Phèdre, Tragédie Analyse
Phèdre, Tragédie Analyse
Phèdre, Tragédie Analyse
Jean Racine
Phèdre
Séance 7 Le dénouement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Autour de l’œuvre :
toutes les réponses aux questions
1. Épître, Nicolas Boileau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2. Roman, Marcel Proust ......................................................... 29
3. Tableau, Alexandre Cabanel ............................................... 30
ÉTUDE DE L’ŒUVRE
toutes les réponses aux questions
LECTURE
11. Quelles indications montrent, dès cette scène, que Phèdre est une tragédie ?
La noblesse du vocabulaire et des personnages, ainsi que le registre soutenu de leur discours nous
indiquent que nous sommes dans une tragédie.
Le suspense
12. Page 15 (l. 9-14) : quel effet produit sur le spectateur l’accumulation des noms de lieux donnés par
Théramène ?
Ce passage apporte un certain exotisme à la scène d’exposition, ainsi qu’une immersion dans le « pay-
sage » antique.
13. Lisez attentivement la scène. Quels malentendus successifs troublent Hippolyte et Théramène ? En
quoi est-ce un artifice utile à Racine ?
– Théramène pense d’abord qu’Hippolyte est chassé de Trézène par un « péril » ou un « chagrin » (l. 33)
causé par Phèdre, comme le sous-entend la réponse d’Hippolyte (l. 34-36). Ce malentendu permet de
présenter Phèdre et les conflits qui la lient à son beau-fils.
– Théramène pense ensuite qu’Hippolyte est victime d’un complot fomenté par Aricie et son clan (l.
52-55), ce qui permet de les présenter à leur tour et d’énoncer les raisons qui motivent la culpabilité du
jeune homme.
– Le confident comprend ensuite qu’Hippolyte est amoureux (l. 57-65) et le compare de ce fait à son
père, célèbre séducteur, ce qui donne lieu au dévoilement des sentiments ambigus qui unissent Thésée
et Hippolyte.
14. Pour quelle raison, expliquée dans sa première réplique page 15 et reprise à la page 20, Hippolyte
veut-il partir ? Est-ce la seule raison énoncée dans la scène ?
Hippolyte veut partir à la recherche de Thésée. Cependant, on apprend également qu’il veut fuir la pré-
sence d’Aricie.
15. Quelle énigme pèse sur le personnage de Thésée à l’issue de cette première scène ? Et sur Phèdre ?
On ne sait pas si Thésée est mort ou vivant. On se demande de quel mal ou de quelle maladie souffre
Phèdre.
16. Dans quel intérêt Racine laisse-t-il planer un certain mystère dans cette scène d’exposition ?
Le dramaturge laisse planer le suspense sur la suite de l’intrigue et tient le spectateur en haleine.
Lecture d’image
17. À quelle époque le costume représenté sur cette image place-t-il la tragédie ? Pensez-vous que ce soit
la seule manière d’habiller le personnage de Phèdre ?
Le costume place la tragédie dans l’Antiquité. C’est la façon la plus conventionnelle d’habiller Phèdre,
mais on peut imaginer :
– des costumes beaucoup plus modernes, comme ceux de la version de Patrice Chéreau en 2003 ;
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
– des costumes évoquant le règne de Louis XIV, comme ceux dessinés par Christian Lacroix pour la
Comédie-Française en 1995 (mise en scène d’Anne Delbée ; des vidéos sont disponibles sur le site de
l’INA : http://www.ina.fr/art-et-culture/arts-du-spectacle/video/CAC95066104/phedre.fr.html).
18. Quelles célèbres actrices ont incarné Phèdre au théâtre, de sa création aux années 1930 ?
Phèdre est une pièce qui a consacré de nombreuses actrices. Elle a été créée par Racine pour la Cham-
pmeslé, son actrice favorite. En 1743, le rôle est repris par Mlle Clairon, puis par Rachel, de 1843 à
1855, et, de 1874 à 1914, par Sarah Bernhardt (voir à ce sujet l’extrait d’À l’ombre des jeunes filles en
fleurs, reproduit dans la partie « Autour de l’œuvre », page 120 du livre élève ; le narrateur y évoque la
« Berma », souvent rapprochée de cette actrice). La pièce est ensuite reprise jusqu’en 1924 par Caroline-
Eugénie Segond-Weber.
Étude de la langue
Grammaire
19. Page 18 : à quel temps et à quel mode est le verbe « aimer » employé par Théramène à la ligne 65 ?
Quelle nuance apportent-ils à la question posée ?
5
Le verbe est au conditionnel présent. Il exprime ici une atténuation polie du propos, ainsi que la surprise.
20. Page 18, Hippolyte évoque « les monstres étouffés et les brigands punis » (l. 80). Comment ce vers
est-il construit grammaticalement ? Quel effet poétique cela produit-il ?
Ce vers présente un parallélisme de construction, qui produit un effet d’harmonie.
Lexique
21. Page 16 : que désigne l’expression « un indigne obstacle » employée par Hippolyte (ligne 24) ? Com-
ment nomme-t-on cette figure de style ? Pourquoi utiliser cette formule ?
Cette périphrase désigne une éventuelle conquête amoureuse de Thésée. Hippolyte utilise ce procédé
pour adoucir ses paroles et ne rien dire qui pourrait choquer, selon le code précieux.
22. Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s) : Racine est-il un comédien, un tragédien, un dramaturge ?
Racine est un tragédien (le mot désigne à la fois l’acteur et l’auteur de tragédie) et un dramaturge, c’est-
à-dire un auteur de pièce de théâtre.
Étymologie
23. D’où vient le terme « dramaturge » ? Cherchez des mots de la même famille et donnez leur sens.
Ce terme est emprunté au grec dramatourgos, signifiant « auteur de théâtre ». Il se compose de drama
(action jouée sur scène) et de ergon (le travail). On peut trouver plusieurs mots ou expressions de la
même famille :
– l’action dramatique (l’action de la pièce de théâtre) ;
– le drame bourgeois, historique, romantique, lyrique (le genre théâtral) ;
– la dramaturgie (l’art de concevoir une pièce de théâtre) ;
– le drame (pièce de théâtre ou événement affreux) ;
– la dramatisation (l’art de construire une pièce de théâtre en apportant de l’action).
24. L’adjectif « fatale » est employé deux fois dans la scène (l. 25 et l. 51). Quelle est son origine ? Que
signifie-t-il dans le texte ?
Ce terme vient du latin fatalis, qui désigne ce qui provient du destin, ce qui est funeste. Ce mot est lui-
même dérivé de fatum, signifiant « prédiction, destin ». L’adjectif « fatale » désigne donc ici ce à quoi
on ne peut échapper et qui entraîne des conséquences mortelles.
PATRIMOINE
25. Qui sont Minos et Pasiphaé, évoqués par Hippolyte page 16 (l. 36) ? Dans quel mythe interviennent-
ils ? Que laissent-ils à Phèdre en héritage ?
Minos et Pasiphaé sont les parents de Phèdre. Le mythe est résumé dans la présentation (p. 8 du livre
élève). Phèdre, par son hérédité, est maudite.
26. Quel rôle a joué Ariane, citée page 19 (l. 90), dans l’aventure qui a opposé Thésée au Minotaure ? En
quoi Icare, mentionné page 15 (l. 14), se rapporte-t-il lui aussi à ce mythe ?
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
Thésée devait épouser Ariane, qui lui était venue en aide, lui conseillant de dérouler un fil pour sortir du
labyrinthe. Mais le roi de Crète l’a abandonnée, lui préférant sa sœur Phèdre.
Icare est le fils de Dédale, le constructeur du labyrinthe dans lequel était enfermé le Minotaure. Afin qu’ils
n’en révèlent pas les plans, Dédale et Icare ont été enfermés dans ce labyrinthe. Dédale a alors fabriqué
des ailes de plumes et de cire afin de s’échapper par la voie des airs. Cependant, Icare, heureux de voler,
s’est approché trop près du soleil, malgré les recommandations paternelles, ce qui a détruit ses ailes.
Le jeune homme est mort noyé.
27. Cherchez des informations sur la tribu des Amazones, dont Hippolyte est un descendant.
Les Amazones sont un peuple de femmes guerrières apparaissant dans la mythologie grecque. Ces
femmes interviennent dans les aventures de Bellérophon, d’Achille, de Priam, de Thésée ou d’Hercule.
Elles sont représentées traditionnellement portant un bouclier, une lance, un arc et un carquois. Elles
se déplacent à cheval et, selon l’étymologie admise ([a-] privatif et μαζος′ , prononcé mazos, « sein » en
grec), elles ont coutume de se couper le sein droit afin de pouvoir tirer à l’arc. Thésée a capturé Antiope,
la reine, avec laquelle il a conçu Hippolyte.
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EXPRESSION
Expression écrite
Exercice de synthèse
28. Résumez cette scène d’exposition.
Hippolyte annonce à Théramène qu’il veut partir à la recherche de Thésée, son père, absent de Trézène
depuis trop longtemps. Son ami lui apprend qu’il a déjà parcouru la Grèce tout entière sans succès, mais
qu’il comprend qu’Hippolyte cherche à fuir la présence de sa marâtre, Phèdre, qui lui rend la vie difficile.
Hippolyte avoue alors que c’est en fait son amour pour Aricie, la fille d’un clan ennemi réduit à l’esclavage
par Thésée, qui le rend coupable et motive son départ.
Écrit d’invention
29. Composez un monologue de six à douze alexandrins, que vous ferez rimer ou non, dans lequel Hip-
polyte se lamente sur son amour impossible pour Aricie.
On attirera l’attention des élèves sur le caractère poétique des alexandrins de Racine et sur leur construc-
tion très rigoureuse.
Expression orale
30. Débat : au XVIIe siècle, on ne parle pas de « tragédie », mais de « poème tragique » ou simplement de
« poème ». Qu’indiquent ces termes à propos de ce que les spectateurs de l’époque attendent de la pièce ?
En attend-on la même chose aujourd’hui ?
Poésie et théâtre se confondent au XVIIe siècle. Cette expression montre l’attention toute particulière
portée à la langue dans l’œuvre de Racine, et de laquelle procède la versification. On pourra préparer ce
débat en demandant aux élèves de faire des recherches sur le dithyrambe et les origines de la tragédie
grecque.
Les pièces d’aujourd’hui ne s’attachent plus au langage de la même manière : la versification n’est plus
de mise. On retrouve cependant une attention particulière portée à la langue dans le théâtre de Laurent
Gaudé par exemple ou de Ionesco (cf. La Cantatrice chauve).
31. Lisez la tirade d’Hippolyte pages 18 et 19 (l. 66-114).
Veiller à bien faire ressortir, à la lecture, les différentes parties qui composent la tirade d’Hippolyte.
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LECTURE
Lecture d’image
12. À quel mouvement artistique appartient Georges de La Tour ?
Georges de la Tour (1593-1652) n’est pas un exact contemporain de Racine. Sa jeunesse est mal connue,
mais sa peinture témoigne de deux influences majeures : celle des maîtres hollandais pour le traitement
des scènes de genre et celle de Caravage pour l’importance des clairs-obscurs. Son style unique est
difficile à placer dans un mouvement. On dit cependant fréquemment qu’il puise à la fois dans les mou-
vements classique (rigueur des compositions) et baroque (jeu de lumières et d’ombres, prédilection pour
les vanités).
13. Qui est Madeleine ? En quoi peut-on rapprocher la façon dont ce personnage est vêtu de la volonté
de Phèdre d’ôter « ces vains ornements », « ces voiles » qui « pèsent » (l. 162, p. 22) ?
Madeleine est un personnage biblique. Autrefois courtisane, c’est une pécheresse repentie, guérie par le
Christ des démons de l’amour. Elle a abandonné le monde pour se tourner vers la méditation. Georges
de La Tour a peint Madeleine pénitente à trois reprises. Ce tableau est le dernier de la série, et c’est le
plus achevé. Madeleine regarde un verre d’huile dans lequel brûle une flamme qui éclaire son visage,
et sa main repose sur un crâne tourné vers les spectateurs. Elle est pieds nus et ne porte aucun bijou,
aucun ornement. Elle est donc représentée dénuée d’artifices, dans sa vérité nue, comme Phèdre sou-
haiterait l’être. La jeune femme médite sur la fragilité de la vie, comme l’indique la présence du crâne,
et donne à voir l’introspection, comme en témoignent les livres fermés.
Ce tableau a donné lieu à un poème de René Char, dont vous trouverez les références en fin de livret,
dans la partie « Pour aller plus loin : documentation et informations complémentaires ». On pourra étudier
en parallèle le poème intitulé Madeleine à la veilleuse, Phèdre et le tableau du peintre. Pour aiguiller la
réflexion des élèves, on pourra leur poser les questions suivantes :
– Comment le désir, la violence et l’espoir se mêlent-ils dans le poème en prose de René Char ?
– Ces trois émotions se retrouvent-elles dans le tableau de Georges de La Tour et dans la tragédie de Racine ?
Étude de la langue
Grammaire
14. Lignes 191 à 211 (p. 23-24) : quels types de phrases dominent la tirade d’Œnone? Que montrent-ils de
son état d’esprit ?
Œnone utilise surtout des phrases interrogatives. Elle est troublée par l’attitude de Phèdre qu’elle ne
comprend pas.
15. Page 29, Phèdre s’insurge contre la « flamme si noire » (l. 324) qu’elle nourrit pour Hippolyte. Expliquez
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
ce propos. Quelle relation de sens note-t-on entre le nom et l’adjectif ? Comment se nomme cette figure
de style ?
La « flamme » est ici une métaphore précieuse qui désigne l’amour. « Noire » implique de façon méta-
phorique que cet amour est immoral. Il y a une relation d’antonymie entre la « flamme » (orange) et le
qualificatif « noire ». C’est un oxymore.
Lexique
16. « Tout m’afflige et me nuit, et conspire à me nuire » (p. 22, l. 166). D’où vient la musicalité de ce vers ?
Comment nomme-t-on la pause marquée par la virgule et chaque partie du vers ?
La musicalité de ce vers célèbre tient d’abord dans sa construction en deux hémistiches parfaitement
équilibrés. La répétition de la conjonction de coordination « et » contrebalance l’assonance régulière
en « i », qui divise le vers en quatre parties égales. La reprise du mot « nuit », mis en valeur à la fin du
premier hémistiche, par le mot « nuire » à la fin du second, amène également un équilibre, aussi bien au
niveau de la sonorité que du sens : c’est pour Phèdre, incarnation de la lumière, la nuit qui commence
et qui nuit à sa vie. L’allitération en « r » du second hémistiche renforce cette notion, s’opposant par sa
dureté aux sonorités douces du verbe « m’afflige » en début de vers.
9
Étymologie
17. Cherchez ce que signifie « Phèdre ». Est-ce surprenant ?
« Phèdre », en grec ancien Φα ι′δρα/Phaïdra, signifie « lumière » ou « brillante » ; c’est surprenant de
la part d’un personnage qui cherche sans cesse l’ombre et la dissimulation, mais cela explique aussi le
déchirement et le mal-être du personnage. C’est ainsi que se justifient les oppositions constantes entre
le jour et la nuit, la clarté et l’obscurité, la vérité et le mensonge présentes dans la pièce.
18. Quelle est l’étymologie du terme « passion » ? En quoi peut-on dire que la passion de Phèdre est « un
mal » (l. 45, p. 17) ou « une douleur profonde » (l. 151, p. 21) ?
« Passion » vient du latin patior, qui signifie « souffrir ». La passion de Phèdre, au sens étymologique,
est donc une douleur, comme l’indique le terme passio, qui désigne « la maladie », « la souffrance ». Ce
n’est pas un état qu’elle domine, mais qu’elle subit. Ce sens se retrouve dans l’emploi du verbe « pâtir »
ou dans l’évocation de la « passion du Christ », qui fait référence aux épreuves qu’il a endurées.
EXPRESSION
Expression écrite
Écrit d’invention
19. Hippolyte, dans un monologue délibératif en prose ou en vers, se demande ce qu’il doit faire après
que Phèdre lui a avoué son amour. À l’issue de la scène, sa décision est prise.
On prendra soin de définir les différents termes de ce sujet : la définition et les fonctions du monologue
sont expliquées dans l’encadré « Méthode » (p. 104).
Les élèves devront mettre à jour, dans ce monologue, les différents enjeux qui s’offrent au personnage
d’Hippolyte :
– s’il s’enfuit, il perd Aricie ;
– s’il repousse définitivement Phèdre, elle peut devenir dangereuse en complotant contre lui ;
– s’il ne repousse pas Phèdre, il va à l’encontre de ses sentiments, trahit la mémoire de son père et frôle
l’inceste.
20. Théramène, au courant de la passion de Phèdre pour Hippolyte, écrit une lettre à Aricie pour lui faire
part de la situation et de ses craintes pour l’avenir.
Théramène est le confident d’Hippolyte. Il va donc prévenir Aricie, une princesse disgraciée mais mal-
gré tout d’un rang supérieur au sien, avec les précautions oratoires d’usage dans les tragédies. Il doit
l’informer :
– de la déclaration de Phèdre à Hippolyte (les élèves devront donc en résumer les principales étapes) ;
– des dangers que court maintenant Hippolyte, qui a la solution de fuir, de rester, d’avouer à Thésée au
risque que ce dernier ne le croie pas ou, dans le cas contraire, qu’il punisse cruellement Phèdre ;
– du danger que représente la servile Œnone, qu’il soupçonne d’être une intrigante.
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
Écrit d’argumentation
21. Corneille déclare : « Lorsque l’on met sur scène une simple intrigue d’amour entre les rois, et qu’ils ne
courent aucun périls, ni de leur vie, ni de leur état, je ne crois pas que […] l’action soit assez [illustre] pour
s’élever jusqu’à la tragédie. » Êtes-vous d’accord ?
Les élèves chercheront au préalable qui est Corneille. On en passera par la lecture ou la visualisation
d’extraits du Cid afin d’en percevoir l’intrigue, vraisemblablement plus « héroïque » (Rodrigue doit laver
l’honneur de sa famille) que celle de Phèdre, délibérément tournée vers l’amour coupable.
Les élèves analyseront ainsi ce qui se passe dans Phèdre, autrement dit :
– une intrigue d’amour entre les rois : Phèdre, mariée à Thésée, aime Hippolyte ; Hippolyte aime Aricie,
la fille d’un clan ennemi ;
– la vie de Phèdre menacée par sa propre main ; elle préfèrerait presque qu’Hippolyte attente à ses jours
(acte II, scène 5) ;
– un péril d’état, puisque Thésée est cru mort au début de la pièce, et qu’il s’agit alors de savoir qui hé-
ritera du royaume : soit le fils de Phèdre, soit Hippolyte, le fils de Thésée et d’une étrangère, ou même
Aricie, à qui une part du royaume a été confisquée par Thésée.
10
Ainsi, il y a tous les ingrédients énoncés par Corneille. Ils n’ont cependant pas tous la même importance.
L’argument politique, en effet, n’est visible qu’au second plan de l’intrigue, et uniquement avant le retour
de Thésée : il n’est donc pas déterminant.
Expression orale
22. Selon Racine, Phèdre est à la fois coupable et victime de la passion qui l’agite. Lors d’un exposé struc-
turé et argumenté faisant de fréquentes références au texte, expliquez ce paradoxe.
On aura soin de donner à lire aux élèves la page 10 de la préface de la tragédie, où Racine s’explique
(ligne 11 et suivantes).
– Phèdre se sent coupable tout au long de la pièce : elle est « engagée par sa destinée et par la colère
des dieux », comme elle le dit elle-même (cf. réponse à la question 9, l. 291-292, p. 28, et l. 322-325, p.
47), « dans une passion illégitime dont elle a horreur toute la première » (cf. scène 3 de l’acte I, particu-
lièrement p. 26, l. 249-250).
– « Elle aime mieux se laisser mourir » (scènes 1 à 3 de l’acte I) « que de la déclarer à personne ».
– « Lorsqu’elle est forcée de la découvrir, elle en parle avec une confusion » extrême. Elle avoue ses
sentiments contre sa volonté à Œnone d’abord, et c’est la nourrice qui prononce le nom d’Hippolyte (p.
27, l. 277). Elle les avoue ensuite à Hippolyte grâce à un transfert par le personnage de Thésée (p. 46, l.
289 et suivantes) et s’en repent (p. 51, l. 6).
– Elle est victime d’« une confusion qui fait bien voir que son crime est […] une punition des dieux »,
comme elle le dit dans son premier monologue, acte III, scène 2 (p. 54, l. 79-82).
23. Mettez en scène, avec quelques camarades, un extrait de la scène 5 de l’acte II, pages 45 à 48 (l. 273-
354). Soignez l’intonation et la gestuelle des personnages, sans oublier d’évoquer la position d’Œnone.
La mise en scène doit mettre au jour les différentes parties de la première tirade de Phèdre :
– lignes 276 à 286, Phèdre parle de sa rencontre avec Thésée en Crète ;
– lignes 287 à 294, elle commence à rêver qu’Hippolyte était alors aux côtés d’Ariane ;
– lignes 295 à 304 : elle se voit prendre la place de sa sœur.
Œnone doit être la conscience de Phèdre à cet instant et agir en tant que telle tout au long de cette
révélation.
De même, la tirade suivante doit elle aussi faire l’objet d’une lecture attentive aux émotions ressenties
par la jeune reine :
– la fureur, d’abord, d’avoir révélé ce qu’elle voulait taire (l. 313-325) ;
– le regret, ensuite, d’avoir échoué dans sa manœuvre pour se protéger et protéger Hippolyte de sa
passion (l. 326-333) ;
– la prière, enfin : Hippolyte doit mettre fin à ses souffrances (l. 334-354).
PATRIMOINE
24. Le thème de Phèdre se rapproche du tabou de l’inceste. Cherchez des informations sur les tabous évo-
qués dans Électre et Œdipe roi, deux tragédies grecques puisant également leur source dans les mythes.
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
Électre (écrite par Sophocle en 430 av. J.-C.) évoque le matricide. Le roi Agamemnon a été assassiné
par sa femme Clytemnestre et l’amant de celle-ci, Égisthe. Agamemnon et Clytemnestre ont eu deux
filles, dont Électre, et un fils, Oreste, absent de Mycènes. De retour, il venge son père en tuant sa mère
coupable avec l’aide d’Électre.
Œdipe roi évoque le parricide et l’inceste. Cette tragédie de Sophocle racontant le destin d’Œdipe débute
après qu’il a tué Laïos, son père. Enfant, Œdipe a été abandonné par ses parents pour tromper une pro-
phétie qui prévoyait qu’il tuerait son père et épouserait sa mère. Il a toutefois été recueilli par un berger
qui l’a conduit auprès du roi de Corinthe. Le roi l’a élevé comme son fils, sans lui révéler ses origines. Mais
Œdipe, adulte, ignorant sa véritable identité, rencontre Laïos sur la route et le tue. Il épouse ensuite la
reine veuve de Thèbes, Jocaste, qui se révèle être sa mère : il accomplit donc l’oracle sans le savoir.
25. Un an après Phèdre, paraît La Princesse de Clèves, écrit par Mme de Lafayette. Documentez-vous sur
ce roman. En quoi son sujet se rapproche-t-il de la tragédie de Racine ?
Ce roman, qui paraît tout d’abord anonymement en 1678, est à la fois une chronique historique de
l’époque des Valois (sous le règne d’Henri II) et une fiction romanesque évoquant la vie de cour à travers
le désir adultère que sa jeune héroïne éprouve pour le duc de Nemours.
11
– Il est donc question, comme dans Phèdre, de l’amour coupable et impossible ressenti par une femme.
– Comme Racine, Mme de Lafayette subit les influences de la préciosité : les personnages sont beaux,
riches, gracieux, et l’amour est le thème central du roman.
– Tout comme dans Phèdre, on repère dans La Princesse de Clèves les influences du jansénisme : Mme
de Clèves ne peut trouver seule la solution à ses problèmes, ni même les expliquer clairement ; tous ses
efforts se résument non à combattre son amour, mais à n’en rien laisser paraître aux yeux des autres
courtisans.
La modernité de ce roman d’analyse en fait l’une des œuvres fondatrices du roman moderne.
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12
LECTURE
(l. 128-129).
7. Après le retour de Thésée, quels sentiments Phèdre éprouve-t-elle pour Hippolyte ?
Phèdre redoute maintenant Hippolyte (l. 110, p. 56) et éprouve pour lui une peur haineuse : elle le voit
« comme un monstre effroyable » (p. 57, l. 152).
Le désir de vengeance
8. Qui mène le dialogue dans la scène 3, après la ligne 136 (p. 57) ? Est-ce étonnant ? Quelle était la position
de ce personnage durant les aveux de Phèdre à Hippolyte (II, 5) ?
C’est Œnone qui mène le dialogue à partir de la ligne 136. Elle pose les questions et propose son plan
(l. 167-176, p. 58). Durant les aveux de Phèdre à Hippolyte, elle était dans l’ombre, silencieuse.
9. Dans la préface, comment Racine explique-t-il l’idée d’Œnone ?
Racine déclare que la calomnie « avait quelque chose de trop bas et de trop noir pour la mettre dans la
bouche » de Phèdre, « qui a d’ailleurs des sentiments si […] vertueux. Cette bassesse [lui] a paru plus
convenable à une nourrice, qui pouvait avoir des inclinations plus serviles, et qui néanmoins n’entreprend
cette fausse accusation que pour sauver la vie et l’honneur de sa maîtresse. » (l. 20-25, p. 11)
13
Étude de la langue
Grammaire
10. Quelles sont la classe et la fonction grammaticales du terme « pareilles » employé page 55 (l. 88) ?
« Pareilles » est un adjectif qualificatif attribut du sujet « nos causes ».
Lexique
11. Le terme « flamme » a-t-il le même sens dans la bouche de Phèdre (p. 56, l. 109) et dans celle d’Œnone
(p. 57, l. 149) ? Justifiez votre réponse.
Phèdre évoque sa « flamme adultère », c’est-à-dire son amour adultère (métaphore précieuse). Œnone,
quant à elle, s’exclame : « […] que plutôt du ciel la flamme me dévore ! » Elle utilise le terme « flamme »
pour désigner le soleil, l’arme des dieux qui l’atteindrait si elle n’essayait pas de sauver Phèdre. Ce terme
polysémique appartient donc à deux champs lexicaux différents : l’amour dans la bouche de Phèdre, les
dieux dans celle d’Œnone.
Étymologie
12. Le terme « perfidies » appartient à la famille du mot « foi ». Trouvez l’étymologie latine de ce dernier
terme. Quelle relation de sens unit ces deux mots ?
« Perfidies » vient du latin perfidia, qui signifie « mauvaise foi, déloyauté ». « Foi » vient de fides, qui
signifie « confiance, loyauté ». Le préfixe per- est donc un préfixe privatif, qui explique le sens de « per-
fide » et « perfidie ».
Lecture d’image
13. Ce paysage vous semble-t-il « réel » ? Pourquoi ?
Ce paysage est l’œuvre de Claude Lorrain (de son vrai nom Claude Gellée, 1600-1682). Il ne semble pas
réel car des éléments de diverses époques, parfois incongrus, le composent : on trouve par exemple
un fronton antique sur la droite, une forteresse sur la gauche, des promeneurs paraissant négocier un
voyage en barque, et d’autres assis sur une plage, alors qu’il semblerait que le peintre ait voulu repré-
senter un port où accostent d’imposants voiliers.
EXPRESSION
Expression écrite
Écrit d’argumentation
14. En quoi peut-on dire qu’Œnone est le double de Phèdre ?
Œnone est le double obscur de Phèdre :
– elle est au courant de tout ce que pense et fait sa maîtresse ;
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Écrit d’invention
15. Écrivez la scène qui suit la manœuvre de la nourrice, évoquant le procès d’Hippolyte. Le jeune homme
est accusé par Phèdre et Œnone, devant Thésée qui s’impose juge.
Les élèves pourront imaginer une mise en scène particulière. Phèdre et Œnone affrontent Hippolyte.
Les deux femmes et le prince peuvent se faire face, alors que Thésée peut, quant à lui, occuper la place
du juge, au centre de la scène.
Ce travail d’écriture est également l’occasion d’étudier le genre de l’éloge à travers la construction d’un
plaidoyer. Œnone joue en effet l’avocate de Phèdre et, en ce sens, il serait bon de placer dans sa bouche
14
un plaidoyer en faveur de la reine. On prendra alors pour modèle le plaidoyer d’Hémon dans Antigone de
Sophocle, reproduit en fin de livret dans la partie « Pour aller plus loin : documentation et informations
complémentaires ». Pour l’étude du plaidoyer d’Hémon, voir le livret du professeur d’Antigone de So-
phocle, disponible sur le site Internet de la collection « Classiques et Patrimoine » :
http://www.classiquesetpatrimoine.magnard.fr
Expression orale
16. Présentez à la classe Britannicus et Bérénice de Racine, puis expliquez les thèmes communs qui les
lient à Phèdre.
Britannicus est représentée pour la première fois en 1669. L’empereur romain, Claude, avant d’épouser
Agrippine et d’adopter Néron, a eu un fils, Britannicus. Néron succède à Claude quand débute la tragédie
et révèle l’amour qu’il porte à Junie, promise à Britannicus, qu’il assassine. Comme dans Phèdre, une
passion coupable domine un personnage jusqu’à ce qu’il commette l’irréparable.
Bérénice, jouée en 1670, évoque les amours de l’empereur Titus et d’une princesse de Judée, étrangère
à Rome : Bérénice. La pièce montre la révocation de la princesse par Titus, qui ne peut régner avec une
étrangère à son bras. Comme dans Phèdre, l’amour contrarié constitue l’action principale de la tragédie.
PATRIMOINE
17. À propos de la tragédie, Boileau déclare dans L’Art poétique, que « le secret est d’abord de plaire et
de toucher », et conseille « d’inventer des ressorts qui puissent [l’]attacher ». Quel rôle a joué cet écrivain
au siècle classique ? Racine suit-il ces recommandations ?
Boileau (1636-1711) est le théoricien du mouvement classique. Il se range donc évidemment du côté des
Anciens dans la querelle qui les oppose aux Modernes à partir de 1684. Il est proche de Racine, comme
le mentionne la présentation pages 4 et 5.
Racine suit ces recommandations, puisqu’il fonde ses pièces sur des intrigues amoureuses et prête
une grande attention à la construction de ses personnages, comme il l’écrit dans la préface de l’œuvre
(p. 10-13). Il n’hésite pas, en outre, à surprendre le spectateur par un coup de théâtre, le retour du roi
que l’on a cru mort, acte III, scène 3.
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
15
LECTURE
beau lien » (l. 196), « l’offrande » (l. 197), « langue étrangère » (l. 198), « vœux mal exprimés » (l. 198).
– Le champ lexical de l’amour se mêle à celui du combat et de la violence : « violence » (l. 165), « té-
méraire » (l. 170), « révolté » (l. 171), « aux fers de ses captifs » (l. 172), « orages » (l. 174), « audace
imprudente » (l. 177), « le trait » (l. 180), « je m’éprouve » (l. 181), « le rebelle Hippolyte » (l. 186), « mon
arc, mes javelots, mon char » (l. 189), « mes coursiers oisifs » (l. 192).
5. Page 41 : pensez-vous que les propos qui concluent la tirade d’Hippolyte (l. 197-200) soient justifiés ?
Dans ces trois derniers vers, Hippolyte utilise une litote précieuse censée souligner sa maladresse
lorsqu’il parle d’amour. La tirade a cependant montré qu’il était extrêmement habile lorsqu’il maniait le
langage galant. Ce tercet constitue donc une conclusion adroite, mais on se doute qu’Aricie est déjà
convaincue. Ainsi, ces propos, pas vraiment justifiés, n’ont qu’une fonction rhétorique.
Hippolyte calomnié
6. Pages 65-66 : pourquoi Hippolyte est-il surpris par les propos prononcés par son père ? Quel personnage
est à l’origine de la machination contre le jeune homme ?
Hippolyte ne sait pas qu’Œnone a jeté le discrédit sur lui.
16
7. Pages 67 et 68, lignes 87 à 113 : quels arguments utilise Hippolyte pour se disculper ?
– Hippolyte se tait à propos de Phèdre par « respect » (l. 90).
– Il demande à son père « d’examiner » sa vie : on ne devient pas un si grand criminel sans avoir quelque
expérience en la matière (l. 92-100).
– Il est le fils d’une Amazone, et a été élevé par le sage Pitthée (l. 101-108).
– Sa réputation d’homme vertueux est déjà faite en Grèce (l. 109-110).
8. Les raisons pour lesquelles Thésée refuse de croire son fils (p. 68-70) sont-elles valables ?
Thésée invoque l’orgueil de son fils (l. 114) et ses mauvaises qualités de menteur (l. 127). Le roi se fie à
ses impressions, sans prendre au sérieux les arguments d’Hippolyte. Ces propres arguments provien-
nent de jugements hâtifs et infondés.
9. Dans la scène 2 de l’acte IV, de quel trait de caractère le roi fait-il preuve ?
Le roi est aveuglé et manque de discernement. Il est trop orgueilleux lui-même pour juger correctement
son fils.
10. Pour qui le spectateur prend-il parti dans le dialogue opposant Hippolyte à Thésée ?
Le spectateur prend le parti d’Hippolyte, qui est victime à la fois de l’amour de Phèdre, de la machination
d’Œnone et de l’aveuglement de son père.
Étude de la langue
Grammaire
13. « Athènes dans ces murs maintenant vous rappelle », déclare Hippolyte (p. 39, l. 139). Quel est le sujet
du verbe ? Quelle figure de style remarque-t-on dans ce vers ?
Athènes, sujet du verbe « rappelle », est personnifiée. On pourra noter également une synecdoque :
Athènes est le tout qui désigne la partie (le peuple).
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
Lexique
14. Relisez les lignes 171 à 176 (p. 40). En vous aidant de l’encadré « Contextualisation », dites en quoi ces
propos sont « précieux ».
Les métaphores précieuses sont omniprésentes, assimilant l’amoureux à un combattant prisonnier
d’une force qui le dépasse. L’amour est bien sûr le sujet principal de ces vers, et les propos sont galants,
puisqu’Hippolyte déclare ses sentiments à Aricie.
15. Qu’est-ce qu’un plaidoyer ? Dans quels contextes utilise-t-on ce terme ? Isolez, dans la scène 2 de
l’acte IV, le plaidoyer d’Hippolyte.
Le plaidoyer est une forme d’éloge utilisée dans le domaine judiciaire et dans le domaine littéraire. C’est
un exercice rhétorique qui obéit à une composition stricte et qui vise à convaincre un auditoire.
Hippolyte plaide lui-même en sa faveur, tentant de convaincre Thésée de son innocence, des lignes 87
à 113, pages 67 et 68.
17
Étymologie
16. L’adjectif « superbe » est souvent employé pour désigner l’attitude d’Hippolyte. Quelle est son
étymologie ?
« Superbe » vient du latin superbus qui signifie « fier », « noble », « magnifique ».
EXPRESSION
Expression écrite
Écrit d’invention
17. Après la scène 2 de l’acte IV, Hippolyte envoie une lettre à Théramène, débutant par ces vers : « Tant
de coups imprévus m’accablent à la fois, / Qu’ils m’ôtent la parole et m’étouffent la voix. » (p. 67, l. 79-80)
Il évoque ses malheurs et demande conseil à son ami.
Cet écrit d’invention a pour but une récapitulation des malheurs d’Hippolyte :
– il aime Aricie, princesse que Thésée a asservie ;
– Phèdre a des sentiments coupables à son égard ;
– Œnone a comploté contre lui ;
– Thésée ne croit pas en son innocence.
Il faudra veiller à conserver les registres tragique et pathétique propres à ce genre de lettre et au per-
sonnage d’Hippolyte.
Écrit d’argumentation
18. Peut-on dire, à la lumière de la scène 2 de l’acte IV, que la tragédie entière repose sur les malentendus
et l’impossibilité des personnages à percevoir la vérité ?
Le malentendu est un procédé théâtral éprouvé, car il génère le conflit (moteur de l’action), crée du sus-
pense et permet de faire s’exprimer les personnages. Ainsi, la scène d’exposition est tout entière fondée
sur les malentendus qui alimentent la discussion entre Théramène et Hippolyte.
Chaque personnage est ensuite victime ou coupable de malentendus :
– Phèdre ne comprend pas immédiatement qu’Hippolyte aime quelqu’un d’autre, ni que son amour est
sans espoir ;
– Hippolyte ne comprend pas, avant la scène 5 de l’acte II, pourquoi Phèdre est cruelle à son égard ;
– Œnone ne saisit pas, avant la scène 3 de l’acte I, la raison de la douleur de Phèdre et se demande
également pourquoi cette dernière ne veut pas lutter et se laisse mourir (acte III, scène 3) ;
– Thésée, quant à lui, ne comprend pas que son fils est innocent et que Phèdre est coupable.
La tragédie repose donc sur les éclaircissements que les événements apportent : c’est ainsi que l’intri-
gue progresse.
Expression orale
19. Exposé : présentez à la classe Antigone de Sophocle1. Lisez, en illustration, l’épisode 3 de cette tragédie
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
1. Antigone, Sophocle, collection « Classiques & Patrimoine », n° 17, éditions Magnard, 2012.
18
Comme Hippolyte, Hémon est un jeune homme suffisamment clairvoyant pour discerner les erreurs de
son père, monarque puissant et aveuglé par son orgueil. Toutefois, Hémon veut la grâce d’Antigone,
alors qu’Hippolyte veut non seulement la grâce d’Aricie, mais aussi la sienne. Les deux personnages
meurent à la fin des deux tragédies, victimes d’une action qui les dépasse.
PATRIMOINE
20. D’où vient le terme « auguste » (p. 66, l. 42) ? En quoi est-il particulièrement adapté à Thésée ?
Le terme « auguste » vient du latin augustus, qui signifie « consacré par les augures » ou « qui bénéficie
de circonstances favorables ». Le terme est utilisé pour désigner un personnage digne de vénération,
imposant et respectable. Octavien, le fils adoptif de César, prit ce nom à connotation religieuse (il était
auparavant uniquement employé accolé au nom d’un dieu), s’assurant ainsi une autorité naturelle de droit
divin. Thésée, quant à lui, est le chef incontesté de Trézène et de la famille. C’est donc un « auguste »
monarque, qui entretient des relations particulières avec les dieux. Il est ainsi protégé par Neptune.
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
19
LECTURE
qu’au début de la scène. Plus le dialogue avance entre les deux personnages, plus la fureur de Phèdre
se déchaîne.
5. Quel projet Phèdre fait-elle pour conquérir Hippolyte (p. 53-54) ?
Phèdre veut lui proposer sa part du royaume, faisant « briller la couronne à ses yeux » (l. 66).
6. Relisez les deux derniers vers de la scène 1 de l’acte III. Que pensez-vous de l’attitude de Phèdre ?
Phèdre s’en remet totalement à Œnone. Elle se met donc en danger.
La fureur
7. Acte III, scène 1 : relevez le champ lexical de la dissimulation dans la première réplique de Phèdre.
Quelles réactions provoque en elle le fait de s’être démasquée devant Hippolyte ?
Champ lexical de la dissimulation : « que l’on porte ailleurs les honneurs » (l. 1), « qu’on me voie »
(antonyme, l. 2), « cache-moi » (l. 4), « au dehors » (l. 5), « ce que jamais on ne devait entendre » (l. 6),
« éludé » (l. 8), « une retraite prompte » (l. 9), « ses yeux » (l. 15).
Démasquée, Phèdre a perdu son honneur et n’a plus que deux solutions : se cacher ou mourir.
20
8. Acte IV, scène 4 : la révélation de l’amour d’Hippolyte pour Aricie provoque-t-elle une réaction diffé-
rente ? Quel est donc le moteur de la fureur de Phèdre ?
La révélation de l’amour d’Hippolyte pour Aricie provoque la surprise dans la scène 4 (p. 72, l. 189) et
donne lieu au monologue de la scène 5, dans lequel Phèdre, jalouse, annonce qu’elle ne défendra pas
le prince en disant la vérité à Thésée, mais qu’elle le laissera accuser.
Dans la scène 6, elle ordonne que les jeunes gens « bravent la fureur d’une amante insensée » (l. 259,
p. 76). Sa fureur est donc animée par les révélations, la mise au jour de ses propres sentiments ou de
ceux des autres personnages, qui suscitent en elle une colère et une jalousie incontrôlables.
9. Qu’est-ce qui déclenche le retour à la conscience de Phèdre dans la scène 6 de l’acte IV ?
C’est lorsqu’elle pense au crime contre Aricie, qu’elle accomplirait par la main de Thésée, que Phèdre
retrouve sa raison (l. 264-275).
Lecture d’image
10. Le parterre a été gardé vide pour offrir aux prestigieux spectateurs une vue dégagée. Par qui était-il
occupé habituellement ?
Le parterre, à l’époque de Racine, est occupé par les spectateurs les moins fortunés, car s’y trouvent
les places les moins chères. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le public du parterre se tient debout, comme
celui qui se trouve dans la fosse, lors des concerts de musique populaire actuels. Le parterre de l’Hôtel
de Bourgogne, représenté sur la gravure, peut contenir un peu plus de 600 spectateurs. C’est un public
turbulent, qui réagit rapidement et n’hésite pas à donner de la voix et à créer du chahut : à partir de 1685,
les spectateurs doivent même déposer à l’entrée du théâtre les cannes et les épées, afin d’éviter les
débordements dangereux.
La lecture du texte extrait de l’article de Jeffrey S. Ravel, « Le théâtre et ses publics : pratiques et re-
présentations du parterre à Paris au XVIIIe siècle », reproduit en fin de livret dans la partie « Pour aller
plus loin : documentation et informations complémentaires », qui relate un épisode auquel a participé le
marquis de Mirabeau en 1730, donnera aux élèves une idée du climat qui régnait dans les théâtres du
XVIIe et XVIIIe siècles.
Étude de la langue
Grammaire
11. Expliquez la terminaison du verbe « voir » (p. 51, l. 2).
Le verbe « voir » est conjugué au présent du subjonctif.
Lexique
12. Que signifie le mot « barbare » (p. 53, l. 53) ? A-t-il le sens que nous lui donnons couramment
aujourd’hui ?
« Barbare » signifie ici « étrangère ». Ce terme est employé au sens étymologique (barbarus en latin).
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
EXPRESSION
Expression écrite
Écrit d’invention
14. Phèdre comporte très peu de didascalies. Rédigez-en une à insérer au début de l’acte III, dans laquelle
vous évoquerez le décor, ainsi que la position et l’expression des personnages.
La didascalie ne doit pas excéder un paragraphe. On appréciera toutefois une description courte, mais
assez précise, sur le modèle de la didascalie initiale de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand (cf. ques-
21
tion 17) ou du Mariage de Figaro de Beaumarchais, reproduites en fin de livret dans la partie « Pour aller
plus loin : documentation et informations complémentaires », page 32.
On sera particulièrement attentif à la description de Phèdre, qui est, à ce moment de la pièce, très
éprouvée.
Écrit d’argumentation
15. En 1964, le metteur en scène Jean-Louis Barrault affirme que, dans la tragédie classique, ce sont les
personnages eux-mêmes qui, par leur seule présence, apportent le décor. Expliquez et commentez ce point
de vue.
Jean-Louis Barrault tient ces propos dans l’interview disponible sur le site du CNDP, « Phèdre vue par
Jean-Louis Barrault » :
http://www.cndp.fr/tdc/tous-les-numeros/la-tragedie-francaise/videos/article/phedre-vue-par-jean-louis-barrault.html
– On remarquera les mentions de paysages exotiques dans l’acte I, scène 1 : noms des personnages,
noms des provinces et des villes grecques.
– Les vers raciniens plantent un décor poétique et tragique.
– Les jeux d’ombres et de lumières sont contenus dans les personnages eux-mêmes : Hippolyte et Thé-
ramène sont des êtres solaires, héroïques ; Phèdre (paradoxalement) et Œnone sont des personnages
de l’ombre, qui cherchent à se cacher.
Expression orale
16. Réalisez le carnet de mise en scène de la scène 6 de l’acte IV : notez les déplacements des personnages,
les effets de lumières et le ton sur lequel doivent être dites les répliques. Ensuite, dirigez deux de vos
camarades pour jouer la scène.
Afin de préparer ce carnet de mise en scène, on pourra donner à lire aux élèves l’entretien de Patrice
Chéreau sur sa mise en scène de Phèdre en 2003, reproduit en fin de livret dans la partie : « Pour aller
plus loin : documentation et informations complémentaires ».
Les élèves pourront ensuite comparer leur mise en scène de la scène 6 de l’acte IV avec celle de Patrice
Chéreau, dont on aura soin de leur montrer une captation télévisuelle.
PATRIMOINE
17. Lisez la didascalie initiale de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. La description correspond-elle à
ce que nous connaissons des théâtres modernes ?
Il est possible, sur le site Internet http://www.theatre-odeon.fr/, de visiter virtuellement le théâtre de
l’Odéon. Les clichés permettront aux élèves de rendre leurs remarques plus aisées.
De nos jours, peu de théâtres ressemblent à des « hangars de jeu de paume ». Des efforts sont faits
pour que l’acoustique et la visibilité soient de la meilleure qualité possible, grâce à l’emploi de matériaux
de fabrication du mobilier particuliers et à la disposition de la scène et des loges. Les spectateurs n’ont
pas accès à la scène. Le parterre est aménagé de fauteuils confortables. Le manteau d’Arlequin ne com-
porte évidemment pas les armes royales, et l’orchestre, s’il y en a un, se trouve dans la fosse, et non sur
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
la scène. Les rampes de chandelles ont été remplacées par des rampes de puissants projecteurs activés
par un technicien. Enfin, l’espace détente où l’on peut se restaurer ne se trouve plus dans l’espace du
théâtre, mais dans une salle annexe à laquelle on accède à l’entracte, et l’entrée n’est plus un passage
unique, situé en face de la scène ou sous les loges : plusieurs portes donnent accès aux diverses places.
22
LECTURE
puisqu’elle a commis l’irréparable, d’une part en avouant ses sentiments à Hippolyte et, d’autre part, en
le discréditant par vengeance aux yeux de Thésée. Aux Enfers, elle s’attend à ce que son père « cherche
un supplice nouveau » (l. 292) pour mieux la punir. Elle ne sait donc plus où se cacher (l. 282).
7. Relisez les lignes 330 et 331 (p. 78). Selon Phèdre, quelle a été l’arme la plus redoutable utilisée par les
dieux pour la perdre ?
Pour Phèdre, l’arme des dieux la plus redoutable est incarnée dans le personnage d’Œnone, entièrement
dévouée à sa cause, et donc à sa fureur, sans libre arbitre, sans discernement du bien et du mal.
8. À la fin de la scène 6 de l’acte IV, quel rapport Phèdre entretient-elle avec les autres personnages ?
Phèdre est seule, puisqu’elle s’est elle-même séparée d’Œnone, son unique confidente.
Étude de la langue
Grammaire
9. « Prends pitié de ma jalouse rage », dit Phèdre (p. 76, l. 263). Quelle est la place de l’adjectif dans le
groupe nominal ? Trouvez, dans le reste de sa tirade, des constructions semblables.
23
L’adjectif est antéposé : il se trouve avant le nom qu’il qualifie, « rage », de façon à être davantage mis
en valeur. On retrouve cette structure dans les groupes nominaux suivants : « mes jaloux transports »
(l. 268), « mes homicides mains » (l. 276), « ce sacré soleil » (l. 279), « ses sévères mains » (l. 284), « les
pâles humains » (l. 285), « une pénible vie » (l. 299).
Lexique
10. Expliquez la formation du terme « homicides » (p. 76, l. 276). Citez d’autres mots possédant le même
suffixe et donnez leur sens.
Le terme « homicide » est composé des termes latins homo, l’homme, et caedere, qui signifie « tuer ».
Quelques termes de la même famille : « matricide » (meurtre de la mère par l’enfant), « infanticide »
(meurtre de l’enfant par la mère ou le père), « parricide » (meurtre du père par l’enfant) et « génocide »
(extermination d’un groupe humain).
11. Comment nomme-t-on le procédé de versification utilisé lignes 325 et 326 (p. 78) ?
Il s’agit d’un rejet.
Étymologie
12. Quelle est l’origine du nom « charme » (p. 75, l. 235) ?
« Charme » vient du latin carmen, qui signifie « incantation, formule magique », mais aussi « poème ».
Phèdre l’emploie ici dans son sens étymologique de « magie, sortilège ».
Lecture d’image
13. Quelle relation existe-t-il entre Phèdre et le Minotaure ? Qui est donc le personnage représenté sur
le médaillon ?
Phèdre est la demi-sœur du Minotaure, que sa mère Pasiphaé, représentée sur le vase, a enfanté avec
un taureau blanc du troupeau de Minos, le roi de Crète. On conseillera aux élèves de relire à ce sujet la
partie « Présentation : l’auteur, l’œuvre et son contexte », page 8 du livre.
EXPRESSION
Expression écrite
Écrit d’argumentation
14. Selon le critique Roland Barthes, « dès le début, Phèdre se sait coupable, et ce n’est pas sa culpabilité
qui fait problème, c’est son silence ». Êtes-vous d’accord ? Répondez sous la forme d’un développement
argumenté.
On demandera aux élèves, afin de préparer ce travail d’écriture, de relire la scène 3 de l’acte I (particuliè-
rement les lignes 249 et 250, p. 26) et la scène 5 de l’acte II, qui sont les scènes dans lesquelles Phèdre
avoue son secret à Œnone et à Hippolyte. On leur demandera également de lire la dernière scène, dans
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
Expression orale
16. Débat : pensez-vous, comme Œnone, qu’on « ne peut vaincre sa destinée » (p. 77, l. 302), autrement
dit que notre milieu social ou culturel, par exemple, nous prédestine à un avenir particulier ?
24
Cette question est l’occasion de présenter aux élèves ce qu’est la sociologie (par exemple à travers la
personnalité et les travaux de Pierre Bourdieu) et en quoi elle peut être utile pour ce débat. C’est aussi
l’occasion de réfléchir au rôle joué par l’école, censée donner l’égalité des chances à tous les élèves. Un
article intéressant publié sur le site Internet « lewebpedagogique » évoque ces questions :
http://lewebpedagogique.com/vafa/2011/01/29/scolarite-et-mobilite-social-une-situation-paradoxale/
PATRIMOINE
17. Expliquez le rôle de Minos aux Enfers en vous aidant des propos de Phèdre, lignes 283 à 293 (p. 76-77).
Minos est l’un des trois juges des Enfers. Fils de Jupiter et d’Europe, il a gouverné la Crète avec justice
et douceur. Aux Enfers, il soumet les mortels à un sévère examen. Les âmes franchissent le Styx et
l’Achéron avant de comparaître devant Rhadamanthe, Éaque et le roi de Crète, les juges qui siègent
au tribunal du Champ de la Vérité, borné d’un côté par le Tartare et de l’autre par les Champs Élysées.
Puissants et pauvres ont pour ces juges le même statut. Rhadamanthe et Éaque instruisent les causes
et prononcent les sentences. En cas de difficulté, c’est Minos, présidant le tribunal, qui opère l’arbitrage.
On le représente souvent muni d’une « urne fatale » (l. 283) qui renferme les billets funestes ou favo-
rables décidant du sort des âmes. Son verdict est sans appel : les peines et les vertus sont en rapport
avec les crimes et les hauts faits. Certaines fautes entraînent la condamnation à perpétuité.
18. Racine a étudié à l’école janséniste de Port-Royal. Qu’est-ce que le « jansénisme » ? Quel rapport
entretient cette doctrine avec l’idée de prédestination ?
Le jansénisme est une doctrine religieuse qui puise ses racines dans la pensée de Saint Augustin, déve-
loppée à l’origine par Cornelius Jansen (1585-1638). Cet évêque, surnommé Jansénius, publie post-mor-
tem l’Augustinus, en 1640. Il inscrit ses thèses en réaction contre l’humanisme et le molinisme, doctrine
qui veut que l’homme reçoive la grâce en naissant. Ses disciples développent sa pensée au couvent de
Port-Royal, influencent les milieux ecclésiastiques et la haute société. Pour les jansénistes, l’homme est
déchu à la suite du péché originel et tend naturellement vers le mal. Il ne peut être guidé vers le bien que
par la grâce de Dieu, mais cette grâce ne tombe que sur un petit nombre d’élus, indépendamment de
leur mérite ou de leurs efforts. Personne ne peut donc être assuré de son salut, qui dépend de la prédes-
tination. Les jansénistes sont expulsés de Port-Royal en 1679 et sont persécutés sur ordre de Louis XIV.
Racine a reçu une éducation janséniste à l’école de Port-Royal (voir la présentation p. 4 du livre de
l’élève). Même s’il a rompu avec ses maîtres, le dramaturge fait de Phèdre un personnage dominé
par ses passions, recherchant la satisfaction, hautement condamnable pour ces religieux, de sa fureur
amoureuse. Dieu seul pourrait combler son attente, mais l’espérance est inutile, car son destin fatal a
été tracé à l’avance.
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25
LECTURE
7. Le monstre est décrit sous les traits d’un « indomptable taureau » (p. 88, l. 196). À quel autre monstre,
proche de Phèdre, peut-il être associé ?
Le monstre marin est une figure symbolique du Minotaure et représente par conséquent la responsabi-
lité de Phèdre dans la mort d’Hippolyte.
8. Page 88, ligne 217 : quel est ce « dieu » dont parle Théramène, qui aiguillonne le flanc des chevaux ?
Qui est donc responsable de la mort d’Hippolyte ?
C’est le dieu Neptune qui a vraisemblablement poussé le monstre, « dieu vengeur » (p.160, p.71) invo-
qué par Thésée dans la scène 3 de l’acte IV. Thésée est donc responsable de la mort de son fils.
9. Pages 87-89 : dans quels registres Théramène fait-il le récit de la mort d’Hippolyte ?
Il utilise les registres :
– tragique pour évoquer l’attitude d’Hippolyte exilé (l. 175-183) ;
– épique pour raconter le combat du prince et du monstre (184-221) ;
– pathétique enfin pour dire sa mort (l. 222-247).
26
10. De quoi Hippolyte est-il coupable ? Après les événements de la scène 6, sa faute paraît-elle aussi
grande que celle de Phèdre ou de Thésée ? Comment peut-on juger sa mort ?
Dans la tragédie, Hippolyte est coupable d’aimer une princesse d’un clan ennemi de son père. Sa faute
paraît dérisoire à côté des fautes de Phèdre (le désir d’adultère, la cabale ayant entraîné la mort du jeune
prince) et de Thésée (l’aveuglement et l’injustice vis-à-vis de son fils).
11. Pour le spectateur, comment apparaît le personnage d’Hippolyte dans ce dénouement ?
Hippolyte est une victime.
Les derniers aveux de Phèdre
12. Dans l’ouverture de la dernière scène (p. 90-91), quelle est l’attitude de Thésée ? Quels sentiments
ressent-il ? Est-ce étonnant ?
La conversion de Thésée vers la sagesse et le repentir a commencé dans la scène 4. Il n’est donc pas
surprenant qu’il exprime, dans sa première tirade, une tristesse immense face à sa propre erreur et à
la mort de son fils. Cependant, on voit qu’il veut conserver encore un peu de son aveuglement pour ne
pas être confronté à la violence de l’entière vérité (l. 276).
13. Lors de sa dernière tirade, Phèdre s’accuse-t-elle entièrement ? Pourquoi peut-on dire que cette tirade
offre un résumé partial de l’intrigue ?
Phèdre fait porter la faute sur Œnone (l. 304). Elle offre un résumé partial de l’intrigue en ce sens : n’est-
elle pas responsable des agissements de sa confidente, à qui elle a donné les pleins pouvoirs (p. 54,
l. 77) avant de la désavouer (p. 78, l. 322) ?
14. Par quel moyen Phèdre se suicide-t-elle ? Comment justifie-t-elle cet acte ?
Phèdre s’empoisonne (p. 92, l. 315-316). Elle justifie cette forme de suicide par sa lenteur, qui lui permet
d’expier ses fautes en les avouant (l. 313-314).
15. Quels personnages meurent dans cette tragédie ? Leurs façons respectives de mourir correspondent-
elles à ce que l’on peut attendre d’eux ?
Trois personnages meurent conformément à leur condition.
– Œnone se jette dans la mer : rejetée par Phèdre, elle n’a plus de raison de vivre. Elle lave donc ses
péchés. Cette façon de mourir l’apparente également au monstre marin qui a tué Hippolyte.
– Phèdre s’empoisonne : c’est une mort lente, qui lui permet ses derniers aveux.
– Hippolyte meurt au combat : c’est un prince qui attendait d’avoir accompli un haut fait dans la scène
d’exposition, afin d’égaler Thésée.
16. Pourquoi est-ce Thésée qui clôt la pièce ? Qu’apporte sa dernière réplique ?
Thésée, à la fin de la pièce, est un personnage pathétique. C’est le personnage qui a le plus évolué dans
la tragédie, passant de héros rêvé à monarque aveugle, pour enfin faire acte de repentir (lignes 326-333)
en acceptant Aricie comme sa fille. De plus, c’est lui qui, par le coup de théâtre de son retour, a précipité
l’enchaînement tragique des faits.
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
17. Le dénouement proposé par ces dernières scènes vous semble-t-il complet ?
– Phèdre est morte après avoir avoué son forfait à Thésée, et la partie noire de son âme représentée
par Œnone est morte elle aussi.
– Aricie et Hippolyte sont unis dans la mort de ce dernier. De plus, Thésée considère désormais la jeune
femme comme sa propre fille.
– Thésée est sorti de son aveuglement.
Le dénouement est donc complet puisque l’intrigue est intégralement résolue.
Lecture d’image
18. Dans quel mouvement artistique Pierre Paul Rubens s’inscrit-il ?
Pierre Paul Rubens (1577-1640) est un peintre originaire des Pays-Bas espagnols. Également diplomate
et marchand, c’est une personnalité importante du début du XVIIe siècle, qui a vécu la plus grande partie
de sa vie à Anvers. Il est familier des sujets religieux (La Descente de croix, 1616-1617, Le Christ mis au
tombeau, 1616). Son séjour en Italie, de 1600 à 1608, et particulièrement à Venise, lui permet d’étudier
les peintres de la Renaissance. Chef de file du mouvement baroque, il impose des œuvres monumen-
tales, surchargées et puissantes, qui donnent toute leur importance à la couleur et aux lignes brisées.
27
19. Quel épisode de la pièce décrit le tableau ? Retrouvez les vers exacts dans la scène 6 de l’acte V.
L’épisode peint par Rubens appartient au récit de Théramène, pages 88-89, des lignes 219 à 229.
20. Comment le peintre fait-il apparaître, dans les formes et la composition, la violence de la scène ?
La violence de la scène est suggérée :
– par l’atmosphère orageuse et nébuleuse du ciel et de la mer en second et troisième plan ;
– par la surcharge du tableau (coquillages et perles baroques sur la plage comblent même cet espace
ordinairement vide) ;
– par la fuite des personnages secondaires, représentés de dos, symbolisant la surprise et la peur ;
– par l’axe diagonal sur lequel sont représentés les personnages, dans une sorte d’empilement vertical,
du plus vulnérable (Hippolyte allongé) au plus puissant (le monstre sortant des flots),
– par la confrontation désordonnée dont les chevaux sont les piliers ;
– par la représentation nébuleuse du monstre et de deux chevaux ;
– par la position torturée de chaque personnage.
Et, si vous pouvez vous procurer une version de l’œuvre en couleurs, on peut ajouter :
– par les couleurs très contrastées (jaune or du char et des harnais, repris dans le rayon du soleil qui
perce les nuages comme une intention divine, rouge de la cape matérialisant le sang d’Hippolyte, argent
des chevaux) ;
– par le halo coloré qui entoure le monstre et lui donne du mouvement.
Étude de la langue
Grammaire
21. Lignes 170 à 172 (p. 87) : quelle structure grammaticale est répétée ? Quel effet a voulu créer l’auteur ?
La structure comparative « le plus aimable » est reprise dans l’expression « le moins coupable », accen-
tuant, par ce parallélisme poétique, le pathétique de la mort du jeune homme.
22. Lignes 238 à 244 (p. 89) : dans quel style de discours sont évoqués les derniers mots d’Hippolyte ?
Pourquoi ?
Les derniers mots d’Hippolyte sont évoqués au style direct pour apporter plus de réalisme à la scène.
Lexique
23. Page 86, ligne 164 : quel procédé poétique Racine emploie-t-il pour que ce vers soit un alexandrin ?
Racine utilise dans ce vers une diérèse, comptant trois syllabes au terme « confié ». Pour que ce soit un
alexandrin, il faut donc lire : « con-fi-é ».
Étymologie
24. D’où vient le terme « légitime » (p. 91, l. 275) ? Déduisez sa définition de son étymologie, et trouvez
des mots de la même famille.
« Légitime » vient du latin legitimus, qui signifie « légal, légitime, conforme à la loi ». C’est un mot de la
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
même famille que le terme « loi » (lex, legis en latin). Dans le contexte de la ligne 275, on peut le rem-
placer par « conforme à la justice morale ».
Quelques mots de la même famille : légal, légalisation, légiférer, hors-la-loi, illégal, légalement, légiste,
légalité, législation.
Expression écrite
Écrit d’argumentation
25. Dans une avant-dernière scène, Thésée s’irrite conte Neptune qui, selon lui, a trop précipité ses « fu-
nestes bienfaits » (p. 86, l. 158) en provoquant la mort d’Hippolyte. Le dieu apparaît alors et affirme que
le roi est seul coupable.
Dans ce dialogue avec Neptune, Thésée parle d’abord seul, comme il le ferait dans un monologue. Le
ton polémique de cette première réplique doit donc être provoqué par l’emploi de phrases exclamatives
et interrogatives. L’arrivée de Neptune nécessite une didascalie. Le contenu des propos de Neptune doit
reprendre ce que l’on sait de Thésée, et particulièrement son héroïsme et son aveuglement. Les élèves
pourront donc relire l’acte I, scène1, ainsi que l’acte IV.
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Écrit d’invention
26. Avant de mourir à son tour, Phèdre se lamente sur la dépouille d’Hippolyte. Mais elle est surprise par
Ismène. Écrivez cette scène.
Le lamento de Phèdre doit utiliser les registres lyrique, tragique et pathétique. On demandera aux élèves
de relire l’encadré « Méthode », p. 113. L’intervention d’Ismène doit, quant à elle, être dominée par le
registre polémique (sans pour autant exclure des passages pathétiques) : elle ne peut qu’accuser la reine
de la mort du prince.
EXPRESSION
Expression orale
27. Débat : Thésée parle de « l’éclat » de son « nom » (p. 91, l. 287) : l’image qu’il va laisser à la postérité
l’inquiète. Selon vous, alors que nous sommes influencés par les réseaux sociaux, accorde-t-on aujourd’hui
une importance semblable à notre image ?
Les élèves pourront s’appuyer sur l’actualité (campagnes présidentielles françaises ou américaines,
montée des nouveaux moyens de communication et d’information) et les stratégies de communication
mises en place par les uns et les autres.
On pourra faire le parallèle avec les cabales donnant lieu aux disgrâces de certaines personnalités du
siècle de Louis XIV, comme Nicolas Fouquet par exemple.
PATRIMOINE
28. Qui est « Médée » (p. 92, l. 316) ? Pour quelles actions et quelle « fureur » est-elle tristement célèbre ?
Présentez les tragédies antiques et classiques évoquant ce mythe.
Médée est une magicienne connue pour avoir tué les enfants qu’elle a eus avec Jason, afin de punir
ce dernier de ses infidélités. Des tragédies reprenant le mythe ont été écrites par Euripide, Sénèque et
Corneille (que vous pouvez retrouver dans la collection « Classiques & Contemporains », n° 93, éditions
Magnard).
29. En vous aidant de l’encadré « Histoire des arts » évoquant le château de Versailles, cherchez quels
édifices architecturaux parisiens appartiennent à l’esthétique classique. Quelle impression générale s’en
dégage ?
Les colonnades du Louvre, l’Institut, les Invalides, la place Vendôme évoquent la sobriété, l’harmonie et
l’équilibre classique.
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
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AUTOUR DE L’ŒUVRE
toutes les réponses aux questions
TEXTES ET IMAGES DANS LE CONTEXTE
1. Épître
Nicolas Boileau, « Épître à Monsieur Racine », VII, Épîtres (1669-1695).
1. Qu’est-ce qu’une épître ? Quel est le sujet de celle-ci ?
Le terme « épître » vient du latin epistola (du grec επιστολη/épistolè), qui signifie « lettre », « élément de
correspondance ». Dans l’Antiquité, ce sont de courts traités philosophiques. Au XVIe siècle, particulière-
ment sous la plume de Clément Marot (Épîtres), et au XVIIe siècle, sous l’influence de Voiture, Scarron et
bien sûr Boileau, l’épître devient un discours en vers, le plus souvent didactique ou académique.
Dans cette épître, Boileau évoque Racine et son œuvre, enjoignant au dramaturge de supporter les cri-
tiques plus ou moins fondées que son succès au théâtre provoque.
2. Boileau, Sophocle, Molière, Corneille et Racine appartiennent-ils à la même époque ?
Corneille (1606-1684), Molière (1622-1673), Racine (1639-1699) et Boileau (1636-1711) sont des hommes
de lettres du XVIIe siècle. L’écriture de l’épître est contemporaine de la date des premières représenta-
tions de Phèdre. Corneille a donné sa dernière tragédie, Suréna, en 1674. Molière est mort suite à une
représentation du Malade imaginaire un an auparavant.
Sophocle (496-405 avant J.-C.) est un homme de théâtre et un homme politique grec, appartenant au
siècle de Périclès. Boileau le cite dans son épître en tant que modèle des classici scriptores.
3. À la lecture de ce texte, pensez-vous que Boileau critique ou loue Racine et son œuvre ?
Boileau fait l’éloge de Racine, qui selon lui est capable « d’émouvoir, étonner, ravir un spectateur ».
2. Roman
Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919).
1. Le narrateur du texte assiste pour la première fois à une représentation de Phèdre. Qu’attend-il du jeu
de l’actrice ? Quelle émotion éprouve-t-il ?
Le narrateur veut ressentir du « plaisir », « admirer » ce que le talent de la Berma ajoute à la tragédie.
Or il ne ressent pas l’émotion attendue : il ne parvient pas à « recueillir » une seule des raisons pour
lesquelles il aurait pu l’admirer.
2. Qu’est-ce qu’une « mélopée » ? À votre avis, quelle particularité du texte de Racine peut faire passer la
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
3. Tableau
Alexandre Cabanel, Phèdre (1880).
1. Cherchez des informations sur Alexandre Cabanel. À quel mouvement artistique appartient-il ?
Alexandre Cabanel (1823-1889) est un peintre français, chef de file de l’art « pompier » ou académique
(1830-1880). Ce mouvement érige les leçons de l’Académie royale de peinture en règles à suivre : sim-
plicité, grandeur, pureté et harmonie, respect de la primauté du dessin sur la couleur, du travail en atelier,
de l’imitation des anciens. Les impressionnistes et les naturalistes créeront une peinture en réaction à
ce mouvement, soutenus entre autres par Émile Zola.
L’œuvre de Cabanel comporte autant de peintures d’histoire (Cincinnatus recevant les ambassadeurs
de Rome en 1843, Cléopâtre essayant des poisons sur les condamnés à mort en 1887) et de scènes de
genre que de portraits. En 1863, La Naissance de Vénus (actuellement au musée d’Orsay), grand succès
du Salon et acquise par Napoléon III, donne lieu à une controverse qui agite le monde de l’art, les uns
trouvant le corps de la déesse « pétri avec l’écume neigeuse des vagues », selon les mots de Théophile
Gautier dans Le Moniteur universel, les autres, comme Émile Zola dans Nos peintres au Champ-de-Mars,
y voyant une « délicieuse Lorette […] en une sorte de pâte d’amande blanche et rose ». Le thème my-
thologique que Cabanel reprend dans Phèdre est un prétexte à l’abord du nu, dont la lascivité n’est pas
sans rappeler celle de la reine agonisante représentée ici.
2. Comparez le tableau de Cabanel à celui de Pierre Narcisse Guérin (sur le rabat de la couverture de votre
livre). Comment apparaît, par contraste, la Phèdre peinte par Cabanel ? Que retient-il du personnage ?
Le sujet de Phèdre vient avec l’engouement du XIXe siècle pour le théâtre. Le tableau suscite différentes
appréciations de la part des critiques. Dans L’Illustration, Loysel loue « l’expression de la douleur mo-
rale que l’auteur s’est appliqué à rendre dans toute son énergie concentrée ». Émile Zola, quant à lui,
fervent défenseur d’une modernité qu’il ne retrouve pas dans le tableau, le blâme sévèrement dans Le
Naturalisme au Salon en 1880 : « Voyez cette misère. Voilà M. Cabanel avec une Phèdre. La peinture
en est creuse comme toujours, d’une tonalité morne où les couleurs vives s’attristent elles-mêmes et
tournent à la boue. Quant au sujet, que dire de cette Phèdre sans caractère, qui pourrait être aussi bien
Cléopâtre que Didon ? C’est un dessus de pendule quelconque, une femme couchée, et qui a l’air fort
maussade. Cela est faux de sentiment, faux d’observation, faux de facture. » On modérera cependant le
propos de l’écrivain en remarquant l’influence romantique prégnante dans la peinture de Cabanel, alors
qu’elle est absente de la représentation néo-classique du thème par Pierre Narcisse Guérin : Phèdre est
abandonnée, mourante, à demi-nue, dépouillée de ses secrets. Sa couche se trouve sur une estrade qui
évoque le théâtre. Comme Vénus, en 1863, le personnage est représenté sur une ligne horizontale, situé
dans la moitié haute du tableau, créant à l’œil du spectateur une distorsion étrange entre sa position et
la position des autres femmes. La tête relevée de Phèdre ne suffit pas à regarder vers le haut : elle est
tournée vers les Enfers et la mort. Œnone gît au pied de son lit. Cabanel retient donc la douleur, le désir
d’adultère, l’abandon des secrets et la mort inéluctable du personnage.
Le musée Fabre de Montpellier propose un dossier pédagogique destiné aux écoles qui peut constituer
une première approche de l’œuvre d’Alexandre Cabanel. Il est disponible sur Internet à l’adresse suivante :
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
http://museefabre.montpellier-agglo.com/pdf.php/?filePath=var/storage/original/application/8925d2851
9f7ddfda96791cfa51b26ca.pdf.
3. Dans quel décor le peintre place-t-il la scène ? Respecte-t-il en détail la pièce de Racine ?
Cabanel place Phèdre dans un décor plus oriental que grec et, en cela, il trahit la pièce de Racine. Il
change également la façon de mourir d’Œnone (la position des mains du personnage suggère qu’Œnone
s’est coupée aux poignets) et introduit une deuxième suivante. Cabanel expérimente donc dans ce ta-
bleau la veine orientaliste qui a séduit les peintres de son époque, et particulièrement Ingres, Delacroix
et même Renoir. On retrouve dans Phèdre l’idée du harem qui, se rapprochant du gynécée grec, justifie
sans doute la présence de la deuxième servante, tout comme il justifie la nudité de la reine, qui pourrait
paraître choquante.
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HÉMON
© Éditions Magnard, Classiques & Patrimoine, 2012.
Mon père, les dieux ont donné aux hommes la raison, le plus précieux de tous les biens. Elle vient de parler par
ta bouche, je ne puis, je ne saurais le nier. Mais d’autres aussi peuvent parler avec sagesse. Mon devoir est d’ob-
server les actions, les paroles, les reproches dont tu peux être l’objet. Effrayé par ta présence, le citoyen tait les
discours qui blesseraient tes oreilles : tandis que moi, je puis recueillir leurs secrets entretiens, entendre combien
Thèbes gémit sur le sort de cette jeune fille. Quoi ! la femme la plus innocente, pour l’action la plus belle, va périr
de la mort la plus horrible, elle qui n’a point souffert que son frère tué dans les combats restât sans sépulture, et
devînt la proie des chiens dévorants et des vautours ? Ne mérite-t-elle pas les honneurs les plus éclatants ? Voilà
les propos secrets qui circulent dans la ville. Pour moi, mon père, ta prospérité est mon bien le plus précieux. Et
quel plus bel ornement pour un fils que la gloire de son père, et pour un père que celle de ses enfants ? Ne te per-
suade donc pas que la sagesse règne dans tes seuls discours, et non dans ceux des autres. Car ceux qui croient
avoir seuls en partage la sagesse, l’éloquence et la raison, mis à découvert, ne possèdent plus rien. Mais le sage
lui-même ne rougit jamais d’apprendre, et de ne point se roidir devant les conseils. Vois sur les bords des torrents
grossis par les orages les arbres qui cèdent conserver leurs branches, tandis que ceux qui résistent sont déracinés.
De même, celui qui s’obstine à tendre la voile malgré l’orage est bientôt réduit à naviguer sur les débris de son
vaisseau renversé. Calme donc ta colère et révoque ton arrêt. Car si, malgré ma jeunesse, j’ai quelque prudence,
le premier des mortels, à mes yeux, est celui qui possède toutes les lumières de la raison ; mais comme elles se
trouvent rarement réunies dans l’homme, il y a encore de la gloire à suivre de sages conseils.
La salle de l’Hôtel de Bourgogne, en 1640. Sorte de hangar de jeu de paume aménagé et embelli pour des
représentations.
La salle est un carré long ; on la voit en biais, de sorte qu’un de ses côtés forme le fond qui part du premier
plan, à droite, et va au dernier plan, à gauche, faire angle avec la scène qu’on aperçoit en pan coupé.
Cette scène est encombrée, des deux côtés, le long des coulisses, par des banquettes. Le rideau est formé
par deux tapisseries qui peuvent s’écarter. Au-dessus du manteau d’Arlequin, les armes royales. On descend
de l’estrade dans la salle par de longues marches. De chaque côté de ces marches, la place des violons.
Rampe de chandelles...
Deux rangs superposés de galeries latérales : le rang supérieur est divisé en loges. Pas de sièges au parterre,
qui est la scène même du théâtre ; au fond de ce parterre, c’est-à-dire à droite, premier plan, quelques bancs
formant gradins et, sous un escalier qui monte vers des places supérieures et dont on ne voit que le départ,
une sorte de buffet orné de petits lustres, de vases fleuris, de verres de cristal, d’assiettes de gâteaux, de
flacons, etc.
Au fond, au milieu, sous la galerie de loges, l’entrée du théâtre. Grande porte qui s’entrebâille pour laisser
passer les spectateurs. Sur les battants de cette porte, ainsi que dans plusieurs coins et au-dessus du buffet,
des affiches rouges sur lesquelles on lit : La Clorise.
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Au lever du rideau, la salle est dans une demi-obscurité, vide encore. Les lustres sont baissés au milieu du
parterre, attendant d’être allumés.