorales, le mettant en face d’Elecam qui représente l’Administration dans
l’organisation des processus électoraux.
678 MÉJEAN Ch., La procédure devant le tribunal administratif, op. cit., p. 107.
679 GUINCHARD S., FERRAND S., CHANAIS C., Procédure civile, 4ème édition, Paris, Dalloz, 2015, p. 430.
À l’évidence, le rôle du requérant dans la production des éléments de preuve devant le juge
administratif est relativement souple en raison des rapports d’inégalité qui prévalent entre
l’Administration et l’administré. Il faudrait cependant relever que la souplesse que l’on observe
dans le contentieux administratif n’est pas transposé à l’identique au contentieux électoral. Le
juge électoral est plus rigoureux et veille à ce que le requérant présente la vraisemblance de ses
allégations de manière précise, claire, et sérieuse. Cette exigence qui demeure cependant
minimale devant le juge administratif est plus contraignante devant le Conseil constitutionnel
qui sanctionne la méconnaissance de celle-ci par l’irrecevabilité de la requête.
680 PACTET P., Essai d’une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, op. cit. p. 124.
681 La recevabilité de la demande introductive d’instance devant le Conseil constitutionnel est subordonnée à
l’exigence liée à l’identification du requérant et de la requête. Elle doit ainsi être datée et signée du requérant
d’une part, être motivée et comporter un exposé sommaire des moyens de fait et de droit qui la fondent
d’autre part.
L’article 134 du Code électoral prévoit le rejet par le Conseil constitutionnel, par décision
motivée et sans instruction contradictoire préalable, les requêtes irrecevables notamment,
celles prématurées, tardives, déposées auprès d’une autorité incompétente ou dépourvues de
motivation ou de justification et ne contenant que des griefs sans incidence sur le scrutin.
Ainsi, n’ouvrent pas la voie à une instruction contradictoire, les requêtes présentées hors délai,
celles qui ne comportent pas de grief sérieux, des allégations non assorties de précisions et
justifications permettant au juge d’en apprécier la portée, et celles dépourvues de tout lien avec
les opérations électorales mises en cause 683. Il s’ensuit que les seuls arguments susceptibles
d’être invoqués à l’appui d’un recours sont ceux qui font état des griefs qui ont eu une
influence sur les résultats du scrutin. De toute évidence, la production d’un fondement
probant impose au requérant de fournir des informations fiables et pertinentes, notamment un
exposé sommaire des moyens et faits de droit et les pièces produites au soutien des moyens.
Dans le cas contraire, le Conseil constitutionnel procède au rejet de la requête sans instruction
contradictoire préalable.
La preuve est au service de la justice pour rétablir la vérité. Elle mute cependant eu égard
au caractère inquisitorial qui régit la procédure d’instruction et transforme le régime de la
charge en créant une collaboration en vue de la résolution du litige. Le professeur François
Terré explique cette collaboration comme le souci d’une nécessaire cohabitation entre
existence et efficacité du droit subjectif. Pour lui, « un droit subjectif s’il n’est pas atteint dans
son existence, est néanmoins anéanti dans son efficacité lorsqu’il n’est pas prouvé. L’idée
nouvelle a été proposée de l’existence d’un droit subjectif processuel, doublant et renforçant le
droit subjectif substantiel : le droit à la preuve (...) » 684. Indubitablement, la notion de preuve
685 GALMOT Y., Concl. Sur le CE, 22 avr. 1966, Tochou : RDP, 1966, p. 584-587.
686 Selon le professeur Caroline Foulquier, le commencement de preuve apporté par le requérant entraîne soit
un allègement de la charge de la preuve, soit des injonctions, ou l’implication du juge par voie de mesures
d’instruction. FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, op. cit. p. 348.
Arrêt n°44/CEL/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UPC contre État du Cameroun (MINAT), circonscription
électorale du NKAM. Le juge électoral dans cette espèce s’est fondé sur les procès-verbaux de l’ONEL pour
constater et sanctionner lesirrégularités décriées dans le déroulement du scrutin.
687 PACTET P., Essai d’une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, op. cit., p. 124.
L’audition a lieu devant le tribunal et obéit à une flexibilité remarquable. En effet, l’on note
que le tribunal peut décider de commettre un de ses juges accompagné par un greffier auprès
de la partie qui se trouve dans l’impossibilité de comparaître. C’est également le cas lorsque
l’éloignement des parties ou de l’une d’elles rend le déplacement difficile ou onéreux. Le juge
de la juridiction saisie donne commission rogatoire au tribunal du domicile ou de la résidence
pour entendre les parties ensemble ou séparément. Les parties interrogées répondent ainsi en
l’audition des parties et la demande de production des pièces, et nous exclurons les autres mesures telles
que les enquêtes les descentes sur les lieux, les expertises
693 Lexique des termes juridiques, op. cit. p. 99.
694 BOULAY J. La preuve par témoins devant le juge administratif/ une technique d’investigation décisive, Paris, Tec &Doc
Lavoisier, 2001, p. 206.
695 BOULAY J. La preuve par témoins devant le juge administratif/ une technique d’investigation décisive, ibid., p. 206.
La technique d’audition bien que réglementée, est très peu fréquente devant le juge
administratif. Cette technique d’instruction est supplantée par d’autres mesures telles que
696 Articles 77 à 82 de la loi portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs camerounais.
Lire sur la question OWONA J., Le contentieux administratif de la République du Cameroun, L’harmattan, 2011,
p. 98-99 ; NGOLE NGUESE Ph., BINYOUM J., Éléments du contentieux administratif camerounais, L’harmattan,
2010, p. 92 ; KEUTCHA THAPNGA C., Précis de contentieux administratif au Cameroun : aspects de l’évolution récente,
Paris, l’harmattan, coll. Droits africains et malgache, 2013, 324 p.
697 En France, sauf cas de requête manifestement irrecevable ou fondée sur des griefs manifestement sans
influence sur le résultat de l'élection, la requête est instruite par une section d'instruction composée de trois
membres nommés du Conseil constitutionnel ou par le Conseil lui-même. L'instruction se caractérise par
une procédure contradictoire, avec échange de mémoires entre les parties. Une enquête peut être ordonnée,
ainsi que la communication de toute pièce permettant d'apporter un éclairage utile au Conseil.
Le règlement applicable à la procédure devant le Conseil constitutionnel permet l'audition des parties. Le
Conseil fait droit à une demande d'audition d'une des parties lorsqu'il s'avère utile de préciser les arguments
de celle-ci ou d'obtenir des éléments de fait utile à la résolution de la contestation. Toutes les parties sont
alors convoquées. L'audition a lieu non pas devant la section d'instruction mais en séance plénière.
L'audition donne lieu à un procès-verbal versé au dossier. Le Conseil peut lui-même, à titre de mesure
d'instruction et en dehors de toute demande des parties, organiser une audition. Le rapporteur adjoint
assiste à toutes les auditions.
Source : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/documentation/dossiers-
thematiques/elections-legislatives-2012/missions-du-conseil/elections-legislatives-missions-du-conseil-
constitutionnel.105802.html (consulté le 12/03/2012).
698 L’enquête est définie par Robert Perrot comme « une procédure au moyen de laquelle sont recueillis des
témoignages de personnes étrangères à l’instance et qui sont invitées à relater devant le juge ce qu’elles ont
vu ou entendu au sujet des faits litigieux » (PERROT R., Cours de droit judiciaire privé, Paris, Les cours de droit,
1972-1973, p. 375, cité par NGOLE Ph. Ng. ; BINYOUM J. Éléments du contentieux administratif camerounais, op.
cit., p. 90). Prévue au Cameroun par les articles 65 à 71 de la loi portant organisation et fonctionnement des
tribunaux administratifs et R.623-1 et suivant du Code je justice administrative français, l’enquête est
ordonnée par décision de justice soit d’office par le juge, soit à la demande des parties, et intervient dans la
phase de l’instruction, notamment celle de la mise en état de l’affaire et vise la collecte d’éléments
d’informations permettant de pallier l’insuffisance de l’information du juge. Visant essentiellement à
recueillir et à collecter les témoignages, elle se manifeste sous deux formes à la barre du tribunal pendant
l’audience, ou conduite par l’un des membres de la juridiction qui enquête et fait dresser un procès-verbal
par le greffier, lequel sera déposé au greffe et communiqué aux parties (CHUPIN P., « La place de l’oralité
dans le contentieux administratif », in Fialaire J. et Kimboo J. (Dir.), Le nouveau droit du procès administratif : les
évolutions choisies, les évolutions subies, Paris, L’harmattan, coll. Logiques juridiques, p. 79-96.
699 L’expertise est définie Henri Jacquot comme « une mesure d’instruction par laquelle le juge charge une ou
plusieurs personnes choisies en raison de leur compétence, de procéder à des constatations ou à des
vérifications des faits » (JACQUOT H., « Le contentieux administratif au Cameroun », in RCD, n°8, p. 123,
cité par NGOLE NGUESE Ph. ; BINYOUM J. Éléments du contentieux administratif camerounais, ibidem., p. 91). Elle
est justifiée par l’impossibilité dans laquelle se trouve le juge pour d’apporter une appréciation technique
pour apprécier les faits qui lui sont soumis régie par les articles 84 à 93 de la loi relative aux tribunaux
administratifs camerounais, l’expertise peut être ordonnée d’office et confiée à un ou plusieurs experts,
l’objectif visé étant pour l’expert d’informer et d’éclairer le juge, et non se substituer à lui pour trancher le
point de droit soulevé.
700 Articles 72 à 76 de la loi portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs susvisé, et
R.622-1 du CJA français.
701 Article 83 loi de la loi portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs camerounais.
702 CIAUDO A., « Demande de régularisation et mise en demeure », in Le blog-Droit administratif, sept 2006. [En
ligne], disponible sur : http://www.blogdroitadministratif.net/index.php/, (consulté le 15 :04 :2012).
703 QUILLEVÉRÉ G., « L’organisation de l’instruction du procès administratif », in Le nouveau droit du procès
administratif : les évolutions choisies, les évolutions subies, Paris, L’harmattan, 2010, p. 33-47.
704 QUILLEVÉRÉ G., « L’organisation de l’instruction du procès administratif », in Le nouveau droit du procès
administratif : les évolutions choisies, les évolutions subies, ibidem, p. 39-41.
705 MASSON J.-M., « La recherche de la vérité dans le procès-civil », in Droit et Société, 38-1998, p. 21-32.
706 COLSON J.-P., L’office du juge et la preuve dans le contentieux administratif, op.cit., p. 101.
707 COLSON J.-P., L’office du juge et la preuve dans le contentieux administratif, ibidem., p. 112.
708 TERRÉ Fr., Introduction générale au droit, op. cit., p 482.
709 MEYNAUD A., « La bonne administration de la justice et le juge administratif », n°5, RFDA, 2014, p. 1029-
1040.
710 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative, op. cit., p 353.
Les procès-verbaux occupent une place primordiale dans le contentieux électoral, car ils
permettent principalement la consignation des opérations électorales. Assimilés à des compte-
rendu, les procès-verbaux sont dressés par les organes chargés de gérer l’organisation ou le
déroulement des opérations électorales. C’est ainsi qu’à l’issue de leurs travaux, les
commissions d’établissement et de révision des listes électorales, les commissions
711 Article 60 de la loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel.
À l’occasion du contentieux post-électoral des municipales du 30 septembre 2013, le juge administratif saisi
avait longuement écouté certains avocats et parties sur des questions liées notamment à la participation des
étrangers, aux votes frauduleux qui auraient influencé les résultats finaux ou encore la fermeture prématurée
des bureaux de vote, etc.
712 Vocabulaire juridique, op., cit., p. 812.
713 Définition tirée du lexique du Centre National des Ressoures Textuelles et Lexicales (CNRTL), disponible en ligne
sur : http:/www.cnrtl.fr/definition/. (Consulté le 19/02/2012).
La prise en compte des procès-verbaux par le juge électoral participe ainsi de sa volonté de
rechercher la vérité relativement au litige qui lui est soumis afin de mieux rendre la justice. Le
professeur Jean-Marc Masson invoquant Henry Motulsky souligne à ce propos que le procès
étant la manifestation d’un déséquilibre social, le juge a pour mission de rétablir l’harmonie
rompue en privilégiant l’intérêt supérieur du bien public plus que l’intérêt l’immédiat des
parties 717. Dans cette initiative, le juge exerce une compétence relativement liée, puisqu’il n’est
pas tenu de manière radicale par les documents apportés par les parties. Dans une espèce
Rabento 718, le Conseil d’État français a qualifié la procédure d’instruction de « formalité
essentielle », parce que le juge jouit d’une grande liberté dans l’établissement de sa conviction.
Ce dernier peut ordonner en toute matière une mesure d’instruction, même si les parties ne
§ 1. LE DÉSISTEMENT
Considéré comme un procédé d’extinction de l’instance, le désistement est « l’acte par
lequel le requérant renonce totalement ou partiellement à ses prétentions » 724. C’est également
A. Le désistement volontaire
L’acte de désistement résulte de la volonté conjointe des parties. S’il revient au demandeur
d’exprimer au greffe ou par déclaration à l’audience sa volonté de renoncer à l’action engagée
et à tout procès ultérieur, le défendeur pour sa part formule nécessairement son acceptation
pour que le juge en donne acte 727. Ce dernier peut également ne pas vouloir l’arrêt du
déroulement de l’instance et décider de déposer des conclusions reconventionnelles afin que le
litige soit tranché par le juge 728.
Le désistement volontaire est « l’acte par lequel une personne, avant tout procès ou en
cours de procès, renonce à exercer une action en justice » 729. Dans cette hypothèse, le
désistement est volontaire et dit « pur et simple », puisque le demandeur renonce
définitivement à l’examen des prétentions de sa requête et ne peut plus introduire un autre
recours sur le même objet. Il a de ce fait un effet absolu qui éteint son droit. Ainsi, une simple
En matière électorale, les désistements les plus fréquents sont les désistements effectués
par déclaration à l’audience. Ils impliquent l’impossibilité pour le requérant de retirer son
désistement, ni de former à l’appui du recours présenté par un tiers, une intervention qui
pourrait tendre à la reprise des mêmes conclusions. Dans cette logique, il convient de relever
l’absurdité de la précision apportée par le juge électoral relative à l’expiration du délai de
recours 734, puisque le désistement volontaire est distinct du désistement d’instance qui admet
la reprise de l’instance et conserve au requérant la possibilité de présenter une nouvelle requête
sur le même objet si les délais le permettent.
730 L’article 74 alinéa 4 de la loi fixant l’organisation de la Cour suprême dispose que l’appelant doit à peine de
déchéance, déposer son mémoire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’appel par le
greffier. L’article 83 de la loi sus-évoquée, précise que les délais des articles 74, 75, 81 et 82, relatifs au dépôt
du mémoire d’appel par le demandeur, du mémoire en défense, et des mémoires en réponse ou en réplique
sont prescrits à peine de déchéance.
731 CE 11 juin 1969, époux Sauvage, rec., p. 305, RDP, 1963, p. 120.
732 Arrêts dame veuve jeanson, CE 29 janvier 1923, DP 1933. 3. 11, concl. Latournerie ; dame Meunier, CE
26 octobre 1938.
733 CE 16 mai 1952, Laveau, rec. Table, p. 801.
734 Dans l’affaire Kamga Ngandjui, Thoula Motho, Moumi II Feula, Delogo Jacques et État du Cameroun (Minatd) contre
État du Cameroun et Kwemo Pierre, commune de Bafang du 08 août 2008, le juge administratif saisi en appel du
jugement n°289/2006-2007, décide qu’il est donné acte aux sieurs susmentionnés de leur désistement,
lequel prend effet pour compter de la date d’expiration du délai de recours.
B. Le désistement d’office
Le désistement d’office est considéré comme la sanction prononcée suite à une abstention
ou une négligence dans la production d’un mémoire complémentaire préalablement annoncé.
C’est « la conséquence de l’application d’une règle de procédure qui ne révèle en rien la
volonté du requérant, tout au plus sa mauvaise volonté, souvent son manque d’attention,
fréquemment sa méconnaissance du texte » 735. Il importe à cet égard que le requérant puisse
produire le mémoire annoncé dans sa requête initiale dans le délai qui lui est imparti. Distinct
du désistement d’action qui implique la volonté des parties, le désistement d’office intervient
lorsque le requérant manifeste l’intention de présenter un mémoire complémentaire et
s’abstient de le faire dans les délais qui lui sont impartis. Si le désistement d’office n’est pas
prévu de manière expresse par la législation camerounaise, l’on relève en revanche qu’en
France, le décret n°81-29 du 16 janvier 1981 l’institue. En effet, l’hypothèse du désistement
d’office s’applique devant les juridictions administratives et vise la sanction du requérant qui,
ayant annoncé la production d’un mémoire complémentaire dans sa requête, ne l’a pas déposé
dans le délai d’un mois qui lui était imparti. Le Conseil d’État estime dans ce cas que le
requérant s’est désisté automatiquement de sa requête et qu’il ya lieu de lui donner acte de son
désistement 736. Il convient cependant de préciser que cette sanction est plus ou moins souple
devant les cours administratives et les tribunaux administratifs en France. Devant ces
instances, le désistement d’office ne peut être prononcé s’il n’a pas été précédé d’une mise en
demeure restée sans effet, en plus le délai imparti pour produire le mémoire peut être
prorogé 737.
735 SCANVIC F., « La non-présentation d’un mémoire complémentaire par le requérant dans le délai qui lui est
imparti emporte son désistement d’office, lequel prime sur la compétence », AJDA, 2014, p. 4.
736 Voir sur la question les affaires, CE, 12 juin 1996, req. N°174006, élections municipales de Pomerol, inédit ; CE
30 octobre 1996, req. n°s 176881, 177040, 177354, 177369, élections municipales de Boulogne-sur-mer, Lebon 419.
737 L’article R. 612-5 du Code de justice administrative français dispose que « Devant les tribunaux et les cours
administratives d’appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n’a pas produit le
mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l’envoi, ou dans les cas mentionnés au
second alinéa de l’article R. 611-6, n’a pas établi le dossier, il est réputé s’être désisté ».
L’article R. 611-6 susmentionné quant à lui prévoit que, « Le président de la juridiction ou, au Conseil
d'État, le président de la sous-section chargée de l'instruction peut autoriser le déplacement des pièces,
pendant un délai qu'il détermine, dans une préfecture ou une sous-préfecture, ou au greffe d'une autre
juridiction administrative. »
En cas de nécessité reconnue, il peut également autoriser la remise momentanée de ces pièces, pendant un
délai qu'il fixe, entre les mains des avocats ou avoués des parties ou des représentants des administrations. »
738 Dans l’espèce CE 11 décembre 2009, Cts Roure, req. n°319162, Lebon, T. 899, il est précisé que, dans les
cas d’envoi du mémoire complémentaire par voie postale, le juge doit rechercher avant de donner acte du
désistement du requérant, si le mémoire avait été remis aux service postaux en temps utile pour parvenir au
greffe avant l’expiration du délai imparti, en prenant en compte le temps normal d’acheminement du
courrier.
739 CE 11 décembre 1996, req. n°174030, élections municipales de Terville, inédit ; CE 19 mars 1997, req. n°174008,
élections municipales de Marck-en-Calaisis, Lebon, 103. MALIGNER B., « Désistement », Répertoire du contentieux
administratif, Dalloz, mars 2010, p. 180-181.
740 Cité par PEISER G., « Incidents de procédure », ibidem., p. 21-22.
741 CE 18 décembre 2002, élections municipales de Paris, Lefevre utile contre Tibéri, req. n°240241, in « Sanction du
désistement », Répertoire du contentieux administratif, 2014, op. cit., 4 p.
742 Décision époux Rigat du 1er octobre 2010, req. n°314297, Lebon. De la même façon, l’on observe que dans
l’affaire Dame veuve Jeanson, le requérant a précisé s’être désisté parce qu’il avait compris son erreur
relativement au juge compétent et qu’il s’était désisté pour la corriger.
743 Répertoire du contentieux administratif, 2014, ibidem, p. 3.
744 CE 22 juillet 1994, commune de Palaiseau, req. n°149336, Lebon, T. 734, LPA 18 octobre 1996, p. 24.
745 CE section 19 novembre 1993, société Noirot, Recueil Lebon, p. 929.
SCANVIC Fr., « La non-présentation d’un mémoire complémentaire par le requérant dans le délai qui lui est
imparti emporte son désistement d’office, lequel prime la compétence », AJDA, 1994, p. 389-395.
§ 2. LE NON-LIEU À STATUER
Le non-lieu à statuer constitue une situation dans laquelle certains éléments fondamentaux
du procès disparaîssent après l’introduction du recours, obligeant le juge à clore
prématurément l’instruction de l’affaire. Selon la professeur Peiser, « on dit qu’il y a non-lieu
lorsque le litige a subi un tel nombre de transformations en cours d’instance qu’il n’ya pas lieu
de statuer. (...) il ne reste plus rien à juger ou le juge n’a pas les éléments essentiels pour
trancher le litige » 746. Le non-lieu entraîne l’interruption d’une procédure en raison de la
disparition de l’objet du procès et pousse le juge à prononcer une décision qui met fin au litige
sans qu’il y soit statué sur le fond. Selon Monsieur Julien Soulié, si le non-lieu à statuer
s’apparente au désistement parce qu’ils partagent la même qualité d’incidents de procédure, ces
deux notions sont fondées sur des raisons différentes 747. Monsieur Julien Soulié considère en
effet deux éléments permettant de définir la notion de non-lieu à statuer 748. Il s’agit en
premier lieu de la disparition des composants essentiels de la requête depuis l’introduction de
celle-ci, indépendamment de toute manifestation de volonté de la part des parties.
Deuxièmement, le prononcé du non-lieu intervient lorsque l’acte ne fait plus grief à l’intéressé,
Eu égard à l’objet de notre étude, notre propos se limitera au non-lieu à statuer en matière
électorale. Notons sur ce point qu’il est prononcé dans les cas de décès (A) ou de démission
définitive de l’élu (B).
A. Le cas de décès
La notion de décès est appréhendée de manière large. Synonyme de mort, le décès
symbolise la fin d’une existence. Le décès est défini comme une « mort naturelle mettant un
terme à la personnalité juridique, sous réserve de la protection posthume des dernières
volontés, de l’image du cadavre et de la mémoire du décédé (...) » 753. Selon le professeur
François Terré, la personnalité juridique confère la jouissance des droits subjectifs à des êtres
humains considérés individuellement ou en groupe, lorsque ceux-ci constituent des entités
749 SOULIÉ J., « Essai de définition du non-lieu à statuer dans le contentieux administratif », op. cit., p. 420.
750 Lire sur la question, les définitions du Lexiques des termes juridiques, op. cit., p. 670 d’une part, et d’autre part
du Dictionnaire du vocabulaire juridique, op. cit. , p. 268.
751 Vocabulaire juridique, op. cit., p. 616.
752 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13ème édition, Montchrestien, Dalloz, 2008, p. 947.
753 Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 310.
Lire aussi la définition du Dictionnaire du vocabulaire juridique, op. cit., p. 124.
Le principe étant qu’une requête ne puisse être présentée que par une personne vivante,
l’on observe que le régime juridique rattaché à la notion de décès diffère en fonction de la
phase de l’instance. Face à la survenance d’un décès, le juge prend en considération la phase de
progression de la procédure pour constater que l’affaire ne peut pas être mise en l’état. Le juge
distingue à cet égard, si le requérant est décédé au moment où le recours est introduit pour
prononcer non pas un non-lieu à statuer, mais une irrecevabilité du recours. À l’inverse,
lorsque le décès survient le jour de l’introduction de la requête et qu’il n’est pas établi que le
décès est antérieur au moment du dépôt du recours, le juge déclare ce dernier recevable. Il en
va cependant différemment lorsqu’il s’agit d’un pourvoi, puisque le juge prend plusieurs
facteurs en considération avant de se prononcer. Quand le requérant meurt après
l’introduction de son pourvoi, le juge examine si ce dernier n’est pas encore jugé, et prend en
compte l’état d’avancement de l’instruction au moment où le décès lui a été notifié. L’examen
de ces éléments lui permettent de décider s’il y a ou non un non-lieu en l’état, parce que
lorsque les affaires sont en état d’être jugées, la notification du décès de l’une des parties
interrompt la procédure d’instruction et justifie le prononcé d’un non-lieu en l’état 755.
Monsieur Julien Soulié écrit au regard de ces diversifications que « le caractère stipulatif du
rapport entre les mots et les choses ne doit pas être le prétexte à une modification permanente
de la signification de ces premiers. Autrement dit, pour se comprendre, il vaut mieux appeler
une irrecevabilité, une irrecevabilité, et une incompétence, une incompétence, plutôt qu’un
non-lieu » 756.
En matière électorale a contrario, les cas de non-lieu à statuer sont infimes. Il ya non-lieu à
statuer lorsque le requérant décède en cours d’instance. Ainsi, le juge prononce un non-lieu à
statuer qui entraîne immanquablement l’interruption de la procédure d’instruction en raison
du caractère personnel de l’action. Il en résulte que l’action déclenchée par l’auteur de la
requête ne peut être reprise ni par ses héritiers, ni même par ses colistiers. Inversement, il
faudrait préciser qu’une exception s’impose face à ce principe. Il ya lieu de statuer lorsque le
requérant décédé en cours d’instance, est frappé d’une sanction électorale, comptable ou
financière en raison du fait que les conséquences qui s’attachent à ses finances peuvent se
répercuter sur sa succession 757. Si de manière générale, le non-lieu électoral se justifie
758 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, op. cit. p. 947 ; DU MARAIS B., « Le non-lieu à statuer en matière
électorale : conclusions sur le Conseil d’État, section du 9 juin 1995, M. Rivail et autres », RFDA, 1996,
p. 279-290.
759 Définition tirée du CNRLT, op. cit.
760 En France, la démission d’office peut être prononcée lorsqu’un membre du Conseil municipal refuse de
remplir une des fonctions qui lui sont dévolues, ou pour une cause d’inéligibilité ou d’incompatibilité
survenue postérieurement à l’élection. Articles L. 2121-5 et L. 236, L. 239 respectivement des Codes
général des collectivités territoriales et électoral.
761 Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 337.
762 Répertoire de contentieux administratif, tome II, op. cit., p. 30.
Selon Monsieur Julien Soulié, le contentieux relatif à l’élection des personnes renferme une
part importante de l’opportunité. En effet, lorsqu’une personne dont l’élection est contestée
démissionne en cours d’instance, le juge prononce en principe un non-lieu à statuer en raison
de la disparition de l’intérêt du recours. Il en va de même en appel, lorsque le jugement qui a
prononcé l’annulation de l’élection du requérant devient sans objet dès lors que ce dernier a
été réélu postérieurement à l’introduction de la requête 763. De la même façon, peut être
considérée comme cause de non-lieu à statuer, l’organisation d’une nouvelle élection
entraînant le renouvellement intégral d’une assemblée en cours d’instance 764.
763 Lire sur la question, CE, section du 10 juillet 1996, n° 162564, Recueil Lebon, p. 285. Dans cette espèce, le
requérant M. C. avait interjeté appel contre le jugement le déclarant inéligible pour un an, à compter de la
date à laquelle le jugement deviendrait définitif, se fondant sur les dispositions régissant les comptes de
campagne, et annulant par la même occasion son élection en qualité de conseiller général. Cependant,
postérieurement à ce jugement, il démissionne de son mandat, se représente à de nouvelles élections
auxquelles il est réélu. Le juge décide ainsi que sa réélection prive d’objet son appel contre le jugement en
cause, en raison du fait qu’il a annulé son élection. En revanche, le non-lieu partiel n’excluait pas l’examen
de l’article qui le déclarait inéligible pour une période d’un an. C’est ainsi qu’après instruction, le juge
constate que le requérant ne se trouve dans aucun cas de rejet de compte de campagne comme le déclarait
le tribunal qui avait rendu le jugement le déclarant inéligible, il annule ledit jugement, rejette les conclusions
présentées par M. Z. tendant à déclarer inéligible M. X. de ses fonctions de conseiller général, et prononce
un non-lieu à statuer sur le surplus des conclusions du requérant M. X.
764 Lire sur la question, MALIGNER B., in Répertoire du contentieux administratif, 2014, op. cit., p. 40.
765 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », in Les défis des droits fondamentaux, Bruylant/AUF, Bruxelles,
2000, p. 310-346, p. 317.
Parce que le procès permet à un tiers impartial de dire le droit pour lever le doute sur une
situation d’incertitude juridique, il ne doit pas faire oublier que le droit est ordonné et
constitue un moyen pour atteindre un but précis. Sous ce rapport, il n’a de valeur que lorsqu’il
se termine par un jugement 766. Nonobstant le rôle central que joue le juge dans le procès, l’on
observe que le déséquilibre des rôles qui prévaut dans la conduite de l’instruction transforme
irrémédiablement l’office du juge et le place dans une situation invasive.
La résolution des litiges dont est saisi le juge nécessite le respect des règles qui permettent
de lutter contre les lenteurs processuelles quelquefois décriées dans les procès. C’est dans cet
esprit que le professeur Joël Andriantrimbazonia affirme que « le droit au juge ne permettrait
de combattre la lenteur du procès que s'il est renforcé par le fer de lance de l'effectivité. Le
recours ne serait effectif que s'il est traité dans un délai raisonnable » 767. Il convient à cet effet
de remarquer que l’effectivité du procès requiert parallèlement le prononcé d’une décision par
le juge compétent.
766 CADIET L., NORMAND J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 4.
767 ANDRIANTSIMBAZOVINA J., « Délai raisonnable du procès, recours effectif ou déni de justice ? De l’arrêt
Kudla, de la Cour européenne des droits de l’homme à l’arrêt Magiera, du Conseil d’État. Le trésor et la perle
ou le filet ? », RFDA, 2003, p. 85-169.
Employé fréquemment dans les procédures, la notion de décision varie en fonction des
domaines considérés. Elle renvoie à un jugement, un arrêt, une ordonnance et désigne de
manière générique les actes émanant d’une juridiction collégiale ou d’un magistrat unique 769.
Elle est entendue comme l’action de décider, de prendre une résolution, de statuer sur une
affaire, de se prononcer pour ou contre quelqu’un ou quelque chose 770. Pour Jean
Carbonnier, l’activité du juge apparaît comme une activité tout à fait originale qui permet de
servir et de caractériser le droit par rapport aux phénomènes sociaux 771. Il continue en
précisant que cette activité du juge pourrait être nommée" judiciarité" en ce sens qu’elle
aboutit à l’éventualité d’un procès puis d’un jugement 772. Il s’ensuit aisément que, la
justiciabilité étant considérée comme le critère de la juridicité, il n’y a de droit que là où il peut
y avoir un procès 773. Monsieur le président Victor Haïm, précise à ce propos qu’ « en principe
toute juridiction, même spécialisée, doit statuer sur la requête contentieuse dont elle est saisie,
même manifestement irrecevable, par une décision qui a nécessairement le caractère d’une
décision juridictionnelle (...) » 774.
La décision dans un procès renferme une importance cruciale, non pas seulement parce
qu’elle permet de mettre un terme au différend existant, mais elle est également considérée
comme un instrument, un moyen de rétablir la paix. Paul Ricoeur écrit à cet égard que le
procès étant le lieu unique où la parole l’emporte sur la violence, l’acte de juger permet grâce
au procès, de passer de la situation de trancher le conflit à celle de contribuer à consolider la
768 DI MANO TH., Le Conseil constitutionnel et les moyens et conclusions soulevés d’office, Economica, Paris, 1994, p. 335.
769 Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 311.
770 Dictionnaire universel, op. cit., p. 322.
771 CARBONNIER J., Sociologie juridique. Partie spéciale : le procès et le jugement, Association corporative des étudiants
en droit, cours sténotypé, 1961-1962, cité par CADIET L., « Carbonnier processualiste », in Justices et droit du
procès. Du légalisme procédural à l’humanisme processuel », in Mélanges en l’honneur de serge Guinchard, Dalloz, 2010,
p. 189-204.
772 CARBONNIER J., Sociologie juridique. Partie spéciale : le procès et le jugement, Association corporative des étudiants
en droit, cours sténotypé, 1961-1962, cité par CADIET L., « Carbonnier processualiste », in Justices et droit du
procès. Du légalisme procédural à l’humanisme processuel » ibidem, p. 195.
773 CADIET L., « Carbonnier processualiste », in Justices et droit du procès. Du légalisme procédural à l’humanisme
processuel, ibidem, p. 195.
774 HAÏM V. « Jugement », in Répertoire contentieux administratif, Dalloz, mars 2011, 47 p., p. 22.
775 RICOEUR P., Le juste, éditions Esprit, 1995, p. 185-192, cité par Cadiet L., « Carbonnier processualiste », in
Justices et droit du procès. Du légalisme procédural à l’humanisme processuel, ibid., p. 202.
776 BUFFET S., Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, op. cit., p. 309.
777 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, op. cit., p. 548.
778 FOULQUIER C., ibid., p. 548.
779 TCHEUWA J.-Cl., « Droit constitutionnel étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en œuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op. cit., p. 4.
780 GENEVOIS Br., « Le nouveau rôle du juge de l’élection », in Pouvoirs, n°70, septembre 1994, p. 69-81.
781 SALL M., « Considérations sur la nature spécifique du contentieux électoral », Colloque international sur le
contentieux électoral et l’état de droit, in Les Cahiers de l’Association Ouest Africaine des Hautes Juridictions Francophones,
1998, p. 10-21. [En ligne], http://democratie.francophonie.org/rubrique.php3?id_rubrique=844#.
(Consulté le 12/06/2011).
782 Définition de la lexicographie du CNRTL, [En ligne], op. cit.
L’analyse des espèces susmentionnées permet de dire que le juge électoral rehausse la
portée et le sens de la notion de sincérité du scrutin. Son rôle consiste non plus simplement à
sanctionner les irrégularités avérées, mais à apprécier essentiellement la sincérité du scrutin
avec en fond de toile, le souci de respecter l’expression du suffrage. Sous ce rapport, le juge
électoral tend moins à « exécuter fidèlement la formule de la loi et la volonté de son auteur
qu’à identifier et à prendre la juste mesure des intérêts et des valeurs qui s’affrontent dans
l’espèce à résoudre, afin d’arbitrer ce conflit soit en privilégiant l’intérêt le plus important, soit
en favorisant une solution d’équilibre » 787. De la sorte, le juge électoral recherche
nécessairement « l'adéquation entre le résultat proclamé et la volonté majoritaire librement
exprimée des électeurs » 788 en privilégiant la recherche de l’influence déterminante d’une
irrégularité sur l’issue du scrutin. Certes, le contrôle du juge électoral est pragmatique et
constitue même une véritable gageure, seulement il convient de noter qu’il pourrait générer
deux effets antinomiques : la consolidation de la fonction de régulation du droit dans la société
786 Voir sur la question, les arrêts n°s 30-117-118-119/CEL relatifs aux affaires Nintcheu Jean Michel et Etroukang
Jean-Pierre, Kodock Augustin Fréderic, Basile Yagai, Kwemo Pierre du 07 août 2007.
L’on remarque toutefois que, dans une affaire particulièrement différente, le juge électoral annule le scrutin,
non pas pour raisons de fraudes graves, mais pour cause d’erreur matérielle relevée dans l’admission des
candidatures. Le Conseil constitutionnel a décidé dans cette affaire que, l’admission de la candidature en
deux noms distincts, en l’occurrence Mbappe Jean-Baptiste et dans l’arrêté de publication des candidatures
et Mbapte Jean-Baptiste sur les bulletins de vote a eu pour effet, de semer la confusion dans l’esprit des
électeurs, et par conséquent, altéré la sincérité du suffrage. Arrêt n°116/CEL du 07 août 2007, affaire Njana
Marie Joseph contre État du Cameroun.
787 FRYDMAN B., « L’évolution des critères de contrôle de la qualité des décisions de justice », in Qualité des
décisions de justice : Études réunies par Pascal Mbongo, éditions du Conseil de l’Europe, 2013, p. 21.
788 KATSHUNG Y., « De l’appréciation du critère de « l’influence déterminante » dans la gestion du contentieux
électoral en RDC », in, Pambazuka News voix panafricaine pour la liberté et la justice, n° 16, 21-11-2006, 5 p.[En
ligne], http://pambazuka.org/fr/category/comment/38441. (Consulté le 21/09/2013).
Si le juge administratif est compétent pour connaître de la légalité des actes administratifs
en matière d’excès de pouvoir, il n’en va pas de même du Conseil constitutionnel qui rappelle
systématiquement le caractère attributif de ses compétences qui l’empêche de sortir de sa
sphère de compétence. La question de répartition des compétences entre les juges électoraux
dans le cadre du contrôle de légalité des actes préparatoires s’est ainsi posée avec acuité en
France 792. L’on avait relevé l’existence de plusieurs controverses autour de la détermination
789 GAUDEMET Y., Traité de droit administratif, tome I, 16ème édition, Paris, L.G. D.J., 2001, p. 472.
790 GAUDEMET Y., Traité de droit administratif, ibidem, p. 530.
791 LAFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, tome II, op. cit., p. 496-497.
792 L’irruption de la notion d’acte détachable dans la jurisprudence du Conseil d’État se justifie par la volonté
de ce dernier d’ouvrir progressivement les recours pour excès de pouvoir contre un grand nombre de
décisions administratives considérées comme insusceptibles de recours en raison de leur nature. Cette
ouverture s’est manifestée au travers de plusieurs décisions, notamment dans les espèces Commune de Massat
du 14 juillet 1903 et Chabot, du 7 août 1907. GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français,
Thèse de l’Université de Paris II, 27 septembre 1997, p. 360.
L’acte détachable est défini par monsieur Stéphane Guérard comme un « acte administratif
juridique susceptible de recours pour excès de pouvoir » 795. En matière électorale, est
considéré comme détachable, un acte qui, bien qu’ayant un lien avec une opération électorale
déterminée, peut en être détaché et soumis au contrôle du juge pour excès de pouvoir. Bien
qu’il soit le juge naturel de la légalité des actes administratifs, le juge administratif ne peut en
matière électorale, connaître de la légalité d’un acte préparatoire que s’il est détachable de
l’élection. S’il est indéniable qu’il n’est pas aisé de définir de manière précise les actes qui
peuvent être considérés comme détachables, l’on observe une application libérale de la théorie
des actes détachables par les juges, en l’occurrence le juge administratif. Le président Daniel
793 GHEVONTIAN R., « Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d’élections
politiques », op. cit., p. 804.
794 Monsieur Michel Krassilchik notait relativement à la théorie de la détachabilité qu’elle « doit opérer
sélectivement une répartition des litiges entre des compétences concurrentes ou exclusives et des types
variés de recours juridictionnels ». KRASSILCHIK M., La notion d’acte détachable endroit administratif français,
Thèse de l’Université de Paris II, 17 mars 1964, p. 940.
795 GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français, op. cit., p. 399.
Le contrôle des opérations électorales varie en fonction de la phase considérée. Ainsi, les
opérations relatives à la liste électorale 801 d’une part, et à la déclaration des candidatures
d’autre part ne sont pas susceptibles d’un recours pour excès de pouvoir en raison de leur
caractère non détachable de l’élection. En revanche, il n’en va pas de même des décisions
relatives à l’organisation matérielle de l’élection, notamment celles liées au découpage des
circonscriptions électorales, à la convocation du corps électoral 802, et à la campagne électorale.
Les juges administratif et constitutionnel se sont chacun dans son domaine, reconnus
compétent pour en connaître. Cette situation eu pour effet bénéfique de créer une nécessaire
cohabitation des deux juges en matière de contrôle des opérations préparatoires, faisant du
juge administratif le juge de l’action, et du juge constitutionnel le juge de l’exception 803.
801 Il convient ici de préciser que le juge de l’excès de pouvoir exerce sa compétence lorsque les opérations
préparatoires en cause se rapportent une élection particulière. En France, l’on a assisté à des cas de recours
pour excès de pouvoir certes rares, mais pas totalement exclus. Le Conseil d’État a ainsi admis la possibilité
d’intenter des recours à l’encontre d’un décret fixant la date de clôture de la révision des listes électorale ou
soumettant aux dispositions des articles R. 5 à R. 22 du Code électoral les opérations d’établissement et de
révision des listes complémentaires établies en vue de la participation des étrangers ressortissants des États
de l’Union européenne à l’élection des représentants de la France au Parlement européen, etc. CE, 9 février
1983, Esdras et a., Rec. 49, RDP 1983, p. 830 (concl. D. Labetoulle) ; CE 3 juillet, 1996, Meyet, p. 1060
(n°43), LPA 26-07-1996 (n°90), p. 5 (concl. J.-C. Bonichot). GUERARD S., La notion de détachabilité en droit
administratif français, p. 407.
802 Si en France, les actes administratifs portant d’une part le découpage des circonscriptions électorales, et
d’autre part la convocation du corps électoral peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir
devant le juge électoral, l’on remarque qu’au Cameroun il en va différemment, puisque le décret portant
convocation du corps électoral est encore considéré comme un acte de gouvernement insusceptible de
recours. Cette position rétrograde qui a évolué en France —avec l’arrêt Delmas du 11 juin 1981 permettant
de décider le Conseil constitutionnel à connaître du décret de convocation du corps électoral— nécessite
d’être révisée afin de permettre que les droits de vote des citoyens soient garantis de manière optimale,
puisque le découpage des circonscriptions électorales a une influence certaine sur les résultats du scrutin
selon que la méthode de découpage utilisée vise ou non l'équité.
Elections municipales de Saint-Tropez du28 janvier 1994, Rec., p. 38.
SAVOIE H., « Le contentieux des actes préparatoires au référendum- Conclusions sur le Conseil d’État,
Assemblée, 1er septembre 2000, Larrouturou, Meyet et autres », ibidem, p. 993.Elections municipales de Saint-
Tropez du28 janvier 1994, Rec., p. 38.
803 C’est à l’occasion de l’affaire Delmas que le Conseil constitutionnel s’est décidé à connaître pour la première
fois, des recours dirigé contre le décret de convocation du corps électoral. Dans le cas d’espèce le Conseil
d’État avait rejeté le recours monsieur François Delmas en invoquant son incompétence pour en connaître.
Ce dernier s’est adressé par la suite au Conseil constitutionnel pour solliciter l’annulation du décret de
convocation des électeurs qui avait été pris après la dissolution de l’Assemblée nationale. À l’occasion le
juge constitutionnel avait justifié sa démarche qui s’avérait ainsi exceptionnelle étant entendu que le décret
de convocation des électeurs n’est pas par nature un acte relevant de sa juridiction, en fondant sa
compétence sur la carence du Conseil d’État et soutenait que le contrôle des actes préparatoires ne peut
s’exercer que dans le cadre de la réalisation de la mission qui lui est confiée par l’article 59 de la
Constitution.
804 ONDOUA A., « Le juge du sursis à exécution à l’épreuve du contentieux des actes préliminaires aux
élections : À propos de l’ordonnance n°08/OSE/CCA/CS/2013 du 19 août 2013, Mouvement pour la
renaissance du Cameroun (MDR) c/ État du Cameroun », in Revue Juridique et Politique des États francophones, n°2,
année 68, Paris, avril-juin 2014, p. 253-265; Voir par ailleurs sur la question, la lecture faite par le professeur
Alain Ondoua de l’ordonnance du 19 août 2013, MRC c/ Etat du Cameroun, relative à la demande de sursis à
exécution intentée par le MRC contre le décret du président de la République n°2013/220 du 02 juillet
2013 portant convocation du corps électoral en vue de l’élection des députés à l’Assemblée nationale et des
conseillers municipaux. ONDOUA A., « Décret de convocation du corps électoral – La chambre
administrative de la Cour suprême rejette la demande de sursis à exécution du Mouvement pour la
Renaissance de la République (MRC) », 5 p. [En ligne],disponible sur : ddata.over-
blog.com/.../Commentaire-ONDOUA-Ord.-MRC-c.-Etat-du-Cameroun--1.... (Consulté le 15/08/2015).
805 OUSSEINI O., Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de l’Ouest francophone, ibidem, p. 129.
Par principe, le juge de l’excès de pouvoir dans un premier temps s’est refusé à connaître
des actes qu’il considérait intimement liés à l’opération électorale. Le juge électoral a par la
suite estimé que les recours engagés à l’encontre des actes préparatoires à l’élection devaient
être rejetés pour irrecevabilité puisque c’est le juge de l’élection qui devait en connaître à
l’occasion du contentieux des résultats 807. Si l’acte non détachable relève de la compétence
exclusive du juge électoral compétent, l’on observe qu’il ne saurait être porté devant une autre
juridiction sans encourir une irrecevabilité pour incompétence de l’organe saisi. Il en résulte
qu’en matière électorale, la compétence du juge de l’élection est entière, sauf à l’égard des
litiges relatifs aux actes préparatoires aux élections répartis entre le juge administratif et
Conseil constitutionnel. Monsieur Stéphane Guérard souligne à cet effet que « le juge
compétent pour connaître du contentieux d’une telle opération complexe est un juge
bénéficiant de pouvoirs extrêmement larges qui lui permettent en principe de statuer sur tous
les litiges relatifs à l’accomplissement de celle-ci. » 808. Nonobstant l’étendue des pouvoirs
reconnus au juge de l’élection, l’on observe que celui-ci se déclare incompétent lorsqu’il est
saisi des opérations préparatoire à l’élection qui n’ont pas un lien direct avec les opérations
électorales. Il convient cependant de remarquer qu’il n’hésite pas à sanctionner une élection
lorsque la gravité des irrégularités relevées lors de ces opérations préparatoires exercent une
806 GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français, op.cit., p. 397.
807 Dans les espèces, arrêts n°s 78/A/02-03 du 19 avril 2004, Kwapnang Moïse (candidat SDF), État du Cameroun
(commune rurale de Loum) contre État du Cameroun, RDPC, SDF ; 91/A/02-03 du 19 avril 2004, UDC, État du
Cameroun (commune rurale de Koutaba) contre État du Cameroun, RDPC, le juge d’appel avait infirmé les
jugements d’annulation du scrutin fondés sur la gravité des irrégularités relevées dans l’organsisation et le
déroulement des opérations préparatoires, aux motifs pris de son incompétence.
808 GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français, ibidem, p. 397.
809 Arrêt n°86/A/03-04 du 19 avril 2004, État du Cameroun, UPC (commune rurale d’Éseka) contre Nyemeck
Bienvenu (candidat RDPC) intervenant volontaire.
810 Article 154 du Code électoral béninois.
811 Les pays de l’Afrique de l’Ouest tels que le Bénin, le Burkina-Faso, le Togo, attribuent au juge
constitutionnel la compétence de connaître du contentieux des opérations préélectorales et des litiges nés
des opérations du vote. Lire sur ce point, OUSSEINI O., Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique
de l’Ouest francophone, op. cit., p. 100.
812 MASCLET J.-Cl., « Rapport introductif », in Aspects du contentieux électoral en Afrique, op. cit., p. 33-34.
813 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 534.
814 L’interdiction de juger infra ou ultra petita imposée au juge suppose que ce dernier ne peut statuer ni en deçà,
ni au delà des conclusions des parties. Le juge est lié par les termes du recours, et ne peut dépasser les
contours du lien d’instance. Si cette interdiction constitue une règle générale de procédure s’imposant à
toutes les juridictions dans le contentieux administratif proprement dit, l’on observera qu’elle connait
quelques assouplissements en ce qui concerne le contentieux électoral. Le juge électoral ne se pliera ainsi
pas à l’observance de cette règle lorsqu’il sera appelé à prononcer des annulations d’office ou pour
sanctionner certaines irrégularités étroitement rattachées aux faits énoncés. Il est important de souligner
que le juge administratif camerounais s’est illustré dans une espèce, en décidant l’annulation de l’élection
dans une commune en déduisant que « la sanction de l’élection législative prononcée par le Conseil
constitutionnel au vu des irrégularités relevées dans la commune s’impose à l’élection des conseillers
municipaux de ladite commune », en application des dispositions des articles 50 de la Constitution, et
15 alinéas 2 et 3 de la loi n°2004-004 du 21 avril 2004 fixant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel, qui prévoient que « les décisions du Conseil constitutionnel (...), s’imposent aux pouvoirs
publics et à toutes les autorités administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi qu’à toute personne
physique ou morale ». Jugements ns°191/06-07/CE, 283/06-07/CE, 288/06-07/CE et 289/06-07/CE du
29 août 2007.
Dans le cadre de son contrôle, le juge électoral n’hésite pas à sanctionner des résultats qui
ne reflètent pas l’expression de la volonté du corps électoral. L’annulation de l’élection
815 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 533.
816 L’analyse des dispositions du Code électoral camerounais révèle que la proclamation des résultats intervient
généralement après la phase contentieuse, notamment après que le juge électoral ait examiné les recours qui
lui sont soumis. Il convient cependant de noter qu’il en va différemment en ce qui concerne l’élection des
conseillers municipaux, puisque, conformément aux dispositions de l’article 193 alinéa 1, la Commission
communale de supervision proclame les résultats des élections municipales au niveau de la circonscription
électorale dans un délai de soixante douze (72) heures à compter de la clôture du scrutin.
817 MELEDJE D. Fr., « Le contentieux électoral en Afrique », op. cit., p. 147.
Prévu par les articles 132 alinéa 2 et 194 alinéa 1 du Code électoral camerounais relatifs
respectivement à l’élection du président de la République, des députés à l’Assemblée nationale
et à celle des conseillers municipaux, le contentieux des opérations électorales relève de la
compétence du Conseil constitutionnel et de la juridiction administrative, et peut aboutir à
l’annulation des résultats du scrutin. Le pouvoir d’annulation accordé au juge électoral lui
permet de sanctionner les irrégularités qu’il estime vicié la sincérité du scrutin, ou lorsqu’il
n’est pas en mesure d’évaluer la portée de l’irrégularité sur les résultats du scrutin. Certes, tous
les moyens relatifs au déroulement des opérations de vote peuvent être invocables devant le
juge électoral. Mais l’on remarque que le juge apprécie avec beaucoup de prudence les requêtes
qui lui sont soumises et met en regard l’ampleur, la gravité, et l’impact de l’irrégularité sur les
résultats du scrutin. Édouard Laferrière écrivait justement sur la question que, face à une
protestation qui dénonce des faits contraires à la liberté et la sincérité du vote, le juge doit non
pas s’intéresser à leur caractère frauduleux ou non, mais déterminer s’ils ont pu exercer une
réelle influence sur les résultats du scrutin 819. S’appuyant sur le traditionnel schéma de la prise
en compte de l’influence d’une irrégularité sur le résultat du scrutin et du différentiel de voix
entre les candidats, le juge prononce selon les cas, une annulation totale(a) ou partielle de
l’élection en cause (b).
818 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 548.
819 LAFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative, tome II, op. cit., p. 348.
825 Selon le professeur Jean-Claude Masclet, l’annulation par voie de conséquence est prononcée lorsque à
l’occasion d’un second, le juge électoral dans une première situation a soit annulé le premier tour, soit
modifié les résultats du scrutin. MASCLET J.-Cl., Droit électoral, op. cit., p. 363.
826 En France, le Conseil constitutionnel tire son pouvoir des dispositions de l’article 41 de l’Ordonnance
n°58-1067 du 7 novembre 1958 d’une part et L.O. 186 du Code électoral qui dispose que ‘lorsqu’il fait droit
à une requête, le Conseil constitutionnel peut, selon les cas, annuler l’élection contestée ou réformer la
proclamation faite par la commission de recensement et proclamer le candidat qui a été régulièrement élu »
d’autre part.
827 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », op. cit., p. 47.
828 Depuis la réintroduction du multipartisme, le Cameroun a organisé les élections présidentielles à des
intervalles variant en fonction du mandat présidentiel. Les deux premières élections ont été organisée sous
le régime d’un quinquennat. Il s’agissait de l’élection du 11 octobre 1992, et de celle du 12 octobre 1997. La
révision constitutionnelle opérée en 1996 a entrainé l’allongement du mandat présidentiel qui est passé de 5
à 7 ans. Cette mutation a modifié le calendrier électoral, donnant ainsi lieu à la tenue de nouvelles élections
le 11 octobre 2004, et le 9 octobre 2011.
829 TCHEUWA J.-Cl., « Droit étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral camerounais : à propos
de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en œuvre à l’occasion des élections
législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op. cit., p. 9.
Même si les élections législatives du 1er mars 1992 et municipales du 21 mars 1996 —
malgré plusieurs reports— se sont déroulées dans un climat de tension et de suspicion, il faut
remarquer qu’elles ont permis les premières annulations des résultats du scrutin au Cameroun.
Elles ont par ailleurs redynamiser les compétitions électorales en levant le pan sur le pouvoir
d’annulation du juge électoral. L’on ainsi observé à l’occasion du contentieux des élections
législatives du 17 mai 1997, que le juge électoral s’est singulièrement fait remarquer par le fort
usage de son pouvoir d’annulation. En effet, bien qu’il n’ait retenu que huit recours sur les
cent cinquante (150) recours en annulation totale ou partielle des résultats du scrutin
enregistrés, l’on note que le juge électoral a fait preuve d’une grande hardiesse dans l’examen
des requêtes qui lui étaient soumises. Face à cette pléthore de recours en annulation par les
forces de l’opposition invoquant des irrégularités et pratiques frauduleuses d’ailleurs
corroborées par les rapporteurs des observateurs internationaux, le juge électoral annulera
finalement les résultats dans trois circonscriptions électorales, à savoir le Mayo-Rey, le Mayo-
Banyo et le Ndé 831. À cette occasion, le juge électoral procède à « la réception d’une
méthodologie favorable de computation des délais de recours, excluant les jours fériés et les
dimanches » 832, se rallie par ce fait à la position de son homologue français et rappelle que la
computation des délais de saisine tient compte des circonstances. Au delà de sa pédagogie sur
la computation des délais, le juge électoral révèle sa qualité de défenseur des droits civils et
politiques des citoyens. Pour lui en effet, le fait d’empêcher les candidats d’un parti politique
de battre librement campagne dans leur circonscription électorale constitue une donnée
flagrante et fondamentale d’irrégularités graves susceptibles d’influencer de manière
déterminante les résultats du scrutin. Par ailleurs, le climat d’insécurité entretenu par le Lamido
de Rey-bouba, les autorités administratives et les forces de sécurité d’une part, la violation de la
liberté et du secret du vote et la non-admission des représentants de certains partis politiques
lors du dépouillement d’autre part n’ont pas concouru à un exercice pacifique des droits
civiques. Invoquant les textes internationaux en l’occurrence, l’article 21 de la Déclaration
830 MELEDJE DJ., Fr., « Le contentieux électoral en Afrique, op. cit., p. 141.
831 Voir les arrêts n°51/CE/96-97 du 03 juin 1997, circonscription électorale du Mayo-Rey ; n°22/CE/96-97
du 03 juin 1997, affaire UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale du Mayo-Banyo ;
n°46/CE/96-97 du 03 juin 1997, circonscription électorale du Ndé.
832 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », op. cit., p. 49.
S’agissant des élections municipales organisées en 1996, l’on devrait préalablement rappeler
que les circonstances de l’organisation de ce scrutin étaient propices à beaucoup de suspicion.
Le prolongement du mandat des conseillers municipaux issus du scrutin de 1987 d’une part, et
plusieurs débats relatifs à la création d’un organe indépendant d’autre part ne contribuaient
guère à créer un environnement propice à des élections sereines, ce qui avait entraîné une
prolifération de recours en annulation des opérations électorales. Si le taux de contestation des
résultats du scrutin est élevé, l’on remarque en revanche que très peu de requêtes aboutissent à
la décision escomptée par le demandeur. Saisi de 107 (cent sept) recours, dont soixante dix-
sept (77) se rapportant à l’annulation des opérations électorales, le juge électoral a prononcé à
l’encontre d’environ 90% des requêtes, une décision soit d’irrecevabilité, soit de non-lieu ou
d’incompétence 834. À l’instar de son homologue le juge électoral chargé de la régularité des
élections nationales, le juge administratif s’est illustré par sa propension à la pédagogie. C’est
dans cette mouvance qu’il a annulé les opérations électorales dans la circonscription électorale
de Biyouha au motif que la Commission communale de supervision a outrepassé ses pouvoirs
en s’immisçant dans un domaine de compétence qui n’est pas sien ou en s’abstenant d’assurer
la régularité des opérations électorales qui relève de sa compétence 835.
Les années 2000 apportent un souffle nouveau dans le contentieux des élections au
Cameroun sur le plan organique 836 et matériel. Selon le professeur Jean-Claude Tcheuwa, « La
pratique du contentieux électoral camerounais depuis au moins 2002, a fait ressortir une liste
833 Lire davantage sur la question, OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun »,
ibidem, p. 49 ; MBOME Fr. X., « Les transitions démocratiques en Afrique », in Juridis Périodique, n°41, janv.,
fév., mars 2000, p. 1-34.
834 Lire sur la question MBARGA NYATTE D., »Sociologie du contentieux relatif aux élections municipales du
21 janvier 1996 au Cameroun », in, Juridis Périodique, n°45, janv.- fév.- mars 2001, p. 78-88.
835 Affaires UNDP, commune rurale de Biyouha contre État du Cameroun (Minat), jugement n°53/95-96 du 18 juillet
1996 ; SDF, commune rurale de Bafoussam contre État du Cameroun (Minat), jugement n°85/95-96 du 26
septembre 1996 ; SDF, commune rurale de Bagangté contre État du Cameroun (Minat), jugement n°93/95-96 du 26
septembre 1996 ; SDF, commune rurale de Penja contre État du Cameroun (Minat), jugement n°831/95-96 du 19
avril 1996.
836 Les mutations intervenues sur le plan organique portent sur l’institutionnalisation du Conseil
constitutionnel avec l’adoption en 2004 de la loi qui régit son organisation et son fonctionnement d’une
part, et la création des structures indépendantes chargées de superviser l’organisation et le déroulement des
élections, notamment l’Onel en 2000, et Elecam en 2006 d’autre part.
837 TCHEUWA J.-Cl., « Droit étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral camerounais : à propos
de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en œuvre à l’occasion des élections
législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op. cit., p. 5.
838 Arrêts n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, RDPC contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale de
Kumba urbain ; n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, RDPC contre État du Cameroun (Minat), circonscription
électorale de Kumba urbain ; Arrêt n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, RDPC contre État du Cameroun (Minat),
circonscription électorale de Kumba urbain ; n°44/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UPC contre État du Cameroun
(Minat), circonscription électorale du Nkam ; n°30-117-118-119/CEL/du 07 août 2007, Nintcheu Jean-Michel
(SDF), Etroukang Jean-Pierre (UNDP), Kodock Fréderick, Basile Yagaï, Kwemo Pierre contre État du Cameroun
(Minat), circonscription électorale de Wouri-Est ; , n° 54/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du
Cameroun (Minat), circonscription électorale de Bamboutos ; n° 42/CE/01-02 du 17 juillet 2002, POPC, UNDP
contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale du Mbam et Kim ; n°37/CE/01-02 du 17 juillet 2002,
AMEC contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale du Nyong t So’o ; n°32/CE/01-02 du 17 juillet
2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale de la Méfou et Akono ; n°28/CE/01-
02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale de la Sanaga Maritime.
839 Jugement n°59 CS-CA du 03 septembre 2002, Iya Clébert, (candidat du RDPC), commune rurale de Loum contre
État du Cameroun (Minatd) et SDF (intervenant volontaire), et en appel, l’arrêt n°78/CS-AP du 19 avril 2004,
affaire Kwayap Moïse (candidat SDF), État du Cameroun (Minatd), commune rurale de Loum contre État du Cameroun ;
jugement n°128 CS-CA du 03 septembre 2002, Moghom Dieudonné, (candidat du SDF), commune rurale de
Baamougoum contre État du Cameroun (Minatd) et RDPC (intervenant volontaire), et en appel, l’arrêt n°90/CS-AP
du 19 avril 2004, affaire Fathu Jean-Pierre, RDPC, commune rurale de Bamougoum contre État du Cameroun.
840 Si le pouvoir de réformation des juges électoraux ne repose sur aucun texte, l’on observe en revanche que le
législateur le reconnait de manière expresse à la Commission communale de supervision puisque,
conformément aux dispositions de l’article 192 du Code électoral, « la commission communale de
supervision est chargée de la centralisation, de la vérification des décomptes des votes au vu des procès-
verbaux et pièces annexes transmis par les commissions locales de vote. Elle procède, le cas échéant, à la
rectification, au redressement ou à l’annulation desdits procès-verbaux ». Cette attitude du législateur
pourrait être justifiée par la peur que le juge électoral puisse substituer sa propre décision à la proclamation
faite par la commission de vote, remettant ainsi en cause, la volonté du corps. Lire sur cette question,
MALIGNER B., Droit électoral, op. cit., p. 910.
Le juge électoral use de son pouvoir de réformation lorsqu’il est en mesure de restituer avec
exactitude la volonté du corps électoral. Ainsi, lorsqu’il est saisi d’un recours en contestation
des opérations de décompte, le juge électoral doit rechercher si une irrégularité dans le calcul
de voix a pu influencer le résultat final du vote. Certes, le pouvoir de réformation ne vise pas
principalement la sanction des fraudes alléguées, mais il faudrait remarquer avec Monsieur
Bernard Maligner que face à une allégation d’illégalité, de fraudes, ou d’erreur dans le
décompte des voix, le juge considère comme critère fondamental « l’incidence mesurable des
irrégularités » 845. Chargé de garantir la régularité des résultats du vote, le juge électoral, face
ainsi à une certitude absolue de l’existence d’un vice ayant entaché les opérations matérielles
de calcul des voix, se transforme en un bureau supérieur de recensement et procède soit à un
nouveau décompte des voix ((1), soit à une rectification arithmétique des résultats (2).
841 TOUVET L., DOUBLET Y.-M., Droit des élections, op. cit. p. 556.
Sur les auteurs invoqués par messieurs Laurent TOUVET et Yves-Marie DOUBLET, lire : LAFERRIÈRE E.,
Traité de droit administratif et des recours contentieux, tome II, Berger-Levrault, 1888, p. 318 ; CHANTE-GRELLET,
Répertoire de droit administratif, Becquet et Dupré, 1898, T. XV, n°632.
842 MALIGNER B., Droit électoral, op. cit., p 911.
843 CE 5 août 1849, De Richouff, Rec., p. 461 ; CE 24 août 1849, Rouvière contre Ferrand, Rec., p. 539.
844 CE 25 août 1849, Rosey, Léguillon et autres, Rec., p. 568 ; CE 25 août 1849, Forest et consorts contre Dayras, Rec.,
p. 569.
845 MALIGNER B., Droit électoral, ibidem., p 911.
846 LAFERRIÈRE E., Traité de droit administratif et des recours contentieux, op. cit., p. 317.
847 JEZE G., Cours de théorie générale de la fonction publique, Paris, M. Girard, 1927, p. 164, cité par MALIGNER B.,
Droit électoral, op. cit., p. 913. Lire également sur la question, CREMERY, Des pouvoirs du juge dans le contentieux
administratif des élections, Thèse, paris, 1936 ; GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes
directeurs, Paris, édition Sth, 1988, p. 342.
848 La technique de rectification hypothétique des résultats du vote qui consiste à procéder à l’imputation des
suffrages lorsque les bénéficiaires ou les victimes des irrégularités ne sont pas identifiés avec certitude, ne
fera pas partie de notre analyse en raison du fait que, nonobstant ses mérites, elle n’est pas employée par le
juge électoral camerounais. Bien que ne faisant pas l’objet de notre étude, la technique de rectification
hypothétique mérite d’être clarifiée. En effet, lorsque le juge constate des irrégularités dans le décompte des
votes émis, il peut soit déduire ces suffrages du nombre des suffrages exprimés et nombre de voix obtenues
par le ou les candidats élus, soit ajouter ces suffrages potentiels au total de suffrages exprimés et au
nombre de voix obtenues par le ou les candidats élus. Cette méthode par laquelle le juge électoral effectue
des soustractions ou des additions des voix pourrait être défavorable pour les candidats proclamés élus.
Lire sur la question, BUFFEt S., Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil
constitutionnel, op., cit., p. 405 ; MALIGNER B., Droit électoral, op. cit., p. 934-938.
849 MALIGNER B, Droit électoral, ibidem, p. 923.
S’il est indéniable que les pouvoirs du juge électoral sont étendus et qu’il apprécie de
manière discrétionnaire les requêtes qui lui sont soumises, l’on note en revanche qu’il ne
saurait user de manière arbitraire du pouvoir de réformation, puisqu’il ne s’en sert que lorsqu’il
est en mesure de reconstituer avec certitude le nombre de voix obtenus par les candidats. Le
président Bruno Genevois remarque sur ce point que « le pouvoir de rectification dont
dispose le juge de l’élection ne joue que dans des limites très précises. Il lui faut rétablir les
résultats sortis des urnes que l’organe chargé du recensement a mal interprété, soit en raison
d’une erreur de calcul, soit parce que des suffrages ont été déclarés nuls alors qu’ils devaient
être tenus pour valables et inversement » 851. À l’analyse, l’on observera que le pouvoir de
rectification du juge électoral ne s’exercera qu’à la condition fondamentale de l’existence d’une
certitude relative à l’incidence mesurable des irrégularités sur les résultats du scrutin est
remplie. Ainsi, lorsque le juge électoral est dans l’impossibilité de déterminer avec précision
l’incidence des dysfonctionnements, notamment les erreurs, les manœuvres ou les fraudes
alléguées, les résultats du scrutin, et les opérations de rectifications, il procède invariablement à
l’annulation de l’élection 852. En effet, dans une espèce UNDP et SDF commune urbaine de
Yaoundé II du 18 juillet 1996, le juge ayant été saisi d’une requête en contestation des
résultats, avait annulé les procès-verbaux de dépouillement de vote qui avaient été modifiés six
(6) jours après la proclamation des résultats par la commission communale de vote, et qui
accordaient l’avantage au RDPC en lui attribuant près de deux mille (2000) voix, prenant en
compte certains bureaux de vote qui n’avaient pas fonctionné, alors même que les premiers
résultats accordaient vingt-cinq (25) sièges au SDF contre six (6) pour le RDPC. Dans cette
affaire, le juge avait estimé que les procès-verbaux du 27 janvier 1996 intervenus
postérieurement à la proclamation des résultats étaient plus que douteux et encouraient la
nullité pour violation des dispositions textuelles de l’article 33 de la loi n°92/002 du 14 août
1992 fixant les conditions d’élection des conseillers municipaux. Pour lui, un procès-verbal ne
peut être qualifié de provisoire ni être annulé par la commission qui devait se déclarer
850 GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, op. cit., p. 350.
851 GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, ibidem, p 342.
852 MALIGNER B., Droit électoral, ibid., p. 920-921.
853 Jugement n°44 du 18 juillet 1996. Lire sur la question, MBARGA NYATTE D., « Sociologie du contentieux
relatif aux élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun », op. cit., p. 81.
854 TOUVET L., DOUBLET Y.-M., Droit des élections, op. cit. p. 557.
855 Arrêt n°97/29/CE/96-97 du 3 juin 1997. Lire sur laquestion, SIETCHOUA DJUITCHOKO, C., « Introduction
au contentieux des élections législatives camerounaises devant la Cour suprême statuant comme Conseil
constitutionnel », op. cit., p. 90.
856 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », op. cit., p. 50.
Les voies de recours constituent un moyen de remise en cause de la décision rendue par un
juge en premier ressort, et permettent de garantir les risques d’erreur ou d’injustice. Régis en
conformité avec le principe du double degré de juridiction, les voies de recours donnent droit
à un nouvel examen d’une cause qui a déjà fait l’objet d’un premier examen devant un organe
compétent. Elles permettent à une partie à un procès qui estime que son affaire n’a pas été
examinée convenablement, de mettre en œuvre son droit d’user de tous les moyens de recours
dont elle dispose pour obtenir gain de cause soit devant l’instance qui a rendu la décision —
c’est la rétractation—, soit devant une instance hiérarchiquement supérieure à celle qui a rendu
la décision contestée— c’est la réformation—. Si la voie de réformation, notamment celle de
l’appel constitue le principal moyen pour contester les décisions rendues en premier ressort
par les juridictions inférieures, il faut reconnaître qu’il existe également d’autres voies de
recours, en l’occurrence la rétractation que nous n’analyserons pas dans le cadre de cette
étude, en raison du fait qu’elle est ineffective dans le contentieux des élections au
Cameroun 857.
857 Prévue par les articles 107, à 111, 115,117, et 118 de la loi n 2006/022 du 29 décembre2006 fixant
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, la voie de rétractation est un recours
exercé sous certaines conditions contre un jugement devant la juridiction qui l’a rendu. Elle peut être
ouverte devant le juge administratif au travers de l’opposition—ouverte à une partie qui n’a pas produit de
mémoire en défense et contre laquelle une décision par défaut a été rendue—, de la tierce opposition— elle
est formée par une personne non appelée, qui a la qualité de tiers et dont le jugement risque d’affecter les
droits—, le recours en révision— c’est une demande nouvelle au moyen de laquelle une personne sollicite
du juge qu’il revoit sa décision et statue de nouveau au fond en raison d’un vice grave de procédure l’a
affecté—, et le recours en rectification matérielle—qui tend à faire rectifier une décision qui a laissé glisser
une erreur matérielle dans une décision, mais le juge ne statue pas de nouveau sur le fond du recours, et qui
est admis devant le Conseil constitutionnel—.
858 MASCLET J.-Cl., Droit électoral, op. cit., p. 318.
L’exercice des voies de recours au Cameroun est certes effectif en droit, mais l’on relève un
difficulté de mise en œuvre de cette procédure en raison de l’ineffectivité des juridictions
compétentes (A) qui ne favorise pas un exercice aisé des voies de recours (B).
859 La compétence des juridictions administratives est fixée par les articles 40 de la Constitution d’une part, 2
alinéa 2 de la loi fixant l’organisation des tribunaux administratifs et 38 de la loi fixant l’organisation et le
fonctionnement de la Cour suprême.
860 GOHIN O., Contentieux administratif, 8ème édition, LexisNexis,2014, p. 433.
861 Articles 2 alinéas 1et 2 et 72 respectivement des lois fixant l’organisation et le fonctionnement des
tribunaux administratifs et l’organisation de la Cour suprême.
862 ABA’A OYONO J.-C., « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 »,
in Afrilex, 2001/02, p. 18.
863 L’article 10 (nouveau) de l’Ordonnance du 26 août 1972 dispose que : « la Cour suprême, exclusivement
pour l’exercice des compétences énumérées dans l’article 9 (...), comprend une Assemblée plénière jugeant
en appel et une Chambre administrative jugeant en premier ressort ».
1. La recevabilité de l’appel
Considéré comme une voie de réformation, l’appel permet non seulement la contestation
devant une instance supérieure de tout ou partie de la décision rendue par une juridiction
864 SIETCHOUA DJUITCHOKO C., L’appel dans le contentieux administratif au Cameroun « Contribution à l’étude de la
juridiction administrative », Thèse de l’Université d’Aix-Marseille, juin 2001, p. 13.
865 Lire sur la question, SIETCHOUA DJUITCHOKO C., L’appel dans le contentieux administratif au Cameroun
« Contribution à l’étude de la juridiction administrative »,ibidem, p 18-27.
S’il est indéniable que l’adoption des lois n°s 2006/016 et 2006/022 a permi une meilleure
lisibilité de la procédure en appel, l’on observe cependant que le caractère récent des tribunaux
administratifs qui n’ont pas encore eu l’opportunité de connaître du contentieux électoral
biaise quelque peu cette évolution. Ressortissant antérieurement de la compétence de
l’Assemblée plénière de la Cour suprême en application des dispositions de l’article 10 de
l’ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour suprême, modifiée par
les lois n°s 75/16 du 8 décembre 1975 et 76/28 du 14 décembre 1976, l’appel est désormais
porté devant la Chambre administrative de la Cour suprême. Celle-ci est considérée comme
une instance d’appel en matière électorale et connaît des recours en appel formés à l’encontre
des décisions rendues devant une juridiction de premier degré. À l’évidence, l’intervention de
la Chambre administrative comme juge de premier ressort et juge d’appel pourrait créer la
confusion dans l’esprit des requérants, puisque les règles procédurales applicables devant cette
instance agissant en premier ressort ou en appel sont distinctes.
Bien que l’appel constitue une possibilité pour le requérant de faire réexaminer son affaire,
l’on note qu’il a longtemps été considéré comme une procédure dilatoire. Crédibilisée par les
réformes de 2006 qui apportent plus de clarté et de précisions sur des questions relatives aux
délais pour statuer, le recours en appel connaît désormais un essor favorable à la garantie des
droits des justiciables. Ainsi, les délais prévus pour former un recours en appel sont assez
réalistes eu égard à la célérité qui caractérise le contentieux électoral. Ils sont passés de deux
(02) mois à quinze (15) jours. Si le législateur avait pris le soin de préciser les délais de saisine
des organes compétents, l’on remarque pour le déplorer, le silence de la loi s’agissant des délais
prescrits au juge pour statuer sur le recours qui lui était soumis. Eu égard à l’obligation de
juger qui s’impose au juge, ce dernier ne peut sous peine de déni de justice, suspendre
indéfiniment le jugement d’une affaire dont il est saisi quand rien ne fait obstacle au règlement
du litige. L’on remarque pourtant que l’inexistence des délais prescrits au juge pour statuer a
eu pour effet de discréditer l’appel, car les élus restaient longtemps en fonction en attendant
l’intervention d’une décision définitive de l’Assemblée plénière. Cette situation a été observée
à l’occasion du contentieux des élections municipales de 2002, car les décisions des recours en
868 CE, 26 décembre 1896, élections municipales de Bessons, Lebon, p. 879. Lire sur la question, BUFFEt S., Le
contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, op., cit., p. 510.
869 ROZOS N., L’appel devant le Conseil d’État, Thèse de l’Université d’Aix-Marseille III, 1976, p. 55-56.
Prévu par les articles 114 alinéa 2 et 195 alinéa 1 respectivement de la loi fixant
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs et du Code électoral, l’appel
suspend l’exécution du jugement. Il en résulte que l’appel maintien la situation préexistante en
l’état. Si la procédure administrative contentieuse du Cameroun s’accommode de l’effet
suspensif de l’appel et l’applique aussi bien dans le contentieux proprement dit que dans le
contentieux électoral, l’on observe en revanche qu’en France, il en va différemment. L’appel
est non suspensif dans le contentieux administratif proprement dit et suspensif dans le
contentieux électoral 874.
870 Arrêts n°s78/A/02-03 du 19 avril2004, Kwapnang Moïse, candidat du SDF, État du Cameroun (Minat), contre
État du Cameroun (Minat), RDPC et SDF, commune rurale de Loum ; 83/A/02-03 du 19 avril 2004, UDC,
État du Cameroun (Minat), contre État du Cameroun (Minat), RDPC et UDC, commune rurale de Foumbot ;
84/A/02-03 ,Moussi candidat du RDPC, RDPC, Dame Ngon Batamake épouse Sende Georgette candidat de
l’UPC, État du Cameroun (Minat), contre les mêmes parties, commune rurale de Messondo ; etc. Dans ces
affaires, l’Assemblée plénière avait infirmé les jugements d’annulation des résultats du scrutin rendus par la
Chambre administrative en septembre 2002.
871 En application des dispositions de l’article 2 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des
tribunaux administratifs, l’exécution du jugement rendu en premier ressort est suspendu par l’appel, sauf
décision contraire de la Cour suprême.
872 S’agissant des effets dévolutif et évocatif, l’on remarquera que le premier permet au requérant de faire
examiner la totalité du litige présenté en première instance, si les parties ne décident pas de restreindre leurs
demandes. À l’inverse, l’effet évocatif vise le réexamen d’une affaire sur laquelle le premier juge n’a pas
statué à tort, ou a statué à tort d’une part, ou s’est déclaré incompétent. Si l’effet dévolutif peut
éventuellement se rattacher à l’appel, l’effet évocatif ne saurait s’y appliquer en raison de la nature du
contentieux.
873 ROZOS N., L’appel devant le Conseil d’État, op. cit. p. 191.
874 Lire sur la question PACTEAU B., « Paradoxes et périls du principe de l’effet non suspensif de l’appel en
contentieux administratif », in Mélanges René Chapus : Droit administratif, Paris, Montchrestien, 1992, p. 493-
501.
Si l’accès au juge administratif permet d’épuiser les différentes voies de recours prévues par
la loi malgré l’absence de la voie de cassation dans le contentieux électoral, l’on observe qu’il
en va autrement s’agissant du Conseil constitutionnel.
A. Justifications politiques
Inscrite dans une mouvance généralisée de protection juridictionnelle des textes
constitutionnels faisant obligation, non seulement au pouvoir exécutif mas aussi au pouvoir
législatif de respecter les droits et libertés des individus, la création du Conseil constitutionnel
visait davantage le maintien du législateur dans le domaine de compétence qui lui était dévolu.
Toutefois, l’on a observé une sorte d’élargissement de son champ d’action, c’est ainsi que de
nouvelles compétences lui ont été reconnues, notamment le contrôle de la régularité des
élections nationales 881.
879 MEUNIER J., Le pouvoir du Conseil constitutionnel :Essai d’analyse stratégique, Paris, L.G.D.J., 1994, p. 320.
880 Article 9 du règlement intérieur n°73/1 du 8 juin 73 modifiée par la loi n° 93/001 du 16 juin 1993 et a 3 al
2, 3, 4, 5, 6 et 7 et les articles 3, 4, 5, 6, 7 et 10 (nouveau)
881 FAVOREU L., « La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958 », in La Constitution en 20
questions : question n°18, 2008, 5 p. [En ligne],disponible sur : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/root/bank/print/17365.htm, (consulté le 09/08/2014).
À l’inverse des autres juridictions, l’on observe que le règlement du contentieux électoral
par le Conseil constitutionnel connaît une dérogation au sujet de la mise en œuvre du double
degré de juridiction. L’exclusion des voies de recours dans le contentieux des élections
nationales se justifie par le fait que, contrairement à l’élection municipale, le Conseil
constitutionnel n’est hiérarchiquement soumis à aucun autre organe. Le caractère d’autorité de
la chose jugée dont sont revêtues les décisions du Conseil constitutionnel se justifie par « la
nécessité pratique de mettre un terme aux litiges en empêchant de recommencer indéfiniment
les mêmes procès, ainsi que par le souci d’éviter des contrariétés de décisions qui seraient
néfastes au crédit de la justice » 885. Le caractère suprême de la mission du Conseil
constitutionnel implique dès lors que ses décisions ne soient susceptibles d’aucun recours, ni
soumises aux autorités administratives et judiciaires pour être remises en cause par celles-ci. Il
constitue un acteur majeur au sein du système constitutionnel et politique dont il contribue à
assurer l’équilibre entre les pouvoirs constitués, réguler les alternances politiques, participant
ainsi à la construction de l’État de droit 886. En effet, selon le professeur Guillaume Drago, la
882 FAVOREU L., « La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958 », ibidem.
883 Intervention du professeur Alain Lancelot ancien membre du Conseil constitutionnel, LANCELOT A., « La
légitimité du juge constitutionnel », Colloque La légitimité des juges, Toulouse, 29 -30 octobre 2003, 6 p.
884 LUCHAIRE Fr., Le Conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1980, p. 41.
885 GHESTIN J., GOUBEAUX G., Traité de droit civil : Introduction générale, 35ème édition, Paris, L.G.D.J., 2015,
p. 520.
886 FAVOREU L., « La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958 », op. cit., p. 5.
L’autorité désigne l’organe investi d’un pouvoir de décision, ou le fait de détenir le pouvoir
s’imposer. Il convient ainsi d’établir un parallèle entre une autorité considérée comme un
organe, et l’acte pris par celle-ci, puisque l’autorité supposera la capacité pour l’organe de
prendre une décision et d’en imposer le respect. Ainsi, comme le relève madame Valérie
Bracquet-Brehant, « en imposant sans recours les décisions du Conseil constitutionnel, le
Constituant manifeste la volonté d’ériger le Conseil constitutionnel au rang d’autorité » 889.
L’obligation constitutionnelle de se soumettre aux décisions rendues par le Conseil
constitutionnel participe à la cohérence de l’activité juridictionnelle et permet au juge de
mettre un terme au litige qui lui était soumis, donnant ainsi une justification juridique à
l’autorité de ses décisions.
B. Justifications juridiques
Les justifications juridiques à l’exclusion de toute voies de recours devant le Conseil
constitutionnel trouvent leur fondement dans les dispositions des articles 50alinéa 1 d’une
part, 4 et 136 respectivement de la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel et du Code électoral. En effet, la lecture desdites dispositions laissent
transparaître l’idée selon laquelle les juridictions des ordres judiciaires et administratifs sont
tenues de se conformer à l’esprit des décisions prises par le Conseil constitutionnel,
nonobstant l’absence d’une supériorité entre ces organes. À l’évidence, comme le souligne
Madame Valérie Bacquet-Brehant, « c’est la finalité de toute décision de s’imposer, de régler
des conduites. Il est logique de penser que n’importe quel type de décision a vocation à
s’imposer, qu’elle ait pour origine la volonté d’organe administratif, du législateur ou celle du
juge. Pourtant, toute décision ne s’impose pas sans recours dans la mesure où ce privilège est
légitimement accordé aux seules décisions juridictionnelles 890.
Si l’absence d’une voie de recours devant le Conseil constitutionnel n’a pas alimenté de
vives controverses au sein de la doctrine et de la classe politique camerounaise, l’on remarque
887 DRAGO G., L’exécution des décisions du Conseil constitutionnel, Paris,Economica-PUAM, coll. Droit public
positif, 1991, p. 21.
888 DUVERGER M., Droit constitutionnel et institutions politiques, 4ème édition, p. 638.
889 BACQUET-BREHANT V., L’article 62,alinéa 2 de la Constitution du 4 octobre 1958. Contribution à l’étude d’une norme
dépourvue de sanction, Thèse de l’Université Panthéon-Assas de Paris II, 11 décembre 2003, p. 37.
890 BACQUET-BREHANT V., Contribution à l’étude de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, Paris, L. G. D. J.,
coll. Bibliothèque constitutionnelle et de Science Politique, tome 120, 2005, p. 43.
891 Il s’agit entre autres de, GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, Paris,
éditions S.T.H., 1988, 406 p. ; LUCHAIRE Fr., Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction ? R.D.P., janvier-juin
1979, p. 27-52.
892 JEANNEAU B., Les principes généraux du droit dans la jurisprudence administrative, Paris, Sirey, 1954, 287p. ;
GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, ibidem, p. 59.
893 Décision n° 87-1026 AN du 23 octobre 1987. Lire également, BACQUET-BREHANT V., Contribution à l’étude
de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, op. cit., p. 78.
S’il est indéniable que les décisions du Conseil constitutionnel revêtent l’autorité de chose
jugée, l’on note en revanche que les juridictions administratives et judiciaires ont été très peu
réceptives à l’idée de conformer leur décisions à celles du Conseil constitutionnel. Toutefois,
l’on observe une sorte de compromis entre le Conseil constitutionnel et les autres juridictions
favorisant une nécessaire complémentarité au Cameroun 896. La complémentarité évoquée
entre le Conseil constitutionnel et les autres juridictionnelles, notamment la juridiction
administrative a été observée lors du double scrutin du 22 juillet 2007. À cette occasion, le juge
administratif, juge électoral chargé de veiller à la régularité de l’élection municipale avait fait
état, dans l’examen des recours en annulation qui lui étaient soumis, des décisions rendues par
le Conseil constitutionnel statuant sur le contentieux de l’élection législative. Il avait ainsi
déduit que « la sanction de l’élection législative prononcée par le Conseil constitutionnel au vu
des irrégularités relevées dans une commune s’impose à l’élection des conseillers municipaux
de ladite commune ».
894 GENEVOIs Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, op. cit., p. 389.
895 Lire à ce sujet, BACQUET-BREHANT V., Contribution à l’étude de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, op.
cit. p. 141.
896 Jugements n°s 191/06-07/CE, 283/06-07/CE ; 286/06-07/CE ; 288/06-07/CE et 289/06-07/CE du 29
août 2007.
En effet, si les pouvoirs étendus conférés au juge électoral participent au règlement des
litiges électoraux, il faudrait remarquer que ses décisions sont fréquemment remises en cause
au moyen des voies de recours. Réglementées de manière disproportionnelle, les voies de
recours permettent aux requérants de contester les décisions qui ont été rendues en premier
ressort devant un organe compétent. La voie de réformation, notamment l’appel est
considérée comme la principale voie de recours dans le contentieux des élections. Amplement
usitée devant le juge administratif et inexistante devant le Conseil constitutionnel, l’appel
contient encore quelques imperfections qui commencent à être résorbées au travers des
évolutions que l’on observe dans l’arsenal juridique du Cameroun. La décision du juge étant
considérée comme le but de l’instance 898, il est nécessaire que le cadre du prononcé de celle-ci
soit aménagé de manière claire et précise,— notamment en matière des délais pour saisir et
surtout pour statuer—, de sorte à favoriser des recours effectifs et efficaces devant les juges
compétents chargés de veiller à la bonne application des règles qui encadrent le droit de vote
des citoyens.
L’instance est principalement considérée comme l’affaire des parties, puisque celles-ci lui
donnent une impulsion au moyen de l’introduction des requêtes 899. Elle constitue en outre
l’instrument par lequel les parties portent les faits litigieux à la connaissance du juge. Certes,
l’initiative de la procédure appartient aux parties, il faudrait toutefois remarquer que le juge y
joue un rôle fondamental dans la mesure où il est chargé de restituer leurs droits aux
justiciables, en rendant la justice. « Le juge de l’élection y apparaît comme un juge accessible à
tout électeur ou candidat de la circonscription, qui s’efforce de statuer dans des délais brefs, en
intervenant non pas comme un juge de la légalité astreint à un étroit formalisme, mais comme
un juge de pleine juridiction disposant de pouvoirs étendus à l’effet de vérifier la régularité et
la sincérité du scrutin » 900. Certes, comme le souligne pertinemment Monsieur Stéphane Bolle,
le juge électoral a d’écrasantes responsabilités, mais il n’a pas tout pouvoir pour moraliser les
règles du jeu électoral et pour imposer la tenue d’élections propres. Il ne saurait pallier tous les
manquements qui affectent l’organisation et le déroulement des processus électoraux 901.
902 NORMAND J., « L’office du juge », in Dictionnaire de la justice, op. cit. p. 925-934.
903 Lexiques des termes juridiques, op. cit., p. 687.
904 TROPER M., « La question du pouvoir judiciaire en l’an III », in L’office du juge : part de souveraineté ou puissance
nulle ?, op. cit., p. 117-136.
905 Rapport de L’IHEJ, La Prudence et l’autorité : l’office du juge au XXIe siècle, Institut des Hautes Études sur la
Justice, mai 2013, p. 15.
906 Voir sur la question, Rapport de L’IHEJ, La Prudence et l’autorité : l’office du juge au XXIe siècle, Institut des
Hautes Études sur la Justice, mai 2013, 218 p. ; L’office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle ?, Études
rassemblés par Olivier Cayla, Marie-France Renoux-Zagamé, L. G. D. J.,2001, 239 p. ; .Journal trimestriel de
documentation politique :Après-demain la justice en perspectives, n°30, juillet 2014, p. 5-6.
907 Pour le professeur Pierre Rosanvallon, « les qualités fondatrices de[ la] légitimité d’exercice sont la
réputation, la compétence acquise par la formation, mais aussi par l’expérience, la lisibilité de l’institution, la
collégialité, l’impartialité ». La légitimité d’exercice repose ainsi sur la prise de conscience du fait que la
volonté générale n’est pas simplement exprimée par le moment électoral qui met en place des majorités qui
n’expriment de fait qu’un intérêt limité. Celle-ci doit également rechercher des formes de représentation de
l’intérêt général qui soient plus larges que l’élection. ROSANVALLON P., « La question de la légitimité
démocratique : l’exemple de la justice », in Après-demain la justice en persectives, n°30, juillet 2014, p. 6.
908 ROSANVALLON P., « La question de la légitimité démocratique : l’exemple de la justice », ibidem p. 5-6.
909 FALL A.B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes juridiques en Afrique », op. cit., p. 310.
L’INSTRUMENTALISATION INSTITUTIONNELLE
Le contentieux électoral ayant pour objectif la garantie de l’exercice des droits civils et
politiques des citoyens, il devient impérieux que les règles juridiques y afférentes soient
aménagées de manière simplifiée et cohérente, afin de permettre au juge électoral de régler
efficacement les litiges électoraux qui lui sont soumis. L’efficience de l’office du juge impose
ainsi que les normes juridiques qui organisent les compétences du juge électoral soient
suffisamment élaborées afin de bénéficier d’un minimum d’efficacité 914, condition de leur
validité, puisque la norme exprime l’idée que quelque chose doit être ou se produire 915. Si l’on
admet que l’efficacité de l’office du juge résulte de la qualité de la loi, il convient de préciser
avec Jean Carbonnier que « le droit est trop humain pour prétendre à l’absolu de la ligne
droite. Sinueux, capricieux, incertain, (...) dormant et s’éclipsant, changeant mais au hasard, et
souvent refusant le changement attendu, imprévisible par le bon sens comme par
l’absurdité » 916. Cette description du droit, si elle paraît excessive, ne s’éloigne pas de la réalité
en ce qui concerne le droit électoral camerounais qui a connu plusieurs mutations législatives
depuis l’avènement d’élections disputées. Le cadre normatif laisse transparaître beaucoup de
malléabilité et prête le flanc à diverses interprétations par le juge électoral, de la règle de droit
lacunaire ou imprécise. L’instrumentalisation institutionnelle de l’office du juge électoral se
manifeste ainsi au travers de l’isolement du juge par un cadre juridique prolifique (§ 1) et par
l’hermétisme du langage juridique employé(§ 2).
914 Selon Hans Kelsen, une norme est efficace lorsqu’elle attache à la condition d’une certaine conduite la
conséquence d’une sanction, ou lorsqu’elle est appliquée dans les cas concrets par les organes compétents.
KELSEN H., Théorie pure du droit, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1962, p. 15.
915 KELSEN H., Théorie pure du droit, ibidem, p. 6.
916 CARBONNIER J., Flexible droit : Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10ème édition, Paris, L.G.D.J., 2014, p. 8.
917 DE GAUDUSSON J.D, B., « Le mimétisme postcolonial, et après ? », op. cit., p. 47.
La vague de démocratisation qui a soufflé en Afrique à partir des années 1990 a entraîné de
multiples réformes dans les systèmes politiques des États africains et au Cameroun en
particulier. S’il faut reconnaître que ces mutations ont touché plusieurs domaines
sociopolitiques et économiques, l’on retiendra que l’objectif central concernait l’arrimage aux
principes démocratiques qui intégraient entre autres, l’organisation d’élections compétitives. Le
droit électoral ayant pour objectif l’encadrement du domaine des élections, il n’a pas été
épargné par cette vague de démocratisation qui a touché l’Afrique et lui a imposé d’arrimer
son cadre normatif à l’idéal que promeut la démocratie. Indépendamment des lois dites de
démocratie qui ont posé les jalons d’un retour effectif au multipartisme et qui ont consacré la
liberté d’association et celle de création des partis politiques, l’on remarque plusieurs
modifications dans les dispositions constitutionnelles et l’adoption de nouvelles lois portant
soit la création de nouvelles institutions, soit l’organisation et le fonctionnement de celles-ci.
Ces multiples réformes constitutionnelles visaient l’actualisation et le réaménagement du cadre
institutionnel ont entraîné une dispersion (A) et une instabilité normative (B).
A. La dispersion normative
La démocratie est considérée comme un idéal à poursuivre et un mode de gouvernement à
appliquer. Elle repose sur l’existence d’institutions structurées fondées sur un corps de normes
et sur la volonté de la société entière 919. S’il est indéniable qu’un État fort se caractérise par
l’efficacité de ses institutions, il faut noter qu’il est indispensable que des règles adaptées soient
aménagées en vue de sa consolidation. À l’exemple de l’appel lancé par les chercheurs de
l’Institut d’études politiques de Bordeaux à propos de l’élection—aux urnes l’Afrique—, un
autre cri interpellatif — trop de normes tuent les normes— nécessite d’être émis à l’endroit de
ceux qui sont chargés du pouvoir normatif à propos de l’accroissement des règles normatives.
Lorsqu’on analyse l’arsenal juridique qui régit le contentieux électoral au Cameroun, l’on
dénombre l’adoption d’une multitude de textes juridiques actualisés au fil des années.
L’observation révèle en effet que le cadre normatif s’est doté d’un ensemble de textes
juridiques relatifs soit à l’organisation des conditions d’élection aux élections présidentielles,
sénatoriales, législatives, référendaires et municipales, soit à la création de nouvelles
Les lois éparses adoptées à partir de 1991 920 ont concouru à poser les jalons des élections
disputées dont l’organisation et la supervision était confiée au Ministère de l’administration
territoriale. Les diverses lois adoptées avaient à cet effet régi les premières élections disputées
et contestées devant les juges électoraux— élections législatives de mars 1992, présidentielles
en octobre 1992 et municipales du 21 janvier 1996—. En 1997, l’on a assisté à la modification
des lois électorales relatives à l’élection présidentielle— loi n° 97/020 du 9 septembre 1997 ; et
législatives— loi n°97-13 du 19 mars 1997—, afin de les adapter aux nouvelles dispositions de
la Constitution révisée le 18 janvier 1996. Il en résultait entre autre que le contentieux des
élections présidentielles et législatives ressortissait désormais de la compétence du Conseil
constitutionnel, dévolution de compétence qui mettait fin à la procédure de validation du
mandat des députés par le bureau de l’Assemblée nationale et partant, la modification du
règlement intérieur de l’Assemblée nationale du 16 juin 1993. Par ailleurs, l’organisation du
double scrutin législatif et municipal du 30 juin 2002, puis de l’élection présidentielle du 11
octobre 2004 a irrémédiablement bouleversé l’environnement électoral. Les différentes
élections organisées sous l’égide des nouvelles lois électorales et supervisées par l’Onel, une
structure indépendante créée par la loi n°2000/06 du 19 décembre 2000, ont ainsi permis un
abondant contentieux pré et postélectoral.
Considéré par le professeur Alain Didier Olinga comme « une réouverture du réformisme
normatif » 921, le troisième temps fort donne naissance à la retouche des lois fixant les
conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale— loi n°2006/009 du 29 décembre
2006—, et celles de conseillers municipaux— n°2006/010 du 29 décembre 2006— d’une part,
puis à l’adoption de la loi fixant les conditions d’élection des sénateurs, et des conseillers
régionaux d’autre part. Le phénomène de la dispersion normative ne s’applique pas seulement
aux dispositions relatives à l’élection, il s’est fait ressentir dans le domaine de la justice 922. Il
avait pour ambition d’adapter les textes juridiques et institutions existants aux nouvelles
dispositions contenues dans les lois constitutionnelles du 18 janvier 1996 et du 14 avril
920 Loi n°92-010 du 17 septembre 1992 fixant les condition d’élection du président de la République ; loi n°91-
020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationales ; loi n°92-
002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers municipaux.
921 OLINGA A. D., Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections au Cameroun, op. cit., p. 10.
922 Il s’agit de la série de lois adoptées en 2006, portant organisation judicaire— loi n°2006-015 du 29
décembre 2006— d’une part, et fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême— loi
n°2006-016 du 29 décembre 2006— ; des tribunaux administratifs— loi n°2006-022 du 22 décembre
2006— ; des tribunaux régionaux et des comptes— loi n°2006-017 du 29 décembre 2006— d’autre part.
S’il est manifeste que le Cameroun croule sous le poids d’un foisonnement de textes
juridiques qui neutralisent l’office du juge électoral, l’isolement du juge par la dispersion
normative se dégage au travers de la multitude de textes juridiques existants qui encadrent et
limitent son office. Dans un premier temps, son office est fragilisé par la difficulté éprouvée
par les requérants peu habitués à la complexité du langage juridique, puisqu’ils doivent recourir
à plusieurs textes juridiques pour rassembler les éléments qui leur permettent d’organiser leur
action. En second lieu, la dispersion normative pourrait entraîner le juge électoral sur deux
pentes sur lesquelles il ne faut pas se laisser glisser : celle du « laisser-faire » qui crée une
insécurité générale dans la société au libéralisme débridé, et celle du « trop-faire » qui aboutit à
un blocage ou une asphyxie 925. La garantie des droits civils et politiques des citoyens impose
que des normes soient réformées de manière réaliste et simplifiée afin de faciliter un accès
efficace au juge électoral. La dispersion des textes juridiques constitue un facteur
d’immobilisme de l’office du juge électoral et ne saurait concourir à une véritable érection d’un
État démocratique doté d’institutions fortes. Monsieur Alain Lambert, condamnant l’inflation
normative qu’il juge être une menace, une charge qui étouffe la démocratie, exhorte à ne pas
tomber dans le juridisme 926 qui donne l’impression que le droit est fabriqué en laboratoire et
en dehors de la réalité 927. Selon Monsieur Alain Lambert en effet, les administrations ayant la
responsabilité de produire un droit susceptible de favoriser le fonctionnement optimal de la
923 L’adoption des lois portant création de certaines institutions telles que l’Observatoire national des
élections—loi n°2000/06 du 19 décembre 2000 modifiée et complétée par la loi n°2003/015 du 22
décembre 2003—, remplacé par Elecam, celles n°2004-004 du 21 avril 2004 portant organisation et
fonctionnement du Conseil constitutionnel ; et n°2004-005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du
Conseil constitutionnel.
924 OUMAR SAKHO P., « Quelle justice pour la démocratie en Afrique ? », in Pouvoir, 2009/2-n°129, p. 57-64.
925 LAMBERT A., Intervention sur le thème « Mettre fin à l’inflation normative, rendre sa compétitivité à notre
droit », op. cit., p. 3.
926 Le juridisme est défini comme un « formalisme de l’esprit qui incline à faire prévaloir rigoureusement
l'application des textes sur des mesures dictées par la justice ou l'équité ». définition tirée du portail lexical
du CNRTL. [En line], site : http://www.cnrtl.fr/lexicographie/juridisme. (Consulté le 20/05/2015).
Le juridisme apparaît comme une pathologie de la règle de droit et pourrait se présenter sous deux aspects
qui se complètent et s’interfèrent : la sclérose— qui entraîne la prolifération de nouvelles règles
inefficaces— et la prolifération anarchique— qui favorise la sclérose des règles inutiles— de la règle de
droit. Lire sur la question, DE NAUROIS L. « Le juridisme et le droit », p. 1064-1082. [En ligne], site :
http://www.nrt.be/docs/articles/1968/90-10/1445-Le+juridisme+et+le+Droit.pdf. (Consulté le
20/05/2015).
927 LAMBERT A., Intervention sur le thème « Mettre fin à l’inflation normative, rendre sa compétitivité à notre
droit », ibidem., p. 3.
Appréhendée comme l’idée que quelque chose doit être ou se produire, la norme est « la
signification d’un acte par lequel une conduite est ou prescrite, ou permise et en particulier
habilitée » 931. Assimilée à une règle de droit, la norme peut également être définie comme
l’ensemble des règles de conduite qui s’imposent à un groupe social et qui décrit et régit un
domaine ou un objet particulier. L’analyse du contentieux électoral au Cameroun laisse
apparaître un ordre juridique effectif. Il ne faudrait cependant pas se limiter à la constatation
de l’existence de normes juridiques qui encadrent le contentieux des élections, mais bien plus
se préoccuper de l’efficacité de celles-ci. La question de l’inflation normative qui demeure
préoccupante pour la démocratie africaine ne constitue pas l’unique problème de la
fragilisation de l’office du juge électoral. Elle pose parallèlement le problème de la validité des
normes juridiques, notamment la garantie de la sécurité juridique des normes, au travers de
leur stabilité qui fait généralement défaut au droit électoral camerounais.
B. L’instabilité normative
De forme polysémique, la notion d’instabilité renvoie à un défaut et elle est entendue de
manière restrictive comme l’état de ce qui est en équilibre instable, qui ne reste pas en place et
tend à bouger ou à se déplacer 932. L’instabilité normative fait référence aux diverses mutations
qui affectent l’intégrité des normes juridiques. Elle soulève au passage des difficultés liées à la
validité, l’accessibilité et l’intelligibilité des normes, et dans une certaine mesure, celles liées à
l’isolement du juge.
La problématique liée à l’instabilité normative impose dès lors de procéder à une analyse
systémique —non exhaustive—, de l’évolution de l’ordre juridique camerounais. Pour kelsen,
en fonction de la nature du fondement de leur validité, deux sortes de système de normes
928 Intervention d’Alain LAMBERT sur le thème « Mettre fin à l’inflation normative, rendre sa compétitivité à
notre droit », Paris, 25juin 2013, 13 p. [En ligne], site : http://www.paris.notaires.fr/sites/default/files/cr_-
_conference_au_chatelet_-_alain_lambert.pdf. (Consulté le 17/05/2015).
929 CARBONNIER J., Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, op. cit., p. 13.
930 LAMBERT A., Intervention sur le thème « Mettre fin à l’inflation normative, rendre sa compétitivité à notre
droit », op. cit., p. 4.
931 KELSEN H., Théorie pure du droit, op. cit., p. 12.
932 Définition du portail lexical du CNRLT, op. cit..
933 Kelsen décrit le système de normes statiques comme celui dont, tant le fondement de validité que le
contenu de celle-ci sont déduits d’une norme supposée comme norme fondamentale. Sous cet angle, le
fond ou le contenu confère sa validité aux normes. Leur validité pouvant être rapportée à une norme sous
le fond de laquelle leur propre fond se laisse subsumer, comme le particulier sous le général. Le système
dynamique quant à lui se caractérise par le fait que la norme présupposée ne contient rien d’autre que
l’institution d’un fait créateur de normes, puisque lea norme fondamentale se borne à déléguer une autorité
créatrice de normes. KELSEN H., Théorie pure du droit, op. cit, p. 260-261.
934 VAN DE KERCHOVE M., OST Fr., Le système juridique entre ordre et désordre, 1ère édition, Paris, PUF, 1988,
p. 32.
935 MATHIEU B., La loi, 3 ème édition, Paris, Dalloz, 2010, p. 83.
936 KELSEN H., Théorie pure du droit, op. cit., p. 379, cité par VAN DE KERCHOVE M., OST Fr., Le système juridique
entre ordre et désordre, ibidem ; p. 33.
S’agissant du domaine qui régit le contentieux électoral, notre analyse se limitera à l’examen
des textes qui régissent le contentieux électoral, notamment, les lois électorales à partir des
années 1990 939. L’analyse du cadre normatif relatif à l’organisation des élections laisse
transparaître une instabilité normative due au réaménagement du cadre normatif existant. L’on
a ainsi assisté à quatre (4) modifications des lois électorales. Les deuxièmes modifications de
2006, ont entraîné plusieurs bouleversements sur le plan normatif et institutionnel. La création
de l’Onel, puis d’Elecam a contribué pour une part importante, à la modification des lois
fixant les conditions relatives aux élections législatives et municipales, puisqu’il fallait ajuster
les dispositions antérieures à l’évolution institutionnelle existante. Il en est résulté la mise en
œuvre d’un système mixte de gestion des processus électoraux qui exclut toute prépondérance
de l’Administration, doté des compétences aussi bien administratives que contentieuses, sous
réserve des compétentes dévolues à des instances déterminées. Cette évolution sera reprise
dans la troisième modification de la loi fixant les conditions d’élection du président de la
République adoptée le 6 mai 2011. L’adoption en 2012 d’un corpus unique regroupant les
différentes lois électorales et les dispositions relatives à l’organisation et au fonctionnement
d’Elecam, apparaît comme une marche résolue vers la stabilité politique dans un cadre
937 Adoptée le 1er janvier 1960, la première Constitution du Cameroun consacrait l’unité et l’indivisibilité du
Cameroun dont la souveraineté devait appartenir au peuple camerounais. Celle-ci connaît une première
modification le 1er octobre 1961 qui institue une république fédérale, dont l’autorité était exercée par le
président de la République et le président de l’Assemblée nationale. En 1969, une autre modification visant
l’aménagement des conditions de vacances de la présidence de la République pour cause de démission, et
les modalités de démission du Premier ministre. En 1972, intervient une nouvelle Constitution adoptée par
voie référendaire ,et qui consacre l’état unitaire du Cameroun. Cette nouvelle Constitution subi toutefois
plusieurs amendements, qui ouvrent finalement la voie à une deux révisions constitutionnelles, de 1996, et
2008.
938 Si la révision de 1996 semble appropriée, eu égard aux domaines majeurs qu’elle a aménagé sur le plan de la
promotion des droits fondamentaux et de l’idéal démocratique, l’on ne saurait en dire de même pour ce qui
est de la révision de 2008 qui avait pour unique objectif de faire sauter le verrou de la limitation des
mandats.
BOURGI A., « L’évolution du constitutionnalisme en Afrique : du formalisme à l’effectivité », in Revue
Française de Droit Constitutionnel, n°52, 2002/4, p. 721-748.
939 Selon monsieur Samuel Mack-Kit, l’analyse des élections depuis la période postcoloniale peut se subdivise
en trois périodes : celle avant le parti unique— l’organisation de l’élection à ‘Assemblée nationale du
Cameroun se déroule le 1er avril 1960, et voit la participation de plusieurs partis politiques dont les élus
devaient plus tard désigner le président de la République— ; celle du parti unique qui s’étend de 1966 à
1990, et pendant laquelle l’on assiste non à l’organisation des élections, mais plutôt à un choix de la
direction du parti, ratifié par le peuple, des futurs élus pour les différents types d’élection— ; et celle après
le vent de démocratisation qui se matérialise par le retour au multipartisme—la réinstauration du
multipartisme à travers l’adoption des lois dite de démocratie, donne lieu en mars 1992, après plusieurs
reports, à la première élection législative disputée—. Lire davantage sur la question, MACK-KIT S., « Les
élections au Cameroun », op. cit. 14 p.
940 L’exposé des motifs au projet de loi portant Code électoral mettait en évidence l’idée selon laquelle
l'aboutissement de cette importante réforme constituera une grande avancée dans la consolidation de la
démocratie pluraliste au Cameroun, par la mise en place d'un dispositif légal et institutionnel moderne et
rénové, adapté au contexte national et favorable à la tenue d'élections sur la base de standards élevés de
transparence et d'équité.
941 OLINGA A. D., Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections au Cameroun, op. cit., p. 10.
942 MATHIEU B., La loi, op. cit., p.83.
Le droit est considéré par le professeur Jean-Louis Bergel comme un art qui permet
d’améliorer les rapports sociaux en formulant des règles justes et en les appliquant de manière
équitable. Il en résulte que toute élaboration juridique soit fondée sur les principes de la
logique commune, avec un certain assouplissement commandé par la nature de l’objet à
pénétrer 947. Cette garantie étant soumise au respect d’une procédure spécifique, il est
impératif que les règles normatives y afférentes soient élaborées de manière suffisamment
cohérente et précise. L’hermétisme du langage juridique est considéré comme la difficulté
ressentie par les citoyens, qu’ils soient juristes ou profanes, à comprendre et à s’approprier du
contenu de la règle normative, et soulève la question de l’accessibilité de la norme aux
justiciables. L’accessibilité est définie comme le caractère de ce qui peut être atteint, abordé, et
Si le Code électoral paraît simplifié en comparaison des lois électorales préexistantes, l’on
remarque que le cadre procédural qu’il aménage demeure flou et lacunaire. Cela conduit
certains auteurs à le considérer comme « informe et déstructuré » 953. Indépendamment du
Étant donné que ce qui vient de la norme pour la légitimer, c’est le fait qu’elle émane
nonobstant les différentes manières, de la volonté du peuple 955, la qualité de la norme
électorale doit permettre le renforcement de la crédibilité et à la consolidation de l’État de
droit. Celle-ci contribue à la construction de la confiance des citoyens dans une justice
électorale dont la répartition des compétences s’apprécie par rapport à la clarté et à l’efficacité
de son cadre procédural. La question de l’hermétisme de la loi soulève immanquablement celle
de la qualité et l’efficacité de la norme et nécessite qu’elle réponde aux exigences de clarté, de
précision, de prévisibilité, d’intelligibilité et d’accessibilité telles que promues par la Cour
européenne des droits de l’Homme 956. Même s’il est indiscutable que la loi n’est plus
l’incarnation de la perfection du système juridique et qu’elle est devenue un acte
d’approximation 957, l’impératif d’édicter des normes accessibles demeure. Elle s’impose aussi
bien sur le plan international que national, puisqu’une norme qui ne peut être comprise
aisément serait difficilement tenue pour légitime 958. L’hermétisme du langage juridique
constitue un facteur d’isolement du juge électoral et entraîne son isolement. Le professeur
d’amendement d’ELECAM doit être tout simplement déclaré irrecevable", 4 p. [En ligne], disponible sur :
http://www.camer.be (consulté le 20/12/2010)
954 S’agissant de l’aménagement des compétences entre les organes compétents, l’on observe que l’emploi par
le législateur de certaines expressions telles que « sous réserve », a ouvert la voie un chevauchement de
compétence entre le Conseil électoral d’Elecam et les organes juridictionnels. Ces derniers se sont ainsi vus
attribuer de manière concurrente sans délimitation précise du champ d’action, la compétence de régler les
contestations et réclamations qui portent sur les opérations préélectorales et électorales — article 10 du
Code électoral—. Le contentieux des opérations préélectorales intégrant le contentieux de la liste électorale,
l’on remarque que les justiciables se fourvoient très souvent dans leur action en saisissant le juge électoral
des irrégularités relevées dans les opérations qui se rapportent à la liste électorale. Concernant l’ineffectivité
des institutions, si l’on admet que le Conseil constitutionnel et la juridiction administrative, notamment les
tribunaux administratifs accomplissent leur office de juge électoral en réglant les litiges électoraux qui leur
sont soumis, l’on remarque que cette compétence exercée par un autre organe de substitution régie par des
règles statutaires distinctes, ne favorise pas une action efficace, puisque la procédure contentieuse respecte
les règles applicables devant les organes de substitution.
955 DOMPNIER N., « Le renoncement à la légitimité démocratique au nom de la » qualité des normes » ? », in
Fatin-Rouge Stefanini M., Gay L. et Pini J. (Dir.), Autour de la qualité de la norme : actes du colloque d’Aix-
Provence des 24 et 25 octobre 2008, op. cit., p. 77-94.
956 Voir sur la question, CEDH, 2 août 1984, Malone contre Royaume-Uni, Série A, n°82 ; CEDH, 24 avril 1990,
Kruskin contre France, req. Serie A, n°176-B ; CEDH, 25 juin 1996, Amuur contre France ; CEDH, 28 mars
2000, Baranowsky contre Pologne, req. n°28358. Décisions citées par FATIN-ROUGE STÉFANINI M.,
« Variabilité et contingence des exigences de qualités. Quelques considérations sur la notion de qualité des
normes en droit constitutionnel », in Autour de la qualité de la norme : actes du colloque d’Aix-Provence des 24 et 25
octobre 2008, Bruxelles, Brylant, 2010, p. 27-56.
957 MATHIEU B., La loi, op. cit., p.3.
958 MEHDI R., « L’efficacité de la norme en droit de l’Union européenne », in Autour de la qualité de la norme :
actes du colloque d’Aix-Provence des 24 et 25 octobre 2008, op. cit., p. 295-330.
Bien que le cadre normatif régissant le domaine de l’élection se soit amélioré au fil des
années et ait favorisé un contentieux électoral abondant, l’on constate la subsistance de
quelques incohérences et lacunes dans la répartition des compétences qui ne favorisent pas un
accès efficace au juge électoral. Monsieur Stéphane Bolle souligneà cet effet que, parce que les
mécanismes qui permettent de contester la validité d’une élection occupent dans une
démocratie émergente une plus grande place que dans une « vieille démocratie », il est
primordial que les contestataires puissent faire légalement entendre leur voix à chaque étape
du processus électoral. Ce, pour dénoncer les fraudes et autres déviances 969 face à l’étendue
du pouvoir d’interprétation qui est reconnu au juge électoral.
966 GÉNY Fr., Science et technique en droit privé positif, Sirey, Tome1, n°51, cité par BERGEL J.-L., Théorie générale du
droit, op.cit., p. 254.
967 Cons. const., 10 juin 1998, DC n°98-401, Rec., p. 258.
968 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, op. cit. p. 256.
969 BOLLE S., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », in Démocratie et élections dans l’espace
francophone, op. cit., p. 534.
970 DONIER V., GERBAY N., HOURQUEBIE F., ICARD Ph., LAPÉROU-SCHENEIDER B., « Propos Introductifs »,
in Virginie DONIER et Béatrice LAPÉROU-SCHNEIDER (Dir.), L’accès au juge : Recherches sur l’effectivité d’un
droit,op. cit., p. 21-50.
971 DONIER V., GERBAY N., HOURQUEBIE F., ICARD Ph., LAPÉROU-SCHENEIDER B., « Propos Introductifs »,
in L’accès au juge : Recherches sur l’effectivité d’un droit, ibidem, p. 27.
Du latin interpretatio et du verbe interprerari, le terme interprétation est utilisé dans plusieurs
acceptions et se définit comme « une opération qui consiste à discerner le véritable sens d’un
texte obscur. Il désigne aussi bien les éclaircissements donnés par l’auteur même de l’acte que
le travail étranger à l’acte » 974. L’interprétation est une opération par laquelle une signification
est attribuée à quelque chose et désigne à la fois une signification attribuée à une chose qui
peut être matériel ou un énoncé et le produit de cette opération 975. Dans le passé, l’on
restreignait la fonction d’interpréter la règle juridique à son auteur eu égard à l’idée selon
laquelle la loi était infaillible, car il n’existait rien au dessus de la loi sinon des droits abstraits
que la loi ne pouvait enfreindre 976. Cette position a connu une évolution notable à travers le
pouvoir d’interprétation reconnu au juge qui peut désormais interpréter la loi avant de
l’appliquer. La loi souffre de plusieurs maux qui la rongent comme un cancer. Ceux-ci
concourent à sa banalisation, à l’érosion de sa normativité et constituent un facteur
d’insécurité juridique 977. Il est ainsi impératif face à la complexité du langage juridique, que le
juge puisse interpréter les textes juridiques avant leur application. Et pourtant, selon le
professeur Philippe Jestaz, le droit aurait besoin de notions floues, difficiles à définir voire
indéfinissables, puisqu’elles permettent d’assouplir le système et d’en corriger les aspérités
pour réintroduire l’équité 978.
S’il est incontestable que le pouvoir d’interprétation du juge électoral se justifie par
l’hermétisme et les imperfections constatées dans les normes juridiques, il faudrait reconnaître
que ce pouvoir n’étant pas encadré, le juge électoral pourrait manipuler la loi en lui conférant
un sens contraire à l’esprit voulu par le législateur. Il apparaît ainsi que la juge a la mission de
dire le droit applicable, de l’interpréter, de pallier ses obscurités, et de trancher une situation
d’incertitude ou de conflit. De nouvelles responsabilités s’imposent à cet effet à lui,
notamment celles relatives à un devoir renforcé de motivation des décisions de justice ; de
coopération loyale et transparente entre les juges nationaux ; et de modulation du contrôle
972 MEKKI M., « L’accès au droit et l’accès à la justice », in Libertés et droits fondamentaux, 21ème édition, Paris,
Dalloz, 2015, p. 587-614.
973 TROPER M., « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 843.
974 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit. p. 567.
975 TROPER M., « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 843-846.
976 RABAULT H., L’interprétation des normes : L’objectivité de la méthode herméneutique, L’Harmattan, 1997, p. 7.
977 MATHIEU B., La loi, op. cit., p. 78.
978 JESTAZ Ph., Le droit, op. cit., p. 97.
979 MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, cité par BERGEl J.-L., « Introduction générale », in L’office du juge, Les actes
du colloque du Sénat, 29 et 30 septembre 2006, p. 12-25.
980 PLATON, Les lois, cité par RAYNAUD Ph., « Le juge, la loi, le droit : de Platon à Aristote », in L’office du juge :
part de souveraineté ou puissance nulle ?, Études rassemblés par Olivier Cayla, Marie-France Renoux-Zagamé, L.
G. D. J.,2001, p. 5-16.
981 TROPER M., « La liberté de l’interprète », in Colloque : L’office du juge, Paris-Palais du Luxembourg, 29-30
septembre 2006, 4 p.
982 RABAULT H., L’interprétation des normes : L’objectivité de la méthode herméneutique, op. cit. p. 8.
983 L’école de l’exégèse en vogue dans la deuxième partie du XIXe siècle, est considérée comme la première
technique exprimant une méthode légaliste qui prône l’idée selon laquelle la loi est juste parce qu’elle est la
loi. Elle est une école doctrinale qui ambitionnait de n’interpréter que la loi, sans recours à des influences
extérieures, afin de découvrir l’intention du législateur. Ici, il s’agit de favoriser une analyse du texte de la loi
pour tenter de dégager son sens, le juge ne crée pas le droit, il est alors comme le soulignait Montesquieu,
« la bouche de la loi ». L’École de l’exégèse permet le développement l’idée d’une logique juridique encore
appelée logique formelle, qui considère le droit indépendamment de toute autre influence sauf la sienne
propre. Il en résulte pour ce courant que, les exceptions s’interprètent strictement d’une part, et d’autre
part, s’il n’ya pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, l’on ne saurait sous le couvert de l’analogie,
appliquer un texte spécial à une matière qui lui est étrangère. D’autres techniques dérivées de cette tendance
sont le raisonnement par analogie— est appliquée lorsqu’une situation n’est régie par aucune règle
particulière, mais présentant une ressemblance avec une situation qui en connait une, on appliquera l’une à
l’autre— ; a contrario— il est question ici de partir d’un d’une proposition juridique donnée afin de situer un
fait juridique voisin ne disposant pas de règle ; par induction ou déduction— l’interprétation permet de
découvrir une règle d’une autre— ; apagogique— encore appelée interprétation par l’absurde, elle consiste à
monter qu’étant donné que le système juridique étant raisonnable, une règle ne peut aboutir à une solution
déraisonnable, inique ou absurde, et qu’il existe au contraire une règle raisonnable, juste ou logique— ; ou
téléologique—ici, on envisage les buts de la loi à partir de la volonté du législateur—.
Lire sur la question, MAINGUY D., Introduction générale au droit, 6ème édition, Paris, LexisNexis, 2013, p. 316-
321.
984 Cette conception est considérée comme la technique la plus classique d’interprétation, et permet que le sens
de celle-ci soit connaissable, qu’elle soit susceptible d’être connue et que l’interprète ne fasse que découvrir
un sens préexistant dont le juge n’est que le vecteur.
MAINGUY D., Introduction générale au droit, 7ème édition, Paris, LexisNexis, 2016, p. 315.
À l’instar du juge français, le juge électoral camerounais a opté pour une politique
jurisprudentielle fondée sur la théorie réaliste de l’interprétation. C’est sur cette base que le
juge électoral camerounais avait annulé les élections législatives dans les circonscriptions
électorales de la Méfou et Akono et du Moungo Sud aux motifs respectifs que les irrégularités
relevées portaient atteinte aux principes de sincérité et d’égalité de chance entre les candidats.
Dans une autre espèce, il rappelait que l’erreur substantielle contenue sur le nom d’un candidat
était de nature à jeter la confusion dans l’esprit des électeurs, et par conséquent cette
irrégularité avait altéré la sincérité du scrutin 988. Ces affaires mettent en exergue les pouvoirs
étendus qui sont conférés au juge électoral. Elles se manifestent par ailleurs comme un acte de
volonté par lequel le juge crée le droit. Le juge électoral camerounais jouit ainsi d’une grande
liberté dans l’interprétation des textes qu’il applique puisqu’il ne se cantonne pas à la lettre de
la loi. Selon le doyen Babacar Kanté, les juridictions africaines ont tendance à interpréter de
façon relativement stricte les termes des textes qui leur sont soumis. Ils ont une propension à
l’application de l’interprétation littérale des textes, surtout lorsqu’ils examinent des domaines
relatifs à la détermination de leur compétence et de la recevabilité des recours 989. L’exercice
985 La conception dite réaliste suppose que l’interprétation résulte de la volonté. En effet, parce que tout
énoncé est doté non pas d’une signification, mais de plusieurs entre lesquelles il faudrait choisir, le produit
de l’interprétation correspondra à la préférence de celui qui l’exprime. TROPER M., « Interprétation », in
Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 843.
986 RABAULT H., L’interprétation des normes : L’objectivité de la méthode herméneutique, op. cit. p. 9.
987 CÔTÉ P.-A., « Fonction législative et fonction interprétative : conceptions théoriques de leurs rapports », in
Paul AMSELEK (Dir.), Interprétation en droit, Bruylant, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Bruxelles, 189-
199.
988 Arrêts n°28/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP, contre État du Cameroun, circonscription de la Sanaga
Maritme ; n°116/CEL du 07 août 2007, Njana Marie Joseph (MDP )contre État du Cameroun, circonscripion du
Moungo Sud.
989 KANTE B., « Les méthodes et techniques d’interprétation de la Constitition : l’exemple des pays
francophones d’Afrique occidentale francophone », in Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN (Dir.),
L’interprétation constitutionnelle, Paris, Dalloz, 2005, p. 156-165.
S’il est certain que le juge électoral est chargé de veiller à la régularité des opérations
électorales qui ressortissent de sa compétence, l’on déplore cependant qu’il n’affiche pas une
attitude audacieuse dans sa politique jursprudentielle. Il adopte en général une interprétation
pratique ou opérative visant davantage la nécessité d’apporter une juste solution à un
problème bien concret que la volonté de ressusciter la pensée historique qui a présidé à la
990 AMSELEK P., « L’interprétation à tort et à travers », in Interprétation en droit, Paul Amselek (Dir.), Bruylant,
Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Bruxelles, p. 11-25.
991 RABAULT H., L’interprétation des normes : L’objectivité de la méthode herméneutique, ibidem. p. 9.
992 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 533.
993 Arrêt n°78, CS-AP du 19 avril 2004, affaire Kwap Moïse, candidat du SDF, État du Cameroun, contre État du
Cameroun (Minatd), RDPC et SDF (intervenant volontaire) infirmant le jugement n°59, CS-CA du 03
septembre 2002, affaire Iya Clébert, candidat du RDPC, commune rurale de Loum, contre État du Cameroun, SDF
(intervenant volontaire).
994 CÔTÉ P.-A., « Fonction législative et fonction interprétative : conceptions théoriques de leurs rapports », op.
cit., p. 194.
995 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », in Les défis des droits fondamentaux, op. cit., p. 313.
Dérivé de l’étymologie latine statutum et du verbe statuere qui signifie statuer, établir, placer,
mettre dans une position déterminée, fixer, déterminer, le terme statut renvoie à diverses
acceptions. Il s’entend comme l’ensemble des droits et obligations socialement déterminés en
vertu des valeurs qui ont cours dans un groupe donné, à l’ensemble de textes qui règlent la
situation d’un groupe d’individus, leurs droits et leurs obligations. Il est ainsi défini comme
l’ensemble des dispositions législatives ou réglementaires fixant les garanties fondamentales
(droits et obligations) accordées à une collectivité publique ou à un corps de fonctionnaires ou
d'agents publics (Statut général de la fonction publique, statut des magistrats), comme une
législation applicable à un justiciable en fonction de sa nationalité ou de son domicile (statut
personnel), en fonction du lieu de l'objet litigieux (statut réel) ou applicable en un lieu du
territoire ou aux personnes originaires de ce lieu (statut territorial) ou encore comme une
situation de fait, une position par rapport à la société ou aux institutions 996.
Parler du statut du juge électoral revient ainsi à s’interroger sur l’ensemble des dispositions
législatives ou réglementaires qui définissent ses droits et devoirs et qui permettent de le situer
dans la position qu’il occupe dans la société. En général, le juge est un fonctionnaire qui relève
du corps judiciaire, notamment celui de magistrats. Le statut juridique du juge électoral se
rapporte entre autre, à son mode de nomination et/ou de recrutement, à sa formation, au
déroulement de sa carrière, de sa rémunération, des mesures disciplinaires et de la gestion du
corps. Il permet de conférer une légitimité incontestable à sa mission. Dans un sens étroit, le
statut s’analyse en terme de garanties accordées au juge, notamment la mise en œuvre des
mécanismes qui concourent à la garantie de son indépendance et de son impartialité. Qualités
nécessaires à l’accomplissement de sa mission, puisque le juge est généralement considéré
comme une « figure d’autorité » 997 dans la société.
996 Le petit Robert -Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Le Robert, p. 2431.
997 Expression employée par CHAMPION B., « Le souverain juge : Une figure paradoxale de la séparation du
juridique et du politique dans a royauté sacrée africaine », in Bontems Cl. (Dir.), Le juge : une figure d’autorité
Actes du premier colloque organisé par l’Association Française d’Anthropologie du Droit, Paris, l’Harmattan, 24-25-26
novembre 1994, p. 295-302.
998 Si le juge administratif relève du statut de la fonction publique, notamment celui de la magistrature, il en va
différemment du Conseil constitutionnel qui est considéré comme une institution spécialisée qui se situe en
dehors de l’ordre judiciaire, et dont le statut des membres est défini conjointement par des dispositions
constitutionnelles et législatives.
999 ANNOUSSAMY D., « Les juge des Cours supérieures indiennes », in Le juge : une figure d’autorité, Actes du premier
colloque organisé par l’Association Française d’Anthropologie du Droit, op. cit., p. 235-246.
1000 LESTRADE E., Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, l’Harmattan,
coll. Logiques juridiques, 2015, p. 153.
1001 EISENMANN Ch., La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d’Autriche, Paris, L. G. D. J., 1928,
p. 176-177.
1002 Dans le titre V de la Constitution du 02 juin 1972 intitulé « De l’autorité judiciaire », le président de la
République était garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, et nommait les magistrats. Le
remplacement de cet intitulé entraîne la consécration de l’indépendance des juges qui rendent désormais la
justice sur la base de la loi et de leur conscience.
1003 ABA’ OYONO C., « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel », op. cit. p. 10-
11.
1004 Lire sur la question, la loi du 24 mai 1872 portant réorganisation du Conseil d’État, J.O., 31 mai 1872,
p. 3625.
1005 Décision n°80-119 DC du 22 juillet 1980. (Loi de validation d’actes administratifs attaquée pour violation
du principe de la séparation des pouvoirs et des articles 34 et 37de la Constitution). Saisi sur la question de
savoir si le législateur était compétent pour donne rétroactivement une base légale à des textes
réglementaires et non reglémentaires faisant l’objet de recours contentieux, le Conseil constitutionnel
français avait répondu par l’affirmative. D’après le Conseil constitutionnel, « considérant qu’il résulte des
dispositions de l’article 64 de la Constitution en ce qui concerne l’autorité judiciaire et des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République (...) depuis la loi du 24 mai 1872, , que l’indépendance
des juridictions administratives est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles
ne peuvent empiéter ni sur le législateur ni le gouvernement de censurer les décisions des juridictions,
d’adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur
compétence (...) ». DE VILLIERS M. « Jurisprudence constitutionnelle », in La revue administrative, 34ème année,
n°199 janv-fév. 1981, p. 33-36. [En ligne], disponible sur : http://www.jstor.org/stable/40771552Page
Count: 4. (Consulté le 15/02/2016).
1006 C.E.D.H.,19 avril 1994, Van de Hurk contre Pays-Bas, requête n°16034/90, série A, n°228, R.U.D.H., 1994,
p. 260, note SUDRE F., paragraphe 45.
1007 Lire les décisions : C.E.D.H., 23 avil1987, Ettl contre Autriche, requête n°9273/81, série A,n°117, paragraphe
21 ; C.E.D.H., 24 novembre 1994, Beaumartin contre France, requête n°15287/89, série A, n°296-B, A. J. D.
A., 1995, p.137, obs. FLAUSS J.-F. ; J. C. P., 1995, I, 3823, obs. SUDRE F., paragraphe 38.
1008 L’entrée l’École Nationale de l’Administration et de la Magistrature (ENAM) se fait par voie de concours.
Toutefois, l’on observe que les dispositions de l’articles 8 de la loi n°2006-022 du 29 décembre 2006 fixant
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, étendent les modalités de recrutement
dans le corps de la magistrature. Aux termes de cette disposition, pour les besoins du service, les
professeurs de droit des universités ayant exercé comme enseignant pendant au moins dix (10) années
consécutives, les chargés de cours en droit ayant exercé pendant au moins quinze années consécutives, les
fonctionnaires de la catégorie A et les cadres contractuels d’administration titulaires d’une maîtrise en droit
ayant exercé leurs fonctions pendant au moins quinze (15) années consécutives peuvent être nommés juges
ou substituts en service extraordinaire au tribunal administratif pour une période de cinq (5) ans.
1009 Article 1er du Décret portant Statut de la magistrature.
1010 LESTRADE E., Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op., cit., p. 153.
1011 En France, les juges administratifs sont soumis à des règles statutaires variées. L’on note ainsi que les juges
des tribunaux et cours administratifs bénéficient d’une garantie d’inamovibilité inscrite dans la loi du 6
janvier 1986, en vertu de laquelle certains magistrats ne peuvent être déplacés, rétrogradés, révoqués ou
suspendus sans la mise en œuvre d’une procédure exorbitante du droit commun disciplinaire. Par ailleurs, la
gestion matérielle de leur carrière n’est pas confiée à l’exécutif, notamment au ministère de l’Intérieur
comme auparavant, mais est assurée par le vice-président du Conseil d’État. Il faudrait toutefois noter
qu’en France, si les juges des tribunaux et des cours administratifs bénéficient des gages d’indépendance, il
n’en va pas de même en ce qui concerne le Conseil d’État. En effet, ses membres ne bénéficient que de
garanties limitées. Ses membres sont nommés par décret pris en conseil des ministres sur proposition du
ministre de la justice, garde des sceaux. Leur indépendance est protégée par la coutume, puisqu’ils ne sont
pas soumis à la règle de l’inamovibilité. Articles L. 121-1 à L. 121-3 ; L. 131-1 ; et L. 133-1 à L. 136-2 du
Code de justice administrative.
1012 La nomination constitue la plaque tournante de la carrière du juge fraîchement sorti de l’ENAM, puisqu’elle
lui permet d’être nommé à un emploi qui correspond à son premier grade. Article 12 alinéa 2 Décret
portant Statut de la magistrature. Voir également l’article 14 alinéa 4 qui prévoit l’intégration et la
nomination des avocats et des chargés de cours à la faculté de droit, à un emploi du deuxième grade auquel
ils sont rattachés.
Au Bénin, l’article 129 de la loi n° 90-32 du 11 décembre1990 portant Constitution de la République du
Bénin dispose que « Les magistrats sont nommés par le Président de la République, sur proposition du
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature ».
1013 L'organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature sont fixés par la loi n° 82/14
du 26 Novembre 1982 modifiée par la loi n° 89/16 du 28 Juillet 1989.
Le Conseil supérieur de la magistrature est composée outre le président de la République, le ministre de la
justice ou une personnalité désignée par le président de la République, de trois députés pris sur une liste de
vingt (20) membres établie par l’Assemblée nationale, désignés sur la base d’un scrutin secret et à la
majorité des deux tiers des membres ; de trois magistrats du siège au moins du quatrième grade, en activité
de service pris sur une liste de dix (10) établie par la Cour suprême en assemblée plénière ; une personnalité
n’appartenant ni à l’Assemblée nationale, ni au corps judiciaire désigné par le président de la république en
raison de sa compétence. Le Conseil ne fonctionne pas de manière permanente et le mandat de ses
membres est de cinq (5) ans.
La structure organique de cette institution ne favorise pas une pleine objectivité et impartialité de la part des
personnalités qui sont chargées de participer au déroulement de la carrière des magistrats, puisque les
membres ont soit des liens étroits avec le pouvoir en place, soit en position d’infériorité relativement au
sort de leur carrière.
1014 L’on constate en outre que, le président de la République est seul habilité à déroger aux dispositions de
l’article 15 relatives aux incompatibilités de la fonction des magistrats. Il peut ainsi nommer ou autoriser la
nomination d’un magistrat dans une société nationale ou industrielle dans laquelle l’État détient une part du
capital.
1015 ABA’ OYONO C., « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel », op. cit, p. 14.
1016 Articles 8,et 9 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs d’une part,
puis 2, 5, de la loi fixant l’organisation de la Cour suprême d’autre part.
1017 ONDOA M., « Commentaire sous la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du
02 juin 1972, in Juridis périodique, n°25, janvier-février-mars 1996, p. 13 cité par ABA’A OYONO C., « Les
mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel », ibidem, p. 15.
Afin de légitimer et de renforcer la confiance des électeurs dans l’office du juge électoral
camerounais, il est nécessaire que des garanties distinctives soient prises afin d’accroître et de
renforcer l’indépendance du juge chargé de régler les différends électoraux. Il pourrait s’agir
par exemple, d’impliquer davantage les magistrats dans la gestion de leur corps comme cela se
passe en France, afin d’exclure de manière sinon absolue, mais significative, la domestication
de l’exécutif dans l’organisation et le fonctionnement du pouvoir judiciaire. Le pouvoir de
nomination reconnu au président étant assez discrétionnaire et illimité, le législateur
camerounais devrait aménager un cadre idoine qui permet de protéger aussi bien le juge que
les justiciables. Dans cette perspective, fixer des conditions d’éligibilité pour la nomination des
juges à certains postes stratégiques et déterminer la durée de leur mandat qui ne saurait être
renouvelable, permettrait à coup sûr l’affermissement de l’indépendance et de la liberté des
juges électoraux à l’égard de l’autorité de nomination 1019.
Au Bénin par exemple, l’on note que le législateur ne s’est pas borné à affirmer
l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il a corrélativement mis en œuvre des mécanismes qui la
garantissent. En effet, les magistrats sont nommés par décret pris en Conseil des ministres.
Les magistrats de siège sont inamovibles et ne peuvent être mutés de leur poste, même pour
une promotion, qu’avec leur consentement 1020. En ce qui concerne le contentieux des
élections, il est à noter qu’il est réglé par la Cour suprême dont le président « est nommé pour
une durée de cinq ans par le président de la République, après avis du président de
l’Assemblée nationale, parmi les magistrats et les juristes de haut niveau ayant quinze ans au
moins d’expérience professionnelle, par décret pris en Conseil des ministres. Il est inamovible
pendant la durée de son mandat, qui n’est renouvelé qu’une fois ». Les différentes garanties
1018 MORIN J., « La légitimité des juges », in Jacques Krynen et Jacques Raibant (Dir.), La légitimité des juges : Actes
du colloque, Presses de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, 29-30 octobre 2003, p. 183-188.
1019 La non-limitation du mandats des magistrats à certains postes stratégiques concourt à leur pérennisation à
ces postes, et par conséquent favorise le culte de loyauté, qui exclut tout devoir d’ingratitude. Au
Cameroun, l’on observe que le président de la Cour suprême, nommé en 1990, est demeuré au poste
premier président jusqu’à sa mise à la retraite, intervenue à l’issue de la session du Conseil supérieur de la
magistrature présidé 18 décembre 2014 par le président de la République. Il a cumulé sa fonction de
premier président de la Cour suprême avec celle de la présidence de la Chambre judiciaire.
Juge des élections nationales et des appels des jugements rendus par la Chambre administrative de la Cour
suprême en premier ressort, l’ancien président de la Cour suprême a vidé le contentieux de plusieurs
élections présidentielles, législatives, et municipales, dont la sincérité était remise en cause par des
observateurs de la scène politique camerounaise et internationale.
1020 Au Bénin, l’article 133 de la loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du
Bénin dispose que « le président de la Cour suprême est nommé pour une durée de cinq ans par le
président de la République, après avis du président de l’Assemblée nationale, parmi les magistrats et les
juristes de haut niveau ayant quinze ans au moins d’expérience professionnelle, par décret pris en Conseil
des ministres . il est inamovible pendant la durée de son mandat, qui n’est renouvelé qu’une fois ».
Le législateur camerounais pourrait ainsi s’inspirer des modèles qui existent en France et au
Bénin, pour ériger un modèle de justice électorale original, contextuel et crédible qui permet
une réelle indépendance des juges, non seulement sur le plan de leur nomination, mais
également celui du déroulement de leur carrière.
1021 CIVININI L. G., « Le modèle italien d’administration de la justice », Revue française d’administration publique,
1/2008, n°125, p. 81-91. [En ligne], disponible sur : : https ://www.cairn.info/revue-francaise-d-
administration-publique-2008-1-page-81.htm.DOI : 10.3917/rfap.125.0081.
1022 L’article 11 alinéa 1 du Décret du 08 mars 1995 portant statut de la magistrature dispose que : « Nul ne peut
être nommé magistrat s'il ne justifie outre des conditions requises par le Statut général de la Fonction
Publique ».
1023 Article 2 alinéa 1 du Décret n°94/199 du 07 octobre 1994 portant Statut général de la fonction publique de
l’État modifié et complété par le décret n°2000/287 du 12 octobre 2000.
1024 L’article 9 du décret du 8 mars 1995 portant Statut de la magistrature dispose que « tout magistrat en
activité est titulaire d’un emploi judiciaire correspondant au grade ou groupe auquel il appartient.
1025 OWONA J., Droit de la fonction publique camerounaise, L’harmattan, Paris, 2013, p. 8.
1026 OWONA J., Droit de la fonction publique camerounaise, ibidem, p. 8.
Si l’on admet que le législateur français a pris conscience de la nécessité de protéger les
juges des abus du pouvoir exécutif et de toutes sortes de faveurs ou sanctions disciplinaires
imméritées, notamment un déplacement, une révocation, un retard dans l’avancement ou une
suspension de salaire, l’on observe qu’il n’en va pas de même dans le contexte camerounais. La
dépendance du juge administratif sur le plan de l’évolution de sa carrière se manifeste au
travers de la dévolution du pouvoir de nomination au président de la République 1029 qui
1027 L’attribution d’un grade peut varier en fonction de la qualité du bénéficiaire. L’article 14 alinéa 4 du décret
portant Statut de la magistrature dispose à cet égard que, par dérogation aux dispositions des articles 12 et
13, peuvent être intégrés directement après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature au deuxième grade
et nommés à un emploi dudit grade, les avocats et les chargés de cours à la faculté de droit visés à l'article
11 paragraphe 2 alinéa b ; par ailleurs sont peuvent être recrutés au troisième grade et nommés vice-
présidents à une cour d'appel les professeurs agrégés des facultés de droit et les professeurs titulaires du
Doctor of Laws (L.L.D.).
1028 Lire sur la question, Le Statut particulier des magistrats et le régime de la magistrature au Cameroun, Juriscope,
1997, 22 p. En ligne], www.juriscope.org/.../Cameroun/Droit%20administratif_Statut%20partic...
Le déroulement de la carrière du magistrat est régi par les dispositions des articles 7à 10 d’une part, puis 26
à 45 d’autre part.
1029 Article 29, et 30 du Décret portant Statut de la magistrature.
Le président de la République du Cameroun a signé entre autres, des décrets portant élévation des
magistrats à la hors hiérarchie et de nomination des magistrats au Parquet général près la Cour suprême,
dans les sièges des tribunaux, à l’issue d’une réunion du Conseil supérieure de la magistrature dont il
assurait la présidence.
Décrets n° 2014/554 du 18 décembre 2014 portant élévation de magistrats à la hors hiérarchie; n°
2014/555 du 18 décembre 2014 portant élévation de magistrats à la hors-hiérarchie; n° 2014/556 du 18
décembre 2014 portant élévation de magistrats à la hors-hiérarchie; n° 2014/574 du 18 décembre 2014
portant nomination de magistrats au siège de la Cour suprême; n° 2014/573 du 18 décembre 2014 portant
nomination de magistrats au Parquet général près la Cour suprême; n° 2014/572 du 18 décembre 2014
portant nomination d'un magistrat au Parquet général près la Cour suprême; n° 2014/567 du 18 décembre
2014 portant nomination de magistrats au siège du tribunal criminel spécial; n° 2014/569 du 18 décembre
2014 portant nomination de magistrats du siège dans les tribunaux administratifs; n° 2014/562 du 18
décembre 2014 portant promotion de magistrats; etc.
Il est dès lors souhaitable que dans l'ordre juridique camerounais soit consacré le principe
de l'inamovibilité des magistrats du siège comme cela est le cas dans le système juridique
français et béninois 1032 afin de garantir l’indépendance des juges de l’assujettissement au
pouvoir exécutif et les prémunir de toute vélléité de dépendance dans l’exercice de leurs
fonctions.
1030 L’article 107 de la Constitution du 22 décembre 1947 dispose que « les magistrats sont inamovibles. Ils ne
peuvent être privés ou suspendus de leur service ni affectés à d’autres sièges ou à d’autres fonctions si ce
n’est qu’à la suite d’une décision du Conseil supérieur de la magistrature, adoptée soit pour les motifs et
avec les garanties de la défense prévus par les règles sur l’organisation judiciaire, soit avec le consentement
des intéressés. Le Ministre de la justice a la faculté de donner cours à l’action disciplinaire. Les magistrats ne
se distinguent entre eux que par la diversité de leurs fonctions. Le ministère public jouit des garanties qui lui
sont accordées par les règles relatives à l’organisation judiciaire ».
1031 Les articles 105 et 110 de la Constitution italienne précisent que le recrutement, les affectations et les
mutations, les avancements et les mesures disciplinaires concernant les magistrats relèvent de la
compétence du Conseil supérieur de la magistrature selon les règles de l’organisation judiciaire, alors que
l’organisation et le fonctionnement des services relatifs à la justice appartiennent au Ministre de la justice
sous réserve des compétences du Conseil supérieur de la magistrature.
1032 L’article 126 de la loi n° 90-32 du11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin pose le
principe de l'inamovibilité des magistrats du siège et précise que les juges ne sont soumis, dans l'exercice de
leurs fonctions, qu'à l'autorité de la loi.
S’il est indéniable que l’indépendance du juge consacrée par les dispositions
constitutionnelles est indissociable de l'exercice des fonctions juridictionnelles et la qualité de
la justice rendue, l’on observe une certaine emprise plus ou moins prononcée de son
autonomie (1) et un verrouillage de sa liberté fonctionnelle (2).
Définie comme le fait de se gouverner par ses propres lois et comme la faculté de se
déterminer par soi-même, de choisir, et d’agir librement dans une indépendance morale ou
intellectuelle 1035, l’autonomie permet au juge électoral de juger en son âme et conscience sans
aucune pression externe. Elle vise également à assurer l’indépendance du juge électoral à
l’égard du pouvoir exécutif, mais aussi vis-à-vis des pouvoirs socio-politiques et des médias.
L’autonomie fonctionnelle du juge électoral constitue un critère subjectif permettant de
déterminer son degré d’impartialité. Elle se manifeste au travers de sa faculté à juger librement
1033 DEGUERGUE M., « Des influences sur les jugements des juges », in L’office du juge, Les actes du colloque du Sénat,
op. cit., p. 370.
1034 HOURQUEBIE F., « L’indépendance de la justice dans les pays francophones », in AHJUCAF L’indépendance
de la justice-Actes du 2ème congrès de l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du
français (AHJUCAF), op. cit., p. 49.
1035 Vocabulaire juridique, op. cit.,p. 106.
Garant de la régularité des élections, le juge électoral concourt par son office au
renforcement ou à la dégradation de la confiance des citoyens dans la représentation politique.
Il importe dès lors que ce dernier revête un caractère d’impartialité et de neutralité dans le
règlement des litiges électoraux qui lui sont soumis. L’autonomie à polémique du juge électoral
renvoie aux diverses controverses qui entourent l’objectivité et l’impartialité du juge dans le
règlement des litiges électoraux. Généralement considérées comme un simulacre, les élections
au Cameroun ne bénéficient plus de l’engouement que l’on a observé dans les années 1990.
L’on déplore en effet un taux d’abstention accru au fil des années, justifié non seulement par
les manquements relevés dans l’organisation et le déroulement du scrutin, mais surtout en
raison de la très grande suspicion de partialité qui pèse sur les juges électoraux. La nomination
du juge constitutionnel constitue un facteur d’ordre subjectif qui concourt à créer un climat
d’allégeance à l’égard du parti au pouvoir compte tenu du caractère éventuellement
1036 FABREGUETTES M. P., La logique judiciaire et l’art de juger, 2ème édition, Paris, LGDJ, 1926, p. 437.
1037 Le législateur béninois quant à lui réaffirme l’indépendance du juge, et l’extirpe de tout pouvoir autre que de
celui de la loi. Articles 125 et 126 de la Constitution du Bénin.
1038 SAKHO P. O., « L’allocution d’ouverture » in AHJUCAF L’indépendance de la justice-Actes du 2ème congrès de
l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF), Dakar, 7 et
8 novembre 2007, p. 13-18.
1039 VARAUT J.-M., « Indépendance », in Loic CADIET (Dir.), Dictionnaire de la justice, op. cit., p. 622-623.
1040 HOURQUEBIE F., « L’indépendance de la justice dans les pays francophones », in AHJUCAF L’indépendance
de la justice-Actes du 2ème congrès de l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du
français (AHJUCAF), op. cit., p. 44.
1041 Rapport sur l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Organisation
internationale de la francophonie, 2008, p. 22.
L’ancien premier président de la Cour suprême avait, à l’occasion de l’ouverture de la l’année judiciaire,
exhorté les magistrats à un retour aux principes d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité, contenus dans
le serment. Selon lui, le magistrat étant prévenu des exigences attachées à un corps d’élite, pierre angulaire
de la société démocratique qui n’échappe plus à la critique, y manquer serait constitutif d’une trahison.
Allocution du Premier président de la Cour suprême à l’occasion de l’ouverture de la rentrée judiciaire le
jeudi 26 février 2015. Belibi J.-Fr., « La justice : la leçon d’Alexis Dipanda Mouelle », in Cameroon Tribune. En
ligne], https://www.cameroontribune.cm/index.php?option=com_content&view=article&id=79923:justic
e-la-lecon-dalexis-dipanda-mouelle&catid=1:politique&Itemid=3. (Consulté le 20/03/2015).
1042 Avant l’accomplissement de tout acte lié à ses fonctions, le magistrat camerounais prête serment en ces
termes : « Moi…, je jure devant Dieu et devant les hommes de servir honnêtement le peuple de la
République du Cameroun en ma qualité de magistrat, de rendre justice avec impartialité à toute personne,
conformément aux lois, règlements et coutumes du peuple camerounais, sans crainte ni faveur, ni rancune,
de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout, partout et toujours en digne et loyal
magistrat. »
1043 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics :pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », op. cit., p. 313.
1044 TROPER M., « La notion de pouvoir judiciaire », in Présence du Droit public et des droits de l’Homme, Mélanges
offerts à Jacques Velu, tome II, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 829-843.
1045 OST Fr., « Juge-pacificateur, juge-arbitre, juge-entraîneur. Trois modèles de justice », in Fonction de juger et
pouvoir judiciaire : transformationset déplacements, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1983, p. 1-70.
1046 THÉRY Ph., Pouvoir juridictionnel et compétence (étude de droit international privé), Thèse de l’Université de Paris II,
6 novembre 1981, p. 33.
1047 FALL A. B., « Les menaces internes », in AHJUCF L’indépendance de la justice, op. cit., p.47-75.
1048 Dans l’affaire Affaire Piersack c/ Belgique du 1er octobre 1982, la CEDH a apporté une précision dans la
définition des notions d’impartialité subjective et objective. Selon elle, « si l’impartialité se définit d’ordinaire par
l’absence de préjugé… elle peut s’apprécier de diverses manières. On peut distinguer entre une démarche subjective, essayant de
déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle circonstance, et une démarche objective amenant à rechercher s’il
offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime ».
1049 Lire sur la question FRISON-ROCHE M.-A., « L’impartialité du juge », in Recueil Dalloz-chroniques, 1999, p. 53-
81.
À l’évidence, le rapporteur joue un rôle prééminent dans l’office du juge électoral. Il oriente
la conviction du juge au travers de la détermination de la question posée dans la lecture du
rapport et sur laquelle le procureur se fonde pour donner ses conclusions. S’agissant du
procureur général, l’on note qu’il est « un agent du pouvoir exécutif », puisqu’il est soumis à
l’autorité hiérarchique du ministre de la justice. Il peut être forcé de proposer une solution qui
ne résulte ni de son analyse, ni de sa conviction, mais de l’autorité hiérarchique dont les
motivations ne seront pas toujours dévoilées. S’il est certain que le législateur a revêtu les
magistrats de siège d’une indépendance formelle, en ce sens qu’ils ne relèvent dans leurs
1050 Si la Cour suprême est restée unique, l’on note que la nécessité de distinguer les contentieux a entrainé la
création de plusieurs chambres, elles-mêmes divisées en section. Les formations de jugement varient en
fonction des chambres et des sections desdites chambres. La Chambre administrative constitue l’instance
d’appel en matière administrative, elle connait des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux
administratifs. Le contentieux électoral relevant de la compétence de la juridiction administrative, il est réglé
en premier ressort par les tribunaux administratifs qui siègent en formation collégiale de trois membres et
rendent leurs décisions à la majorité des voix. Même si les textes ne précisent pas de manière expresse les
personnes qui forment la collégialité de jugement, il convient de relever que cette formation varie en
fonction de la phase du contentieux et est composée du président du tribunal administratif qui en assure la
présidence, des juges, du procureur général et du greffier.
En appel, la Chambre administrative connaît des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux
administratifs. Elle comprend plusieurs sections composées de manière impaire, d’un président, de deux
conseillers au moins, d’un ou plusieurs avocats généraux. Lire les articles 13 de la loi n°2006/022 du 19
décembre 2006.
1051 Les articles 37 à 45 de la loi fixant l’organisation des tribunaux administratifs susvisée dispose que le
rapporteur est désigné par le président du tribunal dès l’enregistrement de la requête. Ce dernier assure la
communication des mémoires entre les parties, et rédige à la clôture de l’instruction, un rapport qui est
transmis sous pli confidentiel au président du tribunal qui en communique copie au procureur général. Ce
dernier propose une solution dans ses conclusions et les communique sous pli confidentiel au président.
1052 CANIVET G., « Le mécanisme de décision de la Cour de cassation : pour une ethnographie à écrire d’une
autre fabrique du droit », in Le dialogue des juges, Mélanges en l’honneur de Bruno Genevois, op. cit., p. 149-165.
Cet engrenage institutionnel sous lequel croule le juge électoral paralyse son office et
entrave en conséquence son indépendance théoriquement affirmée, puisque ses décisions
pourraient davantage reposer sur des considérations politiques que sur celles juridiques 1056.
Selon Kéba Mbaye, « on ne peut forcer un homme à être libre, on ne peut que lui donner les
moyens de sa liberté, l’indépendance n’existe que par exercice et volonté » 1057. La nécessité
pour le juge électoral de se départir des considérations d’ordres politiques s’avère nécessaire
dans un domaine à consonance politique, puisqu’il incarne une personnalité neutre et
impartiale. Madame la professeure Marie-Anne Frison-Roche écrit dans cette logique que la
1053 L’article 5 du Décret du 8 mars portant Statut de la magistrature réaffirme cette indépendance des
magistrats du siège.
1054 Article 3 du Décret du 8 mars 19995 portant statut de la magistrature.
1055 Article 3 du décret n°95-048 du 8 mars1995, portant Statut de la magistrature. Au Bénin, l’on observe une
situation inverse. Le magistrat de parquet sont certes tenus de respecter les instructions reçues de l’autorité
hiérarchique, mais ils exercent librement leur droit de parole à l’audience. Article 7 de la loi portant statut de
la magistrature au Bénin.
1056 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », op. cit., p. 309-346.
1057 Cité par SOUMARE Ch. H., « L’allocution d’ouverture » in AHJUCAF L’indépendance de la justice-Actes du 2ème
congrès de l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF),
ibidem, p. 23-27.
À l’analyse, il apparaît que le statut du juge administratif agissant en qualité de juge électoral
favorise pour une grande part le manque d’impartialité très souvent décrié dans le règlement
du contentieux électoral au Cameroun. Si la dépendance du juge administratif à l’égard du
pouvoir exécutif trouve une justification dans les règles statutaires qui le régissent, il n’en va
pas de même du Conseil constitutionnel juge des élections nationales dont les membres sont
nommés.
1061 OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à la sérénité de la
démocratie élective et à l’enracinement de l’État de droit ? le cas du Cameroun », in Conférence panafricaine des
présidents des Cours constitutionnelles et institutions comparables sur le renforcement de l’État de droit et la démocratie à
travers la justice constitutionnelle, Marrakech (Maroc), Centre Africain de Formation et de Recherche
Administrative pour le Développement-Fondation Hanns Seidel, 26-28 novembre 2012, 19 p. [en ligne]
site : http://www.cafrad.org/Workshops/Marrakech26-28_11_12/4_Olinga.pdf. (Consulté le
01/04/2015).
1062 FAVOREU L., PHILIP L., Le Conseil constitutionnel, 7ème édition mise à jour, Que sais-je, 2005, p. 4.
1063 FAVOREU L., PHILIP L., Le Conseil constitutionnel, ibidem, p. 4
1064 EINSENMANN Ch., La justice constitutionnelle et la haute Cour constitutionnelle d’Autriche, Paris, Economica, 1928,
p. 175.
S’il est certain que le Constituant camerounais offre certaines garanties statutaires au juge
constitutionnel dans le but de le protéger des pressions de tout autre pouvoir politique, l’on
note en revanche que celles-ci s’avèrent insuffisantes au regard du statut juridique du juge
constitutionnel. En premier lieu, l’architecture du Conseil constitutionnel a toujours fait l’objet
de vives critiques de la part des acteurs sociaux et politiques, eu égard à sa composition
hétéroclite de diverses personnalités désignées sur des fondements discrétionnaires et aux
protections de la fonction des conseillers constitutionnels (2).
1065 MASTOR W., HOURQUEBIE F., « Les Cours constitutionnelles et suprêmes étrangères et les élections
présidentielles », in Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n°34, (Dossier : élection présidentielle), janvier
2012, 16 p.
1066 MEUNIER J., « Les décisions du Conseil constitutionnel et le jeu politique », in Pouvoirs, n°105, 2003, p. 29-
40.
1067 MASTOR W., HOURQUEBIE F., « Les Cours constitutionnelles et suprêmes étrangères et les élections
présidentielles », op. cit., p. 3.
1068 MERCADAL B., « La légitimité du juge », in Revue internationale de droit comparé, vol. 54, n°2, avril-juin 2002,
p. 277-291. [En ligne] site : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-
3337_2002_num_54_2_18745. (Consulté le 09/04/2015).
1069 FAVOREU L., MASTOR W., Les Cours constitutionnelles, Paris, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 2016, p. 22.
1070 L’accession d’une personne à un poste ou à une fonction s’effectue selon les cas, soit par une auto-
désignation, soit par la voie d’une élection, d’une nomination, d’un tirage au sort ou d’une automaticité qui
permet dans certaines situations, l’accession de plein droit des personnes présentant certaines qualités. Lire
également sur la question, THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, Clermont-Ferrand Fondation
Varenne, Paris, L.G.D.J., collection des thèses, n°38, 2010, p. 138.
1071 Vocabulaire juridique, op. cit., p. 684.
1072 S’il est indéniable que les dénominations des juridictions constitutionnelles varient en fonction des États,
l’on observe que le procédé de désignation constitue leur point de convergence, nonobstant l’existence de
certaines disparités liées à leur nombre, à la durée de leur mandat, et aux autorités de nomination.
L’énumération des États africains ci-dessous recensés, n’est pas exhaustive et se fonde sur une base
purement aléatoire. Dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest tels que le Bénin, et le Sénégal, la Cour ou le
conseil constitutionnel (le) est composé(e) des membres nommés. Au Bénin, La Cour constitutionnelle est
composée de sept (07) membres nommés conjointement par le bureau de l’Assemblée nationale et la
président de la République(article 115 de la Constitution du Bénin) ; Le conseil constitutionnel sénégalais
quant à lui comprend sept (07) membres dont un président, un vice-président et cinq juges nommés par le
président de la République (article 89 de la loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision
de la Constitution). En Afrique centrale, les juridictions constitutionnelles du Gabon, et du Tchad, sont
composées de membres nommés. Au Gabon, la Cour constitutionnelle se compose de neuf (09) membres
nommés par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale
(article 89 (L. 47/2010 du 12 janvier 2011) de la Constitution de la République du Gabon révisée par la loi
n°047/2010 du 12 janvier 2011; s’agissant du Tchad, l’on note que son Conseil constitutionnel est constitué
de neuf (09) membres désignés par les présidents de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat
(article 165 de la Constitution du 31 mars 1996 révisée suite au référendum du 6 juin 2005).
1073 Si les modèles de justice constitutionnelle français, et américain reposent sur la nomination des juges—aux
États-Unis, les juges constitutionnels sont nommés soit pour une durée limitée, soit jusqu’à ce qu’ils
atteignent la limite d’âge. En France, les conseillers constitutionnels sont nommés par trois personnalités
politiques que sont, les présidents de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat—, l’on constate
que certains pays tels que l’Allemagne, la Suisse, et le Portugal, ont choisi le procédé de l’élection des juges
constitutionnels, tandis que la Belgique, l’Espagne, l’Italie et le Portugal ont adopté le système mixte.
Lire sur la question, Sénat-Service des études juridiques, La composition des Cours constitutionnelles, Les
documents de travail du Sénat, Série étude de législation comparée, n° LC 179-1 novembre 2007, 44 p. [En
ligne], disponible sur : http://www.senat.fr/lc/lc179/lc179.pdf. (Consulté le 26/04/2015).
1074 MERCADAL B., « La légitimité du juge », in Revue internationale de droit comparé, op. cit., p. 279.
1075 EINSENMANN Ch., La justice constitutionnelle et la haute cour constitutionnelle d’Autriche, op. cit., p. 175.
1076 Article 51 alinéa 1 (nouveau) modifié par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin
1972.
1077 Articles 51 alinéa1 et 7alinéa 1 respectivement, de la Constitution et de la loi portant organisation et
fonctionnement du Conseil constitutionnel.
1078 MERCADAL B., « La légitimité du juge », ibidem, p. 279.
1079 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, op.cit., p. 140.
Si l’on ne saurait a priori parler de l’emprise du pouvoir exécutif dans l’office du Conseil
constitutionnel en se fondant sur sa composition, —puisque le pouvoir de nomination en lui-
même ne saurait constitué un facteur sujétion—, il faudrait reconnaître eu égard au contexte
camerounais, que ce préalable est faussé par le fait majoritaire qui établit une prépondérance
du parti au pouvoir au sein du Parlement et un devoir d’allégeance des membres du Conseil
supérieur de la magistrature composé de magistrats nommés.
Si le débat autour du procédé de désignation par voie de nomination en France 1080 ne pose
plus de difficultés majeures quant à la légitimité des juges constitutionnels 1081, au Cameroun
en revanche, la nomination des membres des juridictions constitutionnelles pose
essentiellement le problème de la politisation de l’institution et celui de la légitimité de ses
membres 1082. Si les conseillers constitutionnels étaient soumis à un régime relativement
protecteur en raison de la longueur de leur mandat neuf (09) ans non renouvelable, de leur
inamovibilité, et de l’organisation d’un régime qui protègeait la fonction au travers de
1080 Aux termes de l’article 56 alinéa 2 de la Constitution française de 1958, le conseil constitutionnel est
composé de neuf (09) membres nommés de manière égalitaire par le président de la République (03), le
président de l’Assemblée nationale (03) et le président du Sénat (03) et de membres de droit qui sont les
anciens président de la République.
1081 En France, l’on remarque que, si la nomination des membres du Conseil constitutionnel est guidée par des
intérêts politiques, elle ne saurait constituée un instrument de dépendance à l’égard de l’autorité de
nomination. En effet, une fois nommés, les membres du Conseil constitutionnel s’émancipent de l’autorité
de nomination qui n’exerce généralement aucune forme de pression sur ceux-ci. Pour Georges Vedel, « de
l’extérieur on n’imagine pas quelque chose de très important, à savoir que la fonction saisit l’homme quand
c’est un honnête homme (...). Le professeur Jean-Claude Colliard quant à lui soulignait dans un numéro
spécial des cahiers du Conseil constitutionnel, qu’en « neuf ans, je n’ai pas reçu une seule fois un « conseil »
de mon autorité de nomination (...) », etc. Lire sur la question, LEMAIRE E., « Dans les coulisses du Conseil
constitutionnel. Comment le rôle de gardien des droits et libertés constitutionnellement garantis est-il
conçu par les membres de l’institution ? », in Jus Politicum, n°7-2012, 41 p. [En ligne], disponible sur
http://www.juspoliticum.com/IMG/pdf/JP7_Lemaire_PDF_corr01cat.pdf. (Consulté le 04/05/2015).
1082 La représentation politique au sein du Parlement ne concourt pas une nomination impartiale des conseillers
censés être recrutés parmi les personnalités de réputation professionnelle établie, et jouissant d’une grande
intégrité morale et d’une compétence reconnue, puisque l’on observe une inégalité flagrante dans la
représentation politique des partis politiques. En effet, l’analyse de la scène politique camerounaise depuis
le retour au multipartisme, permet de constater que le RDPC, parti au pouvoir, a conservé la majorité
écrasante au sein de l’Assemblée nationale, et depuis le 29 avril 2013 a obtenu la majorité au sein du Sénat,
suite à l’organisation de la toute première élection d’une partie des membres du Sénat au Cameroun.
S’agissant de la nomination des conseillers par le Conseil supérieur de la magistrature, l’on note que la
neutralité de cette institution pourrait être sujette à caution en raison de sa composition et de son
fonctionnement qui contiennent des facteurs d’allégeance au pouvoir exécutif.
Lire sur cette question, MACK-KIT S., « Les élections au Cameroun », in Recherches internationales, n°80,
octobre-décembre 2007, p. 23-36. [En ligne], site : http://paul-
langevin.fr/recherinter/RI80_pdf_2/RI80_Mack-Kit.pd. (Consulté le 10/05/2014).
L’analyse des dispositions textuelles de certains États européens 1085 et africains laisse
transparaître une réglementation statutaire plus ou moins achevée et protectrice. Les
Constituants prévoient des critères déterminés servant de fil conducteur pour la nomination
1083 Les articles 51 alinéa 1 de la Constitution camerounaise et 9 de la loi n°2004/005 du 21 avril2004 fixant le
statut des membres du Conseil constitutionnel disposent que le Conseil constitutionnel comprend onze
(11) membres inamovibles désignés pour un mandat de neuf (9) ans non renouvelable, ce qui implique
l’adoption d’un régime de renouvellement intégral des conseillers constitutionnels.
1084 L’article 51 alinéa 1 (nouveau) modifié par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin
1972 dispose que le mandat des membres du Conseil constitutionnel est de six (06) ans éventuellement
renouvelable.
1085 En Allemagne, les juges constitutionnels doivent avoir quarante ans révolus, être éligibles au Bundestag, avoir
rédigé une lettre de motivation, et posséder le « Certificat d’aptitudes aux fonctions de juge » ; concernant la
Belgique, la loi spéciale de la Cour d’arbitrage dispose que les futurs juges constitutionnels doivent être âgés
d’au moins quarante ans et remplir l’une des conditions relatives soit à l’occupation pendant cinq ans au
moins d’un poste de magistrat à la Cour de cassation ou au Conseil constitutionnel, de juriste chargé
d’assister les membres de la Cour constitutionnelle ou de professeur de droit dans une Université, soit à
l’exercice de la fonction de parlementaire pendant cinq ans au moins, au niveau fédéral, communautaire ou
régional ; en Espagne, les membres du Tribunal constitutionnel sont nommés parmi les magistrats du siège
et du parquet, les professeurs d’université, les fonctionnaires et les avocats, et doivent tous être des juristes
aux compétences reconnues. Il convient de préciser que le modèle américain, même s’il repose sur la
nomination des membres du Conseil ou de la Cour constitutionnel(le), possède un régime distinct de celui
des pays européens. Aucune qualification n’est requise, puisque les membres de la Cour sont
traditionnellement des juristes. L’on note cependant que nonobstant la souplesse des qualifications
requises, un accent particulier est mis sur l’origine ethnique, religieuse, le sexe des futurs juges
constitutionnels, afin de représenter la diversité de la société américaine.
1086 Eu égard aux dispositions de l’article115 de la loi de la loi n° 90- 32 du 11 Décembre 1990 portant
constitution de la République du Bénin, trois membres de la Cour constitutionnelle sont des magistrats
ayant une expérience de quinze (15) années au moins, et les deux autres des personnalités de grandes
réputations professionnelles.
1087 Le constituant sénégalais fonde les critères de sélection des membres du Conseil constitutionnel sur leur
ancienneté dans des fonctions de juristes praticiens ou théoriciens. Aux termes de l’article 4 de la loi n°92-
23 du 30 mai 1992 sur le conseil constitutionnel modifié par la loi n°99-71 du 17 février 1999, peuvent être
choisis comme membres du Conseil constitutionnels, les anciens Premiers présidents de la Cour suprême,
et de la Cour de cassation ; le président et les anciens présidents du Conseil d’État ; les anciens procureurs
généraux près la Cour suprême ; le procureur général près la Cour de cassation et les anciens procureurs
généraux près la Cour de cassation ; les anciens présidents de section à la Cour suprême ; les présidents de
section et anciens présidents de section au Conseil d’État ; les présidents et anciens présidents de Chambre
à la Cour de cassation, les anciens Premiers avocats généraux près la Cour suprême, le Premier avocat
général et les anciens Premiers avocats généraux près la Cour de cassation ; les Premiers présidents et
anciens Premiers présidents des Cours d’appel ; les procureurs, généraux et anciens procureurs généraux
près les Cour d’appel. Par ailleurs, deux membres sur cinq peuvent être soit des professeurs et anciens
professeurs titulaires des facultés de Droit, soit des inspecteurs généraux d’État et anciens inspecteurs
généraux d’État, et soit des avocats, à condition qu’ils aient au moins vingt-cinq ans d’ancienneté dans la
fonction publique ou vingt-cinq d’exercice de leur profession.
1088 Le constituant tchadien quant à lui prévoit un Conseil constitutionnel composé trois (3) magistrats et six
(6)juristes de haut niveau.
1089 L’article 89 de la Constitution gabonaise dispose que « chacune des autorités visées à l’alinéa précédent
désigne obligatoirement deux (2) juristes dont au moins un Magistrat choisi sur une liste d'aptitude établie
par le Conseil Supérieur de la Magistrature ». À titre principal, les conseillers sont choisis parmi les
professeurs de droit, les avocats et les magistrats ayant au moins quarante (40) ans d’âge et quinze (15) ans
d’expérience professionnelle, ainsi que les personnalités qualifiées ayant honoré le service de l’État et âgées
d'au moins quarante (40) ans.
1090 EINSENMANN Ch., La justice constitutionnelle et la haute Cour d’Autriche, op. cit., p. 176.
1091 DEUMIER P. ; « Le Conseil constitutionnel, juridiction impartiale et indépendante ? », op. cit., p. 484.
1092 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, op.cit., p. 138-142.
S’il est incontestable que le constituant camerounais a entendu conférer des garanties
personnelles et organiques au juge constitutionnel, l’on relève en revanche que celles-ci sont
insuffisantes et ne concourent pas à produire un cadre de totale indépendance et impartialité.
Il en résulte la nécessité de rationnaliser et d’apurer les diverses dispositions qui régissent le
statut du juge constitutionnel afin de corriger les insuffisances relevées en vue d’asseoir la
crédibilité et partant la légitimité de cette institution considérée comme une « poupée
russe » 1095. Le Constituant camerounais pourrait dans cette veine clarifier les critères de
nomination auxquels seraient subordonnés les conseillers, notamment sur les points relatifs à
leurs aptitudes intellectuelles, leur âge, etc. Il pourrait par ailleurs rigidifier les modalités de
nomination en permettant, comme cela se passe aux États-Unis, que les personnes à nommer
soient auditionnées par une commission qui émettra une recommandation, afin de tester leurs
aptitudes intellectuelles et morales. La question liée au statut des membres du Conseil
constitutionnel demeure d’actualité, puisqu’elle soulève des interrogations relative à son
indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et à la protection de la fonction des conseillers
constitutionnels.
1093 La nomination par convenance personnelle comporte certes l’avantage que le désigné est une personne
connue que l’on estime, le danger apparaît lorsque le nommé fait prévaloir sa reconnaissance à l’égard de
l’autorité de nomination au détriment de l’intérêt de l’institution.
Le professeur Fabrice Hourquebie décrit cette situation comme permettant d’entretenir une sorte
d’activisme pour plaire au pouvoir. Selon lui, la situation de crise postélectorale qui a prévalu en Côte-
d’Ivoire, à l’occasion de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, a été favorisée par l’activisme
politique et militant du juge constitutionnel Paul Yao N’Dré, considéré comme un proche de monsieur
Laurent Gbagbo, à l’époque président sortant et candidat à l’élection présidentielle. HOURQUEBIE F.,
« L’indépendance de la justice dans les pays francophones », op. cit., p. 6.
1094 Selon monsieur Julien Thomas, il est indispensable, nonobstant les motivations fondées sur des affinités
personnelles, que le juge constitutionnel ait soit des connaissances juridiques résultant d’une formation
spécifique ou professionnelle, soit la propension à l’indépendance d’esprit acquise dans la pratique politique
et institutionnelle, et témoignant de leur probité. THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, ibidem,
p. 146.
1095 Propos du doyen Magloire Ondoa, à l’occasion de la 32 ème conférence de la grande palabre tenue le 28
novembre à Yaoundé sous le thème : La mise en place du Conseil constitutionnel et son impact sur l’ordre
constitutionnel camerounais ». MONO A., « Le Conseil constitutionnel camerounais ne sera qu’une autre
« poupée russe » », in La Grande palabre-Le messager, novembre 2014. [En ligne], disponible sur :
http://lesmiserables.mondoblog.org/2013/11/29/le-conseil-conseil-constitutionnel-camerounais-ne-sera-
quune-autre-poupee-russe/. (Consulté le 28/04/2015).
1096 CARCASSONNE G., « Rapport introductif », in AHJUCAF- L’indépendance de la justice-Actes du 2ème congrès de
l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF), p. 31-41.
1097 Lire sur la question, DEUMIER P., « Le Conseil constitutionnel, juridiction impartiale et indépendante ? », in
RTD civ, 2012, p. 481-487.
1098 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, ibidem, p. 180.
1099 LENOIR N., « Le métier de juge constitutionnel », in Conseil constitutionnel, 11 p. [En ligne], disponible sur :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/pdf/conseil-constitutionnel-
25704.pdf. (Consulté le 20/04/2015).
1100 LENOIR N., « Le métier de juge constitutionnel », ibidem, p. 6
1101 Le statut des membres du Conseil constitutionnel frnaçais est en partie défini par l'ordonnance du 7
novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel, plusieurs fois modifiée, et, à titre
complémentaire, par un décret du 13 novembre 1959 relatif à leurs obligations. Celles-ci se définissent
principalement par l'obligation de réserve qu'ils sont tenus de respecter, et par le régime strict des
incompatibilités qui leur est applicable. Le régime des incompatibilités prescrit par l'article 57 de la
Constitution interdit le cumul de la fonction de membre du Conseil constitutionnel avec celle de ministre
ou de membre du Parlement. L'ordonnance du 7 novembre 1958 complète et précise l'article 57 de la
Constitution, disposant en particulier que les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont
incompatibles avec celles de membre du Conseil économique, social et environnemental. Elles sont
également incompatibles avec l'exercice de tout mandat électoral. En vertu de la loi organique n° 2013-906
du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, l'exercice des fonctions de membre du
Conseil constitutionnel est incompatible avec l'exercice de toute fonction publique et de toute autre activité
professionnelle ou salariée, en particulier avec l'exercice de la profession d'avocat. Les membres du Conseil
constitutionnel peuvent toutefois se livrer à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques. Pendant la
durée de leurs fonctions, les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être nommés à aucun emploi
public ni, s'ils sont fonctionnaires publics, recevoir une promotion au choix. Enfin, le décret du 13
novembre 1959 leur interdit d'occuper pendant la durée des fonctions tout poste de responsabilité ou de
direction au sein d'un parti ou groupement politique. En cas de difficulté, le Conseil statue sur la
compatibilité entre la qualité de membre et l'activité en cause. Disponible en ligne, sur :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/le-conseil-constitutionnel/les-
membres-du-conseil/statut-des-membres/statut-des-membres.16309.html. (Consulté le 15/02/2016).
1102 Les conseillers constitutionnels jurent de remplir fidèlement leurs fonctions en toute impartialité, dans le
respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position
publique, ou donner des consultations sur les questions relevant de leur compétence.
1103 L’on constate que le choix du législateur camerounais d’employer le verbe abstenir plutôt qu’un autre verbe
plus contraignant révèle non pas une obligation péremptoire, mais un appel à la conscience personnelle des
membres du conseil constitutionnel à s’engager librement à ne pas exercer des fonctions qui pourraient être
incompatibles avec celles de conseiller.
1104 Aux termes des dispositions de l’article 8, les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont
incompatibles avec la qualité de membre du Gouvernement ; du Conseil économique et social ; de la Cour
suprême, et de l’exercice de tout mandat électif ou de tout autre emploi public, civil ou militaire ; toute
autre activité professionnelle privée pouvant affecter son honorabilité, son impartialité, son intégrité, sa
neutralité et son honnêteté intellectuelle; de toute fonction de représentation nationale.
Les membres du Conseil constitutionnel doivent, nonobstant l’astreinte à l’obligation de réserve et de
discrétion professionnelle, s’abstenir de prendre une position publique ou de consulter sur des questions
ayant fait ou étant susceptibles de faire l'objet de décisions du Conseil Constitutionnel; de plaider ou de
participer à un arbitrage —s’il s’agit d’un avocat— ; d'occuper au sein d'un parti ou d'une" formation
politique, d'une association partisane ou syndicale, tout poste de responsabilité ou de direction et, de façon
plus générale, de faire apparaître de quelque manière que ce soit leur appartenance politique ou syndicale ;
d'exciper ou de laisser user de leur" qualité dans des entreprises financières, industrielles, commerciales ou
dans l'exercice des professions libérales ou autres et, d'une façon générale, d'user de leur titre pour des
motifs autres que ceux relatifs à l'exercice de leur mandat.
1105 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, op. cit., p. 180.
1106 L’article 4 alinéa 5 de l’Ordonnance n°58-1067 du 17 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel dispose que les membres du Conseil constitutionnel peuvent solliciter un mandat électif
sous réserve d’une demande de mise en congé qui est de droit, pour la durée de la campagne électorale.
1107 Conformément aux dispositions de l’article 4 du décret n°59-1292 du 13 novembre 1959.
1108 Article 3 du décret n°59-1292 du 13 novembre 1959.
1109 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, op. cit., p. 182.
1110 Madame Simone Veil, membre du Conseil constitutionnel avait invoqué les dispositions de l’article 4 du
décret du 13 novembre 1959 lors des élections référendaires de 2005, afin de participer à la campagne, et
d’être autorisée à s’exprimer publiquement sur certaines questions qui avaient d’ailleurs déjà fait l’objet
d’une décision du Conseil constitutionnel.
1111 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, ibidem, p. 182-183.
1112 Il s’agit des publications des certains anciens membres tels que Noëlle LENOIR, « Le métier de juge
constitutionnel », in Conseil constitutionnel, 11 p. [En ligne], site : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/pdf/conseil-constitutionnel-25704.pdf. (Consulté le
20/04/2015) ; Elina LEMAIRE, « Dans les coulisses du Conseil constitutionnel. Comment le rôle de gardien
des droits et libertés constitutionnellement garantis est-il conçu par les membres de l’institution ? », in Jus
Politicum, n°7-2012, 41 p. ; Dominique SCHNAPPER, Une sociologue au Conseil constitutionnel, Paris, Gallimard,
2010, 464 p. ; Jean-Claude COLLIARD, « Neuf ans de bonheur », in Cahiers du Conseil constitutionnel, nº 25,
2008, p. 32-36.
Pour ce qui est des avantages et privilèges, l’on note qu’à l’inverse d’autres États qui ont
choisi la réglementation par voie législative, le Cameroun a opté pour leur détermination par
voie réglementaire. Selon le professeur Marcelin Nguele Abada, ce procédé, s’il est avantageux
sur le plan économique, comporte un risque de fragilisation de l’indépendance et de la dignité
du Conseil constitutionnel, puisqu’une grande libéralité est laissé au pouvoir exécutif 1115. À
l’évidence, le régime statutaire des membres du conseil constitutionnel concourt à la garantie
tant organique que fonctionnelle de leur indépendance et de leur impartialité. Comme le relève
le professeur Francis Delpérée, « Hasard ou nécessité ? Peu importe. Le Conseil
constitutionnel s’est construit autant que la Constitution l’a mis en place. Il s’est affirmé
1113 L’article 10 de la loi n°2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel
dispose que lorsque la responsabilité d’un membre du Conseil constitutionnel est engagée, le ministre
chargé de la justice saisit le Président du Conseil Constitutionnel dans les meilleurs délais. Le Conseil
Constitutionnel statue sous huitaine à la majorité des deux tiers des membres le composant et par un vote à
bulletin secret. La décision motivée doit être notifiée au ministre chargé de la justice et communiquée sans
délai au président de la République, au président de l'Assemblée Nationale et au président du Sénat.
1114 Lire sur ce point, NGUELE ABADA M., « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le
constitutionnalisme des États francophone post-guerre froide : l’exemple du Conseil constitutionnel
camerounais », op. cit., p. 6.
1115 NGUELE ABADA M., « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des
États francophone post-guerre froide : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais », op. cit., p. 7.
1116 DELPÉRÉE Fr., « Le Conseil constitutionnel : état des lieux », in Pouvoirs, n°105, 2003, p. 5-16.
1117 Il s’agit des lois n°s 2004/004 et 005 du 21avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel d’une part, et fixant le statut des membres du conseil constitutionnel d’autre part.
1118 Dans certains pays comme le Bénin, l’on a assisté à l’investiture de la cinquième mandature de la Cour
constitutionnelle ; ou le remplacement de certains membres dont le mandat est arrivé à terme (au Sénégal,
les décrets présidentiels n°s 2009-01 du 6 janvier 2009, et 2010-1073 du 13 août 2010 nomment
respectivement, un vice-président et un membre du Conseil constitutionnel, puis un président du Conseil
constitutionnel ; au Tchad, le 11 avril 2008). La Cour constitutionnelle du Gabon quant à elle a rendu sa
toute première décision le 28 février 1992.
1119 L’article 42 alinéa3 (nouveau) de la loi n° 2008/005 du29 juin 2008 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement
S’il est certain qu’il est impératif que le Conseil constitutionnel sorte de son état
d’hibernation, il convient de mentionner que les juges constitutionnels doivent être dotés de
davantage de garanties d’indépendance leur permettant de rendre des décisions crédibles et
justes. Le professeur Dominique Rousseau souligne à ce propos que le Conseil constitutionnel
doit exercer un contrôle plus ferme des élections afin de maintenir la croyance des citoyens en
d’Elections Cameroon (ELECAM), dispose que : « pendant la mise en place d’Elections Cameroon
(ELECAM) et jusqu’à cette mise en place qui ne peut excéder vingt-quatre (24) mois, l’Observatoire
national des élections (ONEL) et les autres structures compétentes de l’État continuent à exercer leurs
attributions respectives ».
1120 HOURQUEBIE F., « Les Cours constitutionnelles et suprêmes étrangères et les élections présidentielles », op.
cit., p. 7.
1121 HOURQUEBIE F., « Les Cours constitutionnelles et suprêmes étrangères et les élections présidentielles »,
ibidem, p. 4-7.
Les qualités d’un juge étant autant multiples que difficiles, les juges africains et camerounais
en particulier, doivent s’affranchir du culte de gratitude qui paralyse leur office. Selon
monsieur Ousseini Ouédraogo, la consolidation de l’État de droit et de la démocratie en
Afrique nécessite la prise de conscience par les juges électoraux, de leur obligation de se libérer
des pressions politiques pour rendre des décisions juridiquement cohérentes et correctes 1124.
L’on attend à cet égard de ces derniers, qu’ils soient non pas une autorité qui applique
machinalement la loi, mais celle qui juge en toute impartialité, de manière à assurer un procès
juste et équitable aux justiciables. Mirabeau soulignait à juste titre à ce propos que « la justice
est un besoin de tous, et de chaque instant ; comme elle doit commander le respect, elle doit
inspirer la confiance » 1125. Il devient dès lors indispensable que le cadre juridique qui régit les
différentes procédures soit aménagé de sorte que tous les citoyens bénéficient d’un accès
L’office du juge étant considéré comme la mission de dire le droit qui lui est dévolue,
l’efficacité de cette mission nécessite la prise en compte de plusieurs facteurs qui concourent à
l’accès au juge. Pour le professeur Mustapha Mekki, l’accès au droit et à la justice devrait
occuper une place centrale, sinon l’effectivité de tous les autres droits serait compromise, et
même l’existence de l’État de droit. Il poursuit en écrivant que l’accès à la justice permet de
s’assurer de la protection effective des droits en mettant à la disposition des justiciables des
juges compétents 1126. L’élection étant considérée comme une une procédure de legitimation
du pouvoir, il importe nécessairement que des mécanismes qui participent à sa garantie soient
mis en oeuvre afin de favoriser un accès égal, équitable et efficace à un juge indépendant et
impartial, afin de contester les manquements qui ont concouru à la violation des droits civils et
politiques reconnus aux citoyens. L’accès au juge implique que les juges compétents puissent
être dotés d’un statut qui garantit leur totale indépendance et impartialité à l’égard des
pouvoirs socio-politiques. Cela nécessite que le législateur camerounais puisse réaménager le
statut des juges en leur conférant des garanties telles que l’inamovibilité qui concourent à
asseoir l’autonomie, l’indépendance et l’impartialité des juges. Par ailleurs, il faudrait préciser
que la garantie des droits civils et politiques ne se limite pas à l’accès au juge, elle se refère
parallèlement à l’accès à la norme électorale qui permet aux citoyens de connaître et de
comprendre la portée des droits dont ils sont titulaires, d’où la nécessité de simplifier les lois
qui leur sont applicables et appliquées par un juge électoral hardi.
Même si le juge électoral a le devoir de remplir un office juste et équitable, l’on observe que
celui-ci est quelquefois tenu par certaines considérations. Il apparaît dans cette hypothèse non
comme le « sanctionnateur » des fraudes et délits électoraux afin de garantir la régularité de
l’élection, mais comme celui qui ne s’intéresse qu’au contrôle de la sincérité du scrutin. Cette
autolimitation du juge électoral tranche avec la mission qui lui est dévolue par les textes
juridiques, puisqu’il est chargé de « veiller à la régularité de l’élection ». La régularité étant
entendue comme la conformité à la règle de droit, spécialement aux exigences de formes 1128.
L’on pourrait avancer l’idée selon laquelle le juge électoral ne remplit pas la mission qui lui est
dévolue, puisqu’il peut valider des opérations électorales entachées d’irrégularités lorsque
celles-ci n’ont eu auucune influence déterminante sur les résultats du scrutin. Il en résulte que
le juge électoral élude sa mission principale en adoptant une attitude qui restreint les larges
pouvoirs qui lui sont octroyés. Il opte pour une politique jurisprudentielle alternative qui allie
un contrôle minimal de la régularité (§ 1) à celui maximaliste de la sincérité du scrutin au grand
dam des électeurs qui ont l’impression de voir leurs droits civils et politiques bafoués et le
pouvoir politique usurpé (§ 2).
1127 ROZÈS S., « un profil nouveau pour les juges », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de
Roger Perrot, op. cit. p. 435.
1128 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit., p. 885.
La nécessaire garantie des droits civils et politiques des citoyens implique qu’un cadre
adéquat soit aménagé afin que le juge électoral puisse jouir de la plénitude de compétence qui
lui permet d’assurer efficacement sa mission. En ce qu’il est considéré comme un contentieux
de pleine juridiction, le contentieux électoral de par sa nature commande que le juge chargé de
trancher les contestations ou réclamations qui découlent de l’organisation des processus
électoraux soit doté de larges pouvoirs qui lui permettent de confirmer, annuler ou réformer
les résultats du scrutin. Il est dès lors important que le juge électoral soit conscient de la lourde
tâche de consolidation de la démocratie et de l’État de droit qui est sienne. Le professeur
Georges Wiederkehr écrivait à propos du pouvoir reconnu au juge que « l’exercice d’une
fonction suppose un pouvoir, et tout pouvoir a besoin de légitimité » 1129. S’il est incontestable
que le rôle du juge ne se cantonne pas à une simple « légidiction mécanique » 1130 car il est un
véritable acteur du système juridique qui dispose d’un pouvoir créateur de droit 1131. Il faudrait
ainsi reconnaître que le juge électoral peine à assumer le statut d’une autorité qui participe au
moyen de ses décisions à l’évolution du droit positif.
1129 WIEDERKEHR G., « Qu’est-ce qu’un juge », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs-Mélanges en l’Honneur de Roger
Perrot, Paris, Dalloz, 1996, p.575-586.
1130 BERGEL J.-L., « Introduction générale », in L’office du juge, op. cit., p. 12.
1131 Article 4 du Code civil dispose que : « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité
ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »
1132 BERGEL J.-L., « Introduction générale », in L’office du juge, ibidem, p. 14.
1133 BERGEL J.-L., « Introduction générale », in L’office du juge, ibid., p. 15.
1134 MOEA V., »Actes de gouvernement et droit au juge, à propos de l’arrêt de la Cour européenne des droits de
l’Homme, 14 décembre 2006 Markovic c/ Italie, req. n° 1398/03 », in RFDA, 2008, p. 728-141.
1135 MBODJ E. H., « Le juge : un déterminant du processus électoral en Afrique ? », in Espaces du service public-
Mélanges en l’honneur de Jean du Bois de Gaudusson, contributions réunies par Ferdiand Mélin-Soucramanien,
tome I, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2013, p. 421-453.
Même si le contentieux électoral relève d’un domaine sensible parce qu’il concerne la
dévolution du pouvoir politique, il faudrait reconnaître que nonobstant l’intervention
conjuguée des juges civil, administratif, constitutionnel et pénal, l’organisation du contentieux
électoral est considéré par les électeurs et autres acteurs socipolitiques comme un folklore qui
permet de détourner les suffrages au profit d’un candidat. Chargé de veiller à la régularité des
processus électoraux, le juge électoral oriente son office vers une une appréciation subsidiaire
de la légalité des opérations liées à l’organisation et au déroulement des processus électoraux
au profit d’une recherche dominante de la sincérité du scrutin, notamment l’incidence des
irrégularités alléguées sur l’issue du scrutin. Il dispose à cet effet de larges pouvoirs qui lui
permettent de régler les litiges qui naissent des opérations préélectorales, notamment les
déclarations des candidatures, et électorales et postélectorales. Il est dès lors admis que le juge
n’est plus seulement la bouche de la loi, mais que son office relève de manière cumulative de la
1136 AKAM AKAM A., « La loi et la concsience dans l’office du juge », Revue de l’ERSUMA : droit des affaires-
Pratique-professionnelle, n°1, juin 2012, 20 p. [En ligne], site : : http://revue.ersuma.org/no-1-juin-
2012/pratique-professionnelle/LA-LOI-ET-LA-CONSCIENCE-DANS-L. (Consulté le 20/07/2014).
1137 TROPER M., « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, 2003, p. 834-846.
1138 HAMON Fr., « Quelques réflexions sur la théorie réaliste de l’interprétation », in L’architecture du droit-Mélanges
en l’honneur de Michel Troper, études coordonnées par Denys Béchillon, Véronique Champeil-Desplats, Pierre
Brunet, Eric Millard, Paris, Economica, 2006, p. 487-500.
1139 FAVOREU L., PHILIP L. et alii, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 18ème édition, Paris, Dalloz, 2016,
p. 7.
1140 MBODJ E. H., « Le juge : un déterminant du processus électoral en Afrique ? », in Espaces du service public-
Mélanges en l’honneur de Jean du Bois de Gaudusson, contributions réunies par Ferdiand Mélin-Soucramanien, op.
cit., p. 422.
1141 Discours de monsieur Pierre DRAI, prononcé à l’audience solennelle de la Cour de cassation française, le 6
janvier 1993.
1142 SINDJOUN L., Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel jurisprudentiel et
politiques constitutionnelles au prisme des systèmes politiques africains, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 493.
1143 L’analyse de certaines décisions rendues par le juge de l’urgence, saisi d’un reféré ou d’un sursis à exécution
tendant respectivement à la suspension des effets du décret portant nomination des membres du Conseil
électoral d’ELECAM aux motifs que la nomination des membres dirigeants du RDPC parti au pouvoir au
sein du Conseil électoral ne satisfaisait ni aux consditions de neutralité et d’impartialité prescrites, ni au
régime d’incompatibilité fixé par la loi d’une part, et à la demande de sursis à exécution du décret portant
convocation du corps électoral en vue de l’élection des députés à l’Assemblée nationale et des conseillers
municipaux.
1144 Le juge de l’urgence a été saisi d’un reféré tendant la suspension des effets du décret portant nomination
des membres du Conseil électoral d’ELECAM et d’une demande de sursis à exécution du décret n°
2013/220 du 02 juillet 2013, portant convocation du corps électoral en vue de l’élection des députés à
l’Assemblée nationale et des conseillers municipaux. Lire à ce propos, les commentaires des Ordonnances
n°s 01/OSE/CCA/CS/2009 du 23 janvier 2009, SDF c/ Etat du Cameroun ; et n°8/OSE/CCA/CS/2013
du 19 août 2013
1145 DCC 05-124du 07 octobre 2005 de la Cour constitutionnelle béninoise, commentée par SINDJOUN L., Les
grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au
prisme des systèmes politiques africains, op. cit., p. 495-502.
1146 Dans l’espèce DCC 15-001b du 09 janvier 2015, la cour constitutionnelle décide en neuf (09) articles que :
les dispositions transitoires des articles 319 et 328 alinéa 1 in fine de la loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013
portant Code électoral en République du Bénin sont caduques ; la version actualisée de la LEPI doit se faire
conformément aux dispositions des articles 264 alinéa 2 et 274 de ladite loi. ; le Conseil d’orientation et de
supervision doit impérativement achever l’actualisation de la liste électorale permanente informatisée le 15
janvier 2015 ; la publication de la liste électorale informatisée provisoire à partir du 16 janvier 2015 et
l’établissement de la liste électorale permanente informatisée doivent impérativement être achevés le 25
février 2015 au plus tard ; qu’à défaut de la disponibilité de la liste actualisée pour le 15 janvier 2015, la
Commission électorale nationale autonome (CENA) est autorisée à organiser les élections législatives,
municipale, communale et locale de 2015 sur la base de la liste électorale permanente informatisée (LEPI)
ayant servi pour les élections de 2011 ; Les élections législatives doivent avoir lieu impérativement le 26
avril 2015 ; le président de la République doit convoquer le 14 février 2015, par décret pris en conseil des
ministres, le corps électoral pour les élections législatives du 26 avril 2015 ; les élections municipale,
communale et locale doivent impérativement avoir lieu le 31 mai 2015 ; le Président de la République doit
convoquer le 03 mars 2015, par décret pris en conseil des ministres, le corps électoral pour les élections
municipale, communale et locale du 31 mai 2015.
1147 FALL A. B., « Le juge constitutionnel, artisan de la démocratie en Afrique ? », op. cit. p. 3.
1153 Le juge électoral n’hésite d’ailleurs pas à sanctionner un recours intenté par une personne qui ne justifie ni
de la qualité, ni de l’intérêt pour agir, et précise en interprétant strictement les textes y relatifs que
l’interprétation du texte doit être juste, juridique, légale et limitative comme elle se doit. Il rappelle dans une
espèce, jugement n°31/01-02 du 02 septembre 2002, président national du parti politique de l’UNDP, commune
urbaine de Yaoundé VIe contre État du Cameroun (MINAT), et RDPC,que législateur ayant voulu être limitatif
dans sa conception de l’article 33 de la loi relative à l’élection des conseillers municipaux— Tout électeur et
tout candidat a le droit d’arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le juge
administratif—, inclure d’autres catégories de personnes violerait l’esprit de la loi voulu pour régler le
contentieux électoral en matière d’élection municipale.
1154 L’article 11 de la loi n°200/016 du 19 décembre 2000 portant création d’un Observatoire national des
élections (ONEL), modifiée et complétée par la loi n°2003/015 du 22 décembre 2003, dispose que l’ONEL
exerce ses fonctions soit de sa propre initiative, soit sur saisine par les partis politiques en compétition, les
candidats ou les électeurs.
1155 Les articles 42 paragraphe 2 de la loi n°91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour
constitutionnelle modifiée par la loi du 31mai 2001 d’une part et 88 paragraphe 3 du Code électoral du
Bénin réaffirment ce pouvoir d’autosaisine reconnu à la Cour constitutionnelle du Bénin.
1156 Article L. 631-5 du Code de commerce français.
1157 Le Conseil constitutionnelfrançais a rappelé ce principe dans sa décision du 7 décembre 2012 rendue sur
QCP, Société Pyrenées services. Il précise à cet effet que nul ne peut être juge et partie, sauf à méconnaître le
principe d’impartialité et la garantie des droits, car, il suffit que celui qui juge soit doté du pouvoir de s’auto-
saisir le faisiant apparaitre comme une partie pour que la Constitution soit méconnue. FRISON-ROCHE M.-
A., « Principe d’impartialité et droit d’autosaisine de celui qui juge », in Recueil Dalloz, 10 janvier 2013, n°1,
p. 28-33.
1158 Lire sur la question, OUEDRAOGO O., « Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de
l’Ouest francophone », op. cit., p. 279.
1159 L’analogie est entendue comme un procédé interprétatif qui permet de trancher une question dont les
éléments constitutifs ne semblent pas être expresséent déterminés par la loi, en appliquant une règle
juridique tirée d’une disposition en vigueur visant la reglémentation d’une autre question similaire. PATRAS
L. P. L’interprétation en Droit public interne, Athènes, T. et A. Joannides, 1962, p. 284.
Soulever la question d’une justice politisée dans l’office du juge électoral peut paraître
inconvenant, pourtant cela permet de mettre en évidence l’attitude jugée partiale du juge
électoral. S’il est indéniable que le juge électoral est investi de la mission de garantir la
régularité des processus électoraux en rendant des décisions justes et équitables qui reflètent le
respect des droits civils et politiques des citoyens, il ne faudrait pas ignorer le fait que le
contentieux électoral relevant du domaine sensible de la politique, notamment de la dévolution
du pouvoir politique. Il est quelquefois exposé à des influences sociopolitiques environnantes
qui se révèlent comme un facteur d’affadissement de son office. Monsieur Georges Moréas
écrit à propos du caractère politisé de l’office du juge que si la juxtaposition des notions de
justice et de politique apparaît choquante, il faudrait rappeler que ces deux notions sont
indissociables puisque la justice est une institution de l’État et a vocation à dire le droit qui
résulte d’un travail législatif, donc politique. Il continue en précisiant que la justice étant
1160 FONTAINE Ph., « Introduction- Le sens du juste et de l’injuste : un sentiment universel ? », in La justice,
Paris, Ellipse, 2005, p. 7-14.
1161 KERNALEGUEN Fr., Institutions judiciaires, 6ème édition, Paris, LexisNexis, 2015, p. 1.
À supposer que le lien principal qui force le juge électoral à une justice politisée réside en
premier lieu dans la nature même du contentieux électoral, l’on note que d’autres facteurs
concourent à cet état des choses. En effet, le professeur Alioune Badara Fall mentionne à ce
propos qu’on ne saurait s’intéresser à la question liée au juge et à son statut au mépris des
réalités matérielles, financières, économiques, politiques, religieuses, sociologiques et même
psychologiques qui l’entourent dans sa vie quotidienne, et dont on imagine à peine l’impact sur
les conditions dans lesquelles la justice est rendue 1165. Le caractère politisé de la justice
électorale nonobstant sa nature politique, est sur le plan organique, favorisé par
l’omniprésence politique de l’éxécutif dans l’organisation et le fonctionnement de la
magistrature, notamment sur les plans de leur nomination, des modalités de déroulement de
leur carrière, des règles de procédure disciplinaire, et d’autres mécanismes de contrôle auxquels
1162 MORÉAS G., « Tarnac : peut-on parler de justice politique ? », Le Monde.fr - édition globale, 2 p. [En ligne],
disponible sur http://moreas.blog.lemonde.fr/2015/05/10/tarnac-peut-on-parler-de-justice-politique/.
(Consulté le 20/06/2015).
1163 Le politique a la possibilité de contrôler la justice directement ou indirectement en ne donnant
suffisamment de moyens aux juridictions pour mener leurs missions d’une part, en ne faisant pas les
réformes nécessaires ou au contraire en faisant sans arrêt des réformes qui rendent impossible l’exercice de
la mission judiciaire d’autre part.
1164 BATIFFOL H., « Problèmes de frontières : Droit et politique », in Archives de philosophie du droit-Le droit investi
par la politique, tome XVI, Paris, Sirey, p. 1-14.
1165 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques africains », op. cit., p. 313.
1166 Lire sur la question, BUSSY F., POIRMEUR Y., La justice politique en mutation, Paris, L.G.D.J., 2010, p. 19-
22.
1167 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques africains », ibidem., p. 313.
1168 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques africains », ibid., p. 314.
1169 MEYNAUD A., « La bonne administration de la justice et le juge administratif », Mémoire de Master de Droit
public approfondi, Université de Paris Panthéon-Assas, 2012, p. 2.
1170 VARAUT J.-M., Le droit au droit- pour un libéralisme institutionnel, 1ère édition, Paris, PUF, p. 85.
Parler d’une justice absurdement rigide c’est mettre en exergue le caractère étriqué et
variable de la méthode interprétative adoptée par le juge électoral à l’occasion de son office. La
qualité de l’office du juge électoral s’appréciant à l’aune de la méthode interprétative qu’il
adopte, ce dernier est perçu au travers des décisions qu’il rend. L’interprétation est à cet égard
considéré comme un outil qui permet de reconstruire le droit comme un ensemble cohérent,
intégré, monolithique dont les éléments s’emboîtent harmonieusement, ayant pour fonction
l’adaptation de la norme, notamment sa confrontation au réel et à l’ordre juridique
existant 1173. L’office du juge électoral se traduit dans ce contexte, à « concilier une double
exigence, celle de la sécurité juridique et celle de la paix sociale avec en toile de fond, le
maintien de la confiance dans les élections en tant que mode démocratique de dévolution du
pouvoir dans l’État » 1174. Il vise par ailleurs la garantie de deux principes fondamentaux en
matière électorale, le principe d’égalité et celui de la liberté. L’office du juge électoral est
davantage centré sur la garantie de sincérité plutôt que celle de la régularité du scrutin. Il
favorise l’interprétation réaliste des normes juridiques dominée par la fonction de la volonté
dans le choix de la signification à apporter à l’énoncé du texte juridique. L’on note que
l’analyse des décisions rendues par le juge électoral camerounais laisse transparaître une grande
retenue, mais également l’application d’une politique jurisprudentielle qui ne conforte pas le
respect des principes de la représentation démocratique.
S’il n’est pas étonnant que le contentieux des élections municipales ne soulève pas de
difficultés majeures en raison de son caractère local, l’on note en revanche qu’il en va
diversement du contentieux des élections législatives et présidentielles dont l’enjeu est
1171 CHEVALLIER J., « Les interprètes du droit », in Paul AMSELEK (Dir.), Interprétation et Droit, Bruylant-
Bruxelles, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1995, p.115-130.
1172 ROZÈS S., « Un profil Nouveau pour les juges », ibidem, p. 435.
1173 CHEVALLIER J., « Les interprètes du droit », op. cit. p. 126.
1174 TCHEUWA J.Cl., « Droit constitutionnel étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op.cit., p. 6.
1175 MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., « Le Conseil constitutionnel, juge électoral », Pouvoirs, n° 105, 2003, p. 117-131.
1176 ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 364-365.
1177 Lire sur la question l’analyse du professeur Jean-Claude Tcheuwa sur l’affaire Njana Marie Joseph (MDP)
c/État du Cameroun (MINATD), arrêt n°116/Jean Michel du 7 août 2007.
TCHEUWA J.Cl., « Droit constitutionnel étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op.cit., p. 6.
Si le juge constitutionnel apparaît davantage comme un juge pédagogue lorsqu’il statue sur
le contentieux des élections législatives, il se transforme en un démagogue peu soucieux de la
garantie de l’équité, de la transparence et de la sincérité du jeu politique quand il règle le
contentieux relatif à l’élection du président de la République. L’élection du Président de la
République constituant la désignation de la personnalité politique la plus importante dans un
État, l’on souligne avec Monsieur Stéphane Bolle que, nonobstant ses responsabilités
écrasantes, le juge n’a pas tout pouvoir pour moraliser les règles du jeu électoral y afférent 1179.
Lorsqu’il est saisi des recours relatifs à la candidature, le juge constitutionnel adopte une
politique de l’échappe en appliquant rigidement la norme électorale applicable. C’est ainsi que
dans une espèce du 9 octobre 2011, sieur Assigana contre Elecam et État du Cameroun 1180, le
Conseil constitutionnel a interprété restrictivement la qualité de "requérant-candidat", et
précise qu’ « attendu que la candidature à l’élection présidentielle du 09 octobre 2011 de sieur
Assigana (...) a été rejetée ; qu’en conséquence, faute de qualité, il ne saurait contester
l’acceptation d’une autre candidature ; qu’il s’ensuit que son recours est irrecevable ». L’analyse
de la décision du Conseil constitutionnel camerounais laisse transparaître une volonté
1178 Affaire Kwémo Pierre (SDF) contre État du Cameroun (MINATD), élections législatives du 27 juillet 2007 dans
la circonscription électorale du Haut-Nkam, arrêt n°119 du 7 août 2007.
TCHEUWA J.Cl., « Droit constitutionnel étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op.cit., p. 19.
1179 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 533.
1180 Dans cette espèce, monsieur Assigana dont la candidature à ladite élection avait été rejetée par le Conseil
Electoral d’Elections Cameroon, a saisi le juge constitutionnel d’un recours en invalidation de la
candidature acceptée de M. Paul Biya, aux motifs que l’investiture de ce dernier aurait été irrégulière au sein
de son parti et que M. Sadi (Secrétaire général du parti du candidat Biya) n’aurait pas dû être porteur de son
dossier de candidature à ELECAM et au Conseil constitutionnel.
Dans une autre espèce témoignant du manque d’hardiesse et de la rigidité du juge électoral,
l’on note que ce dernier avait confirmé la décision de rejet de la candidature de monsieur
Henri Hogbe Nlend à l’élection présidentielle du 11 octobre 1992. Cette décision était fondée
sur l’absence d’une résidence continue au Cameroun, conformément au regard de nouvelles
dispositions adoptée le 16 septembre 1992 1181, alors même que le requérant avait reçu le
récépissé du dépôt de sa candidature avant la date limite de clôture des candidatures fixée au
10 septembre 1992. L’attitude du juge dans cette espèce laissait tansparaître sa dérobade dans
sa mission de garantir le respect l’égalité des chances entre les candidats, et partant leurs droits
fondamentaux. Le juge électoral aurait pourtant pu adopter une attitude inverse, en
privilégiant la recherche de la régularité de la déclaration de la candidature du requérant au
regard de l’antériorité de celle-ci par rapport aux nouvelles dispositions de la loi. Ce qui
rappelle à juste titre la question soulevée par la légalité de la candidature du président Paul Biya
à l’élection présidentielle du 9 octobre 2011, au regard de la loi constitutionnelle du 14 avril
2008 dont l’article 6 alinéa 2 1182 instituait la non-limitation des mandats, alors que le mandat
en cours était régi par les dispositions d’une loi constitutionnelle ancienne qui limitait
l’éligibilité à deux mandats 1183. L’office du juge électoral dans les espèces susmentionnées
aurait été valorisé, s’il avait retenu une orientation jurisprudentielle qui participe au
rayonnement de la jurisprudence électorale. Le juge est ainsi considéré comme le garant du
sens originel de la loi puisqu’il en est l’interprète ultime. De la sorte, il est appelé à donner une
interprétation non pas biaisée, mais juste et authentique de la norme. En effet, si le juge n’a
pas tout pouvoir sur une crise électorale, virtuelle ou réelle, s’il peut s’ériger en constituant ou
en législateur pour combler les lacunes des textes, les réécrire, les purger de dispositions
1181 Adoptée lors d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale, la loi n° 92/010du 17 septembre fixant
les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la Républiquedispose en son article 8
paragraphe 2 que les candidats à l’élection présidenteille « doivent être citoyens camerounais d’origine et
justifier d’une résidence continue dans le territoire national d’au moins douze (12) mois consécutifs et d’une
inscription sur les listes électorales à la date du scrutin ».
1182 L’article 6 alinéa 2 de la loi n°2008/001 du 14 avril2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la
loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution dispose que « le président de la
République est élu pour un mandat de sept (07) ans. Il est rééligible. »
1183 L’article 6 alinéa 2 de loi n°96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution disposait en effet
que le président de la République était élu pour un mandat de sept (07) ans renouvelable une fois.
1184 MASCLET J.-Cl., « Rapport de synthèse », in Aspects du contentieux électoral en Afrique, op. cit., p. 217-218.
1185 ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 514.
1186 LAFFERRIÈRE E. Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, op. cit., p. 430.
1187 CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’État, op. cit., p. 695.
1188 TOUVET L., DOUBLET M.Y., Droit des élections, op. cit., p. 496.
1189 FOYER J., « Allocution d’ouverture », in La création du droit par le juge- Archives de philosophie du droit, Paris,
Dalloz, 2007, p. 3-6.
1190 CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’État, op. cit., p. 704.
1191 DEGUERGUE M., « Jurisprudence », in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 883-888.
Monsieur Aharon Barak s’interrogeant sur son rôle en tant que juge, s’oppose à l’idée selon
laquelle le juge ne fait que dire le droit mais ne le crée jamais, et précise que le rôle du juge se
rapporte à une action rectificative qui doit viser un double objectif, combler le fossé qui existe
entre le droit et la société et sauvegarder la démocratie 1198.. L’exercice d’un rôle normatif par le
juge électoral suppose de la part de ce dernier, qu’il oeuvre à l’éclosion normative du droit
électoral et la consolidation de l’État de droit au travers des motivations qui fondent les
décisions qu’il rend à l’occasion de son office. S’il est de principe que le juge fonde ses
décisions sur les dispositions légales, l’on note que ce dernier est quelquefois confronté à des
situations de lacunes ou de vides juridiques qui lui imposent d’ouvrir ce que Jean-François
Perrin a appelé la « procédure de comblement ». Selon cet auteur, cette procédure permet au
juge soit de découvrir la règle applicable au sein du milieu social et de la réveler, soit s’autoriser
à créer lui-même la règle qu’il établirait s’il avait à faire acte de législateur 1199. En admettant
que l’accroissement des pouvoirs reconnus aux juges électoraux participent à une meilleure
juridicisation de la société d’une part, et à la consolidation de la démocratie représentative
d’autre part, l’on observe que ces derniers exercent de manière différente leur pouvoir
jurisprudentiel selon le domaine du contentieux dont il sont saisis. Et pourtant, comme le
saisi, ne pouvant pas s’appuyer sur un droit codifié, élaborait le droit applicable aux situations soumises à sa
juridiction.
1196 L’article 5 du Code civil français dispose qu’ « il est défendu aux juges de prononcer par voie de
dispositions générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».
1197 ZENATI Fr., La jurisprudence, op. cit. p. 132.
1198 BARAK AHARON, « L’exercice de la fonction juridictionnelle vu par un juge : le rôle de la Cour suprême
dans une démocratieé, in Revue française de droit constitutionnel, 2006/2 (n°66), p. 227-302.
1199 PERRIN J.-Fr., Pour une théorie de la connaissance juridique, Genève, Librairie Droz S. A. 1979, p. 113.
Lorsqu’on aborde la question de l’office du juge électoral au Cameroun, l’on peut constater
qu’il est fragilisé à plusieurs égards par le caractère hermétique et lacunaire de la norme
électorale, nonobstant le réaménagement du cadre procédural, et l’intervention de multiples
mutations dans le cadre normatif. En effet, parce que le juge électoral a l’obligation de statuer
sur les contestations ou réclamations qui lui sont soumises, il se transforme en « législateur des
laucunes du droit » 1201 afin d’apporter une solution de droit face au silence, à l’obscurité ou
l’incomplétude de la loi. Seulement, l’analyse des décisions rendues par les juges électoraux
laisse transparaître un certain activisme qui ne favorise pas une véritable construction
normative, et laisse penser qu’ils sont « contraints d’adopter une politique jurisprudentielle
respectueuse des décisions présidentielles » 1202. Si l’on peut déplorer l’immobilisme du juge
électoral sur des questions sensibles dont l’importance est pourtant cruciale, —notamment la
définition de la notion d’acte de gouvernement qui permettrait de connaître des actes de
convocation du corps électoral—, l’on peut noter que malgré les accusations de suivisme et de
mimétisme juridique faite aux juridictions, le juge électoral a pu au travers de son office,
participer à la clarification et à la délimitation des compétences des organes compétents d’une
part 1203 et celle de la qualité pour agir d’autre part. Si le pouvoir normatif du juge se manifeste
1200 HOURQUEBIE F., Sur l’émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Vème République, Bruxelles, Bruylant, 2004,
p. 119.
1201 BELAÏD S., Essai sur le pouvoir créateur et normatif du juge, Paris, L.G.D.J., 1974, p.311
1202 WAFEU TOKO P., « Le juge qui crée le droit est-il un juge qui gouverne ? », in Les Cahiers de Droit, vol. 54,
n°1, mars 2013, p. 145-174.
1203 Avant l’adoption du Code électoral, l’on a pu observer que l’office du juge administratif à l’occasion du
contentieux des élections munipales du 21 janvier 1996, a permi la clarification et une saine définition et
délimitation de compétences entre les commissions électorales et le juge administratif. Il établit face à une
inextricable répartition des compétences entre les organes compétents —articles 2, 26, 27, 28 et 33 de la loi
du 14 août1992 relative à l’élection municipale —, une séparation matérielle de compétence en deux blocs,
reconnaissant le règlement du contentieux préélectoral aux commissions communales de supervision et le
contentieux postélectoral au juge administratif. C’est ainsi que se prononçant au sujet de la portée des
dispositions de l’article 27 de la loi du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux attribuant la compétence de connaître des décisions d’acceptation ou de reject des candidatures
à la CCS, le juge administratif rapelle que le contentieux préélectoral relève de la compétence exclusive de la
CCS, bien qu’il s’emploie à circonscrire l’étendue de cette compétence. CA/CS, jugement n°41, 95-96 du 18
juillet 1996, UPC contre État du Cameroun, commune rurale de Bamendjo ; CA/CS, jugement n°47/95-96 du 18
juillet1996, Epale Roger Delors contre État du Cameoun ; etc. L’adoption du Code électoral apporte cependant un
réaménagement harmonieux dans la répartition des compétences. Désormais, le juge administratif connaît
aussi bien du contentieuxpréélectoral que de celui postélectoral.
Lire sur la question OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit », op. cit., p. 39.
Aborder la question de l’exercice par le juge électoral d’une fonction pédagogique ayant
pour objectif la garantie d’une justice efficace, nécessite de mettre en évidence la portée et la
légitimité des décisions rendues par le juge électoral. En effet, l’élection étant de plus en plus
1207 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », ibidem,p. 105.
1208 LEYENBERGER St., « Propos introductifs », in La qualité des décisions de justice, études réunies par Pascal Mbongo,
op. cit., p. 10.
1209 Les principes d’égalité, de continuité, de mutabilité et d’accessibilité consacrés par les tribunaux dès la fin
du XIXème siècle ont une valeur juridique, tandis que ceux de transparence, de neutralité, de fiabilité se
retrouvent dans la Charte des services publics [La documentation française] de 1992. Lire sur la question,
PETIT F., « Quels principes pour les services public ? égalité, continuité, adaptation, accessibilité,
neutralité,transparence,confiance et fiabilité », [En ligne], disponible sur : http://base.d-p-
h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6692.html. (Consulté le 30/11/2015).
1210 Les articles 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 ; 6 alinéa 1 et 13 de la
Convention européenne des droits de l’Homme ; 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme
et des libertés fondamentales telle qu’amendée par le Protocole n°11, et 17 de laCharte africainede la
démocratie, stipulent que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
En se fondant sur les principes sus-évoqués, il faudrait préciser en ce qui concerne la justice
électorale, qu’elle ne sera considérée comme efficace que si elle concourt à la garantie de l’idéal
démocratique, en l’occurrence le choix des représentants au moyen d’élections compétitives,
sincères et libres. Le doyen Francisco Djedjro Meledje écrit dans cette logique que le
contentieux électoral étant incontournable pour assurer la crédibilité des consultations
électorales, sa fiabilité est un signe de légitimation des gouvernants, et de maturité des acteurs
politiques et de la population, puisqu’il permet d’exlure toutes vélléités de recours aux
violences postélectorales 1213. Nonobstant les larges pouvoirs qui lui sont reconnus, le juge
électoral camerounais peine à remplir une fonction pédagogique qui concourt à l’efficacité de
la justice électorale. Même si ce dernier est quelquefois limité dans son intervention par de
multiples contraintes extérieures qui l’obligent à adopter une orientation jurisprudentielle
incomprise par les justiciables, l’on note qu’il n’affiche pas l’attitude audacieuse d’un « servant
des plaideurs et le serviteur du droit » 1214. En effet, si l’office du juge électoral ne vise pas le
strict respect de la loi électorale, et qu’il fonde sa décision sur le critère de l’influence
déterminante pour confirmer, annuler ou réformer les résutats du scutin, adoptant ainsi une
attitude pragmatique, il faudrait préciser que ce dernier ne laisse pas transparaître sa volonté de
garantir la sincérité et l’intégrité de l’expression démocratique.
En considérant que l’effectivité d’une justice électorale témoigne d’une avancée notable des
États africains dans l’ancrage aux principes démocratiques, il faut relever que les failles, et les
1211 FRICERO N., « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention
européenne des droits de l’Hommes », in La qualité des décisions de justice, études réunies par Pascal Mbongo.
Éditions du Conseil de l’Europe, p. 49-59.
1212 MOCKLE D., « La justice, l’efficacité et l’imputabilité », in Les Cahiers de droit, vol. 54, n°4, décembre 2013,
p. 613-688.
1213 MELEDJE Dj. Fr., « Le contenteux électoral », op. cit., p. 140.
1214 BERGEL J.-L., « Introduction générale », ibidem, p. 20.
1219 KOKOROKO D., « Les élections disputées : réussites et échecs », op. cit., p. 122.
1220 OUSSEINI, O. « Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de l’Ouest francophone », op.
cit., p. 322. Pour ce qui concerne le communiqué de la Cour constitutionnelle du Bénin, [En ligne],
disponible sur http://www.kas-benin.de/manuel/cconstit.html. (Consulté le 03/12/2015).
1221 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », op. cit., p. 313.
1222 Selon le professeur Alain Didier Olinga, si l’on s’en tient à la loi du 29 décembre 2006 portant organisation
et fonctionnement de la Cour suprême, le juge constitutionnel transitoire compétent en matière d’élections
nationales est la formation en Chambres réunies de ladite Cour. Or, cette disposition des choses, du point
de vue de la confiance que doit inspirer à ses justiciables une formation de jugement, est loin d’être
satisfaisante. En effet, la formation des Chambres réunies, telle qu’elle découle de l’article 139 de la loi du
29 décembre 2006 précitée, compte 19 membres statutaires, mais le Premier Président peut y adjoindre un
ou plusieurs conseillers « compte tenu de la nature de l’affaire ». C’est dire qu’alors que la composition du
Conseil constitutionnel tel que consacré dans la Constitution est stable, celle de son substitut transitoire
peut fluctuer au gré de l’évolution de la législation relative à la Cour suprême, et également au gré de la
volonté du Premier Président. Une instance appelée à exercer un rôle aussi sensible ne peut être laissée à
une telle incertitude organique. C’est dire que, avant même de s’interroger sur le contenu de la production
jurisprudentielle en matière électorale, la physionomie organique de l’instance compétente est de nature à
susciter des controverses. OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle
contribution à la sérénité de la démocratie élective et à l’enracinnement de l’état de droit ? le cas du
Cameroun », op. cit., p. 4.
1223 Cette inaptitude à garantir une justice électorale efficace a ainsi entrainé le déclenchement de diverses
actions de la part de la communauté internationale, notamment la Résolution 1765 du Conseil de sécurité,
16 juillet 2007, l’adoption de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30
janvier 2007, visant leur implication dans le règlement des contentieux.
Lire sur la question, MELEDJE Dj. Fr., « Le contenteux électoral », op. cit., p. 142 ; KOKOROKO D., « Les
élections disputées : réussites et échecs », op. cit., p. 115 ; FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du
président de la République au suffrage universel. Les tabous de la désignation démocratique des
gouvernants », op cit., p. 99-113.
1224 ROZÈS S., « Un profil nouveau pour les juges », op. cit., p. 435.
1225 CAMBY J.-P., « Dialogues des juges et contentieux électoral », in Le dialogue des juges : Mélanges en l’honneur du
président Bruno Genevois, Dalloz, Paris, 2008 p. 131-140.
1226 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit », op. cit., p. 47.
1227 À l’inverse du Cameroun, le constituant béninois a clairement précisé l’étendue de l’office du juge électoral
à l’ensemble du processus électoral notamment sur les actes allant de la préparation jusqu’à la gestion du
contentieux des résultats du scrutin. L’article 117 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990
dispose à cet égard que la Cour constitutionnelle veille à la régularité de l’élection du président de la
République, examine les réclamations, statue sur les irrégularités qu'elle aurait pu, par elle-même relever et
proclame les résultats du scrutin.
1228 MELEDJE Dj. Fr. « Le contentieux électoral en Afrique », op.cit.,p. 140.
1229 FALL I. M, « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel : les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », op. cit. p. 99-113.
1230 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », ibidem,p. 105.
1231 Prescrites par les articles 6 alinéa 5 et 117 respectivement de la Constitution camerounaise et du Code
électoral, les conditions subjectives d’éligibilité sont entre autres relatives à l’âge, la nationalité, la résidence
continue dans le territoire national d’au moins douze mois consécutifs, à l’inscription sur les listes
électorales, et à la jouissance de la capacité juridique.
1232 Les conditions objectives d’éligibilité relatives à la déclaration de candidature sont prescrites par les
dispositions des articles 120 à 124. Ilen résulte que les candidats à l’élction présidentielle doivent faire une
déclaration de candidature revêtue de leur signature légalisée ; ils doivent être investit par un parti politique
s’ils ne sont pas indépendants, la déclaration doit être accompagnée de plusieurs documents, notamment la
liste de 300 signatures des personnalités requises en cas de candidature indépendante ; un extrait d'acte de
naissance du candidat datant de moins de trois (03) mois ; la lettre de présentation et d'investiture du parti
cautionnant la candidature du postulant ; une déclaration sur l'honneur par laquelle le candidat s'engage à
respecter la Constitution ; un bulletin n°3 du casier judiciaire datant de moins de trois (03) mois ; un
certificat d'imposition ou de non imposition ; un certificat de nationalité ; et l’original du certificat de
versement du cautionnement.
1233 FALL I M., Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des Etats d’Afrique, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 70.
1234 Lire sur la question, FALL I M., Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des Etats d’Afrique, op. cit., p. 53.
1235 Décision Ducatel contre Krivine, n°69-18 PDR du 17 mai 1969, portant sur une réclamation présentée par
monsieur Ducatel contre l’établissement de la liste des candidats à la présidence de la République. Dans
cette affaire, il était question pour le juge électoral de déterminer la règle juridique qui satisfait aux
prescriptions légales relatives au service militaire actif en ce qui concerne l’éligibilité à la présidence de la
République. Le Conseil constitutionnel devait à cette occasion, décider entre les dispositions générales
concernant l’éligibilité régies par le Code électoral et celles prévues par l’Ordonnace du 24 octobre 1958
portant loi organique relative aux conditions d’éligibilité parlementaire, celles qu’il appliquerait au litige qui
lui était soumis, à savoir l’inéligibilité d’un candidat à l’élection présidentielle. Rappelant que toute limitation
à l’exercice d’un droit civique doit être interpréter de manière restrictive, il opte pour l’application des
dispositions du Code électoral —nul ne peut être investi de fonctions publiques, même électives, s'il ne
justifie avoir satisfait aux obligations imposées par la présente loi—, puisque pour lui, M. Krivine étant dans
une situation régulière sous les drapeaux, il satisfait à la condition d’éligibilité prescrite par la loi.
1236 Décision de la Cour constitutionnelle, DCC 96-002 du 5 janvier 1996. Lire sur la question, ADELOUI A.-J.,
« Réflexions sur le pouvoir d’interprétation du juge constitutionnel africain en matière électorale », in
R.B.S.J.A., n°24, Cotonou, 2011, 22 p.
1237 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », op. cit., p. 107.
1238 OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à la sérénité de la
démocratie élective et à l’enracinement de l’État de droit ? Le cas du Cameroun », op. cit., p. 2.
1239 La démocratie consacre la souveraineté politique, et est liée à la liberté et au peuple. Elle renvoie à cet égard
à la liberté dont jouit la personne dans une société pour désigner ses représentants. NGUELE ABADA M.,
État de droit et démocratisation : Contribution à l’étude de l’évolution politique et constitutionnelle au Cameroun, Thèse de
l’Université de Paris I- Panthéon Sorbonne, tome I, Décembre 1994, p. 13.
1240 BOLLE St. « Les juridictions constitutionnelles africaines et les crises électorales », in Les Cours
constitutionnelles et les crises, ACCPUF, 5ème Congrès, Cotonou, 22-28 juin 2009, 20 p. [En ligne], disponible
sur : http://www.la-constitution-en-afrique.org/. (Consulté le 10/02/2013).
1241 CONAC G., « Les aspects juridiques : démocratie et élections », in Démocratie et élections dans l’espace francophone,
op. cit, p. 12-30.
1242 CONAC G, « Le juge et la construction de l’État de droit en Afrique francophone », in Mélanges en l’honneur de
Guy Braibant- L’État de droit, op. cit., p. 105.
1243 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel : les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », ibidem, p. 107.
1244 BASSIOUNI CHERIF, « Vers une déclaration universelle sur les principes fondamentaux de la démocratie :des
principes à la réalisation », in La démocratie : principes et réalisation, op. cit., p. 6.
1245 KOKOROKO D. K., « L’apport de la jurisprudence constitutionnelle africaine à la consolidation des acquis
démocratiques : (Les cas du Bénin, duMali,du Sénégal, du Togo) », in Revue Béninoise des Sciences Juridiques et
Administratives, n°18, juin 2007, p. 87-128.
1246 Le professeur Cherif Bassiouni définit la démocratisation comme un processus qui représente une série
d’évolutions. Selon lui, la démocratisation fait référence au stade transitionnel d’un gouvernement qui
abandonne les pratiques non démocratiques au profit d’un régime de partage du pouvoir, et de
responsabilité à l’égard du public. BASSIOUNI CHERIF, « Vers une déclaration universelle sur les principes
fondamentaux de la démocratie :des principes à la réalisation », ibidem, p.6.
1247 OUSSEINI, O. « Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de l’Ouest francophone », op.
cit., p. 352.
1248 CONAC, G. « Le juge et la constitution de l’Etat de Droit en Afrique », in Mélanges Guy BRAIBANT, Paris,
Dalloz, 1996, p. 105-119.
1249 MASSUH V., « Démocratie : délicat équilibre et universalité », in La démocratie : principes et réalisation, op. cit.,
p. 68-73.
1250 NGARTEBAYE LE YOTHA E. « Le contentieux électoral et la consolidation démocratique en Afrique
francophone : trajectoire comparative du Bénin et du Tchad », Thèse de l’Université de Lyon III, 16 décembre
2014, p. 244.
1251 MASSUH V., « Démocratie : délicat équilibre et universalité », in La démocratie : principes et réalisation, op. cit.,
p. 68.
1252 Lire sur la question,OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à
la sérénité de la démocratie élective et à l’enracinement de l’État de droit ? Le cas du Cameroun », Conférence
panafricaine des présidents des Cours constitutionnelles et Institutions comparables sur le renforcement de l’Etat de Droit et la
démocratie à travers la justice constitutionnelle, Marrakech, Cafrad- Fondation Hanns Seidel, 26-28 novembre
1258 MILACIC S., « La démocratie politique éclipsée par l’Etat de droit », in Constitutional Consequences of the EU
Memberships, Université de Pécs, Faculté de Droit, 2005, p. 241, cité par KPODAR ADAMA, « Bilan sur un
demi-siècle de constitutionnalisme en Afrique noire francophone », Afrilex, janvier 2013, 33 p. [En ligne],
disponible sur : http://afrilex.u-bordeaux4.fr/bilan-sur-un-demi-siecle-de.html. (Consulté le 04/01/2015).
1259 VARAUT J.-M., Le droit au droit- pour un libéralisme institutionnel, 1ère édition, Paris, PUF, 1986, p. 92.
1260 VARAUT J.-M., « Indépendance », Dictionnaire de justice, op. cit., p. 320.
La fragilisation de l’office du juge laisse ainsi entrevoir des failles qui participent aussi bien à
l’ineffectivité qu’à l’inefficacité de l’office du juge. Qu’il s’agisse du juge en général ou du juge
électoral en particulier, l’on observe que celui-ci est enveloppé par divers facteurs qui ne
favorisent pas l’expression d’une justice impartiale et équitable. L’instrumentalisation
institutionnelle dont il fait l’objet au travers du statut peu protecteur qui le caractérise d’une
part, l’inconstance du cadre normatif qui concourt à son isolement d’autre part, ne permettent
pas la valorisation du service public de la justice, et partant la confiance des justiciables. Il
apparaît dès lors indispensable que le statut du juge camerounais soit réaménagé, afin de
conférer des moyens efficients permettant au juge électoral de s’émanciper des pouvoirs
politiques et d’exercer sereinement son office sans crainte de représailles de la part de ces
derniers. Il faut toutefois reconnaître que cette nécessaire émancipation passe par
l’introduction du principe d’inamovibilité qui constitue une garantie d’indépendance statutaire
attribuée aux magistrats du siège de l’ordre judiciaire, mais pourtant inexistant dans le droit
camerounais. Par ailleurs, un nécessaire toilettage du cadre normatif permettant de clarifier la
délimitation des compétences des organes, la précision des délais de procédures, et la
simplication des normes juridiques en les rendant accessibles aux justiciables.
1261 KOKOROKO D., « Les élections disputées réussite ou échec », op. cit., p. 116.
1262 OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à la sérénité de la
démocratie élective et à l’enracinnement de l’État de droit ? Le cas du Cameroun », op. cit., p. 1.
Si l’on peut reconnaître que le Cameroun a connu une avancée notable en regroupant les
diverses lois électorales en un Code unique, l’éparpillement des règles procédurales demeure
cependant un facteur de déficience de la conduite de l’instance. En effet, l’on doit recourir à
plusieurs sources juridiques pour déterminer les règles qui sont applicables à certains faits en
cause. L’observation de la jurisprudence électorale camerounaise révèle aussi bien dans la
phase préélectorale que celle électorale et postélectorale, un pourcentage élevé de rejet de
recours intentés devant les organes compétents. Cette situation qui révèle l’immobilisme du
contentieux électoral au Cameroun permet par ailleurs de noter que la complexité du cadre
procédural ne favorise pas une meilleure assimilation des règles processuelles par les parties
impliqués qui se sentent bafouées et défavorisées dans un jeu politique qui devrait participer à
1263 MELEDJE Dj. Fr., « Le contentieux électoral en Afrique », op. cit., p. 141.
1264 ROUBIER P., « L’ordre juridique et la théorie des sources du droit », in Le droit privé français au milieu du
XXesiècle, études offertes à Georges Ripert, tome I, Paris, L.G.D.J., 1950, p. 9-28.
1272 Article 20 de la loi n°2000-18 du 03 janvier 2000, portant règles générales pour les élections en République
du Bénin.
1273 Au Bénin, la Cour constitutionnelle s’est reconnue la compétence d’examiner les recours relatifs au décret
de convocation au regard de sa mission de veiller à la régularité des élections nationales telles que prévue
par l’article 117 tiret 2ème du Code électoral. Décision EP 11-63 du 21 avril 2011.
En France, ces questions qui ont pourtant posé des difficultés notables ont trouvé une isssue satisfaisante.
Le décret de convovation longtemps considéré comme un acte de gouvernement fait désormais l’objet d’un
recours devant le juge. Et pour ce qui est du financement de la campagne électorale, l’on a observé face à la
montée de la puissance financière considérée comme un moyen sûr d’emporter la bataille électorale, que le
législateur a mis en place une reglémentation rigoureuse du financement des campagnes électorales et de la
vie politique, qui a permi au juge d’assurer un véritable contrôle de la légalité du comportement financier
des candidats.
Institué pour trancher les litiges électoraux qui lui sont soumis, le juge électoral se retrouve
pris entre deux étaux difficilement conciliables. Limité par la précarité de sa garantie statutaire,
il est accusé de partialité par l’opinion qui a perdu toute croyance dans les vertus des
procédures contentieuses en matière électorale 1276, eu égard à la timidité dont il fait preuve
dans le prononcé de ses décisions. Sous ce rapport, il convient de souligner que l’office du
juge électoral camerounais peine ainsi à se stabiliser et à offrir une jurisprudence constante qui
garantit les droits civils et politiques des citoyens et assure la sécurité juridique dans la création
du droit. L’office du juge électoral africain apparaît à cet égard assez complexe. Il est
généralement considéré comme le frein d’une démocratie en quête de consolidation, même s’il
est indéniable que la démocratisation demeure un processus et n’est jamais totalement achevé.
ÉLECTION MUNICIPALE
Opérations
préparatoires :
- Contestation du
refus d’inscription
d’un électeur sur la
- Tout parti
liste électorale. À l’issue des
politique
(Art. 73 alinéa 4 du opérations de
Code électoral). - Tout électeur révision et
Simple
Conseil électoral - Tout mandataire suite à la
- Réclamation ou requête
contestion relative à d’un parti politique publication de
une omission, une ou d’un candidat la liste
nationale
erreur ou une
inscription multiple
d’un électeur sur la
liste électorale. (Art.
81 alinéa 2 du Code
électoral).
- Réclamations ou
contestations
concernant les listes
et les cartes
électorales. (Articles
63 du Code
électoral).
- Contestation du
refus d’inscription Dès la
d’un électeur sur la Commission - Tout parti publication
liste électorale. départementale politique Simple
des listes
de supervision requête
(Art. 73 alinéa 4 du - Tout électeur électorales
(CDS)
Code électoral). provisoires
- Réclamations
relatives aux
irrégularités ou
omissions
constatées. (Art. 78
alinéa 3 du Code
électoral).
Opérations
préparatoires :
- Contestation
du refus
d’inscription d’un
électeur sur la
liste électorale.
(Art. 73 alinéa 4 - Tout parti politique À l’issue des
du Code - Tout électeur opérations de
électoral). révision et
Conseil électoral - Tout mandataire d’un Simple
suite à la
- Réclamation ou parti politique ou d’un requête
publication de
contestion candidat la liste
relative à une nationale
omission, une
erreur ou une
inscription
multiple d’un
électeur sur la
liste électorale.
(Art. 81 alinéa 2
du Code
électoral).
Rejet de la
demande
d’inscription sur
les listes électorales
Juge judiciaire
par le Conseil Dans les
(Cour d’Appel
électoral. (Art. 81 Simple cinq (05)
du ressort L’intéressé
alinéa 3 du Code requête jours de
d’Élections
électoral). la saisine
Cameroon)
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citoyens · 10, 15, 16, 25, 29, 31, 32, 34, 36, 40, 45,
91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 100, 103, 104, 106, 108,
109, 110, 111, 113, 114, 115, 117, 118, 119, 120,
46, 47, 49, 50, 58, 59, 60, 65, 78, 86, 88, 90, 91, 121, 122, 124, 125, 126, 129, 130, 131, 132, 133,
92, 96, 97, 98, 103, 113, 116, 123, 124, 125, 127, 134, 135, 136, 138, 139, 142, 145, 146, 147, 149,
137, 138, 141, 142, 145, 146, 148, 149, 150, 151, 150, 153, 154, 155, 157, 158, 159, 161, 163, 165,
152, 155, 157, 158, 160, 167, 170, 171, 172, 176, 167, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 176, 179, 182,
191, 194, 195, 199, 200, 202, 217, 219, 222, 231, 185, 186, 187, 188, 189, 191, 192, 193, 194, 195,
239, 246, 274, 277, 280, 282, 284, 306, 309, 313, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 207,
316, 321, 323, 324, 344, 345, 346, 348, 351, 365, 208, 211, 212, 213, 215, 217, 218, 219, 223, 225,
366 227, 228, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236,
commission · 41, 44, 47, 48, 51, 52, 53, 55, 57,
239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 248, 249,
250, 251, 252, 253, 254, 255, 257, 258, 259, 260,
59, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 73, 81, 92, 93, 94,
261, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272,
96, 98, 100, 115, 121, 135, 160, 167, 177, 179,
273, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 282, 283,
196, 197, 198, 208, 214, 222, 241, 248, 282, 287,
285, 287, 288, 289, 291, 292, 293, 294, 295, 296,
290, 358
297, 298, 299, 300, 302, 305, 306, 307, 309, 313,
commissions de révision · 51 315, 317, 319, 323, 326, 333, 337, 339, 344, 345,
347, 349, 350, 364, 365, 366, 431
Déclaration · 16
376, 377, 379, 380, 381, 382, 406, 431, 432, 433,
434, 435, 436, 437, 439, 440, 441, 442, 443, 444
décompte des voix · 288 droit de vote · 36
délits électoraux · 369 droit électoral · 31, 32, 96, 99, 142, 145, 148, 281,
demandeur · 251
306, 313, 314, 318
droit processuel · 32, 188, 193, 194, 227
démission · 259
droits civils et politiques · 17, 25, 29, 34, 50, 84,
démocratie · 10, 15, 16, 17, 27, 31, 36, 40, 49, 51,
86, 103, 123, 125, 142, 146, 150, 151, 217, 219,
58, 60, 69, 70, 71, 78, 84, 88, 98, 103, 117, 123,
222, 239, 313, 316, 321, 323
125, 128, 129, 135, 141, 145, 148, 157, 159, 165,
166, 168, 169, 170, 180, 182, 195, 202, 217, 218,
219, 312, 314, 315, 316, 317, 319, 320, 326, 345, E
349, 350, 351, 365 effet suspensif · 298
démocratie représentative · 17 Elecam · 42, 44, 47, 48, 64, 65, 66, 67, 69, 72, 77,
démocratisation · 10, 16, 17, 41, 124, 129, 313, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 91, 96, 102, 113, 121,
314, 319 131, 151, 164, 174, 177, 181, 189, 197, 213, 235,
dépouillement · 63
248, 285, 316, 320, 323, 364
désignation · 17
désistement · 254
désistement d’office · 253, 254, 255
désistement volontaire · 251, 253
détachabilité · 273
dévolution du pouvoir · 20, 175, 191, 341, 350,
372, 378, 379, 382, 400
fichier électoral · 47
264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273,
274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 282, 283,
flagrant délit · 79 284, 285, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293,
formalisme · 43
296, 297, 298, 299, 300, 301, 303, 304, 305, 306,
307, 308, 309, 310, 312, 313, 316, 318, 320, 322,
formalités non substantielles · 217
323, 324, 326, 327, 328, 329, 330, 331, 332, 333,
335, 336, 338, 339, 340, 341, 342, 343, 344, 345,
formalités substantielles · 268 346, 347, 348, 349, 350, 351, 352, 353, 354, 356,
fragilisation · 75, 117, 136, 202, 223, 308, 310,
357, 358, 359, 361, 363, 364, 365, 367, 368, 369,
370, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379,
317, 362, 363, 368 380, 381, 382, 384, 387, 396, 432, 434, 436, 437,
438, 439, 440, 441, 442, 443, 444, 445
juge constitutionnel · 42
G
greffe · 251
juge des référés · 32, 91, 97, 104, 105, 106, 107
H juge électoral · 24, 29, 52, 54, 55, 60, 62, 63, 64,
hermétisme · 313, 321, 322, 324
65, 68, 89, 95, 96, 102, 103, 105, 109, 113, 115,
116, 118, 119, 120, 125, 130, 132, 133, 134, 136,
156, 159, 160, 161, 191, 201, 205, 209, 213, 214,
I 233, 236, 246, 248, 249, 252, 266, 267, 268, 269,
illimitation des mandats · 385
271, 272, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281,
282, 283, 284, 285, 287, 288, 289, 290, 291, 305,
impartialité · 333 306, 307, 309, 310, 312, 313, 316, 321, 322, 323,
incident de procédure · 260
324, 326, 332, 333, 335, 338, 342, 343, 344, 345,
346, 347, 348, 349, 350, 351, 364, 378
incompétence · 255 juge judiciaire · 91
justice électorale · 38, 132, 138, 139, 218, 324, opération*s · 269
333, 339 opérations · 16, 38, 41, 42, 43, 44, 46, 48, 51, 52,
justice politisée · 379 53, 54, 55, 57, 58, 59, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67,