2017 Mandeng Diane These

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THÈSE

Pour l'obtention du grade de


DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ DE POITIERS
UFR de droit et sciences sociales
Institut de droit public (Poitiers)
(Diplôme National - Arrêté du 25 mai 2016)

École doctorale : Droit et science politique - Pierre Couvrat (Poitiers)


Secteur de recherche : Droit public

Cotutelle : Université de Douala

Présentée par :
Diane Mandeng

La procédure contentieuse en matière electorale :

recherches sur le contentieux des élections au Cameroun

Directeur(s) de Thèse :
Alain Ondoua, Léopold Donfack Sokeng

Soutenue le 20 janvier 2017 devant le jury

Jury :

Président Antoine Claeys Maître de conférences HDR - Université de Poitiers

Rapporteur Dodzi Kokoroko Professeur - Université de Lomé (Togo)

Rapporteur Badara Fall Alioune Professeur - Université de Bordeaux 4

Membre Alain Ondoua Professeur - Université de Poitiers

Membre Léopold Donfack Sokeng Professeur - Université de Douala (Cameroun)

Pour citer cette thèse :


Diane Mandeng. La procédure contentieuse en matière electorale : recherches sur le contentieux des élections au
Cameroun [En ligne]. Thèse Droit public. Poitiers : Université de Poitiers, 2017. Disponible sur Internet
<http://theses.univ-poitiers.fr>
UNIVERSITÉ DE POITIERS UNIVERSITÉ DE DOUALA
FACULTÉ DE DROIT ET DES FACULTÉ DES SCIENCES
SCIENCES SOCIALES JURIDIQUES ET POLITIQUES

ÉCOLE DOCTORALE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE PIERRE COUVRAT – ED 088

LA PROCÉDURE CONTENTIEUSE EN MATIÈRE ÉLECTORALE :


RECHERCHES SUR LE CONTENTIEUX DES ÉLECTIONS AU CAMEROUN

Thèse pour le doctorat en Droit public


présentée et soutenue publiquement le 20 janvier 2017

par :

Madame Diane MANDENG

DIRECTEURS DE RECHERCHE :
Alain ONDOUA Léopold DONFACK SOKENG
Professeur à l’Université de Poitiers Professeur à l’Université de Douala
(France) (Cameroun)

SUFFRAGANTS :
Alioune Badara FALL Dodzi Komla KOKOROKO
(Rapporteur) (Rapporteur)
Professeur à l’Université de Bordeaux Professeur à l’Université de Lomé
(France) (Togo)
MEMBRE :
Antoine CLAEYS
(Président du jury)
Maître de conférences HDR, à L’Université de Poitiers (France)
Les Uuniversités de Douala et de Poitiers n'entendent donner aucune approbation ni improbation
aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs.

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Dédicace
Au Dieu tout-puissant, mon pourvoyeur.
À la mémoire de mon père. Pour cet héritage dont il ne verra pas le fruit. Repose en paix papa.
À ma tendre mère, pour son amour inconditionnel et ses incessantes prières. Je t’aime maman.

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Remerciements

Nos sincères remerciements s’adressent tout particulièrement à nos directeurs de thèse, les professeurs
Léopold Donfack Sokeng et Alain Ondoua, pour leurs précieux conseils, disponibilité, patience et sens de
l’écoute.

Nous tenons également à remercier notre famille et nos amis pour leur présence, leurs encouragements et
leurs prières au quotidien.

Nos mes profonds remerciements s’adressent par ailleurs à toute l’équipe de l’Institut de Droit Public
(IDP), et de manière particulière à madame Emmanuelle Chevrier et à monsieur Rémy Lérignier pour leur
disponibilité.

Enfin et surtout, nous tenons à exprimer notre reconnaissance à l’Agence Universitaire de la Francophonie-
Bureau Afrique Centrale et des Grands-Lacs (AUF- BACGL) qui a contribué à la réalisation de ce travail
en nous octroyant une bourse de mobilité pendant nos deux premières années de thèse.

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Résumé en français :

Trente sept années après l’appel « aux urnes l’Afrique ! Élections et pouvoirs en Afrique
noire », lancé par les chercheurs du Centre d’études d’Afrique Noire (CEAN) de Bordeaux,
l’organisation des processus électoraux s’est développée et profondément enracinée dans la
culture sociopolitique des systèmes politiques des États africains. L’élection s’est dès lors
constituée comme la clé de voûte de tout système représentatif, et entraîne la problématique
de la consolidation de la démocratie et de l’État de droit. Malgré l’existence de nombreux
travaux sur l’élection, le contentieux électoral demeure assez complexe et constitue encore de
nos jours un facteur de tension et de crises postélectorales dans plusieurs États africains.
L’organisation d’une procédure contentieuse en matière électorale participe dès lors à l’objectif
de garantir aux citoyens la pleine jouissance de leur souveraineté. Elle obéit à la mise en place
d’un mécanisme adéquat et simplifié qui favorise l’accès des justiciables aux juges électoraux.
La procédure contentieuse telle qu’organisée au Cameroun comporte à l’évidence plusieurs
éléments qui favorisent la garantie des droits civils et politiques des citoyens. Elle s’avère
insuffisante et inefficace face à l’office d’un juge électoral englouti par des contraintes tant
sociopolitiques que professionnelles. Cela appelle la nécessité de procéder à un
réaménagement profond visant la garantie des droits civils et politiques des citoyens par
l’efficacité de l’office du juge électoral et partant, la consolidation de la démocratie
représentative.
Mots-clés en français :
Contentieux électoral - Élections - Juge électoral - Justice électorale - Office du juge

Abstract:
In 1979, the African study Center of Bordeaux, launched a new initiative about voting in
Africa. Thirty seven years later, the organization of electoral processes has been substantially
developed and is now deeply rooted in african political systems. Consequently, electing the
people political representatives is now a cornerstone of decision-making processes of African
political systems, leading to the enhancement of democracy issues and basic State rights
struggles (or political power struggles), which assume/require a strong involvement of
citizens. Regardless of intensive research activities about those issues, electoral disputes
resolution remains a serious concern in Africa, potentially leading to post-election crises and
violence, as well as long term conflicts in some African countries. Such a litigation process
requires an adequate and simplified electoral conflict resolution mechanism, helping the
involved parties to easily have access to the electoral court. The electoral litigation process in
Cameroon has several positive elements ensuring civic and political rights to citizens.
However, this process seems to suffer a lack, because the election judge is facing numerous
virtual political and socio-political constraints. Therefore it becomes evident that, there is a
need for a deep refitting of the law in order to better protect people’s rights by improving the
efficiency of the election judge, subsequently enhancing the Cameroonian representative
democracy system.
Keywords:
Electoral Dispute - Elections - -electoral judge - Electoral justice - Office of the judge -

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ................................................................................................................ 9
PARTIE I. L’ORGANISATION COMPLEXE DU CADRE PROCÉDURAL .................................. 34
TITRE I. LE FOISONNEMENT D’ORGANES DE CONTRÔLE....................................................... 36
Chapitre I. L’intervention plurielle d’organes non juridictionnels........................................ 38
Chapitre II. L’intervention à échelle variable d’organes juridictionnels ............................... 83
TITRE II. L’ACCÈS QUASI-RESTRICTIF AUX ORGANES COMPÉTENTS ..................................... 132
Chapitre I. La détermination limitative des conditions subjectives de saisine................... 135
Chapitre II. Le relatif rigorisme des conditions objectives de saisine .................................171
PARTIE II. LE DÉROULEMENT LABORIEUX DU PROCÈS ÉLECTORAL .............................205
TITRE I. LA MALLÉABILITÉ DE LA CONDUITE DE L’INSTANCE ............................................. 208
Chapitre I. L’instruction des requêtes ................................................................................. 210
Chapitre II. Le cadre ambigu du prononcé de la décision ................................................. 245
TITRE II. LA FRAGILISATION DE L’OFFICE DU JUGE ............................................................. 287
Chapitre I. L’instrumentalisation institutionnelle............................................................... 290
Chapitre II. La fragilisation entretenue par le juge lui-même ............................................ 344
CONCLUSION GÉNÉRALE ...............................................................................................386
ANNEXES .......................................................................................................................392
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................406
INDEX ALPHABÉTIQUE ..................................................................................................423
TABLE DES MATIÈRES ....................................................................................................430

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LISTE DES ABRÉVIATIONS
CONV. EDH ......................... Convention européenne des droits de l’Homme
ACCPUF .................................. Association des Cours et Conseils constitutionnels ayant en Partage l’Usage du
Français
ACP .......................................... Afrique Caraïbe Pacifique
AN ............................................ Assemblée nationale
ANDP ...................................... Alliance Nationale pour la Démocratie et le Progrès
A. T. ......................................... Administration territoriale
A.J.D.A. ................................... Actualité Juridique Droit Administratif
A.P. ........................................... Assemblée plénière
CA ............................................ Chambre administrative (de Yaoundé)
Cass .......................................... Cour de cassation
CE ............................................ Conseil d’État (français)
CCS .......................................... Commissions communales de supervision
CDS .......................................... Commissions départementales de supervision
CE ............................................ Contentieux électoral
CEAN ...................................... Centre d’Études d’Afrique Noire
CEL .......................................... Contentieux des élections législatives
CEMI ....................................... Commission électorale Mixte Indépendante
CENA ...................................... Commission Électorale Nationale Autonome
CENI ....................................... Commission Électorale Nationale Indépendante
CFJ ........................................... Cour fédérale de justice du Cameroun
CLV .......................................... Commission locale de vote
CNRGV .................................. Commission nationale de recensement général des votes
Coll. ........................................... Collection
Concl. ....................................... Conclusions
Conv. EDH ............................ Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés
fondamentales
CRLE ....................................... Commission de révision des listes électorales
CS ............................................. Cour suprême (camerounaise)
CS/AP ..................................... Assemblée plénière de la Cour suprême du Cameroun
CS/CA ..................................... Chambre administrative de la Cour suprême du Cameroun
CSM ......................................... Conseil supérieur de la magistrature
DCC ......................................... Décision du Conseil/Cour constitutionnel (le)
DIC .......................................... Démocratie Intégrale du Cameroun
Dir. ............................................ Sous la direction de
Éd. ............................................ Édition
EC ............................................ État du Cameroun
Elecam ..................................... Elections cameroon
Fasc. ......................................... Fascicule
HAAC ...................................... Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication
Ibid. .......................................... Au même endroit
J.C.A. ........................................ Jurisclasseur Administratif
J.C.P. ........................................ Jurisclasseur périodique (Semaine juridique)
J.O. ........................................... Journal officiel
L.G.D.J. ................................... Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

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MDR ........................................ Mouvement Démocratique pour la Défense de la République
MEC ......................................... Mouvement pour les Écologistes Camerounais
MINAT ................................... Ministère de l’Administration territoriale
MINATD ................................ Ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation
MINDAF ................................ Ministère de l’Urbanisme et des affaires foncières
MLJC ....................................... Mouvement pour la Libération de la Jeunesse Camerounaise
MP ............................................ Mouvement Progressiste
OIF ........................................... Organisation Internationale de la Francophonie
ONEL ...................................... Observatoire des élections
Op. Cit. .................................... Ouvrage cité
Ord. .......................................... Ordonnance
P. ............................................... Page
PADDEC ................................ Les Patriotes Démocrates pour le Développement du Cameroun
PAP .......................................... People’s Action Party
PDS .......................................... Parti Démocrate Socialiste
POPC ....................................... Parti des Ouvriers et Paysans Camerounais
P.U.C.A.C. .............................. Presses de L’université Catholique d’Afrique Centrale
P.U.A.M. ................................. Presses Universitaires d’Aix-Marseille
PUF .......................................... Presses Universitaires de France
PSDU ....................................... Parti Socialiste DémocratiqueUni
R.D.P. ...................................... Revue de Droit Public et de Sciences politiques en France et à l’étranger
R.B.S.J.A. .................................. Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives
Rec. ........................................... Recueil
Rép. Cont. Adm. .................... Répertoire du contentieux administratif
Rev. Adm. ............................... Revue Administrative
RFDC ...................................... Revue Française de Droit Constitutionnel
R.F.D.A. .................................. Revue Française de Droit Administratif
RJPIC ....................................... Revue Juridique et Politique Indépendance et Coopération devenue Revue Juridique
et Politique des États francophones
RRJ ........................................... Revue de la Recherche Juridique- Droit prospectif
SDF .......................................... Social democratic front
T.A. .......................................... Tribunal administratif
T.C. ........................................... Tribunal des conflits
T.G.I. ....................................... Tribunal de Grande Instance
T.P.I ......................................... Tribunal de Première Instance
Trib. .......................................... Tribunal
UA ............................................ Union africaine
UCAC ...................................... Université Catholique d’Afrique Centrale
UDC ......................................... Union Démocratique du Cameroun
UE ............................................ Union Européenne
UFDC ...................................... Union des Forces Démocratiques du Cameroun
UNC ......................................... Union Nationale Camerounaise
UNDP ..................................... Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès
UNITOC ................................. Union Nationale pour l’Indépendance Totale du Cameroun
UPC .......................................... Union des Populations du Cameroun
UPR .......................................... Union Pour la République
UYII ......................................... Université de Yaoundé II-Soa
Vol ............................................ Volume

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INTRODUCTION

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« L’étude du droit est avant tout celle des procédés et des mécanismes juridiques ; il faut
beaucoup d’esprit de critique pour porter un jugement sur la valeur d’un système de droit ; ses
qualités et ses défauts résultent surtout de son efficacité et des résultats obtenus ».

Raymond ODENT 1

La problématique de la consolidation de la démocratie 2 et de l’État de droit est soulevée


et posée en termes de respect des droits fondamentaux des citoyens d’une part et de l’exercice
de leur souveraineté et d’alternance politique d’autre part. Les processus de décolonisation 3 et
de démocratisation observés sur le continent africain à partir des années soixante ont
concouru inéluctablement à l’instauration et à la consolidation des États de droit ancrés au
système de démocratie libérale. Le professeur Gérard Conac, reprenant une image de
monsieur Huntington, écrit que l’Afrique, notamment subsaharienne, a connu deux vagues de
démocratisation, celle des années soixante relative à la décolonisation d’une part et celle des
années quatre-vingt dix correspondant à l’ancrage à la démocratie libérale d’autre part 4.
Monsieur Boutros Boutros-Ghali quant à lui décrit la démocratisation comme « a process
which leads to a more open, more participatory, less authoritarian society. Democracy is a
system of government which embodies, in variety of institutions and mechanism, the ideal of
political based on the will of the people » 5.

1 ODENT R., Contentieux administratif, tome I, Paris, Dalloz, 2007, p. 5.


2 La définition de la notion de démocratie n’est plus restrictive, elle connaît une révolution glorieuse, l’on
observe que plusieurs instruments juridiques internationaux ont concouru à l’extension de son acception.
Ainsi, la notion de démocratie ne saurait répondre à la description faite par Winston Churchill —la
démocratie est la pire forme de gouvernement à l’exception de toutes les autres formes qui ont essayé de
temps en temps—, elle n’est pas simplement cantonnée à la définition d’Abraham Lincolm —le
gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple— et répond bien plus à la pensée de Lacordaire —
les citoyens possèdent des droits individuels indépendants de toute autorité sociale ou politique et toute
autorité qui viole ces droits devient illégitime. Les droits des citoyens sont la liberté individuelle, la liberté
religieuse, la liberté d'opinion, dans laquelle est comprise sa publicité, la jouissance de la propriété, la
garantie contre tout arbitraire (…). Eu égard à ces définitions non exhaustives sur la notion de démocratie,
ne faudrait-il pas penser que la démocratie constitue désormais, un principe essentiel, un droit fondamental,
dont il faut nécessairement assurer la garantie par la mise en œuvre des mécanismes adéquats, qui doivent
au besoin être imposés, du moins protégés par la coercition. Lire sur cette question, NGARHODJIM N. F.,
« Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance : une analyse critique », 7 p.
[En ligne], www.africamap.org/english/images/.../ACDEGCritique_ngarhodjim_pdf, (consulté le
10/10/2012).
3 Le processus de décolonisation déclenché en Afrique subsaharienne par l’adoption de la loi n 56-619 dite
loi-cadre Defferre du 23 juin 1956, vise l’autonomisation des colonies françaises, et permet
l’institutionnalisation du suffrage universel avec des élections plus ou moins disputées, calquées sur le
modèle français, visant l’élection d’un Conseil de gouvernement dont le vice-président était obligatoirement
un africain.
Lire sur cette question, CONAC G., « Succès et échecs des transitions démocratiques en Afrique
subsaharienne », in Lieber Amicorum, Jean Waline, Gouverner, administrer, juger, Paris, Dalloz, 2002, p. 29 ;
Quantin P., « la démocratie en Afrique : à la recherche d’un modèle », in Pouvoirs, n°129, 2009, p. 69.
4 CONAC G., « Succès et échecs des transitions démocratiques en Afrique subsaharienne », ibid., p. 33.
Lire également sur la question, Adama Kpodar, « Bilan sur un demi-siècle de constitutionnalisme en
Afrique noire francophone », Afrilex, janvier 2013, 33 p. [En ligne], disponible sur : http://afrilex.u-
bordeaux4.fr/bilan-sur-un-demi-siecle-de.html. (Consulté le 04/09/2016).
5 BOUTROS BOUTROS-GHALI, An Agenda for democratization, United Nations, New-York, 1996, 31 p.

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La question de la démocratisation en Afrique a ainsi posé diverses préoccupations quant à
son ancrage, compte tenu des altérités qui existent entre les sociétés, puisque la démocratie est
basée sur des valeurs communes et partagées par les peuples malgré leurs différences
culturelles, politiques, sociales et économiques. De son origine grecque et formé à partir de
dêmos, peuple et kratos qui veut dire pouvoir, autorité, la démocratie est entendue comme le
gouvernement par le peuple. Elle implique l’existence d’un régime politique fondé sur le
principe que la souveraineté appartient à l’ensemble des citoyens, soit directement par voie de
référendum, soit indirectement par l’intermédiaire des représentants librement élus au suffrage
universel. Le régime démocratique est ainsi considéré comme celui fondé sur « le système
représentatif, des élections libres et transparentes, le multipartisme, la liberté de la presse,
l’indépendance de la magistrature, le refus de la censure, la bonne gouvernance» 6. Le
professeur Patrick Quantin écrit dans ce sens que l’étude de la démocratie distingue en général
les modèles et les expériences. Selon lui, les modèles sont normatifs et exposent ce que devrait
être une démocratie alors que les expériences décrivent ce qui se passe réellement dans
l’instauration et la pratique d’un régime démocratique 7. Étant l’opposé des régimes
autoritaires et totalitaires, la démocratie constitue le fondement des régimes qui s’attachent à la
mise en oeuvre et au respect de libertés fondamentales relatives aux libertés d’association,
d’expression, de presse. Elle s’inscrit dans l’existence d’un « État de droit 8 fondé sur
l’autodétermination du peuple selon la majorité, sur la liberté et l’égalité, à l’exclusion de tout
pouvoir violent et arbitraire » 9. La notion de démocratie s’est developpée en un principe qui a
progressivement influencé le mode d’organisation et de fonctionnement de divers régimes
politiques. Elle s’articule désormais autour de deux exigences liées au respect du pluralisme
d’idées et d’opinions politiques d’une part et à la préservation de la souveraineté nationale
dont le peuple est le titulaire d’autre part 10. La démocratie se révèle de la sorte comme une
notion polysémique qui ne se cantonne plus de manière stricte au régime politique. Elle
s’intéresse également aux valeurs sociales et culturelles qui associent peuple et pouvoir. La
démocratie vise la cohésion sociale et constitue un mode de production de vie commune. Le
professeur philippe Ardant souligne dans cet esprit que « la démocratie est un régime idéal qui

6 Propos de François Mitterrand, cité par BOURGI A., « Mitterrand et la démocratie en Afrique. Discours de
la Baule, huit ans après », Ceri/SciencesPo-Cnrs, 2000.
7 QUANTIN P., « La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle », Pouvoirs, 2009/2, n°129, pp. 65-76.
8 L’État de droit est considéré comme la principale caractéristique des régimes qui donne la primauté au droit
et qui en fait un instrument privilégié de régulation de l'organisation politique et sociale. Il est soumis au
respect des dispositions posées, connues et garanties par des sanctions prévues par la loi et qui ne doivent
pas être des déclarations, affirmations, proclamations privées de substances, partant, dépourvues d’effets
juridiques 8.
9 Décision de la Cour constitutionnelle allemande du 23 octobre 1952.
10 ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, 11ème édition, Paris, L. G. D. J.-Lextenso, 2016, pp. 351-360.
Décisions du Conseil constitutionnel français du 11 janvier 1990 et du 9 avril 1992C. C. 89-271 D. C., 11
janvier 1990, p. 21 ; C. C. 92-308 D. C., 9 avril 1992, p. 55.

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ne fonctionne nulle part conformément aux modèles échafaudés par les théoriciens, [et qu’en
conséquence], même s’il s’agit d’une utopie, celle-ci a sa grandeur et elle imprègne
profondément les luttes politiques » 11. Considérée comme le pire des régimes à l’exception de
tous les autres, la démocratie est à la fois un idéal et une exigence, un idéal de liberté et de
justice et un mode de gouvernement. Elle ne saurait être considérée comme une fin en soi,
mais comme un instrument tel que la houe, le coupe-coupe ou la daba entre les mains d’un
cultivateur, puisque c’est l’état du terrain à labourer ou de la culture à réaliser qui détermine la
nature et les dimensions de l’instrument aratoire 12.

S’il est indéniable que la démocratie est un idéal universellement reconnu, l’on observe
que la démocratie à l’ « africaine » 13 continue de poser des difficultés liées à son
enracinement. Le professeur Patrick Quantin souligne à propos de la démocratie en Afrique
que la qualification du degré de démocratie, la qualité de celle-ci, ou de ses expériences sont
biaisées puisque le modèle sollicité pour mesurer l’écart à la norme n’est jamais discuté. Bien
plus, le référentiel démocratique est fortement marqué par le problème de l’identité, puisque
les solutions acceptables ne peuvent être qu’authentiquement africaines 14. L’analyse de la
procédure contentieuse en matière électorale au Cameroun nécessite dès lors de préciser le
contexte spatio-temporel (I), la délimitation et la précision notionnelle du sujet (II), l’intérêt
(II), la problématique (IV), puis la démarche méthodologique adoptée dans notre étude (V).

I. CONTEXTE SPATIO-TEMPOREL DE L’ÉTUDE : GÉNÈSE ET ÉVOLUTION


DES ÉLECTIONS COMPÉTITIVES AU CAMEROUN

Sur le plan de l’organisation politico-administrative, le Cameroun est un pays bilingue


composé d’une zone francophone et anglophone. Placé par la Société Des Nations (SDN) au
terme du Traité de Versailles en 1919 sous mandat des administrations française et anglaise, le
Cameroun sous tutelle française (1946-1960) accède à l’indépendance le 1er janvier 1960, et
celui sous tutelle anglaise le 1er octobre 1961. C’est suite à cette accession à l’indépendance que
le Cameroun devient un État fédéral. À la suite d’un référendum, la fédération cèda la place le
20 mai 1972 à l’État unitaire, qui se transforma en 1983 en République unie du Cameroun, et
enfin en République du Cameroun en 1984.

11 ARDANT Ph., MATHIEU B., Institutions politiques et droit constitutionnel, L. G. D. J.- Lextenso, 26ème édition,
2014, p. 164.
12 KUASSI J. B., MONKOTAN, « Les difficultés de la démocratisation en Afrique », in L’état de droit et la
démocratie, p. 297-316. [En ligne], disponible sur
http://www.bibliotheque.auf.org/doc_num.php?explnum_id=665, consulté le 15/02/2016).
13 QUANTIN P., « La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle », op. cit., p. 68.
14 QUANTIN P., « La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle », ibidem, pp. 66-69.

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L’analyse des élections au Cameroun permet de recenser trois étapes décisives de son
évolution sociopolitique que nous délimiterons à la période post-tutélaire. Les deux premières
phases, notamment la période postcoloniale de 1960 à 1966 qui se situe avant le système du
parti unique et celle qui va de 1966 à 1990 dite du parti unique, ne feront pas l’objet de notre
étude. Il convient cependant de remarquer que ces deux phases permettent de faire ressortir la
longue et lente progression du système politique camerounais vers la renaissance du système
multipartisan, objet de la troisième phase qui constitue le référentiel de la compétition
électorale. L’observation de la situation politique du Cameroun au lendemain de
l’indépendance (1960-1966), révèle une brève continuation des idéologies politiques relatives à
la démocratie et au respect des libertés fondamentales de l’individu existant en Europe depuis
le XVIIIe siècle et acquises de la tutelle. Ces idéologies politiques se sont matérialisées au
travers de l’organisation d’élections disputées, notamment celles législatives du 10 avril 1960
qui ont connu la participation de plusieurs partis politiques 15, et plus tard celle du président de
la République du 5 mai 1960. Malgré cette première expérience qui laissait présupposer
l’avènement d’un libéralisme politique, le professeur Luc Sindjoun avait souligné une
monopolisation du champ de compétition électorale entretenue par l’instrumentalisation des
règles de jeu dans la perspective de la continuité politique, notamment le recours au
gerrymandering à l’occasion de l’élection législative 16. La technique du gerrymandering a permis le
contrôle de l’Assemblée nationale par le parti au pouvoir (l’Union Camerounaise ), avec 51
sièges. Il en est résulter une construction politique du parti au pouvoir qui a abouti le 5 mai
1960, à l’élection d’Ahmadou Ahidjo —unique candidat issu du parti politique détenant plus
de 20 députés—, par un collège électoral conformément à l’ordonnance du 16 avril 1960
organisant l’élection du président de la République par l’Assemblée nationale prise par le
Premier ministre Ahmadou Ahidjo 17. Si la période de 1960 à 1966 permet d’observer
l’organisation d’élections disputées, l’on note en revanche que celle-ci demeure bariolée et
empreinte d’une volonté manifeste de monopolisation du pouvoir politique. Monsieur Bailey
écrivait à ce propos que la compétition électorale était déloyale et structurée par un joueur qui

15 Le Cameroun connaît sa première et brève expérience de la démocratie pluraliste avec l’organisation de


l’élection législative du 10 avril 1960. À cette occasion, l’on a assisté à la participation de plusieurs partis
politiques dont trois avaient obtenu des sièges inégalement répartis à l’Assemblée nationale : Union
Camerounaise (UC) parti du Premier ministre au pouvoir, 71 députés ; l’Union des Populations du
Cameroun (UPC), 17 sièges et Parti des Démocrates Camerounais (PDC), parti de l’ancien Premier
ministre, 12 sièges. Lire sur la question SINDJOUN L., « Élections et politiques au Cameroun : concurrence
déloyale, coalitions de stabilité hégémonique et politique d’affection », in Élections et Politique au Cameroun,
vol. 2, n°1, African association of Polical Science, 1997, pp. 89-121.
16 SINDJOUN L., « Élections et politiques au Cameroun : concurrence déloyale, coalitions de stabilité
hégémonique et politique d’affection », ibidem, p. 92.
17 SINDJOUN L., « Élections et politiques au Cameroun : concurrence déloyale, coalitions de stabilité
hégémonique et politique d’affection », ibid., p. 93.

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avait plus de ressources que ses adversaires et qui s’était par ailleurs arrogé le monopole de la
définition des règles de jeu 18.

Le lendemain de l’indépendance ayant prêté le flanc à diverses velléités de monopolisation


du pouvoir politique, le contexte politique de la période allant de 1966 à 1990 a connu une
assez longue période de validation par le peuple des personnes désignées comme candidats par
la direction des partis politiques. Ce procédé qui s’appliquait aux élections municipales,
législatives et présidentielles avait favorisé la monopolisation puis la radicalisation du jeu
politique, et débouché sur un système de parti unique l’Union Nationale Camerounaise
(UNC), provoqué par la fusion le 11 juin 1966 des partis politiques existants 19. Selon
Bourdieu, la politique du grand parti national unifié constituait une démarche de modification
substantielle des règles pragmatiques du jeu politique. Il précise que malgré le maintien des
dispositions constitutionnelles régissant le multipartisme, la monopolisation induite par l’offre
partisane avait concouru à bâtir une nouvelle représentation d’une pratique politique fondée
sur des règles non juridiques 20. L’analyse du contexte sociopolitique de la période de 1966-
1990 permet de relever l’instauration d’un monopartisme de fait entretenant un climat de
frustration, de clientélisme et de cooptation qui ne concourt pas à asseoir un certain degré de
stabilité politique. Dans un souci de faire évoluer l’État dans le sens d’unité nationale, le Chef
de l’État Ahmadou Ahidjo avait entrepris de rassembler dans un cadre politique unique, toutes
les tendances de l’opposition existantes et de mettre en oeuvre une législation d’état d’urgence
et des tribunaux militaires visant à réprimer les adversaires politiques irréductibles 21.
Désormais présenté— par le Chef de l’État Ahmadou Ahidjo et plus tard Paul Biya— comme
un facteur de désordre et de stagnation ou de recul, le système multipartisan a connu une
propagande de dénigrement visant sa délégitimation —l’opposition étant bridée et accusée de
subversion— au profit du monopartisme de fait instauré et présenté comme un instrument
irremplaçable et servant l’unité nationale. Même si les élections présidentielles et législatives

18 BAILEY (1971 : 50), cité par SINDJOUN L., « Élections et politiques au Cameroun : concurrence déloyale,
coalitions de stabilité hégémonique et politique d’affection », ibid., p. 93.
19 C’est à l’occasion du congrès du parti politique de l’Union Camerounaise ( UC) organisé en septembre 1960
à Garoua— capitale de la région du nord du Cameroun et dont le chef-lieu du département est la Bénoué—
que le président de la République Ahmadou Ahidjo lance un appel à la constitution d’un grand parti
national unifié, appel qui sera concrétisé en novembre 1961. SINDJOUN L., « Élections et politiques au
Cameroun : concurrence déloyale, coalitions de stabilité hégémonique et politique d’affection », op.cit., p. 94.
20 Sur le sens de la codification, BOURDIEU (1987 : 94-109), cité par SINDJOUN L., « Élections et politiques au
Cameroun : concurrence déloyale, coalitions de stabilité hégémonique et politique d’affection », ibidem,
p. 94.
21 Lire sur la question, GONIDEC P.-Fr., « Cameroun :seize ans de stabilité politique- un régime dominé par la
stature du président Ahidjo », in Le Monde diplomatique, août 1976, p. 21. [En ligne], disponible sur :
https://www.monde-diplomatique.fr/1976/08/GONIDEC/33870. Consulté le 10/03/2016) ; Rapport
Afrique de Crisis Group, « Cameroun : État fragile ? », n°160, International CrisisGroup Working to
Prevent Conflict Worldwide, 25 mai 2010, 50 p. ; BAYART J.-Fr, L’État au Cameroun, Paris, Presses de la
Fondation Nationale des Ssciences Politiques, 1984, p. 113-130.

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organisées entre 1970 et 1988 l’étaient sous l’égide du parti unique, l’on a observé que la
politique de libéralisation du parti unique prônée par le président Paul Biya a concouru à la
participation de plusieurs listes ayant reçu l’investiture du parti unique aux élections
municipales de 1987, et législatives de 1988. Cette ouverture a abouti à un monopartisme
souple qui admettait une relative compétition électorale qui s’étendra jusqu’au retour intégral
du système multipartisan en 1990 22.

À l’image d’une bourrasque, le Cameroun s’est laissé envahir par ces transmutations
d’ouverture à la démocratie, et s’arrime de manière concrète à la consolidation d’un État de
droit. D’un état de monopartisme de fait 23, le Cameroun s’ouvre de manière effective au
système multipartisan à partir des années 1990. Cette période symbolise la troisième phase de
son évolution politique, avec l’organisation d’élections disputées entre plusieurs candidats en
compétition 24. Des mutations ont à cet égard été noté sur les plans politique et institutionnel,
notamment la mise sur pied d’un cadre normatif permettant d’asseoir l’État de droit, de
garantir les libertés politiques des citoyens, et de réglementer et organiser les processus
électoraux. Le processus de démocratisation du Cameroun ne s’était pas opéré au travers de
l’organisation d’une Conférence nationale comme cela a été observé dans plusieurs États
africains. La rencontre tripartite organisée entre les pouvoirs publics, les partis politiques et la
société civile suite à « l’émergence explosive des mouvements pro-démocratie » 25 organisés
par les groupes d’opposition et la société civile, a abouti à l’adoption des lois dites de

22 SINDJOUN L., « Élections et politiques au Cameroun : concurrence déloyale, coalitions de stabilité


hégémonique et politique d’affection », op. cit. p. 96.
23 Pendant la période sous mandat, l’élection était vécue comme une initiation à l’objet politique. L’on a
observé l’existence d’un système de représentation fondé sur le multipartisme dans le Cameroun oriental et
occidental sous administration respectivement française et britannique avec la compétition de plusieurs
partis politiques lors des élections législatives de 1946, 1947 et 1956 puis celles municipales de 1956.
Toutefois, après l’indépendance du Cameroun en 1960, puis la réunification en 1961, l’on note la fusion le
11 juin 1966 des partis existants. Cette fusion entraîne de facto un système de parti unique et la naissance de
l'Union nationale camerounaise (UNC). L’avènement et la généralisation du multipartisme en Afrique dans
les années 1990 et au Cameroun ont entraîné une remise en cause du monolithisme. Cette dernière s’est
concrétisée par l'adoption des lois dites de démocratie et par un passage du présidentialisme autoritaire au
présidentialisme démocratique.
Lire par ailleurs les développements du professeur Luc SINDJOUN, « Élections et politiques au Cameroun :
concurrence déloyale, coalitions de stabilité hégémonique et politique d’affection », op. cit., p. 3 - 5.
24 Le changement de l’environnement politique entraîne la restructuration de trois sites de compétitions
électorales sur la base d’un pluralisme effectif. Ainsi, l’organisation des élections législatives et
présidentielles en 1992 et 1997 et des élections municipales en 1996. La révision de la Constitution du 02
juin 1972 entraîne des réformes sur le plan institutionnel notamment, l’allongement du mandat présidentiel
de 5 à 7 ans. En conséquence, un changement dans le calendrier électoral, qui entraîne la tenue des
élections présidentielles en 2004 et 2011, puis les élections couplées des législatives et des municipales
en 2002 et 2007.
25 Lire sur la question, RAPPORT AFRIQUE, Cameroun : État fragile ?, n°160, International Crisis Group working
to prevent conflict worldwide, 25 mai 2010, 50 p.

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démocratie 26, et des lois électorales fixant les conditions d’élections plus tard regroupées dans
le Code électoral 27.

Le souffle de démocratisation a parallèlement concouru au réaménagement du contexte


sociopolitique préexistant. Il a par ailleurs entraîné un mouvement constitutionnaliste qui avait
vocation à modifier et à adapter les Constitutions au nouvel environnement sociopolitique
favorable au pluralisme politique, à la garantie des droits fondamentaux des citoyens et
l’instauration d’un État de droit. Cela a ainsi permi la restauration de la crédibilité que des
années de non droit avaient fini par émousser dans l’opinion africaine 28. La Constitution
camerounaise 29 en son article 2 alinéas 1, 2 et 3 affirme le principe selon lequel : « la
souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce soit par l’intermédiaire
du président de la République et des membres du Parlement, soit par voie de référendum ».
Cette disposition confère un fondement constitutionnel au droit de vote du citoyen. Elle
confirme parallèlement les principes énoncés par les articles 3 et 21 30 respectivement, de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la Déclaration
universelle des droits de l’homme adoptée le 10 décembre de 1948 à Paris. Ces différents
textes juridiques reconnaissent le peuple comme le détenteur de la souveraineté et exaltent sa
volonté comme le fondement de l'autorité des pouvoirs publics 31 qui s'exprime à travers des
élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement au suffrage universel égal et secret.
La notion de démocratie est dès lors immanquablement agrégée à celle de souveraineté
nationale et de représentation. Elle permet de gouverner sur la base du droit. Le professeur
Philippe Ardant écrit à cet effet que, « la théorie de la souveraineté nationale justifie la
représentation : aucun individu ne peut exercer la souveraineté que par une délégation de la
nation » 32. Ainsi le peuple, détenteur de la souveraineté nationale gouverne à travers deux
procédés : de manière personnelle et directe ou à travers des représentants librement choisis.
Monsieur Patrick Quantin quant à lui décrit le phénomène démocratique en Afrique comme

26 Lois n°90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’expression et n°90/056 du 19 décembre 1990 portant
création des partis politiques.
27 En matière électorale, les textes qui régissent les opérations électorales n’étaient pas contenus dans un
document unique. Il n’existait pas un Code électoral, mais une pluralité de lois régissant une élection
déterminée. Voir la définition de la loi électorale par Guy CARCASSONNE, in Dictionnaire du vote, PERRINEAU
P. et REYNIÉ D. (Dir.), 1èreédition, Paris, PUF, 2001, pp. 586-590.
28 LÔ G., « Quelques réflexions sur le « démocratisation » en Afrique », in Mélanges Patrice Gélard : Droit
constitutionnel, Paris, Montchrestien, 2000, p. 427.
29 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 modifiée et complétée par celle n°2008/001 du 14 avril 2008.
30 L’article 21 rappelle le fondement du droit de vote, celui qui est attaché au caractère inaliénable et sacré de
l’individu, et qui confère une égalité à tous les citoyens dans la société.
31 Voir au sujet de l’origine des pouvoirs publics, PIERRE EUGÈNE, Traité de droit politique : Électoral et
parlementaire, Paris, LOYSEL, 1989, p. 127.
32 ARDANT Ph, Institutions politiques et droit constitutionnel, 18èmeédition, Paris, L.G.D.J., 2006, p. 169.

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« la manière de parvenir à un consensus dans la participation de tous au débat » 33. Il convient
à cet égard de noter que la démocratie participe à l’élargissement de la structure des choix
politiques par le biais de la démocratie représentative et de la désignation des représentants qui
s’opère à travers le droit de suffrage 34.

Si le phénomène de démocratisation de l’Afrique peut être daté des années 1990 au regard
de la succession d’évènements extérieurs, et internes que l’on a pu observé, il faudrait noter
que la démocratie représentative n’a pu être effective en Afrique qu’avec l’organisation
d’élections concurrentielles et la mise en oeuvre d’un cadre procédural permettant d’en
garantir la régularité. Selon Monsieur Gourmo lô, pour que la démocratisation des pays
africains ait un sens et une chance de s’affirmer, ils doivent avant tout la concevoir comme un
processus de reconstruction de l’État, non seulement dans les faits et les institutions, mais
aussi dans la tête de ses acteurs, sans quoi, celle-ci ne sera qu’un pur jeu d’ombres chinoises 35.
Il importe à cet effet de délimiter notre champ d’étude afin d’en préciser les notions.

II. DÉLIMITATION DU CHAMP DE L’ÉTUDE ET PRÉCISIONS


NOTIONNELLES DU SUJET

Dans l’optique de rendre compte de notre étude consacrée à la procédure contentieuse


électorale, il est nécessaire d’adopter une démarche méthodologique qui nous conduira dans
un premier temps à délimiter le champ de notre étude (A), et en second lieu à préciser les
notions du sujet (B).

33 QUANTIN P., « La démocratie en Afrique : à la recherche d’un modèle », op. cit., p. 68.
34 Sur le plan interne, l’article 2 alinéa 1 et 2 de la Constitution du 02 juin 1972, réaffirme l’attachement du
Cameroun aux principes démocratiques tels qu’énoncés par les instruments internationaux, et dispose que
la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce par soit par lʼ intermédiaire du président de la
République et des membres du Parlement, soit par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut
sʼ en attribuer lʼ exercice. Les autorités chargées de diriger l’État tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d’élections au
suffrage universel direct ou indirect, sauf dispositions contraires de la présente Constitution.
Sur le plan international, plusieurs textes juridiques promeuvent, la reconnaissance et la consécration de la
démocratie représentative par les États. Il s’agit notamment, des articles 21 de la Déclaration universelle des
droits de l’homme du 10 décembre 1948 ; 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques
adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution
2200 A (XXI) du 16 décembre 1966 ; 1 de la Déclaration sur les critères pour des élections libres et
régulières adoptée à l'unanimité par le Conseil interparlementaire lors de sa 154ème session le 26 mars 1994 à
Paris ; 23 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme adoptée à San José, Costa Rica, le 22
novembre 1969, à la conférence spécialisée interaméricaine sur les droits de l'Homme ; 4 et 6 de la Charte
africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée par la 8ème session ordinaire de la
conférence tenue à Addis-Abeba (Ethiopie), le 30 janvier 2007 ; 13 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya), et entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
35 LÔ G., « Quelques réflexions sur le « démocratisation » en Afrique », op. cit., p. 430-431.

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A. DÉLIMITATION DU CHAMP DE L’ÉTUDE
L’étude de la procédure contentieuse en matière électorale au Cameroun nécessite de situer
le champ théorique de notre étude, notamment la catégorie d’élection qui nous intéressera.
Notre travail porte sur la procédure contentieuse en matière électorale et nous limiterons notre
travail à trois types d’élections : présidentielles : loi n° 92-10 du 17 septembre 1992 modifiée et
complétée par celle n° 97/020 du 9 septembre 1997 fixant les conditions d’élection et de
suppléance à la présidence de la République; législatives :
loi n° 2006/009 du 29 décembre 2006, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi
n° 91/20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée
nationale ; et municipales : loi n° 2006/010 du 29 décembre 2006, modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des
conseillers municipaux. L’étude de l’élection des sénateurs, bien qu’intéressante en raison de
son caractère novateur, —puisqu’instituée par la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 02 juin 1972, dérogeant aux dispositions de l’alinéa 1er de
l’article 222 du Code électoral et activée par la signature par le président de la République de
deux décrets relatifs à la convocation du collège électoral en vue de l’élection des sénateurs
d’une part, et aux modalités de prise en charge par l’état des frais afférents à la participation
des membres dudit collège électoral—, sera exclue de notre étude. Cette exclusion se justifie
principalement par le fait qu’il s’agit d’une élection au scrutin universel indirect,
subsidiairement, elle est confortée par le caractère tronqué de l’acte électoral faisant
ponctuellement fi de la participation des conseillers régionaux à ladite consultation.

De nature polysémique, la notion d’élection qui peut s’apparenter à d’autres notions


connexes telles que la désignation, le plébiscite, ou la cooptation, exprime l’idée d’un choix, et
peut être classée en plusieurs catégories qu’il conviendra d’énumérer afin d’apporter une
délimitation claire de l’objet de notre étude. Parce qu’elle a vocation à favoriser la participation
des tiers à la désignation d’une personne pour une fonction ou un service déterminé, l’élection
est présente aussi bien dans les domaines politiques, qu’administratifs et professionnels. Même
si les élections professionnelles ne font pas partie de notre étude en raison de l’absence de
l’enjeu lié à l’exercice de la souveraineté nationale, il convient de préciser qu’elles demeurent
intéressantes. En effet, elles visent la désignation à bulletins secrets dans le secteur privé,
public ou parapublic, des délégués du personnel, des délégués syndicaux, ou des membres des
comités d’entreprises ou d’établissement, des conseillers prud’hommes, des membres des
tribunaux de commerce, des membres des chambres de commerce, des membres aux conseils
des Universités et unités de formation et de recherche, etc. À l’inverse du Cameroun, dont
l’unique élection administrative encore appelée locale est celle des conseillers municipaux, l’on
observe que le système français connaît plusieurs modes d’élection locale, notamment celles
municipales, cantonales, et régionales. Elles visent le choix des organes des collectivités

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territoriales, notamment les conseils généraux, communautaires— dont le mode de
désignation demeure inchangée (articles L.273-3 et suivants du Code électoral), nonobstant la
réforme de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE),
adoptée le 8 août 2015—, municipaux et leurs exécutifs, et le contentieux qui en résulte est
réglé par les juridictions administratives. Les élections politiques quant à elles regroupent les
élections présidentielles, législatives, et référendaires. Elles sont considérées comme celles à
l’occasion desquelles le citoyen s’exprime en cette qualité pour la gestion des affaires de la
société. Si la distinction qui existe entre les différentes catégories d’élection est indéniable, on
observe cependant que l’opposition qui a longtemps existé entre les élections administratives
et celles nationales a pris fin avec la décision du Conseil constitutionnel français du 18
novembre 1982. Celle-ci rattache la notion d’élection nationale à celle de citoyenneté et octoie
le statut d’élection nationale aux élections locales. Le Conseil constitutionnel français estimait
à cet effet que la qualité de citoyen ouvrant droit à la jouissance aussi bien du droit de vote que
celui d’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour des
raisons particulières. Ainsi, ces conditions qui résultent des principes de valeur
constitutionnelle s’opposent à toute division par catégorie des électeurs ou des éligible. Qu’il
en est ainsi pour tout suffrage politique, notamment pour l’élection des conseillers
municipaux. En dégageant la liaison nécessaire entre l’élection politique et la citoyenneté, le
Conseil constitutionnel français avait concouru à fournir un critère solide et conforme à la
fonction de l’élection dans la société politique, distinguant par ce fait l’élection politique des
autres formes de désignation 36.

Qu’elle soit administrative ou politique, l’élection participe à la dévolution du pouvoir


politique. Elle permet au moyen d’un choix opéré au travers du mécanisme du vote, la
désignation d’un représentant chargé de gérer les affaires de la cité. Il en résulte que les
citoyens doivent jouir d’une totale liberté dans leur faculté de choisir dans un contexte
démocratique qui favorise la concurrence politique. C’est en conséquence dans ce contexte
d’apprentissage démocratique où l’élection rime avec compétition et contentieux que le
Cameroun met en oeuvre un mécanisme nécessaire qui permet de garantir la régularité de la

36 MASCLET J.-Cl., Droit électoral, op. cit. p. 13.


Lire également la décision n°82-146 DC du 18 novembre 1982, Quotas par sexe I, le Conseil
constitutionnel a ainsi rappelé, en se fondant sur l'article 3 de la Constitution de 1958 et 6 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que « du rapprochement de ces textes il résulte que la qualité
de citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas
exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la
liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s'opposent à
toute division par catégories des électeurs ou des éligibles ; qu'il en est ainsi pour tout suffrage politique,
notamment pour l'élection des conseillers municipaux ».
FATIN-ROUGE STEFANINI M., « Les « discriminations positives » en matière électorale aux États-Unis et en
France », Cahiers du Conseil constitutionnel, n°23, (dossier : La citoyenneté)-février 2008, 7 pp. [En ligne],
disponible sur : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/pdf/conseil-
constitutionnel-51857.pdf. (Consulté le 12/09/2016).

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volonté des citoyens. Inhérent à l’élection, le contentieux électoral est considéré comme un
instrument de prévention des crises et conflits politiques à l’occasion de la dévolution du
pouvoir 37. Il permet aux citoyens par le biais d’une procédure contentieuse, de porter devant
les organes compétents les irrégularités qui ont entaché l’organisation et le déroulement de
l’élection. Le professeur Ismaïla Madior Fall souligne quant à lui que le contentieux électoral
sert à interroger la manière dont les litiges nés de l’élection sont résolus, notamment les
différentes règles procédurales à observer pour saisir les différents organes compétents d’autre
part 38.

« Chaque droit positif national constitue (…) l’une des manifestations qui caractérisent de
la façon la plus apparente, la forme et le degré de culture et de civilisation de l’État
considéré » 39. Il importe de circonscrire notre étude à l’analyse de la procédure contentieuse
applicable aux élections du président de la République, des députés à l’Assemblée nationale et
des conseillers municipaux qui se sont déroulées depuis les années 1990 au Cameroun. Nous
excluerons l’élection sénatoriale en raison de son caractère indirect qui n’admet pas la
participation directe des citoyens puisqu’elle représente les collectivités territoriales
décentralisées 40, et le référendum parce qu’il vise non pas le choix d’un représentant, mais
l’approbation des citoyens sur une question politique déterminée. Pour mieux appréhender la
procédure contentieuse en matière électorale telle qu’organisée au cameroun, Il importe de
préciser les notions qui la recouvrent.

B. PRÉCISIONS NOTIONNELLES DU SUJET


Parler de la procédure contentieuse en matière électorale nous permet d’appréhender non
pas un pan inexploré, mais les aspects procéduraux qui « vampirisent » 41 le contentieux
électoral et découragent les justiciables dans leur quête de justice électorale lorsqu’ils se sentent

37 OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à la sérénité de la


démocratie élective et à l’enracinement de l’État de droit ? Le cas du Cameroun », Conférence panafricaine des
présidents des Cours constitutionnelles et Institutions comparables sur le renforcement de l’Etat de Droit et la démocratie à
travers la justice constitutionnelle, Marrakech, Cafrad- Fondation Hanns Seidel, 26-28 novembre 2012, 19 p. [En
ligne], disponible sur : cafrad.org/Workshops/Marrakech26-28_11_12/documents_en.html. (Consulté le
06/11/2015).
38 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel : les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », Afrique contemporaine, 2012/2 (n°242), p. 99-113.
[En ligne], disponible sur : http://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2012-2-page-99.htm.
(Consulté le 04/11/2015).
39 ODENT R., Contentieux administratif, op. cit. p. 5.
40 Prévu par la Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, le Sénat camerounais prend forme dix-sept (17)
années son institutionnalisation à l’issue de la première élection sénatoriale organisée le 14 avril 2013.
Conformément aux articles 20 et 214 respectivement de la Constitution et du Code électoral, les sénateurs
sont élus au suffrage universel indirect sur la base régionale, au prorata de sept (7) élus et trois (3) nommés
par décret du président de la République. Le mandat des sénateurs est de cinq (5) ans et est renouvelable.
41 Expression employée par GAUTHIER St., Le juge judiciaire, juge électoral : vers une harmonisation du contentieux des
élections, Collection du Centre Pierre Kayser, Presses universitaires d’Aix-Marseille. 2007, p. 14.

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bafoués dans la jouissance de leurs droits civils et politiques. Il importe à cet égard d’apporter
au préalable une clarification des termes clés du sujet, notamment « la procédure », le
« contentieux » et l’adjectif électoral qui dérive de l’élection.

La notion de procédure qui constitue l’élement central de notre étude est utilisée aussi bien
dans le domaine de l’administration que celui du droit. Lorsqu’elle est employée dans un cadre
général, la procédure est considérée comme un processus, une méthode, une formalité ou un
procédé qu’il faut accomplir ou respecter afin d’effectuer une tâche déterminée ou conduire
une expérience. Sous l’angle de l’administration, la procédure désigne la manière de procéder
juridiquement pour parvenir à un résultat juridique. Elle s’analyse par ailleurs comme une série
de formalités ou de démarches à acccomplir, d’étapes administratives à respecter pour aboutir
à une décision. Lorsqu’elle est non contentieuse, la procédure administrative constitue un
moment précontieux qui s’exerce devant l’administration active. Il permet de prévenir un
contentieux en solutionnant le litige avant qu’il ne soit porté devant les juridictions
administratives. Monsieur Jean-Marc Sauvé écrit en ce sens que la procédure administrative
non contentieuse a trouvé son origine dans le cadre matriciel de la procédure contentieuse.
Celle-ci concourt à la prévention des litiges contentieux et partant, à la bonne et sereine
administration de la justice 42, et repose sur des principes d’accessibilité, de simplicité, de
participation et de responsabilité. Au Cameroun, la procédure administrative non contentieuse
en matière électorale se déroule devant le Conseil électoral qui connaît des contestations et
réclamations portant sur les opérations préélectorales et électorales. Il peut également
ordonner les rectifications rendues nécessaires à la suite de l’examen des réclamations ou
contestations reçues relatives aux élections ou aux opérations référendaires 43.

En droit, si la notion de procédure évoque d’emblée le procès, on note qu’elle fait référence
au droit judiciaire, procédural ou processuel. Le Vocabulaire juridique la définit de manière large
comme « la branche de la science du droit ayant pour objet de déterminer les règles
d’organisation judiciaire, de compétence, d’instruction des procès et d’exécution des décisions
de justice » 44. Dans un sens restrictif, elle est l’ensemble d’actes accomplis pour parvenir à une
solution juridictionnelle. Pothier quant à lui définissait la notion de procédure à la fin de
l’ancien Régime comme « la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y
défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » 45.

42 SAUVÉ J.-M., « À la recherche des principes du droit de la procédure administrative », Colloque organisé par la
Chaire Mutations de l’action publique et du droit public (MADP) de l’institut d’études politiques de Paris, vendredi 5
décembre 2014, 6 pp. [En ligne], disponible sur : http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-
Interventions/A-la-recherche-des-principes-du-droit-de-la-procedure-administrative. (Consulté le
12/09/2016).
43 Article 10 de la loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral.
44 Vocabulaire juridique, op. cit., p. 390.
45 POTHIER, cité par CADIET L. « Procédure », in Denis ALLAND et Stéphane RIALS (DIR.), Dictionnaire de la
culture juridique, 1ère édition, Paris, Quadrige/Lamy-Puf, 2003, p. 1216-1222.

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Qu’elle s’applique au droit civil, pénal, ou administratif, la notion de procédure remplit une
fonction de matérialisation du droit objectif auquel il confère le caractère formel et
fonctionnel. Elle permet aux justiciables de saisir les organes compétents à l’occasion d’un
litige, afin d’obtenir une solution de droit. Cependant, si la notion de procédure s’assimile au
procès, il faudrait noter qu’il serait réducteur de la restreindre à ce dernier, puisque toute
procédure n’a pas vocation à déboucher sur un jugement. La procédure est nécessaire à la
résolution des différends entre individus, son objet selon le professeur Loïc cadiet, ne devrait
pas se limiter à constituer une suite formelle des actes de procédure accomplis dans des délais
prescrits par la loi. Celle-ci doit viser de manière plus large le fond du droit à travers l’objet du
litige, ce qui permettrait de la définir comme la manière de demander et de rendre justice, de
donner au litige 46.

Qu’elle soit appréhendée comme le respect d’un formalisme que l’on doit observer ou
comme la manière de rendre justice, la procédure est considérée à tort ou à raison par les
profanes comme un formalisme vain, un terrain de manoeuvre souvent dilatoires où l’homme
subtil enlise des mauvaises querelles 47. Elle demeure indéniablement le moyen qui permet la
garantie des droits subjectifs reconnu aux citoyens, puisque tout ce qui anime l’administration
de la justice doit être considéré comme la justice elle-même. En admettant que la procédure
participe à la réalisation du droit, il devient impératif que les règles qui l’aménagent soient
simples, claires et accessibles aux justiciables. La notion de procédure sera entendue dans le
cadre de cette recherche comme l’ensemble des formalités que le justiciable doit accomplir
pour saisir valablement les organes compétents et aboutir au prononcé d’une décision de
justice. Elle est juridictionnelle et individuelle, puisqu’elle permet au justiciable, —personne
physique, morale et/ou l’administration—, de demander et d’obtenir le respect de son droit ou
de son intérêt légitime.Cette approche qui prend en considération la détermination de l’organe
compétent, le respect des délais de saisine, et celle de la qualité et l’intérêt des requérants
excluera celle restrictive qui concerne la forme suivant laquelle les procès sont conduits,
instruits et jugés.

L’adjectif contentieuse accolé à la notion de procédure découle du contentieux qui est


assimilé à un litige, à un différend, à un sujet de querelle, à débat ou à procès. Tiré du latin
juridique contentious, litigieux et dérivé de contentio qui signifie lutte, le terme contentieux est de
nature polysémique et s’entend de diverses manières. Il se peut définir comme un ensemble de
litiges susceptibles d’être soumis aux tribunaux, ou des questions qui sont ou peuvent être
discutées devant les tribunaux. Il peut encore désigner le service d’une administration ou d’une
entreprise chargée d’étudier, de traiter de résoudre des affaires litigieuses avec ou sans procès

46 CADIET L., « Procédure », in Dictionnaire de la culture juridique, ibidem, p. 1217


47 CORNU G., FOYER J., Cité par CADIET L., « Procédure », in Dictionnaire de la culture juridique, ibid, p. 1219.

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devant un tribunal 48. Le contentieux irrigue plusieurs domaines, notamment administratif,
constitutionnel, fiscal, civil, pénal, ou électoral et implique l’intervention variable d’organes
juridictionnel en fonction du domaine en cause. En matière électorale, le contentieux se
rapporte au domaine de l’élection. L’élection qui s’est imposée en tant qu’instrument de
désignation des gouvernants aux dépens d’autres modes de dévolution du pouvoir, est
considérée comme le procédé par excellence qui permet d’acquérir ou de perdre le pouvoir, et
concourt à l’alternance politique dans un État démocratique. Même si elle est tour à tour
regardée comme un point de départ de l’organisation du pouvoir 49 et comme « base même de
la démocratie et de l’organisation de l’État » 50, l’élection en Afrique et au Cameroun en
particulier, connaît beaucoup d’agitation au sein de la société civile et politique. Certes,
l’élection offre « l’opportunité au peuple d’exprimer d’autres griefs de nature politique ou
sociale, au sujet du partage des ressources, de la justice sociale, de la marginalisation, des
rivalités ethnique, de l’intimidation ou d’autres malaises perçus ou réels » 51. On note
cependant qu’elle donne quelquefois lieu à des crises et violences postélectorales. La mise en
oeuvre d’un mécanisme adéquat permettant de garantir l’expression de la volonté des citoyens
s’avère à cet égard indispensable et s’exprime au travers de l’organisation du contentieux
électoral.

Le contentieux électoral est constitué par l’ensemble des recours intentés à l’encontre des
inscriptions sur les listes électorales, les faits de campagne électorale et les résultats des
élections, pour cause d’erreurs ou d’irrégularités présupposées à l’occasion de l’organisation et
le déroulement des opérations électorales. Il désigne l’ensemble des règles qui permettent à
toute personne ayant une qualité et un intérêt pour agir 52, de former un recours s’il estime que
le déroulement des élections a été vicié par des irrégularités. Le contentieux électoral est à ce
titre considéré comme un contentieux subjectif qui porte sur la garantie des droits civiques et
politiques des citoyens. Il permet d’assurer un contrôle de la régularité externe et interne de
l’élection, le premier permettant de garantir le bon accomplissement des formes, des
procédures et des opérations qui l’accompagnent alors que le second veille à la validité des
résultats et de la qualité des élus. Selon le professeur Alain Didier Olinga, le contentieux se

48 Vocabulaire juridique, ibidem, p. 390.


49 DAUGERON Br., La notion d’élection en droit constitutionnel : contribution à une théorie de l’élection à partir du droit
public français, Paris, Dalloz, 2011, p. 10.
50 Expresion employée par J.-Cl. COLLIARD, « Préface » à TOUVET L. ; DOUBLET Y.-M., Droit des élections,
Paris, Economica, 2014, p. VII.
51 Rapport du groupe des sages de l’UA, Les conflits et la violence politique résultant des élections : Consolider le rôle de
l’Union africaine dans la prévention, la gestion et le règlement des conflits, International Peace Institute, décembre
2013, p. 13.
52 La saisine en matière électorale est variable et ouverte. Ainsi, tout parti politique, tout électeur, tout
candidat, tout mandataire d’un parti politique, toute personne intéressée, tout agent du gouvernement pour
l’élection peut saisir les organes compétents. Cependant, il faudrait relever qu’en fonction de l’objet en
cause et l’élection concernée, le droit de saisine peut être restreint.

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transforme en un « instrument de contestation politique, de dénonciation du système juridique
existant en matière électorale, [bref] un instrument de combat politique » 53. Il permet à une
partie de revendiquer devant les organes compétents, l’application d’une loi, ou la
reconnaissance d’un droit. L’objectif du contentieux étant d’assurer la sincérité du scrutin qui
est l’exact reflet de la volonté exprimée par la majorité du corps électoral, il permet à la
minorité mécontente, de dénoncer les faits, ou de contester les résultats de l’élection qu’elle
estime irrégulière 54. Cet objectif assigné au contentieux électoral conforte son acception large
selon laquelle il recouvre l’ensemble des litiges relatifs aux resultats du scrutin 55. Le professeur
Francis Delpérée écrit à cet effet que « les différends électoraux ne naissent pas en un jour,
celui du scrutin. Ils s’inscrivent dans un processus c’est-à-dire un ensemble d’opérations, qui
s’enchainent les uns aux autres et qui concourent à la sélection des élus. Ces opérations se
réalisent avant, pendant ou après les élections » 56.

La procédure contentieuse appréhendée dans son sens large que nous retiendrons dans le
cadre de notre étude, nous permettra d’analyser le règlement des différents litiges qui peuvent
naître aussi bien à l’occasion des opérations préélectorales, notamment préparatoires et
préliminaires, mais également celles postélectorales en l’occurrence celle des résultats du vote.
Nous exluerons de ce fait de notre champ d’analyse, la conception restrictive qui fait du
contentieux électoral celui des résultats, et celle qui met l’accent sur le financement de la
campagne électorale, car inexistant en Afrique et au Cameroun en particulier. La procédure
contentieuse en matière électorale sera dans le cadre de cette étude entendue comme
l’ensemble de formalités que le requérant doit accomplir pour réclamer un droit ou contester
devant l’organe juridictionnel compétent, les irrégularités qu’il a pu constater dans
l’organisation et le déroulement des opérations préélectorales et postélectorales, d’où
l’importance de ressortir l’intérêt qui s’attache à cette étude.

III. L’INTÉRET DE L’ÉTUDE

Lorsqu’on observe le champ politique en Afrique, l’on note que si la démocratie


représentative est adoptée comme système de gouvernance, elle peine à produire les effets
escomptés. Cela s’observe sur la capacité à asseoir la légitimité politique des gouvernements,
compte tenu de la persistance des pratiques du système monolithique non favorable à
l’alternance politique et des multiples critiques qui s’élèvent très souvent à l’issue des scrutins.

53 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », Juridis périodique, op. cit., p. 49.
54 GAUTHIER S, Le juge judiciaire, juge électoral : vers une harmonisation du contentieux des élections, Presses
Universitaires d’Aix-Marseille, 2007, p. 18.
55 MASCLET J. C., « Contentieux électoral », in Dictionnaire du vote, Paris, PUF, 2001, p. 201.
56 DELPEREE Fr., Le contentieux électoral, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, n°3334, 1998, p. 3.

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Si « l’élection en Afrique est juste pour le gagnant et inique pour le perdant » 57, l’on constate
qu’elle génère des contestations et réclamations qui peuvent être portées devant les organes
juridictionnels considérés quelquefois comme assujetis au pouvoir en place, lorsqu’elles ne
débouchent pas sur des violences postélectorales et des guerres civiles. L’analyse de la
procédure contentieuse en matière électorale s’avère à cet égard nécessaire au regard de
multiples intérêts dont elle recèle.

L’étude de la procédure contentieuse en matière électorale qui procède du constat d’une


absence d’alternance politique, et d’une croissance exponentielle du taux d’abstention au
Cameroun permet de pointer du doigt le désintérêt des citoyens pour l’élection. Ces derniers la
considèrent comme jouée d’avance et viciée, au regard des multiples tripatouillages tels que les
votes multiples, le bourrage des urnes, les violences, la falsification des procès-verbaux de
dépouillement des bureaux de vote etc. L’incessante quête d’adaptation et d’efficacité dans la
jouissance par les citoyens de leurs droits civils et politiques, a donné lieu à l’instauration d’une
pluralité d’organes, chargés de veiller à la régularité et la sincérité des processus électoraux.
Cette ambition entraîne par voie de conséquence des difficultés liées au règlement des litiges
qui naissent de l’organisation ou du déroulement des élections et appelle une impérieuse
nécessité de simplification. Le professeur Jean-Marie Pontier écrit ainsi que, « simplifier
suppose un effort préalable pour déterminer ce qui pourrait être simplifié, ce qui est
simplifiable (…) distinguer, dans les dispositions en vigueur, celles qui doivent être conservées,
celles qui devraient être supprimées, celles qui pourraient être modifiées » 58. L’organisation du
contentieux électoral s’articule ainsi autour d’une phase non contentieuse qui se déroule
devant les instances administratives, en l’occurence Elections Cameroons (Elecam) et une phase
contentieuse devant les organes juridictionnels. Si l’on observe une implication minimale des
organes non juridictionnels dans la gestion du contentieux électoral, on souligne en revanche
que le contentieux des élections est principalement reglé devant les organes juridictionnels
dont l’implication est fonction de la phase électorale en cause. Cela favorise l’existence d’un
contentieux aussi bien en amont qu’en aval des opérations électorales. En amont, le
contentieux préélectoral est scindé en deux temps, le contentieux des opérations préparatoire
et celui des préliminaires. Le contentieux des opérations préparatoires qui se rapporte à
l’électorat et permet de gérer les contestations ou réclamations qui mettent en cause la qualité
de l’électeur, est confié aussi bien au juge judiciaire, juge de droit commun de l’état des
personnes, qu’au juge pénal. La phase préliminaires qui intéresse l’acceptation ou le rejet des
candidatures vise le droit d’éligibilité des citoyens et relève de la compétence de la juridiction

57 OBOU O., Requiem pour un Code électoral, Abidjan, PUCI, 2000, p. 178. Cité par BOLLE St., « Vices et vertus
du contentieux des élections en Afrique », in Démocratie et élections dans l’espace francophone, Bruylant, Bruxelles,
2010, p. 532-552.
58 PONTIER J.-M., « Brèves remarques sur la simplification du droit », in Pontier J.-M. (Dir.), La simplification du
droit, Aix-en-Provence, PUAM, 2006, p. 12.

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administrative pour l’élection municipale, et du Conseil constitutionnel pour les élections
nationales, notamment législative et présidentielle. En aval, l’existence d’un contentieux
postélectoral dont le règlement est confié à la juridiction administrative et à la Cour suprême
siégeant comme Conseil constitutionnel selon les cas, permet de garantir la régularité du vote
et des résultats de celui-ci. Il vise le règlement des contestations ou réclamations qui portent
sur les irrégularités qui ont pu émailler le déroulement du vote et la proclamation des résultats.
L’organisation d’une procédure contentieuse concourt à la garantie des droits fondamentaux
des citoyens, puisque la volonté du corps électoral doit être exempte de tout travestissement.
Cette exigence qui s’impose sur le plan national est réaffirmée sur le plan international et
communautaire par de nombreux textes juridiques, tels que la Charte africaine des droits de
l’Homme qui établit que les règles de base d’une démocratie sont fondées sur la sauvegarde
des droits et libertés des citoyens, la protection des droits fondamentaux du justiciable par une
justice légitimée par la rigueur d’un système juridique simple et facilement accessible et sur la
détermination de juges indépendants et crédibles 59.

L’élection est considérée comme le mode quasi universel d’exercice du pouvoir politique et
comme l’instrument qui fonde et légitimise le pouvoir politique. Elle permet la participation
des citoyens à la gestion des affaires de leur société par le biais des représentants qu’ils
choississent librement au cours d’un vote organisé de manière compétitive. La procédure
contentieuse électorale se révèle à cet égard comme le moyen qui permet de crédibiliser les
consultations électorales et s’analyse comme la nécessité de garantir la volonté du corps
électoral qui apparaît comme « une retransciption de la volonté d’un peuple proclamé
souverain et qui exprime sa volonté au moyen de l’élection » 60. Il importe, comme le souligne
monsieur Stéphane Bolle, qu’un mécanisme permettant de contester la validité des élections
occupe une grande place dans les démocraties émergentes, car il est sain et primordial que les
contestataires de la classe politique et de la société civile puissent légalement faire entrendre
leur voix à chaque étape du processus électoral, afin de dénoncer les fraudes, déviances et
irrégularités observées 61. Le professeur Philippe Ardant poursuit dans cette logique en
précisant qu’il ne saurait avoir de contentieux plus important que celui de la désignation par le
peuple des représentants chargés d’exprimer sa volonté, puisqu’il constitue le contrôle majeur
de la démocratie 62. La procédure contentieuse électorale pose ainsi la question liée à la
viabilité de la démocratie représentative dont le fondement est le vote. Le droit de vote qui

59 OUMAR SAKHO P., « Quelle justice pour la démocratie en Afrique ? », in Pouvoirs, n°129, 2009/2, p. 57-64.
60 DAUGERON Br., La notion d’élection en droit constitutionnel : contribution à une théorie de l’élection à partir du droit
public français, op. cit. p. 59.
61 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 532.
62 ARDANT Ph., « Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat », in Conseil
constitutionnel et Conseil d’Etat : colloque des 21 et 22 janvier 1988 au Sénat, Paris, L. G.D. J.-Montchrestien, 1988,
p. 55.

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constitue le fondement de la démocratie politique, doit reposer sur des principes essentiels que
sont la citoyenneté l’égalité, et l’effectivité de l’État de droit.

En admettant que l’existence d’un cadre procédural accessible concourt à la garantie des
droits civils et politiques des citoyens et témoigne de l’ancrage d’un État africain aux principes
démocratiques, l’on note que l’aménagement des règles procédurales demeure un grand
handicap à l’efficacité de l’office du juge électoral africain. En effet, l’analyse des règles
procédurales révèlent de nombreuses insuffisances et complexités qui prêtent le flanc à de
diverses interprétations de la part du juge qui est accusé de manquer d’audace, d’être soumis
au pouvoir en place et de légitimer les fraudes et infractions électorales. Monsieur Ouedraogo
écrit à ce propos que, si les soupçons de collusion entre juges électoraux et autorités politiques
affaiblissent l’efficacité de l’office du juge électoral, le pouvoir de manipulation des règles
électorales laissé aussi bien aux acteurs politiques qu’aux juges électoraux, affecte bien plus les
structures sociales et génère généralement des violences postélectorales 63. L’étude de la
procédure contentieuse en matière électorale au Cameroun participe ainsi à une meilleure
connaissance des mécanismes et des techniques procéduraux par les acteurs sociopolitiques et
les praticiens du droit, pour une garantie efficace des droits civils et politiques des citoyens.
Elle offre parallèlement l’occasion au législateur d’opérer des réformes permettant
l’accessibilité et la simplification des règles normatives. L’étude de la procédure contentieuse
en matière électorale permet de manière globale, d’asseoir la démocratie représentative dont le
fondement demeure l’élection et vise la préservation et la promotion des droits fondamentaux
des citoyens au travers de la garantie d’une justice sociale, du renforcement de la cohésion
sociale, de la tranquilité nationale propice à la paix internationale et au développement
économique et social de la collectivité 64. Aborder la problématique liée à l’analyse de la
question liée à la garantie des droits civils et politiques se révèle à cet effet fondamentale.

IV. PROBLÉMATIQUE

La procédure contentieuse en matière électorale renvoie a priori au droit électoral processuel


entendu comme l’ensemble des règles de droit externe et surtout interne, applicables en
matière de contentieux électoral et à l’occasion d’une élection donnée 65. À ce titre, elle permet
« d’acquérir la connaissance des textes qui régissent la matière, du sens exact des formules et
de leur emploi judicieux, à se familiariser avec la rédaction des actes et le calcul des délais, à

63 OUSSEINI O., Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de l’Ouest francophone, Thèse de l’Université
de Lomé, 2014, p. 28.
64 Lire sur la question, RAPPORT DE L’UNION INTERPARLEMENTAIRE, La démocratie : principes et réalisation.
Genève, Union interparlementaire, 1998, p. IV. [En ligne], disponible sur :
www.ipu.org/PDF/publications/DEMOCRACY_PR_f.pdf. (Consulté le 20/10/2012).
65 MALIGNER B., Droit électoral, Paris, Ellipses, 2007, p. 593.

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apprendre les tours de mains et les usages du Palais » 66. Si la procédure contentieuse électorale
permet aux citoyens de garantir leurs droits civils et politiques par le biais d’une action engagée
devant les organes compétents, elle constitue quelquefois un obstacle pour ceux qui sont peu
habitués aux complexités du formalisme judiciaire et leur en inspirent un profond dégoût. Elle
est fragmentée et organisée entre diverses juridictions compétentes. Elle crée une distinction
entre le contentieux proprement dit qui est réparti entre les juridictions judiciaire,
administrative et le Conseil constitutionnel, et le contentieux représsif qui s’emploie à la
sanction des actes de fraudes commis à l’occasion des élections et à la condamnation de leurs
auteurs 67. Cette fragmentation du contentieux électoral répercutée dans l’organisation de la
procédure contentieuse crée une sorte de « labyrinthe » inaccessible aux citoyens. Et pourtant,
le contentieux des élections qui participe à la garantie des droits civils et politiques des citoyens
devrait permettre d’assurer autant que possible l’équité et la régularité de la représentation
dans la démocratie électorale 68 ainsi que la crédibilité de la consultation électorale qui révèle le
degré de développement politique de la société 69.

Dans le cadre de ce travail, la question centrale est de savoir si la procédure contentieuse


telle qu’organisée permet aux citoyens de protéger leurs droits civils et politiques. À cette
question principale, se grefferont d’autres questions secondaires, relatives à l’efficacité de
l’organisation du cadre procédural et à l’accès aux organes compétents. Les règles procédurales
favorisent-elles un accès simplifié des citoyens au juge? Comment s’articule le rôle des organes
non juridictionnels et juridictionnels dans le règlement des litiges ? L’office du juge électoral
favorise-t-il un procès équitable entre protagonistes ? Est-il juge de la légalité ou juge de la
sincérité du scrutin ? Le juge électoral est-il audacieux ou mesuré ?

La réponse à ces différentes questions conduira à poser l’hypothèse selon laquelle la


complexité du cadre procédural ne favorise pas une garantie efficace des droits fondamentaux
des citoyens. Il en résulte que les résultats des votes ne reflètent pas l’exacte volonté du corps
électoral. L’éparpillement et l’hermétisme des règles procédurales constituent un frein et un
blocage à l’accès au juge qui est considéré comme un partisan du régime en place. En effet,
l’office du juge électoral camerounais ne participe pas à une jouissance efficiente des droits
civils et politiques des citoyens. Le professeur Abdel Kader Boye souligne à cet effet que, si la
démocratie ne se ramène pas uniquement à ses aspects institutionnels, il est nécessaire que l’on
s’assure que les institutions remplissent effectivement la logique inhérente à leur nature et
finalités, sinon elles serviraient plutôt à légitimer l’accaparement du pouvoir par des groupes

66 VIZIOZ, H. Études de procédure, Paris, Dalloz, 2011, p. 6.


67 MASCLET J.-Cl., Le droit des élections politiques, Paris, PUF, 1992, p. 97.
68 MELEDJE DJ. Fr., « Le contentieux électoral en Afrique », in Pouvoirs, n° 129, 2/2009, p. 139-155.
69 MELEDJE DJ. Fr., « Le contentieux électoral en Afrique », ibidem, p. 139.

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sociaux 70. L’aménagement d’un cadre procédural qui permet de contester efficacement les
irrégularités qui ont émaillé le scrutin est loin d’être suffisant pour garantir aux citoyens une
jouissance optimale de leurs droits civils et politiques sans le concours d’un juge électoral
audacieux. Même si le juge électoral camerounais ne bénéficie pas de toutes les garanties
statutaires qui le mettent à l’abri des pressions des autorités politiques, l’on constate qu’il
manque d’hardiesse dans son office. Il donne l’impression de cautionner et d’être complice de
l’arbitraire au travers du choix de son interprétation des textes. Il importe ainsi pour une
démocratie représentative fondée sur la participation des citoyens à la vie politique de la cité,
qu’une nécessaire « désincorporation totale du pouvoir » 71 et un profond réaménagement du
système normatif s’opèrent afin de permettre une véritable cohésion et intégration sociale des
citoyens et de la société politique.

L’importance de la question que soulève l’étude de la procédure contentieuse en matière


électorale nécessite que nous adoptions une démarche méthodologique qui permet d’éclairer et
de mettre en évidence le cheminement suivi pour répondre aux objectifs que nous nous
sommes assignés.

V. DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE

Il est de principe que toute discipline qui se veut autonome, se définisse au travers de son
objet et de sa méthode. Le professeur Omar Aktouf définit la méthode comme « la procédure
logique d'une science, c'est-à-dire l'ensemble des pratiques particulières qu'elle met en œuvre
pour que le cheminement de ses démonstrations et de ses théorisations soit clair, évident et
irréfutable » 72. Descartes qui considère la méthode comme un moyen pour bien conduire une
pensée, met l’accent sur la nécessité de s’assurer de l’objectif de ce que l’on étudie, et surtout
de ce que l’on élabore à partir de cette étude. Selon lui, parce que le bon sens est la chose du
monde la mieux partagée, chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les
plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en
ont 73. Il en résulte que la méthode d’une recherche peut être entendue comme l’ensemble des

70 ABDEL KADER BOYE, « De quelques problèmes et aspects importants de la démocratie dans le contexte des
États d’Afrique noire », in La démocratie : principes et réalisations, Union Interparlementaire, Genève, 1998,
p. 39-48. [En ligne], disponible sur : www.ipu.org/PDF/publications/DEMOCRACY_PR_f.pdf. (Consulté
le 20/10/2014).
71 ABDEL KADER BOYE, « De quelques problèmes et aspects importants de la démocratie dans le contexte des
États d’Afrique noire », in La démocratie : principes et réalisations, ibidem, p. 42.
72 OMAR AKTOUF, Méthodologie des Sciences sociales et approches qualitatives des organisations : une introduction à la
démarche classique et une critique, Québec, Presses de l’Université du Québec, 1987,p. 27. [En ligne], disponible
sur : http//www.classiques.uqac.ca/contemporains/Aktouf_omar/.../metho_sc_soc_organisations.doc.
(Consulté le 16/05/2016).
73 DESCARTES R. Discours de la méthode, première partie : Pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences,
Paris, Librairie de la bibliothèque nationale, 1894, p. 11.

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opérations intellectuelles qui permettent d’analyser, de comprendre et d’expliquer la réalité
étudiée dans une démarche logique destinée à rendre intelligible la réalité à appréhender 74. La
présentation de la démarche méthodologique liée à l’analyse des aspects de la procédure
contentieuse électorale au Cameroun, s’inscrira dans un ancrage disciplinaire auquel nous
adjoindrons plusieurs instruments d’analyse nécessaires à l’appréhension du sujet.

L’élection est considérée comme le procédé de sélection des gouvernants au sein de la


société politique. Elle confère au contentieux électoral qui en découle une place centrale,
puisqu’il vise le renforcement de la croyance des citoyens dans l’efficacité des règles et
principes qui régissent les élections et la consolidation des régimes démocratiques. L’approche
pluridisciplinaire qui s’impose à nous dans cette recherche, permet de relever le lien étroit qui
existe entre la procédure contentieuse électorale, le droit du contentieux électoral— qui est un
ensemble de règles destinées à régir les problèmes de compétence, les questions de procédure,
appelées à se poser dans le processus de règlement des contestations et réclamations relatives
aux élections 75—, le droit électoral et les autres branches du droit. Considéré comme le droit
de la représentation politique dont il assure le respect et la continuité 76, le droit électoral
organise et réglemente les consultations électorales afin de permettre la participation de tous
les citoyens à la gestion des affaires de leur cité. Il est inséparable de la démocratie politique
qu’il organise et consolide. Selon Madame Sophie Lamouroux, le droit électoral permet
d’assurer l’égalité des électeurs et leur liberté de choix lorsqu’il est considéré individuellement.
En revanche, examiné sous un aspect collectif, il vise à garantir l’authenticité de la volonté des
électeurs notamment, la sincérité des résultats du scrutin 77. Pour ce qui est du droit
constitutionnel, il faudrait relever que le droit électoral est une émanation de la Constitution de
laquelle il tire sa principale source. La Constitution énonce les principes généraux du droit
électoral d’une part, elle définit, organise en outre les modalités d’exercice des droits
fondamentaux relatifs au vote et à l’éligibilité des citoyens, et aménage la garantie desdits droits
d’autre part 78. Le professeur Jean Du Bois de Gaudusson écrit, concernant les modalités de
productions des Constitutions africaines, qu’elles sont dictées par des considérations
politiques, leurs révisions contiennent des corrections nécessaires pour pallier les
imperfections, les incomplétudes ou les inadaptations relevées dans le contexte

74 LOUBET DEL BAYLE, J.-L., Initiation aux méthodes des Sciences sociales, Paris-Montréal, L’Harmattan, 2000,
p. 27. [En ligne], disponible sur :
http//www.classiques.uqac.ca/contemporains/loubet_del...sc.../initiation_metho_sc_soc.pdf. (Conculté le
16/05/2016).
75 MENOUNI A, « Constitution et contentieux électoral », in Recueil des cours Constitution et élection, volume X,
Tunis, p. 10-60.
76 DEMICHEL André et Francine, Droit électoral, Paris, Dalloz, 1973, p. 12.
77 LAMOUROUX S. Le contentieux des actes périphériques en matière électorale, Thèse de l’Université d’Aix-en-
Provence, 21 janvier 2001, p. 8.
78 Les articles 2 et 3 de la Constitution.

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sociopolitique 79. Par rapport au droit administratif, l’élection étant considérée comme une
opération administrative en raison du concours de l’Administration pour l’organisation
matérielle de celle-ci—, parce qu’elle convoque les électeurs, fournit le bureau électoral qui
présidera le droit électoral etc.—, c’est elle qui par sa nature d’opération octroie le caractère de
pleine juridiction au contentieux électoral qui s’inspire des techniques procédurales employées
dans le contentieux administratif notamment son caractère inquisitorial. Lorsqu’on la
rapproche au droit privé, on note que la procédure contentieuse électorale, dépend du droit
processuel.

Le droit processuel qui est considéré comme le droit du procès, droit commun à toutes les
procédures, se définit comme le droit qui garantit l’accès à la justice, le droit à un juge et à une
bonne justice, qui est le pivot de la garantie des droits et en conséquence, demeure au cœur de
l’effectivité des droits des citoyens 80. Il faudrait par ailleurs relever que les règles applicables à
l’électorat sont identiques à celles qui intéressent l’état des personnes, notamment la capacité,
la nationalité, le domicile. La garantie de ces règles relève de la compétence du juge judiciaire
qui intervient en matière électorale en qualité de juge civil, de juge pénal ou de juge des référés.

Le choix des instruments d’analyse utilisés dans notre étude permet de rendre compte du
cheminement que nous avons suivi afin de parvenir à des résultats fiables. Le professeur Jean-
Louis Bergel écrit à ce propos que la méthode est considérée dans son sens étymologique
comme un « cheminement », un enchaînement raisonné de moyens en vue d’une fin, ou la
voie à suivre pour parvenir à un résultat 81. Madeleine Gravitz quant à elle donne une vison
plus générale de la méthode, et l’analyse comme « l’ensemble des opérations intellectuelles par
lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu’elle poursuit, les démontre, les
vérifie » 82. L’étude de la procédure contentieuse en matière électorale au Cameroun nous
amène ainsi à adopter une démarche intégrative qui associe plusieurs instruments d’analyse,
car si la méthode apparaîssait unique et universelle à Descartes, elle s’est diversifiée en
fonction du domaine d’application et même à l’intérieur d’un domaine déterminé 83. Notre
démarche méthodologique portera sur l’analyse des différents textes et actes juridiques, ainsi
que sur les décisions existantes rendues par les juges compétents en matière électorale d’une
part, et sur d’autres méthodes telles que la description et le raisonnement juridique d’autre

79 DU BOIS DE GAUDUSSON J., « Point d’actualité sur les modalités de production du droit constitutionnel
dans les États africains francophones, in Mélanges Patrice Gélard : Droit constitutionnel, op. cit., p. 341-346.
80 GUINCHARD S., CHANAIS C., DELICOSTOPOULOS C., DELICOSTOPOULOS L. S., DOUCHY-OUDOT M.,
FERRAND F., LAGARDE X., MAGNIER V., RUIZ FABRI H., SINOPOLI L., SOREL J.-M., Droit processuel droit
fondamentaux du procès : (Avant-propos de Guinchard S., Brandac M., Lagarde X., Douchy M.), 7ème édition, Paris,
Dalloz, 2013, p. IX.
81 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, 2ème édition, Paris, PUF, 2016, p. 21.
82 GRAWITZ M. Méthodes des sciences sociales, 11ème édition, Paris, Dalloz, 2001, p. 351.
83 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, op. cit., p. 22.

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part. Selon le professeur Loubel del Bayle la description sert à rassembler les informations
issues des observations faites à propos d’un phénomène afin de fournir une image aussi
cohérente et approfondie que possible de celui-ci. Elle vise ainsi la construction aussi exacte
que possible de la réalité en regroupant les informations collectées sur le phénomène
étudié» 84. Sous ce rapport, il convient de relever que la méthode descriptive concourt à une
meilleure appréhension du cadre procédural en matière électorale, puisqu’elle permet
d’énumérer les différents organes impliqués, leurs compétences et les différentes modalités de
saisine. Le raisonnement juridique quant à lui permet de confronter une situation de fait à des
règles de droit afin d’en dégager la solution la plus adéquate, pratique, juste et équitable 85.
Considéré comme un raisonnement complexe qui mêle divers types de raisonnement, le
raisonnement juridique se définit comme « une suite de proposition liées les unes aux autres
selon des principes déterminés et aboutissant à une conclusion » 86. Il apparaît à cet égard que
le raisonnement juridique ne saurait être une démonstration mathématique, ni de la simple
rhétorique, car il est fait de controverses, de dialectiques. Au sens aristotélicien du terme, il a
recours à la logique formelle en s’inspirant à la fois des principes abstraits et des réalités
concrètes, par un va-et-vient constant du droit et des faits 87. L’analyse de notre sujet se fera
en conséquence à partir de plusieurs instruments juridiques, notamment la dogmatique et la
casuistique.

L’interprétation d’un texte juridique concourt à sa précision et sa clarté afin de garantir la


sécurité juridique des justiciables. L’interprétation des textes juridiques relatifs à l’élection
permet d’en dissiper les ambiguïtés, d’en combler les éventuelles lacunes et insuffisances, d’en
préciser le sens exact et d’en déterminer la portée temporelle, spatiale, matérielle ou
juridique 88. Par une approche exégétique, nous procèderons à l’analyse des différents textes
juridiques qui organisent la procédure contentieuse en matière électorale, notamment le Code
électoral, les lois portant organisation de la Cour suprême et des tribunaux administratifs, la loi
portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel, etc. L’exégèse dont le
principe est de rechercher l’intention du législateur, nous permettra d’interpréter et d’expliquer
les règles de droit, afin d’apprécier la valeur du système juridique, en alliant la pratique à la
théorie qui, généralement n’est pas adaptée au contexte socio-politique. Le président Odent
écrit à propos qu’ « un droit ne vaut que par les conditions dans lesquelles il est appliqué »,
puisque l’étude du droit devrait principalement porter sur l’analyse des procédés et
mécanismes juridiques qui concourent à porter un jugement objectif sur la valeur d’un système

84 LOUBET DEL BAYLE, J.-L., Initiation aux méthodes des Sciences sociales, op. cit., p. 207.
85 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, op. cit., p. 137.
86 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, ibidem, p. 138.
87 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 5ème édition, 2012, p. 11.
88 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, ibidem, p. 277.

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de droit, sur ses qualités et ses manquements 89. L’analyse de la jurisprudence quant à elle revêt
une importance capitale dans cette étude. Constituée de l’ensemble des décisions rendues par
les juges, la jurisprudence est considérée comme une source du droit. Les juges sont ainsi
amenés à créer le droit au travers de leurs décisions lorsqu’ils interprètent la loi avant de
l’appliquer, en dissipant son obscurité et en comblant ses lacunes réelles ou supposées 90.
L’analyse de la jurisprudence nous permettra dès lors de porter une très grande attention au
contenu de la décision du juge, notamment ses motivations, puisqu’elle participe à
l’élaboration des règles de droit, et à la clarification et la précision de celles existantes. Selon le
professeur Alain Seriaux, on ne peut perdre de vue le fait que toute motivation est rédigée par
le juge pour le présent mais aussi pour l’avenir, car les juges font savoir aussi bien aux futurs
justiciables qu’à la communauté des juristes dont ils font partie, qu’ils entendent désormais
trancher dans un sens déterminé les litiges analogues 91.

Notre démarche méthodologique ne saurait négliger d’autres approches accessoires que


sont : l’approche historique et celle comparative. L’approche historique a le mérite de nous
permettre de nous appuyer sur le passé pour résoudre la problématique qui se pose à nous,
puisqu’on ne peut comprendre le Cameroun d’aujourd’hui qu’à partir du Cameroun d’hier 92.
S’agissant de l’approche comparative, si l’on a pu ressortir les différences qui existent entre le
Cameroun d’hier et celui d’ajourd’hui, il faudrait observer que nous avons effectué des percées
comparatives entre la législation du Cameroun et celle d’autres pays tels que la france et le
Bénin, en raison du degré d’ancrage de leur démocratie représentative. La procédure
contentieuse, bien qu’organisée et relativement souple, s’avère cependant complexe, et de
nature à compromettre la garantie efficace des droits civils et politiques des citoyens.

Seront à cet égard abordées successivement :

Première partie : L’organisation complexe du cadre procédural

Deuxième partie : Le déroulement laborieux du procès électoral

89 ODENT R., Contentieux administratif, op. cit. p. 5.


90 DEGUERGUE M., « Jurisprudence », in Dictionnaire de la culture juridique, op.cit., p. 883-887.
91 SERIAUX A, BRUSCHI M., BONFILS Ph., Le commentaire de textes juridiques : arrêts et jugements, Paris, Ellipses,
2011, p. 3.
92 NGONGO L.-P., Histoire des institutions et des faits sociaux du Cameroun, tome I, Paris, Berger-Levrault, 1987,
p. 1.

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PARTIE I.

L’ORGANISATION COMPLEXE DU CADRE PROCÉDURAL

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« Toutes les institutions, tous les instruments ou mécanismes présentés comme les vecteurs
d’une participation directe des citoyens à la prise des décisions politiques sont des instruments, des
mécanismes qui renforcent et perfectionnent la délégation des pouvoirs ».
Dominique ROUSSEAU 93
L’élection constitue le procédé par excellence de légitimation du pouvoir. Elle fournit aux
gouvernants un titre pour agir et commander, fonde leur pouvoir, assure leur autorité en
même temps qu’elle justifie l’obéissance 94, car « il n’y a, en démocratie d’autorité qu’issue de
l’élection » 95. Elle doit dès lors être entourée des garanties particulières, car, comme le
souligne le professeur Philippe Ardant, la protection du droit de vote suppose l’existence d’un
contentieux électoral, considéré comme important, puisqu’il permet la désignation sincère des
représentants chargés de représenter la volonté générale qu’est le peuple. Il est le contrôle de la
démocratie 96. L’aménagement d’un cadre procédural permettant aux citoyens d’exercer leur
droit de participation à la gestion des affaires de leur cité s’avère à cet égard indispensable.

Le cadre procédural tel qu’organisé au Cameroun est complexe. Cette complexité se


manifeste par l’existence d’un foisonnement d’organes de contrôle (Titre I), et par l’accès
quasi-restreint aux organes compétents (Titre II).

93 ROUSSEAU D., « De la démocratie continue », in D. ROUSSEAU (Dir.), La démocratie continue : Actes du colloque
de Montpellier organisé par le CERCOP avec le parrainage de l’Association française de Science politique, Paris, LGDJ-
Bruylant, 1995, p. 6.
94 MASCLET J.,-C., Le droit des élections politiques, 1ère édition, Paris, PUF, 1992, p. 9.
95 JAUME L., « La représentation : une fiction malmenée », Voter : Pouvoirs, janvier 2002, n°120. p. 13.
Il analyse en effet la philosophie de ROUSSEAU et écrit par ailleurs que « la représentation n’est pas un fait
additif qui résulterait du vote exprimé, mais, en premier lieu ce que le citoyen trouve en lui-même quand il
s’examine du point de vue de l’intérêt et du bien de tous. » op.cit., p. 9. Thomas HOBBES écrit à ce propos
que « dans le véritable système représentatif, tout se fait au nom du peuple et pour le peuple ; rien ne se fait
directement par lui : il est la source sacrée de tous les pouvoirs, mais il n’en exerce aucun. ». BONAPARTE
quant à lui explique le but du système représentatif en ces : « tandis que la force colossale anime toutes les
parties de l’organisation politique, tandis que sa souveraineté, source véritable, source unique de tous les
pouvoirs, imprime à leurs différents actes un caractère solennel et sacré, il vit tranquille sous la protection
des lois. ».
Ressortir les positions des auteurs nous a paru indispensable dans la mesure elles permettent de cerner
l’idéal de la représentation qui ne devrait pas se limiter au vote, mais qui démontre la finalité de ce dernier.
96 ARDANT P., « Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat », op. cit., p. 55.

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TITRE I.

LE FOISONNEMENT D’ORGANES DE CONTRÔLE

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L’alinéa 3 de l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948
énonce le principe selon lequel « la volonté du peuple est le fondement de l’autorité des
pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes […] ». L’élection,
en tant que socle du régime représentatif nécessite une attention particulière de la part des
pouvoirs publics. Cette attention se manifeste par la mise en œuvre des mécanismes efficients
qui permettent la garantie des processus électoraux. Messieurs Laurent Touvet et Yves
Doublet écrivent à ce propos qu’ : « il n’est pas de régime démocratique sans élections et sans
mécanismes permettant de contester la validité des élections » 97.

Les organes de contrôle sont entendus dans le cadre de ce titre, comme l’ensemble des
institutions créées par l’autorité publique, afin de veiller à la régularité des différentes phases
de l’organisation du scrutin. Eu égard à cette définition, l’on pourrait assimiler le contentieux
électoral à un duplex, puisqu’il met en exergue l’image d’une cascade qui voudrait que le
processus électoral se déroule en plusieurs étapes. Une séquence ne pouvant être ouverte, puis
close avant qu’une autre ne soit terminée. Cependant, pour qu’une phase soit close, il faut
nécessairement que le processus administratif se soit correctement déroulé, ou en cas de
réclamation ou de contestation qu’une décision ayant autorité de chose jugée soit intervenue.
Il en résulte que le contentieux électoral fait intervenir divers organes de contrôle selon le type
de scrutin et l’opération électorale en cause.

L’éclatement de la justice électorale ouvre aux électeurs, la possibilité de porter devant des
organes mixtes non juridictionnels ou juridictionnels, des réclamations ou des contestations
relatives à l’organisation ou au déroulement des opérations électorales. Parce qu’une
institution, lorsqu’elle se construit, dépend toujours, pour une part importante, de la
personnalité des hommes qui l’incarnent et la font vivre 98, notre propos dans le cadre de ce
titre, portera sur l’intervention plurielle d’organes non juridictionnels (Chapitre I), et celle des
organes juridictionnels (Chapitre II).

97 TOUVET L., DOUBLET Y.-M., Droit des élections, op. cit., p. 496.
98 ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 52.

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CHAPITRE I.

L’INTERVENTION PLURIELLE D’ORGANES NON JURIDICTIONNELS

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L’institutionnalisation des organes de contrôle des élections rentre dans une logique de
légitimation des élus et de renforcement de la démocratie représentative. La quête de l’idéal de
légitimation des gouvernants se traduit par l’organisation d’élections compétitives et sincères,
puisque le suffrage universel légitime la représentation autant ou plus qu’il donne au peuple la
maîtrise des décisions, et aux partis politiques d’organiser et de reproduire la représentation
autant qu’ils donnent à leurs adhérents ou aux citoyens les moyens d’intervenir dans les choix
politiques. 99

Au Cameroun, les commissions électorales et les organismes de gestion des processus


électoraux sont considérés comme des organes non juridictionnels. Ils interviennent de
manière hiérarchique et diachronique à toutes les étapes, pour contrôler, réguler, superviser les
processus électoraux d’une part, et d’autre part régler le cas échéant, les contestations et
réclamations qui naissent à l’occasion de leur organisation et leur déroulement. Les
commissions électorales ont des compétences variables, elles sont subdivisées en deux
catégories en fonction de leur domaine de compétence (Section I). Les organismes de gestion
des processus électoraux quant à eux sont chargés d’organiser, de gérer et de superviser
l’ensemble des processus électoraux et référendaires. L’objectif principal qui sous-tend leur
création est la restriction de l’hégémonie de l’Administration dans l’organisation et la
supervision des processus électoraux, et la garantie de la régularité, l’impartialité, l’objectivité,
la transparence et la sincérité des scrutins 100 (Section II). L’objet de ce chapitre sera de
démontrer que, l’intervention plurielle d’organes non juridictionnels aux compétences
inégalement reparties, rend hermétique la procédure contentieuse.

99 ROUSSEAU D., « De la démocratie continue », in D. ROUSSEAU (Dir.), La démocratie continue : Actes du colloque
de Montpellier organisé par le CERCOP avec le parrainage de l’Association française de Science politique, op. cit., p 6.
100 Articles 2 de la loi n° 2000/016 du 19 décembre 2000 portant création d’un observatoire national des
élections (Onel) modifiée et complétée par la loi n° 2003/015 du 22 décembre 2003 d’une part et 10
alinéa 1 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral.

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SECTION I.

LA MULTIFONCTIONNALITÉ DES COMMISSIONS ÉLECTORALES

La commission est définie comme « une mission donnée par [le législateur], à un agent de
l’autorité publique, aux fins de surveillance (…), de remplacement (…), de conservation (…)
ou de règlement d’une situation juridique (…).» 101 Elle est l’attribution d’une charge, d’une
fonction par une autorité, une Administration. Elle peut également être considérée comme un
organe institué, dans le but de produire un acte précis, ou d’accomplir un contrôle
préalablement défini et circonscrit. Elle tient sa compétence soit d’un texte juridique, soit d’un
acte d’une autorité administrative.

L’institutionnalisation des commissions électorales voit le jour en Afrique et plus


particulièrement au Cameroun à partir des années 1990, avec l’avènement du pluralisme et
l’organisation d’élections réellement disputées. Elle vise la restriction de l’autoritarisme
administrative et l’ouverture à une gestion intégrante des acteurs politiques à l’organisation des
processus électoraux. Cette impulsion « s’inscrit dans un mouvement général de lutte contre
les régimes autoritaires en place » 102, procède d’une volonté de démocratisation, de libération
politique, et de relégitimation des élections afin de regagner la confiance qui a longtemps fait
défaut aux administrations étatiques 103.

Pour le président Robert Dossou, l’organisation des élections « est une question de culture,
d’habitude et de vécu » 104. L’organisation des élections au Cameroun est soumise à un régime
particulier qui dénote son originalité. En effet, l’article 49 de la loi n°2012/001 portant Code
électoral au Cameroun 105 institue les commissions mixtes chargées des opérations
préparatoires aux élections, de l’organisation et de la supervision des opérations électorales,
ainsi que celles qui contrôlent le déroulement et le recensement général des votes. Celles-ci ont

101 Le lexique des termes juridiques, 22ème édition, Paris, Dalloz, 2014-2015, p. 201.
102 DE GAUDUSSON J.D.B., « Les structures de gestion des opérations électorales : bilan et perspectives en
2000 et … dix ans après », In Démocratie et élections dans l’espace francophone, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 259-
286.
103 THIRIOT C., « La consolidation des régimes post-transition en Afrique, Le rôle des commissions
électorales », Patrick QUANTIN (DIR.), Paris, l’Harmattan, 2004, p. 130.
104 Lire l’intervention du président Robert DOSSOU, ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin.
Pour lui en effet, l’année 1990 marque une implosion du système électoral puisque les partis au pouvoir ont
commencé à perdre les élections et l’on a assisté à l’alternance au pouvoir. Le président Mathieu KÉRÉKOU
battu en 1991 est revenu et a élu en 1996. DOSSOU R., « Les élections en Afrique », in Aspects du contentieux
électoral en Afrique : Actes du séminaire de Cotonou 11-12 novembre 1998, Organisation Internationale de la
Francophonie, Paris, p. 20.
105 L’article 49 susvisé remplace les articles 10 et 26 (nouveau) des lois électorales, fixant successivement les
conditions d’élection et de suppléance du président de la République d’une part et des députés à
l’Assemblée nationale d’autre part.

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une composition mixte, qui leur confère un caractère para-administratif 106. Le professeur
Alain Didier Olinga écrit à ce propos, qu’elles ne sont pas de véritables structures
administratives, encore moins des structures juridictionnelles. Pour lui, ce sont des organes sui
generis de par leurs attributions 107.

L’analyse de l’article 49 susvisé permet de relever de la part du législateur, un souci de clarté


et de simplification des règles qui régissent les élections. Ainsi, l’on note que les différentes
commissions sont subdivisées en fonction des phases du processus électoral. Elles exercent de
manière cumulative, des compétences majoritairement administratives dont la dénomination
renseigne sur le champ d’action, et des compétences de supervision et de règlement des
contestations et réclamations. Elles interviennent dans les différentes phases préélectorale
(§. I), électorale et postélectorale du scrutin (§. II).

§ 1. LA GESTION DIACHRONIQUE DES OPÉRATIONS PRÉPARATOIRES


L’élection est définie par l’article 1er paragraphe 1 du Code électoral de la République
centrafricaine comme « un ensemble de procédures accomplies en vue de la désignation par
tout ou partie du peuple souverain, de ses représentants au sein des instances chargées de la
gestion des affaires publiques au niveau national ou local. » 108. L’article 2 du Code électoral du
Bénin quant à lui la décrit comme le « choix libre par le peuple du ou des citoyens appelés à
conduire, à gérer ou à participer à la gestion des affaires publiques » 109. L’élection sera en
définitive entendue dans le cadre de notre propos comme la procédure par laquelle le peuple
désigne librement ses représentants pour la gestion des affaires publiques de sa cité. Elle est
considérée par le juge constitutionnel ivoirien comme une « approche processuelle,
séquentielle et intégrée » 110. L’élection est appréhendée comme un processus séquentiel qui
respecte un formalisme permettant de gérer de manière échelonnée, les différentes phases du
processus électoral. Outre la détermination du calendrier électoral qui relève exclusivement du
ressort des autorités administratives, il faudrait relever l’intervention des commissions

106 La composition des commissions électorales varie en fonction de l’objet et la consistance de leurs
compétences. Elles sont constituées suivant les cas, d’un président qui est le représentant d’Elecam, le
président du tribunal de grande instance, d’un membre du Conseil constitutionnel ; d’un ou plusieurs
représentants de l’Administration ; du maire, de son adjoint ou d’un conseiller municipal ; d’un représentant
de chaque parti politique légalisé ou du candidat ; des magistrats de l’ordre judiciaire.
107 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », Juridis périodique, n° 41, janv.-
mars 2000, p. 35-52.
108 Loi n°13.003 du 13 novembre 2013 portant Code électoral de la République centrafricaine.
109 Loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant Code électoral en République du Bénin.
110 SINDJOUN L., Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel jurisprudentiel et
politiques constitutionnelles au prisme des systèmes politiques africains, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 507.

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électorales chargées des opérations préparatoires, relatives à l’établissement et la révision des
listes électorales (A), ainsi que l’établissement et la distribution des cartes électorales (B) 111.

A. le rôle ambivalent des commissions de révision des listes


électorales(CRLE)
L’organisation des opérations préparatoires est perçue comme une étape fondamentale, un
préalable du processus électoral qui intéresse principalement le peuple. Le président
Labetoulle les définit comme les « actes administratifs qui constituent le préliminaire des
opérations électorales » 112. Le souci de précision dans la définition de la notion d’opérations
préparatoires dans le cadre de cette étude, découle des remarques du doyen Georges Vedel qui
a écrit dans l’optique d’une délimitation claire des notions voisines, que « tous les évènements
s’enchaînant dans notre monde, pour que le terme de "préliminaire" ait un sens, il faut
entendre "préliminaire nécessaire" (...) » 113. Certes, il serait vain d’étendre une notion à des
éléments qui n’ont pas de lien direct et nécessaire avec elle. Toutefois, eu égard aux
dispositions de l’article 50 du Code électoral définissant les opérations préparatoires comme
celles qui sont relatives à l’établissement et la révision des listes électorales, ainsi que
l’établissement et la distribution des cartes électorales, il serait approprié et simpliste de nous
conformer à l’esprit et à la lettre de la délimitation voulue par le législateur. En ce qu’il est
considéré comme le fondement du système représentatif, comme l’« agent d’exercice par
excellence de la souveraineté nationale » 114, le citoyen joue un rôle fondamental dans la vie
politique d’un État, puisqu’il permet d’assurer sa viabilité. Monsieur Simon Dako note dans ce
sens que parce qu’un processus électoral démocratique se caractérise par son organisation et sa
conduite indépendantes et impartiales, il est nécessaire que le processus électoral soit gérer par

111 Eu égard aux dispositions de l’article 50 du Code électoral, il convient dans le cadre de cette étude, de nous
conformons à la délimitation du législateur qui a voulu, certainement dans un souci de simplification,
délimiter les opérations préparatoires à l’établissement et la révision des listes électorales, puis
l’établissement et la distribution des cartes électorales. Cette délimitation pourrait ainsi se justifiée par l’idée
d’introduction progressive et de facilitation d’une phase qui intervient en amont. A contrario, les opérations
préparatoires, définies de manière extensive par monsieur Richard GHEVONTIAN sont considérées comme
« tous les actes administratifs qui constituent le préalable à l'élection elle-même et qui ont un lien nécessaire
et direct avec elle ». Pour lui en effet, ces actes englobent la convocation des électeurs, le sectionnement des
communes, l’organisation du scrutin, l’enregistrement des candidatures, l’établissement des listes électorales,
et puis les actes relatifs a l'accès à l'antenne du service public de radiodiffusion et de télévision des partis et
des groupements politiques ainsi qu'au financement des formations politiques. GHEVONTIAN R., « Un
labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d'élections politiques », op. cit., p. 794.
112 LABETOULLE D., concl. Sur C.E. Ass., 23 novembre 1984, M. Tête, AJDA, 1985, p. 216, cité par BOITARD E.,
Le contentieux électoral dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Thèse de l’Université de Paris V, 19 janvier
2000, p. 55
113 VEDEL G., J.C.P., 1952, II, 6810.
114 BURDEAU G. Droit constitutionnel et institutions politiques, 20ème édition, Paris, LGDJ, 1984, p. 475.

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un système électoral libre et équitable pouvant affronter avec efficacité les différents types de
scrutins 115.

Instituées par les articles 51 alinéa 2 et 53 alinéa 1 du Code électoral, les commissions en
charge des opérations préparatoires sont les commissions de révision des listes électorales
(CRLE). Elles exercent un rôle ambivalent qui porte cumulativement, sur l’établissement des
listes et le règlement des litiges.

1. L’octroi d’une compétence exclusive en matière d’établissement du fichier


électoral
La compétence d’établir les listes électorales, préalablement attribuée à l’autorité
administrative 116, est désormais confiée aux démembrements territoriaux d’Elecam—
organisme indépendant chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision de
l’ensemble du processus électoral et référendaire (article 4 alinéa 1 du Code électoral)— 117.
Ces derniers, en relation avec les commissions de révision des listes électorales créées par le
Directeur général, élaborent un fichier électoral national, composé de l’ensemble des
personnes qui remplissent les conditions de vote. L’électorat est l’ensemble des personnes
d’un pays, d’une circonscription ou d’un parti qui détiennent le droit de vote, il ouvre la voie à
la jouissance du droit d’inscription sur les listes électorales, et octroie « l’aptitude à prendre
part à une élection par l’expression du suffrage » 118. Cependant, il faudrait relever que la
qualité virtuelle d’électeur à elle seule ne confère pas à un citoyen le droit de prendre part au
vote. Elle se distingue de l’exercice du droit de vote qui rend impérative, l’association des
exigences relatives à la qualité d’électeur, et l’inscription sur les listes électorales. Cette
combinaison fait passer l’électeur d’un statut de citoyen non actif à celui de citoyen actif 119, de

115 DAKO S., « Le contentieux électoral dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle », in Annuaire béninois
de justice constitutionnelle. Dossier spécial 21 ans de jurisrudence de la Cour constitutionnelle du Bénin (1991-2012),
Cotonou-Bénin, Presses Universitaires du Bénin, 2014, p. 625.
116 Articles 12 et 28 respectivement des lois n° 2006/011 du 29 décembre 2006 modifiée et complétée par celle
n°2011/001 du 6 mai et n° 91-20 du 16 décembre 1991 modifiée et complétée par la loi n° 97-13 du
19 mars 1997 et par celle n° 2006/009 du 29 décembre 2006 et fixant les conditions d’élection du président
de la République et des députés à l’Assemblée nationale.
117 Article 51 du Code électoral.
En France, l’établissement et la révision des listes électorales sont confiés à une commission administrative
tripartite constituée pour chaque bureau de vote, composée du maire ou de son représentant, du délégué de
l'administration désigné par le préfet, ou le sous-préfet, et d'un délégué désigné par le président du tribunal
de grande instance. Article L.17 paragraphe 2 du Code électoral.
118 FRANCK CLAUDE, Droit des élections nationales et locales, 1ère édition, Paris, J. Delmas et Cie, 1998, p. 33.
119 Raymond CARRÉ DE MALBERG, en se fondant sur les deux courants d’idées de la Constituante durant la
Révolution française, —la nation en qui réside la souveraineté nationale, prends sa consistance
exclusivement dans les individus qui la composent ; la nation est une unité de nationaux, ainsi, les citoyens
considérés comme un ensemble, cessent de posséder individuellement la souveraineté—, parvient à mettre
en exergue la distinction entre le citoyen passif et le citoyen actif. CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la
théorie générale de l’État, tome II, Paris, Sirey, 1922, p. 431 – 432.

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l’état d’électeur virtuel à celui d’électeur réel, mutation qui lui confère le « pouvoir
électoral » 120.

Considérée comme un préliminaire obligé, un acte d’une extrême importance 121, la liste
électorale a pour but de recenser les citoyens qui possèdent le droit de vote, et qui sont
appelés s’ils le désirent, à l’exercer dans le cadre d’une circonscription électorale rattachée au
lieu de leur domicile. Elle est définie comme « l’état nominatif des citoyens habilités à exercer
leur droit de suffrage dans la circonscription qu’elle recouvre » 122. Conformément aux
dispositions de l’article 6 de la loi n° 2000-514 du 1er août 2000 portant Code électoral ivoirien,
elle est « un document administratif sur le lequel sont inscrits l'ensemble des électeurs ».
Monsieur Siaka Sankaré relève le rôle fondamental de la liste électorale dans l’organisation des
processus électoraux, en la définissant comme le « socle de tout processus électoral et la
colonne vertébrale de tout système électoral » 123. À cet égard, elle est un répertoire de citoyens
qui remplissent les conditions de l'électorat, « un document administratif sur lequel sont
inscrits l’ensemble des électeurs » 124. Le régime de l’inscription sur les listes électorales varie
suivant les États. Elle peut être considérée comme un droit 125, un devoir 126, ou une

120 JEZE G., Les principes généraux du droit administratif, tome 2, Dalloz, 2005, p. 549.
Lire par ailleurs les développements sur le chapitre consacré à la nation, in DUGUIT L., L’État, les gouvernants
et les agents, Paris, Dalloz, 2005, p. 55-102. Il en ressort que, tout individu vivant dans la société, détient un
droit individuel qui s’impose au législateur qui doit le constater. En revanche, il convient de mentionner que
la qualité de citoyen à elle seule, ne confère pas l’exercice de la fonction électorale.
121 GHEVONTIAN R., « Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d’élections
politiques », RFDA, 1994, p. 796.
122 PERRINEAU P., REYNIÉ D., (Dir.), Dictionnaire du vote, 1ère édition, Paris, PUF, 2001, p. 582.
Julien LAFERRIÈRE définit la liste électorale comme le catalogue, par ordre alphabétique, des électeurs d’une
commune, dont l’utilité est de faire le triage entre les habitants de la commune qui sont électeurs et ceux qui
ne le sont pas, afin de déterminer le nombre d’électeurs de la circonscription électorale. (LAFERRIÈRE J.,
Manuel de droit constitutionnel, 2ème édition, Paris, Domat Montchrestien, 1947, p. 497).
123 SANKARE S., « Établissement d’un état-civil et listes électorales fiables », in : Démocratie et élections dans l’espace
francophone, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 287-301.
124 Article 6 du Code électoral ivoirien.
125 C’est la faculté d’exercer son droit d’inscription sur la liste électorale ou de s’abstenir de le faire. Cette
abstention n’est cependant pas sanctionnée.
Le dictionnaire du moyen-âge DMF (1330 - 1500) définit le droit comme ce qu’il est légitime de posséder,
de faire, d’exiger… dans le cadre de règles établies ; la faculté de disposer, de jouir de quelque chose, de
revendiquer quelque chose dans le cadre de règles établies. Il est par ailleurs définit comme un ensemble de
règles (morales ou juridiques) à caractère contraignant, régissant le comportement et les rapports des
hommes en société.
Dans le cadre de notre travail, nous nous limiterons à la deuxième définition, puisqu’il est question de
disposer de manière facultative de son droit de vote, celui-ci pouvant être garanti conformément aux règles
prévues par la législation en vigueur. Cette définition est tirée du CNRTL (centre national de ressources
textuelles et lexicales), [en ligne] www.cnrtl.fr/definition/dmf/droit. (Consulté le 08/09/2012).
126 Le devoir s’apparente à l’obligation et est définie comme toute conduite à tenir, tout acte à accomplir en
vertu d'une obligation de caractère religieux, moral ou légal. Définition du TLFI tirée du CNRTL (centre
national de ressources textuelles et lexicales), [en ligne] www.cnrtl.fr/definition/devoir/substantif.
(Consulté le 08/09/2012).

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obligation 127. Les opérations d’établissement des listes électorales sont soumises à deux
procédures. Elles s’effectuent par la voie de révision classique, ou par la voie d’une refonte
intégrale des listes électorales préexistantes 128.

Dans le cadre de la procédure classique de révision, les commissions procèdent à


l’inscription sur les listes électorales, pendant les périodes normales, et en dehors des périodes
de révision 129. À l’occasion de la révision annuelle des listes électorales, les commissions

127 L’inscription sur la liste électorale est un droit pour les citoyens camerounais, ivoiriens, congolais
(successivement : articles 71, 5, 8). Elle est un droit et un devoir pour tout citoyen tchadien, remplissant les
conditions légales requises (article 8) ; elle est un devoir pour les béninois, et obligatoire pour les citoyens
centrafricains et ceux de la Guinée Conakry (24 et L.6).
En France par contre, l’on observe un clair-obscur, l’inscription sur les listes électorales est volontaire et
obligatoire. Le paradoxe rattaché à l’inscription sur les listes électorales découle, pour ce qui est de
l’obligation, de l’idée d’un électorat-fonction héritée de l’idée de la souveraineté nationale, qui fait de la
citoyenneté, non pas un droit individuel, mais une fonction sociale que le titulaire ne peut décliner. Quant à
l’aspect volontariste, il procède du droit fondamental de participation dont est titulaire chaque citoyen dans
sa société.
Le caractère volontariste de l’inscription découle des dispositions de l’article L. 11 de la partie législative du
Code électoral français. En application de ces dispositions, sont inscrits sur la liste électorale sur leur
demande, tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au
moins, ceux qui figurent pour la cinquième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au
rôle d'une des contributions directes communales et, s'ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré
vouloir y exercer leurs droits électoraux. Tout électeur ou toute électrice peut être inscrit sur la même liste
que son conjoint au titre de la présente disposition, ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans
la commune en qualité de fonctionnaires publics. Sont également inscrits, dans les mêmes conditions, les
citoyens qui, ne remplissant pas les conditions d'âge et de résidence ci-dessus indiquées lors de la formation
des listes, les rempliront avant la clôture définitive. A contrario, l’on observe que les articles L. 9 et 11-1 de la
loi n°97-1027 du 10 novembre 1997 impose l’inscription d’office des personnes âgées de 18 ans depuis la
dernière clôture définitive des listes électorales, ou la rempliront avant la prochaine clôture définitive des
listes électorales.
Lire sur la question, le Dictionnaire du Vote, op.cit., p. 582-583.
128 Les opérations relatives à l’établissement ou à la révision de la liste électorale, initialement limitées dans une
période bien prédéfinie, s’étendent désormais en année civile et prennent fin avec la convocation du corps
électoral qui se fait 90 jours avant le scrutin. Le fonctionnement complexe et quasi-inexistant des
commissions mixtes en charge des inscriptions sur les listes électorales en année non électorale, a subi de
profondes mutations avec l’adoption du nouveau Code électoral. Les articles 78, 79 et 80 fixent un
chronogramme du fonctionnement des commissions chargées de la révision des listes électorales : au plus
tard le 5 septembre, le président de la CRLE adresse un procès-verbal des travaux de la dite commission au
démembrement départemental d’Elecam ; après la saisie des vérifications du fichier provisoire le
responsable départemental d’Elecam transmet les listes électorales provisoires au démembrement
communaux pour affichage au plus tard le 20 octobre. La CRLE adresse au plus tard le 10 novembre le
procès-verbal des opérations rectificatives au démembrement départemental. À la suite de l’établissement
du fichier électoral révisé, le démembrement départemental transmet au ledit fichier au directeur général
des élections qui établit et rend publique la liste électorale au plus tard le 30 décembre.
129 L’article 74 alinéa 1 prévoit une révision annuelle des listes électorales sur l’ensemble du territoire national.
Cette période court du 1er janvier au 31 août de chaque année.
L’inscription en dehors de la période normale de révision s’opère sans conditions de résidence, elle est
cependant soumise à des conditions restrictives. En application aux dispositions des articles 82 et 83 du
Code électoral, peuvent être inscrits en dehors des périodes de révision, les fonctionnaires et agents des
administrations publiques, des agents du secteur privé, mutés ou admis à faire valoir leurs droits à la retraite
après la clôture des délais d’inscription, ainsi que les membres de leurs familles domiciliés avec eux à la date
de la mutation ou de la mise à la retraite. Les militaires démobilisés après la clôture des délais d’inscription
peuvent également, s’ils le désirent se faire inscrire sur les listes électorales.

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électorales procèdent par addition, à l’inscription des électeurs qui viennent d’acquérir la
capacité électorale ; à celle de ceux qui ont changé de lieu de résidence ; ou qui ont été
indûment omis, l’objectif étant la garantie de la permanence et de la pérennité des listes
électorales 130. Les commissions peuvent par ailleurs procéder par retranchement, et radier 131,
les noms des personnes qui n’ont plus de raison de figurer sur le fichier électoral de la
commune concernée, et partant ne peuvent plus voter, pour cause de décès ; d’incapacité
intervenue de manière ordinaire ou par voie d’intervention d’une décision judiciaire ; ou celles
qui ont été indûment inscrites. Cette procédure de radiation vise à éliminer des doublons qui
existent sur les listes électorales et participe à une harmonisation nationale du fichier électoral.

La procédure de refonte des listes électorales que l’on pourrait qualifier d’exceptionnelle,
permet quant à elle de procéder à « la reconstitution intégrale des listes électorales » 132. La
refonte des listes prend en compte tous les changements qui sont intervenus dans la vie des
électeurs potentiels. Elle vise essentiellement à refaire un nouveau fichier électoral. La décision
d’opérer la refonte des listes électorales n’appartient cependant pas aux commissions
électorales. Initialement confiée au ministre de l’Administration territoriale et de la
décentralisation, la décision de refondre les listes électorales relève désormais des attributions
du Directeur général des élections. Ce dernier procède par décision, à l’occasion de la révision
annuelle, après avis conforme du Conseil électoral, à une refonte complète des listes
électorales 133.

130 L’article 74 alinéa 1 du Code électoral camerounais dispose à cet égard que les listes électorales sont permanentes.
Elles font l’objet d’une révision annuelle sur l’ensemble du territoire national. Il faudrait cependant, rappeler que les
dispositions du titre X du Code électoral camerounais, étendent désormais le territoire national aux
représentations diplomatiques et consulaires des pays de rattachement des citoyens camerounais établis ou
résidant à l’étranger.
Voir par ailleurs les articles L. 16 paragraphes 1 et 2 du Code électoral français ; 30 du Code électoral de la
République centrafricaine ; 11 du Code électoral béninois, etc.
131 La radiation se manifeste de diverses manières. Elle est d’office en cas de décès. En revanche, elle est
soumise à une notification préalable à l’électeur en cas d’inscription multiple sur les listes électorales.
L’électeur dispose dès lors d’une option lui permettant de choisir la liste sur laquelle il aimerait maintenir
son inscription. L’article 73 du Code électoral dispose que lorsqu’un électeur a été inscrit sur plusieurs listes,
seule la dernière inscription est prise en compte. Sauf option contraire de l’électeur. La radiation sur les
autres listes est d’office.
132 Article 76 alinéa 1.
133 La refonte du fichier électoral n’est pas rattachée à sa révision. L’on relève que la dernière refonte du fichier
électoral au Cameroun remonte à la période de l’élection du président de la République du 11 octobre 2004.
Le gouvernement avait entrepris à cette occasion la refonte complète des listes électorales afin d’effectuer
un toilettage et d’actualisation du fichier national, préalable à l’informatisation des listes électorales qui,
malgré les imperfections constatées, s’est concrétisée lors du double scrutin de 2007 relatif à l’élection des
conseillers municipaux et des députés à l’Assemblée nationale.
La procédure d’inscription sur les listes électorales pour l’élection présidentielle de 2011 a entraîné de
nombreuses revendications de la part des partis politiques qui exigeaient la refonte du fichier électoral
comme gage de transparence de l’élection à venir d’une part, et comme élément de matérialité de
l’indépendance d’Elecam qui devait consacrer une rupture avec le système électoral préexistant d’autre part.
Ces revendications sont restées vaines, et l’on a constaté et décrié à l’occasion de l’élection présidentielle du

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Même si les commissions électorales sont constituées d’une manière composite 134 qui
dénote le souci d’une action participative des différents acteurs sociopolitiques 135 dans la
détermination du collège électoral apte à exercer le droit de vote 136, on remarque qu’elles ne
bénéficient d’aucun gage d’indépendance et de neutralité dans leur fonctionnement,
contrairement à d’autres pays tels que le Bénin. En effet, les listes électorales étant établies par
les démembrements d’Elections cameroon en relation avec les commissions mixtes, on note
un risque de partialité au regard tant de la composition que du fonctionnement cette structure.
Parce que les responsables d’Elections Cameroon sont nommés sur une base subjective et
arbitraire, on pourrait redouter une politisation des institutions électorales chargées de la
gestion de la liste électorale considérée comme « la colonne vertébrale du processus
électoral » 137. Au Bénin, le législateur a ôté à la Commission Électorale Nationale Autonome,

09 octobre 2011 l’existence des doublons, des omissions et des erreurs sur le fichier électoral national que la
procédure d’informatisation mise sur pied depuis 2007 aurait dû éliminer.
Lire à ce propos le rapport de la mission d’observation de l’élection présidentielle du 11 octobre 2004 au
Cameroun dépêchée par le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)
du 6 au 15 octobre 2004, 65 p., p. 25… En ligne disponible sur :
democratie.francophonie.org/article.php3 ?id_article=1927&id….( Consulté le 15/11/2009).
134 La commission est composée de manière quadripartite, elle est présidée non plus par un représentant de
l’administration, mais par celui d’Elecam, et comporte un représentant de l’Administration désigné par le
sous-préfet, du maire ou un adjoint au maire ou un conseiller municipal, et d’un représentant de chaque
parti politique légalisé et présent sur le territoire de la commune concernée. Le directeur général des
élections a la charge de constituer, gérer et mettre à jour le ficher électoral national et de publier les listes
électorales sous le contrôle et la supervision du Conseil électoral.
135 Dans certains pays africains le législateur a opté de confier à une commission indépendante, l’exécution de
l’ensemble des opérations électorales (voir sur ce point les articles 6 de la loi n° 2000-514 du 1er août 2000
portant Code électoral de la Côte d’ivoire ; 11 de la loi n° 2000-18 du 03 janvier 2001 portant règles
générales pour les Élections en République du Bénin; 1er paragraphe 2 de la loi n 003 /PR/2009 portant
Code Électoral tchadien ; L. 2 de la loi n° 2009-09 du 16 janvier 2009 portant Code électoral sénégalais).
A contrario, certains États, à l’instar du Cameroun, ont choisi la mixité. Ainsi, l’établissement du fichier
électoral est effectué par deux organes, la commission mixte indépendante en relation avec l’Administration
(voir l’article 9 du Code électoral de la République centrafricaine) ; l’Administration et les commissions
électorales (article 7 du Code électoral gabonais).
L’article 7 de la loi du 24 novembre 2001 portant loi électorale en République du Congo, à l’exemple de
celui L.17 de la partie législative du Code électoral français —nous nous limitons à cette énumération non
exhaustive— confirment le rôle régalien de l’Administration dans le domaine de l’administration territoriale
notamment, celui de l’organisation des consultations électorales.
136 Messieurs HOUNKPE M., MADIOR FALL I. décrivent la liste électorale comme l’élément qui détermine la
démocratie, comme une composante clé de tout le processus électoral. Ainsi, la défaillance ou des
manipulations frauduleuses constatées dans la liste électorale pourrait entraîner l’exclusion de vrais citoyens
au profit de personnes non qualifiées et biaiser le principe de la représentation démocratique. Les commissions
électorales en Afrique de l’Ouest: Analyse comparée, op. cit, p. 126 - 127.
La mixité des commissions de révision permet de corroborer la pensée du professeur Jean-Claude
MASCLET qui voit en l’élection un facteur d’adhérence de la société politique, in « Rapport introductif». in
Aspects du contentieux électoral en Afrique : Actes du séminaire de Cotonou 11-12 novembre 1998, Organisation
Internationale de la Francophonie, Paris, p. 33.
137 SANKARE S., « Établissement d’un état-civil et listes électorales fiables », op. cit., p. 288.

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la compétence de réviser la liste électorale permanente informatisée (LEPI) 138 qui est
désormais exercée par la Mission Indépendante de Recensement Electoral National
Approfondi (MIRENA) sous la tutelle de la Commission politique de supervision 139. Celle -ci
est entourée de garanties d’indépendance, d’impartialité et de neutralité qui résultent de la
désignation de ses membres. La Mission indépendante de recensement électoral national
approfondi (MIRENA) est composée de neuf (09) personnalités reconnues pour leur
compétence, leur probité, leur impartialité, leur sens patriotique. Ils sont désignés sur la base
des critères de technicité 140 et sur appel à concurrence par la Commission politique de
supervision 141, et ne peuvent être ni membres des institutions prévues par la Constitution, ni
membres des Conseils communaux, municipaux, de village ou de quartier de ville, ni membres
des organes directeurs nationaux des partis politiques, et sont installés à chaque période de
révision de la liste électorale permanente informatisée qui se déroule tous les dix (10) ans 142.

À l’analyse, si le système béninois ne peut être considéré comme une panacée, il convient
toutefois de souligner qu’il est semble plus protecteur du droit de vote des citoyens et partant
de l’égalité qui s’y rattache. Il est dès lors impératif que le législateur camerounais réaménage

138 Article 11 de la loi n°2000-18 du 03 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République
du Bénin modifié et completé la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013.
139 L’article 186 du Code électoral béninois dispose que la Commission politique de supervision est un organe
administratif qui comprend des membres du Gouvernement, de l’Assemblée nationale, de l’Union nationale
des magistrats du Bénin, de l’Ordre des avocats et de la société civile. Elle dispose d’une réelle autonomie
par rapport aux institutions de la République.
140 L’article 192 du Code électoral béninois dispose que la MIRENA comprend un (1) démographe ; un (1)
sociologue ; un (1) informaticien ; un (1) statisticien ;un (1) spécialiste en cartographie ; un (1) spécialiste en
gestion et planifi cation ; un (1) spécialiste des techniques biométriques ; un (1) spécialiste des questions
d’élections ; un (1) magistrat ayant au moins dix (10) ans d’expérience.
A l’exception du spécialiste en gestion et planifi cation, du spécialiste des questions d’élections et du
spécialiste des techniques biométriques, les candidats aux fonctions de membres de la Mission
indépendante de recensement électoral national approfondi doivent justifi er d’une expérience d’au moins
dix (10) ans dans leur domaine de compétence respective. La Mission indépendante de recensement
électoral national approfondi est assistée de l’opérateur de la technologie biométrique.
Elle est dirigée par un bureau de trois (03) membres dont un (01) président ; un (01) gestionnaire-
comptable ; un (01) secrétaire-rapporteur chargé de la communication. En dehors du président qui est
nommé par la Commission politique de supervision conformément à l’article 189 alinéa 5 ci-dessus, les
autres membres du bureau sont élus par leurs pairs.
Les six (06) autres membres sont désignés chacun, délégué au recensement de l’aire opérationnelle.
141 L’article 188 du Code électoral béninois dispose que les membres de la Commission politique de
supervision sont nommés en Conseil des ministres. Elle est composée de quinze (15) membres désignés à
raison de deux (02) par le Président de la République ; neuf (09) par l’Assemblée Nationale en tenant
compte de sa configuration politique ; un (01) par la société civile ; un (01) par l’Ordre des avocats ; un (01)
par l’Union nationale des magistrats du Bénin ; le Secrétaire administratif permanent du Secrétariat
administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome.
Elle est dirigée par un Bureau de trois (03) membres dont un superviseur général élu par ses pairs qui
préside les séances ; un secrétaire général chargé du courrier et de la préparation des séances qui est le
Secrétaire administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome ; un rapporteur élu par
ses pairs.
142 Article 189 du Code électoral béninois.

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de manière substantielle les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des
commissions électorales, afin de les doter d’un personnel qualifié et d’un statut juridique qui
crée et renforce leur indépendance et leur neutralité de la praxis politique et partant, un acteur
privilégié dans la gestion du pouvoir politique 143. L’organisation de la procédure relative à
l’établissement d’un fichier électoral ne va pas sans anicroches, puisqu’elle contribue à faire du
citoyen simple un ayant droit. Ainsi, dans un souci de garantir la fiabilité du fichier électoral et
le respect des droits civils et politiques des citoyens, le législateur met en œuvre un mécanisme
de règlement des litiges qui peuvent survenir à l’occasion de la gestion des opérations relatives
à la liste électorale.

2. L’octroi d’une compétence partagée de règlement des différends


« Sans listes électorales fiables, il n’est pas possible d’organiser des élections crédibles et
exemptes de toute contestation » 144. Cette affirmation soulève la problématique relative à la
garantie de la régularité des opérations d’établissement et de révision du fichier électoral. Le
terme différend, entendu dans un sens large, englobe les contestations et les réclamations qui
peuvent naître à l’occasion de l’organisation des opérations d’établissement ou de révision du
fichier électoral. Les compétences contentieuses des commissions de révision sont minimes,
leur champ d’action en matière contentieuse est relativement dynamique. Les articles 77 et
78 alinéa 3 du Code électoral leur accordent une compétence de règlement des litiges en aval
et en amont de la publication des listes provisoires.

En aval de la publication des listes électorales provisoires, Les commissions de révision


examinent les demandes d’insertion, suite à l’omission d’une inscription ou radiation sur les
listes électorales. En revanche, elles interviennent en amont après la publication des listes
électorales provisoires, concurremment avec la commission départementale de supervision,
pour régler les contestations ou réclamations relatives aux irrégularités ou omissions
constatées sur les listes 145. L’intervention contentieuse des commissions de révision soulève
cependant la question de la portée de leur action.

En procédant par une analogie calquée sur le droit civil, nous pourrons énoncer sans
affirmation péremptoire, l’hypothèse selon laquelle l’intervention des commissions de révision
trouve de manière médiate, son assise dans les principes énoncés par l’article 1382 du Code
civil qui dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige

143 Monsieur CONTOGEORGIS définit le simple citoyen comme celui qui est gouverné selon le principe de la
représentation. CONTOGEORDIS G., « Le citoyen dans la cité », In Bernard BADIE, Pascal PERRINEAU
(Dir.), Le Citoyens- Mélanges offerts à Alain LANCELOT, Paris, Presses de sciences Po, 2000, p. 51-97.
144 Rapport sur l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone : Bamako, dix ans après
2000-2010, Paris, Organisation internationale de la francophonie, 2010, p. 60.
145 Article 78 alinéa 3 du Code électoral.

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celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». De la sorte, il est plausible de penser que le
législateur, en conférant premièrement aux commissions de révision la compétence de régler
les omissions constatées sur les listes électorales, offre à celles-ci l’opportunité de réparer le
tort qu’elles ont causé par leur omission au citoyen requérant.

Dans la même perspective, par une analyse des phases d’intervention des commissions de
révision, et en les confrontant au contentieux administratif, l’on pourrait s’interroger sur le
sens de la saisine préalable des commissions de révision. Peut-on assimiler leur saisine à un
recours préalable —malgré le fait qu’il est de principe que le recours gracieux préalable soit
exclu en matière électorale— qui pourrait aboutir ou non, devant les instances supérieures,
notamment les commissions de supervision ou le Conseil électoral ? À notre avis, il serait plus
séant de répondre de manière nuancée. La compétence des commissions de révision est
organisée de manière hiérarchique. A priori, et logiquement, le citoyen ne pourrait valablement
saisir les commissions de supervision, ni le Conseil électoral sans avoir au préalable saisi en
amont, les commissions de révision pour demander son insertion sur les listes électorales 146.
Cette logique est confortée par le juge électoral qui se déclare généralement incompétent,
lorsqu’il est saisi des contestations relatives aux opérations préparatoires. En revanche, si la
saisine des commissions de révision peut être assimilée à un recours préalable, il conviendrait
de relever que le législateur l’a précarisé en aménageant, par l’emploi de l’adverbe « le cas
échéant » 147, une sorte d’éventualité, ou d’option pour le requérant. De la sorte, nous
pourrions à juste titre étendre notre raisonnement en formulant l’hypothèse de l’existence d’un
recours préalable en matière de contentieux des listes électorales au Cameroun. Cette
spécificité camerounaise en matière de contentieux de la liste électorale participe à élever le
citoyen à un statut de « hétairos de plein droit », qui permet d’être gérant et tenant du
processus politique 148.

Étant donné, comme le relève à propos le professeur Bernard Raymond Guimdo, que les
listes électorales constituent « des instruments décisifs dans le processus électoral, car elles ont

146 Cette ambigüité, entretenue les dispositions de l’article 6 paragraphe 7 de la loi n° 2000/
du 16 décembre 2000, modifiée et complétée par la loi n° 2003/015 du 22 décembre 2003 portant création
de l’Observatoire national des élections, donnent compétence à l’Onel de contrôler le fonctionnement des
commissions mixtes chargées de l'établissement et de la révision des listes électorales, superviser et
contrôler les opérations d'établissement, de conservation et de révision des listes électorales, superviser et
contrôler les opérations de distribution des cartes électorales. L’Onel connaît en outre de toute réclamation
ou contestation concernant les listes et cartes électorales non réglées par les commissions de supervision
compétentes. Il en découle que l'Onel supervise et contrôle le travail des instances de supervision et de
contrôle. Cela reviendrait-il à considérer l'Onel comme une sorte l'organe de contrôle de second degré ?
147 L’alinéa 3 de l’article 78 du Code électoral dispose que « dès la publication des listes électorales provisoires,
tout parti politique, tout électeur peut saisir la commission de révision ou, le cas échéant, la commission
départementale de supervision des irrégularités ou omissions constatées ».
148 Lire à ce propos, CONTOGEORGIS G., « Le citoyen dans la cité », in Mélanges offerts à Alain LANCELOT, op.
cit., p. 62.

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une influence sur l’issue du processus électoral » 149, il convient de relever que cette phase doit
être parachevée par la délivrance d’un titre qui atteste de la qualité d’électeur.

B. La malléabilité du contrôle des commissions chargées de


l’établissement et de la distribution des cartes électorales (CCEDCE)
La carte électorale est un document permanent que doit recevoir l’électeur à la suite de son
inscription sur la liste électorale. Elle est assimilée à un passeport, à une pièce nécessaire —
mais non indispensable 150, qui permet d'identifier l'électeur le jour du vote, puisque sa
détention lui confère son statut d’électeur. Les cartes électorales, à l’instar des listes électorales
sont permanentes, présentent une forme identique, et servent à toutes les consultations
politiques.

Les commissions de contrôle de l’établissement des cartes électorales, instituées par


l’article 53 du Code électoral, sont créées au niveau de chaque commune. Elles sont chargées
d’établir et d’assurer la distribution des cartes électorales. Toutefois, le caractère séquentiel de
la gestion de leurs compétences rend le rôle des commissions nébuleux et inopérant.

1. Le caractère nébuleux du contrôle des opérations relatives à l’établissement de


la carte électorale
La délivrance d’une carte électorale biométrique est soumise à l’inscription préalable sur les
listes électorales 151. La compétence des commissions de contrôle de l’établissement des cartes
électorales est organisée de manière imprécise. La lecture littérale de l’article 53 alinéa 1 152
laisse transparaître l’exercice d’un rôle subsidiaire par la commission de contrôle de
l’établissement et de la distribution des cartes électorales, puisqu’elles n’établissent pas elles-
mêmes les cartes électorales, mais contrôlent simplement la régularité de leur établissement.

Quid de l’organe chargé de l’établissement, si la CCEDCE n’assure qu’un rôle de contrôle.


Cette problématique pourrait désormais trouver une ouverture rationnelle, avec la

149 GUIMDO DONGMO B. R., « Le contentieux des listes et cartes électorales », Rapport des ateliers de formation
« PAJ ». : Sur le contentieux électoral-le contentieux électoral municipal : le contentieux des opérations préélectorales, Kribi,
28 - 31 mai 2012, p. 3.
150 L’article 103 alinéa 2 du Code électoral atténue le rôle fondamental d’identification attaché à la carte
électorale.
En revanche, l’on pourrait considérer que la présentation d’une pièce permettant indiscutablement
d’identifier l’électeur, peut être valablement admise, puisque conformément aux dispositions de
l’article 84 du Code électoral les éléments obligatoires que doit contenir une carte électorale sont : les noms,
prénoms, date et lieu de naissance, filiation, photo, empreintes digitales, profession, domicile ou résidence.
151 Cependant, il faudrait relever que celle-ci est différée, l’électeur reçoit un récépissé qui atteste de son
inscription sur la liste électorale, mais c’est au vu de ce dernier qu’il pourra prétendre au retrait de sa carte
d’électeur. Voir les articles 84 alinéa 1 et 85 alinéa 3 du Code électoral.
152 Cet article dispose qu’ : « il est crée (…) plusieurs commissions chargées du contrôle de l’établissement et
de la distribution des cartes électorales ».

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modernisation des processus électoraux qui ouvre la voie à l’enrôlement du Cameroun au
système biométrique des cartes électorales. Peut-on justement penser que la CCEDCE sera
chargée de contrôler l’opération d’établissement confiée à une structure externe ? 153 L’on
pourrait répondre par l’affirmative, ce qui permettra à la CCEDCE d’accomplir efficacement
son rôle. En revanche, contrairement aux opérations relatives à la liste électorale, l’on observe
que le législateur ne précise pas les modalités du contrôle exercé par ces commissions de
contrôle. Faudrait-il éventuellement penser à un contrôle a priori ou a posteriori ? Le contrôle a
priori de ces opérations sera assimilé à une vérification en amont du respect des conditions de
forme et de fond donnant droit à l’établissement d’une carte électorale. Ce contrôle pourrait se
révéler inintéressant et sans objet, puisque le citoyen se sera préalablement inscrit sur la liste
électorale. En revanche, le contrôle a posteriori pourrait s’avérer opportun, puisqu’il intervient
postérieurement à l’établissement des cartes électorales et porte sur leur distribution,
permettant ainsi de combattre les nombreuses fraudes décriées en l’occurrence, celles qui se
rapportent aux distributions sélectives et discriminatoires, et au vote multiple de certains
électeurs.

L’hypothèse d’un contrôle a posteriori est à cet égard confortée par les dispositions
antérieures de l’article 84 alinéa 3 du Code électoral qui prévoient que la distribution des cartes
s’opère quarante (40) jours avant le scrutin. Ce délai susmentionné permettrait à un électeur
régulièrement inscrit sur la liste électorale, et possédant le récépissé qui atteste de son
inscription, de réclamer devant l’organe compétent en l’occurrence la CCEDCE, la délivrance
de sa carte électorale. Quid du contrôle juridictionnel ? Le Code électoral est silencieux sur la
question, et l’on observe que le juge électoral se déclare généralement incompétent lorsqu’il est
saisi des questions y afférentes. Cette attitude du juge électoral laisse penser à l’intervention
des organes non juridictionnels en premier ressort, puis, éventuellement celle du juge judiciaire
en dernier ressort. La complexité de la procédure relative à l’établissement et à la distribution
des cartes électorales relevée au Cameroun tranche nettement avec celle de certains États
africains. Ces opérations sont confiées soit à une structure indépendante chargée de gérer les
processus électoraux 154, soit elles sont confiées à l’Administration, et elles s’opèrent de

153 La biométrisation du fichier électoral camerounais a été confiée le 1 avril 2012 à l’entreprise allemande
Giesecke CID. Cette entreprise aura entre autres pour attributions, l’établissement des cartes électorales
biométriques.
154 C’est le cas de la République centrafricaine (l’article 44 du Code électoral dispose que les cartes d'électeur
sont imprimées par les soins de la CEI qui se charge de les faire parvenir aux comités locaux dans des
cantines scellées, et il en est donné décharge) ; du Tchad (conformément aux dispositions de l’article 32, les
cartes d’électeur biométriques sont éditées par la CENI qui en arrête le modèle ainsi que le délai de
validité.) ; et du Bénin (l’article 15 paragraphe 3 du Code électoral dispose que le choix de la carte d'électeur
infalsifiable relève de l'appréciation souveraine de la CENA).
En revanche, certains pays conservent la procédure d’établissement des cartes d’électeur à l’Administration
c’est le cas du Gabon, nonobstant l’intervention de la Commission Nationale Électorale Autonone et
Permanente (CENAP) dans l’organisation et la supervision des scrutins. L’article 53 du Code électoral

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manière successive. Elles commencent par l’établissement des cartes, et s’achèvent avec leur
distribution.

2. Le caractère extensible du contrôle des opérations de distribution des cartes


électorales
Monsieur Abdoulkarimou écrit opportunément que, « la distribution des cartes d’électeur
semble être l’un des tendons d’Achille du processus électoral camerounais, un épineux
problème » 155. La distribution des cartes électorales est faite sous le contrôle de la commission
de contrôle de l’établissement et de la distribution des cartes électorales. Cette réglementation,
en apparence explicite, contient des germes d’imprécisions, puisque la loi ne renseigne pas sur
l’organe chargé d’assurer cette tâche. En revanche, il faudrait mentionner que les dispositions
législatives antérieures étaient plus explicites, le législateur prévoyait de manière lacunaire mais
précise, l’organe chargé de distribuer les cartes électorales 156.

Le caractère lacunaire des textes est source d’une distribution anarchique, fantaisiste et
discriminatoire. Les retraits des cartes ne se faisaient plus individuellement, mais l'on assistait à
des retraits en masse par les responsables des partis politiques. De même, la délocalisation de
la distribution si elle avait pour but de faciliter la distribution, était mal organisée. On
retrouvait ainsi les cartes dans les chefferies, entre les mains des "élites", des chefs de district
etc. La conséquence inévitable et immédiate était un manque de rigueur dans la distribution
des cartes, caractérisé par des délivrances multiples et frauduleuses qui favorisaient des votes
multiples, des charters électoraux.

Lors des précédentes échéances électorales organisées au Cameroun, l’on a opéré le constat
selon lequel la mauvaise gestion des opérations relatives à la carte électorale était l’objet des
nombreux recours intentés par les partis politiques devant le juge électoral 157.

dispose que ma carte électorale est remise au titulaire par l’Administration après traitement annuel de la liste
électorale par arrêté du ministre chargé de l’intérieur.
155 ABDOULKARIMOU, La pratique des élections au Cameroun, 1977-2007 : Regard sur un système électoral en mutation,
Yaoundé, Éditions Clé, 2010, p. 119.

156 Les articles 49 alinéa 2 et 65 alinéa 3 des lois n°s 92-010, et 91-20 relatives successivement à l’élection du
président de la République et des députés à l’Assemblée nationale disposent en effet qu’en cas de
renouvellement des cartes et de nouvelles inscriptions sur les listes électorales, et lorsque les cartes étaient
déposées à la sous-préfecture, celles-ci devaient être distribuées dans les quinze (15) jours qui précèdent le
scrutin.

157 Lire à ce propos, MANDENG D. « Le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun ».
Mémoire de DEA de l’Université de Douala, 2004-2005, p. 47-49.
Voir également le rapport de l’OIF dans le cadre de sa mission d’observation de l’élection présidentielle
du 11 octobre 2004 a relevé certains dysfonctionnements liés à la gestion de cette procédure. Il s’agissait
notamment, de la brièveté des délais dans la distribution des cartes pouvant occasionner des risques
d’embouteillage ou de cafouillages, de distribution parcimonieuses, des cas de suspicions de fraudes dans la
gestion des cartes confiées à des personnes non compétentes, p. 7.

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L’article 53 alinéa 3 du nouveau Code électoral camerounais affine fort heureusement le
régime des commissions chargées des cartes électorales. Il en ressort que, quinze (15) jours
avant le début des opérations de distribution des cartes électorales, le directeur général des
élections constate par décision la composition des commissions, et transforme les
commissions de révision des listes électorales en commissions de contrôle de l’établissement
et de distribution des cartes électorales 158. Cette transformation, bien qu’assimilable à une
absorption de la CCEDCE par la CRLE paraît satisfaisante. Elle assainit le caractère
labyrinthique de la procédure d’établissement et de distribution des cartes électorales, la
rendant plus digeste pour les électeurs qui devront retirer leurs cartes d’électeur devant les
commissions qui leur ont délivré les récépissés attestant de leur inscription sur les listes
électorales.

Il sied à cet égard d’avancer que, si la procédure antérieure favorisait une mauvaise gestion
de la distribution des cartes électorales, et entretenait les votes multiples, les votes des absents
ou des morts, et le trafic des cartes non retirées, la nouvelle législation pourrait résorber ces
irrégularités longtemps décriées, et permettre aux électeurs de jouir pleinement de leur droit de
vote. Ce qui pourrait répondre à l’équation, une inscription, une carte, et un vote ou une voix.
Monsieur Abdelfattah Amor, citant dans ce sillage, monsieur Alain Garrigou qui considérait
avec justesse la carte d’électeur comme « la première pièce d’identité qui ne soit pas liée à une
condition sociale » affirme pour sa part que la carte d’électeur doit faire « abstraction des
clivages économiques et sociaux, des appartenances ethniques, religieuses et culturelles, des
affiliations politiques et engagements partisans, ainsi que des divisions idéologiques et des
représentations partielles (…). » 159. Louis Favoreu écrit adéquatement dans ce sillage, qu’
« afin de garantir le caractère véritablement démocratique d’un régime politique, il est
indispensable que les règles relatives au suffrage reposent sur des principes consacrés par la
Constitution et soient fixées de manière suffisamment précise pour éviter toute part
d’arbitraire dans leur application ». 160

Voir les recours la requête n° 61/CE/01-02 du 04 juillet 2002 -, arrêt n° 84/CE/01-02 du 17 juillet 2002 affaire
UNDP c/ État au Cameroun (MINAT) ; requête n°54/CE/01-02 du 04 juillet 2002 – arrêt n° 56/CE/01-02 du
17 juillet 2002 ; affaire UNDP c/État du Cameroun (MINAT); - recours n°06/CE/01-02 du 02 juillet 2002 et
recours n° 55/CE/2001-2002 du 04 juillet 2002, arrêt n°35/CE/01/02 du 17 juillet 2002, affaires UNDP,
UNITOC c/ État du Cameroun (MINAT) ;
158 Article 53 alinéa 3 du Code électoral.
159 GARRIGOU A. Le vote et la vertu comment les Français sont devenus électeurs, Paris, Presses de Sciences Po., 1992,
288 p., cité par ABDELFATTAH AMOR, Discours d’ouverture de la XVIème session d’enseignement de
l’Académie Internationale de Droit Constitutionnel (A.I.D.C.) de Tunis, in Constitution et élection, op.cit , p. 1-
7.
160 FAVOREU L., GAÏA P., GHEVONTIAN R., MESTRE J.-L., PFERSMANN O., ROUX A., SCOFFONI G., Droit
constitutionnel, 17ème édition, Paris, Dalloz, 2015, p. 600.

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Le rôle des commissions électorales ne se limite pas au contrôle des opérations
préparatoires, celles-ci veillent également à l’exécution et à la garantie de la régularité des
opérations électorales et postélectorales.

§ 2. L’INTERVENTION MULTIDIMENSIONNELLE DANS LE CONTRÔLE DES


OPÉRATIONS ÉLECTORALES ET POSTÉLECTORALES

D’après le professeur Célestin Keutcha Tchapnga, « la régularité est une exigence


fondamentale à laquelle doivent satisfaire les opérations électorales » 161. La régularité
s’applique ainsi, aussi bien aux opérations préparatoires, qu’à celles électorales et
postélectorales, afin de permettre un scrutin sincère, authentique et transparent. La garantie de
la régularité de l’élection commande que les opérations électorales et postélectorales soient
organisées de manière à ce que la transparence, l’impartialité, l’objectivité et la sincérité du
scrutin soient assurés. Les commissions locales de vote d’une part, les commissions de
supervision et la commission nationale de recensement général des votes d’autre part, sont
chargées de veiller au déroulement harmonieux des opérations électorales et postélectorales.

A. le contrôle exclusif des opérations de vote par les commissions locales


de vote
Raymond Carré De Malberg décrit l’élection comme « un acte de désignation des
représentants ; un acte de nomination. » 162 Elle est le « mode normal de manifestation du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. » 163 Le professeur Stéphane Doumbe Billé adhère à
cette finalité du procédé électoral qu’il rattache au droit politique, puisque l’élection est le
moyen d’expression par lequel les citoyens participent à l’élaboration de la politique de la
nation et font connaître leur opinion 164.

Il convient, au regard de ces définitions, de déduire que l’élection est un moyen


d’expression du vote. Considéré en outre comme un suffrage, le vote, d’acception
polymorphe, implique le choix. Il est considéré comme un instrument d’intégration, de
formation à la décision collective, et participe à la garantie de l’alternance politique dans les
États démocratiques. Madame Hélène Menthong quant à elle l’assimile à « un rituel important
de la vie politique, un moment d’accomplissement de l’identité citoyenne » 165. À l’évidence, le

161 KEUTCHA TCHAPNGA C, « Le contentieux lié au déroulement du scrutin », Atelier de formation en contentieux
administratif portant sur « le contentieux électoral », Programme d’appui au secteur de la justice (PAJ), Kribi, 26-30
mars 2012, p. 1.
162 CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’État, tome II, op. cit., p. 345.
163 MELEDJE D F., « Le contentieux électoral en Afrique », Pouvoirs, 2009/2, n°129, p. 139-155, p. 4.
164 DOUMBE. BILLÉ S., « L’élection en droit administratif », RDP, 1994, Vol. 98, p. 1065-1102.
165 MENTHONG H. L., « Vote et communautarisme au Cameroun : "un vote de cœur, de sang et de raison" »,
in Politique Africaine, n°69, vol. 98, mars 1998, pp.40-52, p. 40.

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vote est assimilé au pouvoir électoral, et permet au citoyen qui possède la qualité d’électeur, de
participer individuellement à l’activité souveraine de la nation en manifestant son adhésion à la
politique gouvernementale. Pour Monsieur Olivier Ihl le vote apparaît comme « le seul moyen
d’exprimer l’assentiment collectif, de produire des verdicts souverains, en un mot, d’assurer
l’alternance politique, ce firmament de la démocratie moderne » 166. La garantie du vote
nécessite dès lors la mise sur pied des mécanismes qui permettent de l’ériger comme
« l’obligatoire pierre angulaire de tout système politique » 167.

1. Le rôle de police des bureaux de vote


Les commissions locales de vote sont créées au niveau de chaque bureau de vote, et jouent
un rôle primordial dans le processus électoral. Leurs compétences sont limitées au jour du
scrutin. L’article 60 du Code électoral confère au président du bureau de vote, la responsabilité
d’assurer la police pendant le déroulement du scrutin. Les commissions locales de vote
participent à cet égard à la garantie de la sincérité du scrutin, leur rôle s’étend de l’ouverture à
la clôture du vote jusqu’à la transmission des procès-verbaux du scrutin.

Préalablement au scrutin, les présidents des bureaux de votes s’assurent que le matériel
électoral 168 est conforme aux prescriptions légales. Il procède au constat et à la mention au
procès-verbal de plusieurs actions relatives à l’heure d’ouverture des opérations électorales, à
l’ouverture et la fermeture de l’urne vide devant les personnes présentes dans le bureau de
vote.

Pendant les opérations de vote, la commission locale procède premièrement, à


l’identification de l’électeur en application des prescriptions de l’article 103 du Code électoral,
au pointage de l’électeur sur la liste d’émargement ensuite, elle remet à l’électeur les bulletins
de toutes les listes et une enveloppe, lui indique l’isoloir qui matérialise le caractère secret du
vote et enfin, il date ou cachette la carte électorale, appose l’empreinte du pouce de l’électeur
imbibé d’encre indélébile, avant de la rendre à son titulaire. Ces diverses formalités permettent
de prévenir des irrégularités qui pourraient altérer la sincérité et la régularité du scrutin et
assurent aux citoyens de la jouissance de leur droit de vote, dans le secret, l’impartialité et la
sérénité.

166 IHL O., Le vote, Paris, Montchrestien, 1996, p. 11.


167 ROSANVALLON P., Le sacre du citoyen, Paris, Gallimard, 1992, p. 12.
168 Le matériel électoral est constitué des documents tels que les listes électorales ; les feuilles de pointages ; les
imprimés du procès-verbal de dépouillement ; les bulletins des candidats ; et les enveloppes ; les dateurs ;
les encreurs, et l’encre indélébile.

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Le rôle des commissions locales de vote participe ainsi à la pacification de l’élection 169
d’une part, et au respect de la loyauté, la liberté, et la sincérité du scrutin, afin que « le droit de
suffrage accordé à chaque citoyen puisse s'exercer dans des conditions telles que sa volonté
réelle soit déterminante pour la désignation des élus » d’autre part 170. Parce que l’électorat est
considéré comme un droit et une fonction, un pouvoir et une charge 171, des mécanismes
adéquats sont indispensables pour permettre aux électeurs d’exercer sereinement leur droit de
vote. Eu égard aux dispositions de l’article 2 paragraphe 3 de la Constitution du 02 juin 1972,
révisée par la loi constitutionnelle n°96-06 du 18 Janvier 1996, les commissions locales ont
pour rôle, la garantie de l’égalité et la liberté du vote à tous les électeurs.

Considéré comme un caractère fondamental du droit de suffrage, le principe d’égalité du


vote vise à éliminer toutes sortes de discriminations physiques ou sociales, négatives ou
positives, et permet d’exclure —ou résorber— les votes multiples qui permettent aux électeurs
de voter plusieurs fois pour le même scrutin 172. Le professeur Pierre Rosanvallon rattache le
principe d’égalité du suffrage au respect des valeurs démocratiques. Pour lui, l’égalité devant
l’urne électorale est la première condition de la démocratie 173, puisque « la démocratie
s’identifie au vote, à la fois parce qu’il l’incarne et parce qu’historiquement le champ des
bénéficiaires du droit de vote a été en s’élargissant » 174. Madame Dominique Schnapper, dans
ce sillage, relève le caractère supérieur rattaché égalitaire du vote. Pour elle en effet, par delà la
consécration du lien social, le vote manifeste concrètement l’existence de l’espace politique
abstrait, dans lequel chaque citoyen est l’égal de l’autre. Sous ce rapport, en traduisant l’acte de
vérité un homme, une voix, les élections fondent à nouveau l’égalité formelle de la citoyenneté
et légitiment l’ordre politique 175.

169 QUANTIN P., « Un objet politique déjà identifié : le vote en Afrique », in Voter en Afrique : différenciations et
comparaisons. Colloque organisé par l’AFSP, Centre d’études d’Afrique noire-Institut d’études politiques de
Bordeaux : mars 2002, p. 13.
170 GHEVONTIAN R., « La sincérité du scrutin : études réunies et présentées par Richard GHEVONTIAN », in
Les cahiers du Conseil constitutionnel, n°13, 2002, p. 80-82.
171 L’électorat constitue un droit en ce sens qu’il est celui de voter, conféré non pour un intérêt personnel, mais
en vue d’un intérêt général. En tant que fonction, il permet au citoyen d’exercer une fonction publique dont
l’État est titulaire. Lire sur cette question, les développements de Julien LAFFERRIÈRE, Manuel de droit
constitutionnel, 2ème édition, Paris, Domat Montchrestien, 1947, p. 515. ; DUGUIT L., L’État, les gouvernants et
les agents, Paris, Dalloz, p. 106 - 128 ; Raymond CARRÉ DE MALBERG, Op. cit., p. 455-459.
172 L’article 101 alinéa 1 du Code électoral dispose à cet effet que tout électeur régulièrement inscrit sur une liste
électorale a le droit de prendre part au vote. L’article 105 du Code électoral prévoit par ailleurs la possibilité pour
un électeur infime, se trouvant dans l’impossibilité d’émettre personnellement son vote, de se faire assister.
Cette disposition ne s’applique cependant pas à tous les cas. Ainsi, peuvent être exclus des bureaux de vote,
les électeurs qui sont externes au ressort du bureau de vote, ou ceux qui sont porteurs d’une arme
quelconque, apparente ou cachée (article 60 du Code électoral).
173 ROSANVALLON P., Le sacre du citoyen, op. cit., p. 11.
174 TOUVET L., DOUBLET M.-Y., Droit des élections, Paris, Economica, 2007, p. 400.
175 DURAND O., « L’acte électoral entre sacralisation et indifférence », in À quoi bon aller voter aujourd’hui ?, sous
la direction d’Olivier DURAND, Paris, L’harmattan, 2009, p. 14.

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Tous les citoyens ont de la sorte, le droit de participer au vote quelque soit leurs
conditions physique ou sociale. La méconnaissance du principe d’égalité du vote est
sévèrement sanctionnée en droit camerounais par le juge électoral 176 et le juge pénal 177. Au-
delà de la garantie de l’égalité du droit de vote, les commissions locales veillent à la protection
du corps électoral, afin de lui garantir l’exercice du droit de vote en toute liberté, sans
contraintes ni de pressions.

Le vote personnel suppose que l’électeur se déplace personnellement pour émettre son
suffrage. Ce caractère a pour but de garantir l’authenticité du vote. Cependant, le caractère
personnel du vote comporte certains assouplissements, puisque certains États admettent le
vote par procuration. Ce procédé de vote qui déroge pourtant aux principes du vote personnel
et secret, présente deux nécessités antinomiques, l’avantage de réduire le taux d’abstention, et
l’inconvénient du risque de ne pas refléter l’exacte volonté de l’électeur.

Certains États à l’instar du Cameroun, n’admettent pas le vote par procuration 178, ils
prônent la participation personnelle de l’électeur. Cette exigence pousse l’électeur, désireux de
participer à la gestion des affaires politiques de sa cité, à considérer son acte comme lourd de
conséquences 179. A contrario, lorsque le vote par procuration est admis, le législateur soumet
son exercice au respect des conditions restrictives 180.

L’égalité du suffrage, dans une perspective large, renvoie également à l’égalité de la force électorale, de
l’influence du vote de chaque électeur sur le résultat.
176 Le juge électoral sanctionne la méconnaissance du principe d’égalité du suffrage par l’annulation du scrutin
d’une part, le redressement et la réformation des voix d’autre part. Voir les jugements n° 289/2006 – 2007
confirmé en appel par l’arrêt n°02/CEM/08 du 28 août 2008, le juge électoral, dans cette espèce,
sanctionne la mauvaise distribution des cartes électorales.
177 L’article 288 alinéa 1 paragraphes 3 et 5 du Code électoral dispose qu’est puni des peines prévues par
l’article 122 alinéa 1 (c, et e) du Code pénal notamment, une détention de trois mois à deux ans et d’une
amende de cinquante mille (50 000) à cinq cent mille (500 000) francs, ou l’une de ces deux peines
seulement, celui qui, déchu de son droit de vote, participe au scrutin à la suite des inscriptions multiples,
vote plusieurs fois.
178 L’article 80 du Code électoral centrafricain dispose que nul ne peut voter par correspondance ou par
procuration.
179 DURAND O., « L’acte électoral entre sacralisation et indifférence », in À quoi bon aller voter aujourd’hui ?, op.
cit., p. 14.
180 Les restrictions liées au vote par procuration sont relatives à la personne du mandant d’une part, et du
mandataire d’autre part.
Relativement au mandant, l’article L. 71 du Code électoral français prévoit que peuvent voter sur leur
demande par procuration, les personnes qui attestent sur l’honneur que pour des raisons professionnelles,
de santé, d’handicap, ou d’assistance à une personne malade ou infirme, ne peuvent participer au scrutin ;
celles qui, en raison d’obligations liées à une formation, aux vacances, ou de résidence distincte du lieu
d’inscription, ne peuvent être présents dans la commune le jour du scrutin ; enfin, celles qui sont placées en
détention provisoire, les détenus purgeant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale. En Afrique,
certains pays —énumérés de manière non exhaustive— à l’instar du Bénin (article 66), du Tchad
(article 57), et du Gabon (article 99,) prévoient le vote par procuration.
Concernant le mandataire, le législateur prévoit qu’il doit jouir de son droit de vote, et être dans la même
commune que le mandant ; par ailleurs, il ne peut disposer de plus de deux procurations (articles L. 73 et 73
du Code électoral français) ; en Afrique, a contrario, le législateur se rallie partiellement à la posture française,

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Le respect du caractère personnel du droit de vote conduit le législateur à tenir compte des
circonstances exceptionnelles qui pourraient perturber la participation personnelle de
l’électeur. C’est ainsi que l’article 50 du Code électoral béninois dispose que la période de la
saison des pluies sera autant que possible évitée. Au Tchad en revanche, le législateur
réglemente de manière souple mais limitative, le vote des nomades et des personnes en
déplacement saisonnier, de sorte qu’ils puissent participer personnellement à l’expression de
leur suffrage 181. Dans la même perspective, l’on observe fort heureusement que cette question
n’a pas laissé les juges électoraux indifférents. En effet, le juge constitutionnel malgache, a
adopté une approche réaliste visant la garantie de la participation personnelle de l’électeur.
Saisi par le premier Ministre par lettre n°345-PM/DC du 6 mai 2006 en application des
dispositions de l’article 123 de la Constitution en vue de l’anticipation ou de l’élection de
20 jours par rapport à la date préalablement arrêtée, la Haute Cour constitutionnelle, dans la
motivation de sa décision, prend en compte le « déterminisme géographique du déroulement
normal des opérations électorales » et anticipe la tenue de l’élection présidentielle eu égard aux
conditions climatiques, afin de « faciliter la participation des électeurs au scrutin et (…)
favoriser l’égalité des chances des candidats » 182.

Dans le cadre de leur mission de police, les commissions locales de vote sont également
chargées de veiller à l’expression d’un suffrage secret et éclairé. Le vote secret est considéré
comme une « condition nécessaire à la liberté de l’électeur » 183, à son indépendance, il permet
à celui-ci d’opérer son choix à l’abri des regards. La matérialisation du caractère secret du
suffrage s’opère par l’utilisation des enveloppes réglementaires uniformes et opaques 184, d’un
ou plusieurs isoloirs aménagés à cet effet.

et limite le nombre de mandat à un (articles 67et 69 du Code électoral) ; Tchad (articles 59 et 60 du Code
électoral) ; Gabon (article 100 du Code électoral).
181 Voir les articles 64 et 65 du Code électoral tchadien.
182 Lire sur ce point, SINDJOUN L., Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel
jurisprudentiel et Politiques constitutionnelles au prisme des systèmes politiques africains, Bruxelles, Bruylant, 2009,
p. 513 – 516 ; Texte de l’avis de la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar n° 03 – HCC/AV
du 9 mai 2006 sur la date de l’élection du président de la République ; voir par ailleurs la décision n° 73 –
603/741 du 27 juin 1973, relative au report par le préfet de la Réunion à une date ultérieure la plus
rapprochée possible du second tour des élections législatives aux motifs des pluies diluviennes.
183 LAFERRIÈRE J, Manuel de droit constitutionnel, op.cit., p. 531.
184 Lire sur la question de la régularité des bulletins de vote, ORENGO P., « Format des bulletins et secret du
vote- Conclusions sur Tribunal administratif de Nice, 9 octobre 2001, élections municipales de Sainte-
Maxime », RFDA, 2002, p. 893-1001. Il s’agissait pour le juge administratif de Nice, saisi le 9 octobre 2001
dans l’affaire élections municipales de Sainte-Maxime, Mme Troude, Mme Arnaud, de déterminer si le format
des bulletins de vote de madame Arnaud, a porté atteinte au secret du vote en conséquence, à sa sincérité. Le
juge administratif, décide que « l'utilisation d'un bulletin au format maximal, qui pour entrer dans
l'enveloppe nécessitait trois opérations de pliage et se traduisait par huit épaisseurs de papier n'ait pas eu
pour effet, de permettre de le distinguer d'un bulletin qui pour sa part, ne nécessitait pour entrer dans
l'enveloppe que deux opérations de pliage et ne se traduisait que par quatre épaisseurs de papier. (…) il est
évident que le pliage en huit du bulletin de la liste conduite par Mme Arnaud n'a pas pu ne pas gonfler
l'enveloppe de telle sorte qu'il était visible dès l'introduction du vote dans l'urne que cette dernière était plus

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Le caractère éclairé du vote renvoie à l’exclusion de toutes violences, pressions ou
contraintes, pouvant influencer le sens de vote de l’électeur. Ainsi, l’électeur doit être
conscient et libre d’exprimer son vote en faveur du candidat de son choix. L’article 289 du
Code électoral camerounais prévoit la sanction des voies de fait, outrages, menaces et
violences à l’égard des électeurs ou des membres de la commission pour influencer leur
vote 185. Le rôle des commissions locales de vote ne se limite pas à la garantie du droit de vote
des électeurs, elles assurent par ailleurs la transcription authentique des résultats du scrutin.

2. Le rôle de garant de la transcription authentique des résultats du scrutin


À la clôture du scrutin, les commissions locales de vote procèdent au dépouillement du
scrutin, au décompte des voix, au remplissage et à la transmission des procès-verbaux du
déroulement du scrutin.

Les opérations de dépouillement marquent la clôture du vote, et permettent de déterminer


les résultats obtenus par chaque candidat dans les bureaux de vote. Le dépouillement est
soumis à un formalisme pointilleux, il s’effectue à la main, en présence de plusieurs scrutateurs
désignés par chaque parti politique ou candidat en compétition, ou par voie électronique.

La première étape du dépouillement concerne le bris des scellés, l’ouverture de l’urne et la


vérification des enveloppes qu’elle contient. Ensuite, la commission locale procède à
l’ouverture des enveloppes et la computation des voix dont la matérialisation s’opère par voie
d’inscription sur les feuilles de pointage préparées à cet effet. La computation des voix se fait à
haute voix, et permet la répartition des suffrages valablement exprimés entre les candidats en
lice.

L’établissement du procès-verbal marque la fin des opérations de dépouillement. Ainsi, la


commission locale de vote, après avoir rendu public les résultats du bureau de vote, dresse en
fonction des membres présents 186, un procès-verbal signé du président et des membres

volumineuse que celle contenant le bulletin seulement plié en quatre de la liste conduite par M. Rolland, il
est clair qu'il a été porté atteinte au secret du vote. »
185 La violation du principe de liberté du suffrage est réprimée par l’article 123 – 1 du Code électoral
camerounais.
Le juge électoral quant à lui sanctionne cette méconnaissance par l’annulation du scrutin. Ainsi, les
irrégularités graves portaient notamment, sur les pressions financières sur les délégués de l’Onel dans le but
de taire les irrégularités constatées, le bourrage des urnes, le remplacement des électeurs absents par
d’autres personnes, la destruction du couvercle et du cadenas de l’urne, le monnayage des voix : Jugements
n°s 28/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UPC contre État du Cameroun (MINAT), circonscription
électorale du Nkam ; 93/CE/2001-200 du 10 septembre 2002 ; arrêt n°44/CE/01-02 du 17 juillet 2002,
SDF, UPC contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale du Nkam.
186 Le caractère probant des procès-verbaux à l’égard des partis politiques est érodé par les dispositions de
l’alinéa 2 de l’article 115 qui conditionne la remise d’un exemplaire du procès-verbal à sa signature préalable
par leurs mandataires. Il en résulte que les représentants des partis politiques sont dans un imbroglio qui les
oblige à opérer un choix, celui de signer, afin de recevoir le procès-verbal qui attestera de leur
consentement relativement au déroulement des opérations électorales, soit de refuser de signer, auquel cas

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présents qui ressort le nombre de votants, les suffrages exprimés, les suffrages valablement
exprimés et le nombre de voix par candidat 187, Elle retrace et consigne en outre les
observations relatives à l’organisation et au déroulement des opérations électorales, les
incidents survenus et les contestations présentées par les électeurs à l’occasion du
dépouillement 188. Le procès-verbal comporte en annexe, les bulletins annulés, et les
enveloppes qui les contenaient ; les bulletins trouvés dans l’urne sans enveloppe, et les
enveloppes trouvées vides ; les feuilles de pointage et pièces qui peuvent être fournies à l’appui
d’une contestation devant le juge électoral. Les commissions locales de vote sont également
chargées de la transmission des procès-verbaux au responsable du démembrement communal
d’Elecam, lequel les transmet dans les quarante-huit (48) heures suivant la clôture des
opérations de vote, à la commission départementale de supervision. Le rôle des commissions
locales de vote est primordial, il permet d’assurer aux électeurs d’exprimer leur choix de
manière égale, dans le secret et en toute liberté et ouvrent la voie au contrôle des opérations
postélectorales.

B. L'exercice d’un contrôle hiérarchisé dans la gestion des opérations


postélectorales
Les commissions de supervision et la commission nationale de recensement général de vote
sont chargées de veiller à la régularité des opérations postélectorales.

ils ne pourront rentrer en possession du procès-verbal, par conséquent, n’auront pas de preuve de leur
présence dans le bureau de vote. L’exigence de la signature en contrepartie de l’exemplaire du procès-verbal
à remettre au mandant, pourrait compromettre la valeur probante de celui-ci, puisque la signature d’un acte
vaut approbation et validation. Le refus de signer entraîne, une non-délivrance du procès-verbal, partant,
une absence de preuve en cas de contestation.
Dans une affaire n°32/CE/011-02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun, circonscription
de la Méfou et Akono, le juge électoral a sanctionné l’absence de mention de la participation du SDF. Sur
148 procès-verbaux de dépouillement reçus par la commission départementale, 31 seulement laissaient
apparaître la participation du SDF, les 117 autres ne mentionnent ni sa participation, ni son score. Par cette
posture, le juge électoral met en exergue la nécessité d’une participation effective de tous les membres du
bureau de vote, et concourt partant à la garantie du principe de la liberté du scrutin.
187 Le juge, lorsqu’il est saisi, n’hésite pas à sanctionner les irrégularités graves relevées pendant le scrutin par
une annulation de celui-ci, lorsqu’elles sont faites au mépris du contrôle exercé par la commission locale de
vote, telles que la destruction du couvercle et du cadenas de l’urne, l’intimidation et harcèlement et
expulsion de certains représentants des membres des bureaux de vote, la falsification et la confiscation des
procès-verbaux. Voir les annulations des élections du double scrutin des élections législatives et municipales
de 2002 et 2007. Dans l’affaire UNDP, RDPC contre État du Cameroun (MINAT), circonscription de Kumba,
arrêt n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, le juge électoral pose le principe de la régularité qui doit prédominer
dans l’établissement des procès-verbaux. En effet, dans cette espèce, le juge annule le scrutin aux motifs
que les griefs soulevés notamment, la falsification, les violences et destruction des procès-verbaux de
plusieurs bureaux de votes.
188 L’article 114 du Code électoral octroie aux commissions locales de vote une compétence de règlement des
contestations qui peuvent être présentées par les électeurs à l’occasion du dépouillement, il revient toutefois
au président de la commission locale de vote de les résoudre. En cas de partage des voix lorsque des
observations sont formulées, celle du président est prépondérante, et mention en est faite dans le procès-
verbal.

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1. L’action préalable des commissions de supervision dans la centralisation des
suffrages
Les commissions de supervision jouent un rôle primordial dans la garantie de la régularité
du scrutin, elles contrôlent les opérations de décompte des suffrages effectuées par les
commissions locales de votes. Le choix du législateur d’employer les termes « veiller »,
« contrôler », « vérifier », révèle le caractère impératif de la mission qui leur est dévolue 189. Ces
commissions exercent des compétences inégalement réparties dans le contrôle des opérations
postélectorales relatives aux élections nationales et des conseillers municipaux.

a- Le rôle délimité des commissions départementales de supervision en matière


d’élections nationales
Les commissions départementales de supervision sont créées au niveau de chaque
département et sont constituées de manière quadripartite 190. Elles exercent un rôle
fondamental dans le contrôle des opérations postélectorales, puisqu’elles veillent au bon
déroulement des opérations électorales proprement dites, notamment, à la centralisation, la
vérification des opérations et le décompte des suffrages effectuées par les commissions locales
de vote 191.

Le rôle de centralisation de la commission départementale de supervision est consécutif à


celui exercé par les commissions locales de votes. Il s’effectue sur la base des procès-verbaux
et pièces annexes transmis par les commissions locales de votes, et consiste à rassembler
l’ensemble des procès-verbaux qui proviennent des démembrements communaux d’Elecam.

La phase de centralisation terminée, la commission départementale procède à la vérification


et au redressement —en cas d’erreur de calcul— des procès-verbaux. Toutefois, il faudrait
relever que ce pouvoir de rectification ou de redressement est conditionné, vu que la
commission départementale ne peut annuler les procès-verbaux. Par ailleurs, elle est tenue de
motiver sa décision et d’en faire mention sur son procès-verbal. L’absence de motivation

189 Voir les articles 63 paragraphe 5 et 192 du Code électoral .relatifs à l’élection du président de la République
et à celle des conseillers municipaux. Le verbe « veiller » est consubstantiel à la notion de contrôle, définie
comme la soumission à une vérification administrative, à un examen minutieux, et le fait de conserver une
domination suffisante pour agir afin de censurer, critiquer, et décider. Défini par ailleurs dans un sens plus
restreint, le contrôle est la vérification, la surveillance de l’ensemble des opérations destinées à vérifier le
bon fonctionnement d’un appareillage, en s’assurant notamment, de sa conformité avec les règles de
sécurité. Le doyen Gérard CORNU le définit comme la vérification de la conformité à une norme d’une
situation. Le lexique politique donne quant à lui une définition plus complète : il est la vérification de la
conformité de la loi par un organe politique ou par un organe créé à cet effet, afin soit d’assurer la
régulation des pouvoirs, soit de protéger les citoyens.
190 La commission départementale de supervision est composée d’un président, président du tribunal de
grande instance du ressort, et des membres issus de l’administration (03), d’Elecam (03), d’un représentant
de chaque candidat.
191 Article 63 du Code électoral camerounais.

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pouvant être sanctionnée en aval par la commission nationale de recensement d’une part, et
d’autre part par le juge électoral.

L’action des commissions départementales de supervision dans le contrôle des opérations


postélectorales est encadrée de manière restrictive, il en va autrement des commissions
communales de supervision qui détiennent un pouvoir éminent dans le contrôle des
opérations postélectorales.

b. Le rôle central des commissions communales de supervision en matière d’élections


municipales
Les commissions communales de supervision sont créées au niveau de chaque
commune 192, elles ont une composition tripartite qui comporte une personnalité, assurant la
présidence, trois représentants de l’Administration désignés par le préfet, un représentant de
chaque parti politique ayant pris part à l’élection, trois représentants d’Elecam désignés par le
directeur général des élections.

L’intervention des commissions communales de supervision dans le contrôle des élections


des conseillers municipaux a subi d’importantes restrictions. Elle est désormais circonscrite au
contrôle des opérations postélectorales, notamment la gestion du recensement des votes et la
proclamation des résultats 193. Les articles 192 et 193 alinéa 1 du Code électoral leur confèrent
une compétence exclusive dans le contrôle des opérations postélectorales. Elles sont chargées
de la centralisation, la vérification des décomptes des votes au vu des procès-verbaux et pièces
annexes transmis par les commissions locales de votes d’une part, et d’autre part elles exercent
un pouvoir étendu sur l’examen des procès-verbaux des commissions locales, puisqu’elles
peuvent procéder à leur rectification, leur redressement ou à leur annulation.

Le rôle des commissions communales de supervision est variable, elles exercent des
compétences de rassemblement des procès-verbaux qui proviennent des démembrements
communaux d’Elecam, assurent le recensement des votes en application des dispositions de
l’article 192, et proclament les résultats du scrutin au niveau de la circonscription électorale.

Comparativement aux dispositions antérieures, l’on observe de la part du législateur, un


souci de rétablissement d’une sorte d’équilibre dans la répartition des compétences entre les
organes. Il octroie un véritable pouvoir d’action aux commissions communales qui peuvent
désormais dans le cadre de leur compétence, vérifier, rectifier, redresser ou annuler les procès-

192 Article 191 alinéa 1 du Code électoral.


193 Les dispositions antérieures accordaient à la commission communale un rôle prégnant dans le contrôle de
la régularité de l’élection des conseillers municipaux. Elles étaient chargées de veiller à la régularité,
l’impartialité et l’objectivité des élections. À cet égard, elles intervenaient dans le contrôle des opérations
préparatoires, préliminaires et postélectorales (l’article 12 alinéa 2 de la loi n°92-002 du 14 août 1992, fixant
les conditions d'élection des conseillers municipaux, modifiée et complétée par la loi
n°2006/010 du 29 décembre 2006).

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verbaux irréguliers. Ce pouvoir d’annulation, expressément proscrit aux commissions
départementales et à la commission nationale de recensement des votes et accordé aux
commissions communales 194, participe à la garantie de la sincérité du scrutin d’une part, afin
de ne pas porter au pouvoir, des gouvernants qui bénéficient d’une légitimité populaire
galvaudée.

2. L’action postérieure de la CNRGV dans le recensement des suffrages


La commission nationale de recensement général des votes 195 a une sphère de compétence
nationale, et intervient après le déroulement du scrutin. Ses travaux consistent à vérifier les
opérations électorales au vu des procès-verbaux transmis par les commissions départementales
de supervision 196. Les lois antérieures, relatives à l’élection du président de la République et
des députés à l’Assemblée nationale lui conféraient en outre, la charge de gérer les
observations ou réclamations inscrites sur le procès-verbal de la commission locale de vote,
ainsi que celles présentées par les candidats ou leurs représentants pendant ses travaux 197.
Cette intervention, précédemment importante, est désormais circonscrite à des tâches
purement matérielles de décompte général des votes et de redressement d’erreurs matérielles
de décomptes constatés, puis d’établissement et de transmission des procès-verbaux desdites
opérations.

Les opérations de centralisation et de décompte général des votes consistent à rassembler


tous les procès-verbaux et pièces annexes de l’élection provenant des commissions
départementales de supervision 198. Elle procède par ailleurs à la vérification et au
redressement des opérations de décomptes au vu des documents reçus afin de dresser un
procès-verbal de toutes ces opérations. Le rôle de redressement de la commission est

194 Voir successivement, les articles 67 alinéa 2 et du 69 alinéa 2 Code électoral.


195 L’article 68 alinéa 1 du Code électoral réaménage la composition de la commission nationale de
recensement général des votes, constatée par résolution du Conseil électoral. La composition des membres
de la CNRGV est quadripartite, et comporte deux (2) magistrats de l’ordre judiciaire désignés par le premier
président de la Cour Suprême ; cinq (5) représentants de l’administration désignés par le ministre chargé de
l’administration territoriale ; cinq (5) représentants d’Elecam désignés par le directeur général des élections ;
un représentant de chaque candidat en compétition, désigné par le candidat ou le parti politique l’ayant
investi.
Avant l’adoption du Code électoral, la commission était présidée par un magistrat de la Cour suprême
désigné par le président de la Cour, et comportait deux magistrats de l’ordre judiciaire, dix représentants de
l’administration, et dix représentants des partis politiques. Cette nouvelle configuration de la commission
nationale de recensement qui intègre le Conseil constitutionnel, révèle le caractère éminent rattaché au rôle
qu’elle exerce dans la garantie de la régularité des élections.
196 Article 69 alinéa 1.
197 Article 30 alinéa 4 et 46 des lois relatives respectivement à l’élection du président de la République et des
députés à l’Assemblée nationale.
198 Article 69 alinéa 1 du Code électoral.

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néanmoins circonscrit, puisqu’elle ne peut procéder à l’annulation des procès-verbaux
considérés comme irréguliers. Outre son rôle de centralisateur, la commission nationale de
recensement général des votes est chargée de transmettre au Conseil constitutionnel, les
procès-verbaux signés de tous les membres 199.

Les nouvelles dispositions du Code électoral accordent un rôle résiduel à la commission


nationale de recensement. Comparativement au rôle primordial qu’il jouait dans le contrôle de
la régularité des élections, l’on note que les travaux de la commission nationale de recensement
des votes ne lient nullement le juge électoral dans son office 200.

L’institutionnalisation d’un foisonnement d’organes non juridictionnels chargés du contrôle


des processus électoraux, loin de conforter la volonté avérée du législateur de promouvoir et
consolider la liberté de suffrage, multiplie des excentricités procédurales qui entraînent la
complexité de celle-ci. L’on observe en revanche que, dans certains États l’organisation des
processus électoraux est confiée à un organisme mixte indépendant, ou à l’Administration. Ce

199 L’article 69 alinéa 4 du Code électoral prévoit que ces procès-verbaux accompagnés des pièces annexes
doivent être transmis dans un délai de cinq (05) jours au Conseil constitutionnel.
200 Les articles 31 et 47 alinéa 1 des lois abrogées, relatives à l’élection du président de la République et des
députés à l’Assemblée nationale disposaient que le Conseil constitutionnel vérifiait les opérations électorales
au vu des procès-verbaux et les pièces annexes transmis par la commission nationale de recensement des
votes. À cet égard, l’on pouvait relever que le législateur avait érigé le rôle de la commission nationale en un
préalable obligatoire, qui participait à la garantie de la régularité du scrutin, puisque le juge électoral statuait
au vu du procès-verbal transmis par la commission. La question posée, était de savoir, si le juge électoral
était lié par les observations inscrites dans le procès-verbal de la commission nationale de recensement. Au
regard du caractère équivoque des décisions du juge électoral, il convient de noter que le juge électoral
pouvait tenir compte ou non du procès-verbal de ladite commission. Ce dernier ne le liait pas dans le
prononcé de sa décision, il pouvait néanmoins l’éclairer dans la motivation de ses décisions de réformation
des résultats, de rejet des recours ou d’annulation du scrutin.
Relativement aux demandes d’annulations du scrutin dont il était saisi, le juge électoral énoncait qu’
« attendu que les griefs décriés ont été constatés par la commission nationale de recensement général des
votes, qu’en effet il résulte des pièces produites notamment, du procès-verbal de cette commission
que(…) ; attendu ces irrégularités ont porté atteinte à la sincérité du scrutin ; qu’il s’ensuit que les recours
sont fondés, en conséquence l’élection législative dans la circonscription de (…) est annulée. Voir les cas
d’annulation cités de manière non exhaustive et aléatoire : Arrêts n°27/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF,
UNDP contre État du Cameroun (MINAT), circonscription de la Mifi ; n°28/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF,
UNDP contre État du Cameroun (MINAT), circonscription de la Sanaga-Maritime ; n°44/CE/01-
02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun (MINAT), circonscription du Nkam. n°54/CE/01-
02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun (MINAT), circonscription de Bamboutos ;
n°118/CEL/2007 du 07 août 2007, Basile Yagai (UNDP) contre État du Cameroun (MINAT), circonscription
électorale du Mayo Tsanaga nord ; n°118/CEL/2007, du 07 août 2007, Basile Yagai (UNDP) contre État du
Cameroun (MINAT), circonscription électorale du Mayo Tsanaga nord ; n°30/CEL/2007 du 07 août 2007, Nintcheu
Jean-Michel (SDF), Etroukang Jean-Pierre (UNDP) contre État du Cameroun (MINAT), circonscription électorale de
Wouri-Est.
En revanche, le Conseil constitutionnel n’appliquait pas toujours de manière instinctive cette démarche, et
dans cette hypothèse, il ne fondait pas sa décision sur les observations de la commission nationale. Ainsi, le
Conseil constitutionnel avait annulé les opérations électorales dans la circonscription électorale du Nyong
et Kellé, nonobstant l’absence d’unanimité au sein de la commission nationale de recensement, sur le point
de savoir si les faits de fraudes graves décriées ont pu influer sur les résultats du scrutin. Le juge
constitutionnel a estimé que les irrégularités constatées par les huissiers de justice Maîtres Yob Jacques
Bienvenu et Nken Nken Paul, constituaient une fraude ayant influencé de manière significative le résultat
du scrutin.

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système de gestion des élections a l’avantage de simplifier les procédures électorales, puisque,
comme l’écrit avec justesse le professeur Dominique Rousseau, l’engrenage procédural créé
par la diversité et la prolixité d’organes de contrôle pourrait être semblable à un instrument
d’aliénation politique qui pourrait se retourner sur les acteurs du jeu électoral et les étouffer 201.
La volonté d’assainir la vie politique et d’instaurer la cohésion entre tous les acteurs politiques,
entraîne la création d’Elecam dont le rôle vise la restriction de la prégnance de l’autorité
administrative jugée partisane dans l’organisation et de la gestion des consultations électorales.

201 ROUSSEAU D, La démocratie continue ou comment remettre l’État à sa place, n 11 à 13 , -Art-Démocratie-Science :


n°12 Démocratie, volonté du peuple ? Printemps 2004, 7p. p. 6., site :
http://refractions.plusloin.org/spip.php?article88, consulté le 17/02/11.

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SECTION II.

L’ÉVOLUTION MITIGÉE DES SYSTÈMES DE GESTION DES PROCESSUS


ÉLECTORAUX

Les structures de gestion ne sont pas des juridictions, elles décident, émettent des avis,
peuvent saisir les organes juridictionnels et donner des injonctions ; peuvent être consultées
dans le cadre d’une procédure judiciaire, mais ne jugent pas. Leurs décisions ne revêtent pas le
caractère de la chose jugée.
La création des organes de contrôle résulte de la volonté politique de consolidation de la
démocratie et de l’État de droit. (…) [Elle] se situe dans le cadre d’une stratégie de protection des
libertés des administrés, et une limitation des pouvoirs de l’Administration 202.
Cette affirmation de monsieur Abdoulaye Diarra décrit de manière incontestable, la
préoccupation majeure qui explique les multiples mutations institutionnelles qui ont cours en
Afrique, et plus particulièrement au Cameroun à partir des années 1990. En effet, les États
s’engagent dans la consolidation de la démocratie et de l’État de droit sur le plan interne. Les
structures de gestion sont créées, dans le but de garantir la régularité, l’impartialité et
l’authenticité des processus électoraux.

L’idée qui a sous-tendu parallèlement la création des organes de contrôle, est l’attribution
de l’organisation et la gestion des élections à des structures indépendantes, neutres et
impartiales, aptes à garantir la régularité et la sincérité du scrutin. Sa matérialisation s’opère en
Afrique, à partir des années 1994 203 suivant le modèle en usage au Canada et au Québec, par
la mise en place des structures indifféremment appelées Commission électorale indépendante
(CEI), Observatoire national des élections (ONEL), Commission nationale autonome (CEN),
Commission électorale nationale autonome (CENA), Commission électorale nationale
indépendante (CENI) etc. Le but poursuivi est « la recherche d'une formule permettant
d'isoler, dans l'Administration de l’État, un organe disposant d'une réelle autonomie » 204.

Au Cameroun, la nécessité de créer un organe indépendant distinct de l’Administration,


chargé d’organiser les élections devient un impératif après le retour du multipartisme dans le

202 DIARRA ABDOULAYE, « Les autorités administratives indépendantes dans les États francophones
d’Afrique noire : cas du Sénégal et du Mali », Afrilex, 2000, 25 p.
203 Lire à ce propos, Francophonie et démocratie, symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des
droits et libertés dans l’espace francophone (1er-3 novembre 2000 Bamako), Paris, édition Bruylant et Pédone, 2001,
947 p.
204 Voir la décision de la Cour constitutionnelle du Bénin, DCC 34-34 du 23 décembre 1994.

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champ politique, et intervient non sans heurts 205. La création d’un Observatoire national des
élections (Onel) le 19 décembre 2000 vient apaiser les revendications des partis d’opposition et
de la société civile, et pose l’urgence d’une mise en place d’un cadre juridique approprié, dont
l’organisation et le fonctionnement requièrent l’approbation de tous les acteurs du jeu
électoral.

L’organisation des règles de fonctionnement devait refléter l’institutionnalisation d’un


régime juridique, qui permettrait et favoriserait la gestion des processus électoraux en toute
indépendance, dans un esprit de neutralité, de liberté et d’égalité. Le professeur Jean Du Bois
de Gaudusson relève à cet effet que les structures mises sur pied sont
une nouvelle forme de gestion des élections (…) qualifiées d'autonomes, d'indépendantes ou
de mixtes selon les cas,(…) distincts de l'Administration d'État, chargés de la totalité ou d'une
partie, variable selon les États et les époques de l'organisation, du déroulement, de la supervision et
du contrôle des opérations électorales. 206

Il distingue ainsi deux catégories de systèmes de gestion des opérations électorales.


Premièrement, les systèmes dans lesquels, le pouvoir prépondérant de l’Administration limite
le rôle de l’organe de gestion, par conséquent le paralyse. Deuxièmement, les systèmes qui
transfèrent toute la responsabilité de la gestion des opérations électorales à un organe distinct
de l’Administration.

Le système camerounais est à cheval entre les deux systèmes. En effet, la création de
l’Observatoire national des élections (Onel) 207 (§ 1) permet d’expérimenter le premier système
de gestion des élections qui, dénoncé comme un folklore, entraîne la création d’« Elections

205 La création des structures indépendantes de gestion des processus électoraux découle des menaces de
rupture de la paix et de la cohésion sociale au lendemain de la tenue des élections organisées à partir des
années 1992. Voir dans ce sens :
POKAM H. de P., Les commissions électorales en Afrique subsaharienne : Analyse de leurs enjeux et de leurs usages par les
acteurs politiques au cours du processus d’invention de la neutralité électorale, 26 p, [en ligne], disponible sur :
www.cean.sciencespobordeaux.fr/pokam.pdf, (consulté le 17/02/2011) ;
OULD AHMED SALEM Z., « Gouvernance électorale et invention de la neutralité : la création de
l’observatoire national des élections (ONEL) au Sénégal », in Voter en Afrique : différenciations et comparaisons,
colloque organisé par l’AFSP, Centre d’études d’Afrique noire- Institut d’études politiques de Bordeaux, mars
2002, 33 p., [en ligne], disponible sur www.afsp.msh-paris.fr/archives/2002/afriquetxt/oulahmed.pdf,
(consulté le 17/02/2011) ;
ALAO S. A., Quel mode de gestion des élections pour l’avenir, 5 p., [En ligne], disponible sur
democratie.francophonie.org/IMG/pdf/bamako.324.pdf, (consulté le 17/02/2011) ;
MADIOR FALL, I., HOUNKPE M., JINADU A. L., KAMPALE P., « Organes de gestions des élections en
Afrique de l’Ouest : une étude comparative de la contribution des commissions électorales au renforcement
de la démocratie », Open Society Foundation, Dakar, 2011, 50 p., [en ligne], disponible sur
www.afrimap.org/.../AfriMAP_OuestAfrica_OGE_Complet_FR.pdf, (consulté le 17/02/2011).
206 DE GAUDUSSON J. D. B., « les élections à l’épreuve de l’Afrique », in Les cahiers du Conseil constitutionnel, n°13,
2002, p. 139 - 145 ; « Les structures de gestion des opérations électorales : Bilan et perspectives en 2000 et
… dix ans après », in Démocratie et élections dans l’espace francophone. Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 259 - 286.
207 L’Onel est créé par la loi n°2000/016 du 19 décembre 2000, modifiée et complétée par celle
n°2003/015 du 22 décembre 2003.

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Cameroon » (Elecam), qui s’apparente au deuxième mode de gestion 208. Ce dernier système
de gestion remplace l’Onel et paraît plus apte à garantir la sincérité du scrutin en raison de
l’étendue de ses compétences en matière d’organisation des processus électoraux (§ 2).

§ 1. L’ONEL : UNE STRUCTURE DE GESTION AUX POUVOIRS LIMITÉS


L’article 2 de la loi portant création de l’Onel dispose que : La mission de L’Onel est de
contribuer à faire respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, l’impartialité,
l’objectivité, la transparence et la sincérité des scrutins, en garantissant aux électeurs, ainsi
qu’aux candidats en présence, le libre exercice de leurs droits. Le rôle de l’Onel tel qu’énoncé
par cet article ne restreint pas la prépondérance de l’Administration jugée partiale, dans
l’organisation et la gestion des processus électoraux. Celle-ci conserve son monopole en la
matière, et l’Onel contribue de manière restrictive au respect de la loi par l’Administration et
les acteurs électoraux. Depuis sa création L’Onel, avait supervisé et contrôlé, plusieurs
élections 209. Il a également exercé des compétences de supervision et de contrôle des
opérations électorales d’une part (A), et d’autre part de règlement des litiges survenus à
l’occasion de l’organisation de celles-ci (B).

A. Une intervention circonscrite dans la gestion du processus électoral


L’article 2 de la loi du 19 décembre susmentionnée ressort la quintessence de la mission de
l’Onel. D’après le professeur Alain Didier Olinga, il était un observatoire, c’est-à dire une
« structure de vigilance de l’ensemble du processus électoral, avec un rôle de rassemblement
de l’information utile à transmettre aux décideurs, à l’effet d’éclairer leurs décisions et
démarches futures. » 210 L’essentiel de son rôle se résumait ainsi à observer, rassembler
l’information, informer et transmettre l’information aux décideurs, il détenait de la sorte une
compétence limitée à l’observation des processus électoraux.

La loi n’attribuait pas, à l’instar du Sénégal, l’exclusivité du contrôle de la régularité des


opérations électorales à l’Onel. Ce dernier était chargé de veiller à ce que la loi électorale soit
respectée par tous les acteurs impliqués dans le jeu électoral. Cette mission générale, non

208 Institué par la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006, Elecam a subi diverses modifications relatives à son
organisation et son fonctionnement. La loi n°2011/001 du 06 mai 2011 transforme la composition du
Conseil électoral dont les membres passent de douze (12) à dix-huit (18), supprime la compétence relative à
la publicité des tendances enregistrées à l’issue des scrutins pour les élections législatives, présidentielles, et
sénatoriales précédemment confiée au Conseil électoral.
209 Il s’agit des élections législatives et municipales en 2002 ; présidentielles en 2004 ; puis législatives et
municipales en 2007.
210 OLINGA A. D., L’ONEL : réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création d’un Observatoire
National des Élections, Presses de L’UCAC, Yaoundé, p. 14.

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contraignante et non exclusive de l’Onel, portait sur le contrôle des opérations
préparatoires 211, d’une part et sur celles électorales 212 et postélectorales d’autre part 213.

La lecture des compétences énoncées par l’article 6 alinéas 7 et 8 permet de cerner la sphère
de compétence de l’Onel. En matière préélectorale, Il avait la compétence d’ordonner des
rectificatifs rendus nécessaires, à la suite de l’examen par lui, des réclamations ou
contestations, dirigées contre les actes des autorités administratives ou des commissions
mixtes, concernant les listes électorales et les cartes électorales ; il avait également la mission
de contrôler des préliminaires aux opérations électorales, de régler les contestations et les
réclamations portant sur les candidatures et le comportement des candidats ou leurs
représentants en période électorale, non réglées par les commissions de supervision
compétentes 214.

L’attribution des compétences consultatives sans véritable caractère contraignant, amène


l’Onel à jouer un rôle secondaire dans la supervision et le contrôle des processus électoraux.
Son intervention était autant noyée par l’existence d’un régime juridique assujetissant.

211 L’Onel était chargé de superviser et contrôler les activités des commissions électorales en charge des listes
et des cartes électorales, il vérifiait par ailleurs les opérations relatives à l’établissement et à la distribution
des cartes électorales.
Concernant la campagne électorale, l’Onel était compétent pour connaître des faits de campagne. L’on note
à ce propos que l’Onel, pendant le déroulement de la campagne électorale, avait sensibilisé les acteurs
politiques à respecter l’éthique de la campagne électorale, en leur rappelant que la campagne électorale ne
devait en aucun cas déboucher sur des dérapages, de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la
considération des adversaires, par quelque moyen que ce soit, à l’exemple des appels à la violence ou à la
haine, des attaques personnelles, des atteintes à la dignité des autres candidats, éviter par ailleurs de poser
des actes qui peuvent mettre en péril la paix, l’unité nationale et l’intégrité du pays.
212 Le contrôle des opérations électorales était relatif au contrôle de l’impression des documents électoraux, à
la publication des bureaux de vote, à la vérification de la régularité de la composition des membres des
bureaux de vote, et la composition des listes des membres des bureaux de vote, veillait à ce que la liste des
membres des bureaux de vote soit publiée et notifiée à ceux qui doivent la recevoir, supervisait et contrôlait
la mise en place du matériel électoral et des documents électoraux , vérifiait la régularité des opérations de
dépouillement du scrutin, de décompte des suffrages, et veillait à la bonne tenue, au ramassage et à
l’acheminement des procès-verbaux vers les commissions de recensement des votes.
213 Dans le cadre des opérations postélectorales, l’Onel, en application des dispositions de l’article 6 de la
loi n°2003/015 du 22 décembre 2003, exerçait une compétence de contrôle et de régularisation des procès-
verbaux des bureaux de vote, au vu des fiches d’observation de ses délégués. La commission nationale de
recensement des votes s’est fondée à plusieurs reprises, sur les procès-verbaux de l’Onel, pour procéder à la
régularisation des erreurs constatées dans les procès-verbaux transmis par les commissions de supervision.
214 À cet effet, l’Onel avait reçu et traité des requêtes concernant l’ensemble du processus électoral, relatives à
la violation des droits civiques, Les requêtes portaient par ailleurs sur les inscriptions sur les listes et les
cartes électorales, les candidatures, la campagne électorale, le dépouillement du scrutin et la proclamation
des résultats. Lorsque l’Onel recevait une requête, il accusait réception et transmettait la requête à l’organe
compétent pour traiter cette requête, ces derniers menaient des investigations afin de donner une solution à
la requête.

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B. Un organe fragilisé par un cadre juridique complexe
La création de l’Onel résultait de la mise sur pied d’une structure indépendante, dotée de
pouvoirs véritables lui permettant d’assurer une régulation efficace et efficiente des processus
électoraux. Toutefois, la recherche de cet idéal était entravée par les hésitations du législateur à
poser un cadre juridique cohérent et protecteur qui confère à l’Onel un pouvoir d’action réel
et incontestable à l’instar de la Cena au Sénégal.

L’Onel jouait un rôle de collaborateur, sans véritable pouvoir. Il était à la fois une
Administration consultative et un organe de substitution des commissions de supervision.
Ainsi, il était confronté à une nécessaire collaboration avec les commissions électorales et
l’Administration, soupçonnés par l’opposition, d’être inféodés au pouvoir en place. Il
s’ensuivait que, l’Onel rencontrait pas mal de difficultés pour affirmer sa neutralité et son
impartialité.

La fragilité de l’Onel était aussi liée au mode de nomination discrétionnaire de ses


membres, et à son fonctionnement complexe, dénué de tout pouvoir de sanction.

1. L’emprise du pouvoir exécutif sur le fonctionnement et la gestion de l’Onel


« L’indépendance des autorités administratives indépendantes est fragile et discutée. Elles
sont dans l’Administration, mais à la charnière des différents courants et des différents
intérêts. » 215 L’article 1 de la loi portant création d’un Observatoire national des élections,
instituait la création d’une structure indépendante chargée de la supervision et du contrôle des
opérations électorales et référendaires. L’Onel était constitué de onze (11) membres nommés
par décret du président de la République pour un mandat de trois ans renouvelable une fois,
après consultation des partis politiques et de la société civile, choisis parmi les personnalités
indépendantes de nationalité camerounaise, connues pour leur intégrité morale, leur honnêteté
intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité. Il était doté des représentants dans des
démembrements départementaux et communaux constitués par décret sur proposition du
président de l’Onel 216.

La consultation des partis politiques et de la société civile par le président de la République


pour la nomination des membres de l’Onel avait un caractère obligatoire. Cependant, l’avis de
ces organes était facultatif et revêtait un caractère relatif. Il se posait dès lors, la question de
savoir quelle était la portée de la consultation prévue par le législateur, si en définitive, les avis

215 MAISL H., Les autorités administratives indépendantes, Colliard C. -A. et Timsit G., (Dir.), Paris, Montchrestien,
1991, p. 82.
216 Voir à ce sujet les articles 3, 14 et 15 de la loi portant création de l’Onel fixant les conditions de nomination
des onze membres de l’Onel dont un président et vice président; celle des représentants au niveau
départemental, et communal, et la désignation des délégués devant opérer le contrôle la supervision des
opérations de vote dans les bureaux de vote le jour du scrutin.

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émis n’étaient pas contraignants. Cette procédure était considérée par les partis politiques et la
société civile comme un folklore.

Eu égard aux dispositions de l’article 3 alinéa 3, relativement à la nomination des membres


de l’Onel, il faudrait relever que les critères de sélection de ces derniers soulèvent plusieurs
interrogations, sur leur personnalité, leur indépendance, leur neutralité et leur impartialité, en
raison des fonctions qu’ils exercent, ou ont exercé dans le gouvernement d’une part, et de la
relation de proximité qu’ils ont parfois avec les candidats 217. La nomination discrétionnaire
par le président de la République et le caractère éventuellement renouvelable du mandat,
fragilisaient le rôle des membres de l’Onel. L’absence d’une autonomie financière concourait
davantage à la vulnérabilité de l’Onel, puisque tous les moyens dont il disposait provenaient de
l’État. Le professeur Alain Didier Olinga relevait à ce propos que « l’État [maîtrisait]
intégralement les moyens de l’indépendance de l’Onel » 218. Assurément, l’institution n’avait
pas la possibilité de s’autofinancer, ni de solliciter des appels de fonds autres que ceux de l’État
camerounais. La fragilisation de l’Onel ne se limitait pas à sa composition, elle s’était
davantage fait ressentir dans son fonctionnement, notamment dans la restriction de son
pouvoir d’action.

2. L’absence d’un véritable pouvoir de sanction


La lecture des attributions de l’Onel révélait une compétence fragmentée qui ne permettait
pas une action efficace. On relevait ainsi un déséquilibre criard, entre les moyens mis à sa
disposition et le résultat escompté par les acteurs du jeu politique.

Les compétences de cette structure étaient également diluées par l’existence d’une
répartition disproportionnée et concurrencée des compétences, et de l’attribution d’un rôle
subsidiaire qui lui déniait un véritable pouvoir.

L’Onel disposait des pouvoirs de conciliation 219 entre l’Administration et les partis
politiques, le pouvoir d’autosaisine et d’injonction. Il pouvait ainsi saisir l’Administration en
cas de violation à la loi, et l’« invite[r] à prendre les mesures de correction appropriées.» Cette
action de l’Onel ne comportait pas un véritable pouvoir sur l’autorité administrative, ni de

217 C’était d’ailleurs le cas lors du double scrutin du 27 juillet 2007, les partis politiques et la société civile ont
décrié la nomination de madame Régine DOOH Collins en arguant que son époux, monsieur DOOH Collins
était candidat aux élections législatives.
218 OLINGA A. D., L’ONEL : Réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création d’un Observatoire
national des élections, op. cit., p. 21.
219 Aux termes de l’article 12, en cas de non-respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux
élections par une autorité administrative, L’Onel l’invite à prendre les mesures de correction appropriées. Si
l’autorité administrative ne s’exécute pas, l’Onel propose à l’autorité administrative compétente des
sanctions administratives contre le fonctionnaire ou l’agent public responsable. Celle-ci statue sans délai. Le
cas échéant, l’Onel saisit les juridictions compétentes qui statuent elles aussi sans délai. La saisine est faite
par tout moyen laissant trace écrite.

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véritables moyens de règlement des irrégularités constatées, puisqu’il se limitait à « proposer »
à l’autorité compétente des sanctions administratives contre le fonctionnaire ou l’agent public
responsable.

L’emploi des verbes : inviter ; proposer, démontrait à suffisance, le caractère non


contraignant du pouvoir conféré à l’Onel et plus encore, l’incapacité du législateur à lui doter
d’un véritable pouvoir qui aurait pu restreindre de manière considérable les éventuels
débordements de l’Administration dans la gestion des processus électoraux.

Le rôle de l’Onel avait été fragilisé à la base, c’est pourquoi certains acteurs politiques et
observateurs l’avaient traité de structure « mort-née », parce qu’ayant été « vidé de tout
potentiel dissuasif » 220. Le statut et la structuration de l’Onel étaient ambigus, et ne
favorisaient pas la réalisation des objectifs qui lui étaient assignés. Les moyens d'action de
l’Onel concernaient l'ensemble des éléments financiers, matériels, techniques et humains, mis à
sa disposition par l’État 221, en vue d’assurer l'effectivité des missions qui lui étaient assignées.
Le caractère dépendant de l’Onel au pouvoir exécutif se manifestait en outre, par
l’établissement d’un rapport général sur le déroulement des opérations électorales adressé au
président de la République qui décidait après examen, de sa publication.

Sur le plan technique, le caractère ambigu de la nature des décisions de l’Onel conduisait les
observateurs à s'interroger sur la valeur juridique de celles-ci, puisqu’elles ne revêtaient aucun
caractère répressif. Les pouvoirs d’injonction et de saisine des juridictions compétentes qui lui
étaient reconnus, ne remettaient pas en cause, l’affirmation selon laquelle l’Onel était une
chimère, créée par le législateur pour se mettre à la cadence du vent démocratique qui soufflait
sur le continent africain. Ses injonctions en effet ne bénéficiaient d'aucune garantie d'exécution
par les autorités administratives.

Au vu des manquements qui ont entravé l’exercice d’un contrôle optimal des processus
électoraux par l’Onel, il convient de corroborer l’affirmation du doyen Léopold Donfack
Sokeng qui relevait avec justesse que, la faible capacité institutionnelle de cette institution à
fonctionnement intermittent d’une part, l’absence de professionnalisation d’autre part, avaient
considérablement handicapé la qualité du contrôle opéré par cette structure 222. Le professeur
Alain Didier Olinga quant à lui souligne à ce propos qu’ « une institution est charpentée en
fonction de l’idée d’entreprise qui lui sert de boussole, de principe actif et de régulateur. Entre
l’idée d’oeuvre et la structure de la faire accéder à l’éffectivité, il ya une relation dialectique

220 OLINGA A. D., L’ONEL : Réflexion sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création de l’ONEL,
Presses de l’UCAC, avril 2001, p.48.
221 L’article 20 de la loi du 19 décembre 2000 dispose que c’est l’État qui met à sa disposition de l’Onel tous les
moyens matériels et humains nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
222 DONFACK SOKENG L., Interview accordée au quotidien Cameroon tribune du 5 juin 2008, p. 12.

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forte, [puisque] l’idée n’est rien sans une institution de concrétisation adaptée, l’institution
n’est rien sans une idée qui lui insuffle une âme 223. Ce constat renforce la pensée de Monsieur
Bedjoko Mbassi qui conditionne le renforcement de la construction d’un système électoral
crédible à l’existence d’une structure permanente, dotée de moyens propres, en vertu d’une loi
votée par le parlement 224.

La création d’Elecam vient fort heureusement remplacer l’Onel. Les partis politiques et la
société civile voient dans cette nouvelle structure, un organe plus crédible plus apte à organiser
et superviser les processus électoraux, comme « un organisme relativement indépendant du
point de vue de son statut et de l’exercice de ses missions, [bénéficiant] d’autre part d’une
autonomie institutionnelle et fonctionnelle plus ou moins affirmée » 225.

§ 2. LA CRÉATION D’ELECAM : UN ORGANE INDÉPENDANT PLUS APTE À


GARANTIR LA SINCÉRITÉ DU SCRUTIN ?

Créée par la loi n 2006/011 du 29 décembre 2006, « Élections Cameroon » (Elecam) vient
remplacer l’Onel, avec des attributions différentes. En effet, cette structure est responsable de
l’ensemble des opérations relatives à l’organisation et au déroulement des processus
électoraux. Elle intègre le rôle de l’Onel dans la supervision et le contrôle des opérations
électorales et celui du ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation dans
l’organisation matérielle du scrutin. Elecam s'inspire en partie des institutions de gestion des
processus électoraux qui existent dans d’autres États. Il infère à la fois un changement des
rôles et des interlocuteurs institutionnels en matière d'élections, un transfert de responsabilités
par rapport au système actuel et la mise en place d'un nouveau type de relations et d'attitudes
pour les Administrations et autorités jadis parties prenantes dans le processus électoral 226.
L’article 8 de la loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral dispose qu’Elecam est
un organisme indépendant, chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision de
l’ensemble du processus électoral et référendaire. Il est doté d’une personnalité juridique et
jouit d’une autonomie de gestion. La création d’Elecam met fin au rôle prépondérant de
l’Administration dans la gestion des consultations électorales. Désormais, il organise, gère et

223 OLINGA A. D., L’ONEL : Réflexion sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création de l’ONEL, op.
cit., p. 13.
224 BEDJOKO MBASSI, « Le vote au Cameroun depuis 1992 : Exigences normatives et pratiques sociales », in
Cahier africain des droits de l'homme, n°9, mai 2003, p. 142.
225 ONDOUA A. « Vers une modernisation du système institutionnel de régulation des élections au Cameroun ?
À propos de la mise en place d’ « Élections Cameroon », in Les Voyages du droit- Mélanges Dominique Breillat,
Paris, L.G. D. J., 2011, pp. 485- 497.
226 Propos du premier président de la Cour suprême — siégeant en qualité de Conseil constitutionnel
conformément à l’article 67 alinéa 4 en vertu duquel la cour suprême exerce les attributions du Conseil
constitutionnel en attendant sa mise en place— lors de la prestation des membres du Conseil Électoral
d’Elecam du 29 janvier 2009.

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supervise les processus électoraux. Cette situation, loin de déplaire, a réjouit la société civile et
les partis politiques, qui apparentaient la consolidation de la démocratie, à
l’institutionnalisation d’un organe indépendant chargé de gérer l’ensemble des processus
électoraux. Cet organe devait être considéré par l’ensemble des candidats et partis politiques
comme compétent et intègre. L’Onel, à l’occasion de l’établissement de son rapport général
sur le déroulement des opérations électorales des élections législatives et municipales de 2007,
avait préconisé, eu égard aux violations constatées, que l’Administration soit déchargée des
opérations préalables à la tenue des élections, afin de les confier à un organe qui ne sera, ni
sous la tutelle de l’Administration, ni inféodé au pouvoir en place. La création d’Elecam
participe de la sorte, d’une stratégie de garantie neutre et impartiale des libertés politiques des
citoyens.

Elecam est composé de deux organes : Le Conseil électoral et la Direction générale. Le


Conseil électoral comprend 18 membres 227 dont un (01) président et un vice-président
nommés par décret du président de la République après consultation des partis politiques
représentés à l’Assemblée nationale et de la société civile, nommés pour un mandat de quatre
(04) ans éventuellement renouvelable. La direction générale des élections quant à elle est
composée du Directeur général et le du Directeur général adjoint, nommés par décret
présidentiel pour un mandat de cinq (05) éventuellement renouvelable après consultation du
Conseil électoral 228.

Des qualités de probité sont requises aux membres d’Elecam qui sont choisis parmi des
personnalités de nationalité camerounaise, reconnues pour leur compétence, leur intégrité
morale, leur honnêteté intellectuelle, leur sens patriotique, leur esprit de neutralité et
d’impartialité. Ils doivent s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la
dignité de leurs fonctions 229. Ils bénéficient d’un statut particulier, à cet égard, ils ne doivent
en aucun cas, solliciter ou recevoir d’instruction ni d’ordre d’une autorité publique ou privée,

227 L’article 8 alinéa 1 (nouveau) de la loi n°2011/001 du 06 mai 2011 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement
d’« Elections Cameroons » (Elecam) porte de douze (12) à dix huit (18) membres la composition du
Conseil électoral, afin de calmer «une certaine tendance politique» et «permettre une plus grande intégration
des sensibilités sociopolitiques du pays» (exposé des motifs du projet de loi).
228 Le caractère "éventuellement renouvelable" du mandat des membres d’Elecam rend malléable leur statut, et
fragilise l’esprit de neutralité et d’intégrité recherché dans la création de cet organe de gestion. Au Sénégal,
par contre, l’on note que la CENA, chargée de contrôler et de superviser l’ensemble des opérations
électorales et référendaires, comporte une composition plus crédible, dans la mesure où ses membres sont
nommés pour un mandat de six (06) ans renouvelable par tiers tous les trois ans. (Article L.4 de la loi n°92-
16 du 07 février 1992 portant code électoral).
229 Voir l’affaire madame Pauline Biyong, membre d’Elecam exclu de ladite structure pour faute lourde et
violation du serment en raison des accusations qui pesaient sur elle. En effet, madame Pauline Biyong avait
gagné un marché d’affichage pour la campagne électorale d’un candidat à l’occasion de l’élection
présidentielle du 09 octobre 2011. Le Conseil électoral a estimé que cette activité compromettait son
indépendance et la dignité de sa fonction.

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ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés détenus ou jugés pour des opinions émises
dans le cadre de leurs fonctions, sauf en cas de flagrant délit. Avant leur prise de fonction, les
membres d’Elecam prêtent serment devant le Conseil constitutionnel, cette prestation
matérialise leur engagement à servir 230.

Elecam ainsi institué et doté des pouvoirs pour le bon accomplissement de ses missions, a
désormais des garanties légales adéquates pour assurer la stabilité et renforcer l’État de droit au
Cameroun. Il détient de ce fait, des compétences majoritairement administratives (A), et un
faible rôle contentieux (B).

A. L’exercice de compétences à dominante administrative


De manière générale, Elecam est chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision
du processus électoral et référendaire. Les missions de cette structure sont clairement définies
par les articles 10 et 11 du Code électoral. Elecam, pour l’exécution de ses missions, dispose
de deux organes à savoir : le Conseil électoral (CE) et la direction générale des élections
(DGE). Ces deux organes ont des compétences complémentaires dans l’organisation, la
gestion et la supervision des processus électoraux. Le Conseil électoral est au dessus de la
direction générale des élections, le directeur général est chargé sous la supervision du Conseil
électoral, du contrôle de toutes les opérations électorales et référendaires.

1. Les compétences de supervision du Conseil électoral


Le Conseil électoral, en application des dispositions de l’article 10 alinéa 1 du Code
électoral, veille au respect de la loi électorale par tous les intervenants, de manière à assurer la
régularité, l’impartialité, l’objectivité, la transparence et la sincérité des scrutins. Il détient un
pouvoir étendu dans la supervision des élections nationales et locales. À ce titre, relativement
au contrôle des opérations préliminaires, il examine les dossiers de candidatures réceptionnés
par le directeur général 231, et publie la ou les listes définitives des candidats à l’élection
présidentielle, aux élections législatives, sénatoriales, régionales et municipales 232. Le Conseil

230 Voir les articles 5 et 6 du nouveau Code électoral camerounais.


Concernant la prestation de serment, le premier président de la Cour suprême définit le serment comme
« un acte essentiel pour l'exercice de certaines fonctions. (…) un moment de rencontre du cosmique et du
mythologique dans le symbolisme professionnel. Celui qui prête serment (…) donne sa personne en otage à
la divinité », op. cit., p. 9.
231 Dans le cadre de son rôle afférent à l’enregistrement des candidatures, le Conseil électoral s’assure que les
dispositions législatives relatives à l’enregistrement des candidatures sont respectées, en l’occurrence celles
des articles 121, 122, 123 et 124 du Code électoral concernant la déclaration de candidature ainsi que toutes
les pièces qui l’accompagnent.
232 La recevabilité des candidatures autrefois effectuée par l’administration compétente relève désormais de la
compétence exclusive du Conseil électoral qui est compétent pour se prononcer sur leur acceptation ou
leur rejet. Voir la combinaison des articles 22 alinéa 2 paragraphe 9, et 6 alinéa 2 paragraphe 2 de la
loi n°2011/001 du 06 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2006/011 du 29

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électoral sanctionne l’inobservation des exigences légales par le rejet de la candidature. Ainsi, il
assure la vérification de la publication des listes des membres des bureaux de vote, leur
transmission aux personnes concernées dans les délais impartis par la loi, et la mise en place
du matériel électoral et des documents électoraux.

Dans le cadre de son contrôle relatif aux opérations postélectorales, le Conseil électoral
transmet les procès-verbaux des élections au Conseil constitutionnel et aux instances prévues
par la loi 233. Les mutations apportées par le Code électoral restreignent les compétences du
Conseil électoral. En effet, préalablement compétent en vertu de l’article 6 alinéa 2
paragraphe 3 de la loi n°2006/011, pour publier les tendances enregistrées à l’issue des
scrutins pour les élections nationales, il est désormais limité à la transmission des procès-
verbaux aux instances compétentes, notamment à la commission nationale de recensement
général des votes. Néanmoins, l’on relève que l’article 11 renforce son pouvoir d’action dans le
fonctionnement d’Elecam, puisqu’il approuve le règlement intérieur d’Elecam, soumet des
rapports et/ou propositions aux autorités compétentes sur les questions relevant de ses
missions ; examine et approuve les programmes ou activités initiées par le Directeur général
émet ou formule des suggestions sur tout projet de texte qui lui est soumis, fixe, l’organisation
et les modalités de fonctionnement des démembrements etc. Il convient toutefois de rappeler
que les compétences administratives exercées par le Conseil électoral sont mises en scène par
le directeur général qui est chargé de la préparation et de l’organisation matérielle des
opérations électorales et référendaires 234.

2. Les compétences d’organisation matérielle de la Direction générale des


élections
À l’instar de l’Onel qu’il remplace, Elecam est chargé de la supervision des opérations
préparatoires, des préliminaires, des opérations électorales et postélectorales.
L’article 26 alinéa 1 du Code électoral organise de manière irrégulière, les attributions du
Directeur général dans l’organisation et la supervision des processus électoraux. Considéré
comme la clé de voûte de l’organisation et la supervision matérielle des consultations
électorales et référendaires, le directeur général des élections, nonobstant la variabilité de son

décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’Elecam d’une part, et 55, 57 et 58 de la
loi n°2011/002 du 06 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi
n°92/010 du 12 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la
République.
233 L’article 7 étend son domaine de compétence, ainsi il approuve le règlement intérieur d’Elecam, soumet des
rapports et/ou propositions aux autorités compétentes sur les questions relevant de ses missions ; examine
et approuve les programmes ou activités initiées par le directeur général, émet un ou formule des
suggestions sur tout projet de texte qui lui est soumis, fixe, l’organisation et les modalités de
fonctionnement des démembrements, constate la composition des commissions départementales, et
régionale de supervision, celle de la commission nationale de recensement général des votes etc.
234 Article 22 du Code électoral.

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champ d’action, intervient dans la supervision des opérations préélectorales, électorales et
postélectorales.

En matière d’opérations préparatoires, le rôle du directeur général des élections porte sur la
constitution, la gestion, la mise à jour et la conservation du fichier électoral national ainsi que
des documents électoraux, de l’établissement en collaboration avec les commissions
électorales compétentes, de l’établissement des listes et cartes électorales et la distribution des
cartes électorales.

Il s’assure que les opérations de révision des listes électorales d’une part, d’établissement et
de distribution des cartes électorales d’autre part, sont effectivement accomplies par les
commissions compétentes. Il constate la composition des commissions électorales, et
parallèlement, désigne les représentants d’Elecam au sein desdites commissions.

Relativement aux opérations préliminaires qui intéressent la déclaration des candidatures et


la campagne électorale, le Directeur général des élections reçoit et transmet au Conseil
électoral les dossiers de candidature à l’élection présidentielle, sénatoriale, législative, régionale
et municipale. Le législateur restreint son rôle, comparativement à celui de l’Onel, dans le
contrôle du déroulement de la campagne électorale. Son intervention se limite à la remise des
spécimens en vue des campagnes électorales, aux partis politiques prenant part à l’élection.

En revanche, en matière électorale, son champ d’action est plus consistant. Il coordonne
les actions des observateurs accrédités par les autorités compétentes, organise les bureaux de
vote conformément aux prescriptions légales ; désigne les responsables de ceux-ci ; et peut
saisir les autorités compétentes en cas de menace de l’ordre public dans les bureaux de vote.

Dans le cadre du contrôle des opérations postélectorales, son action est relative au
transport des procès-verbaux et autres documents électoraux à partir des bureaux de vote
jusqu’au siège d’Elecam, à la transmission des procès-verbaux au Conseil électoral, à la
centralisation de tout le matériel et les documents électoraux en vue de leur conservation, et
enfin, à l’élaboration d’un rapport final sur le déroulement des élections. L’on relève par
ailleurs que le directeur général assure des missions qui relèvent de manière médiate de
l’organisation des processus électoraux.

La lecture des attributions d’Elecam en matière contentieuse, laisse transparaître


d’importantes déficiences qui ne concourent pas à une action optimale dans l’accomplissement
de la mission qui lui est assignée.

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B. Le faible rôle contentieux d’Elecam
Le champ d’intervention d’ « Elections Cameroon » en matière contentieuse est circonscrit
et délimité. Il est amoindri par le chevauchement de compétences qui existe avec d’autres
organes de contrôle.

La lecture des attributions des deux organes d’Elecam révèle le rôle quasi-inexistant du
Conseil électoral dans le règlement des litiges qui découlent de l’organisation et du
déroulement des processus électoraux. Néanmoins, l’on observe que son intervention
circonscrite, lui confère des compétences complétives et de substitution dans le contentieux
des opérations préélectorales et électorales.

1. Une intervention contentieuse circonscrite


L’intervention contentieuse d’Elecam est ambigüe, en raison de la difficile lisibilité qui
caractérise la répartition des compétences entre Elecam et les autres organes de contrôle.
L’article 10 alinéa 2 paragraphe 6 énonce de manière extensive les compétences contentieuses
du Conseil électoral. Ce dernier connaît des contestations et des réclamations relatives aux
opérations préélectorales sous réserves des attributions du Conseil constitutionnel et des
juridictions ou administrations compétentes.

La compétence contentieuse du Conseil électoral porte ainsi, eu égard aux dispositions de


l’article 10 alinéa 2 paragraphe 6, sur les opérations préparatoires et les opérations
préliminaires, compétences parallèlement confiées aux commissions de supervision d’une part,
et aux juridictions compétentes d’autre part. L’article 81 alinéa 2 du code électoral, lève le pan
sur l’existence d’une concurrence établie par les dispositions de l’article 73 alinéa 4, dont le
caractère brumeux entretenu par l’emploi de l’adverbe « le cas échéant » a entraîné une sorte
de confusion, et partant, de concurrence entre les commissions de supervision et le Conseil
électoral235. Il en résulte que ce dernier connaît de manière exclusive, dès la publication de la
liste nationale, de toute demande en réclamation ou contestation relative à une omission, une
erreur ou une inscription d’un électeur plusieurs fois sur la liste nationale. Cette disposition

235 Les articles 17, 43 et 40 successivement des lois relatives à l’élection des conseillers municipaux, des députés
à l’Assemblée nationale et du président de la République confient aux commissions de supervision le
contentieux des opérations préparatoires, relatif à l’inscription sur la liste électorale et à l’établissement et à
la distribution des cartes électorales. Cette compétence, parallèlement attribuée à Elecam par l’article 6
alinéa 2 de la loi n°2006/011 du 19 décembre 2006 crée une confusion quant à l’exercice de cette
compétence. Il est dès lors nécessaire de procéder par des hypothèses pour les dispositions conflictuelles
susmentionnées.
En se fondant sur l’hypothèse de la spécialité, l’on pourrait supposer que les dispositions des lois électorales
l’emportent sur celle portant création d’Elecam, ainsi, les commissions de supervision conserveraient leurs
compétences pour connaître des contestations ou réclamations concernant les opérations préparatoires. La
deuxième hypothèse se réfère à la postériorité, et entraînerait la compétence d’Elecam. Toutefois, une
dernière hypothèse qui se fonde sur l’option permettrait à l’électeur de saisir les commissions de
supervision ou Elecam.

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circonscrit la compétence contentieuse des opérations préparatoires, et détermine l’objet et le
moment de la saisine du Conseil électoral. Les décisions du Conseil électoral ne revêtent pas
l’autorité de la chose jugée, puisqu’elles peuvent être déférées devant la Cour d’appel du
ressort d’Elecam.

Concernant le contrôle des opérations préliminaires, l’on relève que, paradoxalement aux
dispositions de l’article 10 alinéa 2 susmentionné, le Conseil électoral ne détient aucune
compétence contentieuse. Son action est limitée à l’acceptation ou au rejet des candidatures
dont le contentieux relève de la compétence du Conseil constitutionnel et de la juridiction
selon le cas. L’attribution limitative des compétences, restreint le pouvoir permettant à Elecam
de faire respecter la loi électorale, de manière à garantir aux électeurs et aux candidats en
présence, une pleine jouissance de leurs droits civils et politiques. Malheureusement, l’absence
d’un véritable pouvoir de sanction qui ferait d’Elecam, une structure de gestion apte à
consolider la démocratie camerounaise est à déplorer.

2. L’exercice d’une compétence complétive et de substitution


La loi attribue au Conseil électoral, la mission de « veiller au respect de la loi électorale par
tous les intervenants de manière à assurer la régularité, l’impartialité, l’objectivité, la
transparence et la sincérité des scrutins ». À ce titre, il est chargé de régler les réclamations ou
contestations survenues à l’occasion de l’organisation et du déroulement des processus
électoraux. Le réaménagement entraîné par les modifications des lois relatives à Elecam et à
l’élection du président de la République clarifient la compétence contentieuse d’Elecam. En
effet, les articles 38, 40 et 43 de la loi n°2011/002 du 06 mai 2011 relative à l’élection du
président de la République viennent partiellement dissiper le flou qui entoure la répartition des
compétences entre les organes non juridictionnels. Ces dispositions laissent planer une
perpétuelle situation de l’option qui amène l’électeur à choisir l’organe devant lequel il porte sa
requête. Elecam exerce dans ce cas, soit une compétence complétive —article 43 alinéa 2 de la
loi n°2011/002 du 06 mai 2011—, soit une compétence de substitution —
article 38 alinéa 7 de la loi n°2011/002 du 06 mai 2011—. Il ne peut connaître d’un litige qui
relève en première instance de la compétence des commissions de supervision ou des organes
juridictionnels. L’organisation des processus électoraux fait intervenir plusieurs étapes :
la première concerne les opérations préélectorales, la deuxième porte sur les opérations de
vote et la troisième se rapporte aux opérations postélectorales. Le législateur confie le contrôle
des opérations préélectorales et électorales au Conseil électoral qui exerce tout pouvoir de
contrôle et de supervision sur celles-ci. La compétence du Conseil électoral s’exerce « sous
réserve de celle des administrations et juridictions compétentes ». Ces dispositions
entretiennent le flou dans la délimitation de la sphère de compétence d’Elecam, puisque le
législateur lui octroi une compétence circonscrite dans le contentieux des opérations

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préparatoires. Toutefois, l’on observe qu’aucune mention n’est faite, relativement à sa
compétence contentieuse dans le contrôle des opérations électorales. Cette exclusion d’Elecam
de la connaissance de certains aspects de l’élection conforte l’affirmation du professeur Alain
Didier Olinga selon laquelle « Elecam exerce la quasi-totalité des prérogatives en matière, à
l’exclusion de certains aspects du contentieux électoral et, surtout, de la proclamation des
résultats (…) » 236.

Le flou et l’imprécision qui caractérisent le cadre juridique entraînent, outre un éventuel


conflit de compétence, mais également une saisine laborieuse, qui pourrait favoriser des dénis
de justice, le juge se refusant de connaître d’une question qui n’a pas respecté les voies de
recours procédurales en instance.

236 OLINGA A. D., Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections du Cameroun, Yaoundé, Presses
universitaires d’Afrique, 2007, p 54.

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Conclusion du chapitre I du titre I

L’intervention d’une pluralité d’organes mixtes aux compétences imprécises et inégales,


dans le contrôle des processus électoraux entraîne la nécessité pour le législateur de créer un
cadre normatif plus lisible, cohérent, et facilement maniable par tous les acteurs du jeu
électoral, qui permettrait d’assurer une meilleure protection du droit de vote des citoyens. La
contrariété des dispositions législatives rend opaque le cadre normatif en matière électorale, et
explique le raisonnement du professeur Alain Didier Olinga qui le considère comme
essentiellement opportuniste, et ne procédant pas à une vision globale et neutre qui participe à
l’édification de l’État de droit. Il en résulte que la législation électorale du Cameroun « trahit la
difficulté de parvenir à une véritable transparence du système électoral, transparence dont on
dit vouloir sans cesse mais dont les démarches juridiques trahissent les hésitations politiques à
s’engager dans cette voie » 237. En effet, les perpétuelles modifications textuelles, qui ne règlent
pas toujours la problématique des lacunes et vides juridiques constatés et décriés, entraînent
indubitablement une insécurité juridique, et par conséquent une protection imparfaite des
droits civils et politiques des citoyens par les organes non juridictionnels. Ces manquements
appellent une nécessaire complémentarité matérialisée par l’intervention des organes
juridictionnels dont le but est de conférer une légitimité incontestable aux élus, puisque leurs
décisions revêtent le caractère de chose jugée.

237 OLINGA A. D., Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections du Cameroun, op. cit., p. 11.

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CHAPITRE II.

L’INTERVENTION À ÉCHELLE VARIABLE D’ORGANES JURIDICTIONNELS

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Le caractère fondamental rattaché au droit de vote commande qu’il soit entouré des
mécanismes qui assurent sa garantie. Certes, l’article 37 alinéas 1et 2 de la loi constitutionnelle
du 18 janvier 1996 pose le fondement constitutionnel de la justice, rendue au nom du peuple
souverain par la Cour suprême, les cours d’appel et les tribunaux. Toutefois, il convient
d’observer avec le professeur Marie-Joëlle Redor que, la protection des droits fondamentaux
n’est plus assurée de manière politique et juridique par le législateur, mais par le juge. Pour elle
en effet, « ce qui importe (…), c'est moins la fondamentalité du droit que sa juridicité. Plus
exactement, la fondamentalité réside dans l'existence d'un contrôle juridictionnel permettant
de faire prévaloir le droit sur la loi » 238. La garantie juridictionnelle exercée par le juge consiste
à « trancher les litiges qui s’élèvent, soit entre deux personnes à l’occasion de leurs rapports
privés, soit entre un administré et l’autorité administrative au sujet des actes faits par celle-
ci » 239. Il en résulte que, l’intervention d’un juge suppose nécessairement l’existence d’un
différend, d’une contestation, ou d’une réclamation entre les parties.

En matière électorale, la fonction juridictionnelle vise à régler les contestations ou


réclamations qui surviennent à l’occasion de l’organisation ou du déroulement des opérations
électorales. Toute élection a un juge, mais il peut arriver que plusieurs juges interviennent de
manière diversiforme, à plusieurs étapes du processus électoral. La répartition des
compétences entre les juges, dont l’objectif est de concourir au respect de l’État de droit et de
la démocratie, incombe principalement au constituant, et accessoirement au législateur. Le
professeur Bernard Raymond Guimdo Dongmo écrit à juste titre que, « le fait de consacrer le
recours au juge est incontestablement un signe de vitalité de la société et une manifestation de
l’État de droit. C’est pourquoi les citoyens sont considérés comme des requérants en puissance
qui participent au quotidien à la consolidation de l’État de droit » 240.

Le contentieux électoral entraîne le règlement d’une réclamation ou d’une contestation


devant le juge compétent. En matière électorale, il n’existe pas de juges électoraux au sens
strict du terme, cependant, en fonction de l’élection, et suivant le litige soulevé, ce sont les

238 Selon le professeur Marie-Joëlle REDOR, le droit de vote est un droit fondamental, quel que soit le lien qu'il
entretient ou non avec l'idée de liberté en raison de sa consécration par la Constitution ou par une
Convention internationale.
REDOR M.-J., « Garantie juridictionnelle et droits fondamentaux », C. R. D. F., n° 1 /2002, p. 93. [En ligne],
site, http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/files/pdf/c1Redor.pdf, (consulté le 11/10/2012). Maurice
Hauriou corrobore cette pensée, pour lui en effet, « l’autorité juridictionnelle remplit une fonction
intermédiaire entre la législation et l’exécution : c’est donc que l’activité du juge, qui est consécutive à la loi,
mais qui en précède ou en conditionne l’exécution, forme une manifestation de puissance étatique, qui est
aussi tout aussi distincte du pouvoir exécutif que du pouvoir législatif. HAURIOU M., Les éléments du
contentieux, Recueil de législation de Toulouse, 8ème édition, 1905, p. 395 et s., cité par CARRÉ DE
MALBERG R., Théorie générale de l’État, tome I, Paris, Sirey, 1920, p. 755.
239 CARRÉ DE MALBERG R., Théorie générale de l’État, tome I, ibid., p. 577.
240 GUIMDO DONGMO B. R., « Le droit d’accès à la justice administrative au Cameroun : contribution à l’étude
du droit fondamental », RRJ, n°1, 2008, p. 453-498.

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juridictions administratives et constitutionnelles, qui sont considérées comme des juges
électoraux. Le professeur Jean-Claude Masclet définit le juge électoral comme tout juge
statuant en matière électorale, il attache cette qualification à l’objet du recours et à la mission
de la garantie de la sincérité du scrutin, confiée au juge à travers la recherche de la conformité
des résultats du scrutin à la volonté des électeurs 241. Le professeur Richard Ghevontian écrit
que le contentieux électoral dans son ensemble, se distingue par sa très grande complexité qui
trouve tout d'abord sa source dans la diversité des juridictions compétentes en la matière.
Ainsi, tous les ordres de juridictions sont concernés à un degré ou à un autre par le
contentieux électoral, y compris le juge pénal qui est compétent pour sanctionner les fraudes
éventuelles 242.

Au Cameroun, le contentieux électoral n’échappe pas à cette répartition complexe de


compétences, il met en présence, de manière inégalitaire et variable, les juges judiciaire
(Section I), administratif (Section II) et constitutionnel (Section III).

241 MASCLET, J-C., Droit électoral, 1ère édition, n°3, Paris, PUF, 1989. p. 14.
242 GHEVONTIAN R., « Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d'élections
politiques », in RFDA, 1994, p. 793.

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SECTION I.

L’EXERCICE DES COMPÉTENCES LIMITÉES PAR LE JUGE JUDICIAIRE

La nécessité de garantir les droits fondamentaux 243 des citoyens n’a pas laissé
indifférentes les autorités judiciaires. Celles-ci ont affiché un déterminisme certain dans leur
volonté de promouvoir la primauté du droit, afin de purifier le corps représentatif de toute
illégitimité, et de garantir par ce fait les droits fondamentaux des citoyens. Tout d’abord, Le
juge en chef Dickson, dans l’affaire British Columbia Employees Union, déclare que :
Le droit d’accès aux tribunaux constitue sous le régime de la primauté du droit, un des piliers
de base qui protège les droits et les libertés de nos citoyens (…) Du moment qu'une personne ou un
groupe fait obstacle à cet accès, le tribunal exercera ses pouvoirs de manière à assurer aux justiciables
leur accès au tribunal (…). Il ne peut y avoir de primauté du droit sans accès aux tribunaux,
autrement, la primauté du droit sera remplacée par la primauté d’hommes et de femmes qui
décident qui peut avoir accès à la justice. 244

D’après le juge Black dans l’affaire Westbury contre Sanders, aux États-Unis, « les autres
droits, même les plus fondamentaux, sont illusoires si le droit de voter est sapé à sa base. » 245
L’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 stipule à cet égard
que : « chacun a le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial ». Le contentieux
électoral permet de porter devant les juges compétents un litige qui résulte de l’organisation ou
du déroulement des opérations électorales. Il est un « contrôle majeur, puisqu’il intéresse la
désignation par le peuple des représentants chargés d’exprimer sa volonté » 246. Le citoyen a la
possibilité de jouir librement de son droit de vote qui est soumis au respect des conditions
liées à l’électorat, notamment à l’inscription sur la liste électorale 247. La notion d’élection est
associée à celle de citoyenneté, elle permet au citoyen de s’exprimer et d’intervenir comme
acteur d’exercice de la souveraineté nationale.

Jean Rivero, soulevait à la fin des années soixante-dix, la nécessité de restaurer l’autorité du
juge judiciaire, en orientant son action, non vers la seule répression, mais vers la protection
effective d’une liberté menacée 248. Ainsi, l’on observe qu’en matière électorale, l’intervention

243 Encore appelés libertés fondamentales, les droits fondamentaux sont catégorisés en fonction de leur
apparition chronologique. Ainsi, l’on recense les droits de 1 ère, 2ème et 3ème génération. Le droit de vote
rentre dans première catégorie et vise la reconnaissance des droits-liberté. Consacrés par la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, ces droits tendent à la reconnaissance des droits
politiques aux citoyens notamment, le droit de vote et d’éligibilité.
244 British Columbia Employées Union Contre Colombie-Britannique (P.G.), 1988, 2 R.C.S., 214, p. 30
245 Westbury contre Sanders, 376, U.S., 1, 1964
246 ARDANT, P., Le contentieux électoral devant le conseil constitutionnel et le Conseil d’État, op. cit., p. 55-86.
247 Article 46 du Code électoral.
248 RIVERO J., LAUBADÈRE A., MATHIOT A., VEDEL G. Pages de doctrine, Paris, L.G.D.J., 1980, tome I, p. 561.

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du juge judiciaire ne se résume pas à connaître de l’état des personnes 249, il intervient
également en qualité de juge des référés et répressif. Ces domaines de compétence visent des
objectifs distincts. Les deux premiers assurent le respect des droits fondamentaux des
citoyens, et le dernier sanctionne les délits pénalement répréhensibles en matière électorale.
Cette répartition des compétences donne naissance à deux types de contentieux totalement
parallèles et autonomes 250. Les compétences du juge judiciaire sont énoncées de manière
restrictive. D’un statut de protecteur et garant de l’électorat et des libertés individuelles des
citoyens (§ I), il passe à une instance subsidiaire, qui connaît de manière conditionnelle et en
appel, des décisions rendues par le Conseil électoral (§ II).

§ 1. UNE PROTECTION RESTREINTE DE L’ÉTAT DES PERSONNES DANS LE JEU


ÉLECTORAL

L’élection suppose un préalable de définition du corps électoral. Cet exercice consiste dans
la conciliation de deux objectifs en apparence contradictoires : l’exigence d’une relative
stabilité du statut de l’électeur, afin de ne pas donner prise à des manipulations génératrices
d’inégalités devant le suffrage d’une part ; et la facilitation de l’exercice du droit de vote pour
faire échec à l’abstentionnisme d’autre part 251.

La participation à l’élection requiert à cet effet le respect des conditions relatives à l’âge, la
nationalité, au domicile, à la résidence etc. Elle est parallèlement conditionnée par une
inscription préalable sur les listes électorales. Le rôle du juge judiciaire relativement à la
garantie juridictionnelle du droit de vote des électeurs consiste à régler des questions de droit
commun qui se rapportent entre autres à l’état et la capacité des électeurs, à leur domicile, et
leur nationalité. Cette action est en revanche circonscrite au contrôle des opérations
préparatoires (A), et diluée par l’intervention d’organes non juridictionnels (B).

A. L’exercice d’un rôle délimité aux opérations préparatoires


La liste électorale est un registre dressé par une commission mixte comportant tous les
noms des citoyens d’une circonscription électorale admis à voter, elle obéit à une procédure
administrative prévue par la loi électorale. La procédure d’inscription sur la liste électorale
donne droit à la délivrance d’une carte électorale, et participe de la volonté du législateur de

249 La loi n°2011/011 du 06 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de l’ordonnance
n°81/002 du 29 juin 1981, portant organisation de l’état civil et dispositions diverses relatives à l’état des
personnes physiques, donne compétence au juge judiciaire de connaître de l’état des personnes. En matière
électorale, l’article 81 alinéa 4 dispose que la Cour d’appel du ressort d’Elecam statue en dernier ressort sur
tout recours tendant à la reconnaissance d’un droit d’inscription sur la liste électorale.
250 DELPÉRÉE F., Le contentieux électoral, op. cit., p. 39.
251 TOUVET L, DOUBLET, Y.-M., Droit des élections, op.cit., p. 59.

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comptabiliser, d’identifier et de recenser tous ceux qui possèdent le droit de vote. Garantir ce
droit suppose l’existence des mécanismes à même de régler les litiges y afférents.

L’inscription sur la liste électorale est de droit. L’article 2 alinéas 2 et 3 de la loi


constitutionnelle du 18 janvier 1996 confère un fondement constitutionnel au droit de vote.
Ainsi, participent au vote, tous les citoyens âgés d’au moins 20 ans 252, et remplissant les
conditions de l’électorat. L’inscription sur les listes électorales selon Édouard Laferrière
« constate l’existence et assure l’exercice d’un droit individuel, d’un véritable droit civique, qui
doit être placé, sous la sauvegarde de l’autorité judiciaire comme les autres droits attachés à la
personne » 253. La liste électorale est établie par une commission électorale mixte qui est
chargée de réviser les listes électorales. Le refus de l’inscription sur la liste électorale ou de la
délivrance de la carte électorale est porté devant le juge judiciaire, puisqu’il s’agit d’une entrave
à la jouissance d’un droit fondamental.

1. La gestion incidente du contentieux de la liste électorale


Raymond Carré De Malberg écrit que pour que le titulaire d’un droit puisse mettre en
mouvement l’activité juridictionnelle de l’État, il n’est pas indispensable que son droit ait déjà
subi une violation effective. Il suffit juste que ce droit lui soit contesté, car à vrai dire,
lorsqu’un droit possède une existence régulière, c’est déjà le violer que de nier sa réalité 254.
L’inscription sur la liste est une réalité dont pourrait se prévaloir le citoyen qui remplit les
conditions requises. Son refus entraîne la saisine d’un organe compétent aux fins de contester
le grief causé. Le contentieux de la liste électorale soulève à cet égard la question de la garantie
d’un droit fondamental, notamment celui de voter. La compétence du juge judiciaire est
justifiée par le caractère personnel de l’objet du litige, et sa qualité à connaître de l’état et la
capacité des personnes 255. Le Code électoral définit les opérations préparatoires comme celles
relatives à l’établissement et à la révision des listes électorales ainsi que l’établissement et la
distribution des cartes électorales. L’inscription sur les listes électorales, préalable
indispensable à la tenue d’un scrutin, atteste de la jouissance de la capacité électorale, et
permet conséquemment de faire partie de l’électorat.

252 La majorité électorale est passée de 21 à 20 ans par la modification de l’article 2 alinéa 3 de la Constitution
du 2 juin 1972. Les lois électorales rappellent celle-ci aux articles 11 et 2 respectivement des lois fixant les
conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale et celle fixant les conditions d’élection et de
suppléance de la présidence de la République. Ainsi, a la qualité d’électeur, toute personne de nationalité ou
naturalisée dès lors qu’elle a atteint l’âge de 20 ans révolus et tant qu’elle n’est pas frappée d’une incapacité
prévue par la loi.
253 LAFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, tome II, Paris, Berger-Levrault et Cie,
Librairies éditeurs, 1898, p. 299.
254 CARRÉ DE MALBERG R. Théorie générale de l’État, tome I, op.cit, p. 696.
255 Voir La loi n°2011/011 modifiant et complétant les dispositions de l’Ordonnance n°81/002
du 29 juin 1981, portant organisation de l’état civil, op. cit.

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Le contentieux de la liste électorale porte sur l’exercice du droit de vote dont le préalable
est la jouissance d’une capacité électorale, il intervient à la phase préélectorale du processus
électoral, et vise à la sanction entre autres des inscriptions sélectives et multiples sur les listes
électorales, la non publication et le non affichage des listes électorales dans les délais légaux
prescrits. Le règlement de ce contentieux soulève cependant des difficultés relatives à la
consistance et à l’étendue de l’action des organes chargés d’en connaître. Le contentieux de la
liste électorale connaît un mode de règlement mixte. Il relève principalement de la compétence
des organes non juridictionnels, et fait intervenir de manière accessoire le juge judiciaire. Ce
dernier, nonobstant son statut de juge de l’état des personnes exerce une compétence
incidente dans le contentieux des opérations préparatoires puisqu’il connaît en dernière
instance des décisions des organes non juridictionnels, en l’occurrence celles du Conseil
électoral 256. La simplification de l’action du juge judiciaire dans le contentieux de la liste
électorale se prolonge dans celui relatif à l’établissement et à la distribution des cartes
électorales.

2. La quasi-inexistence du contentieux de la délivrance des cartes électorales


La carte électorale joue un rôle important 257 dans le processus électoral, car c’est elle qui
donne à l’électeur un titre qui permet de l’identifier comme électeur et qui le relie à une
circonscription électorale et à un bureau de vote précis.

La carte électorale est délivrée à tout électeur inscrit sur les listes électorales, elle comporte
les mentions relatives à son bureau de vote, son numéro d’inscription, ses noms et prénoms,
sa date et lieu de naissance, sa filiation, sa profession, son domicile et le numéro de la pièce
ayant servi à son identification. Elle sert pour plusieurs élections consécutives, sauf
renouvellement. En cas de renouvellement, la distribution se fait sous le contrôle de la
commission de contrôle de l’établissement et de la distribution des cartes électorales, dans les
quarante (40) jours précédant le scrutin.

La quasi-inexistence du contentieux de la carte électorale tient du fait que la procédure y


relative est malléable. La potentialité d’une non-distribution des cartes électorales fragilise cette
procédure et partant, l’action de la CCEDCE. En effet, si le législateur laisse subsister
l’éventualité du retrait des cartes électorales dans les bureaux de vote le jour du scrutin,

256 L’arrêt n° 002/cc rendu par la cour d’appel de Bafoussam le 11 août 1995, Kago Lélé Jacques. Dans cette affaire, le
requérant Kago lélé Jacques, alors même qu'il avait été élu conseiller municipal de Bafoussam en 1987, se
voit refuser son inscription sur les listes électorales de cette ville en 1994. Sur ce, il saisit la commission
locale de supervision qui rejette sa requête au motif que l'intéressé a son domicile à Yaoundé. C'est contre
cette décision de la commission que Kago lélé interjette appel, la cour infirme la décision et ordonne non
seulement l'inscription du requérant, mais aussi celle des membres de sa famille.
257 L’article 103 alinéa 1 du Code électoral relève l’importance de la carte électorale dans le vote. « À son entrée
dans le bureau de vote, l’électeur doit présenter sa carte électorale. Il doit, s’il en est requis par la
commission locale de vote, prouver son identité suivant les règles et usages établis. »

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l’hypothèse d’un contentieux relatif à la non-distribution ou à la distribution sélective des
cartes électorales est annihilée, ce qui fragiliserait l’action des CCEDCE, puisque les électeurs
pourront retirer leurs cartes électorales au niveau de leur bureau de vote, sur présentation
d’une pièce d’identité ou à défaut, sur la base de l’authentification des titulaires sur attestation
de deux témoins inscrits sur la liste électorale. Par ailleurs, l’on observe que cette possibilité
ouvre la voie à la méconnaissance des délais légaux de distribution des cartes électorales. La
flexibilité de la réglementation relative à l’établissement et à la distribution des cartes
électorales est source de fraudes, d’où la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes
adéquats permettant de résorber tous les manquements qui favorisent des votes multiples
influençant par voie de conséquence les résultats du scrutin. L’Onel réitère cette évidence
selon laquelle « la fiabilité du résultat d’un scrutin dépend substantiellement du mode
d’établissement puis de distribution des cartes d’électeur » 258, parce que ces opérations
peuvent ouvrir des brèches à des fraudes de toutes sortes.

Le contentieux relatif à la carte électorale est quasi-inexistant parce qu’il est généralement a
posteriori, et porté non pas devant le juge judiciaire, mais devant le juge électoral à l’occasion de
la contestation des opérations électorales. Les requérants se bornent à cette occasion, à décrier
les irrégularités relatives à la distribution sélective et discriminatoire des cartes dont la
conséquence est d’instaurer l’inégalité de chances entre les candidats, ouvrant ainsi la voie à
des retraits multiples sans véritables contrôle de la part de la CCEDCE. L’intervention du juge
judiciaire dans la garantie des droits de vote des électeurs est en outre sapée par l’exercice
d’une compétence non exclusive dans le contentieux des opérations préparatoires.

B. L’exercice d’une compétence diluée


Par compétence diluée, nous entendons l’absence d’une compétence exclusive détenue par
le juge judiciaire en matière de contentieux de l’électorat. Défini par monsieur Pierre Drai
comme celui qui a un rôle de réconciliateur, le juge est appelé à la rescousse, pour s’interposer,
séparer et rendre à chacun selon son dû 259. En matière électorale, le contentieux électoral
permet au juge judiciaire de régler la situation que l’électeur considère comme irrégulière et
injuste, et qui a porté atteinte à son droit de vote. Il a ainsi l’occasion de rendre une décision
qui confirme ou infirme la décision des organes non juridictionnels sur la question qui lui est
soumise. Le juge judiciaire dont l’intervention 260 devrait se situer en amont, voit sa

258 Voir le rapport général de l’Onel sur le déroulement des opérations des élections législatives et
municipales 2007, p. 43.
259 DRAI P., dans la préface de LENOBLE J., « Introduction : la crise du juge : mythe ou réalité ? », La crise du
juge,Paris, L.G.D.J., Bruxelles-Bruylant, coll. La pensée juridique moderne, 1990, 3 p.
260 Le juge judiciaire est fortement concurrencé par l’intervention d’autres organes de contrôle. Il n’intervient
que pour connaître des litiges non réglés de manière satisfaisante par les commissions de supervision ou
l’organe de régulation.

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compétence concurrencée et parfois noyée par le contrôle des commissions électorales d’une
part, et le Conseil électoral d’autre part.

1. Par l’intervention en amont des commissions électorales


La connaissance du contentieux relatif à l’inscription sur les listes électorales est dévolue
principalement aux commissions de supervision. L’exercice d’une compétence contentieuse en
matière d’opérations préparatoires par les commissions électorales, rend subsidiaire le rôle du
juge judiciaire dans la garantie des droits et libertés fondamentales des citoyens.

Les dispositions relatives à la compétence contentieuse des commissions de supervision


viennent poser la question de la valeur juridique de leurs décisions. Les dispositions textuelles
n’établissent pas de manière expresse leur statut juridique, et ne reconnaissent pas un caractère
juridictionnel à leurs décisions. Néanmoins, l’on note que lorsque le juge est directement saisi,
il n’hésite pas à décliner sa compétence, et il affirme qu’il est du ressort des commissions de
supervision de statuer en premier ressort sur les questions soulevées 261.

2. Par l’intervention en aval du Conseil électoral


Elecam connaît des contestations et réclamations portant sur les opérations préélectorales
et électorales sous réserve des attributions du Conseil constitutionnel et des juridictions ou
autorités administratives compétentes 262. L’article 81 alinéa 2 du Code électoral précise la
période à laquelle le Conseil électoral intervient. Il connaît d’une réclamation ou contestation
relative à une omission, une erreur, ou une inscription d’un électeur sur la liste électorale
nationale. L’intervention du Conseil électoral ne vise pas la contestation d’une décision de
refus d’inscription sur la liste électorale, elle porte sur la compétence de rectification et
régularisation du fichier électoral.

Le juge judiciaire connaît des décisions rendues en première instance par les organes non
juridictionnels. Malgré cela, l’on note qu’il joue un rôle factice dans le contentieux de
l’électorat, et son intervention est quasiment symbolique. Il donne l’impression d’être « une
pièce rapportée qui n’est pas autorisée à faire usage des principes caractéristiques du droit
électoral » 263, et c’est la commission de supervision, puis le Conseil électoral qui interviennent
en amont. Ce contrôle imparfait justifie quelquefois le contrôle indirect et exceptionnel du

261 Roger Gabriel NLEP relève le caractère juridictionnel implicite de la compétente des commissions de
supervision par l’emploi des termes « interjette appel » dans le rappel des faits relatif à l’arrêt Kago lélé Jacques.
NLEP R.G., « L’organisation générale des contentieux en matière électorale », in Aspects du contentieux électoral
en Afrique : Actes du séminaire de Cotonou 11-12 novembre 1998. Organisation Internationale de la Francophonie,
Paris, p. 49.
262 Article 10 du Code électoral.
263 GAUTHIER S., Le juge judiciaire, juge électoral : Vers une harmonisation du contentieux des élections, op. cit., p. 40.

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Conseil constitutionnel qui annule l’élection, nonobstant son incompétence, lorsque la gravité
des irrégularités constatées dans l’accomplissement de cette procédure est de nature à fausser
les résultats du scrutin.

L’intervention du juge judiciaire ne se limite pas à la protection du droit de vote des


citoyens, il veille également au respect des dispositions législatives.

§ 2. UNE IMPLICATION INOPÉRANTE ET PARCELLAIRE


Juge de l’électorat et garant des libertés fondamentales, le juge judiciaire détient d’une part,
une compétence répressive pour sanctionner les « délinquants électoraux » 264 (A), et intervient
par ailleurs comme juge des référés pour mettre fin à une situation irrégulière nécessitant une
action rapide (B).

A. Le rôle inopérant du juge judiciaire en matière répressive


Le juge pénal a pour mission la répression des délits électoraux notamment, les infractions
qui portent atteinte à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics, soit à un
intérêt politique de l’État, ou à un droit politique des citoyens 265. Réprimer, c’est punir. Le
contentieux répressif est le fait de porter devant le juge pénal des comportements frauduleux
contraires à la loi. Il tend à sanctionner des actes de fraude commis à l’occasion des élections
et à la condamnation de leurs auteurs. La fraude est considérée comme un acte de mauvaise
foi, accompli en violation des lois et règlements en vigueur, et qui peut nuire à autrui.

La fraude électorale est définie par monsieur Bernard Maligner comme « tout acte violant
délibérément une disposition du Code électoral» 266. Elle est un acte grave qui tend à altérer la
sincérité du scrutin. Il distingue les auteurs de délits électoraux, et les classe en deux
catégories : les « délinquants électoraux ordinaires » qui sont ceux exempts d’un esprit de
fraude d’une part, et les « fraudeurs » qui sont les délinquants électoraux assez particuliers, qui
agissent délibérément dans l’intention de transgresser la loi électorale 267.

Cette définition qui rejoint l’approche que le professeur Olivier Ihl qualifie de définition
des juristes, parce qu’elle met en exergue l’idée de violation de la loi dans l’optique de porter
sciemment atteinte à la liberté et à la sincérité du vote afin d’altérer ou d’orienter les résultats
du scrutin, lui paraît cependant réductrice en raison de l’occultation de leur signification

264 Expression utilisée par Bernard MALIGNER, Droit électoral, Paris, Ellipses, 2007, p. 260.
265 BOULOC B., Droit pénal général, 24ème édition, Paris, Dalloz, 2015, n°248.
266 MALIGNER B., Halte à la fraude électorale, Economica, Paris, 1986, p. 26.
267 MALIGNER B., Droit électoral, ibid., p. 261.

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politique de la fraude 268. À l’évidence, la fraude électorale commise de manière délibérée ou
non, nuit gravement aux principes démocratiques et travestit la volonté réelle des électeurs.
Madame le professeure Nathalie Dompnier rappelle relativement aux conséquences politiques
de la fraude qu’elle remet en cause les fondements et la légitimité des régimes
démocratiques 269. La sanctionner, c’est protéger la démocratie 270. Cependant, l’on note que la
sanction de la fraude en matière électorale est inexistante en raison de divers facteurs
endogènes et exogènes.

1. L’organisation biaisée de la répression en matière électorale


Défini comme une « branche du droit ayant pour objet traditionnel la prévention et la
répression des infractions » 271, un « ensemble des règles de droit ayant pour objet la définition
des infractions ainsi que des sanctions qui leur sont applicables » 272, le droit pénal constitue la
réaction de l'État vis-à-vis des infractions et des délinquants.

Englobant la prévention, la répression, et la rééducation, le droit pénal est le droit de


l'infraction et de la réaction sociale qu'elle engendre 273, il définit les agissements considérés
comme nuisibles à la société en général, et indique les peines auxquelles sont exposés ceux qui
les commettent 274.

Eu égard aux dispositions de l’article 12 du Code pénal 275, la répression pénale relève de la
compétence naturelle du juge judiciaire, en l’occurrence au juge pénal, dont le rôle consiste à
sanctionner les violations faites aux droits fondamentaux des citoyens. En matière électorale,

268 IHL O. « Les fraudes électorales : Problèmes de définition juridique et politique », p. 78-110. [En ligne]
URL :http://www.academia.edu/5372056/Les_fraudes_electorales._Problemes_de_definition_juridique_..
(Consulté le 10/05/2013).
269 DOMPNIER N., « La mesure des fraudes électorales », Histoire & mesure, XXII-1, 2007, p. 123-144. [En
ligne], URL : http://histoiremesure.revues.org/2313. (Consulté le 21 septembre 2012)
270 Le député Michel SAPIN, J.O. Débats. A.N. séance du 24 novembre 1988, p. 2721. Lui fait écho le
rapporteur du texte du sénat, Raymond BOUVIER : « Elle corrompt la démocratie, relève de pratiques et de
conceptions totalitaires et traduit un mépris du suffrage universel et de manière à saper les fondements de
nos institutions », in Rapport fait au nom de la commission des lois, J.O. doc. Sénat n° 120, 8 décembre
1988, p. 8, cité par ROY, M.P., « La loi du 30 décembre 1988 : La lutte contre la fraude électorale », A. J. D.
A., 20 juin 1989, p. 355.
271 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit., p. 751.
272 Lexique des termes juridiques, 21ème édition, Paris, Dalloz, 2014, p. 388.
273 AWAZI BIN SHABANIA E., Appréciation souveraine du juge dans la détermination de la proportionnalité entre l'attaque et
la riposte: cas d'une victime-agresseur originel, Mémoire, Université de Goma, 2010. [En ligne],
http://www.memoireonline.com/08/11/4701/m_Appreciation-souveraine-du-juge-dans-la-determination-
de-la-proportionnalite-entre-lattaque-et6.html, (consulté le 06/10/2012).
274 BOULOC B., Pénologie : exécution des sanctions, adultes et mineurs,, 3ème édition, Paris, Dalloz, 2005, p. 1.
275 Il s’agit du Code pénal camerounais n° 989/PJL/AN du 22 juin 2016, qui dispose que « sous réserve des
exceptions prévues au présent chapitre, les juridictions de la République sont compétentes pour connaître
de toutes les infractions auxquelles s'applique sa loi pénale ».

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le juge pénal sanctionne les atteintes à la Constitution 276 partant, la violation des dispositions
du droit électoral.

La compétence du juge pénal est énoncée par l’article 15 alinéa 1 de la loi n°2006/015
du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire. Il en découle que le tribunal de première
instance est compétent pour connaître des infractions qualifiées de délits ou contraventions.
En matière électorale, les titres X et XIV du Code électoral, relatifs aux dispositions pénales et
diverses, énumèrent les infractions qui touchent les processus électoraux. Celles-ci sont punies
par les peines principales relativement souples, prévues aux articles 122, et 123 277, puis 131 et
141 278 du Code pénal.

a. La caractérisation non dissuasive de la fraude en matière électorale


La fraude en matière électorale est considérée comme une infraction par conséquent, est
punie par la loi pénale. En effet, elle peut être une action ou une omission. Elle est assimilée à
un vol, une soustraction du vote par la voie des diverses malversations physiques et morales,
afin de changer la volonté populaire. Les infractions vicient les opérations préélectorales, les
opérations électorales et les opérations postélectorales.

Relativement aux opérations préélectorales, il faudrait souligner que l’article 22 du Code


pénal camerounais punit les inscriptions faites de manière illégale et sous une fausse identité, la
dissimulation d’une incapacité prévue par la loi, la réclamation d’une inscription sur plusieurs
listes électorales, l’inscription ou un rayage indûment d’un citoyen à la suite de faux certificats
ou de déclarations mensongères, la délivrance ou la production frauduleuse de certificats
d’inscription ou de radiation des listes électorales. Selon le professeur Jean-Claude Masclet,

276 Le choix du législateur d’employer cette formulation met en exergue le fondement constitutionnel du droit
de vote dont la violation doit être sanctionnée.
277 Le Code pénal distingue les peines principales de celles accessoires. En effet, aux termes des dispositions
des articles 18 et 19, sont constitutifs des peines principales et accessoires, respectivement, La peine de
mort; L'emprisonnement ; l’amende, puis les déchéances, la publication du jugement, la fermeture de
l'établissement, la confiscation. Les peines accessoires antérieurement considérées dans le contexte français
comme celles qui procèdent automatiquement du prononcé de la peine principale, ont été supprimées par
les dispositions de l’article 159 du Code pénal. il s’ensuit qu’aucune peine ne peut être appliquée si la
juridiction ne l’a pas prononcé de manière expresse.
L’article 122 alinéas 1 à 3 du Code pénal par exemple, puni de l’emprisonnement de 3 mois à 2 ans et d’une
amende de cinquante mille (50 000) à cinq cent mille (500 000) francs ou de l’une de ces deux peines
seulement celui qui à l’occasion d’une élection, viole le secret du vote, porte atteinte à sa sincérité, empêche
les opérations de scrutin, en modifie le résultat.
Son article 123 en revanche sanctionne des infractions relatives à l’octroi ou à la promesse d’un avantage
particulier par voies de fait ou menace d’un dommage particulier quelconque, l’influence le vote d’un
électeur ou le détermine à s’abstenir d’une peine de 3 mois à 2 ans et d’une amende de dix mille (10 000) à
cent mille (100 000) francs.
278 Les articles 131 et 141du Code pénal régissent les infractions causées par un fonctionnaire. Alors que les
premières dispositions définissent la qualité de fonctionnaire, l’article 141 punit d'un emprisonnement de
un (01) à cinq (05) ans, tout fonctionnaire qui empêche un citoyen d'exercer ses droits électoraux, ou le
prive de l'exercice ou de la jouissance des droits mentionnés à l'article 30 (1), (2), (4) ou (5).

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l’inscription sur les listes peut ouvrir la voie à des « fraudes difficiles à démasquer, car elle
suppose organisation et préméditation » par l’inscription des votants fictifs qui constitueront
une réserve de suffrage pour le fraudeur, et en radiant des votants dont le vote attendu n’ira
pas dans le sens attendu 279. Cette manœuvre très souvent qualifiée d’inscription sélective et
discriminatoire est souvent à l’origine de plusieurs contestations en matière civile devant les
commissions de supervision, l’organe de régulation et le juge judiciaire. Le professeur Francis
Delpérée qualifie le contentieux répressif de « contentieux autonome, parallèle et
marginal » 280, puisque le juge judiciaire pénal ne s’intéresse pas aux effets de la fraude sur les
résultats du scrutin, il n’est pas tenu par eux, il se borne à sanctionner le délit commis.

La fraude des opérations électorales est l’ensemble des infractions qui peuvent être
commises pendant le déroulement du scrutin. Le législateur recense des infractions qui
peuvent être regroupées en deux catégories : La première intéresse les personnes 281 et la
seconde concerne les violations de la sincérité du scrutin 282.

La fraude en matière d’opérations postélectorales concerne le dépouillement, le décompte


des voix et la consignation des résultats sur le procès-verbal 283. Elle porte en outre sur la
falsification des procès-verbaux par ceux qui sont chargés de compter, de dépouiller, ou de
recevoir les bulletins de vote contenant des suffrages ; par ceux qui ajoutent, soustraient, ou
altèrent les bulletins, en indiquant un nom autre que celui inscrit sur le bulletin. Le professeur
Jean Claude Masclet, qualifie la falsification des procès-verbaux et des listes d’émargement
comme «un procédé misérable et improvisé qui consiste tout simplement à truquer les procès-
verbaux de l’élection au moment de leur établissement, [il concerne] le fraudeur imprévoyant
placé devant le sort contraire. » 284

279 MASCLET J.-C., Droit des élections politiques, op. cit. p. 116.
280 DELPERÉE F., Le contentieux électoral, op. cit. p. 41.
281 La loi puni les déchus qui, au mépris de leur incapacité, participent au scrutin et ceux qui, profitant d’une
inscription frauduleuse, ou d’une usurpation d’identité votent plusieurs. Le bourrage des urnes, n’est pas
expressément mentionné par le législateur mais il constitue le moyen de plusieurs cas d’annulation ou de
réformation des résultats, c’est également le cas pour l’utilisation des charters électoraux (l’organisation et le
regroupement d’un nombre important d’électeur pour aller voter dans une circonscription dans laquelle ils
ne sont pas inscrits, en utilisant les cartes électorales non retirées).
282 Cette infraction intéresse d’une part ceux qui violent le secret du vote, empêchent les opérations électorales
par des violences ou outrages faites à l’égard de la commission locale de vote, modifient le résultat du
scrutin, et d’autre part se rapporte aux auteurs ou complices qui se rendent coupables de l’enlèvement
frauduleux de l’urne le jour du scrutin ; entrent dans le bureau de vote en portant une arme visible ou
dissimulée, suppriment ou détournent un ou plusieurs électeurs en les conduisant à s’abstenir de voter etc.
283 Voir l’arrêt n°96/CE du 17 juillet 2002, affaire PDS, UFDC, SDF, UNDP c/ État du Cameroun (MINAT), le
Conseil constitutionnel procède au redressement des décomptes des voix dans la circonscription du Haut-
Nkam après examen des griefs de fraudes soulevés par les requérants. Dans l’arrêt n° 57/CE/01-02 du 1
juillet 2002, affaire UNDP, RDPC c/ État du Cameroun, le Conseil constitutionnel annule l’élection législative
dans la circonscription de Kumba Urbain pour violences ayant entraîné la destruction des procès-verbaux
d’une dizaine de bureaux de vote, la destruction des véhicules et autres mobiliers par des incendies
volontaires, et des blessures causées à un électeur par un poignard.
284 MASCLET J.-C., Le droit des élections politiques, op. cit., p. 120.

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Nonobstant l’énumération —bien que non exhaustive— des irrégularités constitutives de
fraudes, l’on observe que la répression de celles-ci est malléable. Cette malléabilité est
entretenue par le caractère lacunaire des textes qui organisent la saisine de l’organe compétent.

b. L’indétermination des auteurs de la saisine


La loi électorale ne définit pas de manière précise les auteurs de saisine, d’où la nécessité de
se référer aux dispositions du droit pénal général y relatives. Aux termes de l’article 59 du
Code de procédure pénale camerounais, la sanction d’une infraction donne lieu au
déclenchement d’une action publique ou à une action civile. Toutefois, l’on observe qu’en
matière électorale, la poursuite des infractions prévues par les articles 288 à 293 ouvrent la
voie à l’action publique dont le but est de prononcer contre l’auteur de l’infraction une peine
ou une mesure de sûreté prévue par la loi. En effet, eu égard aux dispositions de l’article 60 du
Code de procédure susvisé, le déclenchement de l’action pénale appartient au Ministère
public 285, elle peut aussi être activée par une Administration ou par la victime dans les
conditions prévues par la loi.

Il est de principe en matière pénale, que la mise en mouvement de l’action publique est
faite par le procureur de la République, ou directement par la victime du fait dommageable 286.
Eu égard à ce postulat, l’on pourrait se poser la question de savoir, si le procureur de la
République est lié par l’acte de communication du dossier, ou s’il peut ou non décider mettre
l’action en mouvement. À l’évidence, le procureur a l’opportunité du déclenchement de
l’action devant le juge pénal. Ainsi, il peut décider librement d’agir en vertu du principe de
l’opportunité des poursuites. Dans ce cas, il classe le dossier sans suite, s’il ne lui semble pas
mériter de traitement judiciaire, ou le porte devant le juge pénal compétent. Le procureur
exerce seul l’opportunité des poursuites, il n’est donc pas lié par l’existence d’une éventuelle
plainte. Le commissaire de gouvernement Jean-Denis Combrexelles, écrit opportunément sur
cette question que la dénonciation n'apparaît pas comme une véritable saisine du juge
judiciaire, mais seulement comme une information transmise au ministère public 287.

Concernant l’action d’Elecam, il convient de relever qu’antérieurement à l’adoption du


Code électoral et la création d’Elecam, l’on observait que l’organisation de la sanction des
délits électoraux était plus lisible. Nonobstant la compétence de principe du Ministère public,
l’article 12 alinéa 4 donnait à l’Onel la compétence de saisir le procureur de la République et de

285 Constitué de l’ensemble des magistrats du Parquet Général de la Cour suprême, du Parquet Général de la
Cour d’appel, du Parquet du Tribunal de grande instance et du Parquet du tribunal de première instance, le
Ministère public est la principale partie dans une instance répressive, ce qui rend sa présence aux audiences
impérative à peine de nullité de la décision (article 127 et 128 du CPP camerounais).
286 Article 60 de la loi n°2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale au Cameroun.
287 COMBREXELLE J.-D., « Le refus d’une autorité administrative indépendante de transmettre une plainte au
parquet : conclusions sur Conseil d’état, section, 27 octobre 1999, Solana », ibid., p. 828.

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soutenir les poursuites lorsque les infractions à la loi pénale étaient constatées. A contrario, les
contours de l’action d’Elecam ne sont pas explicitement définis par le Code électoral. Certes,
le législateur reconnaît à la Direction générale des élections le droit de représenter Elecam
dans le cadre de ses attributions et d’ester en justice. Il se pose en revanche la problématique
de l’étendue de cette compétence. La saisine d’Elecam se limite t-elle aux infractions commises
pendant le scrutin ou sa compétence pourrait s’étendre à d’autres aspects du processus
électoral ? Il serait logique, eu égard au rôle central de cet organe, que son action porte sur
toutes les opérations électorales, d’où la nécessité pour le législateur de clarifier sa compétence
afin qu’il assure efficacement la mission qui lui est dévolue.

Outre l’action d’Elecam, l’on observe qu’il pèse sur le juge électoral une obligation de
« dénonciation » qui lui impose de communiquer le dossier au procureur de la République 288,
lorsqu’il constate et établit des faits frauduleux ayant empêché son contrôle, ou lorsqu’il retient
la fraude comme fondement de sa décision d’annulation ou de réformation des résultats du
scrutin.

L’absence d’une saisine directe sape la sanction pénale des fraudes électorales, puisque le
juge pénal ne peut être directement saisi par la victime. La détermination limitative des auteurs
de saisine, en l’occurrence l’exclusion des électeurs du prétoire, entraîne une garantie à
l’évidence imparfaite des droits civils et politiques.

288 Cette obligation pourrait, nonobstant le silence du Code électoral en la matière, découler des dispositions
de l’article 135 alinéas 1 et 2 qui dispose que le procureur de la République est saisi soit par une
dénonciation écrite ou orale, par une plainte ou un procès-verbal établi par une autorité compétente (…).
Toute personne ayant connaissance d’une infraction qualifiée crime ou délit, est tenue d’en aviser
directement et immédiatement, soit le procureur de la République, soit tout officier de la police judiciaire,
ou à défaut, toute autorité administrative de la localité.
Dans le contexte français en revanche, la procédure relative à la répression pénale est suffisamment
clarifiée. L'alinéa 2 de l'article 40 du code de procédure pénale dispose que : « toute autorité constituée, tout
officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou
d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce
magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs». En matière électorale l’on
observe qu’outre la compétence de principe du ministère public pour mettre en oeuvre la poursuite pénale,
les candidats et les électeurs peuvent se porter partie civile. Le juge électoral a l’obligation conformément à
l’article L.117-1 du Code électoral français, de communiquer le dossier au procureur de la République
compétent lorsqu’il a retenu des faits de fraude dans sa décision définitive. L’article L.38 donne par ailleurs
compétence au préfet chargé de procéder aux rectifications nécessaires sur les listes électorales de saisir le
parquet s’il constate des infractions aux lois pénales, aux fins de poursuites judiciaires.
Cette obligation de dénonciation ne peut être obligatoire que si elle respecte certains principes généraux
relatifs à la matérialité, la gravité, et à la qualification pénale des faits. Parailleurs, il faudrait noter que la
dénonciation doit respecter le délai prescrit. Voir sur cette question, COMBREXELLE J.-D., « Le refus d’une
autorité administrative indépendante de transmettre une plainte au parquet : conclusions sur Conseil d’État,
section, 27 octobre 1999, Solana », RFDA, 2000, p. 825-835.

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2. La protection minimale par le juge répressif
Le juge répressif en tant que garant de la loyauté, de la moralité et de la sincérité du scrutin,
joue un rôle quasi-inexistant. En effet, le contentieux répressif se déroule en marge du
contentieux électoral, qui lui est totalement parallèle. L’autonomie du contentieux répressif à
l’égard du contentieux électoral peut favoriser la validation d’élections entachées de fraudes et
porter au pouvoir des individus qui n’ont pas la légitimité et l’approbation populaire. Monsieur
Jean-Marc Duval voit dans la fraude « une des causes de discrédit sans cesse croissant des
citoyens pour la chose publique, et de la renonciation de l’électeur à prendre part à un
processus pourtant essentiel à la vie de la démocratie. » 289

Nonobstant la couverture quasi-totale de la répression des infractions en matière électorale,


il convient de relever pour le déplorer, que l’activation des poursuites pénales demeure la
pierre d’achoppement du contentieux pénal électoral. La fraude électorale est sanctionnée plus
sévèrement par le juge électoral qui n’hésite pas, lorsque la fraude est établie, à annuler
l’élection en cause. L’absence de coopération sur le plan pratique, entre ces deux juges, garants
de la sincérité du scrutin, concourt à rendre inopérante la répression de la fraude.
L’ineffectivité de l’action du juge pénal résulte en outre, du caractère lacunaire des dispositions
textuelles en vigueur puis, de la faiblesse et de l’inadaptation de la répression des délits
électoraux 290, d’où la nécessité de procéder à un toilettage du cadre juridique, dans le sens de
sanctionner effectivement et rigoureusement les délits électoraux. Il apparait à cet égard que,
protéger le corps électoral contre toute violation, s’impose comme le but ultime au juge
judiciaire, et le conduit corrélativement à intervenir dans des situations d’urgence.

B. le juge judiciaire agissant comme juge des référés


Le référé 291 est entériné à Paris par Louis XIV dans son Édit du 22 janvier 1685, lorsqu’il
établit un lieutenant civil chargé de statuer provisoirement sur les contestations urgentes, et
dans des cas spécialement déterminés 292. Il est une procédure contradictoire, grâce à laquelle

289 DUVAL J.-M., « Droit électoral : la sanction des comportements irréguliers relevés au cours des opérations
électorales », Revue de droit constitutionnel, RFDC, 2001/4, n°48, p. 825-846.
290 L’article 122 alinéa 3 du Code pénal dispose à ce sujet que « l'action publique se prescrit après quatre mois
révolus à compter du délit ou du jour du dernier acte de poursuite ou d'instruction ».
291 La juridiction des référés trouve son origine dans la « clameur de haro », et se fondait sur le principe d’une
prompte solution. PIGEAU dans la procédure civile du châtelet de Paris, tome I, p. 11 édition de
MDCCLXXXV III(1787) décrit la clameur du haro comme « la situation de « celui qui prétend avoir à se
plaindre d’une personne qu’il rencontre, ou de quelque officier qui, dans le cours de ses fonctions, ne veut
pas déférer à son réquisitoire, l’oblige par l’autorité de cette clameur (…) de comparaître devant le juge du
lieu, pour être statué au moins provisoirement sur la cause qui fait l’objet du haro ». Cité par RIDEAU L.,
Des cas dans lesquels il ya lieu à référé, Paris, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, 1903, p. 6.
292 RIDEAU L., Des cas dans lesquels il ya lieu à référé, op.cit, p. 7.

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une partie peut, dans certaines situations, obtenir d’un magistrat une décision rapide qui ne se
heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend 293.

L’article 484 du nouveau Code de procédure civile français définit l’ordonnance des référés
comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou
appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi au principal, le pouvoir
d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires ». Le référé suppose de la sorte l’existence
d’une urgence qui nécessite une solution du juge qui statue de manière provisoire sans se
prononcer sur le fond.

Monsieur Jacques Vuitton distingue les référés généraux des référés spéciaux. Ceux-ci
renvoient d’une part aux litiges qui ne sont pas limités par un texte juridique, à un objet ou une
matière précise ; et ceux dont la loi détermine préalablement les objectifs liés à un domaine ou
une matière précise 294. La procédure des référés permet ainsi d’« éviter que les parties ne
recourent à des mesures de justice privée dans l’attente de la décision au fond » 295. Autrefois
attribué de manière exclusive au juge judiciaire, en l’occurrence au président du tribunal de
grande instance, le référé est aujourd’hui attribué au président du tribunal de première instance
compétent 296, et s’étend aujourd’hui à d’autres matières telles que le droit administratif, le
droit commercial, le droit social, et chaque juridiction peut statuer sur des matières qui
ressortissent de sa compétence matérielle 297.

1. Le domaine du référé en matière électorale : la prévention d’un dommage


irréparable
La compétence du juge des référés est subordonnée à « la nécessité de prendre
immédiatement une mesure conservatoire, de prévenir un préjudice qui ne pourrait pas être
réparé » 298. Juge des mesures provisoires et de l’urgence, le juge des référés contribue par son
action à éviter un dommage imminent et irréparable. L’urgence est une condition à l’action du
juge des référés, elle suppose le fait « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée
serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » 299. Le juge judiciaire des référés est saisi d’une

293 Lexique des termes juridiques, 22ème édition, op. cit. , p. 836.
294 Il s’agit entre autre du référé probatoire, du référé « vie-privée », du référé présomption d’innocence, du
référé présomption d’innocence ». Voir VUITTON J., op.cit., p. 65-92.
295 VUITTON J., VUITTON, X., Les référés: procédure civile, contentieux administrative, procédure pénale. 3ème édition,
Paris, LexisNexis, 2012, p. 13.
296 En droit camerounais, le référé judiciaire, en application des dispositions de l’article 15 de la loi n°2006/015
du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire telle que modifiée et complétée par la loi n°2011/027
du 14 décembre 2011.
297 PERROT R., « L’évolution du référé », In Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Toulouse, Presses de l’Université de
Toulouse, 1996, p. 645-663.
298 CHAUVEAU M., n° 2754 bis et suppléant, cité par Rideau, L., op.cit., p. 89
299 PERROT, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432, cité par VUITTON, J., op.cit., p. 13.

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procédure visant à prévenir, à faire cesser un trouble ou une situation incontestablement
contraire à la loi. Il est le juge de droit commun, il détient une compétence potentielle, pour
connaître de toutes les matières relevant de l’ordre judiciaire qui lui sont expressément
attribuées de par leur nature.

En raison de son rôle de gardien des libertés individuelles, le législateur a conservé une
compétence résiduelle au Juge judiciaire des référés pour connaître des litiges pénalement
réprimés par le Code électoral et le Code pénal. À ce titre, il peut être saisi lorsque des délits
pénalement réprimés par le code électoral et le code pénal sont commis d’une part, et lorsque
des atteintes ont été faites à la vie privée ou à l’image d’une personne pendant la campagne
électorale, à la liberté de communication et d’expression d’autre part. Il sanctionne par ailleurs
les infractions relatives aux documents électoraux–affichage en dehors des panneaux
réglementaires– et à la liberté de communication et d’expression.

L’intervention du juge judiciaire des référés est limitée, quoique visant principalement la
sincérité du scrutin et la garantie des droits des électeurs. Le juge des référés ne « dispose pas
de compétences spéciales (…) et ne fait donc pas partie des juges électoraux » 300. Ses
décisions revêtent non le caractère de jurisdictio, mais de celui d’impérium, qui découle du
« pouvoir d’ordonner » accordé au juge des référés par le législateur. Cette répartition
amoindri et cloisonne la compétence du juge judiciaire des référés.

2. La restriction des pouvoirs du juge judiciaire des référés


L’intervention du juge judiciaire des référés nécessite un certain pouvoir, une aptitude lui
permettant d’ordonner, et de mettre un terme à une situation jugée illégale. Le législateur
confère au juge judiciaire des référés, la faculté d’ « ordonner toutes les mesures qui ne se
heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend » 301. Le référé
est un « mécanisme procédural autonome qui relève de la compétence de plusieurs juges
venant de différentes formations juridictionnelles » 302. En effet, le juge des référés a pour
mission d’intervenir de manière provisoire, il ne peut connaître du fond, qui fait partie de la
compétence du juge du fond. Dans le cadre de son intervention, le juge judiciaire des référés
autorise en l’absence d’une contestation sérieuse, des mesures conservatoires ou de remises en
état, afin de prévenir un dommage imminent. Il joue ainsi un rôle préventif parce que comme
l’écrit monsieur Jean Boyer, il se limite à « répondre vite en fonction de l’apparence de droit

300 GAUTHIER S., Le juge judiciaire juge électoral, op. cit., p. 143.
301 Par l’emploi des verbes « peut », « ordonner », le législateur dans les articles 808, 809, 848, 849, du NCPC
français, accorde des pouvoirs incontestables au juge judiciaire des référés. L’article 810 illustre la possibilité
d’extension des pouvoirs du juge à toutes les matières où il n’existe pas de procédure de référé.
302 GAUTHIER S., ibid., p. 145.

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pour éviter que l’équité ne soit bafouée grâce aux délais des procédures ordinaires (…). » 303 Il
peut par ailleurs user de son pouvoir pour faire cesser un trouble manifestement contraire à la
loi ou selon les cas, ordonner des remises en état. Toutefois, l’on relève que cette compétence
du juge judiciaire des référés est fractionnée, et réduite par l’intervention postérieure des juges
de fond.

Au Cameroun, le référé est prévu respectivement, par les articles 182 du code de procédure
civile et commerciale camerounais, et 15 alinéa 2 de la loi n°2006 du 29 décembre 2006
portant organisation judiciaire. En effet, le président du tribunal de première instance, ou le
magistrat du siège par lui délégué à cet effet, est compétent pour statuer dans tous les cas
d’urgence, ou lorsqu’il s’agira de statuer provisoirement sur les difficultés relatives à
l’exécution d’un titre exécutoire ou d’un jugement. Les pouvoirs accordés au juge en matière
électorale se trouvent confrontés à une complexité liée à la répartition de compétences entre
les juges. Il est généralement question des conflits de juridiction et de compétence entre les
juges chargés de connaître du contentieux électoral 304. Ces conflits entraînent par conséquent
le cloisonnement de la compétence du juge judiciaire.

En France par exemple, la Cour de cassation précise dans une série de décisions que « la
compétence du juge judiciaire des référés est restreinte aux litiges dont la connaissance
appartient quant au fond aux juridictions de son ordre » 305. L’éviction du juge judiciaire de
certaines questions qui nécessitent une solution judiciaire pourrait causer un préjudice certain.

L’incompétence de principe du juge des référés, pour connaître des faits litigieux nés à
l’occasion de l’organisation ou du déroulement des élections, créee une situation de déni de
justice, puisqu’ils ne peuvent intervenir avant le scrutin, même lorsqu’une situation d’urgence
se présente. En outre, ne faudrait-il pas mentionner que, conformément aux articles 183, 184
et 185 du Code de procédure civile et commerciale, le juge des référés prend des ordonnances
dont le caractère transitoirerequiert l’attente de la décision des juges de fond. Nonobstant le
caractère exécutoire des ordonnances de référés, elles sont dépourvues de l’autorité de la chose
jugée, puisqu’elles ne lient pas les juges de fond et peuvent être révoquées par ces derniers, ou
par la survenance d’une situation nouvelle.

Le juge judiciaire en matière électorale dispose d’un champ d’action résiduel, voire
inexistant. Il est supplanté par le juge administratif et le Conseil constitutionnel qui exercent
une compétence étendue sur les opérations préélectorales, électorales et postélectorales.

303 BOYER J., « Le juge des référés peut … Réflexion sur les pouvoirs du juge des référés », in Mélanges dédiés à
Louis BOYER, Toulouse, Presses de l’Université de Toulouse, 1996, p. 135-142.
304 DELPÉRÉE F., Le contentieux électoral, op.cit., p. 41.
305 Cass. 1ère civ. 10 mai 1983, Sté Kalifa, bull. civ. I, n°144 ; 30 janv, 1985, Cofiroute, bull. civ. I, n°5 ; 3 mai
1988, Soinne c/ Sombardier, bull. civ. I, n°127, Cité par CAMBY, J.-P., Élections « Contentieux (relevant du
Conseil constitutionnel) », Rép. Cont. Adm, Dalloz, 2000, 1-76.

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SECTION II.

L’IMPLICATION DIVERSIFIÉE DU JUGE ADMINISTRATIF

Considéré comme un plein contentieux 306, le contentieux électoral permet au juge


administratif de connaître de la régularité des opérations électorales. Au Cameroun, le
législateur emploie les termes de « juridiction administrative » pour désigner le juge
administratif. Le choix de cette dénomination, relevé chez certains auteurs tels que Édouard
Laferrière et Maurice Hauriou permet d’exprimer non pas l’idée d’un procès, mais d’une
fonction qui consiste à dire le droit 307. Madame Sévérine Buffet précise que la qualification de
juridiction découle de la convergence de deux critères, formel et matériel. Les premiers
relèvent de la composition de l’organe et des règles procédurales suivies devant lui. Les critères
matériels concernent le but de la mission qui est assignée à l’organe, notamment donner une
solution de droit, revêtue de l’autorité de la chose jugée, à un problème qui se pose 308.
Faudrait-il, eu égard à ce postulat, rattacher l’intervention du juge administratif en matière
électorale au règlement d’un litige né de l’action administrative ? À l’évidence, l’on pourrait
répondre par l’affirmative, puisque le contentieux qui concerne les collectivités publiques
d’une part, et l’organisation des élections d’autre part, touche la compétence régalienne de
l’État 309. En effet, les articles 40 et 2 alinéa 2 respectivement, de la Constitution du

306 Le contentieux électoral est assimilé à un contentieux de pleine juridiction en raison des pouvoirs qui sont
conférés au juge administratif. Ici, le juge n’est pas saisi pour contrôler et sanctionner la légalité d’un acte
administratif, sa mission consiste à remplacer les décisions dont il est saisi, par ses propres décisions, il
dispose des pouvoirs plus étendus, qui vont au-delà de la simple annulation de l’acte litigieux. En matière
électoral, le juge administratif peut annuler partiellement ou totalement une élection, ou procéder à la
reformation des résultats.
307 Lire sur cette question, CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’État, tome I, op. cit.,
p. 698.
308 BUFFET S., Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, Thèse de
l’Université de Lyon III, 6 septembre 2007, p. 21.
309 L’article 1er alinéa 2 (a) du décret n° 2005/104 du 13 avril 2005 portant organisation du ministère de
l’administration territoriale et de la décentralisation dispose que le ministère de l’administration territoriale et
de la décentralisation est chargé de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique du
gouvernement en matière d’administration du territoire, de protection civile et de décentralisation. Il est à ce
titre, responsable entre autres, de l’organisation des consultations électorales à caractère national, local ou
référendaire dans les conditions prévues par les lois et règlements.
Avant l’indépendance, le Cameroun sous administration britannique connaissait la règle de l’unité de
contentieux sous laquelle le juge de droit commun était également juge de l’Administration à laquelle il
appliquait la common law comme à un simple particulier. Ainsi, le contentieux administratif était réglé par
les tribunaux de common law sous réserve d’appel devant la High court. Pour ce qui concernait le
Cameroun sous administration française, le décret du 14 avril 1920 avait créer le Conseil du contentieux
administratif qui était considéré comme le juge de droit commun en matière de contentieux administratif
local. Conformément aux dispositions de l’article 86 du décret français du 5 août 1881, le Conseil d’État
était juge d’attribution à l’égard du contentieux des services de la République française établis sur le

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02 juin 1972 et de la loi n° 2006/022 du 29 décembre 2006, attribuent à la Chambre
administrative 310, la compétence de connaître entre autres, du contentieux des élections des
conseillers municipaux. Juge des actes de l’autorité administrative en matière électorale, le juge
administratif dispose des pouvoirs étendus, lui permettant de connaître d’une part, des
questions liées au règlement des contestations qui soulèvent une question de légalité ou de
droit objectif, et d’autre part, celles relatives à l’aptitude des élus à exercer leur mandat, et à la
validité des opérations électorales 311. Nonobstant sa qualité de juge électoral (§.1), l’on
observe que le juge administratif exerce parallèlement un contrôle indirect et exceptionnel sur
les opérations électorales (§.2).

§ 1. JUGE ORDINAIRE DE LA RÉGULARITÉ DES ÉLECTIONS MUNICIPALES


Indifféremment appelées élections locales, les élections municipales permettent d’élire les
conseillers municipaux qui siègent à l’assemblée délibérante de la commune. Le conseil
municipal est chargé de la gestion administrative des services publics locaux, notamment
l’urbanisme, les logements sociaux, l’entretien des bâtiments, le fonctionnement des écoles
d’une part, et la gestion des affaires courantes, la définition du budget communal,
l’administration des biens de la commune et la signature des contrats et des marchés d’autre
part. Monsieur Bernard Maligner les rentrent dans la catégorie d’élections politico-
administratives dont l’objectif est de doter les communautés des personnes aptes à gérer les

territoire du Cameroun. Il connaissait des appels formés à l’encontre des décisions du Conseil du
contentieux administratif.
La période postcoloniale voit naître la Cour suprême du Cameroun oriental indépendant créée par la loi
n°61/12 du 20 juin 1961 relative au contentieux administratif complété par le décret n°61-76 du 21 juin
1961. En application des textes susmentionnés, le tribunal d’État demeurait compétent pour connaître du
contentieux administratif, mais uniquement en premier ressort. La Cour suprême quant à elle connaissait
des pourvois en annulation formés contre les arrêts de tribunal d’État, et assurait le respect des
compétences de ce dernier par les autres juridictions.
Après cette première évolution historique, le Cameroun a connu la réunification et se voit doter , en
application des dispositions de l’article 33 de la loi n°61/LF/24 du 1er septembre 1961 d’une Cour fédérale
de justice chargée de statuer sur les recours en indemnités ou en excès de pouvoir dirigés contre les actes
administratifs des autorités fédérales. Une nouvelle réforme permettra finalement la création d’une
Assemblée plénière au sein de la Cour fédérale de justice chargée de connaître en appel les décisions
rendues en premier ressort. Malgré l’unification du Cameroun en 1972, et la création de la nouvelle Cour
suprême, l’on remarquera que l’Assemblée plénière a continué à connaître en appel les décisions rendues
par les juridictions inférieures. Celle-ci sera enfin remplacée par la Chambre administrative en application
des réformes intervenues avec les lois n°s 2006/22 et 16 du 29 décembre 2006 fixant successivement,
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratif et de la Cour suprême.
310 Conformément à l’article 2 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006, les tribunaux administratifs
connaissent en premier ressort du contentieux des élections régionales et municipales. Cependant, en
attendant la mise en place effective de ceux-ci, la chambre administrative, exerce cette compétence en vertu
des dispositions de l’article 140 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le
fonctionnement de la Cour Suprême.
311 MALIGNER B., « Élections contentieux administratif », in Répertoire contentieux administratif, Dalloz, octobre
2004, p. 16.

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services publics 312, et dont la garantie relève des juridictions administratives, notamment en ce
qui concerne les élections des organes des collectivités décentralisées et de leurs
regroupements 313. Par ailleurs, monsieur Maligner soutient que « les termes politico-
administratives permettent d’identifier les élections administratives à caractère politique et les
élections politiques traditionnelles », puisqu’ils font intervenir la compétence du juge
administratif d’une part et le principe de représentation démocratique d’autre part 314. Dans
cette perspective, le professeur Richard Ghevontian, affirme que le débat qui consistait à
distinguer les élections administratives, parmi lesquelles on rentrait les élections locales des
élections politiques, et dont le critère de classification était la mise en jeu de la souveraineté
politique, a pris fin le 18 décembre 1982, par une décision du Conseil constitutionnel français,
précisant que tous les scrutins mettant en œuvre la citoyenneté devaient être considérés
comme « politiques ». Ceux-ci englobent dès lors, les élections locales, nationales et
européennes. En revanche, doivent être considérées comme non politiques, toutes les
élections qui soumettent la participation à l'exercice d'une fonction publique ou privée ou par
le statut d'usager d'un service public 315.

Conformément aux articles 40, 38 (a), et 2 alinéa 2, respectivement de la Constitution du


02 juin 1972, et des lois n°s 2006/016 et 022 du 29 décembre 2006, la juridiction
administrative, en l’occurrence les tribunaux administratifs et la Chambre administrative de la
Cour suprême sont compétents pour connaître en premier ressort et en appel, du contentieux
des élections régionales 316 et municipales. Juge de la régularité des élections municipales,
nonobstant les pouvoirs étendus que lui confère le caractère de pleine juridiction rattaché à
son office, le juge administratif intervient de manière irrégulière dans le contrôle de la
régularité de l’élection municipale. Il exerce un contrôle discontinu des opérations
préélectorales (A), et exclusif sur les opérations postélectorales (B).

312 MALIGNER B., « Élections contentieux administratif », Répertoire contentieux administratif, ibid., p. 16.
313 Voir les dispositions de l’article 14 alinéa 1 de la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 qui fait du juge
administratif, le juge de droit commun du contentieux administratif.
314 MALIGNER B, Droit électoral, op. cit., p. 17.
315 Lire sur cette question, GHEVONTIAN R. «Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires
en matière d'élections politiques », op. cit., p. 795.
316 La région est une collectivité territoriale décentralisée au même titre que la commune, et revêt par
conséquent un caractère administratif. Toutefois, il convient de relever que l’étude du contentieux électoral
régional, nonobstant l’adoption de différents textes juridiques, notamment la combinaison des lois n°s
2007/017, 018 et 019 du 22 juillet 2004 concourant à sa mise en œuvre effective, sera exclue de notre
champ d’étude, en raison d’une part de son ineffectivité, et de « caractère futuriste » le déterminant d’autre
part.

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A. L’exercice d’un contrôle discontinu des opérations préélectorales
Les opérations préélectorales, comme nous l’avons mentionné supra, englobent les
opérations préparatoires et les préliminaires des opérations électorales. Le juge administratif y
exerce un contrôle variable selon l’objet du litige.

L’incompétence du juge administratif, posée par le principe de la séparation des autorités


administratives et judiciaires, lui dénie toute intervention pour exercer un contrôle direct sur
les opérations préparatoires. Celles-ci portent sur l’état des acteurs impliqués dans le jeu
électoral, et relèvent par conséquent, de la compétence des organes non juridictionnels
notamment, des commissions électorales et du Conseil électoral d’une part, et du juge
judiciaire, garant de l’état des personnes d’autre part 317.

L’intervention du juge administratif, longtemps concurrencée par l’action des commissions


électorales, connaît une évolution remarquable dans le contrôle des opérations préliminaires.
Celles-ci constituent l’ensemble des opérations qui précèdent l’objet principal qui est l’élection
proprement dite. Elles sont caractérisées par la grande diversité des actes qu’elles
englobent 318, et concernent la convocation du corps électoral d’une part, les déclarations de
candidatures et la campagne électorale d’autre part. Également assimilés aux « actes
préparatoires » ou « périphériques », les opérations préliminaires seront dans le cadre de cette
étude, délimitées eu égard aux dispositions antérieures des lois relatives à l’élection du
président de la République et des députés à l’Assemblée nationale, à la convocation du corps
électoral, la déclaration des candidatures, et la campagne électorale.

L’acte de convocation du corps électoral, pris sous la forme d’un décret présidentiel, est
considéré de manière abusive 319 au Cameroun comme un acte de gouvernement. Il revêt une

317 Saisi des recours en annulation des opérations électorales, fondés sur des irrégularités constatées dans
l’organisation des opérations préparatoires, le juge administratif s’est déclaré incompétent, en affirmant que
ce contentieux ressortit de la compétence des commissions électorales et juge judiciaire en appel.
Voir sur cette question, les jugements CS/CA, jugement n° 34/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC contre
État du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 35/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC ( CR d’Obala) contre État du
Cameroun ; CS/CA, jugement n° 36/95-96 du 09 mai 1996, affaire PAL contre État du Cameroun ; CS/CA,
jugement n° 59/95-96 du 18 juillet 1996, affaire Epale Roger contre État du Camercoun (CR de Bare-Moungo).
318 CAMBY, (J.-P.), « Élections (contentieux électoral constitutionnel) », in Répertoire du contentieux administratif,
n°56, Dalloz, avril 2007, p. 18.
319 La notion d’acte de gouvernement n’est pas définie de manière précise par le législateur camerounais, ce qui
permet aux juges administratif d’apporter une esquisser de définition de cette notion, à travers
l’énumération des critères des actes dits de gouvernement.
Le décret de convocation du corps électoral, malgré le fait qu’il touche à l’électorat échappe à la compétence
du juge judiciaire. En effet, la Cour suprême, dans un jugement du 18 décembre 1992, union démocratique
camerounaise (UDC), a estimé que le décret portant convocation du corps électoral est un acte de
gouvernement, et qu’il ne peut être déféré devant la cour suprême statuant en matière administrative.
Cependant, ce raisonnement est paradoxal et tout autant discutable puisque, sont considérés comme actes
de gouvernement, les actes relatifs aux rapports du pouvoir exécutif avec les autres pouvoirs publics
constitutionnels (dissolution de l'Assemblée nationale, nomination d'un membre du Conseil constitutionnel,

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immunité juridictionnelle qui exclut toute contestation sérieuse devant une autorité
juridictionnelle, notamment au contrôle du juge administratif qui se déclare incompétent
lorsqu’il est saisi d’une question ayant un mobile politique 320. Toutefois, cet argumentaire
empirique du juge, brandi à l’instar d’un "bouclier à l’épreuve des balles", dévoile son manque
d’audace pour se prononcer sur certains actes pris par le pouvoir exécutif 321. Paul Duez
écrivait pourtant à ce sujet que, « ce serait une erreur de se figurer que l’acte de gouvernement
ne pénètre jamais dans le prétoire et que le juge est appelé à l’ignorer totalement » 322. La
dérobade du juge électoral révèle son ipséité "ponce-pilatique" et sa réticence à systématiser
cette notion encore très rétive qui favorise pourtant la flexibilité de l’État de droit. Au

etc.) et les actes non détachables des relations internationales (la décision de ratification d'un traité, le vote
d'un représentant de l'État au Conseil de sécurité, etc.
320 Roger Gabriel NLEP met en exergue l’apport du juge judiciaire dans la réception de la théorie de l’acte de
gouvernement. Pour lui en effet, l’arrêt n°29/S du 14 juillet 1977 de la chambre sociale de la Cour suprême Tsanga
Soter contre Banque camerounaise de développement B.C.D. permet de distinguer l’acte de licenciement et l’acte
d’approbation. La chambre sociale de la Cour suprême saisie en appel décide que « le licenciement d’un
employé ne peut … être un acte de gouvernement ; que l’approbation par le président de la République de
la suppression d’un poste à la B.C.D. peut être considérée comme un tel acte [acte de gouvernement], mais
ne saurait en aucun cas écarter les règles devant être appliquées aux termes du Code du travail et du Statut
du personnel de la B.C.D. lors d’un licenciement. » Ici, le juge judiciaire sous-entend que l’acte
d’approbation du président de la République pourrait être considéré comme un acte de gouvernement.
NLEP R.G., L’administration publique camerounaise : contribution à l’étude des systèmes africains d’administration
publique, op.cit., p. 288-295.
321 La position adoptée par le juge administratif conforte le raisonnement de monsieur Lionel GUESSELE qui
avance la thèse de l’originalité de la notion d’acte de gouvernement en droit camerounais. Pour lui, cette
originalité se fonde sur le contexte socio-politique camerounais dont l’ipséité, permet d’intégrer l’ancienne
conception française d’actes de gouvernement de la période post 1875 et celle purement camerounaise.
En effet, dans le contexte français, la théorie classique de l’acte de gouvernement antérieurement fondée
sur la distinction entre la fonction administrative et la fonction gouvernementale a évolué depuis 1875 à
travers l’arrêt Prince Napoléon du 9 février 1875. Avant cet arrêt, le critère fondamental de l’acte de
gouvernement reposait sur le mobile politique, ainsi, lorsqu’un acte émanant du gouvernement était inspiré
par un mobile politique, il était considéré comme un acte de gouvernement (affaire Duc d’Aumale et
Michel Levy du 9 mai 1867). Désormais, l’acte de gouvernement en France est définit sur la base d’une
liste, le critère politique est abandonné, de la sorte, il ne suffit plus qu’un acte soit revête un mobile
politique ou qu’il émane du gouvernement pour être considéré comme acte de gouvernement. Au
Cameroun a contrario, le juge administratif a innové en étendant l’acte de gouvernement à l’acte portant
désignation des chefs traditionnels. Voir dans ce sens pour ce qui est de l’apport du juge administratif, les
jugements CS/CA n°66/78-79 du 31 mai 1979 Kouang Guillaume contre État du Cameroun ; n°7/79-80 du
31 mai 1989 Essomba Marc Antoine contre État du Cameroun ; n°40/79-80 du 29 mai 1980, Monkam Tientcheu
David contre État du Cameroun ; n°31/79-80 du 24 avril 1980 Essougou Benoît contre État du Cameroun. Voir
par ailleurs en matière électorale, les recours intentés devant le juge administratif des référé, pour
suspension de l’application du décret portant convocation du corps électoral. Ceux-ci sont rejetés pour
incompétence du juge, au motif que cet acte est considéré comme un acte de gouvernement : recours
n°51/191-92du 18 septembre 1992 UDC contre État du Cameroun (MINAT) ; recours n°512/91-92 du
18 septembre 1992, SDF contre État du Cameroun ; recours n°513/91-92 du 18 septembre 1992 SDF et
UFDC contre État du Cameroun ; CS-CA, jugement n°01/04-05 du 07 octobre 2004, Hilary Kebila Fokum
contre État du Cameroun.
Lire sur cette question, NLEP R.G., L’administration publique camerounaise « contribution à l’étude des systèmes
africains d’administration publique », op cit,. p ; 293 ; GUESSELE ISSEME L. M., L’apport de la Cour suprême au droit
administratif camerounais, Thèse de l’Université de Yaoundé II-Soa, 2010, p. 169-183.
322 DUEZ P., Les actes de gouvernement, Paris, Sirey, 1935, p. 17.

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demeurant, il faudrait relever que la consolidation d’un véritable État de droit au Cameroun,
devrait voir l’émergence de juges plus hardis, aptes à conférer toute force au droit 323.

Il faudrait parallèlement remarquer que le juge administratif est quelquefois interpellé pour
statuer sur des actions en référés ou des demandes de sursis à exécution des actes dont les
effets seraient de nature à causer un préjudice irréparable. Dans ces hypothèses, le juge agit
non pas comme le juge électoral qui traite des questions de fond, mais comme le juge du
provisoire, et fait abstraction des considérations d’opportunités. Le professeur Alain Ondoua
déplore en effet cette position du juge administratif qui perpétue la figure du juge « protecteur
des prérogatives de l’Administration », et souligne la nécessité que des décisions soient
suffisamment développées et accessibles aux citoyens et aux acteurs politiques afin de remettre
au goût du jour « l’appel à la fabrique d’un droit politique » par les « faiseurs de systèmes »
représentés par la doctrine universitaire et les interprètes du droit 324.

Le contrôle des opérations préliminaires porte par ailleurs, sur la vérification du respect des
conditions de forme et de fond prescrites par la loi. Il se rapporte aux candidatures et la
campagne électorale. Le règlement juridictionnel des contestations liées à l’enregistrement des
candidatures a subi un réaménagement normatif et institutionnel profond. Autrefois quasi-
inexistant parce que réglé exclusivement par les commissions communales de supervision 325,

323 En France, le décret de convocation du corps électoral trouve un juge à partir de 1981. En effet, dans les
arrêts Bellot et Delmas, à l’occasion d’une élection législative, le Conseil d’État français, saisi d’un recours
contre le décret portant convocation du corps électoral, se fonde non pas sur la théorie de l’acte de
gouvernement, mais sur sa qualité de juge, et considère qu’il appartient au juge de l’élection d’apprécier la
légalité des actes qui sont les préliminaires Ainsi, l’on note qu’il appartient au juge de l’élection des
opérations électorales. Le Conseil constitutionnel admet sa compétence et statue avant le scrutin. Voir dans
ce sens, ARDANT P., « Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel et Conseil d’État », in
Conseil constitutionnel et Conseil d’État, Montchrestien, 1988, p. 61.
324 Lire sur la question, les observations du professeur Alain ONDOUA relatives aux espèces CS et
n° 08/OSE/CCA/CS/2013 du 19 août 2013 relatives respectivement à la demande de suspension du
décret présidentiel n°2008/463 du 30 décembre 2008 portant nomination des membres du Conseil
électoral d’Elecam, et à la demande de sursis à exécution du décret du président de la République
n°2013/220 du 02 juillet 2013 portant convocation du corps électoral en vue de l’élection des députés à
l’Assemblée nationale et des conseillers municipaux.
ONDOUA A., Pour une lecture orthodoxe de l’ordonnance de la Cour suprême n° 01/OSE/CCA/CS/2009 du
23 janvier 2009, Social Démocratic Front (SDF) contre État du Cameroun, [En ligne], http://ddata.over-
blog.com/xxxyyy/1/35/48/78/Cameroun/Cameroun-Contribution-ONDOUA-CS-sur-n...
ONDOUA A., Décret de convocation du corps électoral – La chambre administrative de la Cour suprême rejette la demande
de sursis à exécution du Mouvement pour la Renaissance de la République (MRC), [En ligne], http://www.la-
constitution-en-afrique.org/categorie-10218678.html.
ONDOUA A., « Le juge du sursis à exécution à l’épreuve du contentieux des actes préliminaires aux
élections : À propos de l’Ordonnance n°08/OSE/CCA/CS/2013 du 19 août 2013, Mouvement pour la
renaissance du Cameroun (MRC) c/ État du Cameroun », in Revue juridique et politique des États francophones, vol. 68,
n°2, avril-juin 2014, p. 253-265.
325 En application des dispositions de l’article 12 alinéa 2 de la loi n°92/002 du 14 août 1992 relative à
l’élection des conseillers municipaux, le juge administratif lorsqu’il était saisi des contestations relatives aux
opérations préélectorales, devait se déclarer incompétent, puisque cette compétence ressortissait de la
compétence des commissions communales de supervision. En cas de méconnaissance ou mauvaise

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le contentieux des candidatures connaît désormais un essor et une stabilité remarquables
devant le juge administratif. Ce dernier connaît de manière exclusive, de l’ensemble du
contentieux relatif aux candidatures notamment, des décisions prises par le Conseil électoral,
relatives au rejet ou à l’acceptation des candidatures (article 189 alinéa 1 du Code électoral) et
du contentieux des candidatures qui se rapporte à la contestation de l’acte administratif qui
arrête et publie les listes de candidats 326. La dévolution de cette compétence au juge
administratif, fruit d’une longue et laborieuse progression 327, pourrait être justifiée par le
caractère administratif qui sous-tend l’élection municipale et l’éligibilité des candidats. Édouard
Laferrière écrit à ce propos que l’éligibilité n’est pas, comme l’électorat un droit civique et
individuel garanti par les tribunaux de droit commun. C’est une aptitude d’ordre administratif,
aptitude à la fonction ou au mandat que l’élection a pour but de conférer. Il en résulte que

interprétation des dispositions susvisées par le juge d’instance, l’Assemblée plénière de la Cour suprême,
saisie en appel infirmait la décision du premier juge, nonobstant la reconnaissance du bien-fondé de l’action
de celui-ci sous-tendu par son « devoir de remplir et de réprimer, à tout moment qu’il est saisi, ou d’office
quand une affaire lui est déférée, tout acte administratif abusif qui viole les dispositions des lois comme
dans le cas d’espèce ».
Jugement n°59/CS-CA du 03 septembre 2002, affaire Kwapnang Moïse (candidat SDF et maire) contre État du
Cameroun, RDPC et SDF dont la décision a été infirme en appel par l’arrêt n°78/A/02-03 du 19 avril 2004,
affaire Kwapnang Moïse (candidat SDF), État du Cameroun (MINATD commune rurale de Loum) contre État du
Cameroun (MINATD), RDPC, SDF ; jugement n°91/CS-CA du 05 septembre 2002, affaire Dame Ngon Batamake
épouse Sende Jacqueline (candidate UPC) commune rurale de Messondo contre État du Cameroun (MINATD), infirmé
par l’arrêt n°84/A/03-04 du 19 avril 2004, affaire Moussi (candidat du RDPC), RDPC, Dame Ngon Batamake épse
Sende Jacqueline (candidate de l’UPC), État du Cameroun contre État du Cameroun (commune rurale de
Messondo) contre les mêmes parties.
326 Le juge administratif, dans une espèce du 02 septembre 2002, président national du parti politique UNDP,
commune urbaine de Yaoundé VIème contre État du Cameroun (MINAT), RDPC, saisi d’un recours en
annulation de l’élection municipale pour excès de pouvoir et retrait abusif et illégal des bulletins de vote de
l’UNDP dans tous les bureaux de vote de la circonscription de Yaoundé VI ème, opère une distinction entre
le contentieux de la déclaration des candidatures, et le contentieux des candidatures. Il rappelle ainsi, que la
participation aux consultations municipales et législatives au Cameroun pose des impératifs de constitution
de dossier en deux étapes : la première étape vise la déclaration de candidature ou de liste de candidature,
dont la décision d’acceptation ou de rejet ressortit de la compétence de l’autorité administrative, décision
pouvant être portée devant les commissions communales compétentes. La deuxième étape quant à elle, se
réfère au contrôle administratif du MINAT qui, après vérification de la déclaration, arrête et publie par un
acte ministériel la liste des candidatures. Cet acte de publication, pris par le MINAT, transforme la nature
juridique de la déclaration de candidature, en candidature ou liste de candidature. Ledit acte, inséré dans un
acte administratif, ne peut faire l’objet de contestation que devant la chambre administrative.
327 L’article 12 alinéa 2 paragraphe 5 de la loi n°92/002 du 14 août 1992 modifié par l’article 26 alinéa 1 de la
loi du 29 décembre 2006. L’article 26 (nouveau) de la loi n°2006/010 du 29 décembre 2006 attribue au juge
administratif la compétence de connaître des décisions d’acceptation ou de rejet d’une liste de candidats.
Toutefois, l’on relève que cette compétence, concomitamment conservée à la commission communale par
l’article 12 alinéa 2 paragraphe 5 crée un emboîtement malaisé dans son exercice, et élude tout argumentaire
relatif à l’abrogation de la disposition antérieure par la nouvelle, puisque ces deux dispositions sont
contenues dans la loi du 29 décembre 2006. Il en ressort que le juge administratif connaît en appel, des
décisions de la CCS. Le nouveau Code électoral vient fort heureusement clarifier, et renforcer le rôle du
juge administratif, et le reconnaît comme garant exclusif de la régularité des opérations préliminaires.

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toutes les questions d’éligibilité ressortissent en principe de la compétence du juge de
l’élection 328.

Le contentieux de l’enregistrement des candidatures n’entraîne pas systématiquement la


compétence du juge administratif dans certains États à l’instar du Tchad (article 184).
L’intervention du juge administratif, juge électoral est supplantée par celle du juge de droit
commun. Dans ces cas, on peut raisonnablement légitimer la compétence du juge judiciaire en
la fondant sur le caractère fondamental rattaché au droit d’éligibilité 329.

Dans le cadre du contrôle de l’enregistrement des candidatures, le juge administratif


s’assure également que les listes de candidats respectent l’exigence inhérente à la composante
sociologique, au regard des dispositions de l’article 181 alinéa 2 du Code électoral 330. Cette
exigence met en exergue l’importance des citoyens dans la gestion des affaires publiques.
L’élection municipale, assimilée à une élection de proximité, permet de gérer les affaires
locales, d’où la nécessité pour le corps électoral d’être convaincu, afin de manifester son
adhésion au programme politique du représentant.

328 LAFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Tome II, op.cit., p. 308.
329 La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée une première fois à Nice le 7
décembre 2000, et officiellement adoptée dans sa version définitive par les présidents de la Commission
européenne, du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne le 12 décembre 2007, se fonde
sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité d’une part,
sur celles du principe de la démocratie et le principe de l’État de droit d’autre part, et consacre les droits de
vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen et aux élections municipales, comme droits
fondamentaux dont la promotion et la protection sont érigées au rang de « priorités pour l’espace
européen ». [En ligne], disponible sur : http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/la-
charte-des-droits-fondamentaux-25432.html. (Consulté le 16/09/2016).
330 La prise en compte de la composante sociologique suppose la participation de toutes les couches
sociologiques de la localité et partant, le respect des droits des minorités et des populations autochtones
conformément au préambule de la Constitution et aux différentes lois en vigueur. La protection des
minorités et des populations autochtones en matière électorale, se fait à travers l’exigence de la prise en
compte des composantes sociologiques dans la constitution des listes des candidats. Dans les jugements
n°059/CS-CA du 18 juillet 1986, Epale Roger Delore et n°060 CS-CA Ngueyong Moussa, les requérants
sollicitaient de la chambre administrative l’annulation des résultats des élections dans leurs circonscriptions,
au motif soulevé que la composition de la liste ne respectait pas la représentation des minorités
autochtones. La chambre administrative n’avait pas examiné le recours au fond en raison du fait que les
requérants n’avaient pas préalablement saisi la CCS.
En revanche, suite à un recours en interprétation de l’arrêt d’appel n° 94/A/02/03 du 19 avril 2004 rendu
en l’affaire SDF, Commune urbaine de Nkongsamba contre État du Cameroun (MINATD),et RDPC.
L’Assemblée plénière de la Cour suprême confirme, la décision de disqualification de la liste du SDF
rendue par le juge administratif, juge électoral. Ce dernier annule l’élection dans la circonscription et rend
nul et de nul effet les résultats obtenus par la liste du SDF qui a compéti au scrutin du 30 juin 2002, au
mépris de la décision de la CCS par procès-verbal n° 2 du 4 juin 2002 statuant définitivement sur la
question. La liste du SDF ne peut compétir que si elle respecte les conditions fixées par la loi électorale.
Voir à ce sujet, MOUANGUE KOBILA J., « Droit de la participation des minorités et des populations
autochtones : l’application de l’exigence constitutionnelle de la prise en compte des composantes
sociologiques de la circonscription dans la constitution de la liste des candidats aux élections aux
Cameroun », Revue française de droit constitutionnel, n°75, 2008, 36 p.

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La campagne électorale a une influence incontestable sur le vote de l’électeur. En effet, elle
permet aux personnes qui désirent se faire élire, de battre campagne, c’est-à-dire convaincre les
citoyens, pour susciter leur confiance et pour récolter le maximum de voix. Le professeur
Jacques Gerstlé définit la campagne électorale comme une mobilisation de ressources de toute
nature pour rallier des suffrages sous la contrainte d’un encadrement juridique de la
compétition 331. L’encadrement juridique de la campagne électorale suppose l’existence d’un
contrôle qui vise l’élimination des disparités entre les candidats. Ainsi, ces derniers bénéficient
des mêmes chances devant les électeurs et sont traités en toute égalité, pour que la
disproportion des moyens de fait existant entre les candidats ne vienne vicier le choix du corps
électoral. Certes le cadre juridique y afférent est laconique, silencieux sur des questions
fondamentales relatives notamment, au contrôle de la provenance des fonds de campagne, au
plafonnement des dépenses de campagne, et sujette à des débordements de toutes sortes. Il
convient de noter que le législateur énonce les modalités relatives au financement public des
campagnes électorales et référendaires dans un souci de résorber les inégalités de fait
préjudiciables aux candidats. Monsieur Alex URGIN dira ainsi que, « compte tenu du climat
de suspicion qui continue d'entourer les rapports de l'argent et de la politique, il est logique
que le législateur, autorisant le financement privé des campagnes électorales, s'attache à
prévoir des dispositions permettant de vérifier le respect d'un dispositif conçu pour assurer
l'origine de ce type de contribution. » 332. Outre les manquements relevés dans le contrôle de la
campagne électorale, on note contrairement à la législation antérieure, que le Code électoral ne
prévoit ni les modalités de règlement des contestations relatives à la couleur, au sigle et au
symbole, adoptés par les candidats, ni la gestion des faits de campagne. L’on pourrait ainsi se

331 GERSTLÉ J., Campagne électorale (sociologie de la), in Dictionnaire du vote, op. cit., p. 133-138.
332 URGIN A., « La recette des candidats », in L'argent des élections, n°70, Paris, Seuil, 1994, p. 19.À l’occasion du
scrutin relatif à l’élection présidentielle du 09 octobre 2011 l’on a observé et déploré l’existence d’inégalités
flagrantes entre les candidats en lice. Pour Transparency international en effet, une inégalité des moyens
déployés en matière logistique comme sécuritaire a marqué la campagne électorale. Tandis que le candidat
sortant était entouré d’une armada sécuritaire impressionnante à chacune de ses sorties, les autres candidats
devaient eux-mêmes prendre des dispositions pour assurer leur sécurité. En outre, l’absence de toute
régulation des dépenses de campagne a permis que les candidats disposant des plus grandes facilités
financières, à l’instar de celui du RDPC, dominent nettement le paysage public et médiatique, puisqu’ils
avaient la possibilité de couvrir librement tout le territoire national. Le dispositif de financement et de
plafonnement des dépenses permet ainsi l'élimination systématique, sinon l'atténuation des irrégularités
résultant des disparités à travers l'allocation équitable des ressources publiques d'une part, et d'autre part par
l'adoption des mesures d'accompagnement visant à assainir les moeurs politiques, à lutter contre certaines
dérives liées à l'argent dans ses rapports avec la politique, à lutter contre le financement occulte des partis
politiques. Lire sur cette question, EL HADJ MBODY, « Le financement des campagnes électorales des partis
politiques dans les États africains francophones » in Francophonie et démocratie, op cit., p. 242-243 ; Lire
également sur cette question, MANDENG D., Le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun, op.cit.,
p. 56-58 : LAMOUROUX S., Le contentieux des actes périphériques en matière électorale, op.cit., p. 111-121.

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référer par analogie, à l’élection des conseillers régionaux, et établir la compétence du juge
administratif pour connaître des contestations y afférentes 333.

L’éviction des commissions électorales du contentieux des opérations préliminaires n’a pas
suffi à elle seule à valoriser pleinement la compétence du juge administratif. Le caractère
lacunaire des dispositions textuelles participe pour une part importante à la fragilisation de son
intervention qui fort heureusement est rehaussée dans le contrôle des opérations
postélectorales.

B. L’exercice d’un contrôle exclusif des opérations postélectorales


La tenue d’une élection entraîne inévitablement l’existence d’une phase électorale relative
au déroulement du vote et une phase postélectorale qui permet de contester la validité des
résultats et de réclamer l’annulation de l’élection.

Le juge administratif est incompétent pour connaître des opérations électorales. En


revanche, l’on note que son contrôle repose sur la régularité des opérations électorales. Il peut
recevoir à sa demande, les listes d’émargement des bureaux de vote. La phase postélectorale
concerne principalement le contentieux électoral. Le juge administratif y exerce une
compétence exclusive et connaît par conséquent, des réclamations relatives à l’annulation
totale ou partielle des opérations électorales.

Le contentieux électoral vise le refus de la défaite. Il ouvre la voie à la recherche dans le


prétoire de ce qu’on n’a pas pu obtenir dans l’isoloir 334. Le contrôle de la régularité du scrutin
suppose inéluctablement celui de sa moralité et de sa sincérité. Ainsi, le juge électoral
sanctionne les irrégularités commises pendant le déroulement du scrutin notamment, le
bourrage des urnes, le gonflement du corps électoral, l’inégalité de chances entre les candidats,
les violences, etc., et exerce parallèlement un contrôle indirect sur les opérations
préélectorales. Il dispose à cet égard, d’une grande liberté pour apprécier et sanctionner les

333 Nonobstant les dispositions générales qui régissent la campagne électorale (articles 87à 95 du Code
électoral), l’article 260 alinéa 1 dispose qu’en période de campagne électorale, les contestations relatives à la
couleur, au sigle, au symbole choisi par un candidat ou une liste de candidat, sont portés devant la
juridiction administrative compétente. Dans une espèce du 03 septembre 2002, jugement n° 34/01-02,
RDPC contre État du Cameroun (MINAT), UPC, le juge administratif, pour pallier les insuffisances
constatées dans la loi qui régit les élections municipales, se réfère aux dispositions pertinentes régissant
l’élection des députés, mieux définir les conditions de l’élection des conseillers municipaux. Il s’était à cet
égard, appuyer sur les dispositions des articles 33 d’une part, 15 et 17 d’autre part, des lois relatives,
respectivement à l’élection des conseillers municipaux et des députés pour retenir sa compétence pour
connaître de l’éligibilité et de l’incapacité électorale des candidats.
334 DELPEREE F., Le contentieux électoral, op. cit., p. 7

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irrégularités constatées. Sa compétence entraîne des pouvoirs étendus qui justifient que le
contentieux électoral soit comparé à un contentieux de pleine juridiction 335.

La Chambre administrative de la Cour suprême est l’unique juridiction chargée de


connaître en premier et en dernier ressort, de l’ensemble du contentieux administratif, en
attendant la mise en place effective des tribunaux administratifs. Le caractère nébuleux et
progressif de la mise en place des tribunaux administratif que le décret n°2012/194 du
18 avril 2012 portant nomination de magistrats du siège dans les tribunaux administratifs dans
le ressort des Cours d’appel des dix (10) régions ne dissipe pas complètement, justifie l’emploi
par le législateur des termes de « juridiction administrative », pour désigner le juge des élections
municipales. Cela démontre la complexité qui entoure la répartition des compétences entre les
juridictions chargées de régler le contentieux électoral. Le professeur Joseph-Marie Bipoun-
Woum considère la Cour suprême comme un « facteur d’unification du droit
camerounais » 336. Les articles 140 et 141 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement de
la Cour suprême illustrent de manière patente, le flou qui entoure la procédure devant le juge
administratif. Il faudrait relever qu’en l’état actuel des choses, la compétence de régler le
contentieux électoral relatif aux élections locales, est conservée en premier ressort à la
Chambre administrative de la Cour suprême, puis en appel, à l’Assemblée plénière de la Cour
suprême. L’article 140 dispose en outre qu’en attendant la mise en place des juridictions
inférieures, les procédures antérieurement observées restent en vigueur. L’article 141 quant lui
transfère les affaires pendantes devant la Chambre administrative aux juridictions
administratives inférieures, et celles devant l’ancienne Assemblée Plénière de la Cour Suprême
à la Chambre administrative 337.

Nonobstant son rôle de juge de la légalité des actes administratifs et de la régularité des
élections municipales, le juge administratif exerce dans le cadre du contrôle y afférent, une
compétence indirecte et exceptionnelle qui lui permet de garantir la régularité des élections en
cause 338.

335 Le contentieux électoral est considéré comme un contentieux de pleine juridiction. Il est distinct du
contentieux de l’excès de pouvoirs, et vise le règlement des contestations des résultats du scrutin. Bernard
BETSCH attribue au juge administratif, dans le cadre d’un recours de plein contentieux, la mission de
« remplacer la ou les décisions dont il est saisi par ses propres décisions qui viendront alors se substituer à
celles contestées », in, La commune devant le tribunal administratif. La lettre du cadre territorial, Voiron, 2004, p. 93.
336 BIPOUN-WOUM J.-M., « Recherches sur les aspects actuels de la réception du droit administratif dans les
États d’Afrique noire d’expression française : le cas du Cameroun », in Revue juridique et politique ind. Coop.,
tome 26, n°3, Paris, septembre 1972, p. 366.
337 Article 38 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour
Suprême.
338 Jugement n°53/95-96 du 18 juillet 1996, UNDP commune rurale de Biyouha contre État du Cameroun.
Dans cette espèce, le juge adminstratif avait annuler les élections municipales dans la circonscription de
Biyouha aux motifs que la Commission communale de supervision avait outrepasser ses pouvoirs en se

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§ 2. L’EXERCICE D’UNE COMPÉTENCE INDIRECTE ET EXCEPTIONNELLE
Le juge électoral est considéré par André et Francine Demichel comme celui qui est chargé,
dans les jugements de litiges dont il a connaissance, de faire respecter le droit en vigueur 339,
puisqu’on ne saurait admettre que l’élection soit le résultat d’irrégularités criardes qui
travestissent la volonté du corps électoral. Le contentieux électoral, selon le professeur
Bernard Raymond Guimdo, vise deux objectifs, la vérification de la régularité externe de
l’élection, en s’assurant du bon accomplissement des formes, des procédures et des opérations
qui l’accompagnent puis, celle interne qui porte sur le contrôle de la qualité des élus et la
validité des résultats 340. Juge de la moralité et de la sincérité du scrutin, le juge administratif
peut, à travers l’exercice d’une compétence indirecte, régler des questions qui découlent des
opérations préparatoires (A), et connaître exceptionnellement, des actes administratifs qui
découlent de l’organisation des élections nationales (B).

A. Le contrôle indirect des opérations préélectorales


Les opérations préparatoires sont celles relatives à la révision et l’inscription les listes
électorales, l’établissement et la distribution des cartes électorales d’une part, et à
l’enregistrement des candidatures et la campagne électorale d’autre part.

Concernant le contrôle des opérations préparatoires, la garantie de la régularité du scrutin


par le juge administratif, entraîne l’existence d’un contrôle indirect sur les opérations
d’établissement et de révision des listes électorales à l’occasion de son office. En dépit de son
incompétence de principe pour apprécier la régularité des inscriptions sur la liste électorale, le
juge administratif peut en qualité de juge électoral, tirer toutes les conséquences qui découlent
des manœuvres qui ont pu entacher la régularité de la liste électorale, sans empiéter sur les
attributions des autres organes compétents en la matière. Il sanctionne en conséquence les
irrégularités alléguées, susceptibles d’avoir eu une influence déterminante sur les résultats du
scrutin. En conséquence, il peut annuler l'élection, si le suffrage irrégulièrement émis a pu
altérer la sincérité du scrutin.

Nonobstant l’éviction de principe du juge administratif du contentieux des opérations


préparatoires, l’on observe qu’il procède à un contrôle indirect des opérations préparatoires
lorsque les irrégularités alléguées sont de nature à altérer la sincérité du scrutin. C’est ainsi qu’il
peut, à l’occasion d’une recours fondé sur le fonctionnement ou la constitution des

saississant d’office. Celle-ci avait en effet invalider les suffrages exprimés en faveur de l’UNDP aux motifs
que certains de ses candidats ne résidaient pas le district concerné.
339 DEMICHEL A., F., Droit électoral, op. cit., p. 9.
340 GUIMDO DONGMO B. R., « Le juge administratif camerounais et l'urgence : recherches sur la place de
l’urgence dans le contentieux administratif camerounais », op. cit., p. 215.

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commissions électorales compétentes, admettre, ou réfuter le bien-fondé du recours. Ne
conviendrait-il pas de soutenir le raisonnement du doyen Maurice Kamto 341, qui préjugeait de
la compétence ce dernier, puisqu’il peut connaître, non pas des opérations préparatoires elles-
mêmes, mais de la constitution et fonctionnement des commissions électorales342. Cette
compétence du juge administratif lui est de toute évidence reconnue, nonobstant l’exclusion
de l’Administration de la gestion des processus électoraux. L’article 1er alinéa 2 (a) du décret
n°2005/104 du 13 avril 2005 portant organisation du ministère de l’administration territoriale
et de la décentralisation conforte cette logique, et pourrait confirmer la compétence du juge
administratif en la matière. L’élection fait incontestablement partie de la souveraineté de l’État,
et revêt par conséquent un caractère public. À cet égard, les actes pris par Elecam, dans le
cadre de la gestion des processus électoraux, notamment ceux relatifs à la constitution et au
fonctionnement des commissions de révision des listes électorales et à l’établissement des
cartes électorales, peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Le contrôle
indirect du juge administratif lui confère à ce titre, un pouvoir d’appréciation sur l’action ou
l’inaction des organes en charge des processus électoraux, il sanctionne à l’occasion, la
violation des dispositions textuelles par l’annulation du scrutin.

Juge de l’activité des autorités administratives, le juge administratif connaît par ailleurs des
actes administratifs qui découlent de l’organisation et du déroulement des élections nationales.

B. L’immixtion dans le contrôle des élections nationales


L’incompétence du juge administratif est posée par les articles 48 alinéa 1 de la Constitution
du 02 juin 1972 d’une part, et 40 de la loi n°2004/004 du 21 avril 2004 d’autre part. Les
dispositions des articles susvisés confèrent au Conseil constitutionnel, le contrôle de la
régularité des élections présidentielles, législatives et référendaires, et posent subséquemment
l’incompétence du juge administratif pour connaître des actes intimement liés à la régularité de
ces élections. Il s’ensuit au regard des dispositions susmentionnées, que le juge administratif
perd son « double monopole de législateur-administratif, et d’arbitre des différends de
l’Administration » 343.

341 KAMTO M., « Le contentieux électoral au Cameroun », Lex lata, n°20, novembre 1995, p. 3 et 4. Lire
également TCHEUWA J.-CL. « Les principes directeurs du contentieux électoral camerounais : à propos de
« l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à l’occasion des élections
législatives et municipales du 22 juillet 2007», Revue française de droit constitutionnel, 2011/2 n°86, p. 41-29.
342 Le juge administratif estime que, lorsque la commission communale s’abstient, de statuer sur les griefs dont
elle est saisie, qui relèvent cependant de sa compétence, elle n’a pas assuré la régularité des opérations
électorales, et elle expose par conséquent celles-ci à la sanction de nullité. Voir les jugements n°s°52/95-
96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre État du Cameroun ; 85/95-96 du 26 septembre 1996.
343 GAUDEMET Y., « Crise du juge administratif et contentieux administratif », in La crise du juge, LGDJ, 1990,
p 98.

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L’organisation d’une élection entraîne nécessairement la prise des décisions et des actes,
indispensables au déroulement harmonieux des processus électoraux. Le juge administratif
peut intervenir, pour connaître de la régularité des actes pris en vue de l’organisation matérielle
de l’élection, et reconnus détachables du déroulement de celle-ci.

Dans le contexte français, la compétence du juge administratif, s’affirme de manière


jurisprudentielle. À la suite des hésitations constatées entre le Conseil constitutionnel juge des
élections politiques et le Conseil d’État, juge de la légalité des actes administratifs, une certaine
stabilité s’impose dans la répartition des compétences entre ces deux organes 344. Le Conseil
d’État accepte désormais de statuer sur les contestations reconnues détachables du
déroulement du scrutin. Il connaît en premier et dernier ressort, de recours pour excès de
pouvoir, dirigés contre des actes préparatoires 345 à l’élection du président de la République et
des élections parlementaires qui ne se situent pas au cœur de la régularité du scrutin 346. Dans
une décision 347, le Conseil d’État précise que « les requêtes dirigées contre les circulaires par
lesquels est mise en œuvre l’organisation pratique du scrutin en vue de l’élection présidentielle,
ne sont pas en principe au nombre de celles sur lesquelles il appartient au Conseil
constitutionnel de statuer avant le scrutin, en vertu de sa mission de contrôle de la régularité
de [l’] élection. » 348 Au regard de cette jurisprudence, l’on observe que le juge administratif a
affirmé sa compétence pour connaître des actes détachables de l’élection. Il convient dès lors
d’apprécier cette avancée qui dénote l’audace du juge administratif français, qui ne décline pas
sa compétence, mais délimite son domaine d’action.

344 Les circonstances de cette stabilité dans la délimitation des compétences entre le Conseil constitutionnel et
le juge administratif sont les suivantes : En 1981, le Conseil constitutionnel, dans une décision Delmas,
acceptait de contrôler un acte administratif qui, par nature lui était étranger. Le Conseil d’État ayant rejeté le
recours du sieur Delmas pour incompétence, ce dernier s’adresse au Conseil constitutionnel et demande
l’annulation du décret de convocation des électeurs après la dissolution de l’Assemblée nationale. Le juge
constitutionnel affirme sa compétence dans un considérant, en posant que : « Considérant que si, en vertu de la
mission de contrôle de la régularité de l’élection des députés et des sénateurs qui lui est conférée par l’article 59 de la
Constitution, le Conseil constitutionnel peut exceptionnellement statuer sur les requêtes mettant en cause la régularité d’élections
à venir, ce n’est que dans la mesure où l’irrecevabilité qui serait opposée à ces requêtes en vertu des dispositions des articles 32 à
45 de l’ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 risquerait de compromettre gravement l’efficacité du contrôle par le Conseil
constitutionnel de l’élection des députés ou des sénateurs, vicierait le déroulement général des opérations électorales et, ainsi,
pourrait porter atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics. » Cette compétence du Conseil constitutionnel
est remise en cause en 1993, puisque le Conseil d’État effectue un revirement de jurisprudence, et se déclare
compétent pour connaître des actes qui interviennent avant le scrutin, il fonde sa compétence sur la notion
d’actes détachables, et s’affirme comme juge de la légalité des actes administratifs.
345 Les actes concernés sont entre autres ceux relatifs ou de celle contestant la régularité des décisions du
Conseil supérieur de l’audiovisuel concernant la programmation des émissions radiotélévisées pendant la
campagne officielle, des circulaires relatives aux modalités d’envoi des formulaires de présentation des
candidatures etc.
346 MALIGNER B., « Élections (contentieux électoral administratif) », Répertoire contentieux. administratif, Dalloz,
2004, p. 12et 13.
347 C.E du 5 avril 2002, Cazaux, rec., table, p. 738.
348 MALIGNER B., Contentieux électoral administratif, ibidem, p. 13

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L’intervention du juge administratif en matière d’élections politiques élimine de ce fait toute
vacance dans le contrôle des actes sur lesquels le Conseil constitutionnel ne peut exercer sa
compétence 349. C’est à bon droit que le professeur Claude Goyard écrit qu’« aucun acte
juridique, quelle que soit la catégorie à laquelle il se trouve appartenir, ne devrait échapper au
contrôle juridictionnel. » 350

Le rôle du juge administratif, nécessite un effort de valorisation de la part du législateur


camerounais, afin qu’il puisse sortir du « maquis » 351 pour assurer pleinement la protection des
droits civils et politiques des administrés, notamment par la garantie du mode de participation
des citoyens à la gestion des affaires sur le plan local, mais également sur le plan national, d’où
la nécessité d’encadrer le contrôle de la régularité des élections nationales.

SECTION III.

L’ACTION MITIGÉE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DANS LE CONTRÔLE DES


ÉLECTIONS NATIONALES

L’affirmation de monsieur Édouard Herriot selon laquelle «on ne stabilise une démocratie
que par le mouvement » 352, permet de souligner les soubassements qui ont sous-tendu la
création du Conseil constitutionnel en France et dans certains États africains 353. Initialement

349 Le Conseil d’État s’est reconnu compétent pour examiner le refus d’organiser une élection législative
partielle, C.E. sect. 23 avril 1997, Mme Richard, rec., p. 828. TOUVET, L., DOUBLET, Y.-M., Le droit des
élections. op.cit., p. 515.
350 GOYARD Cl., État de droit et démocratie, op. cit. p. 303.
351 NDJOCKE H.Cl., « Le juge administratif est-il dans le maquis ? », Revue internationale de Droit africain EDJA,
Dakar, juil.-août-sept, 2006, p. 31-87.
352 HÉRRIOT E., Dictionnaire des citations politiques, Source : Discours, entretiens et autres sources. [En ligne],
disponible sur : http://www.citationspolitiques.com/theme.php3?id_mot=5, (consulté le 10/05/2010).
353 À l’origine dans le contexte français, l’on observe que c’est la Commission provisoire constitutionnelle qui a
jugé les premières contestations électorales. Cette dernière a contribué à la fixation des principes essentiels
de la jurisprudence électorale et a posé le principe de l’interprétation restrictive des textes définissant la
compétence du Conseil constitutionnel. La création du Conseil constitutionnel s’inscrit dans une logique de
continuité de l’action de la Commission provisoire constitutionnelle et tend entre autre, à restreindre les
éventuels débordements du Parlement, à limiter voire mettre fin à l’hégémonie parlementaire. Le Conseil
constitutionnel exerce des compétences hétéroclites, relatives au contrôle extérieur à la constitutionnalité
des lois, et celui y relatif, constituant sa principale raison d’être. Michel DEBRÉ, dans son exposé sur le
Conseil constitutionnel devant le Conseil d’État le 27 août 1958, affirme à cet égard que « la création du
Conseil constitutionnel (…) manifeste la volonté de subordonner la loi, c’est-à-dire la décision du
Parlement, à la règle supérieure édictée par la Constitution. » [en ligne], www.assemblee-nationale.fr › ... › Michel
Debré › L'exercice du pouvoir, (consulté le 10/05/2011). Lire par ailleurs PHILIP L., « les attributions et le rôle
du Conseil constitutionnel en matière d’élections et de référendums », in RDP, p. 47 ; Les grandes décisions du
Conseil Constitutionnel, 17ème édition, Paris, Dalloz, 2015, p. 6.
En Afrique en revanche, l’on observe que la problématique de la création du Conseil ou des Cours
constitutionnel(les) se pose au cours des années 1990, période qui apporte un vent de démocratisation, et
déclenche des réformes institutionnelles notamment, les révisions constitutionnelles dont le contenu
transforme peu ou prou la vie politique des États. En effet, plusieurs États ont procédé par la tenue des

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conçu pour subordonner la loi, le Conseil constitutionnel s'est transformé en juge de la
conformité de la loi à l’ensemble des règles et principes à valeur constitutionnelle, en gardien
des droits et libertés des citoyens contenus dans le préambule, en régulateur du
fonctionnement des institutions et conflits de compétences entre les organes de l’État d’une
part 354, et en « garant de l’expression libre et sincère de la volonté du corps électoral » 355
d’autre part. Ces attributions soulèvent de manière concomitante, le règlement par cette
institution d’un contentieux normatif et électoral. Notre analyse, axée sur le contrôle de la
régularité des élections nationales sera limitée au contrôle des élections présidentielles et
législatives.

Le rôle du Conseil constitutionnel porte sur un contrôle des opérations électorales


relativement étendu, il veille à la régularité des opérations intimement liées au scrutin (§ 1), et
exerce une compétence partagée en matière de contrôle de la légalité des actes administratifs y
afférents (§ 2).

§ 1. L’EXERCICE D’UNE COMPÉTENCE AMBIVALENTE


« Le sort des démocraties est lié, pour une large part, aux institutions qui donnent
consistance et réalité aux valeurs qu’elles promeuvent » 356. Cette affirmation du professeur
Jean Du Bois de Gaudusson pose la problématique de la fiabilité des mécanismes mis en
œuvre par les États pour favoriser la consolidation de la démocratie. Prévue par les
dispositions des articles 48 alinéa 1 357 et 67 alinéa 4 de la Constitution révisée en date du

conférences nationales, à une rupture de l’ordre juridico-politique préexistant (Bénin, Congo, Mali etc.),
d’autres par contre, ont employé la voie des réaménagements institutionnels sur le plan technique. Quoi
qu’il en soit, l’on note que l’essentiel de ces réformes portaient sur la consécration de la renaissance des
libertés politiques au Cameroun et, l’instauration d’un État de droit apte à garantir la protection des libertés
fondamentales des citoyens. La Constitution, norme suprême de l’État devient de ce fait, le fondement de
toute activité étatique, l’acte créateur des institutions politiques qui déterminent la forme de l’État et les
conditions de dévolution et d’exercice du pouvoir. La nécessité de protéger l a Constitution se fait dès lors
ressentir, et l’on note la mise sur pied d’un organe, le Conseil constitutionnel, chargé de garantir la
suprématie de la Constitution. Lire sur cette question, BOURGI A., « L’évolution du constitutionnalisme en
Afrique : du formalisme à l’effectivité », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2002/4, n°52, p. 721-748, p. 7.
354 Le Conseil constitutionnel règle trois catégories de contentieux relatifs aux matières qui lui sont
expressément attribuées par la Constitution : le contentieux des institutions, le contentieux des normes et le
contentieux des libertés. FAVOREU L., GAIA P., GHEVONTIAN R., MESTRES J.-L., PFERSMANN O., ROUX
A., SCOFFONI G., Droit constitutionnel, 18ème édition, Paris, Dalloz, 2015, p. 319.
355 PHILIP L., « Les attributions et le rôle du Conseil constitutionnel en matière d’élections et de référendums »,
ibid. p. 48.
356 DU BOIS DE GAUDUSSON J., « Le mimétisme postcolonial, et après ? », Pouvoirs, 2009/2, n°29, p. 51.
357 L’alinéa 1 de l’article 48 dispose que : « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection
présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires.
Il en proclame les résultats. »
Aux termes de l’article 67 alinéa 4 « La Cour Suprême exerce les attributions du Conseil Constitutionnel
jusqu'à la mise en place de celui - ci. »

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14 avril 2008, la compétence du Conseil constitutionnel en matière électorale se rapporte à la
garantie de la régularité de l’organisation et du déroulement des élections nationales. Considéré
comme le pacificateur de la vie politique, comme celui qui désamorce les crises 358, le Conseil
constitutionnel, dans le cadre de son office de juge électoral 359, exerce d’une part un contrôle
périphérique sur les opérations électorales 360 (A), et d’autre part, examine et règle les
contestations des opérations intimement liées à l’élection (B).

A. Le contrôle des actes périphériques


Le rôle du Conseil constitutionnel est de s’assurer que la volonté populaire est sincère,
authentique, et que le scrutin pour la désignation des principales autorités politiques dans
l’État respecte les principes de transparence, de loyauté et de sincérité. Bien plus, il veille à ce
que le scrutin soit conforme à la norme édictée, mais qu’il reflète également un sentiment de la
satisfaction générale 361.

358 FAVOREU L., « La crise du juge et contentieux constitutionnel en droit français », in, Crise du juge. Paris,
LGDJ, 1990, p. 72.
359 Les élections qui se sont tenues avant la réforme constitutionnelle qui instituait le Conseil constitutionnel
étaient contrôlées par la Cour suprême, en application des dispositions de l’article 93 de la loi n°90/010 du
17 septembre 1992 relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale. Depuis l’adoption de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996, l’on note l’institutionnalisation du Conseil constitutionnel, dont
l’effectivité est précarisée par les dispositions de l’article 67 alinéa 4 qui instaurent le caractère transitoire de
sa mise en place, la continuité du contrôle de la régularité des élections nationales par la Cour suprême qui
statue en qualité de conseil constitutionnel, en attendant la mise en place de ce dernier. Certes, ces
dispositions ont le mérite de préciser les conditions d’exercice de la compétence de contrôle de la régularité
des élections nationales attribuée au Conseil constitutionnel, toutefois, il convient déplorer le caractère
indéterminé de cette disposition transitoire, qui diffère la mise en place effective de cette institution bien
que les dispositions se rapportant à son organisation et à son fonctionnement aient été adoptées depuis le
21 avril 2004. L’absence d’une limitation temporelle pourrait favoriser une insécurité juridique, qui ne
permet pas une garantie efficace des droits civils et politiques des citoyens. Monsieur BAGUI KARI écrit
dans cette logique que, la Cour suprême agissant comme Conseil constitutionnel n’a pas exercé un contrôle
effectif notamment, dans le contrôle des élections présidentielles, puisque très peu de recours ont été
examinés dans le fond. La plupart des recours étaient déclarés irrecevables, ou non justifiés. BAGUI KARI
A., Le contentieux électoral en question, Yaoundé, Presses de GCC, 2004, p. 17 ; Lire par ailleurs, ATEBA EYONG
A. R., « Le contrôle de la régularité des élections politiques nationales par la Cour suprême 1992-2002 :
esquisse de bilan d’une décennie électorale contentieuse au Cameroun », Mémoire, Université de Yaoundé 2-
Soa, 2003, 154 p.
360 Nous limiterons notre étude aux élections présidentielles et législatives en raison du fait qu’aucune
consultation référendaire n’a été organisée au Cameroun depuis celle du 20 mai 1972 relative au passage du
Cameroun de l’État fédéral à l’État unitaire.
361 NGUELE ABADA M., « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des
États francophones post-guerre froide : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais ». [En ligne],
disponible sur http://www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes5/ABADA.pdf. 22 p. (Consulté le
16/09/2016).

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L’exigence de régularité et de sincérité du scrutin qui sous-tend le contrôle du Conseil
constitutionnel entraîne la nécessité de contrôler les actes périphériques 362 qui interviennent
en amont et en aval du scrutin, notamment sur les opérations préliminaires et postélectorales.

Le Conseil constitutionnel assure la garantie de l’intégrité des candidats à l’élection des


députés à l’Assemblée nationale et du président de la République. À cet effet, il lui appartient
de veiller à ce que le mandat des élus ne soit entaché d’aucune illégalité. Juge de la régularité
des élections nationales, il assure le respect des règles relatives aux conditions d’éligibilité et
d’incompatibilité liées à la fonction des candidats. Il constate l’éligibilité du président de la
République et celle des députés, au regard des dispositions textuelles, puisque l’inéligibilité ne
se présume pas, au risque de porter atteinte au principe de la liberté de candidature.
L’éligibilité est une aptitude juridique à se porter candidat à une fonction politique élective 363.
Elle constitue le mécanisme qui permet d’écarter pour des raisons diverses, des personnes qui
ne peuvent prétendre à un mandat électif. L’incompatibilité quant à elle entraîne l’impossibilité
d’agir, elle est l’interdiction de cumuler une fonction élective avec d’autres mandats électifs ou
certaines activités professionnelles ou publiques. Les modifications subséquentes aux révisions
constitutionnelles du 18 janvier 1996 et du 14 avril 2008, transforment le régime juridique du
mandat électif. Celui-ci varie en fonction de l’élection envisagée. Il est inconstant en ce qui
concerne l’élection présidentielle, et relativement stable pour ce qui est des élections
législatives. Les articles 117 et 118 du Code électoral relatives aux dispositions spécifiques à
l’élection du président de la République, présentent les conditions d’éligibilité 364 et les

362 Ce terme employé par madame Sophie Lamouroux renferme « tous les actes qui ont un lien direct,
nécessaire et immédiat avec une votation déterminée et sans lesquels le processus électoral ne peut
s’accomplir ». Pour elle en effet, ces actes périphériques, « précèdent le scrutin, ils en sont le ferment
obligatoire, s’ils lui succèdent, ils deviennent sa conséquence (...) [ils] sont incontestablement attachés à
l’élection qui va se dérouler ou qui vient de s’achever ». LAMOUROUX S., Le contentieux des actes périphériques en
matière électorale, op.cit., p. 14.
363 Dictionnaire du vocabulaire juridique, sous la direction de CABRILLAC R., 2ème édition, Paris, LexisNexis-Litec,
2004, 401 p.
364 Concernant le contrôle l’éligibilité du président de la République, l’on note que la loi se limite à
l’énonciation des conditions d’éligibilité et de la compétence du Conseil constitutionnel qui déclare
l’inéligibilité d’un candidat. Le silence de la loi sur les conditions de saisine du Conseil constitutionnel en
vue de constater l’inéligibilité d’un candidat a entraîné des débats houleux au cours du mois de juin 2011
entre les théoriciens, les praticiens du droit, et les membres de la société civile.
Il s’agissait de savoir si le président en fonction Paul BIYA, pouvait être rééligible, en vertu des dispositions
constitutionnelles relatives au renouvellement indéfini du mandat présidentiel, ou inéligible en raison des
dispositions antérieures qui limitait sa candidature à deux septennats.
La thèse de l’éligibilité soutenue par certains universitaires et hommes politiques reposait sur l’absence de
toute mention expresse interdisant au président en fonction de faire acte de candidature. Ainsi, faute de
clause contraire, la Constitution révisée en 2008 ouvre la possibilité à la rééligibilité à ce dernier. Pour les
tenants de la thèse de l’inéligibilité, le président en fonction en 2011, élu en 2004 sous l’égide des
dispositions constitutionnelles de 1996 limitant le mandat présidentiel à deux septennats, ne pouvait pas
solliciter un mandat en 2011, en invoquant les nouvelles dispositions constitutionnelles de 2008. Pour ces
derniers, parler de l’éligibilité du président Paul Biya serait rétroagir les nouvelles dispositions

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incompatibilités liées à la fonction du président de la République. Ces conditions sont relatives
à la capacité électorale, la nationalité, le rattachement territorial, l’inscription sur les listes
électorales à la date du scrutin, et le non-exercice d’une autre fonction publique ou privée. Le
candidat à la fonction du président de la République doit avoir 35 ans révolus à la date du
scrutin, il doit être camerounais d’origine— ce qui exclut de la compétition toute personne
ayant acquise la nationalité par naturalisation—, et justifier d’une résidence continue dans le
territoire national d’au moins douze (12) mois consécutif, et d’une inscription sur les listes
électorales à la date du scrutin. Par ailleurs, il ne doit pas être de son propre fait, dans une
situation de dépendance ou d’intelligence vis-à-vis d’une personne, ou d’une puissance
étrangère. Ces conditions, nonobstant leur apparente lisibilité, sont imprécises, et ne
permettent pas aux citoyens de jouir pleinement de leur liberté de candidature.

Quant aux conditions d’inéligibilité relatives à l’élection des députés, elles sont énumérées
par l’article 162 alinéa 1et 2 du Code électoral, et concernent la fonction et l’appartenance à un
parti politique. Les incompatibilités portent sur les fonctions de membre du gouvernement, de
sénateur, de maire et de délégué de gouvernement etc. L’incompatibilité avec la fonction de
maire vient mettre un terme à une pratique antérieure de cumul vertical des mandats de maire-
député qui prévalait jusqu’aux élections de 2002 365. Outre l’identité des conditions
d’inéligibilité relatives à la situation de dépendance ou d’intelligence à une autre puissance
prévues pour les candidats à l’élection présidentielle, il faudrait souligner que l’éligibilité des
députés est soumise à des conditions plus rigoureuses. Ils ont l’obligation de demeurer dans
leur parti politique, sous peine d’être déchus de leur mandat.

Le conseil constitutionnel intervient également de manière restreinte dans le contrôle des


opérations électorales et postélectorales. Pour ce qui est des opérations postélectorales, son
action porte sur la vérification des procès-verbaux et pièces annexes des opérations électorales,
puis sur la transmission des procès-verbaux aux autorités compétentes. Il exerce un examen
indirect du recensement général des votes à travers les procès-verbaux qui lui sont transmis

constitutionnelles, puisqu’une nouvelle loi ne peut régir les dispositions en cours que lorsqu’elle l’a prévu
expressément.
365 Le professeur PATRICK FRAISSEIX distingue le cumul horizontal des mandats de celui vertical. Pour lui en
effet, le cumul horizontal porte sur deux mandats de rangs comparables, tandis que le cumul vertical
concerne deux mandats dont l’un est national et l’autre local. Il met en exergue le caractère paradoxal du
cumul des mandats qui permet aux mandataires de se positionner par rapport au pouvoir, et de transformer
la fonction élective en une profession à part entière, susceptible de restreindre l’élargissement de la classe
politique. « Situé au carrefour de tous les réseaux de représentation », le cumul des mandats serait selon le
professeur Fraisseix, un élément des relations entre les mandataires et les mandants d’une part et les
mandataires et le pouvoir d’autre part. Nonobstant les aspects aussi bien positifs que négatifs qu’elle
contient, la pratique du cumul des mandats pourrait davantage s’avérer néfaste dans un contexte africain
notamment, au Cameroun, soucieux de la promotion et la consolidation de la bonne gouvernance.
FRAISSEIX P., « Le cumul des mandats : un mal inévitable mais pas nécessaire », in Mélanges Patrice Gélard, op.
cit. p. 177-185.

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par la CNRGV puis, arrête et proclame les résultats du scrutin. Nonobstant la réduction de ses
compétences administratives, l’on constate que le Conseil constitutionnel dispose de larges
pouvoirs pour connaître des litiges qui naissent de l’organisation ou du déroulement des
opérations électorales.

B. L’intervention exclusive en matière contentieuse


En ce qu’elle est considérée comme le principal pilier de la démocratie et un moyen
communément accepté pour légitimer les institutions de la société, l’élection doit être encadrée
de sorte que les dirigeants bénéficient d’une légitimité et d’une moralité incontestables.
Monsieur Victor Massuh écrit fort opportunément que la démocratie tend à satisfaire la
volonté de la majorité sans sacrifier les minorités, à favoriser l'égalité sans ignorer les
différences, à faire une place à la société civile sans dévaloriser le rôle de l'État, à préserver les
droits de l'individu sans négliger l'intérêt général. Il précise par ailleurs que la démocratie
encourage une subtile mécanique électorale en veillant à ne refroidir ni l'enthousiasme
démocratique, ni sa vitalité. Elle fait en sorte que les intérêts privés et les intérêts publics
interagissent sans tensions, sans ruptures et sans corruption. 366

Le conseil constitutionnel a dès lors la lourde mission de garantir l’expression libre et


inaltérée du suffrage, et de trancher les contentieux qui lui sont soumis. Il exerce à cet effet,
une compétence exclusive sur le contrôle de la régularité des élections, et connaît des
réclamations ou contestations relatives aux préliminaires et aux opérations postélectorales. Il
est le juge des résultats, et « se réserve le contrôle de ce qui constitue le cœur de l’opération
électorale » 367.

1. Juge de la régularité des opérations préliminaires


Le pouvoir politique permet aux gouvernants d’exercer le pouvoir et de représenter le
peuple dans la gestion des affaires de la cité. Il leur confère une onction populaire qui demeure
le fondement de tout régime politique 368, puisque du degré de régularité de l’élection dépend
la légitimité des gouvernants. Édouard Laferrière écrit que l’invalidation d’une élection ne
nécessite pas obligatoirement qu’elle soit viciée, mais tout soupçon légitime se retourne contre
l’élu, puisque son titre doit être hors de doute 369.

366 MASSUH V., « Démocratie: délicat équilibre et universalité », in La démocratie : principes et réalisations, Union
interparlementaire, 1998, p. 69. [En ligne], disponible sur :
www.ipu.org/PDF/publications/DEMOCRACY_PR_f.pdf. (Consulté le 20/10/2014).
367 ARDANT P., « Le contentieux devant le Conseil constitutionnel et conseil d’État », op. cit., p. 59.
368 VETTOVAGLIA J.-P., « Des élections à la démocratie », in Démocratie et élections dans l’espace francophone, op. cit.,
p. 861.
369 LAFFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, op. cit., p. 324.

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Les candidatures constituent l’acte initial et fondamental de la représentation politique et
sont indissociables du pluralisme 370. Elles favorisent l’expression des courants d’opinion, et
permettent de présenter et de véhiculer les programmes politiques. Chargé de veiller à la
régularité des opérations préliminaires, le Conseil constitutionnel connaît des contestations ou
réclamations relatives à l’acceptation ou au rejet des candidatures d’une part, et du contentieux
des sigles et couleurs, qu’il règle en attribuant par priorité au parti politique, son sigle et sa
couleur, suivant l’ordre d’ancienneté de son acte de légalisation 371. Le contentieux relatif à
l’acceptation ou au rejet des candidatures soulève la problématique de la déclaration des
candidatures. Celle-ci revêt un double intérêt en matière électorale, elle permet aux électeurs
de connaître ceux qui sollicitent leurs suffrages d’une part, et d’autre part, ouvre la voie au
contrôle de l’éligibilité des candidats 372. Certes, le contentieux relatif à l’enregistrement des
candidatures est abondant, il faudrait cependant souligner qu’il n’abouti pas toujours à la
décision escomptée par les requérants. Un taux élevé de rejet est à décrier, parce que le juge
réhabilite dans de moindres proportions, les candidatures rejetées.

L’analyse des décisions du Conseil constitutionnel relatives au contentieux de


l’enregistrement des candidatures, suscite des interrogations relatives au taux de rejet et
d’irrecevabilité des recours prononcés par le juge. L’on observe à cet égard que plusieurs
recours jugés irrecevables sont fondés sur la tardiveté et l’incomplétude des dossiers. Le juge
électoral, habité par le souci d’apporter des éclaircissements sur les intrications lexicales et
procédurales des dispositions textuelles, joue quelquefois un rôle de pédagogue dans la
motivation des décisions de rejet 373. À l’évidence, face au taux élevé de rejet constaté,

370 L’existence des partis politiques entraîne par voie de conséquence leur représentation au sein de la scène
politique. Ils concourent dès lors, conformément à l’article 3 de la Constitution camerounaise à l’expression
du suffrage. LISSOUCK F., Pluralisme politique et droit en Afrique noire francophone : Essai dur les dimensions
institutionnelles et administratives de la démocratisation en Afrique noire francophone, 2000, 319 p., Thèse de doctorat
en droit public et analyse politique, Université Jean-Moulin-Lyon 3, 2000, p. 13.
371 Articles 129 et 167 du Code électoral s’appliquant aux élections présidentielles et législatives puis, 43 et 47
fixant l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel.
372 LAMOUROUX S., Le contentieux des actes périphériques en matière électorale, op.cit., p. 67.
373 Dans une espèce arrêt n°03 du 1er octobre 2004, Lontouo Marcus, candidat du parti politique Congrès National
Camerounais (CNC) contre État du Cameroun, le Conseil constitutionnel confirme la décision de rejet de la
candidature du requérant au motif que ce dernier ne s’est pas engagé à respecter la Constitution, et qu’il
pourrait la violer pendant l’élection à venir, voire après s’il n’est pas élu.
Relativement à cette espèce, il convient de dire que, conformément aux dispositions de l’article 54 alinéa 2
(d) de la loi relative à l’élection du président de la République, modifié par l’article 122 alinéa 2 (d), la
déclaration de candidature doit indiquer entre autres, l’engagement sur l’honneur du candidat à respecter la
Constitution. Cette exigence doit attester la soumission sans équivoque du candidat à la Constitution et à la
légalité républicaine. Attendu en revanche que le Sieur Lontouo dans sa déclaration, s’est engagé à « respecter
la Constitution camerounaise au cas où il serait élu », le Conseil constitutionnel a estimé que son
engagement est restrictif, hypothétique, et plein d’incertitude, et ne correspond pas à celui exigé par la loi.
Dans le même esprit de pédagogie, le Conseil constitutionnel a rendu des décisions pour sanctionner
l’incomplétude des dossiers de candidature. Il a ainsi préciser que les pièces exigées pour la déclaration de
candidature doivent être déposées en même temps que ladite déclaration, et non partiellement pour

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l’argument qui pourrait être apporté ici serait que les requérants n’ont pas une bonne maîtrise
des lois, et partant de la procédure. Le caractère sibyllin des textes juridiques participe pour
une part importante, à ces nombreux rejets, et pourrait conduire à une « crise de la
représentativité » 374. En effet, parce que la loi électorale « tâtonne, hésite, bafouille, et revient
sur ses pas » 375, il est nécessaire que l’office du Conseil constitutionnel concourt grandement à
garantir la régularité et la sincérité des résultats du scrutin.

2 Garant de la sincérité du scrutin


Le contentieux des résultats est un instrument incontournable permettant d’assurer la
crédibilité de la consultation électorale et la détermination du candidat victorieux. Le rôle du
juge de l’élection consiste à cet effet à assurer la régularité, la sérénité et la sincérité des
résultats. Il veille à la régularité de l’ensemble du processus électoral.

La compétence du Conseil constitutionnel porte sur les contestations ou réclamations


relatives au décompte des suffrages. Ainsi, il dispose d’un large pouvoir pour fonder sa
conviction sur la régularité du scrutin. Son pouvoir n’est pas seulement un acte de
connaissance, mais un acte de volonté, puisqu’il n’est jamais réduit à une pure et stérile
application du droit, même lorsqu’il est limité par une loi substantive 376. Le Conseil
constitutionnel examine subséquemment, les requêtes qui visent la contestation des résultats,
afin de déterminer si des manœuvres constatées n’ont pas vicié les résultats et altéré la sincérité
du scrutin. Ainsi, lorsqu’il a l’intime conviction que les manœuvres ont eu une influence

attendre la réclamation de celles manquantes Arrêts n°08 du 1er octobre 2004, Issac Michael Enow Oben,
candidat du Cameroon Ideological Party contre État du Cameroun ; n°11, Matip Libam Henri, candidat du Mouvement
Démocratique des Paysans Camerounais (MDPC) contre État du Cameroun ; n°17, Tonye Jean Alphonse, candidat
indépendant contre État du Cameroun etc.
Plus récemment, l’on observe que le juge électoral confirme encore plusieurs décisions de rejet fondées sur
l’absence de signature sur la déclaration de candidature, il rappelle à cette occasion qu’il résulte, en
application de l’article 52 désormais remplacé par l’article 120 du Code électoral, que c’est la signature
figurant sur la déclaration même de candidature qui doit être légalisée. « Que si cette formalité n’est pas
accomplie, elle ne saurait être régularisée par la production d’une signature légalisée figurant en dehors de la
déclaration … » Les principaux manquements sur lesquels le juge fonde sa décision de rejet portent sur le
défaut de présentation de l’original du versement du cautionnement, le défaut de présentation du certificat
d’imposition, la non présentation du bulletin n°3 du casier judiciaire, du certificat de nationalité, l’absence
d’une signature légalisée sur la déclaration de candidature, etc. Décisions n°01/CEP/du 20 septembre 2011,
affaire Mbem Jean Delors (Égalité Sociale et Démocratique du Cameroun ESDC) contre Elections Cameroun (Elecam) ;
n°02/CEP/du 20 septembre 2011, affaire Tchana Lamartine (candidate Dynamique Conquérante Libérale des
Indomptables du Cameroun DCLIC) contre Elections Cameroun (Elecam) ; n°03/CEP/du 20 septembre 2011,
affaire Egono Valentin (candidat de l’Union camerounaise pour la Démocratie et l’Innovation UDCI ; Parti politique
UCDI) contre Elections Cameroun (Elecam) ; Décision n°12/CEP du 20 septembre 2011, affaire Louis Tobie
Mbida (candidat du parti des démocrates camerounais PDC) contre Elections Cameroon (Elecam).
374 JAUME L., « La représentation : une fiction malmenée », Pouvoirs, n°120, Voter, janvier 2007, p. 5.
375 MAZEAUD P., « Vœux du président du Conseil constitutionnel au président de la République, discours
prononcé le 3 janvier 2005 », in Cahiers du Conseil constitutionnel, n°18/2005, p. 2-9.
376 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, Paris, Economica, 1984, p. 28.

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déterminante sur les résultats du scrutin, il peut prononcer soit l’annulation partielle ou totale
de l’élection, soit réformer les résultats. Il peut également, lorsque les manœuvres n’ont eu
aucune incidence sur les résultats du scrutin, proclamer élu le candidat qui a recueilli la
majorité des suffrages valablement exprimés 377. Malgré l’étendue de ses compétences en
matière de contrôle de la régularité des élections nationales, l’on observe que le Conseil
constitutionnel assure un contrôle indirect et partagé.

§ 2. L’EXERCICE D’UNE COMPÉTENCE EXCEPTIONNELLE ET PARTAGÉE


Les processus électoraux sont caractérisés par une diversité d’actes qui nécessitent
l’implication de plusieurs organes chargés d’en assurer le contrôle. Juge électoral, le Conseil
constitutionnel malgré son incompétence, est amené à intervenir de manière exceptionnelle
sur des questions qui ne ressortissent pas de sa compétence. Juge de la légalité et de la
régularité des élections nationales, le Conseil constitutionnel exerce un contrôle exceptionnel
sur les litiges dont il ne peut avoir connaissance de manière directe, en raison soit du principe
de séparation des pouvoirs, soit du fait de la phase d’intervention de l’acte contesté. Le
professeur Thierry Renoux écrit à ce propos que « le régime démocratique, pour répondre à
un idéal de liberté et satisfaire aux exigences d’un État de droit, doit être conjugué à la
séparation des pouvoirs, de telle sorte que la puissance soit fragmentée entre plusieurs organes
indépendants, et maîtrisée par la hiérarchie des corps intermédiaires » 378. En revanche, il
faudrait souligner que cette fragmentation ne concourt à l’effectivité de la justice électorale que
si les juges impliqués établissent un dialogue qui conduit à un contrôle intégral des opérations
électorales. Dans l’atteinte de cet idéal, l’on assiste à l’exercice d’un contrôle a posteriori des
opérations préélectorales (A) et d’une compétence proportionnellement partagée (B).

377 Le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi de l’annulation du scrutin, affiche une témérité variable qui ne
permet pas de garantir efficacement les processus électoraux. Lorsqu’il est saisi de l’annulation de l’élection
présidentielle, le juge électoral adopte une attitude circonspecte, et se limite aux rejets des recours, en
alléguant des motifs divers qui lui évitent d’examiner le fond du recours. Ainsi, l’on relève que le juge
électoral n’a annulé élection présidentielle. En revanche, l’on observe une certaine audace lorsqu’il connaît
du contentieux des élections législatives. Il annule partiellement le scrutin, ou réforme les résultats, et se
montre quelquefois pédagogue.
Voir les arrêts n°s 22/CE/96-97 du 23 juin 997, Inoua Mohamadou, candidat UNDP, circonscription
électorale du Mayo-Banyo contre État du Cameroun ; 46/CE/96-97 du 23 juin 997, Tchoumba Dieudonné,
candidat SDF, circonscription électorale du Ndé contre État du Cameroun ; 51/CE/96-97 du 23 juin 1997,
MDR, UNDP circonscription électorale du Mayo-Rey contre État du Cameroun (Minat) ; 44/CE/01-02 du
17 juillet 2002, SDF, UPC contre État du Cameroun (Minat) circonscription électorale du Nkam,
n°54/CE/01-02 du 17 juillet 2001, SDF, UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription de
Bamboutos ; n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, UNDP, RDPC contre État du Cameroun (Minat),
circonscription de Kumba, etc.
378 RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, op. cit., p. 22.

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A. Le contrôle a posteriori des opérations préélectorales
L’intervention exceptionnelle du juge électoral procède de sa mission de garant de la
régularité des élections, dont l’objet est d’assurer un contrôle effectif des actes qui concourent
à la régularité du processus électoral. Le Conseil constitutionnel exerce de manière incidente et
postérieure, le contrôle des actes préalables qui peuvent influencer la validité de l’élection en
cause. Le caractère exceptionnel de sa compétence découle du contrôle a postériori qu’il opère
sur les opérations préélectorales.

Le contentieux des actes liés aux opérations préparatoires appartient en dernier ressort au
juge judiciaire qui « connaît des litiges qui mettent en jeu les droits de l’Homme et du
citoyen » 379. Il lui appartient de régler l’ensemble du contentieux y relatif. Cette compétence
du juge judiciaire, exclut celle du Conseil constitutionnel qui ne peut pas connaître de
l’inscription ou de la radiation d’un électeur sur les listes électorales, ainsi que du contentieux
de l’établissement et de la délivrance des cartes électorales. Nonobstant cette incompétence de
principe, le Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’examen d’un recours en annulation du
scrutin, peut connaitre, au moyen d’un contrôle par voie d’exception, du contentieux des
opérations préparatoires. Il intervient dans ce cas, non en qualité de juge de la régularité des
opérations relatives à la liste électorale, mais en tant que juge électoral. De ce fait, il peut
sanctionner les irrégularités commises dans l’établissement de la liste électorale si elles ont
porté atteinte à la sincérité du scrutin. Parallèlement, le Conseil constitutionnel exerce un
contrôle indirect sur les opérations préliminaires.

La déclaration de candidature est soumise au respect des conditions d’éligibilité et


d’incompatibilité. Le Conseil constitutionnel veille à ce que le mandat des représentants ne soit
entaché d’aucune illégalité. En conséquence, il peut intervenir lorsque l’éligibilité survient
postérieurement après la proclamation des résultats, dans ce cas, il constate non pas
l’inéligibilité, mais la déchéance de l’élu à l’initiative des personnes prévues par la loi 380. Cette
compétence qui lui est désormais dévolue, est cependant partagée.

379 DELPÉRÉE F., Le contentieux électoral, op. cit., p. 38.


380 La compétence de connaître de la validité du mandat des députés, préalablement exercée par l’Assemblée
nationale, en application des dispositions des articles 9 du règlement intérieur n° 73/1 du 08 juin 1973
modifié par la loi n° 93/001 du 16 juin 1993 et 3 alinéas 2, 3, 4, 5, 6 et 7 et 10 (nouveau), lui est désormais
ôtée, eu égard aux dispositions des articles 47 et 48 alinéa 1, et 50 de la Constitution, et est attribuée au
Conseil constitutionnel qui veille à la régularité des élections législatives. Ce transfert de compétence a
entraîné de vives controverses lors du double scrutin de juin scrutin organisé en 2002. La Cour suprême
statuant comme Conseil constitutionnel, une décision n° 001/CC/02-03 du 28/11/2002 règle
définitivement la question, et dispose que les articles du règlement qui attribuent à l'Assemblée nationale la
compétence pour juger de l'éligibilité de ses membres après la proclamation des résultats par le Conseil
constitutionnel, sont contraires à la Constitution, puisque ses décisions s’imposent aux pouvoirs publics, à
toutes les autorités administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi qu’ʼ à toute personne physique ou
morale.

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B. L’exercice d’une compétence proportionnellement partagée
Le partage des compétences s’opère entre le Conseil constitutionnel juge électoral, et le
juge administratif, juge naturel de la légalité des actes administratif. Il porte sur le contrôle des
actes administratifs relatifs à l’organisation et au déroulement des élections nationales. Cette
répartition qui n’est pas expressément aménagée par le législateur, permet l’incursion du juge
administratif dans le contrôle des élections nationales. Cette immixtion du juge administratif
permet d’éliminer toutes les imperfections, tous les « angles morts » du contentieux des
élections nationales.

Il faudrait toutefois déplorer l’impossible contestation de certaines questions non


négligeables, en l’occurrence celles liées au déroulement du processus électoral. Il s’agit entre
autres, du décret de convocation du corps électoral, considéré au Cameroun comme un acte
de gouvernement insusceptible de recours devant les autorités administratives et judiciaires.
De même, l’on déplore l’absence du contentieux du financement des partis politiques qui
demeure un grand tabou dans les processus électoraux au Cameroun. Messieurs Dagobert
Bisseck et Joseph Youmsi écrivent sur la question que le financement des partis politiques
ouvre le pan à plusieurs questions insolubles, notamment sur la portée du financement, la
nature et la limitation des fonds susceptibles d’être recueillis par les partis politiques, et enfin
sur leur contrôle et les sanctions y relatives 381.

Le professeur Marcelin Nguélé Abada écrit dans ce sens qu’en confirmant l’obsolescence de la procédure
de validation du mandat des députés dans sa décision du 28 novembre 2002, la Cour suprême statuant en
qualité de Conseil constitutionnel met un terme à « un contrôle a posteriori de la décision du Conseil
constitutionnel déclarant élus les candidats à l’élection législative ». Il résulte de cette mutation
constitutionnelle que le Conseil constitutionnel exerce une compétence générale sur les élections politiques,
à l’exclusion des élections locales dontle contentieux est confié à la juridction administrative. NGUÉLÉ
ABADA M., « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des États
francophones post-guerre froide : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais », op. cit., p. 19.
381 La législation relative au financement des partis politiques intervenue dix années après l’adoption des « lois
dites de démocratie » en 1990, reprise par le titre XI du Code électoral prévoit le financement public des
partis politiques (chapitre I, articles 279 à 283 du Code électoral) et le financement public des campagnes
électorales et référendaires (chapitre II, articles 284 à 287 du Code électoral). Les dispositions
susmentionnées précisent la quotité de l’État aux dépenses afférentes à certaines dépenses de
fonctionnement et de campagnes électorales et référendaires des partis politiques. Cette subvention
octroyée sur des critères en apparence rationnels, —la première tranche est accordée aux partis politiques
après la publication des listes électorales proportionnellement aux listes présentées et acceptées dans les
différentes circonscriptions électorales ; la deuxième tranche quant à elle intervient après la proclamation
des résultats, au prorata du nombre de sièges obtenus, ou des résultats obtenus, notamment au moins 5%
des suffrages exprimés— ne permet cependant pas d’assurer l’égalité de chances entre les candidats. Les
auteurs susmentionnés écrivaient à propos qu’ « en application du critère de 5% des suffrages au moins
obtenus dans une circonscription électorale par un parti politique, la deuxième tranche de subvention de
l’État de 250 000 000 francs CFA a été distribuée à seize partis politiques. Les partis politiques les moins
représentatifs ayant obtenu un résultat d’au moins 5% des suffrages dans une circonscription électorale ont
reçu chacun 1 515 151 francs, tandis que le parti majoritaire ayant ce même résultat dans soixante-quatorze
circonscriptions électorales a encaissé 112 121 212 francs CFA. » Outre ces germes d’inégalités que
renferment les dispositions législatives concernant le financement des partis politiques. Certes, l’on observe
l’institutionnalisation d’une commission de contrôle chargées de vérifier l’adéquation entre l’objet des fonds
alloués et leur destination effective, puisque ceux-ci ne sauraient être une source d’enrichissement personnel

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L’intervention du juge administratif dans le contrôle des élections nationales entraîne à cet
égard une sorte de « jeu de domino où chacun occupe les territoires délaissés par l’autre » 382.
Le principe de la séparation des pouvoirs qui voudrait que le juge administratif soit seul
compétent pour connaître des actes des autorités administratives, créée un environnement de
concurrence, puis de partage entre ce dernier et le juge constitutionnel, chargé de veiller à la
régularité des élections nationales. Le professeur René Chapus justifie ce partage de
compétence en écrivant que, « parce que c’est un contentieux sans tradition, et en l’absence de
dispositions constitutionnelles ou législatives s’y opposant, la répartition de la compétence
entre le Conseil constitutionnel et le juge administratif est conforme à la distinction entre
déroulement et organisation du scrutin » 383.

Il en résulte que, les compétences des deux juges posent un problème de délimitation du
champ d’action, puisqu’elles s’imbriquent, et se recoupent sur le contrôle des actes relatifs à
l’organisation et au déroulement des opérations électorales. Dans un souci de clarification des
contours des compétences entre le Conseil constitutionnel et le juge administratif, la
jurisprudence pose le principe d’acte détachable. En effet, le Conseil constitutionnel est
compétent pour connaître des actes administratifs intimement liés, non détachables de
l’élection dont il est le juge électoral. En revanche, la compétence du juge administratif est de

des partis politiques ou des candidats, au risque d’être assimilés à des détournements de deniers publics.
L’on déplore cependant la mise en place effective de celle-ci, et parallèlement celle de la chambre des
comptes de la Cour suprême dont le rôle est, en application des dispositions de l’article 8 paragraphe 6 de la
loi n°2003/005 du 21 avril 2003, phagocytées par celles transitoires prévues par les articles 78 et 79 de la loi
susvisée. BISSECK G., YOUMSI J., « le financement des partis politiques au Cameroun, Accpuf, bull., n°6,
novembre 2006, p. 91-93.
Dans le contexte français en revanche, l’on observe que le contentieux relatif au financement des partis
politiques et de la campagne électorale constitue un « contentieux central à titre principal » dont la sanction
entraîne soit l’inéligibilité du candidat, partant l’invalidation du scrutin, soit le prononcé d’une peine
d’emprisonnement et d’une amende, le versement au Trésor public d’une somme égale au montant du
dépassement tel que fixé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements
politiques (CNCCFP), et enfin la perte du droit au remboursement forfaitaire. Voir les dispositions de la loi
organique n°88-226 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, de la loi n°90-
55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des
activités politiques, la circulaire n°NOR/INT/A/08//C du 7 janvier 2008 relative au financement et au
plafonnement des dépenses électorales organisent de manière rigoureuse le financement des activités
politiques.
L’analyse des dispositions législatives et réglementaires susmentionnées laissent transparaître le souci du
législateur français de gommer les aspérités de fait qui existent entre les candidats et renforcer l’égalité entre
ces derniers. Ainsi, l’on observe que le financement des partis et groupements politiques d’une part, et le
plafonnement des dépenses électorales d’autre part, sont strictement régis et contrôlés. La création d’une
institution indépendante chargée de contrôler les comptes des candidats, de procéder à la publication
sommaire desdits comptes dans le journal officiel, et d’établir un rapport sur le bilan de son contrôle,
nonobstant la fragilité de ses moyens d’action, joue un rôle fondamental dans la garantie de la transparence
financière, puisqu’elle a l’obligation de saisir les organes compétents en cas de violation des dispositions
textuelles.
382 ARDANT P., Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, op. cit., p. 61.
383 CHAPUS R., Droit administratif général, 15ème édition, tome 1, Paris, Montchrestien, 2001, n°1160, p. 943.

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droit, lorsque l’acte est détachable de l’opération électorale. Celle-ci étant justifiée tout d’abord
par le fait que l’acte en cause est pris par une autorité administrative, et également parce que
celui-ci est garant de l’ordre public et de l’application des lois et règlements.

La compétence partagée entre le Conseil constitutionnel et le juge administratif s’exerce


sous un angle de coexistence et complémentarité, puisque le juge administratif se reconnaît
compétent lorsque le Conseil constitutionnel renonce à connaître d’une question qui lui est
soumise. Les conflits de compétences entre juges électoraux sont quasi-inexistants dans le
contexte camerounais. Le juge administratif s’abstient de faire des incursions dans le domaine
qu’il estime ressortir de la compétence du Conseil constitutionnel. Cette réserve est à déplorer,
et pourrait concourir à la fragilisation de l’État de droit. Car comme s’interroge fort
opportunément le professeur Philippe Ardant, « y a-t-il de contentieux plus important que
celui de la désignation par le peuple des représentants chargés d’exprimer sa volonté ? C’est en
réalité le contrôle majeur puisque c’est celui de la démocratie » 384.

384 ARDANT P., « Le contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel le Conseil d’État », op. cit., p. 55.

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Conclusion du Chapitre II du titre I

L’implication d’une diversité d’organes juridictionnels dans le contrôle des processus


électoraux au Cameroun est justifiée par le principe de la séparation des autorités
administratives et judiciaires —consacré en France par la loi des 16 et 24 août 1790— qui
permet la collaboration de plusieurs ordres de juridictions, en l’occurrence l’ordre civil, pénal
administratif et celle du Conseil constitutionnel. Certes, l’intervention plurielle des juges dans
le contrôle de la régularité des processus électoraux vise à conférer une légitimité incontestable
aux élus, toutefois il convient de remarquer que leur rôle n’est pas limité à ce seul objectif.
Bien qu’assurant des objectifs en apparence opposés, ils rendent des « services » dont le
premier est décrit par monsieur Charlier comme tendant à « redonner à la connaissance sa
certitude et au Droit positif sa puissance en élucidant les notions, faute de quoi la
connaissance et le Droit positif à leur tour ne rendent pas les services que l’on attend
d’eux » 385. En matière électorale, les services rendus par les juges consistent à garantir le droit
de vote des citoyens à travers l’intervention du juge judiciaire considéré comme juge de droit
commun de l’état des personnes. L’action des juges électoraux quant à elle vise à garantir
l’intégrité de la volonté du corps électoral, puisqu’ils veillent à la régularité des préliminaires et
des opérations électorales. Cette diversité relevée dans l’organisation des processus électoraux
justifie le foisonnement d’organes juridictionnels et conforte la remarque d’Aristote selon
laquelle « une seule hirondelle ne fait pas le printemps : un seul acte moral ne fait pas la
vertu » 386.

385 CHARLIER R.E., « Le juge et le service », in Mélanges offerts à Marcel Waline : le juge et le droit public, tome II,
Paris, LGDJ, 1974, p. 323-342.
386 Cité par BOURREL R., « Le juge administratif, nouveau gardien de la liberté individuelle ? », in La revue
administrative, n°377, Economica, sept.-oct. 2010, 451-560.

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Conclusion du titre I

Le contentieux des élections se caractérise dans la plupart des États africains, par une
complexité décourageante pour les populations entretenue par le partage des compétences entre
plusieurs juges et ordres de juridictions ainsi que les conflits qui ne manquent pas de surgir dans
l’application de lois électorales rédigées en des termes propices aux divergences d’interprétations
(…) 387.

Cette affirmation du professeur Jean Du Bois de Gaudusson, illustre la spécificité du


contexte camerounais qui brille par l’existence d’une justice électorale éclatée, et qui intègre les
organes non juridictionnels et juridictionnels. Monsieur Gilli, abondant dans cette logique
reconnaît aux juges le mérite de bâtir sur l’incertain terrain d’une réglementation
particulièrement mouvante. Pour lui en effet, « on conçoit aisément qu’un contrôle aussi large,
aussi différencié, présente un certain nombre de faiblesse » 388. L’éclatement de la justice
électorale entre plusieurs organes rend la procédure contentieuse opaque. En effet, l’existence
d’une pluralité d’organes de contrôle, détenant des compétences qui s’entrecroisent et se
contrarient, s’oppose à la pensée du doyen Francisco Meledje Djedjro, qui voit dans cette
pluralité d’acteurs, « la recherche d’une certaine performance dans la régulation de la
compétition électorale. » 389 Quoiqu’il en soit, l’existence d’une pluralité d’organes en elle-
même n’est pas un facteur d’inefficacité, il vise une certaine complémentarité entre les organes
qui interviennent dans les processus électoraux. En revanche, cette complémentarité qui
exprime une garantie efficiente des droits de suffrages des citoyens, risquerait de se
transformer en concurrence, d’où la nécessité pour le législateur de gommer toutes les
aspérités, en clarifiant la répartition des compétences entres les organes impliqués, afin de
pallier un traitement maniable du contentieux électoral 390 qui pourrait se révéler, non comme
un instrument d’efficacité, mais plutôt comme une boîte de pandore, inaccessible aux électeurs
peu habitués à la pratique processuelle. C’est dans l’esprit d’y remédier que le Conseil
constitutionnel français a érigé la clarté de la loi au rang de principe constitutionnel, alors que
l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi deviennent assimilables à des exigences qualifiées
d’objectifs de valeur constitutionnelle. Il en résulte, eu égard à la position du Conseil
constitutionnel, la garantie d’une accessibilité intellectuelle aux requérants impose que la

387 DU BOIS GAUDUSSON J.D.B., « Les élections à l’épreuve de l’Afrique », in Cahiers du Conseil constitutionnel,
n°13, Études et Doctrines, 2002, p. 14.
388 GILLI J.-P., « Le contrôle juridictionnel du permis de construire : incertitudes et insuffisances », in Mélanges
offerts à Marcel Waline, op. cit., p. 467- 478.
389 MELEDJE D., F., Le contentieux électoral, op.cit., p. 14
390 MASCLET J-C., Le droit des élections politiques, op. cit., p. 39.

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norme soit compréhensible par ces derniers 391, afin que le contentieux électoral restitue dans
toute sa pureté l’expression de la volonté du corps électoral 392.

Le cadre juridique en vigueur au Cameroun entretient une illisibilité déconcertante autour


de la répartition des compétences entre les organes chargés de régler les litiges qui peuvent
naître à l’occasion de l’organisation et du déroulement des processus électoraux. Il pose
l’urgence d’une meilleure organisation de la justice électorale et une clarification des missions
qui sont dévolues aux organes compétents, notamment les règles relatives à la saisine aux
organes de contrôle dont l’accès est quasi-restrictif.

391 BESSON E., « Principe de clarté et objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la
loi », in La simplification du droit, op.cit., p. 64.
392 CHARNAY J.-P., « Les techniques d’investigation dans le contrôle des élections parlementaires », RDP, 1964,
p. 9.

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TITRE II.

L’ACCÈS QUASI-RESTRICTIF AUX ORGANES COMPÉTENTS

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Définie par monsieur Xavier Souvignet sous un angle intellectuel et celui de la saisine, la
notion d’accès se rapporte aussi bien à l’intelligibilité d’une norme qu’à la saisine d’une autorité
compétente 393. Il convient dans le cadre de notre étude, de préciser que la notion d’accès
quasi-restrictif se rapportera non pas à la compréhensibilité des normes qui pourtant revêt une
importance non négligeable, mais sera circonscrite à la saisine des organes compétents.

Le respect de la représentation politique suppose que les citoyens participent à la gestion


des affaires de leur cité, sur le plan national ou local, à travers des représentants librement
choisis à l’occasion d’élections organisées à des intervalles réguliers, de manière libre et
transparente. La volonté des citoyens, considérée comme la source et le fondement de la
légitimité des gouvernants, est un réquisit de tout système représentatif puisqu’elle permet aux
gouvernants de conquérir le pouvoir et de s’y maintenir. La représentation politique soulève à
cet égard la nécessité d’une garantie efficiente et le règlement des situations qui soulèvent des
réponses de droit.

Sur le plan interne, l’article 2 de la Constitution énonce le principe selon lequel, la


souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce par l’intermédiaire des
représentants librement élus au suffrage universel et direct ou indirect. Georges Burdeau écrit
en effet que « la Constitution place en dehors des organes étatiques les sources d’inspiration de
l’action politique. Elle exprime une idée de droit, légitime un pouvoir et aménage l’exercice de
la fonction politique. » 394 Il revient ainsi à l’État de mettre sur pied des mécanismes qui
favorisent la participation effective des citoyens à la gestion de leur cité, et parallèlement,
l’ancrage des règles énoncées dans le contexte socio-culturel de la société à laquelle elles sont
destinées. Messieurs Frydman et Haarscher écrivent à ce propos qu’à « supposer que l’on
parvienne à établir des normes justes, il faut encore veiller à ce que celles-ci soient bien
comprises et correctement appliquées ». 395 L’exigence de la garantie de la participation des
citoyens à la gestion des affaires publiques entraîne sur le plan international, l’adoption de
plusieurs textes qui visent la promotion et le respect des droits de l’homme et du citoyen d’une
part, puis l’instauration d’un État de droit. Les articles 3 et 2 successivement, de la Charte
africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance 396 et de la Déclaration de
Bamako du 3 novembre 2000 sans être exhaustifs, mettent en exergue la nécessité pour les
États parties de se conformer aux principes relatifs à l’organisation d’élections régulières,

393 SOUVIGNET X., « L’accès au droit, principe du droit, principe de droit », in L’accès au droit, Jurisdoctoria, sous
le parrainage du professeur Étienne Picard, n°1, 2008, p. 23-48.
394 BURDEAU G., Le statut du pouvoir dans l’État, 2ème édition, tome II, Paris, LGDJ, 1969, p. 308.
395 FRYDMAN B., HAARSCHER G., Philosophie du Droit, 3ème édition, Paris, Dalloz, 2010, p. 10.
396 Voir les alinéas 1, 2, 3, 4, 7 de la Charte adoptée à la huitième session ordinaire de la conférence de l’Union
africaine tenue le 30 janvier 2007 à Addis-Abeba (Éthiopie). Voir par ailleurs l’article 2 de la Déclaration sur
les critères pour les élections libres et régulières adoptée à Paris le 24 mars 1994.

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transparentes, libres et justes, puis à l’édification d’un système de gouvernement représentatif
visant la participation effective des citoyens aux processus démocratiques, au développement
et à la gestion des affaires publiques de leur cité.

Les initiatives relatives à l’adoption des règles tant sur le plan interne qu’international ne
règlent pas la problématique que pose la garantie des droits civils et politiques des citoyens. En
effet, le Conseil de l’Europe, notamment la Commission de Venise, le souligne
opportunément, en précisant qu’« afin que les règles du droit électoral ne restent pas lettre
morte, leur non-respect doit pouvoir être contesté devant un organe de recours. 397 Cette
pensée est corroborée par le professeur Célestin Sietchoua Djuitchoko, qui affirme que « ce ne
sont pas les textes, si généreux soient-ils, qui assurent à eux seuls, la garantie des droits et
libertés. » 398

Le cadre juridique existant au Cameroun est conditionné, le législateur attribue de manière


limitative le droit d’agir à une catégorie déterminée de personne. La qualité et l’intérêt pour
agir sont inhérents au droit de saisine et le juge en fait une interprétation stricte. Nonobstant
cet encadrement restrictif, l’on relève l’effectivité de la garantie des droits de vote des citoyens.
Le contentieux électoral permet le déclenchement d’une action 399 devant les instances
compétentes, aux fins de défendre un droit civil et politique reconnu par le droit objectif. La
justiciabilité 400 des droits de vote devant les organes compétents, ouverte à un panel d’acteurs
du jeu électoral (Chapitre I) est soumise à des conditions contraignantes de saisine (Chapitre
II), dont le non-respect est sanctionné par une fin de non-recevoir, notamment le rejet de la
requête.

397 MUNGO A., « Le traitement judiciaire et administratif en Italie du contentieux électoral et interactions entre
les diverses institutions concernées ; comparaison avec la situation d’Azerbaïdjan », Rapport d’un séminaire sur
le rôle des juges en matière de règlement du contentieux électoral, Bakou, 29-30 sept. 2005, 15 p.
398 SIETCHOUA DJUITCHOKO C., « Le degré de régulation constitutionnelle dans les États d’Afrique noire
francophone depuis les transitions démocratiques », in Revue de Droit International et de Droit Comparé, Paris,
Bruylant, 2008, n°1, p. 58-94.
399 Léon DUGUIT considère l’action comme une voie de droit, tout moyen par lequel l’on pourrait assurer
l’obéissance à la règle de droit, et qui tend à lui donner une sanction directe ou indirecte. Dans sa critique à
la conception visant à considérer l’action comme un droit subjectif distinct, il estime que l’action ne saurait
se confondre avec le droit sur lequel repose le recours, puisqu’il permet de dire si le droit en cause existe ou
non dans l’espèce. Traité de droit constitutionnel, 3ème édition, tome I., p. 225 cité par VIZIOZ H., Études de
procédure, op.cit., p. 145.
400 Ce mot employé par le professeur Loïc CADIET, est considéré comme un « concept à construire ». pour lui
en effet, la justiciabilité se présente sous diverses acceptions dont celle relative au justiciable, lui permettant,
au moyen d’une action devant un organe compétent, de soumettre une prétention afin que soit prononcée
une décision de droit. CADIET, L., NORMAND, J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, 2ème édition,
Paris, PUF, 2013, p. 39.

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CHAPITRE I.

LA DÉTERMINATION LIMITATIVE DES CONDITIONS SUBJECTIVES DE


SAISINE

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La garantie de la mise en œuvre d’une élection démocratique passe par le respect des droits
fondamentaux notamment, les droits de participation et les droits de garantie, par la stabilité
du droit électoral, et par l’existence d’un système de recours efficace devant les organes
compétents 401. Par le droit de vote, le citoyen s’exprime et intervient dans la société en qualité
de détenteur de la souveraineté. Il en découle que le peuple est « maître de l’idée de droit, les
gouvernants n’ont que la possibilité de la faire pénétrer dans le droit positif » 402. Le vote des
citoyens est considéré comme la seule source de légitimité du pouvoir dans un régime
démocratique. Il soulève par conséquent l’urgence d’une mise en œuvre des mécanismes qui
favorisent la garantie de son authenticité. Le professeur Pierre Rosanvallon écrit à cet égard
que « la légitimité démocratique produit un mouvement d’adhésion des citoyens indissociable
d’un sentiment de valorisation d’eux-mêmes. Elle (…) détermine en même temps la façon
dont ils appréhendent la qualité démocratique du pays dans lequel ils vivent. » 403 La
responsabilité du législateur consiste dès lors à la définition d’un cadre juridique permettant
aux électeurs de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux.

La garantie effective des droits de vote des électeurs pose la problématique de la mise en
œuvre des mécanismes qui concourent à leur justiciabilité. Le professeur Loïc Cadiet définit la
justiciabilité comme l’ensemble des conditions matérielles et pécuniaires 404 d’une part, puis
celles relatives au droit d’agir ou à la sanction de l’abus du droit d’agir. En définitive, la

401 Cette pensée de madame Sévérine Buffet, met en exergue les caractéristiques d’un système qui promeut et
concourt à la consolidation de la démocratie représentative, qui permet aux citoyens de jouir pleinement de
leurs droits fondamentaux relatifs au vote, au droit d’être éligible et au droit d’accès au juge. BUFFET S., Le
contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, op. cit., p. 14.
402 BURDEAU G., Le statut du pouvoir dans l’État, op.cit., p. 309.
403 ROSANVALLON P., La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité, Paris, Seuil, 2008, p. 21.
404 Voir le jugement de la Cour d’appel Ndyanabo v. Attorney General, Civil appeal n° 64 of 2001 du
14 février 2002. La Cour d’appel de Tanzanie, saisie d’une requête aux fins de déclarer inconstitutionnelle
certaines dispositions de la loi électorale relatives à l’accès à la justice. La Cour décide de
l’inconstitutionnalité de la disposition de la loi électorale qui subordonne le déclenchement du contentieux
électoral au paiement de la caution d’un montant de cinq millions de shilling sur la base de l’interprétation
large de l’égal accès à la justice et du principe d’égalité. Pour lui en effet, les trois « piliers fondamentaux »
sur lesquels repose la Constitution sont l’État de droit, les droits fondamentaux et la justice indépendante,
impartiale et accessible. À cet égard, « abolir le droit des requérants indigents d’accéder à la justice, c’est
fermer les portes de la justice aux personnes en quête de justice ; si l’accès à la justice est limité aux
personnes riches, les pauvres n’auront aucun intérêt à accorder à l’État de droit alors que l’accès prompt et
égal à la justice es une condition de pérennité de l’État de droit. » SINDJOUN L., Les grandes décisions de la
justice constitutionnelle africaine : droit constitutionnel jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au prisme des systèmes
politiques africains, op.cit., p. 488-494.
Voir par ailleurs les développements sur la définition de l’accès au droit accès à la justice (moyens), in
Dictionnaire de la justice, CADIET L., (Dir.), 1ère édition, Paris, PUF, 2004, p. 3.
Les faits de l’espèce sont les suivants : le requérant, après sa défaite aux élections législatives de 2000, a saisi
la « High court » en vue de la contestation de la victoire de son adversaire, mais sa requête n’a pas été
examinée au motif qu’il ne s’était pas acquitté de la caution d’un montant de cinq millions de shilling
requise. Il a de la sorte saisi la Cour d’appel.

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justiciabilité est la soumission potentielle à une autorité, à un pouvoir et à ses décisions, ou à
un régime et un traitement. Elle se présente comme une potentialité pour le justiciable 405.
Cette potentialité qui se manifeste dans la saisine ou non des organes compétents pour
protéger son droit.

La justiciabilité, considérée dans le cadre de cette étude comme le droit de saisine, permet
aux électeurs de réclamer la reconnaissance d’un droit ou de contester devant l’organe
compétent, les faits qui leur semblent de nature à altérer la véracité et l’authenticité de leur
droit de vote 406. À l’évidence, il convient de souligner que la saisine est inéluctablement
rattachée à la procédure, et concourt à la défense et à la protection des droits et libertés
fondamentales des citoyens. Elle est une opération juridique qui déclenche l’intervention d’un
organe compétent pour régler un litige qui se pose, en permettant aux citoyens de faire
respecter leurs droits civils et politiques. Pothier, à la fin de l’Ancien régime, définit la
procédure comme « la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y
défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » 407. La
procédure contentieuse est l’ensemble des modalités par lesquelles les juges sont saisis, afin
d’instruire, de juger et d’énoncer des solutions sur les affaires qui sont portées à leur
connaissance. Selon monsieur Yves Strickler, « la procédure est un droit servant » ainsi, pour
que les requérant puissent accéder au prétoire, il est nécessaire que le législateur pose des
règles qui encadrent leur action 408.

L’aménagement des règles de saisine est nécessaire pour que le droit de vote des citoyens
soit effectivement garantit. Cette mission qui relève au premier chef du législateur, a pour but
de créer un cadre procédural permettant aux citoyens de disposer d’un recours utile devant les
organes compétents, visant la protection de l’intérêt personnel du requérant d’une part
(section I), et l’intérêt général d’autre part (section II).

405 CADIET L. NORMAND J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 38.
406 NLEP R. G., « L’organisation générale des contentieux liés à l’élection en Afrique francophone : le cas du
Cameroun », Rapport scientifique introductif au séminaire international d’échanges sur le contentieux électoral et l’État de
droit, Cotonou, Francophonie, 1998, 15 p.
407 Cité par CADIET L., NORMAND J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, ibid, p. 310.
408 STRICKLER Y., « Les actions en justice visant à contester ou établir la sincérité d’un acte ou d’un
document », in La sincérité en droit, sous la coordination d’Olivier Le Bot, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 129-142.

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SECTION I.

L’EXTENSION DU DROIT DE SAISINE VISANT UN INTÉRÊT PERSONNEL

Jules Ferry, écrivait pertinemment à propos du suffrage universel désormais pierre angulaire
de tout régime démocratique, qu’il n’est pas seulement une institution sacrée et souveraine,
mais une politique et presque un symbole. Puisqu’il n’est pas seulement le fait, le droit, le juste,
il est aussi l’inévitable, le présent, tout l’avenir, l’honneur des multitudes, le gage des déshérités,
la réconciliation des classes, et la vie légale pour tous 409. À l’évidence, cette affirmation de
Jules Ferry prend tout son sens de nos jours, puisqu’au-delà de son universalité, le droit de
suffrage s’est enraciné dans les cultures de la quasi-totalité des États démocratiques et permet
au citoyen de participer à la vie politique de sa cité. Il devient dès lors impératif que, le
législateur mette à sa disposition, des mécanismes lui permettant de protéger personnellement
son suffrage, à travers un accès simplifié au juge.

Le contentieux électoral étant l’instrument dont disposent les électeurs pour dénoncer les
exactions et les violations liées à l’organisation et au déroulement des processus électoraux. Il
est appréhendé comme un enjeu de pouvoir, comme un phénomène de contestation politique
ou comme une technique juridique de règlement des contestations électorales, puisque la
validité des élections suppose que les résultats du scrutin ne soient entachés d’aucune
irrégularité. La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 énonce en son article 6 alinéa 1 que :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des
contestations sur ces droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle ». La Charte africaine des droits de l’Homme
et des peuples adoptée le 27 juin 1981 poursuit dans cette logique et stipule en ses articles 2 et
7 alinéa 1 (a) que toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et
garantis dans la Charte. Dès lors, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue et
peut saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux
qui lui sont reconnus et garantis par les Conventions, les lois, règlements et coutumes en
vigueur.

Cette disposition confirme la nécessité pour le citoyen de faire respecter ses droits, par la
saisine d’un organe habilité à connaître des irrégularités constatées pendant l’organisation ou le

409 FERRY J., « La lutte électorale en 1863 », in Discours et opinions de Jules Ferry, tome 1, Paris, 1983, p. 92, cité
par ROSANVALLON P. Le sacre du citoyen, op.cit. p. 450.

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déroulement des processus électoraux. Le droit de réclamer ou de contester les opérations
préélectorales et électorales est inhérent à la protection des droits fondamentaux des citoyens.
Il revêt un caractère personnel et appartient aux individus et aux acteurs politiques qui peuvent
l’exercer pour défendre un intérêt personnel. Le législateur énonce de manière limitative, les
personnes habilitées à saisir les organes compétents pour réclamer un droit ou contester les
irrégularités constatées dans l’organisation des opérations électorales, afin que le prétoire ne
soit pas ouvert à des requêtes fantaisistes. Il s’agit notamment de l’électeur dont l’action vise la
garantie du droit de voter (§ 1) et le candidat qui sollicite un mandat électoral (§ 2).

§ 1. L’AMÉNAGEMENT D’UNE SAISINE CONTINUELLE PAR L’ÉLECTEUR


Le droit électoral camerounais vise la construction d’une démocratie dont il exprime les
valeurs. Le respect de celle-ci suppose en effet que le citoyen puisse, dans la jouissance en
toute liberté de ses droits fondamentaux, accéder en toute égalité à un organe compétent pour
en assurer la protection 410. Il faudrait cependant remarquer avec le professeur Étienne Picard,
qu’il ne suffit pas de savoir quel est son droit pour qu’il soit dit que l’on a réellement accès au
droit. Ainsi, pour accéder au droit, il faut d’abord, au moins accéder au commerce juridique
entendu comme la reconnaissance de la personnalité juridique que toutes les entités ne
possèdent pas 411.

Le requérant, indifféremment appelé demandeur ou recourant, est celui qui se sent lésé
dans son droit, et qui saisit l’organe compétent pour réclamer un droit ou pour contester une
situation qu’il estime irrégulière. Il doit justifier d’un intérêt personnel qui lui octroie la qualité
et subséquemment, le droit de saisir les organes compétents. Selon le professeur Olivier
Gohin, le requérant est la personne qui, en vertu de son droit constitutionnel d’agir en justice
forme un recours dont la recevabilité est soumise au respect de certaines conditions
précises 412. La justification de la qualité pour agir est un moyen d’ordre public, et intervient en
amont ou en aval de la procédure, elle est soulevée à toutes les phases de la procédure, puisque
son défaut entraîne l’irrecevabilité du recours.

En matière électorale, les notions de qualité et d’intérêt pour agir sont quasiment
indissociables. Le droit de saisine n’est pas inhérent au droit fondamental d’accès au juge, et ne
peut être considéré comme une « liberté publique » qui donne de manière égale, un accès libre

410 MASCLET J.-Cl., Le droit des élections politiques, op. cit., p. 6.


411 PICARD E., « Présentation du premier numéro consacré à l’accès au droit », in Jurisdoctoria - L’accès au droit,
sous le parrainage du professeur Étienne Picard, n°1, 2008, p. 11-22.
412 GOHIN O., Contentieux administratif, 8ème édition, Paris, LexisNexis, 2014, p. 190.

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et ouvert à la justice à toute personne sans aucune discrimination ni réserve 413. Il en résulte
que, le législateur reconnait à l’électeur un droit d’action étendu sur les opérations
préélectorales, électorales et postélectorales. Il faudrait toutefois noter que cette saisine des
organes compétents est subordonnée au respect des règles procédurales liées à la recevabilité
de la requête.

Définie comme l’aptitude du recours à être examiné et à être tranché au fond, la


recevabilité du recours porte principalement sur le respect des conditions de fond (A) et de
forme (B) relatives à la justification de la qualité d’électeur.

A. La souplesse des conditions de fond liées à la jouissance de la qualité


d’électeur
Le citoyen, à travers son droit de vote, devient un sujet actif dans la scène politique de
l’État, puisqu’il intervient dans le processus de conquête et d’exercice du pouvoir. La garantie
de son statut juridique d’électeur est indispensable, et nécessite la mise en œuvre d’une action
devant les organes compétents. D’origine latine elector qui signifie celui qui choisit, l’électeur est
considéré comme la pièce centrale de l’élection, en ce qu’il est titulaire du droit de participer à
l’exercice du pouvoir politique, à travers le choix des gouvernants dont il légitime l’action.

Eu égard aux droits fondamentaux de participation et d’accès au juge, l’on observe que le
législateur reconnait de manière extensive, le droit de saisine à l’électeur, pour garantir ses
droits. Le professeur Narcisse Mouelle Kombi 414 affirme à ce sujet que l’accès au prétoire de
l’électeur s’appréhende à travers deux conceptions : la conception maximaliste, ouverte et
généreuse, conférant à l’électeur un regard absolu sur l’ensemble du processus électoral et
l’érigeant en agent plénier du contentieux électoral —élections municipales— 415, et celle
minimaliste voire quasi-inexistante dans le contentieux électoral —élections nationales—.

Le droit de saisine étant soumis à la justification de la qualité d’électeur, il convient de


déterminer, au regard des dispositions de l’article 45 du Code électoral, les critères
fondamentaux qui permettent à un citoyen d’acquérir le statut d’électeur.

413 MOTULSKY H., Droit subjectif et action en justice, p. 95 cité par CADIET L., NORMAND J., AMRANI MEKKI S. La
théorie générale du procès, op. cit., p. 315.
414 MOUELLE KOMBI N., « Consultations électorales et respect de l’expression des citoyens », Revue africaine de
Politique Internationale, Afrique 2000, n°16, février 1994, p. 4-50.
415 Les articles 77 alinéa 3, 78 alinéa 3 et 81 alinéa 3, 189 alinéa 1, 114 alinéa 2 et 194 alinéa 1 du Code électoral,
accordent à tout électeur inscrit sur la liste électorale de la circonscription, le droit de saisir les organes
compétents dans le cadre du contentieux des opérations préélectorales, électorales et postélectorales.

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1. Le respect des exigences liées à la majorité et la dignité électorales
L’exercice du droit de suffrage nécessite le respect des exigences fondamentales relatives à
l’âge et à la moralité du citoyen.

La majorité se définit sous diverses acceptions en fonction de son objectif. Selon monsieur
Dominique Reynié, elle vise trois finalités : elle est une forme de procédure de décision ; une
forme du consentement, et l’expression de la souveraineté nationale. Ces finalités,
indissociables en raison de leur objet permettent au citoyen de s’exprimer en qualité d’individu
titulaire de droits inaliénables et sacrés, de décider et de choisir, de manière libre et éclairé son
représentant 416. La majorité électorale est définie comme l’âge légal qui octroie à une personne
l’aptitude d’exercer ses droits civils et politiques. Le droit camerounais distingue trois types de
majorité : la majorité civile, pénale et électorale ou politique. Notre propos se limitera à cette
dernière catégorie qui intéresse notre étude.

Les articles 2 alinéa 3 de la Constitution et 43 du Code électoral fixent à 20 ans révolus,


l’âge à partir duquel un citoyen peut exercer son droit de vote. La majorité électorale est
distincte de la majorité civile, et pénale, elle est située juste au dessus de la majorité pénale qui
est de 18 ans, et en deçà de celle civile qui est de 21 ans. Cette majorité permet de déterminer
le degré de maturité et de responsabilité du citoyen. Le fait de conserver la majorité électorale
à 20 ans pourrait laisser transparaître le souci du législateur de faire intervenir dans le choix des
gouvernants, des citoyens qui détiennent un degré de discernement suffisamment accru.
Toutefois, rechercher un rapport de causalité entre l’âge électoral et l’abstentionnisme constaté
et décrié serait vain, puisque la hausse du taux d’abstention démontre le manque d’intérêt pour
la chose politique, d’où la nécessité non pas de combattre l’abstention, mais de faire renaître la
participation 417.

416 REYNIÉ D., « Majorité », Dictionnaire du vote, op.cit., p. 602-611.


417 GERIN A., « Réinventer une offre politique », in Olivier DURAND (Dir.), A quoi bon aller voter aujourd’hui ?,
Paris, l’Harmattan, 2009, pp. 5-6.
La volonté de revigorer la participation politique a sous-tendu les initiatives du gouvernement et d’Elecam
qui, à l’occasion de l’organisation de l’élection présidentielle du 09 octobre 2011, ont mené diverses actions
visant à rendre l’opération inclusive et à encourager les populations à s’inscrire massivement sur les listes.
C’est dans cette perspective que le gouvernement a pris la décision de procéder à l’établissement à titre
gratuit, des cartes nationales d’identité et des duplicatas d’acte de naissance portant la mention de leur
destination, jusqu’à la clôture de la période de révision des listes électorales, aux personnes qui n’en avaient
pas. Elecam pour sa part, faisait des descentes sur le terrain, dans le sens de la sensibilisation des
populations à s’inscrire sur les listes électorales. Nonobstant l’existence de ces mesures incitatives, l’on a pu
observer un taux d’abstention de 34,171% pour une participation de 65, 82%. Il sied dès lors de dire que la
lutte contre l’abstentionnisme doit en outre porter sur la construction d’un consensus entre les différents
acteurs du jeu politique.
Lire sur le déroulement de l’élection présidentielle du 09 octobre 2011, Transparency international
Cameroon, « Rapport final de la mission d’observation électorale : élection présidentielle du
09 octobre 2011 au Cameroun », 61 pp.

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Nonobstant cette relative ouverture du droit de suffrage, l’on constate l’existence d’autres
exclusions ayant trait à l’âge, au domicile ou à la moralité du citoyen. Les articles 47 et 48 du
Code électoral excluent du droit de vote, les personnes condamnées pour crime même par
défaut ; celles condamnées à une peine privative de liberté sans sursis supérieure à trois (3)
mois ; celles condamnées à une peine privative de liberté assortie de sursis simple ou avec
probation supérieure à six (6) mois ; celles qui font l’objet d’un mandat d’arrêt ; les faillis non
réhabilités dont la faillite a été déclarée soit par les tribunaux camerounais, soit par un
jugement rendu à l’étranger, mais exécutoire au Cameroun ; les aliénés mentaux et les faibles
d’esprit. En outre, ne peuvent être inscrites sur la liste électorale pendant un délai de dix (10)
ans, sauf réhabilitation ou amnistie, les personnes condamnées pour atteinte à la sûreté de
l’État. Le délai de dix (10) ans prévu à l’alinéa (1) ci-dessus court du jour de la libération pour
les condamnés à une peine privative de liberté, et du jour de paiement de l’amende.

Il convient toutefois de relever que ces exclusions doivent respecter l’exigence de


proportionnalité qui exclut toute sanction immodérée. Elles doivent concourir à la
consolidation des principes démocratiques qui préconisent la participation du plus grand
nombre des citoyens à la gestion des affaires de la cité, d’où la nécessité de justifier d’un lien
de nationalité.

2. La justification du lien de nationalité


Considéré comme un critère de la citoyenneté 418, la nationalité est le lien juridique et
politique qui rattache un individu à un État partant, l’accès aux droits civils et politiques 419. Il
en résulte que le lien de nationalité entraîne la reconnaissance à un individu de son statut de
citoyen et d’une personnalité juridique qui lui confère le pouvoir électoral. Les modalités
d’acquisition de la nationalité varient néanmoins en fonction des États. Les jus sanguini et soli
sont considérés comme des procédés non exclusifs, permettant de conférer le lien de
nationalité à un individu.

La loi n°1968-LF-3 du 11 juin 1968, portant Code de la nationalité camerounaise énonce


les conditions d’acquisition et de perte de la nationalité. Elle distingue l’acquisition de la
nationalité à titre d’origine à la naissance, après la naissance, par naturalisation ou par
réintégration. Les articles 1 à 29 disposent parallèlement que, la nationalité à titre d’origine
s’acquiert à la naissance, en raison de la filiation et de la naissance au Cameroun, ou après la
naissance par l’effet du mariage, par déclaration de nationalité en raison de naissance et
résidence au Cameroun, par l’adoption ou la réintégration des parents, et enfin par l’effet de la

418 MICHON-TRAVERSAC A.-S., La citoyenneté en droit public, Paris, L.G.D.J., 2009, p. 243
419 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit., p. 672 ; LAGARDE P., « Nationalité », in Dictionnaire de la culture
juridique, op. cit. p. 1051-1056.

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naturalisation, et la réintégration. Les articles 31 à 35 de la loi susmentionnée prévoient les
conditions de perte et de déchéance de la nationalité entraînant subséquemment celle
d’électeur.

Le lien de nationalité ne confère systématiquement, ni la qualité d’électeur, ni l’exercice des


droits politiques. Le citoyen peut être exclu de la jouissance de ses droits de vote en raison de
certains facteurs exogènes ou endogènes. Le professeur Narcisse Mouelle Kombi écrit à cet
effet que « l’universalité du suffrage n’entraîne pas de manière automatique l’extension de
celui-ci à l’universalité des individus(…) C’est la loi qui exalte l’individu en le faisant passer de
l’état d’électeur potentiel ou virtuel au statut juridique d’électeur réel » 420. Le rôle prééminent
du législateur dans la reconnaissance au citoyens du droit de voter, a concouru à l’exclusion,
puis l’ouverture partielle aux citoyens de la diaspora de la jouissance de leur droit de vote 421.
L’extension du droit de vote aux citoyens de la diaspora bien qu’appréciable, fragilise le
principe d’universalité du suffrage qui vise l’égale participation des citoyens dans la vie
politique de l’État. Monsieur Georges Contogeorgis écrit à cet égard que, « la citoyenneté fait
de l’individu un ayant droit de la praxis politique », ce qui nécessite la mise en œuvre des
conditions adéquates lui permettant de jouir de son individualité au sein de la société, de
choisir les agents de la politique ou d’intervenir dans leur alternance au pouvoir 422.

420 MOUELLE KOMBI N., « La condition juridique de l’électeur au Cameroun », op.cit., p. 61.
421 La situation d’exclusion des camerounais de la diaspora commence à trouver une lueur de solution en
juillet 2009. À l’occasion d’une visite en France, le président Paul BIYA avait promis de régler rapidement
les questions liées à la double nationalité et à la participation des camerounais de la diaspora aux élections
organisées sur le territoire camerounais. Cette promesse s’est concrétisée deux années plus tard à travers
l’adoption de la loi n°2011/013 du 13 juillet 2011 relative au vote des citoyens camerounais établis ou
résident à l’étranger d’une part, et la promulgation du décret n°20011/237 du 8 août 2011 portant sur les
modalités d’application de la loi n°2011/013 du 13 juillet 2011 d’autre part, dont les dispositions ont été
abrogées et remplacées par les articles 271 à 274 du Code électoral.
Cette évolution résulte des dispositions abrogées de la loi n°2011/013 du 13 juillet 2011 et de son décret
d’application du 08 août 2011, qui octroient un droit de vote partiel aux citoyens établis ou résidant à
l’étranger. Ainsi, conformément aux nouvelles dispositions de l’article 271 du Code électoral, les citoyens
camerounais établis ou résidant à l’étranger exercent leur droit de vote par la participation à l’élection du président de la
République et au référendum. Cette évolution quoique non négligeable, est considérée comme discriminatoire et
suscite des réactions de mécontentement de la part de certains acteurs politiques notamment, celle de
monsieur Mila Assouté, résidant en France, et candidat à l’élection présidentielle de 2011. Pour lui en effet,
ladite loi répare un tort fait à la Constitution, et vise à mettre fin à « l’apartheid électoral » qui a longtemps
prévalu, et qui excluait les citoyens de la participation politique pour des raisons de résidence. Lire sur cette
question, NGOUMA N., « Cameroun : Enfin le droit de vote pour les citoyens de la diaspora », in Africa
nouvelles, juillet 2011. Sources : http://www.africanouvelles.com/africains-de-la-diaspora/communautes-
africaines/817-cameroun-enfin-le-droit-de-vote-pour-les-camerounais-de-la-diaspora.html
RFI, « Cameroun : promulgation du décret autorisant la diaspora à voter »,
http://www.rfi.fr/afrique/20110809-cameroun; http://www.slateafrique.com/22427/elections-enfin-le-
droit-de-vote-pour-les-camerounais-de-la-diaspora. (Consulté le 16/09/2011).
422 CONTOGEORGIS G., « Le citoyen dans la cité », in Bertrand BADIE, Pascal PERRINEAU, (Dir.), Le Citoyen,
Paris, Presses de sciences Po, 2000, pp. 51-97.

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La détermination stricte des conditions de saisine entraîne parallèlement la nécessité de
remplir les conditions de forme qui justifient la qualité d’électeur. Celui-ci doit justifier d’un
rattachement à un espace géographique déterminé et d’une inscription sur la liste.

B. Le caractère impératif des conditions de forme


L’action en vue de protéger son droit de vote est personnelle, seul le titulaire de ce droit
peut saisir l’organe compétent pour en garantir l’exercice. Le législateur détermine de manière
limitative les conditions liées à la saisine de l’organe compétent. À la suite des conditions de
fond liées à la personne du requérant, il est indispensable de remplir celles nécessaires à
l’exercice du droit de vote notamment, l’inscription sur la liste électorale et le rattachement à
une circonscription déterminée.

1. L’inscription sur la liste électorale


Considéré par le Conseil constitutionnel français comme une « formalité substantielle »,
l’inscription sur la liste électorale conditionne et permet au citoyen d’exercer son droit de
vote 423. Condition impérative à la saisine de l’organe compétent, elle permet au requérant
d’exercer son droit de vote. Le droit de saisine accordé à l’électeur est relativement étendu. En
effet, il peut saisir les organes compétents pour réclamer ou contester les irrégularités qui ont
émaillé l’organisation et le déroulement de tout le processus des élections municipales.
Cependant, l’on relève que son droit de saisine est limité aux opérations préparatoires dans le
contentieux des élections nationales.

Concernant le contentieux de la liste électorale, le législateur accorde à tout citoyen, et à


tout électeur, le droit de saisir les organes compétents. En effet, l’article 77 alinéa 3 dispose
qu’en période de révision des listes électorales, tout citoyen omis sur la liste électorale peut
demander son insertion. Considérée comme l’action, la demande s’entend comme le fait pour
une personne de poser un acte en vue de l’obtention d’une chose, ou de la reconnaissance
d’un droit 424. Dans le cadre du contentieux des opérations préparatoires, la demande pose le
problème de la reconnaissance d’un droit de vote. Celle-ci porte majoritairement sur la
réclamation, la revendication du droit d’inscription sur la liste électorale, ou du maintien sur
l’une des listes sur lesquelles on est inscrit.

423 Sur la définition de la condition juridique de l’électorat, lire Rousseau D., Droit du contentieux constitutionnel, op.
cit. p. 396-398.
424 Pour Léon DUGUIT, l’action se réduit à une demande en justice ; Gaston JÈZE pour sa part la considère
comme un pouvoir légal, objectif, dont la demande en justice est l’exercice. La pensée de Maurice
HAURIOU à contre courant des autres auteurs, ne définit pas la notion d’action, mais axe son étude sur les
conditions de recevabilité de celle-ci. Lire Études de procédure, p. 127-150.

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L’inscription sur la liste électorale est de droit, et ne peut être d’office. Cette disposition de
l’article 71 met en exergue le caractère facultatif et personnel de l’inscription sur les listes
électorales. Il en résulte que le citoyen manifeste librement sa volonté de s’inscrire, Le refus
d’inscription sur la liste électorale doit être motivé et peut être contesté devant les
commissions de supervision ou le Conseil électoral selon le cas, et en dernier ressort devant la
Cour d’appel. L’article 73 du Code électoral dispose que nul ne peut être inscrit sur plus d’une
liste électorale. L’exigence d’une justification de non-inscription sur une autre liste électorale a
pour but de réduire les procédures de radiation. Elle est déclenchée selon les cas, par l’électeur
qui en fait la demande en cas de changement de domicile ou de résidence, l’autorité judiciaire
compétente ou par un tiers, notamment par tout électeur, tout parti politique, tout mandataire
d’un parti politique ou d’un candidat dans l’hypothèse d’une inscription multiple sur la liste
électorale. La radiation est une opération qui consiste à « rayer sur un registre la mention d’un
nom, d’un droit, d’une affaire (…) qui a pour effet de supprimer (…) les droits ou les effets de
droit attachés à cette inscription » 425. Elle se présente sous la forme d’une réclamation ou
d’une contestation. Le législateur prévoit en outre le déclenchement d’une procédure de
radiation d’office lorsque l’électeur ne choisit pas la liste sur laquelle il aimerait maintenir son
inscription. À cet égard, son abstention entraîne la prise en compte de sa dernière
inscription 426. Il importe à cet effet que l’électeur soit rattaché à un espace géograhique
déterminé.

2 Le rattachement à un espace géographique déterminé


L’espace géographique concourt au découpage des circonscriptions électorales au sein
desquelles se déroulent les consultations électorales 427. Tributaire de l’enjeu du scrutin, dans la
mesure où elle vise la désignation des élus « sur des bases essentiellement
démographiques » 428, la délimitation du cadre géographique soulève la problématique de
l’égalité dans la représentation entre les circonscriptions électorales, dont le défaut favorise le
gerrymanderring, entretient une inégalité entre les circonscriptions en vue de créer un avantage à
l’égard d’une partie 429, et induit une majorité favorable à un candidat déterminé. Le champ
géographique revêt pour les électeurs une importance capitale en matière électorale. Il renvoie

425 CORNU G., Vocabulaire juridique, op.cit., p. 844.


426 Article 73 alinéas 2 et 3 du Code électoral.
427 EMERI Cl., « Circonscription », in Dictionnaire du Vote, op. cit., p. 187-189.
428 Principe posé par le Conseil constitutionnel français dans sa décision C.C.85196 D. C. du 08 août 1985, R.,
p. 63.
429 DUHAMEL O., MENY Y., (Dir.), Dictionnaire constitutionnel, 1ère édition, Paris, PUF, 1992, 1112 p.
Dominique Rousseau rattache la crédibilité d’un système représentatif à un découpage des circonscriptions
électorales permettant d’assurer une égalité de représentation. ROUSSEAU D., Droit du contentieux
constitutionnel, op.cit. p. 403.

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à la résidence ou au domicile réel de l’individu et lui permet de participer par le biais de ses
représentants, à l’essor de son espace géographique 430. Il constitue en outre, une condition
d’inscription sur la liste électorale dans l’optique de voter, de se faire élire, ou de saisir les
organes compétents pour décrier les manquements ou les irrégularités constatés dans
l’organisation ou le déroulement des processus électoraux.

Au Cameroun, la délimitation des circonscriptions électorales varie en fonction de l’élection


considérée, le département et la commune sont considérés comme les cadres territoriaux au
sein desquels se déroulement les élections nationales d’une part et locales d’autre part.
Toutefois, cette délimitation peut être modifiée en fonction du chiffre et de la répartition de la
population sur le plan interne ou externe. La reconnaissance du droit de suffrage aux citoyens
de la diaspora a transformé la conception de la notion de circonscription électorale, celle-ci ne
se limite plus au cadre restreint de la commune ou du département, mais elle s’étend à la
représentation diplomatique et aux postes consulaires 431.

L’exigence du critère de rattachement territorial comme élément fondamental de la


recevabilité de l’action de l’électeur, quoiqu’utilitariste, lui est préjudiciable. Il convient de
constater à cet égard que, le juge électoral dans un souci de faire respecter la loi, sanctionne de
manière quasi-systématique par une décision d’irrecevabilité, les requêtes dont l’objet ne
précise pas le cadre territorial en cause 432. Cette attitude du juge électoral bien que
respectueuse de la lettre de la loi, serait pernicieuse, au regard des principes contenus dans le
préambule de la constitution affirmant le droit pour chaque citoyen de se fixer en tout lieu sur
le territoire national d’une part, et d’autre part, l’esprit de la représentation démocratique qui
commande la règle selon laquelle tout mandat impératif est nul. Cette règle, consacrée par les
textes juridiques tant internationaux qu’internes, vise à libérer le représentant du pouvoir de
l’électeur. Monsieur Bluntschli écrit à cet égard que les électeurs ne sont pas des personnes
principales de la représentation, le député n’est ni leur représentant personnel, ni leur

430 Cette position s’applique de manière directe aux élections locales, considérées comme de proximité, et
intéressant de manière directe les intérêts locaux des citoyens. En effet, une lecture combinée des
articles 55 alinéa 2 de loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, puis 2 de la loi n°2009/011 du 10 juillet 2009
portant régime financier des collectivités décentralisées, et 3 alinéa 1 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004
fixant les règles applicables aux communes, permet de déterminer l’importance du rattachement territorial
dans la gestion des affaires de la localité. En revanche, l’on relève les données sont différentes pour ce qui
concerne les élections nationales, puisque les représentants bien qu’élus dans un cadre géographique
déterminé, agissent pour l’intérêt national. L’élection est « autonomisée » et « essentialisée », le représentant
n’est plus celui qui veut pour le peuple, mais celui qui est élu par le peuple. DAUGERON B., La notion
d’élection en droit constitutionnel : contribution à une théorie de l’élection à partir du droit public français, op. cit., p. 502.
431 Articles 275 alinéa 1.
432 Voir les arrêts n°96/CE du 17 juillet 2002, PDS, UFDC, SDF, UNDP contre État du Cameroun (Minat):
circonscription du Haut-Nkam ; Arrêt n°09/09/01-02 du 17 juillet 2002 SDF contre État du Cameroun (Minatd) ;
Jugement n°98/CE/2001-2001 du 05 septembre 2002 Monthe Nkouobite Jean candidat UFDC (CR de Bafang)
contre État du Cameroun (Minatd) et RDPC (intervenant volontaire).

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mandataire, puisqu’il remplit une fonction, un devoir public 433. S’il est admis que l’élu
représente la nation entière, l’impératif d’un rattachement à une circonscription électorale
comme condition de saisine de l’organe compétent dans le cadre d’une réclamation ou d’une
contestation devient paradoxal et fragilise la garantie optimale des droits politiques des
électeurs qui n’ont pas la possibilité de contester au-delà de leur circonscription électorale,
puisque l’élu est choisi dans le cadre d’une conscription électorale déterminée.

Le droit de saisine visant un intérêt personnel se rapporte par ailleurs aux candidats.
Toutefois, ce droit est soumis au respect de certaines conditions qui déterminent leur qualité et
intérêt pour agir.

§ . L’ASPÉRITÉ DU DROIT DE SAISINE ACCORDÉ AUX CANDIDATS


La candidature est le fait de se porter candidat, et se proposer à une fonction, par voie
d’élection ou de nomination434. Elle est également définie comme la présentation personnelle
ou suscitée d’un individu à une élection, à une nomination ou à un concours 435. Le professeur
Claude Emeri la définit de manière plus extensive, et l’assimile à « l’acte par lequel un individu
ou un groupe d’individus se portent candidats à un mandat public ou privé et revendiquent les
droits attachés à ce titre » 436. La candidature soulève la problématique de sa reconnaissance
partant, de sa garantie. Sur le plan international, l’on observe que certains textes énumérés de
manière non exhaustive, consacrent le droit de participation des citoyens notamment, le droit
de se faire élire. À cet égard, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
dispose que « tous les citoyens étant égaux, [ils] sont également admissibles à toutes dignités,
places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus
et de leurs talents ». L’article 3 de la Déclaration sur les critères pour les élections libres et
régulières énonce dans une perspective globale, les droits et responsabilités relatifs à la
candidature, incombant aussi bien au citoyen qu’à l’État. Sur le plan interne, la Constitution
reconnait à tous les citoyens le droit de participer en proportion de leurs capacités, aux charges
publiques, il consacre parallèlement les partis politiques comme instruments de l’expression du
suffrage.

La candidature constitue un droit fondamental du citoyen par conséquent, elle est inhérente
à la démocratie représentative. Elle concourt ainsi au pluralisme politique et social, déclenche
le processus électoral et permet aux citoyens de choisir librement leurs représentants. La

433 DAUGERON B., La notion d’élection en droit constitutionnel : contribution à une théorie de l’élection à partir du droit
public, op.cit., p. 232.
434 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit., p. 147.
435 DEBBASCH C., BOURDON J., PONTIER J.-M., Lexique de politique, 7ème édition, Paris, Dalloz, 2001, 453 p.
436 EMERI Cl., « La candidature », in Dictionnaire du vote, op. cit., p. 143.

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présentation de la candidature varie en fonction de l’élection concernée, elle est individuelle
dans le cadre d’un scrutin uninominal, et collective dans les scrutins plurinominal ou de liste.
Au Cameroun, l’on relève que les candidatures sont collectives et présentées par les partis
politiques, dans le cadre des élections municipales et législatives. En revanche, concernant les
élections présidentielles, elles sont soit, individuelles et présentées par les partis politiques, soit
indépendantes 437.

La saisine par les candidats est distincte selon l’objet de la contestation. Les candidats
peuvent agir directement dans le contentieux des opérations préliminaires et des opérations
électorales (A) ou indirectement par voie de représentation dans le contentieux des opérations
préparatoires (B).

A. L’extension de la saisine directe par le candidat


Le droit de saisine accordé au candidat découle du caractère fondamental de la candidature
dans la société, puisqu’elle permet la représentativité politique. Il revêt un caractère personnel
et vise la garantie des droits politiques des citoyens. Le professeur Jorge Miranda dégage les
quatre fonctions fondamentales des candidatures qui concourent à la rationalisation des
procédures électorales —cette fonction permet le contrôle de l’éligibilité et garantit
l’acceptation du candidat à assurer la fonction visée—, la définition de l’étendue du choix des
électeurs —la candidature a pour but ici d’éclairer les électeurs sur leur choix—, la médiation
entre les électeurs et les élus et enfin la représentativité politique 438.

Le statut juridique du candidat est soumis au respect des règles de fond et de forme qui
attestent de son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il prétend. En effet, l’acquisition du
statut de candidat obéit à des règles qui justifient la qualité et l’intérêt pour agir du candidat. Le
législateur accorde aux candidats un droit de saisine variable. Ce droit inhérent aux quatre
fonctions sus-énumérées, est réglementé de manière souple, puisque la loi électorale ne le
soumet pas à des conditions restrictives. Dès lors, l’on relève que les candidats justifient d’un

437 L’obligation d’être investi par un parti politique ne s’applique pas à l’élection du président de la République.
En effet, l’article 121 alinéas 1et 2 dispose que les candidats peuvent être indépendants à conditions d’être
présentés comme candidat à la présidence par au moins trois cents (300) personnalités originaires de toutes
les provinces, à raison de trente (30) par région et possédant la qualité soit de membre de l’Assemblée
nationale ou d’une chambre consulaire, soit de conseiller municipal, soit de chef traditionnel de premier
degré.
438 MIRANDA J., « Les candidatures dans les élections politiques », in Constitution et élections, A.I.J.C., 9 au
12 septembre 1996, p. 439-486.

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droit de saisine étendu dans le contentieux des opérations préliminaires 439, et dans le
contentieux des opérations électorales 440.

1. La contestation des opérations préliminaires


En ce qu’elle constitue un droit fondamental, la candidature revêt un caractère personnel,
et nécessite dès lors la mise en œuvre d’un droit de saisine direct accordé au candidat pour
réclamer ou contester les irrégularités constatées dans l’organisation des opérations
préliminaires. Selon madame Annie Héritier, « le consentement donné ou le mandat politique
confié à autrui doit répondre à l’exigence de sincérité. L’individu doit revendiquer la liberté de
ses choix et l’exercer à sa guise, en toute indépendance. » 441

Considérées comme des actes qui précèdent le scrutin proprement dit, les opérations
préliminaires constituées entre autres, des déclarations de candidatures, et de la campagne
électorale, jouent un rôle fondamental dans l’organisation des processus électoraux. Elles
participent à la consolidation du caractère démocratique de l’élection, et nécessitent
conséquemment la mise en œuvre des mécanismes adéquats qui en garantissent la régularité.
C’est dans cet ordre d’idées que le professeur Francis Delpérée écrit que c’est dans la
définition d’une opération électorale et des questions liées à son contrôle qu’une société
indique la conception qu’elle se fait de la démocratie, non seulement dans ses caractères
généraux, mais également dans ses modalités concrètes 442.

Le recours tendant à la contestation de l’enregistrement des candidatures, ainsi que celui


relatif au contentieux des sigles, symboles et couleurs et des faits de campagne est reconnu aux
candidats par les articles 129 et 189 alinéa 1 du Code électoral. Le contentieux de
l’enregistrement des candidatures pose indéniablement la question de la saisine des organes
compétents, notamment le juge administratif 443 ou le Conseil constitutionnel selon l’élection

439 Articles 129, et 189 alinéa 1 des dispositions du Code électoral, applicables respectivement à l’élection du
président de la République et à celles des conseillers municipaux.
440 Articles 132 alinéa 3 et 194 alinéa 1 du Code électoral.
441 HÉRITIER A., « Le droit et la sincérité : à la recherche historique d’un couple ignoré », in La sincérité en droit,
op. cit., p. 32.
442 DELPÉRÉE F., Le contentieux électoral, Paris, PUF, 1998, p. 12.
443 L’évolution relevée la réglementation du contentieux des élections municipales se rapporte à la répartition
des compétences. En effet, la loi n°2006/010 du 29 décembre 2006 clarifie partiellement la compétence et
confie à la Chambre administrative de la Cour suprême la compétence de connaître en première instance et
en appel du rejet ou de l’acceptation d’une candidature ou d’une liste de candidature.
Cette compétence préalablement était attribuée par l’article 26 de la loi n°92/002 du 14 août 1992 à la
Commission communale de supervision ainsi, le juge administratif lorsqu’il était saisi du rejet ou de
l’acceptation d’une candidature d’une part ou des faits de campagne d’autre part, se déclarait incompétent et
rejetait le recours sur le fondement de l’article susvisé. Voir les jugements n° 36/96-97 du
05 décembre 1996, UNDP contre État du Cameroun (Commune rurale de Makary-Kousseri-Zina ; n°06/96-97 du
31 octobre 1996 Démocratie intégrale au Cameroun (DIC) contre État du Cameroun.

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en cause, en vue de contester l’acceptation ou le rejet d’une candidature ou d’une liste de
candidature. L’objet qui sous-tend cette action porte principalement sur la réhabilitation d’une
candidature ou d’une liste de candidature, ou la contestation de l’acceptation d’une candidature
ou d’une liste de candidats. Subsidiairement, le juge électoral peut être amené à examiner des
recours qui ont trait à l’attribution de la couleur, du sigle ou du symbole adopté par un
candidat. Les articles 129 et 189 alinéa 1 accordent au candidat le droit de saisir le juge
compétent pour contester les opérations afférentes à l’enregistrement des candidatures et
celles qui portent sur l’attribution de la couleur, du sigle ou du symbole adopté par un
candidat.

Dans un souci de limiter l’accès au prétoire et n’y faire intervenir que ceux qui ont un
intérêt personnel et direct, le législateur a énuméré de manière restrictive, le panel d’acteurs
jouissant du droit de saisine. Il en résulte que le droit d’action est refusé à une catégorie de
requérants, notamment aux associations, au président national d’un parti politique, au
mandataire d’un parti politique. Sous cet angle, le juge électoral, lorsqu’il est saisi par des
requérants qui se prévalent de cette qualité, rejette les recours pour défaut de qualité 444. Cette
attitude du juge électoral quoique respectueuse de l’esprit de la loi voulu par le législateur et
restreignant indiscutablement le droit d’accès au juge des citoyens, a concouru à un profond
réaménagement des règles procédurales, dont l’objectif était de procéder à une répartition
précise des compétences entre les organes impliqués, et de déterminer de manière précise, la
catégorie de personnes pouvant contester les opérations préliminaires.

À propos des opérations liées à la campagne électorale, l’on déplore l’imprécision qui
entoure cette phase du processus électoral. La contestation des faits de campagne autrefois
réglementée de manière imprécise 445, n’est pas prévue par le Code électoral. En effet, il

444 Voir les jugements n°31/01-02 du 02 septembre 2002, président national du parti politique UNDP, commune
urbaine de Yaoundé VI contre État du Cameroun (MINATD), RDPC ; n°33/01-02 du 03 septembre 2002,
président national de l’UNDP, commune rurale de Biyouha contre État du Cameroun (MINATD), RDPC (partie
intervenante) ; n°43/01-02 du 03 septembre 2002 président national de l’UNDP, commune rurale de Kette contre État
du Cameroun (MINATD) et RDPC ; n°39/2001-2002 du 03 septembre 2002 UNDP, commune rurale de
Yokadouma contre État du Cameroun (MINATD), RDPC ; arrêts n°06/CEL/07 du 07 juin 2007 DOUMBA
MAGA Sylvain RDPC contre État du Cameroun ; n°07/CEL/07 du 07 juin 2007 EGOH RINGO AKROBO
contre État du Cameroun etc.
Dans ces jugements, les requérants invoquant l’application d’une jurisprudence constante de 1996 de la
Chambre administrative en la matière, soutenaient que le recours devaient être déclarés recevables en dépit
du fait qu’ils ne sont pas introduits par les électeurs ou les candidats, mais par les partis politiques ou les
mandataires de ces derniers. Ils arguaient par ailleurs que l’interprétation de l’article 33 n’était pas limitative
et ne devait par conséquent pas interprété comme tel, puisque ce sont les partis politiques qui investissent
les candidats. Ainsi, sur le fondement des dispositions limitatives des lois électorales, le juge rappelle que les
qualités de requérant étant réservées aux personnes physiques, ni, le président d’un parti politique, ni le
mandataire du parti politique, ni le parti politique lui-même n’a qualité pour saisir le juge d’un recours.
445 Concernant le contrôle des faits de campagne, l’on observe que le mécanisme de sanction antérieurement
aménagé se limitait à conférer le droit de saisine aux victimes des faits diffamatoires qui ont la possibilité de
saisir les organes compétents, sans préjudices des poursuites contre l’auteur ou les complices. Cette garantie

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convient de relever que, ni les dispositions communes, ni celles spécifiques aux élections
présidentielles, législatives et municipales ne règlent des questions relatives à la contestation
des faits de campagne. Il est loisible de constater que le législateur, à l’image d’un aiguilleur, se
borne à présenter l’organisation matérielle de la campagne électorale, et à indiquer les
sanctions qui sont encourues en cas de méconnaissance des prescriptions législatives. Tant
s’en faut, l’on observe un engouement de la part des candidats qui exercent leur droit de
contester les opérations électorales.

2. La contestation des opérations électorales et postélectorales


L’ouverture du droit de contester les opérations électorales entraîne parallèlement la
reconnaissance aux principaux acteurs du jeu électoral, le droit de contester les opérations qui
participent à la légitimité de leur mandat. L’action directe du candidat est justifiée par sa
qualité de représentant et également par l’intérêt qui sous-tend la légitimité de son mandat.
L’action des candidats dans le contentieux des opérations est réglementée de manière stricte.
Lorsque le juge électoral est saisi d’une requête tendant à l’annulation partielle ou totale des
opérations électorales, il interprète scrupuleusement les dispositions législatives relatives à la
qualité du requérant. Son attitude confirme le caractère limitatif de l’énumération faite par le
législateur à propos des personnes habilitées à saisir le juge administratif ou le Conseil
constitutionnel et précise que la définition faite par celui-ci écarte systématiquement de
l’exercice du droit en nullité des opérations toutes les personnes non mentionnées par les
dispositions législatives 446.

considérée comme inefficace favorisait le manque d’enthousiasme des victimes des faits diffamatoires qui
ne l’exerçaient quasiment pas. La sanction des faits de campagne obéissait à deux moments : l’avant et
l’après de la proclamation des résultats.
Concernant l’élection des conseillers municipaux, l’article 28 alinéa 2 disposait que la commission locale de
supervision pouvait à défaut de la véracité de l’imputation, prononcer la disqualification de l’auteur des faits
discriminatoires. Lorsque la décision de la Commission intervenait après la proclamation des résultats, le
Conseil électoral la transmettait au juge administratif pour disqualification éventuelle du candidat élu.
À l’égard des élections nationales, le conseil constitutionnel, juge de la régularité des élections des députés à
l’Assemblée nationale et du président de la République pouvait prononcer la disqualification de l’auteur des
faits discriminatoires avant la proclamation des résultats. Lorsque sa décision intervenait après la
proclamation des résultats, le Conseil constitutionnel pouvait prononcer l’inéligibilité de l’auteur des faits
diffamatoires.
446 Le juge administratif sanctionnait par une irrecevabilité pour défaut de qualité, les recours portés devant lui
par les mandataires, les partis politiques, les présidents des partis politiques, les associations. Il arguait en
effet que « le législatif a délibérément voulu être limitatif dans sa conception de l’article 33 et que toute
tentative de violer cette conception en incluant d’autre catégories de personnes pouvant agir devant le juge
administratif en vertu de l’article 33, en dehors des électeurs ou des candidats, serait contraire à l’intention
voulue du législateur en même temps qu’il serait contraire à l’esprit de la loi ainsi conçue pour régler le
contentieux électoral pour les élections municipales. (…) Attendu qu’en ouvrant une brèche aux catégories
de personnes telles que les mandataires, partis politiques, présidents nationaux des partis politiques comme
ayant le droit d’ester en justice alors qu’ils ne justifient pas de leur qualité d’électeurs ou de candidats, la
chambre administrative [méconnait] les principes qui sous-tendent la doctrine de séparation des pouvoirs,

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L’importance du droit de saisine accordé au candidat se manifeste par ailleurs à travers le
droit de saisine accordé au mandataire qui peut agir en ses lieux et place.

B. La réduction de la saisine indirecte par voie de représentation


La notion de représentation est polysémique. Elle fait référence à l’élection, à une
convention, à un mandat. La représentation est définie comme un « mécanisme d’origine
légale, judiciaire ou conventionnelle par lequel une personne le représentant agit au nom et
pour le compte d’une autre, le représenté » 447. Elle se présente à cet égard sous deux formes,
elle peut être considérée comme ad agendum ou ad litem. La représentation ad agendum permet au
représentant d’agir aux lieu et place du titulaire de l’action qui se trouve dans l’incapacité de
l’exercer personnellement et se place par conséquent au second plan, elle intéresse la
procédure et non pas l’instance. A contrario, par la représentation ad litem, le titulaire de l’action
l’exerce lui-même et figure à l’instance, cependant les actes de la procédure sont accomplis par
le représentant qui peut être un mandataire ou un avocat. Le professeur Loïc Cadiet définit le
contrat de représentation en justice comme « un contrat de mandat dont le régime obéit aux
dispositions de droit commun du Code civil (…) et aux règles particulières des codes de
procédures qui le régissent » 448.

Les dispositions du Code électoral accordent de manière expresse le droit de saisine aux
mandataires, ceux-ci peuvent agir au nom du requérant. Il est de la sorte nécessaire, de
circonscrire la notion de mandataire en matière électorale et de préciser le champ d’action que
lui confère son mandat de représentation.

1. La définition extensible de la qualité de mandataire


La notion de mandat est assimilée à une représentation d’une partie qui possède une qualité
et un intérêt pour agir. Elle découle d’une origine latine manus qui signifie la main, et mando qui
est donner mission, le mandat renvoie de manière générale à un pouvoir conféré par une
personne (le mandant) à une autre (le mandataire), afin de poser des actes juridiques en son
nom. Il s’ensuit que le mandataire est le bénéficiaire d’un mandat. En matière processuelle, la

mais [se permet] volontairement d’assumer et d’exercer à tort des attributions qui ne sont pas les siennes, à
savoir légiférer, dénaturant ainsi le sens et la portée légale des dispositions de l’article 33 ».
Voir à ce sujet, les jugements n°106/CE/01-02 du 05 septembre 2002, TCHOUYAWE NGASSA Samuel
mandataire de l’UFDC commune rurale de Kekem contre État du Cameroun (MINATD) et le RDPC ; n°
115/CE/01-02 du 05 septembre 2002, SDF commune rurale de Bamougoum contre État du Cameroun (MINAT) et
le RDPC ; n°108//01-02 du 05 septembre 2002, TASSING Nicolas Yves Grégoire (SDF) contre État du
Cameroun et le RDPC (Partie intervenante); n°113/CE/2001-2002 du 05 septembre 2002, UDC commune
urbaine de Bafoussam contre État du Cameroun (MINAT) et le SDF.
447 Définition tirée du Dictionnaire du vocabulaire juridique, 2ème édition, Paris, LexisNexis Litec, 2004, 401 p.
448 CADIET L., NORMAND J.,AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 741.

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notion de mandat fait référence à l’exercice du droit de saisine par une personne à qui l’on
accorde le pouvoir d’agir ou de poser un acte déterminé en son nom. Le mandataire en
matière électorale, agit en qualité de représentant ad litem, sur la base d’un contrat intuitu
personae. À cet égard, il a le pouvoir de conclure au nom du requérant tous les actes de
procédures relatifs à son action. Cependant, la jouissance de la qualité de mandataire requiert
le respect de certaines conditions de fond et de forme.

Le législateur prévoit la représentation des parties par un mandataire de leur choix


remplissant les conditions fixées par la loi. En effet, l’article 2 du Code de procédure civile et
commerciale dispose que les mandataires doivent être munis d’un pouvoir écrit et exprès
agréer par le juge. En matière administrative, les articles 49 à 53 et 20 à 24 successivement des
lois n°75/17 du décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême statuant en
matière administrative et n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation des tribunaux
administratifs organisent les modalités de la représentation des parties devant les juridictions
compétentes. En effet, aux termes de ces articles, la personne qui ne comparaît pas en
personne peut se faire représenter par un mandataire ou un avocat 449. L’action par voie de
représentation dans le contentieux électoral ne pose pas l’exigence d’un mandataire qui soit
obligatoirement un avocat. Le législateur emploie le terme générique de mandataire pour
désigner celui qui peut représenter le requérant. Son champ d’action est défini de manière
inégale et ne couvre pas toutes les phases du processus électoral.

2. La délimitation différenciée du champ de saisine reconnu au mandataire


Le droit de saisine accordé au mandataire, quoique restreint, porte sur la contestation ou la
réclamation des opérations préparatoires et de dépouillement.

Le contentieux des opérations préparatoires revêt un caractère fondamentalement


personnel. Il vise à protéger un droit subjectif, celui reconnu au citoyen de choisir ceux qui
vont gérer les affaires de la cité. Le caractère personnel rattaché au droit de vote justifie la
position du législateur qui accorde le droit de saisine aux électeurs inscrits sur la liste électorale
d’une circonscription déterminée et qui ont fait une demande d’inscription ou de radiation.
Toutefois, la création d’Elecam et le réaménagement des compétences confiées aux organes
chargés de connaître du contentieux des opérations préparatoires entraîne parallèlement
l’extension du droit de saisine aux mandataires. Ainsi, conformément aux dispositions de
l’article 81 alinéa 2 du Code électoral, tout mandataire d’un candidat peut saisir le Conseil

449 Le mandataire doit justifier de son mandat par la production d’un acte authentique ou d’un acte sous seing
privé légalisé par l’autorité compétente. Ces conditions ne s’imposent cependant pas à l’avocat. Le
mandataire peut à cet égard signer les requêtes et mémoires aux lieu et place du mandant, il reçoit les
convocations et les notifications adressées au mandant.

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électoral dès la publication des listes électorales définitives à l’effet de réclamer ou contester
une omission, une erreur, ou une inscription d’un électeur plusieurs fois sur la liste électorale.
La réduction de l’action du mandataire pourrait se justifier par le souci de préserver le
caractère personnel de la saisine, et d’écarter du prétoire toute personne n’étant pas
directement concernée par la réclamation ou la contestation.

Le droit de saisine visant un intérêt personnel porte sur toutes les phases du processus
électoral. Toutefois, l’on observe que cette saisine est complétée par la mise en œuvre d’une
saisine visant l’intérêt général dont l’objectif est de garantir la sincérité des processus
électoraux.

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SECTION II.

L’OUVERTURE D’UN DROIT DE SAISINE VISANT UN INTÉRÊT GÉNÉRAL

L’article 2 de la Constitution camerounaise dispose que « les autorités chargées de diriger


l’État tiennent leur pouvoir du peuple par voie d’élections au suffrage direct ou indirect ». La
mise en œuvre d’un droit de saisine visant un intérêt général est justifiée par le souci d’une
stricte application des dispositions constitutionnelles d’une part, et par celui de conférer une
légitimité indéniable aux gouvernants. Le professeur Bertrand Mathieu écrit que « la prise en
compte de l’intérêt général, non seulement comme instrument de limitation de tel ou tel droit
individuel, mais comme objectif qui contient sa propre légitimité, doit conduire à réfléchir sur
la conception qui tend à faire de la protection des droits fondamentaux individuels, la seule
matrice du contrôle de constitutionnalité » 450. Il importe à cet égard de relever le caractère
fondamental de l’intérêt général dans le contentieux électoral, puisque « le respect des droits
fondamentaux constitue un élément essentiel du système des valeurs dans lequel la
Déclaration de 1789 a enraciné l’ordre constitutionnel. » 451 Selon le professeur Didier
Truchet, la définition et la poursuite de l’intérêt général peuvent être considérées comme un
monopole de l’État 452.

Le droit de saisine visant un intérêt général se différencie de celui qui concourt à la


protection d’un intérêt personnel, il concourt à la préservation de la démocratie représentative.
L’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose à cet effet
que « la garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force
est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels
elle est confiée ». Le législateur accorde la qualité pour agir aux partis politiques d’une part
(§ 1) et à l’Administration d’autre part (§ 2).

§ 1. LE DROIT DE SAISINE CONFÉRÉ AUX PARTIS POLITIQUES


Les partis politiques sont des groupements de personnes ayant les mêmes opinions
politiques et s’organisant pour poursuivre une action commune en vue de la conquête et

450 Lire relativement à la présentation de la journée d’études, MATHIEU B., « L’intérêt général comme norme
constitutionnelle », in cahiers du Conseil constitutionnel, Paris I, 2006, p. 3, [en ligne], http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank_mm/pdf/Conseil/mathieu.pdf, (consulté le
15/10/2011).
451 MATHIEU B., ibid.,p. 3.
452 TRUCHET, D., La fonction de l’intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d’État, Paris, L.G.D.J., coll.
Bibliothèque de droit public, tome 125, 1977, p. 19.

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l’exercice du pouvoir 453. Le professeur Daniel-Louis Seiler donne une définition extensive de
la notion de parti politique. Il les assimile à des organisations dont l’objectif est de mobiliser
des individus dans une action collective, afin d’accéder, seuls ou en coalition, à l’exercice des
fonctions du gouvernement, afin de gérer pour l’intérêt général, les affaires publiques 454. Ce
sont « les éléments moteurs des élections en vue de conquérir le pouvoir et de l’exercer » 455.

Le droit de saisine accordé aux partis politiques découle du caractère spécifique de leur
statut juridique, puisqu’ils sont considérés comme une association qui concourt à l’expression
du suffrage au sein de la société. Selon le professeur Alain Didier Olinga, l’existence des partis
politiques découle de leur unique vocation constitutionnelle et légale à savoir, concourir à
l’expression du suffrage à travers leur participation à la compétition électorale 456. L’action des
partis politiques porte sur les opérations préparatoires, préliminaires et électorales. Par ailleurs
l’on relève que la saisine peut être exercée directement par le parti politique qui intervient en
qualité de requérant (A) ou indirectement en appui d’une autre partie demanderesse ou
défenderesse au moyen de l’intervention volontaire (B).

A. La saisine directe en qualité de requérant


François Goguel définit les partis politiques comme « un groupement organisé pour
participer à la vie politique en vue de conquérir partiellement ou totalement le pouvoir et d’y
faire prévaloir les idées et les intérêts de ses membres » 457. La saisine par les partis politiques
est justifiée par la spécificité de leur activité essentiellement politique, orientée vers la conquête
et l’exercice du pouvoir afin d’assurer la viabilité de la représentation démocratique. Max
Weber assimile de la sorte les partis politiques aux « enfants de la démocratie et du suffrage
universel » 458. Dimitri Georges Lavroff quant à lui rattache la création des partis politiques en
Afrique à l’introduction du droit de suffrage dans la vie politique des territoires 459. Le droit de
saisine accordé aux partis politiques procède d’une habilitation spéciale des textes juridiques
déterminant les conditions de leur saisine d’une part, et d’autre part du caractère associatif et
fédérateur de ceux-ci. L’action des partis politiques est variable. Elle est étendue dans le
contentieux des opérations préparatoires, et limitée dans le contentieux des préliminaires et

453 CORNU G., Vocabulaire juridique, op.cit., p. 739.


454 SEILER D.-L., Les partis politiques, 2ème édition, Paris, Armand Colin, 2000, p. 25.
455 PACTET P., « Constitution, Élections et Partis politiques », in Recueil des cours Constitution et élection, volume X,
Tunis, p. 389-374.
456 OLINGA A. D., La Constitution de la République du Cameroun, 2ème édition, Yaoundé, Presses Universitaires de
L’UCAC, Éditions Terres Africaines, 2013, p. 186.
457 GOGUEL F., cité par SEILER D.-L-, ibid., p. 21.
458 MAX WEBER, cité par SEILER D.-L., Les partis politiques, Paris, Armand Colin, 1993, p. 10.
459 LAVROFF D. G., Les partis politiques en Afrique noire, 2ème édition, Paris, PUF, 1978, p. 11.

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des opérations électorales. Il faudrait en outre relever que, nonobstant l’absence de
dispositions expresses prévues en la matière par le nouveau Code électoral, il serait approprié
de soumettre leur droit de saisine accordé au respect des conditions existentielles et
participatives, eu égard aux dispositions antérieures relatives à l’élection du président de la
République et des députés à l’Assemblée nationale et au rôle qu’ils jouent au sein de la société
politique. La saisine des partis politiques est strictement régie, elle est soumise à la justification
d’une constitution régulière et d’un intérêt pour agir. Pour le professeur Daniel- Louis Seiler,
leur fonction est articulée autour de deux missions fondamentales : ils assurent le lien entre les
mandataires élus et les mandants qui sont des citoyens-électeurs d’une part, et d’autre part ils
disciplinent et encadrent les élus 460.

1. Le respect des conditions existentielles dans le contentieux des opérations


préparatoires
La saisine des organes compétents par les partis politiques intervient à la suite des
rectifications opérées sur les listes électorales provisoires par la commission de révision des
listes électorales. La publication provisoire des listes électorales par le directeur général des
élections chargé de la tenue du fichier électoral national, vise à porter à la connaissance du
public le fichier électoral, et pallier toutes irrégularités ou omissions qui pourrait l’entacher.
Les articles 17, et 43 alinéa 1, et 40 alinéa 3 relatifs à l’élection municipale, législative et
présidentielle abrogées et remplacés par les dispositions des articles 78 alinéa 3, et 81 alinéas 2
et 3 du nouveau Code électoral camerounais, accordent aux partis politiques régulièrement
constitués et y ayant un intérêt pour saisir la commission de révision des listes électorales ou la
commission de supervision. Il s’ensuit que l’action des partis politiques est soumise au respect
des conditions relatives à la régularité de leur constitution et à la justification d’un intérêt pour
agir.

a. L’exigence d’une constitution régulière


La constitution régulière des partis politiques dans un État de droit soulève la
problématique de leur légalisation, et de leur conformité aux règles du droit positif en vigueur.
L’article 3 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 pose le fondement constitutionnel de
l’existence des partis politiques. Ils concourent à l’expression du suffrage dans le respect des
principes de la démocratie, de la souveraineté et de l’unité nationale et fonctionnent
conformément aux dispositions des lois n°90/053 et n°90/056 du 19 décembre 1990 relatives

460 SEILER D.-L., Les partis politiques, op. cit., p. 21.


Lire par ailleurs PACTET P., « Constitution, Élections et Partis politiques », in Recueil des cours Constitution et
élection, op.cit., p. 354.

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respectivement à la liberté d’association et aux partis politiques qui consacrent la liberté de
création et d’adhésion au parti politique de son choix 461.

Les partis politiques sont considérés comme une association. Ainsi, ils sont soumis aux
règles qui régissent la création, l’organisation et le fonctionnement de toute association.
L’article 2 de la loi n°90/053 relative à la liberté d’association, dispose que « l’association est
une convention par laquelle des personnes mettent en commun leurs connaissances ou leurs
activités dans un but autre que de partager les bénéfices ». Il s’ensuit que, seul pourrait être
considéré et reconnu comme un parti politique, tout regroupement dont l’activité ou l’intérêt
ne va pas à l’encontre des dispositions légales. La création d’un parti politique doit ainsi
respecter les conditions de forme et de fond prescrites relatives à sa constitution telles
qu’énumérées par les articles 4 à 11 de la loi n°90/053 susvisée 462. La demande de
constitution d’un parti politique est acceptée lorsque le dossier y relatif remplit les règles
prescrites par la loi. À cet égard, le ministre de l’administration territoriale et de la
décentralisation compétent accorde son autorisation par notification à l’intéressé de
l’acceptation ou du rejet de sa demande. La décision de refus de légalisation du parti politique
peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif 463. Cependant, lorsqu’elle est
accordée, la légalisation du parti politique lui confère une personnalité juridique, lui permettant
de jouir des droits inhérents à son existence, notamment le droit de saisir les organes
compétents pour contester une situation ou revendiquer un droit 464. Cependant, la légalisation
des partis politiques n’est pas suffisante pour exercer le droit à l’action reconnu. Les partis
politiques doivent remplir une condition complémentaire relative à la justification d’un intérêt
pour agir.

461 Les lois n°90/053 et n°90/056 relatives à la liberté d’association et aux partis politiques consacrent la
liberté de création et d’adhésion au parti politique de son choix. Les articles 1 et 2 de la loi n°90/056 du
19 décembre 1990 relative aux partis politiques disposent que les partis politiques sont des associations qui
concourent à l’expression du suffrage. Ainsi, ils se créent et exercent librement leurs activités dans le cadre
de la Constitution et de la loi qui les régit.
462 Aux termes de ces articles, ne peut être autorisé tout parti politique qui ne dépose une demande incomplète
et fournit pas entre autres, les informations précises relatives à son identité, sa profession, le domicile de
ceux qui sont chargés de la direction ou de l’administration d’une part, et qui porte atteinte à l’intégrité
territoriale, à l’unité nationale et à la forme républicaine de l’État, à la souveraineté nationale notamment,
par toutes sortes de discriminations basées sur les tribus, les provinces, les groupes linguistiques ou les
confessions religieuses, ; prône le recours à la violence ou envisage la mise sur pied organisation militaire ou
para-militaire ; reçoit les subsides de l’étranger ou dont l’un des dirigeants statutaires réside à l’étranger ;
favorise la belligérance entre les composantes de la nation ou entre les pays d’autre part.
463 L’article 7 alinéa 2 de la loi relative aux partis politiques pose la nécessité de motiver les décisions de rejet
des demandes de constitution ou de légalisation des partis politiques. L’absence de motivation entraîne
l’annulation de celle-ci pour excès de pouvoir. Par ailleurs, l’on note que le silence gardé par l’autorité
administrative pendant trois (03) mois à compter de la date du dépôt du dossier équivaut à la
reconnaissance implicite de l’existence légale du parti.
464 Articles 78 alinéa 3, 81 alinéa 2 du Code électoral.

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b. La justification d’un intérêt
En matière électorale, le législateur prédéfinit les personnes habilitées à saisir l’organe
compétent et détermine l’objet de leur action. Il en résulte que la qualité et l’intérêt sont
intimement liés. L’intérêt pour agir au sens de l’adage pas d’intérêt pas d’action, conditionne
l’existence d’une action en justice, et permet à celui qui est lésé dans son droit d’en tirer
personnellement profit. Néanmoins, ce principe ne s’applique pas pour une action qui vise la
garantie d’un intérêt général. L’intérêt des partis politiques procède du rôle qu’ils jouent au
sein de la société politique. Ils concourent à l’expression du suffrage et participent à la viabilité
de la démocratie et des régimes représentatifs. Par ailleurs, il faudrait relever que le souci de
mobilisation qui sous-tend l’action des partis politiques entraîne celui de garantir l’effectivité et
la régularité de l’inscription sur les listes électorales de leurs militants, adhérents, ou
sympathisants d’une part, et d’entourer cette inscription de toutes les conditions leur
permettant d’exprimer leur choix de manière libre et éclairée Ils mènent dès lors une action
collective qui tend à rassembler le maximum de personne dont la voix permettra la conquête
et l’exercice du pouvoir 465. Le professeur Seiler rattache la qualité qui sous-tend l’action des
partis politiques au rôle qu’ils prétendent jouer au sein de la société politique

2. Le respect des conditions participatives dans le contentieux des préliminaires


et des opérations électorales
Encadrer les électeurs et assurer la représentation au sein de la société constitue l’une des
principales missions des partis politiques. Ils sont considérés comme la plaque tournante des
régimes représentatifs, puisqu’ils participent à l’expression du suffrage dans une société
démocratique. Le doyen Maurice Kamto écrit à cet effet que :
Les partis politiques (…) ont une double fonction : une fonction pédagogique d’abord en tant
qu’ils concourent, par l’explication de leur programme ou la diffusion de leur idéologie mais aussi
par la critique des idées et des actions adverses, à la formation de l’opinion ; une fonction politique
ensuite consistant principalement à la mobilisation des citoyens en vue de s’en servir pour la
conquête du pouvoir ou à tout le moins pour influencer significativement le jeu politique, mais
aussi pour assurer la défense des valeurs de liberté et de démocratie dont la préservation
conditionne leur propre existence 466.

L’action des partis politiques, est réglementée de manière différenciée. La différenciation se


manifeste par la répartition asymétrique du droit de saisine aux partis politiques. Ceux-ci

465 Cette prétention de conquête et d’exercice du pouvoir, selon le professeur SEILER s’inscrit dans trois
logiques fondamentales à savoir : « la logique du projet » qui est le fait de conquérir le pouvoir au nom de
l’intérêt général ; « la logique de l’organisation » qui intéresse des personnes qui décident volontairement de
s’organiser et de se doter de moyens nécessaires en vue de l’atteinte de leur objectif, à savoir accéder au
pouvoir ; et enfin la « logique de la mobilisation » qui constitue le « la masse de manoeuvre que le parti s’est
assigné, le vaste contingent des appelés … ». SEILER, D.-L., op. cit., p. 23
466 KAMTO M., L’urgence de la pensée : Réflexions sur une précondition du développement en Afrique, Yaoundé, Mandara,
p. 166.

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interviennent de manière conditionnée pour réclamer ou contester les opérations préliminaires
et électorales dans le contentieux des élections nationales. Leur saisine est soumise au respect
des conditions participatives relatives à la justification d’une implication effective au processus
électoral, et à l’investiture d’un ou de plusieurs candidats pour l’élection en cause 467. Ils
peuvent dès lors réclamer ou contester les opérations relatives à l’enregistrement des
candidatures, notamment le rejet ou l’acceptation d’une candidature ou d’une liste de
candidature et les opérations électorales. En revanche, ce droit de saisine n’est pas étendu aux
élections municipales puisque les partis politiques ne peuvent ni contester les opérations
préliminaires, ni réclamer l’annulation du scrutin. Cette exclusion pourrait s’expliquer par le
souci de protéger principalement un intérêt local. Malgré l’inconstance observée dans l’action
des partis politiques, ces derniers ont parallèlement la possibilité d’agir au travers de
l’intervention volontaire, qui permet aux partis qui ne sont pas impliqués dans l’action
principale, d’agir en appui au demandeur ou au défendeur.

B. Le procédé de saisine indirecte


André Philip écrit que « la démocratie réelle n’existe que lorsque les électeurs font un choix,
non plus entre les hommes entre les mains de qui on abdique, mais entre les partis 468. Le rôle
des partis politiques, au-delà de la représentativité au sein de la société politique, concourt à la
garantie de la volonté réelle des électeurs. Cette mission justifie l’extension du droit de saisine
accordé aux partis politiques qui peuvent agir par voie de représentation 469 ou d’intervention
volontaire.

1. La saisine par le biais des mandataires


La saisine par les mandataires des partis politiques est éparse et ne porte pas sur toutes les
phases du processus électoral. Antérieurement, les mandataires des partis politiques étaient
impliqués dans le contentieux électoral, pour contester les difficultés qui pouvaient survenir
dans l’organisation des opérations préparatoires, préliminaires et électorales. Cependant, les
nouvelles dispositions du Code électoral viennent restreindre ce champ d’action, et délimitent
l’intervention du mandataire à la contestation d’une omission, une erreur ou inscription
multiple sur la liste électorale nationale. Cette saisine est aléatoire, elle intervient dès la

467 Articles 129 et 132 alinéa 2 du Code électoral.


468 PHILIP A., « La crise de la démocratie parlementaire », Revue politique et parlementaire, 1953, p. 226.
469 La représentation des partis politiques est soumise à des conditions relatives à la qualité du mandataire. En
effet, l’article 21 de la loi n°2006/022 fixant l’organisation des tribunaux administratifs dispose que, le
mandataire doit justifier de son mandat par la production d’un acte authentique, ou sous-seing privé légalisé
par l’autorité compétente. Cette formalité lui octroie le pouvoir de signer les requêtes et mémoires aux lieux
et places du mandant, de recevoir les convocations adressées à son mandant et les notifications qui lui sont
faites.

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publication de la liste électorale nationale 470 et ne permet pas de combattre durablement les
inscriptions multiples, omissions, erreurs, ni même les abstentions décriées lors des dernières
consultations électorales.

Outre la voie d’action à travers les mandataires, les partis politiques ont la possibilité d’agir
au moyen de l’intervention volontaire qui leur permet de participer à l’instance non à titre
principal, mais en qualité de tiers, dans une action engagée par des parties originaires.

2. La saisine par voie d’intervention volontaire


L’aménagement d’un droit de saisine visant l’intérêt général procède de la recherche des
choix satisfaisant l’intérêt commun et la participation de tous les citoyens-électeurs de la
nation. Cette action permet de garantir l’authenticité du vote des citoyens, « l’onction
populaire des gouvernants [étant] la principale caractéristique d’un régime démocratique » 471,
et le symbole du « primat de la victoire sociologique sur la victoire technique » 472.
L’intervention volontaire est assimilée à un incident de procédure, elle permet à une personne
physique ou morale de se joindre à une instance qu’elle n’a pas introduit elle-même, et dans
laquelle elle n’a pas été appelée en cause 473. Le professeur René Chapus approfondit encore
cette définition en mettant en exergue la nécessité pour l’intervenant, de justifier d’un intérêt
pour agir. Pour lui en effet, l’intervention volontaire est examinée comme la situation d’un
tiers qui, n’étant ni partie ni représentée à une instance ouverte entre d’autres, peut estimer
avoir intérêt à y être présent, et en conséquence, saisi les organes compétents des conclusions
en intervention 474. Dans cette logique, monsieur Charles Méjean écrit que l’intervention
volontaire concerne « une personne qui se mêle de son propre mouvement à une instance
qu’elle n’a pas introduite ou qui n’est pas dirigée contre elle, soit pour faire déclarer que le
droit litigieux lui appartient, soit pour s’assurer la conservation de ses droits qui pourraient être

470 Article 81 alinéa 2 du Code électoral.


471 Lire à ce sujet, TANCHOUX P., « A la recherche d’une tradition républicaine de l’acte de vote : objectifs de
l’élection et procédure électorale », in Olivier Durand (Dir.), A quoi bon aller voter aujourd’hui ?, Paris,
L’Harmattan, 2009, p. 87-1001 ; ROSANVALLON P., La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité,
op. cit., p. 9.
472 Le professeur Narcisse MOUELLE KOMBI définit la victoire sociologique comme celle difficilement
contestable et qui reflète l’adhésion de la grande majorité des citoyens. La victoire technique étant celle
fabriquée par des subterfuges et autres manipulations. Cette dernière cache une défaite sociologique.
MOUELLE KOMBI N., « Consultations électorales et respect de l’expression des citoyens », Revue africaine de
politique internationale-Afrique 2000, Février 1994, n°1, p.4-50.
473 GABOLDE Chr., Procédure des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, 6ème édition, Paris,
Dalloz., 1997, p. 214.
474 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, op. cit. p. 777-785. Cet auteur distingue deux variétés
d’intervention, l’intervention accessoire qui consiste à appuyer par une requête distincte, la prétention de
l’une des parties en vue de conserver ses droits ; et celle principale visant à soumettre au juge une
prétention qui lui est propre.

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compromis par le résultat de l’instance » 475. L’intervenant volontaire est dès lors assimilée à
une partie nouvelle à l’instance, y agissant à l’appui de la demande ou de la défense. Cette
définition laisse apparaître deux types d’intervention, agressive— dans ce cas, l’intervenant se
prémunit contre les effets d’une instance dont les effets peuvent nuire à ses intérêts— et
conservatoire— ici, l’intervenant n’exerce pas un droit propre, son action se rapporte au droit
du titulaire dont il soutient la défense— 476.

L’article 66 du nouveau code de procédure civile français définit l’intervention comme une
« demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties
originaires ». La jurisprudence la considère comme une extension du procès à un tiers qui
devient partie d’une instance née de la demande originaire 477, et qui justifie d’un droit auquel
la décision à rendre est susceptible de préjuducier 478.

Au Cameroun a contrario, la notion d’intervention n’est pas définie de manière expresse, et


les textes juridiques se limitent à une énonciation des conditions de sa recevabilité. Le domaine
de l’intervention s’étend à toutes les branches du droit procédural, elle est admise dans les
procédures contentieuses relatives à la matière civile, administrative ou électorale.
L’intervention volontaire dans le contentieux électoral vise la garantie d’un intérêt déterminé,
et permet à l’intervenant d’appuyer les conclusions d’une partie demanderesse ou défenderesse
de l’instance originaire. Il convient toutefois de préciser que la requête en intervention est
soumise au respect d’un formalisme bien déterminé. L’article 88 de la loi fixant la procédure
devant la Cour suprême précise que « l’intervention est admise de la part de tous ceux qui ont
un intérêt au jugement du litige. Elle est formée par requête soumise aux mêmes conditions
que les requêtes introductives d’instance. » 479 Il en résulte que, l’intervenant doit
nécessairement remplir les conditions de forme et de fond liés à la recevabilité de son action.
Il doit posséder une qualité, celle que lui reconnaît le législateur, et justifier d’un intérêt. Il doit
par ailleurs former son action par une requête distincte, adopter les mêmes conclusions que le
demandeur ou le défendeur, et motiver sa requête en intervention. Le juge administratif a ainsi

475 MÉJEAN CH., La procédure devant le tribunal administratif, Paris, Dalloz, 1949, p. 169.
476 MÉJEAN CH., La procédure devant le tribunal administratif, ibidem., p. 169.
477 GOHIN O., « Intervention » in Répertoire du contentieux administratif, Dalloz, avril 2000, 17 p.
478 La recevabilité de l’intervention volontaire dans le contentieux subjectif de pleine juridiction en France est
soumise à la justification d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige. Voir les arrêts, CE
sect., 15 juillet 1957, Ville de Royan : Rec. CE 499 Jurisprudence de principe Ville de Royan ; RD publ. 1958, 109,
concl. Lasry ; AJDA 1959, II, 393, chron. Fournier et Braibant, cité par GOHIN O. Le contentieux électoral, op. cit.,
p. 211
²En matière électorale l’intervention est soumise à restriction quant à la présentation des moyens et à
l’intérêt (CE 22 déc. 1972, élections municipales de Sainte Eulalie d’Ans, req. no 83949, Lebon 1106).
479 Article 88 de la loi n°75-17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême statuant en
matière administrative.

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rejeté plusieurs actions en intervention volontaire pour défaut d’objet ou de qualité de
l’intervenant. En effet, dans une espèce du 19 avril 2004, l’Assemblée plénière de la Chambre
administrative, saisie d’un recours en annulation du jugement n°131 du 05 septembre 2002, se
prononçait entre autres, sur la recevabilité de l’intervention volontaire de l’UDC. Le juge
décidait en l’espèce que l’intervention de l’UDC était irrecevable, puisqu’elle ne respectait pas
l’énumération limitative contenue dans les dispositions de l’article 33 de la loi n°92/002
relative à l’élection municipale. En application de ces dispositions, seuls les électeurs et les
candidats de la commune concernée, en dehors de tout parti politique ou agent du
gouvernement, pouvaient saisir les organes compétents pour contester les opérations
électorales 480. Cette décision du juge apporte une précision dans la détermination des
conditions de recevabilité de cette action, et concourt au rehaussement de la motivation des
décisions et à la construction d’une jurisprudence constante.

Si le législateur précise la saisine par voie d’intervention volontaire devant le juge


administratif, il est silencieux en ce qui concerne les recours portés devant le Conseil
constitutionnel. L’hypothèse d’une extension par analogie à l’élection municipale, bien que
contestable, pourrait être attrayante, puisque la Cour suprême siège comme Conseil
constitutionnel, et règle le contentieux relatif aux élections législatives et présidentielles en
application des dispositions combinées des articles 52, 43 à 48 et 132 successivement, de la
Constitution, de la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel et du
Code électoral. Il en résulte que, l’action par voie d’intervention volontaire est ouverte aux
personnes énumérées par les articles susvisés 481, à l’inverse du système français qui exclut
toute action formée par un tiers devant le Conseil constitutionnel 482. Certes, il n’existe pas de

480 Arrêts n°83/A/03-04 du 19 avril 2004, affaire Union Démocratique du Cameroun (UDC), État du Cameroun
(Minatd) (commune rurale de Foumbot) contre État du Cameroun (Minatd), UDC ; n°84/A/03-04 du
19 avril 2004, affaire Moussi, candidat du RDPC, RDPC, dame Ngon Batamake épouse Sende Georgette, candidat
de l’UPC, État du Cameroun, (commune rurale de Messondo) contre les mêmes parties ; n°66/A/03-04 du
19 avril 2004, affaire Baïring Edmond (candidat du RDPC), Banmou David (candidat du RDPC), État du cameroun
(commune rurale de Gudiguis), contre État du Cameroun (Minatd) et ADD.
481 Le droit de contester les opérations électorales est ouvert à tout candidat, tout parti politique ayant pris part
à l'élection ou toute personne ayant qualité d'agent du gouvernement pour l'élection.
Le Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’élection présidentielle du 09 octobre 2011, a rejeté plusieurs
recours en intervention volontaire pour défaut d’objet, en raison non de l’exclusion de cette voie d’action,
mais pour des motifs divers tels que le défaut de précision des faits et moyens, l’incompétence du Conseil
constitutionnel, etc.
Décisions n°s 21/CEP/11 du 19 octobre 2011, affaire Ekindi Jean-Jacques (MP) contre Elecam et RDPC ;
22/CEP/11 du 19 octobre 2011, affaire CAHPAM contre Elecam ; 26/CEP du 19 octobre 2011, affaire Bernard
Achuo Muna. (A.F.P.) contre Elecam etc.
482 Dans une espèce du 12 novembre 1981, A.N., Tarn et Garrone, 2ème circonscription a rejeté la demande de monsieur
Jacques Briat visant à intervenir dans l’instance engagée par la requête de madame Régine Flament, aux motifs
que la procédure d'intervention n'est pas prévue par les textes qui régissent le contentieux des élections
législatives, en l’occurrence l’article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 qui dispose que « le droit de
contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales ou les listes

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dispositions expresses aménageant le procédé de saisine par voie d’intervention néanmoins, le
caractère équivoque de la décision du juge constitutionnel français laisse un goût d’inachevé,
entretenu par l’inconsistance de sa motivation 483.

L’élection dans sa totalité est une opération qui intéresse l’ordre public. Pour cette raison, le
législateur étend le droit de saisine à l’Administration dont le rôle régalien qui se rapporte à
l’organisation et la supervision des processus électoraux et concourt à la recherche de
l’authentique expression de la volonté des électeurs d’une part et le rehaussement de l’acte
électoral que l’on décrit désormais comme une coquille de plus en plus vide, car source de
tensions au sein des sociétés 484.

§ 2. LE DROIT DE SAISINE PONCTUELLE ACCORDÉ À L’ADMINISTRATION


Définie par le professeur Gilles Guglielmi comme « l’ensemble des organes, des structures,
des agents et des personnes juridiques qui, sous l’autorité du gouvernement, sont appelés à
assurer les tâches d’intérêt général qui incombent à l’État » 485, l’Administration est
appréhendée sous un double angle, organique et fonctionnel. Sur le plan organique, elle se
réfère aux personnes qui œuvrent pour l’accomplissement des missions d’intérêt général, il
s’agit notamment, des autorités investies dans l’ordre administratif de compétences générales,
à savoir le président de la République et le Premier ministre, et en dessous d’elles, des organes
spécialisés dans la direction des services, ce sont les ministres et leurs collaborateurs 486. A
contrario, sur le plan fonctionnel, elle constitue l’ensemble des activités assurées sous
l’impulsion de l’État, et ayant pour finalités, la poursuite de l’intérêt général permettant
d’assurer un rôle politique et social au sein de l’État.

L’Administration est agrégée à l’État, elle est constituée par l’ensemble des autorités qui
forment le pouvoir exécutif et les services dont il dispose 487, et concourt à son organisation et
son fonctionnement. Placée sous l’autorité d’un ministre, assisté d’un ministre délégué chargé

électorales consulaires de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux personnes
qui ont fait acte de candidature ».
483 Décision n° 81-902/918/933 AN du 12 novembre 1981, A.N., Tarn-et-Garonne (2ème circ.), [en ligne] site :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-
date/decisions-depuis-1959/1981/81-902/918/933-an/decision-n-81-902-918-933-an-du-12-novembre-
1981.110030.html, (consulté le 10/11/2011).
484 Lire à ce sujet DURAND O., « L’acte électoral entre sacralisation et indifférence », in A quoi bon aller voter
aujourd’hui ?, op cit., p. 9-30.
485 GUGLIELMI G. J., « Administration », in Denis ALLAND et Stéphane RIALS (Dir.), Dictionnaire de la culture
juridique, op.cit., p. 26-28.
486 WALINE J., Droit administratif, 26ème édition, Paris, Dalloz, 2016, p. 69. Lire par ailleurs, CORNU G.
« Administration », in Vocabulaire jurdique, op.cit., p. 33-34.
487 DE LAUBADÈRE A., VENEZIA J.-Cl., GAUDEMET Y., Traité de droit administratif, tome1, 14ème édition, Paris,
L.G.D.J., 1996, p. 59.

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des collectivités territoriales décentralisées, elle est responsable entre autres, de l’administration
du territoire notamment, de l’organisation des consultations électorales. L’implication de
l’Administration est immanquablement indispensable dans la garantie du procédé de
dévolution du pouvoir, notamment par l’octroi d’un droit d’action pour contester ou réclamer
la régularisation d’une situation jugée irrégulière. Toutefois, ce droit de saisine octroyé à
l’Administration est graduellement resserré en raison des modifications subséquentes à
l’adoption d’un nouveau cadre juridique.

A. Le déploiement de l’action de l’Administration avant l’adoption du


Code électoral
Parce que l’élection concourt à la conquête et à l’exercice du pouvoir d’une part, qu’elle
fonde la légitimité des gouvernants et suscite l’adhésion des citoyens d’autre part, il est logique
que l’Administration soit impliquée dans le garantie de la régularité et la sincérité des processus
électoraux qui fondent sa légitimité. L’article 4 de la Déclaration sur les critères pour les
élections libres et régulières adoptée à Paris le 26 mars 1994, énonce les droits et les
responsabilités de l’État permettant la viabilité des régimes démocratiques, pluralistes et
représentatifs. Ainsi, l’État doit prendre les mesures nécessaires et congruentes pour garantir la
transparence et la sincérité du processus électoral dans son ensemble. Pour madame Annie
Héritier la sincérité est « indispensable au maintien, à l’ordonnancement immédiat de la société
et à son inscription dans le temps » 488.

Le droit de saisine accordé à L’Administration procède dès lors de sa mission régalienne,


celle corrélative à la mise en œuvre et à l’évaluation de la politique du Gouvernement dans le
domaine de l’administration du territoire, notamment, l’organisation des consultations
électorales à caractère national, local ou référendaire, en application des dispositions de
l’alinéa 2 (a) paragraphe 2 de l’article 1er du décret n°2005/104 du 13 avril 2005 portant
organisation du ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation. La
dévolution de cette mission à l’Administration entraîne subséquemment son implication dans
la garantie de la régularité et de la sincérité des processus électoraux, notamment par la saisine
des organes compétents afin de contester ou réclamer relativement à une situation jugée
irrégulière.

Chargée de l’organisation et de la supervision des processus électoraux, l’Administration


devait s’assurer que les élections se déroulaient dans le respect des dispositions législatives et
réglementaires, puisque comme l’écrit opportunément Madame Sophie Lamouroux, « une
élection démocratiquement acquise fonde l’autorité politique dont procède ensuite

488 HÉRITIER A., « Le droit et la sincérité-à la recherche historique d’un couple ignoré », op.cit., p. 31.

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l’ordonnancement juridique d’une collectivité » 489. Fort de ce constat, il était impératif que
l’institution chargée de garantir l’intérêt général soit la clé de voûte du processus de
légitimation des gouvernants. Soucieux de mettre en œuvre un cadre propice à une garantie
optimale des processus électoraux, le législateur a accordé un droit de saisine considérable à
l’Administration pour contester les irrégularités relevées dans l’organisation ou le déroulement
des processus électoraux.

L’analyse du cadre procédural avant l’adoption du Code électoral révèle une implication
considérable de l’autorité administrative dans la garantie de la régularité et la sincérité des
scrutins. En effet, l’analyse des dispositions des lois antérieures, notamment celles relatives à
l’élection du président de la République, des députés à l’assemblée nationale et des conseillers
municipaux 490 permet d’établir que l’Administration constituait la plaque tournante des
processus électoraux.

Outre son rôle d’organisateur des élections avant la création d’Elecam, l’Administration
disposait d’un droit de saisine étendu lui permettant de contester les opérations préélectorales
et électorales. Concernant les opérations préélectorales, il convient de remarquer que le champ
d’action de l’Administration était variable. Celle-ci agissait par l’intermédiaire des commissions
de révision des listes électorales et les sous-préfets d’une part 491, et des préfets d’autre part 492,
à l’effet de contester les irrégularités constatées dans l’organisation des opérations
préparatoires, notamment celles relatives à l’établissement de la liste électorale. A contrario,

489 LAMOUROUX S., Le contentieux des actes périphériques en matière électorale, op.cit., p. 7.
490 Lois n°2001/002 du 06 mai 2011 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°97/020 du
9 septembre 1997 et n°92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance à la
présidence de la République ; n°91-20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection des députés à
l’Assemblée nationale, modifiée et complétée par la loi n°97-13 du 19 mars 1997 et par celle n°2006/009
du 29 décembre 2006 ; n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux, modifiée et complétée par la loi n°2006/010 du 29 décembre 2006.
491 Les articles 40 et 26 alinéa 3 respectivement des lois n°92/010 du 09 septembre 1992 et n°91/020 du
16 décembre 1992 fixant les conditions d’élection du président de la République et des députés disposent
que : « lorsqu'un électeur est inscrit sur plusieurs listes électorales, le sous-préfet (…) peut exiger, devant la
commission de révision, huit (8) jours au moins avant la clôture, que cet électeur opte pour son maintien
sur l'une seulement de ces listes. Les réclamations et les contestations à ce sujet sont jugées et tranchées par
la commission saisie par le sous-préfet ou la commission qui est compétente pour opérer la révision de la
liste électorale sur laquelle figure l'électeur qui réclame l'option. »
492 Le déféré préfectoral est défini comme l'acte par lequel le préfet défère au tribunal administratif les
décisions des collectivités territoriales qu'il considère comme illégales, cela dans le cadre du contrôle
administratif exercé par l'État sur les collectivités.
Les articles 43 alinéa 2 et 59 alinéa 2 disposent que le préfet, doit déférer dans un délai de trois (03) jours, le
tableau concernant les additions ou les retranchements des noms des électeurs, lorsque les formalités et
délais prévus par la loi ont été méconnus. L’analyse des dispositions susvisées permet de relever le caractère
impératif rattaché à l’action des préfets. Contrairement à l’action des commissions électorales et des sous-
préfets qui peuvent saisir les organes compétents, l’on observe que le législateur, par l’emploi du verbe
« devoir », impose aux préfets de saisir les commissions départementales aux fins de sanctionner la violation
des prescriptions législatives.

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pour ce qui est de la contestation des opérations préliminaires 493 et électorales 494, le
législateur accorde un droit de saisine inéquitable à l’Administration qui intervient
exclusivement par le biais de toute personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour
l’élection en cause, et dont l’action, nonobstant son caractère contracté, subsiste aux mutations
opérées par les lois électorales de 2006 et le Code électoral en vigueur.

B. L’implication isolée de l’agent du gouvernement pour l’élection après


l’adoption du Code électoral
Les gouvernants, considérés comme des personnes qui détiennent le pouvoir exécutif dans
un État, possèdent le pouvoir et le devoir d’organiser des services publics, entendus comme
l’ensemble d’activités concourant à la satisfaction à des besoins d’intérêt général. Leur action
est limitée à la promotion du bien-être des individus composant la société politique 495. Ce
souci, dont le fondement repose sur l’idée d’une étroite répartition de compétences entre les
agents, conformément à l’énoncé des articles 23 et 24 de la déclaration du 23 juin 1793 496,
permet aux administrations de faire intervenir les agents dans les domaines qui ressortissent de
leur compétence, puisque l’acte posé par un agent sera révélateur de la politique suivie par le
ministère auquel il appartient 497. Léon Duguit écrit à propos que parce qu’il est matériellement
impossible aux gouvernants primaires et même les gouvernants représentants de remplir
personnellement les charges qui leur incombent, il s’avère indispensable d’associer à leur
action des individus désignés, soumis à leur autorité, leur contrôle et leur surveillance, et qui
remplissent par voie de délégation, certaines charges qui incombent aux gouvernants 498.

Les agents de gouvernement sont de la sorte, définis comme des individus désignés par les
gouvernants, pour intervenir dans le domaine du droit subjectif qui relève de leur compétence.
Cependant, ces agents ne peuvent à ce titre, s’immiscer dans le domaine du droit objectif

493 Article 61 de la loi relative à l’élection présidentielle.


494 Articles 93 et 47 alinéa 2 des lois susvisées relatives à l’élection présidentielle et législative.
495 JÈZE G., Les principes généraux du droit administratif : le fonctionnement des services publics, préface Pascal GONOD et
Fabrice MELLERAY, tome 3, Paris, Dalloz, 2011, p. 3-6.
496 Les articles 23 et 24 de la Déclaration du 23 juin 1793 relative aux droits de l’homme et du citoyen
disposent que « la garantie sociale consiste dans l’action de tous pour assurer à chacun la jouissance et la
conservation de ses droits ; cette garantie repose sur la souveraineté nationale. (…) Elle ne peut exister, si
les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de
tous les fonctionnaires n’est pas assurée.
497 DUGUIT L., Les gouvernants et les agents, op.cit,. p. 371.
498 Selon Duguit, les gouvernants primaires ou les représentants ont pour mission de formuler la loi
constructive de portée générale qui a pour objet d’assurer le respect et l’application de ladite règle de droit.
Ceux-ci ne peuvent parallèlement accomplir directement ces fonctions au risque d’empiéter sur les droits
des particuliers, parce qu‘étant les plus forts dans la société. DUGUIT L., Les gouvernants et les agents, préface
de Franck MODERNE, Paris, Dalloz, 2005, p. 362.

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réservé aux gouvernants 499. Jellinek dans une distinction entre les organes directs et indirects,
assimile les agents de gouvernement aux organes indirects et les définit comme « les organes
dont la situation ne repose pas directement sur la constitution, mais sur une commission
individuelle à eux donnée, (…) toujours directement ou indirectement subordonnés à un
organe direct » 500. Parce que les agents de gouvernements sont désignés pour accomplir une
mission précise dans une période déterminée, leur situation repose sur un acte de caractère
réglementaire instituant entre l’État et ceux-ci un lien de fonction ayant pour finalité ultime la
promotion et la défense, en toutes circonstances, de l’intérêt général dont la légalité est une
forme de manifestation 501.

L’acte de désignation des représentants de l’État dans le contexte camerounais, loin de


s’apparenter à un acte contractuel ou unilatéral, obéit à deux procédés, la désignation implicite
et la désignation directe 502, en application des dispositions de l’article 1er du décret n°73/51
du 10 février 1973 relatif à la défense de l’État en justice, modifié par le décret n°73/648
du 18 octobre 1973 qui dispose que « la défense ainsi que la représentation en justice de l’État
sont assurés dans chaque cas par le département ministériel directement concerné » 503.
Diversement appelés agents de gouvernement, agent électoral, ou représentant de l’État, les
personnes ayant qualité d’agent de gouvernement pour l’élection, sont caractérisées par le lien
de représentation qui les unit au ministère qui a la responsabilité du domaine auquel elles
appartiennent, en l’occurrence le ministère de l’administration territoriale et de la
décentralisation pour ce qui se rapporte aux processus électoraux à caractère national, local ou
référendaire, délimitation qui exclut les élections professionnelles.

L’implication de l’Administration dans le contrôle des processus électoraux découle, outre


de sa mission régalienne, mais encore du souci de conférer une légitimité avérée aux

499 DUGUIT L., Les gouvernants et les agents, op.cit., p. 378.


500 JELLINEK, Allgemeine Staatslehre, 1900, p. 509, cité par DUGUIT L., ibid. p. 379.
501 MINISTÈRE DES DOMAINES ET DES AFFAIRES FONCIÈRES, Manuel du représentant de l’État devant les instances
judiciaires, Jurilex international, p. 15.
502 La désignation implicite suppose que la nomination d’une personne à la tête d’un service entraîne
mécaniquement sa désignation tacite pour le compte du ministère concerné. En revanche, la désignation
directe se fait de manière expresse au moyen d’un acte de nomination du représentant. Lire sur ce point,
MINISTÈRE DES DOMAINES ET DES AFFAIRES FONCIÈRES, Manuel du représentant de l’État devant les instances
judiciaires, ibid, p. 15-16.
503 Voir par ailleurs la combinaison des articles 1er alinéa 2 (a) paragraphe 2 ; 10 alinéa1 paragraphes 4 et 6 —
placée sous l’autorité d’un chef de Division, la Division des affaires juridiques est chargée entre autres du
suivi du contentieux électoral, de la défense des intérêts de l’État en justice chaque fois que le ministère est
impliqué dans une affaire— ; et 12 alinéa 1 paragraphes 2 et 4— placée sous l’autorité d’un chef de Cellule,
la Cellule des requêtes et du contentieux est chargée entre autres, de la défense des intérêts de l’État en
justice chaque fois que le ministère est impliqué dans une affaire, du contentieux électoral— du décret
n°2005/104 du 13 avril 2005 portant organisation du ministère de l’Administration territoriale et de la
décentralisation.

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gouvernants. L’intervention de toute personne ayant qualité d’agent de gouvernement s’opère
au moyen du droit de saisine qui lui est accordé. Il intervient en l’espèce sous le couvert de
« l’État–demandeur », afin de « promouvoir et assurer l’intérêt général face aux multiples
intérêts particuliers (…) c’est-à-dire de participer à l’exercice d’une action en justice » 504. Prévu
par les dispositions des articles 129, 132 alinéa 2, 167 et 194 alinéa 1 du Code électoral, le droit
de saisine reconnu à toute personne ayant qualité d’agent de gouvernement, vise à garantir la
sincérité de l’élection, puisque l’Administration est chargée de veiller à la « satisfaction de
l’intérêt général au moyen des services publics » 505. Madame Annie Héritier dans cet élan, écrit
que :
La sincérité est requise dans un souci "d’intérêt public", "d’intérêt général", voire "d’ordre
public", il n’en va pas des seuls intérêts des parties en présence mais de l’intérêt de la Nation (…)
la sincérité ne s’exprime pas uniquement dans l’instant ; elle se veut continue et contribue à la
stabilité, critère de la sécurité juridique 506.

Le champ d’action de l’Administration porte essentiellement sur la contestation des


préliminaires, et des opérations électorales en rapport avec les élections présidentielles,
législatives et municipales. Il porte sur la contestation ou la réclamation concernant
l’acceptation ou le rejet d’une candidature, ainsi que la couleur, le sigle ou le symbole adopté
par un candidat. Le législateur étend parallèlement son action à la demande d’annulation totale
ou partielle des opérations électorales. La délimitation limitative de l’action du représentant de
l’État est justifiée par le caractère d’intérêt collectif qui la sous-tend, et participe à la garantie
de la « dignité du scrutin », puisque comme le souligne le professeur Richard Ghevontian
reprenant la position véhémente Conseil constitutionnel, « dans une démocratie, l’élection est
un acte majeur qui doit s’accomplir dans des conditions sérieuses et dignes. Il ne peut s’agir ni
d’une mascarade, ni d’un happening » 507. L’élection faisant partie de la souveraineté de l’État,
l’on observe que le législateur, accorde en outre au ministère public, le droit de saisir de
manière diligente le Conseil constitutionnel, aux fins de constater l’inéligibilité d’un candidat,
eu égard aux dispositions des articles 43 et 44 du Code électoral 508 qui prévoient la
collaboration et l’appui des administrations de l’État à Elecam, dans le cadre des missions de
souveraineté qui lui sont déléguées 509.

504 MINISTÈRE DES DOMAINES ET DES AFFAIRES FONCIÈRES, Manuel du représentant de l’État devant les instances
judiciaires, op.cit. p. 34.
505 GONOD P., MELLERAY F., YOLKA Ph. (Dir.), Traité de droit administratif, tome 1, Paris, Dalloz, 2011, p. 124.
506 HÉRITIER A., « Le droit et la sincérité-à la recherche historique d’un couple ignoré », op.cit. p. 31.
507 GHEVONTIAN R., « La sincérité du scrutin, in La sincérité en droit, op.cit., p. 165.
508 Aux termes de l’article 43 alinéa 1 susvisé, « les administrations de l’état apportent leur collaboration et leur
appui à Elections Cameroon dans le cadre de l’exécution des missions qui lui sont assignées (…) en cas de
défaillance ou de dysfonctionnement d’Elections Cameroon, le président de la République prend des
mesures qu’il juge nécessaires pour y remédier (…) ».
509 Articles 118 alinéa 2 et 158 alinéa 2 du Code électoral.

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Conclusion du Chapitre I du titre II

L’action des acteurs électoraux est sous-tendue par le souci de conforter le statut du peuple
que le professeur Dominique Rousseau considère comme fondement et ligne de faille du
système représentatif 510, puisqu’il participe à la légitimation des élus. Le professeur Georges
Wiederkehr écrit dans cette logique que « l’action n’est pas ouverte à celui qui prétend la
fonder sur un intérêt illégitime » 511. Les notions de qualité et d’intérêt pour agir étant
indissociablement liées, le législateur prédéfinit de manière limitative les personnes habilitées à
saisir les organes compétents, et soumet leur saisine à la réclamation d’un droit ou la
contestation d’une situation irrégulière.

Bien qu’ouverte dans l’ensemble, la saisine des organes compétents est cependant
inégalement attribuées aux requérants. Le droit de contester les opérations préparatoires
devant les organes non juridictionnels est reconnu de manière extensive aux électeurs, aux
partis politiques, et à tout mandataire d’un parti politique ou d’un candidat. À l’inverse, l’on
remarque qu’il en va différemment selon que le litige est porté devant la Juridiction
administrative 512 ou devant le Conseil constitutionnel 513.

Il faudrait cependant remarquer que, outre la justification des conditions de recevabilité


relatives au requérant, la requête doit parallèlement être soumise à un formalisme permettant
l’examen de l’objet du recours. Le professeur Christian Debouy écrit opportunément dans
cette logique que les conditions tenant à la personne du requérant ne remplacent pas celles
relatives à l’objet du recours, mais les complètent en limitant encore un peu plus les conditions
d’accès au prétoire, puisque la recevabilité de la requête en dépend pour une grande part 514. Il
est dès lors nécessaire que nous abordions les conditions de saisine qui se rattachent à l’objet
du recours.

510 ROUSSEAU D., « De la démocratie continue », in ROUSSEAU D.(Dir.), La démocratie continue, Paris, LGDJ-
Bruylant, 1995, p. 6.
511 WIEDERKEHR G., « La légitimité de l’intérêt pour agir », in Mélanges en l’honneur de Serges Guinchard : justices et
droit du procès du légalisme procédural à l’humanisme processuel, Paris, Dalloz, 2012, p. 877-883.
512 Le droit de contester les opérations préliminaires est reconnu aux candidats, au mandataire de la liste ou de
toute autre liste ainsi qu’à tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune. En revanche,
concernant le contentieux des opérations électorales, le législateur limite le droit de saisine à trois catégories
de personnes, l’électeur, le candidat et toute personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour
l’élection en cause.
513 Le contentieux des élections nationales exclut l’électeur de la saisine. Ainsi, ne peuvent agir que les acteurs
qui sont directement impliqués dans l’élection, notamment, tout candidat, tout parti politique et toute
personne ayant qualité d’agent de Gouvernement pour l’élection en cause.
514 DEBOUY CH., Les moyens d’ordre public dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 345.

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CHAPITRE II.

LE RELATIF RIGORISME DES CONDITIONS OBJECTIVES DE SAISINE

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Les professeurs Jean Rivero et Jean Waline définissent le recours comme « tout moyen mis
par le droit à la disposition d’une personne pour faire redresser une situation par une autorité
publique, tout mode de réclamation juridiquement organisé. » 515 C’est en définitive une action,
« un droit reconnu aux personnes d’agir en justice et de faire respecter les règles de droit » 516.
L’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 stipule à cet égard que
« toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes
contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou
par la loi ». Le professeur René Chapus dans un sens restreint, définit le recours électoral
comme l’acte de procédure par lequel une personne saisit au principal une juridiction de
premier ou de dernier ressort aux fins de contestation des résultats d’un scrutin, dont elle veut
faire reconnaître le bien-fondé 517. Nonobstant l’existence du droit de saisine octroyé aux
individus, il faudrait relever que la saisine des organes compétents obéit au respect des
conditions subjectives et objectives de saisine. Cette disposition appelle une question
fondamentale permettant l’accès effectif aux organes compétents : quelles règles observer pour
réclamer la reconnaissance d’un droit ou contester une situation jugée irrégulière ? Cette
problématique permet de « dérouler le fil d’Ariane pouvant guider le justiciable dans le
labyrinthe de la procédure » dont la méconnaissance conduit au « cimetière où vont s’enterrer
les prétentions contentieuses des requérants » 518. En effet, ainsi que le souligne avec acuité
monsieur Sélim Jahel,
« (…) les règles qui gouvernent la recevabilité de l’action en justice ont, comme d’ailleurs la
plupart des règles de procédure, un caractère impératif. Pour autant, il n’ya pas lieu de parler de
règles d’ordre public, (…) mais de règles d’ordre processuel. Leur champ d’application ne
concerne pas en effet toute la vie sociale, il est limité à un secteur d’activité bien déterminé qui
porte sur l’organisation et le fonctionnement de la procédure devant les tribunaux » 519.

Les conditionnalités relatives au requérant et à l’objet du recours sont inéluctablement liées,


le défaut de l’une entraîne l’irrecevabilité du recours ou le rejet de celui-ci, d’où la nécessité de
se conformer aux règles relatives à la recevabilité formelle du recours d’une part (section I), et
à son examen au fond d’autre part (section II).

515 RIVERO J., WALINE M., Droit administratif, 21ème édition, Paris, Dalloz, 2006, p. 533.
516 CABRILLAC (Dir.), in Dictionnaire du vocabulaire juridique, op. cit., p. 12.
517 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13ème édition, Paris, Montchrestien, 2008, p. 368.
518 SINDJOUN L., « Esquisse de théorie du droit administratif camerounais (à propos du droit administratif
processuel du professeur Maurice Kamto) », op.cit., p. 324.
519 JAHEL S., « fin de non-recevoir et ordre processuel », in Justices et droit du procès : du légalisme procédural à
l’humanisme processuel, Paris, Dalloz., 2010, p. 723-730.

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SECTION I.

L’ÉLASTICITÉ DE LA RECEVABILITÉ DU RECOURS SUR LA FORME

Le contentieux électoral permet de porter à la connaissance des organes compétents, des


difficultés qui peuvent survenir à l’occasion de la tenue d’une élection et de « dire [dans]
quelles conditions juridiques l’expression des votes individuels aboutit à la désignation des
représentants » 520. Monsieur Garrido qualifie le droit d’accès à un organe compétent comme
le « premier des droits des individus, indispensable, essentiel, primordial à l’effectivité des
droits » 521. À cet égard, le règlement des litiges est subordonné au respect d’un formalisme lié
à la recevabilité des recours.

Considéré comme une « tendance générale dans une législation, à multiplier les formalités
dans la formation des actes juridiques ou l’exercice des droits, soit à des fins de preuve, soit à
des fins de publicité, soit à peine de nullité 522. La notion de forme quant à elle s’entend
comme toute façon d’agir, toute manière de procéder qui préside à l’accomplissement d’un
acte juridique ou au déroulement d’une série d’actes, à peine de nullité absolue 523, comporte
plusieurs acceptions ayant trait à la configuration extérieure, l’apparence reconnaissable ou
l’état sous lequel l’on perçoit une chose. La forme peut dès lors s’appréhender comme la
manière d’exprimer, de présenter quelque chose 524. Le dictionnaire du vocabulaire juridique
définit la forme comme une règle de procédure qui gouverne la « manière dont doit être
présentée, extériorisée une situation, une opération juridique, indiquant les formalités qui
doivent être accomplies » 525. En effet, le principe selon lequel « la forme prime sur le fond »
est à la base de la recevabilité de tout recours. Dans une espèce du 1 er février 1985, le juge
administratif camerounais a relevé le caractère impératif de la forme d’un recours en affirmant
qu’il est de tradition devant les juridictions administratives, d’examiner successivement les
questions de compétence, puis celles de procédure, et enfin le fond de l’affaire. L’accent mis
sur la nature procédurale du recours permet de ne plus se limiter au droit qui sous-tend la
saisine de l’organe compétent, mais de s’assurer du respect du formalisme procédural prévu
par le droit positif. Dans l’affaire Tonye Billong Joseph CS/CA jugement n°110 du 07 juillet 2004,

520 BARANGER D., Droit constitutionnel, ibid., p. 90.


521 GARRIDO L., Le droit d’accès au juge administratif. Enjeux, progrès et perspectives, Thèse de l’Université
Montesquieu-Bordeaux IV, novembre 2005, p. 4.
522 Vocabulaire juridique, op. cit., p. 474.
523 Vocabulaire juridique, ibidem, p. 426.
524 Dictionnaire universel, op. cit., p. 496.
525 Dictionnaire du vocabulaire juridique, op. cit., p. 192.

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le juge précise la préséance de la forme sur le fond, en énonçant que pour procéder au
jugement de l’espèce dont il était saisi, il convenait de vérifier préalablement la recevabilité de
ce recours en la forme. Qu’attendu que ce procédé sacro-saint est extrêmement logique
puisque ce n’est que dans la mesure où le juge est compétent qu’il pourra valablement se saisir
d’un dossier, et c’est par la suite qu’il aura à statuer sur le fond du litige si les conditions de
forme sont remplies 526.

L’examen du recours devant un organe compétent est soumis au respect des exigences liées
à sa recevabilité, notamment celles relatives à sa présentation formelle. Pour le professeur
Alexandre Ciaudo, « la plupart des conditions formelles d’introduction des recours érigées à
peine d’irrecevabilité a pour objet de permettre au juge d’identifier le litige qui lui est
soumis » 527. Le professeur Maryse Deguergue quant à elle écrit que « l’examen de la
recevabilité vise à contrôler le respect des règles de forme et de procédure que le requérant
doit suivre, autant dans la présentation formelle de la requête que dans la manière d’introduire
le recours choisi. » 528. Le formalisme relatif à la recevabilité formelle du recours se rapporte à
cet effet comme l’affirme le professeur Bernard Pacteau, à sa présentation (§ I), et au respect
des délais dans lesquels il doit être introduit (§ II) 529.

§ 1. LE DUALISME DE LA PRÉSENTATION DU RECOURS


Madame Odile De David Beauregard-Berthier définit la procédure comme « l’ensemble des
actes successivement accomplis pour parvenir à une décision » 530. Le formalisme en matière
processuelle diffère en fonction du domaine et de l’objet du recours. Concernant le
contentieux administratif 531 et celui qui intéresse le droit privé 532, le législateur subordonne la

526 Voir les affaires, 1er février 1985 Sende Joseph, CS/CA jugements n°110 du 07 juillet 2004, Tonye Billong
Joseph ; n°12 du 02 septembre 2002, Dang A Ziem (candidat SDF commune rurale de Bafia) contre État du
Cameroun ; n°113/CE/2001-2002 du 05 septembre 2002, UDC (commune urbaine de Bafia) contre État du
Cameroun (Minat) et SDF.
527 CIAUDIO A., L’irrecevabilité en contentieux administratif français, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques,
2009, p. 481.
528 DEGUERGUE M., Procédure contentieuse administrative, Paris, Montchrestien, 2003, p. 163.
529 PACTEAU B., Manuel de contentieux administratif, 3ème édition, Paris, PUF, 2013, p. 110 et 149.
530 DE DAVID BEAUREGARD-BERTHIER O., « Le contrôle du détournement de procédure en matière
d'élaboration des lois », Revue française de droit constitutionnel 2009/3 - n° 79, P.U.F, p. 451- 476.
531 La procédure administrative en apparence moins formaliste est essentiellement écrite. L’on note que c’est la
jurisprudence administrative qui est à l’origine de la distinction faite entre les formalités substantielles et
celles accessoires ou non substantielles. Les premières sont essentielles et leur méconnaissance est
sanctionnée par une nullité, puisqu’elles exercent une influence sur la validité de l’acte. A contrario, les
secondaires peuvent être régularisées, puisque leur inobservation n’invalide pas l’acte en cause. Voir les
développements de l’extrait sur le formalisme et le droit processuel, op. cit., p. 2.
532 Le formalisme en droit privé est très rigoureux dans la mesure où il concourt à la fois la garantie de la
liberté civile des individus et celle d'une bonne justice. Le formalisme et le droit processuel, ibidem, p. 3.

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recevabilité des recours à l’accomplissement des formalités relatives au dépôt d’une
consignation 533 et à la présentation du recours, notamment au caractère écrit de celui-ci 534.
Chaque juridiction étant soumise à une procédure dont l’observation permet à la fois d’éclairer
le juge et de garantir les intérêts des parties 535, l’on observe qu’en matière électorale, le
formalisme procédural est moins rigoureux, et l’accès aux organes compétents ne saurait être
considéré comme une « bastille à prendre » 536. La procédure est ambivalente, à la fois rigide et
souple, et déroge à certains caractères généraux du droit processuel 537. L’on remarque à cet
égard que le juge n’est pas figé dans un fétichisme formel, puisqu’il soumet la recevabilité des
recours à un formalisme flexible qui fait appel à la théorie des formalités substantielles 538. Le
professeur Yves Gaudemet écrit sur cette question que « la distinction des formalités
substantielles (ou essentielles) et des formalités non substantielles (ou accessoires ou
secondaires) présente un intérêt majeur en ce qui concerne la sanction des règles de forme 539.
La présentation des recours obéit ainsi au respect du formalisme qui vise l’identification des
parties d’une part (A), et du recours d’autre part (B).

533 L’article 3 de la loi n°17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême statuant en
matière administrative prévoit la consignation d’une provision de 15 000 francs pour toute requête
introductive d’instance, sauf dispense expresse par une loi.
L’article 24 du code de procédure civile et commerciale dispose que « hormis les cas d’assistance judiciaire,
le demandeur est tenu avant toute instance de consigner au greffe de la juridiction qu’il entend saisir une
somme suffisante pour garantir le paiement des frais, enregistrement compris. »
534 En matière administrative, les articles 4 et 5 de la loi n°17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la
Cour suprême statuant en matière administrative disposent que la requête introductive d’instance doit
contenir les noms, prénoms, profession et domicile du demandeur, la désignation du défendeur, l’exposé
des faits qui servent de base à la demande ; les moyens et l’énumération des pièces produites à l’appui de la
demande. Elle est libellée sur papier timbré et signée par son requérant ou son mandataire (…) si le recours
est dirigé contre une décision d’une autorité administrative, il est accompagné d’une copie de cette décision
(…).
L’article 19 du Code de procédure civile et commerciale camerounais dispose que les parties peuvent saisir
la juridiction compétente par requête et plaider sur mémoires.
L’article 20 complète cette disposition et relève la nécessité de remplir les conditions liées à la présentation
formelle de la requête introductive d’instance. Celle-ci doit contenir des mentions prévues à l’article 6 du
texte précité, relatives aux dates des jours, mois et an, nom, profession et domicile du demandeur ; aux
noms, demeure et matricule de l’huissier ou l’agent d’exécution, nom et demeure du défendeur, et mention
de la personne à laquelle copie de l’exploit sera laissée ; à l’objet de la demande, l’exposé sommaire des
moyens ; à l’indication du tribunal qui doit connaître de la demande, la date etc.
535 GAZIER F., « Principes généraux de la procédure administrative contentieuse », Répertoire du contentieux
administratif, Dalloz, oct. 1998, 16 p., p. 1.
536 SINDJOUN L. « Esquisse de théorie du droit administratif camerounais (à propos du droit administratif
processuel du professeur Maurice Kamto) », op.cit., p. 324.
537 Lire à ce propos les articles 80, 130, 134 et 295 alinéa 1 du Code électoral camerounais du 13 avril 2012.
538 La théorie des formalités substantielles développée par le droit administratif s’étend à d’autres disciplines,
en l’occurrence au contentieux électoral. Elle permet de distinguer les formalités comme une simple forme
sans influence sur la décision et celles dont la méconnaissance influe de manière déterminante sur le sens de
la décision.
539 DE LAUBADÈRE A., VENEZIA J.-Cl., GAUDEMET,Y., Traité de droit administratif, tome1, 14ème édition, Paris,
L.G.D.J., 1996, p. 680.

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A. L’indispensable identification des parties
La saisine des organes compétents obéit au respect des règles substantielles 540 dont le non-
respect entraîne l’irrecevabilité du recours. Le président Raymond Odent écrit à ce propos que
l’apport du juge administratif à l’égard de la théorie des « formalités substantielles » consiste à
obtenir un équilibre entre les exigences contradictoires qui se rapportent à l’aspect vertueux du
formalisme procédural qui garantit les intérêts légitimes des administrés d’une part, et celui
tatillon qui entraverait l’efficacité des services publics 541. Il en résulte incontestablement que
les formes de la procédure n’ont pas seulement pour objet la préservation de la solennité et
l’apparence prestigieuse de la justice, mais qu’elles visent conjointement la loyauté et la qualité
du procès lui-même.

Le recours est l’acte par lequel les parties saisissent l’organe compétent pour lui soumettre
une question qui nécessite une réponse de droit. Au-delà de ses différentes dénominations, il
convient de mentionner que cet acte introductif d’instance doit permettre l’identification des
parties. En effet, l’identification est indispensable, puisqu’elle permet de déterminer la qualité
et l’intérêt du requérant, et exclure du prétoire ceux qui n’en jouissent pas 542. Les parties 543
sont considérées comme les demandeurs, défendeurs, et accessoirement les intervenants
volontaires. Les mentions indispensables à l’identification des parties sont énumérées de
manière disparate par divers textes juridiques. La combinaison des articles 35 et 120 de la loi
n°2006-022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux
administratifs ; 76 alinéa 1 et 144 544 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant

540 Par formalité substantielle, on entend « une règle de procédure obligatoire dont la méconnaissance totale ou
partielle soit exerce une influence sur le sens de la décision dont elle régit l’édiction, soit prive les intéressés
d’une garantie ». Définition tirée d’un extrait consacré à la légalité externe des actes administratifs, [en
ligne], site : www.e-campus.uvsq.fr/claroline/backends/download.php?url... p. 23/58.
541 ODENT R. La procédure d’élaboration des actes administratifs en droit français. [En ligne], www.aca-
europe.eu/colloquia/1968/france-2.pdf . 17 p., p. 1.
542 Dans un jugement n°094/CE/06-07 du 12 juin 2007, Ngompe Jean contre État du Cameroun (Minatd), le juge
sanctionne le recours du requérant par une irrecevabilité aux motifs qu’il n’a pas la qualité pour agir,
puisque le recours collectif est irrecevable. Cette position est moins rigide dans le contentieux administratif.
L’article 33 de la loi n°2006/022 fixant l’organisation des tribunaux administratif prévoit une exception
lorsque le recours collectif est dirigé contre un acte indivisible.
543 Au Cameroun, la notion de parties est complexe. Si la définition de la notion de demandeur, encore appelée
requérant est en apparence simple, celle de défendeur révèle une complexité entretenue par les divers
aménagements institutionnels intervenus avec la création d’Elecam. Avant la création d’Elecam, les parties
à l’instance se limitaient au requérant et à l’État du Cameroun (Minatd) chargé d’organiser les processus
électoraux. Désormais, le contenu de la défense s’est développé, et fait intervenir Elecam (structure
indépendante chargée d’organiser et de superviser les processus électoraux et référendaires) et l’État du
Cameroun (Minatd), eu égard à sa mission régalienne relative dans le domaine de l’administration du
territoire.
544 Les dispositions de cet article abrogent toutes dispositions antérieures contraires à la présente loi,
notamment l’ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la cour suprême, les lois n°s
75/16 du 08 décembre 1975 fixant la procédure et le fonctionnement de la Cour suprême ; 76/28 du
14 décembre 1976 modifiant et complétant certaines dispositions de l’ordonnance n°72/06 du

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l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême ; 49 et 55 alinéa 1 de la loi n°2004-004
du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel énumèrent
toutefois de manière complémentaire les mentions indispensables dans une demande
introductive d’instance. Il en ressort que, la requête sous peine d’irrecevabilité, doit contenir
les nom (s), prénom(s), profession, qualité, domicile et adresse du requérant ainsi que sa
signature. Elle comporte en outre le nom de l’élu ou des élus dont l’élection est contestée. Le
caractère impérieux de ces mentions connaît cependant une inflexion qui permet la
régularisation des recours entachés de vices. La régularisation est ainsi définie par monsieur
Jean-Paul Pietri comme un « mécanisme procédural qui permet à un requérant, spontanément
ou non, de corriger un vice qui entache la recevabilité de sa requête lors du dépôt de celle-
ci. » 545 Malgré le silence du Code électoral en la matière, les articles 78 alinéa 1 et 37 alinéa 2
des lois fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême et des tribunaux
administratifs 546 accordent au requérant la possibilité de régulariser sa requête à l’invitation du
président de la Chambre dans un délai de quinze (15) jours. Ces dispositions, quoique visant la
garantie d’une bonne administration de la justice, ne s’appliquent pas à toutes les mentions, en
l’occurrence à celles relatives à l’identification des parties, elles prévoient néanmoins de
manière expresse, la possibilité de régulariser une requête introductive d’instance qui ne
comporterait pas la signature du requérant ou de son mandataire 547.

En matière électorale a contrario, la position du juge est fluctuante. Considéré comme le juge
de « l’incidence déterminante sur le résultat du scrutin », le juge électoral délaisse très souvent
ce principe cardinal que le professeur Jean-Claude Tcheuwa considère à raison comme
« principe déterminant du droit et du contentieux électoral », pour s’adonner à d’autres
considérations évanescentes qui ne lui permettent pas toujours de garder en esprit, la quête
d’un équilibre entre formalisme rigide et garantie de la sécurité juridique d’une part, et
formalisme et simplification des procédures d’autre part 548. C’est ainsi qu’il sanctionne
rigoureusement les recours qui ne permettent pas d’identifier à suffisance le demandeur. Il les

26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour suprême ; 75/17 du 08 décembre 1975 fixant la procédure
devant la Cour suprême statuant en matière administrative.
545 PIETRI J-P., « La régularisation des requêtes devant le juge administratif », in Gouverner, administrer, juger,
Mélanges offerts à Liber Amicorum, Jean Waline, Paris, Dalloz, 2002, p. 695-710.
546 Peuvent faire l’objet d’une régularisation, le versement d’une consignation supplémentaire ordonnée par le
président de la juridiction en cas de nécessité— cette hypothèse ne concerne pas la matière électorale,
puisque la procédure contentieuse est gratuite — ; le défaut de timbre sur la requête, ou de signature du
requérant ou de son mandataire ; etc.
547 Article 35 alinéa 2. Cette disposition brille par ailleurs par sa flexibilité, puisque le législateur accorde au
requérant illettré qui n’a pas de mandataire et ne peut signer, d’apposer son empreinte digitale sur la
requête.
548 Lire à ce sujet, TCHEUWA J.-Cl., « Droit étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op. cit., p. 1-29.

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qualifie d’ « anonymes » et les sanctionne par une fin de non-recevoir. Cette attitude du juge
électoral résulte de son incapacité à concilier ce que le professeur Jean-Claude Tcheuwa
considère comme la double exigence mettant en relief la sécurité juridique et la paix sociale
aptes à entretenir la confiance des citoyens dans des élections démocratiques de dévolution du
pouvoir dans l’État 549. En effet, le défaut d’identification ne saurait être comparé à une
identification incomplète, dès lors que la requête est susceptible d’être régularisée en cours
d’instance avant l’expiration du délai de recours. Selon monsieur Marc Feyereisen, « il y a lieu
de considérer logiquement que l’omission de l’indication d’une identité exacte de la partie
requérante dans la requête introductive d’instance n’entraîne la nullité de la requête que si cette
omission est de nature à violer les droits de la défense. » 550 Ainsi, compte tenu du silence de la
loi sur les possibilités de régularisation des mentions relatives à l’identité des parties, il
convient d’avancer qu’il revient aux juges de créer le droit au moyen de leurs décisions, afin
que celui-ci ne soit pas cristallisé dans un formalisme outrancier.

L’examen d’un recours nécessite, outre le respect des formalités relatives à l’identification
de la requête et des parties, mais également celles ayant trait à l’objet du recours.

B. L’identification de l’objet du recours


Considérée comme un élément essentiel dans le formalisme procédural, l’identification de
la requête renvoie aux éléments qui la constituent. Le professeur Georges Dupuis observe
concernant la présentation des actes administratifs que « la tentation est grande de confondre
la forme et la procédure (…). En réalité, la forme et la procédure sont deux données
radicalement différentes. » 551 Cette différenciation opérée par le professeur Dupuis ne saurait
s’appliquer au contentieux électoral qui est caractérisé par la souplesse de son formalisme. En
effet, la forme et la procédure se complètent, puisqu’elles participent à l’aboutissement de
l’action. Le Code électoral, contrairement aux dispositions antérieures des différentes lois
électorales, ne précise pas de manière expresse la forme du recours. L’on constate néanmoins
qu’en matière procédurale, la saisine des organes compétents obéit au principe de la

549 TCHEUWA J.-Cl., « Droit étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral camerounais : à propos
de « l’influence significative sur le résultat du scrutin », ibid, p. 6.
550 FEYEREISEN M., GUILLOT J., SALVADOR S., Procédure administrative contentieuse, Luxembourg, Promoculture,
2006, p. 242.
551 Selon le professeur DUPUIS, la forme concerne l’écrit, "l’instrumentum" : elle concerne la date, les visas, les
motifs la présentation en articles, la forme exécutoire, les signatures et les contreseings (…). A contrario, la
procédure est relative "au negotium" qui est l’ensemble des faits et gestes de l’auteur de l’acte, l’ensemble
des délais à respecter, les droits de la défense (…). DUPUIS G., Sur la forme et la procédure de l’acte administratif,
Paris, Economica, 1979, p. 9.

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« scriptomanie » qui résulte de la pratique administrative 552, et qui impose l’écrit comme mode
privilégie de saisine 553. Nonobstant la souplesse du formalisme procédural en matière
électorale, le caractère écrit s’impose comme une exigence requise pour la recevabilité des
recours. Le Code électoral dispose que les requérants peuvent réclamer ou contester « sur
simple requête », « sans frais ni forme de procédure » 554, ce qui suppose que le recours ne
saurait être introduit verbalement, ni par voie téléphonique.

Outre l’exigence de la forme écrite, l’identification du recours se rapporte également à son


objet, notamment à la substance de la demande, ou à la cause qui est portée à la connaissance
de l’organe compétent et qui relève de sa compétence. Pour le professeur Olivier Gohin, la
notion de cause renvoie à celle de moyen, puisqu’elle est considérée comme « un ensemble
coordonné et homogène de moyens soulevés dans le cadre des conclusions de la
demande » 555. Ainsi, le requérant ne pouvant pas se contenter de soumettre uniquement une
situation de fait au juge, il doit formuler une argumentation juridique permettant l’ouverture
de l’instruction et des débats contradictoires qui cristallisent l’instance, bien que ce principe de
l’immutabilité ne soit pas absolu 556.

Nonobstant le silence de la loi électorale sur la forme des recours en appel devant la
Chambre administrative 557, il convient de relever que le formalisme qui y est rattaché est
strictement défini. En effet, au regard des dispositions des articles 74 et 76 de la loi
n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour
suprême, l’appel est fait par déclaration au greffe de la juridiction inférieure en matière de
contentieux dont émane la décision attaquée, par le demandeur en personne, par son avocat
ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial à peine d’irrecevabilité. Le greffier qui le reçoit
enregistre l’appel dresse le procès-verbal et en délivre une expédition au demandeur, et lui
notifie par écrit des délais auxquels il est soumis pour déposer son mémoire. Ce dernier doit
contenir les éléments permettant l’identification aussi bien du recourant que du recours, en
l’occurrence les noms et prénoms, profession et domicile de l’appelant, l’exposé des faits qui

552 Le professeur Bernard PACTEAU considère la procédure contentieuse administrative comme principalement
écrite. Cette prédominance étant justifiée par un souci de rationalisation du procès administratif. PACTEAU
B., Traité de contentieux administratif, 1ère édition, Paris, PUF, 2008, p. 302.
553 Terme employé par Roger Gabriel NLEP in L’administration publique camerounaise « contribution à l’étude des
systèmes africains d’administration publique », op.cit., p. 311.
554 Voir les articles 81 alinéa 3, 130 alinéa 4, 189 alinéa 1 et 194 alinéa 1 du Code électoral.
555 GOHIN O., Contentieux administratif, 2ème édition, op. cit., p. 215.
556 Lire sur cette question CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13ème édition, Paris, Montchrestien, 2008,
p. 741.
557 La Chambre administrative est désormais compétente, eu égard aux dispositions de l’article 38 (a), de la loi
n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême, pour
connaître des appels formés contre les décisions rendues en matière de contentieux des élections régionales
et municipales.

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servent de base à l’appel, les moyens ainsi que l’énumération des pièces y annexées. Ce
formalisme susmentionné est toutefois soumis au respect des délais de saisine des organes
compétents.

§ 2. LE RESPECT SCRUPULEUX DES DÉLAIS DE SAISINE


Le professeur Loïc Cadiet, précise relativement aux délais procéduraux que « le temps est
inséparable du procès. Tout procès s’inscrit dans la durée en tant qu’il est procédure de
jugement. De même que l’instance se noue avec la saisine de la juridiction, de même elle se
dénoue, en principe avec le jugement de la juridiction » 558. Selon Monsieur Didier Cholet, « la
durée est inhérente au procès, elle lui est consubstantielle » 559. Certes, la notion de délai est
définie de manière extensive, elle englobe aussi bien les délais de procédure que les délais
raisonnables. Elle permet au justiciable de voir un tribunal examiner sa contestation dans un
laps de temps ne portant pas atteinte à l’effectivité du droit d’accès au juge 560. Dans le cadre
de cette section, nous limiterons notre propos aux délais intéressant l’introduction de
l’instance.

Défini d’une part comme « le temps accordé pour faire une chose, pour s’acquitter d’une
obligation » 561, et d’autre part comme une exigence temporelle imposée aux parties en cours
d’instance, pour accomplir un acte de procédure 562, un « espace de temps à l’écoulement
duquel s’attache un effet de droit » 563 ou encore comme « le temps accordé à l’un ou l’autre
des protagonistes d’une procédure pour réaliser une formalité précise » 564, les délais sont
considérés comme une exigence du formalisme procédural, ils sont d’ordre public 565, et
dominent toutes les procédures —civiles, pénales, sociales, administratives, etc. — Le
professeur Christian Debouy note dans ce sens que le temps imparti pour accomplir des actes
de procédure constitue un élément fondamental des « garanties fondamentales accordées aux

558 CADIET L.NORMAND J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 799.
559 CHOLET D. La célérité de la procédure en droit processuel, préface de Geneviève Giudicelli-Delage, Paris,
L.G.D.J., 2006, p. 2.
560 Lire la définition du délai raisonnable in, Dictionnaire du vocabulaire juridique, op.cit., p. 131.
561 Dictionnaire universel op.cit., p.332.
562 Dictionnaire du vocabulaire juridique, op.cit., p. 131.
563 CORNU G.,Vocabulaire juridique, op. cit., p. 313.
564 Lexiques des termes juridiques, 22ème édition, op. cit., p. 325.
565 Selon le professeur Alexandre Ciaudio, les moyens d’ordre public permettent d’organiser l’accès au juge en
rappelant aux justiciables les règles qu’ils doivent respecter. Pour lui en effet, les sanctions liées à
l’inobservation des délais de recours ont été érigés afin de protéger la sécurité juridique. Ainsi,
l’irrecevabilité du recours pourrait davantage être considérée comme une garantie des droits des administrés
qu’une atteinte à ceux-ci. CIAUDIO A., « Moyens d’ordre public et garantie des droits des administrés »,
Petites affiches, n°240, 2 décembre 2009, p. 3-14.

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citoyens pour l’exercice de libertés publiques » 566. Monsieur Odent quant à lui réaffirme le
caractère impératif des délais de procédure et précise que, « quel que soit le délai de recours,
son respect s’impose au juge qui doit soulever d’office la fin de non-recevoir tirée de ce qu’une
requête ou certaines conclusions qu’elle contient ont été présentées après l’expiration du délai
légal (…) » 567. Le professeur René Chapus précise à ce sujet que l’irrecevabilité du recours est
la conséquence la plus immédiate et attendue, en cas de non-respect des délais 568.

Le régime juridique des délais dans le contentieux électoral est spécifique. Cette spécificité
se manifeste au travers de la diversité des délais applicables à chaque élection, et du principe
de célérité 569 de l’instance qui exige que les délais soient brefs. Selon le professeur Jean-Claude
Masclet « il importe que le résultat réel de l’élection soit fixé sans tarder pour que le doute ne
subsiste pas sur la qualité de ceux qui ont été légitimement élus, ou pour que ceux qui ont
acquis leur élection de manière irrégulière n’exercent pas plus longtemps un mandat
usurpé » 570.

Dans cette logique de célérité, le Conseil constitutionnel français, soucieux de respecter la


diligence nécessaire à la matière électorale, affirme qu’ « il n’est pas souhaitable, il est vrai, que
l’élu reste trop longtemps dans la crainte d’une remise en cause de son mandat » 571.
Nonobstant le principe de célérité qui commande le contentieux électoral, l’on relève une
persistante plasticité des délais de saisine dans le contentieux de la liste électorale (A). À
l’inverse, on relève que les délais applicables au contentieux des opérations préliminaires et
post-électorales, sont strictement réglementés (B).

A. L’extensibilité des délais applicables au contentieux des opérations


préparatoires
Pour Madame Véronique Bertile, l’élection constitue le premier principe de la démocratie
représentative. Elle fait du peuple l’acteur central de la démocratie et commande concrètement
la mise en œuvre de mécanismes appropriés pour permettre au peuple de jouir effectivement

566 DEBOUY CHR., « Le temps en procédure administrative », Annales de l’Université de Clermont, 1983, p. 142.
567 DEBOUY CHR., Les moyens d’ordre public dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 303.
568 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13ème édition, op. cit., p. 662.
569 Concernant la célérité des procédures, monsieur Didier Cholet écrit que celle-ci est un objectif politique,
antonyme de la lenteur excessive concourant à l’amélioration du fonctionnement des tribunaux et
l’accélération du traitement des litiges. CHOLET D. La célérité de la procédure en droit processuel, ibid., p. 24.
570 MASCLET J.-CL., Le droit des élections politiques, op.cit., p. 105 ; Lire par ailleurs sur la question, DUGRIP O.,
L’urgence contentieuse devant les juridictions administratives, Paris, Puf, 1991, p. 13.
571 Bilan du contentieux des élections législatives des 9 et 16 juin 2002. Décisions rendues après instruction (octobre 2002-
avril 2003), 34 p., p. 3. Sources : Services du Conseil constitutionnel.

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de leur souveraineté. 572 La garantie du droit de vote reconnu aux citoyens devient à cet égard
un impératif qui s’impose aux pouvoirs publics. Maurice Hauriou observe opportunément
que, « de même que chaque citoyen a le bulletin de vote, de même il convient qu’il ait la
réclamation contentieuse. Ces deux armes se complètent. Et il n’ya pas de trop de toutes les
deux contre la machinerie de l’État, de plus en plus anonyme » 573. Assurément, la garantie du
droit de vote, entraîne parallèlement celui d’inscription sur les listes électorales. Les
réclamations et contestations qui peuvent à cet égard survenir à l’occasion de cette procédure
sont portées de manière graduelle et conditionnelle devant les organes non juridictionnels et
juridictionnels, et obéissent à un formalisme malléable. À l’évidence, la malléabilité du
formalisme procédural relevée dans le contentieux de la liste électorale résulte des lacunes
continuées sur la question par le Code électoral (2), d’où la nécessité d’analyser, au moyen du
raisonnement par contrario, les dispositions antérieures y afférentes (1) afin de pallier les
lacunes, et les ambiguïtés qui affectent le formalisme relatif aux délais de saisine dans le
contentieux de la liste électorale. L’établissement et la distribution de la carte électorale étant
soumis à l’inscription préalable sur la liste électorale, nous n’aborderons pas le contentieux de
la carte électorale qui est quasi-inexistant.

1. Le régime des délais applicable au contentieux de la liste électorale avant


l’adoption du Code électoral
Antérieurement organisé par les lois n°s 92-002 du 14 août 1992, fixant les conditions
d'élection des conseillers municipaux modifiée et complétée par la loi n°2006/010 du
29 décembre 2006 d’une part; et 91-20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection
des députés à l’Assemblée nationale, modifiée et complétée par la loi n°97-13 du 19 mars 1997
et par celle n°2006/009 du 29 décembre 2006 ; celle de la loi n°2011/0202 du 06 mai 2011
modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°92/010 du 17 septembre 1992 fixant
les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République, le contentieux de la
liste électorale est imparfaitement encadré par des délais ne couvrant pas tous les aspects qui
se rapportent à la liste électorale.

Relativement aux réclamations liées à l’inscription sur les listes électorales, l’on note que le
législateur avait éludé les questions relatives au refus d’inscription sur les listes électorales, mais
avait prévu des délais de saisine en ce qui concernait les contestations relatives à l’inscription
sur plusieurs listes électorales. Il en résulte que le requérant devait à cet effet, exiger devant la
commission de révision compétente, huit (08) jours avant la clôture des opérations

572 BERTILE V, Les paradoxes de la démocratie : Droits et devoirs de l’électeur et de l’élu, p. 6. [En ligne], diponible sur :
http : www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC8/BertileTXTpdf. (Consulté le 02/02/2011).
573 HAURIOU M., Précis de droit administratif, 11ème édition, 1927, p. 942.

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d’inscription, que l’électeur concerné opte pour son maintien sur l’une de ces listes 574. Ce
dernier avait par ailleurs la possibilité dans les cinq (05) jours de la notification, de saisir la
CDS lorsqu’il avait fait l’objet d’une radiation d’office de la part de la CRLE. À l’identique,
l’on observe que la Cour d’appel pouvait être saisie de la contestation de la décision rendue par
les commissions de supervision compétentes, dans les trois (03) jours de ladite décision 575. Le
souci du législateur d’encadrer cet aspect des opérations d’inscription sur les listes électorales
pourrait être justifié par le fait que l’inscription multiple est un délit réprimé par l’article 122 du
Code pénal, puisque violant le principe d’égalité de suffrage.

À l’inverse, les réclamations relatives à l’omission sur les listes électorales n’étaient soumises
à aucune condition temporelle. Les articles 55 alinéa 1 et 39 alinéa 1 respectivement des lois
relatives à l’élection des députés et à celle du président de la République disposaient à cet égard
que « pendant la période de révision électorale, (…) tout citoyen omis sur la liste peut
demander son insertion ». La saisine des organes compétents s’effectuait par inscription sur un
registre ouvert dans chaque sous-préfecture, et c’est le sous-préfet qui en donnait récépissé et
les transmettait à la commission de supervision compétente, en l’occurrence la commission
communale ou départementale de supervision 576. Cette illimitation temporelle avait un effet
équivoque sur le règlement du contentieux de la liste. Dans un premier temps, l’illimitation
paraissait simplificatrice, puisqu’elle n’imposait pas un formalisme outrancier. Dans un second
temps en revanche, celle-ci constituait un risque pour le requérant qui pouvait voir sa requête
rejetée, pour forclusion ou comme étant sans objet, la phase de l’opération électorale en cause
étant passée.

À l’évidence, il serait approprié de reconnaître que le régime des délais de saisine applicable
au contentieux de la liste électorale a subi de profondes mutations tant sur le plan
institutionnel —avec la création d’Elecam— que sur celui normatif.

574 Articles 56 alinéa 1 et 40 alinéa 1 des lois relatives à l’élection des députés à l’Assemblée nationale et du
président de la République.
575 Articles 43 alinéa 3 et 43 alinéa 5 des lois relatives à l’élection des députés à l’Assemblée nationale et du
président de la République.
576 Articles 16, 42 et 55 alinéa 2, et 39 alinéa 2 des lois respectivement, n°s 92/002 du 14 août 1992 fixant les
conditions d’élection des conseillers municipaux, 91/20 du 16 décembre 1991 fixant les conditions
d'élections des députés à l'Assemblée nationale, et 97/020 du 9 septembre 1997 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n°92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d'élection et de
suppléance à l a présidence de la République.

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2. Le régime des délais applicable au contentieux de la liste électorale après
l’adoption du Code électoral
La malléabilité du contentieux de la liste électorale résulte des multiples aménagements qui
ont été opérés dans le cadre juridique y afférent 577. Le caractère permanent des listes
électorales nécessite que la période consacrée à la révision annuelle soit décomposée en deux
phases.

La première phase se rapporte aux inscriptions sur les listes électorales et s’achève avec la
publication de la liste provisoire, et permet la saisine de la CRLE ou le cas échéant la CDS
pour contester ou réclamer un refus d’inscription sur la liste électorale d’une part, et d’autre
part pour constater des irrégularités ou omissions sur la liste provisoire 578.

La deuxième phase qui s’achève avec la publication de la liste nationale, permet la prise en
compte des rectifications apportées à la liste électorale provisoire, et ouvre la voie aux
réclamations ou contestations relatives à une omission, une erreur ou une inscription d’un
électeur plusieurs fois sur la liste électorale 579. Il en résulte que les réclamations et les
contestations relatives aux opérations d’inscription sur les listes électorales s’arriment
nécessairement au calendrier prédéfini par le législateur.

À l’inverse des dispositions des lois antérieures, l’on observe que le Code électoral bien que
couvrant tous les aspects du contentieux de la liste électorale, demeure silencieux sur les délais
applicables à la saisine des organes compétents. Il en résulte que l’électeur pourrait déclencher
son action non pas dans des délais bien définis, mais dans un intervalle de temps séparant les
différentes phases relatives à la révision de la liste électorale. Ainsi, eu égard aux dispositions
de l’article 78 alinéas 2 et 3 580, le requérant peut réclamer ou contester un refus d’inscription
sur la liste électorale, faire constater une omission ou une erreur sur la liste électorale à partir
du 20 octobre. L’intervalle de temps qui sépare la publication de la liste provisoire de la
période à laquelle le procès-verbal des opérations rectificatives opérées par la CRLE est
adressé au démembrement départemental —au plus tard le 10 novembre— pourrait être

577 Les dispositions de l’article 297 du Code électoral abrogent et remplacent les dispositions de toutes les lois
antérieures dont l’objet se rapporte aux élections politiques.
578 Articles 63, 73 alinéa 4, et 78 alinéa 3 du Code électoral.
579 Articles 78, 79, 80 et 81 alinéa 2 du Code électoral.
580 L’article susvisé dispose qu’ au plus tard le 5 septembre, le président de la commission de révision des listes
électorales adresse le procès-verbal des travaux de ladite commission au démembrement départemental
d’Elections Cameroon. Sont annexés à ce procès-verbal, les documents relatifs aux radiations et
modifications. Après la saisie, les vérifications techniques et l’établissement du fichier électoral provisoire
du département, le responsable du démembrement départemental d’Elections Cameroon transmet les listes
électorales provisoires correspondantes aux démembrements communaux concernés pour affichage au plus
tard le 20 octobre. Dès la publication des listes électorales provisoires, tout parti politique, tout électeur
peut saisir la commission de révision ou, le cas échéant, la commission départementale de supervision des
irrégularités ou omissions constatées.

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considéré comme le délai imparti au requérant pour former son action, soit un minimum de
vingt (20) jours.

En ce qui concerne la deuxième phase, il convient de remarquer que le législateur demeure


constant dans sa logique d’imprécision. Les réclamations ou contestations adressées au Conseil
électoral relativement à une omission, une erreur ou une inscription plusieurs fois sur les listes
électorales s’effectuent à partir du 30 décembre, en application de la combinaison des
articles 80 et 81 du Code électoral. À l’analyse, l’on pourrait relever que contrairement à la
première étape, le requérant ne dispose pas d’intervalle de temps dans lequel il pourrait saisir le
Conseil électoral. Le législateur ne précise davantage pas à quel moment la décision rendue par
le Conseil électoral pourra être portée devant la Cour d’appel intervenant en dernier ressort
sur la question.

L’illimitation temporelle qui domine le contentieux de la liste électorale participe à décroître


considérablement la garantie du droit de vote des citoyens, d’où la nécessité de pallier les vides
laissés par l’application non des règles antérieures, puisqu’elles ont été abrogées par les
dispositions de l’article 297 du Code électoral, mais par les règles de droit commun, en
l’occurrence l’article 14 du Code de procédure civile et commerciale camerounais, en
exécution de l’article 56 du décret du 27 novembre 1954 qui dispose que « Le délai ordinaire
d'assignation sera de huit jours pour ceux qui sont domiciliés dans le lieu où siège le tribunal
(…). Dans les cas qui requerront la célérité, le président pourra par ordonnance rendue sur
requête, permettre d'assigner à bref délai ». Eu égard aux dispositions susmentionnées, l’on
pourrait déduire que le requérant dispose d’un délai maximal de 8 jours pour saisir l’organe
compétent pour réclamer ou contester les opérations liées à la liste électorale, puisque le
contentieux électoral est dominé par le principe de la célérité. Il devient dès lors impératif que
le droit de vote, considéré comme un droit fondamental, soit garanti par des mécanismes
précis et simplifiés le rendant effectif. Le sénateur Gérald Beaudouin remarque ainsi que
« toute dilution de l’importance et de la signification d’un suffrage est un affaiblissement du
processus démocratique. (…). Le droit de vote est trop précieux et important pour être
diminué inutilement ou déraisonnablement » 581.

À l’inverse du contentieux relatif aux opérations préparatoires, l’on constate que les délais
applicables au contentieux des préliminaires et des opérations post électorales sont strictement
encadrés.

581 Affirmation du juge Cory dans l’arrêt Haig c Canada (Directeur général des élections), [1993] 2R.C.S. 995 cité par
BEAUDOUIN G. A., « Élections et groupes de pression », in Constitution et élections, op.cit. p. 9-60, p. 38.

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B. Le caractère abrégé des délais applicables au contentieux des
opérations préliminaires et postélectorales
En général, les délais de procédure dans le contentieux des élections sont caractérisés par
leur brièveté. Monsieur Serge Daël rattache la réduction des délais de procédure en matière
électorale au souci d’urgence nécessitant que les opérations électorales soient purgées des vices
qui auraient pu le cas échéant les entacher 582. Les délais varient en fonction de l’élection, de
l’objet du recours et de l’étape de la procédure, ils sont multiples et variés, et s’expriment en
nombre de jour. Ces disparités confortent la pensée de madame Sévérine Buffet qui qualifie le
recours électoral de « situation contrastée » 583. En effet, le contraste relevé ici découle des
altérités constatées dans les délais de procédure applicables à la contestation des opérations
préliminaires (1) et postélectorales (2) relatives aux élections législatives, présidentielles et
municipales.

1. La variabilité des délais applicables au contentieux des opérations préliminaires


Les opérations préliminaires précèdent l’élection, et se rapportent au rejet ou à l’acceptation
des candidatures, au choix de la couleur, du sigle ou du symbole par un candidat, ainsi qu’à la
campagne électorale. Le contentieux y afférant vise la garantie du droit des citoyens à être élu.
À cet égard, les contestations et réclamations y relatives sont encadrées par des délais
rigoureux. Le contentieux des opérations préliminaires a décru avec l’adoption du Code
électoral, il est désormais limité aux contestations et réclamations relatives au rejet ou à
l’acceptation des candidatures, à la couleur au sigle ou au symbole adopté par un candidat.
Indéniablement, les délais applicables aux opérations préliminaires varient en fonction de
l’élection en cause. Il convient cependant de remarquer qu’ils sont très courts en ce qui
concerne les élections nationales (a), à l’inverse de l’élection des conseillers municipaux (b).

a. L’excessive brièveté des délais applicables au contentieux des élections nationales


Contrairement aux dispositions antérieures qui étendaient le contentieux des opérations
préliminaires à la sanction des faits de campagne, l’on observe que les dispositions du Code
électoral sont restrictives, et limitent le contentieux des préliminaires à la déclaration des
candidatures ainsi qu’à celle de la couleur, du sigle ou du symbole adopté par un candidat 584.

L’article 129 du Code électoral fixe les délais de saisine applicables au contentieux relatif au
rejet ou à l’acceptation d’une candidature ainsi qu’à celles relatives à la couleur, au sigle ou au

582 DAËL S., Contentieux administratif, 4ème édition, Paris, Puf, 2013, p. 111.
583 BUFFET S., Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, op.cit., p. 435.
584 La procédure relative au constat de l’inéligibilité et de la déchéance d’un candidat, fixée par les articles
158 alinéa 2 et 161 alinéa 3 du Code électoral n’est encadrée par aucun délai.

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symbole adopté par un candidat. Il en résulte que le requérant, en l’occurrence tout candidat,
tout parti politique ayant pris part à l’élection, toute personne ayant qualité d’agent du
Gouvernement pour l’élection dispose d’un délai de deux (02) jours maximum suivant la
publication des candidatures pour saisir le conseil constitutionnel. Ces dispositions
s’appliquent aussi bien à l’élection du président de la République qu’à celle des députés à
l’Assemblée nationale.

Il convient cependant de préciser relativement au caractère des délais qu’ils ne sont pas
francs. Ils excluent le dies a quo —expression latine qui signifie à compter du jour où, le point
de départ du délai— et incluent le dies a quem —cette expression signifie jusqu’au jour où, c’est
à-dire le dernier jour, point d’arrivée du délai—. Selon monsieur Charles Méjean, lorsque la loi
a fixé un délai pour la présentation de la requête, c’est la notification ou la publication de la
décision qui fait courir le délai 585.

Le régime des délais en matière électorale est très équivoque. Certes, la brièveté des délais
concourt à la protection du mandat des élus, et empêche que les contestations ne gèlent la
situation des élus au regard du cumul des mandats —puisque la brièveté des délais leur permet
de démissionner de tel ou tel mandat et de n’exercer l’option que lorsque l’élection est
confirmée— 586, elle entraîne cependant un effet néfaste sur l’issue de l’instance, parce que ne
permettant pas au requérant de rassembler suffisamment d’éléments de preuves pour fonder
et justifier son recours. La méconnaissance des délais de saisine rigoureusement sanctionnée
par une fin de non-recevoir, et généralement fondée sur le caractère prématuré ou tardif du
recours— lorsque le délai expire, la requête est déclarée forclose, à l’inverse, elle est
prématurée lorsqu’elle intervient avant le point de départ du délai—, fragilise le principe de
l’accès au juge, puisque, comme le souligne fort opportunément Henry Vizioz, le but de
l’instance, au-delà de cette succession de formes et de délais à respecter, est de faire statuer le
juge sur un recours et d’aboutir au prononcé d’un jugement 587.

Le caractère excessivement bref des délais de saisine pourrait être justifié par la nature de
l’organe qui connaît du contentieux en cause. En effet, les élections nationales ressortissent de
la compétence du Conseil constitutionnel, et le caractère de chose jugée qui est rattaché à ses
décisions ne favorise pas des instances qui s’éternisent 588. Le contentieux des préliminaires se
rapportant à l’élection municipale est en revanche régi par des délais plus flexibles.

585 MÉJEAN CH., La procédure devant le tribunal administratif, op. cit., p. 54.
586 CAMBY J.-P., Le Conseil constitutionnel, juge électoral,6ème édition, Paris, Dalloz, 2013, p. 20. ; MENOUNI A.,
« Constitution et contentieux électoral », op. cit., p. 337.
587 VIZIOZ H., Etudes de procédure, op. cit, p. 12.
588 Les Articles 50 alinéa 1 et 15 alinéas 3 et 4 respectivement de la Constitution et de la loi fixant le
fonctionnement du Conseil constitutionnel disposent que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont
susceptibles d’aucun recours, elles s’imposent aux pouvoirs publics et doivent être exécutées sans délai.

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b. Le caractère pragmatique des délais applicables à l’élection municipale
Considérée comme une élection de proximité, l’élection municipale constitue « l’instrument
principal de la mise en œuvre de la démocratie locale »589. Le contentieux des opérations
préliminaires a été, à l’instar de celui relatif aux élections nationales sévèrement amoindri.
Englobant antérieurement la contestation des faits de campagne, notamment le comportement
des candidats ou de leurs représentants en période électorale 590, le contentieux des opérations
préliminaires est désormais circonscrit aux déclarations des candidatures.

Les contestations relatives au rejet ou à l’acceptation d’une candidature sont enserrées dans
des délais relativement étendus. Contrairement aux délais qui sont appliqués au contentieux
des élections nationales, l’on observe que les délais qui gouvernent le contentieux des élections
municipales sont relativement étendus. L’article 189 alinéa 2 du code électoral accorde un délai
de cinq (05) jours au candidat, au mandataire de la liste intéressée ou de toute liste, à l’électeur
inscrit sur la liste électorale de la commune concernée, pour contester le rejet ou l’acceptation
d’une liste électorale rendue le Conseil électoral. L’extension du droit de saisine et des délais de
saisine révèle de la part du législateur, un souci d’impliquer les citoyens à la gestion des affaires
de leur cité, puisque comme le souligne monsieur Néjib Belaïd, « [le local] contribue (…) au
renforcement du sentiment d’appartenance à la collectivité » 591.

Le contentieux de la candidature entendu dans un sens large, englobe parallèlement les


recours visant la validité du mandat des élus, notamment la constatation de l’inéligibilité d’un
candidat, ou le cas échéant, sa déchéance. Il est déclenché relativement à l’inéligibilité, à la
diligence de toute personne intéressée, ou du ministère public. A contrario, la déchéance est
constatée suite à une délibération du conseil municipal, par arrêté du ministre chargé des
collectivités territoriales décentralisées. Il convient d’observer à propos de ce contentieux, qu’il
n’est enserré dans aucun délai de saisine, nonobstant le caractère prééminent qui le caractérise,
ce qui participe à la fragilisation de la validité de l’intégrité du contentieux des préliminaires,
rehaussé cependant par un contentieux postélectoral efficient.

2. L’inégalité du régime applicable au contentieux des opérations postélectorales


Le contentieux des opérations postélectorales, concourt à la garantie de la régularité du
scrutin, et se rapporte à la contestation des résultats du scrutin. Les délais qui lui sont
applicables sont strictement réglementés et varient à l’instar du contentieux des opérations
préliminaires, en fonction de l’élection en cause. Les articles 133 et 194 alinéa 2 du Code

589 BELAÏD N., « Constitution et élections locales », in Recueil des cours Constitution et élection, op.cit., p. 91-135.
590 Articles 12 alinéa 2 paragraphe 5 et 28 alinéa 2 de la loi n°92-002 du 14 août 1992, fixant les conditions
d'élection des conseillers municipaux. Modifiée et complétée par la loi n°2006/010 du 29 décembre 2006
591 BELAÏD N., « Constitution et élections locales », in Recueil des cours Constitution et élection, op.cit., p. 101.

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électoral précisent les délais pendant lesquels le Conseil constitutionnel et la juridiction
administrative doivent être saisis des contestations relatives à l’annulation totale ou partielle
des opérations électorales.

a. Devant le Conseil constitutionnel


Chargé de la régularité des élections du président de la République et des députés à
l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel connaît des demandes en annulation totale
ou partielle des opérations électorales. Les contestations portées devant ce dernier doivent être
formulées dans un délai maximum de soixante-douze (72) heures à compter de la date de
clôture du scrutin 592. Il en résulte que le contentieux des résultats du scrutin ne tient pas
compte de la date de proclamation des résultats du scrutin 593, la computation des délais court
à compter de la date de clôture du scrutin et s’achève le dernier jour du délai, ce qui intègre
aussi bien le dies a quo que le dies a quem. Si les délais de saisine applicables aux élections
nationales, notamment l’élection du président de la République et des députés à l’Assemblée
nationale leur sont communs, ceux qui encadrent l’élection des conseillers municipaux se
caractérisent par leur étirement d’une part, et le respect du double degré de juridiction qui
préside l’instance d’autre part.

b. Devant la juridiction administrative


Les demandes en annulation totale ou partielle des opérations électorales relatives à
l’élection des conseillers municipaux obéissent à la règle du double degré de juridiction, et
permettent l’intervention des tribunaux administratifs en premier ressort et de la Chambre
administrative en appel et dernier ressort 594. Il s’ensuit dès lors que les délais de saisine qui
encadrent la saisine du juge compétent sont relativement étalés. Par dérogation aux
dispositions des articles 17, 18 et 19 de la loi relative à l’organisation et au fonctionnement des
tribunaux administratifs, et en application des dispositions de l’article 194 alinéa 2 du Code
électoral, tout électeur, tout candidat, toute personne ayant qualité d’agent du gouvernement
pour l’élection peut, dans un délai maximum de cinq (05) jours, saisir la juridiction
administrative pour demander l’annulation totale ou partielle des opérations électorales.

592 Articles 133 alinéa 1, 168 alinéa 2 du Code électoral, et 42 alinéa1 de la loi fixant le fonctionnement du
Conseil constitutionnel.
593 Les délais relatifs à la proclamation des résultats varient en fonction de l’élection. En effet, aux termes des
dispositions des articles 137 et 168 alinéa 1 du code électoral, le Conseil constitutionnel dispose d’un délai
de quinze (15) jours et de vingt (20) à jours à compter de la date de clôture du scrutin pour proclamer
respectivement, l’élection du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale.
594 Articles 2 alinéa 2, 72 et 73, successivement des lois n°s°2006/022 et 016 du 29 décembre 2006 fixant
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs et de la Cour suprême.

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À l’inverse du contentieux devant le Conseil constitutionnel dont les décisions ne sont
susceptibles d’aucun recours, l’on observe que les jugements rendus par les tribunaux
administratifs peuvent faire l’objet d’un recours en appel devant la Chambre administrative en
application des dispositions de l’article 72 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 susvisée.
Il y a cependant lieu de relever que le Code électoral est muet quant aux délais qui régissent les
appels devant la Chambre administrative. Considéré d’une part comme un droit fondamental,
une garantie essentielle d’un procès équitable 595, défini d’autre part par le juge, comme une
voie de recours ordinaire par laquelle une partie qui n’a pas obtenu satisfaction devant le juge
au premier degré, soumet le jugement à une juridiction au second degré pour en obtenir la
réformation » 596, l’appel est encadré par des délais relativement étendus. En effet, si le
législateur, manifestement dans un souci de simplicité, ne fixe pas globalement le temps
imparti au requérant pour former son recours 597, il convient d’observer que la combinaison
des articles 73, 74, et 75, permettent de déterminer les délais pendant lesquels l’appel doit être
formé. Il en ressort que l’appelant, à peine de forclusion et sauf dispositions spéciales
contraires, doit former son recours dans un délai de quinze (15) jours à compter du lendemain
de la notification de la décision de la juridiction inférieure. L’appel obéit à un formalisme strict
et s’accomplit par étape.

La première étape se rapporte à la déclaration par l’appelant ou un avocat régulièrement


constitué, au Greffe de la juridiction inférieure en matière de contentieux administratif dont
émane la décision attaquée. À la suite de cette déclaration, le greffier enregistre l’appel, dresse
le procès-verbal, délivre une expédition au demandeur, assortie d’une notification par écrit, du
délai de quinze (15) jours qui lui est imparti pour déposer son mémoire. L’accomplissement de
ce formalisme fixe le point de départ de la computation des délais de saisine en matière
d’appel. À la lecture des dispositions susvisées, l’appelant dispose d’un délai de trente (30)
jours pour former son recours, si l’on intègre dans la computation le délai imparti pour le
dépôt du mémoire. En revanche si ce délai doit en être exclu, l’on pourrait dans une
perspective réductrice, limiter le point de départ de l’appel aux quinze (15) jours impartis au
requérant pour manifester sa volonté d’attaquer le jugement rendu en premier ressort par le
tribunal administratif.

595 RAVARANI G., « Interrogation autour d’un droit fondamental : l’appel », in Justices et droit du procès, op. cit.
p. 355-368.
596 Arrêt n°70/CEM/08 du 28 août 2008, affaire Mbondjo Jacques, État du Cameroun (Minatd) contre État du
Cameroun, Mounkouelle Joseph Raymond.
597 Le professeur Christian DEBOUY note à propos de la fixation des délais de saisine dans la procédure
administrative contentieuse que, lorsque le temps n’est pas imparti par les textes, ce soin est laissé au juge
qui devient, en raison du caractère inquisitorial de la procédure, une sorte de chef d’orchestre qui fixe le
tempo de la partition contentieuse. DEBOUY CHR. Le temps en procédure administrative, op. cit., p. 103.

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L’appel ayant un effet non suspensif, il y a lieu de noter que la malléabilité des délais qui
encadrent l’appel d’une part, le silence du Code électoral d’autre part favorisent des dénis de
justice, puisqu’en application des dispositions de l’article 195 alinéa 1, « les conseillers
municipaux dont l’élection est contestée restent en fonction jusqu’à l’intervention d’une
décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée ». Cette disposition exclut toute possibilité
d’organisation d’une nouvelle élection tant que le juge électoral n’aura pas statué sur l’appel.
Cette situation a favorisé, sous l’empire de l’Assemblée plénière statuant en appel des
décisions rendues par la Chambre administrative, des instances qui s’éternisaient et qui
concourraient au maintien des élus dont le mandat était contesté 598.

Considéré comme un moyen permettant à l’organe compétent d’examiner et de résoudre


un problème de droit qui lui est soumis, le recours doit, au-delà des exigences liées à la
recevabilité sur la forme, se conformer à celles se rapportant au fond.

SECTION II.

LE CARACTÈRE IMPÉRIEUX DES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ DU RECOURS


SUR LE FOND

Considéré comme l’acte de procédure par lequel une personne saisit au principal un organe
compétent d’une prétention dont elle veut faire reconnaître le bien-fondé, le recours ouvre la
voie à l’action, et nécessite dès lors l’existence d’une demande qui n’est pas toujours un litige
ou un différend entre deux protagonistes. Il est de principe que, l’action n’est pas ouverte à
celui qui prétend la fonder sur un intérêt illégitime, d’où la nécessité de préciser l’objet de la
demande (§ I), et les faits et moyens de celle-ci (§ II).

§ 1. LA PRÉCISION DE L’OBJET DE LA REQUÊTE


L’objet de la requête est ce qui fonde l’intérêt pour agir 599, et se définit de manière
extensive comme la cause sur laquelle se rapporte un droit, une procédure, un acte juridique. Il
revêt une importance capitale dans la procédure, puisqu’il indique avec précision la chose
litigieuse, notamment, celle demandée ou contestée. Le lexique des termes juridiques rattache

598 Dans le contexte français en revanche, le principe de l’effet non suspensif de l’appel connaît quelques
exceptions. Les articles L250 et L250-1 disposent que l’appel n’a pas d’effet suspensif lorsque l’élection du
conseiller a déjà été annulée sur un précédent pourvoi dirigé contre les opérations électorales antérieures
relativement à une même cause d’inéligibilité, par une décision du tribunal administratif devenue définitive
ou confirmée par le Conseil d’État— dans ce cas le tribunal est tenu de spécifier que l’appel éventuel n’a
pas d’effet suspensif—. Le juge peut par ailleurs prononcer la suspension du mandat de celui ou de ceux
dont l’élection est annulée, en cas d’annulation pour manoeuvres dans l’établissement de la liste électorale
ou irrégularités dans le déroulement du scrutin.
599 COURRÈGES A., DAËL S., Contentieux administratif, 4ème édition, Paris, PUF, 2013, p. 165.

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l’objet de la requête à l’action en justice 600, puisqu’il fonde et justifie l’action déclenchée
devant un organe compétent.

La requête peut poursuivre un ou plusieurs objets distincts selon que l’on se situe en droit
civil, social, commercial, des obligations, etc. Dans ces matières, l’objet du recours s’apparente
au but du contrat, à la prestation, à une activité et plus encore. En matière électorale a contrario,
l’objet de la requête varie en fonction de la phase du processus électoral, et poursuit une ou
plusieurs choses, lorsqu’elle contient des griefs connexes. En revanche, l’objet de la requête ne
saurait se rapporter à une question qui a déjà été tranchée par une décision antérieure, ou dont
la phase procédurale est dépassée. De la même manière, une simple observation ou un énoncé
d’irrégularités adressés à un organe compétent ne saurait être assimilée à une requête. C’est
ainsi que le professeur Michel Leroy relève le caractère malaisé qui sous-tend la détermination
de l’objet d’une requête, puisque « le requérant doit indiquer avec précision l’acte dont il
entend poursuivre l’annulation » 601, car c’est lui qui détermine les éléments constitutifs de
l’instance, un objet vague et non fondé ne pouvant être retenu.

Employées indifféremment dans le Code électoral, les notions de réclamation et de


contestation expriment l’objet du recours en matière électorale. Définie comme un exposé de
grief contre une personne déterminée, qu’elle soit physique ou morale, demandant que justice
soit rendue par la remise des choses en l’état ou l’allocation d’une compensation 602, la
réclamation du latin reclamare, est une action visant à demander la reconnaissance d’un droit. À
l’inverse, la contestation, du latin contestari, renvoie à une opposition, au refus de reconnaître
un fait, une situation, ou un droit, à ce sur quoi les intéressés sont en désaccord 603. Se limiter
toutefois, à ces seules dénominations rendraient imprécise la chose litigieuse que contient la
requête. Certes, l’objet de la requête a pour fondement une réclamation ou une contestation se
rapportant aux opérations préélectorales et postélectorales, il faudrait toutefois souligner avec
madame la professeure Maryvonne Hecquard-Théron que le requérant doit exposer clairement
l’objet de sa demande et délimiter le cadre de l’instance. Ce dernier doit par ailleurs fournir au
juge les éléments susceptible de le convaincre du bien-fondé des prétentions 604. Il s’ensuit que
le requérant doit préciser les noms des personnes physiques ou morales visées dans la requête
(A) ainsi que la commune ou la circonscription électorale concernée par celle-ci (B).

600 Lexique des termes juridiques, 23ème édition, op. cit. p. 711.
601 LEROY M., Contentieux administratif, 3ème édition, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 528.
602 MÉJEAN CH., La procédure devant le tribunal administratif, op. cit., p. 45.
603 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit,. p. 255.
604 HECQUARD-THÉRON M., « Les moyens irrecevables dans la jurisprudence administrative », in Mélanges offerts
à Max Cluseau, Presses I.E.P. Toulouse, 1985, p. 246-284.

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A. La détermination des personnes visées par le recours
Qu’il s’agisse du contentieux des opérations préélectorales ou postélectorales —celles se
rapportant à l’inscription sur les listes électorales, à l’acceptation ou au rejet des candidatures,
ainsi qu’à celles touchant les demandes d’annulation partielle ou totale des opérations
électorales—, les protestations portées devant un organe compétent doivent impérativement
viser une personne déterminée.

En ce qui concerne les opérations d’inscription sur les listes électorales, il faudrait noter
que l’inscription sur les listes électorales étant un droit, les griefs se rapportant au refus
d’inscrire, à l’omission ou l’erreur, à l’inscription d’un électeur plusieurs fois sur la liste
électorale peuvent faire l’objet d’une réclamation ou d’une contestation devant les
Commissions de révision des listes électorales, les Commission départementales de
supervision ou le Conseil électoral suivant le cas, eu égard aux dispositions des articles 73 605,
et 81 alinéas 2 et 3 606. Si certains aspects du contentieux de la liste électorale ne font
quelquefois l’objet d’aucun recours, en dépit des erreurs et inscriptions multiples constatées,
puisque le calendrier de publication des listes électorales provisoires ou nationales n’est pas
scrupuleusement respecté 607, il convient de préciser que les contestations ou réclamations
relatives aux listes électorales doivent contenir des informations relatives au nom des électeurs
à qui l’inscription a été refusée, ceux omis ou inscrits plusieurs fois sur la liste électorale.

Pour ce qui est des opérations préliminaires et celles postélectorales, il faudrait relever que
l’objet du recours doit impérativement viser la décision de rejet ou d’acceptation d’une
candidature ou d’une liste de candidature déterminée 608, ainsi que l’annulation partielle ou

605 Nul ne peut être inscrit sur plus d’une liste électorale ou plusieurs fois sur la même liste.
Lorsqu’un électeur a été inscrit plusieurs fois sur la même liste, il ne peut subsister qu’une seule inscription.
La radiation des autres inscriptions a lieu d’office. (…).
Tout refus d’inscrire un électeur doit être motivé et notifié à l’intéressé. Ce refus peut faire l’objet de
réclamation ou de contestation devant la commission départementale de supervision ou le Conseil électoral.
606 Tout parti politique, tout électeur, tout mandataire d’un parti ou d’un candidat peut saisir le Conseil
électoral de toute demande en réclamation ou contestation relative notamment à une omission, une erreur
ou une inscription d’un électeur plusieurs fois sur la liste électorale nationale.
En cas de rejet de la demande, l’intéressé peut former un recours devant la Cour d’appel du ressort
d’Elections Cameroon qui statue en dernier ressort (…).
607 À l’occasion du scrutin relatif à l’élection présidentielle du 09 octobre 2011, l’on observe que les
commissions électorales chargées de connaître du contentieux de la liste électorale ont été constituées vers
le 20 septembre 201, et rendue publiques dans le quotidien Cameroon Tribune, n° 9931 paru le 20 septembre
2011, p. 11-13.
608 Dans les espèces ci-dessous mentionnées, les recours visaient les rejets d’une liste de candidats, affaires
Mougoue Salomon, candidat de la liste UNDP, commune de Bandja contre État du Cameroun, jugement n°084/06-
07/CE du 12 juin 2007— annulation de la liste du MDR); Feutheu Jean-Pierre, mandataire du RDPC, commune de
Bafoussam III contre État du Cameroun, jugement n°064/06-07/CE du 12 juin 2007— le rejet de la liste UNDP—.
S’agissant des recours dirigés à l’encontre des décisions d’acceptation d’une candidature ou d’une liste de
candidats, il convient de remarquer que l’acceptation se rapporte à la réhabilitation d’une candidature ou à

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totale des opérations électorales, en précisant les noms de ou des élus dont l’élection est
contestée. L’objet du recours doit par ailleurs être énoncé de manière précise 609, puisque
l’omission de l’un de ces contenus est sanctionnée par un rejet pour défaut d’objet du recours.

Nonobstant la détermination des mentions liées aux personnes visées par le recours, la
requête doit nécessairement renseigner sur le champ territorial concerné par la requête.

B. Le rattachement de l’objet du recours à un espace géographique


déterminé
La demande ou la contestation contenue dans une requête doit se rapporter à une
commune ou une circonscription électorale déterminée. À cet égard, il faudrait noter que,
relativement aux opérations préparatoires, l’objet du recours est circonscrit au cadre de la
commune, eu égard aux dispositions de l’article 72 alinéa 1 qui dispose que la liste électorale
comprend tous les électeurs inscrits résidant dans la commune depuis au moins six (06) mois.
Les réclamations ou contestations qui interviennent à la suite de la publication de la liste
provisoire ou nationale s’effectuent dans le cadre de ladite commune.

Si le rattachement territorial en ce qui concerne les opérations de révision des listes


électorales est le même quelque soit l’élection en cause, il varie cependant en fonction de
l’élection considérée lorsqu’il s’agit des opérations préliminaires ou postélectorales. Il en
résulte que le requérant ne peut demander l’acceptation ou le rejet d’une candidature ou d’une
liste de candidatures, l’annulation partielle ou totale des opérations électorales que dans le
cadre de sa commune 610.

À l’inverse, il faudrait noter que s’agissant des élections nationales, le département constitue
la circonscription électorale en application des dispositions de l’article 149 alinéa 1 du Code
électoral. Ainsi, les réclamations ou contestations relatives à l’acception ou au rejet d’une
candidature ou d’une liste de candidature d’une part, les demandes d’annulation partielle ou
totale des opérations électorales d’autre part, ne peuvent concerner une seule commune à
l’instar de l’élection des conseillers municipaux, elles s’étendent au département. Le juge

la contestation de la validation d’une candidature : Tchitchie François et UDC, commune de Bafoussam Ier contre
État du Cameroun, jugement n°073/06-07/CE du 12 juin 2007— ; Sohna Biyong Emmanuel candidat de l’UPC,
commune d’Éseka contre État du Cameroun, jugement n°59/06-07/CE du 12 juin 2007 ; Kikeck Jock, candidat et
mandataire de la liste UPC, commune de Penja contre État du Cameroun, jugement n°055/06-07/CE du 12 juin 2007 ;
etc.
609 Dans une espèce arrêt n°1/CE/04-05 du 1er octobre 2004, affaire Dr Joachim Tabi Owono, candidat du parti politique
Action pour la Méritocratie et l’Égalité des Chances (AMEC) contre État du Cameroun, le Conseil constitutionnel se
déclare incompétent et précise qu’une demande en annulation de l’investiture du candidat Paul Biya ne
saurait rentrer dans le cadre des contestations ou réclamations concernant le rejet ou l’acceptation des
candidatures, ainsi que celles se rapportant à la couleur, au sigle ou au symbole adoptés par un candidat.
610 Articles 189, 193 et 194 du Code électoral.

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électoral confirme cette exigence dans une espèce du 17 juillet 2002 en rappelant relativement
aux demandes d’annulation des opérations électorales que l’objet du recours doit être limité à
une circonscription déterminée. Ainsi, le candidat ou le parti politique ne peut demander
l’annulation partielle ou totale des opérations électorales que dans la circonscription dans
laquelle il a pris part à l’élection, le territoire national n’est pas considéré comme une
circonscription 611.

L’objet du recours n’étant pas formulé de manière explicite par le législateur, il convient de
se poser la question de savoir si l’action du requérant exprime une réclamation ou une
contestation relative aux opérations électorales ou aux résultats du scrutin ? À notre avis, ce
dernier ne saurait logiquement contester les résultats du scrutin, puisque les réclamations ou
contestations sont formulées avant la proclamation des résultats, c’est-à-dire, dans un délai
maximum de soixante-douze (72) heures à compter de la clôture du scrutin, pendant que le
Conseil constitutionnel arrête et proclame les résultats de l’élection dans un délai de quinze
(15) jours à compter de la date de clôture du scrutin 612. À l’analyse, l’objet de la requête doit
nécessairement se fonder sur les irrégularités qui ont émaillé l’organisation et le déroulement
du scrutin.

Les exigences liées à la précision et la détermination du cadre territorial de la requête


constituent des éléments indispensables à l’examen au fond du recours. Néanmoins, les
conditions de recevabilité du recours sur le fond ne se limitent pas à la seule précision de
l’objet de la demande, la requête doit par ailleurs contenir un exposé sommaire des faits,
moyens et conclusions qui constituent une formalité substantielle du recours.

§ 2. L’EXPOSÉ DES FAITS, MOYENS ET CONCLUSIONS DE LA REQUÊTE


L’action juridictionnelle est considérée, dans un sens englobant, comme « le droit, pour
l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci, afin que le juge la dise bien ou
mal fondée. Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette
prétention. » 613 La requête est considérée comme « l’aboutissement d’un processus conflictuel
qui s’envenime » 614, il s’ensuit que sa recevabilité est soumise au respect de certaines
formalités considérées comme substantielles, permettant de renseigner sur le litige, notamment
sur les faits (A), les moyens et les conclusions (B) contenus dans la requête.

611 Arrêt n°96/CE du 17 juillet 2002, affaire PDS, UFDC, SDF, UNDP contre État du Cameroun.
612 Articles 132, 133, et 137 du Code électoral.
613 Article 30 du nouveau Code de procédure civile français.
614 LEROY M., Contentieux administratif, op. cit., p. 538.

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A. L’exposé des faits
Défini comme une présentation écrite ou orale, à une personne déterminée, à un public,
l’exposé des faits en matière procédurale permet de présenter à l’organe compétent, la
situation, l’action ou l’abstention à partir de laquelle est né le litige, et à laquelle la loi attache
une conséquence juridique qui appelle son auteur à la réparer. 615 Selon le professeur Michel
Leroy, l’exposé des faits a plus pour fonction d’éclairer l’organe compétent sur ce qui s’est
passé, que de l’informer sur la situation litigieuse 616.

Considéré comme un « élément général de procédure applicable sans texte » 617, une
condition naturelle de recevabilité 618, l’exposé des faits est indispensable à l’examen du
recours sur le fond.

L’exposé des faits varie en fonction de la phase du processus électoral. En ce qui concerne
le contentieux des opérations préparatoires, l’exposé des faits se rapporte aux griefs relatifs au
refus d’inscription sur les listes électorales du requérant ou à celui d’un électeur de sa
commune d’une part, aux irrégularités relatives à l’omission, aux erreurs, ou à l’inscription d’un
électeur sur plusieurs listes électorales d’autre part. Si le Code électoral ne prescrit pas
l’énonciation des faits comme condition de recevabilité de la requête dans le contentieux des
opérations préparatoires, il faudrait inversement observer que, s’agissant du contentieux des
préliminaires et des opérations postélectorales, l’exposé sommaire des faits est impératif. Les
dispositions des articles 35, 76 alinéa 1, 42 alinéa 3 respectivement des lois n°s 2006/022,
2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation des tribunaux administratifs, et de la
Cour suprême, 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel, puis 130 alinéa 1 du Code électoral, prévoient sur cette question que la requête
doit préciser sous peine d’irrecevabilité, les faits qui servent de base à la demande. Au regard
des dispositions susmentionnées, l’exposé des faits est requis aussi bien pour la demande
introductive d’instance, que pour une procédure en appel.

L’exposé des faits allant de pair avec celui des moyens, la recevabilité de la requête ne
saurait se limiter à un énoncé sommaire des faits, le requérant doit parallèlement préciser les
moyens et conclusions de sa demande.

615 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit., p. 438.


616 LEROY M., Contentieux administratif, 3ème édition, op. cit. p. 538.
617 RICCI J.-CL., Contentieux administratif, 5ème édition, Paris, Hachette supérieur, 2016, p. 90.
618 DEBOUY CHR., Les moyens d’ordre public dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 356.

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B. La précision des moyens et conclusions du recours
Le principe en matière matière processuelle est que toute action en justice a pour vocation
à être examinée devant un juge compétent. Il faudrait toutefois noter que la demande ne peut
être examinée sur le fond que si le requérant remplit les conditions de fond requises. Elle doit
obligatoirement comporter à peine d’irrecevabilité, un exposé des moyens (1) et des
conclusions (2).

1. L’exposé des moyens contenus par la requête


Assimilés aux griefs et considérés comme des éléments destinés à fonder en fait et en droit
une demande en justice, les moyens sont invoqués par le requérant à l’appui de sa prétention
lors de sa requête introductive d’instance 619. La recevabilité d’une requête est soumise à
l’énonciation d’au moins un grief à l’encontre de l’organisation ou du déroulement des
opérations électorales. L’on distingue deux types de moyens pouvant être formulés isolément
ou collectivement, les moyens de fait et/ou ceux de droit.

Les moyens de fait concernent les évènements, les témoignages, les expertises. Ce sont les
faits litigieux permettent la détermination du droit applicable. Les moyens de droit quant à eux
se rapportent à la précision de la règle de droit violée par l’acte contesté d’une part, et d’autre
part l’indication de l’irrégularité qui a entaché l’acte en cause. Le professeur René Chapus les
considère comme « l’aliment de la discussion juridique provoquée par la situation du fait
litigieux, [sur laquelle se fonde le juge pour apporter une solution de droit]. » 620

À l’évidence, une requête peut contenir plusieurs moyens, il faudrait toutefois remarquer
que, la recevabilité des moyens est soumise à l’exigence de clarté et de sérieux, puisque comme
le souligne le professeur Michel Leroy, eu égard au principe de l’exceptio obscuri libelli, les
moyens confus sont irrecevables, car portant atteinte à la garantie des droits de la défense 621.

Le moyens doivent être énoncés avec précision, au risque d’être considérés comme une
simple allégation ne comportant aucun motif, puisque l’organe compétent saisi ne saurait
invoquer un moyen qui n’a pas été soulevé par le requérant. L’article 134 du Code électoral
précise à cet égard que « le Conseil constitutionnel peut, sans instruction contradictoire
préalable, rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des
griefs ne pouvant avoir aucune incidence sur les résultats de l’élection. » Certes, tous les

619 Vocabulaire juridique, ibidem, p. 666.


Nous exclurons de cette étude les moyens du défendeur et ceux éventuellement soulevés d’office par le
juge par ce qu’ils sont d’ordre public, et nous nous bornerons à examiner les moyens soulevés par le
requérant dans sa requête introductive d’instance ou en appel.
620 CHAPUS RENÉ, Droit du contentieux administratif, op. cit. p. 796.
621 LEROY M., Contentieux administratif, p. 539.

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moyens ne revêtent pas les mêmes effets, certains sont immanquablement voués à l’échec 622
tandis que d’autres ne peuvent que prospérer 623, dans cette perspective, le professeur Jean-
Claude Ricci énumère parmi les moyens immanquablement insusceptibles de prospérer, les
moyens non fondés, inopérants, irrecevables, ou d’ordre public.

Les moyens non fondés sont ceux voués au rejet, car manquant en faits, ne comportant pas
matière à appréciation ou discussion juridique. Le requérant ne prouve pas ses allégations qui
manquent de base légale 624.

Les moyens inopérants quant à eux sont considérés comme inutiles, puisqu’ils n’ont aucune
influence sur l’issue du litige, ils sont étrangers ou n’entrent pas dans son champ
d’application 625.

Les moyens irrecevables a contrario s’appliquent aux recours imprécis, ou formulés sous la
forme d’une simple allégation, de manière incomplète, ou soulevés devant une juridiction
incompétente pour en connaître 626, dans ces cas, le juge ne peut les accueillir, et ils ne peuvent
être discutés , ni fonder la décision du juge.

622 Lire sur la question, CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, op. cit. p. 796 ;
623 RICCI CL., Contentieux administratif, op. cit. p. 99.
624 Arrêts n°33/CE du 17 juillet 2002, Social Democratic Front (SDF) ; Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais (RDPC) ; Union National pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) contre État du Cameroun (Minat) ;
n°38/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, MP, UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription du Wouri
centre et Manoka ; n°43/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, FSN, UNDP contre État du Cameroun (Minat),
circonscription du Ndé ; jugements n°81/01-02 du 03 septembre 2002, Kotié Emmannuel et autres candidats de l’UPC,
commune urbaine de Douala Ve contre l’État du Cameroun et le RDPC ; n°82/CE/01-02 du 03 septembre 2002,
Kamga Rigobert, candidat du SDF, commune rurale de Douala Ve contre État du Cameroun (Minat), RDPC ; n°34/06-
07/CE du 12 juin2007, Ngome Ebong Ernest, candidat du SDF, commune rurale de Tombel contre État du Cameroun
(Minat) ; n°34/06-07/CE du 12 juin2007, Ngome Ebong Ernest, candidat du SDF, commune rurale de Tombel contre
État du Cameroun (Minat) ; Décisions n°26/CEP/11 du 19 octobre 2011,Bernard Achuo Muna candidat A.F.P. contre
Elecam et RDPC ; n°27/CEP/11 du 19 octobre 2011,Ekane Anicet, candidat MANIDEM contre Elecam et RDPC ;
n°28/CEP/11 du 19 octobre 2011,Dame Walla Khabang Edith, candidate C.P.P.et RDPC contre Elecam et RDPC ;
etc.
625 Dans l’affaire, Essomba Pierre Roger, candidat en liste UNDP commune du Mfoundi IV contre État du Cameroun,
jugement n°065/06-07/CE du 12 juin 2007, le requérant sollicite du juge électoral la rectification de la liste
UNDP afin d’apporter des modifications substantielles de ladite liste par élimination de certains candidats
et l’intégration de nouveaux noms. Le juge rejette le recours au motif que son objet est étranger au litige et
ne rentre pas dans son champ d’application. Il en va de même des recours fondés sur des questions
d’investiture : Bion Mayo Jacob et Mamaga Léon candidats dans la commune de Matomb, contre État du Cameroun,
jugement n°28/06-07/CE du 12 juin 2007 ; Mme Nkoto Jeanne épse Zo’o, candidate RDPC commune de Mvangan
contre État du Cameroun, jugement n°075/CE du 12 juin 2007 ; Décision n°29/CEP/11 du 19 octobre 2011,
People’s Action Party contre elecam et RDPC, relatif à la neutralité, à l’intégrité et à l’indépendance des
membres de ELECAM ; n°30/CEP/11 du 19 octobre 2011, Dr Tabi Owono Joachim candidat AMEC
contre Elecam, Paul Biya —le recours tend à la disqualification de M. Paul Biya au stade du contentieux
postélectoral—.
626 Jugements n°32/01-02 du 17 juin 2002, UNDP commune rurale d’Ayos contre État du Cameroun (Minat) ; n°35/01-
02 du 20 juin 2002, Atangana Robert, candidat, tête de liste RDPC, commune de Yaoundé VIe contre État du Cameroun ;
jugement n°113 du 29 août 2007, Tiomo Bernard UNDP, commune de Bertoua Ier contre État du Cameroun — ;qui ne
comportaient pas de motifs, dans la mesure où le requérant s’était limité à évoquer les obstacles, les

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La dernière catégorie de moyens voués à l’échec mentionné par le professeur Jean-Claude
Ricci concerne les moyens d’ordre public. Dans cette hypothèse, le juge électoral sanctionne la
violation de l’autorité absolue de la chose jugée, l’irrespect du champ d’application de la loi
consistant à appliquer à un litige les dispositions légales ou réglementaires qui lui sont
inapplicables, ou à régir une situation de droit ou de fait sur le fondement des règles qui ne la
concernent pas ou plus, matériellement, territorialement ou temporellement. Le juge
administratif a en effet annulé le scrutin dans la commune rurale de Mboma en raison de la
méconnaissance de la loi par l’autorité administrative qui a rejeté une liste de candidature
réhabilitée par la commission communale de supervision compétente 627

L’énonciation des moyens allant de pair avec la précision de la chose demandée, la requête,
à peine d’irrecevabilité, doit traduire de manière claire le résultat escompté.

2. La formulation des conclusions


La notion de conclusion renvoie à un énoncé de prétentions des parties à une instance.
Présentées par écrit ou oralement, les conclusions contenues dans une requête doivent
clairement exprimer la volonté du requérant sur la chose demandée à l’organe compétent, sous
peine d’irrecevabilité. Nonobstant le silence des dispositions législatives, notamment le Code
électoral et les différentes lois régissant le fonctionnement du Conseil constitutionnel, les
tribunaux administratifs et la Chambre administrative sur le caractère impératif de
l’énonciation des conclusions, il paraît convenable de remarquer qu’une requête n’est pas
recevable si elle ne contient pas de conclusions. Ainsi, une demande se bornant à critiquer les
opérations électorales dans leur généralité, sans toutefois préciser que la demande sollicitée est
l’annulation desdites opérations est irrecevable pour défaut de conclusion.

Par ailleurs, parce que le juge est lié par les termes de la requête, les conclusions, qu’elles
soient principales ou subsidiaires, doivent être formulées de manière claire et précise, ne
laissant aucune ambigüité sur la chose demandée. La recevabilité des conclusions contenues
dans une requête est soumise à un régime strict visant la recherche d’une adéquation entre la
nature du litige et la chose demandée d’une part, le grief et l’organe saisi d’autre part 628. La

tracasseries de tout genre sans en indiquer la nature— arrêt n°05 du 1er octobre 2004, Keme Wangue Arnold,
candidat du parti Mission Absolue et Suprême (MAS) contre État du Cameroun (Minat)
627 Jugements n°25 du 29 mars 1996, Front Patriotique National (FPN) contre État du Cameroun ; n°90 du
26 septembre 1996, RDPC, commune rurale de Messondo contre État du Cameroun.
628 Dans une décision n°19/CEP/2011 du 20 septembre 2011, le Conseil constitutionnel sanctionne par une
irrecevabilité, le recours de monsieur Boo Daniel qui sollicitait non pas la réhabilitation d’une candidature,
mais, portait plainte contre monsieur Paul Biya pour inéligibilité et flagrant délit de distraction massive des
deniers publics à l’occasion de son dernier congrès, alors que le contentieux en cause concernait
l’acceptation ou le rejet des candidatures.

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formulation des conclusions doit par ailleurs respecter l’identité des conclusions par rapport à
une requête précédemment portée devant un organe compétent.

Certes, comme le mentionne le professeur Christian Debouy, le demandeur doit franchir


plusieurs obstacles pour obtenir l’examen de ses prétentions 629, il faudrait cependant observer
que certaines formalités sont traitées avec beaucoup de souplesse, puisque le législateur prévoit
la possibilité de régularisation des requêtes en cours d’instance dans l’intérêt d’une bonne
administration de la justice 630.

629 DEBOUY CHR., Les moyens d’ordre public dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 360.
630 Dans une espèce arrêt n°96/CE du 17 juillet 2002, Parti Democratic Social (PDS) ; Union des Forces Démocratiques
du Cameroun (UFDC), Social Democratic Front (SDF) ; Union Nationale pour le Progrès et le Développement (UNDP)
contre État du Cameroun (Minat), circonscription du Haut-Nkam, le Conseil constitutionnel rejette le recours de
l’UNDP comme non justifié, en raison du fait que le recourant s’étant abstenu de régulariser sa requête
malgré l’invitation du président de la Cour suprême à faire parvenir les pièces justificatives au Conseil
constitutionnel dans un délai de quarante-huit (48) heures.

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Conclusion du chapitre II

Les articles 7 et 6 respectivement de la Charte africaine des droits de l’homme et des


peuples et de la Convention européenne des droits de l’homme prescrivent certes le droit pour
toute personne d’être entendue équitablement sur sa cause par un tribunal indépendant et
impartial, il convient cependant de préciser que le droit de saisine reconnu au requérant est
soumis au respect d’un formalisme relatif aussi bien à sa personne qu’à la requête. La
recevabilité du recours est dès lors soumise au respect du formalisme lié aussi bien à sa forme
qu’à son fond. Concernant la forme de la requête, il convient d’abord d’indiquer, qu’elle doit
préciser les formes dans lesquelles elle est établie et permettre l’identification des parties, elle
doit ensuite respecter les délais de saisine dont la méconnaissance entraîne l’irrecevabilité du
recours. À côté des conditions de forme, on trouve celles relatives à la recevabilité de la
requête sur le fond. Ces dernières sont strictes, car elles permettent à l’organe compétent saisi,
de procéder à l’examen de la réclamation ou de la contestation afin d’y apporter une solution
de droit. Relatives à la précision de l’objet, des faits, moyens et conclusions des parties, les
conditions de recevabilité de la requête sur le fond sont considérées comme substantielles,
puisque leur inobservation entraîne de manière irréfragable l’irrecevabilité de la requête,
nonobstant la possible régularisation de celle-ci dans certaines conditions, et pour des
mentions déterminées.

L’accès aux organes compétents en matière électorale a connu des avancées notables, tant
sur le plan de l’ouverture du prétoire que sur celui de la maîtrise des règles procédurales par les
différents acteurs impliqués dans le processus électoral. On observe à cet égard que,
nonobstant quelques dysfonctionnements dus à l’imprécision de certaines dispositions
textuelles, le cap de la recevabilité qui a longtemps été considérée comme un mouroir des
requêtes semble désormais maîtrisé et permet l’examen des recours sur le fond. Il convient
ainsi de reconnaître que, la période d’analphabétisme démocratique qui a poussé l’équipe des
chercheurs du Centre d’Études d’Afrique noire de Bordeaux à appeler l’Afrique aux urnes est
définitivement révolue 631.

631 Appel lancé par une équipe de chercheurs, Centre d’Études d’Afrique noire de Bordeaux, Aux urnes
l’Afrique ! Élections et pouvoirs en Afrique noire, Paris, Pedone, 1978, 259 p.

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Conclusion du titre II de la première partie

L’organisation des processus électoraux constitue un moment de tension pouvant


déboucher sur des crises politiques, puisque soulevant de manière incontestable des
interrogations relatives à la légitimité des représentants qui gouvernent la société. C’est
pourquoi il devient nécessaire que cet exercice de la démocratie soit régi autant que possible
par des règles claires et précises permettant la garantie des droits civils et politiques des
citoyens, notamment celui de voter et d’être élu 632.

La procédure contentieuse électorale pose à cet égard le problème de savoir de quelle


manière les litiges nés à l’occasion de l’élection seront résolus, et par quelle institution. Ainsi il
convient de remarquer que, la garantie par les citoyens de leurs droits civils et politiques
suppose que des mécanismes adéquats soient mis en œuvre, permettant la saisine des organes
compétents.

Selon le professeur Bernard Pacteau, la théorie de la recevabilité des demandes suppose que
le requérant puisse se conformer aux conditions d’accès au juge, par delà la compétence
juridictionnelle et en deçà du bien-fondé de la réclamation contentieuse, puisque la
méconnaissance de ces règles interdit tout examen de la requête et de ses mérites 633. L’accès
aux organes compétents est relativement facilité en matière électorale, compte tenu du
caractère contrasté qui préside le formalisme liée à la recevabilité du recours sur la forme et le
fond. Concernant la forme, on observe une certaine souplesse dans la fixation des conditions
liées à la qualité du requérant —énumération extensive des personnes habilitées à saisir les
organes compétents, action limitée dans le cadre d’une circonscription électorales
déterminée— d’une part, et à la forme du recours —l’absence d’un recours gracieux préalable
et la gratuite de la procédure— d’autre part. À l’inverse, la fixation des conditions de
recevabilité du recours sur le fond sont marquées par une rigidité modérée.

La nécessaire complémentarité entre les formalités non substantielles et celles substantielles


facilite l’office du juge. Selon monsieur François Gazier, l’observation des procédures permet
à la fois d’éclairer le juge et de garantir les intérêts des parties 634. Incontestablement, comme
l’affirme le professeur Alain Didier Olinga, la recevabilité est le mouroir des requêtes devant
les organes compétents, il faudrait en revanche observer avec la mission de Transparency

632 Rapport sur l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone : Bamako, dix ans après
2000-2010, op. cit., p. 59.
633 PACTEAU B., Traité du contentieux administratif, Paris, PUF, 2008, p. 166.
634 GAZIER F., « Principes généraux de la procédure administrative contentieuse », in Répertoire contentieux
administratif, Dalloz, oct. 1998, P. 1.

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International Cameroon que la qualité de la justice électorale n’incombe pas seulement aux
organes compétents, elle dépend également et pour une grande part, de la bonne maîtrise des
règles de procédure par les requérants, maîtrise qui acculera le juge à ne faire autrement que de
mieux faire et de bien faire en vue de la consolidation de la démocratie 635.

635 Rapport final de la mission d’observation électorale, élection présidentielle du 09 octobre 2011 au Cameroun, Yaoundé,
Transparency International Cameroon, 2011, p. 40.

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Conclusion de la première partie

Le professeur Fabrice Hourquebie définit la démocratie comme une proximité, un


rapprochement de la justice et des citoyens en vue de favoriser leur implication dans l’exercice
de la justice 636. À l’évidence, la démocratie permet aux citoyens de participer à la gestion des
affaires de leur cité par l’intermédiaire des représentants librement choisis par la voie de
l’élection. La garantie des droits fondamentaux des citoyens nécessite dès lors la mise sur pied
d’un cadre procédural approprié, facilitant une jouissance effective desdits droits.

En étudiant la complexité du cadre procédural dans la procédure contentieuse en matière


électorale, il apparaît que le foisonnement d’organes compétents existants donne un aspect
informe et déstructuré au contentieux électoral et fragilise par conséquent la garantie des
droits fondamentaux des citoyens. Le professeur De Gaudusson relève dans ce sens que « le
contentieux des élections se caractérise dans la plupart des États africains, par une complexité
décourageante pour les populations entretenue par le partage des compétences entre plusieurs
juges et ordres de juridictions ainsi que les conflits qui ne manquent pas de surgir dans
l’application de lois électorales rédigées en des termes propices aux divergences
d’interprétations (…).» 637.

Il convient d’observer que le foisonnement d’organes compétents n’est pas en lui-même


complexe, il révèle de la part du législateur, un souci de rapprochement entre les justiciables et
les organes compétents, et le règlement des litiges à chaque étape du processus électoral. La
compilation des différentes lois électorales préexistantes dans un document unique d’une part,
et l’ouverture du prétoire à un panel considérable d’acteurs électoraux d’autre part, constituent
désormais une avancée notable dans la simplification de la procédure contentieuse autrefois
considérée comme un véritable maquis dans lequel seuls les spécialistes pouvaient s’orienter.
Cette évolution qui reste inachevée, nécessite des efforts accrus de la part des pouvoirs publics
afin que les droits civils et politiques des citoyens bénéficient d’une garantie optimale, puisque
comme l’écrit justement le professeur Olivier Gohin, « la protection de l’individu est l’un des
fondements de toute société démocratique » 638 qu’elle consolide et pérennise. La garantie des
droits civils et politiques nécessite dès lors un aménagement plus élaboré et efficace du procès
électoral.

636 HOURQUEBIE F., « Introduction : Justice et démocratie, question de légitimité et de Constitution », in Bioy
X. et Hourquebie F., (Dir.), Constitutions, justice et démocratie, Paris, L’harmattan, 2010, p. 9-24.
637 DU BOIS GAUDUSSON J.D.B., « Les élections à l’épreuve de l’Afrique », in Cahiers du Conseil constitutionnel,
n° 13, Études et Doctrines, 2002, p. 14.
638 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, Paris, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de
droit public, tome 151, 1988, p. 13.

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PARTIE II.

LE DÉROULEMENT LABORIEUX DU PROCÈS ÉLECTORAL

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« L’intégrité du système exige non seulement que [des questions de droit] soient soumises à une
autorité impartiale et indépendante, telle que la commission électorale ou les tribunaux, mais aussi
que des décisions soient prises rapidement, de façon à ne pas retarder l’issue du scrutin. »
Lucien JAUME 639

La notion d’instance est ambivalente. Sur le plan fonctionnel, elle désigne un organe
compétent pour connaître d’une affaire, et constitue un rapport particulier qui se crée entre les
parties, en l’occurrence le juge et les parties, c’est le lien juridique d’instance. Sur le plan
matériel, l’instance correspond à une suite d’actes de procédure qui va de la demande en
justice jusqu’au jugement 640. Le dictionnaire juridique assimile l’instance à une procédure
engagée devant une juridiction, à une phase d’un procès. Ainsi, c’est la suite des actes et délais
d’une procédure à partir de la demande introductive jusqu’au prononcé du jugement 641. Il
s’ensuit que l’instance met en exergue les organes compétents d’une part, le formalisme auquel
sont soumises les parties et s’assimile au procès d’autre part. Selon Madame la professeure
Laura Weiller, « l’instance n’est pas seulement l’ensemble des actes de procédure accomplis
depuis son ouverture jusqu’à la décision qui y met un terme, c’est un ensemble d’actes plus ou
moins formaliste, mais aussi et surtout un lien entre les parties au procès » 642. En admettant
que cette définition extensive de l’instance a le mérite d’englober le formalisme allant de
l’introduction de l’instance à son terme et permet de mettre en exergue les parties impliquées à
l’instance, il convient de circonscrire l’objet de notre propos au déroulement de l’instance et
d’y exclure la procédure d’introduction d’instance.

Nonobstant l’existence d’un droit à garantir, il ya lieu de rappeler que le droit de saisine
reconnu aux acteurs du jeu politique fait appel aux exigences d’ordre procédural dont la
finalité première est d’empêcher l’arbitraire, la partialité ou l’influence des pressions
extérieures, notamment politiques 643. La nécessité d’un cadre procédural apte à garantir les
droits civils et politiques des citoyens est inhérente au déclenchement d’une action en justice,
entendue comme la saisine des organes compétents par un requérant, aux fins d'être entendu
sur le fond d’une prétention relative à une réclamation ou une contestation des opérations
préparatoires, préliminaires ou électorales. C’est dans cette logique que le professeur Jacques
Chevallier subordonne l’existence d’un contentieux à une réclamation ou contestation qui peut

639 GOODWIN-GILL G. S., Élections libres et régulières: Nouvelle édition augmentée, op. cit., p. 177.
640 Lexique des termes juridiques, 23ème édition, op.cit., p. 574.
641 Vocabulaire juridique, op.cit. p. 552.
642 WEILLER L., « Le contrat en procès », in PUTMAN E. (Dir.), L’accès à la justice, Aix-en-Provence, Presses
universitaires d’Aix-Marseille, 2007, p. 89-147.
643 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », in Défis des droits fondamentaux, op.cit. p. 316.

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être tranchée par une question de droit prononcée par un organe compétent, puisque « la
fonction contentieuse n’a de sens que s’il y a litige, que s’il est nécessaire de résoudre un
différend » 644. Le litige est ainsi considéré comme un « lien de droit », un « nœud gordien » 645
existant entre les parties, et que le juge compétent a la mission de trancher. Il en résulte à cet
égard que l’instance est appréhendée comme l'ensemble des actes d'une procédure ayant pour
objet de saisir une juridiction d'un litige, d'instruire la cause et d'obtenir un jugement 646. Elle
participe à la garantie des droits civils et politiques du citoyen à qui elle assure l’accès au juge.
Cette garantie est cependant précarisée par le caractère malléable qui domine la conduite de
l’instance (Titre I), et la fragilisation de l’office du juge (Titre II).

644 Cité par JAN P., La saisine du Conseil constitutionnel, Paris, LGDJ, 1999, p. 101.
645 JEULAND E., Droit processuel général, 3ème édition, Paris, L. G. D. J. -Lextenso éditions, 2014, p. 466.
646 Définition tirée du CNRTL, op. cit.

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TITRE I.

LA MALLÉABILITÉ DE LA CONDUITE DE L’INSTANCE

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La conduite de l’instance consiste principalement dans l’accomplissement des actes de
procédure qui ponctuent les diverses phases du procès pour mettre fin au litige. Elle fait
intervenir à la fois les parties et le juge chargé de rendre la justice et permet la détermination
des rôles dans le déroulement de l’instance.

La conduite de l’instance en matière électorale diffère de celle qu’on retrouve dans les
procédures civiles ou pénales. Certes, les caractères généraux y afférents sont quasiment
identiques, il convient cependant de relever que la souplesse de la procédure contentieuse
électorale, prolongée dans le déroulement de l’instance renforce les disparités qui existent
entre les procédures susmentionnées. Assimilé à un plein contentieux, le contentieux électoral
est soumis à un formalisme proche de celui du contentieux administratif. L’on relève des
similitudes dans le déroulement du procès, notamment dans les phases d’admissibilité et
d’administration de la preuve. Par ailleurs, la procédure suivie est inquisitoriale et
s’accommode au système de la liberté de la preuve. Parce que l’instance doit parvenir à mettre
fin à un litige, la conduite de l’instance respecte un cheminement nécessaire, relatif à
l’instruction, à l’audience et au prononcé d’une décision. La conduite de l’instance dans le
contentieux électoral n’échappe pas à ce principe. Cependant il faudrait remarquer compte
tenu du caractère spécifique de la procédure contentieuse en matière électorale, que l’on assiste
à l’instruction des requêtes (Chapitre I) et à l’ambigüité du prononcé de la décision (Chapitre
II).

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CHAPITRE I.

L’INSTRUCTION DES REQUÊTES

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Empruntée au latin dans son sens étymologique instructio, la notion d’instruction est
polysémique. Elle se définit tantôt comme l’action de former l’esprit, d’enseigner, de
transmettre les connaissances à quelqu’un, tantôt comme un ordre, une indication, ou une
explication écrite ou verbale qu’une personne donne à une autre pour la conduite d’une
affaire. Dans le droit processuel, la notion d’instruction renvoie au procès, et se définit comme
l'ensemble des formalités nécessaire pour qu'une affaire soit en état d’être jugée. C’est
également la phase de l’instance qui permet au juge saisi d’établir le fondement et la véracité
des faits allégués. Le lexique des termes juridiques quant à lui définit cette notion en fonction
du type de procédure en cause. Ainsi, dans les procédures civile et administrative, elle est la
phase de l’instance au cours de laquelle les parties précisent et prouvent leurs prétentions
pendant que le tribunal réunit les éléments qui lui permettent de statuer. Elle est par ailleurs
considérée dans la procédure pénale comme une sorte d’avant-procès qui permet
l’établissement de l’infraction et du caractère probant des charges 647.

La procédure d’instruction est principalement écrite et secrète. Elle varie selon qu’on se
trouve dans le droit privé ou public. La procédure civile est accusatoire et fondée sur un
régime légal de preuve. Ici, on parle de l’administration de la preuve puisqu’il existe un juge
chargé de conduire les affaires. À l’inverse, dans le contentieux administratif, la procédure est
dite inquisitoriale, et aucun texte ne fixe le régime de la preuve qui est libre. L’instruction est
assurée au travers de la communication établie entre les parties. Le professeur Olivier Gohin
écrit à cet égard que « l’instruction écrite consiste dans la communication faite par les agents
respectifs aux membres du tribunal et à la partie adverse des mémoires et contre-mémoires, et
au besoin des répliques et dupliques. Chacune des parties doit joindre toutes les pièces et
documents invoqués par elle dans la cause » 648.

L’instruction ouvre la voie au déroulement matériel de l’instance, puisqu’elle permet aux


parties d’établir les faits allégués et au juge la véracité des ceux-ci. Le déroulement de
l’instruction dans le contentieux électoral est certes différent de celui rencontré en droit privé,
il convient cependant d’observer que les caractères généraux de la procédure d’instruction s’y
appliquent. Les principes relatifs à l’information des parties, notamment le contradictoire et
l’inquisitorialité, dominent la procédure d’instruction. L’on observe une sorte de partage
déséquilibré des rôles entre les parties et le juge, situation qui rend flexible la conduite de
l’instruction (Section I) qui peut cependant être interrompue par la survenance des incidents
de procédure qui mettent fin au déroulement normal de l’instance (Section II).

647 Lexique des termes juridiques, 23ème édition, op. cit., p. 578.
648 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 14.

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SECTION I.

LA CONDUITE DE L’INSTRUCTION

Le contentieux électoral est assimilé à un contentieux de pleine juridiction, ainsi les


principes généraux applicables au contentieux administratif lui sont transposés. La procédure
contentieuse en matière électorale est à cet égard dominée par les caractères de contradiction
et d’inquisitorialité qui participent à la bonne administration de la justice et à la garantie des
droits de la défense des parties. Le professeur Olivier Gohin rattache la contradiction au litige
et au contentieux car elle permet d’assurer la communication complète des éléments de preuve
produits à la suite de la demande introductive de l’instance par l’intermédiaire du juge, afin que
chaque partie en prenne connaissance et puisse y répondre. Pour lui en effet, « la production
et la communication des pièces entre les parties sont au cœur de la phase d’instruction du
procès administratif et constituent le point de convergence des deux principes directeurs de la
contradiction et de l’inquisitorialité » 649. L’inquisitorialité quant à elle permet une sorte de
rééquilibrage de la situation contentieuse en faveur de la partie la plus faible et justifie
l’implication du juge dans la conduite de l’instruction 650. Ici, les parties ne communiquent pas
de manière directe, l’instruction se déroule par l’intermédiaire d’un rapporteur désigné par le
président du tribunal ou par le président de la Chambre assisté par un greffier en chef qui
assure la communication des mémoires651. L’instruction est la phase du procès qui permet aux
parties d’établir les faits allégués et au juge d’établir le fondement et la véracité des faits portés
à sa connaissance. La phase d’instruction est à cet égard considérée comme le moment crucial,
le « temps fort » 652 du procès en ce qu’elle respecte un formalisme qui vise l’établissement de
la véracité des faits et le prononcé d’une décision sur une question de droit posée. Certes, la
procédure d’instruction en matière électorale diffère de celle que l’on retrouve dans les autres
domaines du droit, il faudrait cependant préciser que l’objectif poursuivi demeure le même.
Assimilée à une procédure d’information, l’instruction permet l’accomplissement de tous les
actes d’information utiles à la manifestation de la vérité. Ainsi, les parties sur lesquelles repose
l’initiative de l’instance, donnent une dynamique à la conduite de l’instruction à travers la
réalisation de certains actes relatifs à la production des preuves à même d’étayer leurs
allégations. Il en résulte comme le souligne le professeur Bernard Pacteau que, le requérant
laissé rarement seul face à sa prétention, partage la charge de la preuve avec l’autre partie, tout

649 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit. p.236. Lire également sur la
question, LE BERRE H, Droit du contentieux administratif, 2ème édition, Paris, Ellipses, 2010, p. 186.
650 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, ibidem, p. 221-225.
651 Articles 37 et 80 des lois n°2006-022 et 016 du 22 décembre 2006 fixant respectivement organisation et
fonctionnement des tribunaux administratif et de la Chambre administrative de la Cour suprême.
652 GOHIN O., La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 159.

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en comptant sur la participation active du juge 653. Le professeur François TERRÉ pour sa part
estime que la charge de la preuve étant régie par le mécanisme d’alternance on y voit une sorte
de mécanisme de partage qui favorise aussi bien l’implication initiale du demandeur, que celle
du défendeur qui doit satisfaire à la production de la preuve contraire de l’affirmation du
demandeur. Ainsi, cette alternance qui est assimilée à un « combat probatoire » ne s’achève
que lorsqu’une des deux parties n’arrive pas à satisfaire aux exigences de la charge de la preuve
qui repose sur elle 654. Cette caractéristique rattachée au régime de la liberté de la preuve se
révèle avantageuse pour le requérant qui est soutenu dans la responsabilité qui lui incombe au
premier rang. Madame la professeure Gweltaz Eveillard affirme dans ce sens que « la charge
de la preuve s'accommode (...) de la confrontation avec la réalité. Dans un certain nombre de
cas, il est en effet difficile, voire impossible, à celui qui invoque les faits de les prouver. Des
raisons de logique ou d'équité commandent alors que la partie adverse participe à la
démonstration de la preuve » 655. Au-delà de cette dernière hypothèse concernant le défendeur
—dont le rôle consiste essentiellement à réfuter ou à apporter la preuve de la fausseté des
allégations du requérant— 656 que nous n’examinerons pas, il serait approprié de ressortir

653 PACTEAU B., Manuel de contentieux administratif, op. cit., p. 192.


654 TERRÉ Fr., Introduction générale au droit, 10ème édition, Paris, Dalloz, 2015, p. 508.
655 EVEILLARD G., « L’administration de la preuve devant le juge de l’excès de pouvoir », Droit administratif,
n°2, février 2013, p 3.
656 Bien que la charge principale de la preuve incombe à celui qui allègue un grief, l’on observe que celle-ci est
très souvent partagée en raison du principe du contradictoire qui impose au défendeur de se défendre des
allégations qui pèsent contre lui. Ainsi, l’on observe que ce dernier est notifié de la requête introductive
d’instance qui est déposée à son encontre ainsi que des délais qui lui sont impartis pour produire ses
observations ou son mémoire en réplique, dès la réception et l’enregistrement de celle-ci aux greffes de la
Juridiction administrative ou au secrétariat général du Conseil constitutionnel selon les cas.
L’on observe quelquefois une sorte d’inversion de la charge de la preuve qui pousse le défendeur à produire
des preuves contraires, non pas dans le but de se défendre, mais dans celui d’apporter les éléments que le
requérant n’a pas pu produire. c’est le cas lorsque l’Administration est la partie défenderesse, comme dans
le cas du contentieux électoral puisque chargée de l’organisation et du déroulement des processus
électoraux, elle se voit contrainte à produire des preuve dont le demandeur se trouve dans l’impossibilité de
produire, eu égard au principe selon lequel les éléments de preuve qu’une partie est la seule à détenir
impose celle--ci à les rapporter. Jugement n°24/CS-CA du 29 mars 1996, conseillers municipaux de Nanga Eboko
contre État du Cameroun (Minat).
Cette inversion de la charge de la preuve vers le défendeur vise la résorption de l’inégalité des parties qui
prévaut dans les rapports d’instance, puisque le requérant, généralement considéré comme l’administré, est
en face d’une Administration puissante, et se retrouve dans l’impossibilité d’être exhaustif dans la
production de la preuve qui lui incombe. Dans cette hypothèse, le juge considère que le silence de
l’Administration face à un besoin de preuve équivaut à un acquiescement implicite qui conduit à la perte de
l’instance.
Dans les espèces arrêts n°8 du 30 avril 1997 département du Wouri, Anicet Ekane (Manidem) contre État du
Cameroun ; n°02/CEL/07 du 04 juin 2007, UNDP contre État du Cameroun, le juge déclare le requérant
recevable en raison du fait que l’Administration s’est abstenu de se conformer aux dispositions légales, et,
dans le premier cas, n’a pas délivré au requérant un récépissé de dépôt de sa candidature, et ne lui a pas
notifié par écrit, le rejet de sa candidature pour qu’il en prenne connaissance. Dans le second cas, le juge
fonde sa décision sur les aveux de l’Administration reconnaissant que la déclaration de candidature du
requérant remplissait toutes les conditions prévues par la loi.

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l’implication principale du requérant dans la production de la preuve. Celui-ci donne une
impulsion à l’instance au moyen de ses conclusions (§ I), et au moyen des conclusions
complémentaires du juge dans le déroulement de l’instruction (§ II).

§ 1. LA PRODUCTION PRINCIPALE DE LA PREUVE PAR LE REQUÉRANT


Tirée du verbe prouver et du latin probare, la notion de preuve peut se définir par son objet
ou son verbe. Elle s’entend comme la démonstration de l’existence d’un fait matériel ou d’un
acte juridique dans les formes prescrites par la loi 657. La notion de preuve peut être
appréhendée sous un angle institutionnel ou contentieux. Sur le plan institutionnel, elle est
considérée comme « l’établissement de la réalité d’un fait ou de l’existence d’un acte
juridique ». Elle est à cet égard un document réclamé par une administration et qui est
nécessaire à l’administré qui souhaite faire reconnaître ses droits auprès de celle-ci ou qui
souhaite en obtenir une prestation 658. En ce qui concerne la preuve contentieuse, il faudrait
noter qu’elle se rapporte au litige. Elle fait intervenir le juge et permet d’emporter la conviction
de ce dernier sur des faits allégués sur une situation de fait donnée. Elle est entendue dans ce
sens comme un élément fondamental dans la résolution juridictionnelle des litiges et comme
un procédé employé pour parvenir à une fin 659.

Qu’elle soit perçue sous un angle civiliste, pénaliste ou publiciste, la notion de preuve
conserve son caractère matériel qui met l’accent sur la volonté des parties à l’instance, de
produire les éléments de conviction permettant d’aboutir à la confirmation par le juge d’une
allégation qui repose sur des faits. Charles Méjean note dans ce sens que « la preuve est une
formalité indispensable, car si elle n’est pas accomplie, le juge n’ayant la certitude d’être en
présence d’une partie dont la prétention est juste, ne lui donnera pas gain de cause » 660.
Considérée comme la clé de voûte du système procédural, la preuve permet une bonne
administration de la justice et concourt à garantir les droits des citoyens, puisque comme le
souligne le professeur Pierre Pactet, « un droit ne présente pour son titulaire d’utilité véritable
que pour autant qu’il peut être établi en justice, un droit qui ne peut être prouvé étant
considéré comme pratiquement inexistant 661. Le professeur François Terré abondant dans ce
sens, relève le caractère central de la preuve en droit, en affirmant qu’elle est à la charnière du
système et du sujet de droit. Il continue dans cette lignée en précisant qu’il ne suffit pas d’être
titulaire d’un droit, ou de se trouver dans une certaine situation juridique pour obtenir

657 Vocabulaire juridique, op. cit., p. 792.


658 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, Paris, L’harmattan, 2013, p. 30-32.
659 Lexique des termes juridiques, op.cit., p. 773.
660 MÉJEAN CH., La procédure devant le tribunal administratif, op. cit. p. 107.
661 PACTET P., Essai d’une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, Paris, éditions A. Pedone, 1952, p. 4.

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satisfaction, le titulaire de ce droit ne pourra efficacement s’en prévaloir que s’il est capable
d’en prouver l’existence 662.

Prouver consiste à démontrer la réalité d’un fait, ou à présenter les éléments de conviction
de nature à entraîner la décision d’une autorité compétente 663. La preuve est principalement
entendue dans sa fonction finaliste. Elle vise la recherche de la vérité à travers une
démonstration ou un raisonnement qui permet de persuader le juge sur le bien-fondé des
allégations. Selon le professeur Bernard Pacteau, la preuve est la clé du procès, puisque de ses
rigueurs ou de ses souplesses dépendent les perspectives concrètes de l’action en justice 664. Il
en résulte qu’il appartient au demandeur d’apporter la preuve des griefs qu’il invoque dans sa
protestation. La charge de la preuve qui pèse sur le requérant varie en fonction de l’organe
compétent, elle est relativement souple devant le juge administratif et le requérant est à cet
égard soumis à la production d’un commencement de preuve (A) tandis qu’il est assujetti à
l’exigence d’un fondement probant devant le Conseil constitutionnel (B).

A. La production d’un commencement de preuve devant le juge


administratif
La problématique relative à la charge de la preuve met en exergue les aspects relatifs à la
charge, les modes et la recevabilité des éléments de preuve. La procédure contentieuse
applicable dans le contentieux des élections municipales s’assimile à celle du plein contentieux,
elle est à cet égard essentiellement écrite et secrète. L’enregistrement de la requête constituant
le point de départ de l’instruction, on observe que cette dernière est dominée par un caractère
contradictoire qui impose que les parties impliquées dans l’instance soient informées de tous
les éléments de la procédure, notamment des conclusions et arguments afin qu’elles en aient
une connaissance complète leur permettant de présenter leur version des faits litigieux. Le
professeur Olivier Gohin considère en effet les procédés de production et de communication
des pièces entre les parties comme étant au cœur de la phase d’instruction 665, puisqu’ils
concourent à l’établissement de la vérité d’une allégation, et participent à asseoir l’intime
conviction du juge. L’absence de textes de portée générale régissant le régime des preuves
dans le contentieux administratif a amené le juge administratif à interpréter de manière libérale
les éléments de preuve, se réservant ainsi un large pouvoir discrétionnaire dans la prise en
compte des éléments de preuve qui lui sont présentés. Pour le professeur Bernard Pacteau, le

662 TERRÉ, Fr., Introduction générale au droit, op. cit. p. 480.


663 Lire sur la définition de la notion de preuve, PLANTEY A., « La preuve devant le juge administratif », JCP,
1986, 13245, p.4. ; PACTEAU B., in Répertoire contentieux administratif, tome 3, P-V, .Dalloz, 2003.
664 PACTEAU B., Manuel de contentieux administratif, op. cit., p. 191.
665 GOHIN O., Contentieux administratif, op. cit,, p. 236.

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régime de la preuve dans le contentieux administratif et électoral en particulier tire son
originalité de son caractère largement jurisprudentiel et généreux quant à son contenu pour le
requérant, puisque ce dernier est rarement laissé seul face à sa prétention 666. Il convient
cependant de noter, nonobstant les caractères souple et libéral qui dominent la procédure
contentieuse, que le juge n’écarte pas l’adage actori incumbit probatio, répondant ainsi à la
question de savoir qui doit prouver (1), malgré les exceptions et aménagements dont il
l’entoure (2).

1. La transposition de la règle actori incumbit probatio


La décision du juge étant soumise à l’examen préalable des éléments de preuve qui lui sont
présentés, le requérant se doit d’emporter l’intime conviction du juge par la production des
preuves, puisque c’est lui qui réclame et qui prétend. La règle actori incumbit probatio, tirée d’une
expression latine en vertu de laquelle la charge de la preuve incombe au demandeur, constitue
le fondement de la règle de la preuve dans la procédure civile. Énoncée par l’article 1315 du
Code civil français, cette règle fait peser sur le requérant l’obligation de prouver les éléments
qu’il avance à l’appui de ses prétentions. Le professeur Xavier Lagarde observe dans ce sens
que « toute prétention juridique passe, pour les besoins de sa consécration, par une exigence
de justification. Dès lors, qu’une prétention s’affirme nécessairement au détriment d’autrui, il
ne saurait y être fait droit par le seul effet de son affirmation ; le jugement d’un tiers s’impose,
comme s’impose la nécessité de le convaincre » 667.

Bien que le régime de la preuve applicable à la procédure civile ne soit pas le même que
celui qu’on retrouve dans la procédure administrative, l’on observe que le juge administratif,
face à une absence de texte de portée générale en la matière, s’approprie cette règle et fait
supporter au demandeur le fardeau de la preuve, puisque c’est lui qui prend l’initiative de
l’instance. Pierre Pactet qualifiait la charge de preuve qui pèse sur le requérant de « juridique »,
puisqu’elle désigne l’obligation dont il se trouve tenue pour apporter la preuve positive ou
négative des faits qu’il allègue 668. À contrepied de cette position, Léo Goldenberg écrivait
dans sa thèse que la charge de la preuve est plus psychologique que juridique, puisque le juge
peut s’écarter de la charge juridique pour ne prendre en compte que son intime conviction 669.
En définitive, il faudrait dire ici que ces deux positions se complètent sans s’exclure, puisque
nonobstant l’exigence de commencement de preuve qui pèse sur le requérant, le juge emploie

666 PACTEAU B., Manuel de contentieux administratif, op. cit., p. 192.


667 LAGARDE X., « Preuve », in Dictionnaire de la justice, op. cit., p. 1033.
668 PACTET P., Essai d’une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, op.cit., p. 58.
669 GOLDENBERG L., Le Conseil d’État juge de fait, Thèse de l’Université de Paris, 1932, cité par FOULQUIER C.
La preuve et la justice administrative française, op. cit. p. 336.

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d’autres procédés pour asseoir sa conviction. Le juge électoral précise dans ce sens que,
« considérant que le contentieux administratif n’a pas édicté de règles spéciales
d’administration de la preuve ; qu’il en résulte qu’en droit administratif, le juge peut recevoir
tous les moyens de preuve qui lui sont présentés par les parties au litige selon les règles
générales de preuve ... » 670.

Même si la procédure administrative est essentiellement d’origine jurisprudentielle et repose


sur le système libre de la preuve, l’on ne saurait occulter les dispositions textuelles y relatives.
Ainsi, la charge de prouver qui pèse sur le requérant est prévue par les dispositions des articles
35 et 75 et 76 des lois fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs
d’une part et de la Chambre administrative de la Cour suprême d’autre part 671. Il en découle
que le requérant doit exposer dans sa requête introductive d’instance ou son mémoire d’appel,
les faits et moyens qui servent de base à la demande et l’énumération des pièces produite à
l’appui de celle-ci. Ces dispositions textuelles ne revêtent en apparence pas un caractère
impératif, elles mettent en exergue la libre production des pièces qui prévaut dans le
déroulement de l’instance et participent au bon déroulement de l’instruction et de la discussion
contradictoire. Toutefois, eu égard à la règle actori incumbit probatio tirée de la procédure civile et
des dispositions textuelles susvisées, il est établi que la charge de la preuve est attribuée au
demandeur aux fins de rapporter la preuve des faits litigieux. Cette position que confirme le
juge administratif camerounais dans une espèce Mbarga Mboa Philippe, précise qu’il appartient
au requérant de rapporter la preuve de la réalité des griefs qu’il allègue sous peine de voir sa
requête rejetée. C’est ainsi que le juge emploie des formules telles « qu’il n’est pas établi
que... » 672, « le requérant allègue mais ne démontre pas ... », « soutient mais ne démontre pas
que ... », pour affirmer l’application de la règle actori incumbit probatio au contentieux électoral.

670 Arrêt n°02/CEM/08 du 28 août 2008, Kamga Ngandjui, Tjoula Motho et Moumi II Feuga, Elogo Jacques, État du
Cameroun (Minatd) contre État du Cameroun (Minatd), Kwemo Pierre (SDF).
671 L’article 35 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs dispose que : « la
requête introductive d’instance doit contenir les nom, prénoms, profession et domicile du demandeur, la
désignation du défendeur, l’exposé des faits qui servent de base à la demande, les moyens et l’énumération
des pièces produites à l’appui de la demande ».
Les articles 75 et 76 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême disposent en ce
qui concerne la Chambre administrative que : « Dans les quinze (15) jours de la déclaration d’appel, le
demandeur dépose contre récépissé, son mémoire au Greffe de la Chambre administrative.
Le mémoire doit contenir les noms, prénoms, profession et domicile de l’appelant, l’exposé des faits qui
servent de base à l’appel, les moyens ainsi que l’énumération des pièces y annexées.
672 Dans les jugements ci-dessous énumérés de manière non exhaustive, le juge administratif a rejeté les
recours au fond, aux motifs que les allégations n’étaient appuyées par aucune pièce probante digne
d’intérêt, qu’elles étaient insuffisantes pur établir que les griefs soulevés avaient entamé la sincérité du
scrutin. Jugements n°81/CE/01-02 du 03 septembre 2002, Kotie Emmanuel et autres candidats de l’UPC, commune
urbaine de Douala Ve contre État du Cameroun (Minat) et RDPC ; 82/CE/01-02 du 03 septembre 2002, Kamga
Rigobert, candidat du SDF, commune rurale de Douala Ve contre Etat du Cameroun (Minat), et RDPC ; n°86/06-07 du
12 juin 2007, Ngantcha Louis Henri, tête de liste du RDPC dans la commune de Loum, contre État du Cameroun
(Minatd) ; n°95/CE/06-07 du 12 juin 2007, Hamadou Abba contre État du Cameroun ; etc.

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Cette règle fait ainsi peser sur le requérant l’obligation de produire une charge minimale de
preuve visant à amorcer la conviction du juge quant au bien-fondé du recours. En effet,
nonobstant le caractère libre de la preuve, l’on note que le requérant n’est pas exempter de la
détermination et la précision de ses allégations. Le juge administratif fonde son raisonnement
sur le principe selon lequel tout fait allégué par l’une des parties doit être prouvé, puisque
« prouver un fait, c’est en établir l’existence, mais aussi la signification. La preuve doit prouver
une hypothèse, une allégation, aussi est-elle toujours conditionnée par elle. Elle n’existe pas en
dehors d’elle » 673. Cette affirmation de madame Caroline foulquier met en exergue la nécessité
de fournir des éléments de vraisemblance qui permettent d’éliminer tout risque de la preuve
d’une part, de susciter des effets substantiels —ouvrant au défenseur la possibilité de réagir—,
ou processuels —permettant au juge d’ordonner des mesures d’instruction— d’autre part.
Bien qu’il ne soit nullement question pour le juge d’exiger du requérant une présentation
complète des éléments de preuve, il reste toutefois pointilleux sur la qualité des preuves en
présence, apprécie de manière rigoureuse le commencement de preuve qui lui est présenté et
examine le contenu de celles-ci en considérant comme de simples affirmations dénuées de
toute force probante, les réclamations fondées sur des simples témoignages ou observations
ou constatations 674. La preuve ne se limitant pas à une simple et vague allégation, le requérant
doit présenter des moyens clairement formulés à l’appui de sa demande. Il s’agira pour lui
d’exposer un raisonnement destiné à prouver ou à réfuter des faits allégués. Pour madame
Caroline Foulquier, l’argument est le support de la preuve en ce qu’elle n’existe pas en dehors
d’un discours ayant une volonté de convaincre. La preuve constitue ainsi dans l’argumentation,
un élément qui peut emporter la conviction du juge sur la compréhension des faits ou
l’opportunité d’appliquer une règle de droit 675. À l’évidence, le contenu de la preuve occupe
une place importante dans la procédure en ce qu’elle conditionne la suite du procès. Le
professeur Jean-Philippe Colson souligne à cet égard que l’offre de preuve, qui résulte
théoriquement de l’initiative des parties constitue en réalité une donnée du procès étroitement
liée au caractère du litige et aux questions de droit qu’il soulève. Elle conduit le juge à lui

673 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, op. cit., p. 219.
674 Dans les arrêts n°63/CE/01-02 du 17 juillet 2002, Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) Social
Democratic Front (SDF), circonscription des Hauts-plateaux contre État du Cameroun (Minat) ; n°84/CE/01-02 du 17
juillet 2002, UNDP , circonscription du Wouri-Est contre État du Cameroun (Minat) etc. ; Dans cette espèce, le
Conseil constitutionnel décide que, « attendu, en ce qui concerne les griefs sur le déroulement du scrutin
dans la circonscription dont il s’agit, il ne résulte de l’instruction de l’affaire aucune preuve ou
commencement que les faits dénoncés ont été perpétrés, étant à relever qu’aucune force probante ne
saurait être attachée aux photocopies de correspondances versées au dossier » . Il déclare le recours
irrecevable pour défaut de motifs, puisque le requérant s’est borné à l’invocation des obstacles à la
constitution de son dossier de candidature sans en indiquer la nature. Par ailleurs, dans l’arrêt n°05 du 1er
octobre 2004, Keme Wamgue Arnold, candidat du parti Mission Absolue et Suprême (MAS) contre État du Cameroun.
675 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, ibid., p. 32.

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accorder ou lui refuser toute sa valeur probante 676, d’où la nécessité pour le requérant de
contester utilement, bien que sa charge de la preuve contienne quelquefois certaines
atténuations.

2. L’assouplissement de la charge de la preuve


L’assouplissement de la charge de la preuve qui pèse sur le requérant ne signifie
aucunement que ce dernier est dispensé de produire les éléments de preuve permettant de
fonder ses allégations. La grande liberté du juge et le caractère peu conceptualisé du régime de
la preuve constituent les éléments fondamentaux de l’assouplissement de la charge de la
preuve qui incombe au requérant. L’atténuation se rapporte par ailleurs à l’accompagnement
dont il fait l’objet dans la production des éléments de preuve qui lui sont requis. Elle se justifie
également par un souci de rétablissement de l’équité, puisque le requérant est placé dans une
situation d’infériorité vis-à-vis de l’Administration défenderesse 677. L’accompagnement du
requérant dans la production de la charge de la preuve se manifeste d’une part au moment du
dépôt de sa demande introductive d’instance et d’autre part dans l’exemption de produire
certains éléments de preuve. Eu égard aux dispositions des articles 37 alinéas 2 et 3 de la loi
fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, puis 78 et 84 alinéa 2
de celle fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême, le rapporteur désigné
par le juge invite le requérant à régulariser sa demande et lui demande de produire tout autre
document jugé utile à la solution du litige, puisque l’irrecevabilité de la requête n’intervient
qu’à la suite des avertissements restés sans effet.

En outre, l’on note en ce qui concerne les éléments de preuve que le requérant n’est pas
astreint à la production des points de droit permettant de fonder ses allégations eu égard à cet
adage latin très ancien juria novit curia. Charles Méjean affirmait à cet effet que « la partie qui a
la charge de la preuve (...) n’a pas à établir l’existence des points de droit sur lesquels elle
appuie sa prétention, car le juge est censé connaître le droit mais doit par contre établir que les
faits existent bien et qu’ils entrent dans les conditions fixées par la loi pour la réalisation de
telle situation juridique déterminée » 678. Cette position de Charles Méjean semble avoir
désormais évoluer, puisque certains auteurs ont considéré que les parties jouent un rôle limité
dans le droit bien que les faits demeurent leur base de démonstration. Pour ces auteurs en
effet, « l’allégation est toujours colorée de droit » 679. Pour Pierre Pactet, la preuve permettant

676 COLSON J.-Ph., L’office du juge et la preuve dans le contentieux administratif, op. cit., p. 48.
677 En matière électorale, le requérant est amené à contester ou réclamer relativement aux opérations
préélectorales ou électorales, le mettant en face d’Elecam qui représente l’Administration dans
l’organisation des processus électoraux.
678 MÉJEAN Ch., La procédure devant le tribunal administratif, op. cit., p. 107.
679 GUINCHARD S., FERRAND S., CHANAIS C., Procédure civile, 4ème édition, Paris, Dalloz, 2015, p. 430.

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d’établir l’existence d’un fait puis l’application d’une règle, les parties doivent tenter de prouver
au juge qu’il doit appliquer telle règle déterminée 680.

À l’évidence, le rôle du requérant dans la production des éléments de preuve devant le juge
administratif est relativement souple en raison des rapports d’inégalité qui prévalent entre
l’Administration et l’administré. Il faudrait cependant relever que la souplesse que l’on observe
dans le contentieux administratif n’est pas transposé à l’identique au contentieux électoral. Le
juge électoral est plus rigoureux et veille à ce que le requérant présente la vraisemblance de ses
allégations de manière précise, claire, et sérieuse. Cette exigence qui demeure cependant
minimale devant le juge administratif est plus contraignante devant le Conseil constitutionnel
qui sanctionne la méconnaissance de celle-ci par l’irrecevabilité de la requête.

B. L’exigence d’un fondement probant devant le Conseil constitutionnel


L’exigence pour le requérant de produire non pas un commencement de preuve, mais un
fondement probant se justifie par la nature de l’élection en cause et par le statut du Conseil
constitutionnel. Juge de la régularité des élections nationales, le Conseil constitutionnel connaît
des recours dirigés contre les opérations préliminaires, les opérations électorales et
postélectorales. Eu égard aux dispositions de l’article 12 de la loi portant organisation et
fonctionnement du Conseil constitutionnel, ce dernier statue exclusivement en cas de saisine
ou de requête. La saisine du Conseil constitutionnel est soumise au respect des formalités
subjectives et objectives qui permettent au juge d’examiner la requête, afin de donner une
solution de droit au litige qui lui est soumis. À l’instar de la procédure devant le juge
administratif, le règlement d’un litige devant le Conseil constitutionnel passe par les phases
d’instruction puis de jugement.

Précisée par les dispositions des articles 55 à 64 de la loi portant organisation et


fonctionnement du Conseil constitutionnel, la procédure d’instruction devant le Conseil
constitutionnel débute dès la réception et l’enregistrement de la requête par le secrétariat
général du Conseil constitutionnel 681. La lecture des dispositions de l’article 57 de la loi
portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel précise le régime de la
procédure qui se déroule devant le Conseil constitutionnel. Celle-ci, à l’instar de celle qui se
déroule devant le juge administratif est écrite, contradictoire et favorise un débat entre les
parties. La procédure d’instruction fait intervenir le secrétaire général et le rapporteur désigné

680 PACTET P., Essai d’une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, op. cit. p. 124.
681 La recevabilité de la demande introductive d’instance devant le Conseil constitutionnel est subordonnée à
l’exigence liée à l’identification du requérant et de la requête. Elle doit ainsi être datée et signée du requérant
d’une part, être motivée et comporter un exposé sommaire des moyens de fait et de droit qui la fondent
d’autre part.

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par le président du Conseil constitutionnel 682. Le secrétaire général participe pour une part
importante aux échanges contradictoires entre les parties. Son rôle s’étend de la réception à la
notification de la requête aux parties impliquées. En effet, dès réception de la requête au
secrétariat général du Conseil constitutionnel, le secrétaire général l’enregistre suivant la date
d’arrivée, délivre un récépissé constatant l’enregistrement au requérant, puis la notifie au
candidat dont l’élection est contestée, afin qu’il prenne connaissance de la requête pour
produire ses observations dans un délai qui lui est imparti.

L’article 134 du Code électoral prévoit le rejet par le Conseil constitutionnel, par décision
motivée et sans instruction contradictoire préalable, les requêtes irrecevables notamment,
celles prématurées, tardives, déposées auprès d’une autorité incompétente ou dépourvues de
motivation ou de justification et ne contenant que des griefs sans incidence sur le scrutin.
Ainsi, n’ouvrent pas la voie à une instruction contradictoire, les requêtes présentées hors délai,
celles qui ne comportent pas de grief sérieux, des allégations non assorties de précisions et
justifications permettant au juge d’en apprécier la portée, et celles dépourvues de tout lien avec
les opérations électorales mises en cause 683. Il s’ensuit que les seuls arguments susceptibles
d’être invoqués à l’appui d’un recours sont ceux qui font état des griefs qui ont eu une
influence sur les résultats du scrutin. De toute évidence, la production d’un fondement
probant impose au requérant de fournir des informations fiables et pertinentes, notamment un
exposé sommaire des moyens et faits de droit et les pièces produites au soutien des moyens.
Dans le cas contraire, le Conseil constitutionnel procède au rejet de la requête sans instruction
contradictoire préalable.

La preuve est au service de la justice pour rétablir la vérité. Elle mute cependant eu égard
au caractère inquisitorial qui régit la procédure d’instruction et transforme le régime de la
charge en créant une collaboration en vue de la résolution du litige. Le professeur François
Terré explique cette collaboration comme le souci d’une nécessaire cohabitation entre
existence et efficacité du droit subjectif. Pour lui, « un droit subjectif s’il n’est pas atteint dans
son existence, est néanmoins anéanti dans son efficacité lorsqu’il n’est pas prouvé. L’idée
nouvelle a été proposée de l’existence d’un droit subjectif processuel, doublant et renforçant le
droit subjectif substantiel : le droit à la preuve (...) » 684. Indubitablement, la notion de preuve

682 Article 60 de la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel.


683 À l’occasion des élections législatives de juin 2012 en France, le Conseil constitutionnel s’est prononcé les
13 et 20 juillet 2012 sur respectivement 27 et 26 protestations, soit 53 protestations qu’il a rejetées dans 48
décisions. Ces protestations soit étaient irrecevables ou dépourvues de justification, soit dénonçaient des
faits insusceptibles d’avoir altéré la sincérité du scrutin. Voir sur la question les commentaires des décisions
des 13 et 20 juillet 2012 sur des réclamations dirigées contre les élections législatives. En ligne,
www.conseil-constitutionnel.fr/conseil.../decisions/an/ccc_201207.pdf . (Consulté le 10/02/2013).
684 TERRÉ Fr., Introduction générale au droit, op. cit. p. 485.

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en apparence simple, s’avère complexe et insaisissable. C’est certainement ce qui a amené un
commissaire de gouvernement français dans l’espèce Tochou, à affirmer que « la charge de la
preuve n’existe pas » 685, parce qu’elle appelle la conjugaison des effets de droit substantiel et
processuel qui permet au juge d’apprécier le bien-fondé d’une requête afin de légitimer sa
décision. Affirmer ainsi de manière péremptoire que la charge de la preuve n’existe pas
pourrait sembler inopportun, d’où la nécessité d’y apporter quelques aménagements. À notre
sens, cette affirmation loin d’être négligeable, met en exergue la nécessaire coopération qui
sous-tend le régime de la preuve. L’on relève un dépassement de la règle actori incumbit probatio
qui permet une sorte de partage des rôles dans la procédure d’instruction. C’est ainsi qu’alors
que les parties précisent les prétentions susceptibles d’entraîner la conviction du juge, ce
dernier réunit les éléments de décision qui lui permettront de trancher le litige qui lui est
soumis 686.

§ 2. L’INTERVENTION COMPLÉMENTAIRE DU JUGE DANS LA PRODUCTION DE LA


PREUVE

Le contentieux électoral est considéré comme un instrument de défense des droits


subjectifs, notamment les droits civils et politiques des citoyens et de préservation du droit
objectif. L’implication du juge à la recherche de la preuve découle du caractère inquisitorial de
la procédure et vise une protection effective du dispositif de la loi, et le dénouement efficace
du procès. C’est dans cette logique que Pierre Pactet affirme que « l’annonce d’un procès
opposant un administré à la puissance publique fait un peu penser au combat que David
devait livrer à Goliath » 687. L’inégalité relevée entre les parties à l’instance et la difficulté pour
celles-ci de produire certains éléments de preuve justifient la participation du juge dans la
production des preuves. Cependant, cette participation ne saurait constituer un renversement
de la charge de la preuve, une substitution dans la production de celle-ci. La finalité de la
preuve permettant à la règle de droit d’être effective, l’intervention du juge dans la recherche
de la preuve crée des effets processuels qui visent la vérification des allégations des parties. En
effet, comme l’écrit le professeur Caroline Foulquier, « le juge (...) peut mettre en mouvement
la procédure inquisitoire par des mesures d’instruction, en raison d’un commencement de
preuve mais aussi parce que la discussion contradictoire entre les parties ne suffit pas à établir

685 GALMOT Y., Concl. Sur le CE, 22 avr. 1966, Tochou : RDP, 1966, p. 584-587.
686 Selon le professeur Caroline Foulquier, le commencement de preuve apporté par le requérant entraîne soit
un allègement de la charge de la preuve, soit des injonctions, ou l’implication du juge par voie de mesures
d’instruction. FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, op. cit. p. 348.
Arrêt n°44/CEL/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UPC contre État du Cameroun (MINAT), circonscription
électorale du NKAM. Le juge électoral dans cette espèce s’est fondé sur les procès-verbaux de l’ONEL pour
constater et sanctionner lesirrégularités décriées dans le déroulement du scrutin.
687 PACTET P., Essai d’une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, op. cit., p. 124.

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sa conviction » 688. Pour ce faire, il procède par la prescription des mesures d’instruction 689
confiées à un rapporteur désigné à cet effet (A), ou d’injonction mises en œuvre par lui-même
(B).

A. La prescription des mesures d’instruction confiées à un rapporteur


De nature polysémique, le terme rapporteur revêt plusieurs sens selon le domaine en cause.
En géométrie, il désigne un instrument en forme de demi-cercle gradué utilisé pour mesurer
des angles et pour construire des figures géométriques. Dans un sens général, le rapporteur est
considéré comme celui qui dit ce qu’il a vu ou entendu. En matière processuelle, il est celui qui
rend compte d’une affaire à traiter, qui établit le rapport lors d’un procès 690. Nonobstant les
diverses acceptions qui entourent la définition du rapporteur, l’idée retenue reste finaliste.
Ainsi, à l’instar des figures qu’il permet de mesurer et de construire en géométrie, le rapporteur
joue similairement un rôle crucial dans le déroulement du procès, puisqu’il rassemble les
éléments de preuve sur des évènements passés, afin d’établir la vérité donnant lieu à une
solution de droit 691.

L’enregistrement de la requête et la désignation d’un rapporteur étant considérés comme la


phase préparatoire de la procédure d’instruction, l’on observe que s’il appartient au secrétaire
général du Conseil constitutionnel ou au greffier en chef d’assurer en premier lieu la
communication entre les parties, c’est au rapporteur que revient le rôle central de la conduite
de l’instruction. En effet, désigné par le Conseil constitutionnel ou le président du tribunal ou
de la Chambre administrative selon le cas, le rapporteur joue un rôle central dans la phase
d’instruction qu’il assure jusqu’à la mise en état du dossier. Pour ce faire, il procède par des
techniques d’instruction 692 prévues par les dispositions textuelles des lois susmentionnées,

688 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, ibid., p. 354.


Lire par ailleurs BOULAY J., La preuve, par témoins devant le juge administratif, une technique d’investigation décisive, op.
cit., p. 3.
689 Le professeur François Terré écrit sur a question que, « le droit à la preuve est un droit subjectif qui n’a pas
reçu de consécration directe. Mais il constitue le fondement nécessaire d’une évolution très nette des règles
régissant l’administration de la preuve. Ainsi, c’est sans doute en vertu d’un tel droit qu’une partie peut
obtenir du juge qu’il ordonne la communication forcée des pièces à la charge de l’adversaire ou même d’un
tiers, (...), les mesures d’instruction nécessaires (...) à la recherche de la vérité ». TERRÉ Fr., Introduction
générale au droit, op. cit., p. 485.
690 Définition tirée du CNRTL, op. cit.
691 L’intervention du rapporteur est essentiellement tournée vers la contradiction dans une procédure qui se
déroule devant le juge administratif alors qu’à l’inverse, il exerce de véritables pouvoirs d’inquisition devant
le Conseil constitutionnel.
692 Le contentieux électoral bien que considéré comme un plein contentieux n’obéit pas à la quasi-totalité des
règles qui régissent le contentieux administratif. Si la procédure contentieuse respecte les règles de la
contradiction et de l’inquisitoire, les techniques employées ne sont pas identiques. Notre propos sera ainsi
limité aux techniques d’instruction qui ont cours dans le règlement du contentieux électoral, en l’occurrence

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notamment l’audition des parties (1) ou la demande de production de pièces complémentaires
(2).

1. L’audition des parties


D’origine latine auditum qui signifie entendre, la notion d’audition est définie comme
l’action d’entendre, d’écouter quelqu’un. En droit, l’audition constitue une technique
d’investigation permettant d’entendre des témoins en justice. Elle est également le fait pour le
juge d’entendre en audience publique ou en cabinet, l’une ou l’autre des parties comparaissant
en personne, d’entendre un témoin ou d’entendre un expert. L’audition est un procédé
d’investigation dont le rapporteur peut se servir pour apporter des éléments de preuve lors de
l’instruction d’une affaire qui lui est confiée. En procédure civile, l’audition constitue le fait
pour un magistrat, à tout moment ou même d’office, d’entendre les parties en dehors d’une
procédure de comparution 693. En matière administrative contentieuse à l’inverse, l’audition
s’assimile à une enquête et est quelquefois écartée au profit des injonctions. Dans le
contentieux administratif, l’audition constitue une manifestation de la règle de l’inquisitoire qui
permet au juge d’ordonner des mesures d’instruction en vue d’obtenir des preuves nécessaire
pour fonder sa conviction. Le juge peut l’ordonner soit d’office, soit à la demande de l’une des
parties. Monsieur Jeremy Boulay affirme à ce propos que « l’audition des témoins constitue
l’ancrage des opérations de preuve par lequel [le juge] va être amené à conclure le litige » 694.
Pour lui en effet, la preuve par témoins vise à auditionner des tiers qui apporteront les
données nécessaires ou indispensables pour forger la conviction du juge sur la réalité du
déroulement de certains faits 695.

L’audition a lieu devant le tribunal et obéit à une flexibilité remarquable. En effet, l’on note
que le tribunal peut décider de commettre un de ses juges accompagné par un greffier auprès
de la partie qui se trouve dans l’impossibilité de comparaître. C’est également le cas lorsque
l’éloignement des parties ou de l’une d’elles rend le déplacement difficile ou onéreux. Le juge
de la juridiction saisie donne commission rogatoire au tribunal du domicile ou de la résidence
pour entendre les parties ensemble ou séparément. Les parties interrogées répondent ainsi en

l’audition des parties et la demande de production des pièces, et nous exclurons les autres mesures telles
que les enquêtes les descentes sur les lieux, les expertises
693 Lexique des termes juridiques, op. cit. p. 99.
694 BOULAY J. La preuve par témoins devant le juge administratif/ une technique d’investigation décisive, Paris, Tec &Doc
Lavoisier, 2001, p. 206.
695 BOULAY J. La preuve par témoins devant le juge administratif/ une technique d’investigation décisive, ibid., p. 206.

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personne aux questions qui leur sont posées sans se servir d’un texte écrit, sauf sur
autorisation expresse du président 696.

S’agissant de la matière électorale, on observe a contrario que l’usage de la technique


d’audition diffère en fonction de l’organe compétent. La lecture des dispositions combinées du
Code électoral, des lois portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel, des
tribunaux administratifs et de la Chambre administrative de la Cour suprême permettent de
déterminer que l’audition est peu employée devant le juge administratif d’une part et le Conseil
constitutionnel d’autre part. Ainsi, le rapporteur désigné par le président du tribunal
administratif ou de la chambre administrative n’entend pas les parties. Il procède par la
technique de demande de production de pièces. À l’inverse, le rapporteur désigné par le
président du Conseil constitutionnel en fait son instrument privilégié 697. L’article 133 du Code
électoral dispose que le Conseil constitutionnel à l’occasion du contentieux des opérations
électorales peut, s’il le juge nécessaire, entendre tout requérant. L’article 60 alinéa 3 de la loi
portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel quant à lui confie au
rapporteur le pouvoir d’entendre les parties ou toute autre personne dont l’audition lui parait
opportune. L’analyse des dispositions susmentionnées révèle un large pouvoir discrétionnaire
rattaché à la mise en œuvre de cette technique, puisque ni le rapporteur, ni le Conseil
constitutionnel n’a d’obligation à s’en servir. Ces derniers ne la mettent en œuvre que lorsqu’ils
en ressentent la nécessité et lorsqu’ils ne détiennent pas suffisamment d’éléments pour
apporter la lumière sur des faits précis.

La technique d’audition bien que réglementée, est très peu fréquente devant le juge
administratif. Cette technique d’instruction est supplantée par d’autres mesures telles que

696 Articles 77 à 82 de la loi portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs camerounais.
Lire sur la question OWONA J., Le contentieux administratif de la République du Cameroun, L’harmattan, 2011,
p. 98-99 ; NGOLE NGUESE Ph., BINYOUM J., Éléments du contentieux administratif camerounais, L’harmattan,
2010, p. 92 ; KEUTCHA THAPNGA C., Précis de contentieux administratif au Cameroun : aspects de l’évolution récente,
Paris, l’harmattan, coll. Droits africains et malgache, 2013, 324 p.
697 En France, sauf cas de requête manifestement irrecevable ou fondée sur des griefs manifestement sans
influence sur le résultat de l'élection, la requête est instruite par une section d'instruction composée de trois
membres nommés du Conseil constitutionnel ou par le Conseil lui-même. L'instruction se caractérise par
une procédure contradictoire, avec échange de mémoires entre les parties. Une enquête peut être ordonnée,
ainsi que la communication de toute pièce permettant d'apporter un éclairage utile au Conseil.
Le règlement applicable à la procédure devant le Conseil constitutionnel permet l'audition des parties. Le
Conseil fait droit à une demande d'audition d'une des parties lorsqu'il s'avère utile de préciser les arguments
de celle-ci ou d'obtenir des éléments de fait utile à la résolution de la contestation. Toutes les parties sont
alors convoquées. L'audition a lieu non pas devant la section d'instruction mais en séance plénière.
L'audition donne lieu à un procès-verbal versé au dossier. Le Conseil peut lui-même, à titre de mesure
d'instruction et en dehors de toute demande des parties, organiser une audition. Le rapporteur adjoint
assiste à toutes les auditions.
Source : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/documentation/dossiers-
thematiques/elections-legislatives-2012/missions-du-conseil/elections-legislatives-missions-du-conseil-
constitutionnel.105802.html (consulté le 12/03/2012).

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l’enquête 698, l’expertise 699, les descentes sur les lieux 700, la vérification d’écritures701, autant de
techniques auxquelles nous ne nous intéresserons pas, pour nous focaliser à celle de la
demande de production des pièces et documents.

2. La demande de production des pièces et documents


Comme son intitulé l’indique, la technique de demande de production des pièces permet au
rapporteur de solliciter des parties des pièces qu’il juge nécessaire à la conduite de l’instruction.
Employée fréquemment devant le juge administratif, la demande de production des pièces
découle du caractère inquisitoire de la procédure contentieuse qui accorde au juge la possibilité
d’organiser et de diriger l’instruction de la requête. Eu égard à cette finalité, le rapporteur
désigné par le juge peut demander aux parties de produire des pièces complémentaires lors du
dépôt de la requête introductive d’instance ou des mémoires en défense. Le procédé relatif à la
demande des pièces complémentaires est employé aussi bien devant le juge administratif que le
Conseil constitutionnel. Concernant la production des pièces devant le juge administratif, l’on
observe que malgré son implication dans les échanges contradictoires, le rapporteur exerce
parallèlement des actions mettant en exergue l’inquisitorialité de la procédure. Conformément
aux articles 42 et 84 alinéa 2, respectivement des lois portant organisation et fonctionnement
des tribunaux administratifs et de la Cour suprême, le rapporteur détient le pouvoir de mettre

698 L’enquête est définie par Robert Perrot comme « une procédure au moyen de laquelle sont recueillis des
témoignages de personnes étrangères à l’instance et qui sont invitées à relater devant le juge ce qu’elles ont
vu ou entendu au sujet des faits litigieux » (PERROT R., Cours de droit judiciaire privé, Paris, Les cours de droit,
1972-1973, p. 375, cité par NGOLE Ph. Ng. ; BINYOUM J. Éléments du contentieux administratif camerounais, op.
cit., p. 90). Prévue au Cameroun par les articles 65 à 71 de la loi portant organisation et fonctionnement des
tribunaux administratifs et R.623-1 et suivant du Code je justice administrative français, l’enquête est
ordonnée par décision de justice soit d’office par le juge, soit à la demande des parties, et intervient dans la
phase de l’instruction, notamment celle de la mise en état de l’affaire et vise la collecte d’éléments
d’informations permettant de pallier l’insuffisance de l’information du juge. Visant essentiellement à
recueillir et à collecter les témoignages, elle se manifeste sous deux formes à la barre du tribunal pendant
l’audience, ou conduite par l’un des membres de la juridiction qui enquête et fait dresser un procès-verbal
par le greffier, lequel sera déposé au greffe et communiqué aux parties (CHUPIN P., « La place de l’oralité
dans le contentieux administratif », in Fialaire J. et Kimboo J. (Dir.), Le nouveau droit du procès administratif : les
évolutions choisies, les évolutions subies, Paris, L’harmattan, coll. Logiques juridiques, p. 79-96.
699 L’expertise est définie Henri Jacquot comme « une mesure d’instruction par laquelle le juge charge une ou
plusieurs personnes choisies en raison de leur compétence, de procéder à des constatations ou à des
vérifications des faits » (JACQUOT H., « Le contentieux administratif au Cameroun », in RCD, n°8, p. 123,
cité par NGOLE NGUESE Ph. ; BINYOUM J. Éléments du contentieux administratif camerounais, ibidem., p. 91). Elle
est justifiée par l’impossibilité dans laquelle se trouve le juge pour d’apporter une appréciation technique
pour apprécier les faits qui lui sont soumis régie par les articles 84 à 93 de la loi relative aux tribunaux
administratifs camerounais, l’expertise peut être ordonnée d’office et confiée à un ou plusieurs experts,
l’objectif visé étant pour l’expert d’informer et d’éclairer le juge, et non se substituer à lui pour trancher le
point de droit soulevé.
700 Articles 72 à 76 de la loi portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs susvisé, et
R.622-1 du CJA français.
701 Article 83 loi de la loi portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs camerounais.

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les parties en demeure pour fournir toutes explications écrites ou documents dont la
production lui paraît nécessaire pour le solutionnement du litige. Cette action du rapporteur
est considérée par le professeur Alexandre Ciaudo 702 comme une sorte de régularisation.
Celle-ci ne nécessite toutefois aucun formalisme particulier, puisqu’elle est notifiée aux parties
par simple lettre. Cette technique employée dans le contentieux administratif n’est pas prévue
de manière expresse par le Code électoral. Il convient ainsi de s’interroger sur l’effectivité de sa
mise en œuvre dans le contentieux électoral, compte tenu du fait que la célérité est un principe
dominant en la matière. Monsieur Guy Quillevéré précise sur la question que la « recherche de
délais raccourcis participe d’une responsabilisation accrue des acteurs du procès administratif.
De ce point de vue, la recherche d’une meilleure organisation de l’instruction du procès
administratif ne doit pas être dissociée d’une volonté de réduction du délai de jugement (...) ».
Il continue en précisant qu’ « organiser l’instruction c’est d’une certaine façon tenter de
maîtriser l’écoulement du temps du procès (...) tout en enrichissant les affaires à juger en
contenu » 703. À notre sens, les règles qui encadrent la conduite de l’instruction dans le
contentieux administratif ne sauraient s’appliquer mutandis mutatis au contentieux électoral, au
regard de la spécificité de l’objet en étude, notamment en ce qui concerne la question de la
brièveté des délais pour saisir et statuer. Concilier célérité et efficacité se révèle dès lors
constituer pour le rapporteur une équation difficile à résoudre dans sa mission d’instruction, et
justifie sans doute l’affirmation du vice-président du tribunal administratif de Nantes selon
laquelle la conciliation de ces deux contraires est quasiment impossible 704. L’applicabilité des
techniques d’instruction du contentieux administratif proprement dit au contentieux électoral
semble ainsi irréaliste et pas facilement ajustable à celui-ci, d’où la nécessité pour le rapporteur
de rechercher davantage l’esprit de cette technique sans y appliquer un formalisme à outrance.

Concernant la procédure devant le Conseil constitutionnel, il faudrait noter que le


rapporteur fait de cette technique un usage minimaliste. Il a le pouvoir de solliciter lorsqu’il le
juge nécessaire, des avis par écrit. Le législateur ne renseigne pas sur la valeur des avis. Il ne
précise pas si les avis requis sont simples ou contraignants, il ne le fait pas davantage pour ce
qui se rapporte aux personnes dont l’avis est sollicité. Cette imprécision nous amène à penser
que cette procédure n’est pas prévue pour le contentieux électoral et qu’il serait inconcevable
de l’y rattacher. Les mesures d’instruction concourent à établir la preuve que les allégations
vraisemblables n’ont indubitablement pas pu asseoir dans la conviction du juge. Ainsi, les

702 CIAUDO A., « Demande de régularisation et mise en demeure », in Le blog-Droit administratif, sept 2006. [En
ligne], disponible sur : http://www.blogdroitadministratif.net/index.php/, (consulté le 15 :04 :2012).
703 QUILLEVÉRÉ G., « L’organisation de l’instruction du procès administratif », in Le nouveau droit du procès
administratif : les évolutions choisies, les évolutions subies, Paris, L’harmattan, 2010, p. 33-47.
704 QUILLEVÉRÉ G., « L’organisation de l’instruction du procès administratif », in Le nouveau droit du procès
administratif : les évolutions choisies, les évolutions subies, ibidem, p. 39-41.

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diverses techniques d’instruction prévues dans certains domaines ne sauraient être de manière
instinctive, applicables au contentieux électoral. Celui-ci s’en distingue par son caractère
spécifique, même s’il emprunte quelquefois certaines règles et techniques procédurales au
contentieux administratif de pleine juridiction.

La nécessaire collaboration qu’impose le caractère inquisitoire de la procédure contentieuse


permet au juge d’intervenir une fois qu’un commencement de preuve sérieux et des allégations
vraisemblables ont été produits. Pour le professeur Jean-Marc Le Masson, la réforme de la
procédure civile française dans les années soixante-dix a légitimé l’intervention du juge dans la
recherche de la preuve, condamnant par ce fait la conception passéiste du « juge-arbitre » qui
se refugiait derrière la maîtrise de l’instance par les parties 705. Dans cette hypothèse, le juge
participe à la recherche de la preuve en usant des moyens d’injonction telles que la
communication des pièces et documents complémentaires au commencement de preuve qui
lui a été soumis.

B. L’INVESTIGATION DIRECTE DU JUGE

L’implication du juge dans l’instruction, notamment dans la recherche des éléments de


preuve est conditionnée par la production par le demandeur des allégations vraisemblables.
Outre l’action du requérant, l’on observe une action du défendeur dont le rôle consiste à
établir la preuve contraire des allégations qui pèsent contre lui. L’exigence de la vraisemblance
peut être considérée comme le fondement de la collaboration des parties et de l’implication du
juge dans la recherche de la preuve. Le professeur Jean-Claude Colson 706 fondait cette
implication sur la volonté de remédier au déséquilibre de l’instance né de l’inégalité des parties.
Il précisait cependant que la décision du juge de s’impliquer dans la recherche de la preuve
dépendait d’une appréciation des caractères d’ensemble du litige faite par l’organe chargé de
l’instruction, puisqu’aucun texte ne définissait les conditions de son appréciation tout comme
aucune théorie ne permettait de la systématiser 707. Le professeur François Terré attribue quant
à lui le rôle du juge à la recherche de la manifestation de la vérité dans le procès afin
d’appliquer la règle de droit adéquate 708. En effet, garant du respect des règles de procédure et
des droits et libertés des citoyens, le juge a la mission de garantir à ces derniers un procès
équitable conformément aux dispositions des articles 7 et 6 de la Charte africaine des droits
del’homme et des peuples, et celles de la Convention européenne des droits de l’homme. La
décision du juge de participer à la recherche des éléments de preuve découle ainsi de son rôle

705 MASSON J.-M., « La recherche de la vérité dans le procès-civil », in Droit et Société, 38-1998, p. 21-32.
706 COLSON J.-P., L’office du juge et la preuve dans le contentieux administratif, op.cit., p. 101.
707 COLSON J.-P., L’office du juge et la preuve dans le contentieux administratif, ibidem., p. 112.
708 TERRÉ Fr., Introduction générale au droit, op. cit., p 482.

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classique qui consiste à contrôler et à diriger la production de preuve par les parties. Selon
madame Ariane Meynaud, l’allégorie de la déesse Thémis tenant entre ses mains les plateaux
de la balance lors d’un jugement met en exergue l’idée selon laquelle la justice ne peut être
pensée comme une œuvre de radicalité, mais comme une quête d’apporter de l’équilibre entre
revendications et principes contradictoires, mission de concilier les contraires qui revient de
par le système juridique au juge 709.

Le contentieux électoral est assimilé au plein contentieux. Le juge électoral y exerce un


important pouvoir discrétionnaire, puisque son intervention n’est soumise à aucune règle
déterminée. Même si le juge exerce une action indirecte par l’intermédiaire du rapporteur, il
convient de rappeler qu’il agit également de manière directe au travers des mesures
d’injonction qui lui permettent de prendre connaissance des éléments nécessaires au règlement
du litige. Si a priori, les mesures d’injonction se distinguent de celles d’instruction quant à leur
forme et aux garanties dont bénéficie le défendeur 710, on note en matière électorale que les
mesures d’injonction sont considérées comme l’ensemble d’actes que pose le juge électoral en
vue de la manifestation de la vérité sur la solution du litige qui lui est soumis. Sous ce rapport,
il peut procéder par l’audition des parties à l’audience (1) ou à l’examen des procès-verbaux
relatif au déroulement des opérations électorales (2) pour former sa conviction.

1. L’audition des parties à l’audience


L’audition des parties à l’audience permet au juge de donner la parole en cours d’audience,
de sa propre initiative ou sur la demande des parties désireuses de la faire. Considérée comme
une mesure d’injonction qui concourt à à l’établissement par le juge de sa conviction,
l’audition des parties à l’audience est une technique qui lui permet d’entendre personnellement
les parties sur une question donnée et de réunir les éléments qui lui permettent de statuer.
Cette technique d’instruction qui participe à la recherche de la preuve n’est pas employée de
manière spontanée par le juge lorsqu’il est saisi d’une requête, puisqu’elle est majoritairement
observée dans le contentieux des opérations électorales proprement dit. Les articles 42 alinéa 2
et 77 à 82, respectivement des lois relatives à l’organisation et au fonctionnement du Conseil
constitutionnel et des tribunaux administratifs d’une part, et 133 alinéa 2 du Code électoral
d’autre part, accordent au juge le pouvoir d’entendre directement les parties à l’audience s’ils le
jugent nécessaire. Certes, l’audition des parties s’effectue après la nomination d’un rapporteur
chargé de l’instruction qui entend les parties afin de rédiger un rapport qui sera lu en audience
publique. Il faudrait toutefois préciser que malgré cette première audition effectuée par les

709 MEYNAUD A., « La bonne administration de la justice et le juge administratif », n°5, RFDA, 2014, p. 1029-
1040.
710 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative, op. cit., p 353.

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rapporteurs, le juge peut entendre les parties ou de toute personne dont l’audition paraît
opportune, ou solliciter par écrit des avis qu’il juge nécessaires à l’audience 711. La technique de
l’audition des parties à l’audience nous paraît intéressante en raison du caractère bref du
procès en matière électorale. Elle contient certes l’inconvénient d’étirer en longueur les
audiences, mais elle est généreuse pour les parties en ce sens qu’elles ont la possibilité de se
faire entendre directement par le juge qui ne se borne plus simplement à l’analyse du rapport
rédigé par le rapporteur qu’il a désigné pour forger sa conviction. Le juge ne se limite toutefois
pas à ce procédé pour établir la vérité, il peut également recourir à l’examen des pièces,
notamment les procès-verbaux des opérations électorales dont il demande la production.

2. La prise en compte des procès-verbaux


Le caractère essentiellement écrit du droit administratif impose que la quasi-totalité des
actes et décisions pris par l’Administration respectent la forme écrite. Le terme procès-verbal
loin d’être entendu dans un sens verbal qui est tiré du latin verbum et signifie mot, est assimilé à
un compte -rendu, un rapport ou à une contravention et se définit comme un « acte émanant
d’une autorité publique compétente et destiné à relater un acte juridique ou un fait matériel
pour des fins civiles ou pénales » 712. Dans un sens large, il constitue « un écrit relatant ce qui a
été dit ou fait dans une réunion, une assemblée, ou une circonstance officielle » 713. Le procès-
verbal vise la consignation et la retranscription d’un acte ou des faits qui se sont produits
antérieurement. Les procès-verbaux jouent à cet égard un rôle variable et non négligeable en
fonction du domaine concerné. De manière générale, le procès-verbal ne possède qu’une
valeur de renseignement. Toutefois, il faudrait préciser qu’il acquiert une valeur de preuve dans
l’administration de la preuve et fait foi jusqu’à la production d’une preuve contraire lorsqu’il
émane d’une certaine catégorie d’agents publics.

Les procès-verbaux occupent une place primordiale dans le contentieux électoral, car ils
permettent principalement la consignation des opérations électorales. Assimilés à des compte-
rendu, les procès-verbaux sont dressés par les organes chargés de gérer l’organisation ou le
déroulement des opérations électorales. C’est ainsi qu’à l’issue de leurs travaux, les
commissions d’établissement et de révision des listes électorales, les commissions

711 Article 60 de la loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel.
À l’occasion du contentieux post-électoral des municipales du 30 septembre 2013, le juge administratif saisi
avait longuement écouté certains avocats et parties sur des questions liées notamment à la participation des
étrangers, aux votes frauduleux qui auraient influencé les résultats finaux ou encore la fermeture prématurée
des bureaux de vote, etc.
712 Vocabulaire juridique, op., cit., p. 812.
713 Définition tirée du lexique du Centre National des Ressoures Textuelles et Lexicales (CNRTL), disponible en ligne
sur : http:/www.cnrtl.fr/definition/. (Consulté le 19/02/2012).

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départementales, les commissions locales de vote, la commission nationale de recensement
général des votes d’une part, antérieurement l’Onel et désormais Elecam d’autre part, dressent
un procès-verbal pour rendre compte du déroulement des opérations dont elles ont la
charge 714. La validité de ce procès-verbal est soumise à la signature des personnes intéressées
et habilitées par la loi.

Les procès-verbaux permettent de consigner les phases relatives à l’organisation et au


déroulement du processus électoral. Ils constituent un élément de preuve dont le juge électoral
peut se servir dans sa procédure inquisitoire puisqu’il s’en sert comme base pour la vérification
des opérations électorales. Nonobstant le silence du Code électoral sur le caractère probant
des procès-verbaux, il est nécessaire de rappeler que les dispositions antérieures des lois
électorales fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale et du président
de la République, accordaient toute leur force probante aux procès-verbaux et pièces annexes
transmis par la commission de recensement général des votes 715. Le juge électoral a ainsi
affirmé le caractère probant des procès-verbaux dans une espèce Mbarga Mboa philippe, en
affirmant qu’ « il est de jurisprudence constante en matière électorale que les énonciations
contenues dans les procès-verbaux font foi jusqu’à la preuve contraire et que les allégations
non assorties de preuve demeurent à la charge du demandeur » 716.

La prise en compte des procès-verbaux par le juge électoral participe ainsi de sa volonté de
rechercher la vérité relativement au litige qui lui est soumis afin de mieux rendre la justice. Le
professeur Jean-Marc Masson invoquant Henry Motulsky souligne à ce propos que le procès
étant la manifestation d’un déséquilibre social, le juge a pour mission de rétablir l’harmonie
rompue en privilégiant l’intérêt supérieur du bien public plus que l’intérêt l’immédiat des
parties 717. Dans cette initiative, le juge exerce une compétence relativement liée, puisqu’il n’est
pas tenu de manière radicale par les documents apportés par les parties. Dans une espèce
Rabento 718, le Conseil d’État français a qualifié la procédure d’instruction de « formalité
essentielle », parce que le juge jouit d’une grande liberté dans l’établissement de sa conviction.
Ce dernier peut ordonner en toute matière une mesure d’instruction, même si les parties ne

714 Articles 53 alinéa 4, 62 alinéa 1, 67 alinéa 3 et 69 alinéa 4 du Code électoral.


715 Aux termes des dispositions de l’rticle 47 alinéa 2 et 31 alinéa 1 de la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996, le Conseil constitutionnel vérifie les opérations électorales relatives à l’élection des députés à
l’Assemblée nationale et du président de la République au vu des procès-verbaux et pièces annexes transmis
par la commission nationale de recensement général des votes.
716 Arrêt n°519/CCA du 20 décembre 1956, Mbarga Mboa philippe contre élections de commune de Yaoundé.
FOUMENA G. TH., La charge de la preuve dans le contentieux administratif camerounais, Mémoire de DEA en droit
public, Université deYaoundé II-Soa, 2008, p 36 ; arrêt n°54/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre
État du Cameroun (Minat) ; etc.
717 MASSON J.-M., « La recherche de la vérité dans le procès civil », op. cit.,p. 27.
718 CE Sect. 25 janvier 1957, Raberanto, R. p. 66.

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l’approuvent pas et malgré le principe de l’ultra petita qui prévaut dans le contentieux
administratif.

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SECTION II.

LA DISCONTINUITÉ DE LA PROCÉDURE D’INSTRUCTION

Le déroulement normal d’un procès impose le respect des étapes indispensables


aboutissant au prononcé d’une décision, notamment la demande introductive d’instance, la
recevabilité de la requête, l’instruction, l’audience et le jugement. Il faudrait cependant
souligner que toutes les procédures ne se déroulent pas sans difficultés pouvant entraîner leur
discontinuité. La discontinuation de la procédure est causée par la survenance de certains
évènements au cours d’une instance. Ces évènements sont désignés sous le vocable d’incidents
de procédure et ont pour effets de suspendre, modifier ou arrêter le déroulement normal de
l’instance.

En procédure civile, les incidents de procédure se rapportent aux jonction et disjonction, à


l’interruption, à la suspension et à l’extinction de l’instance 719. En matière administrative en
revanche, l’on note que les incidents de procédure sont assimilés à un renoncement, une
interruption de la procédure, notamment les interruptions d’instance 720 et l’extinction
anticipée de l’instance 721. Selon le professeur Joseph Owona, les incidents qui peuvent
émailler une procédure concernent les demandes incidentes greffées au litige principal 722, les
désistements ou acquiescements d’une partie, les interventions d’une tierce partie, l’extinction
du litige, la reprise d’instance ou la récusation 723. Nonobstant l’assimilation du contentieux
électoral au plein contentieux du droit administratif, il faudrait souligner que les incidents de
procédure y sont peu nombreux. On y retrouve des cas de désistement des requérants (§ I) et
de non-lieu à statuer (§ II).

§ 1. LE DÉSISTEMENT
Considéré comme un procédé d’extinction de l’instance, le désistement est « l’acte par
lequel le requérant renonce totalement ou partiellement à ses prétentions » 724. C’est également

719 Titre XI du Code de procédure civile français.


720 La procédure peut être interrompue par le fait du juge pour cause de question préjudicielle ; de
litispendance ; de reprise d’instance ; de suppression de passages outrageants, diffamatoires et injurieux à
« l’encre de notaire » ; d’inscription de faux et d’un non-lieu en l’état.
721 Comme son nom l’indique, l’extinction anticipée de l’instance permet la clôture prématurée de la procédure
avant le terme normal généralement sanctionné par le prononcé d’un jugement. On distingue à cet égard,
trois principaux modes d’extinction que sont le non-lieu ; le désistement ; et l’acquiescement.
722 Les demandes incidentes sont introduites par mémoire écrit et sont formulées en cours d’instance par l’une
des parties, par un tiers ou par les deux parties et présentent un lien connexe avec le litige principal.
723 OWONA J., Le contentieux de la République du Cameroun, op. cit., p. 104.
724 PEISER G., « Incidents de procédure », in Répertoire contentieux administratif, Dalloz, janvier 2007, p. 8.

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un « abandon volontaire d’un droit, d’un avantage ou d’une prétention » 725. Distinct du
désistement d’office, le désistement résulte d’une manifestation de la volonté sans équivoque
du demandeur, de sorte à ne pas créer de doute quant à son intention. Le désistement n’est
pas défini de manière expresse par les textes juridiques camerounais qui se bornent à préciser
la nature de celui-ci. L’article 98 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des
tribunaux administratifs camerounais précise que le désistement est un acte signé des parties,
ou de leurs mandataires. Il est soit déposé au greffe, soit effectué par déclaration à l’audience.
Le désistement est instruit dans les formes prévues pour la requête et est soumis à
l’acceptation de la partie adverse. Il en découle une distinction de deux types de désistement
selon que l’on se situe dans le domaine du droit privé ou celui du droit public 726. En matière
électorale a contrario, l’on dénombre deux types de désistement, le désistement volontaire (A) et
le désistement d’office (B).

A. Le désistement volontaire
L’acte de désistement résulte de la volonté conjointe des parties. S’il revient au demandeur
d’exprimer au greffe ou par déclaration à l’audience sa volonté de renoncer à l’action engagée
et à tout procès ultérieur, le défendeur pour sa part formule nécessairement son acceptation
pour que le juge en donne acte 727. Ce dernier peut également ne pas vouloir l’arrêt du
déroulement de l’instance et décider de déposer des conclusions reconventionnelles afin que le
litige soit tranché par le juge 728.

Le désistement volontaire est « l’acte par lequel une personne, avant tout procès ou en
cours de procès, renonce à exercer une action en justice » 729. Dans cette hypothèse, le
désistement est volontaire et dit « pur et simple », puisque le demandeur renonce
définitivement à l’examen des prétentions de sa requête et ne peut plus introduire un autre
recours sur le même objet. Il a de ce fait un effet absolu qui éteint son droit. Ainsi, une simple

725 Vocabulaire juridique, op. cit., p. 339.


726 L’instance s’éteint accessoirement à l’action par l’effet de la transaction, de l’acquiescement, du désistement
d’action, ou par le décès d’une partie ; qu’elle s’éteint en outre à titre principal par l’effet de la péremption,
du désistement d’instance ou de la caducité de la citation. Il en résulte ainsi deux types de désistement, le
désistement d’action qui est constaté par décision du juge qui lui donne force exécutoire, et le désistement
d’instance qui à l’inverse ne met pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance.
727 Dans les jugements n°28/95-96 du 18 avril 1996, RDPC, commune rurale de Baham contre État du Cameroun
(Minat) ; n°26/95-96 du 18 avril 1996, Gobe Oulem Emmanuel Siméon, conseiller municipal RDPC, commune rurale
de Doumé, contre État du Cameroun (Minat), le juge déclare le désistement des intéressés réguliers en la forme,
et leur en donne acte.
728 Dans une espèce n°25/2001-2002 du 28 février 2002, SDF contre État du Cameroun (P. R.), l’État du
Cameroun avait formulé sans équivoque sa non-acceptation du désistement du SDF et a demandé au juge
de statuer sur le fond et de passer outre cette demande de désistement.
729 OWONA J., Le contentieux de la République du Cameroun, op. cit., p. 104.

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abstention de participer à l’instance même si elle est prolongée, ou un dépôt tardif ne saurait
être assimilé à un désistement en matière administrative, mais est considérée comme une
déchéance d’action 730. L’acte de désistement dans la procédure administrative contentieuse
enlève au demandeur la possibilité de renoncer à une action mal engagée pour en intenter une
plus régulière. Le Commissaire du gouvernement affirme dans une espèce époux Sauvage, qu’en
principe tout désistement est un désistement d’action, compte tenu de la stabilité des
situations juridiques auxquelles s’attache un intérêt public trop important pour que la règle
d’interprétation soit appliquée comme en procédure civile et ne soit pas regardée comme un
désistement d’action. Le Conseil d’État français poursuit dans cette logique en affirmant qu’en
l’absence de circonstances permettant de regarder le désistement comme s’appliquant
seulement à l’instance introduite, le requérant est irrecevable à attaquer la décision
ultérieurement 731. Cette position du Conseil d’État français évolue cependant dans les arrêts
dame veuve Janson et dame Meunier, puisqu’il admet qu’une requête retirée sous l’influence d’une
erreur de droit et renouvelée plus tard lorsque la partie a eu connaissance de sa méprise,
constitue la preuve que le désistement ne concerne pas son action, mais seulement l’instance
en cours 732. Sous ce rapport, le désistement n’est considéré comme désistement d’action que
si le requérant se réserve le droit de reprendre ultérieurement la même action 733.

En matière électorale, les désistements les plus fréquents sont les désistements effectués
par déclaration à l’audience. Ils impliquent l’impossibilité pour le requérant de retirer son
désistement, ni de former à l’appui du recours présenté par un tiers, une intervention qui
pourrait tendre à la reprise des mêmes conclusions. Dans cette logique, il convient de relever
l’absurdité de la précision apportée par le juge électoral relative à l’expiration du délai de
recours 734, puisque le désistement volontaire est distinct du désistement d’instance qui admet
la reprise de l’instance et conserve au requérant la possibilité de présenter une nouvelle requête
sur le même objet si les délais le permettent.

730 L’article 74 alinéa 4 de la loi fixant l’organisation de la Cour suprême dispose que l’appelant doit à peine de
déchéance, déposer son mémoire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’appel par le
greffier. L’article 83 de la loi sus-évoquée, précise que les délais des articles 74, 75, 81 et 82, relatifs au dépôt
du mémoire d’appel par le demandeur, du mémoire en défense, et des mémoires en réponse ou en réplique
sont prescrits à peine de déchéance.
731 CE 11 juin 1969, époux Sauvage, rec., p. 305, RDP, 1963, p. 120.
732 Arrêts dame veuve jeanson, CE 29 janvier 1923, DP 1933. 3. 11, concl. Latournerie ; dame Meunier, CE
26 octobre 1938.
733 CE 16 mai 1952, Laveau, rec. Table, p. 801.
734 Dans l’affaire Kamga Ngandjui, Thoula Motho, Moumi II Feula, Delogo Jacques et État du Cameroun (Minatd) contre
État du Cameroun et Kwemo Pierre, commune de Bafang du 08 août 2008, le juge administratif saisi en appel du
jugement n°289/2006-2007, décide qu’il est donné acte aux sieurs susmentionnés de leur désistement,
lequel prend effet pour compter de la date d’expiration du délai de recours.

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Si le désistement volontaire l’emporte dans le contentieux administratif en raison de la
place primordiale qu’occupe la volonté des parties dans la réalisation de cet acte, il faudrait
noter qu’il existe également le désistement d’office qui n’intègre aucune volonté des parties et
pourrait en revanche être considéré comme résultant de l’inaction du requérant.

B. Le désistement d’office
Le désistement d’office est considéré comme la sanction prononcée suite à une abstention
ou une négligence dans la production d’un mémoire complémentaire préalablement annoncé.
C’est « la conséquence de l’application d’une règle de procédure qui ne révèle en rien la
volonté du requérant, tout au plus sa mauvaise volonté, souvent son manque d’attention,
fréquemment sa méconnaissance du texte » 735. Il importe à cet égard que le requérant puisse
produire le mémoire annoncé dans sa requête initiale dans le délai qui lui est imparti. Distinct
du désistement d’action qui implique la volonté des parties, le désistement d’office intervient
lorsque le requérant manifeste l’intention de présenter un mémoire complémentaire et
s’abstient de le faire dans les délais qui lui sont impartis. Si le désistement d’office n’est pas
prévu de manière expresse par la législation camerounaise, l’on relève en revanche qu’en
France, le décret n°81-29 du 16 janvier 1981 l’institue. En effet, l’hypothèse du désistement
d’office s’applique devant les juridictions administratives et vise la sanction du requérant qui,
ayant annoncé la production d’un mémoire complémentaire dans sa requête, ne l’a pas déposé
dans le délai d’un mois qui lui était imparti. Le Conseil d’État estime dans ce cas que le
requérant s’est désisté automatiquement de sa requête et qu’il ya lieu de lui donner acte de son
désistement 736. Il convient cependant de préciser que cette sanction est plus ou moins souple
devant les cours administratives et les tribunaux administratifs en France. Devant ces
instances, le désistement d’office ne peut être prononcé s’il n’a pas été précédé d’une mise en
demeure restée sans effet, en plus le délai imparti pour produire le mémoire peut être
prorogé 737.

735 SCANVIC F., « La non-présentation d’un mémoire complémentaire par le requérant dans le délai qui lui est
imparti emporte son désistement d’office, lequel prime sur la compétence », AJDA, 2014, p. 4.
736 Voir sur la question les affaires, CE, 12 juin 1996, req. N°174006, élections municipales de Pomerol, inédit ; CE
30 octobre 1996, req. n°s 176881, 177040, 177354, 177369, élections municipales de Boulogne-sur-mer, Lebon 419.
737 L’article R. 612-5 du Code de justice administrative français dispose que « Devant les tribunaux et les cours
administratives d’appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n’a pas produit le
mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l’envoi, ou dans les cas mentionnés au
second alinéa de l’article R. 611-6, n’a pas établi le dossier, il est réputé s’être désisté ».
L’article R. 611-6 susmentionné quant à lui prévoit que, « Le président de la juridiction ou, au Conseil
d'État, le président de la sous-section chargée de l'instruction peut autoriser le déplacement des pièces,
pendant un délai qu'il détermine, dans une préfecture ou une sous-préfecture, ou au greffe d'une autre
juridiction administrative. »
En cas de nécessité reconnue, il peut également autoriser la remise momentanée de ces pièces, pendant un
délai qu'il fixe, entre les mains des avocats ou avoués des parties ou des représentants des administrations. »

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Le régime applicable au désistement d’office est ainsi considéré comme rigoureux car il
sanctionne le requérant négligent. Il ne tient pas compte de son intention d’engager ou non
une autre action ultérieure devant la même instance ou devant une autre instance, puisqu’il
clôt l’action par une ordonnance donnant acte de désistement et est de ce fait réputé être un
désistement d’action. L’on note ainsi que les délais impartis au requérant sont insusceptibles de
renouvellement, puisque dernier est sanctionné sans mise en demeure préalable. Il en découle
que le désistement est prononcé quand le mémoire est produit ultérieurement. Ainsi, même
lorsqu’une requête annonçant le mémoire complémentaire est suffisamment développé pour
rendre le mémoire inutile, cela n’exempte pas le requérant de produire le mémoire
complémentaire annoncé.

Nonobstant le caractère rigoureux du régime applicable au désistement d’office, il faudrait


noter que si le désistement est d’office à la date d’expiration des délais, certaines inflexions
sont apportées à ce principe. C’est ainsi qu’en cas d’acheminement du mémoire
complémentaire par la voie postale, la lenteur anormale d’acheminement de courriers permet
de prendre en compte le cachet de la poste et de considérer le mémoire comme ayant été
déposé dans les délais 738. Par ailleurs, lorsque le délai expire un dimanche ou un jour férié, le
requérant ne peut pas être considéré comme s’étant désisté de sa requête, puisque le mémoire
enregistré le lendemain est réputé enregistré en temps utile, car le délai est considéré comme
un délai franc 739. Le professeur Gustave Peiser 740 précise à ce propos qu’on ne saurait parler
de désistement d’office quand le requérant est dans l’impossibilité de fournir un mémoire pour
des raisons qui ne lui sont pas imputables et lorsqu’il informe la juridiction compétente de
cette défaillance à temps. Cette impossibilité qui équivaut à un renoncement de produire le
mémoire complémentaire préalablement annoncé était initialement irrecevable devant le
Conseil d’État français. Cette position a fort heureusement été abandonnée, et le requérant qui
a expressément renoncé à la production du mémoire complémentaire ne peut être réputé
s’être désisté de son action, alors qu’ultérieurement après l’expiration du délai, il a produit un
nouveau mémoire 741. La problématique relative au désistement d’office subit par ailleurs une
autre inflexion dans une espèce époux Rigat. Il y est précisé que, sauf si le requérant précise sans

738 Dans l’espèce CE 11 décembre 2009, Cts Roure, req. n°319162, Lebon, T. 899, il est précisé que, dans les
cas d’envoi du mémoire complémentaire par voie postale, le juge doit rechercher avant de donner acte du
désistement du requérant, si le mémoire avait été remis aux service postaux en temps utile pour parvenir au
greffe avant l’expiration du délai imparti, en prenant en compte le temps normal d’acheminement du
courrier.
739 CE 11 décembre 1996, req. n°174030, élections municipales de Terville, inédit ; CE 19 mars 1997, req. n°174008,
élections municipales de Marck-en-Calaisis, Lebon, 103. MALIGNER B., « Désistement », Répertoire du contentieux
administratif, Dalloz, mars 2010, p. 180-181.
740 Cité par PEISER G., « Incidents de procédure », ibidem., p. 21-22.
741 CE 18 décembre 2002, élections municipales de Paris, Lefevre utile contre Tibéri, req. n°240241, in « Sanction du
désistement », Répertoire du contentieux administratif, 2014, op. cit., 4 p.

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aucune ambigüité que son désistement est un désistement d’action. Un désistement a le
caractère d’un désistement d’instance lorsque le dispositif de la décision de justice qui donne
acte de désistement ne comporte pas de précision sur la nature du désistement dont il est
donné acte et lorsqu’il est en présence d’un cas de non production du mémoire
complémentaire annoncé. Le désistement prononcé doit être regardé comme un désistement
d’instance 742. Cette décision apporte une évolution dans une jurisprudence antérieure
considérée comme constante, car elle permettait de considérer tout désistement comme un
désistement d’action. Cette décision qui se rapproche davantage de la procédure civile a
l’avantage de conserver au requérant la possibilité de renoncer à l’instance engagée devant une
juridiction déterminée et de la reprendre d’une autre manière. À cet égard, le désistement
d’office pourrait être exclu dans des situations ambigües, notamment dans les cas de saisine
d’un juge incompétent, ou d’omission d’un acte de procédure essentiel 743.

Concernant la saisine d’un organe compétent au sein de la juridiction administrative, il


faudrait noter que le point de départ du délai imparti au requérant pour produire le mémoire
complémentaire annoncé est modifié. Celui-ci court à partir du moment où le requérant a reçu
notification de l’Ordonnance de renvoi du président de la Cour administrative d’appel, ou a eu
connaissance de la transmission de sa requête au Conseil d’État, etc. 744. Le commissaire du
Gouvernement Frédéric Scanvic rappelle à cet effet que le désistement d’office résulte de la
conséquence de l’application d’une règle de procédure et révèle l’inattention du requérant.
Ainsi, la prise de conscience de ce dernier de l’incompétence du juge saisi devrait lui permettre
logiquement de poursuivre son action devant le juge compétent qui, s’il était déjà saisi, ne
pourrait théoriquement statuer en raison de l’acte de désistement prononcé sur l’action
précédente que l’on ne pourrait considérer comme un désistement. Monsieur Frédéric Scanvic
précise en outre qu’un juge incompétemment saisi ne saurait dans certains cas appliquer des
règles de procédure qui n’ont pas cours devant lui. Nonobstant la complexité de cette
question, le commissaire du Gouvernement écrit qu’il serait judicieux, compte tenu des aléas
du traitement des dossiers, que la question de compétence soit examinée avant l’expiration du
délai imparti. La simplicité voudrait, pour pallier des situations fâcheuses, que la Cour
transmette au Conseil d’État qui constate son incompétence tant que le délai imparti au
requérant n’est pas expiré, et donne acte de désistement d’office si ce délai a expiré 745.

742 Décision époux Rigat du 1er octobre 2010, req. n°314297, Lebon. De la même façon, l’on observe que dans
l’affaire Dame veuve Jeanson, le requérant a précisé s’être désisté parce qu’il avait compris son erreur
relativement au juge compétent et qu’il s’était désisté pour la corriger.
743 Répertoire du contentieux administratif, 2014, ibidem, p. 3.
744 CE 22 juillet 1994, commune de Palaiseau, req. n°149336, Lebon, T. 734, LPA 18 octobre 1996, p. 24.
745 CE section 19 novembre 1993, société Noirot, Recueil Lebon, p. 929.
SCANVIC Fr., « La non-présentation d’un mémoire complémentaire par le requérant dans le délai qui lui est
imparti emporte son désistement d’office, lequel prime la compétence », AJDA, 1994, p. 389-395.

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Le principe en matière processuelle est l’aboutissement de la procédure d’instruction par le
prononcé d’une décision juridictionnelle. L’obligation de statuer sur les conclusions qui pèse
sur le juge est assouplie dans des cas de désistement et de non-lieu à statuer. Le désistement
est l’acte par lequel le requérant renonce définitivement à son action en cours d’instance, ou
simplement à une instance mal engagée. Il constitue une fin de non-recevoir qui empêche le
juge d’examiner le bien-fondé du recours, car il en fait un simple constat et en donne acte. Le
non-lieu à statuer en revanche n’affiche aucune expression de la volonté du requérant. Il est
causé par la disparition de l’objet du litige ou lorsque les conclusions perdent leur intérêt
entraînant par ce fait l’interruption de l’instruction.

§ 2. LE NON-LIEU À STATUER
Le non-lieu à statuer constitue une situation dans laquelle certains éléments fondamentaux
du procès disparaîssent après l’introduction du recours, obligeant le juge à clore
prématurément l’instruction de l’affaire. Selon la professeur Peiser, « on dit qu’il y a non-lieu
lorsque le litige a subi un tel nombre de transformations en cours d’instance qu’il n’ya pas lieu
de statuer. (...) il ne reste plus rien à juger ou le juge n’a pas les éléments essentiels pour
trancher le litige » 746. Le non-lieu entraîne l’interruption d’une procédure en raison de la
disparition de l’objet du procès et pousse le juge à prononcer une décision qui met fin au litige
sans qu’il y soit statué sur le fond. Selon Monsieur Julien Soulié, si le non-lieu à statuer
s’apparente au désistement parce qu’ils partagent la même qualité d’incidents de procédure, ces
deux notions sont fondées sur des raisons différentes 747. Monsieur Julien Soulié considère en
effet deux éléments permettant de définir la notion de non-lieu à statuer 748. Il s’agit en
premier lieu de la disparition des composants essentiels de la requête depuis l’introduction de
celle-ci, indépendamment de toute manifestation de volonté de la part des parties.
Deuxièmement, le prononcé du non-lieu intervient lorsque l’acte ne fait plus grief à l’intéressé,

746 PEISER G., « Incidents de procédure », op. cit. p. 23.


747 SOULIÉ J., « Essai de définition du non-lieu à statuer dans le contentieux administratif », AJDA, 2003,
p. 418-430, p. 419.
748 Monsieur Julien Soulié différencie ainsi les quatre types de non-lieux consacrés par la pratique
jurisprudentielle, ainsi que le fondements de leur prononcés 748. Ce sont : le non-lieu par disparition de
l’objet du litige ; le non-lieu législatif ; le non-lieu d’expédient ; et le non-lieu en l’état.
Le non-lieu par disparition de l’objet suppose que l’objet du litige a disparu en cours d’instance. Ainsi, dans
le plein contentieux, la disparition se rapporte à une réparation anticipée du préjudice, donnant
partiellement ou entièrement satisfaction au requérant. Dans une hypothèse de recours en excès de
pouvoir, l’objet sera constitué par le retrait ou l’abrogation de l’acte administratif de l’acte litigieux.
Le non-lieu législatif concerne la modification de la base légale ou de la nature de l’acte administratif
incriminé. Le non-lieu d’expédient quant à lui se réfère à la disparition de l’intérêt pratique de la requête. Le
non-lieu en l’état s’oppose aux trois premiers en ce sens qu’il est entendu de manière extensive. En effet il
est prononcé en cas de disparition du requérant au cours de l’instance ou de disparition du dossier ou de
son incomplétude. SOULIÉ J., « Essai de définition du non-lieu à statuer dans le contentieux administratif »,
op. cit., p. 421-428.

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autrement dit quand il n’a plus d’effets juridiques ou pratiques 749. Le non-lieu à statuer est
ainsi prononcé par la juridiction d’instruction qui se fonde sur un motif de droit ou une
insuffisance des charges pour mettre un terme à l’instance 750. Certes, dans certaines
hypothèses, le juge peut être amené à requalifier des conclusions de non-lieu infondées en
désistement, mais certaines matières demeurent propres au non-lieu à statuer et en font sa
spécificité, même si la nature du non lieu à statuer varie en fonction du domaine considéré.

En matière administrative, le non-lieu est principalement provoqué par la disparition de


l’objet du recours. À l’inverse, en matière de procédure pénale il suppose le prononcé d’une
« décision de clôture par laquelle une juridiction d’instruction déclare qu’il n’ya pas lieu de
poursuivre l’instruction contre un inculpé, soit parce que les faits à lui reprochés ne tombent
pas ou plus sous le coup de la loi pénale, soit parce que charges relevées contre lui
n’apparaissent pas suffisantes » 751. En matière électorale, on remarque que le non-lieu
s’entend de manière large. Il emprunte au non-lieu d’expédient et au non-lieu en l’état,
notamment dans la prise en compte de la disparition de l’intérêt pratique, empêchant par ce
fait le juge de statuer sur l’affaire dont il est saisi. Le professeur René Chapus le qualifie de
non-lieu électoral et précise qu’il est « reconnu comme justifié par des considérations
d’opportunité et désigné, selon une expression juridique quelque peu vieillie, comme un non-
lieu d’expédient » 752.

Eu égard à l’objet de notre étude, notre propos se limitera au non-lieu à statuer en matière
électorale. Notons sur ce point qu’il est prononcé dans les cas de décès (A) ou de démission
définitive de l’élu (B).

A. Le cas de décès
La notion de décès est appréhendée de manière large. Synonyme de mort, le décès
symbolise la fin d’une existence. Le décès est défini comme une « mort naturelle mettant un
terme à la personnalité juridique, sous réserve de la protection posthume des dernières
volontés, de l’image du cadavre et de la mémoire du décédé (...) » 753. Selon le professeur
François Terré, la personnalité juridique confère la jouissance des droits subjectifs à des êtres
humains considérés individuellement ou en groupe, lorsque ceux-ci constituent des entités

749 SOULIÉ J., « Essai de définition du non-lieu à statuer dans le contentieux administratif », op. cit., p. 420.
750 Lire sur la question, les définitions du Lexiques des termes juridiques, op. cit., p. 670 d’une part, et d’autre part
du Dictionnaire du vocabulaire juridique, op. cit. , p. 268.
751 Vocabulaire juridique, op. cit., p. 616.
752 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, 13ème édition, Montchrestien, Dalloz, 2008, p. 947.
753 Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 310.
Lire aussi la définition du Dictionnaire du vocabulaire juridique, op. cit., p. 124.

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suffisamment caractérisées et structurées 754. Il faudrait toutefois remarquer que la jouissance
de cette personnalité juridique n’est pas infinie, puisqu’elle s’estompe avec la survenance d’un
décès ou d’une dissolution.

Le principe étant qu’une requête ne puisse être présentée que par une personne vivante,
l’on observe que le régime juridique rattaché à la notion de décès diffère en fonction de la
phase de l’instance. Face à la survenance d’un décès, le juge prend en considération la phase de
progression de la procédure pour constater que l’affaire ne peut pas être mise en l’état. Le juge
distingue à cet égard, si le requérant est décédé au moment où le recours est introduit pour
prononcer non pas un non-lieu à statuer, mais une irrecevabilité du recours. À l’inverse,
lorsque le décès survient le jour de l’introduction de la requête et qu’il n’est pas établi que le
décès est antérieur au moment du dépôt du recours, le juge déclare ce dernier recevable. Il en
va cependant différemment lorsqu’il s’agit d’un pourvoi, puisque le juge prend plusieurs
facteurs en considération avant de se prononcer. Quand le requérant meurt après
l’introduction de son pourvoi, le juge examine si ce dernier n’est pas encore jugé, et prend en
compte l’état d’avancement de l’instruction au moment où le décès lui a été notifié. L’examen
de ces éléments lui permettent de décider s’il y a ou non un non-lieu en l’état, parce que
lorsque les affaires sont en état d’être jugées, la notification du décès de l’une des parties
interrompt la procédure d’instruction et justifie le prononcé d’un non-lieu en l’état 755.
Monsieur Julien Soulié écrit au regard de ces diversifications que « le caractère stipulatif du
rapport entre les mots et les choses ne doit pas être le prétexte à une modification permanente
de la signification de ces premiers. Autrement dit, pour se comprendre, il vaut mieux appeler
une irrecevabilité, une irrecevabilité, et une incompétence, une incompétence, plutôt qu’un
non-lieu » 756.

En matière électorale a contrario, les cas de non-lieu à statuer sont infimes. Il ya non-lieu à
statuer lorsque le requérant décède en cours d’instance. Ainsi, le juge prononce un non-lieu à
statuer qui entraîne immanquablement l’interruption de la procédure d’instruction en raison
du caractère personnel de l’action. Il en résulte que l’action déclenchée par l’auteur de la
requête ne peut être reprise ni par ses héritiers, ni même par ses colistiers. Inversement, il
faudrait préciser qu’une exception s’impose face à ce principe. Il ya lieu de statuer lorsque le
requérant décédé en cours d’instance, est frappé d’une sanction électorale, comptable ou
financière en raison du fait que les conséquences qui s’attachent à ses finances peuvent se
répercuter sur sa succession 757. Si de manière générale, le non-lieu électoral se justifie

754 TERRÉ Fr., Introduction générale au droit, op. cit., p. 185.


755 PEISER G., « Incidents de procédure », op. cit., p. 36.
756 SOULIÉ J., « Essai de définition du non-lieu à statuer dans le contentieux administratif », op. cit, p. 429.
757 Répertoire de contentieux administratif, tome II, op. cit., p. 30.

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principalement par la disparition de l’objet du recours, il convient de relever que le décès ne
saurait en constituer l’unique cause. En effet, il peut tout aussi bien arriver que le requérant ne
disparaisse pas, mais que ce soit un élément de droit ou de fait du recours qui soit modifié,
impliquant par conséquent que le recours perde en cours d’instance, non pas son objet, mais
son intérêt. Cette hypothèse s’applique notamment dans les cas de démission définitive de
l’élu 758.

B. Le cas de démission de l’élu


Du latin demissio, la notion de démission s’entend comme l’action d’abaisser. C’est le fait de
se démettre d’une dignité, d’un emploi, d’une fonction. C’est le fait pour une personne ou une
collectivité de renoncer de plein gré, à une fonction, à une charge, à une dignité. Pris dans un
sens figuré, la démission constitue le fait de manquer à sa mission, à son devoir, à ses
responsabilités 759. La démission est ainsi appréhendée comme un abandon, un désistement,
une rupture unilatérale, une abdication. Définie comme « l’acte par lequel on renonce à une
fonction ou à un mandat », la démission peut être volontaire, d’office en blanc, ou collective.
Elle est d’office 760 ou forcée lorsqu’elle est définie par les textes juridiques en vigueur. En
revanche, lorsqu’elle est en blanc, elle émane de l’intéressé et est présentée sous la forme d’une
lettre signée mais non datée, remise aux électeurs par le candidat à une élection, à titre de
garantie de la fidèle exécution de ses engagements 761.

Considérée comme un incident de procédure, la démission concourt à l’interruption d’une


instruction, puisqu’elle entraîne un non-lieu à statuer pour défaut d’intérêt. Le juge prononce
ainsi un non-lieu lorsqu’un candidat démissionne d’office ou lorsque la démission définitive de
l’élu est critiquée 762. Au Cameroun, la démission est généralement d’office, puisque prévue
par les textes juridiques. Le régime applicable semble n’intéresser que les élections relatives
aux conseillers municipaux. En effet, les dispositions de l’article 178 alinéa 1 relatives à
l’élection des conseillers municipaux précisent à cet effet que tout conseiller qui, pour une
cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans une situation d’incompatibilité
prévue par la loi, doit opter pour son mandat dans le délai qui lui est imparti, faute de quoi il

758 CHAPUS R., Droit du contentieux administratif, op. cit. p. 947 ; DU MARAIS B., « Le non-lieu à statuer en matière
électorale : conclusions sur le Conseil d’État, section du 9 juin 1995, M. Rivail et autres », RFDA, 1996,
p. 279-290.
759 Définition tirée du CNRLT, op. cit.
760 En France, la démission d’office peut être prononcée lorsqu’un membre du Conseil municipal refuse de
remplir une des fonctions qui lui sont dévolues, ou pour une cause d’inéligibilité ou d’incompatibilité
survenue postérieurement à l’élection. Articles L. 2121-5 et L. 236, L. 239 respectivement des Codes
général des collectivités territoriales et électoral.
761 Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 337.
762 Répertoire de contentieux administratif, tome II, op. cit., p. 30.

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sera déclaré démissionnaire d’office de son mandat par arrêté du ministre chargé des
collectivités territoriales décentralisées.

Selon Monsieur Julien Soulié, le contentieux relatif à l’élection des personnes renferme une
part importante de l’opportunité. En effet, lorsqu’une personne dont l’élection est contestée
démissionne en cours d’instance, le juge prononce en principe un non-lieu à statuer en raison
de la disparition de l’intérêt du recours. Il en va de même en appel, lorsque le jugement qui a
prononcé l’annulation de l’élection du requérant devient sans objet dès lors que ce dernier a
été réélu postérieurement à l’introduction de la requête 763. De la même façon, peut être
considérée comme cause de non-lieu à statuer, l’organisation d’une nouvelle élection
entraînant le renouvellement intégral d’une assemblée en cours d’instance 764.

La discontinuité de la procédure d’instruction constitue un élément qui libère le juge de son


obligation de statuer sur un litige qui lui est soumis. Il convient à cet égard de relever qu’elle
permet la bonne administration de la justice, puisque comme le souligne le professeur Alioune
Badara Fall, « une bonne administration de la justice n’est envisageable que si un minimum de
techniques procédurales est organisé et respecté par tous les acteurs internes ou externes de
l’appareil judiciaire 765.

763 Lire sur la question, CE, section du 10 juillet 1996, n° 162564, Recueil Lebon, p. 285. Dans cette espèce, le
requérant M. C. avait interjeté appel contre le jugement le déclarant inéligible pour un an, à compter de la
date à laquelle le jugement deviendrait définitif, se fondant sur les dispositions régissant les comptes de
campagne, et annulant par la même occasion son élection en qualité de conseiller général. Cependant,
postérieurement à ce jugement, il démissionne de son mandat, se représente à de nouvelles élections
auxquelles il est réélu. Le juge décide ainsi que sa réélection prive d’objet son appel contre le jugement en
cause, en raison du fait qu’il a annulé son élection. En revanche, le non-lieu partiel n’excluait pas l’examen
de l’article qui le déclarait inéligible pour une période d’un an. C’est ainsi qu’après instruction, le juge
constate que le requérant ne se trouve dans aucun cas de rejet de compte de campagne comme le déclarait
le tribunal qui avait rendu le jugement le déclarant inéligible, il annule ledit jugement, rejette les conclusions
présentées par M. Z. tendant à déclarer inéligible M. X. de ses fonctions de conseiller général, et prononce
un non-lieu à statuer sur le surplus des conclusions du requérant M. X.
764 Lire sur la question, MALIGNER B., in Répertoire du contentieux administratif, 2014, op. cit., p. 40.
765 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », in Les défis des droits fondamentaux, Bruylant/AUF, Bruxelles,
2000, p. 310-346, p. 317.

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Conclusion du Chapitre I du titre II

Parce que le procès permet à un tiers impartial de dire le droit pour lever le doute sur une
situation d’incertitude juridique, il ne doit pas faire oublier que le droit est ordonné et
constitue un moyen pour atteindre un but précis. Sous ce rapport, il n’a de valeur que lorsqu’il
se termine par un jugement 766. Nonobstant le rôle central que joue le juge dans le procès, l’on
observe que le déséquilibre des rôles qui prévaut dans la conduite de l’instruction transforme
irrémédiablement l’office du juge et le place dans une situation invasive.

La résolution des litiges dont est saisi le juge nécessite le respect des règles qui permettent
de lutter contre les lenteurs processuelles quelquefois décriées dans les procès. C’est dans cet
esprit que le professeur Joël Andriantrimbazonia affirme que « le droit au juge ne permettrait
de combattre la lenteur du procès que s'il est renforcé par le fer de lance de l'effectivité. Le
recours ne serait effectif que s'il est traité dans un délai raisonnable » 767. Il convient à cet effet
de remarquer que l’effectivité du procès requiert parallèlement le prononcé d’une décision par
le juge compétent.

766 CADIET L., NORMAND J., AMRANI MEKKI S., Théorie générale du procès, op. cit., p. 4.
767 ANDRIANTSIMBAZOVINA J., « Délai raisonnable du procès, recours effectif ou déni de justice ? De l’arrêt
Kudla, de la Cour européenne des droits de l’homme à l’arrêt Magiera, du Conseil d’État. Le trésor et la perle
ou le filet ? », RFDA, 2003, p. 85-169.

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CHAPITRE II.

LE CADRE AMBIGU DU PRONONCÉ DE LA DÉCISION

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L’objectif principal du procès se résume entre autre à rendre la justice en résolvant les
différends qui sont soumis à un organe indépendant et impartial dans le cadre d’un procès. Le
professeur Thierry Di Mano relève fort opportunément sur la question que l’existence d’une
juridiction suppose non pas la prise de décisions portant sur un point de droit contesté ou
non, mais que cette décision soit prise par une autorité juridictionnelle statuant dans les
formes qui garantissent l’absence d’arbitraire et la conformité à l’ordre juridique 768.

Employé fréquemment dans les procédures, la notion de décision varie en fonction des
domaines considérés. Elle renvoie à un jugement, un arrêt, une ordonnance et désigne de
manière générique les actes émanant d’une juridiction collégiale ou d’un magistrat unique 769.
Elle est entendue comme l’action de décider, de prendre une résolution, de statuer sur une
affaire, de se prononcer pour ou contre quelqu’un ou quelque chose 770. Pour Jean
Carbonnier, l’activité du juge apparaît comme une activité tout à fait originale qui permet de
servir et de caractériser le droit par rapport aux phénomènes sociaux 771. Il continue en
précisant que cette activité du juge pourrait être nommée" judiciarité" en ce sens qu’elle
aboutit à l’éventualité d’un procès puis d’un jugement 772. Il s’ensuit aisément que, la
justiciabilité étant considérée comme le critère de la juridicité, il n’y a de droit que là où il peut
y avoir un procès 773. Monsieur le président Victor Haïm, précise à ce propos qu’ « en principe
toute juridiction, même spécialisée, doit statuer sur la requête contentieuse dont elle est saisie,
même manifestement irrecevable, par une décision qui a nécessairement le caractère d’une
décision juridictionnelle (...) » 774.

La décision dans un procès renferme une importance cruciale, non pas seulement parce
qu’elle permet de mettre un terme au différend existant, mais elle est également considérée
comme un instrument, un moyen de rétablir la paix. Paul Ricoeur écrit à cet égard que le
procès étant le lieu unique où la parole l’emporte sur la violence, l’acte de juger permet grâce
au procès, de passer de la situation de trancher le conflit à celle de contribuer à consolider la

768 DI MANO TH., Le Conseil constitutionnel et les moyens et conclusions soulevés d’office, Economica, Paris, 1994, p. 335.
769 Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 311.
770 Dictionnaire universel, op. cit., p. 322.
771 CARBONNIER J., Sociologie juridique. Partie spéciale : le procès et le jugement, Association corporative des étudiants
en droit, cours sténotypé, 1961-1962, cité par CADIET L., « Carbonnier processualiste », in Justices et droit du
procès. Du légalisme procédural à l’humanisme processuel », in Mélanges en l’honneur de serge Guinchard, Dalloz, 2010,
p. 189-204.
772 CARBONNIER J., Sociologie juridique. Partie spéciale : le procès et le jugement, Association corporative des étudiants
en droit, cours sténotypé, 1961-1962, cité par CADIET L., « Carbonnier processualiste », in Justices et droit du
procès. Du légalisme procédural à l’humanisme processuel » ibidem, p. 195.
773 CADIET L., « Carbonnier processualiste », in Justices et droit du procès. Du légalisme procédural à l’humanisme
processuel, ibidem, p. 195.
774 HAÏM V. « Jugement », in Répertoire contentieux administratif, Dalloz, mars 2011, 47 p., p. 22.

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paix sociale 775. Le procès électoral est dans cet esprit considéré comme un « processus qui
conduit de la requête introductive d’instance à la décision rendue par le juge de l’élection 776.

Nonobstant le caractère quasi-impératif qui détermine le droit du jugement, l’on observe


une sorte d’édulcoration de celui-ci à travers une évaluation tendancieuse des requêtes d’une
part (Section I), et l’aménagement imparfait des voies de recours qui permettent de vider de
manière satisfaisante l’instance en cours (Section II).

775 RICOEUR P., Le juste, éditions Esprit, 1995, p. 185-192, cité par Cadiet L., « Carbonnier processualiste », in
Justices et droit du procès. Du légalisme procédural à l’humanisme processuel, ibid., p. 202.
776 BUFFET S., Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, op. cit., p. 309.

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SECTION I.

UNE ÉVALUATION TENDANCIEUSE DES REQUÊTES

Procédant de la fonction contentieuse du juge, l’évaluation des requêtes constitue le moyen


par lequel le juge saisi d’un litige s’établit une intime conviction qui lui permet d’émettre une
décision sur la question de droit qui lui est posée. Le rôle du juge se portera ainsi
majoritairement à la vérification de la véracité des faits allégués par une partie et contestés par
l’autre, afin d’y apporter une solution de droit légal. L’acte juridictionnel consistera de la sorte
essentiellement à statuer sur une prétention et à résoudre la question de droit qu’elle pose. Il
convient de préciser par ailleurs que si l’on se limite à la simple constatation de la prétention,
l’intervention du juge serait platonique. Il est à cet égard nécessaire d’aller plus loin dans
l’examen de la requête afin que le contenu de la décision reflète la conséquence logique de la
constatation des faits allégués. Le contentieux électoral étant considéré comme un contentieux
de pleine juridiction, il confère de larges pouvoirs au juge électoral qui fait prévaloir son intime
conviction dans le solutionnement des litiges qui lui sont soumis. De la sorte, l’office du juge
électoral se cantonne davantage à la recherche des éléments de pur fait (§ I), au détriment des
questions de légalité qui sont traitées avec peu d’intérêt (§ II).

§ 1. L’APPRÉCIATION SUBJECTIVE DES IRRÉGULARITÉS


Parler de subjectivité dans l’appréciation des recours implique que le juge a la possibilité de
se libérer de l’exposé des faits allégués par les parties pour se prononcer sur les moyens
d’ordre public soulevés d’office. Madame Caroline Foulquier justifie partiellement cette
position du juge en écrivant que ce dernier ne « chercherait pas tant à faire émerger la vérité
qu’à donner l’image d’une décision légitime se rapprochant de la réalité. » 777 En effet selon
elle, « le dispositif d’une décision juridictionnelle a pour objectif de rétablir la légalité ou de la
maintenir » 778. Les pouvoirs étendus conférés au juge lui permettent d’accorder une plus
grande importance à son intime conviction dans la recherche de la loyauté et la sincérité du
scrutin et une part minime aux questions de légalité. Le professeur Jean-Claude Tcheuwa
s’interrogeant sur la place et le rôle du juge dans la restauration de la confiance dans les
élections, se pose la question de savoir si ce dernier ne se trouvait pas investi des pouvoirs et

777 FOULQUIER C., La preuve et la justice administrative française, op. cit., p. 548.
778 FOULQUIER C., ibid., p. 548.

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compétences disproportionnés dans le cadre de son office en matière électorale 779. Le juge
électoral s’est vu indiscutablement attribué de larges pouvoirs d’appréciation dans l’examen
des requêtes qui lui sont soumises. Il met un accent particulier dans l’examen des éléments de
faits, privilégiant ainsi le critère de l’influence déterminante (A) au détriment du contrôle de
légalité des opérations électorales (B).

A. La valorisation de l’influence déterminante : la primauté de la sincérité


sur la légalité
Le contentieux électoral vise à régler un différend qui survient à l’occasion de l’organisation
ou du déroulement des opérations électorales. Lorsque le juge est saisi d’un recours en matière
électorale, il met en œuvre tous les pouvoirs que lui confère le plein contentieux. Pour le
président Bruno Genevois, le juge électoral apparaît davantage non pas comme un juge de la
légalité astreint à un étroit formalisme, mais comme celui de pleine juridiction qui dispose de
pouvoirs étendus à l’effet de vérifier la régularité et la sincérité du scrutin 780. Monsieur
Mamadou Sall quant à lui précise qu’il incombe au juge électoral intervenant dans une matière
qualifiée de plein contentieux spécialisé ou de contentieux mixte, de vérifier si telle ou telle
irrégularité alléguée a été ou non de nature à altérer la liberté ou la sincérité du scrutin. Ainsi, il
ne saurait dissocier l’appréciation de la légalité de celle des faits. Il est à cet égard
inéluctablement conduit à rechercher de manière principale si les irrégularités alléguées sont
constitutives de manœuvres frauduleuses et dans l’affirmative, si ces dernières ont pu altérer la
nature du scrutin 781.

1. La notion d’influence déterminante


L’influence se définit de manière générale comme une « action intellectuelle ou morale qui
s’exerce sur une personne ou un groupe ». Sur le plan politique, elle se rapporte à une
modification d’ordre matériel sur les opinions intellectuelles, artistiques ou les modes
d’expression qu’une personne physique ou un groupe exerce sur les opinions politiques de tel
autre 782. Elle s’assimile à cet égard au pouvoir social et politique de quelqu'un ou d'un groupe,
lui permettant d'agir sur le cours des événements ou des décisions prises.

779 TCHEUWA J.-Cl., « Droit constitutionnel étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en œuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op. cit., p. 4.
780 GENEVOIS Br., « Le nouveau rôle du juge de l’élection », in Pouvoirs, n°70, septembre 1994, p. 69-81.
781 SALL M., « Considérations sur la nature spécifique du contentieux électoral », Colloque international sur le
contentieux électoral et l’état de droit, in Les Cahiers de l’Association Ouest Africaine des Hautes Juridictions Francophones,
1998, p. 10-21. [En ligne], http://democratie.francophonie.org/rubrique.php3?id_rubrique=844#.
(Consulté le 12/06/2011).
782 Définition de la lexicographie du CNRTL, [En ligne], op. cit.

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La place de la notion d’influence déterminante dans le contentieux électoral amène nombre
de juristes à la considérer comme une théorie, un principe. La théorie dite d’ « influence
déterminante » occupe une place primordiale dans le contentieux électoral, puisqu’elle permet
au juge de fonder et de motiver sa décision en recherchant de manière principale l’effet qu’une
irrégularité ou une fraude a pu avoir sur les résultats du scrutin. Le professeur Richard
Ghevontian note ainsi que la théorie de l'influence déterminante dans le contentieux électoral
a une force comparable à celle rattachée aux formalités substantielles dans le contentieux de la
légalité 783. Cette théorie met en exergue l’immensité des pouvoirs qui sont conférés au juge
électoral dans le cadre de son office. Le juge électoral met un accent particulier non pas sur la
recherche d’une irrégularité ou d’une fraude en elle-même, mais plutôt sur l’influence que
celle-ci a pu avoir sur les résultats du scrutin qui ont pu altérer la liberté ou la sincérité de
celui-ci.

2. Un principe cardinal de sanction des irrégularités de nature à altérer la sincérité


du scrutin
Parler de la théorie de l’influence déterminante comme un principe cardinal de sanction
dans le contentieux électoral, c’est relever le caractère fondamental de ce principe dans
l’examen des requêtes et la motivation des décisions rendues par le juge électoral 784. Critère
fondamental dans le contentieux des résultats, l’influence déterminante permet au juge
électoral de rechercher si les irrégularités alléguées et avérées ont été de nature à entacher les
résultats du scrutin. Le juge électoral s’intéressera à cet effet à la finalité. Il ne sanctionnera les
irrégularités que si elles ont entraîné un écart des voix considérable entre les candidats en lice.
Cette attitude du juge démontre à suffisance qu’une simple constatation de fraude, même
grossière, ou une violation grave à la loi électorale ne saurait motiver l’annulation ou la
réformation des résultats du scrutin. Seule la quête de la sincérité et la loyauté du suffrage
demeure constante à l’esprit du juge électoral lorsqu’il examine les recours qui lui sont soumis.
Dans le même ordre d’idées, Monsieur Stéphane Bolle remarque que la mission de trancher les
litiges électoraux dévolue au juge électoral s’avère une tâche particulièrement ingrate, parce
qu’elle l’expose à l’accusation de partialité et d’inféodation aux autorités et à la cristallisation
des maux de tout un processus électoral 785.

783 GHEVONTIAN R., « La notion de sincérité du scrutin », op. cit., p. 8.


784 Il convient toutefois de préciser que l’application de ce principe ne s’étend pas à toutes les opérations
électorales, il est quasiment inexistant dans le contentieux des opérations préélectorales, en l’occurrence
celles relatives à la listes électorale et à la déclaration des candidatures, en raison de l’absence d’une
influence directe sur l’issue du scrutin.
785 BOLLE S., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », in Démocratie et élections dans l’espace
francophone, op. cit., p. 534.

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La théorie d’influence déterminante constitue un élément de caractérisation de l’étendue
des pouvoirs conférés au juge électoral. Ce dernier s’en sert non pas pour asseoir son intime
conviction, mais pour résoudre des questions d’allégation de fraudes qui lui sont soumises. On
note par exemple que la Cour suprême camerounaise siégeant comme Conseil constitutionnel
avait à l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007, procéder à
l’annulation des opérations électorales dans cinq (05) circonscriptions électorales. Elle décidait
dans certaines espèces que « les manœuvres et irrégularités (...) constatées, constituent une
fraude grave ayant nécessairement influencé de manière significative le résultat et la sincérité
du scrutin 786. En effet, la technique utilisée par le juge électoral implique la prise en compte
d’un autre critère complémentaire, à savoir l’écart des voix entre les candidats. L’écart des voix
entre les candidats tient une place essentielle dans la décision du juge, puisqu’il lui permet de
prendre en considération l’écart des voix qui existe entre les candidats et de sanctionner le cas
échéant l’élection si cet écart est faible.

L’analyse des espèces susmentionnées permet de dire que le juge électoral rehausse la
portée et le sens de la notion de sincérité du scrutin. Son rôle consiste non plus simplement à
sanctionner les irrégularités avérées, mais à apprécier essentiellement la sincérité du scrutin
avec en fond de toile, le souci de respecter l’expression du suffrage. Sous ce rapport, le juge
électoral tend moins à « exécuter fidèlement la formule de la loi et la volonté de son auteur
qu’à identifier et à prendre la juste mesure des intérêts et des valeurs qui s’affrontent dans
l’espèce à résoudre, afin d’arbitrer ce conflit soit en privilégiant l’intérêt le plus important, soit
en favorisant une solution d’équilibre » 787. De la sorte, le juge électoral recherche
nécessairement « l'adéquation entre le résultat proclamé et la volonté majoritaire librement
exprimée des électeurs » 788 en privilégiant la recherche de l’influence déterminante d’une
irrégularité sur l’issue du scrutin. Certes, le contrôle du juge électoral est pragmatique et
constitue même une véritable gageure, seulement il convient de noter qu’il pourrait générer
deux effets antinomiques : la consolidation de la fonction de régulation du droit dans la société

786 Voir sur la question, les arrêts n°s 30-117-118-119/CEL relatifs aux affaires Nintcheu Jean Michel et Etroukang
Jean-Pierre, Kodock Augustin Fréderic, Basile Yagai, Kwemo Pierre du 07 août 2007.
L’on remarque toutefois que, dans une affaire particulièrement différente, le juge électoral annule le scrutin,
non pas pour raisons de fraudes graves, mais pour cause d’erreur matérielle relevée dans l’admission des
candidatures. Le Conseil constitutionnel a décidé dans cette affaire que, l’admission de la candidature en
deux noms distincts, en l’occurrence Mbappe Jean-Baptiste et dans l’arrêté de publication des candidatures
et Mbapte Jean-Baptiste sur les bulletins de vote a eu pour effet, de semer la confusion dans l’esprit des
électeurs, et par conséquent, altéré la sincérité du suffrage. Arrêt n°116/CEL du 07 août 2007, affaire Njana
Marie Joseph contre État du Cameroun.
787 FRYDMAN B., « L’évolution des critères de contrôle de la qualité des décisions de justice », in Qualité des
décisions de justice : Études réunies par Pascal Mbongo, éditions du Conseil de l’Europe, 2013, p. 21.
788 KATSHUNG Y., « De l’appréciation du critère de « l’influence déterminante » dans la gestion du contentieux
électoral en RDC », in, Pambazuka News voix panafricaine pour la liberté et la justice, n° 16, 21-11-2006, 5 p.[En
ligne], http://pambazuka.org/fr/category/comment/38441. (Consulté le 21/09/2013).

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ou la ruine de la croyance des électeurs en la vertu de l’élection entendue comme mode
démocratique de légitimation des élus. Si la nature du contentieux électoral impose au juge
électoral de privilégier la recherche de la sincérité du scrutin, l’on note que ce dernier peut
exercer parallèlement un contrôle de la légalité.

B. Le contrôle subsidiaire de la légalité du scrutin


La légalité fait référence à la conformité à la loi, elle s’entend comme ce qui est établi par la
loi et qui est conforme aux prescriptions de celle-ci. Considéré comme un contentieux
objectif, le contrôle de la légalité permet au juge d’apprécier la légalité d’un acte administratif
qui lui est soumis au travers d’un recours pour excès de pouvoir. Sa mission consiste dans ce
cas à se prononcer sur la régularité d’un acte par voie d’action ou par voie d’exception et de
l’annuler s’il y a lieu. Le professeur Yves Gaudemet définit à cet égard le recours pour excès de
pouvoir comme un recours qui vise l’annulation d’un acte administratif par le juge
administratif. Selon lui, ce recours a un caractère de droit commun, puisqu’il peut être exercé
sans qu’un texte particulier le prévoit et même si la loi le définit comme insusceptible de
recours 789. Il continue précisant en effet que l’exercice de la fonction administrative est
dominé par le principe fondamental de la légalité qui implique que les actes des autorités
administratives soient conformes à la légalité 790. Le contrôle de la légalité des actes des
autorités administratives permet de prévenir les risques d’arbitraire, de subjectivité, ou de
détournement des pouvoirs dans l’édiction des actes pris. Édouard Laferrière soulignait dans
ce sens que les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir dans le cadre d’un contrôle
de légalité se regroupent au sein de deux causes juridiques qui relèvent de la légalité externe
d’une part, et interne de l’acte d’autre part 791.

Si le juge administratif est compétent pour connaître de la légalité des actes administratifs
en matière d’excès de pouvoir, il n’en va pas de même du Conseil constitutionnel qui rappelle
systématiquement le caractère attributif de ses compétences qui l’empêche de sortir de sa
sphère de compétence. La question de répartition des compétences entre les juges électoraux
dans le cadre du contrôle de légalité des actes préparatoires s’est ainsi posée avec acuité en
France 792. L’on avait relevé l’existence de plusieurs controverses autour de la détermination

789 GAUDEMET Y., Traité de droit administratif, tome I, 16ème édition, Paris, L.G. D.J., 2001, p. 472.
790 GAUDEMET Y., Traité de droit administratif, ibidem, p. 530.
791 LAFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, tome II, op. cit., p. 496-497.
792 L’irruption de la notion d’acte détachable dans la jurisprudence du Conseil d’État se justifie par la volonté
de ce dernier d’ouvrir progressivement les recours pour excès de pouvoir contre un grand nombre de
décisions administratives considérées comme insusceptibles de recours en raison de leur nature. Cette
ouverture s’est manifestée au travers de plusieurs décisions, notamment dans les espèces Commune de Massat
du 14 juillet 1903 et Chabot, du 7 août 1907. GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français,
Thèse de l’Université de Paris II, 27 septembre 1997, p. 360.

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du juge compétent, puisque les juges administratif et constitutionnel hésitaient tous les deux à
en connaître. Fort heureusement, cette situation a trouvé une issue satisfaisante avec la théorie
des actes détachables tirée de l’arrêt Chabot du 7 août 1903. Le professeur Richard Ghevontian
souligne à cet égard que le juge administratif avait depuis longtemps fonder sa jurisprudence
sur une distinction entre les actes préparatoires qui lui sont soumis : les actes détachables de
l’élection d’un côté, les actes non détachables de l’autre. Pour les premiers, le juge se déclarait
compétent pour en examiner la légalité avant le scrutin et dans le cadre du recours pour excès
de pouvoir. S’agissant des seconds, il en rejetait l’examen afin de permettre au juge électoral de
s’en occuper 793. Il s’ensuit dès lors un contrôle de la légalité justifié par la théorie de la
détachabilité 794, notamment la distinction établie entre les actes détachables (1) et les actes
non détachables (2).

1. Le contrôle spécieux des actes détachables par le juge administratif


L’organisation d’une élection nécessite l’adoption de diverses mesures réglementaires
concourant au bon déroulement du processus électoral. L’élection est ainsi un processus qui
comporte plusieurs étapes permettant l’accomplissement de certaines opérations. Les
opérations préparatoires se rapportent à la liste et carte électorale, elles sont effectuées par les
commissions de supervision, et ressortissent de la compétence du juge judiciaire. En revanche,
d’autres opérations sont effectuées sur la base d’un acte pris par une autorité administrative, et
relèvent de la compétence soit du juge administratif dans le cadre d’un recours pour excès de
pouvoir, soit du juge électoral.

L’acte détachable est défini par monsieur Stéphane Guérard comme un « acte administratif
juridique susceptible de recours pour excès de pouvoir » 795. En matière électorale, est
considéré comme détachable, un acte qui, bien qu’ayant un lien avec une opération électorale
déterminée, peut en être détaché et soumis au contrôle du juge pour excès de pouvoir. Bien
qu’il soit le juge naturel de la légalité des actes administratifs, le juge administratif ne peut en
matière électorale, connaître de la légalité d’un acte préparatoire que s’il est détachable de
l’élection. S’il est indéniable qu’il n’est pas aisé de définir de manière précise les actes qui
peuvent être considérés comme détachables, l’on observe une application libérale de la théorie
des actes détachables par les juges, en l’occurrence le juge administratif. Le président Daniel

793 GHEVONTIAN R., « Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d’élections
politiques », op. cit., p. 804.
794 Monsieur Michel Krassilchik notait relativement à la théorie de la détachabilité qu’elle « doit opérer
sélectivement une répartition des litiges entre des compétences concurrentes ou exclusives et des types
variés de recours juridictionnels ». KRASSILCHIK M., La notion d’acte détachable endroit administratif français,
Thèse de l’Université de Paris II, 17 mars 1964, p. 940.
795 GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français, op. cit., p. 399.

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Labetoulle soulignait sur la question qu’ « en la matière, il n ya pas d’acte qui par essence
soient détachables ; il ya simplement ceux que le juge détache et ceux que le juge ne détache
pas, et ce n’est pas mal ainsi » 796. La recherche du critère de détachabilité a amené la doctrine
française à procéder par la distinction entre les critères objectifs et ceux subjectifs. Le critère
objectif se rapporte aux « actes à caractère général et permanent » qui survivent à l’élection
proprement dite, et concerne les actes qui ne sont pas destinés à une seule opération, mais
permettent d’organiser une suite d’opérations électorales 797. Ce critère objectif a ainsi permis
au juge administratif de préciser le champ de son action. En effet, dans une espèce Commune de
Saint-Avoid, le Conseil d’État a précisé qu’il « n’exerce qu’un contrôle minimum. Il vérifie
seulement que la décision n’est pas entachée d’erreur de droit, d’une inexactitude matérielle
des faits ou d’une erreur manifeste d’appréciation » 798. En ce qui concerne la conception
subjective, le juge a pris en compte la notion d’exception de recours parallèle. Cette notion
remonte à l’époque où le recours pour excès de pouvoir pouvait être considéré comme
subsidiaire 799. Ainsi, l’exception de recours parallèle permettait au requérant qui se sent lésé
par un acte administratif, d’exercer une autre voie contentieuse —qualifiée de recours
parallèle— en dehors du recours pour excès de pouvoir, afin d’obtenir la même satisfaction
que celle qui aurait découlée de l’annulation de l’acte contesté. La détermination de la
détachabilité de l’acte administratif paraît aisé avec le critère objectif, elle est en revanche assez
complexe avec le critère subjectif, puisque son application peut paraitre superflue si la saisine
du juge de l’excès de pouvoir apporte une solution plus appropriée. Nonobstant les multiples
tergiversations relevées autour de l’exercice du recours pour excès de pouvoir, l’on observe
que l’acte détachable connaît un plein essor contentieux et a pour but de mettre en échec la
règle de l’exception du recours parallèle et de permettre une ouverture progressive de la
recevabilité du recours pour excès de pouvoir 800.

796 Décision d’Assemblée du 23 novembre, Tête, p. 386 (AJDA 1985, p. 216-217.


Lire sur la question GHEVONTIAN R., « un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en
matière d’élections politiques », op. cit.,p. 804.
797 En France, les actes de sectionnement électoral d’une part, les textes relatifs aux élections des représentants
français au Parlement européen d’autre part ont été considérés comme des actes détachables des opérations
électorales. CE, 30 janv. 1948, Larricq-Maysonnave ; CE, 22 oct. 1979, Union démocratique du travail.
798 COUDEVYLLE A., et Alii., « Jurisprudence administrative », in Annuaire des collectivités locales, tome
13,1993,p. 165-281.
799 Voir les conclusions sur CE 20 février 1868, Bouchers de Paris, Rec.,p.193-197 ; et CE 4 février 1869,
Boulangers de Montluçon, Rec., p. 94-98. Au regard du caractère subsidiaire du recours pour excès de pouvoir,
le Conseil d’État rejetait comme irrecevable toute demande en annulation dès que le requérant disposait
d’une autre action directe ou indirecte. GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français, op.
cit., p. 358.
800 GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français, p. 397.

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S’il est certain que le contrôle de la légalité occupe une place subsidiaire dans le contentieux
électoral, il faudrait en revanche préciser que sa portée varie en fonction des actes litigieux. En
effet, s’il s’avère que certains actes relèvent naturellement de la compétence du juge
administratif et ne peuvent nécessiter l’application de la théorie de détachement, l’on note qu’il
en va différemment des actes dont l’illégalité peut avoir des conséquences sur l’ensemble des
opérations électorales. Ceux-ci bénéficient du régime de la détachabilité et peuvent être portés
devant le juge administratif.

Le contrôle des opérations électorales varie en fonction de la phase considérée. Ainsi, les
opérations relatives à la liste électorale 801 d’une part, et à la déclaration des candidatures
d’autre part ne sont pas susceptibles d’un recours pour excès de pouvoir en raison de leur
caractère non détachable de l’élection. En revanche, il n’en va pas de même des décisions
relatives à l’organisation matérielle de l’élection, notamment celles liées au découpage des
circonscriptions électorales, à la convocation du corps électoral 802, et à la campagne électorale.
Les juges administratif et constitutionnel se sont chacun dans son domaine, reconnus
compétent pour en connaître. Cette situation eu pour effet bénéfique de créer une nécessaire
cohabitation des deux juges en matière de contrôle des opérations préparatoires, faisant du
juge administratif le juge de l’action, et du juge constitutionnel le juge de l’exception 803.

801 Il convient ici de préciser que le juge de l’excès de pouvoir exerce sa compétence lorsque les opérations
préparatoires en cause se rapportent une élection particulière. En France, l’on a assisté à des cas de recours
pour excès de pouvoir certes rares, mais pas totalement exclus. Le Conseil d’État a ainsi admis la possibilité
d’intenter des recours à l’encontre d’un décret fixant la date de clôture de la révision des listes électorale ou
soumettant aux dispositions des articles R. 5 à R. 22 du Code électoral les opérations d’établissement et de
révision des listes complémentaires établies en vue de la participation des étrangers ressortissants des États
de l’Union européenne à l’élection des représentants de la France au Parlement européen, etc. CE, 9 février
1983, Esdras et a., Rec. 49, RDP 1983, p. 830 (concl. D. Labetoulle) ; CE 3 juillet, 1996, Meyet, p. 1060
(n°43), LPA 26-07-1996 (n°90), p. 5 (concl. J.-C. Bonichot). GUERARD S., La notion de détachabilité en droit
administratif français, p. 407.
802 Si en France, les actes administratifs portant d’une part le découpage des circonscriptions électorales, et
d’autre part la convocation du corps électoral peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir
devant le juge électoral, l’on remarque qu’au Cameroun il en va différemment, puisque le décret portant
convocation du corps électoral est encore considéré comme un acte de gouvernement insusceptible de
recours. Cette position rétrograde qui a évolué en France —avec l’arrêt Delmas du 11 juin 1981 permettant
de décider le Conseil constitutionnel à connaître du décret de convocation du corps électoral— nécessite
d’être révisée afin de permettre que les droits de vote des citoyens soient garantis de manière optimale,
puisque le découpage des circonscriptions électorales a une influence certaine sur les résultats du scrutin
selon que la méthode de découpage utilisée vise ou non l'équité.
Elections municipales de Saint-Tropez du28 janvier 1994, Rec., p. 38.
SAVOIE H., « Le contentieux des actes préparatoires au référendum- Conclusions sur le Conseil d’État,
Assemblée, 1er septembre 2000, Larrouturou, Meyet et autres », ibidem, p. 993.Elections municipales de Saint-
Tropez du28 janvier 1994, Rec., p. 38.
803 C’est à l’occasion de l’affaire Delmas que le Conseil constitutionnel s’est décidé à connaître pour la première
fois, des recours dirigé contre le décret de convocation du corps électoral. Dans le cas d’espèce le Conseil
d’État avait rejeté le recours monsieur François Delmas en invoquant son incompétence pour en connaître.
Ce dernier s’est adressé par la suite au Conseil constitutionnel pour solliciter l’annulation du décret de
convocation des électeurs qui avait été pris après la dissolution de l’Assemblée nationale. À l’occasion le
juge constitutionnel avait justifié sa démarche qui s’avérait ainsi exceptionnelle étant entendu que le décret

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La notion de détachabilité étant en elle-même assez complexe, il convient de remarquer
simplement qu’un acte ne peut être considéré comme détachable de l’élection que si on peut
l’en détacher pour en connaître. Au Cameroun, l’on observe que le contrôle de la légalité des
opérations électorales est figé. Certes, il est perceptible dans le contentieux des opérations
préliminaires, notamment le décret de convocation du corps électoral, mais l’on ne saurait
avancer qu’il est courant 804. Lorsqu’il est saisi d’une question liée au contrôle de la légalité
d’un acte préparatoire de l’élection, le juge électoral se déclare généralement incompétent, aux
motifs que l’acte ou l’opération en cause ne porte pas directement sur l’opération électorale
proprement dite, et n’y exerce aucune influence. La problématique du contrôle de la légalité
des actes détachables dans le contentieux électoral permet de déterminer sa compétence. Il en
est ainsi, si le recours porté à l’examen du juge électoral présente un caractère direct avec
l’élection dont il assure la régularité, ou son incompétence si ce n’est pas le cas. De ce point de
vue, il apparaît nécessaire d’analyser la notion d’acte non détachable afin d’en déterminer la
portée dans le contrôle de la légalité du scrutin.

2. Le contrôle exclusif des actes non détachables par le juge de l’élection


Un acte est considéré comme détachable lorsqu’il est séparable de l’objet principal. En
matière électorale, les actes non détachables de l’élection sont ceux qui revêtent un lien étroit
avec l’opération électorale et emportent exclusivement la compétence du juge électoral.
Monsieur Ousseini Ouedraogo définit a contrario les actes non détachable comme ceux qui ont
non pas un caractère permanent et général, mais un caractère particulier dont l’effet s’éteint
avec la fin des opérations électorales 805. Le caractère particulier et temporaire des actes non
détachables implique qu’ils ne puissent être jugés par les juges électoraux en dehors des
périodes définies.

de convocation des électeurs n’est pas par nature un acte relevant de sa juridiction, en fondant sa
compétence sur la carence du Conseil d’État et soutenait que le contrôle des actes préparatoires ne peut
s’exercer que dans le cadre de la réalisation de la mission qui lui est confiée par l’article 59 de la
Constitution.
804 ONDOUA A., « Le juge du sursis à exécution à l’épreuve du contentieux des actes préliminaires aux
élections : À propos de l’ordonnance n°08/OSE/CCA/CS/2013 du 19 août 2013, Mouvement pour la
renaissance du Cameroun (MDR) c/ État du Cameroun », in Revue Juridique et Politique des États francophones, n°2,
année 68, Paris, avril-juin 2014, p. 253-265; Voir par ailleurs sur la question, la lecture faite par le professeur
Alain Ondoua de l’ordonnance du 19 août 2013, MRC c/ Etat du Cameroun, relative à la demande de sursis à
exécution intentée par le MRC contre le décret du président de la République n°2013/220 du 02 juillet
2013 portant convocation du corps électoral en vue de l’élection des députés à l’Assemblée nationale et des
conseillers municipaux. ONDOUA A., « Décret de convocation du corps électoral – La chambre
administrative de la Cour suprême rejette la demande de sursis à exécution du Mouvement pour la
Renaissance de la République (MRC) », 5 p. [En ligne],disponible sur : ddata.over-
blog.com/.../Commentaire-ONDOUA-Ord.-MRC-c.-Etat-du-Cameroun--1.... (Consulté le 15/08/2015).
805 OUSSEINI O., Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de l’Ouest francophone, ibidem, p. 129.

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Assimilée à une opération complexe de plein contentieux, l’élection peut être considérée
comme un ensemble d’actes juridiques édictés, et d’actes matériels commis, ayant pour but la
désignation des représentants 806. Sont considérés au Cameroun comme actes préparatoires
aux élections au regard des dispositions de l’article 50 du Code électoral, l’établissement et la
révision des listes électorales, l’établissement et la distribution des cartes électorales. Il
conviendrait cependant de procéder à une extension des actes préparatoires et d’y intégrer les
opérations relatives à la déclaration des candidatures, et à la campagne électorale afin de bien
cerner la portée de la notion d’acte non détachable. Les opérations relatives à la liste électorale
ne peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Ce dernier applique la règle de
l’exception de recours parallèle, rejette tout recours y relatif, et considère que les opérations
liées à la liste électorale ne sont pas détachables de l’élection. Il se refuse de la même manière à
connaître des opérations qui se rapportent à la déclaration des candidatures aux motifs qu’elles
relèvent exclusivement de la compétence du juge de l’élection.

Par principe, le juge de l’excès de pouvoir dans un premier temps s’est refusé à connaître
des actes qu’il considérait intimement liés à l’opération électorale. Le juge électoral a par la
suite estimé que les recours engagés à l’encontre des actes préparatoires à l’élection devaient
être rejetés pour irrecevabilité puisque c’est le juge de l’élection qui devait en connaître à
l’occasion du contentieux des résultats 807. Si l’acte non détachable relève de la compétence
exclusive du juge électoral compétent, l’on observe qu’il ne saurait être porté devant une autre
juridiction sans encourir une irrecevabilité pour incompétence de l’organe saisi. Il en résulte
qu’en matière électorale, la compétence du juge de l’élection est entière, sauf à l’égard des
litiges relatifs aux actes préparatoires aux élections répartis entre le juge administratif et
Conseil constitutionnel. Monsieur Stéphane Guérard souligne à cet effet que « le juge
compétent pour connaître du contentieux d’une telle opération complexe est un juge
bénéficiant de pouvoirs extrêmement larges qui lui permettent en principe de statuer sur tous
les litiges relatifs à l’accomplissement de celle-ci. » 808. Nonobstant l’étendue des pouvoirs
reconnus au juge de l’élection, l’on observe que celui-ci se déclare incompétent lorsqu’il est
saisi des opérations préparatoire à l’élection qui n’ont pas un lien direct avec les opérations
électorales. Il convient cependant de remarquer qu’il n’hésite pas à sanctionner une élection
lorsque la gravité des irrégularités relevées lors de ces opérations préparatoires exercent une

806 GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français, op.cit., p. 397.
807 Dans les espèces, arrêts n°s 78/A/02-03 du 19 avril 2004, Kwapnang Moïse (candidat SDF), État du Cameroun
(commune rurale de Loum) contre État du Cameroun, RDPC, SDF ; 91/A/02-03 du 19 avril 2004, UDC, État du
Cameroun (commune rurale de Koutaba) contre État du Cameroun, RDPC, le juge d’appel avait infirmé les
jugements d’annulation du scrutin fondés sur la gravité des irrégularités relevées dans l’organsisation et le
déroulement des opérations préparatoires, aux motifs pris de son incompétence.
808 GUERARD S., La notion de détachabilité en droit administratif français, ibidem, p. 397.

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influence déterminante sur la sincérité du scrutin. Dans cette hypothèse, le juge électoral
camerounais agit non en qualité de juge de la régularité du scrutin, mais comme le garant de la
sincérité de l’élection. C’est dans cette logique que le juge de l’appel avait confirmé une
décision d’annulation des résultats du scrutin rendue par le juge administratif alors qu’il n’était
pas compétent pour connaître de l’inéligibilité des candidats 809.

Certes, le contrôle de la légalité des opérations électorales participe au renforcement des


blocs de compétences entre les juges impliqués dans le règlement du contentieux électoral. Il
faudrait toutefois relever qu’il demeure une source de complication en raison de
l’alourdissement d’une procédure contentieuse qui l’est déjà du fait de la pluralité et diversité
des organes compétents. Au Bénin par exemple, on remarque que le législateur a confié tout le
contentieux de l’organisation du recensement électoral national approfondi et l’établissement
de la liste électorale permanente informatisée à la Cour constitutionnelle 810.

Dans un souci de simplification de la procédure contentieuse qui apparaît très souvent


comme un véritable « serpent de mer », il est impératif que des réformes soient faites pour
permettre au juge électoral de connaître de tous les litiges qui peuvent naître à l’occasion de
l’organisation et du déroulement de l’élection 811 et de mettre en exergue les pouvoirs étendus
qui lui sont reconnus dans le prononcé de la décision.

§ 2. DES POUVOIRS ÉTENDUS DANS LE PRONONCÉ DE LA DÉCISION


L’élection est considérée comme un instrument de cohésion sociale justifiant l’obéissance
au pouvoir politique. Il est dès lors nécessaire qu’elle soit démocratique et reflète l’assentiment
de tous les citoyens. Selon le professeur Jean-Claude Masclet, une élection démocratique
nécessite un contrôle et un contentieux, entendus comme la possibilité de recourir à un juge
qui puisse trancher les litiges 812. Le contrôle de la régularité et la sincérité des élections locales
et nationales incombe respectivement au juge électoral, considéré comme une pièce maîtresse
dans la garantie de la sincérité des élections, en raison de larges compétences contentieuses qui
font de lui le garant ultime de la légalité électorale 813.

809 Arrêt n°86/A/03-04 du 19 avril 2004, État du Cameroun, UPC (commune rurale d’Éseka) contre Nyemeck
Bienvenu (candidat RDPC) intervenant volontaire.
810 Article 154 du Code électoral béninois.
811 Les pays de l’Afrique de l’Ouest tels que le Bénin, le Burkina-Faso, le Togo, attribuent au juge
constitutionnel la compétence de connaître du contentieux des opérations préélectorales et des litiges nés
des opérations du vote. Lire sur ce point, OUSSEINI O., Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique
de l’Ouest francophone, op. cit., p. 100.
812 MASCLET J.-Cl., « Rapport introductif », in Aspects du contentieux électoral en Afrique, op. cit., p. 33-34.
813 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 534.

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De nature protéiforme, le contentieux électoral pose la problématique de la gestion des
litiges relatifs à l’organisation ou le déroulement des élections ainsi qu’aux résultats y afférents.
Dans le premier cas relatif au traitement du contentieux des préliminaires, l’action vise
principalement la confirmation ou l’annulation d’une décision de rejet ou d’acceptation de
candidature. Dans le contentieux électoral stricto sensu en revanche, l’on observe que
nonobstant certaines restrictions, notamment celles de statuer ultra ou infra petita 814, le juge
électoral dispose d’un éventail décisoire assez important pour solutionner les litiges qui lui
sont soumis. Ainsi, face à un recours en contestation des résultats du scrutin, le juge électoral
use de sa liberté d’appréciation pour décider d’annuler ou de confirmer les résultats de
l’élection (A), ou encore réformer les résultats en les inversant ou en les modifiant (B).

A. La confirmation ou l’annulation de l’élection


Saisi des conclusions tendant à la contestation des résultats du scrutin, le juge électoral
apprécie de manière pragmatique les requêtes qui lui sont soumises et met en œuvre les
pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre de sa mission de garant du jeu démocratique. Le
juge électoral sera ainsi confronté à plusieurs possibilités. Il pourra rejeter un recours fondé
sur l’existence de nombreuses irrégularités, s’il estime que les griefs invoqués ne sont pas
constitutifs de manœuvres et n’ont pas exercé une influence déterminante sur les résultats du
scrutin eu égard à l’écart de voix qui sépare les candidats (1). À l’inverse, si les irrégularités
décriées ont significativement influencé les résultats du scrutin et que l’écart de voix séparant
les protagonistes est infime, le juge procède à l’annulation du scrutin (2).

1. La confirmation et la proclamation des résultats


L’organisation des scrutins soulève très souvent de nombreuses contestations visant la
régularité et la sincérité de l’élection. Confirmer une élection, c’est la valider et l’authentifier.

814 L’interdiction de juger infra ou ultra petita imposée au juge suppose que ce dernier ne peut statuer ni en deçà,
ni au delà des conclusions des parties. Le juge est lié par les termes du recours, et ne peut dépasser les
contours du lien d’instance. Si cette interdiction constitue une règle générale de procédure s’imposant à
toutes les juridictions dans le contentieux administratif proprement dit, l’on observera qu’elle connait
quelques assouplissements en ce qui concerne le contentieux électoral. Le juge électoral ne se pliera ainsi
pas à l’observance de cette règle lorsqu’il sera appelé à prononcer des annulations d’office ou pour
sanctionner certaines irrégularités étroitement rattachées aux faits énoncés. Il est important de souligner
que le juge administratif camerounais s’est illustré dans une espèce, en décidant l’annulation de l’élection
dans une commune en déduisant que « la sanction de l’élection législative prononcée par le Conseil
constitutionnel au vu des irrégularités relevées dans la commune s’impose à l’élection des conseillers
municipaux de ladite commune », en application des dispositions des articles 50 de la Constitution, et
15 alinéas 2 et 3 de la loi n°2004-004 du 21 avril 2004 fixant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel, qui prévoient que « les décisions du Conseil constitutionnel (...), s’imposent aux pouvoirs
publics et à toutes les autorités administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi qu’à toute personne
physique ou morale ». Jugements ns°191/06-07/CE, 283/06-07/CE, 288/06-07/CE et 289/06-07/CE du
29 août 2007.

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Ainsi, comme le souligne Monsieur Stéphane Bolle, la validation ou l’invalidation d’une
élection peut constituer un prétexte de boycott de l’élection ou de dénonciation d’un scrutin
truqué aux dépens d’une compétition apaisée pour le pouvoir 815. La confirmation des résultats
du scrutin présuppose l’existence de certains préalables, notamment le déroulement du scrutin,
l’allégation d’irrégularités ayant entaché le scrutin et selon les cas, la proclamation provisoire
des résultats par les commissions électorales 816.

Juge de la régularité de l’élection, le juge électoral a pour mission de garantir la sincérité du


vote. Confronté à la gestion des litiges électoraux, le juge électoral apprécie de manière
souveraine la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui ont été soumis. La
confirmation d’une élection par le juge implique l’authentification de sa régularité et constitue
généralement la première possibilité qui s’offre au juge. Face à une requête visant l’annulation
des résultats de l’élection pour irrégularités, le juge électoral, juge de la moralité du scrutin,
vérifie fondamentalement si les griefs allégués sont avérés et s’ils ont travesti la volonté du
corps électoral. Si le juge estime que les faits invoqués ne sont pas de nature à modifier les
résultats du scrutin et que l’écart des voix qui sépare les candidats est assez important, il rejette
le recours et confirme par conséquent les résultats de l’élection en proclamant celle-ci. Si la
confirmation de l’élection constitue l’issue la plus aisée du contentieux électoral, l’on remarque
qu’il en va différemment pour ce qui est de l’annulation du scrutin.

2. L’annulation de l’élection et l’organisation de nouvelles élections


Le contentieux des résultats couvre les opérations qui concourent à l'expression du suffrage
des électeurs et se rapporte aux matières relatives au fonctionnement des bureaux de vote, au
déroulement et au dépouillement du scrutin. Pour le Doyen Francisco Djedjro Meledje, les
opérations de vote, de dépouillement des votes et de proclamation des résultats constituent
des âtres de vives contestations en Afrique 817. La mission du juge électoral consistera en
l’espèce à garantir le plein exercice du droit de vote des citoyens en veillant à une stricte
application des règles qui l’encadrent et à la garantie de la sincérité du vote.

Dans le cadre de son contrôle, le juge électoral n’hésite pas à sanctionner des résultats qui
ne reflètent pas l’expression de la volonté du corps électoral. L’annulation de l’élection

815 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 533.
816 L’analyse des dispositions du Code électoral camerounais révèle que la proclamation des résultats intervient
généralement après la phase contentieuse, notamment après que le juge électoral ait examiné les recours qui
lui sont soumis. Il convient cependant de noter qu’il en va différemment en ce qui concerne l’élection des
conseillers municipaux, puisque, conformément aux dispositions de l’article 193 alinéa 1, la Commission
communale de supervision proclame les résultats des élections municipales au niveau de la circonscription
électorale dans un délai de soixante douze (72) heures à compter de la clôture du scrutin.
817 MELEDJE D. Fr., « Le contentieux électoral en Afrique », op. cit., p. 147.

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constitue la sanction la plus radicale dans le contentieux des élections, puisqu’elle invalide les
résultats du scrutin, le rendant par conséquent nul. Selon Monsieur Stéphane Bolle,
« l’annulation d’une élection est un acte grave, parce qu’elle signe l’échec circonstanciel de la
démocratisation, elle ne peut être que la sanction exceptionnelle d’irrégularités majeures et
massives, de fraudes de grande ampleur et/ou d’anomalies substantielles » 818. Il importe de
souligner que l’annulation de l’élection ne comporte ni d’effets suspensifs, ni rétroactifs,
puisqu’un élu dont l’élection est annulée reste en fonction jusqu’à l’intervention d’une décision
définitive ayant un caractère de chose jugée.

Prévu par les articles 132 alinéa 2 et 194 alinéa 1 du Code électoral camerounais relatifs
respectivement à l’élection du président de la République, des députés à l’Assemblée nationale
et à celle des conseillers municipaux, le contentieux des opérations électorales relève de la
compétence du Conseil constitutionnel et de la juridiction administrative, et peut aboutir à
l’annulation des résultats du scrutin. Le pouvoir d’annulation accordé au juge électoral lui
permet de sanctionner les irrégularités qu’il estime vicié la sincérité du scrutin, ou lorsqu’il
n’est pas en mesure d’évaluer la portée de l’irrégularité sur les résultats du scrutin. Certes, tous
les moyens relatifs au déroulement des opérations de vote peuvent être invocables devant le
juge électoral. Mais l’on remarque que le juge apprécie avec beaucoup de prudence les requêtes
qui lui sont soumises et met en regard l’ampleur, la gravité, et l’impact de l’irrégularité sur les
résultats du scrutin. Édouard Laferrière écrivait justement sur la question que, face à une
protestation qui dénonce des faits contraires à la liberté et la sincérité du vote, le juge doit non
pas s’intéresser à leur caractère frauduleux ou non, mais déterminer s’ils ont pu exercer une
réelle influence sur les résultats du scrutin 819. S’appuyant sur le traditionnel schéma de la prise
en compte de l’influence d’une irrégularité sur le résultat du scrutin et du différentiel de voix
entre les candidats, le juge prononce selon les cas, une annulation totale(a) ou partielle de
l’élection en cause (b).

a. L’annulation totale des résultats du scrutin


L’annulation totale est la remise en cause de l’ensemble des résultats du scrutin. Elle est
prononcée en cas de vice substantiel ou lorsqu’en raison de multiples irrégularités, le juge
électoral n’a aucune possibilité de déterminer avec certitude les résultats du scrutin. Dans cette
hypothèse rarissime, le juge électoral annule les élections en cause en faisant fi de l’incidence
que les irrégularités ont pu avoir sur les résultats du scrutin. Pour Monsieur Bernard Maligner,
la rareté de l’annulation totale des opérations électorales se justifie par le fait que le juge

818 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 548.
819 LAFERRIÈRE E., Traité de la juridiction administrative, tome II, op. cit., p. 348.

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électoral entend garantir « l’ordre public électoral » 820. Selon Monsieur Oumar Diop,
l’annulation totale des résultats d’une élection est une décision grave en ce sens qu’elle entraîne
la reprise des opérations de vote et pose la question d’un déblocage de sommes exorbitantes
pour financer une nouvelle élection 821. Confronté à des obstacles relatifs au financement
d’une nouvelle élection et à des risques de remise en cause de la stabilité politique du pays, les
juges électoraux choisissent l’option de la prudence. S’il est évident que les juges électoraux
font preuve de retenue dans le prononcé de l’annulation totale de l’élection, il convient de
souligner que cela n’a pas été le cas au Mali à l’occasion du scrutin législatif incluant l’élection
présidentielle et les élections communales du 13 avril 1997. Saisi de plusieurs requêtes en
annulation des résultats du scrutin fondées sur l’absence des listes électorales, le manque du
matériel électoral, de l’inexistence des feuilles d’émargement, du manque de bulletins de partis
politiques, de la confection des documents électoraux antidatés, de la corruption d’électeurs
etc., la Cour constitutionnelle annule dans une décision du 25 avril 1997 822 les opérations
électorales du premier tour des élections législatives au regard de la gravité des griefs
allégués 823. Si le cas d’annulation des élections dans leur ensemble a concouru à manifester
l’effectivité des pouvoirs du juge électoral malien, l’on remarque à l’inverse qu’au Cameroun le
juge affiche une position frileuse. Malgré la gravité des irrégularités constatées et décriées par
les différents acteurs du jeu électoral, le juge électoral s’est à chaque fois limité à l’annulation
partielle du scrutin.

b. L’exercice d’un pouvoir d’annulation partielle des opérations électorales à échelle


variable
L’annulation partielle de l’élection consiste à invalider non pas l’ensemble des résultats de
l’élection, mais ceux considérés comme viciés dans certaines circonscriptions électorales bien
déterminées 824. La particularité de cette sanction réside dans le fait que la partialité dépend de
l’appréciation discrétionnaire du juge électoral qui peut également utiliser son large pouvoir

820 MALIGNER, B., Le droit électoral, op.cit., p. 891.


821 DIOP O, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire : Recherches sur les enjeux juridiques et
sociologiques du multipartisme dans quelques pays de l’espace francophone, Paris, Publibook, 2006, op. cit., p. 650.
822 Arrêt CC-EL 97-046 du 25 avril 1997, Cité Par DIOP O, Partis politiques et processus de transition démocratique en
Afrique noire : Recherches sur les enjeux juridiques et sociologiques du multipartisme dans quelques pays de l’espace
francophone, ibidem, p. 652.
823 DIOP O, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire : Recherches sur les enjeux juridiques et
sociologiques du multipartisme dans quelques pays de l’espace francophone, ibid., p. 652.
824 Le prononcé d’une décision définitive d’annulation du scrutin implique l’organisation de nouvelles élections
dans des conditions prévues par la loi. Ainsi, conformément aux dispositions des articles 135 alinéa 2 et
195 alinéa 2 fixant respectivement les conditions d’élection du président de la République et des députés à
l’Assemblée nationale d’une part, et celle des conseillers municipaux d’autre part, en cas d’annulation de
tout ou partie de l’élection, l’organisation d’une nouvelle élection a lieu dans un délai de vingt (20) jours au
moins et quarante (40) jours au plus pour ce qui est des élections nationales, et dans les soixante (60) jours
suivant l’annulation pour ce qui concerne l’élection municipale.

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pour prononcer une annulation par voie de conséquence, prononcée suite à une position prise
par le juge de l’élection à l’occasion d’un précédent scrutin 825. Cette dernière hypothèse étant
inexistante dans le contexte camerounais, elle ne sera pas abordée dans notre analyse qui sera
limitée à l’annulation partielle de l’élection dont le juge électoral camerounais fait son cheval
de bataille. Une vision synoptique des décisions d’annulation partielle des scrutins révèle
certaines disparités entre les taux d’annulation partielle prononcées par les juges électoraux.
Certes, l’article 132 alinéa 2 du Code électoral confère au Conseil constitutionnel 826 le pouvoir
d’annuler partiellement les résultats d’une élection qu’il juge viciée, l’on remarque en revanche
qu’il l’utilise de manière variable. Si le Conseil constitutionnel s’avère être un défenseur hardi
du vote des citoyens dans le contentieux des élections législatives, il n’en va pas de même avec
celui relatif aux élections présidentielles dans lequel le juge électoral, nonobstant sa tendance à
la pédagogie, affiche l’attitude d’un « juge soutenant l’arbitraire » 827. Le contentieux de
l’élection du président de la République constitue une énigme pour ceux qui s’y intéressent, et
une véritable gageure pour le juge qui en assure la régularité en raison de son caractère
éminemment politique. Si depuis la période dite « démocratique », le Cameroun a vu
l’organisation de quatre (04) élections présidentielles 828, force sera de remarquer que le juge
électoral, en l’occurrence la Cour suprême du Cameroun, nonobstant les irrégularités relevées
n’a jamais pu annuler les résultats du scrutin. Certes, comme l’affirme le professeur Jean-
Claude Tcheuwa, le juge électoral n’est pas un juge pénal chargé de sanctionner les fraudes
relevées pendant l’organisation et déroulement des opérations électorales, il doit manier les
éléments dont il dispose et rechercher si les résultats du vote correspondent à la volonté du
corps électoral 829. Il convient cependant de déplorer son manque d’audace car, nonobstant la
véracité et la gravité des irrégularités constatées, le juge électoral s’est limité à des décisions de

825 Selon le professeur Jean-Claude Masclet, l’annulation par voie de conséquence est prononcée lorsque à
l’occasion d’un second, le juge électoral dans une première situation a soit annulé le premier tour, soit
modifié les résultats du scrutin. MASCLET J.-Cl., Droit électoral, op. cit., p. 363.
826 En France, le Conseil constitutionnel tire son pouvoir des dispositions de l’article 41 de l’Ordonnance
n°58-1067 du 7 novembre 1958 d’une part et L.O. 186 du Code électoral qui dispose que ‘lorsqu’il fait droit
à une requête, le Conseil constitutionnel peut, selon les cas, annuler l’élection contestée ou réformer la
proclamation faite par la commission de recensement et proclamer le candidat qui a été régulièrement élu »
d’autre part.
827 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », op. cit., p. 47.
828 Depuis la réintroduction du multipartisme, le Cameroun a organisé les élections présidentielles à des
intervalles variant en fonction du mandat présidentiel. Les deux premières élections ont été organisée sous
le régime d’un quinquennat. Il s’agissait de l’élection du 11 octobre 1992, et de celle du 12 octobre 1997. La
révision constitutionnelle opérée en 1996 a entrainé l’allongement du mandat présidentiel qui est passé de 5
à 7 ans. Cette mutation a modifié le calendrier électoral, donnant ainsi lieu à la tenue de nouvelles élections
le 11 octobre 2004, et le 9 octobre 2011.
829 TCHEUWA J.-Cl., « Droit étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral camerounais : à propos
de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en œuvre à l’occasion des élections
législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op. cit., p. 9.

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rejet et d’irrecevabilité des recours. L’attitude du juge électoral dans le contentieux des
élections présidentielles conforte l’idée d’une difficile gestation du contentieux électoral en
Afrique développée par le Doyen Francisco Djedro Meledje 830. En admettant que le juge
électoral n’affiche pas particulièrement une attitude intrépide dans la gestion du contentieux
des élections présidentielles, l’on remarque en revanche qu’il s’avère être un juge pédagogue et
empreint de cran pour ce qui est du contentieux des élections législatives et municipales.

Même si les élections législatives du 1er mars 1992 et municipales du 21 mars 1996 —
malgré plusieurs reports— se sont déroulées dans un climat de tension et de suspicion, il faut
remarquer qu’elles ont permis les premières annulations des résultats du scrutin au Cameroun.
Elles ont par ailleurs redynamiser les compétitions électorales en levant le pan sur le pouvoir
d’annulation du juge électoral. L’on ainsi observé à l’occasion du contentieux des élections
législatives du 17 mai 1997, que le juge électoral s’est singulièrement fait remarquer par le fort
usage de son pouvoir d’annulation. En effet, bien qu’il n’ait retenu que huit recours sur les
cent cinquante (150) recours en annulation totale ou partielle des résultats du scrutin
enregistrés, l’on note que le juge électoral a fait preuve d’une grande hardiesse dans l’examen
des requêtes qui lui étaient soumises. Face à cette pléthore de recours en annulation par les
forces de l’opposition invoquant des irrégularités et pratiques frauduleuses d’ailleurs
corroborées par les rapporteurs des observateurs internationaux, le juge électoral annulera
finalement les résultats dans trois circonscriptions électorales, à savoir le Mayo-Rey, le Mayo-
Banyo et le Ndé 831. À cette occasion, le juge électoral procède à « la réception d’une
méthodologie favorable de computation des délais de recours, excluant les jours fériés et les
dimanches » 832, se rallie par ce fait à la position de son homologue français et rappelle que la
computation des délais de saisine tient compte des circonstances. Au delà de sa pédagogie sur
la computation des délais, le juge électoral révèle sa qualité de défenseur des droits civils et
politiques des citoyens. Pour lui en effet, le fait d’empêcher les candidats d’un parti politique
de battre librement campagne dans leur circonscription électorale constitue une donnée
flagrante et fondamentale d’irrégularités graves susceptibles d’influencer de manière
déterminante les résultats du scrutin. Par ailleurs, le climat d’insécurité entretenu par le Lamido
de Rey-bouba, les autorités administratives et les forces de sécurité d’une part, la violation de la
liberté et du secret du vote et la non-admission des représentants de certains partis politiques
lors du dépouillement d’autre part n’ont pas concouru à un exercice pacifique des droits
civiques. Invoquant les textes internationaux en l’occurrence, l’article 21 de la Déclaration

830 MELEDJE DJ., Fr., « Le contentieux électoral en Afrique, op. cit., p. 141.
831 Voir les arrêts n°51/CE/96-97 du 03 juin 1997, circonscription électorale du Mayo-Rey ; n°22/CE/96-97
du 03 juin 1997, affaire UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale du Mayo-Banyo ;
n°46/CE/96-97 du 03 juin 1997, circonscription électorale du Ndé.
832 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », op. cit., p. 49.

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universelle des droits de l’Homme, le juge conclut à l’annulation des opérations électorales
dans les circonscriptions susmentionnées, en affirmant que le climat d’insécurité qui a présidé
le déroulement de l’élection et a au demeurant occasionné des morts d’hommes, ne pouvait
pas permettre un déroulement pacifique et transparent des opérations préélectorales et
électorales 833.

S’agissant des élections municipales organisées en 1996, l’on devrait préalablement rappeler
que les circonstances de l’organisation de ce scrutin étaient propices à beaucoup de suspicion.
Le prolongement du mandat des conseillers municipaux issus du scrutin de 1987 d’une part, et
plusieurs débats relatifs à la création d’un organe indépendant d’autre part ne contribuaient
guère à créer un environnement propice à des élections sereines, ce qui avait entraîné une
prolifération de recours en annulation des opérations électorales. Si le taux de contestation des
résultats du scrutin est élevé, l’on remarque en revanche que très peu de requêtes aboutissent à
la décision escomptée par le demandeur. Saisi de 107 (cent sept) recours, dont soixante dix-
sept (77) se rapportant à l’annulation des opérations électorales, le juge électoral a prononcé à
l’encontre d’environ 90% des requêtes, une décision soit d’irrecevabilité, soit de non-lieu ou
d’incompétence 834. À l’instar de son homologue le juge électoral chargé de la régularité des
élections nationales, le juge administratif s’est illustré par sa propension à la pédagogie. C’est
dans cette mouvance qu’il a annulé les opérations électorales dans la circonscription électorale
de Biyouha au motif que la Commission communale de supervision a outrepassé ses pouvoirs
en s’immisçant dans un domaine de compétence qui n’est pas sien ou en s’abstenant d’assurer
la régularité des opérations électorales qui relève de sa compétence 835.

Les années 2000 apportent un souffle nouveau dans le contentieux des élections au
Cameroun sur le plan organique 836 et matériel. Selon le professeur Jean-Claude Tcheuwa, « La
pratique du contentieux électoral camerounais depuis au moins 2002, a fait ressortir une liste

833 Lire davantage sur la question, OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun »,
ibidem, p. 49 ; MBOME Fr. X., « Les transitions démocratiques en Afrique », in Juridis Périodique, n°41, janv.,
fév., mars 2000, p. 1-34.
834 Lire sur la question MBARGA NYATTE D., »Sociologie du contentieux relatif aux élections municipales du
21 janvier 1996 au Cameroun », in, Juridis Périodique, n°45, janv.- fév.- mars 2001, p. 78-88.
835 Affaires UNDP, commune rurale de Biyouha contre État du Cameroun (Minat), jugement n°53/95-96 du 18 juillet
1996 ; SDF, commune rurale de Bafoussam contre État du Cameroun (Minat), jugement n°85/95-96 du 26
septembre 1996 ; SDF, commune rurale de Bagangté contre État du Cameroun (Minat), jugement n°93/95-96 du 26
septembre 1996 ; SDF, commune rurale de Penja contre État du Cameroun (Minat), jugement n°831/95-96 du 19
avril 1996.
836 Les mutations intervenues sur le plan organique portent sur l’institutionnalisation du Conseil
constitutionnel avec l’adoption en 2004 de la loi qui régit son organisation et son fonctionnement d’une
part, et la création des structures indépendantes chargées de superviser l’organisation et le déroulement des
élections, notamment l’Onel en 2000, et Elecam en 2006 d’autre part.

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constante et impressionnante des principaux griefs ou irrégularités allégués (...) » 837.
Conjointement organisées depuis les années 2002 —en raison des décalages d’une année
observés dans le calendrier électoral—, les élections législatives et municipales de 2002, 2007,
et 2013 ont la particularité d’avoir permis de grandes avancées dans le traitement du
contentieux électoral à travers les multiples cas d’annulation partielle constatés. Notre
énumération des affaires réglées par le juge électoral ne pouvant être exhaustive, nous
procèderons à un recensement aléatoire de quelques espèces nous permettant d’appréhender
les motifs d’annulation du juge électoral. S’agissant des élections législatives, le juge
électoral avait annulé l’élection pour cause d’atteinte à la sincérité du scrutin, notamment pour
causes de violences ayant entraîné la destruction des procès-verbaux de dépouillement du
vote, d’incendie des véhicules et autres mobiliers, d’un individu poignardé, et dont le constat a
été établi par procès-verbal n°537 du 2 juillet 2002 à la brigade territoriale de la gendarmerie de
Kumba. Il en était de même pour les cas d’allégations de pressions financières faites sur les
délégués de l’Onel dans le but de taire les irrégularités constatées, par lettre
n°288/ONEL/DRDE/SG/VPO/PO du 15 juillet 2002 du président de l’Onel dénonçant le
bourrage des urnes, le remplacement des électeurs absents par d’autres personnes, ou de
falsification des procès-verbaux de dépouillement dans de nombreux bureaux de vote. Le juge
électoral sanctionne par ailleurs par une annulation, les irrégularités qui ont été de nature à
porter atteinte à la sincérité du scrutin et à l’égalité des chances entre les candidats —comme
exemples nous énumèrerons entre autres irrégularités, le retard de plus de quatre (4) heures,
des bulletins de vote de certains partis politiques dans les bureaux de vote, et dont les noms de
candidats y figurant ne sont pas de ceux qui ont officiellement été retenus ; le changement de
couleur des bulletins de vote 838. Pour ce qui concerne le contentieux des élections
municipales, l’on remarque que le juge administratif prête une attention particulière sur un
élément fondamental qui participe à la sincérité du scrutin, en l’occurrence, le respect de la
composante sociologique des liste électorales. Il faudrait toutefois préciser que l’élan du juge

837 TCHEUWA J.-Cl., « Droit étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral camerounais : à propos
de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en œuvre à l’occasion des élections
législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op. cit., p. 5.
838 Arrêts n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, RDPC contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale de
Kumba urbain ; n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, RDPC contre État du Cameroun (Minat), circonscription
électorale de Kumba urbain ; Arrêt n°57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, RDPC contre État du Cameroun (Minat),
circonscription électorale de Kumba urbain ; n°44/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UPC contre État du Cameroun
(Minat), circonscription électorale du Nkam ; n°30-117-118-119/CEL/du 07 août 2007, Nintcheu Jean-Michel
(SDF), Etroukang Jean-Pierre (UNDP), Kodock Fréderick, Basile Yagaï, Kwemo Pierre contre État du Cameroun
(Minat), circonscription électorale de Wouri-Est ; , n° 54/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du
Cameroun (Minat), circonscription électorale de Bamboutos ; n° 42/CE/01-02 du 17 juillet 2002, POPC, UNDP
contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale du Mbam et Kim ; n°37/CE/01-02 du 17 juillet 2002,
AMEC contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale du Nyong t So’o ; n°32/CE/01-02 du 17 juillet
2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale de la Méfou et Akono ; n°28/CE/01-
02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP contre État du Cameroun (Minat), circonscription électorale de la Sanaga Maritime.

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du premier ressort a quelquefois été émoussé par le juge de l’appel qui infirmait les jugements
aux motifs pris de ce que le premier juge n’était pas compétent pour connaître des opérations
préélectorales 839. Même s’il convient de reconnaître que le contentieux des élections depuis les
années 1990 connaît une véritable explosion, l’on y observe cependant un certain immobilisme
qui se matérialise par l’accroissement des décisions de rejets ou d’irrecevabilité et qui révèle les
failles du système électoral camerounais. Dans ces conditions, si l’annulation de l’élection
résulte de la prise en compte conjointe de la gravité de l’irrégularité et du différentiel de voix
qui existe entre les candidats en lice, il faudrait reconnaître que son pouvoir ne saurait se
limiter à une simple annulation du scrutin puisqu’il a la faculté de réformer les résultats du
scrutin.

B. Le caractère intermittent du pouvoir de réformation des résultats


Caractéristique de la plénitude des pouvoirs du juge électoral, le pouvoir de réformation
permet de redresser les dysfonctionnements, notamment les erreurs ou les illégalités qui ont
pu affecter les opérations de décompte des voix. S’il est indéniable que le pouvoir de
réformation caractérise les pouvoirs du juge électoral, force est cependant de constater que le
législateur camerounais ne le lui reconnaît pas de manière expresse, puisqu’il ne repose sur
aucun texte. En effet, l’on remarque s’agissant du Conseil constitutionnel et de la juridiction
administrative que ni la Constitution, ni le Code électoral, ni les lois fixant leur organisation et
leur fonctionnement ne font mention de cette attribution 840. Dans le contexte français en
revanche, le pouvoir de réformation est certes reconnu, mais il ne l’est pas pour les deux juges
électoraux. Aussi, remarque-t-on que contrairement au Conseil constitutionnel dont les
dispositions des articles 41 de l’Ordonnance n°1067 du 7 novembre 1958 et L.O. 186 du Code
électoral consacrent le pouvoir de réformer la proclamation faite par les commissions de
recensement afin de proclamer le candidat régulièrement élu, le juge administratif français ne
jouit pas du même privilège. Il doit s’arroger cette prérogative. Pour Messieurs Laurent Touvet

839 Jugement n°59 CS-CA du 03 septembre 2002, Iya Clébert, (candidat du RDPC), commune rurale de Loum contre
État du Cameroun (Minatd) et SDF (intervenant volontaire), et en appel, l’arrêt n°78/CS-AP du 19 avril 2004,
affaire Kwayap Moïse (candidat SDF), État du Cameroun (Minatd), commune rurale de Loum contre État du Cameroun ;
jugement n°128 CS-CA du 03 septembre 2002, Moghom Dieudonné, (candidat du SDF), commune rurale de
Baamougoum contre État du Cameroun (Minatd) et RDPC (intervenant volontaire), et en appel, l’arrêt n°90/CS-AP
du 19 avril 2004, affaire Fathu Jean-Pierre, RDPC, commune rurale de Bamougoum contre État du Cameroun.
840 Si le pouvoir de réformation des juges électoraux ne repose sur aucun texte, l’on observe en revanche que le
législateur le reconnait de manière expresse à la Commission communale de supervision puisque,
conformément aux dispositions de l’article 192 du Code électoral, « la commission communale de
supervision est chargée de la centralisation, de la vérification des décomptes des votes au vu des procès-
verbaux et pièces annexes transmis par les commissions locales de vote. Elle procède, le cas échéant, à la
rectification, au redressement ou à l’annulation desdits procès-verbaux ». Cette attitude du législateur
pourrait être justifiée par la peur que le juge électoral puisse substituer sa propre décision à la proclamation
faite par la commission de vote, remettant ainsi en cause, la volonté du corps. Lire sur cette question,
MALIGNER B., Droit électoral, op. cit., p. 910.

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et Yves Doublet, le pouvoir de réformation du juge administratif découle à l’origine de la loi
du 5 mai 1884 et a été affirmé depuis plus d’un siècle par les plus grands auteurs 841. Quant à
Monsieur Bernard Maligner 842, les prémices de l’exercice du pouvoir de réformation
remontent à l’époque de la justice retenue, notamment à travers les décisions 843 De Richouff du
5 août 1849 et Rouvière contre Ferrand du 24 août 1849. Ce pouvoir s’impose avec les
affaires 844 Rosey, Léguillon et autres d’une part, Forest et Consorts contre Dayras d’autre part.

Le juge électoral use de son pouvoir de réformation lorsqu’il est en mesure de restituer avec
exactitude la volonté du corps électoral. Ainsi, lorsqu’il est saisi d’un recours en contestation
des opérations de décompte, le juge électoral doit rechercher si une irrégularité dans le calcul
de voix a pu influencer le résultat final du vote. Certes, le pouvoir de réformation ne vise pas
principalement la sanction des fraudes alléguées, mais il faudrait remarquer avec Monsieur
Bernard Maligner que face à une allégation d’illégalité, de fraudes, ou d’erreur dans le
décompte des voix, le juge considère comme critère fondamental « l’incidence mesurable des
irrégularités » 845. Chargé de garantir la régularité des résultats du vote, le juge électoral, face
ainsi à une certitude absolue de l’existence d’un vice ayant entaché les opérations matérielles
de calcul des voix, se transforme en un bureau supérieur de recensement et procède soit à un
nouveau décompte des voix ((1), soit à une rectification arithmétique des résultats (2).

1. Un nouveau décompte des voix


Lorsqu’il est saisi d’une question liée au décompte des voix, le juge électoral intervient non
en qualité de garant de la sincérité de la volonté du corps électoral, mais en tant que « juge
supérieur du recensement des votes » 846. Dans cette hypothèse, il constate que les opérations
de calcul des voix ont été mal menées, —notamment que des suffrages ont été écartés ou mal
décomptés—, et procède le cas échéant, à un nouveau décompte des voix, à la réattribution de
ces suffrages et en conséquence, à la correction des résultats de l’élection qui peuvent conduire
à leur inversion.

841 TOUVET L., DOUBLET Y.-M., Droit des élections, op. cit. p. 556.
Sur les auteurs invoqués par messieurs Laurent TOUVET et Yves-Marie DOUBLET, lire : LAFERRIÈRE E.,
Traité de droit administratif et des recours contentieux, tome II, Berger-Levrault, 1888, p. 318 ; CHANTE-GRELLET,
Répertoire de droit administratif, Becquet et Dupré, 1898, T. XV, n°632.
842 MALIGNER B., Droit électoral, op. cit., p 911.
843 CE 5 août 1849, De Richouff, Rec., p. 461 ; CE 24 août 1849, Rouvière contre Ferrand, Rec., p. 539.
844 CE 25 août 1849, Rosey, Léguillon et autres, Rec., p. 568 ; CE 25 août 1849, Forest et consorts contre Dayras, Rec.,
p. 569.
845 MALIGNER B., Droit électoral, ibidem., p 911.
846 LAFERRIÈRE E., Traité de droit administratif et des recours contentieux, op. cit., p. 317.

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Les opérations de décompte des voix ont lieu à la suite du dépouillement du scrutin et sont
effectuées par les commissions de supervision. En effet, au regard des articles 63 paragraphe 6,
69 alinéa 1 et 192 du Code électoral, les commissions de supervision et la Commission
nationale de recensement général des votes centralisent, vérifient les opérations de décomptes
des suffrages effectuées par les commissions locales de vote. Elles peuvent éventuellement
redresser les erreurs matérielles relevées dans le décompte des votes. Cette première phase du
contrôle des opérations de décompte est purement administrative. Elle sert d’assise à
l’intervention du juge électoral qui statue au vu des procès-verbaux des commissions susvisées
de l’opportunité de procéder à un nouveau décompte des votes. Ainsi, lorsque le juge électoral
n’est pas certain de l’influence des manœuvres sur les résultats, il procède à l’annulation du
scrutin plutôt qu’à un nouveau décompte des voix. Selon Gaston Jèze, avant de procéder à un
nouveau décomptage des voix lorsqu’une élection est régulière, le juge électoral doit
préalablement se poser la question de savoir si les bureaux de vote avait correctement fait le
calcul des bulletins de vote, et si les voix ont été régulièrement attribuées à chaque candidat. À
la suite à ces interrogations, le juge électoral peut décider de se transformer en une « machine à
calculer » et refaire les opérations de comptage des votes pour aboutir à la rectification des
anomalies relevées 847. Monsieur Bernard Maligner relève à ce propos que créer un lien étroit
entre le pouvoir de réformation du juge électoral et son intervention en qualité de bureau
supérieur de recensement des votes concourt à escamoter l’intégrité et la finalité de son office.
Le juge n’use pas seulement de son pouvoir de rectification lorsqu’il contrôle le recensement
des votes, il procède parallèlement à la révision de la proclamation. Monsieur Bernard
Maligner précise à cet égard que la mission de juge supérieur du recensement dérive d’une
fonction plus générale, celle de contrôle des l’exactitude des résultats proclamés, et justifie qu’il
rectifie de manière arithmétique ou hypothétique 848 les résultats du vote849.

847 JEZE G., Cours de théorie générale de la fonction publique, Paris, M. Girard, 1927, p. 164, cité par MALIGNER B.,
Droit électoral, op. cit., p. 913. Lire également sur la question, CREMERY, Des pouvoirs du juge dans le contentieux
administratif des élections, Thèse, paris, 1936 ; GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes
directeurs, Paris, édition Sth, 1988, p. 342.
848 La technique de rectification hypothétique des résultats du vote qui consiste à procéder à l’imputation des
suffrages lorsque les bénéficiaires ou les victimes des irrégularités ne sont pas identifiés avec certitude, ne
fera pas partie de notre analyse en raison du fait que, nonobstant ses mérites, elle n’est pas employée par le
juge électoral camerounais. Bien que ne faisant pas l’objet de notre étude, la technique de rectification
hypothétique mérite d’être clarifiée. En effet, lorsque le juge constate des irrégularités dans le décompte des
votes émis, il peut soit déduire ces suffrages du nombre des suffrages exprimés et nombre de voix obtenues
par le ou les candidats élus, soit ajouter ces suffrages potentiels au total de suffrages exprimés et au
nombre de voix obtenues par le ou les candidats élus. Cette méthode par laquelle le juge électoral effectue
des soustractions ou des additions des voix pourrait être défavorable pour les candidats proclamés élus.
Lire sur la question, BUFFEt S., Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil
constitutionnel, op., cit., p. 405 ; MALIGNER B., Droit électoral, op. cit., p. 934-938.
849 MALIGNER B, Droit électoral, ibidem, p. 923.

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2. Une rectification arithmétique des résultats
La rectification des résultats vise le redressement des résultats existants sur la base de
certains éléments nouveaux. Le pouvoir de rectification consiste pour le juge, à « rétablir les
résultats sortis des urnes que l’organe chargé du recensement a mal interprété, soit en raison
d’une erreur de calcul, soit parce que les suffrages ont été déclarés nuls alors qu’ils devaient
être tenus pour valables ou inversement »850.

S’il est indéniable que les pouvoirs du juge électoral sont étendus et qu’il apprécie de
manière discrétionnaire les requêtes qui lui sont soumises, l’on note en revanche qu’il ne
saurait user de manière arbitraire du pouvoir de réformation, puisqu’il ne s’en sert que lorsqu’il
est en mesure de reconstituer avec certitude le nombre de voix obtenus par les candidats. Le
président Bruno Genevois remarque sur ce point que « le pouvoir de rectification dont
dispose le juge de l’élection ne joue que dans des limites très précises. Il lui faut rétablir les
résultats sortis des urnes que l’organe chargé du recensement a mal interprété, soit en raison
d’une erreur de calcul, soit parce que des suffrages ont été déclarés nuls alors qu’ils devaient
être tenus pour valables et inversement » 851. À l’analyse, l’on observera que le pouvoir de
rectification du juge électoral ne s’exercera qu’à la condition fondamentale de l’existence d’une
certitude relative à l’incidence mesurable des irrégularités sur les résultats du scrutin est
remplie. Ainsi, lorsque le juge électoral est dans l’impossibilité de déterminer avec précision
l’incidence des dysfonctionnements, notamment les erreurs, les manœuvres ou les fraudes
alléguées, les résultats du scrutin, et les opérations de rectifications, il procède invariablement à
l’annulation de l’élection 852. En effet, dans une espèce UNDP et SDF commune urbaine de
Yaoundé II du 18 juillet 1996, le juge ayant été saisi d’une requête en contestation des
résultats, avait annulé les procès-verbaux de dépouillement de vote qui avaient été modifiés six
(6) jours après la proclamation des résultats par la commission communale de vote, et qui
accordaient l’avantage au RDPC en lui attribuant près de deux mille (2000) voix, prenant en
compte certains bureaux de vote qui n’avaient pas fonctionné, alors même que les premiers
résultats accordaient vingt-cinq (25) sièges au SDF contre six (6) pour le RDPC. Dans cette
affaire, le juge avait estimé que les procès-verbaux du 27 janvier 1996 intervenus
postérieurement à la proclamation des résultats étaient plus que douteux et encouraient la
nullité pour violation des dispositions textuelles de l’article 33 de la loi n°92/002 du 14 août
1992 fixant les conditions d’élection des conseillers municipaux. Pour lui, un procès-verbal ne
peut être qualifié de provisoire ni être annulé par la commission qui devait se déclarer

850 GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, op. cit., p. 350.
851 GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, ibidem, p 342.
852 MALIGNER B., Droit électoral, ibid., p. 920-921.

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incompétente, puisqu’elle ne pouvait procéder en cas de contestation, qu’à la simple
régularisation de simple vices de forme 853.

À l’évidence, face à un recours en contestation des opérations de décompte, plusieurs


possibilités peuvent s’offrir au juge de l’élection. Il peut inverser les résultats en confirmant
l’élu en place, ou en proclamant un nouvel élu par addition ou par soustraction, sur la base du
recomptage des voix auquel il a procédé. Il peut également attribuer ou rétrocéder les sièges
aux partis politiques. L’inversion des résultats intervient lorsque les procès-verbaux de vote
ont été falsifiés, et quand les résultats anciennement constatés apparaîssent sur le
document 854. Pour ce qui est du pouvoir de rétrocession des sièges aux partis politiques, l’on
remarquera que le juge électoral notamment la Cour Suprême, a fait preuve de beaucoup de
hardiesse dans ce domaine à l’occasion des élections législatives du 17 mai 1997. En effet, dans
une espèce du 3 juin 1997 circonscription électorale de la Boumba et ngoko, il partage à égalité
les deux sièges en compétition entre la liste RDPC et la liste de l’UNDP, et pousse son
intervention plus loin encore en rétrocédant subséquemment le siège de la circonscription de
Lebialem au SDF 855. S’il faut reconnaître que le contentieux électoral connaît un envol
remarquable depuis les années 1990, il convient cependant de remarquer qu’en tant
qu’instrument chargé de « sanctifier les résultats du scrutin », il nécessite beaucoup de
hardiesse de la part des juges électoraux qui manifestent encore beaucoup de retenue dans la
construction jurisprudentielle du contentieux électoral. En France en revanche, l’on observe
que les juges électoraux sont dotés de larges pouvoirs et n’hésitent pas à en user. C’est ainsi
qu’ils mettent en œuvre les prérogatives qui leurs sont dévolues pour rectifier les compte de
campagne des candidats. Selon le professeur Alain Didier Olinga, « le contentieux électoral n’a
pas d’intérêt en soi, ne se ramène pas en un ensemble de pirouettes juridiques et techniques
(...) il a pour ambition de modifier éventuellement la réalité électorale » 856, et justifie l’élan des
acteurs électoraux à rechercher dans les prétoires au moyen des voies de recours, ce qu’ils
n’ont pas pu obtenir dans les urnes.

853 Jugement n°44 du 18 juillet 1996. Lire sur la question, MBARGA NYATTE D., « Sociologie du contentieux
relatif aux élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun », op. cit., p. 81.
854 TOUVET L., DOUBLET Y.-M., Droit des élections, op. cit. p. 557.
855 Arrêt n°97/29/CE/96-97 du 3 juin 1997. Lire sur laquestion, SIETCHOUA DJUITCHOKO, C., « Introduction
au contentieux des élections législatives camerounaises devant la Cour suprême statuant comme Conseil
constitutionnel », op. cit., p. 90.
856 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit au Cameroun », op. cit., p. 50.

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SECTION II.

LA REMISE EN CAUSE DES DÉCISIONS DE JUSTICE : L’AMÉNAGEMENT


IMPARFAIT DES VOIES DE RECOURS

Les voies de recours constituent un moyen de remise en cause de la décision rendue par un
juge en premier ressort, et permettent de garantir les risques d’erreur ou d’injustice. Régis en
conformité avec le principe du double degré de juridiction, les voies de recours donnent droit
à un nouvel examen d’une cause qui a déjà fait l’objet d’un premier examen devant un organe
compétent. Elles permettent à une partie à un procès qui estime que son affaire n’a pas été
examinée convenablement, de mettre en œuvre son droit d’user de tous les moyens de recours
dont elle dispose pour obtenir gain de cause soit devant l’instance qui a rendu la décision —
c’est la rétractation—, soit devant une instance hiérarchiquement supérieure à celle qui a rendu
la décision contestée— c’est la réformation—. Si la voie de réformation, notamment celle de
l’appel constitue le principal moyen pour contester les décisions rendues en premier ressort
par les juridictions inférieures, il faut reconnaître qu’il existe également d’autres voies de
recours, en l’occurrence la rétractation que nous n’analyserons pas dans le cadre de cette
étude, en raison du fait qu’elle est ineffective dans le contentieux des élections au
Cameroun 857.

Le principe de la séparation implique l’existence d’une répartition organique et matérielle


entre les organes. Réparti entre diverses juridictions au gré du législateur et du constituant 858,
le contentieux des élections est réglé de manière invariable par le Conseil constitutionnel et les
juridictions administratives. L’applicabilité de cette procédure réside dans l’existence d’une
dualité de juridictions et des mécanismes propres, permettant la saisine de l’organe
hiérarchique. Même si la recevabilité des voies de recours est subordonnée entre autres, à
l’existence d’une décision préalable, il convient de remarquer que le régime juridique des
décisions diffère selon qu’elles sont rendues par le Conseil constitutionnel ou par le juge

857 Prévue par les articles 107, à 111, 115,117, et 118 de la loi n 2006/022 du 29 décembre2006 fixant
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, la voie de rétractation est un recours
exercé sous certaines conditions contre un jugement devant la juridiction qui l’a rendu. Elle peut être
ouverte devant le juge administratif au travers de l’opposition—ouverte à une partie qui n’a pas produit de
mémoire en défense et contre laquelle une décision par défaut a été rendue—, de la tierce opposition— elle
est formée par une personne non appelée, qui a la qualité de tiers et dont le jugement risque d’affecter les
droits—, le recours en révision— c’est une demande nouvelle au moyen de laquelle une personne sollicite
du juge qu’il revoit sa décision et statue de nouveau au fond en raison d’un vice grave de procédure l’a
affecté—, et le recours en rectification matérielle—qui tend à faire rectifier une décision qui a laissé glisser
une erreur matérielle dans une décision, mais le juge ne statue pas de nouveau sur le fond du recours, et qui
est admis devant le Conseil constitutionnel—.
858 MASCLET J.-Cl., Droit électoral, op. cit., p. 318.

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administratif. Les décisions rendues par le Conseil constitutionnel sont revêtues de l’autorité
de chose jugée et sont en principe exemptes de toute voie de recours. S’agissant du juge
administratif, l’on observe que l’effectivité du principe de double de juridiction ouvre la voie à
une procédure en appel formée contre toute décision rendue en premier ressort, et permet le
contrôle de la régularité de la décision initiale. Nous examinerons à cet effet, l’effectivité des
voies de recours dans le contentieux municipal (§ 1) et l’absence de cette procédure devant le
Conseil constitutionnel (§ 2).

§ 1. L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF


Juges de la régularité des élections municipales, les juridictions administratives exercent une
compétence attributive 859 et connaissent en premier et dernier ressort des contestations liées à
l’organisation et au déroulement des opérations électorales. La répartition des compétences
entre les différentes juridictions administratives permettra à cet égard de préciser le champ
d’intervention du juge administratif en premier ressort, en appel ou en cassation—la
procédure de pourvoi en cassation n’existe pas dans le contentieux électoral et ne fera pas
partie de notre analyse—. Le professeur Olivier Gohin précise dans ce sens que « l’existence
des voies de recours est techniquement liée à la structure de la juridiction administrative » 860.

L’exercice des voies de recours au Cameroun est certes effectif en droit, mais l’on relève un
difficulté de mise en œuvre de cette procédure en raison de l’ineffectivité des juridictions
compétentes (A) qui ne favorise pas un exercice aisé des voies de recours (B).

A. La fissuration du principe de double degré de juridiction : l’ineffectivité


des tribunaux administratifs
Institués en application de l’article 40 de la Constitution, et des dispositions des lois n°s
2006/022 et 016 du 29 décembre 2006, les tribunaux administratifs et la Chambre
administrative de la Cour suprême connaissent en premier ressort et en appel du contentieux
des élections régionales et municipales, et en dernier ressort de l’ensemble du contentieux
administratif concernant l’État, les collectivités publiques 861. La répartition des compétences
relevée dans l’ordre juridictionnel administratif vise le respect et la garantie des droits de la
défense des justiciables. Elle favorise par ailleurs le principe du double degré de juridiction qui
permet de reconnaître au requérant la possibilité de contester une décision de justice qui ne le

859 La compétence des juridictions administratives est fixée par les articles 40 de la Constitution d’une part, 2
alinéa 2 de la loi fixant l’organisation des tribunaux administratifs et 38 de la loi fixant l’organisation et le
fonctionnement de la Cour suprême.
860 GOHIN O., Contentieux administratif, 8ème édition, LexisNexis,2014, p. 433.
861 Articles 2 alinéas 1et 2 et 72 respectivement des lois fixant l’organisation et le fonctionnement des
tribunaux administratifs et l’organisation de la Cour suprême.

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satisfait pas devant une nouvelle juridiction qui réexaminera son affaire en fait et en droit. Si
l’on constate l’existence des voies de recours au travers de la consécration du principe du
double degré de juridiction, l’on observe en revanche que cette procédure s’applique de
manière désorganisée. Le contentieux électoral soulève la question de règlement des
contestations et réclamations liées à l’organisation et au déroulement du scrutin. Certes, le
principe du double degré de juridiction voudrait que les décisions qui ont été rendues par une
juridiction inférieure soient examinées par une nouvelle instance, mais l’on constate que ce
principe est faussé au départ par l’ineffectivité des tribunaux administratifs.

Instituée par les décrets de 1920-1922 créant le Conseil du contentieux administratif, la


juridiction administrative du Cameroun connaît une évolution marquée par diverses mutations
textuelles. En effet, l’on remarquera que le constituant du 18 janvier 1996, a apporté une
réforme profonde dans l’organisation organique et matérielle de la juridiction administrative
par rapport aux anciens textes, notamment l’Ordonnance n°72/17 du 08 décembre 1972
fixant l’organisation de la Cour suprême et la loi n°75/17 du 08 décembre 1975 fixant la
procédure devant la Cour suprême. Monsieur Aba’a Oyono observe à propos de ces
mutations que « le constituant du 18 janvier 1996 est passé de l’expérience tenant à la
séparation des litiges dans l’uni-juridictionnel à l’instauration d’une manifeste distinction
limitative des contentieux par suite de dislocation juridictionnelle » 862.

L’institutionnalisation des tribunaux par la loi n°2006/022 d’une part, l’arrêté


n°759/CAB/PR du 30 juillet 2013 portant nomination des greffiers en chefs dans les
tribunaux administratifs d’autre part, pourraient être considérés comme des éléments qui
attestent la dislocation juridictionnelle du Constituant de 1996. Il convient cependant de
souligner que l’ineffectivité de la mise en place des tribunaux administratifs pose de réels
problèmes de concentration des compétences entre les mains d’une institution, à savoir la
Chambre administrative dont le rôle sera de statuer en premier ressort en lieux et place des
tribunaux administratifs. Cette organisation juridictionnelle donne l’impression d’une
résurgence des dispositions de l’article 10 (nouveau) de l’Ordonnance n°72/6 du 26 août 1972
fixant l’organisation de la Cour suprême, modifiée par la loi n°76/28 du 14 décembre 1976 863.
Nonobstant l’existence d’un double degré de juridiction dans le contentieux administratif, il
faudrait noter que l’ineffectivité organique des tribunaux administratifs a longtemps ébranlé
l’organisation de la juridiction administrative. Il faudrait toutefois préciser que, même si les
tribunaux administratifs sont désormais opérationnels conformément aux dispositions du

862 ABA’A OYONO J.-C., « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 »,
in Afrilex, 2001/02, p. 18.
863 L’article 10 (nouveau) de l’Ordonnance du 26 août 1972 dispose que : « la Cour suprême, exclusivement
pour l’exercice des compétences énumérées dans l’article 9 (...), comprend une Assemblée plénière jugeant
en appel et une Chambre administrative jugeant en premier ressort ».

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décret n°2012/119 du 15 mars 2012 portant ouverture des tribunaux administratifs, le double
degré de juridiction dans le contentieux électoral ne sera effectif que lors des prochaines
échéances électorales. Dans l’attente de cette mise en place, la Chambre administrative de la
Cour suprême exerce provisoirement les attributions des tribunaux administratifs sous réserve
de la prise en compte de certaines exigences liées à la composition de la Chambre
administrative— les sections de ladite chambre statuent par jugement, en premier ressort et à
charge d’appel ou de pourvoi devant les sections réunies. Par ailleurs, les magistrats ayant
participé au jugement d’une affaire en premier ressort ne peuvent le faire en appel ou en cas de
pourvoi—.

B. La pénibilité de l’appel : le cumul de compétences de la Chambre


administrative de la Cour suprême
Instituée cumulativement par les dispositions des articles 40 de la Constitution d’une part, 7
9, et 38 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 d’autre part, la Chambre administrative de
la Cour suprême exerce une compétence attributive et connaît des appels formés contre les
décisions rendues en matière de contentieux des élections régionales et municipales, des
pourvois formés contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures
en matière de contentieux administratif, des exceptions préjudicielles soulevées en matière de
voie de fait et d’emprise devant les juridictions inférieures en matière de contentieux
administratif, et de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi. Considéré
comme ressortissant du domaine de compétence de la Chambre administrative, l’appel
constitue « la voie de recours, mais surtout la garantie du double degré de juridiction, [car il]
est un instrument de régulation du droit administratif (...) » 864. Certes, l’appel au Cameroun a
connu une évolution historique remarquable 865, l’on remarque toutefois qu’il est encore
emprunt des germes de fragilité qui n’offrent pas entièrement les gages nécessaires au droit à
un procès équitable. Nonobstant l’étendue des compétences qui sont dévolues à la Chambre
administrative, il faudrait préciser que notre analyse se limitera strictement au domaine de
compétence qui concerne le contentieux des élections municipales. Il convient à cet égard
d’analyser les conditions de recevabilité de l’appel (1) et les effets qui y sont rattachés (2).

1. La recevabilité de l’appel
Considéré comme une voie de réformation, l’appel permet non seulement la contestation
devant une instance supérieure de tout ou partie de la décision rendue par une juridiction

864 SIETCHOUA DJUITCHOKO C., L’appel dans le contentieux administratif au Cameroun « Contribution à l’étude de la
juridiction administrative », Thèse de l’Université d’Aix-Marseille, juin 2001, p. 13.
865 Lire sur la question, SIETCHOUA DJUITCHOKO C., L’appel dans le contentieux administratif au Cameroun
« Contribution à l’étude de la juridiction administrative »,ibidem, p 18-27.

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inférieure, mais aussi l’annulation des jugements rendus par ladite juridiction. L’exercice d’une
voie de recours permet au requérant de provoquer un nouvel examen de son affaire, et
conduit le juge de l’appel saisi en dernier ressort de réformer, confirmer, ou d’infirmer par une
annulation, le jugement entrepris. Le professeur Olivier Gohin définit l’appel comme « la voie
de recours instituée contre toute décision rendue en premier ressort par une juridiction
administrative afin de contrôler l’adéquation ou la régularité de ce jugement initial » 866. Le
professeur Bernard Pacteau quant à lui précise que le pourvoi en appel vise à condamner un
jugement rendu par un tribunal inférieur, il constitue une « censure des jugements
erronés » 867.

S’il est indéniable que l’adoption des lois n°s 2006/016 et 2006/022 a permi une meilleure
lisibilité de la procédure en appel, l’on observe cependant que le caractère récent des tribunaux
administratifs qui n’ont pas encore eu l’opportunité de connaître du contentieux électoral
biaise quelque peu cette évolution. Ressortissant antérieurement de la compétence de
l’Assemblée plénière de la Cour suprême en application des dispositions de l’article 10 de
l’ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour suprême, modifiée par
les lois n°s 75/16 du 8 décembre 1975 et 76/28 du 14 décembre 1976, l’appel est désormais
porté devant la Chambre administrative de la Cour suprême. Celle-ci est considérée comme
une instance d’appel en matière électorale et connaît des recours en appel formés à l’encontre
des décisions rendues devant une juridiction de premier degré. À l’évidence, l’intervention de
la Chambre administrative comme juge de premier ressort et juge d’appel pourrait créer la
confusion dans l’esprit des requérants, puisque les règles procédurales applicables devant cette
instance agissant en premier ressort ou en appel sont distinctes.

La recevabilité du recours en appel est soumise aux conditions liées à la personne de


l’appelant et à celles relatives à la requête, notamment à la forme et au fond de celle-ci. En
application des articles 73 à76 de la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation
de la Cour suprême, l’appel est formé dans un délai de quinze (15) jours à compter du
lendemain de la notification de la décision de la juridiction inférieure, par déclaration au
Greffe de la juridiction inférieure en matière de contentieux administratif dont émane la
décision attaquée. Il est introduit par le demandeur en personne, par son avocat, ou par un
mandataire muni d’un pouvoir spécial. Ici, l’appelant doit avoir été partie à l’instance à l’issue
de laquelle le jugement attaqué est intervenu. Seulement, l’on observe que les dispositions
textuelles ne précisent pas si l’action n’est réservée qu’à ceux qui étaient parties à l’instance ou
si elle est également ouverte à toute personne intéressée. En France par exemple, bien que

866 GOHIN O., Contentieux administratif, op. cit., p. 435.


867 PACTEAU B., Traité de contentieux administratif, op. cit., p. 539.

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l’article L. 250 du Code électoral ait spécifié de manière expresse que l’action était ouverte au
préfet ou aux parties intéressées, l’on constate que la jurisprudence administrative a considéré
que lorsqu’un jugement a annulé ou réformé les résultats du scrutin, toute personne intéressée
a qualité pour faire appel, alors même qu’elle n’était pas partie à l’instance 868. Monsieur
Nicolas Rozos remarque à ce propos qu’il n’est pas logique que les parties initiales de la
première instance aient seules qualité pour faire appel. Pour lui, l’appel pourrait se transformer
en une répétition de l’instance devant le juge supérieur 869. L’appel doit être formé contre une
décision rendue en premier ressort par la Chambre administrative dans un délai de deux mois
suivant la notification de la décision en cause, et être dirigé contre le dispositif du jugement.
En application des dispositions des articles 74 à 78, l’appelant doit déposer contre récépissé,
son mémoire au Greffe de la Chambre administrative dans un délai de quinze (15) jours,
comportant les noms, prénoms, profession et domicile. Le mémoire doit en outre contenir
l’exposé des faits qui servent de base à l’appel, les moyens et l’énumération des pièces y
annexées. La spécificité de l’appel réside en effet dans l’extension des délais de saisine, dans la
possibilité de régularisation du recours et dans la dispense de produire les copies des
documents volumineux.

Bien que l’appel constitue une possibilité pour le requérant de faire réexaminer son affaire,
l’on note qu’il a longtemps été considéré comme une procédure dilatoire. Crédibilisée par les
réformes de 2006 qui apportent plus de clarté et de précisions sur des questions relatives aux
délais pour statuer, le recours en appel connaît désormais un essor favorable à la garantie des
droits des justiciables. Ainsi, les délais prévus pour former un recours en appel sont assez
réalistes eu égard à la célérité qui caractérise le contentieux électoral. Ils sont passés de deux
(02) mois à quinze (15) jours. Si le législateur avait pris le soin de préciser les délais de saisine
des organes compétents, l’on remarque pour le déplorer, le silence de la loi s’agissant des délais
prescrits au juge pour statuer sur le recours qui lui était soumis. Eu égard à l’obligation de
juger qui s’impose au juge, ce dernier ne peut sous peine de déni de justice, suspendre
indéfiniment le jugement d’une affaire dont il est saisi quand rien ne fait obstacle au règlement
du litige. L’on remarque pourtant que l’inexistence des délais prescrits au juge pour statuer a
eu pour effet de discréditer l’appel, car les élus restaient longtemps en fonction en attendant
l’intervention d’une décision définitive de l’Assemblée plénière. Cette situation a été observée
à l’occasion du contentieux des élections municipales de 2002, car les décisions des recours en

868 CE, 26 décembre 1896, élections municipales de Bessons, Lebon, p. 879. Lire sur la question, BUFFEt S., Le
contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, op., cit., p. 510.
869 ROZOS N., L’appel devant le Conseil d’État, Thèse de l’Université d’Aix-Marseille III, 1976, p. 55-56.

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appel interjetés devant l’Assemblée plénière sont intervenues entre 2003 et 2004, donc plus
d’une année après le déroulement du scrutin 870.

2. Les effets de l’appel


Le régime spécial de la procédure d’appel réside essentiellement dans le caractère non
suspensif qui lui est inhérent d’une part 871, et aux effets dévolutif et évocatif qui lui sont
propres d’autre part 872. L’effet suspensif de l’appel peut être décrit comme la non exécution
d’un décision rendue par une autorité juridictionnelle du fait de l’instance engagée à son
encontre. Selon Monsieur Nicolas Rozos, lorsque la décision entreprise est en cas d’appel
suspendue, elle ne peut être exécutée et les choses restent comme si le jugement n’était pas
intervenu 873.

Prévu par les articles 114 alinéa 2 et 195 alinéa 1 respectivement de la loi fixant
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs et du Code électoral, l’appel
suspend l’exécution du jugement. Il en résulte que l’appel maintien la situation préexistante en
l’état. Si la procédure administrative contentieuse du Cameroun s’accommode de l’effet
suspensif de l’appel et l’applique aussi bien dans le contentieux proprement dit que dans le
contentieux électoral, l’on observe en revanche qu’en France, il en va différemment. L’appel
est non suspensif dans le contentieux administratif proprement dit et suspensif dans le
contentieux électoral 874.

Lorsque l’appel est dirigé contre un jugement d’annulation d’une élection ou de


réformation des résultats, il suspend les effets du jugement, et les conseillers municipaux dont

870 Arrêts n°s78/A/02-03 du 19 avril2004, Kwapnang Moïse, candidat du SDF, État du Cameroun (Minat), contre
État du Cameroun (Minat), RDPC et SDF, commune rurale de Loum ; 83/A/02-03 du 19 avril 2004, UDC,
État du Cameroun (Minat), contre État du Cameroun (Minat), RDPC et UDC, commune rurale de Foumbot ;
84/A/02-03 ,Moussi candidat du RDPC, RDPC, Dame Ngon Batamake épouse Sende Georgette candidat de
l’UPC, État du Cameroun (Minat), contre les mêmes parties, commune rurale de Messondo ; etc. Dans ces
affaires, l’Assemblée plénière avait infirmé les jugements d’annulation des résultats du scrutin rendus par la
Chambre administrative en septembre 2002.
871 En application des dispositions de l’article 2 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des
tribunaux administratifs, l’exécution du jugement rendu en premier ressort est suspendu par l’appel, sauf
décision contraire de la Cour suprême.
872 S’agissant des effets dévolutif et évocatif, l’on remarquera que le premier permet au requérant de faire
examiner la totalité du litige présenté en première instance, si les parties ne décident pas de restreindre leurs
demandes. À l’inverse, l’effet évocatif vise le réexamen d’une affaire sur laquelle le premier juge n’a pas
statué à tort, ou a statué à tort d’une part, ou s’est déclaré incompétent. Si l’effet dévolutif peut
éventuellement se rattacher à l’appel, l’effet évocatif ne saurait s’y appliquer en raison de la nature du
contentieux.
873 ROZOS N., L’appel devant le Conseil d’État, op. cit. p. 191.
874 Lire sur la question PACTEAU B., « Paradoxes et périls du principe de l’effet non suspensif de l’appel en
contentieux administratif », in Mélanges René Chapus : Droit administratif, Paris, Montchrestien, 1992, p. 493-
501.

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l’élection est contestée restent en fonction jusqu’à l’intervention d’une décision ayant acquis
l’autorité de la chose jugée 875. Il en résulte que le candidat proclamé élu ne peut entrer en
fonction immédiatement sans qu’une décision définitive ne soit intervenue. Si l’appel trouve
son fondement dans le principe du droit d’accès au juge, l’on observe cependant qu’il peut être
détourné de son objectif initial. Le professeur Céléstin Sietchoua Djuitchoko rappelait
opportunément à ce propos que l’appel pourrait entraîner des risques d’abus, notamment le
dilatoire de la part du requérant qui interjettera appel même lorsqu’il est conscient que sa cause
n’aboutira pas, cela afin de retarder au maximum l’exécution du jugement 876. En France,
l’effet non suspensif de l’appel ne s’applique que lorsqu’un texte le prescrit de manière
expresse. Il peut toutefois être exclu en cas de constatation d’un motif d’annulation grave, ou
lorsque le premier juge annule l’élection pour « manœuvres dans l’établissement de la liste
électorale ou irrégularité dans le déroulement du scrutin » 877. Cette exclusion vise la garantie
de l’intégrité du mandat des élus et permet d’éviter que les élus dont l’élection a été invalidée
en première instance soient incités à faire appel pour prolonger un mandat irrégulier jusqu’à
l’intervention d’une décision définitive 878.

Si l’accès au juge administratif permet d’épuiser les différentes voies de recours prévues par
la loi malgré l’absence de la voie de cassation dans le contentieux électoral, l’on observe qu’il
en va autrement s’agissant du Conseil constitutionnel.

§ 2. L’AUTORITÉ DES DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DANS LE


CONTENTIEUX DES ÉLECTIONS NATIONALES

Juge de la régularité et de la sincérité des élections présidentielles et législatives, le Conseil


constitutionnel exerce des compétences attributives qui lui permettent de connaître des litiges
qui naissent à l’occasion du déroulement et de l’organisation des opérations électorales y
afférentes. Le caractère de juge spécialisé en matière constitutionnelle fait du Conseil
constitutionnel une institution particulière qui ne se situe au somment d’aucune hiérarchie de
tribunaux à l’instar des juridictions administratives ou judiciaires. Il exerce à cet égard une
quasi-plénitude de juridiction sur le contrôle des opérations électorales qui ressortissent de sa
compétence.

La plénitude de juridiction du Conseil constitutionnel révèle la nature de ses décisions qui


ne sont susceptibles d’aucun recours, en raison de l’autorité qui s’en dégage. Les

875 Article 195 alinéa 1 du Code électoral.


876 SIETCHOUA DJUITCHOKO C., L’appel dans le contentieux administratif au Cameroun »Contribution à l’étude de la
juridiction administrative, op. cit., p. 196.
877 Art. L. 223 ; L. 250 ; L. 223-1 et L 250-1 du Code électoral français.
878 BUFFET S., Le contentieux électoral devant les juridictions administratives et le Conseil constitutionnel, op. cit., p. 508

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articles 50alinéa 1 d’une part, 4 et 136 respectivement de la loi portant organisation et
fonctionnement du Conseil constitutionnel et du Code électoral d’autre part disposent à cet
égard que les décisions du Conseil ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux
pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi
qu’à toute personne physique ou morale. Les dispositions textuelles susvisées révèlent
indéniablement l’obligation juridique de se soumettre aux décisions du Conseil constitutionnel
dont la portée a été précisée en France dans la décision n°62-18 L. du 16 janvier 1962. En
effet, le Conseil constitutionnel précise dans cette décision que l’autorité qui s’attache à ses
décisions concerne non seulement leur dispositif, mais aussi les motifs qui en sont le soutien
nécessaire et qui en constituent le fondement. Selon le professeur Jacques Meunier, c’est
l’accord des juridictions du système de contrôle qui confère aux décisions du Conseil
constitutionnel cet avantage, non sans que lui-même contribue à son obtention » 879. Dans une
décision n°001/CC/02-03 du 28/11/2002, la Cour suprême du Cameroun siégeant comme
Conseil constitutionnel avait affirmé l’autorité de ses décisions à l’occasion du double scrutin
organisé le 30 juin 2002. Elle avait définitivement réglé la question liée à la procédure de
validation du mandat des députés après la proclamation des résultats, et avait précisé que les
articles du règlement intérieur 880 qui attribuaient à l'Assemblée nationale la compétence pour
juger de l'éligibilité de ses membres après la proclamation des résultats par le Conseil
constitutionnel sont contraires à la Constitution. Nonobstant cette détermination personnelle
à asseoir l’autorité de ses décisions, l’on observe qu’il existe des justifications tant politiques
(A) que juridiques (B) qui concourent à exclure toute voie de recours à l’encontre des
décisions du Conseil constitutionnel.

A. Justifications politiques
Inscrite dans une mouvance généralisée de protection juridictionnelle des textes
constitutionnels faisant obligation, non seulement au pouvoir exécutif mas aussi au pouvoir
législatif de respecter les droits et libertés des individus, la création du Conseil constitutionnel
visait davantage le maintien du législateur dans le domaine de compétence qui lui était dévolu.
Toutefois, l’on a observé une sorte d’élargissement de son champ d’action, c’est ainsi que de
nouvelles compétences lui ont été reconnues, notamment le contrôle de la régularité des
élections nationales 881.

879 MEUNIER J., Le pouvoir du Conseil constitutionnel :Essai d’analyse stratégique, Paris, L.G.D.J., 1994, p. 320.
880 Article 9 du règlement intérieur n°73/1 du 8 juin 73 modifiée par la loi n° 93/001 du 16 juin 1993 et a 3 al
2, 3, 4, 5, 6 et 7 et les articles 3, 4, 5, 6, 7 et 10 (nouveau)
881 FAVOREU L., « La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958 », in La Constitution en 20
questions : question n°18, 2008, 5 p. [En ligne],disponible sur : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/root/bank/print/17365.htm, (consulté le 09/08/2014).

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Composé pour l’essentiel par des membres nommés par des personnalités politiques, et des
anciens présidents de la République, le Conseil constitutionnel assure de lourdes fonctions que
le professeur Louis Favoreu considère comme « à haut risque dans la mesure où la plupart de
ses attributions s’exercent à l’égard des plus hautes autorités de l’État et notamment le
Parlement » 882. Le Conseil constitutionnel français a longtemps été considéré comme une
institution politique en raison de sa compétence normative qui a trait aux institutions
étatiques. Ainsi, on constate qu’il peine à se défaire de ce préjugé qui l’amène à revendiquer sa
légitimité juridictionnelle qui lui sera octroyée au travers de l’autorité de ses décisions, et qui
l’élèvera à « l’équivalent en dignité d’une Cour suprême dans son ordre de compétence » 883.
François Luchaire relève à ce propos que, « quelle que soit sa composition, un organisme
devient juridictionnel lorsqu’il exerce une fonction juridictionnelle. Exprimer l’idée que le
Conseil constitutionnel est un organe politique c’est simplement affirmer que son recrutement
est politique, mais cela ne comporte aucune conséquence juridique sur la façon dont il doit
exercer sa fonction juridictionnelle » 884. À l’évidence, le Conseil constitutionnel peut être
considéré comme un organe juridictionnel puisqu’à l’instar des juridictions administratives, il
est chargé de veiller à la régularité des élections nationales.

À l’inverse des autres juridictions, l’on observe que le règlement du contentieux électoral
par le Conseil constitutionnel connaît une dérogation au sujet de la mise en œuvre du double
degré de juridiction. L’exclusion des voies de recours dans le contentieux des élections
nationales se justifie par le fait que, contrairement à l’élection municipale, le Conseil
constitutionnel n’est hiérarchiquement soumis à aucun autre organe. Le caractère d’autorité de
la chose jugée dont sont revêtues les décisions du Conseil constitutionnel se justifie par « la
nécessité pratique de mettre un terme aux litiges en empêchant de recommencer indéfiniment
les mêmes procès, ainsi que par le souci d’éviter des contrariétés de décisions qui seraient
néfastes au crédit de la justice » 885. Le caractère suprême de la mission du Conseil
constitutionnel implique dès lors que ses décisions ne soient susceptibles d’aucun recours, ni
soumises aux autorités administratives et judiciaires pour être remises en cause par celles-ci. Il
constitue un acteur majeur au sein du système constitutionnel et politique dont il contribue à
assurer l’équilibre entre les pouvoirs constitués, réguler les alternances politiques, participant
ainsi à la construction de l’État de droit 886. En effet, selon le professeur Guillaume Drago, la

882 FAVOREU L., « La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958 », ibidem.
883 Intervention du professeur Alain Lancelot ancien membre du Conseil constitutionnel, LANCELOT A., « La
légitimité du juge constitutionnel », Colloque La légitimité des juges, Toulouse, 29 -30 octobre 2003, 6 p.
884 LUCHAIRE Fr., Le Conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1980, p. 41.
885 GHESTIN J., GOUBEAUX G., Traité de droit civil : Introduction générale, 35ème édition, Paris, L.G.D.J., 2015,
p. 520.
886 FAVOREU L., « La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958 », op. cit., p. 5.

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disposition qui fixe l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel « contient en germe non
seulement les principes qui déterminent l’attitude des autorités chargées de l’exécution des
décisions du Conseil, mais influent également sur la nature de l’institution elle-même (...) » 887
et font de celle-ci « une sorte de juridiction politique suprême » 888.

L’autorité désigne l’organe investi d’un pouvoir de décision, ou le fait de détenir le pouvoir
s’imposer. Il convient ainsi d’établir un parallèle entre une autorité considérée comme un
organe, et l’acte pris par celle-ci, puisque l’autorité supposera la capacité pour l’organe de
prendre une décision et d’en imposer le respect. Ainsi, comme le relève madame Valérie
Bracquet-Brehant, « en imposant sans recours les décisions du Conseil constitutionnel, le
Constituant manifeste la volonté d’ériger le Conseil constitutionnel au rang d’autorité » 889.
L’obligation constitutionnelle de se soumettre aux décisions rendues par le Conseil
constitutionnel participe à la cohérence de l’activité juridictionnelle et permet au juge de
mettre un terme au litige qui lui était soumis, donnant ainsi une justification juridique à
l’autorité de ses décisions.

B. Justifications juridiques
Les justifications juridiques à l’exclusion de toute voies de recours devant le Conseil
constitutionnel trouvent leur fondement dans les dispositions des articles 50alinéa 1 d’une
part, 4 et 136 respectivement de la loi portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel et du Code électoral. En effet, la lecture desdites dispositions laissent
transparaître l’idée selon laquelle les juridictions des ordres judiciaires et administratifs sont
tenues de se conformer à l’esprit des décisions prises par le Conseil constitutionnel,
nonobstant l’absence d’une supériorité entre ces organes. À l’évidence, comme le souligne
Madame Valérie Bacquet-Brehant, « c’est la finalité de toute décision de s’imposer, de régler
des conduites. Il est logique de penser que n’importe quel type de décision a vocation à
s’imposer, qu’elle ait pour origine la volonté d’organe administratif, du législateur ou celle du
juge. Pourtant, toute décision ne s’impose pas sans recours dans la mesure où ce privilège est
légitimement accordé aux seules décisions juridictionnelles 890.

Si l’absence d’une voie de recours devant le Conseil constitutionnel n’a pas alimenté de
vives controverses au sein de la doctrine et de la classe politique camerounaise, l’on remarque

887 DRAGO G., L’exécution des décisions du Conseil constitutionnel, Paris,Economica-PUAM, coll. Droit public
positif, 1991, p. 21.
888 DUVERGER M., Droit constitutionnel et institutions politiques, 4ème édition, p. 638.
889 BACQUET-BREHANT V., L’article 62,alinéa 2 de la Constitution du 4 octobre 1958. Contribution à l’étude d’une norme
dépourvue de sanction, Thèse de l’Université Panthéon-Assas de Paris II, 11 décembre 2003, p. 37.
890 BACQUET-BREHANT V., Contribution à l’étude de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, Paris, L. G. D. J.,
coll. Bibliothèque constitutionnelle et de Science Politique, tome 120, 2005, p. 43.

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en revanche que cette question s’est posée de manière persistante. De nombreux auteurs 891 se
sont attelés à apporter une réponse à la question de savoir si l’autorité rattachée aux décisions
du Conseil constitutionnel pouvait être considérée comme celle de la chose jugée. Consacrée
par l’article 1351 du Code civil, l’autorité de la chose jugée « n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait
l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée
sur la même cause ; que la demande soit la même entre les mêmes parties, et formée par elles
et contre elles en la même qualité ». Il résulte de l’analyse de cette disposition que le caractère
de chose jugée ne saurait être invoqué en l’absence de la réunion de trois éléments que sont :
l’identité des parties, d’objet et de cause. Certains auteurs administrativistes français 892 ont
considéré l’autorité de la chose jugée comme un principe général de droit du fait de la triple
identité qui la caractérise, à savoir l’identité d’objet, de cause et de partie. Cette définition de
l’autorité de la chose jugée transparaît très clairement dans la décision n°62-18 L. du 16 janvier
1962 du Conseil constitutionnel français. Ce dernier y a précisé que l’autorité de ses décisions
visait non seulement leur dispositif mais aussi les motifs qui en étaient le soutien nécessaire et
en constituaient le fondement. Le Conseil constitutionnel continue dans cet élan dans une
autre espèce du 23 octobre 1987, Georges Salvan et décide pour la première fois, de la
recevabilité d’un recours en rectification d’une erreur matérielle. Le Conseil constitutionnel
avait en effet saisi l’occasion pour préciser que la demande de Monsieur Georges Salvan qui
tendait à la rectification de l'un des visas de la décision du Conseil constitutionnel n°86-
986/1006/1015 en date du 8 juillet 1986 portant la mention que la commune de Rabastens est
située dans le département de Tarn-et-Garonne alors qu'elle se trouve dans celui du Tarn,
tendait exclusivement à la rectification d’une erreur matérielle non imputable au requérant.
Cette action ne mettait pas en cause l’autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel,
et n’était dès lors pas contraire aux dispositions de l’article 62 alinéa 2 de la Constitution 893.
Ces solutions du Conseil constitutionnel ont eu pour effet de mettre un terme à la controverse
alimentée par plusieurs auteurs qui se sont finalement accordés au regard des critères qui
permettent de caractériser une décision revêtue de l’autorité de chose jugée, et de considérer
l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel comme ayant une nature analogue à celle de
la chose jugée.

891 Il s’agit entre autres de, GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, Paris,
éditions S.T.H., 1988, 406 p. ; LUCHAIRE Fr., Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction ? R.D.P., janvier-juin
1979, p. 27-52.
892 JEANNEAU B., Les principes généraux du droit dans la jurisprudence administrative, Paris, Sirey, 1954, 287p. ;
GENEVOIS Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, ibidem, p. 59.
893 Décision n° 87-1026 AN du 23 octobre 1987. Lire également, BACQUET-BREHANT V., Contribution à l’étude
de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, op. cit., p. 78.

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En dehors du caractère de chose jugée qui est rattaché aux décisions du Conseil
constitutionnel, il existe d’autres justifications non négligeables. Le président Bruno Genevois
distingue plusieurs niveaux d’intérêts qui justifient l’exclusion de l’exercice de voies de recours
devant le Conseil constitutionnel. Selon lui, le droit constitutionnel jurisprudentiel ayant pour
but de préciser la portée des règles de valeur et d’en assurer le respect, l’action exercée par le
juge constitutionnel « aboutit à conférer expressément la valeur constitutionnelle à des
principes d’ores et déjà appliqués par le juge judiciaire et le juge administratif dans leur sphère
de compétence ». Il continue en précisant que l’interprétation donnée par le Conseil
constitutionnel d’une loi en conditionne la constitutionnalité qui s’imposera au juge judiciaire
et au juge administratif 894. Au delà de l’explication relative à la garantie de la valeur
constitutionnelle des règles normatives qu’appliquent les juges administratifs et judiciaires, l’on
pourrait encore avancer des raisons de préservation de la logique jurisprudentielle. En effet,
l’obligation des juridictions de l’ordre administratif et judiciaire de se soumettre aux décisions
du Conseil constitutionnel permet d’éviter qu’une question qui a été tranchée par le Conseil
constitutionnel le soit à nouveau 895.

S’il est indéniable que les décisions du Conseil constitutionnel revêtent l’autorité de chose
jugée, l’on note en revanche que les juridictions administratives et judiciaires ont été très peu
réceptives à l’idée de conformer leur décisions à celles du Conseil constitutionnel. Toutefois,
l’on observe une sorte de compromis entre le Conseil constitutionnel et les autres juridictions
favorisant une nécessaire complémentarité au Cameroun 896. La complémentarité évoquée
entre le Conseil constitutionnel et les autres juridictionnelles, notamment la juridiction
administrative a été observée lors du double scrutin du 22 juillet 2007. À cette occasion, le juge
administratif, juge électoral chargé de veiller à la régularité de l’élection municipale avait fait
état, dans l’examen des recours en annulation qui lui étaient soumis, des décisions rendues par
le Conseil constitutionnel statuant sur le contentieux de l’élection législative. Il avait ainsi
déduit que « la sanction de l’élection législative prononcée par le Conseil constitutionnel au vu
des irrégularités relevées dans une commune s’impose à l’élection des conseillers municipaux
de ladite commune ».

894 GENEVOIs Br., La jurisprudence du Conseil constitutionnel : principes directeurs, op. cit., p. 389.
895 Lire à ce sujet, BACQUET-BREHANT V., Contribution à l’étude de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, op.
cit. p. 141.
896 Jugements n°s 191/06-07/CE, 283/06-07/CE ; 286/06-07/CE ; 288/06-07/CE et 289/06-07/CE du 29
août 2007.

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Conclusion du chapitre II du titre I

Le cadre du prononcé de la décision du juge électoral appelle une réflexion approfondie


relativement à sa politique jurisprudentielle. Exerçant de pouvoirs étendus dans l’appréciation
des requêtes qui lui sont soumises dans le cadre de son office, le juge électoral accorde une
prééminence aux critères de l’influence déterminante d’une irrégularité de nature à altérer la
sincérité du scrutin et du différentiel de voix entre les candidats, au détriment du contrôle de la
légalité. François Luchaire affirme relativement à la politique jurisprudentielle du juge
électoral, en l’occurrence du Conseil constitutionnel qu’il « aurait pu se faire le juge (strict) de
la régularité et par là même de la moralité de l’élection en annulant toute élection contraire au
droit électoral ; il a préféré se faire juge de la « sincérité » du résultat de l’élection (...) » 897.

En effet, si les pouvoirs étendus conférés au juge électoral participent au règlement des
litiges électoraux, il faudrait remarquer que ses décisions sont fréquemment remises en cause
au moyen des voies de recours. Réglementées de manière disproportionnelle, les voies de
recours permettent aux requérants de contester les décisions qui ont été rendues en premier
ressort devant un organe compétent. La voie de réformation, notamment l’appel est
considérée comme la principale voie de recours dans le contentieux des élections. Amplement
usitée devant le juge administratif et inexistante devant le Conseil constitutionnel, l’appel
contient encore quelques imperfections qui commencent à être résorbées au travers des
évolutions que l’on observe dans l’arsenal juridique du Cameroun. La décision du juge étant
considérée comme le but de l’instance 898, il est nécessaire que le cadre du prononcé de celle-ci
soit aménagé de manière claire et précise,— notamment en matière des délais pour saisir et
surtout pour statuer—, de sorte à favoriser des recours effectifs et efficaces devant les juges
compétents chargés de veiller à la bonne application des règles qui encadrent le droit de vote
des citoyens.

897 LUCHAIRE Fr., Le Conseil constitutionnel, op. cit., p. 353.


898 VIZIOZ H., Études de procédure, op. cit., p. 11.

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Conclusion du titre I de la deuxième partie

L’instance est principalement considérée comme l’affaire des parties, puisque celles-ci lui
donnent une impulsion au moyen de l’introduction des requêtes 899. Elle constitue en outre
l’instrument par lequel les parties portent les faits litigieux à la connaissance du juge. Certes,
l’initiative de la procédure appartient aux parties, il faudrait toutefois remarquer que le juge y
joue un rôle fondamental dans la mesure où il est chargé de restituer leurs droits aux
justiciables, en rendant la justice. « Le juge de l’élection y apparaît comme un juge accessible à
tout électeur ou candidat de la circonscription, qui s’efforce de statuer dans des délais brefs, en
intervenant non pas comme un juge de la légalité astreint à un étroit formalisme, mais comme
un juge de pleine juridiction disposant de pouvoirs étendus à l’effet de vérifier la régularité et
la sincérité du scrutin » 900. Certes, comme le souligne pertinemment Monsieur Stéphane Bolle,
le juge électoral a d’écrasantes responsabilités, mais il n’a pas tout pouvoir pour moraliser les
règles du jeu électoral et pour imposer la tenue d’élections propres. Il ne saurait pallier tous les
manquements qui affectent l’organisation et le déroulement des processus électoraux 901.

La conduite de l’instance quoiqu’effective, révèle quelques anomalies qui ne permettent pas


un fonctionnement harmonieux. Nonobstant les diverses réformes textuelles qui ont eu cours
au Cameroun, le système en place demeure complexe et pas assez simplifié pour les
justiciables. On y déplore nombre de failles, notamment l’ineffectivité de certaines institutions,
telles que le Conseil constitutionnel. Par ailleurs, l’imprécision et la vacuité des textes
juridiques qui dépouillent toute fiabilité au contentieux électoral, ne favorisent pas un véritable
essor de la société démocratique et fragilisent l’office du juge électoral.

899 Articles 1 et 2 du nouveau Code de procédure civile français.


900 GENEVOIS Br., « Le nouveau rôle du juge de l’élection », op. cit., p. 2.
901 BOLLE S., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 534.

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TITRE II.

LA FRAGILISATION DE L’OFFICE DU JUGE

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L’expression office du juge trouve son fondement dans l’officium judicis de justinien, et
exprime tout ce qui engage ou oblige. Pour Monsieur Jacques Normand, dans un sens
technique, l’office du juge se rapporte aux pouvoirs et obligations qu’il exerce ou doit
respecter dans l’accomplissement des fonctions qui lui sont dévolues 902. Assimilé à l’acte de
juger, l’office du juge peut être entendu comme l’ensemble de ses missions. Il permet de
définir le rôle du juge, ses pouvoirs et ses limites dans la direction d’un procès 903. Défini par
le professeur Michel Troper sous un angle formel et matériel, l’office du juge est
formellement, l’ensemble de ses attributions et matériellement, la fonction de trancher les
litiges en apportant une solution de droit 904. Il convient dès lors, sur la base des critères
formel et matériel susvisés, de désigner l’office du juge électoral au travers des fonctions ou
missions dont il est investi dans le règlement des litiges électoraux nés de l’organisation et du
déroulement de l’élection dont il assure la régularité.

L’analyse de la question de l’office du juge dans le contentieux électoral suscite un vif


intérêt, puisque le juge y occupe une place primordiale. En effet, en tant que garant de la paix
et cohésion sociales, le juge électoral apaise les conflits en réglant les litiges électoraux par une
solution de droit. En admettant que l’office du juge ne devrait pas être confondu avec son
statut, sa légitimité, son rôle dans le procès, son périmètre d’action, l’acte de juger, ni avec ses
différentes fonctions spécialisées 905, il faudrait remarquer que sa mission est de donner une
réponse de droit au litige qui lui est soumis. Le rôle du juge électoral consiste à cet effet à
mettre à exécution la loi électorale en usant de son pouvoir d’interprétation des textes
juridiques qu’il utilise de manière rigoureuse ou extensive. Il en résulte la nécessité de lui
conférer toutes les qualités qui lui permettent de jouer le rôle d’un acteur central dans la
garantie des droits fondamentaux des citoyens.

Si la question de l’office du juge en France s’est posée en terme de modernisation de la


justice 906, l’on observe qu’en Afrique et au Cameroun en particulier, outre la nécessité de
modernisation, l’office du juge pose la problématique de la légitimité d’exercice telle que posée

902 NORMAND J., « L’office du juge », in Dictionnaire de la justice, op. cit. p. 925-934.
903 Lexiques des termes juridiques, op. cit., p. 687.
904 TROPER M., « La question du pouvoir judiciaire en l’an III », in L’office du juge : part de souveraineté ou puissance
nulle ?, op. cit., p. 117-136.
905 Rapport de L’IHEJ, La Prudence et l’autorité : l’office du juge au XXIe siècle, Institut des Hautes Études sur la
Justice, mai 2013, p. 15.
906 Voir sur la question, Rapport de L’IHEJ, La Prudence et l’autorité : l’office du juge au XXIe siècle, Institut des
Hautes Études sur la Justice, mai 2013, 218 p. ; L’office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle ?, Études
rassemblés par Olivier Cayla, Marie-France Renoux-Zagamé, L. G. D. J.,2001, 239 p. ; .Journal trimestriel de
documentation politique :Après-demain la justice en perspectives, n°30, juillet 2014, p. 5-6.

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par le professeur Pierre Rosanvallon 907. Ce dernier observe en effet qu’un pays ne saurait
fonctionner simplement avec des institutions et des valeurs, mais également avec des
institutions invisibles que sont la confiance, l’autorité et la légitimité 908. L’office du juge
électoral apparaît ainsi au Cameroun comme spolié par de nombreuses pesanteurs qui font
qu’il soit « quotidiennement et violemment pris à partie et soupçonné de partialité, de
corruption, de négligence et même très souvent d’incompétence » 909. Cette situation qui
concourt considérablement à une fragilisation de l’office du juge est entretenue par une forte
instrumentalisation institutionnelle (Chapitre I) et par le juge électoral lui-même (Chapitre II).

907 Pour le professeur Pierre Rosanvallon, « les qualités fondatrices de[ la] légitimité d’exercice sont la
réputation, la compétence acquise par la formation, mais aussi par l’expérience, la lisibilité de l’institution, la
collégialité, l’impartialité ». La légitimité d’exercice repose ainsi sur la prise de conscience du fait que la
volonté générale n’est pas simplement exprimée par le moment électoral qui met en place des majorités qui
n’expriment de fait qu’un intérêt limité. Celle-ci doit également rechercher des formes de représentation de
l’intérêt général qui soient plus larges que l’élection. ROSANVALLON P., « La question de la légitimité
démocratique : l’exemple de la justice », in Après-demain la justice en persectives, n°30, juillet 2014, p. 6.
908 ROSANVALLON P., « La question de la légitimité démocratique : l’exemple de la justice », ibidem p. 5-6.
909 FALL A.B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes juridiques en Afrique », op. cit., p. 310.

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CHAPITRE I.

L’INSTRUMENTALISATION INSTITUTIONNELLE

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L’office du juge fait référence à l’idée que le juge doit faire ce que son devoir lui
commande. En effet, chargé de remplir une double mission, notamment régler le litige et dire
le droit, le juge exerce « un rôle à la fois unificateur et réfléchissant du droit dans une société
de plus en plus polycentrique (...). Il doit donner un contenu concret aux principes pour
chaque situation » 910. Il en résulte que le juge doit exercer sa mission dans des conditions qui
lui permettent de juger dans une liberté d’âme et de conscience. Madame la professeure
Maryse Deguergue remarque à ce propos que « l’office du juge est essentiellement la fonction
de trancher les litiges au service de la justice et du respect des règles de droit. Le juge doit
remplir cet office en toute neutralité » 911. S’il est impératif que le juge soit entouré de toutes
les garanties qui lui permettent de remplir sa mission en toute sérénité, il n’en va pas toujours
ainsi dans la pratique. Le professeur Alioune Badara Fall écrit d’ailleurs sur la question que le
juge africain est dénigré parce qu’il ne manifeste à l’égard de l’appareil politique aucune réelle
indépendance lui permettant de garantir son impartialité 912.

Poser la question de l’instrumentalisation institutionnelle de l’office du juge électoral amène


à s’interroger sur son statut (Section II), eu égard au caractère sensible du domaine de
compétence concerné. En effet, le juge électoral est soumis à l’influence des diverses
pesanteurs endogènes (Section I) qui favorisent la vulnérabilité de son office, soulevant ainsi la
problématique de sa légitimité 913.

910 GARAPON A., « La question du juge », in Pouvoirs, n°74, 1995, p. 13-27.


911 DEGUERGUE M., « Des influences sur les jugements des juges », in L’office du juge, Les actes du colloque du
Sénat, op. cit., p. 370-387.
912 FALL A.B. , « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes juridiques en Afrique », op. cit.,p.329.
913 Le professeur Roland Ricci estime en effet que la légitimation du juge se manifeste en une sorte de
processus qui décrit la rencontre entre la satisfaction des conditions nécessaires pour qu’un groupe social
accepte le pouvoir juridictionnel, et la volonté des autorités juridictionnelles d’obtenir l’assentiment du
groupe social. Ricci R., « La légitimation du juge constitutionnel : un législateur dérivé gardien des valeurs
de la démocratie », in L’office du juge, Les actes du colloque du Sénat, p. 490-527.

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SECTION I.

L’AMÉNAGEMENT DISSUASIF DES COMPÉTENCES

Le contentieux électoral ayant pour objectif la garantie de l’exercice des droits civils et
politiques des citoyens, il devient impérieux que les règles juridiques y afférentes soient
aménagées de manière simplifiée et cohérente, afin de permettre au juge électoral de régler
efficacement les litiges électoraux qui lui sont soumis. L’efficience de l’office du juge impose
ainsi que les normes juridiques qui organisent les compétences du juge électoral soient
suffisamment élaborées afin de bénéficier d’un minimum d’efficacité 914, condition de leur
validité, puisque la norme exprime l’idée que quelque chose doit être ou se produire 915. Si l’on
admet que l’efficacité de l’office du juge résulte de la qualité de la loi, il convient de préciser
avec Jean Carbonnier que « le droit est trop humain pour prétendre à l’absolu de la ligne
droite. Sinueux, capricieux, incertain, (...) dormant et s’éclipsant, changeant mais au hasard, et
souvent refusant le changement attendu, imprévisible par le bon sens comme par
l’absurdité » 916. Cette description du droit, si elle paraît excessive, ne s’éloigne pas de la réalité
en ce qui concerne le droit électoral camerounais qui a connu plusieurs mutations législatives
depuis l’avènement d’élections disputées. Le cadre normatif laisse transparaître beaucoup de
malléabilité et prête le flanc à diverses interprétations par le juge électoral, de la règle de droit
lacunaire ou imprécise. L’instrumentalisation institutionnelle de l’office du juge électoral se
manifeste ainsi au travers de l’isolement du juge par un cadre juridique prolifique (§ 1) et par
l’hermétisme du langage juridique employé(§ 2).

§ 1. L’ISOLEMENT DU JUGE PAR UN CADRE JURIDIQUE PROLIFIQUE


Engagé dans un processus de démocratisation depuis les années 1990, le Cameroun a
connu différentes mutations tant sur le plan institutionnel que normatif. L’on a assisté à
l’adoption de divers textes juridiques qui ont eu pour objectif de gommer, voire éradiquer les
particularités et originalités institutionnelles qui s’étaient développées dans les années 1970 917.
Bien qu’on ne puisse pas nier l’existence de quelques similitudes du droit camerounais avec
celui de la France, il convient de relever la volonté du législateur camerounais de contextualiser

914 Selon Hans Kelsen, une norme est efficace lorsqu’elle attache à la condition d’une certaine conduite la
conséquence d’une sanction, ou lorsqu’elle est appliquée dans les cas concrets par les organes compétents.
KELSEN H., Théorie pure du droit, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1962, p. 15.
915 KELSEN H., Théorie pure du droit, ibidem, p. 6.
916 CARBONNIER J., Flexible droit : Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10ème édition, Paris, L.G.D.J., 2014, p. 8.
917 DE GAUDUSSON J.D, B., « Le mimétisme postcolonial, et après ? », op. cit., p. 47.

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et d’apporter une certaine originalité au droit camerounais, puisque comme le souligne le
professeur Jean Du Bois De Gaudusson, « quelles que soient les ressemblances ou les
importations volontaires, les régimes constitutionnels ne sont pas identiques d’un pays à un
autre » 918.

La vague de démocratisation qui a soufflé en Afrique à partir des années 1990 a entraîné de
multiples réformes dans les systèmes politiques des États africains et au Cameroun en
particulier. S’il faut reconnaître que ces mutations ont touché plusieurs domaines
sociopolitiques et économiques, l’on retiendra que l’objectif central concernait l’arrimage aux
principes démocratiques qui intégraient entre autres, l’organisation d’élections compétitives. Le
droit électoral ayant pour objectif l’encadrement du domaine des élections, il n’a pas été
épargné par cette vague de démocratisation qui a touché l’Afrique et lui a imposé d’arrimer
son cadre normatif à l’idéal que promeut la démocratie. Indépendamment des lois dites de
démocratie qui ont posé les jalons d’un retour effectif au multipartisme et qui ont consacré la
liberté d’association et celle de création des partis politiques, l’on remarque plusieurs
modifications dans les dispositions constitutionnelles et l’adoption de nouvelles lois portant
soit la création de nouvelles institutions, soit l’organisation et le fonctionnement de celles-ci.
Ces multiples réformes constitutionnelles visaient l’actualisation et le réaménagement du cadre
institutionnel ont entraîné une dispersion (A) et une instabilité normative (B).

A. La dispersion normative
La démocratie est considérée comme un idéal à poursuivre et un mode de gouvernement à
appliquer. Elle repose sur l’existence d’institutions structurées fondées sur un corps de normes
et sur la volonté de la société entière 919. S’il est indéniable qu’un État fort se caractérise par
l’efficacité de ses institutions, il faut noter qu’il est indispensable que des règles adaptées soient
aménagées en vue de sa consolidation. À l’exemple de l’appel lancé par les chercheurs de
l’Institut d’études politiques de Bordeaux à propos de l’élection—aux urnes l’Afrique—, un
autre cri interpellatif — trop de normes tuent les normes— nécessite d’être émis à l’endroit de
ceux qui sont chargés du pouvoir normatif à propos de l’accroissement des règles normatives.

Lorsqu’on analyse l’arsenal juridique qui régit le contentieux électoral au Cameroun, l’on
dénombre l’adoption d’une multitude de textes juridiques actualisés au fil des années.
L’observation révèle en effet que le cadre normatif s’est doté d’un ensemble de textes
juridiques relatifs soit à l’organisation des conditions d’élection aux élections présidentielles,
sénatoriales, législatives, référendaires et municipales, soit à la création de nouvelles

918 DE GAUDUSSON J.D.B., « Le mimétisme postcolonial, et après ? », ibidem., p. 51.


919 CHÉRIF BASSIOUNI, « Vers une déclaration universelle sur les principes fondamentaux de la démocratie ;
des principes à la réalisation », in La démocratie : principes et réalisation, op. cit., p 1-8.

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institutions. La modification des lois électorales a été motivée par quatre temps forts dont
l’objectif était d’apporter de nouveaux déploiements à la démocratie camerounaise.

Les lois éparses adoptées à partir de 1991 920 ont concouru à poser les jalons des élections
disputées dont l’organisation et la supervision était confiée au Ministère de l’administration
territoriale. Les diverses lois adoptées avaient à cet effet régi les premières élections disputées
et contestées devant les juges électoraux— élections législatives de mars 1992, présidentielles
en octobre 1992 et municipales du 21 janvier 1996—. En 1997, l’on a assisté à la modification
des lois électorales relatives à l’élection présidentielle— loi n° 97/020 du 9 septembre 1997 ; et
législatives— loi n°97-13 du 19 mars 1997—, afin de les adapter aux nouvelles dispositions de
la Constitution révisée le 18 janvier 1996. Il en résultait entre autre que le contentieux des
élections présidentielles et législatives ressortissait désormais de la compétence du Conseil
constitutionnel, dévolution de compétence qui mettait fin à la procédure de validation du
mandat des députés par le bureau de l’Assemblée nationale et partant, la modification du
règlement intérieur de l’Assemblée nationale du 16 juin 1993. Par ailleurs, l’organisation du
double scrutin législatif et municipal du 30 juin 2002, puis de l’élection présidentielle du 11
octobre 2004 a irrémédiablement bouleversé l’environnement électoral. Les différentes
élections organisées sous l’égide des nouvelles lois électorales et supervisées par l’Onel, une
structure indépendante créée par la loi n°2000/06 du 19 décembre 2000, ont ainsi permis un
abondant contentieux pré et postélectoral.

Considéré par le professeur Alain Didier Olinga comme « une réouverture du réformisme
normatif » 921, le troisième temps fort donne naissance à la retouche des lois fixant les
conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale— loi n°2006/009 du 29 décembre
2006—, et celles de conseillers municipaux— n°2006/010 du 29 décembre 2006— d’une part,
puis à l’adoption de la loi fixant les conditions d’élection des sénateurs, et des conseillers
régionaux d’autre part. Le phénomène de la dispersion normative ne s’applique pas seulement
aux dispositions relatives à l’élection, il s’est fait ressentir dans le domaine de la justice 922. Il
avait pour ambition d’adapter les textes juridiques et institutions existants aux nouvelles
dispositions contenues dans les lois constitutionnelles du 18 janvier 1996 et du 14 avril

920 Loi n°92-010 du 17 septembre 1992 fixant les condition d’élection du président de la République ; loi n°91-
020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationales ; loi n°92-
002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers municipaux.
921 OLINGA A. D., Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections au Cameroun, op. cit., p. 10.
922 Il s’agit de la série de lois adoptées en 2006, portant organisation judicaire— loi n°2006-015 du 29
décembre 2006— d’une part, et fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême— loi
n°2006-016 du 29 décembre 2006— ; des tribunaux administratifs— loi n°2006-022 du 22 décembre
2006— ; des tribunaux régionaux et des comptes— loi n°2006-017 du 29 décembre 2006— d’autre part.

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2008 923. Même si l’on continue de déplorer l’ineffectivité de certaines dispositions et
institutions créées par ces divers textes juridiques, il faudrait relever avec Monsieur Papa
Oumar Sakho que « c’est à la justice qu’il incombe la détermination du contenu normatif des
droits et libertés mis en œuvre dans l’ordre constitutionnel » 924.

S’il est manifeste que le Cameroun croule sous le poids d’un foisonnement de textes
juridiques qui neutralisent l’office du juge électoral, l’isolement du juge par la dispersion
normative se dégage au travers de la multitude de textes juridiques existants qui encadrent et
limitent son office. Dans un premier temps, son office est fragilisé par la difficulté éprouvée
par les requérants peu habitués à la complexité du langage juridique, puisqu’ils doivent recourir
à plusieurs textes juridiques pour rassembler les éléments qui leur permettent d’organiser leur
action. En second lieu, la dispersion normative pourrait entraîner le juge électoral sur deux
pentes sur lesquelles il ne faut pas se laisser glisser : celle du « laisser-faire » qui crée une
insécurité générale dans la société au libéralisme débridé, et celle du « trop-faire » qui aboutit à
un blocage ou une asphyxie 925. La garantie des droits civils et politiques des citoyens impose
que des normes soient réformées de manière réaliste et simplifiée afin de faciliter un accès
efficace au juge électoral. La dispersion des textes juridiques constitue un facteur
d’immobilisme de l’office du juge électoral et ne saurait concourir à une véritable érection d’un
État démocratique doté d’institutions fortes. Monsieur Alain Lambert, condamnant l’inflation
normative qu’il juge être une menace, une charge qui étouffe la démocratie, exhorte à ne pas
tomber dans le juridisme 926 qui donne l’impression que le droit est fabriqué en laboratoire et
en dehors de la réalité 927. Selon Monsieur Alain Lambert en effet, les administrations ayant la
responsabilité de produire un droit susceptible de favoriser le fonctionnement optimal de la

923 L’adoption des lois portant création de certaines institutions telles que l’Observatoire national des
élections—loi n°2000/06 du 19 décembre 2000 modifiée et complétée par la loi n°2003/015 du 22
décembre 2003—, remplacé par Elecam, celles n°2004-004 du 21 avril 2004 portant organisation et
fonctionnement du Conseil constitutionnel ; et n°2004-005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du
Conseil constitutionnel.
924 OUMAR SAKHO P., « Quelle justice pour la démocratie en Afrique ? », in Pouvoir, 2009/2-n°129, p. 57-64.
925 LAMBERT A., Intervention sur le thème « Mettre fin à l’inflation normative, rendre sa compétitivité à notre
droit », op. cit., p. 3.
926 Le juridisme est défini comme un « formalisme de l’esprit qui incline à faire prévaloir rigoureusement
l'application des textes sur des mesures dictées par la justice ou l'équité ». définition tirée du portail lexical
du CNRTL. [En line], site : http://www.cnrtl.fr/lexicographie/juridisme. (Consulté le 20/05/2015).
Le juridisme apparaît comme une pathologie de la règle de droit et pourrait se présenter sous deux aspects
qui se complètent et s’interfèrent : la sclérose— qui entraîne la prolifération de nouvelles règles
inefficaces— et la prolifération anarchique— qui favorise la sclérose des règles inutiles— de la règle de
droit. Lire sur la question, DE NAUROIS L. « Le juridisme et le droit », p. 1064-1082. [En ligne], site :
http://www.nrt.be/docs/articles/1968/90-10/1445-Le+juridisme+et+le+Droit.pdf. (Consulté le
20/05/2015).
927 LAMBERT A., Intervention sur le thème « Mettre fin à l’inflation normative, rendre sa compétitivité à notre
droit », ibidem., p. 3.

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société, il est nécessaire que la production massive des normes pour des causes de droit, ne
puisse aboutir à une insécurité générale 928. Jean Carbonnier reprenait dans cet esprit la pensée
d’Aristote, et affirmait que « la société [étant] un organisme vivant, le droit qui en est un
élément constituant, participe de la vie de tout l’organisme » 929. La norme est ainsi considérée
comme un fait sociétal, et la manière de la concevoir, de l’écrire et de la mettre en œuvre
structure le rapport d’une société avec ses dirigeants 930.

Appréhendée comme l’idée que quelque chose doit être ou se produire, la norme est « la
signification d’un acte par lequel une conduite est ou prescrite, ou permise et en particulier
habilitée » 931. Assimilée à une règle de droit, la norme peut également être définie comme
l’ensemble des règles de conduite qui s’imposent à un groupe social et qui décrit et régit un
domaine ou un objet particulier. L’analyse du contentieux électoral au Cameroun laisse
apparaître un ordre juridique effectif. Il ne faudrait cependant pas se limiter à la constatation
de l’existence de normes juridiques qui encadrent le contentieux des élections, mais bien plus
se préoccuper de l’efficacité de celles-ci. La question de l’inflation normative qui demeure
préoccupante pour la démocratie africaine ne constitue pas l’unique problème de la
fragilisation de l’office du juge électoral. Elle pose parallèlement le problème de la validité des
normes juridiques, notamment la garantie de la sécurité juridique des normes, au travers de
leur stabilité qui fait généralement défaut au droit électoral camerounais.

B. L’instabilité normative
De forme polysémique, la notion d’instabilité renvoie à un défaut et elle est entendue de
manière restrictive comme l’état de ce qui est en équilibre instable, qui ne reste pas en place et
tend à bouger ou à se déplacer 932. L’instabilité normative fait référence aux diverses mutations
qui affectent l’intégrité des normes juridiques. Elle soulève au passage des difficultés liées à la
validité, l’accessibilité et l’intelligibilité des normes, et dans une certaine mesure, celles liées à
l’isolement du juge.

La problématique liée à l’instabilité normative impose dès lors de procéder à une analyse
systémique —non exhaustive—, de l’évolution de l’ordre juridique camerounais. Pour kelsen,
en fonction de la nature du fondement de leur validité, deux sortes de système de normes

928 Intervention d’Alain LAMBERT sur le thème « Mettre fin à l’inflation normative, rendre sa compétitivité à
notre droit », Paris, 25juin 2013, 13 p. [En ligne], site : http://www.paris.notaires.fr/sites/default/files/cr_-
_conference_au_chatelet_-_alain_lambert.pdf. (Consulté le 17/05/2015).
929 CARBONNIER J., Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, op. cit., p. 13.
930 LAMBERT A., Intervention sur le thème « Mettre fin à l’inflation normative, rendre sa compétitivité à notre
droit », op. cit., p. 4.
931 KELSEN H., Théorie pure du droit, op. cit., p. 12.
932 Définition du portail lexical du CNRLT, op. cit..

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peuvent être distingués : le système de normes statiques et celui dynamique 933. Selon les
professeurs Michel Van de Kerchove et François Ost, l’analyse systémique permet de
considérer qu’à chaque moment, le système se caractérise par un état donné qu’exprime la
configuration de l’ensemble de ses éléments. Ainsi, au fil du temps, cet état donné peut subir
des modifications internes qui affectent ses composantes ou des interactions qui s’établissent
avec son environnement. Ces mutations peuvent se manifester sous la forme d’une stabilité
toujours reconquise par le biais des mécanismes d’adaptation aux changements, par une plus
grande intégration interne liée à un processus d’annexion de l’environnement, ou enfin dans le
sens d’une désintégration progressive 934. Selon le professeur Bertrand Mathieu, « dans une
société mouvante où le droit à la différence est valorisé, la loi s’adapte aux exigences de l’heure
et aux cas d’espèce. Elle se doit d’apporter des réponses immédiates à des situations
spécifiques » 935. Ainsi, à l’instar de plusieurs autres États africains, le Cameroun, s’est retrouvé
dans une mouvance d’institutionnalisation d’un nouvel ordre juridique qui concourt à
l’instauration d’un État de droit, notamment à travers l’élaboration de nouvelles règles
constitutionnelles qui expriment l’attachement du Cameroun aux nouvelles valeurs apportées
par le vent de démocratisation. Même si l’on ne saurat avancer que le Cameroun est le pays le
plus touché par le phénomène d’instabilité normative en Afrique, l’on peut logiquement
affirmer qu’il brille par les multiples mutations qui affectent son ordre juridique depuis la
période postcoloniale, et bien plus dès les années 1990.

Un système juridique étant exclusivement composé d’un ensemble de normes juridiques et


d’une norme fondamentale supposée qui en assure l’unité et la validité 936, il convient
logiquement de commencer notre analyse en étudiant l’instabilité de la Constitution depuis
son adoption en 1960. Partant du sommet de la hiérarchie des normes camerounaises, l’on
constate que la première Constitution adoptée et entrée en vigueur le 1er janvier 1960, a au fil
des années subi treize (13) modifications en cinquante cinq (55) ans. Si certaines révisions

933 Kelsen décrit le système de normes statiques comme celui dont, tant le fondement de validité que le
contenu de celle-ci sont déduits d’une norme supposée comme norme fondamentale. Sous cet angle, le
fond ou le contenu confère sa validité aux normes. Leur validité pouvant être rapportée à une norme sous
le fond de laquelle leur propre fond se laisse subsumer, comme le particulier sous le général. Le système
dynamique quant à lui se caractérise par le fait que la norme présupposée ne contient rien d’autre que
l’institution d’un fait créateur de normes, puisque lea norme fondamentale se borne à déléguer une autorité
créatrice de normes. KELSEN H., Théorie pure du droit, op. cit, p. 260-261.
934 VAN DE KERCHOVE M., OST Fr., Le système juridique entre ordre et désordre, 1ère édition, Paris, PUF, 1988,
p. 32.

935 MATHIEU B., La loi, 3 ème édition, Paris, Dalloz, 2010, p. 83.
936 KELSEN H., Théorie pure du droit, op. cit., p. 379, cité par VAN DE KERCHOVE M., OST Fr., Le système juridique
entre ordre et désordre, ibidem ; p. 33.

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avaient pour ambition d’adapter l’ordre juridique à l’évolution socio-politique de l’heure 937,
l’on note en revanche que plusieurs autres ont été initiées par pur « calcul politicien », et
étaient destinées à conforter la prépondérance des intérêts du pouvoir en place 938.

S’agissant du domaine qui régit le contentieux électoral, notre analyse se limitera à l’examen
des textes qui régissent le contentieux électoral, notamment, les lois électorales à partir des
années 1990 939. L’analyse du cadre normatif relatif à l’organisation des élections laisse
transparaître une instabilité normative due au réaménagement du cadre normatif existant. L’on
a ainsi assisté à quatre (4) modifications des lois électorales. Les deuxièmes modifications de
2006, ont entraîné plusieurs bouleversements sur le plan normatif et institutionnel. La création
de l’Onel, puis d’Elecam a contribué pour une part importante, à la modification des lois
fixant les conditions relatives aux élections législatives et municipales, puisqu’il fallait ajuster
les dispositions antérieures à l’évolution institutionnelle existante. Il en est résulté la mise en
œuvre d’un système mixte de gestion des processus électoraux qui exclut toute prépondérance
de l’Administration, doté des compétences aussi bien administratives que contentieuses, sous
réserve des compétentes dévolues à des instances déterminées. Cette évolution sera reprise
dans la troisième modification de la loi fixant les conditions d’élection du président de la
République adoptée le 6 mai 2011. L’adoption en 2012 d’un corpus unique regroupant les
différentes lois électorales et les dispositions relatives à l’organisation et au fonctionnement
d’Elecam, apparaît comme une marche résolue vers la stabilité politique dans un cadre

937 Adoptée le 1er janvier 1960, la première Constitution du Cameroun consacrait l’unité et l’indivisibilité du
Cameroun dont la souveraineté devait appartenir au peuple camerounais. Celle-ci connaît une première
modification le 1er octobre 1961 qui institue une république fédérale, dont l’autorité était exercée par le
président de la République et le président de l’Assemblée nationale. En 1969, une autre modification visant
l’aménagement des conditions de vacances de la présidence de la République pour cause de démission, et
les modalités de démission du Premier ministre. En 1972, intervient une nouvelle Constitution adoptée par
voie référendaire ,et qui consacre l’état unitaire du Cameroun. Cette nouvelle Constitution subi toutefois
plusieurs amendements, qui ouvrent finalement la voie à une deux révisions constitutionnelles, de 1996, et
2008.
938 Si la révision de 1996 semble appropriée, eu égard aux domaines majeurs qu’elle a aménagé sur le plan de la
promotion des droits fondamentaux et de l’idéal démocratique, l’on ne saurait en dire de même pour ce qui
est de la révision de 2008 qui avait pour unique objectif de faire sauter le verrou de la limitation des
mandats.
BOURGI A., « L’évolution du constitutionnalisme en Afrique : du formalisme à l’effectivité », in Revue
Française de Droit Constitutionnel, n°52, 2002/4, p. 721-748.
939 Selon monsieur Samuel Mack-Kit, l’analyse des élections depuis la période postcoloniale peut se subdivise
en trois périodes : celle avant le parti unique— l’organisation de l’élection à ‘Assemblée nationale du
Cameroun se déroule le 1er avril 1960, et voit la participation de plusieurs partis politiques dont les élus
devaient plus tard désigner le président de la République— ; celle du parti unique qui s’étend de 1966 à
1990, et pendant laquelle l’on assiste non à l’organisation des élections, mais plutôt à un choix de la
direction du parti, ratifié par le peuple, des futurs élus pour les différents types d’élection— ; et celle après
le vent de démocratisation qui se matérialise par le retour au multipartisme—la réinstauration du
multipartisme à travers l’adoption des lois dite de démocratie, donne lieu en mars 1992, après plusieurs
reports, à la première élection législative disputée—. Lire davantage sur la question, MACK-KIT S., « Les
élections au Cameroun », op. cit. 14 p.

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procédural inextricable. Toutefois, si l’idée de rassembler les différentes lois électorales en un
texte unique est apparue salutaire pour la démocratie 940, l’on remarque la subsistance de
multiples imperfections entretenues par des incohérences qui affaiblissent l’efficacité de la
norme juridique. En effet, malgré l’adoption du Code électoral, l’on pourrait remarquer avec le
professeur Alain Didier Olinga, que nonobstant les diverses mutations qui sont intervenues
tant sur le plan électoral que celui de la réorganisation des institutions judiciaires, l’élaboration
de la norme électorale ne peut pas encore être considérée comme un domaine de déploiement
d’une démocratie apaisée, de rassemblement ou de déploiement en raison du caractère
opportuniste de la législation dont les incohérences trahissent la difficulté à parvenir à un
véritable système de transparence 941. L’instabilité normative constatée au Cameroun présente
a priori certains avantages, notamment l’actualisation des dispositions textuelles, puis le
réaménagement des institutions et des règles procédurales, cependant elle soulève
immanquablement une certaine paralysie de l’office du juge en raison de l’ineffectivité de
certains institutions. En effet, la volonté de légiférer au plus proche de la réalité impliquant un
ajustement constant à toute évolution, aucune loi ne peut être stable si elle n’est pas générale,
puisque les lois à faible durée de vie contribue à affecter la notion même de lois 942.
L’isolement du juge électoral par l’instabilité normative se manifeste au travers de la
multiplicité des règles normatives inconsistantes, imprécises et lacunaires qui ne favorisent pas
une garantie efficace des droits civils et politiques des citoyens et qui entretiennent une
insécurité juridique susceptible de menacer la paix et la cohésion sociales.

§ 2. L’HERMÉTISME DU LANGAGE JURIDIQUE


Distincte de la parole, la notion de langue revêt diverses acceptions et varie en fonction de
son dessein. Le langage peut être rattaché à la langue qui est un organe situé dans la cavité
buccale qui permet la mastication, la déglutition et la phonation. Il permet de communiquer sa
pensée grâce à la parole ou à l’écriture, peut être verbal ou gestuel, et peut s’entendre
largement comme le contenu de ce qui est dit ou écrit. Qu’il soit courant, usuel, ou spécialisé,
le langage est définit comme un système de signe vocaux ou graphiques, propres à une
communauté d’individus qui l’utilisent pour s’exprimer et communiquer entre eux. C’est
également un système d’expression défini en fonction du groupe social ou professionnel qui

940 L’exposé des motifs au projet de loi portant Code électoral mettait en évidence l’idée selon laquelle
l'aboutissement de cette importante réforme constituera une grande avancée dans la consolidation de la
démocratie pluraliste au Cameroun, par la mise en place d'un dispositif légal et institutionnel moderne et
rénové, adapté au contexte national et favorable à la tenue d'élections sur la base de standards élevés de
transparence et d'équité.
941 OLINGA A. D., Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections au Cameroun, op. cit., p. 10.
942 MATHIEU B., La loi, op. cit., p.83.

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l’utilise 943. Dans un sens restreint, le langage est « l’ensemble du vocabulaire et des phrases
formant le discours écrit comme oral et qui appartient à un pays comme à un domaine
précis » 944. Le langage permet en définitive, d’identifier ou de situer une personne ou un
groupe de personnes dans un contexte déterminé, régi par un contenu qui est dit ou écrit. Le
langage juridique peut dans cette perspective être considéré comme un ensemble de codes
linguistiques et terminologiques permettant de communiquer dans un domaine qui touche le
droit dans son ensemble. Il est un instrument essentiel de précision et de communication des
pensées pour la mise en œuvre du droit positif, puisqu’il permet de faire passer dans la
pratique les règles de conduite prescrites par le droit 945.

En ce qu’elle constitue une norme juridiquement obligatoire et assortie de contrainte, le


droit qui est considéré comme un langage doit être aménagé de manière à être accessible à
tous les citoyens. En effet, comme le soulignaient Hobbes, Locke, et plus tard Rousseau, c’est
dans le consentement que se trouve le fondement de l’autorité politique 946. L’hermétisme du
langage juridique constitue ainsi un facteur d’isolement du juge électoral en ce sens qu’il
décourage les éventuels justiciables en raison de sa complexité (A) et favorise la dégradation de
l’authenticité de la norme électorale à travers l’interprétation du juge (B).

A. L’accessibilité restreinte de la norme aux justiciables

Le droit est considéré par le professeur Jean-Louis Bergel comme un art qui permet
d’améliorer les rapports sociaux en formulant des règles justes et en les appliquant de manière
équitable. Il en résulte que toute élaboration juridique soit fondée sur les principes de la
logique commune, avec un certain assouplissement commandé par la nature de l’objet à
pénétrer 947. Cette garantie étant soumise au respect d’une procédure spécifique, il est
impératif que les règles normatives y afférentes soient élaborées de manière suffisamment
cohérente et précise. L’hermétisme du langage juridique est considéré comme la difficulté
ressentie par les citoyens, qu’ils soient juristes ou profanes, à comprendre et à s’approprier du
contenu de la règle normative, et soulève la question de l’accessibilité de la norme aux
justiciables. L’accessibilité est définie comme le caractère de ce qui peut être atteint, abordé, et

943 Définitions tirées du Larousse, Paris, 2015, p. 659.


944 LAUR A., « Existe t-il un langage juridique ?, in Village de la Justice.com, 4 p. [En ligne], site :
http://www.villagejustice.com/articles/Existelangagejuridique,12568.html. (Consulté le 20/02/2015).
945 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 2012, p. 258.
946 ALBERTINI P., La crise de la loi : Déclin ou mutation ?, Paris, LexisNexis, 2015, p. 24.
947 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, ibidem, p. 7.

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que l’on peut facilement comprendre 948. L’accessibilité aux règles procédurales suppose que
les justiciables puissent comprendre leur quintessence et qu’ils puissent les mettre en pratique.
Pour Gérard Cornu, ce n’est pas seulement le langage qui est complexe, c’est le droit, puisque
c’est la masse normative qui ferme le droit aux citoyens. L’accessibilité ne saurait à cet égard
être assimilée à la vulgarisation ou à l’amputation du droit de sa discipline intellectuelle,
puisque le droit a impérieusement besoin des termes spécifiques porteurs des notions
juridiques qui forment le réseau irréductible et le rocher de la Science du droit. Elle impose
ainsi la simplification du droit dont la pesanteur aggrave l’opacité du langage 949. La question
liée à l’accessibilité de la norme impose ainsi le déboulonnage des mythes et la clarification des
règles procédurales en langage clair, afin que l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » trouve
son plein sens et permette au citoyen de connaître les limites de ce qui lui est permis, mais
aussi de comprendre la portée de la règle qui lui est applicable, afin d’en intégrer la finalité et
les conséquences avant de s’engager dans une action 950.

L’analyse du contentieux électoral au Cameroun révèle de multiples décisions


d’irrecevabilité des recours— intentés par les requérants eux-mêmes ou pour par leur
conseils— pour cause de forclusion ou d’incompétence. Ce constat fait intervenir l’idée soit de
l’opacité des règles procédurales, soit de leur inintelligilité, ou encore de leur caractère
lacunaire. S’il est indéniable que la prolixité des textes juridiques et l’implication de plusieurs
organes compétents dans la gestion du contentieux visent pour une part importante
l’accessibilité au juge, l’on constate en revanche que le cadre normatif relatif à la procédure
contentieuse demeure impénétrable même pour les juristes. Pour le professeur Alain Didier
Olinga, « le droit par l’abondance de ses subtilités, devient un maquis effrayant même pour le
citoyens moyen, un mystère pour monsieur tout le monde et un objet pour les initiés » 951.
Gérard Cornu relevait dans ce sillage que le fait que le langage juridique ne soit pas
immédiatement compris par un non-juriste, et qu’il n’entre pas d’emblée dans l’entendement
d’une personne qui ne possède que la langue courante, crée un écran linguistique 952.

Si le Code électoral paraît simplifié en comparaison des lois électorales préexistantes, l’on
remarque que le cadre procédural qu’il aménage demeure flou et lacunaire. Cela conduit
certains auteurs à le considérer comme « informe et déstructuré » 953. Indépendamment du

948 Définition tirée du Larousse, op. cit., p. 41.


949 CORNU G., Linguistique juridique, 3ème édition, Paris, Montchrestien, 2005, p. 9.
950 ALBERTINI P., La crise de la loi : Déclin ou mutation ?, op. cit. p. 92.
951 OLINGA A. D., Le nouvel environnement juridique et institutionnel des élections au Cameroun, ibidem., p. 11.
952 CORNU G., Linguistique juridique, ibidem, p. 12.
953 Voir le commentaire de Monsieur Hilaire KAMGA relatif à la modification des articles 7 et 40 de la loi
n°2006/011 par celle n°2010/005 du 13 avril 2010. Cameroun : Hilaire KAMGA" Le projet d’amende

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caractère technique du langage juridique, l’on note que certaines dispositions entretiennent
l’opacité de la norme au travers des lacunes, imprécisions et ineffectivité de certaines
institutions et ne participent pas à la garantie des droits civils et politiques des citoyens 954.

Étant donné que ce qui vient de la norme pour la légitimer, c’est le fait qu’elle émane
nonobstant les différentes manières, de la volonté du peuple 955, la qualité de la norme
électorale doit permettre le renforcement de la crédibilité et à la consolidation de l’État de
droit. Celle-ci contribue à la construction de la confiance des citoyens dans une justice
électorale dont la répartition des compétences s’apprécie par rapport à la clarté et à l’efficacité
de son cadre procédural. La question de l’hermétisme de la loi soulève immanquablement celle
de la qualité et l’efficacité de la norme et nécessite qu’elle réponde aux exigences de clarté, de
précision, de prévisibilité, d’intelligibilité et d’accessibilité telles que promues par la Cour
européenne des droits de l’Homme 956. Même s’il est indiscutable que la loi n’est plus
l’incarnation de la perfection du système juridique et qu’elle est devenue un acte
d’approximation 957, l’impératif d’édicter des normes accessibles demeure. Elle s’impose aussi
bien sur le plan international que national, puisqu’une norme qui ne peut être comprise
aisément serait difficilement tenue pour légitime 958. L’hermétisme du langage juridique
constitue un facteur d’isolement du juge électoral et entraîne son isolement. Le professeur

d’amendement d’ELECAM doit être tout simplement déclaré irrecevable", 4 p. [En ligne], disponible sur :
http://www.camer.be (consulté le 20/12/2010)
954 S’agissant de l’aménagement des compétences entre les organes compétents, l’on observe que l’emploi par
le législateur de certaines expressions telles que « sous réserve », a ouvert la voie un chevauchement de
compétence entre le Conseil électoral d’Elecam et les organes juridictionnels. Ces derniers se sont ainsi vus
attribuer de manière concurrente sans délimitation précise du champ d’action, la compétence de régler les
contestations et réclamations qui portent sur les opérations préélectorales et électorales — article 10 du
Code électoral—. Le contentieux des opérations préélectorales intégrant le contentieux de la liste électorale,
l’on remarque que les justiciables se fourvoient très souvent dans leur action en saisissant le juge électoral
des irrégularités relevées dans les opérations qui se rapportent à la liste électorale. Concernant l’ineffectivité
des institutions, si l’on admet que le Conseil constitutionnel et la juridiction administrative, notamment les
tribunaux administratifs accomplissent leur office de juge électoral en réglant les litiges électoraux qui leur
sont soumis, l’on remarque que cette compétence exercée par un autre organe de substitution régie par des
règles statutaires distinctes, ne favorise pas une action efficace, puisque la procédure contentieuse respecte
les règles applicables devant les organes de substitution.
955 DOMPNIER N., « Le renoncement à la légitimité démocratique au nom de la » qualité des normes » ? », in
Fatin-Rouge Stefanini M., Gay L. et Pini J. (Dir.), Autour de la qualité de la norme : actes du colloque d’Aix-
Provence des 24 et 25 octobre 2008, op. cit., p. 77-94.
956 Voir sur la question, CEDH, 2 août 1984, Malone contre Royaume-Uni, Série A, n°82 ; CEDH, 24 avril 1990,
Kruskin contre France, req. Serie A, n°176-B ; CEDH, 25 juin 1996, Amuur contre France ; CEDH, 28 mars
2000, Baranowsky contre Pologne, req. n°28358. Décisions citées par FATIN-ROUGE STÉFANINI M.,
« Variabilité et contingence des exigences de qualités. Quelques considérations sur la notion de qualité des
normes en droit constitutionnel », in Autour de la qualité de la norme : actes du colloque d’Aix-Provence des 24 et 25
octobre 2008, Bruxelles, Brylant, 2010, p. 27-56.
957 MATHIEU B., La loi, op. cit., p.3.
958 MEHDI R., « L’efficacité de la norme en droit de l’Union européenne », in Autour de la qualité de la norme :
actes du colloque d’Aix-Provence des 24 et 25 octobre 2008, op. cit., p. 295-330.

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Bertrand Mathieu souligne justement sur la question que l’adage « nul n’est censé ignorer la
loi » ne devrait plus avoir de sens, puisqu’aucun citoyen ne peut prétendre connaître tout le
droit auquel il est soumis, grave encore, aucun juriste ne peut prétendre maîtriser l’ensemble
du droit 959. Il devient impératif que des mécanismes appropriés soient mis en œuvre pour
simplifier les normes juridiques, puisque comme l’écrivait justement Portalis, « l’altération
profonde des qualités de la loi contamine l’ensemble du système juridique et menace tant le
respect des lois que la sécurité juridique des citoyens » 960. La simplification des normes
juridiques apparaît dans ce contexte comme un avatar de l’exigence de sécurité juridique, un
moyen d’exclure l’arbitraire en garantissant l’accès à la loi à tous les citoyens 961. Il faudrait à
cet égard que les règles procédurales qui régissent le contentieux des élections au Cameroun
soient précises, et non pas clairsemées. L’on note par exemple que la saisine de la Cour
suprême siégeant en qualité de Conseil constitutionnel impose au requérant de recourir à
divers textes juridiques, notamment le Code électoral et les lois portant organisation et
fonctionnement du Conseil constitutionnel (articles 42 à 45), et celles fixant l’organisation et le
fonctionnement de la Cour suprême 962 d’une part, et la procédure 963 devant celle-ci d’autre
part.

La nécessité de simplifier les normes électorales découle de l’importance de l’élection dans


un État démocratique et s’impose dès lors comme un impératif qui participe à la consolidation
de l’État de droit. Simplifier une norme consiste à la définir, la préciser, faciliter l’accès à ses
composantes et harmoniser l’ensemble des règles dans un domaine. Sous cet angle, la
simplification permet de réduire une norme juridique à l’essentiel sans prétention ni luxe
inutiles pour que les textes et jurisprudences se manient facilement, s’exécutent aisément 964.
S’il est indéniable que la règle de droit ne saurait être amputée de son langage technique adapté
aux finalités et à la mise en œuvre du droit 965, il convient de noter qu’il est essentiel que le
langage employé soit compréhensible par le justiciable. Selon le professeur Jean-Louis Bergel,

959 MATHIEU B., La loi, op. cit., p.85.


960 Cité par MATHIEU B., La loi, ibidem, p. 77.
961 GUTMANN D., « L’objectif de simplification du langage législatif », in Nicolas MOLFESSIS (Dir.), Les mots de
la loi, Paris, Economica, 1999, p. 73-88.
962 Loi n°2006/016 du 29 décemmbre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême.
963 Loi n°89/018 du 28 juillet 1989 portant modification de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975 fixant la
procédure et le fonctionnement de la Cour suprême.
964 TOUBLANC A., « La nécessité de simplifier le droit », in Jean-Marie PONTIER (Dir.), La simplification du droit,
PUAM, 2006, p. 17-24.
965 Selon le professeur Philippe Jestaz même si la technicité du langage juridique dont l’impression au profane
que le pouvoir juridique s’enveloppe de mystère pour mieux s’imposer, il faudrait retenir cependant que le
droit tire son efficacité de la charge interne du pouvoir mise dans les mots, puisque ces derniers font
mouche lorsque leur assemblage les dirige vers la cible à atteindre, car il ils ne servent pas à décrire, mais à
agir. JESTAZ Ph., Le droit, 8ème édition, Paris, Dalloz, 2014, p. 97-98.

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il est nécessaire dans le domaine juridique où la certitude et la précision des règles apparaîssent
comme une garantie de sécurité, que le mot et la formule soient des agents indispensables de
l’expression des concepts et des règles de droit 966. Il continue en précisant que la règle de
droit est une proposition destinée à imposer une règle de conduite sous la contrainte sociale.
Elle doit nécessairement revêtir certaines qualités essentielles telles que l’unité, l’ordre, la
précision et la clarté qui s’imposent comme principe constitutionnel 967. Car lorsque la règle de
droit contient des concepts juridiques équivoques ou imprécis, elle devient incertaine et l’on
ne peut dans ces conditions prévoir l’issue d’un litige, étant donné que la notion évoquée et la
signification de la norme juridique dépendront de l’interprétation subjective du juge 968.

Bien que le cadre normatif régissant le domaine de l’élection se soit amélioré au fil des
années et ait favorisé un contentieux électoral abondant, l’on constate la subsistance de
quelques incohérences et lacunes dans la répartition des compétences qui ne favorisent pas un
accès efficace au juge électoral. Monsieur Stéphane Bolle souligneà cet effet que, parce que les
mécanismes qui permettent de contester la validité d’une élection occupent dans une
démocratie émergente une plus grande place que dans une « vieille démocratie », il est
primordial que les contestataires puissent faire légalement entendre leur voix à chaque étape
du processus électoral. Ce, pour dénoncer les fraudes et autres déviances 969 face à l’étendue
du pouvoir d’interprétation qui est reconnu au juge électoral.

B. L’extension du pouvoir d’interprétation du juge électoral


Le juge est considéré un « offreur de justice lors d’un litige » 970 qui dispose d’un statut
spécifique qui lui permet non seulement de dire le droit selon une certaine procédure, mais
également de participer à la construction de la norme en lui conférant un sens 971. Il importe
ainsi que le droit soit accessible aussi bien au juge qui l’applique qu’aux justiciables au nom
desquels il est rendu. Le professeur Mustapha Mekki note à ce propos qu’il « paraît illusoire de
mettre à la disposition des sujets de droit un juge afin de garantir l’effectivité de leurs droits, si
ceux-ci ne peuvent accéder ni comprendre les droits dont ils sont les titulaires. Car, pour agir,

966 GÉNY Fr., Science et technique en droit privé positif, Sirey, Tome1, n°51, cité par BERGEL J.-L., Théorie générale du
droit, op.cit., p. 254.
967 Cons. const., 10 juin 1998, DC n°98-401, Rec., p. 258.
968 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, op. cit. p. 256.
969 BOLLE S., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », in Démocratie et élections dans l’espace
francophone, op. cit., p. 534.
970 DONIER V., GERBAY N., HOURQUEBIE F., ICARD Ph., LAPÉROU-SCHENEIDER B., « Propos Introductifs »,
in Virginie DONIER et Béatrice LAPÉROU-SCHNEIDER (Dir.), L’accès au juge : Recherches sur l’effectivité d’un
droit,op. cit., p. 21-50.
971 DONIER V., GERBAY N., HOURQUEBIE F., ICARD Ph., LAPÉROU-SCHENEIDER B., « Propos Introductifs »,
in L’accès au juge : Recherches sur l’effectivité d’un droit, ibidem, p. 27.

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il faut comprendre » 972. L’interprétation des règles normatives permet à cet égard d’expliquer,
de rendre compréhensible ce qui est dense ou ambigu et de dégager le sens exact d’un énoncé
afin d’en déterminer entre autre la portée. Le professeur Michel Troper, remarque à ce propos
que l’interprétation n’est pas nécessaire lorsque l’énoncé d’un texte est clair 973.

Du latin interpretatio et du verbe interprerari, le terme interprétation est utilisé dans plusieurs
acceptions et se définit comme « une opération qui consiste à discerner le véritable sens d’un
texte obscur. Il désigne aussi bien les éclaircissements donnés par l’auteur même de l’acte que
le travail étranger à l’acte » 974. L’interprétation est une opération par laquelle une signification
est attribuée à quelque chose et désigne à la fois une signification attribuée à une chose qui
peut être matériel ou un énoncé et le produit de cette opération 975. Dans le passé, l’on
restreignait la fonction d’interpréter la règle juridique à son auteur eu égard à l’idée selon
laquelle la loi était infaillible, car il n’existait rien au dessus de la loi sinon des droits abstraits
que la loi ne pouvait enfreindre 976. Cette position a connu une évolution notable à travers le
pouvoir d’interprétation reconnu au juge qui peut désormais interpréter la loi avant de
l’appliquer. La loi souffre de plusieurs maux qui la rongent comme un cancer. Ceux-ci
concourent à sa banalisation, à l’érosion de sa normativité et constituent un facteur
d’insécurité juridique 977. Il est ainsi impératif face à la complexité du langage juridique, que le
juge puisse interpréter les textes juridiques avant leur application. Et pourtant, selon le
professeur Philippe Jestaz, le droit aurait besoin de notions floues, difficiles à définir voire
indéfinissables, puisqu’elles permettent d’assouplir le système et d’en corriger les aspérités
pour réintroduire l’équité 978.

S’il est incontestable que le pouvoir d’interprétation du juge électoral se justifie par
l’hermétisme et les imperfections constatées dans les normes juridiques, il faudrait reconnaître
que ce pouvoir n’étant pas encadré, le juge électoral pourrait manipuler la loi en lui conférant
un sens contraire à l’esprit voulu par le législateur. Il apparaît ainsi que la juge a la mission de
dire le droit applicable, de l’interpréter, de pallier ses obscurités, et de trancher une situation
d’incertitude ou de conflit. De nouvelles responsabilités s’imposent à cet effet à lui,
notamment celles relatives à un devoir renforcé de motivation des décisions de justice ; de
coopération loyale et transparente entre les juges nationaux ; et de modulation du contrôle

972 MEKKI M., « L’accès au droit et l’accès à la justice », in Libertés et droits fondamentaux, 21ème édition, Paris,
Dalloz, 2015, p. 587-614.
973 TROPER M., « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 843.
974 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit. p. 567.
975 TROPER M., « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 843-846.
976 RABAULT H., L’interprétation des normes : L’objectivité de la méthode herméneutique, L’Harmattan, 1997, p. 7.
977 MATHIEU B., La loi, op. cit., p. 78.
978 JESTAZ Ph., Le droit, op. cit., p. 97.

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juridictionnel afin de préserver les marges d’appréciation des autorités politiques. À l’inverse
de Montesquieu qui considérait les juges comme la bouche qui prononce les paroles de la loi,
comme des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force, ni la vigueur 979, Platon
remarquait opportunément que le juge est « le gardien des lois » en ce sens qu’il peut suppléer
les lacunes de cette dernière dans le but de les consolider 980. Il se pose la question des limites
du pouvoir d’interprétation de juge électoral à l’occasion de son office. Le professeur Michel
Troper remarque quant à lui que « la liberté dont jouit l'interprète provient tout simplement de
la nature ou de la source de son pouvoir et se mesure au fait qu'elle ne saurait être limitée » 981.

L’office du juge électoral permet d’assurer la cohérence du processus électoral. Ce dernier


détient de larges pouvoirs dans l’exercice de sa mission et peut interpréter les textes juridiques
qu’il applique. L’on remarque toutefois qu’il ne saurait limiter son office à une application
syllogistique des textes 982 puisqu’il doit nécessairement calquer son interprétation sur des
techniques existantes 983, notamment la fonction de connaissance de la norme interprétée 984 et

979 MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, cité par BERGEl J.-L., « Introduction générale », in L’office du juge, Les actes
du colloque du Sénat, 29 et 30 septembre 2006, p. 12-25.
980 PLATON, Les lois, cité par RAYNAUD Ph., « Le juge, la loi, le droit : de Platon à Aristote », in L’office du juge :
part de souveraineté ou puissance nulle ?, Études rassemblés par Olivier Cayla, Marie-France Renoux-Zagamé, L.
G. D. J.,2001, p. 5-16.
981 TROPER M., « La liberté de l’interprète », in Colloque : L’office du juge, Paris-Palais du Luxembourg, 29-30
septembre 2006, 4 p.
982 RABAULT H., L’interprétation des normes : L’objectivité de la méthode herméneutique, op. cit. p. 8.
983 L’école de l’exégèse en vogue dans la deuxième partie du XIXe siècle, est considérée comme la première
technique exprimant une méthode légaliste qui prône l’idée selon laquelle la loi est juste parce qu’elle est la
loi. Elle est une école doctrinale qui ambitionnait de n’interpréter que la loi, sans recours à des influences
extérieures, afin de découvrir l’intention du législateur. Ici, il s’agit de favoriser une analyse du texte de la loi
pour tenter de dégager son sens, le juge ne crée pas le droit, il est alors comme le soulignait Montesquieu,
« la bouche de la loi ». L’École de l’exégèse permet le développement l’idée d’une logique juridique encore
appelée logique formelle, qui considère le droit indépendamment de toute autre influence sauf la sienne
propre. Il en résulte pour ce courant que, les exceptions s’interprètent strictement d’une part, et d’autre
part, s’il n’ya pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, l’on ne saurait sous le couvert de l’analogie,
appliquer un texte spécial à une matière qui lui est étrangère. D’autres techniques dérivées de cette tendance
sont le raisonnement par analogie— est appliquée lorsqu’une situation n’est régie par aucune règle
particulière, mais présentant une ressemblance avec une situation qui en connait une, on appliquera l’une à
l’autre— ; a contrario— il est question ici de partir d’un d’une proposition juridique donnée afin de situer un
fait juridique voisin ne disposant pas de règle ; par induction ou déduction— l’interprétation permet de
découvrir une règle d’une autre— ; apagogique— encore appelée interprétation par l’absurde, elle consiste à
monter qu’étant donné que le système juridique étant raisonnable, une règle ne peut aboutir à une solution
déraisonnable, inique ou absurde, et qu’il existe au contraire une règle raisonnable, juste ou logique— ; ou
téléologique—ici, on envisage les buts de la loi à partir de la volonté du législateur—.
Lire sur la question, MAINGUY D., Introduction générale au droit, 6ème édition, Paris, LexisNexis, 2013, p. 316-
321.
984 Cette conception est considérée comme la technique la plus classique d’interprétation, et permet que le sens
de celle-ci soit connaissable, qu’elle soit susceptible d’être connue et que l’interprète ne fasse que découvrir
un sens préexistant dont le juge n’est que le vecteur.
MAINGUY D., Introduction générale au droit, 7ème édition, Paris, LexisNexis, 2016, p. 315.

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celle dite réaliste 985. L’interprétation doit être motivée puisque la légitimité de la décision
juridictionnelle apparaît comme exclusivement fondée sur le principe de conformité au droit.
Cela implique que la décision ne doitpas être fondée sur le principe de volonté ou de simple
autorité, mais qu’elle doit résulter d’un acte de connaissance 986. Monsieur Pierre-André Côté
quant à lui évoque deux modèles d’interprétation qui permettent de rendre compte de la
participation de l’interprète à la production du sens de la loi. Le premier modèle reconnaît à
l’interprète un rôle créateur mais de manière supplétive, puisque le juge doit suppléer à
l’insuffisance de la loi sans négliger la recherche du sens voulu par le législateur ni se montrer
indifférent aux considérations de nature pragmatique qui risqueraient d’influer sur le sens à
donner à un texte. À l’inverse, dans le second modèle, l’interprète crée le sens de la loi sous
réserve de certaines contraintes fixées par le législateur 987.

À l’instar du juge français, le juge électoral camerounais a opté pour une politique
jurisprudentielle fondée sur la théorie réaliste de l’interprétation. C’est sur cette base que le
juge électoral camerounais avait annulé les élections législatives dans les circonscriptions
électorales de la Méfou et Akono et du Moungo Sud aux motifs respectifs que les irrégularités
relevées portaient atteinte aux principes de sincérité et d’égalité de chance entre les candidats.
Dans une autre espèce, il rappelait que l’erreur substantielle contenue sur le nom d’un candidat
était de nature à jeter la confusion dans l’esprit des électeurs, et par conséquent cette
irrégularité avait altéré la sincérité du scrutin 988. Ces affaires mettent en exergue les pouvoirs
étendus qui sont conférés au juge électoral. Elles se manifestent par ailleurs comme un acte de
volonté par lequel le juge crée le droit. Le juge électoral camerounais jouit ainsi d’une grande
liberté dans l’interprétation des textes qu’il applique puisqu’il ne se cantonne pas à la lettre de
la loi. Selon le doyen Babacar Kanté, les juridictions africaines ont tendance à interpréter de
façon relativement stricte les termes des textes qui leur sont soumis. Ils ont une propension à
l’application de l’interprétation littérale des textes, surtout lorsqu’ils examinent des domaines
relatifs à la détermination de leur compétence et de la recevabilité des recours 989. L’exercice

985 La conception dite réaliste suppose que l’interprétation résulte de la volonté. En effet, parce que tout
énoncé est doté non pas d’une signification, mais de plusieurs entre lesquelles il faudrait choisir, le produit
de l’interprétation correspondra à la préférence de celui qui l’exprime. TROPER M., « Interprétation », in
Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 843.
986 RABAULT H., L’interprétation des normes : L’objectivité de la méthode herméneutique, op. cit. p. 9.
987 CÔTÉ P.-A., « Fonction législative et fonction interprétative : conceptions théoriques de leurs rapports », in
Paul AMSELEK (Dir.), Interprétation en droit, Bruylant, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Bruxelles, 189-
199.
988 Arrêts n°28/CE/01-02 du 17 juillet 2002, SDF, UNDP, contre État du Cameroun, circonscription de la Sanaga
Maritme ; n°116/CEL du 07 août 2007, Njana Marie Joseph (MDP )contre État du Cameroun, circonscripion du
Moungo Sud.
989 KANTE B., « Les méthodes et techniques d’interprétation de la Constitition : l’exemple des pays
francophones d’Afrique occidentale francophone », in Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN (Dir.),
L’interprétation constitutionnelle, Paris, Dalloz, 2005, p. 156-165.

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discrétionnaire du pouvoir d’interprétation par le juge électoral se manifeste au travers du
règlement des litiges qui lui sont soumis. Il adopte une politique jurisprudentielle dite de
"l’effet utile" qui suppose l’application du principe de l’influence déterminante pour
sanctionner les irrégularités. Pour ce faire, le juge électoral procède par ce que le professeur
Paul Amselek qualifie d’ « interprétation des faits ». Celle-ci permet de découvrir les faits
inconnus en partant des faits connus de chaque cause, et à travers l’interprétation des dires
non juridiques, des dires autres que ceux d’une autorité juridique dans l’exercice de ses
fonctions d’édiction du droit 990. Si le principe de l’influence déterminante de l’irrégularité sur
les résultats du scrutin permet au juge électoral d’adopter une posture de juge réaliste qui ne
sanctionne pas le scrutin en raison des irrégularités qui l’ont émaillé, l’on observe en revanche
qu’il crée des frustrations chez les électeurs qui perdent toute confiance dans les vertus de
l’élection. Pour le professeur Hugues Rabault, l’existence du fondement juridique d’une
décision ne saurait relever d’une présomption, elle doit être attestée et prouvée par la décision
elle-même qui est fondée et motivée 991. En effet, l’attitude du juge électoral est en général
difficilement comprise par les différents acteurs sociopolitiques qui l’accusent de cautionner
les fraudes décriées ou d’être à la solde du parti au pouvoir, car une validation ou invalidation
peut servir de prétexte à un boycott de l’élection ou à la dénonciation d’une bataille électorale
truquée, aux dépens d’une compétition apaisée par le pouvoir 992. L’on note à cet égard que la
consistance de ses décisions fluctue en fonction de l’élection et des opérations électorales en
cause. Le contentieux des opérations préparatoires en matière d’élections municipales révèle
ainsi de perpétuelles incohérences le dans la jurisprudence du juge électoral. Lorsque le juge
annule en première instance une élection en se fondant sur la gravité des irrégularités des
opérations préparatoires qui ont vicié le scrutin, le juge d’appel n’hésite pas à infirmer ladite
décision en rappelant que ce contentieux relève de la compétence de la Cour d’appel et se
déclare incompétent pour en connaître 993.

S’il est certain que le juge électoral est chargé de veiller à la régularité des opérations
électorales qui ressortissent de sa compétence, l’on déplore cependant qu’il n’affiche pas une
attitude audacieuse dans sa politique jursprudentielle. Il adopte en général une interprétation
pratique ou opérative visant davantage la nécessité d’apporter une juste solution à un
problème bien concret que la volonté de ressusciter la pensée historique qui a présidé à la

990 AMSELEK P., « L’interprétation à tort et à travers », in Interprétation en droit, Paul Amselek (Dir.), Bruylant,
Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Bruxelles, p. 11-25.
991 RABAULT H., L’interprétation des normes : L’objectivité de la méthode herméneutique, ibidem. p. 9.
992 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 533.
993 Arrêt n°78, CS-AP du 19 avril 2004, affaire Kwap Moïse, candidat du SDF, État du Cameroun, contre État du
Cameroun (Minatd), RDPC et SDF (intervenant volontaire) infirmant le jugement n°59, CS-CA du 03
septembre 2002, affaire Iya Clébert, candidat du RDPC, commune rurale de Loum, contre État du Cameroun, SDF
(intervenant volontaire).

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rédaction du texte juridique 994. L’incohérence relevée dans la jurisprudence du juge électoral
fait de lui un juge incompris, puisque ses décisions ne correspondent ni en droit ou en fait aux
attentes légitimes des citoyens conscients que leurs droits n'ont pas été respectés 995.

994 CÔTÉ P.-A., « Fonction législative et fonction interprétative : conceptions théoriques de leurs rapports », op.
cit., p. 194.
995 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », in Les défis des droits fondamentaux, op. cit., p. 313.

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SECTION II.
LE STATUT JURIDIQUE PEU PROTECTEUR DU JUGE ÉLECTORAL : LA
PRÉGNANCE DU POUVOIR EXÉCUTIF

Dérivé de l’étymologie latine statutum et du verbe statuere qui signifie statuer, établir, placer,
mettre dans une position déterminée, fixer, déterminer, le terme statut renvoie à diverses
acceptions. Il s’entend comme l’ensemble des droits et obligations socialement déterminés en
vertu des valeurs qui ont cours dans un groupe donné, à l’ensemble de textes qui règlent la
situation d’un groupe d’individus, leurs droits et leurs obligations. Il est ainsi défini comme
l’ensemble des dispositions législatives ou réglementaires fixant les garanties fondamentales
(droits et obligations) accordées à une collectivité publique ou à un corps de fonctionnaires ou
d'agents publics (Statut général de la fonction publique, statut des magistrats), comme une
législation applicable à un justiciable en fonction de sa nationalité ou de son domicile (statut
personnel), en fonction du lieu de l'objet litigieux (statut réel) ou applicable en un lieu du
territoire ou aux personnes originaires de ce lieu (statut territorial) ou encore comme une
situation de fait, une position par rapport à la société ou aux institutions 996.

Parler du statut du juge électoral revient ainsi à s’interroger sur l’ensemble des dispositions
législatives ou réglementaires qui définissent ses droits et devoirs et qui permettent de le situer
dans la position qu’il occupe dans la société. En général, le juge est un fonctionnaire qui relève
du corps judiciaire, notamment celui de magistrats. Le statut juridique du juge électoral se
rapporte entre autre, à son mode de nomination et/ou de recrutement, à sa formation, au
déroulement de sa carrière, de sa rémunération, des mesures disciplinaires et de la gestion du
corps. Il permet de conférer une légitimité incontestable à sa mission. Dans un sens étroit, le
statut s’analyse en terme de garanties accordées au juge, notamment la mise en œuvre des
mécanismes qui concourent à la garantie de son indépendance et de son impartialité. Qualités
nécessaires à l’accomplissement de sa mission, puisque le juge est généralement considéré
comme une « figure d’autorité » 997 dans la société.

Le juge administratif et le Conseil constitutionnel sont certes chargés de connaître du


contentieux électoral, l’on observe que leur statut juridique diffère de manière substantielle et
ne favorise pas l’essor d’une justice électorale efficace 998. L’analyse des règles statutaires de ces

996 Le petit Robert -Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Le Robert, p. 2431.
997 Expression employée par CHAMPION B., « Le souverain juge : Une figure paradoxale de la séparation du
juridique et du politique dans a royauté sacrée africaine », in Bontems Cl. (Dir.), Le juge : une figure d’autorité
Actes du premier colloque organisé par l’Association Française d’Anthropologie du Droit, Paris, l’Harmattan, 24-25-26
novembre 1994, p. 295-302.
998 Si le juge administratif relève du statut de la fonction publique, notamment celui de la magistrature, il en va
différemment du Conseil constitutionnel qui est considéré comme une institution spécialisée qui se situe en

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deux organes laisse en effet transparaître l’existence d’une emprise directe du pouvoir exécutif
dans l’office du juge administratif (§ I) et une emprise indirecte sur le Conseil constitutionnel
(§ I).

§ 1. L’EMPRISE DIRECTE DU POUVOIR EXÉCUTIF SUR LE JUGE ADMINISTRATIF


Le juge électoral est considéré comme « l’homme qui rend la justice à ceux qui ont recours
à lui » 999 lorsqu’il règle les litiges électoraux. Monsieur Éric Lestrade souligne à ce propos que,
parce que le juge est en charge de la conduite du procès, il doit être revêtu de certaines qualités
indispensables à l’intégrité de sa mission 1000. Il doit à ce titre, être entouré de mécanismes qui
le mettent à l’abri des pressions externes afin de rendre la justice en toute indépendance et
impartialité. Charles Eisenmann opère une distinction entre ces deux qualités nécessaires à
l’office du juge et observe que ce n’est pas l’impartialité des juges que le droit positif doit
chercher à garantir, puisque les moyens juridiques n’ont pas de prise sur cette qualité
difficilement définissable. Pour lui, il faudrait garantir à tout prix l’indépendance des juges qui
est une condition nécessaire à leur impartialité. Il conclut en affirmant que l’indépendance du
juge est dans cet esprit considérée comme un moyen d’atteindre l’impartialité 1001.
L’indépendance du pouvoir judiciaire en général est consacrée au travers des mutations
constitutionnelles du 18 janvier 1996 qui apportent un regain de vitalité au paysage
institutionnel camerounais. En effet, l’on remarque que le législateur camerounais a opéré une
révolution dans l’office du juge. En remplaçant la dénomination « De l’autorité judiciaire » 1002
par celle intitulée « Du pouvoir judiciaire », ce dernier avait eu pour ambition de renforcer le
pouvoir du juge en affirmant son indépendance à l’égard des autres pouvoirs, notamment
l’exécutif et le législatif. Malgré l’optimisme de l’opinion publique quant à la revitalisation de la
notoriété du juge, l’on observe que certains auteurs sont demeurés sceptiques, voyant dans
cette dynamique un simple jeu lexical 1003. Et pourtant en France, sur la base d’un principe

dehors de l’ordre judiciaire, et dont le statut des membres est défini conjointement par des dispositions
constitutionnelles et législatives.
999 ANNOUSSAMY D., « Les juge des Cours supérieures indiennes », in Le juge : une figure d’autorité, Actes du premier
colloque organisé par l’Association Française d’Anthropologie du Droit, op. cit., p. 235-246.
1000 LESTRADE E., Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, l’Harmattan,
coll. Logiques juridiques, 2015, p. 153.
1001 EISENMANN Ch., La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d’Autriche, Paris, L. G. D. J., 1928,
p. 176-177.
1002 Dans le titre V de la Constitution du 02 juin 1972 intitulé « De l’autorité judiciaire », le président de la
République était garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, et nommait les magistrats. Le
remplacement de cet intitulé entraîne la consécration de l’indépendance des juges qui rendent désormais la
justice sur la base de la loi et de leur conscience.
1003 ABA’ OYONO C., « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel », op. cit. p. 10-
11.

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fondamental reconnu par les lois de la République dégagé à partir de la loi du 24 mai 1872 1004,
le Conseil constitutionnel avait consacré l’indépendance de la juridiction administrative tant
sur le plan organique que sur celui fonctionnel. La jurisprudence du Conseil constitutionnel
français avait ainsi permi de reconnaître l’existence d’un véritable pouvoir juridictionnel en
posant les conditions de son indépendance vis-à-vis des deux autres pouvoirs publics
constitutionnels. En ce sens, les pouvoirs exécutifs et législatifs sont tenus non seulement de
s’abstenir de censurer les jugements prononcés par les juridictions, mais aussi de leur adresser
des injonctions 1005. La décision de la Cour européenne des droits de l’Homme vient
corroborer cette position et précise que « le pouvoir de rendre une décision obligatoire ne
[saurait] être modifié par une autorité non judiciaire au détriment d’une partie 1006. Selon elle
en effet, lorsque le statut des juges les protège des ingérences émanant des autorités
exécutives, cela constitue un signe probant de leur indépendance alors qu’à l’inverse elle n’est
pas totalement libre lorsqu’elle sollicite l’avis conforme d’une autorité gouvernementale 1007.

Si l’indépendance du juge camerounais bénéficie d’une consécration constitutionnelle, l’on


observe en revanche que le juge administratif agissant en qualité de juge électoral demeure
embrigadé par diverses règles qui relèvent de son statut. Le statut de fonctionnaire hiérarchisé
du juge électoral crée une certaine dépendance à l’égard du pouvoir exécutif (A) qui entraîne
par conséquent une autonomie contingentée par son statut (B).

1004 Lire sur la question, la loi du 24 mai 1872 portant réorganisation du Conseil d’État, J.O., 31 mai 1872,
p. 3625.
1005 Décision n°80-119 DC du 22 juillet 1980. (Loi de validation d’actes administratifs attaquée pour violation
du principe de la séparation des pouvoirs et des articles 34 et 37de la Constitution). Saisi sur la question de
savoir si le législateur était compétent pour donne rétroactivement une base légale à des textes
réglementaires et non reglémentaires faisant l’objet de recours contentieux, le Conseil constitutionnel
français avait répondu par l’affirmative. D’après le Conseil constitutionnel, « considérant qu’il résulte des
dispositions de l’article 64 de la Constitution en ce qui concerne l’autorité judiciaire et des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République (...) depuis la loi du 24 mai 1872, , que l’indépendance
des juridictions administratives est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles
ne peuvent empiéter ni sur le législateur ni le gouvernement de censurer les décisions des juridictions,
d’adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur
compétence (...) ». DE VILLIERS M. « Jurisprudence constitutionnelle », in La revue administrative, 34ème année,
n°199 janv-fév. 1981, p. 33-36. [En ligne], disponible sur : http://www.jstor.org/stable/40771552Page
Count: 4. (Consulté le 15/02/2016).
1006 C.E.D.H.,19 avril 1994, Van de Hurk contre Pays-Bas, requête n°16034/90, série A, n°228, R.U.D.H., 1994,
p. 260, note SUDRE F., paragraphe 45.
1007 Lire les décisions : C.E.D.H., 23 avil1987, Ettl contre Autriche, requête n°9273/81, série A,n°117, paragraphe
21 ; C.E.D.H., 24 novembre 1994, Beaumartin contre France, requête n°15287/89, série A, n°296-B, A. J. D.
A., 1995, p.137, obs. FLAUSS J.-F. ; J. C. P., 1995, I, 3823, obs. SUDRE F., paragraphe 38.

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A. La dépendance statutaire du juge électoral : un « fonctionnaire
hiérarchisé »
Très souvent soupçonné de partialité et de favoritisme à l’égard du pouvoir exécutif, le juge
électoral camerounais peine à se départir de cette réputation qui fragilise son office. En effet,
considéré comme un fonctionnaire qui relève de l’administration de la justice, le juge électoral
est régi par les règles statutaires qui ne concourent pas pleinement à son indépendance. Le
statut du juge administratif est aménagé par les dispositions du titre V de la Constitution du 18
janvier 1996 et de la loi portant l’organisation des tribunaux administratif d’une part, puis
celles du décret n°95/048 du 8 mars 1995 portant statut de la magistrature et du Statut
particulier des magistrats et le régime de la magistrature d’autre part. Recrutés sur la base des
dispositions des articles 11 à 14 du décret du 8 mars 1995 susmentionné, le juge administratif
est considéré comme un magistrat titulaire d’une maîtrise en droit d’une Université
camerounaise— ou d’un diplôme juridique étranger reconnu équivalent par l’autorité
compétente et agrée parle ministre de la justice—. Il est intégré dans le corps des magistrats
après l’obtention du diplôme de l’École Nationale d’Administration et de Magistrature
(ENAM) (division judiciaire section magistrature) ou d’un stage d’attaché de justice 1008. Si le
juge électoral est doté d’aptitudes adéquates lui permettant de remplir efficacement sa mission,
—nonobstant l’absence d’une formation spécialisée dans le domaine de compétence
concerné—, il convient de remarquer qu’il demeure vulnérable par un statut peu protecteur
qui ne concourt pas à son indépendance, notamment sur le plan de sa nomination (1), et du
déroulement de sa carrière (2).

1. Sur le plan de sa nomination


Au Cameroun, le corps judiciaire est constitué des magistrats de siège et du Parquet en
service dans les juridictions, des magistrats en service au ministère de la justice, des magistrats
en détachement et des attachés de justice 1009. S’interroger sur la dépendance du juge pourrait
être considéré comme factice et sans objet, eu égard aux dispositions de l’article 37 alinéa 2 qui
consacre l’indépendance du pouvoir judiciaire à l’égard des pouvoir exécutif et législatif. Ce
principe de l'indépendance du juge camerounais, rappelé à l’identique dans l'article 5 du décret

1008 L’entrée l’École Nationale de l’Administration et de la Magistrature (ENAM) se fait par voie de concours.
Toutefois, l’on observe que les dispositions de l’articles 8 de la loi n°2006-022 du 29 décembre 2006 fixant
l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, étendent les modalités de recrutement
dans le corps de la magistrature. Aux termes de cette disposition, pour les besoins du service, les
professeurs de droit des universités ayant exercé comme enseignant pendant au moins dix (10) années
consécutives, les chargés de cours en droit ayant exercé pendant au moins quinze années consécutives, les
fonctionnaires de la catégorie A et les cadres contractuels d’administration titulaires d’une maîtrise en droit
ayant exercé leurs fonctions pendant au moins quinze (15) années consécutives peuvent être nommés juges
ou substituts en service extraordinaire au tribunal administratif pour une période de cinq (5) ans.
1009 Article 1er du Décret portant Statut de la magistrature.

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n° 95/048 du 8 mars 1995 portant Statut de la magistrature, entraîne comme corollaire l’idée
que le juge soit entouré des gages qui favorisent sa neutralité, son impartialité, sa loyauté, et
son abnégation. Selon Monsieur Éric Lestrade, l’indépendance du juge est une qualité
structurelle qui se manifeste dans ses relations avec les deux autres pouvoirs publics
constitutionnels et dont l’objectif premier est de garantir aux justiciables un jugement
dépourvu de toute forme de soupçons de pressions extérieures 1010. À l’inverse du contexte
français dont l’aménagement pragmatique du statut du juge administratif garantit de
l’inféodation au pouvoir exécutif 1011, l’on remarque au Cameroun la présence d’une influence
du pouvoir exécutif sur le corps des magistrats au travers du pouvoir de nomination 1012. Cette
influence apparaît premièrement dans l’article 37 alinéa 3 de la Constitution qui dispose que le
président de la République est garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les
magistrats et est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature 1013 — dont il assure la
présidence, la vice-présidence étant confiée au ministre de la justice, membre du pouvoir

1010 LESTRADE E., Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op., cit., p. 153.
1011 En France, les juges administratifs sont soumis à des règles statutaires variées. L’on note ainsi que les juges
des tribunaux et cours administratifs bénéficient d’une garantie d’inamovibilité inscrite dans la loi du 6
janvier 1986, en vertu de laquelle certains magistrats ne peuvent être déplacés, rétrogradés, révoqués ou
suspendus sans la mise en œuvre d’une procédure exorbitante du droit commun disciplinaire. Par ailleurs, la
gestion matérielle de leur carrière n’est pas confiée à l’exécutif, notamment au ministère de l’Intérieur
comme auparavant, mais est assurée par le vice-président du Conseil d’État. Il faudrait toutefois noter
qu’en France, si les juges des tribunaux et des cours administratifs bénéficient des gages d’indépendance, il
n’en va pas de même en ce qui concerne le Conseil d’État. En effet, ses membres ne bénéficient que de
garanties limitées. Ses membres sont nommés par décret pris en conseil des ministres sur proposition du
ministre de la justice, garde des sceaux. Leur indépendance est protégée par la coutume, puisqu’ils ne sont
pas soumis à la règle de l’inamovibilité. Articles L. 121-1 à L. 121-3 ; L. 131-1 ; et L. 133-1 à L. 136-2 du
Code de justice administrative.
1012 La nomination constitue la plaque tournante de la carrière du juge fraîchement sorti de l’ENAM, puisqu’elle
lui permet d’être nommé à un emploi qui correspond à son premier grade. Article 12 alinéa 2 Décret
portant Statut de la magistrature. Voir également l’article 14 alinéa 4 qui prévoit l’intégration et la
nomination des avocats et des chargés de cours à la faculté de droit, à un emploi du deuxième grade auquel
ils sont rattachés.
Au Bénin, l’article 129 de la loi n° 90-32 du 11 décembre1990 portant Constitution de la République du
Bénin dispose que « Les magistrats sont nommés par le Président de la République, sur proposition du
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature ».
1013 L'organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature sont fixés par la loi n° 82/14
du 26 Novembre 1982 modifiée par la loi n° 89/16 du 28 Juillet 1989.
Le Conseil supérieur de la magistrature est composée outre le président de la République, le ministre de la
justice ou une personnalité désignée par le président de la République, de trois députés pris sur une liste de
vingt (20) membres établie par l’Assemblée nationale, désignés sur la base d’un scrutin secret et à la
majorité des deux tiers des membres ; de trois magistrats du siège au moins du quatrième grade, en activité
de service pris sur une liste de dix (10) établie par la Cour suprême en assemblée plénière ; une personnalité
n’appartenant ni à l’Assemblée nationale, ni au corps judiciaire désigné par le président de la république en
raison de sa compétence. Le Conseil ne fonctionne pas de manière permanente et le mandat de ses
membres est de cinq (5) ans.
La structure organique de cette institution ne favorise pas une pleine objectivité et impartialité de la part des
personnalités qui sont chargées de participer au déroulement de la carrière des magistrats, puisque les
membres ont soit des liens étroits avec le pouvoir en place, soit en position d’infériorité relativement au
sort de leur carrière.

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exécutif ou à une personnalité désignée par le président de la République— qui lui donne son
avis sur les propositions de nomination.

En second lieu, il résulte de l’analyse des dispositions de l’article 6 du décret du 8 mars


1995 susmentionné que les nominations, mutations, promotions, détachements, admission à
un congé de maladie de longue durée, à la disposition ou à la retraite des magistrats sont
décidées par décret, mais soumis à l’avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature qui
ne saurait être contraignant pour l’autorité de nomination 1014. Le pouvoir de nomination
reconnu au président de la République concourt au développement d’un mythe d’obéissance,
d’un devoir de gratitude, puisqu’étant le garant de l'indépendance de la magistrature, il a autant
le pouvoir de nommer les magistrats, que la faculté de les révoquer. Monsieur Aba’a Oyono
observe à ce propos qu’il serait illusoire de parler de l’indépendance du juge camerounais.
Pour lui, sa dépendance malgré son statut, est une évidence qui est un « trompe-l’oeil
constitutionnel » 1015.

Le contentieux électoral relève d’un domaine très sensible, en l’occurrence celui de la


dévolution et de l’exercice du pouvoir. Le juge électoral étant à la base un juge nommé 1016, il
est impératif qu’il soit entouré de garanties spécifiques qui lui favorisent une totale
indépendance dans le cadre de son office. Le doyen Magloire Ondoa propose à cette situation
nébuleuse, une issue de secours qui consisterait à la mise sur pied une institution autonome
qui pourrait libérer les magistrats du carcan institutionnel dans lequel ils sont enfermés. Il
pourra ainsi s’agir d’un individu reconnu pour son intégrité, ses compétences sans étiquette
politique et élu au suffrage universel chargée de garantir l’indépendance de la magistrature en
général ou d’un organe léger dont les membres sont désignés à vie par le président de la
République, le Parlement et les magistrats eux-mêmes 1017. Si la solution proposée par le doyen
Magloire Ondoa apparaît salvatrice, il convient de relever l’irréalisme de sa mise en œuvre, eu
égard au contexte socio-politique camerounais, gangrené par le fléau de la corruption et par
des affinités tribales. Selon Monsieur Jean Morin « le mode de désignation des juges, par

1014 L’on constate en outre que, le président de la République est seul habilité à déroger aux dispositions de
l’article 15 relatives aux incompatibilités de la fonction des magistrats. Il peut ainsi nommer ou autoriser la
nomination d’un magistrat dans une société nationale ou industrielle dans laquelle l’État détient une part du
capital.
1015 ABA’ OYONO C., « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel », op. cit, p. 14.
1016 Articles 8,et 9 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs d’une part,
puis 2, 5, de la loi fixant l’organisation de la Cour suprême d’autre part.
1017 ONDOA M., « Commentaire sous la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du
02 juin 1972, in Juridis périodique, n°25, janvier-février-mars 1996, p. 13 cité par ABA’A OYONO C., « Les
mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel », ibidem, p. 15.

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nomination ou élection, pour indispensable qu’il soit, ne constitue après tout qu’une condition
de forme loin de satisfaire au sens profond de la légitimité d’une institution (...) » 1018.

Afin de légitimer et de renforcer la confiance des électeurs dans l’office du juge électoral
camerounais, il est nécessaire que des garanties distinctives soient prises afin d’accroître et de
renforcer l’indépendance du juge chargé de régler les différends électoraux. Il pourrait s’agir
par exemple, d’impliquer davantage les magistrats dans la gestion de leur corps comme cela se
passe en France, afin d’exclure de manière sinon absolue, mais significative, la domestication
de l’exécutif dans l’organisation et le fonctionnement du pouvoir judiciaire. Le pouvoir de
nomination reconnu au président étant assez discrétionnaire et illimité, le législateur
camerounais devrait aménager un cadre idoine qui permet de protéger aussi bien le juge que
les justiciables. Dans cette perspective, fixer des conditions d’éligibilité pour la nomination des
juges à certains postes stratégiques et déterminer la durée de leur mandat qui ne saurait être
renouvelable, permettrait à coup sûr l’affermissement de l’indépendance et de la liberté des
juges électoraux à l’égard de l’autorité de nomination 1019.

Au Bénin par exemple, l’on note que le législateur ne s’est pas borné à affirmer
l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il a corrélativement mis en œuvre des mécanismes qui la
garantissent. En effet, les magistrats sont nommés par décret pris en Conseil des ministres.
Les magistrats de siège sont inamovibles et ne peuvent être mutés de leur poste, même pour
une promotion, qu’avec leur consentement 1020. En ce qui concerne le contentieux des
élections, il est à noter qu’il est réglé par la Cour suprême dont le président « est nommé pour
une durée de cinq ans par le président de la République, après avis du président de
l’Assemblée nationale, parmi les magistrats et les juristes de haut niveau ayant quinze ans au
moins d’expérience professionnelle, par décret pris en Conseil des ministres. Il est inamovible
pendant la durée de son mandat, qui n’est renouvelé qu’une fois ». Les différentes garanties

1018 MORIN J., « La légitimité des juges », in Jacques Krynen et Jacques Raibant (Dir.), La légitimité des juges : Actes
du colloque, Presses de l’Université des Sciences Sociales de Toulouse, 29-30 octobre 2003, p. 183-188.
1019 La non-limitation du mandats des magistrats à certains postes stratégiques concourt à leur pérennisation à
ces postes, et par conséquent favorise le culte de loyauté, qui exclut tout devoir d’ingratitude. Au
Cameroun, l’on observe que le président de la Cour suprême, nommé en 1990, est demeuré au poste
premier président jusqu’à sa mise à la retraite, intervenue à l’issue de la session du Conseil supérieur de la
magistrature présidé 18 décembre 2014 par le président de la République. Il a cumulé sa fonction de
premier président de la Cour suprême avec celle de la présidence de la Chambre judiciaire.
Juge des élections nationales et des appels des jugements rendus par la Chambre administrative de la Cour
suprême en premier ressort, l’ancien président de la Cour suprême a vidé le contentieux de plusieurs
élections présidentielles, législatives, et municipales, dont la sincérité était remise en cause par des
observateurs de la scène politique camerounaise et internationale.
1020 Au Bénin, l’article 133 de la loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du
Bénin dispose que « le président de la Cour suprême est nommé pour une durée de cinq ans par le
président de la République, après avis du président de l’Assemblée nationale, parmi les magistrats et les
juristes de haut niveau ayant quinze ans au moins d’expérience professionnelle, par décret pris en Conseil
des ministres . il est inamovible pendant la durée de son mandat, qui n’est renouvelé qu’une fois ».

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dont le législateur béninois entoure le juge concourent inéluctablement à raviver la confiance
du corps électoral et des acteurs politiques et à crédibiliser la justice électorale. Madame
Civinini Maria Giuliana souligne à ce propos que malgré les différences possibles que l’on peut
trouver dans les organisations judiciaires, il existe un noyau de règles inséparables de l’idée
même de la justice dans un pays démocratiques. Selon elle, les garanties d’autonomie,
d’indépendance, d’impartialité et de légalité accordées au magistrat sont les éléments qui
constituent les fondements de l’ « être magistrat » et lui permettent de rendre une justice de
qualité face à une demande croissante et à une crise de confiance des citoyens 1021.

Le législateur camerounais pourrait ainsi s’inspirer des modèles qui existent en France et au
Bénin, pour ériger un modèle de justice électorale original, contextuel et crédible qui permet
une réelle indépendance des juges, non seulement sur le plan de leur nomination, mais
également celui du déroulement de leur carrière.

2. La sujétion sous l’angle du déroulement de la carrière


S’il est indéniable que le juge n’est pas régi pas les dispositions du Statut de la fonction
publique, l’on remarque en revanche qu’il doit justifier des conditions requises par ledit
Statut 1022. La fonction publique s’entend ainsi comme l’ensemble des postes de travail
correspondant à des niveaux de classifications différentes et organisées en corps, cadres,
grades et catégories 1023. Bien que soumis à un statut particulier, le juge administratif est
logiquement considéré comme un fonctionnaire, puisqu’il est classé dans la hiérarchie du
corps judiciaire 1024. Le professeur Joseph Owona définit le fonctionnaire comme toute
personne qui occupe un poste de travail permanent dans un cadre hiérarchisé des
administrations de l’État 1025. L’occupation d’un poste permanent dans un cadre hiérarchisé
suppose de la sorte une certaine progression dans la hiérarchie de ce corps, entendu comme
l’ensemble des fonctionnaires exerçant une fonction spécifique dans un secteur d’activité
déterminé et régi par les mêmes dispositions réglementaires 1026.

1021 CIVININI L. G., « Le modèle italien d’administration de la justice », Revue française d’administration publique,
1/2008, n°125, p. 81-91. [En ligne], disponible sur : : https ://www.cairn.info/revue-francaise-d-
administration-publique-2008-1-page-81.htm.DOI : 10.3917/rfap.125.0081.
1022 L’article 11 alinéa 1 du Décret du 08 mars 1995 portant statut de la magistrature dispose que : « Nul ne peut
être nommé magistrat s'il ne justifie outre des conditions requises par le Statut général de la Fonction
Publique ».
1023 Article 2 alinéa 1 du Décret n°94/199 du 07 octobre 1994 portant Statut général de la fonction publique de
l’État modifié et complété par le décret n°2000/287 du 12 octobre 2000.
1024 L’article 9 du décret du 8 mars 1995 portant Statut de la magistrature dispose que « tout magistrat en
activité est titulaire d’un emploi judiciaire correspondant au grade ou groupe auquel il appartient.
1025 OWONA J., Droit de la fonction publique camerounaise, L’harmattan, Paris, 2013, p. 8.
1026 OWONA J., Droit de la fonction publique camerounaise, ibidem, p. 8.

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À l’instar des autres fonctionnaires, tout magistrat en activité est titulaire d’un emploi qui
correspond au grade auquel il appartient. En application des dispositions de l’article 12 du
Décret portant Statut de la magistrature, les auditeurs de justice de la section magistrature,
diplômés de l’École Nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM) sont intégrés
par Décret, après avis du Conseil supérieur de la magistrature au premier grade avec
attribution du premier échelon de rémunération dudit grade 1027. Si l’avancement dans le grade
constitue un privilège pour le magistrat l’on observe qu’il s’opère de manière distincte. En
premier lieu, le magistrat qui fait chaque année l’objet d’une appréciation et d’une notation,
peut voir intervenir son avancement après six (06) années au grade supérieur. Dans un second
temps, un tableau d’avancement dressé annuellement permet au président de la République de
fonder sa décision de faire avancer ou non un magistrat 1028. Cette différenciation peut érafler
le devoir de neutralité du juge qui recherchera les bonnes grâces des autorités chargées de la
notation et du tableau d’avancement.

Si l’on admet que le législateur français a pris conscience de la nécessité de protéger les
juges des abus du pouvoir exécutif et de toutes sortes de faveurs ou sanctions disciplinaires
imméritées, notamment un déplacement, une révocation, un retard dans l’avancement ou une
suspension de salaire, l’on observe qu’il n’en va pas de même dans le contexte camerounais. La
dépendance du juge administratif sur le plan de l’évolution de sa carrière se manifeste au
travers de la dévolution du pouvoir de nomination au président de la République 1029 qui

1027 L’attribution d’un grade peut varier en fonction de la qualité du bénéficiaire. L’article 14 alinéa 4 du décret
portant Statut de la magistrature dispose à cet égard que, par dérogation aux dispositions des articles 12 et
13, peuvent être intégrés directement après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature au deuxième grade
et nommés à un emploi dudit grade, les avocats et les chargés de cours à la faculté de droit visés à l'article
11 paragraphe 2 alinéa b ; par ailleurs sont peuvent être recrutés au troisième grade et nommés vice-
présidents à une cour d'appel les professeurs agrégés des facultés de droit et les professeurs titulaires du
Doctor of Laws (L.L.D.).
1028 Lire sur la question, Le Statut particulier des magistrats et le régime de la magistrature au Cameroun, Juriscope,
1997, 22 p. En ligne], www.juriscope.org/.../Cameroun/Droit%20administratif_Statut%20partic...
Le déroulement de la carrière du magistrat est régi par les dispositions des articles 7à 10 d’une part, puis 26
à 45 d’autre part.
1029 Article 29, et 30 du Décret portant Statut de la magistrature.
Le président de la République du Cameroun a signé entre autres, des décrets portant élévation des
magistrats à la hors hiérarchie et de nomination des magistrats au Parquet général près la Cour suprême,
dans les sièges des tribunaux, à l’issue d’une réunion du Conseil supérieure de la magistrature dont il
assurait la présidence.
Décrets n° 2014/554 du 18 décembre 2014 portant élévation de magistrats à la hors hiérarchie; n°
2014/555 du 18 décembre 2014 portant élévation de magistrats à la hors-hiérarchie; n° 2014/556 du 18
décembre 2014 portant élévation de magistrats à la hors-hiérarchie; n° 2014/574 du 18 décembre 2014
portant nomination de magistrats au siège de la Cour suprême; n° 2014/573 du 18 décembre 2014 portant
nomination de magistrats au Parquet général près la Cour suprême; n° 2014/572 du 18 décembre 2014
portant nomination d'un magistrat au Parquet général près la Cour suprême; n° 2014/567 du 18 décembre
2014 portant nomination de magistrats au siège du tribunal criminel spécial; n° 2014/569 du 18 décembre
2014 portant nomination de magistrats du siège dans les tribunaux administratifs; n° 2014/562 du 18
décembre 2014 portant promotion de magistrats; etc.

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décide de l’élévation ou non, au grade supérieur nonobstant l’inscription au tableau
d’avancement. Ce pouvoir qui lui est confié peut engendrer des abus, puisqu’il n’est pas lié par
les propositions d’avancement présentées par le président de la Cour suprême, le procureur
général et le ministre de la justice. La distinction relevée dans l’avancement des magistrats du
siège et ceux du Parquet, laisse planer un doute quant à l’objectivité de leur avancement.
L’attribution de la compétence de gérer le tableau d’avancement des magistrats de siège —
dont l’indépendance est consacrée par la Constitution et le Décret portant Statut de la
magistrature— au Conseil supérieur de la magistrature d’une part, l’élévation à la hors
hiérarchie ou la promotion de groupe à l’intérieur de la hors hiérarchie d’autre part, pourrait à
bien d’égards, prêter le flanc à diverses exactions permettant de sanctionner le zèle d’un juge
un peu trop hardi. Cette crainte de représailles justifie l’allégeance des juges au pouvoir
exécutif, puisque ces derniers vivent la peur d’une affectation disciplinaire injustifiée dans le
coin le plus reculé de l’État. Lorsqu’on observe par exemple le système italien, on remarque
que le Constituant a mis en oeuvre un mécanisme qui permet d’assurer l’effectivité du principe
de l’autonomie et de l’indépendance de la magistrature. Les articles 101 et 104 de la
Constitution du 22 décembre 1947 précisent que la justice étant administrée au nom du
peuple, les juges ne sont soumis qu’à la loi, puisque la magistrature constitue un ordre
autonome et indépendant. Cette indépendance est garantie par la constitutionnalisation des
garanties telles que l’inamovibilité tant des juges que des procureurs d’une part 1030 et
l’aménagement d’une nette répartition des compétences entre le Conseil et le ministère de la
justice d’autre part 1031.

Il est dès lors souhaitable que dans l'ordre juridique camerounais soit consacré le principe
de l'inamovibilité des magistrats du siège comme cela est le cas dans le système juridique
français et béninois 1032 afin de garantir l’indépendance des juges de l’assujettissement au
pouvoir exécutif et les prémunir de toute vélléité de dépendance dans l’exercice de leurs
fonctions.

1030 L’article 107 de la Constitution du 22 décembre 1947 dispose que « les magistrats sont inamovibles. Ils ne
peuvent être privés ou suspendus de leur service ni affectés à d’autres sièges ou à d’autres fonctions si ce
n’est qu’à la suite d’une décision du Conseil supérieur de la magistrature, adoptée soit pour les motifs et
avec les garanties de la défense prévus par les règles sur l’organisation judiciaire, soit avec le consentement
des intéressés. Le Ministre de la justice a la faculté de donner cours à l’action disciplinaire. Les magistrats ne
se distinguent entre eux que par la diversité de leurs fonctions. Le ministère public jouit des garanties qui lui
sont accordées par les règles relatives à l’organisation judiciaire ».
1031 Les articles 105 et 110 de la Constitution italienne précisent que le recrutement, les affectations et les
mutations, les avancements et les mesures disciplinaires concernant les magistrats relèvent de la
compétence du Conseil supérieur de la magistrature selon les règles de l’organisation judiciaire, alors que
l’organisation et le fonctionnement des services relatifs à la justice appartiennent au Ministre de la justice
sous réserve des compétences du Conseil supérieur de la magistrature.
1032 L’article 126 de la loi n° 90-32 du11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin pose le
principe de l'inamovibilité des magistrats du siège et précise que les juges ne sont soumis, dans l'exercice de
leurs fonctions, qu'à l'autorité de la loi.

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B. Les velléités de dépendance fonctionnelle du juge électoral
Le juge a certes pour mission de dire le droit en tranchant les litiges qui lui sont soumis,
l’on observe en revanche que son action n’est pas entièrement libre. Il est quelque peu lié par
les fonctions qui lui sont dévolues par des textes législatifs ou réglementaires. Nonobstant la
consécration constitutionnelle de l’indépendance des juges, il se pose en permanence la
question de l’effectivité de celle-ci, puisque les juges sont fréquemment accusés de manquer
d’une réelle indépendance qui garantirait leur impartialité, et qui les mettrait à l’abri des
pressions extérieures. Madame la professeure Maryse Deguergue observe à ce propos que les
juges sont constamment exposés à diverses influences sociales parce que leur office se déroule
dans un monde « vivant et situé », celui de la société dans laquelle se nouent des conflits 1033. Il
se pose ainsi de manière récurrente, la question de l'indépendance d’un pouvoir judiciaire
préservé de toute inféodation aux pouvoirs politiques, notamment l’exécutif et le législatif,
d’une part, mais également de toute ingérence des fonctionnaires et des pouvoirs de fait
d’autre part.

S’il est indéniable que l’indépendance du juge consacrée par les dispositions
constitutionnelles est indissociable de l'exercice des fonctions juridictionnelles et la qualité de
la justice rendue, l’on observe une certaine emprise plus ou moins prononcée de son
autonomie (1) et un verrouillage de sa liberté fonctionnelle (2).

1. L’autonomie à polémique du juge électoral


Questionner l’autonomie du juge revient à s’interroger sur son degré d’impartialité dans le
déroulement du procès, puisque comme le remarque le professeur Fabrice Hourquebie,
l’indépendance et l’impartialité riment ensemble, l’une étant le moyen de l’autre 1034.

Définie comme le fait de se gouverner par ses propres lois et comme la faculté de se
déterminer par soi-même, de choisir, et d’agir librement dans une indépendance morale ou
intellectuelle 1035, l’autonomie permet au juge électoral de juger en son âme et conscience sans
aucune pression externe. Elle vise également à assurer l’indépendance du juge électoral à
l’égard du pouvoir exécutif, mais aussi vis-à-vis des pouvoirs socio-politiques et des médias.
L’autonomie fonctionnelle du juge électoral constitue un critère subjectif permettant de
déterminer son degré d’impartialité. Elle se manifeste au travers de sa faculté à juger librement

1033 DEGUERGUE M., « Des influences sur les jugements des juges », in L’office du juge, Les actes du colloque du Sénat,
op. cit., p. 370.
1034 HOURQUEBIE F., « L’indépendance de la justice dans les pays francophones », in AHJUCAF L’indépendance
de la justice-Actes du 2ème congrès de l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du
français (AHJUCAF), op. cit., p. 49.
1035 Vocabulaire juridique, op. cit.,p. 106.

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et en toute indépendance morale et intellectuelle, afin d’incarner la personnalité d’un tiers
impartial qui tranche les litiges qui lui sont soumis. En préjugeant avec Fabreguettes que la
justice constitue un sacerdoce en raison de la grandeur de la mission et de l’importance des
intérêts confiés au juge 1036, la question de l’autonomie du juge apparaît comme un corollaire
de l’indépendance du pouvoir judiciaire qui concourt à garantir aux justiciables des décisions
justes et équitables.

Les dispositions de l’article 37 de la Constitution consacrent l’indépendance du juge et


précisent que la justice indépendante du pouvoir exécutif et législatif est rendue sur le territoire
de la République au nom du peuple camerounais 1037. Ainsi, lorsque le juge rend sa décision au
nom du peuple, il doit incarner la justice qui remplit une fonction sociale duale à l’égard du
public qui en attend le professionnalisme, l’efficacité et la régulation de l’ordre social consenti
par les citoyens 1038. Monsieur Jean-Marc Varaut écrit en ce sens que « la fonction des
magistrats est de transformer le droit en justice (...). Le droit de tout citoyen au droit de se
faire rendre justice s’exprime dans le droit au juge. Aussi est-il fondé sur une qualité juridique
de celui qui rend la justice, c’est-à-dire qui la restitue à ceux au nom desquels elle est
prononcée, l’indépendance, et sur une qualité morale, l’impartialité » 1039. Il est dès lors
impératif pour tout juge et le juge électoral en particulier, de développer les qualités
d’impartialité nécessaires qui permettent de renforcer l’indépendance de son office.

Garant de la régularité des élections, le juge électoral concourt par son office au
renforcement ou à la dégradation de la confiance des citoyens dans la représentation politique.
Il importe dès lors que ce dernier revête un caractère d’impartialité et de neutralité dans le
règlement des litiges électoraux qui lui sont soumis. L’autonomie à polémique du juge électoral
renvoie aux diverses controverses qui entourent l’objectivité et l’impartialité du juge dans le
règlement des litiges électoraux. Généralement considérées comme un simulacre, les élections
au Cameroun ne bénéficient plus de l’engouement que l’on a observé dans les années 1990.
L’on déplore en effet un taux d’abstention accru au fil des années, justifié non seulement par
les manquements relevés dans l’organisation et le déroulement du scrutin, mais surtout en
raison de la très grande suspicion de partialité qui pèse sur les juges électoraux. La nomination
du juge constitutionnel constitue un facteur d’ordre subjectif qui concourt à créer un climat
d’allégeance à l’égard du parti au pouvoir compte tenu du caractère éventuellement

1036 FABREGUETTES M. P., La logique judiciaire et l’art de juger, 2ème édition, Paris, LGDJ, 1926, p. 437.
1037 Le législateur béninois quant à lui réaffirme l’indépendance du juge, et l’extirpe de tout pouvoir autre que de
celui de la loi. Articles 125 et 126 de la Constitution du Bénin.
1038 SAKHO P. O., « L’allocution d’ouverture » in AHJUCAF L’indépendance de la justice-Actes du 2ème congrès de
l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF), Dakar, 7 et
8 novembre 2007, p. 13-18.
1039 VARAUT J.-M., « Indépendance », in Loic CADIET (Dir.), Dictionnaire de la justice, op. cit., p. 622-623.

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renouvelable de son mandat. C’est le cas du contentieux des élections nationales dont le juge
électoral, nonobstant l’absence de la règle d’inamovibilité dans le contexte camerounais, a
conservé pendant vingt cinq ans et jusqu’à sa retraite, le poste de premier président d’une
Cour suprême qui siégeait en lieu et place du Conseil constitutionnel. Il est logique que l’on
puisse soupçonner la partialité du juge et s’interroger sur l’objectivité et la neutralité de son
office.

La gestion du contentieux électoral au Cameroun nécessite en effet des gages de


transparence que le juge électoral est seul capable d’apporter dans la validité de l’élection. Il est
considéré comme celui qui matérialise son indépendance au travers de son état d’esprit, et de
son éthique 1040. La qualité de la justice rendue doit ainsi être perçue et mesurée à travers des
indicateurs de performance, en l’occurrence l’efficacité et la légitimité qui permettent de
conserver la confiance du public dans l’impartialité de la magistrature et de sauvegarder de la
primauté du droit 1041. L’absence de crédibilité dans l’office du juge électoral entraîne
inéluctablement de la part des citoyens désabusés, une désaffection politique, un manque
d’intérêt à l’égard des élections, ou des violences postélectorales. La nécessité de protéger les
droits de vote des citoyens implique qu’un code d’éthique et de déontologie soit adopté, et
qu’il permette au juge de se conformer au principe d’indépendance consacré par la
Constitution et réitéré par les dispositions de l’article 23 du décret portant statut de la
magistrature 1042. Seulement, si l’idée d’adopter un Code d’éthique et de déontologie paraît
attrayante, il faudrait noter que ce code ne saurait à lui seul suffire, puisque l’attitude du juge
concourt pour une part importante, à renforcer la confiance des électeurs et à légitimer les
résultats de l’élection. Le professeur Alioune Badara Fall, rappelle à ce propos que « le juge
africain rend la justice en tenant nécessairement compte et toujours des facteurs contre

1040 HOURQUEBIE F., « L’indépendance de la justice dans les pays francophones », in AHJUCAF L’indépendance
de la justice-Actes du 2ème congrès de l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du
français (AHJUCAF), op. cit., p. 44.
1041 Rapport sur l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, Organisation
internationale de la francophonie, 2008, p. 22.
L’ancien premier président de la Cour suprême avait, à l’occasion de l’ouverture de la l’année judiciaire,
exhorté les magistrats à un retour aux principes d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité, contenus dans
le serment. Selon lui, le magistrat étant prévenu des exigences attachées à un corps d’élite, pierre angulaire
de la société démocratique qui n’échappe plus à la critique, y manquer serait constitutif d’une trahison.
Allocution du Premier président de la Cour suprême à l’occasion de l’ouverture de la rentrée judiciaire le
jeudi 26 février 2015. Belibi J.-Fr., « La justice : la leçon d’Alexis Dipanda Mouelle », in Cameroon Tribune. En
ligne], https://www.cameroontribune.cm/index.php?option=com_content&view=article&id=79923:justic
e-la-lecon-dalexis-dipanda-mouelle&catid=1:politique&Itemid=3. (Consulté le 20/03/2015).
1042 Avant l’accomplissement de tout acte lié à ses fonctions, le magistrat camerounais prête serment en ces
termes : « Moi…, je jure devant Dieu et devant les hommes de servir honnêtement le peuple de la
République du Cameroun en ma qualité de magistrat, de rendre justice avec impartialité à toute personne,
conformément aux lois, règlements et coutumes du peuple camerounais, sans crainte ni faveur, ni rancune,
de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout, partout et toujours en digne et loyal
magistrat. »

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lesquels il lutte constamment, tout en ayant conscience qu’il n’aura pas peut-être la force, ni les
moyens d’y résister durant toute sa carrière » 1043. Ainsi, comme le souligne à juste titre le
professeur Michel Troper, « si l’on veut rendre [le juge] indépendant, ce n’est donc pas pour
lui permettre d’exercer un pouvoir, c’est pour éviter que la fonction de juger ne tombe entre
les mains d’un autre, législateur ou pouvoir exécutif (...) »1044. Il est dès lors indispensable que
le juge électoral soit garantit de la paralysie de sa liberté fonctionnelle.

2. Le verrouillage de la liberté fonctionnelle


À supposer, comme le considère le professeur François Ost, que le juge est celui qui
remplit trois fonctions rectrices : la fonction d’arbitre, d’entraîneur et de pacificateur 1045. L’on
remarque qu’il est un délégué qui tient sa fonction de l’État qui l’institue 1046. Chargé de veiller
à la régularité des processus électoraux, le juge électoral est investi d’une fonction de
souveraineté de l’État, notamment celle relative à l’élection. Le juge électoral doit
nécessairement être indépendant, afin de juger de manière autonome et impartiale, les
différends électoraux qui lui sont soumis. Comme le rappelle le professeur Alioune Badara
Fall, l’indépendance de la justice constitue une condition sine qua non pour l’efficacité dans
l’action du juge et sa crédibilité aux yeux des citoyens 1047. L’office du juge électoral
camerounais soulève des questions liées à son impartialité subjective et objective 1048 dans
l’exercice de sa fonction. Le verrouillage de l’office du juge se réfère à son indépendance
pendant l’audience. Il sera dès lors question ici, de démontrer que l’impartialité subjective du
juge est grandement entretenue par celle objective, notamment sur le plan de l’organisation
juridictionnelle 1049. En tenant compte du fait que le juge électoral siège et rend sa décision au
sein d’une formation de jugement, il se pose la question de savoir si celle-ci peut réellement

1043 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics :pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », op. cit., p. 313.
1044 TROPER M., « La notion de pouvoir judiciaire », in Présence du Droit public et des droits de l’Homme, Mélanges
offerts à Jacques Velu, tome II, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 829-843.
1045 OST Fr., « Juge-pacificateur, juge-arbitre, juge-entraîneur. Trois modèles de justice », in Fonction de juger et
pouvoir judiciaire : transformationset déplacements, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1983, p. 1-70.
1046 THÉRY Ph., Pouvoir juridictionnel et compétence (étude de droit international privé), Thèse de l’Université de Paris II,
6 novembre 1981, p. 33.
1047 FALL A. B., « Les menaces internes », in AHJUCF L’indépendance de la justice, op. cit., p.47-75.
1048 Dans l’affaire Affaire Piersack c/ Belgique du 1er octobre 1982, la CEDH a apporté une précision dans la
définition des notions d’impartialité subjective et objective. Selon elle, « si l’impartialité se définit d’ordinaire par
l’absence de préjugé… elle peut s’apprécier de diverses manières. On peut distinguer entre une démarche subjective, essayant de
déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en telle circonstance, et une démarche objective amenant à rechercher s’il
offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime ».
1049 Lire sur la question FRISON-ROCHE M.-A., « L’impartialité du juge », in Recueil Dalloz-chroniques, 1999, p. 53-
81.

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refléter son intime conviction ou si elle résulte pour une part importante, de la conviction des
autres membres de la formation de jugement dont il doit tenir compte 1050.

L’analyse de diverses dispositions textuelles laisse transparaître une sorte de verrouillage


fonctionnel de l’office du juge qui le transforme en un simple exécutant. Bien que prévue dans
les dispositions constitutionnelles, l’indépendance du juge électoral peine à s’exprimer de
manière effective au Cameroun. Le juge électoral se trouve ainsi influencé aussi bien par
l’étendue des pouvoirs conférés au rapporteur qui joue un rôle primordial dans la conduite de
l’instruction à l’issue de laquelle il établit un rapport. Celui-ci comprend l’essentiel des
éléments servant de base à la décision du juge et les conclusions écrites du procureur de la
République 1051. Selon le président Guy Canivet, le rapport établi par le rapporteur est un acte
formalisé de la procédure en raison du fait que la note qu’il ajoute en justifiant la solution qu’il
retient est contenue dans le rapport qui est transmis au président et au procureur de la
République qui s’en sert pour écrire ses conclusions et proposer à son tour une solution 1052.

À l’évidence, le rapporteur joue un rôle prééminent dans l’office du juge électoral. Il oriente
la conviction du juge au travers de la détermination de la question posée dans la lecture du
rapport et sur laquelle le procureur se fonde pour donner ses conclusions. S’agissant du
procureur général, l’on note qu’il est « un agent du pouvoir exécutif », puisqu’il est soumis à
l’autorité hiérarchique du ministre de la justice. Il peut être forcé de proposer une solution qui
ne résulte ni de son analyse, ni de sa conviction, mais de l’autorité hiérarchique dont les
motivations ne seront pas toujours dévoilées. S’il est certain que le législateur a revêtu les
magistrats de siège d’une indépendance formelle, en ce sens qu’ils ne relèvent dans leurs

1050 Si la Cour suprême est restée unique, l’on note que la nécessité de distinguer les contentieux a entrainé la
création de plusieurs chambres, elles-mêmes divisées en section. Les formations de jugement varient en
fonction des chambres et des sections desdites chambres. La Chambre administrative constitue l’instance
d’appel en matière administrative, elle connait des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux
administratifs. Le contentieux électoral relevant de la compétence de la juridiction administrative, il est réglé
en premier ressort par les tribunaux administratifs qui siègent en formation collégiale de trois membres et
rendent leurs décisions à la majorité des voix. Même si les textes ne précisent pas de manière expresse les
personnes qui forment la collégialité de jugement, il convient de relever que cette formation varie en
fonction de la phase du contentieux et est composée du président du tribunal administratif qui en assure la
présidence, des juges, du procureur général et du greffier.
En appel, la Chambre administrative connaît des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux
administratifs. Elle comprend plusieurs sections composées de manière impaire, d’un président, de deux
conseillers au moins, d’un ou plusieurs avocats généraux. Lire les articles 13 de la loi n°2006/022 du 19
décembre 2006.
1051 Les articles 37 à 45 de la loi fixant l’organisation des tribunaux administratifs susvisée dispose que le
rapporteur est désigné par le président du tribunal dès l’enregistrement de la requête. Ce dernier assure la
communication des mémoires entre les parties, et rédige à la clôture de l’instruction, un rapport qui est
transmis sous pli confidentiel au président du tribunal qui en communique copie au procureur général. Ce
dernier propose une solution dans ses conclusions et les communique sous pli confidentiel au président.
1052 CANIVET G., « Le mécanisme de décision de la Cour de cassation : pour une ethnographie à écrire d’une
autre fabrique du droit », in Le dialogue des juges, Mélanges en l’honneur de Bruno Genevois, op. cit., p. 149-165.

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fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur conscience 1053, l’on assiste à une situation
inverse en ce qui concerne les magistrats debout ou du Parquet. Ces derniers sont soumis à
certaines obligations d’ordre statutaire qui atténuent leur degré d’indépendance et
d’impartialité au cours de l’audience à laquelle ils participent. En effet, ils relèvent
administrativement de l’autorité du ministre de la justice et lui sont par conséquent
subordonnés. C’est ainsi qu’ils peuvent, en raison du classement hiérarchique, recevoir des
instructions des plus gradés ou de la hiérarchie, notamment du président de la République ou
du ministre de la justice. Par ailleurs, il est à remarquer que ces derniers, ne peuvent exercer
leur liberté de parole à l’audience que s’ils ont préalablement et en temps utile, informé leur
chef hiérarchique direct de leur intention de s’écarter des instructions reçues 1054. S’il est
indéniable que la présence du procureur général dans la formation de jugement procède d’un
souci de garantir efficacement le droit de vote des citoyens, il convient de s’interroger sur les
pouvoirs dont il dispose. En effet, s’il est de principe que les magistrats de parquet ont la
possibilité de s’exprimer librement à l’audience suivant l’adage « la plume est serve mais la
parole est libre », dans le contexte camerounais, ce dernier est lié dans son action. Sa liberté de
parole ne s’exerce à l’audience lorsque les instructions lui ont été données, qu’à condition qu’il
ait préalablement et en temps utile informé son chef hiérarchique direct de son intention de
s’écarter oralement des réquisitions ou conclusions écrites déposées conformément aux
instructions reçues 1055.

Cet engrenage institutionnel sous lequel croule le juge électoral paralyse son office et
entrave en conséquence son indépendance théoriquement affirmée, puisque ses décisions
pourraient davantage reposer sur des considérations politiques que sur celles juridiques 1056.
Selon Kéba Mbaye, « on ne peut forcer un homme à être libre, on ne peut que lui donner les
moyens de sa liberté, l’indépendance n’existe que par exercice et volonté » 1057. La nécessité
pour le juge électoral de se départir des considérations d’ordres politiques s’avère nécessaire
dans un domaine à consonance politique, puisqu’il incarne une personnalité neutre et
impartiale. Madame la professeure Marie-Anne Frison-Roche écrit dans cette logique que la

1053 L’article 5 du Décret du 8 mars portant Statut de la magistrature réaffirme cette indépendance des
magistrats du siège.
1054 Article 3 du Décret du 8 mars 19995 portant statut de la magistrature.
1055 Article 3 du décret n°95-048 du 8 mars1995, portant Statut de la magistrature. Au Bénin, l’on observe une
situation inverse. Le magistrat de parquet sont certes tenus de respecter les instructions reçues de l’autorité
hiérarchique, mais ils exercent librement leur droit de parole à l’audience. Article 7 de la loi portant statut de
la magistrature au Bénin.
1056 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », op. cit., p. 309-346.
1057 Cité par SOUMARE Ch. H., « L’allocution d’ouverture » in AHJUCAF L’indépendance de la justice-Actes du 2ème
congrès de l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF),
ibidem, p. 23-27.

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juridiction étant la pierre angulaire qui concourt à l’effectivité du droit, un juge corrompu ou
partial, conquis ou acquis à une cause ou une partie, entache l’acte de juger dans son essence.
Il en résulte que le juge doit être neutre par rapport à la situation qu’on lui soumet, à l’égard
des parties, et de la loi qu’il applique 1058. Le magistrat camerounais ayant juré par son serment
de rendre la justice avec impartialité, il devient à cet égard, créancier de l’indépendance, et
débiteur de l’impartialité 1059. L’indépendance du juge ayant pour corollaire son impartialité, il
devient impératif que le législateur octroie plus de garantie au juge afin qu’il puisse exercer sa
mission sans risque de représailles sur le plan de sa carrière.

À l’analyse, il apparaît que le statut du juge administratif agissant en qualité de juge électoral
favorise pour une grande part le manque d’impartialité très souvent décrié dans le règlement
du contentieux électoral au Cameroun. Si la dépendance du juge administratif à l’égard du
pouvoir exécutif trouve une justification dans les règles statutaires qui le régissent, il n’en va
pas de même du Conseil constitutionnel juge des élections nationales dont les membres sont
nommés.

§ 2. L’EMPRISE INDIRECTE DANS L’OFFICE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL


Le statut de juge électoral conféré au Conseil constitutionnel a concouru à asseoir sa qualité
de juridiction, mettant ainsi un terme aux nombreux débats y afférents. Juge électoral dans le
contentieux des élections nationales, le Conseil constitutionnel joue un rôle éminent dans le
contrôle de la régularité, et surtout de la sincérité des processus électoraux dont il est chargé.
Selon le professeur Alain Didier Olinga, « la justice constitutionnelle et la contestation
juridictionnelle des aspects liés à la gestion des processus électoraux sont des problématiques
intimement liées ». En effet, considéré comme « le gardien de la démocratie » 1060, l’office du
Conseil constitutionnel dans le contrôle des élections nationales concourt à la régularité et la
légitimité de la dévolution du pouvoir politique au président de la République d’une part, et
aux députés d’autre part. Compétent en vertu des diverses dispositions constitutionnelles et
législatives de régler les différends nés de l’organisation des élections nationales, le Conseil
constitutionnel dont la structure demeure opaque et laconique, peine à asseoir sa légitimité,
notamment à susciter et conforter la confiance des électeurs dans son office. Selon le
professeur Alain Olinga, ce caractère brumeux relevée dans la physionomie organique et

1058 FRISON-ROCHE M.-A., « L’impartialité du juge », op. cit., p. 53.


1059 LIAMIDI BACHARD A., L’exercice des droits de la défense devant le juge d’instruction au Bénin, Mémoire de DEA,
FADESP/UAC, 2009, p. 39.
1060 DUHAMEL O., TUSSEAU G., Droit constitutionnel et institutions politiques, 4ème édition, Seuil, 2016, p. 734.

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fonctionnelle du Conseil constitutionnel est de nature à provoquer de multiples controverses,
et confère une allure de guet-apens procédural organisé au contentieux électoral 1061.

La question de l’emprise indirecte du pouvoir exécutif sur l’office du Conseil


constitutionnel, juge électoral, ne saurait être perçue comme dépourvue d’objet, puisqu’elle
entraîne comme corollaire, la liberté fonctionnelle du juge constitutionnel à l’occasion de son
office de juge électoral. Il est dès lors question de s’interroger sur les points qui peuvent prêter
le flanc à une influence du pouvoir exécutif dans l’action du Conseil constitutionnel. L’analyse
des textes qui régissent le statut du juge constitutionnel renvoie l’image d’un juge
constitutionnel dont l’apparente garantie statutaire (A) érode l’autonomie fonctionnelle (B).

A. L’inconsistante garantie statutaire du juge constitutionnel


Si à l’origine, beaucoup d’auteurs ont contesté la nature juridictionnelle du Conseil,
invoquant sa composition et le fait que d’une manière générale, sa mission n’était pas de
trancher les litiges, mais de statuer sur un point de droit constitutionnel 1062, l’on constate que
le Conseil constitutionnel a désormais assis sa notoriété de juridiction nonobstant son
rattachement à la politique. Initialement créé pour éliminer toutes velléités de prééminence du
parlement, le Conseil constitutionnel a depuis lors, connu une extension considérable de ses
compétences. Il apparaît aujourd’hui, davantage comme une juridiction qui contrôle et limite
l’action du gouvernement que comme son défenseur face au parlement 1063. Il est « une
juridiction politique suprême » 1064. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel assure la garantie de
la suprématie de la Constitution au moyen du contrôle de la constitutionnalité des lois d’une
part et celle des droits et libertés fondamentaux des citoyens au travers du contrôle de la
régularité des élections nationales considérées comme fondement du pouvoir politique dans
un État démocratique d’autre part. Selon les professeurs Wanda Mastor et Fabrice
Hourquebie, « il est classique de dire que la compétence électorale mue le juge constitutionnel
en juge ordinaire. Lorsqu’ils veillent à la régularité des élections nationales, les membres des

1061 OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à la sérénité de la
démocratie élective et à l’enracinement de l’État de droit ? le cas du Cameroun », in Conférence panafricaine des
présidents des Cours constitutionnelles et institutions comparables sur le renforcement de l’État de droit et la démocratie à
travers la justice constitutionnelle, Marrakech (Maroc), Centre Africain de Formation et de Recherche
Administrative pour le Développement-Fondation Hanns Seidel, 26-28 novembre 2012, 19 p. [en ligne]
site : http://www.cafrad.org/Workshops/Marrakech26-28_11_12/4_Olinga.pdf. (Consulté le
01/04/2015).
1062 FAVOREU L., PHILIP L., Le Conseil constitutionnel, 7ème édition mise à jour, Que sais-je, 2005, p. 4.
1063 FAVOREU L., PHILIP L., Le Conseil constitutionnel, ibidem, p. 4
1064 EINSENMANN Ch., La justice constitutionnelle et la haute Cour constitutionnelle d’Autriche, Paris, Economica, 1928,
p. 175.

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juridictions constitutionnelles (...) exercent une mission différente, une dualité de fonction
contentieuse en quelque sorte » 1065.

Juge de la régularité des élections nationales, en l’occurrence les élections présidentielles et


législatives, l’office du Conseil constitutionnel vise la consolidation de l’État de droit, puisqu’il
est considéré comme l’arbitre du jeu politique dont il garantit le bon déroulement 1066. Il en
résulte la nécessité pour ce dernier de remplir sa mission de manière indépendante et
impartiale. Il doit à cet égard faire preuve d’une certaine prudence et équité, puisque les
élections dont il assure la régularité constituent à la fois par leur symbolique, le nerf d’une
démocratie et le marqueur de son degré 1067. L’office du juge électoral doit être nécessairement
entouré de gages qui renforcent sa légitimité et qui le prémunissent de l’emprise des autres
pouvoirs, puisqu’il est perçu comme « le rouage décisif du fonctionnement de l’État de droit et
de l’ordre social 1068. La définition des règles statutaires qui garantissent l’indépendance des
juges constitutionnels s’avère en conséquence impérieuse. Pour Louis Favoreu, « toute
institution dont l’existence, le fonctionnement ou les attributions risquent d’être remis en
cause par le législateur ou par le gouvernement ne peut être considérée comme une Cour
constitutionnelle, ni d’ailleurs de manière générale comme une juridiction constitutionnelle »,
d’où la nécessité d’inscrire des dispositions nécessaires relatives à l’autonomie statutaire,
administrative et financière de l’institution dans la Constitution 1069.

S’il est certain que le Constituant camerounais offre certaines garanties statutaires au juge
constitutionnel dans le but de le protéger des pressions de tout autre pouvoir politique, l’on
note en revanche que celles-ci s’avèrent insuffisantes au regard du statut juridique du juge
constitutionnel. En premier lieu, l’architecture du Conseil constitutionnel a toujours fait l’objet
de vives critiques de la part des acteurs sociaux et politiques, eu égard à sa composition
hétéroclite de diverses personnalités désignées sur des fondements discrétionnaires et aux
protections de la fonction des conseillers constitutionnels (2).

1065 MASTOR W., HOURQUEBIE F., « Les Cours constitutionnelles et suprêmes étrangères et les élections
présidentielles », in Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n°34, (Dossier : élection présidentielle), janvier
2012, 16 p.
1066 MEUNIER J., « Les décisions du Conseil constitutionnel et le jeu politique », in Pouvoirs, n°105, 2003, p. 29-
40.
1067 MASTOR W., HOURQUEBIE F., « Les Cours constitutionnelles et suprêmes étrangères et les élections
présidentielles », op. cit., p. 3.
1068 MERCADAL B., « La légitimité du juge », in Revue internationale de droit comparé, vol. 54, n°2, avril-juin 2002,
p. 277-291. [En ligne] site : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-
3337_2002_num_54_2_18745. (Consulté le 09/04/2015).
1069 FAVOREU L., MASTOR W., Les Cours constitutionnelles, Paris, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 2016, p. 22.

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1. Un statut constitutionnel en apparence protecteur : la désignation du juge
constitutionnel
La désignation du juge constitutionnel est considérée comme une procédure permettant de
choisir une personne déterminée qui sera investie par la loi de cette qualité, pour une période
prédéfinie. Certes, les modes de désignation sont multiples 1070 et varient en fonction de la
mission qui est dévolue à la personne choisie, il convient cependant de préciser que notre
propos se limitera à l’analyse de la nomination d’une part, et de l’accession de plein droit des
anciens présidents de la République, procédés de désignation ayant cours au Cameroun.

Empruntée du latin nominatio, et du verbe nominare qui signifie nommer, la nomination se


définit comme le choix par une autorité de la personne à investir d’un mandat, d’une fonction
ou d’une dignité. Elle est « par opposition à l’élection, l’opération par laquelle un seul investit
une personne d’une fonction » 1071. Elle est considérée comme le procédé le plus fréquemment
employé par l’État dans l’accomplissement de ses missions régaliennes. La nomination des
conseillers des Conseils ou Cours constitutionnel (les) calquée sur le modèle français, constitue
le procédé par excellence de désignation des membres du Conseil constitutionnel en Afrique
et au Cameroun en particulier 1072, même si l’on se rend compte que plusieurs États européens
ont opté soit pour un système d’élection, soit pour un système mixte qui permet d’agréger le
procédé de nomination à celui de l’élection 1073.

1070 L’accession d’une personne à un poste ou à une fonction s’effectue selon les cas, soit par une auto-
désignation, soit par la voie d’une élection, d’une nomination, d’un tirage au sort ou d’une automaticité qui
permet dans certaines situations, l’accession de plein droit des personnes présentant certaines qualités. Lire
également sur la question, THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, Clermont-Ferrand Fondation
Varenne, Paris, L.G.D.J., collection des thèses, n°38, 2010, p. 138.
1071 Vocabulaire juridique, op. cit., p. 684.
1072 S’il est indéniable que les dénominations des juridictions constitutionnelles varient en fonction des États,
l’on observe que le procédé de désignation constitue leur point de convergence, nonobstant l’existence de
certaines disparités liées à leur nombre, à la durée de leur mandat, et aux autorités de nomination.
L’énumération des États africains ci-dessous recensés, n’est pas exhaustive et se fonde sur une base
purement aléatoire. Dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest tels que le Bénin, et le Sénégal, la Cour ou le
conseil constitutionnel (le) est composé(e) des membres nommés. Au Bénin, La Cour constitutionnelle est
composée de sept (07) membres nommés conjointement par le bureau de l’Assemblée nationale et la
président de la République(article 115 de la Constitution du Bénin) ; Le conseil constitutionnel sénégalais
quant à lui comprend sept (07) membres dont un président, un vice-président et cinq juges nommés par le
président de la République (article 89 de la loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision
de la Constitution). En Afrique centrale, les juridictions constitutionnelles du Gabon, et du Tchad, sont
composées de membres nommés. Au Gabon, la Cour constitutionnelle se compose de neuf (09) membres
nommés par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale
(article 89 (L. 47/2010 du 12 janvier 2011) de la Constitution de la République du Gabon révisée par la loi
n°047/2010 du 12 janvier 2011; s’agissant du Tchad, l’on note que son Conseil constitutionnel est constitué
de neuf (09) membres désignés par les présidents de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat
(article 165 de la Constitution du 31 mars 1996 révisée suite au référendum du 6 juin 2005).
1073 Si les modèles de justice constitutionnelle français, et américain reposent sur la nomination des juges—aux
États-Unis, les juges constitutionnels sont nommés soit pour une durée limitée, soit jusqu’à ce qu’ils
atteignent la limite d’âge. En France, les conseillers constitutionnels sont nommés par trois personnalités
politiques que sont, les présidents de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat—, l’on constate

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Le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel revêt un intérêt
indéniable lié à la légitimité des juges constitutionnels. En admettant comme l’affirme le
professeur Barthélémy Mercadal qu’ aucun mode de recrutement ne paraît en soi en mesure de
garantir la présence des aptitudes requises en la personne recrutée comme juge, il convient de
relever tout de même qu’un juge bien choisi peut être un bon juge 1074, parce que « le
recrutement d’une juridiction investie d’une si haute mission et de pouvoirs si considérables
pose (...) un délicat problème » 1075.

Institué par le titre VII de la Constitution, le Conseil constitutionnel camerounais


comprend outre les anciens présidents de la République, membres de droit à vie, onze (11)
membres nommés de manière quadripartite pour un mandat de six (06) ans renouvelable
éventuellement 1076 par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale
après avis du bureau ; le président du Sénat, après avis du bureau ; et le Conseil supérieur de la
magistrature 1077. Si la coloration politique des autorités de nomination des conseillers
constitutionnels paraît de prime abord protectrice, l’on note qu’elle n’est pas de nature à
concourir à la sérénité des électeurs et pourrait juguler la juridictionnalisation de l’office du
Conseil constitutionnel, puisque sa légitimité s’enracine dans les conditions qui rendent
vraisemblable son aptitude à bien juger 1078. La nomination des juges constitutionnels soulève
la question de leur indépendance fonctionnelle eu égard au statut des autorités de nomination.
Monsieur Julien Thomas souligne dans ce sens que la nomination doit permettre aux
conseillers de profiter de la légitimité des personnalités les ayant choisis, selon un phénomène
de « transitivité » qui s’entend comme le fait de bénéficier de l’aura de l’autorité politique et
morale de l’autorité de nomination 1079. Assurément, ce raisonnement pourrait sembler idoine
pour renforcer la légitimité des conseillers, mais l’on constate que les autorités de nomination
étant des personnalités politiques ayant des liens étroits avec le pouvoir en place, le risque
encouru est que le pouvoir exécutif exerce une influence indirecte dans l’office des conseillers

que certains pays tels que l’Allemagne, la Suisse, et le Portugal, ont choisi le procédé de l’élection des juges
constitutionnels, tandis que la Belgique, l’Espagne, l’Italie et le Portugal ont adopté le système mixte.
Lire sur la question, Sénat-Service des études juridiques, La composition des Cours constitutionnelles, Les
documents de travail du Sénat, Série étude de législation comparée, n° LC 179-1 novembre 2007, 44 p. [En
ligne], disponible sur : http://www.senat.fr/lc/lc179/lc179.pdf. (Consulté le 26/04/2015).
1074 MERCADAL B., « La légitimité du juge », in Revue internationale de droit comparé, op. cit., p. 279.
1075 EINSENMANN Ch., La justice constitutionnelle et la haute cour constitutionnelle d’Autriche, op. cit., p. 175.
1076 Article 51 alinéa 1 (nouveau) modifié par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin
1972.
1077 Articles 51 alinéa1 et 7alinéa 1 respectivement, de la Constitution et de la loi portant organisation et
fonctionnement du Conseil constitutionnel.
1078 MERCADAL B., « La légitimité du juge », ibidem, p. 279.
1079 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, op.cit., p. 140.

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constitutionnels en raison des intérêts partisans qui ne leur permettent pas totalement de
s’objecter au pouvoir majoritaire.

Si l’on ne saurait a priori parler de l’emprise du pouvoir exécutif dans l’office du Conseil
constitutionnel en se fondant sur sa composition, —puisque le pouvoir de nomination en lui-
même ne saurait constitué un facteur sujétion—, il faudrait reconnaître eu égard au contexte
camerounais, que ce préalable est faussé par le fait majoritaire qui établit une prépondérance
du parti au pouvoir au sein du Parlement et un devoir d’allégeance des membres du Conseil
supérieur de la magistrature composé de magistrats nommés.

Si le débat autour du procédé de désignation par voie de nomination en France 1080 ne pose
plus de difficultés majeures quant à la légitimité des juges constitutionnels 1081, au Cameroun
en revanche, la nomination des membres des juridictions constitutionnelles pose
essentiellement le problème de la politisation de l’institution et celui de la légitimité de ses
membres 1082. Si les conseillers constitutionnels étaient soumis à un régime relativement
protecteur en raison de la longueur de leur mandat neuf (09) ans non renouvelable, de leur
inamovibilité, et de l’organisation d’un régime qui protègeait la fonction au travers de

1080 Aux termes de l’article 56 alinéa 2 de la Constitution française de 1958, le conseil constitutionnel est
composé de neuf (09) membres nommés de manière égalitaire par le président de la République (03), le
président de l’Assemblée nationale (03) et le président du Sénat (03) et de membres de droit qui sont les
anciens président de la République.
1081 En France, l’on remarque que, si la nomination des membres du Conseil constitutionnel est guidée par des
intérêts politiques, elle ne saurait constituée un instrument de dépendance à l’égard de l’autorité de
nomination. En effet, une fois nommés, les membres du Conseil constitutionnel s’émancipent de l’autorité
de nomination qui n’exerce généralement aucune forme de pression sur ceux-ci. Pour Georges Vedel, « de
l’extérieur on n’imagine pas quelque chose de très important, à savoir que la fonction saisit l’homme quand
c’est un honnête homme (...). Le professeur Jean-Claude Colliard quant à lui soulignait dans un numéro
spécial des cahiers du Conseil constitutionnel, qu’en « neuf ans, je n’ai pas reçu une seule fois un « conseil »
de mon autorité de nomination (...) », etc. Lire sur la question, LEMAIRE E., « Dans les coulisses du Conseil
constitutionnel. Comment le rôle de gardien des droits et libertés constitutionnellement garantis est-il
conçu par les membres de l’institution ? », in Jus Politicum, n°7-2012, 41 p. [En ligne], disponible sur
http://www.juspoliticum.com/IMG/pdf/JP7_Lemaire_PDF_corr01cat.pdf. (Consulté le 04/05/2015).
1082 La représentation politique au sein du Parlement ne concourt pas une nomination impartiale des conseillers
censés être recrutés parmi les personnalités de réputation professionnelle établie, et jouissant d’une grande
intégrité morale et d’une compétence reconnue, puisque l’on observe une inégalité flagrante dans la
représentation politique des partis politiques. En effet, l’analyse de la scène politique camerounaise depuis
le retour au multipartisme, permet de constater que le RDPC, parti au pouvoir, a conservé la majorité
écrasante au sein de l’Assemblée nationale, et depuis le 29 avril 2013 a obtenu la majorité au sein du Sénat,
suite à l’organisation de la toute première élection d’une partie des membres du Sénat au Cameroun.
S’agissant de la nomination des conseillers par le Conseil supérieur de la magistrature, l’on note que la
neutralité de cette institution pourrait être sujette à caution en raison de sa composition et de son
fonctionnement qui contiennent des facteurs d’allégeance au pouvoir exécutif.
Lire sur cette question, MACK-KIT S., « Les élections au Cameroun », in Recherches internationales, n°80,
octobre-décembre 2007, p. 23-36. [En ligne], site : http://paul-
langevin.fr/recherinter/RI80_pdf_2/RI80_Mack-Kit.pd. (Consulté le 10/05/2014).

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l’inviolabilité du siège et des incompatibilité avec d’autres fonctions 1083, on remarque que les
nouvelles dispositions liées au caractère éventuellement renouvelable du mandat des
conseillers constitutionnels concourent à l’ébranlement de l’indépendance et l’impartialité de
ceux-ci 1084. Le Constituant camerounais ayant organisé de manière laconique les conditions de
désignation des conseillers constitutionnels, celles-ci se révèlent évasives en ce qui concerne
leurs qualité et leurs aptitudes. Les textes juridiques se limitent à la simple mention d’une
« réputation professionnelle établie » et d’une grande intégrité morale et d’une compétence
reconnue. Ces deux éléments pourtant insuffisants pour garantir la qualité intellectuelle des
conseillers chargés de régler des questions de droit qui leur sont soumises, laissent un immense
pouvoir discrétionnaire aux autorités de nomination. Cette imprécision des critères de
nomination prête ainsi le flanc à une part importante de subjectivité dans la nomination à la
prestigieuse fonction de membre du Conseil constitutionnel. Il en résulte qu’au Cameroun, le
choix des personnes à nommer peut subjectivement reposer moins sur des aptitudes
intellectuelles et la probité de la personne concernée, mais davantage sur des considérations
soit personnelles —par exemple, récompenser quelqu’un qui a agi dans le sens escompté ;
remercier un proche—, soit politiques —notamment la prise en compte de l’équilibre
régional—.

L’analyse des dispositions textuelles de certains États européens 1085 et africains laisse
transparaître une réglementation statutaire plus ou moins achevée et protectrice. Les
Constituants prévoient des critères déterminés servant de fil conducteur pour la nomination

1083 Les articles 51 alinéa 1 de la Constitution camerounaise et 9 de la loi n°2004/005 du 21 avril2004 fixant le
statut des membres du Conseil constitutionnel disposent que le Conseil constitutionnel comprend onze
(11) membres inamovibles désignés pour un mandat de neuf (9) ans non renouvelable, ce qui implique
l’adoption d’un régime de renouvellement intégral des conseillers constitutionnels.
1084 L’article 51 alinéa 1 (nouveau) modifié par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin
1972 dispose que le mandat des membres du Conseil constitutionnel est de six (06) ans éventuellement
renouvelable.
1085 En Allemagne, les juges constitutionnels doivent avoir quarante ans révolus, être éligibles au Bundestag, avoir
rédigé une lettre de motivation, et posséder le « Certificat d’aptitudes aux fonctions de juge » ; concernant la
Belgique, la loi spéciale de la Cour d’arbitrage dispose que les futurs juges constitutionnels doivent être âgés
d’au moins quarante ans et remplir l’une des conditions relatives soit à l’occupation pendant cinq ans au
moins d’un poste de magistrat à la Cour de cassation ou au Conseil constitutionnel, de juriste chargé
d’assister les membres de la Cour constitutionnelle ou de professeur de droit dans une Université, soit à
l’exercice de la fonction de parlementaire pendant cinq ans au moins, au niveau fédéral, communautaire ou
régional ; en Espagne, les membres du Tribunal constitutionnel sont nommés parmi les magistrats du siège
et du parquet, les professeurs d’université, les fonctionnaires et les avocats, et doivent tous être des juristes
aux compétences reconnues. Il convient de préciser que le modèle américain, même s’il repose sur la
nomination des membres du Conseil ou de la Cour constitutionnel(le), possède un régime distinct de celui
des pays européens. Aucune qualification n’est requise, puisque les membres de la Cour sont
traditionnellement des juristes. L’on note cependant que nonobstant la souplesse des qualifications
requises, un accent particulier est mis sur l’origine ethnique, religieuse, le sexe des futurs juges
constitutionnels, afin de représenter la diversité de la société américaine.

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des membres du Conseil constitutionnel. Dans les pays tels que le Bénin 1086, le Sénégal 1087, le
Tchad 1088 et le Gabon 1089 les autorités de nomination sont tenues de prendre en compte les
qualités professionnelles —qui mettent un accent particulier sur la profession de juriste—
prédéfinies par le Constituant. Charles Einsenmann soulignait sur la question que même s’il
existe plusieurs modes de recrutement des juges constitutionnels, celui fondé sur l’appel de
droit en raison d’une fonction peut garantir que les considérations politiques n’aient pas
d’influence sur la composition du collège des juges constitutionnels 1090. En définitive, on voit
bien qu’il est nécessaire que les juristes soient intégrés dans la composition du Conseil
constitutionnel. Il se pose toutefois la question de savoir si la qualité professionnelle de ces
derniers est en elle-même constitutive d’une garantie d’indépendance à l’égard du pouvoir
exécutif. D’évidence la réponse mérite d’être nuancée, puisque « les probabilités de mise en
cause de l’impartialité peuvent varier en fonction du profil du juge constitutionnel » 1091.
Assurément, « l’accession à une fonction, quelle qu’elle soit, doit procéder d’un acte
permettant de distinguer celui ou celle qui obtient la charge de ceux qui ne l’obtiennent
pas » 1092. Il importe à cet égard de relever que le choix discrétionnaire accordé aux autorités de

1086 Eu égard aux dispositions de l’article115 de la loi de la loi n° 90- 32 du 11 Décembre 1990 portant
constitution de la République du Bénin, trois membres de la Cour constitutionnelle sont des magistrats
ayant une expérience de quinze (15) années au moins, et les deux autres des personnalités de grandes
réputations professionnelles.
1087 Le constituant sénégalais fonde les critères de sélection des membres du Conseil constitutionnel sur leur
ancienneté dans des fonctions de juristes praticiens ou théoriciens. Aux termes de l’article 4 de la loi n°92-
23 du 30 mai 1992 sur le conseil constitutionnel modifié par la loi n°99-71 du 17 février 1999, peuvent être
choisis comme membres du Conseil constitutionnels, les anciens Premiers présidents de la Cour suprême,
et de la Cour de cassation ; le président et les anciens présidents du Conseil d’État ; les anciens procureurs
généraux près la Cour suprême ; le procureur général près la Cour de cassation et les anciens procureurs
généraux près la Cour de cassation ; les anciens présidents de section à la Cour suprême ; les présidents de
section et anciens présidents de section au Conseil d’État ; les présidents et anciens présidents de Chambre
à la Cour de cassation, les anciens Premiers avocats généraux près la Cour suprême, le Premier avocat
général et les anciens Premiers avocats généraux près la Cour de cassation ; les Premiers présidents et
anciens Premiers présidents des Cours d’appel ; les procureurs, généraux et anciens procureurs généraux
près les Cour d’appel. Par ailleurs, deux membres sur cinq peuvent être soit des professeurs et anciens
professeurs titulaires des facultés de Droit, soit des inspecteurs généraux d’État et anciens inspecteurs
généraux d’État, et soit des avocats, à condition qu’ils aient au moins vingt-cinq ans d’ancienneté dans la
fonction publique ou vingt-cinq d’exercice de leur profession.
1088 Le constituant tchadien quant à lui prévoit un Conseil constitutionnel composé trois (3) magistrats et six
(6)juristes de haut niveau.
1089 L’article 89 de la Constitution gabonaise dispose que « chacune des autorités visées à l’alinéa précédent
désigne obligatoirement deux (2) juristes dont au moins un Magistrat choisi sur une liste d'aptitude établie
par le Conseil Supérieur de la Magistrature ». À titre principal, les conseillers sont choisis parmi les
professeurs de droit, les avocats et les magistrats ayant au moins quarante (40) ans d’âge et quinze (15) ans
d’expérience professionnelle, ainsi que les personnalités qualifiées ayant honoré le service de l’État et âgées
d'au moins quarante (40) ans.
1090 EINSENMANN Ch., La justice constitutionnelle et la haute Cour d’Autriche, op. cit., p. 176.
1091 DEUMIER P. ; « Le Conseil constitutionnel, juridiction impartiale et indépendante ? », op. cit., p. 484.
1092 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, op.cit., p. 138-142.

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nomination pourrait provoquer la désignation des juges incompétents ou nommés par
convenance personnelle 1093, alors qu’il est essentiel que les décisions des juges constitutionnels
soient fondées non sur des considérations d’opportunités politiques, mais sur des arguments
juridiques, d’où la nécessité de les responsabiliser en restreignant leur liberté de
nomination 1094. Il pourrait ainsi s’agir pour le constituant de prédéfinir le profil des membres
du Conseil constitutionnel comme cela se passe dans la majorité d’États démocratiques afin de
prévenir tout risque d’arbitraire pouvant aboutir à une situation de désordre constitutionnel.

S’il est incontestable que le constituant camerounais a entendu conférer des garanties
personnelles et organiques au juge constitutionnel, l’on relève en revanche que celles-ci sont
insuffisantes et ne concourent pas à produire un cadre de totale indépendance et impartialité.
Il en résulte la nécessité de rationnaliser et d’apurer les diverses dispositions qui régissent le
statut du juge constitutionnel afin de corriger les insuffisances relevées en vue d’asseoir la
crédibilité et partant la légitimité de cette institution considérée comme une « poupée
russe » 1095. Le Constituant camerounais pourrait dans cette veine clarifier les critères de
nomination auxquels seraient subordonnés les conseillers, notamment sur les points relatifs à
leurs aptitudes intellectuelles, leur âge, etc. Il pourrait par ailleurs rigidifier les modalités de
nomination en permettant, comme cela se passe aux États-Unis, que les personnes à nommer
soient auditionnées par une commission qui émettra une recommandation, afin de tester leurs
aptitudes intellectuelles et morales. La question liée au statut des membres du Conseil
constitutionnel demeure d’actualité, puisqu’elle soulève des interrogations relative à son
indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et à la protection de la fonction des conseillers
constitutionnels.

1093 La nomination par convenance personnelle comporte certes l’avantage que le désigné est une personne
connue que l’on estime, le danger apparaît lorsque le nommé fait prévaloir sa reconnaissance à l’égard de
l’autorité de nomination au détriment de l’intérêt de l’institution.
Le professeur Fabrice Hourquebie décrit cette situation comme permettant d’entretenir une sorte
d’activisme pour plaire au pouvoir. Selon lui, la situation de crise postélectorale qui a prévalu en Côte-
d’Ivoire, à l’occasion de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, a été favorisée par l’activisme
politique et militant du juge constitutionnel Paul Yao N’Dré, considéré comme un proche de monsieur
Laurent Gbagbo, à l’époque président sortant et candidat à l’élection présidentielle. HOURQUEBIE F.,
« L’indépendance de la justice dans les pays francophones », op. cit., p. 6.
1094 Selon monsieur Julien Thomas, il est indispensable, nonobstant les motivations fondées sur des affinités
personnelles, que le juge constitutionnel ait soit des connaissances juridiques résultant d’une formation
spécifique ou professionnelle, soit la propension à l’indépendance d’esprit acquise dans la pratique politique
et institutionnelle, et témoignant de leur probité. THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, ibidem,
p. 146.
1095 Propos du doyen Magloire Ondoa, à l’occasion de la 32 ème conférence de la grande palabre tenue le 28
novembre à Yaoundé sous le thème : La mise en place du Conseil constitutionnel et son impact sur l’ordre
constitutionnel camerounais ». MONO A., « Le Conseil constitutionnel camerounais ne sera qu’une autre
« poupée russe » », in La Grande palabre-Le messager, novembre 2014. [En ligne], disponible sur :
http://lesmiserables.mondoblog.org/2013/11/29/le-conseil-conseil-constitutionnel-camerounais-ne-sera-
quune-autre-poupee-russe/. (Consulté le 28/04/2015).

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2. La précaire protection de la fonction des membres du Conseil constitutionnel
L’office du juge soulève de manière générale, la question de son indépendance puisqu’il est
appelé à rendre une justice impartiale et équitable. L’indépendance de la justice est considérée
par le professeur Guy Carcassonne comme un droit 1096. Il importe ainsi que des règles
statutaires relatives à la protection contre les pressions extérieures soient édictées par le
Constituant afin de garantir l’indépendance, la légitimité et la dignité des fonctions du juge
constitutionnel, les règles statutaires appliquées au juge constitutionnel 1097.

Si le Constituant camerounais a opté pour un mandat à renouvellement intégral afin


d’exclure tout risque de manipulation et d’allégeance à l’autorité de nomination, l’on note que
les membres du Conseil constitutionnel jouissent en outre de diverses garanties dans l’exercice
de leur fonction, puisque comme l’affirme Monsieur Julien Thomas, « chaque incident ou cas
problématique tenant au comportement d’un ou plusieurs membres du Conseil constitutionnel
peut suffire à faire douter de toute l’institution » 1098. Pour Madame Noëlle Lenoir, le métier de
juge constitutionnel est passionnant en ce sens qu’il confère le privilège d’intéresser ce dernier
à tous les grands choix de la société en les rapportant aux valeurs exprimées par la
Constitution » 1099. La protection de la fonction des conseillers constitutionnels organisée par
diverses dispositions textuelles, doit ainsi s’analyser tant sur le plan des obligations qui
concourent à la protection de la dignité de la fonction des conseillers que sur les avantages et
privilèges rattachés à leur statut. Toutefois, en admettant que l’objectif recherché par le
constituant est la garantie de l’indépendance du conseiller constitutionnel, « condition de la
légitimité morale de [sa] fonction » 1100, il ne faudrait pas perdre de vue le fait que les diverses
obligations auxquelles les conseillers sont soumis restreignent leur libertés fondamentales, à
l’inverse du système français qui paraît plus souple 1101.

1096 CARCASSONNE G., « Rapport introductif », in AHJUCAF- L’indépendance de la justice-Actes du 2ème congrès de
l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF), p. 31-41.
1097 Lire sur la question, DEUMIER P., « Le Conseil constitutionnel, juridiction impartiale et indépendante ? », in
RTD civ, 2012, p. 481-487.
1098 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, ibidem, p. 180.
1099 LENOIR N., « Le métier de juge constitutionnel », in Conseil constitutionnel, 11 p. [En ligne], disponible sur :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/pdf/conseil-constitutionnel-
25704.pdf. (Consulté le 20/04/2015).
1100 LENOIR N., « Le métier de juge constitutionnel », ibidem, p. 6
1101 Le statut des membres du Conseil constitutionnel frnaçais est en partie défini par l'ordonnance du 7
novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel, plusieurs fois modifiée, et, à titre
complémentaire, par un décret du 13 novembre 1959 relatif à leurs obligations. Celles-ci se définissent
principalement par l'obligation de réserve qu'ils sont tenus de respecter, et par le régime strict des
incompatibilités qui leur est applicable. Le régime des incompatibilités prescrit par l'article 57 de la
Constitution interdit le cumul de la fonction de membre du Conseil constitutionnel avec celle de ministre
ou de membre du Parlement. L'ordonnance du 7 novembre 1958 complète et précise l'article 57 de la
Constitution, disposant en particulier que les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont
incompatibles avec celles de membre du Conseil économique, social et environnemental. Elles sont

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Les dispositions des articles 3 1102, 5, 6, 7 et 8, de la loi portant statut des membres du
Conseil constitutionnel fixent en des termes déontologiques 1103 les obligations qui pèsent sur
les membres du Conseil constitutionnel. Celles-ci sont tributaires du régime de leurs
incompatibilités 1104 et s’énoncent à travers l’impossibilité d’exercer simultanément soit son
ancienne fonction et celle de conseiller, soit de postuler à un nouvelle sans démission
préalable. Même si ces obligations concourent à la protection de l’intégrité et la dignité de la
fonction de conseiller, il convient de reconnaître que le risque encouru ici est l’isolement de
ces derniers des intérêts extérieurs 1105. En effet, l’on remarque au Cameroun que le conseiller
constitutionnel est totalement coupé de son passé, notamment de la profession qu’il exerçait
avant sa nomination. Il ne peut ni continuer à plaider, si la personnalité nommée est un avocat
de renom, ni enseigner, ni même participer aux activités politiques en qualité de responsable.
Par ailleurs, ils sont tenus par l’obligation de réserve et de discrétion professionnelle qui les
suivent même après la cessation de leurs fonctions. En France en revanche, l’obligation de

également incompatibles avec l'exercice de tout mandat électoral. En vertu de la loi organique n° 2013-906
du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, l'exercice des fonctions de membre du
Conseil constitutionnel est incompatible avec l'exercice de toute fonction publique et de toute autre activité
professionnelle ou salariée, en particulier avec l'exercice de la profession d'avocat. Les membres du Conseil
constitutionnel peuvent toutefois se livrer à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques. Pendant la
durée de leurs fonctions, les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être nommés à aucun emploi
public ni, s'ils sont fonctionnaires publics, recevoir une promotion au choix. Enfin, le décret du 13
novembre 1959 leur interdit d'occuper pendant la durée des fonctions tout poste de responsabilité ou de
direction au sein d'un parti ou groupement politique. En cas de difficulté, le Conseil statue sur la
compatibilité entre la qualité de membre et l'activité en cause. Disponible en ligne, sur :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/le-conseil-constitutionnel/les-
membres-du-conseil/statut-des-membres/statut-des-membres.16309.html. (Consulté le 15/02/2016).
1102 Les conseillers constitutionnels jurent de remplir fidèlement leurs fonctions en toute impartialité, dans le
respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position
publique, ou donner des consultations sur les questions relevant de leur compétence.
1103 L’on constate que le choix du législateur camerounais d’employer le verbe abstenir plutôt qu’un autre verbe
plus contraignant révèle non pas une obligation péremptoire, mais un appel à la conscience personnelle des
membres du conseil constitutionnel à s’engager librement à ne pas exercer des fonctions qui pourraient être
incompatibles avec celles de conseiller.
1104 Aux termes des dispositions de l’article 8, les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont
incompatibles avec la qualité de membre du Gouvernement ; du Conseil économique et social ; de la Cour
suprême, et de l’exercice de tout mandat électif ou de tout autre emploi public, civil ou militaire ; toute
autre activité professionnelle privée pouvant affecter son honorabilité, son impartialité, son intégrité, sa
neutralité et son honnêteté intellectuelle; de toute fonction de représentation nationale.
Les membres du Conseil constitutionnel doivent, nonobstant l’astreinte à l’obligation de réserve et de
discrétion professionnelle, s’abstenir de prendre une position publique ou de consulter sur des questions
ayant fait ou étant susceptibles de faire l'objet de décisions du Conseil Constitutionnel; de plaider ou de
participer à un arbitrage —s’il s’agit d’un avocat— ; d'occuper au sein d'un parti ou d'une" formation
politique, d'une association partisane ou syndicale, tout poste de responsabilité ou de direction et, de façon
plus générale, de faire apparaître de quelque manière que ce soit leur appartenance politique ou syndicale ;
d'exciper ou de laisser user de leur" qualité dans des entreprises financières, industrielles, commerciales ou
dans l'exercice des professions libérales ou autres et, d'une façon générale, d'user de leur titre pour des
motifs autres que ceux relatifs à l'exercice de leur mandat.
1105 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, op. cit., p. 180.

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réserve imposée aux membres du Conseil constitutionnel est appréciée de manière
particulièrement libérale. Ces derniers jouissent de diverses libertés tant sur le plan
professionnel 1106 que partisan 1107, puisqu’ils sont censés informés le président du Conseil
constitutionnel des changements qui sont survenus dans leurs activités extérieures au
Conseil 1108. Le contenu de l’article 3 du décret du 13 novembre 1959 sur les obligations des
membres du Conseil constitutionnel révèle la possibilité offerte aux conseillers de continuer à
exercer leurs fonctions —même si elle peuvent être réduites de moitié, comme c’est le cas
pour les enseignants—, puisque la fonction de conseiller s’apparente à une parenthèse dans la
vie de la personne nommée dont la profession d’origine reprend à la fin du mandat 1109. Ces
dispositions, si elles paraissent favorables, posent néanmoins une difficulté ayant trait au
fonctionnement de l’institution, surtout en ce qui concerne la demande de mise en congé des
conseillers 1110. On pourrait dans cette hypothèse, comme le relève justement Monsieur Julien
Thomas, voir l’image d’un juge impliqué politiquement, puisque la mise en congé ou en
disponibilité d’un conseiller pour prendre part à la campagne électorale, le suspend
partiellement de son serment, et lui permet de participer à des débats politiques 1111. Par
ailleurs, il convient de relever concernant les obligations de réserve et de discrétion
professionnelles imposées aux membres du Conseil constitutionnel, qu’elles sont interprétées
de manière souple, eu égard aux multiples communications et publications effectuées par les
anciens membres du Conseil constitutionnel, soit sur le métier ou le fonctionnement de cette
institution 1112. Les membres du Conseil constitutionnel français jouissent, nonobstant les
obligations qui leur sont imposées, de diverses garanties organiques en l’occurrence les
avantages, privilèges et immunités qui sont rattachés à leur statut. Prévus par les articles 9 à 17

1106 L’article 4 alinéa 5 de l’Ordonnance n°58-1067 du 17 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel dispose que les membres du Conseil constitutionnel peuvent solliciter un mandat électif
sous réserve d’une demande de mise en congé qui est de droit, pour la durée de la campagne électorale.
1107 Conformément aux dispositions de l’article 4 du décret n°59-1292 du 13 novembre 1959.
1108 Article 3 du décret n°59-1292 du 13 novembre 1959.
1109 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, op. cit., p. 182.
1110 Madame Simone Veil, membre du Conseil constitutionnel avait invoqué les dispositions de l’article 4 du
décret du 13 novembre 1959 lors des élections référendaires de 2005, afin de participer à la campagne, et
d’être autorisée à s’exprimer publiquement sur certaines questions qui avaient d’ailleurs déjà fait l’objet
d’une décision du Conseil constitutionnel.
1111 THOMAS J., L’indépendance du Conseil constitutionnel, ibidem, p. 182-183.
1112 Il s’agit des publications des certains anciens membres tels que Noëlle LENOIR, « Le métier de juge
constitutionnel », in Conseil constitutionnel, 11 p. [En ligne], site : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/pdf/conseil-constitutionnel-25704.pdf. (Consulté le
20/04/2015) ; Elina LEMAIRE, « Dans les coulisses du Conseil constitutionnel. Comment le rôle de gardien
des droits et libertés constitutionnellement garantis est-il conçu par les membres de l’institution ? », in Jus
Politicum, n°7-2012, 41 p. ; Dominique SCHNAPPER, Une sociologue au Conseil constitutionnel, Paris, Gallimard,
2010, 464 p. ; Jean-Claude COLLIARD, « Neuf ans de bonheur », in Cahiers du Conseil constitutionnel, nº 25,
2008, p. 32-36.

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de la loi portant statut des membres du Conseil constitutionnel, les avantages, immunités et
privilèges conférés aux membres du Conseil constitutionnel ont pour vocation de les mettre à
l’abri de toute pression socio-économique. Il en résulte que les membres du Conseil
constitutionnel pourraient être considérés comme inamovibles, en ce sens que leur mandat ne
saurait être ni renouvelé, ni révoqué. Cette première garantie qui fait défaut aux magistrats de
l’ordre judiciaire, est salutaire pour l’indépendance et l’impartialité des membres du Conseils
constitutionnels qui pourront accomplir leur mission dans une totale sérénité, à l’abri des
pressions des autorités de nomination. Au surplus, l’on remarque que le mandat des conseillers
est inviolable et qu’à ce titre, sauf des cas de flagrant délit ou de condamnation définitive, ils
ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’arrestation, ou de détention sans autorisation du
Conseil constitutionnel 1113. De la même manière, ils sont revêtus d’une irresponsabilité
permanente, qui s’étend jusqu’à la cessation de leur mandat, puisqu’ils sont protégés contre les
menaces, outrages, attaques, poursuites en raison des opinions émises dans le cadre de
l’exercice de leurs fonctions. Il convient toutefois de préciser que cette immunité ne saurait
s’appliquer aux actes détachables de la fonction de conseiller, et aux actes liés aux
manquements de serment ou d’obligations. Par ailleurs, les membres du Conseil
constitutionnel tenus à l’obligation de réserve et de discrétion peuvent être poursuivis même
après la cessation de leur mandat en cas de violation de leur obligation 1114.

Pour ce qui est des avantages et privilèges, l’on note qu’à l’inverse d’autres États qui ont
choisi la réglementation par voie législative, le Cameroun a opté pour leur détermination par
voie réglementaire. Selon le professeur Marcelin Nguele Abada, ce procédé, s’il est avantageux
sur le plan économique, comporte un risque de fragilisation de l’indépendance et de la dignité
du Conseil constitutionnel, puisqu’une grande libéralité est laissé au pouvoir exécutif 1115. À
l’évidence, le régime statutaire des membres du conseil constitutionnel concourt à la garantie
tant organique que fonctionnelle de leur indépendance et de leur impartialité. Comme le relève
le professeur Francis Delpérée, « Hasard ou nécessité ? Peu importe. Le Conseil
constitutionnel s’est construit autant que la Constitution l’a mis en place. Il s’est affirmé

1113 L’article 10 de la loi n°2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel
dispose que lorsque la responsabilité d’un membre du Conseil constitutionnel est engagée, le ministre
chargé de la justice saisit le Président du Conseil Constitutionnel dans les meilleurs délais. Le Conseil
Constitutionnel statue sous huitaine à la majorité des deux tiers des membres le composant et par un vote à
bulletin secret. La décision motivée doit être notifiée au ministre chargé de la justice et communiquée sans
délai au président de la République, au président de l'Assemblée Nationale et au président du Sénat.
1114 Lire sur ce point, NGUELE ABADA M., « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le
constitutionnalisme des États francophone post-guerre froide : l’exemple du Conseil constitutionnel
camerounais », op. cit., p. 6.
1115 NGUELE ABADA M., « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des
États francophone post-guerre froide : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais », op. cit., p. 7.

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chemin faisant (...). La légitimité du Conseil n’est pas acquise. À supposer qu’elle le fût, elle ne
l’est pas indéfiniment. Il reste des résistances. Il y a des interférences » 1116.

B. L’érosion de l’autonomie du juge constitutionnel : l’immatérialité du


Conseil constitutionnel
Créé dans une mouvance de transition vers le pluralisme politique, le Conseil
constitutionnel camerounais, s’il a été institué par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996,
peine à se mettre effectivement en place. En admettant que l’adoption de deux lois relatives à
l’organisation et au fonctionnement du Conseil constitutionnel et au statut des membres du
Conseil constitutionnel 1117 a eu pour ambition de matérialiser cette institution, l’on constate
que la mise en place effective du Conseil constitutionnel se trouve paralysée par l’absence de
nomination des conseillers constitutionnels par les autorités habilitées. En effet, il convient de
s’étonner de l’inexistence d’un Conseil constitutionnel institué depuis vingt (20) ans, puisque si
l’on a longtemps justifié l’ineffectivité du Conseil constitutionnel par l’absence du Sénat, cette
justification est devenue sans objet depuis l’organisation de la première élection sénatoriale du
14 avril 2013.

Contrairement à d’autres pays africains 1118, il n’existe pas un Conseil constitutionnel


autonome au Cameroun. Les attributions de ce dernier étant exercées par la Cour suprême, il
se pose la question de l’indépendance des personnes qui siègent en lieu et place des Conseillers
constitutionnels eu égard à leur statut juridique. En effet, l’article 67 de la Constitution
camerounaise dispose à ce propos que, pendant sa mise en place et jusqu’à cette mise en place,
les institutions de la République actuelle demeurent et continuent de fonctionner. Il en résulte
que la Cour suprême exercera les attributions du Conseil constitutionnel jusqu’à la mise en
place de celui-ci. Cette disposition transitoire, si elle a eu le mérite d’apaiser l’opinion publique
quant à l’existence du Conseil constitutionnel, elle est en revanche porteuse des germes de sa
propre fragilisation. À l’inverse des dispositions régissant la création d’Elecam dans lesquelles
le législateur avait fixé une période prédéfinie pendant laquelle l’Onel devait continuer
d’exercer ses attributions en attendant la mise en place d’Elecam 1119, l’on remarque que le

1116 DELPÉRÉE Fr., « Le Conseil constitutionnel : état des lieux », in Pouvoirs, n°105, 2003, p. 5-16.
1117 Il s’agit des lois n°s 2004/004 et 005 du 21avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel d’une part, et fixant le statut des membres du conseil constitutionnel d’autre part.
1118 Dans certains pays comme le Bénin, l’on a assisté à l’investiture de la cinquième mandature de la Cour
constitutionnelle ; ou le remplacement de certains membres dont le mandat est arrivé à terme (au Sénégal,
les décrets présidentiels n°s 2009-01 du 6 janvier 2009, et 2010-1073 du 13 août 2010 nomment
respectivement, un vice-président et un membre du Conseil constitutionnel, puis un président du Conseil
constitutionnel ; au Tchad, le 11 avril 2008). La Cour constitutionnelle du Gabon quant à elle a rendu sa
toute première décision le 28 février 1992.
1119 L’article 42 alinéa3 (nouveau) de la loi n° 2008/005 du29 juin 2008 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement

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constituant a organisé de manière dilatoire, les termes de la mise en place du Conseil
constitutionnel, ouvrant ainsi le pan à de multiples atermoiements. Ce dernier aurait pourtant
apporté une avancée notoire à l’édifice constitutionnel, s’il avait agi de manière pragmatique en
prescrivant notamment, des modalités précises permettant l’opérationnalité du Conseil
constitutionnel.

L’immatérialité du Conseil constitutionnel se situe dès lors au centre des préoccupations


relatives à la légitimité des élus et à celle du juge en charge de régler le contentieux des
élections nationales. Selon le professeur Fabrice Hourquebie, « le domaine des élections
présidentielles est sans aucun doute celui qui permet de mesurer le degré d’indépendance
d’une juridiction qui aurait à connaître de son contentieux (...) » 1120. S’il est en effet
incontestable que les élections nationales occupent une place importante dans un État
démocratique, il est fondamental que les organes chargés du contentieux électoral soient
indépendants et exempts de tout soupçon de partialité. La dévolution des compétences du
Conseil constitutionnel à la Cour suprême biaise l’idée même de l’institutionnalisation d’un
organe suprême, statutairement préservé de toute inféodation aux pouvoirs existants. Il est
assez difficile de penser une Cour suprême siégeant en qualité de Conseil constitutionnel,
lorsqu’on sait que les membres de la Cour suprême sont des fonctionnaires hiérarchisés, alors
que les membres du Conseil constitutionnel sont nommés pour un mandat de six (06) ans
éventuellement renouvelable. Il serait dans ces conditions, logique de penser que
l’immatérialité du Conseil constitutionnel pourrait biaiser l’indépendance et l’impartialité du
juge électoral. Le professeur Fabrice Hourquebie remarque dans cet esprit qu’étant le
contentieux le plus politique en raison de la mobilisation du suffrage universel pour l’élection,
les juges constitutionnels sont dans une position particulièrement délicate et n’oseraient pas
s’attaquer directement à l’élection même si leur mission est de veiller à sa régularité
juridique 1121.

S’il est certain qu’il est impératif que le Conseil constitutionnel sorte de son état
d’hibernation, il convient de mentionner que les juges constitutionnels doivent être dotés de
davantage de garanties d’indépendance leur permettant de rendre des décisions crédibles et
justes. Le professeur Dominique Rousseau souligne à ce propos que le Conseil constitutionnel
doit exercer un contrôle plus ferme des élections afin de maintenir la croyance des citoyens en

d’Elections Cameroon (ELECAM), dispose que : « pendant la mise en place d’Elections Cameroon
(ELECAM) et jusqu’à cette mise en place qui ne peut excéder vingt-quatre (24) mois, l’Observatoire
national des élections (ONEL) et les autres structures compétentes de l’État continuent à exercer leurs
attributions respectives ».
1120 HOURQUEBIE F., « Les Cours constitutionnelles et suprêmes étrangères et les élections présidentielles », op.
cit., p. 7.
1121 HOURQUEBIE F., « Les Cours constitutionnelles et suprêmes étrangères et les élections présidentielles »,
ibidem, p. 4-7.

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la vertu de la légitimité démocratique 1122. À l’analyse, l’immatérialité du Conseil
constitutionnel ébranle le contrôle de la régularité des élections nationales réglé par la Cour
suprême, puisque certains de ses membres nommés restent à leur poste pendant plusieurs
années et sont portés à développer le culte de gratitude qui leur permettra soit d’être maintenu
à leur poste, soit d’être nommés à une fonction plus importante. Il faudrait ainsi que le
Constituant camerounais, à l’instar de ses homologues africains, se décide enfin à donner
corps à cette institution qui existe pourtant depuis deux décennies. Même si la mise en œuvre
du Conseil constitutionnel suit nécessairement un processus typique et ne survient pas
toujours de manière spontanée, l’on remarque que dans le contexte français, il s’est posé dès le
début de la cinquième République, l’impossibilité d’installer le Conseil constitutionnel avant le
déroulement des premières élections. Face à cette situation, le Constituant avait prévu dans les
dispositions transitoires, la création d’une Commission constitutionnelle 1123 qui s’est chargée
de veiller à la régularité des élections législatives organisées les 23 et 30 novembre 1958,
jusqu’au 16 février 1959, en attendant la formation du Conseil constitutionnel. Si
l’immatérialité du Conseil constitutionnel est attribuée au Constituant en raison de
l’imprécision des modalités de mise en œuvre, ce dernier ne saurait être le seul en cause
puisqu’il revient au président de la République qui dispose d’un compétence décrétale, d’initier
au regard du contexte actuel qui a vu la mise en place du Sénat, la nomination des conseillers
constitutionnels dotés d’un statut constitutionnel qui garantit leur autonomie.

Les qualités d’un juge étant autant multiples que difficiles, les juges africains et camerounais
en particulier, doivent s’affranchir du culte de gratitude qui paralyse leur office. Selon
monsieur Ousseini Ouédraogo, la consolidation de l’État de droit et de la démocratie en
Afrique nécessite la prise de conscience par les juges électoraux, de leur obligation de se libérer
des pressions politiques pour rendre des décisions juridiquement cohérentes et correctes 1124.
L’on attend à cet égard de ces derniers, qu’ils soient non pas une autorité qui applique
machinalement la loi, mais celle qui juge en toute impartialité, de manière à assurer un procès
juste et équitable aux justiciables. Mirabeau soulignait à juste titre à ce propos que « la justice
est un besoin de tous, et de chaque instant ; comme elle doit commander le respect, elle doit
inspirer la confiance » 1125. Il devient dès lors indispensable que le cadre juridique qui régit les
différentes procédures soit aménagé de sorte que tous les citoyens bénéficient d’un accès

1122 ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 364.


1123 La Commission constitutionnelle était composée de trois (03) hauts magistrats dont la notoriété participait
à la garantie de leur indépendance et leur légitimité.
1124 OUSSEINI O., Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de l’Ouest francophone, op. cit., p. 357.
1125 MIRABEAU, Discours sur l’organisation judiciaire, cité par FABREGUETTES M. P., La logique judiciaire et l’art de
juger, op. cit, p. 9.

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simplifié au juge.

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Conclusion du chapitre I du titre II

L’office du juge étant considéré comme la mission de dire le droit qui lui est dévolue,
l’efficacité de cette mission nécessite la prise en compte de plusieurs facteurs qui concourent à
l’accès au juge. Pour le professeur Mustapha Mekki, l’accès au droit et à la justice devrait
occuper une place centrale, sinon l’effectivité de tous les autres droits serait compromise, et
même l’existence de l’État de droit. Il poursuit en écrivant que l’accès à la justice permet de
s’assurer de la protection effective des droits en mettant à la disposition des justiciables des
juges compétents 1126. L’élection étant considérée comme une une procédure de legitimation
du pouvoir, il importe nécessairement que des mécanismes qui participent à sa garantie soient
mis en oeuvre afin de favoriser un accès égal, équitable et efficace à un juge indépendant et
impartial, afin de contester les manquements qui ont concouru à la violation des droits civils et
politiques reconnus aux citoyens. L’accès au juge implique que les juges compétents puissent
être dotés d’un statut qui garantit leur totale indépendance et impartialité à l’égard des
pouvoirs socio-politiques. Cela nécessite que le législateur camerounais puisse réaménager le
statut des juges en leur conférant des garanties telles que l’inamovibilité qui concourent à
asseoir l’autonomie, l’indépendance et l’impartialité des juges. Par ailleurs, il faudrait préciser
que la garantie des droits civils et politiques ne se limite pas à l’accès au juge, elle se refère
parallèlement à l’accès à la norme électorale qui permet aux citoyens de connaître et de
comprendre la portée des droits dont ils sont titulaires, d’où la nécessité de simplifier les lois
qui leur sont applicables et appliquées par un juge électoral hardi.

1126 MEKKi M, « L’accès au droit et l’accès à la justice », op. cit., p. 587.

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CHAPITRE II.

LA FRAGILISATION ENTRETENUE PAR LE JUGE LUI-MÊME

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La compétition électorale est considérée comme un procédé de légitimation du pouvoir. Il
importe à cet égard que le juge électoral puisse être entouré de toutes les garanties qui lui
assurent l’exercice d’un office actif, puisque son office vise le règlement juste, libre, équitable
et neutre des litiges électoraux qui lui sont soumis. S’il est incontestable que l’office du juge
électoral demeure fragilisé par de multiples pesanteurs, l’on doit relever que le juge lui-même
constitue un frein à l’efficacité de sa mission. Lorsque Mdame Simone Rozès écrit qu’il n’est
pas de société sans justice, pas de justice sans juge investis de l’audacieux pouvoir de la
rendre 1127. Elle fait assurément référence à la capacité du juge à appréhender l’importance de
son rôle au sein de la société et à la responsabilité de celui-ci à agir de manière juste et
équitable dans sa mission de garant des droits subjectifs des citoyens, notamment les libertés et
les droits fondamentaux des personnes.

Même si le juge électoral a le devoir de remplir un office juste et équitable, l’on observe que
celui-ci est quelquefois tenu par certaines considérations. Il apparaît dans cette hypothèse non
comme le « sanctionnateur » des fraudes et délits électoraux afin de garantir la régularité de
l’élection, mais comme celui qui ne s’intéresse qu’au contrôle de la sincérité du scrutin. Cette
autolimitation du juge électoral tranche avec la mission qui lui est dévolue par les textes
juridiques, puisqu’il est chargé de « veiller à la régularité de l’élection ». La régularité étant
entendue comme la conformité à la règle de droit, spécialement aux exigences de formes 1128.
L’on pourrait avancer l’idée selon laquelle le juge électoral ne remplit pas la mission qui lui est
dévolue, puisqu’il peut valider des opérations électorales entachées d’irrégularités lorsque
celles-ci n’ont eu auucune influence déterminante sur les résultats du scrutin. Il en résulte que
le juge électoral élude sa mission principale en adoptant une attitude qui restreint les larges
pouvoirs qui lui sont octroyés. Il opte pour une politique jurisprudentielle alternative qui allie
un contrôle minimal de la régularité (§ 1) à celui maximaliste de la sincérité du scrutin au grand
dam des électeurs qui ont l’impression de voir leurs droits civils et politiques bafoués et le
pouvoir politique usurpé (§ 2).

1127 ROZÈS S., « un profil nouveau pour les juges », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de
Roger Perrot, op. cit. p. 435.
1128 CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit., p. 885.

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SECTION I.

L’INTERPRÉTATION MINIMALISTE DE L’ÉTENDUE DE SON POUVOIR PAR LE


JUGE

La nécessaire garantie des droits civils et politiques des citoyens implique qu’un cadre
adéquat soit aménagé afin que le juge électoral puisse jouir de la plénitude de compétence qui
lui permet d’assurer efficacement sa mission. En ce qu’il est considéré comme un contentieux
de pleine juridiction, le contentieux électoral de par sa nature commande que le juge chargé de
trancher les contestations ou réclamations qui découlent de l’organisation des processus
électoraux soit doté de larges pouvoirs qui lui permettent de confirmer, annuler ou réformer
les résultats du scrutin. Il est dès lors important que le juge électoral soit conscient de la lourde
tâche de consolidation de la démocratie et de l’État de droit qui est sienne. Le professeur
Georges Wiederkehr écrivait à propos du pouvoir reconnu au juge que « l’exercice d’une
fonction suppose un pouvoir, et tout pouvoir a besoin de légitimité » 1129. S’il est incontestable
que le rôle du juge ne se cantonne pas à une simple « légidiction mécanique » 1130 car il est un
véritable acteur du système juridique qui dispose d’un pouvoir créateur de droit 1131. Il faudrait
ainsi reconnaître que le juge électoral peine à assumer le statut d’une autorité qui participe au
moyen de ses décisions à l’évolution du droit positif.

Parler de l’interprétation minimaliste du pouvoir du juge c’est poser la question des


méthodes qu’il emploie pour accomplir efficacement son office. Comme le mentionne à juste
titre le professeur Jean-Louis bergel, le rôle du juge consistant à apaiser les conflits, à trancher
les litiges et à légitimer les solutions qu’il retient, son office se situe dans la double perspective
de l’application, de l’interprétation et de l’évolution du droit 1132. L’action du juge électoral en
l’occurrence, devrait dès lors s’énoncer dans cette perspective et lui permettre de mettre en
exergue les pouvoirs exorbitants qui lui sont conférés. Il pourrait au travers de ses décisions,
adapter le droit aux changements incessants de la société, privilégiant sa conception de la
morale et de la politique sur la règle de droit en vigueur 1133. S’il est reconnu au juge le pouvoir
de surpasser le statut auquel le limitait Montesquieu, —celui d’un être inanimé qui n’est que la

1129 WIEDERKEHR G., « Qu’est-ce qu’un juge », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs-Mélanges en l’Honneur de Roger
Perrot, Paris, Dalloz, 1996, p.575-586.
1130 BERGEL J.-L., « Introduction générale », in L’office du juge, op. cit., p. 12.
1131 Article 4 du Code civil dispose que : « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité
ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »
1132 BERGEL J.-L., « Introduction générale », in L’office du juge, ibidem, p. 14.
1133 BERGEL J.-L., « Introduction générale », in L’office du juge, ibid., p. 15.

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bouche qui prononce les paroles de la loi—, l’on note en revanche qu’il appréhende
restrictivement la consistance de ses pouvoirs (§ 1) et se cantonne à l’exercice d’un contrôle de
convenance (§ 2).

§ 1. L’EXERCICE D’UN CONTRÔLE MINIMAL


Chargé de veiller à la régularité des processus électoraux, le juge électoral a la mission
d’assurer la garantie des droits civils et politiques des citoyens et celle de concourir à
l’édification de l’État de droit et la consoliation de la démocratie. Le contrôle de la régularité
des opérations électorales suppose dès lors que le juge électoral procède au contrôle et à la
sanction des violations faites à la norme électorale. L’examen de l’évolution du contentieux
électoral au Cameroun laisse transparaître l’attitude d’un juge électoral tourné non vers la
recherche de la régularité de l’élection, mais de la sincérité du scrutin reposant sur le critère de
l’influence. En admettant que le contrôle du juge électoral vise davantage la sincérité de
l’élection, l’on pourrait avancer l’idée selon laquelle les termes employés dans les textes
juridiques seraient dissonants, eu égard à l’office réel du juge électoral que Madame Moae
Vonsy décrit comme délicat. Selon elle, l’office du juge électoral le transforme quelquefois soit
en acrobate, soit en funambule condamné à l’équilibre précaire sur la corde raide du droit
tiraillé par des intérêts contraires 1134. La discordance relevée dans la formulation de la mission
confiée au juge électoral favorise le décalage constaté entre les attentes des citoyens qui
espèrent voir la sanction des irrégularités et l’attitude du juge électoral soucieux de rechercher
l’influence de l’irrégularité sur les résultats du scrutin, et participe à l’effritement de l’idée que
l’on se fait de l’office du juge électoral. Le professeur El Hadj Mbodj écrit dans ce sens que le
juge électoral serait devenu un véritable organe de droit commun de régulation normative en
général et de la dévolution électorale du pouvoir politique en particulier. Ainsi, face à la
volonté des gouvernants de sacraliser leur pouvoir en ayant recours au pouvoir judiciaire en
vue de la légitimation d’élections contestées 1135, l’on remarque que celui-ci est limité dans son
office car s’il n’a pas la possibilité de s’auto-saisir (B), le juge électoral procède à une
application machinale de la loi quand il est saisi d’une contestation visant la sanction d’une
violation à la loi électorale (A).

1134 MOEA V., »Actes de gouvernement et droit au juge, à propos de l’arrêt de la Cour européenne des droits de
l’Homme, 14 décembre 2006 Markovic c/ Italie, req. n° 1398/03 », in RFDA, 2008, p. 728-141.
1135 MBODJ E. H., « Le juge : un déterminant du processus électoral en Afrique ? », in Espaces du service public-
Mélanges en l’honneur de Jean du Bois de Gaudusson, contributions réunies par Ferdiand Mélin-Soucramanien,
tome I, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2013, p. 421-453.

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A. L’application restrictive de la loi
La mission du juge se résume de manière générale à trancher les litiges qui lui sont soumis
conformément à la règle de droit. L’article 37 alinéa 2 de la Constitution camerounaise entoure
le juge, en l’occurrence le magistrat de siège, d’une garantie d’indépendance dans l’exercice de
la mission qui lui est dévolue, puisqu’il ne relève que de la loi et de sa conscience dans
l’exercice de ses fonctions. Selon le doyen André Akam Akam, la consécration
constitutionnelle du fondement de l’office du juge se justifie non seulement par un souci de
renforcement de l’indépendance des magistrats de siège, mais également par la nécessité de
rappeler que la justice implique le respect de l’application de la loi en toute conscience par le
juge 1136. L’office du juge trouve ainsi son assise, non sur une application automatisée des
textes juridiques, mais essentiellement sur la capacité du juge à affirmer sa compétence en
usant du pouvoir d’interprétation qui lui est reconnu. Il fait oeuvre de jurisprudence lorsqu’il
décide, et contribue à la création du droit au travers de son interprétation dynamique des
textes législatifs. À l’analyse, l’on pourrait dire avec le professeur Michel Troper que le pouvoir
d’interprétation reconnu au juge est non pas un acte de connaissance, mais un acte de
volonté 1137. Il décide en opportunité, à l’instar d’un politicien, ou d’un artiste qui se laisse
guider par l’imagination, ou encore d’un archéologue qui tente de déchiffrer un texte
ancien 1138.

Même si le contentieux électoral relève d’un domaine sensible parce qu’il concerne la
dévolution du pouvoir politique, il faudrait reconnaître que nonobstant l’intervention
conjuguée des juges civil, administratif, constitutionnel et pénal, l’organisation du contentieux
électoral est considéré par les électeurs et autres acteurs socipolitiques comme un folklore qui
permet de détourner les suffrages au profit d’un candidat. Chargé de veiller à la régularité des
processus électoraux, le juge électoral oriente son office vers une une appréciation subsidiaire
de la légalité des opérations liées à l’organisation et au déroulement des processus électoraux
au profit d’une recherche dominante de la sincérité du scrutin, notamment l’incidence des
irrégularités alléguées sur l’issue du scrutin. Il dispose à cet effet de larges pouvoirs qui lui
permettent de régler les litiges qui naissent des opérations préélectorales, notamment les
déclarations des candidatures, et électorales et postélectorales. Il est dès lors admis que le juge
n’est plus seulement la bouche de la loi, mais que son office relève de manière cumulative de la

1136 AKAM AKAM A., « La loi et la concsience dans l’office du juge », Revue de l’ERSUMA : droit des affaires-
Pratique-professionnelle, n°1, juin 2012, 20 p. [En ligne], site : : http://revue.ersuma.org/no-1-juin-
2012/pratique-professionnelle/LA-LOI-ET-LA-CONSCIENCE-DANS-L. (Consulté le 20/07/2014).
1137 TROPER M., « Interprétation », in Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, 2003, p. 834-846.
1138 HAMON Fr., « Quelques réflexions sur la théorie réaliste de l’interprétation », in L’architecture du droit-Mélanges
en l’honneur de Michel Troper, études coordonnées par Denys Béchillon, Véronique Champeil-Desplats, Pierre
Brunet, Eric Millard, Paris, Economica, 2006, p. 487-500.

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loi et de sa conscience. Le juge électoral camerounais se livre très souvent à une interprétation
pusillanime de ses pouvoirs et procède par syllogisme judiciaire, se refusant à tout acte de
volonté et se limitant à découvrir et à appliquer la volonté du législateur. Le juge électoral se
déclare en général incompétent pour connaître d’un recours en annulation du scrutin fondé
sur des opérations préparatoires, nonobstant la gravité des irrégularités relevées. C’est
également le cas de la contestation de certains actes classés comme « actes de gouvernement »
par le juge électoral alors qu’ils sont contestables. Certes, les pouvoirs d’interprétation
reconnus au juge électoral ne lui permettent pas de se changer en législateur afin de changer le
contenu des lois, l’on observe en revanche qu’il interprète de manière minimaliste l’étendue de
ses compétences et les textes qu’il doit appliquer au litige qui lui est soumis.

Le constat de la variation et du faible taux d’annulation relevé dans la gestion du


contentieux électoral par le juge électoral camerounais laisse transparaître son manque de
fermeté et d’audace, même si l’on ne saurait attendre de ce dernier qu’il annule toutes les
élections entachées d’irrégularités, puisqu’ « aucune élection n’est totalement régulière » 1139.
L’application restrictive de la loi par le juge électoral suppose que ce dernier se sert peu des
pouvoirs étendus qui lui sont conférés dans l’exercice de son office, ce qui crée une sorte
d’antinomie entre la satisfaction des vainqueurs et la frustration des perdants 1140. La démarche
du juge électoral varie en fonction de l’élection en cause puisqu’il peut se montrer réticent à
assumer sa compétence et la mission qui lui est dévolue ou plein d’entrain. La
disproportionnalité relevée dans le taux d’annulation des élections législatives et municipales et
l’absence d’annulation des élections présidentielles démontre que le juge électoral fait preuve
d’une grande retenue dans son office. Considéré comme un « paralégislateur » 1141, la mission
du juge électoral se résume certes à assurer le respect du suffrage universel, mais il doit par
ailleurs veiller à la légitimité politique des élus, car comme le souligne le professeur Luc
Sindjoun, la souveraineté nationale s’exprimant à travers l’élection. La justice doit pouvoir
contrôler les modes d’expression de la souveraineté en veillant aux opérations électorales, à
partir de la préparation de celles-ci jusqu’à leur sanction 1142.

Qu’il s’agisse du juge administratif ou du Conseil constitutionnel, l’on remarque que


lorsque le juge électoral est saisi d’un litige qui ne relève pas de manière directe de sa

1139 FAVOREU L., PHILIP L. et alii, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 18ème édition, Paris, Dalloz, 2016,
p. 7.
1140 MBODJ E. H., « Le juge : un déterminant du processus électoral en Afrique ? », in Espaces du service public-
Mélanges en l’honneur de Jean du Bois de Gaudusson, contributions réunies par Ferdiand Mélin-Soucramanien, op.
cit., p. 422.
1141 Discours de monsieur Pierre DRAI, prononcé à l’audience solennelle de la Cour de cassation française, le 6
janvier 1993.
1142 SINDJOUN L., Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel jurisprudentiel et
politiques constitutionnelles au prisme des systèmes politiques africains, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 493.

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compétence, il se déclare incompétent. On constate en effet que certaines questions qui font
pourtant l’objet d’un contentieux abondant en France, demeurent tabou ou absentes dans le
contentieux électoral camerounais. Il s’agit entre autres, des actes préparatoires du scrutin,
notamment les opérations de découpage des circonscriptions électorales, —qui même
considérées comme favorisant le gerrymandering, ne sont pas contestées devant le juge
électoral—, le décret de convocation du corps électoral etc. S’il faut reconnaître que la
contestation des actes susmentionnés a quelquefois cours, l’on remarque en revanche que les
requérants optent généralement de les porter à la connaissance du juge de l’urgence, lorsqu’ils
ne décident pas d’en faire cas à l’occasion d’un recours en annulation des résultats du
scrutin 1143. Ainsi, le contrôle des actes périphériques tels que celui de la légalité ou de
constitutionnalité d’une norme électorale n’est généralement pas admis par le juge électoral
saisi. L’analyse de certaines décisions de rejet rendues par le juge de l’urgence 1144 nous amène
à nous interroger sur l’attitude qu’aurait eu le juge électoral s’il avait été saisi de ces questions
sous le couvert des actes préparatoires au scrutin, alors que ce contentieux est quasiment
inexistant au Cameroun et que le juge électoral se déclare généralement incompétent lorsqu’il
en est saisi. L’on observe pourtant dans d’autres pays africains que le juge constitutionnel
chargé de garantir la régularité des processus électoraux étend souvent sa compétence au
contrôle de certains aspects du processus électoral tels que la transparence électorale, la
définition des conditions du déroulement des élections, ou encore l’appréciation du report ou
de l’anticipation de la tenue des élections. Saisi de deux recours en inconstitutionnalité, le juge
constitutionnel béninois avait démontré une remarquable audace en annulant dans une
décision du 07 octobre 2005 la composition du bureau de la CENA, aux motifs pris que celui-
ci ne prenait pas en compte la configuration politique de la CENA puisque tous les groupes
parlementaires, de la société civile, de la présidence de la République et du secrétariat
permanent de la CENA(SAP-CENA) n’étaient pas représentés. Le juge constitutionnel
béninois rappellait à cet effet que le respect du principe à valeur constitutionnelle de la
transparence dans la gestion des élections qui n’a de sens que par rapport à la loi électorale,

1143 L’analyse de certaines décisions rendues par le juge de l’urgence, saisi d’un reféré ou d’un sursis à exécution
tendant respectivement à la suspension des effets du décret portant nomination des membres du Conseil
électoral d’ELECAM aux motifs que la nomination des membres dirigeants du RDPC parti au pouvoir au
sein du Conseil électoral ne satisfaisait ni aux consditions de neutralité et d’impartialité prescrites, ni au
régime d’incompatibilité fixé par la loi d’une part, et à la demande de sursis à exécution du décret portant
convocation du corps électoral en vue de l’élection des députés à l’Assemblée nationale et des conseillers
municipaux.
1144 Le juge de l’urgence a été saisi d’un reféré tendant la suspension des effets du décret portant nomination
des membres du Conseil électoral d’ELECAM et d’une demande de sursis à exécution du décret n°
2013/220 du 02 juillet 2013, portant convocation du corps électoral en vue de l’élection des députés à
l’Assemblée nationale et des conseillers municipaux. Lire à ce propos, les commentaires des Ordonnances
n°s 01/OSE/CCA/CS/2009 du 23 janvier 2009, SDF c/ Etat du Cameroun ; et n°8/OSE/CCA/CS/2013
du 19 août 2013

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commande que le bureau de la CENA comprenne impérativement les représentants des
différentes institutions et organisations 1145. On note toutefois une évolution dans la
jurisprudence de la Cour constitutionnelle béninoise avec la décision du 09 janvier 2015 fixant
la date des élections législatives et communales. En effet, saisie d’un recours en vue d’une
production urgente d’une liste électorale permanente informatisée (LEPI), en raison de la non
disponibilité de la liste électorale, obligeant ainsi l’assemblée nationale à proroger le mandat
des conseillers et maires dont l’élection était prévue en 2013, la Cour constitutionnelle
béninoise décide en imposant aux autorités politiques compétentes d’exercer leurs fonctions
dans des délais déterminés 1146.

À l’évidence, l’autolimitation du juge électoral se justifie par de multiples facteurs contre


lesquels il ne pourrait probablement résister. Selon le professeur Alioune Badara Fall, on ne
saurait reposer la réussite du processus démocratique sur les épaules du juge électoral, car si les
juridictions constitutionnelles sont appelées à contribuer à l’instauration et à la consolidation
de la démocratie, elles ne sauraient en être les seules bâtisseuses. Il continue en précisant que
survaloriser le rôle du juge constitutionnel, c’est faire fi de l’environnement dans lequel il
officie 1147. Il faudrait par ailleurs souligner que nonobstant les contraintes sociopolitiques qu’il
peut rencontrer dans son office, le juge électoral est également limité par diverses règles
procédurales, notamment l’impossibilité de s’autosaisir pour sanctionner les irrégularités
avérées qu’il constate dans l’organisation et le déroulement des processus électoraux.

1145 DCC 05-124du 07 octobre 2005 de la Cour constitutionnelle béninoise, commentée par SINDJOUN L., Les
grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au
prisme des systèmes politiques africains, op. cit., p. 495-502.
1146 Dans l’espèce DCC 15-001b du 09 janvier 2015, la cour constitutionnelle décide en neuf (09) articles que :
les dispositions transitoires des articles 319 et 328 alinéa 1 in fine de la loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013
portant Code électoral en République du Bénin sont caduques ; la version actualisée de la LEPI doit se faire
conformément aux dispositions des articles 264 alinéa 2 et 274 de ladite loi. ; le Conseil d’orientation et de
supervision doit impérativement achever l’actualisation de la liste électorale permanente informatisée le 15
janvier 2015 ; la publication de la liste électorale informatisée provisoire à partir du 16 janvier 2015 et
l’établissement de la liste électorale permanente informatisée doivent impérativement être achevés le 25
février 2015 au plus tard ; qu’à défaut de la disponibilité de la liste actualisée pour le 15 janvier 2015, la
Commission électorale nationale autonome (CENA) est autorisée à organiser les élections législatives,
municipale, communale et locale de 2015 sur la base de la liste électorale permanente informatisée (LEPI)
ayant servi pour les élections de 2011 ; Les élections législatives doivent avoir lieu impérativement le 26
avril 2015 ; le président de la République doit convoquer le 14 février 2015, par décret pris en conseil des
ministres, le corps électoral pour les élections législatives du 26 avril 2015 ; les élections municipale,
communale et locale doivent impérativement avoir lieu le 31 mai 2015 ; le Président de la République doit
convoquer le 03 mars 2015, par décret pris en conseil des ministres, le corps électoral pour les élections
municipale, communale et locale du 31 mai 2015.
1147 FALL A. B., « Le juge constitutionnel, artisan de la démocratie en Afrique ? », op. cit. p. 3.

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B. L’impossible autosaisine
La justice est considérée comme un « droit régalien » 1148. Il importe que le juge chargé de la
rendre au nom du peuple, soit revêtu des pouvoirs étendus allant jusqu’à son autosaisine,
puisqu’elle est considérée comme « l’instrument d’une application juste et socialement utile du
droit positif » 1149. S’il est indiscutable que de nos jours la fonction de juger nécessite une
profonde mutation, il est essentiel que l’on s’interroge sur la portée des pouvoirs reconnus au
juge électoral pour l’accomplissement de sa mission constitutionnelle de garant des droits
fondamentaux des citoyens, en l’occurrence l’expression de leur volonté. Il participe à cet
égard à l’instauration de la paix et la cohésion sociale, même si le juge ne peut s’improviser ni
en devin, ni en Dieu, ni même en justicier, puisqu’il doit s’abstenir de décider en fonction de
sa propre vision, et de ce qui lui paraît équitable ou inéquitable 1150. Toutefois, le fait pour le
juge électoral, garant de la consolidation de la démocratie représentative et de l’État de droit,
de ne pouvoir s’autosaisir pour assurer la garantie de la régularité de l’élection concourt à la
fragilisation de son action. En règle générale, les juridictions sont inertes par nature, puisque le
juge est lié par les termes de la requête qui met l’action en mouvement. Ce dernier n’ayant le
devoir et le pouvoir de statuer que dans les limites des prétentions respectives des parties 1151,
l’on note qu’il ne peut s’autosaisir que lorsqu’un texte juridique lui reconnaît expressément ce
pouvoir 1152, ou lorsqu’il doit soulever d’office des griefs qui n’ont pas été évoqués par les
requérants.

L’analyse des textes juridiques du Cameroun ne laisse transparaître aucune possibilité


d’autosaisine du juge électoral, puisque les règles relatives à la saisine sont strictement
réglémentées. L’action est uniquement mise en route par les parties à l’instance selon l’élection
en cause, notamment par tout électeur, tout candidat, tout parti politique ayant pris part à
l’élection, toute personne intéressée par l’élection ou toute personne ayant qualité d’agent du

1148 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, op. cit., p. 347.


1149 BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, ibidem, p. 364.
1150 BERGEL J.-L., « Introduction générale », in Actes du Colloque-L’office du juge, p. 18.
1151 En france, des propositions et projets attribuant un pouvoir d'autosaisine au juge constitutionnel ont
pourtant été soutenus publiquement. Outre une réforme en ce sens réclamée en 1960 par l'ancien Président
de la République et membre du Conseil constitutionnel, Vincent Auriol, il importe de mentionner la
tentative d'introduction d'un droit de saisine proprio motu au Conseil pour examiner les lois qui lui «
paraîtraient porter atteinte aux libertés publiques garanties par la Constitution » lors de la discussion du
projet de loi constitutionnelle étendant le droit de recours au Conseil (1974). En raison du refus presque
unanime des parlementaires, en l'état actuel des textes, les pouvoirs du juge constitutionnel ne s'exercent
jamais spontanément, seules sont recevables, les saisines des personnes et autorités extérieures à la
juridiction constitutionnelle. JAN P. « L’accès au juge constitutionnel : modalités et procédures », Rapport
rédigé pour le deuxième Congrès de L’A.C.C.P.U.P., février 2000, 56 p.
1152 L’article 157 de la Constitution du Burkina-Faso reconnaît de manière expresse au juge constitutionnel le
pouvoir de se saisir de toutes les questions qui relèvent de sa compétences’il le juge nécessaire, même si ces
dispositions ne sont pas reprises par le législateur dans le Code électoral.

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gouvernement 1153. Et pourtant le pouvoir d’autosaisine avait accordé à l’ONEL— structure
indépendante chargée de la supervision et du contrôle des opérations électorales et
référendaires— qui pouvait exercer ses fonctions soit sur sa propre initiative, soit sur saisine
des partis politiques en compétition, des candidats ou des électeurs 1154. Ce pouvoir
d’autosaisine qui n’a inopportunément pas été renouvelé à Elecam a concouru à la réduction
de sa marge de manoeuvre dans l’accomplissement de la mission qui lui est dévolue. À
l’inverse du Cameroun, le Constituant béninois a étendu le champ d’action de la Cour
constitutionnelle en lui reconnaissant expréssement le pouvoir de statuer sur les irrégularités
qu’elle aurait pu par elle-même relever. Cette disposition de l’article 117 paragraphe 7 de la
Constitution béninoise confère incontestablement le pouvoir d’autosaisine à la Cour
constitutionnelle 1155. L’auto-saisine de la Cour constitutionnelle béninoise lui permet de
sanctionner les irrégularités qu’elle juge contraires aux principes démocratiques. S’il est
indiscutable que la question de l’autosaisine du juge se pose avec une acuité particulère en
matière processuelle et dans le contentieux des élections en particulier— eu égard au caractère
sensiblement politique du domaine duquel il relève—, l’on constate que cette pratique est
reconnue aux tribunaux de commerce 1156 et permet l’ouverture d’une procédure de
redressement judiciaire à l’encontre d’une entreprise. On soulignera ainsi que si le rejet du
pouvoir d’autosaisine du juge se justifie en grande partie par le souci d’éliminer toute velléité
d’abus de pouvoir ou d’instauration d’un gouvernement des juges, puisque nul ne peut être
juge et partie 1157, il constitue une voie d’action visant la garantie de l’intérêt général.

1153 Le juge électoral n’hésite d’ailleurs pas à sanctionner un recours intenté par une personne qui ne justifie ni
de la qualité, ni de l’intérêt pour agir, et précise en interprétant strictement les textes y relatifs que
l’interprétation du texte doit être juste, juridique, légale et limitative comme elle se doit. Il rappelle dans une
espèce, jugement n°31/01-02 du 02 septembre 2002, président national du parti politique de l’UNDP, commune
urbaine de Yaoundé VIe contre État du Cameroun (MINAT), et RDPC,que législateur ayant voulu être limitatif
dans sa conception de l’article 33 de la loi relative à l’élection des conseillers municipaux— Tout électeur et
tout candidat a le droit d’arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le juge
administratif—, inclure d’autres catégories de personnes violerait l’esprit de la loi voulu pour régler le
contentieux électoral en matière d’élection municipale.
1154 L’article 11 de la loi n°200/016 du 19 décembre 2000 portant création d’un Observatoire national des
élections (ONEL), modifiée et complétée par la loi n°2003/015 du 22 décembre 2003, dispose que l’ONEL
exerce ses fonctions soit de sa propre initiative, soit sur saisine par les partis politiques en compétition, les
candidats ou les électeurs.
1155 Les articles 42 paragraphe 2 de la loi n°91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour
constitutionnelle modifiée par la loi du 31mai 2001 d’une part et 88 paragraphe 3 du Code électoral du
Bénin réaffirment ce pouvoir d’autosaisine reconnu à la Cour constitutionnelle du Bénin.
1156 Article L. 631-5 du Code de commerce français.
1157 Le Conseil constitutionnelfrançais a rappelé ce principe dans sa décision du 7 décembre 2012 rendue sur
QCP, Société Pyrenées services. Il précise à cet effet que nul ne peut être juge et partie, sauf à méconnaître le
principe d’impartialité et la garantie des droits, car, il suffit que celui qui juge soit doté du pouvoir de s’auto-
saisir le faisiant apparaitre comme une partie pour que la Constitution soit méconnue. FRISON-ROCHE M.-
A., « Principe d’impartialité et droit d’autosaisine de celui qui juge », in Recueil Dalloz, 10 janvier 2013, n°1,
p. 28-33.

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L’autosaisine du tribunal étant admise aux motifs de la préservation d’un intérêt général, l’on
pourait également concevoir l’extension de ce pouvoir au juge électoral camerounais puisque
l’organisation des processus électoraux relève du rôle régalien de l’État, et vise la dévolution
du pouvoir politique. L’appréhension pourrait toutefois se situer dans le manque d’adhésion
des citoyens qui soupçonnent très souvent à tort ou à raison les juges de manquer de neutralité
et d’impartialité dans leurs décisions. Par ailleurs, leur manque d’hardiesse pourrait les pousser
à n’user de ce pouvoir que lorsqu’ils doivent conforter la position du pouvoir en place, attitude
qui desservirait fortement le processus de démocratisation entrepris en Afrique 1158. La
question de l’autosaisine du juge électoral apparaît dès lors assez complexe, elle pose en
filigrane son impartialité et partant, l’efficacité de son office, puisqu’il exerce un contrôle de
convenance sur les litiges dont il est saisi.

§ 2. L’EXERCICE D’UN CONTRÔLE DE CONVENANCE


S’il est unanimement admis que la norme électorale au Cameroun est opaque, lacunaire et
ne favorise pas un accès efficace au juge électoral, il devient indispensable que le juge électoral
puisse interpréter les textes juridiques qu’il applique afin de prononcer des décisions justes et
équitables. Lorsque le juge électoral est confronté à une situation d’imprécision ou de vide
juridique, il procède à une interprétation calquée sur les modèles existants, en l’occurrence la
théorie réaliste. Celle-ci lui permet de jouir d’une grande liberté dans la définition du sens des
textes, puisque l’interprétation est perçue comme un acte de volonté ou celle du raisonnement
par analogie 1159. Même s’il est vrai que les juges électoraux montrent un grand attachement à
la lettre des textes, l’on note que leur pouvoir d’interprétation constitue quelquefois un facteur
de dégradation de la norme électorale. Lorsque le juge use de son pouvoir d’interprétation
pour qualifier les faits juridiques qui lui sont soumis, il peut être exposer à une mauvaise
interprétation de la règle juridique lorsqu’il la fonde non pas sur la recherche de l’esprit de la
loi, mais sur l’entendement qu’il a de la volonté du législateur. En admettant que le pouvoir
d’interprétation reconnu aux juges vise principalement le renforcement et l’efficacité de l’accès
aux juges, l’on remarque qu’il peut également constituer un moyen d’esquive selon
l’orientation jurisprudentielle que le juge adopte, ce qui l’amène à accomplir une justice
politisée (A) ou technique (B).

1158 Lire sur la question, OUEDRAOGO O., « Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de
l’Ouest francophone », op. cit., p. 279.
1159 L’analogie est entendue comme un procédé interprétatif qui permet de trancher une question dont les
éléments constitutifs ne semblent pas être expresséent déterminés par la loi, en appliquant une règle
juridique tirée d’une disposition en vigueur visant la reglémentation d’une autre question similaire. PATRAS
L. P. L’interprétation en Droit public interne, Athènes, T. et A. Joannides, 1962, p. 284.

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A. L’accomplissement d’une justice politisée
Dérivée du latin justitia qui signifie conforme au droit, la notion de justice est de nature
polysémique. Elle est perçue à la fois comme un idéal— c’est une vertu et non une règle—,
une norme— elle obéit à des règles de droit—, et une institution— elle permet de punir
quiconque viole une loi au sein de la société—. Le professeur Philippe Fontaine précise dans
cette logique que le terme de justice désigne à la fois « ce qui est conforme au droit, la justice
rendue par le pouvoir judiciaire lui-même, mais aussi ce qui est de l’ordre du sentiment : le
sentiment d’équité, l’esprit de justice, relevant non plus d’une institution, mais d’une exigence
morale, d’un sens éthique » 1160. Si les notions de droit et de justice se recoupent et visent
l’organisation harmonieuse de la vie sociale, il n’existe cependant pas de lien nécessaire entre
elles, puisque l’exigence de justice est sans doute la plus impérieuse et la plus immédiate, car
elle concourt à nourrir le besoin de droit 1161. Étant donné que l’objectif premier de la justice a
été l’annihilation de toutes vélléités de se faire rendre justice soi-même, afin de promouvoir le
recours à un juge pour quérir une solution de droit, l’on note que de nos jours la justice perd
ses lettres de noblesse. Sujette à caution, elle est de plus en plus jugée partiale et partisane, et
voit de jour en jour la confiance des justiciables décliner au delà du raisonnable, faisant ainsi
douter de la légitimité des décisions des juges alors même que la justice doit répondre à un
besoin social, celui d’apaiser les conflits ou de garantir la paix sociale en rendant à chacun
selon son dû.

Soulever la question d’une justice politisée dans l’office du juge électoral peut paraître
inconvenant, pourtant cela permet de mettre en évidence l’attitude jugée partiale du juge
électoral. S’il est indéniable que le juge électoral est investi de la mission de garantir la
régularité des processus électoraux en rendant des décisions justes et équitables qui reflètent le
respect des droits civils et politiques des citoyens, il ne faudrait pas ignorer le fait que le
contentieux électoral relevant du domaine sensible de la politique, notamment de la dévolution
du pouvoir politique. Il est quelquefois exposé à des influences sociopolitiques environnantes
qui se révèlent comme un facteur d’affadissement de son office. Monsieur Georges Moréas
écrit à propos du caractère politisé de l’office du juge que si la juxtaposition des notions de
justice et de politique apparaît choquante, il faudrait rappeler que ces deux notions sont
indissociables puisque la justice est une institution de l’État et a vocation à dire le droit qui
résulte d’un travail législatif, donc politique. Il continue en précisiant que la justice étant

1160 FONTAINE Ph., « Introduction- Le sens du juste et de l’injuste : un sentiment universel ? », in La justice,
Paris, Ellipse, 2005, p. 7-14.
1161 KERNALEGUEN Fr., Institutions judiciaires, 6ème édition, Paris, LexisNexis, 2015, p. 1.

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rendue au nom du peuple, cette fonction charnière au sein de la société est la clé de voûte de
la démocratie et le poil à gratter du pouvoir politique 1162.

À l’évidence, les domaines de la justice et du politique sont antinomiques du fait de leur


conceptualisation par la théorie de la séparation des pouvoirs, l’on remarque toutefois une
sorte de perméabilité qui favorise l’immixtion du politique dans l’office du juge électoral. En
admettant que la séparation des pouvoirs a consacré l’absence de concentration de tous les
pouvoirs entre les mains d’un personne d’une part, et qu’elle prône l’indépendance des
pouvoirs existants d’autre part, l’on remarque de nos jours que celle-ci ne s’applique plus de
manière stricte, puisqu’une nécessaire interaction entre les différents pouvoirs s’impose. En
effet, malgré les efforts du pouvoir judiciaire d’entretenir une relation étroite avec les autres
pouvoirs— exécutif et législatif—, l’on observe que la justice fait l’objet dans son
fonctionnement, de perpétuelles influences directes ou indirectes de la part des autres
pouvoirs 1163. Les règles de droit étant posées par le pouvoir étatique dont la mission suprême
est politique, c’est l’État qui créé le droit, ou au moins les règles qui l’expriment, ce qui
impliquerait que la politique cherche à se justifier par le droit 1164.

À supposer que le lien principal qui force le juge électoral à une justice politisée réside en
premier lieu dans la nature même du contentieux électoral, l’on note que d’autres facteurs
concourent à cet état des choses. En effet, le professeur Alioune Badara Fall mentionne à ce
propos qu’on ne saurait s’intéresser à la question liée au juge et à son statut au mépris des
réalités matérielles, financières, économiques, politiques, religieuses, sociologiques et même
psychologiques qui l’entourent dans sa vie quotidienne, et dont on imagine à peine l’impact sur
les conditions dans lesquelles la justice est rendue 1165. Le caractère politisé de la justice
électorale nonobstant sa nature politique, est sur le plan organique, favorisé par
l’omniprésence politique de l’éxécutif dans l’organisation et le fonctionnement de la
magistrature, notamment sur les plans de leur nomination, des modalités de déroulement de
leur carrière, des règles de procédure disciplinaire, et d’autres mécanismes de contrôle auxquels

1162 MORÉAS G., « Tarnac : peut-on parler de justice politique ? », Le Monde.fr - édition globale, 2 p. [En ligne],
disponible sur http://moreas.blog.lemonde.fr/2015/05/10/tarnac-peut-on-parler-de-justice-politique/.
(Consulté le 20/06/2015).
1163 Le politique a la possibilité de contrôler la justice directement ou indirectement en ne donnant
suffisamment de moyens aux juridictions pour mener leurs missions d’une part, en ne faisant pas les
réformes nécessaires ou au contraire en faisant sans arrêt des réformes qui rendent impossible l’exercice de
la mission judiciaire d’autre part.
1164 BATIFFOL H., « Problèmes de frontières : Droit et politique », in Archives de philosophie du droit-Le droit investi
par la politique, tome XVI, Paris, Sirey, p. 1-14.
1165 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques africains », op. cit., p. 313.

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les juges sont assujettis 1166. Il en résulte que le juge électoral se retrouve balloté au milieu de
plusieurs intérêts divergents, comme par exemple celui de s’assurer du déroulement
harmonieux de sa carrière, de maintenir une réelle indépendance et impartialité à l’égard du
pouvoir politique et de rendre des décisions qui correspondent aux attentes des justiciables.
En dehors du prisme du critère organique, l’on pourrait par ailleurs déplorer une absence
d’hardiesse de la part du juge électoral, car comme le relève à juste titre le professeur Badara
Fall, le juge est mal compris, puisque ces décisions ne reflètent en aucune manière l’idée de
justice à laquelle les citoyens s’attendent 1167. Si cette incompréhension peut en partie se
justifier par le choix d’une interprétation réaliste des normes électorales qu’il applique, l’on
déplore la politique de « ponce-pilatisme » qui le pousse à valider les élections alors même qu’il
déplore qu’un grand nombre d’irrégularités a entaché la sincérité du scrutin. Cette attitude qui
le cantonne à un rôle de juge de la sincérité du scrutin plutôt que celui de la régularité est
incomprise par les citoyens qui l’accusent d’être le « bras droit du pouvoir politique en place
ou un instrument corrompu et manipulé par des hommes du milieu des affaires ou autres
personnalités influentes » 1168.

L’arbitrage du juge électoral étant consubstantiel à l’équilibre du jeu électoral, ce dernier


doit nécessairement participer au travers de ses décisions, à la consolidation d’un climat de
paix et de cohésion sociale. À cet égard, le juge électoral doit s’approprier le statut de
protecteur des droits civils et politiques des citoyens afin de ne pas paraître comme un
pompier qui intervient pour éteindre un incendie créé par l’incongruité de ses décisions.
L’allégorie de la déesse Thémis, tenant entre ces mains les plateaux de la balance lors d’un
jugement enseigne à cet égard que la justice ne peut être pensée comme une œuvre de
radicalité. Elle suppose, de la part de ceux qui la rendent, un sens de l’équilibre entre
revendications et principes contradictoires. Cette nécessité récurrente de concilier des
principes antagoniques se manifeste à travers le rôle que le système juridique reconnaît au
juge 1169, mais que le juge décide aussi de s’approprier, puisque comme le rappelle Monsieur
Jean-Marc Varaut, la justice est réputée être en crise parce qu’elle est accusée de toutes parts et
qu’elle s’accuse elle-même 1170, en appliquant une justice strictement technique.

1166 Lire sur la question, BUSSY F., POIRMEUR Y., La justice politique en mutation, Paris, L.G.D.J., 2010, p. 19-
22.
1167 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques africains », ibidem., p. 313.
1168 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques africains », ibid., p. 314.
1169 MEYNAUD A., « La bonne administration de la justice et le juge administratif », Mémoire de Master de Droit
public approfondi, Université de Paris Panthéon-Assas, 2012, p. 2.
1170 VARAUT J.-M., Le droit au droit- pour un libéralisme institutionnel, 1ère édition, Paris, PUF, p. 85.

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B. L’exécution d’une justice rigoureuse
La justice étant inhérente à toute relation sociale, il est indispensable qu’un cadre adéquat
soit mis en place afin de favoriser l’accès au juge et la simplification des normes juridiques
pour permettre au juge de régler les litiges avec technicité et rectitude. La mission du juge doit
ainsi lui permettre de remplir efficacement la fonction qui lui incombe dans la société, afin
d’incarner un instrument d’ordre, de sécurité, et de stabilité conditionné par l’atteinte d’un
certain degré d’abstraction et de généralité 1171. Toutefois, il se trouve que le juge soit
confronté à la fréquente nécessité d’innover par une interprétation qui peut être prudente ou
téméraire, en pesant au trébuchet le poids de ses décisions 1172.

Parler d’une justice absurdement rigide c’est mettre en exergue le caractère étriqué et
variable de la méthode interprétative adoptée par le juge électoral à l’occasion de son office. La
qualité de l’office du juge électoral s’appréciant à l’aune de la méthode interprétative qu’il
adopte, ce dernier est perçu au travers des décisions qu’il rend. L’interprétation est à cet égard
considéré comme un outil qui permet de reconstruire le droit comme un ensemble cohérent,
intégré, monolithique dont les éléments s’emboîtent harmonieusement, ayant pour fonction
l’adaptation de la norme, notamment sa confrontation au réel et à l’ordre juridique
existant 1173. L’office du juge électoral se traduit dans ce contexte, à « concilier une double
exigence, celle de la sécurité juridique et celle de la paix sociale avec en toile de fond, le
maintien de la confiance dans les élections en tant que mode démocratique de dévolution du
pouvoir dans l’État » 1174. Il vise par ailleurs la garantie de deux principes fondamentaux en
matière électorale, le principe d’égalité et celui de la liberté. L’office du juge électoral est
davantage centré sur la garantie de sincérité plutôt que celle de la régularité du scrutin. Il
favorise l’interprétation réaliste des normes juridiques dominée par la fonction de la volonté
dans le choix de la signification à apporter à l’énoncé du texte juridique. L’on note que
l’analyse des décisions rendues par le juge électoral camerounais laisse transparaître une grande
retenue, mais également l’application d’une politique jurisprudentielle qui ne conforte pas le
respect des principes de la représentation démocratique.

S’il n’est pas étonnant que le contentieux des élections municipales ne soulève pas de
difficultés majeures en raison de son caractère local, l’on note en revanche qu’il en va
diversement du contentieux des élections législatives et présidentielles dont l’enjeu est

1171 CHEVALLIER J., « Les interprètes du droit », in Paul AMSELEK (Dir.), Interprétation et Droit, Bruylant-
Bruxelles, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1995, p.115-130.
1172 ROZÈS S., « Un profil Nouveau pour les juges », ibidem, p. 435.
1173 CHEVALLIER J., « Les interprètes du droit », op. cit. p. 126.
1174 TCHEUWA J.Cl., « Droit constitutionnel étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op.cit., p. 6.

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hautement politique, puisqu’il aboutit à la légitimation du pouvoir politique. Bien que l’office
du juge soit entièrement tourné vers la garantie de la sincérité du scrutin, ce dernier adopte
quelquefois une démarche inverse qui vise davantage la régularité, se transformant en gardien
de la loi électorale. Ainsi, il recherche non pas l’esprit, mais le strict respect de la lettre de la loi.
En considérant par exemple l’élection législative, l’on note que le juge électoral adopte une
attitude moins étriquée selon qu’il statue sur le contentieux de la candidature ou de
l’annulation des résultats du scrutin. Il affiche une attitude téméraire qui le fait paraître
davantage comme un pédagogue plutôt qu’un démagogue. Il intègre des considérations
sociopolitiques dans l’examen des recours qui lui sont adressés, même si la « jurisprudence de
l’effet utile » 1175 qu’il applique est remise en cause, eu égard à la logique suivante laquelle la
fraude corrompt tout et peut saper toute croyance en la vertu de la légitimité
démocratique 1176. En supposant que l’office du juge paraît évident lorsqu’il s’agit de régler les
questions liées à la candidatures en raison de leur examen préalable devant le Conseil électoral,
le Conseil applique strictement les règles juridiques qui se rapportent aux conditions
d’éligibilité et au formalisme de la déclaration des candidatures. Cette rigidité qui s’attache au
caractère technique du contentieux électoral se prolonge cependant dans le contentieux des
résultats du scrutin. L’office du juge constitutionnel camerounais avait ainsi été jugé rigide par
le professeur Jean-Claude Tcheuwa, à l’occasion du contentieux relatif au double scrutin du 22
juillet 2007. Selon lui en effet, le Conseil constitutionnel avait étendu l’interprétation
généralement admise de la qualification de la notion d’incidence d’une fraude sur le résultat du
scrutin, tout comme il s’était saisi d’office d’un recours manifestement irrecevable. Saisi d’un
recours en annulation des résultats dans la circonscription électorale du Moungo-Sud, le Conseil
constitutionnel s’était fondé sur une erreur matérielle constatée dans l’identification du
candidat pour annuler les résultats du scrutin dans ladite circonscription. Pourtant, comme le
souligne le professeur Tcheuwa, la question pointée par le juge électoral aurait pu être
considérée comme sans objet, car en réalité « l’erreur matérielle contestée n’avait aucune
intention frauduleuse, dès lors que la présentation de la liste devait satisfaire à l’exigence de
l’article 70 » 1177. L’attitude du juge électoral dans l’espèce susmentionnée n’a pas manqué de
heurter plusieurs sensibilités, malgré sa volonté manifeste de garantir le respect de la prise en
compte des composantes sociologiques dans la représentation démocratique. L’on avait par
ailleurs reproché au juge électoral, d’analyser de manière rigoureuse les missions et le statut des

1175 MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., « Le Conseil constitutionnel, juge électoral », Pouvoirs, n° 105, 2003, p. 117-131.
1176 ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 364-365.
1177 Lire sur la question l’analyse du professeur Jean-Claude Tcheuwa sur l’affaire Njana Marie Joseph (MDP)
c/État du Cameroun (MINATD), arrêt n°116/Jean Michel du 7 août 2007.
TCHEUWA J.Cl., « Droit constitutionnel étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op.cit., p. 6.

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membres des commissions départementales de supervision dont le président ainsi que le
président des tribunaux de première et de grande instance de Bafang avaient été récusés, aux
motifs qu’il existait des rapports tumultueux entre eux. Le Conseil constitutionnel avait à cet
égard considéré que la situation existante a constitué des fraudes ayant influencé de manière
significative le résultat du scrutin. Cette décision du juge constitutionnel a été jugée contraire à
la garantie des contours du contentieux électoral dont l’objectif reste la recherche et la
sanction de toute fraude susceptible d’influencer significativement la sincérité des scrutins 1178.
La mission dévolue au juge électoral consiste ainsi à garantir l’objectivité de l’expression du
suffrage des citoyens d’une part, et la pacification de la vie et des rapports politiques d’autres
part. Seulement, il arrive que le juge électoral se détourne de cet objectif en fondamental
lorsqu’il affiche des positions jurisprudentielles discordantes qui font de lui le complice d’une
démocratie enfouie dans les ténèbres des fraudes électorales, et de l’usurpation du pouvoir
politique.

Si le juge constitutionnel apparaît davantage comme un juge pédagogue lorsqu’il statue sur
le contentieux des élections législatives, il se transforme en un démagogue peu soucieux de la
garantie de l’équité, de la transparence et de la sincérité du jeu politique quand il règle le
contentieux relatif à l’élection du président de la République. L’élection du Président de la
République constituant la désignation de la personnalité politique la plus importante dans un
État, l’on souligne avec Monsieur Stéphane Bolle que, nonobstant ses responsabilités
écrasantes, le juge n’a pas tout pouvoir pour moraliser les règles du jeu électoral y afférent 1179.
Lorsqu’il est saisi des recours relatifs à la candidature, le juge constitutionnel adopte une
politique de l’échappe en appliquant rigidement la norme électorale applicable. C’est ainsi que
dans une espèce du 9 octobre 2011, sieur Assigana contre Elecam et État du Cameroun 1180, le
Conseil constitutionnel a interprété restrictivement la qualité de "requérant-candidat", et
précise qu’ « attendu que la candidature à l’élection présidentielle du 09 octobre 2011 de sieur
Assigana (...) a été rejetée ; qu’en conséquence, faute de qualité, il ne saurait contester
l’acceptation d’une autre candidature ; qu’il s’ensuit que son recours est irrecevable ». L’analyse
de la décision du Conseil constitutionnel camerounais laisse transparaître une volonté

1178 Affaire Kwémo Pierre (SDF) contre État du Cameroun (MINATD), élections législatives du 27 juillet 2007 dans
la circonscription électorale du Haut-Nkam, arrêt n°119 du 7 août 2007.
TCHEUWA J.Cl., « Droit constitutionnel étranger : Les principes directeurs du contentieux électoral
camerounais : à propos de « l’influence significative sur le résultat du scrutin » dans sa mise en oeuvre à
l’occasion des élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 », op.cit., p. 19.
1179 BOLLE St., « Vices et vertus du contentieux des élections en Afrique », op. cit., p. 533.
1180 Dans cette espèce, monsieur Assigana dont la candidature à ladite élection avait été rejetée par le Conseil
Electoral d’Elections Cameroon, a saisi le juge constitutionnel d’un recours en invalidation de la
candidature acceptée de M. Paul Biya, aux motifs que l’investiture de ce dernier aurait été irrégulière au sein
de son parti et que M. Sadi (Secrétaire général du parti du candidat Biya) n’aurait pas dû être porteur de son
dossier de candidature à ELECAM et au Conseil constitutionnel.

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délibérée à restreindre l’accès au juge, puisque le juge électoral fait abstraction de l’intention du
requérant d’être candidat à l’élection. Au surplus, il faudrait noter que l’analyse des
dispositions de l’article 129 susvisé ne préjuge pas que le "requérant-candidat" doit
nécessairement être une personne dont la candidature a été validée par le Consel électoral. La
distiction opérée entre le candidat dont la déclaration de candidature est validée et celui dont
elle est rejetée soulève fondamentalement la question de l’efficace garantie des droits civils et
politiques des citoyens.

Dans une autre espèce témoignant du manque d’hardiesse et de la rigidité du juge électoral,
l’on note que ce dernier avait confirmé la décision de rejet de la candidature de monsieur
Henri Hogbe Nlend à l’élection présidentielle du 11 octobre 1992. Cette décision était fondée
sur l’absence d’une résidence continue au Cameroun, conformément au regard de nouvelles
dispositions adoptée le 16 septembre 1992 1181, alors même que le requérant avait reçu le
récépissé du dépôt de sa candidature avant la date limite de clôture des candidatures fixée au
10 septembre 1992. L’attitude du juge dans cette espèce laissait tansparaître sa dérobade dans
sa mission de garantir le respect l’égalité des chances entre les candidats, et partant leurs droits
fondamentaux. Le juge électoral aurait pourtant pu adopter une attitude inverse, en
privilégiant la recherche de la régularité de la déclaration de la candidature du requérant au
regard de l’antériorité de celle-ci par rapport aux nouvelles dispositions de la loi. Ce qui
rappelle à juste titre la question soulevée par la légalité de la candidature du président Paul Biya
à l’élection présidentielle du 9 octobre 2011, au regard de la loi constitutionnelle du 14 avril
2008 dont l’article 6 alinéa 2 1182 instituait la non-limitation des mandats, alors que le mandat
en cours était régi par les dispositions d’une loi constitutionnelle ancienne qui limitait
l’éligibilité à deux mandats 1183. L’office du juge électoral dans les espèces susmentionnées
aurait été valorisé, s’il avait retenu une orientation jurisprudentielle qui participe au
rayonnement de la jurisprudence électorale. Le juge est ainsi considéré comme le garant du
sens originel de la loi puisqu’il en est l’interprète ultime. De la sorte, il est appelé à donner une
interprétation non pas biaisée, mais juste et authentique de la norme. En effet, si le juge n’a
pas tout pouvoir sur une crise électorale, virtuelle ou réelle, s’il peut s’ériger en constituant ou
en législateur pour combler les lacunes des textes, les réécrire, les purger de dispositions

1181 Adoptée lors d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale, la loi n° 92/010du 17 septembre fixant
les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la Républiquedispose en son article 8
paragraphe 2 que les candidats à l’élection présidenteille « doivent être citoyens camerounais d’origine et
justifier d’une résidence continue dans le territoire national d’au moins douze (12) mois consécutifs et d’une
inscription sur les listes électorales à la date du scrutin ».
1182 L’article 6 alinéa 2 de la loi n°2008/001 du 14 avril2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la
loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution dispose que « le président de la
République est élu pour un mandat de sept (07) ans. Il est rééligible. »
1183 L’article 6 alinéa 2 de loi n°96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution disposait en effet
que le président de la République était élu pour un mandat de sept (07) ans renouvelable une fois.

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iniques, car la Constitution oblige son gardien et la loi oblige son serviteur 1184, il détient le
pouvoir d’interprétation qui le force à ne pas choisir n’importe quelle orientation
jurisprudentielle. Sa légitimité est tributaire de la « reconnaissance de sa jurisprudence par la
communauté juridique et politique » 1185. S’agissant du contentieux relatif à la convocation du
corps électoral, l’on continue de déplorer l’immobilisme du juge électoral qui ne se risque pas à
juger cet acte administratif qu’il considère comme un acte de gouvernement.

L’examen du contentieux des résultats du scrutin ne saurait soulever une analyse


particulière lorsqu’on sait que nonobstant la gravité des irrégularités dénoncées par les
requérants, le juge électoral n’a jamais annulé une élection présidentielle au Cameroun.
Pourtant, comme l’écrivait fort opportunément Édouard Lafferrière, la fonction du juge
électoral est de rétablir la véritable volonté des électeurs en déjouant les manoeuvres et en
sanctionnant les irrégularités qui auraient pu la marquer ou la déformer 1186, au travers de la
position jurisprudentielles qu’il adopte.

1184 MASCLET J.-Cl., « Rapport de synthèse », in Aspects du contentieux électoral en Afrique, op. cit., p. 217-218.
1185 ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 514.
1186 LAFFERRIÈRE E. Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, op. cit., p. 430.

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SECTION II.

L’INCONSTANCE DES STRATÉGIES JURISPRUDENTIELLES ADOPTÉES PAR LE


JUGE

La fonction juridictionnelle du juge ne se réduit pas au pouvoir d’appliquer machinalement


les lois aux espèces concrètes qui lui sont soumises. Elle comprend également le pouvoir et le
devoir de dire le droit en vue de trancher les litiges dont les lois ne fournissent aucun
règlement. Pour Raymond Carré De Malberg, la fonction juridictionnelle doit « s’exercer
toutes les fois qu’il s’élève une contestation pour l’apaisement de laquelle il faut procéder, soit
à une application, soit à une interprétation de la loi » 1187. Le caractère de pleine juridiction qui
confère au juge électoral de vastes pouvoirs dans l’exercice de son office implique que ce
dernier puisse interpréter souverainement les normes juridiques qu’il applique, avec le souci de
respecter l’expression du suffrage universel. En admettant que les juges électoraux appliquent
les mêmes modes de raisonnement et interprètent presque toujours les textes de façon
identique 1188, l’on constate une sorte d’instabilité dans les choix jurisprudentiels qu’ils
adoptent. Pourtant, l’office du juge électoral permettant d’assurer la cohérence du processus
électoral, il doit pouvoir juguler toute entorse faite aux principes de la représentation
démocratique, et instaurer une plus grande stabilité dans son office lorsqu’on sait « qu’en droit
public plus qu’en droit privé la jurisprudence a été créatrice et elle continue de l’être (...) » 1189.
À ce titre, la fonction du juge électoral ne consistera pas seulement à constater et à déclarer le
droit légal en adoptant une politique d’esquive (§ 2), mais doit également permettre de créer du
droit nouveau lorsque, sur une question donnée, il n’y a pas de droit établi par la loi elle-
même 1190 (§ 1).

§ 1. UN JUGE RAREMENT PÉDAGOGUE


La mission de dire le droit dévolue aux juges leur impose de rendre des décisions qui
permettent d’asseoir une jurisprudence constante à même d’être considérée comme une
source de droit. Éthymologiquement entendue comme la vertu de prudence appliquée au droit
et la recherche du juste à réaliser et de l’injuste à éviter 1191, la jurisprudence se définie comme

1187 CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’État, op. cit., p. 695.
1188 TOUVET L., DOUBLET M.Y., Droit des élections, op. cit., p. 496.
1189 FOYER J., « Allocution d’ouverture », in La création du droit par le juge- Archives de philosophie du droit, Paris,
Dalloz, 2007, p. 3-6.
1190 CARRÉ DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’État, op. cit., p. 704.
1191 DEGUERGUE M., « Jurisprudence », in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 883-888.

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l’ensemble des décisions rendues pendant une certaine période, soit dans une matière, soit
dans une branche du droit, soit dans l’ensemble du droit par les juridictions. Elle constitue
également l’ensemble des solutions apportées par les décisions de justice dans l’application du
droit, voire dans sa création 1192. Il en résulte que la jurisprudence permet au juge de réaliser le
droit et de participer parallèlement à sa construction. L’obligation de statuer imposée au
juge— article 4 du Code civil français— le contraint à dire le droit tel que prévu par le texte
juridique en précisant le sens du texte général— c’est la jurisprudence secundum legem—, à le
compléter ou à le suppléer en cas de lacune ou de vide juridique—jurisprudence praeter legem.
L’instabilité constatée dans la jurisprudence du juge électoral se réfère aux fluctuations relevées
dans ses décisions. S’il se révèle quelquefois pédagogue, il se montre tout autant équivoque et
vague en fonction de la nature et l’objet du litige qui lui est soumis. Le rôle du juge électoral
vise la consolidation de la démocratie et la cohésion sociale. Il doit faire preuve de témérité en
s’éloignant le plus possible de la fonction nulle de l’ « automate qui applique mécaniquement la
loi » qui lui avait été longtemps assignée, afin d’accomplir un rôle normatif (A) qui repose sur
la quête d’une justice électorale efficace (B), puisque sa fonction pédagogique doit concourir à
faire tomber le tabou qui l’entoure, et à le faire descendre de son piédestal afin qu’il aille à la
rencontre du citoyen 1193.

A. Dans sa fonction normative


Traditionnellement réservé au pouvoir législatif et réglementaire, le pouvoir normatif défini
comme le pouvoir d’édicter des normes, des règles générales de droit ou des décisions qui
créent des droits ou obligations pour ceux à qui elle sont destinées, s’est étendu aux
juridictions. Le rôle normatif du juge pose ainsi en filigrane, la question de la création du droit
par les juges puisqu’elle remet en quelque sorte en cause, l’existence d’une séparation rigide
des pouvoirs dans la société politique. Le juge s’est reconnu un pouvoir normatif de création
du droit au travers de l’interprétation qu’il donne à la norme prééxistante, et qui abouti à la
production d’une norme. Son rôle ne se cantonne plus à la simple application de la loi pour
répondre aux questions de droit qui lui sont posées, mais il peut s’autoriser à l’interpréter, à en
moduler les contours ou à en limiter l’application pour ménager l’équité 1194. Si le rôle normatif
du juge est incontestable dans le domaine du droit administratif qui est considéré comme
fondamentalement prétorien 1195, l’on observe une timide adhésion des domaines tels que le

1192 CORNU G.,Vocabulaire juridique, op. cit., p. 589.


1193 LEYENBERGER St., « Propos introductifs », in La qualité des décisions de justice, op. cit., p. 7.
1194 ZENATI Fr., La jurisprudence, Paris, Dalloz, 1991, p. 1.
1195 En droit administratif, la jurisprudence est clairement reconnue comme source de droit, puisque ce sont les
décisions des juges administratifs, notamment du Conseil d’État qui, à l’occasion d’un litige dont il était

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droit civil qui, nonobstant les dispositions de l’article 5 du Code civil 1196, permet que la
jurisprudence puisse peu à peu être considérée comme une source de droit de facto.
Nonobstant le conflit qui persiste entre les dispositions des articles 4 et 5 du Code civil
français, l’on note qu’il demeure indéniable que le juge participe à la création du droit chaque
fois qu’il juge, puisqu’il fait oeuvre de jurisprudence —considérée comme une source du
droit—, son rôle normatif au sein de la société ne se pose pas fondamentalement, mais
soulève cependant la question de sa mise en oeuvre. Selon le professeur Frédéric Zenati, « il ne
fait aucun doute que le juge a pour fonction de dire le droit et que l’acte juridictionnel consiste
dans l’exercice de cette fonction (...). Dire le droit, ce n’est pas par essence appliquer une règle,
mais affirmer une valeur qui en l’espèce est la justice » 1197. À l’évidence, en tant qu’organes
chargés de rendre la justice, les juges constituent le pilier de l’ensemble du système judiciaire,
ils doivent à cet effet faire preuve de témérité afin de remplir efficacement leurs missions,
puisque le droit apparaît comme l’ultime régulateur des rapports sociaux.

Monsieur Aharon Barak s’interrogeant sur son rôle en tant que juge, s’oppose à l’idée selon
laquelle le juge ne fait que dire le droit mais ne le crée jamais, et précise que le rôle du juge se
rapporte à une action rectificative qui doit viser un double objectif, combler le fossé qui existe
entre le droit et la société et sauvegarder la démocratie 1198.. L’exercice d’un rôle normatif par le
juge électoral suppose de la part de ce dernier, qu’il oeuvre à l’éclosion normative du droit
électoral et la consolidation de l’État de droit au travers des motivations qui fondent les
décisions qu’il rend à l’occasion de son office. S’il est de principe que le juge fonde ses
décisions sur les dispositions légales, l’on note que ce dernier est quelquefois confronté à des
situations de lacunes ou de vides juridiques qui lui imposent d’ouvrir ce que Jean-François
Perrin a appelé la « procédure de comblement ». Selon cet auteur, cette procédure permet au
juge soit de découvrir la règle applicable au sein du milieu social et de la réveler, soit s’autoriser
à créer lui-même la règle qu’il établirait s’il avait à faire acte de législateur 1199. En admettant
que l’accroissement des pouvoirs reconnus aux juges électoraux participent à une meilleure
juridicisation de la société d’une part, et à la consolidation de la démocratie représentative
d’autre part, l’on observe que ces derniers exercent de manière différente leur pouvoir
jurisprudentiel selon le domaine du contentieux dont il sont saisis. Et pourtant, comme le

saisi, ne pouvant pas s’appuyer sur un droit codifié, élaborait le droit applicable aux situations soumises à sa
juridiction.
1196 L’article 5 du Code civil français dispose qu’ « il est défendu aux juges de prononcer par voie de
dispositions générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».
1197 ZENATI Fr., La jurisprudence, op. cit. p. 132.
1198 BARAK AHARON, « L’exercice de la fonction juridictionnelle vu par un juge : le rôle de la Cour suprême
dans une démocratieé, in Revue française de droit constitutionnel, 2006/2 (n°66), p. 227-302.
1199 PERRIN J.-Fr., Pour une théorie de la connaissance juridique, Genève, Librairie Droz S. A. 1979, p. 113.

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souligne le professeur Fabrice Hourquebie, l’ascension du juge s’expliquera par le rôle que lui
assigne le pluralisme juridique provenant de la multiplication de foyers normatifs. Il lui
appartient de coordonner la complexité de l’articulation juridique et de se transformer en
garant de l’assemblage structuré des pièces plurielles du puzzle juridique auquel il est
confronté 1200.

Lorsqu’on aborde la question de l’office du juge électoral au Cameroun, l’on peut constater
qu’il est fragilisé à plusieurs égards par le caractère hermétique et lacunaire de la norme
électorale, nonobstant le réaménagement du cadre procédural, et l’intervention de multiples
mutations dans le cadre normatif. En effet, parce que le juge électoral a l’obligation de statuer
sur les contestations ou réclamations qui lui sont soumises, il se transforme en « législateur des
laucunes du droit » 1201 afin d’apporter une solution de droit face au silence, à l’obscurité ou
l’incomplétude de la loi. Seulement, l’analyse des décisions rendues par les juges électoraux
laisse transparaître un certain activisme qui ne favorise pas une véritable construction
normative, et laisse penser qu’ils sont « contraints d’adopter une politique jurisprudentielle
respectueuse des décisions présidentielles » 1202. Si l’on peut déplorer l’immobilisme du juge
électoral sur des questions sensibles dont l’importance est pourtant cruciale, —notamment la
définition de la notion d’acte de gouvernement qui permettrait de connaître des actes de
convocation du corps électoral—, l’on peut noter que malgré les accusations de suivisme et de
mimétisme juridique faite aux juridictions, le juge électoral a pu au travers de son office,
participer à la clarification et à la délimitation des compétences des organes compétents d’une
part 1203 et celle de la qualité pour agir d’autre part. Si le pouvoir normatif du juge se manifeste

1200 HOURQUEBIE F., Sur l’émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Vème République, Bruxelles, Bruylant, 2004,
p. 119.
1201 BELAÏD S., Essai sur le pouvoir créateur et normatif du juge, Paris, L.G.D.J., 1974, p.311
1202 WAFEU TOKO P., « Le juge qui crée le droit est-il un juge qui gouverne ? », in Les Cahiers de Droit, vol. 54,
n°1, mars 2013, p. 145-174.
1203 Avant l’adoption du Code électoral, l’on a pu observer que l’office du juge administratif à l’occasion du
contentieux des élections munipales du 21 janvier 1996, a permi la clarification et une saine définition et
délimitation de compétences entre les commissions électorales et le juge administratif. Il établit face à une
inextricable répartition des compétences entre les organes compétents —articles 2, 26, 27, 28 et 33 de la loi
du 14 août1992 relative à l’élection municipale —, une séparation matérielle de compétence en deux blocs,
reconnaissant le règlement du contentieux préélectoral aux commissions communales de supervision et le
contentieux postélectoral au juge administratif. C’est ainsi que se prononçant au sujet de la portée des
dispositions de l’article 27 de la loi du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux attribuant la compétence de connaître des décisions d’acceptation ou de reject des candidatures
à la CCS, le juge administratif rapelle que le contentieux préélectoral relève de la compétence exclusive de la
CCS, bien qu’il s’emploie à circonscrire l’étendue de cette compétence. CA/CS, jugement n°41, 95-96 du 18
juillet 1996, UPC contre État du Cameroun, commune rurale de Bamendjo ; CA/CS, jugement n°47/95-96 du 18
juillet1996, Epale Roger Delors contre État du Cameoun ; etc. L’adoption du Code électoral apporte cependant un
réaménagement harmonieux dans la répartition des compétences. Désormais, le juge administratif connaît
aussi bien du contentieuxpréélectoral que de celui postélectoral.
Lire sur la question OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit », op. cit., p. 39.

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lorsqu’il est appelé à seconder la loi en précisant le sens des textes généraux, ou à la renforcer
en cas de lacune ou de vide juridique, son exercice doit nécessairement concourir à la stabilité
et à la sécurité des règles juridiques. Il appartient dès lors aux juges électoraux d’oeuvrer afin
que la jurisprudence qui fonde leur pouvoir normatif apparaisse non pas comme un
instrument de destabilisation du droit, mais plutôt d’unification de celui-ci, car comme le
souligne le professeur Frédéric Zenati, il est dans le jugement du juge, un mécanisme qui, à
défaut de produire une norme, crée les conditions de son apparition 1204. S’il semble
indiscutable que les juges électoraux ne se bornent pas à une stricte application de la loi,
puisqu’ils peuvent l’interpréter, l’enrichir ou la compléter, ils doivent nécessairement se
départir de la grande retenue et du manque d’audace qui annihilent leur rôle pédagogique dans
leur fonction de vecteur d’une justice électorale efficace.

B. Dans la garantie d’une justice électorale efficace


Entendue comme le mécanisme qui permet la garantie des élections justes et sincères, le
concept de justice électorale met en exergue les notions de justice et d’élection qui constituent
deux piliers indissociables d’un État démocratique. En effet, l’élection étant considérée comme
l’un des fondements de la démocratie, et « l’une des poutres maîtresses de tout régime
démocratique » 1205, l’office du juge électoral doit concourir à garantir la bonne application par
les différents acteurs impliqués dans le jeu politique, des règles qui l’encadrent d’une part, mais
également à assurer le respect des principes liés à la moralité et l’intégrité d’une élection
compétitive d’autre part. L’éclatement de la justice électorale entre trois ordres de juridictions
démontre le caractère prééminent de l’élection, et le souci du constituant d’en garantir la
sincérité afin de crédibiliser l’acte électoral. La mission du juge électoral dans une démocratie
représentative vise à cet égard le double objectif de garantir la sincérité des processus
électoraux d’une part, et de protéger les droits fondamentaux des citoyens, notamment celui
de vote et d’éligibilité d’autre part. Chargé de veiller à la régularité des processus électoraux, le
juge doit se départir du statut de simple « légidiction mécanique » 1206, et de toute sujétion et
d’activisme dont il fait quelquefois preuve, afin d’adopter une attitude neutre qui lui
permettrait de rendre des décisions justes et équitables, puisque l’acte de juger permet de
départager, de rectifier les injustices et de rétablir la paix sociale.

Aborder la question de l’exercice par le juge électoral d’une fonction pédagogique ayant
pour objectif la garantie d’une justice efficace, nécessite de mettre en évidence la portée et la
légitimité des décisions rendues par le juge électoral. En effet, l’élection étant de plus en plus

1204 ZENATI Fr., La jurisprudence, op. cit. p. 148.


1205 KOKOROKO D., « Les élections disputées : réussites et échecs », op. cit., p. 115.
1206 BERGEL J.-L., « Introduction générale », in L’office du juge, op. cit., p. 13.

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considérée en Afrique comme un « facteur conflictogène » qui menace la stabilité et la paix
sociale, eu égard aux tensions et crises postélectorales qu’elle suscite 1207, la mission
pédagogique du juge électoral doit avoir pour vocation, le renforcement de la crédibilité de la
justice électorale. S’il est indéniable que la justice électorale est effective et efficiente depuis
l’avènement des élections compétitives, l’on remarquera que le contexte sociopolitique
camerounais laisse transparaître un fort taux d’abstention qui pourrait se justifier par un
désintéressement des citoyens pour la chose politique, accru par la déception engendrée par
l’impression de déni de justice et de militantisme perçue dans les décisions rendues par le juge
de l’élection. L’efficacité de la justice électorale sera dès lors examinée sous le prisme de la
qualité des décisions rendue par le juge électoral, puisqu’étant considérée comme une
institution, un service public, la justice sera jugée plus ou moins efficace par les usagers au
regard de ses performances. Monsieur Stéphane Leyenberger souligne à ce propos que, la
qualité du jugement est un gage de légitimité du juge, et de la confiance placée dans la justice
par les citoyens, notamment en ce qui concerne la capacité du juge à montrer sa compétence
et à faire preuve de pédagogie lorsqu’il fonde et motive ses décisions qui ont un impact certain
dans la vie des justiciables 1208.

Si la quête d’efficacité de la justice électorale permet de déterminer la performance de celle-


ci aux regard des attentes de la société, il convient de rappeler qu’elle doit respecter des critères
déterminés relatifs à l’accessibilité, la neutralité, la confiance et la fiabilité de la justice, et qui
permettent de garantir l’aspect processuel de la justice 1209. La quête constante de l’efficacité de
la justice a par ailleurs permis le développement d’autres critères plus spécifiques, aménagés
par divers textes internationaux et fondés sur une conception « droit-de-l’hommiste » 1210, qui
considère qu’une justice efficace si elle est rendue par un juge indépendant et impartial à l’issue

1207 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », ibidem,p. 105.
1208 LEYENBERGER St., « Propos introductifs », in La qualité des décisions de justice, études réunies par Pascal Mbongo,
op. cit., p. 10.
1209 Les principes d’égalité, de continuité, de mutabilité et d’accessibilité consacrés par les tribunaux dès la fin
du XIXème siècle ont une valeur juridique, tandis que ceux de transparence, de neutralité, de fiabilité se
retrouvent dans la Charte des services publics [La documentation française] de 1992. Lire sur la question,
PETIT F., « Quels principes pour les services public ? égalité, continuité, adaptation, accessibilité,
neutralité,transparence,confiance et fiabilité », [En ligne], disponible sur : http://base.d-p-
h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6692.html. (Consulté le 30/11/2015).
1210 Les articles 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 ; 6 alinéa 1 et 13 de la
Convention européenne des droits de l’Homme ; 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme
et des libertés fondamentales telle qu’amendée par le Protocole n°11, et 17 de laCharte africainede la
démocratie, stipulent que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.

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d’un procès équitable, public et rapide 1211. Au vu de ce qui précède, il convient de dire que
même si le service public de la justice s’organise et fonctionne sur la base de plusieurs
principes, il revient au juge de leur donner vie par son office. Nonobstant le rôle central qui
est conféré au juge, l’on doit admettre que l’efficacité de la justice ne saurait entièrement
reposer sur lui, puisque celle-ci est tributaire de divers facteurs extérieurs qui s’imposent au
juge, notamment l’aménagement d’un cadre procédural accessible aux justiciables, et qui
garantit le droit à un recours effectif et à un procès équitable. D’après le professeur Daniel
Mockle, l’efficacité de la justice doit être fondée sur la quête de la qualité des instruments
juridiques, notamment la qualité procédurale, la qualité de la production juridique pour la
conceptualisation des textes et des normes, et davantage la qualité des liens juridiques avec la
population 1212.

En se fondant sur les principes sus-évoqués, il faudrait préciser en ce qui concerne la justice
électorale, qu’elle ne sera considérée comme efficace que si elle concourt à la garantie de l’idéal
démocratique, en l’occurrence le choix des représentants au moyen d’élections compétitives,
sincères et libres. Le doyen Francisco Djedjro Meledje écrit dans cette logique que le
contentieux électoral étant incontournable pour assurer la crédibilité des consultations
électorales, sa fiabilité est un signe de légitimation des gouvernants, et de maturité des acteurs
politiques et de la population, puisqu’il permet d’exlure toutes vélléités de recours aux
violences postélectorales 1213. Nonobstant les larges pouvoirs qui lui sont reconnus, le juge
électoral camerounais peine à remplir une fonction pédagogique qui concourt à l’efficacité de
la justice électorale. Même si ce dernier est quelquefois limité dans son intervention par de
multiples contraintes extérieures qui l’obligent à adopter une orientation jurisprudentielle
incomprise par les justiciables, l’on note qu’il n’affiche pas l’attitude audacieuse d’un « servant
des plaideurs et le serviteur du droit » 1214. En effet, si l’office du juge électoral ne vise pas le
strict respect de la loi électorale, et qu’il fonde sa décision sur le critère de l’influence
déterminante pour confirmer, annuler ou réformer les résutats du scutin, adoptant ainsi une
attitude pragmatique, il faudrait préciser que ce dernier ne laisse pas transparaître sa volonté de
garantir la sincérité et l’intégrité de l’expression démocratique.

En considérant que l’effectivité d’une justice électorale témoigne d’une avancée notable des
États africains dans l’ancrage aux principes démocratiques, il faut relever que les failles, et les

1211 FRICERO N., « La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention
européenne des droits de l’Hommes », in La qualité des décisions de justice, études réunies par Pascal Mbongo.
Éditions du Conseil de l’Europe, p. 49-59.
1212 MOCKLE D., « La justice, l’efficacité et l’imputabilité », in Les Cahiers de droit, vol. 54, n°4, décembre 2013,
p. 613-688.
1213 MELEDJE Dj. Fr., « Le contenteux électoral », op. cit., p. 140.
1214 BERGEL J.-L., « Introduction générale », ibidem, p. 20.

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tripatouillages dénotés dans l’organisation des processus électoraux ne concourent ni à la
garantie de l’idéal démocratique, au respect des droits civils et politiques des citoyens qui se
sentent abusés et bafoués dans leurs droits. Même si le doyen Francisco Djedjro Meledje
explique l’absence de fiabilité du contentieux électoral par la forte omniprésence des pouvoirs
publics dans l’organisation des processus électoraux. Il convient de relever l’inadéquation des
moyens matériels 1215 ainsi que le manque d’audace qui étouffent la fonction pédagogique du
juge électoral et partant, ne concourent pas à l’assise d’une justice électorale efficace. On sait à
l’évidence qu’en Afrique, même si l’ère du monopartisme est révolue, des difficultés quant à
l’évolution des mentalités se font persistantes. En effet, si dans l’entendement de certains
dirigeants politiques « on n’organise pas les élections pour les perdre » 1216, l’office du juge
électoral peut se révéler difficile, et aboutir inévitablement à des violences postélectorales,
lorsque face aux fraudes et tripatouillages de toutes sortes, il adopte une politique
jurisprudentielle qui vise à entériner les fraudes électorales. Selon le président Théodore Holo,
les élections en Afrique noire francophone sont marquées par une détermination inouïe des
dirigeants en place à combattre le principe de l’alternance en recourant à la fraude électorale
pour assurer leur pérennité au pouvoir. En conséquence, l’Afrique renvoie l’image d’un désert
de la démocratie, un champ de ruines démocratiques, dont les belles architectures et
constructions érigées pour le rayonnement de la démocratie en 1990, sont progressivement
laissées à l’abandon, quand elles ne sont pas purement et simplement saccagées, puisque les
réformes initiées dans la dernière décennie du XXème siècle n’ont souvent eu que des effets
formels 1217.

L’analyse des contentieux électoraux au Cameroun permet de souligner le malaise du juge


électoral à connaître du contentieux des élections présidentielles auxquelles le président de la
République prend part en qualité de candidat sortant, à l’inverse du contentieux des législatives
et des municipales où il est plus à son aise. Chargé d’être « le chien de garde » qui veille à la
régularité des élections présidentielles qui sont considérées comme une procédure affectionnée
par les dictateurs qui y voient la meilleure voie de légitimation de leur autoritarisme 1218, le juge
électoral dévie généralement de sa mission en affichant par ses jurisprudences à éclipse,
complice d’une démocratie chancellante au profit d’un pouvoir manifestement nostalgique de

1215 MELEDJE Dj. Fr., « Le contenteux électoral », op. cit., p. 142.


1216 Propos de l’ancien président congolais Pascal Lissouba, resté au pouvoir du 31 août 1993 au 15 octobre
1997. KOKOROKO D., « Les élections disputées : réussites et échecs », op. cit., p. 115.
1217 HOLO Th., « Démocratie revitalisée ou démocratie émasculée ? Les constitutions du renouveau
démocratique dans les États d’Afrique de l’espace francophone africain : régime juridique et système
politique », RBSJA, nº 16, 2006, p. 17-41.
1218 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », op cit., p. 101.

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l’époque du parti unique 1219. Le malaise relevé dans l’office du juge électoral camerounais qui
découle certes de la fragilité de son régime statutaire, le rend complice des fraudes électorales
décriées et démontre son impuissance à rendre une justice efficace, puisqu’il ne fait pas preuve
d’audace et de témérité afin de s’affirmer en tant qu’institution neutre, indépendante et
impartiale au service du droit.

Assurément, lorsque la Cour suprême camerounaise siégeant en qualité de Conseil


constitutionnel analyse les moyens soulevés par les requérants, elle adopte une politique
jurisprudentielle centrée autour des rejets, et irrecevabilité, qui laisse penser qu’il opte
délibérément pour une solution défavorable à l’opposition. Sinon, même s’il faut déplorer le
faible taux d’annulation des élections présidentielles en Afrique centrale, l’on observe que le
juge électoral camerounais n’a aucune annulation d’élections présidentielles à son actif depuis
l’avènenement d’élections compétitives, même lorsque celles-ci sont qualifiées de mascarades
en raison de la gavité des fraudes constatées et décriées. Et pourtant, dans certains États tels
que le Bénin ou le sénégal, le juge électoral a pu démontrer sa capacité à privilégier le devoir
d’ingratitude en rendant des décisions qui concouraient à la garantie de la sincérité du scrutin
et au respect des droits civils et politiques des citoyens. Au Bénin en effet, l’on a pu féliciter la
témérité du juge constitutionnel à l’occasion du contentieux de l’élection présidentielle du 3
mars 1996. En effet, suite à l’examen des réclamations et des irrégularités relevées par elle-
même, la Cour constitutionnelle a procédé à diverses rectifications matérielles, aux
redressements jugés nécessaires et à l’annulation des votes au niveau de plusieurs bureaux de
vote, et a proclamé vainqueur le candidat de l’opposition préalablement déclaré élu à l’issue du
vote malgré les menaces et pressions du pouvoir politique en place. La Cour constitutionnelle
du Bénin avait à cette occasion affirmer avec force qu’en tout état de cause, elle continuera, en
toute indépendance et dans la sérenité à assumer pleinement dans son domaine de
compétence, la mission que le peuple souverain lui a confiée à travers la Constitution. Cette
attitude du juge constitutionnel est reproduite à l’occasion du contentieux des élections
législatives de 1995 au cours desquelles les résultats du scrutin de la ville de Cotonou où se
présentait l’épouse du chef de l’État ont été invalidés en raison de la transmission tardive des
résultats du scrutin 1220. Si les décisions du juge béninois ne peuvent pas être considérées
comme une panacée, —puisqu’elles se justifient par le statut protecteur dont bénéficient les
membres de la Cour constitutionnelle—, il faudrait reconnaître qu’elles révèlent sa volonté de
privilégier l’idéal de justice que soustend son office, et qui repose sur l’équité, l’impartialité,

1219 KOKOROKO D., « Les élections disputées : réussites et échecs », op. cit., p. 122.
1220 OUSSEINI, O. « Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de l’Ouest francophone », op.
cit., p. 322. Pour ce qui concerne le communiqué de la Cour constitutionnelle du Bénin, [En ligne],
disponible sur http://www.kas-benin.de/manuel/cconstit.html. (Consulté le 03/12/2015).

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l’indépendance, et la neutralité, gages de sa légitimité et de la confiance placée dans la justice
par les citoyens.

La question d’efficacité de la justice déduite en filigrane de sa fonction pédagogique permet


en définitive de remarquer que, si le juge électoral camerounais peine à remplir la mission de
garant de l’expression démocratique qui lui est dévolue, cela se justifie par le fait que ce dernier
« lutte constamment, tout en ayant conscience qu'il n'aura peut-être pas toujours la force, ni les
moyens d'y résister durant toute sa carrière » 1221 d’une part, et par le manque de fiabilité
qu’inspire l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême chargée de régler le
contentieux de l’élection présidentielle d’autre part 1222. Cette justification qui paraît à
l’évidence rationnelle, trahit toutefois le manque de témérité du juge électoral qui se réfugie
derrière une politique d’esquive pouvant aboutir à des violences postélectorales 1223.

§ 2. UN JUGE CONSTAMMENT DANS L’ESQUIVE


S’il semble indiscutable qu’il ne peut avoir de société sans justice, et de justice sans juges
investis de l’audacieux pouvoir de la rendre 1224, l’on remarque que l’office du juge électoral est
de plus en plus sujet à la désaffection des justiciables. Certes, la conquête du pouvoir n’est
jamais pacifiée ni jouée d’avance 1225, l’on note que si elle laisse peu de place à l’office du juge

1221 FALL A. B., « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », op. cit., p. 313.
1222 Selon le professeur Alain Didier Olinga, si l’on s’en tient à la loi du 29 décembre 2006 portant organisation
et fonctionnement de la Cour suprême, le juge constitutionnel transitoire compétent en matière d’élections
nationales est la formation en Chambres réunies de ladite Cour. Or, cette disposition des choses, du point
de vue de la confiance que doit inspirer à ses justiciables une formation de jugement, est loin d’être
satisfaisante. En effet, la formation des Chambres réunies, telle qu’elle découle de l’article 139 de la loi du
29 décembre 2006 précitée, compte 19 membres statutaires, mais le Premier Président peut y adjoindre un
ou plusieurs conseillers « compte tenu de la nature de l’affaire ». C’est dire qu’alors que la composition du
Conseil constitutionnel tel que consacré dans la Constitution est stable, celle de son substitut transitoire
peut fluctuer au gré de l’évolution de la législation relative à la Cour suprême, et également au gré de la
volonté du Premier Président. Une instance appelée à exercer un rôle aussi sensible ne peut être laissée à
une telle incertitude organique. C’est dire que, avant même de s’interroger sur le contenu de la production
jurisprudentielle en matière électorale, la physionomie organique de l’instance compétente est de nature à
susciter des controverses. OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle
contribution à la sérénité de la démocratie élective et à l’enracinnement de l’état de droit ? le cas du
Cameroun », op. cit., p. 4.
1223 Cette inaptitude à garantir une justice électorale efficace a ainsi entrainé le déclenchement de diverses
actions de la part de la communauté internationale, notamment la Résolution 1765 du Conseil de sécurité,
16 juillet 2007, l’adoption de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30
janvier 2007, visant leur implication dans le règlement des contentieux.
Lire sur la question, MELEDJE Dj. Fr., « Le contenteux électoral », op. cit., p. 142 ; KOKOROKO D., « Les
élections disputées : réussites et échecs », op. cit., p. 115 ; FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du
président de la République au suffrage universel. Les tabous de la désignation démocratique des
gouvernants », op cit., p. 99-113.
1224 ROZÈS S., « Un profil nouveau pour les juges », op. cit., p. 435.
1225 CAMBY J.-P., « Dialogues des juges et contentieux électoral », in Le dialogue des juges : Mélanges en l’honneur du
président Bruno Genevois, Dalloz, Paris, 2008 p. 131-140.

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électoral, ce dernier fait preuve d’une retenue qui le force à une interprétation restrictive de la
loi qui ne contribue ni à l’enracinement de l’État de droit, ni au respect des principes du
procès équitable. Généralement décrit comme un juge coincé entre son rôle —en principe
impartial— de garant de l’État de droit et des libertés individuelles des citoyens d’une part, et
des réalités qui constituent des pesanteurs à son action d’autre part 1226, le juge électoral peine
à asseoir une véritable consolidation de la démocratie représentative (B) en raison de sa
dérobade face à l’enjeu de certaines questions qui lui sont soumises (A).

A. En fonction de l’enjeu de l’élection


Considérer le juge électoral comme juge de l’esquive nécessite de dénoter sa dérobade
lorsqu’il est saisi de certaines questions, ignorant par cette attitude, sa mission de garant des
droits civils et politiques des citoyens constitutionnellement consacrés. Même si les limites de
l’intervention du juge électoral camerounais sont tracées par les textes juridiques existants 1227,
l’analyse de quelques décisions rendues par la Cour suprême révèle de manière flagrante une
grande retenue du juge électoral qui le fait davantage paraître comme le complice d’une
démocratie émasculée, alors même que le contentieux est perçu comme « un signe de la
légitimité des procédures de désignation des gouvernants » 1228. Aborder la question de
l’esquive du juge nous conduira ainsi, non pas à étudier l’office des juges électoraux dans leur
ensemble, mais à mettre en exergue, l’inhibition dont le juge électoral fait preuve en fonction
de l’enjeu de l’élection.

Si en général, le contentieux de la liste électorale ne soulève pas de difficultés majeures


sollicitant l’hardiesse du juge judiciaire, l’examen des décisions relatives au contentieux des
opérations préliminaires et celui relatif aux résultats du scrutin en revanche, révèle des
orientations fluctuantes en fonction de l’enjeu de l’élection en cause. L’élection locale étant
considérée comme une élection de proximité qui vise l’élection des membres du conseil
municipal d’une commune, notre propos portera davantage sur le contentieux des élections
nationales qui revêtent un intérêt considérable au regard des enjeux qui s’y rattachent,
notamment celui de la représentation politique au sein de la chambre parlementaire d’une part,
et celui de l’élection de la plus haute personnalité politique de l’État d’autre part. Parlant des
élections nationales, il faudrait noter que, nonobstant le caractère préeminent qui est rattaché à

1226 OLINGA A. D., « Contentieux électoral et État de droit », op. cit., p. 47.
1227 À l’inverse du Cameroun, le constituant béninois a clairement précisé l’étendue de l’office du juge électoral
à l’ensemble du processus électoral notamment sur les actes allant de la préparation jusqu’à la gestion du
contentieux des résultats du scrutin. L’article 117 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990
dispose à cet égard que la Cour constitutionnelle veille à la régularité de l’élection du président de la
République, examine les réclamations, statue sur les irrégularités qu'elle aurait pu, par elle-même relever et
proclame les résultats du scrutin.
1228 MELEDJE Dj. Fr. « Le contentieux électoral en Afrique », op.cit.,p. 140.

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l’élection des députés d’une part et du président de la République d’autre part, l’attitude du
juge électoral est fluctuante. Il mène une politique d’esquive et de grande retenue qui le
conduit à interpréter timidement les règles juridiques applicables à certains faits juridiques qui
lui sont soumis, et pourtant son action doit prioritairement viser la garantie de la régularité, et
la sincérité du processus électoral afin d’enrayer toute tension juridique ou politique engendrée
par la confrontation des intérêts divergents entre les protagonistes impliqués dans le jeu
politique. Le président de la République étant considéré comme le pivot des institutions, et le
bénéficiaire d’un statut privilégié dont la légitimité repose sur l’onction populaire1229, notre
analyse sera axée sur l’office du juge électoral chargé de veiller à la régularité de l’élection du
président de la République, car comme l’écrit le professeur Ismaïla Madior Fall, « quand on
gagne la présidentielle, on gagne toutes les autres élections » 1230.

Si le Conseil constitutionnel français joue un rôletrès actif dans la préparation de l’élection


présidentielle, la Cour suprême du Cameroun se refuse en général à connaître des actes qui ne
relèvent pas étroitement de ses attributions. L’office du juge électoral se cantonne à cet effet, à
l’examen des contestations ou réclamations qui naissent des opérations préliminaires, et celles
liés aux résultats du scrutin. L’office du juge électoral dans l’examen du contentieux lié à
l’acceptation ou au rejet des candidatures est à la fois audacieux et craintif, alors même que son
action vise conjointement le respect des prescriptions légales d’éligibilité, et la garantie de la
liberté de candidature. L’intervention du juge électoral à cette étape du contentieux
préélectoral revêt une importance capitale puisqu’elle participe à la garantie de l’intégrité et la
légitimité du mandat des élus, au travers de la gestion des questions liées à la nationalité des
ascendants du candidat, à la résidence continue sur le territoire national, à la moralité du
candidat et à son investiture par un parti politique. L’action du juge se situant en aval de
l’intervention du Conseil électoral, elle se résume au contrôle de la justesse des décisions
rendues par ledit organe de supervision, notamment la vérification du respect des conditions
sujectives 1231 et objectives d’éligibilité 1232. Selon le professeur Ismaïla Madior Fall, « lorsque le

1229 FALL I. M, « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel : les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », op. cit. p. 99-113.
1230 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », ibidem,p. 105.
1231 Prescrites par les articles 6 alinéa 5 et 117 respectivement de la Constitution camerounaise et du Code
électoral, les conditions subjectives d’éligibilité sont entre autres relatives à l’âge, la nationalité, la résidence
continue dans le territoire national d’au moins douze mois consécutifs, à l’inscription sur les listes
électorales, et à la jouissance de la capacité juridique.
1232 Les conditions objectives d’éligibilité relatives à la déclaration de candidature sont prescrites par les
dispositions des articles 120 à 124. Ilen résulte que les candidats à l’élction présidentielle doivent faire une
déclaration de candidature revêtue de leur signature légalisée ; ils doivent être investit par un parti politique
s’ils ne sont pas indépendants, la déclaration doit être accompagnée de plusieurs documents, notamment la
liste de 300 signatures des personnalités requises en cas de candidature indépendante ; un extrait d'acte de
naissance du candidat datant de moins de trois (03) mois ; la lettre de présentation et d'investiture du parti

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juge des candidatures [est] saisi pour statuer sur des cas de recevabilité de candidature, il a une
inclination normale à appliquer les dispositions constitutionnelles et législatives régissant la
candidature. Concrètement, cette attitude juridictionnelle peut être problématique lorsqu'elle a
pour effet de rejeter des candidatures sérieuses de la compétition pour le pouvoir, et que ce
rejet puisse générer des tensions pernicieuses pour la stabilité politique du pays » 1233. En effet,
l’analyse des décisions rendues par la Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel
laisse transparaître une distinction dans l’appréciation des recours qui lui sont soumis. Il
apparaît comme un juge rigoureux lorsqu’il examine les recours qui ont trait à la vérification
des conditions subjectives et objectives d’éligibilité, en interprétant strictement les conditions
d’éligibilité prescrites, alors que l’appréciation des dispositions légales faite par le juge peut
entraîner la restriction ou le renforcement de la jouissance du droit d’éligibilité. La rigueur du
juge électoral s’est ainsi fait ressentir à l’occasion de l’élection présidentielle du 11 octobre
1992, au cours de laquelle la Cour suprême a estimé que le fait pour le candidat Henri Hogbe
Nlend ne justifiait pas d’une résidence continue au Cameroun, eu égard au poste de professeur
de mathématiques qu’il occupait en France 1234. Pourtant dans d’autres pays tels que la France,
le Conseil constitutionnel a opté pour une interprétation libérale et restrictive des textes
juridiques afin d’écarter toute limitation à l’exercice des droits civiques 1235. Au Bénin par
ailleurs, le juge constitutionnel avait exclu l’application de l’amendement voté à l’approche des
élections présidentielles par l’Assemblée nationale, —et qui avait pour but d’exclure de la
compétition les candidats qui ne versaient pas au dossier de candidature la preuve de la
renonciation à toute autre nationalité—, en relevant que la loi ne saurait ajouter à la
Constitution, en créant une condition d’éligibilité supplémentaire à la présidence de la

cautionnant la candidature du postulant ; une déclaration sur l'honneur par laquelle le candidat s'engage à
respecter la Constitution ; un bulletin n°3 du casier judiciaire datant de moins de trois (03) mois ; un
certificat d'imposition ou de non imposition ; un certificat de nationalité ; et l’original du certificat de
versement du cautionnement.
1233 FALL I M., Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des Etats d’Afrique, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 70.
1234 Lire sur la question, FALL I M., Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des Etats d’Afrique, op. cit., p. 53.
1235 Décision Ducatel contre Krivine, n°69-18 PDR du 17 mai 1969, portant sur une réclamation présentée par
monsieur Ducatel contre l’établissement de la liste des candidats à la présidence de la République. Dans
cette affaire, il était question pour le juge électoral de déterminer la règle juridique qui satisfait aux
prescriptions légales relatives au service militaire actif en ce qui concerne l’éligibilité à la présidence de la
République. Le Conseil constitutionnel devait à cette occasion, décider entre les dispositions générales
concernant l’éligibilité régies par le Code électoral et celles prévues par l’Ordonnace du 24 octobre 1958
portant loi organique relative aux conditions d’éligibilité parlementaire, celles qu’il appliquerait au litige qui
lui était soumis, à savoir l’inéligibilité d’un candidat à l’élection présidentielle. Rappelant que toute limitation
à l’exercice d’un droit civique doit être interpréter de manière restrictive, il opte pour l’application des
dispositions du Code électoral —nul ne peut être investi de fonctions publiques, même électives, s'il ne
justifie avoir satisfait aux obligations imposées par la présente loi—, puisque pour lui, M. Krivine étant dans
une situation régulière sous les drapeaux, il satisfait à la condition d’éligibilité prescrite par la loi.

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République 1236. Malgré la plénitude de compétence dont bénéficie le Conseil constitutionnel,
l’on note que l’interprétation restrictive et « ponce-pilatiste » qu’il fait de ses attributions ne
concourt ni à la consolidation de la démocratie réprésentative, ni à la crédibilisation de l’acte
électoral. Le professeur Ismaïla Madior fall relève à ce propos que, le juge doit interpréter les
dispositions pertinentes en matière de liberté de candidature en ayant à l’esprit la
préoccupation de sauvegarder l’égalité des chances pour tous d’accéder aux fonctions
politiques et la paix civile. En cas de doute, la liberté de candidature doit prévaloir, puisque la
qualité de traitement du contentieux des candidatures peut contribuer à écarter des
candidatures gênantes, engendrant au passage des tensions qui peuvent aboutir à des
affrontements armés 1237.

La jurisprudence essentiellement constituée d’incompétence, de rejet et d’irrecevabilité


révèle la dérobade d’un juge électoral qui peine à enraciner l’État de droit au travers de la
qualité des décisions qu’il rend. Le professeur Alain Didier Olinga écrit à ce propos que, pour
réaliser de manière efficace son office, le juge électoral doit être lui-même suffisamment outillé
afin d’adopter une stratégie jurisprudentielle qui concourt à l’essor d’une justice électorale de
qualité 1238, gage d’une alternance politique réussie, et partant de la stabilité politique et de la
paix sociale dans un État démocratique.

B. Dans son rôle de garant de la consolidation de la démocratie


représentative
La démocratie est considérée comme une idéalité et une réalité 1239 qui concourent à la
préservation et à la promotion des droits civils et politiques des citoyens, puisqu’elle garantit
l’égale et libre participation des citoyens à la gestion de la cité. L’élection et le contentieux
électoral qui en résulte constituent un instrument qui permet de garantir le droit de
participation des citoyens et de prévenir les crises et conflits politiques qui pourraient survenir
à l’occasion de la procédure de dévolution du pouvoir politique. Monsieur Stéphane Bolle
souligne à ce propos qu’à « chaque élection, une démocratie émergente de l’Afrique
francophone a rendez-vous avec elle-même ; et sa Cour ou son Conseil constitutionnel passe

1236 Décision de la Cour constitutionnelle, DCC 96-002 du 5 janvier 1996. Lire sur la question, ADELOUI A.-J.,
« Réflexions sur le pouvoir d’interprétation du juge constitutionnel africain en matière électorale », in
R.B.S.J.A., n°24, Cotonou, 2011, 22 p.
1237 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », op. cit., p. 107.
1238 OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à la sérénité de la
démocratie élective et à l’enracinement de l’État de droit ? Le cas du Cameroun », op. cit., p. 2.
1239 La démocratie consacre la souveraineté politique, et est liée à la liberté et au peuple. Elle renvoie à cet égard
à la liberté dont jouit la personne dans une société pour désigner ses représentants. NGUELE ABADA M.,
État de droit et démocratisation : Contribution à l’étude de l’évolution politique et constitutionnelle au Cameroun, Thèse de
l’Université de Paris I- Panthéon Sorbonne, tome I, Décembre 1994, p. 13.

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par une redoutable épreuve de vérité » 1240. En considérant avec le professeur Gérard Conac,
qu’il ne peut avoir de démocratie sans élections, et les élections ne sont dignes de la
démocratie que si elles laissent aux électeurs un libre choix, garanti par des organes
compétents 1241, l’intervention du juge électoral devient cruciale pour garantir la régularité de la
représentation politique. L’office du juge électoral apparaît à ce titre comme « un impératif
presque axiologique, voire un cheval de troie » 1242, puisqu’il permet la réalisation effective des
objectifs assignés à l’élection qui est considérée comme le premier facteur conflictogène en
raison de l’inacceptation et du rejet des résultats du scrutin par l’ensemble des acteurs du jeu
politique 1243. L’intervention du juge électoral concourt à cet égard, à la légitimation du
pouvoir politique d’une part, et permet d’asseoir la croyance des citoyens dans la vertu de
l’élection en veillant à la cohésion sociale et à la tranquilité nationale au travers des décisions
qu’il rend d’autre part.

Si la démocratie est considérée comme un idéal vers lequel on devrait inlassablement


tendre, il convient de souligner avec Monsieur Boutros-Boutros Ghali dans son rapport de
1995 à l’Assemblée générale, que la démocratie n’est pas un modèle qu’il convient de copier,
mais un objectif qui doit être atteint par tous les peuples conformément aux caractéristiques, à
la culture, et à l’histoire de chaque société 1244. Malgré les différences que l’on peut observer
dans l’organisation et le fonctionnement des États démocratiques, il est incontestable que leur
dénominateur commun demeure à tous égards, la consolidation de l’État de droit et des
« acquis démocratiques » 1245. L’adhésion de la majorité des États africains au processus de
démocratisation qui prédomine sur le continent depuis les années 1990 permet de constater un
ancrage diversement solide en fonction du contexte sociopolitique des États considérés.
Même s’il n’est désormais plus approprié de parler de processus de démocratisation 1246 en

1240 BOLLE St. « Les juridictions constitutionnelles africaines et les crises électorales », in Les Cours
constitutionnelles et les crises, ACCPUF, 5ème Congrès, Cotonou, 22-28 juin 2009, 20 p. [En ligne], disponible
sur : http://www.la-constitution-en-afrique.org/. (Consulté le 10/02/2013).
1241 CONAC G., « Les aspects juridiques : démocratie et élections », in Démocratie et élections dans l’espace francophone,
op. cit, p. 12-30.
1242 CONAC G, « Le juge et la construction de l’État de droit en Afrique francophone », in Mélanges en l’honneur de
Guy Braibant- L’État de droit, op. cit., p. 105.
1243 FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel : les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », ibidem, p. 107.
1244 BASSIOUNI CHERIF, « Vers une déclaration universelle sur les principes fondamentaux de la démocratie :des
principes à la réalisation », in La démocratie : principes et réalisation, op. cit., p. 6.
1245 KOKOROKO D. K., « L’apport de la jurisprudence constitutionnelle africaine à la consolidation des acquis
démocratiques : (Les cas du Bénin, duMali,du Sénégal, du Togo) », in Revue Béninoise des Sciences Juridiques et
Administratives, n°18, juin 2007, p. 87-128.
1246 Le professeur Cherif Bassiouni définit la démocratisation comme un processus qui représente une série
d’évolutions. Selon lui, la démocratisation fait référence au stade transitionnel d’un gouvernement qui
abandonne les pratiques non démocratiques au profit d’un régime de partage du pouvoir, et de

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Afrique au regard de diverses mutations institutionnelles qui y sont observées, l’on note que
l’Afrique éprouve des difficultés à asseoir et à consolider la démocratie représentative. À ce
titre, il convient de souligner que la consolidation de la démocratie représentative demeure une
question ouverte en Afrique. Elle se pose en terme d’instauration d’un véritable État de droit
soucieux de renforcer les principes relatifs à la séparation des pouvoirs et à la primauté du
droit. La consolidation de la démocratie représentative s’analyse ainsi sous l’angle de
l’effectivité de certains principes tels que l’indépendance des institutions, notamment de la
justice dont l’objectif vise la reconnaissance et la protection des droits fondamentaux des
citoyens et la garantie de la justice sociale.

Parler de l’esquive du juge électoral dans le rôle de garant de la consolidation de la


démocratie représentative qui lui est assigné nécessite de démontrer sa difficulté à imposer des
élections fiables et transparentes. En effet, qu’il s’agisse de la juridiction administrative ou du
Conseil constitutionnel, l’on note que le juge électoral camerounais s’est laissé enliser par la
complexité et l’hermétisme de l’arsenal juridique dont il dispose. Faisant quelquefois fi des
larges pouvoirs qui lui sont reconnus dans le cadre du règlement du contentieux électoral, le
juge électoral affiche à l’occasion de son office, une attitude craintive qui frise le dilatoire.
Monsieur Ousseini Ouedraogo note à ce sujet que l’apport du juge à la démocratisation est
difficilement quantifiable, puisque les citoyens restent méfiants et parfois très critiques vis-à-
vis des décisions du juge électoral qu’ils perçoivent comme un facteur de perversion de la
démocratie 1247. Selon le professeur Gérard Conac, les juges sont dans une situation
inconfortable, car ils sont sans cesse tentés soit de refuser de se prononcer en invoquant des
arguments de procédures, soit tentés de recourir à des principes ménageant la suprématie
présidentielle. Même lorsqu’ils sont courageux et font preuve d’impartialité, il ne sont pas en
mesure d’entrer en conflit ouvert avec le pouvoir politique. Sa marge de manoeuvre est à cet
égard restreinte, ce qui l’oblige à être prudent, car il se sait vulnérable 1248. Le statut du juge
électoral camerounais ne favorise certes pas une totale autonomie et efficacité de son office, il
faudrait cependant observer le manque de volonté qui le caractérise ne favorise pas la garantie
de l’intégrité du scrutin. Et pourtant, le rôle du juge électoral consistant à garantir la sincérité
du scrutin, son action doit être neutre et impartiale et viser le respect des principes d’égalité et
de liberté des citoyens dans la jouissance de leurs droits civils et politiques.

responsabilité à l’égard du public. BASSIOUNI CHERIF, « Vers une déclaration universelle sur les principes
fondamentaux de la démocratie :des principes à la réalisation », ibidem, p.6.
1247 OUSSEINI, O. « Le contentieux des élections politiques nationales en Afrique de l’Ouest francophone », op.
cit., p. 352.
1248 CONAC, G. « Le juge et la constitution de l’Etat de Droit en Afrique », in Mélanges Guy BRAIBANT, Paris,
Dalloz, 1996, p. 105-119.

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S’il est en effet admis que « la démocratie tend à satisfaire la volonté de la majorité sans
sacrifier les minorités, à favoriser l'égalité sans ignorer les différences, à faire une place à la
société civile sans dévaloriser le rôle de l'Etat, à préserver les droits de l'individu sans négliger
l'intérêt général » 1249, l’on observe qu’il appartient au juge électoral de mettre cet idéal en
oeuvre et d’en garantir la consolidation. Même si l’office du juge électoral est effectif, il est
perçu comme inefficace pour asseoir la consolidation de la démocratie représentative, puisqu’il
suscite beaucoup de méfiance dans le corps électoral qui le considère comme un instrument
qui discrédite la démocratie. Les juges électoraux sont dès lors considérés comme des
complices du pouvoir politique en place, car ils véhiculent une jurisprudence creuse qui ne
comporte pas de véritables motivations permettant d’asseoir sa fonction normative et
pédagogique, puisqu’ils se réfugient sans cesse derrière les insuffisances des textes juridiques
pour rendre des décisions qui laissent transparaitre leur partialité et leur complaisance. Ils
donnent l’impression de ne pas vouloir décevoir les autorités politiques en choississant une
interprétation limitative des textes pour manifester leur gratitude au pouvoir politique.
Pourtant, loin de verser dans un fétichisme juridique qui voudrait que l’on sanctionne la
moindre irrégularité constatée dans l’organisation et le déroulement de l’élection, les décisions
du juge électoral sont loin d’oeuvrer dans le sens de la protection de l’intégrité du scrutin,
puisqu’il est avare dans la motivation de ses décisions 1250.

L’apport du juge électoral à la construction de la démocratie représentative se manifeste au


travers des décisions qu’il rend. Il en résulte que l’intervention du juge électoral peut être
qualifiée de parodie lorsque ses décisions dont les motivations sont vides de sens, ne
participent ni à l’assimilation par les citoyens des règles régissant les mécanismes électoraux, ni
au renforcement du cadre normatif. Le juge électoral doit à cet égard adopter une attitude
téméraire et s’émanciper de l’emprise du pouvoir politique, afin de « ne pas refroidir ni
l'enthousiasme démocratique, ni sa vitalité, de sorte que les intérêts privés et les intérêts
publics interagissent sans tensions, sans ruptures et sans corruption 1251. Toutefois, l’on
observe que l’office du juge électoral s’apparente quelquefois à une dérobade qui ne favorise ni
la crédibilisation de l’acte électoral, ni la consolidation de la démocratie représentative 1252,

1249 MASSUH V., « Démocratie : délicat équilibre et universalité », in La démocratie : principes et réalisation, op. cit.,
p. 68-73.
1250 NGARTEBAYE LE YOTHA E. « Le contentieux électoral et la consolidation démocratique en Afrique
francophone : trajectoire comparative du Bénin et du Tchad », Thèse de l’Université de Lyon III, 16 décembre
2014, p. 244.
1251 MASSUH V., « Démocratie : délicat équilibre et universalité », in La démocratie : principes et réalisation, op. cit.,
p. 68.
1252 Lire sur la question,OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à
la sérénité de la démocratie élective et à l’enracinement de l’État de droit ? Le cas du Cameroun », Conférence
panafricaine des présidents des Cours constitutionnelles et Institutions comparables sur le renforcement de l’Etat de Droit et la
démocratie à travers la justice constitutionnelle, Marrakech, Cafrad- Fondation Hanns Seidel, 26-28 novembre

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alors que son office doit permettre la garantie des principes cardinaux relatifs à l’expression
libre et inaltérée du suffrage universel tel que reconnus et promus par les textes internationaux.
Aussi, lorsque la contestation des opérations électorales, en l’occurrence celles relatives à
l’élection du président de la République peut déboucher à des conflits et des violences
postélectorales, les juges nationaux peuvent être soutenus dans leur action par des mécanismes
mis en oeuvre par les textes internationaux ou communautaires dans l’optique d’un
apaisement socio-politique. Sur le plan international, des instruments des Nations Unies tels
que la Déclaration Universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 1253, le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques 1254, ont été mis en oeuvre dans le but de
rappeler aux États leurs engagements à promouvoir et à mettre en oeuvre les principes
démocratiques auxquels ils ont adhéré. De la même manière sur le plan communautaire, on a
observé la ratification des Conventions régionales dotées de mécanismes d’application telles
que la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981 1255, la Charte
africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance 1256, et de manière plus spécifique
à l’Afrique de Ouest, le Protocole du 21 décembre 2001, additionnel au Protocole de Lomé de
décembre 1999 portant sur le mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits,
de maintien de la paix et de la sécurité 1257. Ce texte a pour objectif d’accompagner les États de
la sous-région dans leur volonté de consolidation de la démocratie et la bonne gouvernance
par la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), afin de
juguler les conflits et violences postélectorales auxquels l’élection donne très souvent lieu. Ces
différents instruments mis en oeuvre au travers des missions d’observation internationale des
élections permettent aux tiers d’intervenir pour accompagner les États dans leur démarche de
consolidation du tissu démocratique et surtout lorsque les juridictions nationales ne

2012, 19 p. [En ligne], disponisble sur : cafrad.org/Workshops/Marrakech26-


28_11_12/documents_en.html. (Consulté le 06/11/2015).
1253 Article 21 alinéa 1, 2 et 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948.
1254 Article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.
1255 Article 13 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
1256 Les articles 2 alinéa 1 ; 3 alinéas 1, 2, 3 et 4 ; 11, 12, 13 et 17 de la Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance rappellent entre autres de ses objectifs, la promotion de l’adhésion de chaque
État partie aux valeurs et principes universels de la démocratie et le respect des droits de l’homme d’une
part, et mettent l’accent sur l’engagement des États parties à appliquer les principes relatifs au respect des
droits de l’homme et des principes démocratiques, à l’accès au pouvoir et son exercice, à la promotion d’un
gouvernement représentatif et à la tenue régulière d’élections transparentes, libres et justes tels qu’énoncés
dans la Charte d’autre part.Lire sur la question TCHIKAYA B., « La Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance », in Annuaire français de droit international, Paris, CNRS éditions LIV-2008,
p. 515-528.
1257 Après la signature dudit protocole, les chefs d’État signataires décidèrent de rendre d’emblée applicables,
sans nécessité de ratification, ces clauses relatives aux élections. Cela constitua la base légale et politique de
l’implication de la CEDEAO dans l’observation et/ou la supervision des élections en Afrique de l’Ouest.
FALL I. M., « Quelques réserves sur l’élection du président de la République au suffrage universel : les
tabous de la désignation démocratique des gouvernants », op.cit., p. 109.

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parviennent plus à gérer de manière non violente la phase postélectorale. À l’évidence,
l’implication de mécanismes internationaux et communautaires dans la gestion des processus
électoraux s’est avéré salutaire au regard des conflits et violences postélectoraux qui ont résulté
de l’organisation et du déroulement des processus électoraux en Afrique. Seulement, parce que
l’organisation des élections relève du pouvoir régalien de l’État, le juge électoral doit être
entouré de meilleures garanties statutaires lui permettant de s’affranchir de l’emprise du
pouvoir politique. Au delà du renforcement des garanties statutaires, le cadre normatif
nécessite un toilettage permettant au juge d’assurer au travers des décisions plus élaborées qu’il
rend, une fonction pédagogique visant à asseoir la crédibilité de la démocratie représentative.
La consolidation de la démocratie représentative nécessite ainsi la mise en oeuvre de
mécanismes efficients aptes à garantir les droits civils et politiques des citoyens, et une forte
dose de culture démocratique, car comme le souligne le professeur Slobodan Milacic, « au delà
du juridique et du politique même, c’est la culture qui est la meilleure garantie de la bonne
application des valeurs et des principes. La culture comme système de valeurs bien assimilées,
induisant les attitudes et les comportements conformes aux exigences des règles juridiques et
politiques » 1258.

1258 MILACIC S., « La démocratie politique éclipsée par l’Etat de droit », in Constitutional Consequences of the EU
Memberships, Université de Pécs, Faculté de Droit, 2005, p. 241, cité par KPODAR ADAMA, « Bilan sur un
demi-siècle de constitutionnalisme en Afrique noire francophone », Afrilex, janvier 2013, 33 p. [En ligne],
disponible sur : http://afrilex.u-bordeaux4.fr/bilan-sur-un-demi-siecle-de.html. (Consulté le 04/01/2015).

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Conclusion du Chapitre II du titre II

L’impression qui se dégage de plus en plus de l’organisation des processus électoraux en


Afrique est que la tenue des élections débouche de plus en plus sur des conflits et des
violences postélectoraux entraînant des pertes en vies humaines et la destruction de biens. Ce
constat pose en filigrane la question de l’office du juge électoral dont le rôle vise la garantie
des règles matérielles qui encadrent les élections par les acteurs politiques d’une part, et le
respect de l’équité et la moralité de la compétition électorale d’autre part. Même si de larges
pouvoirs sont reconnus au juge électoral pour remplir efficacement son office, l’on note que
divers facteurs extérieurs le forcent quelquefois à s’autolimiter, faisant de la sorte fi des
pouvoirs dont il dispose. Et pourtant, comme le remarque Monsieur Jean-Marc Varaut, face à
la multitude des lois, décrets et règlements qui concourent à mystifier la justice, celle-ci doit
pouvoir dire le droit, face à tous les pouvoirs, et demeurer un contre-pouvoirs, afin que dans
un monde qui suit ses lois sans les maîtiser, la justice puisse se revéler être une fonction forte.
La justice doit ainsi veiller à ce que les pouvoirs n’utilisent pas le réseau gigantesque et
mouvant des lois pour étouffer l’homme 1259.

Parler de la fragilisation de l’office du juge électoral entretenue par lui-même permet de


mettre l’accent sur l’attitude inconstante du juge électoral qui fluctue en fonction de l’enjeu de
l’élection en cause. L’analyse des décisions rendues par le juge électoral africain et camerounais
en particulier révèle un manque de professionnalisme qui est entretenu autant par la précarité
de son régime statutaire, que par son manque d’audace. En effet, l’interprétation minimaliste
et l’inconstance des stratégies jurisprudentielles adoptées par le juge électoral sont en général la
cause des violences et crises postélectorales que l’on observe en Afrique, puisque les décisions
rendues par les juges électoraux ne sont pas acceptées par les acteurs politiques. La
problématique que soustend l’office du juge électoral s’analyse ainsi sous l’angle des garanties
statutaires dont il dispose et desquelles pourrait reposer son indépendance, et partant sa
témérité. L’indépendance étant « véçue non seulement comme une exigence morale, mais
comme un droit et un devoir » 1260, il est indispensable que les juges électoraux puissent jouir
des garanties statutaires qui les mettent à l’abri des pressions sociopolitiques et même
administratives résultant de la dépendance hiérarchique, en l’occurrence celle liée à
l’inamovibilité des magistrats de siège.

1259 VARAUT J.-M., Le droit au droit- pour un libéralisme institutionnel, 1ère édition, Paris, PUF, 1986, p. 92.
1260 VARAUT J.-M., « Indépendance », Dictionnaire de justice, op. cit., p. 320.

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Conclusion du titre II de la deuxième partie

Le contentieux électoral est considéré comme l’instrument qui permet la garantie de la


régularité et l’équité de la représentation politique dans un État démocratique. L’office du juge
électoral revêt à cet égard un intérêt primordial puisqu’il lui revient la mission de conférer une
certaine fiabilité et légitimité à la procédure de désignation des élus, le président Dodzi
Kokoroko rappelle à cet égard que « les élections constituent pour les sociétés contemporaines
l’instrument à l’aide duquel la communauté internationale classe ou déclasse, évalue ou dévalue
les systèmes politiques, notamment les pays du tiers-monde » 1261. La mission du juge électoral
étant en apparence difficile dans « un contexte où l’héritage du parti unique est encore
fortement prégnant et où la culture démocratique des institutions est elle-même à bâtir » 1262, il
est impératif pour une démocratie représentative, que des mécanismes appropriés concourant
à l’affirmation du statut du juge soient mis en oeuvre tant sur le plan normatif que matériel.

La fragilisation de l’office du juge laisse ainsi entrevoir des failles qui participent aussi bien à
l’ineffectivité qu’à l’inefficacité de l’office du juge. Qu’il s’agisse du juge en général ou du juge
électoral en particulier, l’on observe que celui-ci est enveloppé par divers facteurs qui ne
favorisent pas l’expression d’une justice impartiale et équitable. L’instrumentalisation
institutionnelle dont il fait l’objet au travers du statut peu protecteur qui le caractérise d’une
part, l’inconstance du cadre normatif qui concourt à son isolement d’autre part, ne permettent
pas la valorisation du service public de la justice, et partant la confiance des justiciables. Il
apparaît dès lors indispensable que le statut du juge camerounais soit réaménagé, afin de
conférer des moyens efficients permettant au juge électoral de s’émanciper des pouvoirs
politiques et d’exercer sereinement son office sans crainte de représailles de la part de ces
derniers. Il faut toutefois reconnaître que cette nécessaire émancipation passe par
l’introduction du principe d’inamovibilité qui constitue une garantie d’indépendance statutaire
attribuée aux magistrats du siège de l’ordre judiciaire, mais pourtant inexistant dans le droit
camerounais. Par ailleurs, un nécessaire toilettage du cadre normatif permettant de clarifier la
délimitation des compétences des organes, la précision des délais de procédures, et la
simplication des normes juridiques en les rendant accessibles aux justiciables.

1261 KOKOROKO D., « Les élections disputées réussite ou échec », op. cit., p. 116.
1262 OLINGA A. D., « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à la sérénité de la
démocratie élective et à l’enracinnement de l’État de droit ? Le cas du Cameroun », op. cit., p. 1.

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Conclusion de la deuxième Partie
L’analyse du déroulement de l’instance en matière électorale permet de mettre en évidence
la complexité qui entoure le déroulement du processus qui commence de la saisine de l’organe
compétent et qui abouti au prononcé d’une décision juridictionnelle. S’il est indéniable que
l’organisation en amont d’une procédure non juridictionnelle devant les organes non
juridictionnels participe à la simplication de la procédure contentieuse, l’on doit remarquer que
celle-ci s’avère inachevée au regard de leurs attributions. La répartition juridictionnelle des
compétences entre plusieurs juridictions en fonction de la nature de l’objet en cause permet à
l’évidence un fractionnement des contentieux, mais l’on observe qu’elle favorise la complexité
de la procédure contentieuse. En effet, l’intervention de trois juridictions régies par de règles
procédurales distinctes participe à la malléabilité et à la complexité de l’instance. Celle-ci se
révèle décourageante pour les justiciables, ce qui laisse transparaître un désintérêt et une forte
désillusion dans le corps électoral. Le doyen Francisco Djedro Meledje affirme à ce propos
que, lorsqu’on fait une « appréciation rétrospective du contentieux électoral en Afrique, on est
saisi par une impression de vide et un fort sentiment de déception » 1263. La complexité de
l’instance étant davantage entretenue par un foisonnement d’organes compétents, il serait dans
l’intérêt de la consolidation de la démocratie représentative, de simplifier et limiter
l’intervention d’organes compétents, et d’harmoniser les différentes règles qui régissent la
procédure contentieuse. Paul Roubier note à ce sujet que la règle juridique n’a pas seulement
pour objet la simple traduction des nécessités sociales, elle apparaît davantage comme le
moyen d’assurer le triomphe des intérêts les plus respectables, puisqu’elle ne se borne pas à
consacrer ce qui est, mais à fixer ce qui doit être 1264.

Si l’on peut reconnaître que le Cameroun a connu une avancée notable en regroupant les
diverses lois électorales en un Code unique, l’éparpillement des règles procédurales demeure
cependant un facteur de déficience de la conduite de l’instance. En effet, l’on doit recourir à
plusieurs sources juridiques pour déterminer les règles qui sont applicables à certains faits en
cause. L’observation de la jurisprudence électorale camerounaise révèle aussi bien dans la
phase préélectorale que celle électorale et postélectorale, un pourcentage élevé de rejet de
recours intentés devant les organes compétents. Cette situation qui révèle l’immobilisme du
contentieux électoral au Cameroun permet par ailleurs de noter que la complexité du cadre
procédural ne favorise pas une meilleure assimilation des règles processuelles par les parties
impliqués qui se sentent bafouées et défavorisées dans un jeu politique qui devrait participer à

1263 MELEDJE Dj. Fr., « Le contentieux électoral en Afrique », op. cit., p. 141.
1264 ROUBIER P., « L’ordre juridique et la théorie des sources du droit », in Le droit privé français au milieu du
XXesiècle, études offertes à Georges Ripert, tome I, Paris, L.G.D.J., 1950, p. 9-28.

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l’exercice de leurs droits civils et politiques. Il serait ainsi profitable pour la démocratie
représentative camerounaise, qu’un aménagement simplifié du cadre procédural soit mis en
oeuvre afin de permettre une plus grande lisibilité des règles juridiques et accessibilité aux
organes compétents.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

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L’étude consacrée à la procédure contentieuse en matière électorale au Cameroun nécessite
de dresser un bilan relatif à l’effectivité et à l’efficacité de la garantie des droits civils et
politiques des citoyens au Cameroun. Elle nous permet de nous interroger sur la manière dont
les litiges nés à l’occasion de l’organisation et du déroulement des processus électoraux sont
réglés. Il nous est apparu que les différents processus électoraux organisés au Cameroun et les
contentieux électoraux qui en résultaient permettent de relever l’imparfaite garantie des droits
civils et politiques des citoyens au regard de la difficulté qu’ils rencontrent dans l’exercice des
recours contentieux devant les différents organes impliqués.

La procédure contentieuse évoque ainsi « la progression vers un but déterminé, le


processus selon lequel certaines décisions doivent être prises, certaines opérations doivent être
conduites » 1265. Elle est considérée comme l’instrument nécessaire de la garantie des droits
civils et politiques des citoyens. Elle occupe une place incontestable dans la gestion du
contentieux électoral, puisqu’elle met en exergue le formalisme juridique qui s’attache au
règlement du contentieux électoral. Le professeur Jean-Louis Bergel définit le formalisme
juridique comme « la technique selon laquelle la validité et l’efficacité des actes sont
subordonnées à l’observation de certaines formes, à des formalités » 1266. Si le contentieux
électoral obéit à un formalisme « pragmatique et utilitaire » 1267, il apparaît complexe aux yeux
des justiciables qui se noient dans les méandres processuels. Monsieur Jean-Marc Duval
observe dans ce sens que les opérations électorales sont de plus en plus polluées par de
nombreuses irrégularités, en raison de la multiplication des exigences imposées par un
législateur de plus en plus pointilleux, pour en assurer la moralité, la transparence et la
sincérité 1268. Demogue observait quant à lui que « le formalisme est un embarras quand il n’est
qu’une pompeuse escorte, un panache des actes juridiques, mais il devient un moyen de rendre
les affaires plus rapides et sûres lorsqu’il ne contient que l’indispensable » 1269. Soustraite à tout
formalisme redhibitoire, la procédure est appréhendée comme « la manière de demander et de
rendre justice, de donner au litige sa solution juridique » 1270. Selon le professeur Loïc Cadiet,
« pour que le procès permette la solution du litige, il ne suffit pas d’une série de procédés, de
délais et de formalités. Il faut surtout entre le litige et cette procédure, un trait d’union, un
intercesseur(...), il faut un juge, tiers impartial à égale distance des parties qui les

1265 NORMAND J., « Procédure », Dictionnaire de justice, op. cit., p.1053-1058.


1266 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, op. cit., p. 62.
1267 BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, ibidem, p. 70.
1268 DUVAL J.-M., « Droit électoral. La sanction des comportements irréguliers relevés au cours des opérations
électorales », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2001/4, n° 48, p. 825-846. [En ligne], disponible sur :
https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RFDC_048.... .(Consulté le 12/05/2012).
1269 DEMOGUE R., Les notions fondamentales du droit privé, cité par BERGEL J.-L., Méthodologie juridique, ibidem, p. 67.
1270 CADIET L., « Procédure », Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., p. 1217.

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départage... » 1271. S’il est indéniable que la procédure contentieuse est fondée sur un
formalisme qui vise la protection des justiciables, la sécurité du procès et la qualité de la justice,
l’on remarque que même si la procédure contentieuse électorale au Cameroun semble souple,
elle repose sur un formalisme juridique nébuleux qui constitue un véritable frein à l’accès au
juge et à la garantie des droits fondamentaux des citoyens.

À supposer que la mise en place d’une reglementation du contentieux électoral et d’un


cadre procédural y afférent, constituent une avancée notable qui atteste de l’enracinement
d’une démocratie représentative au Cameroun, cela reste insuffisant pour asseoir la crédibilité
des consultations électorales. La pluralité d’organes compétents qui interviennent dans la
gestion du contentieux électoral d’une part, l’éparpillement et l’incomplétude des textes
juridiques y afférents d’autre part, rendent la procédure contentieuse laborieuse, puisqu’elle
souffre de diverses incohérences qui fragilisent l’accès et l’office du juge électoral.

L’organisation du contentieux de la liste électorale qui consacre l’intervention de plusieurs


organes compétents, —notamment les Commissions de supervision, le Conseil électoral et la
Cour d’appel du ressort d’Elections Cameroon—, entretient une difficile articulation dans la
répartition des compétences entre organes impliqués, ce qui ne favorise pas une garantie
optimale du principe de l’universalité du suffrage. En admettant que le choix de répartir le
contentieux électoral entre diverses juridictions participe à une garantie efficace des droits
fondamentaux des citoyens, l’on pourrait craindre que le contentieux électoral qui vise le
respect de deux impératifs majeurs, à savoir l’universalité du droit de suffrage et la liberté
attachée à une pleine citoyenneté, ne puisse pas remplir sa fonction. Il importe à cet égard que
le contentieux de la constitution des listes électorales qui constitue généralement le principal
facteur de fraudes électorales, puisse être régi de manière simplifiée afin que le principe de
l’universalité du suffrage qui promeut l’égalité entre les électeurs soit garantit. Le constat des
fraudes électorales dûes aux inscriptions et votes multiples demeure, et renseigne sur la
perméabilité des mécanismes mis en place, notamment l’informatisation du fichier électoral
pour lutter contre les fraudes électorales. Sous ce rapport, l’efficacité du contrôle de la liste
électorale qui ne saurait dépendre du juge seulement, implique l’intervention du législateur
dont le rôle sera de clarifier et de simplifier les règles qui encadrent le contentieux de la liste
électorale. Un réaménagement de la répartition des compétence exluant toute intervention
contentieuse des organes administratifs sera ainsi indispensable, lorsqu’on sait que la neutralité
des membres de ces diverses commissions est généralement sujette à caution. Au Bénin, par
exemple, l’on observe une répartition stricte qui cantonne les commissions électorales à la
tâche administrative, et confie à la Cour suprême et à la Cour constitutionnelle le soin de

1271 CADIET L., « Procédure », Dictionnaire de la culture juridique, ibidem., p. 1217.

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régler les réclamations ou contestations liées à l’inscription ou la radiation sur la liste
électorale 1272.

L’attribution du contentieux des opérations préliminaires et postélectorales aux juges


administratifs et constitutionnel relève d’une volonté de simplification du contentieux
électoral, malgré le nécessaire partage de compétences qui s’impose quelquefois entre ces
organes. Il faudrait toutefois souligner s’agissant du contentieux des opérations préliminaires
qu’il n’est pas totalement couvert. S’il met davantage l’accent sur les candidatures, et se
rapporte à l’éligibilité des candidats et à la recevabilité des candidatures, plusieurs phases
importantes de ce contentieux sont laissées en friche, notamment le décret de convocation du
corps électoral qui demeure un tabou au Cameroun, et le financement des partis politiques
dont le plafonnement n’est pas pris en compte 1273. Les lacunes et vides juridiques constatés
dans le contentieux des opérations préliminaires constituent le grand handicap du contentieux
électoral qui apparaît comme inabouti et déficient. S’il incombe au législateur d’actualiser, de
réformer le corpus normatif du droit électoral existant et de clarifier les règles procédurales, il
revient au juge électoral d’user des pouvoirs étendus qui lui sont reconnus pour créer le droit
en suppléant aux insuffisances normatives constatées, des solutions qui participent à la
construction et la consolidation de la démocratie représentative.

À l’inverse des phases contentieuses précédentes, le contentieux des résultats du scrutin


relève de la compétence exclusive des juges administratif et constitutionnel. Ces derniers sont
chargés de veiller à la régularité et sont revêtus de pouvoirs étendus qui leur permettent de
confirmer, d’annuler ou de réformer les résultats du scrutin. Seulement, aucune élection
n’étant totalement régulière, le contentieux des résultats du scrutin donne lieu à diverses
réclamations et contestations dont l’issue est soit accueillie favorablement par les acteurs
politiques, soit débouche sur des violences postélectorales. Le contentieux des résultats qui est
considéré comme le contentieux électoral proprement dit, constitue quelquefois un vecteur de
crises postélectorales. S’il est cependant symptomatique de constater que, nonobstant les
nombreuses fraudes et irrégularités décriées, le taux d’annulation des résultats demeure infime

1272 Article 20 de la loi n°2000-18 du 03 janvier 2000, portant règles générales pour les élections en République
du Bénin.
1273 Au Bénin, la Cour constitutionnelle s’est reconnue la compétence d’examiner les recours relatifs au décret
de convocation au regard de sa mission de veiller à la régularité des élections nationales telles que prévue
par l’article 117 tiret 2ème du Code électoral. Décision EP 11-63 du 21 avril 2011.
En France, ces questions qui ont pourtant posé des difficultés notables ont trouvé une isssue satisfaisante.
Le décret de convovation longtemps considéré comme un acte de gouvernement fait désormais l’objet d’un
recours devant le juge. Et pour ce qui est du financement de la campagne électorale, l’on a observé face à la
montée de la puissance financière considérée comme un moyen sûr d’emporter la bataille électorale, que le
législateur a mis en place une reglémentation rigoureuse du financement des campagnes électorales et de la
vie politique, qui a permi au juge d’assurer un véritable contrôle de la légalité du comportement financier
des candidats.

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et varie en fonction de l’enjeu de l’élection, il faudrait reconnaître que c’est parce que le juge
électoral se refuse à se transformer en juge de la régularité et de la moralité de l’élection en
annulant systématiquement toutes les élections entachées de fraudes. Il apparaît dès lors pour
l’opinion davantage comme un instrument de légitimimation des fraudes électorales, que celui
qui assure la régularité et la sincérité de l’élection, et s’expose à de vives critiques. Nonobstant
sa mission de veiller à la régularité des processus électoraux, l’on note que le juge électoral est
lié par certains principes tel que celui de l’ « effet utile », qui lui imposent d’être simplement le
juge de la sincérité du scrutin qui est revélatrice de la volonté réelle des électeurs. De la sorte,
le juge électoral dont l’office est dominé par la recherche de la sincérité du scrutin, ne
sanctionnera une élection que si les irrégularités ont pu par leur gravité, leur répétition ou leur
nature, porter atteinte à liberté et la sincérité du scrutin. Si l’interprétation réaliste qui domine
l’office du juge électoral et le manque d’audace dont il fait preuve contribuent à saper la
confiance des citoyens dans les élections, il faudrait relever que la difficulté qui découle de
l’organisation de la procédure contentieuse ne concourt pas à une efficace garantie de la
volonté du corps électoral. Le doyen Francisco Djedro Meledje remarquait opportunément à
ce propos que le contentieux éectoral en Afrique est encore au stade des balbutiements,
puisqu’il donne le sentiment qu’on assiste au déroulement de procédures « exotiques » 1274. En
effet, l’adoption d’une multitude de textes du point de vue de la démocratie et de l’État de
droit n’a pas pu suffire à garantir la bonne gouvernance et les droits civils et politiques des
citoyens, puisqu’il faut que les populations comprennent la signification et le fonctionnement
des mécanismes électoraux, et que les acteurs politiques eux-mêmes aient à coeur de respecter
les règles du jeu politique 1275.

Institué pour trancher les litiges électoraux qui lui sont soumis, le juge électoral se retrouve
pris entre deux étaux difficilement conciliables. Limité par la précarité de sa garantie statutaire,
il est accusé de partialité par l’opinion qui a perdu toute croyance dans les vertus des
procédures contentieuses en matière électorale 1276, eu égard à la timidité dont il fait preuve
dans le prononcé de ses décisions. Sous ce rapport, il convient de souligner que l’office du
juge électoral camerounais peine ainsi à se stabiliser et à offrir une jurisprudence constante qui
garantit les droits civils et politiques des citoyens et assure la sécurité juridique dans la création
du droit. L’office du juge électoral africain apparaît à cet égard assez complexe. Il est
généralement considéré comme le frein d’une démocratie en quête de consolidation, même s’il
est indéniable que la démocratisation demeure un processus et n’est jamais totalement achevé.

1274 MELEDJEDJEDJRO Fr., « Le contentieux électoral en Afrique », op.cit., p. 142.


1275 CONAC G., « Les aspects juridiques », Démocratie et élections dans l’espace francophone, op. cit., p. 29.
1276 MELEDJEDJEDJRO Fr., « Le contentieux électoral en Afrique », ibidem, p. 143.

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L’intervention d’un juge électoral « prisonnier du réalisme électoral » 1277 ne pouvant à elle
seule concourir à asseoir la démocratie représentative, la législation et la réglementation devant
y participer pour une grande part, il convient de restructurer le pouvoir politique afin qu’il soit
plus perméable à la volonté souveraine du peuple.

1277 PARENT Chr., « L’office du juge électoral », op. cit., p. 1223.

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ANNEXES

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CADRE PROCÉDURAL DU CONTENTIEUX ELECTORAL AU CAMEROUN

ÉLECTION MUNICIPALE

OBJET DU ORGANES FORME DÉLAIS DE PROCÉDURE


COMPÉTENTS REQUÉRANT
RECOURS : DU
: QUI SAISIR ? S :QUI SAISIT ? SAISINE STATUER
POURQUOI ? RECOURS

Opérations
préparatoires :
- Contestation du
refus d’inscription
d’un électeur sur la
- Tout parti
liste électorale. À l’issue des
politique
(Art. 73 alinéa 4 du opérations de
Code électoral). - Tout électeur révision et
Simple
Conseil électoral - Tout mandataire suite à la
- Réclamation ou requête
contestion relative à d’un parti politique publication de
une omission, une ou d’un candidat la liste
nationale
erreur ou une
inscription multiple
d’un électeur sur la
liste électorale. (Art.
81 alinéa 2 du Code
électoral).
- Réclamations ou
contestations
concernant les listes
et les cartes
électorales. (Articles
63 du Code
électoral).
- Contestation du
refus d’inscription Dès la
d’un électeur sur la Commission - Tout parti publication
liste électorale. départementale politique Simple
des listes
de supervision requête
(Art. 73 alinéa 4 du - Tout électeur électorales
(CDS)
Code électoral). provisoires
- Réclamations
relatives aux
irrégularités ou
omissions
constatées. (Art. 78
alinéa 3 du Code
électoral).

Dans les cinq


(05) jours de la
Rejet de la demande saisine
Juge judiciaire
d’inscription sur les
(Cour d’Appel du
listes électorales par Simple
ressort L’intéressé
le Conseil électoral. requête
d’Élections
(Art. 81 alinéa 3 du
Cameroon)
Code électoral).

– Page 395 sur 436 –


Opérations
préliminaires :
Dans le trois
- Constatation de À la diligence de
(03) jours de la
l’inéligibilité d’un toute personne Simple
saisine. (Art.
candidat. (Art. 176 intéressée ou du requête
176 alinéa 2 du
alinéa 2 du Code ministère public
code électoral).
électoral).

Juridiction - Tout candidat


administrative - Tout mandataire
- Contestation de la de la liste interessée Cinq (05)
décision ou toute autre liste jours
d’acceptation ou de - Tout électeur
maximum
Simple suivant la Cinq (05) jours
rejet de la inscrit sur la liste requête publication maximum
candidature. (Art. électorale de la
des listes. suivant la
189 alinéa 1 du Code commune
(Art. 189 saisine. (Art.
électoral). concernée. (Art. 189
alinéa 2 du 190 alinéa 2 du
alinéa 1 du Code Code électoral).
Code
électoral).
électoral).
Quarante (40)
Cinq (05) jours à compter
Opérations - Tout électeur jours à de la saisine.
postélectorales : - Tout candidat compter de la (Art. 194 alinéa
Contestation des - Toute personne proclamation 3 du code
opérations Juridiction ayant qualité d’agent Simple des résultats électoral)
électorales de la administrative de gouvernement requête par la
commune. (Art. 194 pour l’élection. (Art. commission
alinéa 1 du Code 194 alinéa 1 du code communale
électoral). électoral). de
supervision)

– Page 396 sur 436 –


ÉLECTION DES DÉPUTÉS À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

OBJET DU ORGANES FORME DÉLAIS DE PROCÉDURE


COMPÉTENTS : REQUÉRANTS :
RECOURS : DU
QUI SAISIR ? QUI SAISIT ? SAISINE STATUER
POURQUOI ? RECOURS

Opérations
préparatoires :
- Contestation
du refus
d’inscription d’un
électeur sur la
liste électorale.
(Art. 73 alinéa 4 - Tout parti politique À l’issue des
du Code - Tout électeur opérations de
électoral). révision et
Conseil électoral - Tout mandataire d’un Simple
suite à la
- Réclamation ou parti politique ou d’un requête
publication de
contestion candidat la liste
relative à une nationale
omission, une
erreur ou une
inscription
multiple d’un
électeur sur la
liste électorale.
(Art. 81 alinéa 2
du Code
électoral).

– Page 397 sur 436 –


- Réclamations
ou contestations
concernant les
listes et les cartes
électorales.
(Articles 63 du
Code électoral).
- Contestation
du refus
d’inscription d’un Dès la
électeur sur la Commission publication
liste électorale. - Tout parti politique Simple
départementale de des listes
- Tout électeur requête
(Art. 73 alinéa 4 supervision (CDS) électorales
du Code provisoires
électoral).
- Réclamations
relatives aux
irrégularités ou
omissions
constatées. (Art.
78 alinéa 3 du
Code électoral).

Rejet de la Dans les cinq


demande (05) jours de
d’inscription sur la saisine
Juge judiciaire
les listes
(Cour d’Appel du Simple
électorales par le L’intéressé
ressort d’Élections requête
Conseil électoral.
Cameroon)
(Art. 81 alinéa 3
du Code
électoral).

– Page 398 sur 436 –


Opérations
préliminaires : Dans les trois
(03) jours de
À la diligence de toute la saisine.
Constatation de Simple
personne intéressée ou (Art.118
l’inéligibilité d’un requête
du ministère public alinéa 2 du
candidat. (Art. Code
158 alinéa 2 du électoral).
Code électoral).
- Tout candidat
- Contestation de deux (02)
- Tout parti politique
la décision jours
ayant pris part à
d’acceptation ou maximum
l’élection
de rejet de la suivant la
-Toute personne ayant Simple
candidature. Conseil publication
qualité d’agent du requête
(Art.129 du Code constitutionnel des listes.
Gouvernement pour (Art. 129 du
électoral).
ladite élection. (Art. 189 Code
alinéa 1 du Code électoral).
électoral).
- Contestations
ou réclamations
relatives à la Dix (10) jours
couleur, au sigle maximum
ou au symbole suivant le
adoptés par un dépôt de la
candidat. (Art. requête.
129 du Code (Art.131
électoral). alinéa 1).

– Page 399 sur 436 –


Arrêt et
- Tout candidat proclamation
Opérations Soixante
postélectorales : - Tout parti politique des résultats
douze (72)
ayant pris part à vingt (20)
Demande heures
l’élection jours à
d’annulation Conseil Simple
maximum à
compter de la
totale ou partielle - Toute personne ayant compter de la
constitutionnel qualité d’agent du requête date de
des opérations date de
Gouvernement pour clôture du
électorales. (Art. clôture du
l’élection. (Art. 132 scrutin. (Art.
132 alinéa 2 du scrutin. (Art.
alinéa 2 du code 168 alinéa 1
Code électoral). 133 alinéa 1).
électoral). du Code
électoral).

– Page 400 sur 436 –


ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

OBJET DU ORGANES DÉLAIS DE


FORME
RECOURS : COMPÉTENT REQUÉRANTS PROCÉDURE
POURQUOI ? S : QUI :QUI SAISIT ? DU
STATUE
SAISIR ? RECOURS SAISINE
R
Opérations
préparatoires :
- Contestation du
refus d’inscription
d’un électeur sur la
liste électorale.
(Art. 73 alinéa 4 - Tout parti politique À l’issue des
du Code électoral). - Tout électeur opérations
- Réclamation ou de révision
Conseil - Tout mandataire Simple
contestion relative et suite à la
électoral d’un parti politique ou requête
publication
à une omission, d’un candidat
une erreur ou une de la liste
inscription nationale
multiple d’un
électeur sur la liste
électorale. (Art. 81
alinéa 2 du Code
électoral).

– Page 401 sur 436 –


- Réclamations ou
contestations
concernant les
listes et les cartes
électorales.
(Articles 63 du
Code électoral).
- Contestation du
refus d’inscription Dès la
d’un électeur sur la Commission
publication
liste électorale. départementale - Tout parti politique Simple
des listes
de supervision - Tout électeur requête
(Art. 73 alinéa 4 électorales
(CDS)
du Code électoral). provisoires
- Réclamations
relatives aux
irrégularités ou
omissions
constatées. (Art. 78
alinéa 3 du Code
électoral).

Rejet de la
demande
d’inscription sur
les listes électorales
Juge judiciaire
par le Conseil Dans les
(Cour d’Appel
électoral. (Art. 81 Simple cinq (05)
du ressort L’intéressé
alinéa 3 du Code requête jours de
d’Élections
électoral). la saisine
Cameroon)

– Page 402 sur 436 –


Opérations Dans les
préliminaires : trois (03)
jours de
À la diligence de toute
Constatation de Simple la saisine.
personne intéressée
l’inéligibilité d’un requête (Art. 118
ou du ministère public
candidat. (Art. 158 alinéa 2
alinéa 2 du Code du Code
électoral). électoral).
- Contestation de - Tout candidat
la décision deux (02)
- Tout parti politique
d’acceptation ou ayant pris part à
jours
de rejet de la maximum
l’élection
candidature. suivant la
Conseil -Toute personne Simple
(Art.129 du Code publication
constitutionnel ayant qualité d’agent requête
électoral). des listes.
du Gouvernement (Art. 129 du
pour ladite élection. Code
(Art. 189 alinéa 1 du électoral).
Code électoral).
- Contestations ou Dix (10)
réclamations jours
relatives à la maximu
couleur, au sigle ou m suivant
au symbole le dépôt
adoptés par un de la
candidat. (Art. 129 requête.
du Code électoral). (Art.131
alinéa 1).

– Page 403 sur 436 –


Arrêt et
proclama
- Tout candidat tion des
Opérations Soixante
résultats
postélectorales : - Tout parti politique douze (72)
vingt (20)
ayant pris part à heures
Demande jours à
l’élection maximum à
d’annulation totale Conseil Simple compter de
compter
ou partielle des - Toute personne de la date
constitutionnel ayant qualité d’agent requête la date de
opérations de clôture
du Gouvernement clôture du
électorales. (Art. du
pour l’élection. (Art. scrutin. (Art.
132 alinéa 2 du scrutin.
132 alinéa 2 du code 133
Code électoral). (Art. 168
électoral). alinéa 1).
alinéa 1
du Code
électoral).

– Page 404 sur 436 –


BIBLIOGRAPHIE

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I. TRAITÉS, OUVRAGES ET MANUELS GÉNÉRAUX DE DROIT
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603 p.
 BURDEAU, G. Le statut du pouvoir dans l’État. 2ème édition. Tome II. Paris : LGDJ. 1969. 693 p.
 CARRÉ DE MALBERG, R. Contribution à la théorie générale de l’État. Tome II. Paris : Sirey. 1922. 638 p.
 CHAPUS, R. Droit du Contentieux administratif. 13ème édition. Paris : Montchrestien. 2008. 1540 p.
 COURRÈGES, A. DAËL, S. Contentieux administratif. Catherine LABRUSSE-RIOU et Didier TRUCHET (DIR.).
4ème édition. Paris : PUF. 2013. 411 p.
 DAEL, S. Contentieux administratif. 3ème édition. Paris : PUF. 2010. 360 p.
 DEBBASCH, R., Droit constitutionnel. 10ème édition. Paris : LexisNexis. 2016. 302 p.
 DUEZ, P. Les actes de gouvernement. Paris : Sirey. 1935. 215 p.
 DUHAMEL, O. Droit constitutionnel et institutions politiques. 2ème édition. Paris : Seuil. 2011. 917 p.
 DUHAMEL, O. TUSSEAU, G., Droit constitutionnel et institutions politiques. 4ème édition. Seuil. 2016. 1042 p.
 FAVOREU, L. GAÏA, P. GHEVONTIAN, R. MESTRE, J.-L. PFERSMANN, O. ROUX, A. SCOFFONI,
G. Droit constitutionnel. 17ème édition. Paris : Dalloz. 2015. 1093 p.
 Le Conseil constitutionnel. 7ème édition mise à jour. Paris : Que sais-je. 2005. 127 p.
 FAVOREU, L. PHILIP, L. ROUX, A. Les Cours constitutionnelles. 1ère édition, Que sais-je ?. Paris : PUF, 1986,
126 p.
 FAVOREU, L., MASTOR, W. Les Cours constitutionnelles. 2ème édition. Paris : Dalloz, 2016, 166 p.
 GOHIN, O. Contentieux administratif. 8ème édition. Paris. Litec. 2014. 542 p.
 GROS, M. Droit administratif : L’angle jurisprudentiel. 5ème édition. Paris : L’Harmattan. 2014.368 p.
 HAMON, Fr., TROPER, M. Droit constitutionnel. 36ème édition. Paris : LGDJ., 2015. 830 p.
 HAURIOU, M. Précis de droit constitutionnel. 2ème édition. Présentation par Jacky Hummel. Paris : Dalloz. 2014.
759 p.
 HOURQUEBIE, F. Sur l’émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Vème République. Bruxelles : Bruylant.
2004. 678 p.
 JEZE, G. Les principes généraux du droit administratif. Tome 2. Paris : Dalloz. 1930. 862 p.
 LAFERRIÈRE, J. Manuel de droit constitutionnel. 2ème édition. Paris : Domat-Montchrestien. 1947.1112 p.
 LE BERRE, H. Droit du contentieux administratif. 2ème édition. Paris : Ellipses. 2010. 298 p.
 LEROY, M.. Contentieux administratif. 3ème édition. Belgique : Bruylant. 2004. 1028 p.
 MATHIEU, B. La loi. 3ème édition. Paris : Dalloz. 2010. 138 p.
 MÉLIN-SOUCRAMANIEN, F., PACTET, P., Droit constitutionnel. 34ème édition. Paris : Sirey-Dalloz. 2015.
680 p.
 NGOLE NGUESE, Ph. BINYOUM, J. Éléments du contentieux administratif camerounais. Yaoundé :
L’Harmattan. 2010. 265 p.
 ODENT, R. Contentieux administratif. tome I. Paris : Dalloz. 2007. 1051 p.
 OWONA, J. Le contentieux administratif de la République du Cameroun. Yaoundé : L’Harmattan. 2011. 230 p.
 PACTEAU, B. Manuel de contentieux administratif. 3ème édition. Paris : PUF. 2013. 304 p.
 PACTEAU, B. Traité de contentieux administratif.1ère édition. Paris : PUF. 2008. 646 p.
 RICCI, J.-Cl. Contentieux administratif. 5ème édition. Paris : Hachette. 2015. 295 p.
 ROUSSEAU, D. Droit du contentieux constitutionnel. 10ème édition. Paris : L. G. D. J.-Lextenso. 2013. 584 p.
 WALINE J. Droit administratif. 26ème édition. Paris : Dalloz. 2016. 787 p.

– Page 407 sur 436 –


II. OUVRAGES SPÉCIALISÉS
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Paris : L. G. D. J.- Coll. Bibliothèque constitutionnelle et de Science Politique. 2005. 462 p.
 BAGUI KARI, A. Le contentieux électoral en question. Yaoundé : Presses de GCC. 2004. p. 17.
 BASTION, J.-Cl., CHABANNIER, N. Le droit des élections locales. Paris : L.G.D.J. 2004. 202 p.
 BAYART, J.-Fr. L’État au Cameroun. Paris : Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1984,
298 p. 3 p.
 BOULAY, J. La preuve par témoins devant le juge administratif/ une technique d’investigation décisive. Paris : Tec &Doc
Lavoisier. 2001. 193 p.
 BOULOC, B. Droit pénal général. 24ème édition. Paris : Dalloz. 2015. 748 p.
 CAMBY, J.-P. Le Conseil constitutionnel, juge électoral. 6ème édition. Paris : Dalloz. 2013. 326 p.
 CHOLET, D. La célérité de la procédure en droit processuel. Préface de Geneviève Giudicelli-Delage. Paris :
L.G.D.J. 2006. 713 p.
 COLSON, J.-P. L’office du juge et la preuve dans le contentieux administratif. Paris : L.G.D.J. 1970. 220 p.
 DAUGERON, Br. La notion d’élection en droit constitutionnel : contribution à une théorie de l’élection à partir du droit
public français. Paris : Dalloz. 2011. 1298 p.
 DEBOUY, Chr. Les moyens d’ordre public dans la procédure administrative contentieuse. Tome 9, Paris : PUF. 1980.
528 p.
 DEBOUY, Chr. Le temps en procédure administrative. Paris : L.G.D.J. 1983. 147 p.
 DELPÉRÉE, Fr. Le contentieux électoral. Paris : PUF- Collection Que sais-je ?. 1998. 127 p.
 DEMICHEl, A., Fr. Droit électoral. Paris : Dalloz, 1973. 393 p.
 DI MANO, TH. Le conseil constitutionnel et les moyens et conclusions soulevés d’office. Paris : Economica. 1994. 202 p.
 DIOP, O. Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire : Recherches sur les enjeux juridiques et
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 DRAGO, G. L’exécution des décisions du Conseil constitutionnel. Paris : Economica-PUAM- coll. Droit public

 DUGRIP, O. L’urgence contentieuse devant les juridictions administratives. Paris : PUF. 1991. 411 p.
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 EISENMANN, Ch. La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d’Autriche. Paris : Economica. 1928.

 FAVOREU, L. PHILIP, L. Les grandes décisions du Conseil constitutionnel. 15ème édition. Paris : Dalloz. 2009.
383 p.

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 FRANCK, CL. Droit des élections nationales et locales. 1ère édition. Paris : J. Delmas et Cie. 1998. 284 p.
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 GAUTHIER, St. Le juge judiciaire, juge électoral : vers une harmonisation du contentieux des élections. Collection du
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 GUINCHARD, S. FERRAND, S. CHANAIS, C. Procédure civile. 4ème édition. Paris : Dalloz. 2015. 859 p.
 JAN, P. La saisine du Conseil Constitutionnel. L.G.D.J. Paris : 1999. 716 p.
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 KAMTO, M. L’urgence de la pensée : Réflexions sur une précondition du développement en Afrique. Yaoundé : Mandara.
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 LAVROFF, D. G. Les partis politiques en Afrique noire. 2ème édition. Paris : PUF. 1978. 126 p.
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2015. 673 p.
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 MEUNIER, J. Le pouvoir du Conseil constitutionnel : Essai d’analyse stratégique. Paris : L.G.D.J. 1994. 373 p.
 MICHON-TRAVERSAC, A.-S. La citoyenneté en droit public. Paris : L.G.D.J. 2009. 655 p.
 OLINGA, A.D. L’ONEL : réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création d’un Observatoire
National des Élections. Yaoundé : Presses de L’UCAC. 2007. 62 p.
 OLINGA, A.D. La Constitution de la République du Cameroun. 2ème édition. Yaoundé : Presses Universitaires de
L’UCAC- Éditions Terres Africaines. 2013. p. 186.
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 RIDEAU, L. Des cas dans lesquels il ya lieu à référé. Paris : Librairie Nouvelle de Droit et de Jurisprudence. 1903.
168 p.
 ROSANVALLON, P. La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité. Paris : Seuil. 2008. 361 p.
 ROSANVALLON, P. Le sacre du citoyen. Paris : Gallimard. 1992. 640 p.
 SEILER, D.-L. Les partis politiques. 2ème édition. Paris : Armand Colin. 2000. 252 p.
 SINDJOUN, L. Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine : Droit constitutionnel jurisprudentiel et
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 THOMAS, J. L’indépendance du Conseil constitutionnel. Paris : L.G.D.J. 2010. 446 p.
 TOUVET, L. DOUBLET, Y.-M. Droit des élections. Paris : Economica. 2014. 658 p.
 TRUCHET, D. Les fonctions de la notion d’intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d’État. Paris : L.G. D. J.
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 VIZIOZ, H. Études de procédure. Paris : Dalloz. 2011. 667 p.
 VUITTON, J. VUITTON, X. Les référés: procédure civile, contentieux administrative, procédure pénale. 3ème édition.
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III. THÉORIE DU DROIT


ALBERTINI, P. La crise de la loi : Déclin ou mutation ?. Paris : LexisNexis. 2015. 365 p.
 BELAÏD, S. Essai sur le pouvoir créateur et normatif du juge. Paris : L.G.D.J. 1974. 360 p.
 BERGEL, J.-L. Méthodologie juridique. 2ème édition. Paris : PUF. 2016. 453 p.
 BERGEL, J.-L. Théorie générale du droit. 5ème édition. Paris : Dalloz. 2012. 399 p.
 BOULOC, B. Pénologie. 3ème édition. Paris : Dalloz. 2005. 508 p.
 BUSSY, F. POIRMEUR, Y. La justice politique en mutation. Paris : L.G.D.J.- Lex extenso éditions. 2010. 205 p.
 CADIET, L. NORMAND, J. AMRANI MEKKI, S. Théorie générale du procès. 2ème édition. Paris : PUF. 2013.
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 CARBONNIER, J. Flexible droit : Pour une sociologie du droit sans rigueur. 10ème édition. Paris :L.G.D.J. 2014.
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 COLSON, J.-P. La fonction de juger : étude historique et positive. Presses Universitaires de la Faculté de Droit de
Clermont-Ferrand. L. G. D. J. 2006. 350 p.

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 FABREGUETTES, M. P., La logique judiciaire et l’art de juger. 2ème édition. Paris : LGDJ. 1926. 573 p.
 FRYDMAN, B. HAARSCHER, G. Philosophie du Droit. 3ème édition. Paris : Dalloz. 2010. 138 p.
 JESTAZ, Ph. Le droit. 8ème édition. Paris : Dalloz. 2014. 160 p.
 KELSEN, H. Théorie pure du droit. 2ème édition. Paris : Dalloz. 1962. 529 p.
 KERNALEGUEN, Fr. Institutions judiciaires. 6ème édition. Paris : LexisNexis. 2015. 285 p.
 MOULEN, J., DIFFO LAMBO, L. Théorie du vote, pouvoirs, procédures et prévisions. Paris : Hermes Science
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 PERRIN, J.-Fr. Pour une théorie de la connaissance juridique. Genève : Librairie Droz S. A. 1979. 177 p.
 RABAULT, H. L’interprétation des normes : L’objectivité de la méthode herméneutique. L’Harmattan. 1997. 371 p.
 TERRÉ, Fr. Introduction générale au droit. 10ème édition. Paris : Dalloz. 2015. 636 p.
 VAN DE KERCHOVE, M., OST, Fr. Le système juridique entre ordre et désordre. 1ère édition. Paris : PUF. 1988.
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 VARAUT, J.-M. Le droit au droit- pour un libéralisme institutionnel. 1ère édition. Paris : PUF. 1986. 244 p.
 ZENATI, Fr. La jurisprudence. Paris : Dalloz. 1991. 272 p.

IV. ARTICLES ET CONTRIBUTIONS


1. CONTRIBUTIONS À UN OUVRAGE COLLECTIF, UN PÉRIODIQUE, UNE REVUE
 ADELOUI, A. J. « Réflexion sur le pouvoir d’interprétation du juge constitutionnel africain en matière
électorale ». Bénin : RBSJA, n°24, 2011, p. 181-221.
 AMSELEK, P. « L’interprétation à tort et à travers ». Interprétation en droit, Paul Amselek (Dir.). Bruylant :
Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Bruxelles, p. 11-25.
 ANDRIANTSIMBAZOVINA, J. « L’autorité de la chose interpretée et le dialogue des juges : En théorie et
en pratique un couple juridiquement inséparable ». Mélanges en l’honneur du président Bruno Genevois, Paris :
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 KRASSILCHIK, M. La notion d’acte détachable endroit administratif français, Thèse de l’Université de Paris II, 17
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 ROZOS, N. L’appel devant le Conseil d’État. Thèse de l’Université d’Aix-Marseille III, 1976, 517 p
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 SADRY, B. Bilan et perspectives de la démocratie représentative, Thèse de l’Université de Limoges, 18 décembre
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2. MÉMOIRES
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 FOUMENA, G. Th. La charge de la preuve dans le contentieux administratif camerounais, Mémoire de DEA de
l’Université de Yaoundé II-Soa, 2008, 123 p.
 LIAMIDI, B. A. L’exercice des droits de la défense devant le juge d’instruction au Bénin, Mémoire de DEA,
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 MANDENG, D. Le contrôle des élections législatives au Cameroun, Mémoire de DEA de l’Université de Douala,
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LIBERTÉS DANS L’ESPACE FRANCOPHONE, BAMAKO, DIX ANS APRÈS 2000-2010. Paris :
Service de communication de la Francophonie, septembre 2010, 231 p.

VI. DICTIONNAIRES ET LEXIQUES


 Dictionnaire du vote, sous la direction de Pascal PERRINEAU et Dominique REYNIÉ, 1ère édition, Paris :
PUF, 2001, 997 p.
 Dictionnaire de la justice, sous la direction de CADIET, L. 1ère édition, Paris : PUF, 2004, 1362 p.
 DUHAMEL, O., MENY, Y. Dictionnaire constitutionnel, 1ère édition, Paris : PUF, 1992, 1112 p.
 DE VILLIERS, M., LE DIVELLEC, A. Dictionnaire du droit constitutionnel, 10ème édition, Paris : Sirey, 2015,
407 p.
 CORNU, G. Vocabulaire juridique. 11ème édition. Paris : Quadrige/puf, 2016, 1101 p.
 Le lexique des termes juridiques, GUINCHARD, S., DEBARD, Th., (Dir.), ALBERT J.-L., BAILLEUX, D.,

 Le petit Robert -Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Paris : Le Robert, 2837 p.
AVOUT, L., 24ème édition, Paris : Dalloz, 2016, 1105 p.

V. DOCUMENTS OFFICIELS
 Loi n°2008-01 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°96-06 du 18 janvier
1996 portant révision de la Constitution du Cameroun du 02 juin 1972.
 Loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution du Bénin.
 Loi fondamentale de la République de Côte d’Ivoire du 23 juillet 2000.
 Loi n°047/2010 du 12 janvier 2011 portant révision de la Constitution du Gabon.
 Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution du Sénégal.
 Constitution française du 4 octobre 1958.
 Loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du conseil constitutionnel.
 Loi n°2006-016 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême
 Loi n°2006-022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs
 Code électoral du Bénin- loi n°2013-06 du 25 novembre 2013.
 Code électoral du Cameroun du 19 avril avril 2012.
 Code électoral du Gabon du 12 mars 1996.
 Code électoral du Sénégal du 07 février 1992.
 Acte constitutif de l’Union africaine du 11 juillet 2000.

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 Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 janvier 2007.
 Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981.
 Convention américaine relative aux droits de l’Homme du 22 novebre 1969.
 Convention sur les droits politiques de la femme du 31 mars 1953.
 Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, telle qu’amendée par le
protocole n°s11 et 14 (STCE n°4), du 1er juin 2010.
 Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du10 décembre 1948.
 Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 16 août 1789.
 Déclaration de Bamako du 03 novembre 2000.
 Déclaration de l’OUA sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique du 08 juillet 2002.
 Déclaration sur les critères pour les élections libres et régulières du 26 mars 1994.
 Directives pour les Missions d’observation et de suivi des élections de l’Union africaine de juillet 2004.
 Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.
 Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au protocole relatif au
mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité.

VII. SITES INTERNET


 http://afrilex.u-bordeaux4.fr/
 http://democratie.francophonie.org/
 http://newebsite.codesria.org/
 http://www.accpuf.org/
 http://www.ahjucaf.org /
 http://www.cairn.info/
 http://www.cean.sciencespobordeaux.fr/Pokam.pdf
 http://www.ceici.org/elections/ci/code-electoral-cei.php
 http://www.conseil-constitutionnel.fr/
 http://www.conseil-constitutionnel.gov.bf/index.php
 http://www.conseil-etat.fr/
 http://www.cour-constitutionnelle-benin.org/
 http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/35/48/78/Cote-Ivoire/Loi-CEI-C-te-d-Ivoire.pdf
 http://www.droitconstitutionnel.org/
 http://www.gouv.sn/Le-Conseil-constitutionnel.html
 http://www.la-constitution-en-afrique.org/
 http://www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol9ns/quantin1.pdf

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INDEX ALPHABÉTIQUE

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 commissions de supervision · 52, 57, 64, 73, 74,
A 83, 84, 95, 96, 100, 154, 196, 272, 288
 accès simplifié · 29, 147, 366  commissions électorales · 40, 41, 42, 43, 47, 48,
 accessibilité · 138, 139, 318, 322, 324 49, 57, 71, 73, 74, 81, 82, 95, 111, 117, 120, 177,

 actes détachables · 271


208, 279
 commissions locales de vote · 57
 actes non détachables · 271, 275
 compétence juridictionnelle · 217
 actes périphériques · 374
 compétition électorale · 369
 agent du Gouvernement · 200
 complexité · 36, 54, 69, 89, 106, 119, 138, 189,
 aliénation politique · 69 219, 256, 316, 322, 327
 allégation · 235  computation des délais · 203, 205, 284
 audience · 246, 348  Conseil constitutionnel · 42, 43, 59, 67, 68, 71,
 authenticité · 60 78, 79, 80, 83, 84, 96, 100, 107, 108, 110, 112,

 autorité de chose jugée · 304


113, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129,
130, 131, 132, 133, 134, 136, 137, 138, 145, 153,
 autorité politique · 321
155, 159, 161, 165, 174, 180, 182, 190, 195, 200,
201, 203, 204, 208, 210, 211, 212, 214, 215, 219,
 autorités administratives · 43 223, 229, 231, 235, 236, 237, 238, 240, 242, 243,
 autosaisine · 376, 378
244, 247, 264, 265, 269, 271, 274, 276, 278, 280,
282, 285, 287, 289, 290, 291, 292, 297, 299, 300,
301, 302, 303, 304, 305, 306, 307, 315, 323, 333,
B 344, 349, 350, 351, 352, 353, 354, 355, 356, 357,
 blocs de compétences · 277
358, 359, 360, 361, 362, 363, 364, 365, 432
 Conseil d’État · 252
 brièveté des délais · 201
 Conseil supérieur de la magistrature · 7, 337, 339,
C 340, 341, 354, 355
 calendrier électoral · 15, 43, 283, 285  consolidation · 10, 15, 41, 70, 78, 89, 113, 125,
 Cameroun · 15
128, 145, 151, 159, 218, 270, 314, 320, 324, 325,
351, 365, 405
 candidats · 15  Constitution · 16
 cartes électorales · 44  contentieux · 1, 5, 24, 27, 31, 32, 36, 38, 41, 43,
 Chambre administrative · 204, 242 45, 49, 51, 52, 57, 79, 82, 83, 84, 85, 88, 89, 90,

 citoyens · 10, 15, 16, 25, 29, 31, 32, 34, 36, 40, 45,
91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 100, 103, 104, 106, 108,
109, 110, 111, 113, 114, 115, 117, 118, 119, 120,
46, 47, 49, 50, 58, 59, 60, 65, 78, 86, 88, 90, 91, 121, 122, 124, 125, 126, 129, 130, 131, 132, 133,
92, 96, 97, 98, 103, 113, 116, 123, 124, 125, 127, 134, 135, 136, 138, 139, 142, 145, 146, 147, 149,
137, 138, 141, 142, 145, 146, 148, 149, 150, 151, 150, 153, 154, 155, 157, 158, 159, 161, 163, 165,
152, 155, 157, 158, 160, 167, 170, 171, 172, 176, 167, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 176, 179, 182,
191, 194, 195, 199, 200, 202, 217, 219, 222, 231, 185, 186, 187, 188, 189, 191, 192, 193, 194, 195,
239, 246, 274, 277, 280, 282, 284, 306, 309, 313, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 207,
316, 321, 323, 324, 344, 345, 346, 348, 351, 365, 208, 211, 212, 213, 215, 217, 218, 219, 223, 225,
366 227, 228, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236,
 commission · 41, 44, 47, 48, 51, 52, 53, 55, 57,
239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 248, 249,
250, 251, 252, 253, 254, 255, 257, 258, 259, 260,
59, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 73, 81, 92, 93, 94,
261, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272,
96, 98, 100, 115, 121, 135, 160, 167, 177, 179,
273, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 282, 283,
196, 197, 198, 208, 214, 222, 241, 248, 282, 287,
285, 287, 288, 289, 291, 292, 293, 294, 295, 296,
290, 358
297, 298, 299, 300, 302, 305, 306, 307, 309, 313,
 commissions de révision · 51 315, 317, 319, 323, 326, 333, 337, 339, 344, 345,
347, 349, 350, 364, 365, 366, 431

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 contentieux électoral · 24, 31, 36, 38, 41, 43, 49,  différends · 264
 directeur général des élections · 48
52, 57, 85, 89, 90, 91, 95, 96, 100, 103, 106, 108,
110, 111, 113, 118, 119, 121, 122, 125, 133, 136,
138, 139, 142, 145, 146, 147, 149, 159, 161, 163,  discontinuation · 250
 discrétionnaire · 74
165, 171, 173, 179, 186, 188, 191, 192, 194, 195,
199, 200, 201, 219, 225, 227, 228, 229, 234, 236,
239, 240, 244, 245, 246, 248, 250, 265, 266, 267,  droit · 10, 16, 17, 20, 23, 24, 26, 27, 31, 32, 33,
268, 270, 273, 275, 277, 278, 279, 280, 283, 285, 36, 45, 46, 49, 50, 51, 52, 54, 56, 57, 58, 59, 60,
289, 291, 293, 294, 297, 298, 299, 300, 302, 307, 61, 62, 63, 77, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 95, 96, 97,
309, 313, 315, 317, 319, 323, 326, 333, 337, 345, 98, 99, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 108, 110,
347, 349, 350, 364 112, 113, 115, 116, 119, 121, 123, 125, 127, 129,
 contestations · 31, 38, 40, 42, 51, 52, 64, 73, 83, 131, 135, 136, 137, 138, 139, 141, 142, 145, 146,
84, 88, 96, 100, 104, 109, 114, 117, 118, 122, 123, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156,
126, 129, 131, 147, 177, 195, 196, 198, 200, 201, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166,
202, 203, 208, 209, 210, 278, 279, 293, 294, 323 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176,

 contrôle de la légalité · 270


177, 178, 179, 180, 182, 185, 186, 187, 188, 189,
191, 193, 194, 195, 199, 200, 202, 204, 205, 206,
 corps électoral · 24, 46, 60, 91, 103, 111, 112, 207, 210, 212, 214, 216, 222, 227, 228, 229, 231,
113, 114, 116, 118, 119, 124, 134, 137, 274, 279, 232, 233, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242,
280, 283, 288, 339 243, 244, 245, 247, 248, 250, 251, 252, 257, 258,

 Cour suprême · 242


259, 262, 264, 265, 266, 267, 270, 271, 272, 273,
274, 275, 276, 280, 281, 282, 287, 288, 292, 293,
 crédibilité · 131, 155, 324, 345, 346, 358
294, 295, 299, 302, 304, 306, 309, 312, 313, 314,
316, 317, 318, 319, 321, 322, 323, 324, 325, 326,
 culture démocratique · 405 327, 328, 329, 330, 331, 333, 335, 336, 340, 342,
344, 345, 346, 347, 348, 349, 350, 351, 352, 353,
D 354, 356, 357, 358, 361, 367, 369, 370, 371, 372,

 Déclaration · 16
376, 377, 379, 380, 381, 382, 406, 431, 432, 433,
434, 435, 436, 437, 439, 440, 441, 442, 443, 444
 décompte des voix · 288  droit de vote · 36
 délits électoraux · 369  droit électoral · 31, 32, 96, 99, 142, 145, 148, 281,
 demandeur · 251
306, 313, 314, 318
 droit processuel · 32, 188, 193, 194, 227
 démission · 259
 droits civils et politiques · 17, 25, 29, 34, 50, 84,
 démocratie · 10, 15, 16, 17, 27, 31, 36, 40, 49, 51,
86, 103, 123, 125, 142, 146, 150, 151, 217, 219,
58, 60, 69, 70, 71, 78, 84, 88, 98, 103, 117, 123,
222, 239, 313, 316, 321, 323
125, 128, 129, 135, 141, 145, 148, 157, 159, 165,
166, 168, 169, 170, 180, 182, 195, 202, 217, 218,
219, 312, 314, 315, 316, 317, 319, 320, 326, 345, E
349, 350, 351, 365  effet suspensif · 298
 démocratie représentative · 17  Elecam · 42, 44, 47, 48, 64, 65, 66, 67, 69, 72, 77,
 démocratisation · 10, 16, 17, 41, 124, 129, 313, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 91, 96, 102, 113, 121,
314, 319 131, 151, 164, 174, 177, 181, 189, 197, 213, 235,

 dépouillement · 63
248, 285, 316, 320, 323, 364

 désignation · 17
 désistement · 254
 désistement d’office · 253, 254, 255
 désistement volontaire · 251, 253
 détachabilité · 273
 dévolution du pouvoir · 20, 175, 191, 341, 350,
372, 378, 379, 382, 400

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 élections · 1, 10, 15, 16, 17, 18, 20, 23, 24, 26, 31,  indépendance · 333
 instrumentalisation institutionnelle · 312
36, 38, 40, 41, 42, 43, 45, 47, 48, 51, 52, 55, 56,
60, 62, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 74, 75,
76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 85, 86, 89, 91, 94, 96,  intérêt · 260
 intérêt personnel · 164
97, 100, 101, 102, 103, 107, 108, 109, 110, 116,
117, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 128,
129, 130, 132, 133, 134, 135, 138, 139, 141, 146,  interprétation · 397
 intime conviction · 266
147, 148, 150, 152, 153, 155, 157, 158, 159, 161,
165, 166, 167, 170, 173, 174, 176, 177, 179, 180,
182, 191, 193, 194, 195, 197, 199, 200, 201, 202,  irrégularités · 24, 51, 52, 56, 59, 62, 63, 68, 76, 95,
203, 209, 219, 231, 237, 238, 248, 253, 254, 255, 96, 101, 111, 117, 118, 119, 120, 133, 148, 153,
260, 266, 267, 269, 271, 272, 275, 276, 277, 279, 155, 158, 167, 177, 197, 198, 205, 206, 210, 211,
280, 281, 282, 283, 284, 285, 287, 289, 291, 292, 266, 267, 268, 269, 276, 278, 279, 280, 281, 283,
293, 294, 295, 297, 298, 300, 301, 302, 306, 307, 285, 286, 288, 289, 290, 305, 323, 330
 isoloir · 59
313, 314, 315, 316, 317, 319, 320, 323, 326, 339,
344, 345, 349, 351, 355, 361, 364, 365, 366
 élections compétitives · 40
J
 électorat · 32, 44, 45, 46, 59, 90, 91, 92, 93, 95,
96, 97, 112, 115, 153  juge · 5, 21, 24, 29, 32, 42, 52, 54, 55, 60, 61, 62,

 éligibilité · 31, 90, 115, 117, 126, 127, 128, 130,


63, 64, 65, 68, 85, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 95, 96,
97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107,
133, 134, 158, 301, 338 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117,
 élus · 40, 59, 86, 109, 120, 126, 137, 141, 155,
118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 129, 130,
131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 142, 145, 147,
158, 167, 182, 190, 194, 201, 202, 205, 208, 270,
149, 156, 159, 160, 161, 163, 168, 172, 173, 174,
289, 298, 299, 319, 364
180, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194,
 État de droit · 10, 15, 24, 27, 42, 70, 79, 86, 88, 199, 201, 204, 205, 207, 209, 210, 212, 213, 214,
113, 123, 124, 132, 136, 141, 145, 146, 168, 282, 217, 222, 223, 225, 227, 228, 229, 230, 231, 232,
284, 291, 302, 318, 324, 325, 350, 351, 365 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242,
243, 244, 245, 246, 247, 248, 249, 250, 251, 252,
F 253, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 261, 262,

 fichier électoral · 47
264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273,
274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 282, 283,
 flagrant délit · 79 284, 285, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293,

 formalisme · 43
296, 297, 298, 299, 300, 301, 303, 304, 305, 306,
307, 308, 309, 310, 312, 313, 316, 318, 320, 322,
 formalités non substantielles · 217
323, 324, 326, 327, 328, 329, 330, 331, 332, 333,
335, 336, 338, 339, 340, 341, 342, 343, 344, 345,
 formalités substantielles · 268 346, 347, 348, 349, 350, 351, 352, 353, 354, 356,
 fragilisation · 75, 117, 136, 202, 223, 308, 310,
357, 358, 359, 361, 363, 364, 365, 367, 368, 369,
370, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379,
317, 362, 363, 368 380, 381, 382, 384, 387, 396, 432, 434, 436, 437,
438, 439, 440, 441, 442, 443, 444, 445
 juge constitutionnel · 42
G
 greffe · 251
 juge des référés · 32, 91, 97, 104, 105, 106, 107
H  juge électoral · 24, 29, 52, 54, 55, 60, 62, 63, 64,
 hermétisme · 313, 321, 322, 324
65, 68, 89, 95, 96, 102, 103, 105, 109, 113, 115,
116, 118, 119, 120, 125, 130, 132, 133, 134, 136,
156, 159, 160, 161, 191, 201, 205, 209, 213, 214,
I 233, 236, 246, 248, 249, 252, 266, 267, 268, 269,
 illimitation des mandats · 385
271, 272, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281,
282, 283, 284, 285, 287, 288, 289, 290, 291, 305,
 impartialité · 333 306, 307, 309, 310, 312, 313, 316, 321, 322, 323,
 incident de procédure · 260
324, 326, 332, 333, 335, 338, 342, 343, 344, 345,
346, 347, 348, 349, 350, 351, 364, 378
 incompétence · 255  juge judiciaire · 91

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 juge pénal · 32 N
 jurisprudence · 271, 391  non-lieu à statuer · 256, 258
 justice · 7, 32, 38, 43, 57, 62, 68, 85, 88, 89, 90,  norme · 65, 124, 126, 139, 141, 165, 303, 313,
102, 104, 107, 109, 132, 138, 139, 145, 146, 148, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 324, 325, 326,
149, 154, 161, 162, 169, 179, 180, 185, 188, 189, 328, 378
 norme électorale · 320, 322, 324, 378
190, 205, 206, 207, 212, 215, 218, 219, 222, 225,
228, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 238, 239, 241,
243, 246, 249, 252, 254, 255, 261, 264, 266, 270,
287, 292, 294, 298, 302, 307, 309, 310, 312, 316, O
 Onel · 40, 52, 62, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78,
317, 324, 326, 333, 334, 335, 336, 337, 338, 339,
340, 341, 343, 344, 345, 346, 347, 349, 350, 351,
353, 357, 358, 362, 366, 392 81, 82, 94, 102, 248, 285, 286, 315, 320, 364

 justice électorale · 38, 132, 138, 139, 218, 324,  opération*s · 269
333, 339  opérations · 16, 38, 41, 42, 43, 44, 46, 48, 51, 52,
 justice politisée · 379 53, 54, 55, 57, 58, 59, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67,

 justiciables · 90, 194, 219, 294, 298, 307, 322, 323,


68, 71, 72, 73, 75, 76, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84,
85, 88, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 99, 100, 102,
326, 338, 343, 366 103, 107, 108, 111, 113, 114, 115, 117, 118, 120,
121, 122,꽔124, 125, 126, 128, 129, 132, 133, 136,
L 137, 148, 149, 150, 153, 154, 157, 158, 159, 160,
 l’influence déterminante · 267
161, 163, 166, 167, 169, 170, 171, 173, 174, 177,
180, 182, 195, 196, 198, 199, 200, 202, 203, 205,
 l’interprétation réaliste · 382 207, 208, 209, 210, 211, 212, 214, 222, 235, 237,

 L’office du juge · 29, 235, 245, 309, 310, 312,


238, 241, 242, 246, 247, 248, 267, 268, 272, 273,
274, 275, 276, 277, 279, 280, 281, 282, 283, 284,
328, 343, 346, 351, 358, 370, 435 286, 287, 288, 290, 291, 293, 300, 323, 330, 331,
 La procédure contentieuse · 5, 25, 27, 28, 411 369, 371, 372, 373, 374, 377, 397, 436, 437

 législateur · 64  opérations postélectorales · 64, 65, 66, 73, 80, 82,

 légitimité démocratique · 145, 171, 310, 324, 365


85, 99, 100, 111, 117, 118, 128, 129, 203, 211
 opérations préélectorales · 52, 81, 83, 85, 96, 99,
 légitimité populaire · 67 107, 111, 114, 118, 120, 133, 148, 149, 150, 177,
 listes électorales · 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 51,
207, 235, 268, 277, 284, 286, 323
52, 53, 55, 56, 58, 73, 82, 91, 92, 93, 94, 95, 99,  opérations préparatoires · 42, 43, 44, 52, 57, 66,
102, 120, 121, 127, 133, 135, 151, 154, 164, 167, 73, 81, 83, 84, 85, 91, 92, 93, 95, 111, 120, 133,
169, 174, 177, 195, 196, 197, 198, 207, 209, 211, 153, 154, 158, 163, 166, 167, 171, 177, 182, 195,
248, 275, 281 199, 209, 211, 222, 272, 273, 274, 276
 organes · 24, 25, 29, 36, 37, 38, 39, 40, 42, 48, 54,
M 66, 69, 70, 75, 78, 80, 82, 83, 84, 86, 87, 92, 93,
 magistrature · 338 95, 96, 109, 111, 120, 121, 122, 124, 132, 135,
 manœuvres frauduleuses · 267
137, 138, 139, 140, 141, 142, 145, 146, 148, 149,
150, 153, 154, 155, 159, 160, 164, 167, 169, 172,
 mémoire · 254 173, 175,꽔176, 177, 178, 182, 185, 186, 188, 189,

 ministère public · 202


192, 193, 195, 197, 198, 216, 217, 218, 219, 222,
248, 277, 292, 298, 303, 313, 323, 333, 364
 monopartisme · 15  organes juridictionnels · 38, 70, 84, 86, 87, 137,
 moyen · 266 323

 moyens d’ordre public · 214  organes mixtes · 38, 86

 moyens irrecevables · 213  organes non juridictionnels · 29, 38

 moyens non fondés · 213 P


 paix sociale · 382
 partis politiques · 40

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 pluralisme politique · 157, 363  réclamations · 31, 38, 40, 42, 51, 67, 73, 83, 84,
 pourvoi · 258
88, 96, 118, 129, 131, 177, 195, 196, 198, 200,
208, 209, 210, 234, 238, 294, 323
 pouvoir d’annulation · 283  rectification des résultats · 289
 pouvoir d’interprétation · 309, 326, 327, 330, 372,  refonte · 48
 réformation · 292
378, 386
 pouvoir de nomination · 337
 régime · 254
 pouvoir judiciaire · 371
 régularité de l’élection · 57, 66, 111, 122, 125,
 pouvoir normatif · 390 129, 279, 305, 369, 371, 376
 prétention · 266  représentants · 17
 preuve · 234  représentation · 15, 16, 31, 36, 40, 49, 50, 110,
 principes généraux · 31 116, 128, 129, 131, 141, 155, 156, 158, 162, 163,
 procédure · 1, 18, 20, 25, 28, 29, 31, 32, 34, 40,
166, 169, 171, 179, 310, 344, 355, 360
42, 46, 47, 48, 50, 54, 56, 69, 70, 75, 92, 94, 97,  requérant · 230
101, 102, 104, 105, 106, 107, 119, 120, 131, 138,  requérants · 88, 95, 100, 116, 130, 131, 139, 145,
142, 146, 148, 150, 154, 158, 162, 163, 171, 172, 160, 182, 185, 192, 218, 250, 296, 306, 316, 323
 rôle normatif · 389
173, 174, 182, 185, 187, 188, 189, 190, 191, 192,
193, 194, 195, 199, 200, 201, 204, 206, 207, 210,
 rôle pédagogique · 391
211, 215, 217, 218, 219, 220, 222, 223, 225, 227,
228, 231, 232, 233, 236, 237, 238, 239, 240, 241,
242, 243, 244, 245, 246, 248, 249, 250, 251, 252,
253, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 261, 264, 277, S
278, 292, 293, 294, 296, 297, 298, 299, 301, 306,  scrutin · 290
 secret du vote · 59
307, 315, 322, 323, 324, 326, 336, 347, 352, 366,
367, 376, 377, 432, 433, 434, 437, 441
 procédure civile · 104, 106, 107, 163, 172, 188,  sécurité juridique · 382
 simplification · 26
199, 210, 227, 232, 233, 234, 241, 245, 250, 252,
255, 307, 433
 simplification des normes juridiques · 325, 382
 procédure contentieuse · 1, 5, 12, 18, 20, 21, 24,
25, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 40, 138, 146, 190,  sincérité · 24, 25, 29, 31, 40, 57, 58, 59, 62, 67, 68,
192, 217, 219, 225, 228, 231, 240, 243, 245, 277, 70, 72, 78, 80, 84, 89, 97, 99, 100, 103, 105, 118,
324, 408, 411, 412, 414 120, 126, 131, 133, 146, 159, 164, 176, 177, 180,
 procédure d’instruction · 261
234, 238, 266, 267, 268, 269, 276, 277, 278, 279,
280, 285, 286, 288, 300, 306, 307, 339, 349
 procédure inquisitoire · 239
 statut · 45, 52, 53, 76, 77, 79, 91, 93, 96, 110, 141,
 procès équitable · 29, 204, 246, 296 145, 149, 150, 151, 152, 158, 166, 182, 237, 309,
 processus de démocratisation · 378, 401, 434, 436
312, 316, 326, 332, 333, 335, 336, 337, 340, 345,
348, 349, 350, 352, 354, 355, 358, 359, 360, 361,
 processus électoraux · 15, 25, 38, 40, 41, 45, 53, 362, 363, 365, 431
54, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 76, 77, 78, 80, 81, 82,  suffrage · 10, 16, 17, 40, 45, 56, 58, 59, 60, 61, 62,
83, 84, 86, 99, 121, 122, 132, 134, 137, 138, 139, 69, 91, 98, 100, 120, 129, 141, 147, 150, 151, 152,
147, 148, 155, 159, 164, 174, 176, 177, 179, 190, 153, 155, 157, 165, 166, 168, 169, 170, 196, 199,
217, 229, 236, 307, 320, 346, 349 269, 279, 338, 364
 procès-verbaux · 58
 procuration · 61
T
 théorie de l'influence déterminante · 268
 procureur de la République · 347
 théorie réaliste · 378
R  tribunaux administratifs · 203, 253
 rapporteur · 241

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V  vide juridique · 388
 validation du mandat · 301  voies de recours · 300

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TABLE DES MATIÈRES

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INTRODUCTION ................................................................................................................ 9
I. Contexte spatio-temporel de l’étude : Génèse et évolution ................................................................ 12
II. Délimitation du champ de l’étude et Précisions notionnelles du sujet ............................................ 17
A. Délimitation du champ de l’étude ....................................................................................................... 18
B. Précisions notionnelles du sujet ........................................................................................................... 20
III. L’intéret de l’étude .................................................................................................................................. 24
IV. Problématique ......................................................................................................................................... 27
V. Démarche méthodologique .................................................................................................................... 29
PARTIE I. L’ORGANISATION COMPLEXE DU CADRE PROCÉDURAL .................................. 34
TITRE I. LE FOISONNEMENT D’ORGANES DE CONTRÔLE....................................................... 36
Chapitre I. l’intervention plurielle d’organes non juridictionnels ......................................... 38
Section I. la multifonctionnalité des commissions électorales .............................................................. 40
§ 1. la gestion diachronique des opérations préparatoires .................................................................... 41
A. le rôle ambivalent des commissions de révision des listes électorales(CRLE) .......................... 42
1. L’octroi d’une compétence exclusive en matière d’établissement du fichier
électoral ............................................................................................................................................. 43
2. L’octroi d’une compétence partagée de règlement des différends ............................................. 49
B. La malléabilité du contrôle des commissions chargées de l’établissement et de la
distribution des cartes électorales (CCEDCE).............................................................................. 51
1. Le caractère nébuleux du contrôle des opérations relatives à l’établissement de la
carte électorale ................................................................................................................................. 51
2. Le caractère extensible du contrôle des opérations de distribution des cartes
électorales ......................................................................................................................................... 53
§ 2. l’intervention multidimensionnelle dans le contrôle des opérations électorales et
postélectorales ...................................................................................................................................... 55
A. le contrôle exclusif des opérations de vote par les commissions locales de vote...................... 55
1. Le rôle de police des bureaux de vote ............................................................................................ 56
2. Le rôle de garant de la transcription authentique des résultats du scrutin ................................ 60
B. L'exercice d’un contrôle hiérarchisé dans la gestion des opérations postélectorales ................ 61
1. L’action préalable des commissions de supervision dans la centralisation des
suffrages ............................................................................................................................................ 62
a- Le rôle délimité des commissions départementales de supervision en matière
d’élections nationales .................................................................................................................... 62
b. Le rôle central des commissions communales de supervision en matière
d’élections municipales................................................................................................................. 63
2. L’action postérieure de la CNRGV dans le recensement des suffrages .................................... 64
Section II. l’évolution mitigée des systèmes de gestion des processus électoraux ............................. 67
§ 1. l’Onel : une structure de gestion aux pouvoirs limités................................................................... 69
A. Une intervention circonscrite dans la gestion du processus électoral ......................................... 69
B. Un organe fragilisé par un cadre juridique complexe..................................................................... 71
1. L’emprise du pouvoir exécutif sur le fonctionnement et la gestion de l’Onel ......................... 71
2. L’absence d’un véritable pouvoir de sanction ............................................................................... 72
§ 2. La création d’elecam : un organe indépendant plus apte à garantir la sincérité du
scrutin ? .................................................................................................................................................. 74
A. L’exercice de compétences à dominante administrative ............................................................... 76
1. Les compétences de supervision du Conseil électoral ................................................................. 76
2. Les compétences d’organisation matérielle de la Direction générale des élections ................. 77
B. Le faible rôle contentieux d’Elecam ................................................................................................. 79
1. Une intervention contentieuse circonscrite ................................................................................... 79

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2. L’exercice d’une compétence complétive et de substitution ....................................................... 80
Chapitre II. l’intervention à échelle variable d’organes juridictionnels ................................ 83
Section I. l’exercice des compétences limitées par le juge judiciaire .................................................... 86
§ 1. une protection restreinte de l’état des personnes dans le jeu électoral........................................ 87
A. L’exercice d’un rôle délimité aux opérations préparatoires ......................................................... 87
1. La gestion incidente du contentieux de la liste électorale ............................................................ 88
2. La quasi-inexistence du contentieux de la délivrance des cartes électorales ............................. 89
B. L’exercice d’une compétence diluée ................................................................................................. 90
1. Par l’intervention en amont des commissions électorales ........................................................... 91
2. Par l’intervention en aval du Conseil électoral .............................................................................. 91
§ 2. une implication inopérante et parcellaire ......................................................................................... 92
A. Le rôle inopérant du juge judiciaire en matière répressive ............................................................ 92
1. L’organisation biaisée de la répression en matière électorale ...................................................... 93
a. La caractérisation non dissuasive de la fraude en matière électorale ....................................... 94
b. L’indétermination des auteurs de la saisine ................................................................................. 96
2. La protection minimale par le juge répressif.................................................................................. 98
B. le juge judiciaire agissant comme juge des référés .......................................................................... 98
1. Le domaine du référé en matière électorale : la prévention d’un dommage
irréparable ......................................................................................................................................... 99
2. La restriction des pouvoirs du juge judiciaire des référés .......................................................... 100
Section II. l’implication diversifiée du juge administratif..................................................................... 102
§ 1. juge ordinaire de la régularité des élections municipales ............................................................. 103
A. L’exercice d’un contrôle discontinu des opérations préélectorales ........................................... 105
B. L’exercice d’un contrôle exclusif des opérations postélectorales ............................................... 111
§ 2. l’exercice d’une compétence indirecte et exceptionnelle ............................................................. 113
A. Le contrôle indirect des opérations préélectorales ....................................................................... 113
B. L’immixtion dans le contrôle des élections nationales................................................................. 114
Section III. l’action mitigée du conseil constitutionnel dans le contrôle des élections
nationales ............................................................................................................................................... 116
§ 1. l’exercice d’une compétence ambivalente ...................................................................................... 117
A. Le contrôle des actes périphériques .............................................................................................. 118
B. L’intervention exclusive en matière contentieuse....................................................................... 121
1. Juge de la régularité des opérations préliminaires ....................................................................... 121
2 Garant de la sincérité du scrutin ..................................................................................................... 123
§ 2. l’exercice d’une compétence exceptionnelle et partagée.............................................................. 124
A. Le contrôle a posteriori des opérations préélectorales ................................................................... 125
B. L’exercice d’une compétence proportionnellement partagée ..................................................... 126
TITRE II. L’ACCÈS QUASI-RESTRICTIF AUX ORGANES COMPÉTENTS ..................................... 132
Chapitre I. la détermination limitative des conditions subjectives de saisine .................... 135
Section I. l’extension du droit de saisine visant un intérêt personnel ................................................ 138
§ 1. l’aménagement d’une saisine continuelle par l’électeur................................................................ 139
A. La souplesse des conditions de fond liées à la jouissance de la qualité d’électeur .................. 140
1. Le respect des exigences liées à la majorité et la dignité électorales......................................... 141
2. La justification du lien de nationalité ............................................................................................ 142
B. Le caractère impératif des conditions de forme............................................................................ 144
1. L’inscription sur la liste électorale ................................................................................................. 144
2 Le rattachement à un espace géographique déterminé ............................................................... 145
§ . l’aspérité du droit de saisine accordé aux candidats ....................................................................... 147
A. L’extension de la saisine directe par le candidat .......................................................................... 148
1. La contestation des opérations préliminaires............................................................................... 149

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2. La contestation des opérations électorales et postélectorales ................................................... 151
B. La réduction de la saisine indirecte par voie de représentation .................................................. 152
1. La définition extensible de la qualité de mandataire ................................................................... 152
2. La délimitation différenciée du champ de saisine reconnu au mandataire ............................. 153
Section II. l’ouverture d’un droit de saisine visant un intérêt général ................................................ 155
§ 1. Le droit de saisine conféré aux partis politiques ........................................................................... 155
A. La saisine directe en qualité de requérant ...................................................................................... 156
1. Le respect des conditions existentielles dans le contentieux des opérations
préparatoires ................................................................................................................................... 157
a. L’exigence d’une constitution régulière ...................................................................................... 157
b. La justification d’un intérêt .......................................................................................................... 159
2. Le respect des conditions participatives dans le contentieux des préliminaires et
des opérations électorales............................................................................................................. 159
B. Le procédé de saisine indirecte ........................................................................................................ 160
1. La saisine par le biais des mandataires .......................................................................................... 160
2. La saisine par voie d’intervention volontaire ............................................................................... 161
§ 2. le droit de saisine ponctuelle accordé à l’administration ............................................................. 164
A. Le déploiement de l’action de l’Administration avant l’adoption du Code électoral.............. 165
B. L’implication isolée de l’agent du gouvernement pour l’élection après l’adoption du
Code électoral ................................................................................................................................... 167
Chapitre II. le relatif rigorisme des conditions objectives de saisine ..................................171
Section I. L’élasticité de la recevabilité du recours sur la forme ......................................................... 173
§ 1. le dualisme de la présentation du recours ...................................................................................... 174
A. L’indispensable identification des parties ...................................................................................... 176
B. L’identification de l’objet du recours .............................................................................................. 178
§ 2. le respect scrupuleux des délais de saisine ..................................................................................... 180
A. L’extensibilité des délais applicables au contentieux des opérations préparatoires ................ 181
1. Le régime des délais applicable au contentieux de la liste électorale avant
l’adoption du Code électoral........................................................................................................ 182
2. Le régime des délais applicable au contentieux de la liste électorale après l’adoption
du Code électoral ........................................................................................................................... 184
B. Le caractère abrégé des délais applicables au contentieux des opérations
préliminaires et postélectorales ...................................................................................................... 186
1. La variabilité des délais applicables au contentieux des opérations préliminaires ................. 186
a. L’excessive brièveté des délais applicables au contentieux des élections nationales ........... 186
b. Le caractère pragmatique des délais applicables à l’élection municipale............................... 188
2. L’inégalité du régime applicable au contentieux des opérations postélectorales ................... 188
a. Devant le Conseil constitutionnel ............................................................................................... 189
b. Devant la juridiction administrative ........................................................................................... 189
Section II. le caractère impérieux des conditions de recevabilité du recours sur le fond ............... 191
§ 1. la précision de l’objet de la requête ................................................................................................. 191
A. La détermination des personnes visées par le recours................................................................ 193
B. Le rattachement de l’objet du recours à un espace géographique déterminé........................... 194
§ 2. L’exposé des faits, moyens et conclusions de la requête ............................................................. 195
A. L’exposé des faits ............................................................................................................................... 196
B. La précision des moyens et conclusions du recours .................................................................... 197
1. L’exposé des moyens contenus par la requête............................................................................. 197
2. La formulation des conclusions ..................................................................................................... 199
PARTIE II. LE DÉROULEMENT LABORIEUX DU PROCÈS ÉLECTORAL .............................205
TITRE I. LA MALLÉABILITÉ DE LA CONDUITE DE L’INSTANCE ............................................. 208
Chapitre I. l’instruction des requêtes .................................................................................. 210

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Section I. la conduite de l’instruction ...................................................................................................... 212
§ 1. La production principale de la preuve par le requérant ............................................................... 214
A. La production d’un commencement de preuve devant le juge administratif .......................... 215
1. La transposition de la règle actori incumbit probatio........................................................................ 216
2. L’assouplissement de la charge de la preuve ................................................................................ 219
B. L’exigence d’un fondement probant devant le Conseil constitutionnel ................................... 220
§ 2. l’intervention complémentaire du juge dans la production de la preuve .................................. 222
A. La prescription des mesures d’instruction confiées à un rapporteur ........................................ 223
1. L’audition des parties ....................................................................................................................... 224
2. La demande de production des pièces et documents................................................................. 226
B. L’INVESTIGATION DIRECTE DU JUGE ................................................................................ 228
1. L’audition des parties à l’audience ................................................................................................. 229
2. La prise en compte des procès-verbaux ....................................................................................... 230
Section II. La discontinuité de la procédure d’instruction ................................................................... 233
§ 1. Le désistement.................................................................................................................................... 233
A. Le désistement volontaire ................................................................................................................ 234
B. Le désistement d’office ..................................................................................................................... 236
§ 2. Le non-lieu à statuer .......................................................................................................................... 239
A. Le cas de décès ................................................................................................................................... 240
B. Le cas de démission de l’élu ............................................................................................................. 242
Chapitre II. Le cadre ambigu du prononcé de la décision ................................................. 245
Section I. une évaluation tendancieuse des requêtes ............................................................................ 248
§ 1. L’appréciation subjective des irrégularités ..................................................................................... 248
A. La valorisation de l’influence déterminante : la primauté de la sincérité sur la légalité .......... 249
1. La notion d’influence déterminante .............................................................................................. 249
2. Un principe cardinal de sanction des irrégularités de nature à altérer la sincérité du
scrutin .............................................................................................................................................. 250
B. Le contrôle subsidiaire de la légalité du scrutin ............................................................................ 252
1. Le contrôle spécieux des actes détachables par le juge administratif....................................... 253
2. Le contrôle exclusif des actes non détachables par le juge de l’élection ................................. 256
§ 2. Des pouvoirs étendus dans le prononcé de la décision ............................................................... 258
A. La confirmation ou l’annulation de l’élection ............................................................................... 259
1. La confirmation et la proclamation des résultats ........................................................................ 259
2. L’annulation de l’élection et l’organisation de nouvelles élections ........................................... 260
a. L’annulation totale des résultats du scrutin................................................................................ 261
b. L’exercice d’un pouvoir d’annulation partielle des opérations électorales à échelle
variable .......................................................................................................................................... 262
B. Le caractère intermittent du pouvoir de réformation des résultats ........................................... 267
1. Un nouveau décompte des voix .................................................................................................... 268
2. Une rectification arithmétique des résultats ................................................................................. 270
Section II. La remise en cause des décisions de justice : l’aménagement imparfait des
voies de recours .................................................................................................................................... 272
§ 1. L’exercice des voies de recours devant le juge administratif....................................................... 273
A. La fissuration du principe de double degré de juridiction : l’ineffectivité des
tribunaux administratifs .................................................................................................................. 273
B. La pénibilité de l’appel : le cumul de compétences de la Chambre administrative de
la Cour suprême ............................................................................................................................... 275
1. La recevabilité de l’appel ................................................................................................................. 275
2. Les effets de l’appel.......................................................................................................................... 278
§ 2. L’autorité des décisions du Conseil constitutionnel dans le contentieux des
élections nationales ............................................................................................................................ 279

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A. Justifications politiques ..................................................................................................................... 280
B. Justifications juridiques ..................................................................................................................... 282
TITRE II. LA FRAGILISATION DE L’OFFICE DU JUGE ............................................................. 287
Chapitre I. L’instrumentalisation institutionnelle............................................................... 290
Section I. l’aménagement dissuasif des compétences ........................................................................... 292
§ 1. L’isolement du juge par un cadre juridique prolifique ................................................................. 292
A. La dispersion normative ................................................................................................................... 293
B. L’instabilité normative....................................................................................................................... 296
§ 2. L’hermétisme du langage juridique ................................................................................................. 299
A. L’accessibilité restreinte de la norme aux justiciables .................................................................. 300
B. L’extension du pouvoir d’interprétation du juge électoral .......................................................... 304
Section II. le statut juridique peu protecteur du juge électoral : la prégnance du pouvoir
exécutif ................................................................................................................................................... 310
§ 1. L’emprise directe du pouvoir exécutif sur le juge administratif ................................................. 311
A. La dépendance statutaire du juge électoral : un « fonctionnaire hiérarchisé » ......................... 313
1. Sur le plan de sa nomination .......................................................................................................... 313
2. La sujétion sous l’angle du déroulement de la carrière............................................................... 317
B. Les velléités de dépendance fonctionnelle du juge électoral ....................................................... 320
1. L’autonomie à polémique du juge électoral ................................................................................. 320
2. Le verrouillage de la liberté fonctionnelle .................................................................................... 323
§ 2. L’emprise indirecte dans l’office du Conseil constitutionnel ...................................................... 326
A. L’inconsistante garantie statutaire du juge constitutionnel ......................................................... 327
1. Un statut constitutionnel en apparence protecteur : la désignation du juge
constitutionnel ............................................................................................................................... 329
2. La précaire protection de la fonction des membres du Conseil constitutionnel ................... 335
B. L’érosion de l’autonomie du juge constitutionnel : l’immatérialité du Conseil
constitutionnel.................................................................................................................................. 339
Chapitre II. la fragilisation entretenue par le juge lui-même .............................................. 344
Section I. l’interprétation minimaliste de l’étendue de son pouvoir par le juge ............................... 346
§ 1. l’exercice d’un contrôle minimal...................................................................................................... 347
A. L’application restrictive de la loi...................................................................................................... 348
B. L’impossible autosaisine ................................................................................................................... 352
§ 2. L’exercice d’un contrôle de convenance ........................................................................................ 354
A. L’accomplissement d’une justice politisée ..................................................................................... 355
B. L’exécution d’une justice rigoureuse ............................................................................................... 358
Section II. L’inconstance des stratégies jurisprudentielles adoptées par le juge ............................... 363
§ 1. Un juge rarement pédagogue ........................................................................................................... 363
A. Dans sa fonction normative............................................................................................................. 364
B. Dans la garantie d’une justice électorale efficace .......................................................................... 367
§ 2. Un juge constamment dans l’esquive ............................................................................................. 372
A. En fonction de l’enjeu de l’élection ................................................................................................ 373
B. Dans son rôle de garant de la consolidation de la démocratie représentative ......................... 376
CONCLUSION GÉNÉRALE ...............................................................................................386
ANNEXES .......................................................................................................................392
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................406
I. TRAITÉS, OUVRAGES ET MANUELS GÉNÉRAUX DE DROIT CONSTITUTIONNEL ET
ADMINISTRATIF ................................................................................................................ 407
II. OUVRAGES SPÉCIALISÉS ..................................................................................................... 408
III. Théorie du Droit ............................................................................................................ 409

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IV. ARTICLES ET CONTRIBUTIONS ......................................................................................... 410
1. Contributions à un ouvrage collectif, un périodique, une revue ...................................... 410
2. Articles avec références en ligne ....................................................................................... 418
V. THÈSES, MÉMOIRES ET RAPPORTS ..................................................................................... 419
1. Thèses ............................................................................................................................... 419
2. Mémoires .......................................................................................................................... 420
3. Rapports............................................................................................................................ 420
VI. DICTIONNAIRES ET LEXIQUES ......................................................................................... 421
V. DOCUMENTS OFFICIELS ..................................................................................................... 421
VII. SITES INTERNET ............................................................................................................. 422
INDEX ALPHABÉTIQUE ..................................................................................................423
TABLE DES MATIÈRES ....................................................................................................430

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