L'ingénierie Écologique Pour Une Agriculture Durable Dans Les Zones Arides Et Semi-Arides D'afrique de L'ouest

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Numéro 11

L’ingénierie écologique pour


une agriculture durable dans
les zones arides et semi-arides
d’Afrique de l’Ouest

Comité Scientifique Français de la Désertification


French Scientific Committee on Desertification
Les dossiers thématiques
du CSFD numéro 11
Directeur de la publication
Comité Scientifique Français
Richard Escadafal
Président du CSFD
de la Désertification
Directeur de recherche de l’Institut de recherche pour
le développement (IRD) au Centre d’Études Spatiales
La création, en 1997, du Comité Scientifique Français de la Désertification, CSFD,
de la Biosphère (CESBIO, Toulouse)
répond à une double préoccupation des ministères en charge de la Convention des
Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Il s’agit d’une part de la volonté de
Coordinateurs
mobiliser la communauté scientifique française compétente en matière de désertification,
 Dominique Masse, [email protected] de dégradation des terres et de développement des régions arides, semi-arides et
Agronomie-Écologie, Institut de recherche pour le subhumides afin de produire des connaissances et servir de guide et de conseil aux
développement, IRD décideurs politiques et aux acteurs de la lutte. D’autre part, il s’agit de renforcer le
positionnement de cette communauté dans le contexte international. Pour répondre à
 Jean-Luc Chotte, [email protected]
Écologie des sols-Diversité microbienne, IRD ces attentes, le CSFD se veut une force d’analyse et d’évaluation, de prospective et de
suivi, d’information et de promotion. Le CSFD participe également, dans le cadre des
 Éric Scopel, [email protected]
délégations françaises, aux différentes réunions statutaires des organes de la Convention
Ingénierie écologique, Centre de coopération
des Nations Unies sur la lutte contre la désertification : Conférences des Parties, Comité
internationale en recherche agronomique pour le
de la Science et de la Technologie, Comité du suivi de la mise en œuvre de la Convention.
développement, Cirad
Il est également acteur des réunions au niveau européen et international. Il contribue
aux activités de plaidoyer en faveur du développement des zones sèches, en relation
Auteurs
avec la société civile et les médias. Il coopère avec le réseau international DNI, DeserNet
Amadou Bâ (Université des Antilles et de la Guyane), International.
Adeline Barnaud (IRD), Bernard Barthès (IRD),
Ronald Bellefontaine (Cirad), Cécile Berthouly (IRD), Le CSFD est composé d’une vingtaine de membres et d’un Président, nommés intuitu
Marc Bied-Charreton (Université de Versailles Saint- personae par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et issus des
Quentin-en-Yvelines, UVSQ), Mélanie Blanchard différents champs disciplinaires et des principaux organismes et universités concernés.
(Cirad), Thierry Brévault (Cirad), Jean-Luc Chotte Le CSFD est géré et hébergé par Agropolis International qui rassemble, à Montpellier
(IRD), Pascal Clouvel (Cirad), Laurent Cournac et dans le Languedoc-Roussillon, une très importante communauté scientifique
(Cirad), Géraldine Derroire (Université de Bangor, spécialisée dans l’agriculture, l’alimentation et l’environnement des pays tropicaux et
Royaume-Uni), Diégane Diouf (Université Cheikh méditerranéens. Le Comité agit comme un organe indépendant et ses avis n’ont pas
Anta Diop, UCAD, Sénégal), Francis Do Rego de pouvoir décisionnel. Il n’a pas de personnalité juridique. Le financement de son
(IRD), Jean-Jacques Drevon (Institut national de
fonctionnement est assuré par des contributions du ministère des Affaires étrangères et
la recherche agronomique, Inra), Sergio Miana de
du Développement international, du ministère de l’Écologie, du Développement durable
Faria (Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuária,
et de l’Énergie, ainsi que de l’Agence Française de Développement. La participation
Embrapa), Jean-Michel Harmand (Cirad),
de ses membres à ses activités est gracieuse et fait partie de l’apport du ministère de
Edmond Hien (Université de Ouagadougou, Burkina
l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Faso), Aboubacry Kane (UCAD), Lydie Lardy (IRD),
Raphaël Manlay (AgroParisTech), Florent Maraux
(Cirad), Dominique Masse (IRD), Krishna Naudin
(Cirad), Rabah Lahmar (Cirad), Mélanie Requier-
Pour en savoir plus
Desjardins (Institut Agronomique Méditerranéen
www.csf-desertification.org
de Montpellier, IAMM), Éric Scopel (Cirad),
Josiane Seghieri (IRD), Georges Serpantié (IRD),
La rédaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entièrement à la charge
Fagaye Sissoko (Institut d’Économie Rurale, IER,
du Comité, grâce à l’appui qu’il reçoit des ministères français et de l’Agence Française
Mali), Valérie Soti (Cirad), Cheikh Thiaw (Institut
Sénégalais de Recherches Agricoles, ISRA), Éric Vall de Développement. Les dossiers thématiques du CSFD sont téléchargeables sur le site
(Cirad), Jonathan Vayssières (Cirad), Yves Vigouroux Internet du Comité, www.csf-desertification.org
(IRD), Tatiana Krasova Wade (IRD).
Pour référence
Coordination éditoriale et rédaction Masse D., Chotte J.-L. & Scopel E. (Coord.), 2015. L’ingénierie écologique pour une
agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest. Les
Isabelle Amsallem, [email protected] dossiers thématiques du CSFD. N°11. Septembre 2015. CSFD/Agropolis International,
Agropolis Productions Montpellier, France. 60 pp.

Réalisation
Frédéric Pruneau, [email protected]
Pruneau Production

Remerciements pour les illustrations


Christelle Mary (Photothèque
INDIGO, IRD), Bernard Bonnet
(Iram), Krishna Naudin (Cirad), ainsi
que les auteurs des différentes photos présentes
dans le dossier.
Impression : Pure Impression (Mauguio, France)
Dépôt légal : à parution • ISSN : 1772-6964
Imprimé à 1 500 exemplaires
© CSFD / Agropolis International, septembre 2015.
Avant-propos

L’
humanité doit dorénavant faire face à un problème contribuer à la diffusion des connaissances auprès des
d’envergure mondiale : la désertification, à la acteurs de la lutte contre la désertification, la dégradation
fois phénomène naturel et processus lié aux des terres et la lutte contre la pauvreté : responsables
activités humaines. Jamais la planète et les écosystèmes d’organisations professionnelles, d’organisations non
naturels n’ont été autant dégradés par notre présence. gouvernementales et d’organisations de solidarité
Longtemps considérée comme un problème local, la internationale.
désertification fait désormais partie des questions de
dimension planétaire pour lesquelles nous sommes tous Ces dossiers sont consacrés à différents thèmes aussi
concernés, scientifiques ou non, décideurs politiques variés que les biens publics mondiaux, la télédétection,
ou non, habitants du Sud comme du Nord. Il est dans l’érosion éolienne, l’agroécologie, le pastoralisme,
ce contexte urgent de mobiliser et de faire participer la etc., afin de faire le point des connaissances sur ces
société civile et, dans un premier temps, de lui fournir les différents sujets. Il s’agit également d’exposer des débats
éléments nécessaires à une meilleure compréhension d’idées et de nouveaux concepts, y compris sur des
du phénomène de désertification et de ses enjeux. Les questions controversées, d’exposer des méthodologies
connaissances scientifiques doivent alors être à la portée couramment utilisées et des résultats obtenus dans
de tout un chacun et dans un langage compréhensible divers projets et, enfin, de fournir des références
par le plus grand nombre. opérationnelles et intellectuelles, des adresses et des
sites Internet utiles.
C’est dans ce contexte que le Comité Scientifique
Français de la Désertification a décidé de lancer une Ces dossiers sont largement diffusés notamment
série intitulée « Les dossiers thématiques du CSFD » dans les pays les plus touchés par la désertification
qui veut fournir une information scientifique valide sur sous format électronique et via notre site Internet,
la désertification, toutes ses implications et ses enjeux. mais également sous forme imprimée. Nous sommes
Cette série s’adresse aux décideurs politiques et à leurs à l’écoute de vos réactions et de vos propositions.
conseillers du Nord comme du Sud, mais également La rédaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers
au grand public, aux journalistes scientifiques du sont entièrement à la charge du Comité, grâce à l’appui
développement et de l’environnement. Elle a aussi qu’il reçoit des ministères français et de l’Agence
l’ambition de fournir aux enseignants, aux formateurs Française de Développement. Les avis exprimés dans les
ainsi qu’aux personnes en formation des compléments dossiers reçoivent l’aval du Comité.
sur différents champs disciplinaires. Enfin, elle entend

Richard Escadafal

Président du CSFD

Directeur de recherche de l’IRD


au Centre d’Études Spatiales de la Biosphère

1
Préface

Depuis maintenant une dizaine d’années, le Comité L’objectif n’est pas ici de discuter de l’ensemble des
Scientifique Français de la Désertification a mis en questions que pose le développement agricole mais
œuvre une série de réflexions et a publié de nombreux d’aborder plus spécifiquement différents exemples
dossiers concernant des thématiques peu traitées qui nous semblent s’inscrire dans cette démarche
mais indispensables au développement des zones d’ingénierie écologique. Après avoir rappelé quelques
sèches : l’apport d’une agriculture en semis direct sous éléments essentiels qui caractérisent l’agriculture des
couvert végétal permanent, pourquoi faut-il investir zones sèches, des zones arides et des zones semi-arides,
en zones arides, la restauration du capital naturel, le des exemples de processus biologiques ou écologiques
pastoralisme en zone sèche, le carbone dans les sols. En dont la manipulation pourrait apporter des bénéfices
cela le Comité a fait œuvre de pionnier car il a abordé aux systèmes agro-sylvo pastoraux sont proposés.
des sujets transversaux qui concernent aussi bien la Ces exemples s’adressent à différents déterminants
lutte contre la désertification et la dégradation des sols du fonctionnement d’un écosystème, que ce soit la
que la préservation de la biodiversité et l’adaptation des biodiversité, les flux de matières et d’énergie, ainsi
systèmes agricoles aux changements climatiques. que l’écologie des paysages. Le dossier se termine
par une mise en perspective de ces pratiques dites
Ce dossier propose une réflexion sur les apports agro-écologiques dans le contexte socio-économique
potentiels de l’ingénierie écologique dans la gestion du développement agricole des régions arides ou
des systèmes agro-sylvo-pastoraux en zones sèches semi-arides en Afrique de l’Ouest. Naturellement tous
subsahariennes. Il contribue donc à décrire et à définir les paramètres n’ont pas pu être approfondis. Ainsi,
des pratiques agro-écologiques. De par l’expérience des des questions essentielles comme la sécurisation
auteurs et des contributeurs, l’exemple de l’Afrique de foncière des parcelles ainsi restaurées, la stabilité des
l’Ouest a été privilégié pour illustrer cette démarche prix agricoles ou les problèmes d’apprentissage ou
d’intensification écologique de la production agricole d’accompagnement, n’ont pas été traitées. Il faudra
au sens large, c’est-à-dire celle qui prend en compte veiller à ce que ces techniques d’ingénierie écologique
également l’élevage et la production forestière. Des profitent aux agricultures familiales qui sont
exemples issus de zones sèches du monde tropical non dominantes en zones sèches.
africain ont également pu être mobilisés pour illustrer
le potentiel de cette ingénierie agro-écologique dans ce Ce dossier arrive au moment où, dans les instances
contexte climatique. internationales, il est fortement question de stopper
la perte de la biodiversité, de stocker plus de carbone
et de restaurer plus de terres qu’il ne s’en dégrade, et
on doit remercier les auteurs d’avoir su exposer aussi
clairement des techniques parfois complexes mais qui
sont, par nature, durables.

Marc Bied-Charreton

Professeur émérite de l’Université de Versailles


Saint-Quentin-en-Yvelines
Président d’honneur du CSFD

2 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
© IR D
A. Fo ur ni er

© A. Bar nau d

usso n
© O. H

Sommaire
L’agriculture des zones sèches d’Afrique de l’Ouest :
de multiples fonctions et de fortes contraintes environnementales 4
Agir sur la biodiversité 12
Agir sur les cycles de la matière organique et des nutriments 28
Mieux utiliser l’eau disponible 38
Maîtriser les paysages et les processus écologiques
propres à cette échelle 46
Contraintes économiques et sociales au développement d’une ingénierie
écologique des systèmes agro-sylvo-pastoraux des zones sèches 50
L’ingénierie écologique pour des systèmes agro-sylvo-pastoraux durables 52
Pour en savoir plus… 54
Lexique 60
Acronymes et abréviations 60

Sommaire 3
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L’agriculture des zones sèches d’Afrique


de l’Ouest : de multiples fonctions et
de fortes contraintes environnementales
Les régions arides et
semi-arides d’Afrique Le manque d’eau : une
de l’Ouest sont caractéristique des
caractérisées par de zones sèches
fortes contraintes
Les zones arides et semi-
environnementales
qui ont façonné les
arides, rassemblées sous > ZOOM | Quels futurs climats
écosystèmes naturels
le terme « zones sèches », en Afrique de l’Ouest ?
se définissent avant
et les activités tout par les conditions Les modèles de prévision indiquent que les climats du futur
en Afrique seront caractérisés par une recrudescence des
humaines. climatiques auxquelles évènements extrêmes — des périodes de sécheresse ainsi
elles sont soumises  : de que des vagues de chaleur et des inondations à la suite de
faibles précipitations, fortes pluies. Les projections réalisées pour le milieu du
XXIe siècle indiquent que la bande du Sahel sera fortement
peu fréquentes, irrégu- exposée à ces événements. En effet, les scénarios mettent
lières, imprévisibles et concentrées sur quelques mois, en évidence une augmentation du nombre de jours de forte
des températures, insolation et évaporation fortes, chaleur qui atteindra plus de 100 jours par an (actuellement,
ces vagues de chaleur durent entre 26 et 76 jours par an).
et une faible humidité de l’air. Le caractère aride ou
semi-aride se définit ainsi non seulement par la défi- Différentes évolutions de la pluviométrie sont envisagées
cience de la pluviosité totale annuelle, mais également selon les sous-régions  : les modèles montrent une
par une saison humide de courte durée réduisant la augmentation de la pluviométrie annuelle et un risque
accru d’inondation en Afrique centrale et en Afrique de
période de végétation à moins de quatre mois, et par l’Est et une baisse de la pluviométrie à l’Ouest du Sahel,
l’irrégularité des épisodes pluvieux au cours de la saison en particulier au début de la saison de mousson qui est une
des pluies. Ainsi, la faune, la flore et les écosystèmes période critique pour l’installation des cultures annuelles.
naturels, de même que les activités humaines à l’image
Cette opposition entre l’Ouest et l’Est du Sahel en
de l’agriculture, se sont façonnés dans ce contexte termes d’évolution pluviométrique ne se retrouve pas
d’insécurité ou de risque climatique. pour les températures qui montrent, au contraire, un
réchauffement selon un gradient latitudinal avec les
qq Paysage au Mali. régions au Nord du Sahel qui se réchauffent davantage
Acacia Raddiana, plaine des monts de Hombori. que celles du Sud. L’augmentation des températures
V. Robert © IRD
au milieu du X XI e siècle est si importante (plus de
3°C dans certaines localités) qu’il n’existera bientôt
aucun climat africain analogue dans l’histoire récente.

Les projections climatiques futures sont variables et


incertaines. Il n’est pas facile d’anticiper les impacts
sur l’activité agricole des changements climatiques
en Afrique de l’Ouest. À ce titre, il est nécessaire de
développer des modèles climatiques à des échelles
d’espace et de temps adaptées aux enjeux agricoles.
Actuellement, très peu d’outils basés sur des prévisions
météorologiques sont utilisés par les producteurs agricoles
leur permettant de mieux gérer le risque climatique et
d’adapter leurs pratiques à ces prévisions. L’accessibilité
des données et des prévisions météorologiques, mais
également l’inadaptation de ces prévisions aux besoins
des producteurs (échelles spatiale et temporelle, délai de
prévision, degré de confiance) sont les principaux freins
à leur développement dans les régions subsahariennes.

4 L’ingénierie Écologique
écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Le sol : une ressource naturellement limitée Des écosystèmes façonnés par les contraintes
hydriques et édaphiques
Les sols des régions arides et semi-arides d’Afrique de
l’Ouest peuvent être fortement évolués, comme les sols Risque climatique élevé et sols anciens ont façonné
ferrugineux lessivés, ou peu évolués, tels que les sols les écosystèmes des zones arides et semi-arides.
dunaires ou alluviaux. Mais tous sont généralement Les organismes vivants rencontrés dans ces régions,
caractérisés par une texture grossière en surface et notamment les plantes, présentent une adaptation totale
par des teneurs en matière organique et en éléments à ces conditions environnementales difficiles : arbres
nutritifs pour les plantes relativement faibles. Il existe xérophiles, herbacées annuelles à croissance très rapide
aussi, bien sûr, des sols aux teneurs en matière organique capables de réaliser leur cycle en quelques semaines,
relativement élevées et, d’un point de vue nutritif, plus herbacées pérennes plus efficientes en termes d’utili-
riches pour les plantes, notamment dans les parties sation des nutriments (comme Andropogon gayanus,
basses des bassins versants ou dans les grandes plaines cf. page suivante).
alluviales.
Les interactions entre ces organismes découlent de
En dehors de ces teneurs en matière organique et ces contraintes. La structure des écosystèmes naturels
en nutriments, deux autres indicateurs permettent est alors adaptée à ce contexte d’aridité plus ou moins
d’évaluer le potentiel agronomique ou la capacité de prolongé comme celle de formations végétales telles
production primaire des sols. Il s’agit tout d’abord de la que les savanes, associant strates arborée et herbacée,
profondeur du sol qui détermine le volume que pourront ou encore de la brousse tigrée formée d’une alternance
exploiter facilement les racines. L’autre indicateur est de bandes avec et sans végétation (cf. page 7). En outre,
l’état de la fine couche superficielle du sol qui, si elle est partager les ressources entre individus est le leitmotiv
encroûtée, peut limiter physiquement toute pénétration de ces écosystèmes : par exemple, les arbres prélèvent,
de l’eau, voire modifier la structure racinaire des plantes grâce à leur système racinaire, l’eau et les nutriments en
qui s’y développent. Ces différents paramètres signalent profondeur et en redistribuent une partie en surface à la
des processus de dégradation des sols auxquels s’ajoutent strate herbacée.
des phénomènes d’érosion et de pertes en terre parfois
conséquents et qui sont généralement attribués à la
diminution de la couverture protectrice des sols par la
végétation. Cette couverture végétale peut diminuer
du fait de la surexploitation pastorale, de prélèvements
intenses de bois-énergie, de l’augmentation de la
fréquence des feux de brousses et de l’augmentation des
surfaces cultivées. Le sol est alors à la merci de pluies très
agressives. On rencontre ainsi, dans toutes ces régions, des
paysages à la végétation clairsemée, aux sols totalement
encroûtés et où les processus de dégradation s’intensifient
aboutissant, parfois, à un état quasi-désertifié.

D’autres types de dégradation des sols sont également


observés dans ces régions, tels que la salinisation.
Parfois, celle-ci est naturellement liée à la présence
d’une nappe d’eau salée. L’apparition de sols salés dans
les zones sèches peut aussi être la conséquence de pp Efflorescences salines (sulfates d’aluminium et/ou fer) formées à la
surface du sol en croûtes discontinues. Sénégal.
pratiques d’irrigation et de drainage mal maitrisées. J.-P Montoroi © IRD

L’agriculture des zones sèches d’Afrique de l’Ouest : de multiples fonctions et de fortes contraintes environnementales 5
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> ZOOM | Andropogon gayanus, une graminée pérenne se développant


en circuit fermé ?
Andropogon gayanus est une graminée largement répandue dans n’ayant plus le temps nécessaire pour se régénérer. Toutefois,
les savanes d’Afrique de l’Ouest. Elle apparaît après quelques l’introduction de cette plante dans des jachères de courte durée
années de jachère (environ 6 ans) et elle est considérée par a permis d’obtenir jusqu’à 25 tonnes de matière sèche par
les paysans comme un signe de fertilité des sols. En plus hectare au bout de deux ans au Burkina Faso (Serpantié &
d’être appétée par le bétail, A. gayanus fournit des pailles qui Ouattara, 2001).
entrent dans la fabrication d’objets divers et sont utilisées
pour l’habitat.

A. gayanus est une graminée pérenne et, à ce titre, se


développe sous forme de souches présentant un fort
enracinement. À l’image des graminées pérennes que l’on
rencontre dans les savanes des zones soudano-sahéliennes,
elle a la particularité de pouvoir, après quelques années suivant
son installation, mettre en place un cycle fermé de nutriments
(c.-à-d. avec des pertes minimales de ces nutriments). En effet,
ce cycle est basé sur une minéralisation rapide des résidus
de racines ou des litières qu’elle produit et par l’absorption
immédiate par ses racines des éléments nutritifs issus de
cette décomposition. Ces processus de concentration et de
conservation des ressources minérales permettent ainsi à
la plante, d’une part, de se développer sur des sols pauvres
en nutriments et, d’autre part, à ces formations végétales
d’assurer une production primaire intense après un certain
nombre d’années d’abandon cultural. pp Jachère à Andropogon gayanus au moment de la remise en culture,
Burkina Faso.
En début de la saison des pluies, on distingue particulièrement bien
Le raccourcissement de la durée des jachères, parfois combiné les tiges sèches de l'année écoulée et les repousses de l'année qui
à l’augmentation de la fréquence des feux de brousses et/ commence (jeunes feuilles vertes).
ou du pâturage, fait qu’A. gayanus a tendance à disparaître, S. Dugast © IRD

Des pratiques agricoles et pastorales adaptées


à ces contraintes environnementales

Les activités agricoles et pastorales, très présentes l’objet d’une gestion par les populations locales. Cela
dans les régions sèches, se sont également adaptées au touche les arbres des savanes ou des forêts, mais aussi
fil du temps à ces contraintes au travers d’une intégra- les arbres hors forêt*, que ce soit dans les champs
tion « ligneux-agriculture-élevage ». Cette intégration cultivés ou dans les villages.
apparaît au sein d’une exploitation, des villages  —  où
éleveurs et agriculteurs coexistent et où arbres et
cultures se côtoient — mais également à l’échelle de
plus vaste territoires à travers le pastoralisme nomade
et les pratiques de transhumance.

Les vastes espaces des régions les plus arides (telles que
la zone sahélienne) sont généralement voués à l’élevage
pastoral. Dans les régions un peu plus arrosées, au-
delà de 400 mm de pluie par an, l’agriculture apparaît
plus nettement, parfois loin des zones naturellement
bien pourvues en eau comme les vallées des fleuves.
Historiquement, les techniques d’irrigation ont été
peu développées dans les agricultures de savane au
sud du Sahara et l’agriculture dite « pluviale » y domine
largement (Pélissier, 1966). En dehors des activités
agricoles proprement dites, d’autres ressources, telles
pp Parc à nérés et petit grenier aux environs du village de Kobané, Guinée.
que les ligneux, sont exploitées et font généralement E. Bernus © IRD

* Les termes définis dans le lexique (page 60) apparaissent en bleu et sont soulignés dans le texte.

6 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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> ZOOM | Des formations végétales adaptées à un contexte d’aridité


prolongé : les savanes et les brousses tigrées
La savane : l’écosystème de référence d’Afrique de l’Ouest de l’azote atmosphérique par des microorganismes (notamment
ceux en symbiose avec les légumineuses), de transferts de
Les savanes constituent la formation écologique majeure nutriments entre différents organismes et d’amélioration de
d’Afrique de l’Ouest. Elles sont caractérisées par l’association l’efficience d’utilisation de ces nutriments.
étroite d’une strate arborée et d’une strate herbacée dont les
compositions et les structures respectives varient selon les Comprendre le fonctionnement de ces savanes — écosystème
conditions de température et d’humidité du sol (pédoclimat). naturel de référence des régions arides et semi-arides d’Afrique
Les conditions environnementales — notamment une période de de l’Ouest par excellence — apporte ainsi des éléments pour
sécheresse au cours de l’année — façonnent leur composition une ingénierie écologique de l’exploitation de ces milieux.
floristique. Le feu influe également cette dernière ainsi que la
structure des différentes strates. La brousse tigrée ou comment produire plus et durablement
en couvrant moins d’espace
Les relations existant entre arbres et herbes sont étroites.
Elles peuvent être de l’ordre de la compétition notamment Les régions sahéliennes du Niger présentent un paysage bien
pour la lumière, l’eau et les éléments nutritifs contenus dans particulier constitué d’une alternance de bandes sans végétation
le sol. Mais, généralement, un partage de ces ressources se et de bandes végétalisées. Ces bandes sont positionnées
met en place : les arbres puisent des éléments nutritifs dans perpendiculairement au sens d’écoulement du ruissellement.
les horizons profonds du sol et les restituent en partie à la Cette organisation spatiale donne l’aspect d’une peau de tigre
surface à travers les litières que l’arbre produit. Certains sur les images aériennes d’où son nom de « brousse tigrée ».
arbres seraient également capables de remonter de l’eau,
laquelle profiterait aux herbacées en contact avec ces arbres. L’originalité de cette formation végétale est sa dynamique
Les savanes sont également impactées par les animaux qui spatiale et temporelle avec un déplacement des bandes de l’aval
y vivent, que ce soit les animaux sauvages ou les animaux vers l’amont. Ce phénomène est lié au rôle d’impluvium que
domestiques qui les parcourent. Il a ainsi été démontré que joue la bande de sol nu au profit de la bande végétalisée. Cette
le broutage par les animaux sauvages permettait, dans une dernière capte aussi, en plus des eaux de pluie, les résidus
certaine mesure, d’augmenter la productivité d’une savane. organiques transportés par les eaux de ruissellement et par
le vent. La partie aval de la bande de végétation subit, quant
Ainsi, malgré des contraintes environnementales importantes, à elle, une érosion faisant apparaitre un sol dénudé.
les savanes présentent, dans certaines conditions, de très
fortes productions primaires. Ces observations paradoxales Ainsi, cette formation végétale est un système particulièrement
sont à mettre à l’actif de ces structures associant différentes bien adapté aux conditions rencontrées dans la région
formes végétales complémentaires (arbres, herbacées sahélienne, avec une production primaire plus importante
annuelles ou pérennes), différents organismes microbiens en termes de biomasse qu’un écosystème recouvert d’une
(rhizobium, mycorhizes ou autres microorganismes bénéfiques formation végétale continue. Le maintien ou la restauration
à la croissance de la plante, (cf. p. 13), et adaptées à la présence de la productivité de ces milieux peut ainsi s’inspirer de ce
de grands mammifères. Il existe, en effet, dans les savanes, fonctionnement naturel.
des stratégies spécifiques d’exploration du sol par les systèmes
racinaires grâce aux champignons mycorhiziens, de captation D’après Valentin & d’Herbés, 1999.

La productivité d’un agrosystème dans les régions cycles de nutriments et de l’eau. Ils ont des fonctions de
sahéliennes et soudano-sahéliennes est basée sur son production (bois, fruits, fourrages, médicaments, etc.) et
organisation spatiale et temporelle afin de produire culturelles (par exemple les bois sacrés). Ces arbres se
de façon optimale et durable les ressources agricoles situent dans les forêts en lisière des terroirs villageois,
nécessaires à une population : dans les jachères ou associés aux cultures sous forme de
ƒƒ spatialement, des zones cultivées sont associées à parcs agroforestiers ou de haies ;
des zones non cultivées, ce qui permet les échanges et ƒƒ l’élevage qui, malgré une certaine dualité avec les
les transferts de ressources organiques entre ces deux activités agricoles, est souvent associé à l’agriculture.
types de zone (cf. page suivante par exemple les terroirs Les agriculteurs possèdent en effet des animaux domes-
villageois en auréole) ; tiques produisant viande et lait, et constituant une forme
ƒƒ temporellement, la rotation « culture-jachère » permet de capitalisation. Les animaux de trait sont également
une reconstitution de la ressource organique disponible. très répandus dans de nombreuses régions (cheval,
bœuf, âne, etc.). Enfin, les éleveurs nomades, pratiquant
Deux éléments-clés semblent permettre une productivité la transhumance pour nourrir leurs animaux, traversent
suffisante dans le contexte environnemental des zones des zones agricoles et assurent ainsi des transferts de
arides et semi-arides au Sud du Sahara : fertilité à travers le recyclage des fèces.
ƒƒ les arbres assurent plusieurs fonctions dans les

L’agriculture des zones sèches d’Afrique de l’Ouest : de multiples fonctions et de fortes contraintes environnementales 7
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> ZOOM | Les terroirs villageois en auréole

Caractéristiques des systèmes agropastoraux traditionnels au cours de période d’abandon cultural. De même, à travers
vivant de manière autarcique, les terroirs villageois dans les déjections des animaux domestiques sur les champs là
les savanes d’Afrique de l’Ouest sont organisés en auréoles où ils sont parqués la nuit, des éléments fertilisants sont
concentriques selon un gradient décroissant d’intensification transférés des zones non cultivées vers les zones cultivées.
agricole et de contrôle foncier (Prudencio, 1993 ; Pélissier Cette organisation peut être vue comme une stratégie pour
1966 ; Ruthenberg, 1980). réduire les risques climatique et phytosanitaire dans la pratique
culturale. En outre, les flux concentriques de ressources en
Trois principales auréoles se distinguent : nutriments et d’énergie seraient un gage de productivité dans
• les champs de case réservés à la culture maraichère continue un environnement pauvre en éléments nutritifs disponibles
avec des pratiques intensives de gestion de la fertilité (fumure pour les plantes et dans un contexte de disponibilité en eau
animale, épandage des déchets domestiques). Cette auréole fortement aléatoire. Ces éléments, combinés à la biodiversité
garantit la sécurité alimentaire des habitants ; (des microorganismes aux plantes) et aux organisations des
• les champs dits « de brousse » où une agriculture semi- sociétés humaines, contribueraient fortement à la viabilité de
permanente côtoie plus ou moins une agriculture continue ces agro-socio-écosystèmes .
selon les propriétés du sol, les besoins alimentaires et de
trésorerie ainsi que la disponibilité en bétail. La culture
alterne avec des jachères de plus ou moins longue durée
qui constituent alors un réservoir de terres cultivées et de
diverses biodiversités ;
• une auréole de savanes arborées ou de forêts, non cultivée
pendant plusieurs décennies, est soumise à une appropriation
communautaire. Elle constitue une source de fourrages, de
bois et d’autres produits ligneux ou non ligneux.

L’arbre est souvent présent dans le paysage. Les zones de


culture abritent généralement de nombreux arbres aux
multiples usages. Cette organisation crée une hétérogénéité
dans le paysage agricole à diverses échelles — de l’arbre dans
les jachères aux différents modes d’occupation des terres —, le
tout relié par des flux de matières et d’énergie que les pratiques
agro-sylvo-pastorales entretiennent. Cultiver après une jachère pp Vue aérienne du village de Djoumté et de son auréole de cultures
arborée permet ainsi de faire bénéficier à la plante cultivée de case (arachide et mil) en saison des pluies. Nord-Cameroun.
des éléments nutritifs captés par les arbres en profondeur J.-J. Lemasson © IRD

Dans les régions des savanes semi-arides à faible densité


de population, la rotation « culture-jachère » a ainsi
longtemps permis d’assurer une productivité suffisante.
Toutefois, ce cycle a été perturbé par l’accroissement de
la pression démographique sur les terres et l’introduction
de nouvelles cultures (cf. ci-dessous). Dès lors que
la population augmente, l’intégration agriculture-
élevage et les transferts de fertilité associés, deviennent
essentiels pour assurer une productivité suffisante des
sols cultivés.

Enfin, la présence de parcs arborés dans des zones à


pp Agriculture et élevage au Bénin.
très forte pression démographique, est primordiale, La culture de céréales (mil et sorgho) et l'élevage sont deux ressources
notamment dans les régions sèches au risque climatique importantes du milieu rural au Bénin.
M. Donnat © IRD
accru.

En outre, bien que traditionnellement peu répandues, Les plantes cultivées sont également adaptées à ces
certaines techniques de maitrise de l’eau permettent régions sèches. Le mil est la plante cultivée emblématique
de produire ou d’améliorer la productivité pendant la des régions sèches subsahariennes (cf. page 10).
saison des pluies, mais, surtout, en dehors, avec de petites
irrigations des cultures, souvent maraichères, autour d’un
puits, d’un bas-fond ou le long de cours d’eau et de fleuves.

8 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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> ZOOM | Les jachères : disparition d’un élément-clé des agricultures de savane

Dans les agricultures de savane, une utilisation courante des d’une baisse de la biodiversité. Le dysfonctionnement hydrique
sols consiste souvent en une phase de culture de quelques ainsi que l’érosion ont tendance à s’installer de façon alarmante
années, suivie, après la baisse des rendements, d’un abandon sur des terres de plus en plus dégradées. Tous ces phénomènes
cultural de durée variable. Cette seconde phase, appelée ont créé, sur les terroirs traditionnels, une situation de crise
« jachère », permet de restaurer la fertilité des sols et les aux conséquences socioéconomiques très importantes.
potentialités agronomiques et écologiques du milieu grâce
à un retour à la strate arbustive ou arborée. Par ailleurs, la Les recherches menées entre 1994 et 2000 par un consortium
jachère n’est pas considérée par les communautés rurales d’instituts et d’universités ouest-africaines et européennes
comme une simple mise en dormance de l’agriculture, mais ont montré l’importance de l’arbre dans les agrosystèmes,
aussi comme un lieu de production où paysans et éleveurs notamment par son rôle de restauration de la fertilité (Floret
exploitent des ressources fourragères, ligneuses, fruitières, & Pontanier, 2000). Le parc arboré, association d’arbres et
ainsi que des plantes utilisées en pharmacopée. Le système de cultures, est très répandu dans les régions intensément
de rotation « culture-jachère » apparaît ainsi comme un mode cultivées des régions soudano-sahéliennes. Il permet de
de gestion des ressources des savanes africaines. maintenir la présence et donc les fonctions de l’arbre dans
les terroirs. Des méthodes de substitution à la jachère ont
Ce cycle « culture-jachère » a été plus ou moins fortement été avancées basées pour la plupart sur les techniques
perturbé par l’accroissement de la pression démographique, agroforestières : les jachères de courte durée avec des espèces
l’introduction de nouvelles cultures et, par conséquent, par une à croissance rapide, les cultures en couloir (alley cropping),
demande accrue en terres agricoles. Les durées des jachères etc. Mais les techniques coûteuses de restauration d’une terre
se sont raccourcies, laissant parfois la place à une mise en épuisée, trop sectorielles ou techniquement peu adaptées et ne
culture permanente. Sur les jachères restantes, l’augmentation prenant pas suffisamment en compte la dimension du terroir
des prélèvements de bois et l’intensification du pâturage sur et les aspects sociaux tels que les questions foncières, n’ont
des zones réduites, diminuent les fonctions de production de pas toujours répondu aux espoirs de sociétés peu enclines à
ces zones non cultivées. Avec une durée de repos raccourcie, la accepter des innovations sans intérêt et sur le court terme.
régénération naturelle devient moins efficace et s’accompagne

pp Agriculture au Niger.
Séchage du sorgho.
A. Luxereau © IRD

Le sorgho — voire le maïs — est, quant à lui, cultivé des populations (protéines végétales). Ce sont également
dans des régions aux précipitations relativement plus des sources d’azote intéressantes dans les rotations.
abondantes ou dans les zones où la disponibilité en Dans les grandes plaines alluviales, des programmes
eau est augmentée (bas-fonds, plaines alluviales, terres d’aménagement de terres irriguées favorisent une
argileuses, etc.). D’autres productions vivrières et de agriculture souvent très intensive, que ce soit pour
rente sont également présentes. L’arachide et le niébé produire du riz ou des productions maraîchères.
sont des légumineuses importantes dans l’alimentation

L’agriculture des zones sèches d’Afrique de l’Ouest : de multiples fonctions et de fortes contraintes environnementales 9
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> ZOOM | La culture du Repenser la gestion des systèmes agricoles et


naturels par l‘ingénierie écologique
mil : un système de culture
paysan adapté aux conditions Dans le contexte actuel de contraintes croissantes,
sahéliennes socioéconomiques1 et climatiques, les agricultures des
En 1992, Serpantié et Milleville concluait lors d’une
zones sèches sont en pleine évolution afin de s’adapter
conférence : « Les agriculteurs sahéliens ont trouvé dans et de répondre à un double défi : produire plus pour
le mil une plante apte à valoriser de courtes périodes satisfaire les besoins alimentaires importants de
humides et des sols souvent très pauvres, mais parfois populations en croissance, mais aussi produire mieux.
abondamment fumés. Ils ont adapté leur système de
culture et de production en fonction des aléas du milieu. Le défi est alors d’augmenter la production agricole,
En culture extensive sur sols sableux, ils bénéficient forestière et animale de façon viable et durable (Tilman
d’une culture peu exigeante, praticable avec peu de et al., 2002). Une évolution rapide des agricultures
travail sur de grandes surfaces, affectées d’un rendement
médiocre mais stable. Ils peuvent par ailleurs profiter de
de ces zones vers des modes de production à la fois
la croissance rapide et de potentiel de rendement non plus productifs, économes en ressources naturelles et
négligeable de cette plante lorsqu’ils la cultivent sur résistants aux aléas climatiques, est alors indispensable.
des sols travaillés et abondamment fumés, sous réserve
d’un risque élevé et d’exigences en eau supérieure. Avec
l’élevage, ils constituent l’armature des systèmes de La petite agriculture familiale domine encore largement
production sahéliens. Ces deux types de système de culture ces régions (cf. ci-dessous). Ces familles cherchent en
sont souvent réunis dans l’exploitation agricole. De tels premier lieu à assurer leur sécurité alimentaire. Dans un
caractères adaptatifs doivent être connus et pris en compte
dans les programmes d’amélioration du matériel végétal,
contexte climatique et socioéconomique relativement
ainsi que dans les travaux portant sur la mise au point aléatoire, les objectifs d’intensification sont loin d’une
de nouvelles techniques de culture. Ils doivent inciter à recherche de la maximisation de la production, voire
rechercher des alternatives techniques, et surtout à ne pas du profit, mais plutôt dans l’assurance de produire
dissocier la plante des systèmes de culture qui l’intègrent
lorsque l’on se propose d’évaluer les voies d’amélioration le minimum nécessaire. Toutefois, de nouvelles
possibles. » agricultures se développent en parallèle pour lesquelles
les enjeux sont avant tout commerciaux. Elles peuvent
D’après Serpantié & Milleville, 1993.
être portées par des petits agriculteurs qui se trouvent
dans des conditions commerciales favorables (comme à
la périphérie des villes) ou par de grandes sociétés qui
investissent dans des moyens de production importants
pour répondre à des marchés ciblés (comme les sociétés
de production de légumes pour l’exportation sur la
vallée du fleuve Sénégal).

> ZOOM | Les agricultures


familiales : la grande majorité
des agricultures des régions
sèches ouest-africaines
Les exploitations agricoles familiales, dans leur grande
diversité, assurent l’essentiel de la production agricole
dans les régions arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest.
L’agriculture familiale est définie par le fait que les prises
de décision, l’apport de capital et le recours à la main
d’œuvre sont quasi-exclusivement d’origine familiale.
La taille de ces exploitations est souvent modeste (95 %
cultivent moins de 5 ha en Afrique subsaharienne). Elles
pp Le mil en route, Burkina Faso. assurent différentes fonctions : production, emploi, gestion
Des adolescentes portent la récolte de mil sur la route de Bobo
Dioulasso.
des ressources naturelles, permanence des cultures
J.-P. Guengant © IRD rurales, entretien des paysages ruraux.

1
Pour plus d’informations sur les contraintes sociales et économiques, cf. p. 50.

10 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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> ZOOM | L’ingénierie écologique :


une démarche pour identifier les
Tous les producteurs, familiaux ou non, sont confrontés bons compromis et innover !
au besoin d’améliorer la productivité de leurs ressources
L’ingénierie écologique est un concept hybride entre science
(terre, travail) — les petits agriculteurs pour faire face et action, dont le périmètre a évolué au gré de controverses
à une pénurie de main d’œuvre liée à l’exode rural par depuis sa création il y a une trentaine d’années (Mitsch,
exemple, les sociétés industrielles pour améliorer les 2012). L’ingénierie écologique est ici définie au sens le plus
large comme « la gestion d’écosystèmes et la conception
profits. d’aménagements durables, adaptatifs, multifonctionnels,
inspirés de ou basés sur les mécanismes qui gouvernent
Pour répondre à la forte croissance de la population les systèmes écologiques » (Dutoit, 2013). Elle s’inspire
de la proposition initiale d’Odum et Odum (2003) « the
depuis quelques décennies, la réponse première a
environmental manipulation by man using small amounts of
été d’augmenter les surfaces cultivées. L’utilisation supplementary energy to control systems in which the main
d’intrants chimiques ou de variétés améliorées, à la energy drivers are still coming from natural sources »*.
base des révolutions vertes sur d’autres continents, ne
Selon Mitsch et Jorgensen (2003), les objectifs de
s’est pas développée dans les systèmes de production l’ingénierie écologique sont de restaurer des écosystèmes
agricole ouest-africains hormis sur les cultures de perturbés par les activités humaines et de développer des
rente telles que le coton ou l’arachide. Cette solution écosystèmes durables qui ont à la fois une valeur humaine
et écologique. Les stratégies d’intervention sont basées
est toujours possible mais elle est confrontée à la faible
sur les capacités d’auto-organisation et d’auto-entretien
capacité d’investissement de l’agriculture familiale et que possèdent les écosystèmes.
aux coûts prohibitifs des intrants de synthèse. Même
si cette solution peut se concevoir à court terme, les Cette démarche est également à l’origine du concept
« d’agro-écologie » défini par Altieri (1995) comme étant
changements climatiques en perspective ainsi que la l’application des concepts et principes écologiques à la
dégradation des réserves fossiles et minières imposent conception et la gestion durable des systèmes agricoles
aux agricultures d’Afrique subsaharienne — industrielles ou d’élevage. Ces recherches s’appuient sur une approche
scientifique fondée sur l’écologie (biodiversité, réseaux
et familiales — de rechercher d’autres solutions.
trophiques, dynamique des populations, cycles des
nutriments, écologie des paysages, etc.) et une approche
Pour répondre à cet enjeu d’amélioration de la expérimentale pratique, permettant ainsi de tester
productivité tout en préservant les ressources naturelles de nouvelles pratiques et de confronter les théories
écologiques à la réalité. Au-delà des sciences de l’écologie,
et les moyens de production, on peut s’orienter pour les sciences de la complexité peuvent également offrir
ces régions vers une intensification écologique des des cadres conceptuels (interactions, auto-organisation,
systèmes agro-sylvo-pastoraux comme nouveau émergence, multi-échelle, dynamique non-linéaire, etc.)
permettant d’expliquer le fonctionnement des écosystèmes
paradigme pour le développement agricole (Griffon,
et de proposer des solutions innovantes pour mieux les
2006). Cette intensification des processus écologiques gérer.
qui gouvernent ces systèmes vise une agriculture à la fois
* « Agir sur l’environnement en utilisant très peu d’énergie supplémentaire pour
productive et durable, mais aussi économe en intrants contrôler ces transformations et dans lequel cette énergie motrice proviendrait pour
l’essentiel des ressources naturelles. »
fossiles et plus respectueuse de l’environnement.

Ceci implique de maitriser la complexité des systèmes


étudiés et de s’inspirer à la fois du fonctionnement
des écosystèmes naturels de référence à la région
agroécologique concernée — les savanes pour les
zones sèches ouest-africaines — et des pratiques
traditionnelles et savoir-faire locaux issus d’une longue
adaptation face aux contraintes environnementales —
les pratiques agro-sylvo-pastorales.

L’ingénierie écologique propose alors de nouvelles


alternatives de gestion des systèmes agricoles et
d’élevage plus adaptées aux nécessités sociales et
environnementales en pleine transformation de ces
pp Cultures maraichères au Niger.
régions (cf. ci-contre). Culture d'oignons et de légumineuses.
F. Boyer © IRD

L’agriculture des zones sèches d’Afrique de l’Ouest : de multiples fonctions et de fortes contraintes environnementales 11
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Agir sur la biodiversité

La biodiversité — qui se définit par les formes, la composition et les structures internes des
organismes qui la composent — est essentielle dans le fonctionnement des écosystèmes.

Elle détermine la productivité de ces écosystèmes, zones préférentielles de recyclage des nutriments dans
leur viabilité et leur stabilité dans le temps face à des leurs rhizosphères, les termites recyclent les matières
perturbations extérieures. En effet, les organismes organiques riches en lignine dans des milieux très
vivants, qu’ils soient du monde végétal ou animal, secs, les lombrics mélangent les litières et le sol, etc.
macro- ou micro-organismes, sont adaptés aux Chacun de ces organismes joue une partition dans le
conditions qui les entourent. Cette adaptation, propre fonctionnement d’un écosystème et les services qu’il
à chaque espèce, voire à chaque individu, permet à rend. Leurs interactions, parfois complexes, définissent
ces organismes de croître et de se reproduire dans des également des fonctions. Certaines interactions se
conditions données. Les interactions entre individus et révèlent essentielles comme le mutualisme ou la
entre groupes d’individus, aboutissent également à des symbiose entre des microorganismes et des plantes (par
structures dans l’espace qui permettent la survie des exemple les champignons mycorhiziens et les arbres),
espèces. Par exemple, une termitière est une structure la facilitation de la croissance de certaines organismes
organisée complexe permettant à une population de par d’autres organismes, la redondance des espèces qui
termites de vivre mais également d’abriter d’autres rendent le même service — ce qui permet de maintenir
espèces. Cette diversité contribue à définir la stabilité un service même si l’une d’entre elles disparaît, etc.
et la productivité des écosystèmes, et, plus largement,
de l’ensemble des services écosystémiques tels que les Différents processus biologiques ou écologiques en lien
services de production, de régulation, etc. avec la biodiversité peuvent ainsi être intensifiés au
bénéfice des systèmes agro-sylvo-pastoraux présents
On peut aborder la biodiversité par la composition dans les régions arides et semi-arides d’Afrique de
spécifique mais également par la diversité fonctionnelle  : l’Ouest, grâce à l’ingénierie écologique :
par exemple, les arbres, par leurs enracinements ƒƒ en valorisant la diversité et l’activité des microorga-
profonds, remontent en surface des éléments nutritifs nismes du sol au profit des plantes ;
pour les herbacées à travers la minéralisation de leur ƒƒ en associant et en faisant collaborer des plantes.
litière, ou encore les graminées pérennes créent des

qq Début de la saison des pluies. Kindi, Burkina Faso. q


© D. Masse

12 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Agir sur la diversité des microorganismes des


sols au bénéfice des plantes

Quoique invisibles à l’œil nu, les microorganismes du Autre exemple, les champignons mycorhizogènes,
sol représentent une composante essentielle de la vie en colonisant le système racinaire, forment, avec la
sur terre. Les très nombreuses fonctions réalisées par quasi-totalité des végétaux, une symbiose appelée
ces organismes leur confèrent un rôle capital dans le « mycorhize ». En explorant un plus grand volume
fonctionnement des grands cycles biogéochimiques de sol par l’intermédiaire des filaments mycéliens du
(cycles du C, N, P, etc.), en libérant les éléments nutritifs champignon, la mycorhize permet à la plante une
nécessaires aux plantes, en formant l’humus et en meilleure absorption de l’eau et des éléments nutritifs,
maintenant les propriétés physiques et chimiques des parmi lesquels le phosphore.
sols, les situant à la base même de la vie sur terre. De
leurs activités dépendent donc directement la qualité et Ainsi, agir sur ces microorganismes et leur activité
la productivité du sol, support de la croissance végétale. contribue à l’intensification écologique des systèmes
agro-sylvo-pastoraux ou à la réhabilitation de terres
Par exemple, les rhizobiums — des bactéries du sol — dégradées des zones sèches.
s’associent aux plantes de la famille des légumineuses
— soja, haricot, lupin, arachide, etc. — en une symbiose
qui se traduit par la formation d’organes particuliers
au niveau des racines (parfois sur les tiges), appelés
« nodosités », au sein desquels la bactérie fixe l’azote
atmosphérique gazeux en une forme assimilable par la
plante.

pp Relations entre espèces végétales, sol et microorganismes. Sénégal.q pp Relations entre espèces végétales, sol et microorganismes. Sénégal.q
Récolte de niébé inoculé.q Plantation d'Acacia mellifera inoculés (à droite) avec des rhizobiums et
M. Neyra © IRD champignons sélectionnés et non inoculés (à gauche), trois mois après
plantation.
M. Neyra © IRD

Agir sur la biodiversité 13


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> EXEMPLES | Des microorganismes du sol utilisés au bénéfice des plantes


au Sénégal
Des symbioses microbiennes pour lutter contre la minérale des plantes. L’inoculation de ces organismes s’avère
désertification au sein de la Grande Muraille Verte efficace notamment dans des situations où l’irrigation est
possible. Par ailleurs, au début des plantations forestières
Le projet panafricain de la « Grande Muraille Verte » (GMV) vise et des cultures, il est possible d’apporter des phosphates
à lutter contre la désertification le long de la frange sahélienne naturels — ressource minérale dont regorgent les sols ouest-
par une restauration écologique et un développement africains — et qui, sous l’action des structures mycorhiziennes,
socioéconomique intégré. ont un « effet starter » pour augmenter le pool de phosphore
mobilisable par les plantes.
Au Sénégal, l’agence de la GMV a développé des actions de
reconstitution de la végétation arborescente et herbacée et Les sols des zones sahéliennes présentent généralement un
elle a également favorisé de nouvelles activités rémunératrices nombre de propagules microbiens très faible. Afin de favoriser
liées au maraîchage (par exemple l’oignon), à l’arboriculture la plantation des ligneux dans ces zones, on privilégie alors une
fruitière (Zizyphus mauritiana, Tamarindus indica) ou à la inoculation microbienne contrôlée des ligneux en pépinière,
production de fourrages. La recherche, notamment en écologie ce qui, après leur plantation, augmente leur productivité et
microbienne des sols, est intervenue pour proposer l’utilisation reconstitue le potentiel microbien des sols dégradés.
de microorganismes bénéfiques à la croissance des arbres afin
d’intensifier la production agricole. Dans les sites où le nombre de propagules microbiens est plus
élevé, l’objectif est alors d’augmenter le potentiel microbien
Dans ce contexte, deux stratégies basées sur le potentiel des sols via la promotion d’herbacées pionnières mycotrophes
microbien symbiotique ont été privilégiées pour réhabiliter les et fixatrices d’azote (par exemple Zornia glochidiata, Panicum
sols dégradés et augmenter la productivité végétale sur des spp.) adaptées aux conditions de stress hydrique. En effet,
sols pauvres en nutriments : un sol influencé par des herbacées mycotrophes stimule la
• l’apport de champignons mycorhiziens à arbuscules et/ou mycorhization et la croissance en hauteur des ligneux avec
de bactéries fixatrices d’azote (technique d’inoculation)  ; des effets positifs sur l’activité microbienne des sols. De plus,
• l’utilisation de plantes mycotrophes — c.-à-d. portant sur la présence d’une couverture herbacée bien colonisée par des
leurs racines des champignons mycorhizogènes — et rudérales champignons mycorhiziens à arbuscules est à l’origine du
— poussant sur les bords de chemins, les terrains vagues, les potentiel mycorhizien élevé des sols de plantations ligneuses.
terrains de culture abandonnés — qui vont stimuler le potentiel
microbien symbiotique des sols. Néanmoins, il existe peu d’informations sur la diversité des
champignons mycorhiziens et des rhizobiums favorisant une
La disponibilité du phosphore et de l’azote est souvent un meilleure tolérance des espèces végétales sahéliennes face aux
facteur limitant de la croissance végétale en zone sahélienne. facteurs abiotiques comme le stress hydrique. La connaissance
Ainsi, la plupart des espèces agricoles — fruitiers forestiers des mécanismes écophysiologiques d’adaptation au stress
et autres ligneux à usages multiples, plantes maraîchères hydrique des microorganismes symbiotiques, avec ou sans leurs
ou légumineuses annuelles — dépendent de la présence de plantes-hôtes, revêt ainsi une grande importance dans le choix
symbiotes fongiques et bactériens qui favorisent la nutrition des souches à sélectionner pour reconstituer le couvert végétal.

Jujubier non
Jujubier inoculé
inoculé
Jujubier inoculé Jujubier non inoculé

pp Effet bénéfique de l’inoculation avec le champignon pp Effet bénéfique de l’inoculation avec le champignon mycorhizien Glomus
mycorhizien Glomus aggregatum sur des plants de jujubier aggregatum sur des plants de jujubier (Ziziphus mauritiana) âgés de 8 mois. q
(Ziziphus mauritiana) âgés de 4 mois en serre. Jardin polyvalent d’Amally situé sur le tracé de la Grande Muraille Verte au Sénégal.
© A. Bâ © A. Bâ

Pour plus d’informations : http://senegal.ird.fr/la-recherche/tous-les-projets/environnement-et-ressources/lcm

14 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Des herbacées associées à des champignons mycorhiziens systèmes de culture à base de céréales-légumineuses du
pour l’afforestation des sols salés Sahel de par ses apports en protéines et autres éléments
essentiels à l’équilibre nutritionnel des populations. L’objectif
La salinisation des sols est un problème environnemental qui de l’inoculation est d’intensifier le processus de fixation d’azote
ne cesse de croître, particulièrement dans les zones arides atmosphérique par les symbioses microbiennes.
et semi-arides. Environ 800 millions d’hectares de terres à
travers le monde sont affectés par le sel. Le Laboratoire Commun de Microbiologie (UCAD/ISRA/IRD)*
au Sénégal a mis en place un réseau de sites de recherche et
Au Sénégal, environ 6 % des terres sont affectés par la de démonstration dans des communes rurales en partenariat
salinisation notamment en zone côtière, comme, par exemple, avec les producteurs** afin de (i) mener des expériences en
dans les basses vallées du Sine et du Saloum. Sur ces sols milieu réel, (ii) de diffuser la technique d’inoculation aux acteurs
salés quasiment dénudés (appelés localement tann), se locaux et (iii) de créer des sites privilégiés d’échange et de
développent deux espèces de graminées halophytes (plantes partage de questionnements de recherche entre les chercheurs
qui poussent dans les milieux saumâtres ou salins)  : Sporobolus et les producteurs.
robustus Kunth et Leptochloa fusca (L.) Stapf. Ces graminées, qui
constituent un fourrage d’appoint important pour le bétail en Une vaste campagne de prospection de la diversité naturelle
saison sèche, sont associées à des champignons mycorhiziens à des rhizobiums et des champignons mycorhiziens dans les
arbuscules et à des bactéries fixatrices d’azote. Ces symbioses champs de niébé (1999-2005) a montré une grande diversité
leur donnent en partie la capacité de tolérer des teneurs en microbienne déterminée par les conditions hydriques et le
sel modérées. pH des sols. Des essais participatifs d’inoculation avec des
souches microbiennes sélectionnées en fonction de leur
répartition géographique ont été effectués sur le terrain, dans
des champs de niébé, sous des pluviosités annuelles variant
de 300 à 800 mm par an, sur différents types de sol (sableux,
argileux) et selon diverses pratiques culturales. Ces essais
ont permis d’enregistrer des effets positifs de l’inoculation de
niébé notamment par les rhizobiums (cf. graphique ci-dessous)
avec des augmentations des rendements en graines sèches de
40 à 170 %. De plus, dans certaines conditions, une meilleure
résistance aux stress hydriques et aux attaques parasitaires
a été notée dans les parcelles où des rhizobiums avaient été
introduits. La technologie a été par la suite adoptée par les
agriculteurs, les agents d’encadrement et les représentants
des organisations de producteurs.

pp Acacia seyal au milieu d’un tapis herbacé de Sporobolus robustus Il est désormais nécessaire d’assurer la disponibilité
sur un sol marqué par la salinité dans la région naturelle du Sine d’un inoculum de qualité et performant, ce qui constitue
Saloum. Foundiougne, Région de Fatick, Sénégal. actuellement un frein à la diffusion de la technologie. Une
© D. Diouf
entreprise tente de se lancer dans ce défi en collaboration
Par ailleurs, ces graminées forment des touffes sur lesquelles avec les associations de producteurs.
se développent des essences forestières à usages multiples : Pour plus d’informations : Neyra et al., 2012.
Acacia seyal Del. et Prosopis juliflora (Swartz) DC. Ces herbacées
* Il regroupe l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’Institut de Recherche pour le
établiraient donc un microenvironnement tellurique favorable Développement et l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles.
à la germination et à l’établissement de ces arbustes sur ** Partenariat avec les organisations de producteurs agricoles, les Eaux et Forêt et
l’Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural sous la houlette du Conseil National de
des sols salés. Deux mécanismes non exclusifs agiraient : Concertation et de Coopération des Ruraux.
(i) une dépollution des sols par accumulation des sels et (ii)
une stimulation d’une microflore adaptée qui renforcerait la
tolérance des arbustes à la salinité. Une meilleure connaissance 300
des communautés microbiennes symbiotiques dans ces T
associations «  graminées/arbres » suivant le niveau de salinité 250 M
et la saison permettrait de proposer des voies de réhabilitation
Rendement kg.ha-1

R
par afforestation de zones salées en contrôlant l’introduction 200
simultanée d’herbacées et de symbiotes microbiens.
150
Pour plus d’informations : http://senegal.ird.fr/la-recherche/tous-les-projets/
environnement-et-ressources/lcm
100
Inoculation de sols avec des rhizobiums pour intensifier la
production des cultures de niébé 50

En agriculture, la technique d’inoculation des sols par des 0


Deck Dior Deck2 Dior2
microorganismes symbiotiques préalablement sélectionnés
représente une forte opportunité pour augmenter la production pp Effet de l’inoculation de niébé sur différents types de sol (Deck ou
agricole. Cette technique a été testée au Sénégal avec des Dior). Ouarkhokh, Sénégal. q
T. Sol non inoculé.
rhizobiums sur la culture du niébé (Vigna unguilacata). Le R. Sol inoculé avec une souche de rhizobium.
niébé est une légumineuse alimentaire importante dans les M. Sol inoculé avec un champignon endomycorhizien.q
D’après Do Rego et al., 2015.

Agir sur la biodiversité 15


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Associer et faire collaborer des plantes

Un écosystème naturel tel que la savane présente une des céréales, etc. On peut également citer les parcs
grande diversité de végétaux. Les plantes qui composent agroforestiers très largement répandus dans les zones
les savanes, qu’elles soient herbacées, arborées ou soudano-sahéliennes.
arbustives, sont certes en compétition entre elles pour
l’utilisation des ressources, mais elles coexistent et Associer des légumineuses à des céréales
s’entraident aussi, participant alors à la résilience de
ces milieux. Ainsi, certaines plantes sont capables Les associations légumineuses-céréales, via le processus
d’atteindre des ressources particulières et en font de fixation d’azote atmosphérique, permettent une
profiter d’autres plantes. L’exemple le plus représentatif meilleure valorisation des ressources du milieu dans les
est celui des légumineuses capables de fixer l’azote systèmes à bas niveaux d’intrants azotés par rapport aux
atmosphérique par symbiose avec un microorganisme. cultures pures correspondantes. Cet effet positif réside
Cet azote, une fois fixé, est introduit dans le sol à travers dans le gain de rendement global par rapport à des
la minéralisation des litières issues de ces plantes et cultures pures (monospécifiques) et dans l’amélioration
profite alors à d’autres plantes. significative et quasi-systématique de la teneur en
protéines de la céréale, et ce quelle que soit sa proportion
Un autre exemple concerne la relation entre ligneux et dans le mélange récolté.
herbacées dont les ressources prélevées en profondeur
par les premiers peuvent être redistribuées aux seconds Les associations sont également un moyen de réduire,
via les litières ou les racines. dans certaines situations, la pression des adventices,
maladies et ravageurs, souvent considérés comme
Certaines pratiques agricoles, forestières ou d’élevage, des facteurs limitant la production agricole. Elles
s’inspirent de ces processus écologiques. Ainsi, de représentent ainsi une alternative intéressante à la lutte
nombreuses parcelles agricoles présentent souvent chimique qui est difficilement abordable d’un point
plusieurs espèces cultivées : des céréales aux cycles de de vue économique pour les agriculteurs et, surtout,
croissance différents, des légumineuses cultivées entre extrêmement polluante.

> ZOOM | Interactions entre les plantes : facilitation et compétition

Les plantes interagissent à travers l’effet qu’elles exercent le cas pour les plantes dont la température foliaire est abaissée
sur les composantes abiotiques ou biotiques des écosystèmes. en dessous du seuil létal par l’ombrage d’autres plantes ;
Lorsque la présence d’une espèce affecte positivement • par l’intermédiaire d’autres organismes vivants : certaines
l’établissement, la croissance, la survie ou la reproduction d’une plantes, en développant des mécanismes pour repousser les
autre espèce, on parle de facilitation. Dans le cas contraire, on herbivores, facilitent l’installation d’autres herbacées appétées
parle de compétition (Callaway, 2007). par les animaux. Des plantes attirent également les animaux
pollinisateurs ou disperseurs de graines, favorisant ainsi la
Dans les milieux subissant de fortes contraintes abiotiques, reproduction d’autres plantes. Parfois, la facilitation passe par
comme c’est le cas des milieux secs, la facilitation joue un des microorganismes du sol tels que les mycorhizes ;
rôle important dans la structuration et le fonctionnement des • via un effet négatif sur un compétiteur commun.
écosystèmes (Bertness & Callaway, 1994). Elle peut s’opérer
de différentes manières : Les différents mécanismes de facilitation et de compétition se
• via des mécanismes directs, lorsqu’une espèce modifie les combinent ou s’opposent. L’équilibre entre effets positifs et
conditions abiotiques du milieu d’une manière qui bénéficie à négatifs est complexe et dépend de l’espèce et de l’âge, tant de
d’autres espèces : dans les milieux secs, la facilitation se fait la plante facilitée que de la plante facilitatrice. En effet, l’effet
souvent par une amélioration de l’accès à l’eau, ressource dont positif d’une espèce sur les jeunes individus d’une autre espèce
la faible disponibilité représente la principale contrainte au peut devenir négatif pour les adultes de cette même espèce.
développement des plantes. Certaines plantes captent l’eau en Dans les milieux à forte saisonnalité des précipitations, une
profondeur (« ascenseur hydraulique ») et en rendent une partie espèce peut avoir une action positive sur la ressource en eau
disponible pour d’autres plantes aux systèmes racinaires moins en saison sèche mais entrer en compétition pour la lumière
profonds. Par l’ombrage qu’elles fournissent, certaines plantes en saison des pluies.
peuvent également limiter l’évaporation et ainsi augmenter
l’humidité du sol. La facilitation peut aussi s’opérer via d’autres L’observation et la compréhension de ces mécanismes de
ressources telles que les nutriments, comme c’est le cas facilitation sont à la base de nombreuses actions d’ingénierie
pour les légumineuses qui fixent l’azote atmosphérique et le écologique en zones sèches qui utilisent ces interactions pour
rendent disponible aux autres plantes. Elle peut aussi résulter augmenter la fourniture de services écosystémiques sur lesquels
de l’atténuation d’une contrainte climatique défavorable ; c’est elles interviennent.

16 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Les mélanges d’espèces ont aussi d’autres avantages Les pratiques agroforestières
comme la réduction de l’érosion des sols par une
meilleure couverture et enracinement, l’amélioration La savane est un système complexe dans lequel l’arbre
de la résistance à la verse, la réduction des risques de joue un rôle essentiel (voir précédemment). L’arbre est
lixiviation de nitrates ou encore la meilleure stabilité également très présent dans les systèmes cultivés. On
interannuelle des rendements. En outre, les associations parle alors de systèmes agroforestiers.
culturales (systèmes de culture intercalaire) semblent
très prometteuses pour développer une production Les espèces ligneuses ont une valeur utilitaire pour le
alimentaire durable dans les contextes de ressources ménage ou une valeur commerciale sur le marché local,
naturelles limitées, notamment l’eau, comme c’est le cas régional ou, plus rarement, international (cas du karité
dans les régions sèches d’Afrique de l’Ouest. ou de la gomme arabique par exemple). Elles participent
à la diversification des revenus ou à la sécurisation des
conditions de vie des populations. La conservation ou
l’implantation des ligneux dans l’agrosystème aide, en
> EXEMPLE | Les associations
outre, à la préservation des sols et du cycle des nutriments,
légumineuses-céréales au Nord augmente la biodiversité par rapport à des cultures
du Burkina Faso annuelles pures, représente un stock de biomasse —
Les associations légumineuses-céréales occupent une et donc de carbone — dans l’écosystème et peut
place importante dans les agrosystèmes de la zone induire des conditions microclimatiques tempérant les
soudano-sahélienne du Burkina Faso. Des travaux récents fluctuations météorologiques. Ceci a conduit chercheurs
réalisés au nord du Burkina Faso ont permis d’étudier
les déterminants socioéconomiques de ces associations
et acteurs du développement à évaluer l’intérêt de
et les pratiques paysannes liées. Les associations les promouvoir les pratiques agroforestières.
plus courantes sont « sorgho-niébé » et « mil-niébé ».
Les objectifs de ces pratiques, tels que les agriculteurs Les parcs arborés — qui constituent un type de système
l’indiquent, sont d’ordre culturel, alimentaire, nutritionnel
et économique. Le choix de chacune des espèces ou des agroforestier — font partie, depuis plusieurs siècles, des
variétés en association, est essentiel pour l’optimisation stratégies adaptatives les plus anciennes des sociétés
de leur performance. Le choix d’associer les espèces rurales d’Afrique subsaharienne. En effet, les agriculteurs
dépend de leur complémentarité pour l’utilisation des
défrichent depuis longtemps les savanes arborées pour
sources d’azote ainsi que de leur complémentarité spatiale
et temporelle pour l’utilisation de l’énergie lumineuse. les mettre en culture. Ce défrichement est sélectif afin
En effet, en raison de la complémentarité entre espèces de conserver les arbres utiles. Ces systèmes sont ensuite
associées mais également de la plus forte compétitivité de enrichis par l’introduction de nouvelles espèces ou par
la céréale pour l’utilisation de l’azote du sol et de la lumière,
on peut faire l’hypothèse que les variétés de céréale à régénération naturelle des espèces présentes. Différents
associer doivent avoir à la fois un système racinaire très types de parcs agroforestiers se sont ainsi construits au
compétitif pour l’utilisation de l’azote minéral du sol, une fil du temps, comme les parcs à Faidherbia albida ou les
bonne tenue de tige, une architecture aérienne et une
parcs à karité.
production de biomasse permettant la diffusion d’une
quantité raisonnable de lumière au couvert dominé.
Plusieurs tentatives ont eu lieu pour densifier les
Pour plus d’informations : Zongo, 2013 ; Zongo et al., à paraître.
ligneux dans les champs cultivés. Cela n’est pas toujours
évident. En effet, au-delà de certains seuils de densité
du peuplement, la compétition souterraine pour
l’eau et la lumière entre la culture et les arbres annule
fréquemment les bénéfices liés à l’enrichissement du
sol et à l’amélioration du microclimat (Ong & Leakey,
1999). Cependant, la régénération naturelle assistée des
arbres et arbustes — une pratique très répandue dans les
populations de la zone soudano-sahélienne — permet
parfois, localement, une extension et une densification
des ligneux dans les terroirs cultivés (Garrity et al., 2010).
Une extension des parcs arborés et une amélioration de
leurs performances semblent donc possibles si elles se
basent sur l’expérience des acteurs comme c’est le cas,
pp Association niébé-sorgho. Burkina Faso. par exemple, dans les projets de régénération naturelle
© F. Zongo
assistée de la strate ligneuse (cf. page suivante).

Agir sur la biodiversité 17


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> ZOOM | La régénération naturelle assistée pour reconstituer des systèmes


agroforestiers complexes
La régénération naturelle assistée (RNA) est une approche Fin 2007, sur 225 ha de terres dégradées, plus de 135 000 arbres
agroforestière dont le but est de provoquer ou de stimuler la et arbustes ont été dénombrés (Mme Kaguembèga, comm. pers.,
régénération naturelle d’espèces ligneuses à buts multiples 2011). De plus, les mises en défens ont permis de conserver
et/ou leur développement et leur intégration dans l’espace des espèces rares : Boscia angustifolia, B. senegalensis, Maerua
agricole (champ) pour qu’elles puissent augmenter le rendement angolensis, M. crassifolia, Salvadora persica, Boswelia dalzielii. Le
total de cet espace. Elle constitue une pratique séculaire bois-énergie et des coproduits tels que du fourrage, des pailles
consistant à épargner et à entretenir dans la parcelle de culture, pour les toitures, des produits pour la médecine traditionnelle,
les régénérations naturelles spontanées à des densités désirées etc., diversifient et augmentent les revenus des populations
(Samaké et al., 2011). locales. Ces résultats montrent que la dégradation forestière
n’est pas irréversible et que la mise en défens, si elle est
Les projets de RNA peuvent se concevoir de deux manières, soit acceptée et respectée par tous les partenaires, a un impact
sans clôture mais avec une réelle implication des populations favorable sur la dynamique paysagère.
locales comme au Niger (régions de Maradi et d’Aguié)
(Larwanou et al., 2006 ; Reij & Botoni, 2009 ; Reij, 2009), soit Toutefois, la principale difficulté de la RNA est de faire coexister
dans des périmètres protégés comme l’action menée par l’ONG les espaces forestiers accessibles à tous les agro-éleveurs
newTree au Burkina Faso. et pasteurs transhumants. Ce droit de pâturage fait partie
des droits d’usages coutumiers reconnus aux communautés
Pour densifier le couvert arboré au Burkina Faso, là où coexistent rurales. Toutefois, dans les parcours normalement exploités
une exploitation intensive et une régénération naturelle très par les pasteurs, le ligneux est considéré comme une ressource
faible, l’ONG newTree a lancé depuis 2003 des projets de communautaire renouvelable au même titre que l’herbe.
restauration du couvert végétal. Les partenaires impliqués
dans le programme — producteurs, autorités administratives, Le niveau de connaissances concernant l’amélioration de la
etc. — signent un contrat et des procès-verbaux d’accords RNA et la biologie de la reproduction, très variable selon les
fonciers — documents incluant les droits coutumiers et les droits espèces et les pays, doit être amélioré : phénologie, modes et
administratifs — pour chaque site. Une haie vive est plantée à distances de dissémination du pollen et des graines, conditions
l’intérieur de l’espace clôturé. Par la suite, des plans de gestion de conservation, prétraitement, inventaire et cartographie des
sont élaborés selon les besoins des partenaires afin de permettre peuplements semenciers, variabilité génétique, étude de facteurs
une exploitation durable des surfaces restaurées. L’intégration favorisant la multiplication végétative, conditions optimales
des femmes dans les prises de décision en matière de gestion de domestication, étude de la capacité optimale de charge,
des sites mis en défens représente une étape décisive dans le techniques de gestion des cultures de ligneux fourragers, impact
processus. des émondages, élagages, étêtages et des tailles en parapluie
sur la survie des espèces, etc.

Au sud du Sahel, les parcs à Faidherbia albida sur toute la bande allant du Sénégal jusqu’au bord du
représentent l’exemple le plus abouti d’intégration Soudan et de l’Éthiopie (Teklehaimanot, 2004). Le karité
agro-sylvo-pastorale (Peltier, 1996). En effet, cet arbre fournit des fruits comestibles et de l’huile de cuisine
présente un ensemble de caractéristiques très favorables consommés localement. Il produit aussi le fameux beurre
à l’utilisation agroforestière : un cycle phénologique de karité qui est de plus en plus exporté à l’international
inversé, une fixation de l’azote atmosphérique qui (Pelissier, 1980).
peut enrichir l’agrosystème, un puisage profond de
l’eau et une certaine valeur fourragère de son feuillage
(cf. page suivante).

Au Sahel, les arbustes, tels que Guiera senegalensis,


Piliostigma thonningii ou Piliostigma reticulatum,
dominent encore plus largement, souvent en
peuplements monospécifiques peu denses, dans les
champs de mil, de sorgho ou au sein de paysages très
ouverts. Leur rôle socioéconomique et agroforestier
est substantiel et leur utilisation semble localement
importante dans les pratiques traditionnelles de
restauration des sols (Kizito et al., 2007 ; Lahmar et
al., 2012 ; Wezel et al., 2000, cf. page suivante). Plus au
sud, les arbres, comme le karité (Vitellaria paradoxa),
pp Fruits du karité (Vitellaria paradoxa). Bénin.
sont typiques des savanes soudaniennes à guinéennes M. Donnat © IRD

18 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Enfin, les arbres de la zone subsaharienne ont aussi


> ZOOM | Faidherbia albida, q
une fonction importante dans l’appropriation foncière.
Quelques études ont cherché à mieux appréhender une essence agroforestière aux
quels en sont les acteurs et leur niveau de décision multiples atouts
pour la gestion des parcs (Asse & Lassoie, 2011). Les Faidherbia albida est une essence fixatrice d’azote (de la
dynamiques de transformation des sociétés rurales des famille des Légumineuses) qui est traditionnellement bien
zones tropicales sèches sont puissantes : elles sont à la implantée dans le système d’exploitation agricole vivrière
de la zone soudano-sahélienne en Afrique subsaharienne.
fois mues par des contraintes climatiques fortes dans
Cette essence présente un intérêt non seulement pour
un contexte de croissance démographique élevée, une la production de bois et de fourrage de contre-saison
modification des échanges rural-urbain et des mutations d’excellente qualité, mais aussi pour son effet bénéfique sur
des politiques économiques et environnementales. les cultures associées, qu’elles soient vivrières (céréales)
ou d’exportation comme le coton. Cet effet peut être attribué
Comprendre la manière dont ces dynamiques de à trois caractéristiques de l’arbre :
transformation sociale interagissent avec celles des • F. albida présente un cycle phénologique inversé
parcs agroforestiers demeure un enjeu important pour (feuillaison en saison sèche, défoliation en saison des
pluies) qui présente le double avantage de fournir un
la recherche et serait un atout certain pour l’élaboration
fourrage additionnel dans des périodes de soudure et de
de politiques de gestion de ces espaces. limiter la compétition pour la lumière, les ressources en
eau et en nutriments avec les cultures vivrières au moment
de sa croissance et de sa maturation Cette phénologie
Conserver des arbustes natifs à usages multiples dans en fait aussi un refuge d’ombrage pour le bétail en pleine
les champs cultivés saison sèche ;
• sa structure racinaire en forme de pivot peut descendre
Dans la zone semi-aride d’Afrique de l’Ouest, les à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, ce qui lui
permet un puisage profond de l’eau, qui entre alors peu
champs paysans sont bien souvent peuplés d’arbustes
en compétition avec celui des espèces herbacées ;
— particulièrement Piliostigma reticulatum et Guiera • sa capacité à établir des symbioses avec des bactéries
senegalensis —, qui représentent une ressource verte fixatrices d’azote lui permet de participer à la restauration
non négligeable pendant les longs mois de sécheresse. de la fertilité du sol de l’agrosystème. Elle se traduit
par la formation, au niveau des racines, de nodosités
dans lesquelles les bactéries transforment l’azote
On retrouve ces deux espèces dans les paysages soudano- atmosphérique en ammonium assimilable par les plantes.
sahéliens et soudaniens de la côte atlantique (Mauritanie/
Sénégal) jusqu’à celle de la mer Rouge (Soudan/Érythrée).
Ces arbustes forment des peuplements purs ou mélangés,
pouvant atteindre des densités de l’ordre de 2 000 pieds
à l’hectare quand les conditions de sol sont favorables.
Toutefois, on les trouve aussi sur des sols pauvres, cuirassés
et dégradés, sous forme de touffes multi-tiges dont la
hauteur et le rayon du houppier avoisinent 1,5 mètre.
En bordure des champs, P. reticulatum, en particulier, se
présente souvent sous la forme d’un arbuste, voire d’un
arbre de plusieurs mètres de hauteur. pp Faidherbia albida en bas fond dans un champ de sorgho au
sud-est du Niger.
© B.H.A. Issoufou
Ces deux espèces, aux feuillages riches en tanins,
attirent peu le bétail et montrent une certaine résistance de ces deux espèces par plantation ou par semis. En
aux feux de brousse. Elles se propagent aisément par revanche, ils les conservent spontanément dès qu’elles
graines, drageons, marcottes terrestres (G. senegalensis) apparaissent dans leurs champs cultivés.
et par rejets de souche recépée. Les animaux ayant
consommé les gousses de P. reticulatum contribuent Lorsque les paysans commencent à préparer leurs
aussi à sa dissémination. champs pour l’installation des cultures — au début de la
saison humide, voire bien avant selon les localités ou les
Les paysans connaissent bien ces arbustes. Ils en font de circonstances —, les arbustes sont coupés au ras du sol.
nombreux usages allant de la médecine traditionnelle Les tiges et branches ainsi coupées sont utilisées comme
à l’artisanat et à divers usages domestiques et, dans bois de feu et les résidus sont brulés. Il est également
certaines régions, ils leur accordent aussi une valeur possible d’utiliser les branches coupées des arbustes
culturelle. Malgré cela, les paysans ne participent pour former un mulch (ou paillis). Le semis de la culture,
ni directement, ni volontairement, à la propagation généralement une céréale, se fait alors directement à

Agir sur la biodiversité 19


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travers le mulch à l’aide d’un outil à main. À la montée Les résultats des recherches développées sur ces deux
de la céréale, les grosses tiges, complètement effeuillées, espèces arbustives, au Burkina Faso et au Sénégal
sont alors ramassées pour servir de bois de feu. (cf. zoom page suivante), montrent qu’elles procurent
d’énormes services ou facilitations aux plantes qui se
Ainsi, le brûlis, fréquent dans les systèmes de culture développent dans leur voisinage immédiat (nutritions
ouest-africains, s’apparente à un apport direct d’éléments hydrique et minérale, voire protection). En outre, ces
minéraux au sol, hormis l’azote qui se volatilise au espèces améliorent les propriétés du sol et entretiennent
cours de la combustion. Par contre, la gestion par son activité biologique, réduisent les risques pour
le mulch impacte les processus écologiques du sol via la l’environnement (stockage de carbone, réduction
décomposition des feuilles et des branches, permettant du ruissellement et de l’érosion, etc.), ce qui justifie
une conservation des éléments nutritifs tels que l’azote amplement l’intérêt d’une gestion écologique de ces
et une alimentation du stock de matière organique dans arbustes.
le sol.

pp Au premier plan, un arbuste de Piliostigma reticulatum à gauche pp Arbustes de P. reticulatum dans un champ paysan. Il s’agit de
et des arbustes de Guiera senegalensis à droite. Kaya, Burkina Faso. repousses de l’année. Yilou, Burkina Faso.
© R. Lahmar © R. Lahmar

pp Coupe et brûlis de touffes de G. senegalensis à l’entrée de la pp Coupe des touffes et mulching avec les branches de P. reticulatum
saison de culture. Maradi, Niger. à l’entrée de la saison de culture. Yilou, Burkina Faso.
© R. Lahmar © R. Lahmar

SAISON SÈCHE
SAISON PLUVIEUSE

J F M A M J J A S O N D
Pic de production de biomasse de l’intersaison Récépage-mulching Semis Désherbage des Reprise de croissance des arbustes
des arbustes de la arbustes
culture Récolte
des cultures

pp Gestion des arbustes natifs dans les systèmes de culture de Saison des pluies : il est recépé au démarrage de la saison pour
la zone semi-aride d’Afrique de l’Ouest.q faire place à la culture principale. Il est désherbé durant la saison
Exemple de Piliostigma reticulatum, Yilou, Burkina Faso. des pluies. Les repousses permettent ensuite à l’arbuste de se
Saison sèche : P. reticulatum croît, il réduit l’érosion et intercepte reformer.
les poussières. D'après Lahmar et al., 2012.

20 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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> EXEMPLE | Deux projets de recherche sur les arbustes natifs dans les champs
cultivés en zone soudano-sahélienne

Burkina Faso : des recherches sur l’association Piliostigma Sénégal : mieux comprendre le fonctionnement biologique de
reticulatum - sorgho l’association arbuste-céréale

Le projet Crop-NEWS* (Crop-news systems for improved soil Dans le cadre de collaborations internationales*, des dispositifs
and water conservation in the africa drylands) est un dispositif expérimentaux ont été implantés au Sénégal depuis le milieu
expérimental à long terme dédié aux recherches sur des années 2000. Ils intègrent des arbustes locaux dans le
l’association d’arbustes natifs (P. reticulatum) et de cultures système cultivé : Guiera senegalensis dans la région de Thiès
annuelles (sorgho) au Burkina Faso. Ce dispositif est localisé et Piliostigma reticulatum dans la région de Nioro.
sur le campus de l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau
et de l’Environnement (2iE) à Kamboinsé (dispositif piloté par Les travaux ont montré la capacité de ces deux arbustes à
le Cirad et 2iE). On y teste la combinaison de deux facteurs redistribuer l’eau dans le sol au profit des horizons de surface
— densité des arbustes et travail du sol — répétée quatre fois (phénomène « d’ascenseur hydraulique ») et à générer des îlots
sur des parcelles de dimensions comparables à celles des de fertilité. Ainsi, leur association avec des céréales permet
parcelles paysannes (13,6 m x 20 m). Quatre densités d’arbustes l’amélioration des rendements de la culture vivrière.
sont testées — 0, 500, 1 000 et 2 000 touffes/ha — proches de
celles observées localement en milieu paysan. Les types de Les recherches se poursuivent afin d’identifier les processus
travail du sol expérimentés sont le semis direct à la daba (houe écologiques sous-jacents. L’hypothèse est que la présence des
traditionnelle) écarté de 0,8 m x 0,8 m ou le zaï (cf. p. 35) placé arbustes permet la création de niches écologiques propices
aussi à 0,8 x 0,8 m et en quinconce. Les résidus du sorgho sont au développement de communautés microbiennes impliquées
quantifiés et maintenus chaque année à poids égal sur toutes dans la fourniture d’éléments nutritifs exploités par la culture
les parcelles. P. reticulatum a été semé en pépinière en juin associée, favorisant ainsi sa croissance. Les objectifs de ces
2012 et transplanté dans le dispositif en août 2012. Chaque recherches sont les suivantes :
année, sont suivis et mesurés : • déterminer les effets du phénomène d’ascenseur hydraulique
• le développement et la production de la biomasse et de sur les communautés microbiennes et les fonctions associées
grains de sorgho ; à ces microorganismes ;
• l’eau du sol à une profondeur de 3 mètres ; • déterminer l’impact de l’association culturale sur les
• le développement racinaire du sorgho et de P. reticulatum communautés de nématodes et sur la structure des réseaux
en lien avec la gestion appliquée à l’arbuste ; trophiques au sein du sol ;
• après chaque récolte, des échantillons de sol sont prélevés • déterminer si les populations microbiennes bénéfiques à
et analysés selon un protocole pluriannuel prédéfini ; la croissance des plantes présentes dans le sol à proximité
• de nombreuses autres mesures et tests sont réalisés en des racines des arbustes colonisent la culture associée ;
fonction des besoins, comme, par exemple, la vitesse de • identifier la diversité des champignons mycorhiziens et
dégradation du mulch issu de P. reticulatum. déterminer leurs impacts sur les flux d’eau et de nutriments ;
• identifier et isoler les microorganismes capables de
Ce dispositif permet en particulier de vérifier l’hypothèse promouvoir la croissance de la céréale.
selon laquelle ces agrosystèmes sont à même d’opérer
une aggradation à long terme — ou restauration — de sols
dégradés, un enjeu important en Afrique tropicale.

Pour plus d’informations : www.wassa-eu.org Pour plus d’informations : www.oardc.ohio-state.edu/senegal-pire/t01_pageview3/Home.htm

* Quatre projets internationaux y participent : Agroecology-based aggradation-conservation * Projet PIRE/NSF, Partnerships for International Research and Education/ Hydrologic
agriculture (ABACO), Woody Amendments for Soudano-Sahelian Agriculture (WASSA), Recherche Redistribution and Rhizosphere Biology of Resource Islands in Degraded Agroecosystems of
de compromis entre productions et services écosystémiques fournis par les systèmes the Sahel: A PIRE in Tropical Microbial Ecology
agroforestiers (SAFSE), CONNEctingknowledge, scales and actors; An integrated framework
for adaptive organic resource management targeting soil aggradation and agroecosystems’
resilience in Sub-Saharan Africa (ConneSSA, https://connessa.uni-hohenheim.de).

tt Flore du Sénégal :
Faidherbia albida.
J.-J. Lemasson © IRD

Agir sur la biodiversité 21


RETOUR SOMMAIRE

pp Parcelle agroforestière à l’extrême nord du Cameroun à Figuil (pendant qq Arganeraie de Tifadine (près de Tiznit, sud du Maroc) : vue d’un
la saison des pluies). reboisement de 3 ans, sans clôture, mais protégé par les populations
© R. Bellefontaine locales qui en avaient fait la demande aux Eaux et Forêts.
© R. Bellefontaine

Restauration écologique des forêts tropicales sèches végétative, l’importance relative de la dispersion du
pollen et des graines ou des fruits par le vent et les ani-
Les conditions environnementales favorables aux forêts maux, la phénologie de production des graines dépendant
tropicales sèches le sont également et souvent aux acti- le plus souvent de la saisonnalité des pluies, ainsi que
vités humaines, de par leur climat et la relative richesse des barrières à la régénération (feux précoces violents
chimique de leur sol. Ces forêts ont donc été soumises ou tardifs très nocifs d’origine anthropique, conditions
depuis plusieurs siècles à d’intenses pressions de climatiques contraignantes, compétition avec
dégradation et de déforestation, générale- des herbacées de pâturage introduites).
ment pour la conversion des forêts en terres Il convient de les prendre en compte pour
agricoles (Janzen, 1988 ; Miles et al., 2006). mener à bien des actions de restauration.
Les préoccupations environnementales
croissantes, associées au déclin des acti- Une fois que les attentes sociétales
vités agricoles dans certaines zones, ont vis-à-vis d’un projet de restauration
conduit à une demande de restauration (restauration des sols dégradés, pro-
écologique de ces forêts. duction de bois, production de services
écosystémiques, biodiversité et habitats…)
Le succès des actions de restauration nécessite ont été identifiées, l’étape-clé de la restau-
une connaissance fine de l’écologie de ces forêts tropi- ration écologique réside dans la compréhension
cales sèches. Cependant, ces écosystèmes ont fait l’objet des mécanismes de dégradation et des dynamiques de
de bien moins d’études que les forêts tempérées et les changement d’usage des terres. La formulation d’un
forêts tropicales humides sur lesquelles les mécanismes projet de restauration et l’identification des actions
de régénération des forêts tropicales sèches ont bien trop adaptées aux contraintes et aux potentialités locales
souvent été calqués (Vieira & Scariot, 2006). Les espaces constituent également des étapes indispensables avec
arborés des régions sèches (savanes, forêts, jachères, etc.) l’incontournable participation active des populations et
ont pourtant des processus de régénération qui leurs des institutions concernées (Griscom & Ashton, 2011).
sont propres, tels que l’importance de la multiplication

22 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
RETOUR SOMMAIRE

La restauration écologique des espaces arborés des La restauration écologique des espaces arborés des
régions sèches peut être passive lorsque le milieu régions sèches peut être active quand le potentiel
semble suffisamment résilient et dispose de sources de régénération est trop faible ou que les sols sont
de régénération, que ce soit dans les forêts épargnées fortement dégradés. Il peut alors être nécessaire d’avoir
par la déforestation, les savanes arborées ou les arbres recours à la plantation pour favoriser la restauration
hors forêt (arbres des pâturages, des haies vives ou de active (Griscom & Ashton, 2011). Par leur présence, les
corridors des rives de cours d’eau) Lever les facteurs de ligneux plantés peuvent ensuite rendre les conditions
dégradation peut alors s’avérer suffisant pour relancer le environnementales plus favorables pour la régénération
processus naturel de densification du couvert ligneux. naturelle en atténuant le risque de stress hydrique
Cette densification doit alors être corrélée à une mise en milieu ouvert ou en améliorant la fertilité des sols
en défens contre les troupeaux locaux ou transhumants (Padilla & Pugnaire, 2006). Après quelques années, ils
par des clôtures ou, plus rarement, par une acceptation pourront également attirer les animaux disperseurs de
ferme et rigoureuse des populations riveraines en graines. Le choix des espèces est alors particulièrement
échange d’avantages tels que l’organisation de marchés important et doit être adapté aux conditions abiotiques
ruraux de bois de feu (Bellefontaine, 1999 ; Bellefontaine et biotiques locales.
et al., 2000) ou la récolte gratuite des fruits (Achour et
al., 2013). Rares sont cependant les mise en défens Historiquement, les actions de restauration active
respectées pendant plus de dix années. s’appuyaient surtout sur des plantations en plein et
en monoculture d’espèces exotiques choisies pour
Dans les zones à forte contrainte hydrique, thermique leur capacité à s’installer rapidement (Parrotta et al.,
ou autre (zones arides et semi-arides, zones à cyclones, 1997). Cependant, ces plantations sont d’une faible
zones boréales, etc.), l’aptitude de certains ligneux à se valeur en termes de biodiversité et peuvent, dans
régénérer naturellement par multiplication végétative certain cas, présenter un risque d’invasion des milieux
(induction de drageons, marcottes terrestres, boutures environnants par les espèces exotiques invasives. Aussi,
en milieu ripicole) et l’induction de méthodes artificielles l’utilisation d’espèces locales et la plantation d’espèces
très peu coûteuses (blessures de racines superficielles, en mélange sont de plus en plus favorisées pour la
bouturage de segments de racine, marcottage aérien) ou restauration. De plus, la technique de restauration par
à coûts relativement peu élevés (bouturage de fragments nucléation, qui a donné des résultats encourageants en
de tiges ou de branches sous châssis rustique, greffage) zones méditerranéennes et tropicales humides (Corbin
peuvent représenter une technique de restauration & Holl, 2012 ; Rey Banayas et al., 2008), pourrait être
intéressante des forêts (Bellefontaine et al., 2005 ; avantageusement utilisée dans les zones sèches. Cette
Harivel et al., 2006 ; Meunier et al., 2008 ; Belem et al., technique consiste à planter des ligneux de manière
2008 ; Morin et al., 2010 ; Noubissié-Tchiagam et al., isolée ou sous forme de petits lots conduisant à la
2011 ; Zida et al., 2014). formation de noyaux de régénération qui vont petit à
petit se rejoindre. Celle-ci présente une alternative
économiquement intéressante et écologiquement viable
à la plantation en plein.

tt Sclerocarya birrea :
induction de drageons de
1,8 m de haut 6 mois après
la blessure de la racine de
4 cm de diamètre à Figuil,
nord-Cameroun.
© R. Bellefontaine

tt Châssis rustique de
propagation.
© Q. Meunier

Agir sur la biodiversité 23


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> ZOOM | Reproduction sexuée et multiplication végétative à faible coût

Le voyageur qui, en Afrique, traverse les zones guinéennes, La multiplication végétative à faible coût (MVfc) pour les zones
soudano-guinéennes, soudano-sahéliennes et sahéliennes, du arides et semi-arides des pays en développement fait appel à
sud au nord, passe de la forêt dense sèche à la forêt claire, des techniques économiques, rustiques et simples à comprendre
puis à la savane, à la steppe et aux sables du désert avec une par les populations rurales.
végétation rare et située dans les dédales de fleuves fossiles
ou de rivières temporaires. Selon un axe sud-nord, on passe Ces techniques de MVfc mettent à la disposition des forestiers
d’une régénération par graines dominante à une régénération et des populations rurales des plants à croissance plus rapide.
presque exclusivement par rejets (de souche), par drageons Ainsi, comparée au semis, la MVfc permet de réduire le temps
(de racines) ou par marcottes (de rejets dominés et branches nécessaire pour atteindre la maturité, notamment pour les
traînantes), au fur et à mesure que le caractère aride du sol espèces dioïques pour qui les organes apparaissent 5 à 20 ans
augmente (Catinot, 1994). En effet, à la limite de leur aire de après la plantation selon les espèces. De plus, les plants
répartition, les espèces ligneuses perdent progressivement leur femelles sont majoritairement recherchés dans les plantations
potentiel de reproduction séminale. La floraison, la nouaison fruitières. Un gain économique important en production fruitière
et la fructification se raréfient à mesure que les conditions peut alors être obtenu si l’on peut déterminer précocement le
ambiantes deviennent défavorables. sexe des plants en pépinière, voire dès le stade des graines.
Les marqueurs moléculaires permettent aujourd’hui d’identifier
Fructifications abondantes, potentiels de dispersion efficaces précocement le sexe.
et modes de multiplication végétative variés conditionnent la
(re)conquête ligneuse de territoires. Les reproductions sexuée et En Afrique, à ce jour, rares sont les ligneux domestiqués, à
asexuée (végétative) sont indissociables et doivent être toutes les l’exception des fruitiers commerciaux et de l’olivier. Des efforts
deux favorisées par les forestiers des zones arides et semi-arides : pour étudier la variabilité génétique et la multiplication végétative
• La reproduction sexuée est vitale pour assurer la variabilité sont en cours pour diverses espèces :
génétique des espèces ligneuses et permet aux plantes de • en Afrique du Nord : arganier (Argania spinosa L. Skeels),
s’adapter assez rapidement aux changements environnementaux. pistachier (Pistacia vera L.), caroubier (Ceratonia siliqua L.) ;
Dans les régions arides et semi-arides, la reproduction par • au sud du Sahara : baobab (Adansonia digitata), Jujubier
graines ne parvient pas à maintenir une densité suffisante de (Ziziphus mauritiana), dattier du désert (Balanites aegyptiaca),
ligneux, car de nombreuses graines meurent lors de la longue néré (Parkia biglobosa), karité (Butyrospermum parkii), marula
saison sèche suivante, à cause des feux et/ou du surpâturage. De (Sclerocarya birrea), tamarinier (Tamarindus indica) ;
plus, la croissance démographique et l’augmentation du cheptel • plus au sud encore : Ricinodendron heudelotii, safoutier
dans certaines régions entraînent la mutilation régulière des (Dacryoides edulis), manguier sauvage (Irvingia gabonensis),
ligneux de toute taille, ce qui réduit leur production de graines, I. wombolu, caïmite africaine (Chrysophyllum albidum), Uapaca
leur vitalité ou les condamne à plus ou moins brève échéance. kirkiana, etc.
Les mises en défens après plantation ou exploitation du bois
sont longues et rarement respectées dans le cas d’un mode
Pour plus d’informations : Bationo et al., 2005 ; Belem et al., 2008 ; Bellefontaine, 2005 ;
de traitement de la forêt basé sur le semis naturel ou artificiel Bellefontaine & Malagnoux, 2008 ; Harfouche et al., 2012 ; Harivel et al., 2006 ; Meunier et al.,
(semis direct) et les saisons sèches successives déciment les 2008 ; Morin et al., 2010 ; Noubissié-Tchiagam et al., 2011 ; Zida et al., 2014.
jeunes plants durant les trois premières années.
• La multiplication végétative peut être naturelle ou artificielle.
Naturelle, ce mode de reproduction asexué se fait par
totipotence, à partir de certains des tissus ou des organes sur qq Quatre mois après qq Cette marcotte est ensuite
place (rejets de souche, rejets basaux, gourmands, réitérats) ou le marcottage aérien, replantée dans un substrat
à quelques distances de l’arbre-mère (drageonnage, marcottage les racines d'arganier adéquat et protégée du vent
terrestre de branches en contact avec le sol, bouturage de sont apparentes (après et du soleil. On peut ensuite
enlèvement de la feuille prélever des boutures semi-
fragments de branches tombés sur des sédiments frais ou plastique entourant la ligneuses après quelques
emportés par une crue). Artificielle, la sphaigne). mois.
multiplication végétative fait alors appel à
l’enracinement d’axes aériens (marcottage
aérien), à l’induction de drageons par blessure
des racines superficielles, au bouturage
de segments de racines, au greffage. Ces
techniques anciennes sont peu utilisées dans
les pays développés, détrônées par la culture
in vitro et l’embryogenèse somatique. Elles
sont souvent méconnues par les forestiers
africains, à l’exception des boutures de
fragments de branches et des rejets de
souche. La multiplication végétative produit
des individus génétiquement identiques
à la plante-mère : les clones. Elle a pour
objectif principal de multiplier des arbres
remarquables en nombre suffisant et permet
ainsi la domestication d’espèces ligneuses
à usages multiples que le paysan souhaite
propager dans ses champs.

24 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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> ZOOM | Des graines de qualité et des plants aux systèmes racinaires
vigoureux et équilibrés pour des reboisements réussis
La faculté germinative d’un lot de graines d’une espèce forestière dépend des conditions de récolte et de conservation des
semences et des caractéristiques du semis, y compris les prétraitements. Or, aujourd’hui, en Afrique dans les zones semi-
arides, si le processus de conservation et les conditions de semis sont, en général, de mieux en mieux connus, il n’en va pas
de même pour les conditions de récolte, de dépulpage, de décorticage, et de séchage des graines, encore trop rarement
précisées. L’importante variabilité de germination des graines qui existe entre les semences selon leur origine, est due à un
état de dormance déterminée par la maturité des
fruits, au génotype de la plante et aux conditions
de leur stockage. Dans ce cas, une graine, bien tt Un arganier non
que placée dans les conditions favorables à la sélectionné mais
bouturé, élevé
germination, est inapte à germer. Il est alors
hors sol, en portoir
nécessaire de prétraiter les graines pour les alvéolé de 20 cm
rendre capables de germer. Cela est fréquent de profondeur
dans les zones à longue saison sèche, où favorisant
toutes les conditions optimales de germination l’autocernage et
la ramification des
(humidité, température, oxygène, lumière)
racines.
sont rarement présentes simultanément. © R. Bellefontaine
Le prétraitement d’une graine permet de lever
la dormance par des traitements mécaniques,
chimiques, physiques, physiologiques ou
biologiques. Celui-ci est de durée très
différente pour une même espèce, d’un lot à
l’autre et même d’un semencier à l’autre. Les
prétraitements doivent surtout être appliqués
aux graines montrant une dormance profonde tt Plant élevé à
et qui ont été conservées dans de bonnes 30 cm au-dessus du
conditions. sol (« hors sol »)
dans des conteneurs.q
© R. Bellefontaine
Les plants doivent également être élevés dans de
bonnes conditions. Des techniques utilisant des
sachets en polyéthylène avec ou sans fond, des
mottes précontraintes à base d’argile, etc., sont
toujours appliquées bien qu’elles soient obsolètes.
Or des malformations racinaires — chignons,
baïonnettes, crosses, etc. — entrainent des
mortalités importantes et des croissances insuf-
fisantes des plants Ces racines, même coupées,
ne se développent pas correctement et le plant
est condamné. Les déformations des racines
perturbent pendant des années le fonctionne-
ment physiologique et le bon développement
tt Ce type de
racinaire, tous deux nécessaires à l’exploita- conteneur permet
tion des ressources hydriques et minérales du de diriger toutes
sol. Ces déformations sont particulièrement les racines, sans
préjudiciables en zones semi-arides où les chignon, vers le fond
espèces ligneuses ont développé une stratégie où elles se nécrosent
au contact de l'air et
d’adaptation à la sécheresse en privilégiant le forment de nouvelles
développement initial d’un système racinaire racines latérales
puissant, extensif et profond, prioritaire par rap- à l'intérieur du
port au développement des parties aériennes de conteneur, rendant
ainsi le système
la plante. Toute atteinte au bon développement
racinaire très
de ce système racinaire affecte les capacités de performant dès que
survie de la plante dès la première saison sèche. le plant est mis en
place.q
Pour produire des pl ant s dotés d’un © R. Bellefontaine

enracinement de qualité, il faut privilégier des


supports de plantation — tels que les godets individuels anti-chignon, hors sol à fond grillagé à mailles larges —, un substrat
cohérent, adapté localement et réalisé avec les matériaux locaux disponibles, une nutrition hydrique et minérale adaptée
aux conditions climatiques locales, l’introduction de symbiotes bactériens ou fongiques. La formation des pépiniéristes à ces
pratiques nouvelles est alors essentielle.

Pour plus d’informations : Bellefontaine et al., 2012 ; Le Bouler et al., 2012.

Agir sur la biodiversité 25


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A. Borgel © IRD

L’agrobiodiversité : un réservoir de diversité pour répondre de façon durable aux nouvelles conditions
l’avenir sociétales et climatiques. Les conservations ex situ et
in situ des espèces cultivées, des espèces apparentées
Aujourd’hui, la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi que des savoirs locaux et des pratiques agricoles
mondiale repose principalement et uniquement associées représentent l’assurance d’une résilience face
sur 12 espèces de céréales et 23 espèces de légumes aux changements globaux.
(Altieri, 1999) alors que plus de 7 000 plantes sont
cultivées ou collectées à l’état sauvage à travers le L’agriculture familiale s’appuie sur une grande diversité
monde pour l’alimentation. Or, l’intensification de d’espèces et de variétés cultivées avec tous les savoirs et
quelques espèces et variétés majeures ne suffit plus pour pratiques agricoles associés à cette agrobiodiversité. Par
répondre aux besoins d’une population croissante et exemple, l’agrosystème des Duupa du nord-Cameroun
d’un environnement de plus en plus variable et difficile repose sur 84 espèces végétales cultivées ou protégées
à maitriser. Seule la valorisation d’espèces et de variétés dans les champs (Garine, 1995).
locales — aujourd’hui sous-exploitées — permettra de

> ZOOM | Valoriser la diversité ancienne des plantes cultivées : le cas du fonio

Un grand nombre d’espèces cultivées ont été négligées, avec Ainsi, le projet ARCAD* (Agropolis Resource Centre for Crop
pas ou peu de recherche ou d’actions de promotion, ou encore Conservation, Adaptation and Diversity) vise à constituer une
sous-utilisées. Ces espèces sont produites localement et plateforme ouverte et multifonction dédiée à la mise en
présentent ainsi une bonne adaptation à leur zone de culture place et à l’utilisation optimisée de l’agrobiodiversité dans
et souvent une valeur culturelle importante. Elles contribuent les zones méditerranéennes et tropicales. Le fonio y fait l’objet
à la sécurité alimentaire en étant facilement ou gratuitement d’une attention particulière dans le cadre du sous-projet
accessibles aux populations, tout en produisant de substantiels « Céréales en Afrique » (riz africain, mil, sorgho, blé dur et
revenus. Le fonio (Digitaria exilis) est l’une d’entre elle. fonio) afin d’étudier sa diversité et son potentiel. Initialement
centrés sur la Guinée, les développements méthodologiques
Qualifié de « trésor » par Vodouhe et al. (2007), le fonio est une pluridisciplinaires ont été partagés dans le cadre de projets
graine régulièrement consommée par plusieurs millions de nationaux de caractérisation de la diversité génétique du fonio
personnes dans une région s’étendant du Sénégal au lac Tchad. (Niger, Sénégal) favorisant ainsi la création d’un réseau de
Longtemps considéré comme une céréale marginale, le fonio recherche pluridisciplinaire pérenne sur cette céréale et le
connaît aujourd’hui un regain d’intérêt lié au développement développement d’une conservation et d’une utilisation durable
des technologies post-récolte et à la mise au point de nouveaux de ses ressources génétiques.
produits pour des marchés urbains africains et internationaux. * Plus d’informations sur le projet ARCAD : www.arcad-project.org
Mais au-delà de cet intérêt, la production du fonio est également
stratégique dans un contexte d’insécurité alimentaire. En
effet, cette céréale, en arrivant à maturité avant les autres
céréales, joue un rôle fondamental dans la gestion de la
soudure alimentaire pour les millions de producteurs et de
consommateurs ruraux. De plus, elle est très nutritive grâce
à ses fortes teneurs en acides aminés soufrés, méthionine
et cystéine (Jideani, 1990). Cette espèce génère en outre des
revenus supplémentaires pour les agriculteurs ruraux et
les femmes. Selon les années, le prix d’un kilo de fonio peut
atteindre 1,5 à 2 fois celui d’un kilo de riz.

Adapté à la sécheresse et aux sols pauvres et peu fertiles,


le fonio est aujourd’hui l’objet de programmes de recherche
pp Récolte du Fonio en Guinée.
nationaux et internationaux pour développer sa culture.
© A. Barnaud

26 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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À la diversité des espèces elles-mêmes, s’ajoute la diver- l’assurance que l’espèce pourra s’adapter à des nouvelles
sité des variétés — c.à.d. des variétés locales ou paysannes conditions et à des nouveaux besoins (Ortiz, 2011).
nommées et gérées par les agriculteurs. Elles ne sont pas Ces capacités d’adaptation représentent autant de capa-
nécessairement distinctes, homogènes et stables comme cités d’améliorations génétiques potentielles face aux
peuvent l’être les variétés commerciales. Les variétés conditions environnementales futures.
locales sont d’autant plus importantes que leur diversité
génétique est non seulement élevée mais aussi adaptée La diversité génétique élevée et adaptée aux conditions
aux conditions locales (Mercer & Wainwright, 2012). locales des plantes cultivées localement résulte de pratiques
La diversité génétique au sein d’une espèce se traduit agricoles et de sélection variétale par les agriculteurs (cas
en potentiel adaptatif, la diversité des variétés représente du mil ou du fonio par exemple, cf. ci-dessous).

> ZOOM | Quelles adaptations des plantes et des sociétés sont possibles ?

Lors du processus de domestication, les hommes ont agriculteurs ont su mobiliser la diversité intraspécifique
sélectionné des caractères d’intérêt pour l’alimentation du mil pour répondre aux nouvelles conditions climatiques
humaine entraînant une hausse de la productivité mais (Vigouroux et al., 2011).
aussi une baisse de la diversité génétique au sein des
espèces cultivées par rapport à leurs ancêtres sauvages. Identifier les gènes impliqués dans la résilience et l’adaptation
Les programmes d’amélioration ont souvent fait usage de des plantes cultivés au changement climatique
ces ancêtres ou encore d’espèces sauvages proches (Hajjar
& Hodgkin, 2007) pour améliorer la résistance des espèces Le projet « Génomique des populations pour l’étude de
cultivées aux facteurs abiotiques (sècheresse, salinité, pauvreté l’adaptation des populations de mil sauvage » (MILDIV) a
des sols) et biotiques (insectes ravageurs, maladies). pour objectif de mettre en évidence chez le mil sauvage des
variations génétiques corrélées au gradient climatique allant du
Les adaptations aux conditions locales des plantes cultivées Sénégal jusqu’au Soudan. Les variations génétiques identifiées
sont le résultat de pratiques agricoles et de sélection variétale seront mises en relation à des variations phénotypiques par
réalisées par les agriculteurs. Ainsi, face aux futures conditions des méthodes de génétique d’association. Ceci permet à la fois
climatiques, les agriculteurs développent des stratégies telles de mettre en évidence l’adaptation génétique et d’y associer
que l’utilisation de variétés plus résistantes à la sécheresse, le facteur adaptatif ainsi que son expression phénotypique.
le développement de systèmes de récupération de l’eau, L’approche choisie pour mener à bien ce projet fait appel
la pratique des cultures associées, d’agroforesterie et la au séquençage à l’échelle du génome grâce aux nouvelles
diversification des pratiques agricoles (Altieri, 2009). générations de séquençage haut-débit. Ces gènes identifiés
présenteront un intérêt pour développer des outils permettant
Valorisation de la diversité sauvage : le cas du mil de déterminer rapidement les meilleures plantes adaptées aux
futures conditions climatiques plus extrêmes. Ceci permettra
Le mil cultivé (Pennisetum glaucum ssp. glaucum) a été notamment d’accélérer les programmes de sélection variétale.
domestiqué à partir d’une forme sauvage (P. glaucum ssp.
monodii) dans une région située entre le Mali et le Niger il y a
environ 4 800 ans (Clotault et al., 2012). La perte de diversité
liée à sa domestication est estimée à environ 30 % (Oumar et
al., 2008). Le mil sauvage présente une résistance à l’aridité
plus importante. À ce titre, il présente un intérêt considérable
pour l’identification de gènes et de polymorphisme impliqués
dans l’adaptation à des conditions climatiques extrêmes qui
pourront par la suite servir à l’amélioration de la résistance
du mil cultivé au climat futur.

En effet, en Afrique, le mil répond en partie aux conditions


arides par une réduction du cycle de floraison. Durant les
années 1970, l’Afrique de l’Ouest a connu une période de
sécheresse importante avec un déplacement d’un isohyète
de 100 mm de 150 km vers le sud. Pendant cette période, les
agriculteurs ont sélectionné le mil de sorte à réduire son cycle
de floraison de 1,44 jour en moyenne sur 27 ans. Cette évolution
et adaptation variétale ont été associées particulièrement, à pp Distribution du mil sauvage (rouge) et du mil cultivé (noir) en
un allèle (du gène PHYC) dont la fréquence dans les variétés Afrique de l'Ouest.
a doublé. Pendant cette période de forte sécheresse, les Géo-référencement des accessions de graines de mil de la collection
maintenue à l'IRD.
Carte réalisée par C. Berthouly-Salazar/IRD.

Agir sur la biodiversité 27


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Agir sur les cycles de la matière


organique et des nutriments
L’équilibre et le fonctionnement des écosystèmes sont déterminés
par des flux de matières, d’énergie et d’informations qui traversent
les différentes parties qui les composent : le sol, les plantes, les
animaux, l’atmosphère, etc. (Frontier & Pichod-Viale, 1998).

Dans les écosystèmes, les matières organiques sont processus de transfert que les écosystèmes ou les
les vecteurs de ces flux de matières et d’énergie et terroirs villageois ont mis en place au cours du temps.
elles déterminent les cycles des principaux éléments Par exemple, la disparition des jachères limite non
chimiques tels que le carbone, l’azote et le phosphore seulement la biomasse végétale mais aussi les ressources
(Swift et al., 1994). Toute modification de l’organisation pastorales disponibles pour le bétail alors qu’il assure
d’un écosystème et de ses flux de matières et d’énergie un transfert de fertilité depuis les zones non cultivées
entraîne alors un impact sur sa productivité et sa vers celles cultivées. A contrario, la bonne gestion de
durabilité. ces ressources organiques, et des flux de nutriments et
d’énergie que ces ressources supportent, est un gage de
Dans un écosystème, les matières organiques durabilité des pratiques agricoles.
constituent une ressource renouvelable qu’il convient
de gérer au mieux pour assurer les différents services Agir sur les cycles de la matière organique et des
écosystémiques. En effet, la dynamique de ces matières nutriments peut s’effectuer en intervenant à plusieurs
organiques met en jeu des formes variées de carbone niveaux :
(unité de mesure de la matière organique) manipulées ƒƒ sur la qualité de la ressource organique utilisée
par divers acteurs (hommes, plantes, animaux) qui les dans une pratique agricole : on pourra ainsi privilégier
produisent, les consomment ou les transforment le long certaines origines de litières comme celles des légumi-
de divers chemins trophiques (Manlay et al., 2007). neuses généralement plus riches en azote. Les fumiers
constituent des matières organiques transformées et
Dans le cas des systèmes agro-sylvo-pastoraux, les pratiques de compostage permettent de stabiliser la
notamment dans les zones soudaniennes et soudano- décomposition d’une matière organique tout en s’enri-
sahéliennes, la productivité des agrosystèmes est basée chissant en éléments nutritifs comme l’azote minéral ;
en grande partie sur la gestion de la ressource organique ƒƒ sur les pratiques qui favorisent les recyclages
(Manlay et al., 2004 ; Nye & Greenland, 1960 ; Pieri, des matières organiques dans les terroirs comme
1989 ; Tittonell et al., 2007). Dans un contexte de risques l’intégration des arbres, des cultures et de l’élevage, qui
climatiques accrus ou de contraintes socioéconomiques, apparaît alors comme un élément central de la durabilité
tout changement d’usage des terres implique une de certains agrosystèmes.
modification des compartiments organiques et des

tt Troupeau mixte
ovin, porcin, bovin, en
fin de saison sèche,
Tsiafajavona, Hautes
Terres de Madagascar.q
© K. Naudin

28 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Renforcer l’intégration de l’élevage


et de l’agriculture tout en préservant Jachères courtes
Champs
les ressources naturelles pluviaux
éloignés

Jardins
de case
Le système agro-sylvo-pastoral : un système adapté pour Brousse

les savanes ?
nds
-fo
Bas
Les savanes, dominées par une strate herbacée parsemée
d’arbres et d’arbustes, sont contraintes par des feux de
brousse et la présence d’herbivores (Koppel & Prins,
Flux via l’élevage
1998). Les savanes sont riches en multiples mammifères Cours d’eau
herbivores (gazelles, antilopes, gnous, buffles, etc.)
qui occupent des niches trophiques spécifiques. Cet 67 % des flux de C
77 % des flux d’N
écosystème abrite les plus grands mammifères terrestres 69 % des flux de P

et la plus grande biomasse d’herbivores par unité de


surface. Ainsi, la savane est reconnue comme étant
l’un des écosystèmes les plus productifs en termes de
biomasse animale (Mooney et al., 2001 ; Abbadie et al.,
2006). 1 TN/ha 1,2 TN/ha 2 TN/ha

On retrouve ces grandes diversité, hétérogénéité et


complexité dans les systèmes agro-sylvo-pastoraux
reconstitués et gérés par les populations humaines
rurales de façon traditionnelle (van Keulen, 2006). En
effet, comme nous l’avons déjà vu, les terroirs villageois
s’organisent classiquement en trois grandes zones en
dehors de la zone de l’habitat : les champs de case, les
champs de brousse et les parcours (savanes arborées ou pp Stock d'azote par unité paysagère et transferts de fertilité orchestrés q
forêts). Le paysage est ainsi marqué par l’alternance de par les troupeaux de bovins résultant en auréoles concentriques de fertilité.
D’après Manlay et al., 2004.
couverts à dominance ligneuse et de cultures annuelles.
Le bétail joue alors un rôle essentiel dans les transferts
de fertilité au sein du terroir (cf. figure ci-contre).

> ZOOM | La matière organique du sol est essentielle à la fertilité des sols

La matière organique du sol correspond à l’ensemble des du sol. Elle constitue un élément important de la qualité des
matériaux organiques, vivants et morts, présents dans le sols pour la production végétale.
sol, ce qui comprend à la fois les racines des plantes, les
microorganismes et la microfaune du sol et les résidus de Les processus de transformation des composés organiques
végétaux décomposés ou non. C’est un continuum de matières dans les sols sont des phénomènes complexes dans lesquels
plus ou moins complexes en perpétuel renouvellement. En interviennent divers facteurs dont les principaux sont : (i)
effet, la matière organique du sol est alimentée en permanence la nature des substrats organiques, (ii) les communautés
par les végétaux et animaux morts, ainsi que par des matières microbiennes impliquées et (iii) les caractéristiques du
organiques issues du métabolisme des êtres vivants comme les milieu dans lequel se déroulent les processus. Ces facteurs
exsudats racinaires. Des apports externes de matière organique interagissent dans l’espace et dans le temps à de multiples
(compost ou fumier par exemple) l’alimentent également. échelles, de l’agrégat du sol à l’écosystème ou l’agro-
écosystème. Manipuler ces différents facteurs peut alors
La matière organique du sol participe à la fertilité chimique des orienter la productivité d’un sol et de l’écosystème ou de
sols en fournissant des éléments minéraux nutritifs pour les l’agrosystème qui l’abrite.
plantes et à la fertilité physique par son effet sur la structure D’après Bernoux & Chevallier, 2013.

Agir sur les cycles de la matière organique et des nutriments 29


RETOUR SOMMAIRE

On trouve également, dans les systèmes agro-sylvo-


pastoraux, une forte diversité d’espèces végétales cultivées
cohabitant avec des plantes non cultivées (légumineuses,
céréales, arbres fruitiers, etc.), ainsi que des espèces
animales élevées (volaille, porcs, équins, ovins, bovins,
caprins, etc.). Ces espèces animales occupent des niches
trophiques complémentaires tout comme le font les
herbivores sauvages des savanes (cf. ci-contre).

De plus, tout comme dans les savanes naturelles, le feu


et les ruminants ont un rôle important dans l’entretien
de l’hétérogénéité des systèmes agro-sylvo-pastoraux :
ƒƒ l’éleveur, ou le chasseur, met le feu volontairement à
des rythmes variables (jusqu’à une fois par an dans les
champs de case et de brousse et moins fréquemment
dans les parcours, savanes et espaces forestiers) ;
ƒƒ les bergers mènent les troupeaux sur des zones de
pâturage et des aires de repos préférentielles conduisant
à accentuer l’hétérogénéité spatiale au travers du
parcage nocturne qui occasionne piétinement et
surpâturage. Cela permet aussi de concentrer la fertilité pp Diversité spécifique et niches trophiques similaires occupés par les
dans certaines zones (par exemple dans les champs animaux sauvages dans les écosystèmes naturels et par les animaux
d’élevage dans les systèmes anthropisés.
de case) et de créer des zones où les graminées sont © Google & J. Vayssières, 2014

exploitées à un rythme plus intense, ce qui améliore la


qualité du fourrage lors de la saison des pluies, période temps de jachère. Cette dynamique de l’occupation du
de forte croissance fourragère (Augustine, 2003 ; Fynn, sol, assez généralisée en zones sèches, conduit à une
2012). Ces pratiques d’élevage présentent alors des remise en cause du système traditionnel de transfert de
similitudes avec le comportement naturel des buffles de fertilité depuis les parcours vers les zones cultivées et,
savane (Winnie et al., 2008). parfois, à un départ des troupeaux divagants du terroir
villageois. Par exemple, dans le bassin arachidier du
En zones tropicales sèches, l’élevage est fortement Sénégal, les troupeaux de bovins partent aujourd’hui en
présent. C’est une activité particulièrement adaptée transhumance la quasi-totalité de l’année. On constate
aux contraintes climatiques de ces zones surtout si elle donc une baisse significative de la présence des animaux
mobilise des races rustiques (Nozières et al., 2011). Son dans la majorité des terroirs villageois de la zone. Le
haut niveau d’adaptation s’explique par (i) la mobilité chargement animal est passé de 3 à 1 UBT/ha* environ
des animaux capables de se rendre là où les fourrages et en moins de 50 ans, ce qui se traduit par une baisse
l’eau sont encore disponibles (Leclerc & Sy, 2011) et (ii) la significative de la fumure organique animale disponible.
capacité des animaux à stocker et déstocker des réserves
corporelles en fonction de la disponibilité saisonnière
des ressources fourragères (Mandonnet et al., 2011).

L’élevage, de ruminants tout particulièrement, est présent


dans la grande majorité des exploitations et des territoires
des zones sèches. En agriculture familiale dans les pays du
Sud, l’élevage est souvent associé à l’agriculture (Herrero
et al., 2010) et il permet aux systèmes agricoles à bas
niveaux d’intrants — qui dominent largement en zones
sèches — de produire durablement en fournissant de la
fumure animale (Vigne et al., 2013).

La croissance démographique en milieu rural conduit


pp Élevage de zébus, Sénégal.q
à une saturation progressive de l’espace, à la mise en Jeune berger et son troupeau de zébus.
J.-J. Lemasson © IRD
culture d’une partie des parcours et à une diminution des
*UBT : unités de bétail tropical, Unité utilisée pour les charges des pâturages et les
consommations. Elle correspond à un animal herbivore de 250 kg vif.

30 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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> ZOOM | Les systèmes « agriculture-élevage » vus comme des réseaux


trophiques
Par analogie aux écosystèmes naturels, une ferme — ou dans les Antilles (Stark et al., 2014) et, plus récemment, dans
un territoire agricole mixte « agriculture-élevage » — peut les zones sèches d’Afrique de l’Ouest (Bénégabou et al., 2014).
être représentée et analysée comme un réseau trophique où Ces travaux montrent une forte diversité du degré de cette
l’homme serait au sommet de la chaine, où les cultures et les intégration aussi bien d’une région à l’autre que dans une
formations végétales des parcours constitueraient la production même zone pédoclimatique. Cette forte diversité au sein d’une
primaire et où les ruminants et les autres animaux d’élevage même zone suppose des marges de manœuvre importantes,
constitueraient les maillons intermédiaires. l’hypothèse principale étant que plus l’intégration « agriculture-
élevage » est poussée et plus l’énergie et les nutriments (dont
Ce mode de représentation est très cohérent avec un des l’azote) sont conservés au cours de leur cycle et, donc, plus les
principes forts de l’intégration « agriculture-élevage », à systèmes agricoles sont efficients, productifs et respectueux
savoir l’utilisation, par une activité, d’une partie de la biomasse de l’environnement.
produite qui, elle, est produite par une
autre activité (et vice versa). Ainsi,
comme le montre la figure ci-contre,
cette intégration peut être analysée en
termes de recyclage de la biomasse.
En effet, les parcours — voire les
forêts, les cultures et tout autre lieu
de production primaire, notamment
les arbres hors forêt — génèrent de
la biomasse végétale qui est valorisée
en partie pour l’alimentation des
animaux. Réciproquement, ces animaux
produisent de la fumure organique
qui permet de restituer des éléments
nutritifs aux végétaux.

Cette intégration « agriculture-


élevage » a longtemps été décrite d’un
point de vue qualitatif uniquement.
Ces dernières années, des méthodes
quantitatives inspirées de celles
permettant l’analyse des réseaux
trophiques et s’intéressant aux
cycles des nutriments et de l’énergie,
sont mises en œuvre pour quantifier le degré d’intégration pp Recyclage de la biomasse dans les exploitations mixtes
« agriculture-élevage » dans divers régions du monde : en « agriculture-élevage ».q
Éthiopie, Kenya et Zimbabwe (Rufino et al., 2009), à La Réunion Les matières organiques sont recyclées dans une exploitation familiale
où sont associés des cultures et l’élevage. Les flèches indiquent les
(Vayssières et al., 2009), à Madagascar (Alvarez et al., 2013), transferts d’un compartiment à l’autre ainsi que les pertes au cours de
ces transferts.
© Reproduction de Rufino et al., 2006

L’élevage et la productivité des systèmes La présence de ruminants aboutit en outre à une


agro-sylvo-pastoraux réorganisation significative des cycles des nutriments
(Daufresne & Loreau, 2001) et, au final, permet
En savane, il est aujourd’hui reconnu que la présence des d’intensifier la productivité des écosystèmes cultivés en
ruminants, à un certain niveau de chargement, favorise zones de savane :
la production primaire (de Mazancourt et al., 1999 ; ƒƒ sur les parcours, le prélèvement de biomasse végétale
Hayashi et al., 2007). Les animaux, notamment les grands par les ruminants diminue certes la production de
ruminants, accélèrent le recyclage des nutriments par la strate herbacée mais ce broutage peut favoriser
une digestion des biomasses végétales et la production également le tallage des graminées, ce qui peut avoir
de déjections hautement concentrées en nutriments. pour effet de stimuler la croissance de la production
Ainsi, dans les systèmes agro-sylvo-pastoraux, les de biomasse aérienne, si la pression des animaux n’est
ruminants favorisent la mise à disposition de nutriments pas trop forte. Par ailleurs, le prélèvement diminue la
nécessaires au développement des cultures, notamment biomasse potentiellement soumise au feu, ce qui permet
l’azote et le phosphore (de Mazancourt et al., 1999 ; Roux un contrôle indirect du feu et une meilleure conservation
et al., 2006). de la matière organique (Mbow, 2000). Sur les cultures,

Agir sur les cycles de la matière organique et des nutriments 31


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qq Transhumance peule au Mali.q


Transhumance peule et traversée du Niger
par les zébus à Diafarabe au Mali.
G. Fédière © IRD

l’apport de matières organiques par les animaux d’élevage par exemple). Les conflits entre éleveurs et agriculteurs
permet de réduire la pression des adventices telles que demeurent d’actualité notamment là où les ressources
Striga hermonthica sur les céréales sèches (mil, sorgho) naturelles, les sols et jachères, sont partagés. Il est
et les légumineuses (arachide, niébé) cultivées en zones donc parfois nécessaire de retrouver une cohabitation
sèches (Kayeke et al., 2007 ; Dzomeku & Amegbor, 2013) ; intelligente pour gérer les espaces forestiers, agricoles et
ƒƒ les ruminants sont capables de digérer la cellulose pastoraux.
leur permettant ainsi de valoriser des biomasses non
consommables par l’homme et les animaux monogas- Accroître la résilience des systèmes agro-sylvo-pastoraux
triques d’élevage (porc, volaille) telles que les fourrages en agissant sur l’élevage
grossiers ou les résidus de culture.
Selon l’échelle, il existe trois voies privilégiées d’améliorer
L’élevage peut cependant avoir des effets non bénéfiques la résilience des systèmes agro-sylvo-pastoraux grâce à
notamment pour l’environnement ou la biodiversité. l’élevage :
En effet, l’augmentation des effectifs d’animaux ƒƒ au niveau de la parcelle : accroître les ressources
domestiques et des élevages, l’amélioration des fourragères disponibles ;
conditions sanitaires et le développement du transport ƒƒ au niveau de l’exploitation agricole : réduire les pertes
routier du bétail, exercent une pression négative sur en nutriments, notamment l’azote, depuis l’affourage-
l’environnement dans certaines conditions. Il suffit de ment de l’animal jusqu’à l’épandage des fumiers ou de
voir l’état de la végétation ou la dégradation des sols fèces par le parcage des animaux la nuit sur les parcelles
autour des puits dans le Sahel sur parfois plusieurs cultivées et en passant par les périodes de stabulation de
dizaines de kilomètres. Dans les parcours surpâturés, la l’animal au niveau de la ferme ;
régénération naturelle des ligneux peut être perturbée, ƒƒ au niveau du territoire : aménager l’espace pour
provoquant une perte de diversité et de productivité faciliter la présence et la mobilité des animaux d’élevage
des ligneux. Ces effets sont également accentués par les et ainsi permettre les transferts de fertilité tout en limi-
passages de feux de brousse provoqués par les éleveurs tant l’impact de l’élevage sur les ressources naturelles,
pour régénérer plus rapidement les herbacées. Enfin, la notamment des ligneux.
divagation des animaux en saison sèche dans les terroirs
empêche bien souvent la mise en œuvre de certaines Mis à part les résidus de culture qui sont largement
pratiques culturales améliorantes comme la plantation mobilisés pour l’alimentation des animaux, les princi-
de ligneux ou encore d’herbacées (jachères améliorées pales ressources fourragères existent naturellement sur

32 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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les parcours (graminées et arbustes essentiellement) et On peut intervenir à différentes étapes pour limiter
sont fournies par les arbres présents dans les champs les pertes d’azote sous forme gazeuse. Il est en effet
(par exemple Faidherbia albida dans le bassin arachi- recommandé :
dier du Sénégal). Accroître le disponible en ressources ƒƒ de collecter fréquemment les déjections animales et,
fourragères permet d’augmenter le disponible en si possible, de les rassembler dans une fosse fumière
fumure organique et donc d’améliorer le potentiel de pour limiter les pertes à la production (Blanchard et al.,
fertilisation des cultures. 2013) ;
ƒƒ de couvrir les fosses fumières avec une bâche pour
À l’échelle de la parcelle, la production fourragère limiter les pertes au stockage (Tittonell et al., 2010) ;
peut être accrue par la plantation d’arbres fourragers ƒƒ d’enfouir la fumure organique à l’épandage pour
(Vandenbeldt & Williams, 1992 ; Ibrahim & Tibin, 2003), réduire les pertes au niveau des champs (Murwira,
l’introduction de plantes fourragères légumineuses ou/et 1995). Il existe une grande diversité de pratiques liées
la régulation des chargements animaux afin d’optimiser la aux déjections animales en Afrique de l’Ouest (cf. photos
production primaire des parcours. Accroître les capacités ci-dessous).
de stockage des fourrages dans des abris, plutôt que dans
les arbres ou sur les toitures, permet également de limiter Il est plus difficile de limiter ces pertes gazeuses avec
les pertes et de mieux conserver les fourrages jusqu’à la la divagation des animaux car une grande partie des
période de soudure. Cette solution technique est d’autant déjections est alors directement restituée au champ
plus bénéfique qu’elle s’applique à des fourrages à haute ou au parcours. L’essentiel des mesures proposées ci-
valeur alimentaire tels que la fane d’arachide ou de niébé. dessus sont applicables quand les animaux passent au
moins une partie du temps à l’étable ou dans un parc
L’azote est l’élément minéral le plus limitant dans les (cas de l’embouche bovine).
systèmes agricoles en zones sèches. L’introduction de
l’animal dans le cycle de la biomasse conduit à une Enfin, à l’échelle du territoire, le maintien de jachères
ouverture du cycle de l’azote, c’est-à-dire à des risques courtes (Odru, 2013) ou de couloirs au sein du terroir
de perte d’azote (Rufino et al., 2006). En effet, la présence (Brottem, 2014), est une solution pour garder les
de l’animal accroît le nombre d’étapes où la biomasse est animaux à l’année. Cependant, ces systèmes doivent
transformée, manipulée et où les échanges gazeux sont être conçus pour relier les différentes zones du terroir,
possibles. Cette présence augmente donc le risque de depuis la périphérie du village vers son centre, afin de
perte d’azote sous forme gazeuse (ammoniac). En zones permettre les transferts de fertilité entre ces zones.
sèches, ce risque est accentué par les températures Accroître parallèlement la taille des troupeaux de façon
élevées et la faible hygrométrie. En revanche, les pertes raisonnée en lien avec le disponible fourrager du terroir,
sous forme liquide, par érosion ou par lixiviation des permet d’augmenter ces transferts de fertilité et donc
nitrates (NO3-), sont probablement limitées étant don- d’intensifier écologiquement la production agricole à
nées les pluviométries plus faibles dans les zones sèches l’échelle des terroirs villageois (Vigan et al., 2014). Cette
(Vayssières & Rufino, 2012). Ces fuites d’azote sont non voie reste plus compliquée à mettre en œuvre car elle
seulement des nuisances potentielles pour l’environ- suppose une capacité de coordination et d’organisation
nement (par exemple, contribution au réchauffement collective des communautés concernées. Cette capacité
climatique et à l’eutrophisation des milieux aquatiques) peut être renforcée grâce à des travaux de cartographie
mais elles sont aussi à l’origine de pertes de productivité et de modélisation participative.
de l’écosystème dans sa globalité.
qq Diversité des pratiques de gestion des déjections animales en Afrique de l’Ouest.

Parcage nocturne de bovins sur une Tas de fumier dans une exploitation Fosse fumière dans une exploitation
parcelle agricole de Sare Yoro Bana. familiale de Bary-Sine. familiale de Koumbia.
Casamance, Sénégal. Bassin arachidier, Sénégal. Zone cotonnière, Burkina Faso.
© J. Vayssières, 2014 © J. Vayssières, 2014 © M. Blanchard, 2010

Agir sur les cycles de la matière organique et des nutriments 33


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> EXEMPLE | Un projet pour mieux produire de la fumure organique au


Burkina Faso
Dans les systèmes de polyculture-élevage de l’Ouest du Ce projet a permis de renforcer la capacité d’innovation des
Burkina Faso, les agriculteurs pratiquent l’épandage de fumure agriculteurs grâce à l’acquisition et à la construction d’un
organique et d’engrais minéraux pour gérer la fertilité de leurs nouveau référentiel technique sur la production des fumures
sols. Mais les engrais minéraux restent peu utilisés pour des organiques. Le projet a ainsi contribué à l’élaboration de
raisons économiques et seulement 9 % des besoins en fumure techniques de fabrication de compost au champ à moindre
organique sont couverts. investissement en temps de travail en s’appuyant sur (i) un
remplissage unique de la fosse en fin de saison sèche (année
En effet, la production de fumure organique s’appuie sur des n) et une vidange de la fosse lors de la saison sèche de l’année
techniques peu diversifiées, valorisant une faible fraction des n+1, (ii) l’utilisation de tiges de coton sans hachage, (iii) l’absence
biomasses produites sur l’exploitation (ordures ménagères, de retournement et (iv) la pluie comme unique apport d’eau.
déjections animales et résidus de culture) : seuls 12 % des Les évaluations ex post du projet ont montré que la production
résidus de culture produits seraient ainsi utilisés pour la de fumure organique dans les exploitations avait augmenté
production de fumure organique. Les exploitations sont grâce à la multiplication des lieux de production répartis entre
mal équipées en infrastructures favorisant la valorisation la concession et les champs réduisant les temps de transport.
des produits organiques de l’exploitation : seuls 33 % des Ainsi, l’utilisation de la fumure a été multipliée par 3,4 entre
exploitations possèdent une fosse fumière à la concession et 2007 et 2011. Ces travaux ont également débouché sur une
7 % une fosse au champ. De plus, les paysans ont une faible reformulation des normes d’épandage des fumures organiques
maîtrise des conditions de décomposition de ces biomasses selon la qualité des matières organiques disponibles et le type
(rapport C/N, aération, humidité) et la matière organique ainsi de sol cultivé (cf. ci-dessous) par rapport à des standards
produite est de faible qualité, 83 % de ces matières organiques généralement calés sur une fumure organique de bonne qualité
présentent des teneurs en carbone et en azote inférieures à, (Berger, 1996).
respectivement, 12 g C.100gMS-1 et 0,6 g N.100gMS-1 (Blanchard
et al., 2014). L’épandage de fumure organique est souvent limité
aux champs proches de la concession et de la fosse fumière Recommandations d’application de fumure organique
car seulement 50 % des exploitations possèdent une charrette
Application de fumure organique
pour le transport des biomasses (Vall et al., 2006).
(kg MS ha-1 an-1)
Dans ce contexte, l’objectif du projet « Partage d’innovations Type de fumure organique Sols sableux Sols argileux
agro-pastorales et fertilité des sols » (Fertipartenaires, 2008- Fumier riche 2 381 2 054
2014) était d’améliorer la fertilité des sols en augmentant la Fumier de qualité moyenne 5 112 4 410
production des fumures organiques dans les exploitations et en Compost riche 4 047 3 491
améliorant leur gestion. Le projet s’est appuyé pour cela sur une Compost de qualité moyenne 5 337 4 604
démarche de conception en partenariat avec les agriculteurs
Tableau d’après Blanchard et al., 2014.
de systèmes agricoles innovants. Pour plus d’informations sur le projet Fertipartenaires : http://food-fertipartenaires.cirad.fr

> ZOOM | Un programme de recherche sur les effets du bois raméal sur
les sols et les plantes cultivées au Burkina Faso
Les objectifs du programme « Woody Amendments for de bois raméal stimule fortement l’activité des termites (4 à
Sudano-Sahelian Agriculture » (WASSA), financé par l’Union 18 fois par rapport aux autres traitements). La comparaison
européenne et mené conjointement par l’IRD, l’Université de des résultats avec d’autres études montre qu’il n’existe pas
Ouagadougou et l’Institut des sciences et industries du vivant de tendance généralisable en conditions tropicales sèches. Il
et de l’environnement (AgroParisTech), sont (i) d’évaluer si existe en effet une diversité des processus d’action des bois
les propriétés des sols de savane et les performances des raméaux qui dépendrait des conditions écologiques locales.
plantes cultivées peuvent être améliorées de façon spécifique
en utilisant des amendements raméaux et (ii) de connaître la L’évaluation de la disponibilité de la ressource en bois raméaux
disponibilité de la ressource en branches dans les territoires pour un usage agroécologique dans deux terroirs villageois
villageois. (sous climats sec et subhumide) a par ailleurs permis de
construire des modèles de prédiction de la biomasse raméale
L’impact de l’amendement du sol avec du bois raméal de stockée et produite par arbre. La biomasse susceptible d’être
Piliostigma reticulatum, couplé ou non avec de l’azote minéral, la plus disponible, sans compétition avec d’autres usages
sur le sorgho et sur le sol, a été étudié pendant trois campagnes actuels ou futurs, serait constituée par les branches fines et
agricoles sous une pluviosité annuelle moyenne de 700 mm par les arbrisseaux, soit, respectivement, 1,75 et 8,51 tonnes
et en comparaison avec des apports traditionnels de résidus de matière sèche cultivée en zones sèches et subhumides.
de culture. À faible dose (1,5 t MS/ha/an), l’apport de bois Ces estimations sont cependant très incertaines du fait, entre
raméaux augmente peu les performances du sorgho par autres, d’une forte hétérogénéité spatiale. Elles suggèrent
rapport à des apports équivalents en paille, mais un peu néanmoins la nécessité de densifier les peuplements ligneux
plus par rapport au témoin sans apport. Cependant, les pour satisfaire durablement les besoins en branches même
différences sont rarement significatives, du fait, en partie, pour des scénarios d’amendements modestes.
des fortes variabilités spatiales et interannuelles des variables
suivies. Les propriétés chimiques (carbone, azote, phosphore D’après Barthès et al., 2010.
disponible) sont également peu impactées. En revanche l’apport Pour plus d’informations : www.wassa-eu.org

34 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Restaurer la vie biologique des sols de savanes


par des intrants organiques spécifiques

La fertilisation organique des sols d’Afrique subsaha- ces qualités étant toutefois garanties par l’apport de
rienne est la principale gestion des matières organiques bois de petit diamètre seulement. La diversification
des sols de ces régions. Les ressources organiques sont des chemins trophiques entraînerait celle des formes
souvent limitées dans ces zones et les résidus ligneux de vie dans le sol, l’amélioration des propriétés du sol,
(petites branches et feuilles) liés à l’exploitation légale et, finalement, la croissance des plantes. Le carbone
et durable de l’élagage des arbustes ou des recépages apporté aurait autant vocation à être utilisé comme source
(bois raméal) y représentent une ressource organique d’énergie pour maintenir l’organisation de l’écosystème
importante. qu’à être stocké de façon durable sous forme stabilisée.

En effet, l’application de branches d’arbres sur les sols Un état des connaissances scientifiques sur l’impact
pour leur conservation ou leur restauration s’inscrit de l’apport de bois raméal au sol sur l’agro-écosystème
dans une logique d’imitation de l’écosystème arboré suggère un effet généralement positif sur les propriétés
naturel. Dans les zones sèches, l’apport de bois raméal du sol et les performances de la plante cultivée (Barthès
imiterait, sur les sols cultivés, des apports organiques et al., 2010, cf. page précédente). Mais ce document
existant dans les sols de savanes qui sont considérés indique également que peu d’études ont été menées en
comme des modèles de fertilité et de stabilité. L’impact zones arides, et interroge la pertinence du témoin — un
de ces apports de branches d’arbres serait fortement traitement sans apport de fertilisant — utilisé pour
lié à leurs qualités biochimiques (richesse en lignine évaluer l’intérêt du bois raméal par rapport à d’autres
faiblement polymérisée, teneur minéral équilibrée) qui pratiques de fertilisation.
stimuleraient les champignons plutôt que les bactéries,

qq Apport de résidus ligneux pour récupérer des sols


dégradés. Kindi, Burkina Faso.q
© D. Masse

Agir sur les cycles de la matière organique et des nutriments 35


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pp Zaï/Tassa sur les plateaux de Badaguichiri, région de Tahoua, Niger.


© B. Bonnet

Nourrir localement la plante

De nombreuses observations en milieu naturel en zaï. Zougmoré et al. (2005) ont montré également
montrent que certaines plantes, pour se maintenir en que l’addition dans une cuvette de compost ou de
vie, concentrent des éléments nutritifs autour de leur fumier, à la dose de 300g par cuvette, permet d’obtenir
système racinaire. Le zaï, pratique agricole rencontrée un rendement huit fois plus important que sans apport
dans les zones sahéliennes du Burkina Faso et du Niger, de fumure (800 kg.ha-1 de grains de sorgho). Somé et al.
peut être considéré comme une reproduction de ce (2004), étudiant les effets du zaï sur la culture du niébé,
principe écologique. donnent des résultats semblables : le zaï permet une
production de 200 kg.ha-1 de niébé et de 1 200 kg.ha-1
Le zaï en mooré (langue locale, Burkina Faso) signifie de fanes, tandis que la production du témoin est nulle.
« se lever tôt et se hâter pour préparer sa terre » en L’apport d’engrais (NPK), dosé à 80 kg.ha-1, ou son
émiettant la croûte du sol avant le semis. Il s’agit association au compost, a permis d’atteindre 900 kg.ha-1
d’une méthode traditionnelle qui permet de récupérer de sorgho sur un zipellé de type gravillonnaire, contre
les terres dégradées (encroûtées), « zipellé », ou très 690 kg.ha-1 avec le compost uniquement.
dégradées (« zipédaaga ») dans le Yatenga (région Nord
du Burkina Faso). Cette pratique consiste à creuser à La mise en jachère des champs soumis à cette gestion de
la pioche de petites cuvettes de 20-40 cm de diamètre zaï agricole permet en outre une installation progressive
et de 10-15 cm de profondeur en période sèche et à y de la végétation (herbes, ligneux) et, par conséquent,
déposer une ou deux poignées de fumure organique. aboutit à un autre type de gestion : le « zaï forestier ».
Elle permet une régénération ponctuelle et localisée de Cette pratique est surtout illustrée par l’expérience
ces sols dégradés qui combine à la fois une ouverture de d’un agriculteur, M. Yacouba Sawadogo, démarré dans
la croûte de battance, une captation du ruissellement et le village de Gourga (région du Yatenga) au début des
des éléments organiques, un apport localisé de matière années 1980. À partir d’une parcelle cultivée en zaï, il a
organique et d’éléments minéraux et une réactivation de laissé pousser et a entretenu, au moment du désherbage,
la vie microbienne. Elle permet d’assurer une production les plantules d’arbres plantés dans une cuvette sur trois
agricole dans des régions particulièrement difficiles. parmi la culture. À la récolte, les tiges étaient cassées
à 1 mètre de hauteur de manière à protéger la jeune
Au Burkina Faso, les travaux de Roose et al. (1999) ont plantule de l’érosion éolienne et de la vue du bétail. Au
montré que les rendements augmentaient grâce à cette bout de quelques années (5 ans), un couvert forestier a
méthode — de 0,2 t.ha-1 de grains de céréales sur la été reconstitué dont les arbustes sont utilisés en taillis
parcelle témoin à 1-1,7 t.ha-1 sur la parcelle aménagée ou perches (premières récoltes de bois de feu).

36 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Le zaï rend ainsi possible la culture sur des terres ƒƒ cette technologie n’est efficace que dans la zone
dégradées en permettant la gestion du ruissellement, la soudano-sahélienne, avec une pluviosité annuelle com-
conservation du fumier et des semences, la concentration prise entre 300 et 800 mm ;
des éléments fins, des fertilisants et de l’eau dans les ƒƒ les poquets de zaï devant être creusés durant la
cuvettes, à proximité immédiate des plantes, surtout saison sèche, la pénibilité et la durée du travail restent
au début et à la fin de la saison des pluies. Par ailleurs non négligeables. Selon Roose et al. (1995), le zaï exige
le regain des activités biologiques permet d’améliorer 300 heures de travail à la pioche, soit environ 3 mois de
les propriétés du sol et de créer un milieu favorable au travail pour un homme, pour restaurer 1 hectare ;
développement des cultures. À travers cette pratique ƒƒ les disponibilités en fumier, en eau, en main d’œuvre
de réhabilitation, des superficies incultes peuvent être et en moyens de transport, sont également des facteurs
récupérées et l’exploitation rendue possible. Aussi, la incontournables dans la pratique du zaï ;
pression, sur les terres et sur les ressources naturelles, ƒƒ enfin, le zaï demande, pour réussir, une gestion de
peut être réduite. l’eau au-delà de l’échelle de la parcelle, c’est-à-dire à
celle du paysage ou du bassin versant notamment par la
Cependant, le zaï, malgré ses nombreux avantages, ne mise en place dans les champs de cordons pierreux afin
peut pas résoudre toutes les contraintes à la production de maîtriser le ruissellement et de conserver sur place
agricole dans le Sahel : les matières organiques.

pp Réparation du sol pour la pp Dépôts des matières organiques pp Semis dans une parcelle pp Zaï et cordons pierreux sur des
pratique du zaï au Burkina Faso (Ziga, dans les mini-cuvettes au Burkina aménagée en zaï au Burkina Faso parcelles agricoles au Burkina Faso
Yatenga). Faso (Ziga, Yatenga). (Ziga, Yatenga). (Ziga, Yatenga).
© T. Kaboré © T. Kaboré © T. Kaboré © D Masse

Casser les tiges vers 1m


pour protéger du vent
Vent Ruissellement Poudrette et de la vue du bétail
sur croûte Peu d’adventices la frêle tige forestière.
car sol encroûté
Croût
e
Front
d’humectation
après Infiltration
une averse localisée
Termitière

Nid de termites
Trinervitermes

Racines profondes
pp Les termites collectent les matières organiques, creusent les galeries
dans le fond de la cuvette, d’où entonnoir pour le ruisellement.
D’après Roose et al., 1993.

Agir sur les cycles de la matière organique et des nutriments 37


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Mieux utiliser l’eau disponible

Dans les zones


semi-arides et arides
d’Afrique de l’Ouest,
l’offre en eau est Actuellement, la ges- Enfin, les eaux après leur utilisation par les activités
limitée (300 à 900 mm tion de l’offre en eau humaines peuvent constituer une ressource non
de précipitation consiste en la capture négligeable notamment autour des villes. Le recyclage
des pluies et des ruis- de ces eaux usées et, notamment, leur utilisation en
annuelle, saison sèche
sellements de surface. agriculture participe à une gestion durable de l’eau.
inférieure à 6 mois) En matière de gestion Cette gestion durable sera d’autant plus nécessaire si
et irrégulière. Cette de la demande, il s’agit les ressources en eau sont de plus en plus limitées et,
offre en eau réduite et de s’adapter à la pénu- plus particulièrement, dans les zones les plus arides.
aléatoire est un facteur rie chronique ou aux Autour des villes, des projets d’utilisation des eaux usées
limitant les rendements risques de sécheresse ont ainsi permis d’intensifier une production ligneuse
des cultures et sa en jouant sur de mul- (cf. page 40).
gestion doit alors être tiples variables. À partir
de recherches menées S’adapter à des pluies erratiques ou aux risques
améliorée.
dans les années 1980 de sécheresse
au Burkina Faso, les
procédés utilisés pour Une organisation globale de l’exploitation agricole et de
harmoniser l’offre et la demande en eau dans les agro- la communauté ad hoc
écosystèmes ont été recensés (cf. page 40).
Le système de production agricole fondamental de ces
Cette gestion peut être améliorée de différentes façons : zones sèches est une agriculture familiale manuelle,
(i) adaptation à l’offre aléatoire en eau et aux risques céréalière, pluviale, diversifiée, sous parc arboré,
de sécheresse, (ii) conservation de l’eau au niveau de combinée le plus souvent à un élevage. Ce système
la parcelle en limitant le ruissellement et (iii) prise en vise l’autosubsistance avec une commercialisation
compte du rôle essentiel que jouent les arbres sur le sol du surplus. Le stockage des grains permet de réduire
et l’eau en zones sèches. la vulnérabilité aux aléas climatiques ou biologiques

qq Aménagements des parcelles paysannes de la vallée de Badaguichiri,


région de Tahoua, Niger.
© B. Bonnet

38 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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interannuels. L’eau persistant dans le sous-sol en saison et sols compacts ou encroûtés, mulchs localisés)
saison sèche est valorisée par des cultures de décrue ainsi qu’à des cordons pierreux et des murets antiérosifs
(sorgho), les arbres du parc (fruitiers, fourragers) et des sur des sites escarpés et à un petit arrosage manuel des
productions maraichères arrosées dans les bas-fonds. jardins à partir de puisards dans les bas-fonds.
La réactivité, par exemple lors des semis dès les
premières pluies, et une petite mobilité, avec différentes Les techniques culturales appliquées à la parcelle visent
parcelles réparties sur le territoire, permettent de aussi à gérer la demande, par une adaptation étroite à
profiter de la distribution aléatoire des pluies et des divers une offre réduite en eau par le choix de la plante cultivée :
milieux accessibles (pentes, bas-fonds), grâce à un accès le mil au nord, puis, en allant graduellement vers le
souple au système foncier géré au niveau du lignage. sud, le sorgho, le maïs, le riz et les tubercules. Calage
du cycle, photopériodisme, résistances, profondeurs
Des techniques culturales qui visent à limiter les besoins de l’enracinement, sont également les principaux
en eau des plantes caractères adaptatifs des variétés locales. Les techniques
culturales extensives (faible densité, faible niveau de
Des formes de gestion de l’offre en eau à la parcelle fertilisation) et les sarclages constitueraient une autre
existent et sont limitées à des techniques favorisant source de réduction de l’évapotranspiration (Serpantié
l’infiltration des pluies (sarclages en saison des pluies, & Milleville, 1993).
piochages préalables ou zaï dans les zones à courte

qq Riz pluvial sur couverture de Stylosanthes guianensis.


Lac Alaotra, Madagascar.
© K. Naudin

Mieux utiliser l’eau disponible 39


RETOUR SOMMAIRE

qq Procédés d’harmonisation de l’offre et de la demande en eau dans l’agro-écosystème.


Deux critères sont ici croisés : le caractère traditionnel ou introduit récemment et le
processus écosystémique qu’implique la pratique considérée de gestion de l’eau.

Processus impliqué Organismes ou Ingénierie paysanne ou Ingénierie


Fonctions
dans l’écosystème constituants dédiés améliorée à faible impact à fort impact

Capture de l’eau
Arbres et arbustes spécialisés Capteurs artificiels
atmosphérique
Débris, litières, organismes
- Mulchs localisés pour
maintenant une porosité
Capture de l’eau pluviale et réhabiliter les processus
ouverte, d’organismes assurant
des ruissellements exogènes d’infiltration
une destruction des croûtes Labour
Capture de à l’échelle « station » - Sarclages superficiels (iler,
superficielles (par exemple
l’eau (fonction d’infiltration) daba)
termites, fouisseurs, piétinement
- Piochages localisés (zaï)
des herbivores)
Alternance de bandes de Micro-barrages, réseaux de
Capture de l’eau pluviale et
végétation et de bandes sans diguettes, terrasses, demi- - Banquettes en terre
des ruissellements exogènes
végétation servant d’impluvium lunes, mosaïques cultures- - Barrages
à l’échelle du paysage
(brousses tigrées) jachères
- Matière organique et argile
Fumure organique
Mise en - Arbres et racines spécialisés
Réserve utilisable Enrichissements en argile Amendements hydrophiles
réserve (baobabs, latex, ignames, cactus,
Jachères longues
etc.)
Accroître la profondeur - Racines pivot Mil, arachide, arbres Grande exhaure et
d’exploration - Plantes spécialisées associés distribution
Épines, vernis, herbicides Faibles densités,
Réduire la transpiration
naturels, phénologie adaptée, sarclages, calendrier,
et sécuriser les phases Herbicides
suppression de la strate photopériodisme,
critiques
Économie herbacée, physiologie économe amélioration variétale
d’usage Redistribuer l’eau et - Parc arboré
Redistribution hydraulique
optimiser l’usage - Barrages souterrains Barrages réservoirs
(arbres), étagement
inter-saisonnier - Petite exhaure
Sorgho de saison sèche
Accroître la capacité Plantes spécialisées dans les sols
(muskuari), cucurbitacées
d’absorption des reliquats argileux, acacias
dérobées

> ZOOM | Réutilisation des eaux usées à des fins de plantations de ligneux

En zones arides et semi-arides, divers pays (notamment et d’un début de décomposition de leurs feuilles.
le Koweït, la Tunisie et l’Égypte) ont mené des plantations Une couverture herbacée apparaît également, ce qui laisse
d’espèces à croissance rapide en utilisant les eaux partiellement entrevoir une possibilité de sylvo-pastoralisme, à condition
traitées des stations d’épuration voisines (Bartolone & que la capacité de charge du bétail soit respectée, ainsi que
Arlosoroff, 1987 ; Braatz & Kandiah, 1996). La ville de Mexico diverses règles de mises en défens. Ces plantations avec
a testé, en 1996, le recyclage des eaux usées sur environ REU sont encore considérées comme des expériences pilotes
90 000 ha. Braatz et Kandiah (1996) rapportent que 7 à 8 % du pour diverses raisons (choix encore restreint des espèces,
volume total des eaux usées urbaines produites dans l’État sylviculture à préciser, évolution des sols et infiltration du
de Californie (États-Unis) y sont utilisés pour l’irrigation des surplus des eaux inutilisées dans la nappe phréatique). Tous les
espaces verts. risques d’échec partiel ne sont cependant pas levés. En effet,
au-delà des problèmes sylvicoles, les principaux problèmes de
Dans les terres sableuses du Sahara, à proximité de grandes la REU à régler sont la dynamique de l’eau et des nutriments
villes touristiques, différents projets pilotes de plantation ont dans les sols, les formes d’enracinement des ligneux, les
vu le jour en Égypte (Qéna, Luxor, Aswan, Wadi Na Troum, Abu interactions avec les pratiques d’élevage, et, enfin, les droits
Rawash…). Ils ont pour but la réutilisation des eaux usées d’utilisation de cette nouvelle ressource ligneuse.
(REU) de diverses agglomérations à des fins forestières tt Eucalyptus
(Bellefontaine, 1998). Pour des raisons économiques, ces eaux issus de graines
subissent souvent un ou deux cycles (traitements primaire et « tout venant »
secondaire) avant d’être utilisées pour l’irrigation de forêts âgés de 3 ans et
plantés sur sable
artificielles, implantées sur des sols désertiques, parfois salés. du désert de
La plupart des parcelles visitées impressionnent le visiteur, car Luxor alimentés
elles sont implantées en milieu complètement désertique, sans par des eaux
aucune couverture herbacée. Celle de Luxor, en particulier, usées, Égypte.
© R. Bellefontaine
montre qu’en moins de deux ans, on peut créer une certaine
ambiance forestière, du fait de l’ombrage qu’apportent les
ligneux (Acacia saligna, Morus spp. et Eucalyptus camaldulensis)

40 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
RETOUR SOMMAIRE

Conserver l’eau au niveau de la parcelle en


limitant le ruissellement : l’exemple des paillis
végétaux

Le paillis assure une protection physique des sols

Dans les zones tropicales, l’agressivité des pluies sur les


sols dont la couverture végétale est réduite du fait de
la mise en valeur agricole ou de la surexploitation des
ressources naturelles, participe aux processus d’érosion
des sols et in fine à leur dégradation.

Dans les régions arides et semi-arides soumises à des pp Effet barrage et effet tortuosité des paillis, même
régimes de pluie irréguliers mais agressifs, les paillis partiels, sur le ruissellement superficiel au Mexique.
© A. Findeling
végétaux, constitués des résidus issus des plantes
ayant précédé la culture en place, peuvent protéger De telles techniques d’agriculture de conservation
le sol des impacts directs des gouttes de pluie, réduire peuvent ainsi réduire les processus d’érosion. Elles
les écoulements latéraux responsables des pertes par sont en effet basées sur les principes de non-travail
ruissellement et améliorer la réserve en eau disponible du sol, de protection de sa surface, de diversification
pour les plantes (cf. figure ci-dessous). Ces paillis réduisent des cultures en rotation et/ou en association avec la
significativement les pertes directes par évaporation culture principale. La présence de résidus végétaux à la
mais ils peuvent aussi intercepter directement l’eau de surface du sol permet d’améliorer l’état de surface du
pluie qui s’évapore alors dans l’atmosphère sans jamais sol en diminuant la proportion de surface encroutée
atteindre le sol, ce qui peut limiter en partie leur efficacité défavorable à l’infiltration de l’eau comme l’indiquent
si les pluies sont fréquentes et peu importantes. les résultats d’une étude menée au Mali (cf. figure
ci-dessous).

En zones sèches, les biomasses végétales issues des


Suface ouverte (% sol nu) Surface fermée (% de sol nu)
cultures sont exposées à de multiples usages et subissent
100
souvent de fortes pressions de la part des animaux
d’élevage qui les consomment (Autfray et al., 2012). Les
80
résidus restants, limités, permettent alors uniquement
60 l’établissement de paillis partiels.

40 qq Effets du paillis sur le bilan hydrique par modification du


ruissellement, de l’infiltration et de l’évaporation directe du sol.
20
Transpiration
(flux productif)
0
CS DMC1 DMC2 CS DMC1 DMC2 CS DMC1 DMC2
11 mai 2007 20 juin 2007 14 juillet 2007

pp États de surface du sol selon le système de


culture du coton, 2007, Sud Mali.q Pluie
Les trois dates se situent au début du cycle de
la culture du coton.
Beige. Pourcentage de la surface croutée.
Marron. Pourcentage de la surface poreuse.
CS. Rotation sorgho//coton avec labour Évaporation Évaporation
conventionnel et sans résidus. du paillis
Ruissellement
DMC1. Rotation sorgho//coton sans labour et
(Érosion)
avec résidus.
DMC2. Rotation sorgho+Urochloa ruziziensis//
coton sans labour et avec résidus.
D’après Sissoko et al., 2013.
Réserve en eau Infiltration
utilisable par
les plantes

Drainage (Lixiviation)

Mieux utiliser l’eau disponible 41


RETOUR SOMMAIRE

La présence de paillis, même à des niveaux très faibles, réduite de 10 à 40 % en fonction des quantités de paillis
réduit considérablement le ruissellement, lui conférant apportées (Scopel et al., 2004). Les pertes en eau par
une capacité à contrôler les processus d’érosion, comme interception directe du paillis restent limitées avec une
cela a été démontré au Mexique en testant différents capacité d’interception qui reste faible (1 à 3 mm/ha).
niveaux de paillis (de 1,5 à 4,5 tonnes/ha) durant
plusieurs années (cf. figure ci-contre). L’augmentation Ces paillis, même très partiels, améliorent donc
graduelle des quantités appliquées de paille réduit considérablement la qualité du bilan hydrique
rapidement les pertes par ruissellement par un facteur des cultures, augmentant systématiquement l’eau
de 2 à 4. Les pailles forment en effet des barrages disponible en début de période sèche et permettant
naturels à l’écoulement de l’eau, ralentissent son flux et ainsi aux cultures de fonctionner plus longtemps avant
augmentent la sinuosité de son parcours, donnant plus de devoir réduire leur activité photosynthétique et de
de temps à l’eau pour s’infiltrer. Cette modification du subir les effets du stress hydrique.
ratio ruissellement/infiltration est généralement l’effet
le plus important des paillis et son ampleur améliore
considérablement la disponibilité en eau. 400
1995
350 1
1996
Les paillis partiels sont également très efficaces contre 1
1997

Ruissellement annuel (mm)


l’érosion. En effet, une application de 1,5 t/ha de paillis 300

seulement permet de réduire de 2 à 10 fois les pertes 250


en sol, soit jusqu’à 0,4 t de carbone/ha/an maintenu
200
sur la parcelle en comparaison avec des parcelles non
paillées, qu’elles soient labourées ou non. À l’inverse, 150
les préparations mécaniques du sol conduisent à
100
une meilleure captation des eaux de pluies durant les
premières précipitations mais elles favorisent ensuite un 50
encroutement rapide des sols. Dès lors, les ruissellements
0 BS DS-0 DMC-1,5 DMC-3 DMC-4,5 CT
redeviennent très importants et ce, très rapidement si le
sol est fragile et le travail du sol trop intense.
pp Effet du labour et de la gestion des résidus sur le ruissellement
annuel total sur une pente à 7 %, La Tinaja, Mexique, en 1995
L’agriculture de conservation améliore l’activité biologique (précipitations de 359 mm), 1996 (576 mm) et 1997 (693 mm).q
BS. Contrôle, sol nu
des sols… DS-0. Semis direct sans paillis
DMC-1.5. Semis direct avec paillis (1,5 Mg ha-1)
DMC-3. Semis direct avec paillis (3 Mg ha-1)
La suppression du travail du sol et la présence d’une DMC-4.5. Semis direct avec paillis (4,5 Mg ha-1)
couverture végétale favorisent l’activité biologique CT. Labour conventionnel
D’après Scopel et al., 2005.
du sol. Parmi les invertébrés qui sont favorisés par les
techniques d’agriculture de conservation, un certain
80
nombre sont considérés comme des «  ingénieurs du
a
sol » qui créent, par leur activité, une macroporosité 70

favorable à l’infiltration de l’eau. Ainsi, dans la région de


Vers de terre individus/ m2

60
l’Extrême-Nord du Cameroun, les parcelles gérées en
50
agriculture de conservation présentent significativement
plus de vers de terre que celles non labourées et sans 40
b
couverture, ou que celles labourées (cf. figure ci-contre). 30 bc

De tels effets sur la structure du sol et sur la porosité c


20
entretiennent des conditions favorables à une bonne
10
dynamique de l’eau.
0
L SD SD G SD GL
… et la qualité du bilan hydrique des cultures
pp Abondance de vers de terre du sol (classe des Oligicheta) selon les
techniques culturales, Nord-Cameroun.q
Les paillis limitent l’évaporation de l’eau stockée dans les L. Labour conventionnel sans couverture végétale.
SD. Semis direct sans couverture végétale.
sols. Même si la quantification directe de ce paramètre SD G. Semis direct avec couverture végétale et rotation avec des graminées.
est difficile, des estimations faites par modélisation au SD GL. Semis direct avec couverture végétale et rotation avec des
graminées + légumineuses.
Mexique ont montré que cette évaporation peut être Adapté de Brévault et al., 2007.

42 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
RETOUR SOMMAIRE

Ainsi, dans les contextes de faible pluviométrie, les d’agriculture de conservation basées sur un paillis
techniques d’agriculture de conservation améliorent accompagné d’un semis direct peuvent donc être un
de façon significative, et ce dès la première année, les facteur non négligeable de sécurisation alimentaire.
rendements des cultures pluviales. Au nord-Cameroun, Enfin, la réduction de l’érosion, la stabilisation d’un
ce constat a été fait uniquement dans les régions les stock de carbone dans le sol, l’activation d’une activité
plus arides telles que celle de l’Extrême-Nord (cf. figure biologique stable, sont autant d’effets bénéfiques à
ci-dessous). plus long terme contribuant à une stabilisation de la
production et qui peuvent s’ajouter aux effets à court
Avec travail du sol terme via la modification du bilan hydrique.
2,0 Sans travail du sol et sans mulch
Sans travail du sol et avec mulch
Toutefois les biomasses végétales sont soumises dans
Rendement en coton (t.ha-1)

1,5 ces régions à une forte concurrence entre de multiples


usages domestiques ou non-domestiques, et, notam-
1,0
ment, pour alimenter les animaux durant la saison sèche
souvent longue et difficile. Les producteurs sont alors
confrontés à des choix difficiles concernant l’utilisation
0,5
de ces biomasses. Il est donc nécessaire de produire
des références sur les conséquences d’une exportation
0,0
Extrême Nord Nord partielle des résidus de récolte (pour l’alimentation
du bétail) sur un certain nombre de fonctions de ces
pp Rendement de coton graine en parcelles paysannes sous différents
modes de gestion du sol. Régions Nord et Extrême-Nord, Cameroun.q biomasses et notamment sur celle de protection des
D’après Naudin et al., 2010.
sols. Ainsi, le producteur aura des éléments pour décider
des compromis qu’il est prêt à assumer entre la nécessité
Toutefois, les pires situations sont celles qui combinent absolue de nourrir ses animaux et les risques qu’il est
l’absence de travail du sol et de protection physique. Les prêt à prendre ensuite sur la production de ses cultures
techniques de semis direct sans paillis cumulent les effets pluviales.
pervers de la pluie sur les encroutements de surface et la
forte érosion des sédiments superficiels, sans bénéficier Par ailleurs, la combinaison du non-travail du sol avec
des effets bénéfiques, même temporaires, du travail du des paillages partiels, même si elle s’avère efficace sur la
sol. La limite entre un paillis efficace et cette situation dynamique de l’eau, peut engendrer d’autres problèmes
pénalisante est donc ténue et il convient de prendre techniques comme une difficulté accrue du contrôle
des précautions en fonction des conditions rencontrées des adventices présents sur le terrain dès les premières
(type de sol, pente, pluviométrie) qui joueront sur le pluies. Là aussi, un compromis est à trouver en fonction
seuil de biomasse nécessaire pour modifier de façon des capacités des producteurs à contrôler ces adventices
significative les termes du bilan hydrique. par d’autres moyens.

Ces impacts sur la productivité primaire de la parcelle Enfin, même si ces techniques d’agriculture de
dépendent de l’efficience du paillis à modifier plus conservation peuvent s’avérer très efficaces pour
ou moins fortement les termes du bilan hydrique améliorer rapidement la production en zones sèches,
(réduction du ruissellement et de l’évaporation elles n’en sont pas pour autant des techniques
directe) et cette efficience dépendra fortement des universelles ou efficaces systématiquement. D’autres
conditions locales (sol, pente, intensité des pluies…). techniques jouant mécaniquement sur le ruissellement
Cet effet direct via le bilan hydrique permet non et son contrôle peuvent s’avérer également efficaces
seulement d’augmenter la production dans les zones dans ces conditions (cordons pierreux, bassins, zaï,
à pluviométrie structurellement déficitaire, mais demi-lunes…). D’ailleurs, la combinaison de ces
également de tamponner les risques dus au caractère techniques avec des techniques de paillage peut souvent
aléatoire des pluies dans ces régions. Ces techniques s’avérer très intéressante.

Mieux utiliser l’eau disponible 43


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> ZOOM | Quelle couverture du sol pour quelle fonction agro-écologique ?

La majorité des effets des paillis dépendent de leur rugosité Cela signifie également qu’à partir d’une biomasse initialement
et de leur capacité à couvrir et à protéger le sol. Ces produite sur la parcelle et en fonction de sa nature, on peut
caractéristiques dépendent de la quantité appliquée sur le sol établir des courbes de réponse en termes d’efficience de telle
mais également de la nature et de la forme de ces résidus (cf. ou telle fonction agro-écologique selon la quantité exportée.
figure ci-dessous). Cela signifie que, selon les plantes utilisées, Cette quantité exportée étant celle que le producteur aura
la quantité de paillis à laisser sur la parcelle pour maintenir à raisonner s’il a plusieurs utilisations potentielles pour
une certaine couverture sera différente. Avec une plante très cette biomasse. On voit ainsi que les fonctions ne sont pas
couvrante, on aura plus de marge de manœuvre pour exporter affectées de la même façon et que certaines se maintiennent
une partie de la biomasse et maintenir ce sol protégé. Cette plus longtemps, soit qu’elles peuvent être efficaces même
gestion des biomasses dépendra donc des relations entre avec des quantités faibles de paillis. Le producteur devra donc
quantité laissée et fonctions agro-écologiques du paillis — décider de la quantité de biomasse qu’il exporte en privilégiant
protection contre l’érosion, protection contre la chaleur, bilan la fonction qu’il désire le plus maintenir.
hydrique, restitution de carbone, restitutions de nutriments,
activation biologique, lutte contre les adventices, etc. — et
lesquelles de ces fonctions on voudra privilégier. En effet, les
relations entre taux de couverture et efficience d’une fonction
agro-écologique ou d’un service agro-environnemental donné,
vont différer entre elles en fonction des espèces et les seuils
nécessaires pour assurer une certaine efficience minimale
ne seront pas forcément les mêmes non plus.

S. guianensis - Points expérimentaux*


S. guianensis - Ajustement de courbe*
Maïs + D. lablab - Points expérimentaux
Maïs + D. lablab - Ajustement de courbe*
D. lablab - Points expérimentaux*
D. lablab - Ajustement de courbe*
V. villosa - Points expérimentaux*
V. villosa - Ajustement de courbe*
V. villosa †
Maïs décomposé ‡

pp Variation de la couverture du sol en fonction des quantités de pp Relation théorique entre exportation de biomasse et différents
paillis apportées et selon différentes combinaisons de plantes facteurs de production tels que la pression des adventices de culture,
cultivées et de types de couverture.q le contrôle de l'érosion et l'apport de matière organique. q
D’après Naudin et al., 2012. Simulation réalisée pour Stylosanthes guianensis produisant 8 t ha-1 de
biomasse aérienne (données relevées à Madagascar).q
D’après Naudin, 2012.

Prendre en compte le rôle essentiel que jouent


les arbres sur le sol et l’eau en zones sèches

Les arbres jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau racines mortes ou vivantes, l’arbre contribue à accroître
et le bilan hydrique d’une région. L’interception de la les réserves hydriques du sol.
pluie par les houppiers diminue l’énergie dynamique
des gouttes d’eau qui s’infiltrent alors mieux dans le Grâce à leurs racines pérennes et profondes, les arbres
sol sur lequel elles tombent. Cette eau interceptée est peuvent aller puiser l’eau dans des horizons de sols
largement évaporée et s’ajoute à l’évaporation par les qui ne sont pas exploités par la plupart des plantes
feuilles de l’eau absorbée par les racines. Les quantités herbacées, surtout en zones sèches. Seules les racines
d’eau relativement grandes stockées dans les racines et de certains arbres sont capables de pénétrer dans des
le tronc peuvent être remobilisées et évaporées quand horizons cuirassés ou compactés. Les dix racines les plus
les racines ne suffisent plus à assurer la demande en profondes (entre 15 et 68 mètres) ont été observées chez
eau de l’atmosphère quand celle-ci devient très sèche. des espèces de milieux arides ou semi-arides (Canadell
En créant une porosité du sol importante le long des et al., 1996). De même, l’expansion spatiale des racines

44 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
RETOUR SOMMAIRE

permettrait d’explorer des zones plus vastes que la de l’eau libérée dans le sol en surface peut être transpirée
surface occupée par l’arbre lui-même. Par exemple, par des plantes voisines. En revanche, à l’échelle locale,
les parcs à essences phréatophytes (espèces capables cette eau qui est évaporée accroît l’humidité de l’air et
de puiser l’eau des nappes phréatiques via un profond abaisse la température impactant ainsi directement
système racinaire) pompent une eau de nappe infiltrée l’évapotranspiration localement, voire à des échelles
sur des surfaces de 10 ou 100 fois supérieures à celles des plus importantes (climat régional).
zones qu’ils occupent.
Par ailleurs, la dynamique des racines fines en
Il existe des interactions importantes entre les sols, profondeur pourrait également contribuer de manière
les aquifères et la couverture végétale, au travers des significative à la séquestration de carbone dans le sol.
racines profondes chez certaines espèces ligneuses L’action physico-chimique des racines sur le temps de
ou herbacées. Le système racinaire de ces espèces résidence et la stabilisation de la matière organique dans
serait capable, la nuit, en absence de transpiration, de le sol pourrait constituer un puits de carbone vis-à-vis de
redistribuer l’eau par exsudation, verticalement (du l’atmosphère. Enfin, certains éléments (azote, calcium,
bas vers le haut ou inversement) et horizontalement potassium, magnésium) peuvent être transportés par
depuis les parties du sol les plus humides vers celles les flux hydriques («  pompe à nutriments ») à partir
les plus sèches. C’est le processus de « redistribution d’endroits où ils sont disponibles avec l’eau, en général
hydraulique ». Ce processus profiterait d’abord à la plante en profondeur, vers d’autres endroits où ils manquent,
elle-même, l’eau stockée étant alors remobilisée par la généralement en surface à cause du lessivage et de
transpiration diurne, et rarement aux plantes associées, la lixiviation. Il en est de même pour la remontée des
même si des publications scientifiques démontrent que cations issus de l’altération de la roche mère.

pp Baobab dans la savane arbustive. Région de Tambao, province de pp Arbres du Bénin.q


l'Oudalan, Burkina Faso.q Karité (Vitellaria paradoxa), région de l'Atacora au nord du Bénin.q
A. Schwartz © IRD C. Lissalde © IRD

Mieux utiliser l’eau disponible 45


RETOUR SOMMAIRE

Maîtriser les paysages et les processus


écologiques propres à cette échelle
Les modifications profondes de l’environnement, dues en particulier au
changement climatique et à l’accroissement de la pression anthropique sur
les ressources, constituent une menace pour la biodiversité et les services
qu’elle fournit aux sociétés humaines, notamment pour la production agricole.
La diminution des précipitations et l’intensification de l’usage des terres
(disparition des jachères, déboisement, feux de brousse) ont déjà entraîné une
forte érosion de la couverture végétale naturelle, qui ne subsiste plus que,
parfois, sous la forme d’arbres isolés et de parcours pour l’élevage.

L’écologie des paysages au service des


agrosystèmes : exemple du contrôle des
ravageurs de culture

L’effet de ces perturbations sur les services rendus par les Le champ cultivé est l’échelle généralement privilégiée
écosystèmes, comme la régulation écologique des bio- pour aborder la protection des cultures contre les bio-
agresseurs des cultures par leurs ennemis naturels, est agresseurs. Dans un contexte d’ingénierie écologique, il
mal connu. Les espaces non cultivés, en effet, constituent n’est pas pertinent de considérer la régulation biologique
souvent des habitats pour une grande diversité d’ennemis à cette seule échelle. Le paysage, en tant que mosaïque
naturels des insectes ravageurs des cultures. En Afrique d’habitats façonnée par la diversité des champs cultivés
sahélienne, le recours aux pesticides pour protéger les et des pratiques culturales, est l’échelle privilégiée pour
cultures vivrières est peu répandu, ce qui soumet la observer la dynamique des populations du ravageur
production agricole à la pression des bio-agresseurs. ciblé, et pour concevoir et évaluer les stratégies de
Dans ce contexte, la simplification des paysages régulation et de contrôle.
agricoles pourrait favoriser les pullulations d’insectes
ravageurs, avec des conséquences dramatiques pour la À l’échelle du paysage agro-sylvo-pastoral, la gestion des
sécurité alimentaire des populations rurales. Conserver, espaces non cultivés est un levier potentiel pour limiter
amplifier ou restaurer la régulation écologique des la colonisation des cultures par les insectes ravageurs et
insectes ravageurs des cultures est un des défis à relever favoriser les services de régulation écologique. À ce titre,
pour adapter les systèmes de production agricole aux les parcs agroforestiers tiennent une place importante.
changements environnementaux. L’identification et
la mobilisation des leviers d’action reposent sur une
meilleure connaissance des conditions tant écologiques qq Mosaïque de parcelles d’arachide et de mil sous un parc à acacias
(Bambey, Sénégal). q
que sociales du milieu considéré (cf. ci-contre). © T. Brévault

46 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
RETOUR SOMMAIRE

> ZOOM | Processus et leviers d’action pour lutter contre les ravageurs
des cultures
La régulation écologique des bio-agresseurs des cultures est et al., 2011). En effet, la composition et la configuration
un des services écosystémiques fournis par la biodiversité des paysages déterminent non seulement la quantité et la
(Crowder & Jabbour, 2014). Cette régulation s’exerce au travers qualité des ressources, mais aussi leur accessibilité aux bio-
des ressources utilisées par le bio-agresseur dans son habitat agresseurs en agissant comme des corridors biologiques ou,
(régulation bottom-up) ainsi qu’au travers de ses ennemis au contraire, comme des barrières limitant ou retardant la
naturels (régulation top-down) tels que les prédateurs et colonisation des cultures par ces bio-agresseurs (Mazzi &
parasitoïdes : Dorn, 2012). La composition et la configuration des paysages
• à l’échelle du champ cultivé, les caractéristiques variétales jouent également un rôle fondamental sur l’abondance et
et les pratiques culturales (par exemple l’association d’espèces la diversité des communautés d’ennemis naturels, par la
cultivées) constituent des leviers d’action mobilisables par nature des ressources (refuges, sources de nourriture, hôtes
l’agriculteur (Ratnadass et al., 2012) ; alternatifs, etc.) que confèrent les habitats cultivés et non
• à l’échelle du paysage agro-sylvo-pastoral, les espaces cultivés (Tscharntke et al., 2008 ; Rusch et al., 2012).
non cultivés peuvent aussi constituer des habitats pour
différentes espèces d’ennemis naturels et donc être des L’érosion de la biodiversité et la perte de fonction de régulation
supports de régulation écologique des insectes ravageurs écologique qui l’accompagne, qu’elles soient liées à la
des cultures (Rusch et al., 2011). De manière générale, la disparition des habitats naturels ou à l’utilisation incontrôlée de
régulation écologique des bio-agresseurs augmente avec la pesticides, accroissent la sensibilité des écosystèmes cultivés
complexité du paysage (Bianchi et al., 2006 ; Chaplin-Kramer aux bio-agresseurs.

tt Leviers de régulation
Ennemis naturels des populations
d’insectes ravageurs
des cultures.q
Habitats D’après Clouvel et al., 2015.
non
cultivés

Insectes ravageurs
Pratiques
agricoles
Habitats cultivés

Maîtriser les paysages et les processus écologiques propres à cette échelle 47


RETOUR SOMMAIRE

Les parcs agroforestiers : quel rôle dans le


contrôle des ravageurs ?

Il existe un fort regain d’intérêt et un véritable enjeu À l’échelle du paysage, la densité, la diversité et la
de développement pour les systèmes agroforestiers distribution des arbres (ou des arbustes) dans l’espace, en
dans les zones sèches tropicales de l’Afrique de l’Ouest. constituant des corridors, déterminent le déplacement
Les parcs agroforestiers, tels que, par exemple, les parcs des populations des arthropodes ravageurs, en
à Faidherbia albida associé à des cultures, contribuent permettant la connectivité entre habitats. La gestion de
aux cycles des nutriments et produisent une biomasse ces habitats est alors un levier potentiel pour limiter la
dans les agrosystèmes. Bien que ces impacts soient colonisation des cultures par les insectes ravageurs et
relativement bien illustrés, certains services de favoriser les services de régulation écologique.
régulation, comme le contrôle des bio-agresseurs, ont
été, quant à eux, très peu étudiés. La densité des arbres et leur répartition spatiale dans un
parc agroforestier dépendent des pratiques paysannes.
Pourtant, les systèmes agroforestiers — associations de Le développement de certaines pratiques peut agir sur
cultures et de ligneux dans un mélange biodiverse — cette densité comme, par exemple, la traction animale
présentent une hétérogénéité de structure — multi- qui implique des coupes non contrôlées des jeunes
strate et semblable à celle des forêts — offrant ainsi aux pousses d’arbres. L’histoire du parc et les pratiques qu’il
insectes ravageurs une plus grande diversité d’habitats subit, modifient alors les habitats des insectes ravageurs
qu’une simple mosaïque de cultures annuelles. Ces et de leurs ennemis naturels (comme c’est le cas de la
systèmes agroforestiers jouent alors un rôle de « source » mineuse de l’épi de mil, cf. ci-contre).
ou de « relais » pour les populations d’insectes ravageurs
qui vont coloniser les cultures. En effet, les systèmes L’augmentation de la biodiversité fonctionnelle (ici
agroforestiers peuvent offrir un milieu propice au les ennemis naturels) est ainsi vue comme un facteur
développement de ces insectes ravageurs qui pourront de résilience de l’écosystème face à des perturbations
coloniser les cultures. environnementales (climat, occupation du sol, invasions
biologiques, etc.). Il est à noter que la pluralité d’échelles
Mais les systèmes agroforestiers peuvent également spatiales et temporelles à considérer suppose la mise
permettre aux ennemis naturels de ces ravageurs de en œuvre d’outils d’acquisition, de gestion et d’analyse
culture de proliférer. Ainsi, ils participent à la régulation de données spatiales combinant la télédétection, le
écologique des populations de ces bio-agresseurs en traitement d’images satellitaires à très haute résolution
offrant à leurs ennemis naturels le « gîte et le couvert » et les systèmes d’information géographique.
(hôtes ou proies alternatifs, nourriture, refuges), en
particulier pendant la saison sèche. Ces systèmes
agroforestiers jouent ainsi un rôle de régulation
écologique des insectes ravageurs.

pp Détermination d’arbres à partir d’images satellitaires à très haute résolution de type Pléiades, Sénégal.q
D’après Soti, 2013.

48 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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> EXEMPLE | Cas de la mineuse de l’épi de mil au Sénégal

Au Sénégal, la mineuse de l’épi, Heliocheilus albipunctella de ennemis naturels (comme le parasitoïde Habrobracon hebetor)
Joannis (Lepidoptera, Noctuidae), représente une contrainte est une composante majeure de la régulation des populations
majeure à l’intensification de la production de mil (Youm de ce ravageur.
& Owusu, 1998 ; Ba et al., 2013), une des céréales les plus
consommées en milieu rural. La mineuse a commencé à causer Il existe différents leviers d’action pour mieux gérer, activer et
des dégâts dans les cultures de mil (jusqu’à 85 % de pertes de renforcer les processus de régulation de ce ravageur :
rendement en grains) suite à une longue période de sécheresse • à l’échelle du système de culture : facilitation entre espèces
au début des années 1970 (Vercambre, 1978 ; Gahukar, 1990). grâce à l’association du mil avec d’autres espèces (endogènes
ou introduites) ;
Les adultes émergent du sol un à deux mois après le début • à l’échelle de l’exploitation agricole : stratégies d’évitement
de la saison des pluies. Après accouplement, les femelles par le jeu des dates de semis et la durée de cycle des variétés
pondent sur les épis au stade de la floraison. Après éclosion, cultivées ;
les jeunes larves perforent les glumes et dévorent l’intérieur • à l’échelle du territoire : régulation naturelle des populations
des fleurs, tandis que celles plus âgées coupent les pédoncules locales de H. albipunctella par leurs ennemis naturels.
floraux, formant ainsi des galeries sur l’épi selon un tracé
en spirale caractéristique. Au terme de leur développement, À terme, il s’agit de construire avec les acteurs du territoire
les larves se nymphosent dans le sol (chrysalides) où elles considéré, des stratégies d’action individuelles et collectives
restent en diapause pendant toute la saison sèche (Bal, 1992). comprenant l’ensemble des leviers socialement mobilisables
En l’absence de traitements insecticides, l’intervention des pour réguler les populations de ravageurs de cette culture.

pp En haut : larves du parasitoïde Habrobracon hebetor, en train de pp À droite : parasitoïde femelle à la recherche d’une jeune chenille
dévorer une chenille d’Heliocheilus albipunctella. pour y déposer ses œufs.q
pp En bas : chenille d’Heliocheilus albipunctella sur un épi de mil. © T. Brevault

Maîtriser les paysages et les processus écologiques propres à cette échelle 49


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Contraintes économiques et sociales au


développement d’une ingénierie écologique
des systèmes agro-sylvo-pastoraux des
zones sèches
La multifonctionnalité de l’agriculture désigne l’ensemble des fonctions qu’elle rend en plus
de la production primaire à des fins alimentaires et domestiques (protection des ressources
naturelles, des paysages et de la diversité biologique, équilibre des territoires, emploi…).

L’agriculture familiale est, par exemple, considérée À l’évidence, la mise en œuvre de telles initiatives doit
comme une référence en matière d’agriculture prendre en compte un certain nombre de facteurs,
multifonctionnelle parce qu’elle assure un ensemble notamment socio-économiques et sociétaux, qui
de fonctions complémentaires à celle directement conditionnent le réalisme des solutions proposées. En
alimentaire. Ces fonctions révèlent l’adaptation des effet, l’ensemble des propositions techniques et pratiques
sociétés rurales aux contraintes de leur milieu. Elles décrites dans les chapitres précédents, suppose que,
peuvent se décliner dans le champ de la durabilité : par ailleurs, ces contraintes soient analysées et que des
fonctions environnementales mais aussi économiques, solutions d’un autre ordre soient également proposées.
sociales ou même patrimoniales.
En effet, comment diffuser de nouvelles pratiques
La diversité de ces fonctions et leur maintien, dans auprès d’agriculteurs et d’éleveurs qui vivent dans un
des formes différenciées d’agriculture et d’utilisation environnement économique dominé par une grande
de l’espace, passent par l’accès à des savoirs et à des instabilité des prix de vente des produits, dans un
techniques locales ou scientifiques, et par des formes contexte social où la permanence des droits d’accès aux
d’organisation collective ou institutionnelle permettant paramètres essentiels de la production comme la terre et
la mise en œuvre concertée de solutions appropriées à l’eau n’est pas assurée, dans un contexte social et sociétal
l’échelle paysagère. Ce dossier présente un ensemble qui régit la répartition des productions, l’héritage des
de propositions techniques et pratiques, qui ne prétend biens, le travail familial et le contrôle social. À cela,
pas être exhaustif, mais qui vise à donner des éclairages il convient d’ajouter les questions de paix civile et
stimulants sur le champ des possibles en matière d’insécurité. Enfin, toutes les propositions techniques
d’ingénierie écologique dans des contextes fortement et techniques faites dans les chapitres précédents ont
contraints par la sécheresse et l’aridité. un coût, et dans un contexte général de pauvreté des
agricultures familiales et donc de capacités limitées à
qq Travaux champêtres dans la région de Niakhar, Sénégal.q investir, la question de savoir qui va financer quoi doit
Récolte et stockage des épis de mil.
D’après Soti, 2013.
être impérativement soulevée.

50 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Pour diffuser et faire adopter ces pratiques innovantes, ou pour des travaux qui peuvent parfois être lourds ? Et
traditionnelles (mais améliorées) d’ingénierie écologique si ces travaux sont mécanisés, qui va pré-investir pour
par les agriculteurs et les éleveurs des zones sèches, il payer le matériel, son fonctionnement et son entretien ?
est indispensable de prendre en compte les contraintes Rappelons que le contexte est celui d’une agriculture
sociales et économiques auxquelles ils sont exposés. familiale à faible capacité d’investissement, au système
bancaire souvent inexistant et, parfois, dans un contexte
La question foncière est essentielle dans ces régions. En à faible capacité de mobilisation de la main d’œuvre
effet, l’amélioration et la restauration des sols sont des familiale et villageoise si trop d’adultes ont migré vers
investissements durables. Or, agriculteurs et éleveurs des régions plus propices à l’agriculture ou vers les villes.
des zones sèches sont très souvent dans des situations
d’incertitude quant à l’avenir des droits d’accès au sol. La mise en œuvre de pratiques d’ingénierie écologique
Comment alors demander à un agriculteur d’améliorer doit prendre en compte également les questions sociales
ses terres, son sol, s’il n’est pas certain de les cultiver et sociétales. En effet, l’agriculture et l’élevage sont
quelques années plus tard ? Le droit d’accès à la terre doit pratiqués dans des contextes sociaux et sociétaux assez
être le premier paramètre à prendre en considération. anciens qui régissent, en plus de l’accès à la terre, les
Il ne s’agit pas là de prôner la généralisation de la héritages de biens meubles et immeubles, l’organisation
propriété individuelle avec bornage et inscription, mais du travail et de la société en général, la répartition des
de s’assurer que les droits, coutumiers ou régaliens, fruits de l’agriculture et de l’élevage. Tout changement
garantissent un accès à la terre à long terme aux des pratiques culturales et d’élevage va induire des
agriculteurs et aux éleveurs. modifications de l’ordre social établi et il convient
de bien prendre conscience des oppositions et des
Les questions économiques doivent également être transformations qui vont en résulter. Tout ceci doit être
prises en considération : envisagé au préalable de toute action en concertation
ƒƒ Les prix. Si l’on analyse la variation du cours du sac avec les acteurs concernés au risque d’assister à des
de mil pendant une année, on constate des variations blocages, considérés comme incompréhensibles par les
quasi insupportables pour les producteurs, de l’ordre techniciens.
du simple au double. Une telle instabilité nuit à
toute augmentation de la production agricole et il Par ailleurs, on assiste depuis quelques années à
conviendrait de poursuivre la réflexion sur la mise en des mouvements importants, que ce soit celui de
place de mécanismes de stabilisation des prix agricoles, la déconcentration, où l’État confie à des services
à l’instar de ce que fût la politique agricole commune locaux des responsabilités importantes, celui de la
pendant 40 ans en Europe, alors que paradoxalement décentralisation, où l’État confie la gestion des espaces
l’Union européenne, en conjonction avec l’Organisation à priori non cultivés aux communautés villageoises, ou
mondiale du commerce et les bailleurs multinationaux, celui de la création d’organisations paysannes, prélude à
refuse d’envisager de telles pratiques. Et c’est de véritables syndicats d’exploitants agricoles. Ce sont là
l’ensemble des prix agricoles qu’il faudrait prendre en des acteurs majeurs à prendre en compte, au même titre
considération, ceux des cultures vivrières comme des que les agents de l’État dans ses services déconcentrés
cultures commerciales. (agriculture, élevage, hydraulique, environnement,
ƒƒ Les investissements. Les pratiques innovantes, forêts…) et que les élus des nouvelles communes rurales.
ou traditionnelles (mais améliorées) nécessitent la
mise en place de nouveaux investissements pour Enfin, les questions de paix civile et de sécurité
améliorer les sols, capter l’eau, assurer la diversité constituent un domaine qui échappe aux chercheurs,
biologique, redresser la fertilité et le fonctionnement techniciens, économistes et agronomes, mais qui est
des écosystèmes. Ces investissements demandent des crucial pour le bon fonctionnement des sociétés. En
fonds et de la main d’œuvre tandis que certains travaux effet, comment envisager des techniques novatrices
vont immobiliser les terres pendant plusieurs années dans des contextes d’insécurité qui proviennent de
avant qu’elles ne soient productives. Qui va suppléer situations sociales explosives (délinquance rurale) ou de
aux besoins des agriculteurs pendant ce temps-là ? conditions exogènes dont les déterminants se trouvent
Comment vont-ils trouver la main d’œuvre nécessaire ailleurs (situations géopolitiques ou militaires) ?

Contraintes économiques et sociales au développement d’une ingénierie écologique des systèmes agro-sylvo-pastoraux des zones sèches 51
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L’ingénierie écologique pour des systèmes


agro-sylvo-pastoraux durables
Les régions arides
et semi-arides en
Afrique de l’Ouest
sont sous l’emprise De même, les sols, sup- La croissance démographique au cours du siècle
d’un climat dont ports de la production dernier — et qui se poursuivra au 21e siècle —,
la caractéristique primaire, présentent, la mondialisation et le changement climatique, ont
principale est sa forte de par leur pédogénèse, imposé et imposeront des transformations majeures des
une richesse nutritive agricultures des zones sèches. Des déséquilibres sont
variabilité inter et
souvent limitée. Les déjà apparus, entraînant des pertes de productivité,
intra-annuelle. sociétés humaines ins- parfois la dégradation des ressources naturelles
tallées dans ces régions — comme les sols ou les savanes — et de la biodiversité.
depuis plusieurs milliers d’années ont mis en œuvre des Simultanément, de nouveaux modèles de société
agricultures adaptées à ces contraintes. apparaissent tels que l’urbanisation qui s’avère être un
processus durable et certainement irréversible.
Dans les agricultures visant avant tout l’autosuffisance
alimentaire, les systèmes de production agricole sont L’activité agricole n’échappe pas à ces transformations et
basés sur un ensemble de facteurs de production doit s’adapter. Diminuer l’empreinte écologique agricole
(intrants, plantes cultivées, technicité) qui répondent à et adapter l’agriculture au changement climatique
un objectif de limitation du risque sans nécessairement semblent inéluctables. À ce titre, revenir à des circuits
chercher une maximisation de la productivité. À l’image courts d’approvisionnement alimentaire, à minima
des savanes, cette agriculture dite « pluviale », qui sous-régionaux, apparaît nécessaire. Les zones sèches
s’est accommodée des pluies éparses ou aléatoires, est doivent trouver leur place dans l’économie agricole de
bâtie sur une intégration « ligneux-agriculture-élevage ». l’Afrique de l’Ouest.
Cette intégration apparait au sein d’une exploitation,
parfois à l’échelle des villages, où des éleveurs et des
agriculteurs coexistent, mais également à celle de plus qq Jachère en savane sèche du Burkina Faso.q
Paysage de jeunes jachères sous parc arboré en saison sèche.
vaste territoires à travers le pastoralisme nomade et les A. Fournier © IRD
pratiques de transhumance.

52 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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Des zones les plus arides, vouées majoritairement au des régions arides et semi-arides, afin de mieux identifier
pastoralisme, aux régions plus humides où l’agriculture de nouvelles techniques plus efficaces dans ce nouveau
pluviale est possible, il existe de nombreuses pratiques contexte mondial.
adaptées aux conditions aléatoires inhérentes aux
climats sahéliens ou soudano-sahéliens. Ces pratiques Associer ainsi études agronomiques, études écologiques
agro-sylvo-pastorales, parfois anciennes, peuvent et études des sociétés et de leur organisation gage de
servir de base de travail pour une intensification agro- résilience, contribuera à délimiter les contours des
écologique de la production et de la productivité des évolutions futures de l’agriculture des régions sèches.
terres, voire du travail. L’étude de ces pratiques ou de Ces ensembles de « possibles » pour l’agriculture de ces
ces organisations anciennes doit alors s’accompagner régions devront être soumis aux agriculteurs et éleveurs,
d’une compréhension des processus écologiques ainsi qu’aux décideurs politiques pour imaginer leur
qui gouvernent le fonctionnement des écosystèmes avenir dans un contexte de contraintes climatiques et
naturels, tels que la savane arborée ou les forêts sèches socio-économiques croissantes.

qq En pays bassari. Sénégal.q


O. Barrière © IRD

L’ingénierie écologique pour des systèmes agro-sylvo-pastoraux durables 53


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Pour en savoir plus…


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54 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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58 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
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pp Agriculteur bassari. Sénégal.q


O. Barrière © IRD
RETOUR SOMMAIRE

Lexique
Agriculture de conservation. Agriculture reposant sur une forte ou une autre trajectoire à définir). […] La restauration sensu stricto
réduction, voire une suppression du travail du sol, une couverture conduit invariablement à un retour direct et total à l’écosystème
permanente des sols et des successions culturales diversifiées (FAO). préexistant, la restauration sensu lato et plus particulièrement
encore la réhabilitation, permettent le retour à l’un des stades
Agrosystème. Système dominé par l’action permanente de l’homme alternatifs stables possibles ou encore à un écosystème simplifié
en ta nt qu’ag ricu lteur (Agence de coopérat ion cu lturel le et « synthétique » en tant qu’étape intermédiaire. Les stades alternatifs
technique, 1977). stables évoqués ici peuvent avoir, ou non, été des étapes dans les
processus de la dégradation de l’écosystème original. La différence
Agro-écosystème. Écosystème dans lequel prennent place des entre restauration sensu lato et réhabilitation réside dans le fait
activités de production agricole (Office québécois de la langue que cette dernière nécessite fréquemment que soit imposé un
française, 2005). « démarrage forcé » d’une nouvelle trajectoire de l’écosystème et
que soient combattues les conditions d’établissement des seuils
Agro-socio-écosystème. Écosystème dans lequel prennent place d’irréversibilité alors que, par opposition, les projets de restauration
des activités de production agricole et l’ensemble du système social. s’appliquent à des écosystèmes présentant encore la capacité de
réparer eux-mêmes les effets négatifs de perturbations légères »
Arbre hors forêt. Arbres qui se trouvent sur des terres n’appartenant (Aronson et al., 1995).
pas à la catégorie des terres forestières (ou forêts) et autres terres
boisées. Ils peuvent donc se retrouver sur les « autres terres », Réseau/Chemin trophique. Ensemble des relations alimentaires
à savoir sur les terres agricoles (incluant prairies et pâturages), entre espèces au sein d’une communauté et par lesquelles l’énergie
sur les terres bâties et sur les terres nues (FAO, 2001). et la matière circulent (dictionnaire de l’environnement).

Biodiversité fonctionnelle. Biodiversité ayant un impact positif sur Service écosystémique. Avantage matériel ou immatériel que
le développement durable sur les plans écologique, économique et l’hom me ret i re des écosystèmes (Com m ission généra le de
social des exploitations, des filières et des territoires (Minagri, 2014). terminologie et de néologie, France, 2013). Citons par exemple
les ser v ices d’approv isionnement (a liments, eau, ressources
Mutualisme. Association bénéfique entre deux organismes vivants génétiques…), les services de régulation des processus naturels
sans qu’elle soit vitale ou obligatoire (Bastien et Gauberville coor- (régulation du climat, régulation de l’érosion…), etc.
dinateurs. Vocabulaire forestier : écologie, gestion et conservation
des espaces boisés. AgroParisTech, CNPIDF, ONF). Service agro-environnemental. Concerne tous les services pro-
posés par des individus ou des groupes sociaux qui concourent à
Restauration d’un écosystème (ou restauration écologique). Procédé la préservation de l’environnement. On peut citer les services qui
d’assister le rétablissement d’un écosystème qui a été dégradé, concourent à l’assainissement (recyclage de l’eau et des déchets),
endommagé, ou détruit souvent à la suite d’activités humaines à la lutte contre la pollution de l’air ou de l’environnement sonore,
(Société Internationale pour la Restauration Écologique, 2002) les services de protection de préservation de la biodiversité et des
paysages, etc.
Réhabilitation d’un écosystème. « Elle v ise à répa rer, aussi
rapidement que possible, les fonctions (résilience et productivité), Symbiose. Association entre deux organismes d’espèces différentes,
endommagées ou tout simplement bloquées, d’un écosystème en le qui est profitable pour chacun d’eux (Office québécois de la langue
repositionnant sur une trajectoire favorable (la trajectoire naturelle française, 1999).

Acronymes et abréviations
Institut International d'Ingénierie de l'Eau et de
2iE MVfc Multiplication végétative à faible coût
l'Environnement, Burkina Faso
AgroParis- Institut des sciences et industries du vivant et de ONG Organisation non gouvernementale
Tech l'environnement, France
Centre de coopération internationale en recherche REU Réutilisation des eaux usées
Cirad
agronomique pour le développement, France
RNA Régénération naturelle assistée
CSFD Comité Scientifique Français de la Désertification
UBT Unité de bétail tropical
Embrapa Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuária, Brésil
UCAD Université Cheikh Anta Diop, Sénégal
GMV Grande Muraille Verte
Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines,
Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier, UVSQ
IAMM France
France
ETP Évapotranspiration potentielle
IER Institut d'Économie Rurale, Mali
EX-ACT Ex-Ante Carbon-balance Tool
Inra Institut national de la recherche agronomique, France
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
IRD Institut de recherche pour le développement, France FAO
l’agriculture

ISRA Institut Sénégalais de Recherches Agricoles GBEP Global Bioenergy Partnership

MS Matière sèche

60 L’ingénierie écologique pour une agriculture durable dans les zones arides et semi-arides d’Afrique de l’Ouest
Résumé

Dans le contexte actuel de contraintes climatiques et socioéconomiques, les agricultures


des zones sèches doivent évoluer afin de s’adapter et de répondre à un double défi : Dans la même collection
produire plus pour satisfaire les besoins alimentaires importants de populations en
croissance, mais aussi produire mieux de façon viable et durable. Pour cela, les agricultures Numéros déjà parus
de ces zones doivent évoluer vers des modes de production à la fois plus productifs,
économes en ressources naturelles et résistants aux aléas climatiques. La lutte contre la désertification : 
un bien public mondial environnemental ? 
Dans ce cadre, l’ingénierie écologique propose de nouvelles alternatives de gestion Des éléments de réponse... 
des systèmes agro-sylvo-pastoraux caractéristiques des régions arides et semi-arides (M. Requier-Desjardins et P. Caron, janv. 2005)
d’Afrique subsaharienne. Ceci implique de maitriser la complexité des systèmes étudiés et Disponible aussi en anglais
de s’inspirer à la fois du fonctionnement des écosystèmes naturels de référence à la région La télédétection : un outil pour le suivi e
t
agroécologique concernée — les savanes pour les zones sèches ouest-africaines — et l’évaluation de la désertification
des pratiques traditionnelles et savoir-faire locaux issus d’une longue adaptation face aux (G. Begni, R. Escadafal, D
 . Fontannaz
contraintes environnementales. et A.-T. Nguyen, mai 2005)
Disponible aussi en anglais
À partir des expériences ouest-africaines notamment, différentes options pratiques sont
exposées dans ce dossier. On pourra ainsi agir sur la biodiversité des organismes, que Combattre l’érosion éolienne :
ce soit les plantes ou les microorganismes du sol par exemple, favoriser le recyclage des un volet de la lutte contre la désertification
matières organiques et des éléments nutritifs pour les plantes qui sont associées, maitriser (M. Mainguet et F. Dumay, avril 2006)
les cycles de l’eau et, enfin, agir sur l’organisation des paysages pour favoriser un meilleur Disponible aussi en anglais
contrôle des ravageurs de culture.  utte contre la désertification : 
L
l’apport d’une agriculture en semis direct s
 ur
Cependant, développer une telle approche demande une vision intégrée du fonctionnement couverture végétale permanente (SCV)
et de l’évolution des systèmes agro-sylvo-pastoraux. Les questions sociales — le foncier, ( M. Raunet et K. Naudin, septembre 2006)
l’urbanisation et les migrations — et économiques — les marchés des denrées de première Disponible aussi en anglais
nécessité, la pauvreté, etc. — sont des déterminants essentiels qu’il convient de prendre
en compte pour le développement durable des populations dans les zones sèches en Pourquoi faut-il investir en zones arides ?
Afrique subsaharienne. (M. Requier-Desjardins, juin 2007)
Disponible aussi en anglais

Mots clés Sciences et société civile dans le cadre


Ingénierie écologique, systèmes agro-sylvo-pastoraux, biodiversité, recyclage, matière d e la lutte contre la désertification
organique, agroforesterie ( M. Bied-Charreton et M. Requier-Desjardins,
s eptembre 2007)
Disponible aussi en anglais
La restauration du capital naturel
Abstract e n zones arides et semi-arides
Allier santé des écosystèmes 
Against the current backdrop of climatic and socioeconomic constraints, dryland farming et bien-être des populations
systems must evolve in order to adapt and respond to a dual challenge—produce more (M. Lacombe et J. Aronson, mars 2008)
to meet the substantial food needs of growing populations, while also producing better in D isponible aussi en anglais
viable and sustainable ways. Farming systems in these areas have to progress towards Une méthode d’évaluation
production methods that are more productive, natural resource-efficient and climate-proof. et de cartographie de la dégradation
des terres. Proposition
In this setting, ecological engineering offers new alternatives for the typical agrosilvopastoral de directives normalisées
systems that prevail in arid and semiarid regions of sub-Saharan Africa. This requires (P. Brabant, août 2010)
managing the complexity of the studied systems and replicating the functioning of Disponible aussi en anglais
reference natural ecosystems of the concerned agroecological region—e.g. savannas for
West African drylands—and traditional practices, local know-how based on a long history Pastoralisme en zone sèche.
of adaptation to environmental constraints. Le cas de l’Afrique subsaharienne
(B. Toutain, A. Marty, A. Bourgeot,
A. Ickowicz et P. Lhoste, février 2012)
Different practical options are outlined in this Dossier based especially on West African
Disponible aussi en anglais
experience. It is possible to focus on making effective use of the biodiversity of organisms,
e.g. plants or soil microorganisms, promoting organic matter and nutrient recycling for Le carbone dans les sols des zones sèches.
associated plants, controlling water cycles, and finally adjusting the landscape organization Des fonctions multiples indispensables
to foster better crop pest control. (M. Bernoux et T. Chevallier, décembre 2013)
Disponible aussi en anglais
However, an integrated vision of the functioning and evolution of agrosilvopastoral
L’ingénierie écologique pour une agriculture
systems is required for developing such an approach. Social issues—land, urbanization
durable dans les zones arides et semi-arides
and migration—and economic issues—basic commodity markets, poverty, etc. — are key
d’Afrique de l’Ouest.
factors to be taken into account for the sustainable development of populations in dryland
(D. Masse, J.-L. Chotte et E. Scopel,
regions of sub-Saharan Africa. septembre 2015)
Disponible aussi en anglais
Keywords:
Ecological engineering, agrosilvopastoral systems, biodiversity, recycling, organic matter,
agroforestry
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