Selectae Sancti Cypriani Epistolae 000000471
Selectae Sancti Cypriani Epistolae 000000471
Selectae Sancti Cypriani Epistolae 000000471
SANCTI CYPRIANI
EPISTOLAE,
PARIS,
GAUME FRÈRES, LIBRAIRES,
RUE CASSETTE, 4.
1852
Biblio!èque Saint Libère
http://www.liberius.net
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BIBLIOTHÈQUE
DES
CLASSIQUES CHRÉTIENS,
LATINS ET GRECS,
SAINT CYPRIEN.
SELECTiE
DIVI
CiECILII CYPRIANI
EPISCOPI CARTHAGINENSIS
EPISTOLJE.
EPISTOLA I.
A » DONATUM.
S . Cyprien décrit à son ami Donat les heureux effets du Baptême qu'ils
avaient reçu ensemble. Désordres du monde : bonheur d'une vie
chrétienne?
crèce dit, en pariant de la vie qui s'épuise : œvo fessa fatiscit (anima);
ce mot se trouve aussi élégamment employé par Virgile et par Ovide.
4
Gicéron, au commencement du dialogue De claris oratoribus, dé-
crit aussi le lieu où ses interlocuteurs discutent paisiblement en plein
air les questions qui font le sujet de cet ouvrage.
* Stuàentibus fabulis : des causeries ayant pour objet les divins, etc.
LETTRES CHOISIES
DE
SAINT CYPRIEN,
ÉVÊQUE DE CARTHAGE.
L E T T R E 1.
A DONAT*.
3
rant*. Bene Me studia in aures damus ; et, dum in arbores
et in vites oblectante prospecta oculos amœnamus, animum
simul et auditus instruit et pascit obtutus.
Quanquam tibi sola nunc gratia, sola cura sermonis est.
Contemptis voluptarise visionis illecebris, in me oculus tuus
6 7
fixus est. Tarn aure quàm mente totus auditor e s , et hoc
amore quo diligis. Caeteriim quaie vel quantum est quod in
pectus tuum veniat ex nobis? Exilis ingenii angustâmedio*
8
critas tenues admodum fruges parit, nullis ad copiam fe-
9
cundi cespitis culminibus ingravescit. Âggrediar tamen fa-
î0
cultate quâ valeo. Nam et materia dicendi facitmecum . In
judiciis, in concione pro rostrls, opulenta facundia volubili
n
ambitione jactetur . Cùm verô de Domino Deo TOX est,
vocis pura sinceiitas non eloquentiœ viribus nititur ad
fidei argumenta, sed rébus. Denique accipe non diserta, sed
18
fortia , nec ad audientiae popularis illecebram culto sermone
fucata, sed ad divinam indulgentiam prœdicandam rudi ve~
1
Conscient iam pectoris, comme s'il y avait seulement conscientiam
ou pectus.
3
II y a ici une espèce diiypallage; ce serait plus naturellement Bat
secessus vicinnm secraUim.
"° Cicéron, dans le De senectute, dit aussi de la vigne : Serpentera
multiplier lapsu et erratico.
4
Virgile, au livre iv des Georgiques, emploie aussi l'expression de
frondea tecla.
* Au lieu de in aures, un ms. donne in auras, qui s'accorderait assez
bien avec le lieu de la scène.
c
Un ms. donne tara ore quàm mente, leçon forcée.
7
Pline, liv. J , ebap. 7, dit, en parlant de Dieu : Totus est visus, totus
auditus.
8
C'est ce que saint Jérôme appelle exilis ingenii rivulus*
0
Au lien de culminibus, un ms. porte admis bon aussi.
y
1 0
Facit meenm, est pour moi, vient h mon aide. C'est ainsi qu'Horace
a dit : Mecum facientia jura.
u
Ambitio, soit dans le sens de ambition, prétention, soit dans le
sens de ambttus, circonlocution, période. Le premier vaut mieux.
1 5
Ce passage est cité par saint Jérôme, qui, dans sa lettre à Nepotien,
dit : Audiigitur, vt brahts Cyprianu* ait, 7wn riisrrfn ,wd fortia.
LETTRES CHOISIES D E SAINT C Y P H U K . 5
1
Probablement c'est ce premier paragraphe, le début surtout, qui
aura motivé le jugement sévère porté par saint Augustin sur cette lettre.
Nous avouons qu'à une première lecture il- nous avait séduit. C'est joli,
en effet, très-joli; mais il y a trop d'art, quelque chose de trop étudié
dans celte mise en scène qui rappelle le début d'une églogue de Virgile*
Des chrétiens qui vont s'entretenir des vérités les plus élevées de la foi
ne décrivent pas minutieusement les beautés du site champêtre qui LES
rassemble, comme des bergers uniquement préoccupés du spectacle
de la nature matérielle. Et tout cela est d'autant plus froid, que c'est
supposé, que ce n'est qu'un cadre pour l'entretien qui va suivre. Saint
Augustin, pour ce qui concerne ce début, avait pleinement raison.
a
Cette phrase, toute surchargée de termes pour exprimer AIUS seule
idée, est une de celles qui avaient motivé la sévérité de saint Augustin.
5
Pro illis tune moribus (sous-entendu mets), en raison de me»
mœurs d'alors.
4
Ex-ponere ; ici, rejeter, se dépouiller de.
" Cunens, terme emprunté à l'art militaire, bataillon, multitude
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 7
que, par un moyen facile et prompt, Ton puise dans les
trésors do la grâce féconde,
a
I L Quand je languissais dans les ténèbres au sein d'une
nuit profonde, et que, chancelant, incertain, je portais mes pas
errants et mal assurés sur le sol mouvant de ce siècle agité,
ignorant de ma vie, privé de lumière et de vérité, je regar-
dais, en raison de mes mœurs d'alors, comme difficile ou
plutôt comme tout-à-fait incroyable ce que, pour mon salut,
me promettait la grâce divine : que l'on pût naître une
seconde fois, qu'animé de cette vie nouvelle par le bienfait
d'une onde salutaire on dépouillât ce que l'on avait été j a -
dis, et que, la structure et la masse du corps restant les
mêmes, l'homme changeât de cœur et d'esprit. Comment,
disais-je, est possible un changement tel, que rapidement
et sur l'heure on dépouille ce qui, ou né avec nous, s'est
endurci par la disposition et l'accroissement même de la na-
ture matérielle, ou qui, longtemps pratiqué, s'est fortifié
par l'habitude et le long laps du temps? Ces choses ont
poussé chez nous de trop fortes et de trop profondes racines.
Quand donc voit-on apprendre l'économie celui qui a été
accoutumé à des repas de prince et à des mets abondants
et variés? Et celui qui, étalant à tous les regards ses habits
faits de riches étoffes, a brillé sous l'or et sous la pourpre,
quand le voit-on s'abaisser à porter des vêtements communs
et de peu de prix? Celui-ci, enchanté de ses faisceaux et de
ses honneurs, ne peut se résoudre à vivre sans gloire et
simple particulier Celui-là, entouré de légions de clients,
escorté, par honneur, d'une multitude officieuse, regarde
comme un supplice de se trouver seul. ïl est dans la nature
que toujours, comme jadis, et par d'invincibles attraits,
l'intempérance nous engage, que l'orgueil nous exalte, que
la colère nous enflamme, que la cupidité nous agite, que
la cruauté nous excite, que l'ambition nous, charme, que
l'amour du plaisir nous entraîne. Voilà ce que je me disais
souvent intérieurement. Car, comme j'étais moi-même re-
tenu enchaîné par les nombreuses erreurs de ma vie pre-
mière, que je ne croyais jamais pouvoir secouer, par cette
raison je venais en aide aux vices qui s'étaient attachés à
moi, et, désespérant de m'amender, je prenais parti pour
1
Sous-entendu aicbam.
* Quibus exui, est légitime, comme l'actif quos exuere.
* Offavebam, pour le simple favebam.
4
Esset, sous-entendu possibile. En grec l<rA ou IÇwrt, en latin est,
il est possible, il est permis, on peut.
* Quintîlicn, livre xt, cbap. 1 : Omnis sua vitiosa jactatio est, af-
fertque audientibus non fastidium modo, sed plerumquè etiam odium*
Gicéron avait dit avant lui (livre i des Offices) : Déforme est de se ipso
prœdicare*
0
Gratum, reconnaissant, dicté par la reconnaissance.
7
Déjà l'Apôtre avait dit : In {Deo) vivimus et movemur et sumus.
* Tertullien, lib H, De cultu feminarum, dit : Timor fundamentum
salulis est. Tite-Live, lib. xxxiv : Disciplina custos infirmitatis, quam
optimè timor continet.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRUN. 0
mes malheureuses folies, que je regardais comme des qualités
propres et faisant en quelque sorte partie de moi-même.
m. Mais quand une fois, Faction de cette onde régéné-
a
ratrice ayant emporté les souillures de ma vie première ,
une lumière sereine et pure, venue d'en haut, pénétra dans
mon âme sanctifiée; quand, après que j'eus respiré l'air du
ciel, cette seconde naissance * eut fait de ïïioi un homme
nouveau : chez moi tout-à-coup succédèrent merveilleuse-
ment, en toutes choses, au doute la certitude, au mystère
la clarté, à l'obscurité la lumière, à la difficulté apparente
d'autrefois une facilité réelle, à l'impossibilité présumée une
exécution aisée; de manière à faire voir clairement que ce
qui jadis, né selon la chair, vivait esclave du péché, appar-
tenait à la terre, et que ce que maintenant anime le Saint-
Esprit appartient à la Divinité. Vous savez vous-même cer-
tainement et vous reconnaissez comme moi ce que nous a
ôté et ce qu'a mis en nous cette mort du péché, cette vie de
la vertu. Vous le savez, et je n'en fais pas pour nous un su-
jet d'éloges. Se louer soi-même est d'un haïssable orgueil ;
et cependant on peut prendre non pour un trait de vanité,
mais pour un hommage de reconnaissance un éloge qui,
loin d'attribuer nos vertus à la puissance de l'homme, les
célèbre au contraire comme un bienfait de Dieu; ainsi, dans
notre bouche, ne plus pécher sera l'œuvre immédiate de la
foi, et nos péchés passés seront les effets de la faiblesse hu-
maine. C'est à Dieu, dis-je, c'est à Dieu que nous devons
tout ce que nous pouvons . C'est de lui que nous viennent la
vie, la force et la puissance ; c'est en lui que, puisant et nous
assimilant une vigueur céleste, bien que vivant encore ici-
bas, nous avons de la vie future une connaissance anticipée.
Que seulement la crainte de son saint nom soit la gardienne
de notre innocence, afin que le Seigneur, qui, par le bienfait
de sa miséricorde divine, s'est insinué avec bonté dans nos
esprits, soit, grâce à nos justes hommages, retenu par l'at-
trait du plaisir dans le domicile de nos âmes; craignons que
la sécurité acquise n'engendre chez nous la négligence, et que
notre vieil ennemi ne vienne de nouveau nous surprendre.
* Notre auteur, dans son livre De lapris, exprime une idée analogue,
quand il dit : Traditam nobis disciplinant pax kmga cormperaL
* Illapsd, pour non lapsd,
3
Àu lieu de venenorum, deux mss. donnent veternorum, mauvaise
leçon.
4
Les démons. — Dans son livre Sur la vanité des idoles saint C y -
9
pia, résume les parties déjà décrites de cet effroyable desordre qu'on ap-
pelle le monde.
1
Saint Jérôme contre Jovinien, livre î : Inter leges ipsas et secures
ac tribunalia flagrans libido nominatur. Ovide, Tristes, livre v :
Nonineluunt leges, sed cedil viribus œquum.
Viclaque pugnaci jura sub ense jacent.
Sénëque De beneficiis, chap. 28 : Legum prœsidio qui plurimùm in
illas peccaverunt proteguntur.
a
Senèqun, De ira, lib. H» chap. 7 : Inter istos quos togatos vides
nullapax est. Tertullien, De Pallio : Plus togœ lœsere rempublicam
quàm loricœ. — Un manuscrit, au lieu de inter togas donne inter le-
ges, sens assez mauvais.
5
Cinq manuscrits portent quàm membra sunt; mais ce sunt est
une glose sans élégance et inutile au sens.
4
Pmvaricari est proprement trahir la cause que Ton s'est chargé do
défendre.
" Subjicere testamentum, terme légal pour dire : supposer un testa*
ment.
6
Rédige une fausse accusation capitale. S'il y avait un second accu?
satcur uni au premier, ce second appelait subscriptor,
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 17
inonde, après les spectacles ou cruels ou honteux, vous croyez
peut-être le forum exempt de crimes; vous vous imaginez
qu'à l'abri des attentats de l'injustice, il ne s'est souillé par
a
le contact d'aucune mauvaise passion . Sur ce point portez
vos regards : vous y trouverez encore plus d'objets à détester ;
vous serez encore plus empressé de détourner de là votre vue.
b
Bien que les lois soient gravées sur les Douze Tables , et
que les droits des citoyens soient publiquement écrits sur
l'airain, la fraude s'exerce au milieu des lois elles-mêmes, le
crime se commet en présence même du droit. L'innocence
est à chaque instant violée dans le lieu même qui est consa-
cré à sa défense. Voyez la rage de la discorde animer l'un
contre l'autre les plaideurs furieux, et la guerre régner entre
les toges elles-mêmes; écoutez le Forum retentir de criaille-
0
ries insensées. Voyez encore, ici la haste symbole de la con-
fiscation; plus loin le glaive et le bourreau tout prêt à son
office, l'ongle de fer qui creuse de profondes blessures, le
d
chevalet qui allonge les corps des suppliciés , le feu qui
1
Calumniosœ lites, chicanes injustes. — Dxquietare, t. de droit,
troubler quelqu'un dans sa possession.
* Sénèqucdans sou traité De la Providence, chap. 3, dit : Tàmvîgi-
labit in pluma quàm ille in cruce. Martial, liv. ix, épigr. 94 :
Pervigil in pluma Caius ecce jaceL
a
Notre auteur, dans son livre De lapsis, dit : Possidere se credunt
qui potiùs possidentur. Sénèque, De vita beata, chap. 22, dit : D t -
vitiœ meœ sunt, lu divitiarum es. Il dit encore, lettre exix : Quod ad
illos pertinet quos falso divitiarum nomine invasit occupata pau-
perlas, sic divitias habent quomodo habere dicimur febrem, càm Ma
nos habeat. E contrario dicere debemus : Febris illum teneU Eodem
modo dicendum est : Divitiœ illum tenent. Valère Maxime, liv. ix,
chap. 4 : Procul dubio is non possidet divitias, sed a diviliis posses-
sus est. Enfin notre La Fontaine, dans sa fable de l'Avare qui a perdu
son trésor, dit que ce malheureux
Attendait pour jouir une seconde vie,
Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait.
* Incnbarefortunis, couver ses biens, belle expression déjà employée
par Horace.
* O quel contraste entre les noms et les choses !
* Tnfula, bandelette, diadème, couronne.
LETTRES CHOISIES DE S/VINT CYPRIEN. 28
la haine on l'envie d'un plus riche qu'eux ne les trouble par
d'injustes chicanes. Ce prétendu riche, voyez-le. Il ne peut,
en repos, ni manger ni dormir. 11 soupire au milieu des
a
festins, et pourtant il a pour coupe nue pierre précieuse .
El quand, flétri par l'intempérance, il est étendu sur un lit
moelleux, dont les coussins élevés s'affaissent sous le poids
.de son corps, il veille sur le. duvet; il ne comprend pas, le
malheureux! que tous ses biens ne sont pour lui que de
brillants supplices, qu'il est enchaîné à son or, et qu'il est
bien plutôt possédé par ses richesses et son opulence, qu'il
ne les possède lui-même. Et, ô déplorable aveuglement! ô
profondeur des ténèbres où vit plongée la folle cupidité !
Tandis qu'il pourrait alléger le poids de ses misères, et
même s'en décharger complètement, il continue avec une
ardeur croissante à couver cette fortune qui l'oppresse, il se
cramponne toujours obstinément à ces monceaux: d'or qui
font son supplice. 11 n'en fait nulle largesse à ses clients,
nulle aumône aux malheureux; et il appelle sien cet argent
que, comme l'argent d'autrui il garde chez lui sous les ver-
roux, et cela à grand renfort de soucis et de peines, et il n'en
donne rien à ses amis, rien à ses enfants, rien enfin à lui-
même. Ils possèdent, ces hommes, oui, mais seulement pour
11
empêcher les autres de posséder . Et, ô bizarre contraste
entre les noms et les choses! ils appellent biens des objets
qui ne leur servent que pour le mal.
XII. Pensez-vous que ceux-là du moins vivent en sûreté,
et jouissent d'une sécurité solide et durable, qui, ceints
du diadème et au faite de la puissance, déployant au sein
d'une cour brillante toute la splendeur du trône, sont en-
* Les riches Romains avaient des coupes d'or ornées de pierreries, et
même des coupes faites d'une seule pierre précieuse. Virgile fait allu-
sion au premier de ces deux usages à la fin du premier livre de l'Enéide :
Hïcregiùa gravem gemims auroque poposcit
Ioiplcvitque mero palercm.
et au second, quand H dit du riche cupide, qu'il se donne mille peines
ut gemmd bibau —. L'éditeur Rigaut, ignorant probablement ce détail
de mœurs, dont témoignent vingt auteurs, a donné dans son texte Ucèt
bibat gemmas, et cette bévue a fait tomber le traducteur Lambert
dans un singulier conire-sens qu'il a encore aggravé en ajoutant à sa
phrase une circonstance qui ne se trouve aucunement dans le texte de
saint Cyprien. 11 traduit en effet : Ils boivent des perles et de Vambre gris.
h
Phrase pleine de justesse et d'un sublime bon sens, comme presque
tout le contenu de ce paragraphe.
M SELKCT.K ÛiVi GYPRIANI JiPfSTOL/E.
1
eumstal ? Major illis quàm csteris metus est. Tarn ille Ihneiv
cogitur quàm timelur. Exigitpœuas pariter de potenliore su-
blimitas, sit licèt sateîlkuin manu septus, et clausum ac
protectum latus numeroso stipatore teneatur. Quàm securos
non sinit esse subjectos, tam necesse est non sit et ipse se-
curas. Antè ipsos terret potestas sua quos faeit esse tembiles.
Àrridetut sœviat, blanditur ut fallat, illicit ut occidat, extol-
litut déprimât *. Fœnore quodam nocendi, quàm fuerit am-
plior summa dignitatis et honorum, tam major exigitur usura
pœnarum.
XIII. Unaigitur placida et fida tranquillitas, una solida et
firma et perpétua securitas, si quis, ab bis inquietantis sœ-
8
culi turbinibus extràctus, salutaris portùs statione fundatus ,
ad cœlum oculos tollat a terris, et, ad Domini munus ad-
missus, ac Deo suo mente jam proximus, quidquid apud
caeteros in rébus humanis sublime ac magnum videtur, infra
suam jacere conscientiam glorietur. Niliil appetere jam, nihil
desiderare de saeculo potest qui saeculo major est. Quàm sta-
bilis, quàm inconcussa tutela est, quàm percnnibus bonis
cœleste praesidium, implicantis mundi laqueis solvi, in lu-
4
cem immortalitatis œternae de terrenaiaece purgari ! Viderit
quae in nos priùs hdestantis inimici pemicies insidiosa
grassata sit. Plus amare compellimur quod futuri sumus,
dum et scire conceditur et damnare quod eranius. Nec ad
boc pretiis aut ambitu aut manu opus est, ut hominis summa
vel dignitas vel potestas elaboratà mole pariatur, sed gra-
5
luitum de Deo munus et facile est . Ut sponte sol radiât,
6
(lies luminat , fons rigat, iniber irrorat, ita se spiritus cœ-
lestis infundit, Postquam auctorem suum cœlum intuens
1
Les soldats enrôlés étaient immédiatement marqués des signes de
leur nouvelle profession. — Les signes militaires étaient l'inscription du
nom de l'empereur sur la main du soldat, avec un collier de plomb, on
un bracelet sur lequel le nom et la devise du prince étaient gravés.— Ici
les mots MilUia....caslris signavit, sont tout simplement allégoriques*
* Cœlestis sagina, les mets célestes, c'est-à-dire la parole de vie, et
l'Eucharistie.
* N'auront que peu de prix à vos yeux. Virgile, Eglog. : Sordent tibi
munera nastra.
* Au lieu de veritatem qui s entend fort bien, un ms. et l'édition de
Rigaut donnent prmitatem, qui a le même sens.
* Sous-entendu disserui ou accipe.
ft
Paiicntia, indulgence, votre indulgence. — Auditus, discours,
traité.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN, 27
comme la source laisse couler ses eaux, comme la pluie
tombe du ciel, ainsi se répand dans nos âmes l'esprit cé-
leste. Du moment où, contemplant le ciel, l'ârae a connu
son auteur, dès-lors, plus élevée que le soleil, et supérieure
à toute cette puissance terrestre, ce qu'elle croit être, elle
commence à l'être en effet.
XIV. Seulement vous, enrôlé dans le camp du Seigneur
pour faire partie de la milice céleste, observez invariable-
ment la discipline, tenez une conduite irréprochable, et tou-
jours inspirée par les vertus de la religion. Livrez-vous as-
sidùment à la prière ou à la lecture. Tantôt parlez à Dieu,
tantôt que Dieu vous parie. Que ce soit lui qui vous forme
Car ses préceptes, que ce soit lui qui règle vos mœurs. Le
fidèle qu'il aura une fois enrichi, personne jamais ne l'ap-
pauvrira. 11 ne saurait plus y avoir de détresse pour celui
dont les mets célestes ont rassasié le cœur. Désormais les
lambris dorés et les palais revêtus de marbre vous semble-
ront de bien peu de prix, puisque vous avez appris que c'est
vous plutôt qu'il faut embellir, que c est vous qu'il faut or-
ner, que vous avez en vous une demeure bien préférable,
puisque le Seigneur en .a fait son temple, puisque le Saint-
Esprit en a fait son habitation. Peignons-la des couleurs de
l'innocence, éclairons-la de la lumière de la justice. Jamais
le laps du temps ne la fera tomber en ruine, jamais elle ne
verra ternir les peintures de ses parois, ni l'or de ses lam-
bris. Tout ce qui est fardé est périssable, et les biens dont
la possession n'est pas assurée ne sauraient inspirer une
ferme confiance à ceux qui les possèdent. Mais, pour voire
demeura, ses ornements sont toujours frais, sa beauté tou-
jours intacte, son éclat toujours immortel. Elle ne saurait
ni tomber, ni périr; elle ne peut que devenir plus belle,
a
quand un jour le corps reviendra l'habiter .
b
XV. Voilà , pour le moment, en peu de mots, ce que j'a-
vais à vous dire, mou cher Donat En effet, bien que votre
facile indulgence, qui a sa source dans la bonté de votre
cœur, bien que votre esprit solide et votre foi sûre pren-
nent plaisir à entendre ces paroles de salut, et que rien n'ait
autant de charme pour votre oreille que ce dont le charme
EPISTOLA n.
AD PRESBYTEROS ET DIACONOS ROULE COKSISTEKTES.
Réponse à une lettre que le clergé de Rome avait écrite à S. Cyprien sur
la mort du pape S . Fabien, martyrisé sous l'empereur Dèce,
8
presbj'teris etdiaconibus Romae consisteutibus
CYPRIANUS
fratribus salutem.
1. Cùni de excessu boni viri collegae mei rumor apud
nos incertus esset, fratres charissimi, et opinio dubia nutaret,
accepi a vobis litteras ad me missas per Crementium hypo-
diaconum, quibus plenissimè de glorioso ejus exitu instrue-
rer; et exsultavi satis quôd pro integritate administrationis
1
Tertullien dans son Apologétique : Nonpriûs discumbatur quàm
oratio ad Deum prœgustetur. JEquè oratio convivium dirimal. Saint
Jérôme dans sa lettre De vitando suspecto contubernio : Personabit
intérim aliquis lector ad mensam, et inter Psalmos dulci modulami-
ne, etc. Le même, dans sa lettre à Marcella pour l'engager à venir à Beth-
léem : Ambrosius noster refert se cibum nunquam Origene prœsentc
sine lectione sumpsisse, nunquam inisse somnum nisi unus è fratribus
sacris Liiteris personaret ; hoc diebus egisse et noctibus, ut et lectio
orationem exciperet, et oratio lectionem. Le même encore dans sa let-
tre à Euslochium, De acceptis ab ea munnsculis : Ita tibi semper co-
medendum est ut cibum et oratio subsequatur et lectio. Le même
encore dans son livre contre Vigilance : Inter phialas philosophatur,
et ad placentas liguriens Psalmorum modulations mulcetur.
» Ce mot se trouve dans Aulu-Gelle, dans saint Jérôme, dans Boèce,
dans Sidoine Apollinaire. 11 vient de muleere, et signifie chant agréable,
douce harmonie.
3
Ailleurs saint Cyprien met dans le même cas diaconis, comme ve-
nant de diaconus (£IOXCVGÇ), qui. de la seconde déclinaison en grec, a dû,
suivant l'usage constant, passer dans la seconde on latin.
LETTRES CHOISIES DE SALNT CYPRIEN. 4U
est en Dieu % nous devons néanmoins borner ce que nous
avons à dire, puisque nous voilà réunis, et que nous pour-
rons souvent renouveler cet entretien. Et, puisque la fêle
b
présente nous permet le repos , et que nous avons du loisir,
passons gaîment tout ce que le soleil, déjà sur son déclin,
nous laisse de jour jusqu'à ce soir, et que l'heure du repas
soit elle-même occupée des bienfaits de la grâce spirituelle.
Que le chant des psaumes anime notre sobre festin; et,
comme vous avez une bonne mémoire et une belle voix,
chargez-vous de ce soin selon l'usage chrétien. Vous ferez
faire un meilleur repas à vos amis, si en mangeant nous
avons le plaisir d'entendre des chants spirituels, et si nos
oreilles sont charmées par un concert religieux.
LETTRE IL
AUX PRÊTRES E T AUX DIACRES DE ROME.
C'est ici une lettre familière; saint Cyprien répond au clergé de Rome
qui lui avait annoncé la mort du pape Fabien, martyrisé sous Tempe*
reur Déce. Seulement nous ferons observer que nous n'avons plus la
lettre à laquelle répond ici saint Cyprien.
EPISTOIA III.
AD PRESBYTEROS ET D1ÀCONOS.
Soin des pauvres qui ont confessé la foi : précautions à prendre pour les
visiter dans la prison.
1
Saint Cyprien s'était éloigné de Carthage pour ne pas tomber entro
les mains des persécuteurs.
* Divina dignatio, l'estime, la faveur, la grâce divine.
s
Allusion au proverbe ; Qui totum vull, totum perdit.
I.KTÏKK8 GiiOiSIiSS Uli 6A1.NT UYPHIKN.
LETTRE III.
A U X P R Ê T R E S E T A U X DIACRES*
Sai c.L Cyprien, qui a cherché un asile contre les poursuites des magistrats
et la fureur du peuple, charge, du fond de sa retraite, le clergé de Car*
thage de remplir les fonctions qu'il remplissait lui-même étant présent.
Il lui recommande les soins à prendre des confesseurs prisonniers, et
des pauvres en général. Il l'engage, enfin, à modérer le zèle des fidèles;
car s'ils se rendent en foule aux prisons pour y visiter les martyrs,
ils s'exposent à s'en voir fermer les portes.
EPISTOIA IV.
AD PRE6BYTEROS E T DIACONOS.
%
Ce mot ne se trouve guère que dans le sens propre de limer, polir,
le seul que donnent les dictionnaires classiques. Ici, il veut dire, comme
limare au figuré, éclaircir complètement, résoudre, décider ep, parfaite
connaissance de cause.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 35
nous refuse en conséquence rentrée des prisons; et que, tan-
dis qu'insatiables nous voulons tout obtenir, nous ne perdions
tout à la fois. Prenez donc vos mesures, et soyez prudents :
en y mettant des ménagements, ces visites pourront se faire
avec plus de sûreté. Que les prêtres eux-mêmes qui vont dans
les prisons célébrer le saint Sacrifice auprès des confesseurs,
n'y aillent que tour à tour, accompagnés chacun d'un diacre
seulement. Ce changement de personnes, et ces visiteur*
qui ne viennent que périodiquement et de loin en loin,
risquent moins d'être remarqués défavorablement. Nous de-
vons en effet nous montrer en toutes choses doux et humbles,
comme il convient à des serviteurs de Dieu, nous accommo-
der aux circonstances, prendre soin d'éviter tout ce qui pour-
rait troubler la paix, et établir de sages mesures dans l'intérêt
des fidèles.
Je désire, frères chéris et qui m'êtes si dévoués, que
vous vous portiez toujours bien, et que vous vous souve-
niez de moi. Saluez de ma part tous les fidèles. Recevez le
salut du diacre Victor, et desfidèlesqui sont avec moi. Adieu.
LETTRE IV.
AUX PRÊTRES E T A U X DIACRES*
C'est encore à sou clergé que s'adresse saint Cyprien, et l'objet de cette
lettre est à peu près le même que celui de la précédente. L'auteur, après
lui avoir eu commençant exposé en peu de mots les causes de sa re-
traite , le charge encore de le remplacer pendant son absence. 11 lui
parle de nouveau des soins à donner aux pauvres et aux confesseurs
échappés à la persécution. A ce propos il l'engage à leur recommander
l'humilité, une conduite régulière, l'obéissance aux prêtres et aux
diacres, .en un mot le respect d'eux-mêmes et du titre glorieux qu'ils
ont conquis.
1
Demandé par le peuple, pour être livré aux lions dans le cirque,
comme on le verra, lettre xxvm : Toties ad leonem petit us clamore
popularium ad leonem denuo postulatus in circo.
9
Sed qui tamen...., ellipse pour sed tamen eorum qui....
* Fidentes veut moins dire ici pleins de foi, que hardis, pleins de
courage. C'est dans ce sens que Gicéron dit : Fidenti animo gradiatur
ad mortem (Tuscul. qusest, lib.i); et Ammien Marcellin, livre xvn : JRo-
gatnvi suppliciter pacem, fidentes ad principes xenere conspectum,
eux, qui devaient demander la paix en suppliant, se présentèrent hardi-
ment devant le prince. Baluze qui adopte ce sens, cite à l'appui encore
plusieurs autres exemples.
4
Oonfessoribus, On appelle confesseurs les chrétiens qui ont rendu
témoignage à In foi devant les tribunaux.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 37
par la miséricorde divine, vous saluer dans l'avenir préservés
de tout péril, vous du moins dont nous connaissons la foi et
le courage inébranlables. Et, quoique je ne manque point de
motifs même pressants pour me rendre au plus tôt près de
vous, d'abord le désir ardent de vous revoir, désir dont la sa-
tisfaction serait le comble de mes vœux, puis le besoin de
traiter ensemble, dans un conseil nombreux, et décider en
parfaite connaissance de' cause des points d'utilité commune
qui concernent le gouvernement de l'Eglise; cependant j ' a i
cru préférable de me tenir encore dans la retraite et le repos,
en vue d'autres intérêts qui touchent à notre paix et à notre
salut à tous, et qui vous seront expliqués par notre très-cher
frère Tertullus. Lui-même, en raison du zèJe ardent dont il
se montre d'ailleurs animé pour le service divin, m'a donné
le conseil d'être prudent et modéré, de ne pas m'exposer
inconsidérément à la vue du public, et surtout dans des
lieux où j'ai tant de fois été demandé par le peuple, et
recherché par nos persécuteurs.
IL Comptant donc sur votre foi et votre religion qui me
sont bien connues, je vous exhorte et vous engage par cette
lettre, vous dont la présence à Carthage ne soulève aucune
haine, et ne vous fait par conséquent courir aucun danger,
de me remplacer dans l'accomplissement de tous les actes
que réclame l'administration ecclésiastique. Qu'on prenne
pendant ce temps, autant qu'on le peut et comme on le peut,
soin des pauvres, de ceux toutefois qui, restant inébran-
lables dans leur foi, n'ont pas abandonné le troupeau de
Jésus-Christ. Qu'à ceux-là, pour les aider à supporter leur
misère, des secours soient fournis par votre zèle : il ne faut
pas que ce que la tempête n'a pu faire sur leur courage, le
besoin le fasse sur leurs souffrances.
III. Quant à nos glorieux confesseurs, ils ont droit de
votre part à des soins et à un dévouement encore plus éten-
dus. Et, bien que je sache que beaucoup d'entr'eux ont été
recueillis par des frères avec toute l'ardeur de la charité la
plus empressée, cependant, s'il y en a quelques-uns qui
manquent de vêtements ou de quoi vivre, conformément
à ce que je vous ai écrit il y a longtemps, quand ils étaient
encore en prison, vous devrez leur fournir tout ce qui est
nécessaire à leurs besoins. Seulement, qu'ils entendent de
votre bouche, qu'ils apprennent et qu'ils sachent bien ce que,
suivant l«*s ense/guements de VKeriture, <*\ige la discipline
3
38 S E L E C T A S DIVI C Y P R I A N I EPISTOL/E
B
• ECCTT. X I . «— APOC. e MALTH. X . — * JOAD. X M . •— « Il THESS.
M . — * L U C . XIV.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 39
ecclésiastique : ils doivent être humbles, modestes, amis
dé la paix, pour conserver l'honneur du titre qu'ils portent;
et puisque leur langage a été glorieux, que leur conduite
soit glorieuse aussi. Ils doivent se rendre dignes, méritant en
toutes choses les grâces du Seigneur, de parvenir par la con-
sommation de leur mérite, à la couronne céleste.
11 leur reste encore plus à faire, en effet, que cequ'ilsont fait
jusqu'ici; car il est écrit :Ne louez personne avant sa morf. Et
encore : Soyez fidèle jusqu'à la mort, et je vous donnerai la
couronne de vie. Et le Seigneur aussi dit : Celui qui sera cou-
rageux jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. Imitons le Seigneur
qui, à la veiJle même de sa passion, ne fut pas plus orgueilleux,
mais au contraire plus humble. C'est alors en effet qu'il lava
les pieds de ses disciples, disant :$i je vous lave les pieds,
moi votre maître et votre Seigneur, vous aussi, vous devez laver
les pieds les autres. En effet, je vous ai donné l'exemple,
afin que vous fassiez comme fat fait. Qu'ils suivent aussi les
leçons de l'apôtre saint Paul, qui, après avoir été souvent
en prison, battu de verges, exposé aux bêtes, continua d'être
doux et humble en toutes choses, et après avoir été ravi au
troisième ciel et avoir vu les joies du paradis, ne se mon-
tra plus arrogant en aucune sorte, et disait : Nous n'avons
mangé gratuitement le pain d*aucun de vous, mais, suppor-
tant la peine et la fatigue, nous avons travaillé jour et nuit,
pour n êlre à charge à personne. Insinuez, je vous en prie,
chacun de ces enseignements à nos frères. Et comme celui-là
sera élevé qui se sera abaissé, ils ont plus à craindre mainte-
nant les embûches de l'ennemi, qui attaque de préférence
les plus courageux; et, devenu plus ardent par cela même
qu'il a été vaincu, il s'efforce de terrasser son vainqueur.
IV. Fasse le Seigneur que je puisse bientôt les revoir, et,
par de salutaires exhortations, disposer leurs âmes à con-
server leur gloire! Je gémis, en effet, quand j'entends dire
que quelques-uns d'entre eux courent de tous côtés, portant
partout leur indiscipline et leur insolence, et perdant leur
temps en sottises et en disputes; que des membres de Jésus-
Christ , et qui l'ont déjà confessé, se salissent honteuse-
sèment ; qu'ils ne veulent pas se laisser diriger par les prê-
tres ou les diacres, mais se conduisent de telle sorte que
les mœurs déréglées et corrompues d'un petit nombre sont
une tache à la gloire éclatante d'un grand nombre de bons
confesseurs, pour lesquels ils devraient avoir un respect
40 SBLECTJS DIVI CVPRIANI EPISTOMS.
V. Àd id verô quod scripserunt mihi compresbyteri nostri
Donatus et Fortunatus, Novatus et Gordius, solus rescribere
nihil potui, quando a primordio episcopatCts mei statuerim
nihil sine consilio vestro et sine consensu plebis, meà pri-.
vatim sententià gerere. Sed ciun ad vos per Dei gratiam ve-
nero, tune de iisquse vel gesta sunt vel gerenda, sicutbonor
mutuus poscit, in commune tractabimus.
Opto vos fratres charissimi ac desiderantissimi, semper
y
EPISTOFA V.
AD ROGÀTIÀNUM PRESBYTERE ET C2ETER0S CONFESSORES.
Éloge des bous confesseurs de la foi : reproches que méritent ceux qui
(émissent la gloire de leur confession par une conduite blâmable.
LETTRE V.
AU PRÊTRE ROGATIEN ET AUX AUTRES CONFESSEURS*
1
Au lîea de demoratur, très-bon en regard de regreditur du mem-
bre de phrase suivant, un manuscrit du Vatican donne, et plusieurs
savants adoptent denotatur qui serait bon aussi. Un critique pense que
demoratur est non pas pour moratur, signifiant reste, demeure (parmi
vous), mais pour moralur (du grec AWFOÇ), signifiant est fou, insensé.
Ne pourrait-on pas dire de l'auteur de cette interprétation : Moralur
certè t'tr alioqui doctissimus ?
a
Qwelques anciens manuscrits et plusieurs éditions donnent ut de-
prehenms, moins bon, mais très-intelligible, et signifiant pris sur le
fait, surpris en commettant quelque crime* — D'autres manuscrits don-
nent undè opprehevsus, ce qui voudrait dire : et arrêté pour cela,
c'est-à-dire pour être rentré dans sa patrie. Ce n'est pas assurément
ce crime que saint Cyprien veut reprocher aux indignes confiseurs qui
1
Pour QUÔ quisque inferior fuerit, EÔ sublimior fiât.
* Saint Cyprien avait appris dans une vision que lu paix serait bientôt
rendue à l'Eglise : ce qui eut lieu en 256.
b
* J * . h, ~ \ Joan. xm, xv. — * Luc, ix. — * Gal._v. — ^1 Cor. vi.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 47
maintenant quelqu'un do ceux qui vivent par lui et en lui,
oserait s'exalter et s'enorgueillir, oubliant et ce qu'a fait
notre divin Maître, et les instructions qu'il nous a données,
soit par lui-même, soit par ses Apôtres î Si le serviteur n'est
pas plus grand que le maître, que ceux qui suivent le Sei-
gneur marchent sur ses traces, humbles, paisibles et silen-
cieux comme lui, puisque plus quelqu'un s'abaissera, plus
il sera élevé; le Seigneur ne dit-il pas : Celui qui sera le
plus petit, c'est celui-là qui deviendra grand?
V. Puis qu'est-ce encore? et que ceci doit vous paraître
abominable! Quoi (ici mes gémissements redoublent, et ma
douleur est à son comble) 1 quoi! il en est, ajoute-t-on, qui
souillent d'une manière plus infâme encore des temples
de Dieu, des membres que la confession a sanctifiés et en-
noblis. N'est-ce pas un crime énorme, que le scandale qu'ils
donnent fournisse des exemples pour la perte d'autrui?
VI. Il ne doit y avoir non plus entre vous ni luttes ni
rivalités, puisque le Seigneur nous a envoyé sa paix, et
qu'il est écrit : Vous aimerez votre prochain comme vous-
même. Mais si vous votes déchires et vous accusez les uns les
autres, prenez garde de vous détruire aussi les uns les au-
tres. Abstenez-vous de même, je vous en conjure, des dis-
putes et des médisances, parce que, d'une part, les mé-
disants n'obtiennent point le royaume de Dieu, et que, d'un
autre côté, une langue qui a confessé le Christ doit se con-
server pure et sans tache avec tout son honneur; car celui
qui, selon le précepte du Sauveur, ne fait entendre que des
paroles de paix, de bonté et de justice, confesse Jésus-Christ
tous les jours. Nous avions renoncé au siècle lors de notre
baptême, mais nous n'y avons véritablement renoncé que
quand, essayés et éprouvés par Dieu, laissant là tous nos
biens, nous nous mettons à suivre le Seigneur, et que nous
existons et vivons dans sa foi et la crainte de son nom. For-
tifions-nous par de mutuelles exhortations, et profitons de
plus en plus dans le Seigneur, afin que, lorsque, dans sa
miséricorde, il nous aura donné la paix, comme il promet de
le faire, nous revenions à son Église renouvelés et entiè-
rement changes, et qu'en nous accueillant, soit les gentils,
soit nos frères nous trouvent en tout corrigés et améliorés,
et que ceux qui auparavant avaient admiré la gloire de
notre courage, admirent maintenant la régularité de nos
mœurs.
48 SKLEUTiK JLUVI CYPU1AW KPISTOLitt.
VII. Et, quanquam clero nostro et nuper, cùm adliue essetis
in carcere constituti, sed nunc quoquè denuo plenissimè
scripserimu& si quid vel ad vestitum Vestrum vel ad victum
necessarium iuerit suggeratur, tamen etiam ipse, de sumpti-
1
culis propriis quos mecum ferebam, misi vobis CCL *, sea et
1
De sumpticnlis propriis. Quelquefois saint Cyprien, pour indi-
quer la source de ses pieuses libéralités, emploie celte autre expression,
de quantitate propria. Baluze les regarde tontes deux comme synonymes
et croit qu'il s'agit, dans les deux cas, non pas de la part de saint C y -
prien dans les biens de l'Église, mais des revenus ou du capital de biens
appartenant personnellement à saint Cyprien, et duit il <vt Tait menlion
dan* ses lettres et dans sa vie par Pondus, notamment de jardins que le
saint évéque vendit peu de temps après dire devenu chrétien. Sur ce,
nous ferons remarquer que si l'Église n'avait pas de biens, ce qui ne
nous paraît pas prouvé, ni par conséquent de revenus, ses ministres
recevaient mensuellement de la charité des (idoles une allocation pro-
portionnée à leur rang ecclésiastique; or, l'argent provenant de cette
allocation pouvait tout aussi bien s'appeler sumpticnli, c'est-à-dire
moyens de subsistance, que les revenus de propriétés. Quand saint C y -
prien dit : quantilas propria, nous croyons, contrairement à l'opinion
de Baluze, qu'il s'agit, non pas de revenus de bien?, mais de la quotité
attribuée à revenue dans la distribution mensuelle dont nous avons
parlé. Voyez la page , note , où le mot quantitas a formellement
celte signification.
9
?50,000 sesterces. Le sesterce valant 20 centimes, c'est une somme
de 50,000 fr. L'unité de compte, pour les sommes un peu importantes»
était le sesterce, sestertius, comme qui dirait semi-tertius (-ous-entendu
as), c'est-à-dire deux as et demi, ou vingt centimes de notre monnaie,
suivant l'évaluation de M. Letronne, et le savant traité de métrique an-
cienne de 31. Saigcy. Ainsi, vingt, trente, cent, deux cents, six cents
sesterces, se disaient vigÀnïi, triginta, centum, ducenti sexcenti sester-
t
EPISTOIA VL
1
AJ> CLEROM DE PREGANDO D E O .
1
Ces mots de precando Deo, qui ne se trouvent pas dans quelques ma-
nuscrits, avaient été supprimés pur des éditeurs, contre l'uulorité de la
plupart des anciens manuscrits cl des premières éditions de saint Cy-
prien, qui les donnent, et contre l'autorité de saint Augustin qui cite dans
son entier le titre de cette lettre, livre iv, ebap. 2 de son traité du Bap*
téme contra lesDoaatistcs,
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPIUtN, 51
cinquante mille autres que je vous ai envoyés il n'y a pas
longtemps. Victor, promu du lectorat au diaconat,.qui est
a
avec moi, vous en envoie aussi cent soixante-quinze m ille .
Je prends toutefois plaisir à entendre qu'un grand nombre
de frères, guidés par la ebarité, s'élancent à l'envi dans la
même voie, et unissent leurs dons volontaires pour soula-
ger vos besoins.
Je souhaite, mes très-chers frères, que vous vous portiez
totyours bien, et que vous vous souveniez de moi.
LETTRE VI.
A SON CLERGÉ, SUR LA PRIERE*
Exhortation à prier continuellement, à geroir et à supplier le Seigneur,
pour fléchir sa colère excitée par nos péchés. Ce sout ces péchés qui
sont cause d«s persécutions présentas. I l (aut que, pour être efficace
la prière soit unanime, que les iidcles prient tous ensemble et dans
l'intérêt de tous. Vœux pour la paix, le bonheur et la gloire de
l'Eglise.
1
Quod sederet paterfamilids pour sedere patremfamiliâs. Cette
f
« Le démon.
56 SELEGTJK DiYI CYPMANI KP18T0LA.
dans son traité des Bienfaits : Uret illum et angit intercepti beneficii
conscientia, Quinte-Curce, livre xv : Aliéna sanguine partam gloriam
intercipere. Àrnobe, livre ni : Nam intercipere scripta, et publicatam
vélle submergere lectionem, non est deos defendere, sed veritatis testifi-
cationem iimere.
* Ceci fait allusion an songe mystérieux de saint Cyprien, avant la
persécution.
* Les païens eux-mêmes ont reconnu cette vérité» ci l'ont exprimée
presque dans les mêmes termes. Horace (Satin I I , n ) , après avoir décrit
les funestes effets de l'intempérance sur le corps, ajoute :
Animum quoquè prœgravat unk;
Atque afllgit humo divin» particnUun aura.
60 SBLECMS DIVI CYPRIANI EPISTOLA.
mode conversationem veteris hominis expoiiant K Nemo
enim rétro attendens et superponens manum suam super
aratrum aptus estregno Dei. Denique et uxor Lot, quœ, li-
berata, contra prœceptum rétro respexit, quod evaserat per-
didit. Attendamus non posteriora, quô diabolus revocat, sed
priora, quô Cbristus vocat. Ocuios erigamus ad cœlum, ne
oblectamentis et illecebris nos suis terra decipiat. Unusquis-
que oret Deum, non pro se tantùin, sed pro omnibus fratri-
bus, sicut Dominus orare nos docuit; ubi non singulis
privatam precem mandat, sed oratione commun! et concordi
prece orantes pro omnibus jussit orare.
YH1. Si nos Dominus bumiles et quietos, si nobis invicem
copulatos, si circa iram timidos, si prœsenti tribulatione
correctos emendatosque conspexerit, tutos ab inimici infesta-
tionibus exhibebit. Pra&cessit disciplina, sequetur et venia.
Nos tantùm sine cessatione poscendi ot cum iide accipiendi
simplices et unanimes Dominum deprecernur, cum gemitu
pariter et fletu deprecantes, sicut deprecari oportet eos qui
sint positi inter plangentium ruinas ettimentium reliquias,
1
inter numerosam languentiiun stragem et exiguam stan-
tium firmitatem*. Rogemus pacem maturiîis reddi, cito la-
tebris nostri s et periculis subveniri, impleri quœ famulis suis
Dominus dignatur ostendere, redintegrationem Ecclesiae,
securitatem salutis nostrœ, post pluvias serenitatem, post
tenebras lucem, post procellas et turbines placidam lenita-
tem, pia paternse dilectionis auxilia, divinae majestatis solita
magnalia*, quibus et persequentiumblaspbemia retundatur,
et lapsorum pœnitentla reformetur, et fortis et stabilis per-
severantium fidncia glorietur.
Opto vos, fratres charissimi, semper bene valere et nostri
meminisse. Fraternitatem meo nomine salulate, et ut nostri
meminerint admonete. Valete.
1
Conversationem veleris hominis exponant. C'est ce que l'Ecriture
appelle dépouiller le vieil homme, c'est-à-dire renoncer à ses anciennes
et vicieuses habitudes. — Conversatio, conduite, mœurs. — Exponere,
rejeter, se dépouiller de.
* Au lieu de languentium, un manuscrit donne jacenlium, qui est plus
dans le goût de saint Cyprien. Notre traduction rend ces deux leçons.
5
Un manuscrit donne paucitatem, beaucoup moins bon que firmita-
tem, qui ajoute une idée à stanlhm. Paacitatem est contenu dans
CXlfJUCtW.
4
Magnalia (de ma y nus), preuves do grandeur, de force, de puissance
c/est-iVdive, merveille?, m'.rnrh*.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 64
seulement à la conduite du vieil homme. En effet, il n'est
personne qui, en regardant en arrière et appuyant noncha-
lamment la main sur le manche de la charme, soit digne
d'entrer dans le royaume des cieux. Et la femme de Lot,
enfin, qui sauvée regarda en arrière, contre Tordre de Dieu,
perdit l'avantage d'avoir échappé au danger d'où il l'avait
tirée. Regardons non pas en arrière, où le diable nous
rappelle, mais en avant où le Christ nous appelle. Elevons
les yeux au ciel, afin que la terre ne nous séduise point par
ses amusements et ses attraits. Que chacun prie Dieu non
pas pour soi seulement, mais pour tous ses frères, comme
le Seigneur nous a enseigné à prier, quand il ordonne non
pas à chacun de prier en son particulier, mais à tous de
faire pour tous une oraison commune, une prière expri-
mant au nom de tous le même sentiment.
VIII. Si Dieu nous voit humbles et animés de l'esprit de
paix, s'il nous voit unis entre nous, craignant de nous met-
tre en colère, corrigés et amendés par les tribulations pré-
sentes, il nous mettra en sûreté contre les attaques de
l'ennemi. Que la soumission aux commandements marche
la première, et le pardon viendra à sa suite. Seulement,
sans cesser de demander, et avec la conviction que nous re-
cevrons, prions le Seigneur avec simplicité et unanimité,
prions-le avec gémissements et larmes tout ensemble comme
il convient de prier à des gens placés entre les débris de
ceux qui pleurent leur chute, et le reste de ceux qui crai-
gnent de tomber entre les nombreux monceaux de ceux
qui languissent abattus, et le petit nombre de ceux qui se
tiennent debout et fermes. Demandons que la paix nous
soit rendue au plus tôt, que nous puissions bientôt quitter
nos retraites et voir la fin de nos périls; demandons à voir
s'accomplir ce que Dieu nous a promis dans des visions, la
restauration de l'Église, la sécurité pour notre salut, après
la pluie un ciel serein, après les ténèbres la lumière, après
les tempêtes et les ouragans un temps calme et paisible, la
pieuse assistance d'un Père qui nous chérit, les merveilles
familières à la puissance divine, pour réprimer les blasphèmes
de nos persécuteurs, ramener à la pénitence les tombés, et faire
la gloire de ceux qui, forts et stables, persévèrent dans la foi.
Je souhaite, mes très-chers frères, que vous vous portiez tou-
jours bien, et que vous vous souveniez de moi. Présentez mes
saints à nos frères, et priez-les de se souvenir de moi. Adieu.
4
62 SELEGTiE DÏVI CYPRIANI EPIST0UE.
EPISTOLA VII.
AD MARTYRES ET CONFESSORES.
Courage invincible des confesseurs au milieu des supplices : martyre de
Mappalicus.
1
Au lieu de gloriatur, un manuscrit donne gratulatur; un autre
gratulalur vel gloriatur. C'est toujours à peu près le même sens au fond.
*,Exilés.
* Maximi certaminis praelium, la lutte suprême et décisive (le
martyre).
4
Au lieu de rcdîstis, quelques manuscrits donnent prodislis. Re-
dis tis veut dire vous êtes retournés au combat; et prodîstis est un
terme militaire (prodire è castris) signifiant vous êtes sortis du camp
(pour aller combattre).
» Joan. rv.
LETTRES CHOISIES J)K SAINT CYPRIEN. 63
LETTRE VIL
AUX MARTYRS ET AUX CONFESSEURS.
1
Au lieu de quœstio, d'anciennes éditions donnent laniena, moins
bon que quœstio. Ce dernier a do plus l'avantage de rappeler quœstio-
nem qui se trouve dans Pavant-dernière phrase.
* Avant stetisse, sous-entendez scilicet, ou à la place de stetisse ser-
vos ejus..., nudos..., armatos, imaginez cùm steterunt ejus servi...,
nudi..., armait.
3
Quelque manuscrits donnent credentis (fidei). Deux autres au lieu
de credentes donnent constanter, qui donne le sens le plus facile et le
meilleur.
4 9
D nngulns, ongle de fer, crochet, instrument de supplice, diminutif
ù'unguis. Ce mot, pris dans cette acception, ne se trouve pas dans les
dictionu. classiq.
a
Psal. cxv.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 65
IL Elle a été bien prouvée, cette vérité, par le glorieux
combat de nos frères, qui, pour triompher des tourments,
marchant en avant des autres, ont donné l'exemple du cou-
rage et de la foi, et sur le champ de bataille ont lutté contre
l'ennemi, jusqu'à ce que l'ennemi fût complètement vaincu.
Quels éloges dignes de vous pourrais-je vous donner, vail-
lants frères? Et la force de votre âme, et la persévérance de
votre foi, quel panégyrique assez beau pourrait les célébrer ?
Vous avez enduré jusqu'à la consommation de votre gloire
les plus cruelles tortures, et vous n'avez pas cédé aux sup-
plices, mais ce sont bien plutôt les supplices qui vous ont
cédé. Vos souffrances que ne terminaient pas les tourments,
ce sont vos couronnes qui y ont mis un terme. Les tortures,
devenues plus cruelles, ont duré longtemps, non pas que leur
effet dût être d'abattre votre robuste foi, mais d'envoyer plus
tôt au Seigneur les champions de la divinité. La foiile pré-
sente a vu avec admiration la lutte céleste, la lutte de Dieu,
la lutte spirituelle, le combat de Jésus-Christ. On a vu de-
bout ses serviteurs à la voix libre et fière, à l'âme incorrup-
tible, à la valeur divine, dépourvus, il est vrai, d'armes ter-
testres, mais intrépides et revêtus des armes de la foi. Ils
étaient là, torturés, plus fermes que leurs bourreaux*, et
leurs membres frappés et déchirés ont triomphé des instru-
ments de supplice qui les frappaient et les déchiraient.
Toujours inexpugnable, leur foi a résisté à une continuelle
répétition de coups affreux, bien que tout l'ensemble de
leur corps étant brisé, on eût désormais à torturer chez
les serviteurs* de Dieu non plus des membres, mais des
0
blessures . Le sang coulait, assez pour éteindre l'incendie
de la persécution, assez pour étouffer de ses flots glorieux
les flammes et les feux de l'enfer. 0 quel spectacle devant
le Seigneur! qu'il était sublime! qu'il était grandi qu'il
était agréable à Dieu par la fidélité au serment et le dévoue-
ment de ses guerriers! comme il est écrit dans les Psaumes
4.
66 8ELEGTJS DIVI CYPRIANI EPISTOL/E.
virtutis. Quàm lœtus illic Christus fuit, quàm libens in ta-
libus servis suis et pugnavit et vicit protector fidei, et dans
credentibus tantùm quantum se crédit capere qui sumit !
Certamini suo adfuit, praeliatorcs atque assertores sui no-
minis erexit, corroboravit, animavit. Et qui pro nobis mor-
temsemel vicit, semper vincit in nobis. Cùm vos, inquit,
tradiderint, nolite cogitare quid loquamini. Dabilur enim
vobis in Ma hora quid loquamini. Non enim vos estis qui
loquimini, sed spiritus Patris vestri qui loquitur in vobts
1
Au lieu de ejusdem congressionis, un manuscrit porte ejusdem con~
sensionis, beaucoup moins bon.
* Non sic est ut..., subj.; ordinairement on dit : non is est qui,..,
snbj.
* Saint Jérôme, livre n, contre Jovinien : In martyre enim voluntas,
eus qua ipsa mors nascitur, coronatur.
* Au lieu de ad coronam de eo promerendam, quelques manuscrits
et d'anciennes éditions portent ad coronam Dei promerendam.
*CommeatuS) ordinairement congé, permission; ici prolongation
de jours, de vie, ce que saint Grégoire appelle ingénieusement induciœ
mortis, ou simplement induciœ.
L E U R ES CHOISIES L E SAINT CYPRIEN. 69
combattu, foi achevé ma course, f ai conservé ma foi. Il ma
reste à recevoir la couronne de justice, que me donnera dans
le grand jour du jugement le Seigneur, ce juste juge, et non-
seulement à moi, mais à tous ceux qui attendent avec amour
sa venue. C'est donc cette lutte, prédite par les prophètes, en-
gagée par le Seigneur, soutenue par les Apôtres, que Mappa-
Ucus a promise à son tour au proconsul, en son nom et au
nom de ses collègues. Et elle n'a pas trahi sa promesse, cette
voix fidèle. Le combat qu'il avait publiquement annoncé, il
Ta soutenu, et il a reçu la palnje qu'il avait méritée.
IV. Marchez aujourd'hui, tel est mon vœu, telle est
l'exhortation que je vous adresse, marchez, avec les autres
confesseurs, sur les traces de ce glorieux martyr et de ceux
qui ont pris part au même engagement., guerriers et compa-
gnons inébranlables dans la foi, patients dans la douleur,
vainqueurs dans les tourments. Après avoir, vous et eux, été
unis par le lien de la confession et le séjour de la prison,
soyez-le encore par la consommation du mérite et la cou-
ronne céleste; essuyez, au moyen de la joie que vous lui cau-
serez, les larmes de l'Eglise, notre mère, qui pleure la chute
et la mort d'une fouie de ses enfants; fortifiez encore par
l'excitation de votre exemple les autresfidèlesqui se tiennent
fermes et debout. Si la bataille vous appelle, si votre jour de
combat arrive, portez les armes avec courage, combattez avec
fermeté, sachant que vous combattez sous les yeux du Sei-
gneur présent à vos efforts, et que vous arrivez à sa gloire
en confessant son nom, car il ne se borne pas à contempler
seulement ses serviteurs, mais lui-même lutte en nos per-
sonnes, lui-même combat l'ennemi, lui-même, dans cet en-
gagement que nous soutenons, décerne et reçoit tout en-
semble la couronne.
V. Si avant votre jour de combat la miséricorde du Sei-
gneur nous ramenait la paix, vous auriez toujours pour vous
votre inébranlable volonté et-la conscience de votre gloire.
Et qu'aucun ne s'afflige comme s'il était inférieur à ceux
qui, après avoir enduré jusqu'au bout les supplices, triom-
phant du siècle et le foulant aux pieds, sont, par une route
glorieuse, arrives jusqu'au Seigneur. C'est le Seigneur qui
scrute les reins et les cœurs, il devine ce qu'il y a de plus
secret, et voit ce qu'il y a de plus caché. Pour mériter de
lui la couronne, il suffit de son seid témoignage, à lui qui
doit nous juger tous. Ainsi, des deux parts, mes très-chers
70 SELECTitt OIVi CYPRIANI EPISTOL^.
minât, quam temporibus nostris gloriosus martyriim san-
guis illustrât! Erat antè in operibusfratrumcandida; nunc
1
focta est in martyram cruore purpurea ; floribus ejus nec
lilia nec rosae desunt *. Certent nunc singuli ad utriusque
honoris amplissimam dignitatem. Àccipiant coronas vel de
opère candidas, vel de passione purpureas. In cœlestibus
3
castris et pax et acies habent flores suos , quibus miles Christi
ob gloriam coronetur.
Opto vos, fortissimi ac beatissimi fratres, semper in Do-
mino bene valere et nostri meminisse. Valete.
EPISTOLÀ VLII.
AD MARTYRES ET CONFESSORES QUI LAPSIS PETIERUNT
PACEM DARI.
Règles que doivent se prescrire les confesseurs qui donnent des billets
de commuuion à ceux qui sont tombes
LETTRE VIII.
AUX MARTYRS ET AUX CONFESSEURS QUI L'AVAIENT PRIÉ
D'ACCORDER LA PAIX AUX TOMBÉS.
Le sujet de cette lettre est expliqué suffisamment dans le passage suivant
de la lettre X I : « Ayant appris que ceux qui avaient souillé leurs mains
» et leurs lèvres par un contact sacrilège, ou qui, sans sacrifier aux
n Dieux, avaient cependant profané leur conscience en recevant les
* infâmes billets des magistrats païens; ayant appris, dis-jc, que ces
» hommes assiégeaient les martyrs de leurs sollicitations, et séduisaient
» les confesseurs par leurs prières accompagnées de brigues et d'impor-
» tunités, de telle sorte que, sans discernement, sans examen des cas
» particuliers, il se délivrait chaque jour, contre la loi de l'Evangile
j) des milliers de billets de faveur, j'ai écrit aux martyrs et aux con-
» fesseurs pour, autant qu'il était en moi, les rappeler à l'observation
» des préceptes du Seigneur. »
1
Offerre est employé ici sans régime, comme dans la lettre suivante»
et signifie offrir le saint Sacrifice* C'est à tort que Manuce et après lui
plusieurs éditeurs ont mis, au lieu de ce seul mot, offerre lapsis pa-
nera.
8
An lieu de properet, un seul manuscrit donne optet; c'est le même
sens au fond, exprimé avec moins de vivacité.
5
Properantes n'a pas tout-à-fait le même sens que properet deux
lignes plus haut. Dans la première phrase ce verbe exprime tout simple-
ment le désir naturel, vif, empressé de revenir à la vie ; dans la seconde,
c'est l'empressement intempestif, immodéré et blâmable d'obtenir une
chose à laquelle on n'a pas droit.
4
Des éditions anglaises suppriment sans autorité Antè est ut, et com-
mencent cette phrase pur A Domino pacem> etc. IL est vrai qu'Anlé est ut
fait une espèce de pléonasme avec prior qui suit ; mais ce sonl de ces
négligences à peine sensibles qu'un éditeur n'a pas le droit de corriger
sans s'appuyer sur quelque manuscrit. — L'édition d'Oxford, d'après
plusieurs manuscrits, commence la phrase par Ante Domini pacem, etc.
Le sens est le même dans tous les cas.
* Secundùm desideria vestra. Un manuscrit donne secundûm ves-
tram petitionem; même sens absolument.
• Tractetur. Un manuscrit donne tractabitur; même sens.
9
Impudentid... quorumdam. Deux ou trois manuscrits portent àb
M Cor. xi.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 75
indignes mangera le pain ou boira le calice du Seigneur, sera
coupable du Corps et du Sang du Seigneur.
III. Quant aux tombés, ils peuvent en. cela paraître excusa-
bles. Quel mort en effet ne s'empresserait de revenir à la vie?
Qui ne se hâterait d'être sauvé? Mais c'est aux chefs à obser-
ver la loi, et, soit qu'il y ait chez les tombés précipitation ou
ignorance, à leur donner les instructions convenables; sinon
ceux qui doivent être les pasteurs du troupeau, en devien-
dront les bouchers. En effet, accorder à quelqu'un un objet
qui doit tourner à sa ruine, c'est le tromper; et une telle fai-
blesse, loin de relever un tombé, ne fait au contraire qu'of-
fenser Dieu et pousser plus sûrement le malheureux à sa
perte. Qu'ils apprennent donc au moins de votre bouche ce
qu'ils auraient dû enseigner aux autres. Ils doivent renvoyer
a
à l'évèque vos suppliques et vos vœux ; et quant à accorder
la paix sur votre demande, cette mesure ne doit être prise
qu'avec maturité, et il faut pour cela attendre un temps pai-
sible. Auparavant il faut que le Seigneur ait accordé la paix
d'abord à l'Eglise notre mère, puis, selon vos désirs, on
pourra traiter de la paix à accorder à ses enfants.
IV. Et, comme il m'est rapporté que quelques impudents
vous pressent et font violence à votre esprit de retenue,
soyez, je vous en conjure autant que je le peux, fidèles à
l'Evangile. Considérez l'étendue et la nature des concessions
faites par les martyrs vos prédécesseurs, voyez avec quel scru-
pule ils ont agi dans tous les cas, et, vous aussi, pesez avec
scrupule et prudence les vœux de ceux qui ont recours à
vous, puisque vous êtes les amis de Dieu, et que vous devez
plus tard exercer la justice avec lui. Examinez la conduite, les
œuvres et le mérite de chacun, pensez d'autre part à l'espèce
et aux circonstances particulières de chaque péché; nous ne
devons pas, vous par des promesses, et nous car des actes
portant le caractère de la précipitation ou de la faiblesse, faire
rougir notre Eglise aux yeux même des gentils. Nous sommes
en effet visités et châtiés fréquemment, et avertis que nous
devons conserver intacts et sans aucune atteinte les préceptes
EPISTOIA IX.
AD PLEBEM.
1
Deux mss. donnent seulement quorum pœnitentiam conspicitis on
scitis; mais l'accord de tous les autres à donner pœnitentiam satisfac-
tioni proximam, montre que saint Cyprien voulait que, pour accorder
la paix aux tombés, on ne se contentât pas d'un commencement de péni-
tence; il fallait une expiation àpeu près complète, satisfactioni proximam.
* Le ms. de Vérone donne aussi dilectissimi.
* Quelques éditions donnent ruinam, bien moins conforme à la m a -
nière de l'auteur.
4
Qui et ipse vobiscum pro singulis ingemisco. Six manuscrits et toutes
les éditions qui ont précédé celle de Manuce, ont omis ce membre de
phrase, si beau pourtant, et où respire la plus tendre affection.
« II Côr. xi. — M Cor. xn.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 79
senter vingt, trente personnes et davantage, que Ton nous affir-
mera être parents, alliés, affranchis et domestiques de celle qui
a reçu le billet. Aussi vous prié-je de désigner nominative-
ment dans vos billets des personnes présentes sous vos yeux,
que vous connaissez, et dont vous voyez la pénitence appro-
cher de la satisfaction due à la Divinité, et, dans ces termes.,
de nous écrire conformément à la foi et à la discipline.
Je désire, braves et chers frères, que vous vous portiez tou-
jours bien dans le Seigneur, et que vous vous souveniez de
moi.
LETTRE IX.
AUX FIDÈLES.
Le sujet de cette lettre est au fond le même que celui de la précédente,
l'impatience condamnable des tombés pour être admis à la communion,
et la conduite que doivent tenir à leur égard les fidèles soumis aux rè-
gles de l'Eglise. C'est à cette lettre que l'auteur fait allusion dans ce
passage de la lettre X I : « J e me suis appliqué aussi, autant que je Pai
• pu, à régler les sentiments des fidèles, et à les former à l'observation
» de la discipline ecclésiastique. »
1
Au Heu de ne, dum temerè pax usurpatur, plusieurs manuscrits
donnent ne, si temerè pax usurpelur, leçon qui présente seulement
sous forme hypothétique et conditionnelle un abus que l'auteur signale
et déplore comme réellement existant, l'admission, par certains mem-
bres du clergé, des tombés à la communion chrétienne. Voir à ce su-
jet la lettre précédente.
* Temerè pacem usurpare veut dire ici non pas extorquer avec au-
dace, mais pratiquer (c'est-à-dire accorder) indiscrètement, la récon-
ciliation. — Plus loin offensa ne signifie pas offense, mais méconten-
tement.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 81
faut pourtant pas se hâter, je pense, ni agir avec impru-
dence et précipitation; prenons garde, en pratiquant indis-
crètement la réconciliation, d'exciter d'une manière plus
grave encore la colère de Dieu.
IL Quelques-uns des bienheureux martyrs m'ont écrit pour
me prier d'examiner leurs vœux. Quand, le Seigneur nous
ayant d'abord accordé la paix à tous, nous pourrons retour-
ner à notre Eglise, alors nous examinerons chaque cas en
particulier, en votre présence et avec votre assistance \ J'ap-
prends toutefois que quelques prêtres, oubliant l'Evangile,
ne songeant pas à ce que nous ont écrit les martyrs, et ne
réservant pas à l'Evèque l'honneur de son ministère et de la
chaire qu'il occupe, ont déjà commencé à communiquer avec
les tombés, à offrir pour eux le saint sacrifice, et à leur don-
ner l'Eucharistie, tandis que Ton devait en venir là selon
les règles seulement. En effet, si pour de moindres fautes,
qui n'ont pas Dieu pour objet, on fait pénitence pendant un
b
temps convenable, si l'on fait une confession publique , si
la vie de celui qui fait pénitence est soumise à un examen, si
enfin personne ne peut être admis à la communion, que
d'abord les mains ne lui aient été imposées par l'évéque et
0
le clergé , à combien plus forte raison, quand il s'agit de ces
fautes énormes et de toutes les plus capitales, doit-on obser-
ver avec prudence et lenteur tout ce que recommande la dis-
cipline du Seigneur. C'est ce qu'auraient dû représenter nos
prêtres et nos diacres pour donner aux brebis qui leur sont
confiées des soins salutaires, et leur enseigner d'après les le-
çons divines les moyens d'implorer et d'obtenir leur salut.
III. Je connais l'esprit paisible et soumis de nos fidèles; et
certes ils consacreraient leurs veilles à satisfaire à Dieu et à
le prier, si, pour leur être agréables, quelques prêtres ne les
eussent pas trompés. Vous donc, au moins, dirigez chacun
d'eux, et, par vos conseils et de sages ménagements, gouver-
* Voici une preuve positive qu'à cette époque non-seulement le clergé,
mais aussi les laiques étaient admis à prononcer avec l'évéque sur les
objets les plus importants, par exemple la pénitence des tombés leur t
réception dans l'Eglise, la validité des billets qu'ils avaient reçus des
martyrs, etc. Au quatrième Concile de Carthage, canon 23, on lit : Ut
episcopus nullius causam audiat absque prœsentia clericorum pie-
biumque (Manuscrit antique de l'église d'Urgel). Voyez lettre X , à la fin
du second paragraphe, et lettre X Y I , dernier paragraphe.
b a
Voyez page 73, note . — « Voyez page 73, note K
5.
82 SELECT/B DIVI CYPRIANI EPISTOLJE.
hue importuno tempore acerba poma decerpat. Nemo navem
suam quassatam et perforatam fluctibus, priusquam diligen-
ter refecerit, in altum denuo committat. Neuio tunicam scis-
1
sam accipere et induere properet , nisi eam et ah artifice
perito sartam viderit, et afollonecuratam receperit. Audiant,
quaeso, patienter consilium nostrum, exspectent regres-
sionera nostram; ut, cùm ad vos per Dei misericordiam
veneriinus, convocati cocpiscopi plures, secundiun Domini
disciplinam, et confessorum praesentiam et vestram quoquè
sententiam, beatorum martyrum litteras et desideria exa-
minare possimus. De hoc et ad clerum et ad martyres et
confessores litteras feci, quas utrasque legi vobis màndavi.
Opto vos, fratres charissimi ac desiderantissimi, in Domi-
no semper bene valere et nostri meminisse. Valete.
EPISTOLÀ X.
AD CLERUM, DE HIS QUI AD PACEM FESTINANT.
Empressement immodéré de ceux qui sont tombés à demander leur
réconciliation.
LETTRE X.
AU CLERGÉ, SUR CEUX QUI S'EMPRESSENT POUR RECEVOIR
L A PAIX*
EPISTOIA XL
AD PRESBYTEROS ET DIACONOS ROMJS CONSISTENTES
LETTRE XI.
AUX PRÊTRES ET A U X DIACRES DE ROUE»
Saint Cyprien rend compte au clergé de Rome des raisons qui lui ont fait
quitter Carthage au moment de la persécution, et des soins divers
qui Pont occupé dans sa retraite. Il lui envoie, pour justifier tous
ses actes, copie des lettres qu'il a écrites depuis son départ au clergé,
aux martyrs et confesseurs ainsi qu'aux fidèles de son église.
aussi bien avec des prêtres habitant Rome, qu'avec ceux qui seraient à
Carthage près de lui. 3° Il est inexact de dire que le clergé de Rome ne
s'occupait pas des affaires del'Kglfce universelle, quand le Saint-Siège
était vacant. Car nous avons (Lettre II de l'édition complète des lettres
de saint Cyprien) une lettre du clergé de Rome à celui de Carthage,
pour l'engager à soutenir avec fermeté la foi, et à encourager les fidèles
dans leur résistance à la persécution. E t , ce qui prouve jusqu'à l'évi-
dence que cette lettre e.*t bien écrite au clergé de Rome et non à celui
de Carthage, c'est que, dans cette autre lettre dont nous parlons,
le clergé de Rome précisément émet l'avis (auquel saint Cyprien, à la
fin de celle-ci, déclare se conformer) que l'on doit accorder la paix aux
tombés pénitents et en état de maladie dangereuse. La lettre du clergé de
Rome que nous mentionnons est donc un moyen de contrôle certain, qui
permet de juger à qui celle de saint Cyprien est adressée. Or, contre l'as-
sertion deBaluze, elle traite des affaires de l'Église universelle, et pour-
tant, de l'avis même de ce critique, elle a été écrite pendant la vacance
qui suivit le martyre de saint Fabien Ce ne peut donc être que par o u -
bli ou distraction, que le savant commentateur tombe dans l'erreur que
1
Deux manuscrits portent : Sicut Domini mandatis instruimur; dif-
férence insignifiante quant au sens.
a
Cet orto, qui n'est pas nécessaire au sens, mais qui le rend plus
clair, est omis par dix manuscrits et par les anciennes éditions, mais il
se trouve dans six autres manuscrits.
3
Inverecundam* Un manuscrit donne verecundam, qui est un véri-
table contre-sens.
4
Un manuscrit donne nec scriptis, beaucoup moins bon que nec spirilu
opposé à absens corpore.
* Un autre, au lieu de meâ mediocritate, "donne posset mea medio*
critas. Même sens. ^
LETTRES CHOISIES DB SAINT CYPRIEN. 89
1. Comme je me suis convaincu qu'il y apeu de sincérité et
peu d'exactitude dans les rapports qui vous parviennent sur
mes actes, soit passés, soit présents, j'ai cru devoir vous écri-
re cette lettre pour vous rendre compte de ma conduite, de la
discipline que j'ai suivie, et du zèle que j'ai déployé*.
Conformément aux préceptes du Seigneur, dès qu'ont éclaté
les premières violences de la persécution, comme le peuple
me demandait fréquemment avec des cris féroces, ayant
en vue moins mon salut que le repos de mes frères en
général, je me suis confiné dans la retraite, ne voulant pas
par la hardiesse de ma présence exciter davantage la sédition
qui avait commencé. Toutefois, bien que je fusse absent de
corps, ni mon esprit, ni mes actes, ni mes conseils n'ont
jamais manqué à mes frères; et j'ai toujours et en toutes
choses possibles, suivant l'ordre du Seigneur et selon la
médiocrité de mes moyens, pris soin de leurs intérêts.
* Exilés ponr la foi, puis revenus dans leur patrie, et tenant une con-
duite peu régulière. — Au lieu de extorribus, quelques manuscrits don-
nent extorrentibus, forme monstrueuse.
* Un manuscrit, au lieu de et timorem Dei, Domino suggerente, nos-
tra mediocritas potuit enili, donne et timorem Domini suggerere
nostra mediocritas potuit, moins bon que notre leçon, où le Seigneur
est présenté comme inspirant les sages conseils et les utiles exhoita-
tions.
5
Des éditions portent confirmandos, très-latin mais moins bon,
t
parce que dans le style latin chrétien le verbe confirmare a reçu une
nouvelle acception sacramentelle. D'ailleurs confortandos est donné par
tous les manuscrits.
4
En offrant de l'encens aux idoles, et en mangeant de la chair des
victimes sacrifiées aux faux dieux.
Libelles ou billets délivrés par les juges aux chrétiens qui dé-
claraient renoncer au Christianisme : ce qui les fit appeler libella-
tiques.
G
Ici Baluze a fait un singulier contre-sens. U a cru que saint: C y -
prien voulait dire : Les prêtres et les diacres n'ont pas manqué de (c'est-
à-dire/ont courageusement déployé) la vigueur du sacerdoce, tondis que
l'auteur dit au contraire ; La vigueur (la sévérité) de notre sacerdoce, de
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN* 91
II. Mes actes vous sont exposés dans mes lettres, écrites
selon les circonstances, an nombre de treize, que je vous en-
voie. Dans ces lettres, je n'ai épargné ni à mon clergé les
6
conseils, ni aux confesseurs les exhortations , ni, quand il
b
Ta fallu, les réprimandes aux exilés rentrés parmi nous , ni k
tous lesfidèlesles allocutions et l'emploi de la persuasion
0
pour les engager à invoquer la miséricorde divine , le tout
selon ce que, conformément aux lois de la foi et à la crainte
de Dieu, a pu faire, inspirée par le Seigneur, la médiocrité
de mes moyens. Quand la persécution est venue avec ses
supplices, soit que nos frères eussent déjà été livrés aux tor-
tures, soit que, renfermés dans les prisons, ils attendissent
encore leurs bourreaux, ma parole a su pénétrer jusqu'à eux
d r
pour les fortifier et les affermir dans la foi . Aj ant appris
aussi que ceux qui avaient souillé leurs mains et leurs lèvres
par un contact sacrilège, ou qui, sans sacrifier aux idoles,
avaient cependant profané leur conscience en recevant les in-
fâmes billets des magistrats païens; ayant appris, dis-je, que
ces hommes assiégaient les martyrs de leurs sollicitations, et
séduisaient les confesseurs par leurs prières accompagnées de
brigues et d'iraportunités, de telle sorte que sans discerne-
ment, sans examen des cas particuliers, il se délivrait chaque
jour, contre la loi de l'Evangile des milliers de billets de fa-
veur, j'ai écrit aux martyrs et aux confesseurs, pour, autant
qu'il était en moi, les rappeler à l'observation des préceptes
0
du Seigneur .
IIL Les prêtres aussi et les diacres ont senti la vigueur de
mon ministère; ainsi quelques-uns d'entre eux qui, oubliant
la discipline, et emportés par une téméraire précipitation,
commençaient déjà à communiquer avec les tombés, ont été
notre ministère épiscopal (n'a pas manqué, c'est-à-dire, s'est fait sentir)
aux prêtres et aux diacres. — Saint Cyprien appelle souvent un évéqite
sacerdos, et l'épiscopat sacerdolium. — Vigor sacerdotii non defuit
presbyteris et diaconibus ressemble à non defuit extorribus objurgatio
de la page précédente,
* Lettres IV et V .
* Lettre V paragraphe v.
c
Lettre VI tout entière.
* Ces exhortations aux confesseurs prisonniers font le sujet de la
lettre VII.
* C'est le sujet de la lettre VIII.
92 SELECTIVE D1VI GYPRIANI XPI8T0LB.
tinqtione précipites, qui curnlapsis comuiunicare j&m coopé-
rant, comprimerentur, intercedentibus nobis. Plebi quoquè
1
ipsi quantum potuimus animum composuimus, et ut eccle-
1
siastica disciplina servaretur instruximus. Postmodum
5
verô, cùm quidam de lapsis, sive suâ sponte, sive aliquo
4 5
incitatore , audaci flagitatione proruerent ut pacem sibi a
martyribus et confessoribus promissam extorquere violento
impetu niterentur, de hoc etiam bis ad clerum litteras feci et
legi eis mandavi, ut, ad illomm violentiam intérim quoquo
6
génère mitigandam, si qui, libelio a martyribus accepte , de
saeculo excédèrent, exomologesi factâ, et manu eis in pœni-
tentiam impositâ, cum pace sibi a martyribus promissâ ad
Dominum remitterentur. Nec in hoc legem dedi, aut me
auctorem temerè constitua Sed cùm videretur et honor mar-
tyribus habendus, et eorum qui omnia turbare cupiebant
impetus comprimendus, et praeterea vestra scripta legissem
quae hue ad clerum nostrum per Crementium hypodiaconum
nuper feceratis, ut iis qui post lapsum infirmitate appre-
hensi essent, et pœnitentes communicationem desiderarent,
subveniretur, standum putavi et cum vestra sententia, ne ac-
tus noster, qui adunatus esse et consentire circa omnia dé-
bet, in aliquo discreparet. Plané caeterorum causas, quamvis
libelio a martyribus accepte, differri mandavi et in nostram
praesentiam reservari; ut, cùm, pace a Domino nobis data,
plures praepositi convenire in unum cœperimus, communi-
cato etiam vobiscum consilio, disponere singula et reforma-
re possimus.
Opto vos, fratres cbarissimi, semper bene valere.
1
Animum. Ce mot, nécessaire au sens, manque dans beaucoup de
manuscrits. Des éditeurs ont mis animos, sans nécessité de changer.
* Deux manuscrits donnent ut ecclesiasticam disciplina™, servarent.
Même sens à peu de chose de près ; tournure moins élégante.
* C'est ce de qui a donné naissance à notre article de, du, des, em-
ployé dans les mêmes circonstances et destiné aux mêmes usages.
4
Un manuscrit donne la mauvaise leçon sine aliquo disputatore. Un
autre, nescio quo disputatore incitante, qui s'entendrait à la rigueur,
mais bien moins naturel et moins facile que la leçon donnée par tous
les autres manuscrits.
8
Un manuscrit donne prorumperent, et d'autresproruperinU Même
sens à peu près ; proruerent est plus juste.
6
Billets donnés par les confesseurs à ceux qui étaient tombés devant
la persécution.
LETTRES CHOISIES DE S/VINT CYPRIEN. 93
réprimés par mes soins*. Je me suis appliqué aussi, autant
que je l'ai pu, à régler les sentiments desfidèles,et à les for-
mer à l'observation de la discipline ecclésiastique. Dernière-
ment enfin, comme quelques tombés se précipitaient, armés
d'audacieuses réclamations, pour arracher violemment la paix
que leur avaient promise les martyrs et les confesseurs, j'ai
écrit deux fois à ce sujet au clergé, avec recommandation de
leur lire mes lettres. J'y décidais, afin d'apaiser par quelque
moyen que ce fût, leur violence, que si quelques-uns, ayant
reçu un billet des martyrs, se trouvaient sur le point de quit-
ter la vie, on leur fit faire une confession publique, on leur
imposât les mains en signe de pénitence, et on les renvoyât
b
au Seigneur avec la paix que les martyrs leur ont promise .
Et en cela je n'ai pas créé de loi, et je ne me suis pas té-
mérairement donné pour l'auteur de cette mesure. Mais
comme il paraissait nécessaire de témoigner aux martyrs une
honorable déférence, d'autre part de réprimer l'audace de
gens qui voulaient porter le trouble partout, et que d'ailleurs
j'avais .lu l'écrit que vous aviez adressé naguères à notre cler-
c
gé par le sous-diacre Crémentius , où vous êtes d'avis qu'il
faut secourir ceux qui, après leur chute, viendraient à tomber
malades,et qui, repentants, demanderaient la communion, j'ai
cru devoir embrasser aussi votre sentiment, afin que notre
manière d'agir, qui, en tout, doit être une et parfaitement
d'accord, ne présentât aucune différence. Quant aux autres,
bien qu'ayant reçu des billets des martyrs, j'ai ordonné d'a-
journer leurs causes sans exception, et de les réserver pour
être jugées par moi en personne, afin que, quand le Seigneur,
nous ayant accordé la paix, nous nous réunirons plusieurs
évèques ensemble, nous puissions, en en conférant aussi
avec vous, régler et réformer chaque chose.
Je désire, mes très-chers frères, que vous vous portiez tou-
jours bien.
» Dans cette sévérité déployée par lui envers les prêtres et les diacres,
le saint évêque rappelle le blâme infligé par lui (lettre VIII, paragraphe
il, et lettre IX, paragraphe u) aux prêtres et aux diacres qui, en commu-
niquant avec les tombés non réconciliés régulièrement avec l'Église, en-
courageaient leur témérité, et les perdaient en les flattant.
* Voyez lettre X , paragraphe u.—C\impace désigne ici le saint Viatique.
« Il s'agit précisément ici de cette lettre écrite par le clergé de Rome
au clergé de Carthage, dont nous avons parlé dans le sommaire de celle-
ci, rt qui est la seconde du recueil complet des lettres de saint Cyprien.
94 SELECTJE DIYI CYPRIANI EPISTOLiB.
EPISTOIA XIL
AD MOYSEN ET MAXIMUM ET CiETEROS CONFESSORES.
1
Neuf mss. et l'édition de Manuce donnent ornamenta; dix autres
m8S. et quelques éditions donnent à la place hortamenta, moins facile,
mais qui s'entendrait pourtant. Ce membre de phrase signifierait alors s
les encouragements de la grâce divine nous élèvent à la hauteur de vos
sentiments.
* Deux mss., au lieu de in secessu donnent in secreto, qui vaut mieux,
parce que saint Cyprien étant alors dans sa retraite, le saint Sacrifice
qu'il célébrait était toujours, même en présence des fidèles qui par-
tageaient cette retraite, célébré in secessu, ce qui contrarie la distinction
que l'auteur veut établir ici entre les prières qu'il fait au milieu des fi-
dèles, et celles qu'il adresse à Dieu en son particulier* in secreto. Nous
n'avons pas toutefois voulu adopter cette leçon, en contradiction avec
presque tous les mss. et toutes les anciennes éditions. Secessus a d'ail-
leurs un sens assez voisin de celui de secretum.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 95
LETTRE XIL
A MOÏSE, MAXIME ET LES AUTRES CONFESSEURS*
EPISTOLA XI IL
BESPONDET CALDONIO.
Saint Cyprien approuve Caldonius, qui n'avait pas cru devoir refuser
la communion à ceux qui, étant tombés, avaient effacé leur crime par
une nouvelle confessiou de la foi.
1
Quelques anciens manuscrits donnent posteriore virtute, qui s'en*
tend bien aussi, et qui signifie : par te courage qu'ils ont montré de-
puis.
* 11 s'agit du livre de saint Cyprien qui a pour titre : De lapsis (Des
tombés).
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 103
LETTRE XIII.
RÉPONSE A CALDONIUS.
Approbation donnée à la conduite de Caldonius, qui n'avait pas cru de-
voir refuser la communion aux tombés qui depuis leur chute avaient
fait une pénitence sincère et confessé de nouveau le nom de ïésus-
Christ. Saiul Cyprien profile de l'occasion de cette réponse à Caldouius
pour lui euvoyer sou livre Des tombés, et cinq de ses lettres, afin de
l'instruire des mesures que lui-môme a prises de son roté à l'égard de
ceux d'entre ces malheureux, qui montrent un empressement immodéré
et coupable pour reulrer dans le seiu de l'Eglise.
EPISTOLÀ XIV.
AD MOYSEN ET MAXIMUM ET C J E T E R O S CONFESSORES.
LETTRE XIV.
A MOÏSE, MAXIME ET LES AUTRES CONFESSEURS*
Félicitations aux confesseurs de Rome pour le courage dont ils out mon-
tré l'exemple à toute l'Eglise dans la persécution. L'auteur les félicite
également de la soumission qu'ils ont montrée depuis à la discipline
ecclésiastique, et qui. selon lui, leur assure une gloire égale à celle des
martyrs.
CYPRIEN aux prêtres Moïse et Maxime, et aux autres con-
fesseurs, salut.
I. Il y a longtemps, braves et bienheureux frères, que j'ai
appris par la voix publique la gloire méritée par votre foi et
votre courage; je me suis réjoui beaucoup et je vous ai fé-
licités de tout mon cœur de ce qu'une grâce spéciale de notre
Seigneur Jésus-Christ vous a ainsi disposés à recevoir la cou-
ronne. C'est vous en effet qui, devenus notre avant-garde et nos
chefs dans les combats qui se livrent aujourd'hui, avez porté
en avant l'étendard de la céleste milice. C'est vous qui avez
inauguré par votre courage cette lutte spirituelle que Dieu a
voulu qui eût lieu de nos jours. C'est vous qui, immobiles
dans votre force et inébranlables dans votre fermeté, avez
soutenu, repoussé le premier choc de cette guerre naissante.
Ça été là le commencement de nos combats heureux; vos ef-
forts ont été pour nous des auspices de la victoire. Nous avons
vu ici des fidèles arriver par les supplices à la consommation
du martyre. Mais celui qui dans le combat marche en avant
de ses frères et leur donne l'exemple du courage, est digne
de partager la gloire des martyrs. Vous avez de vos mains
tressé des couronnes, et de Rome vous les avez transmises à
Carthage; et, buvant les premiers à la coupe du salut, vous
l'avez présentée à vos frères.
II. À ce début glorieux de votre confession, et au mérite
de nous avoir donné les auspices de la victoire, vous avez
joint la constante observation de la discipline. On le voit
clairement à la vigueur de la lettre que dans votre zèle vous
avez écrite à vos collègues, unis comme vous au Seigneur
dans la confession, pour les engager à observer avec courage
et fermeté les saints commandements, ces préceptes de vie
qui nous ont été transmis une fois pour toutes. C'est
i06 SELECT7B DlVt CYPRIANI EPISTOL/E.
mandate vitalia forti et stabili observatione teneantur. Ecce
alius gloriae vestrœ subliinis gradus, ecce iteruui cum con-
fessione geminatus promerendi Dei titulus, stare firmo
gradu, et in bac acie qui Evangelium conantur irrumpere, et
prœceptis Domini subruendis manus impias infercntes, fi-
dei robore submovere; praebuisse antè initia virtutum,nunc
etmorum magisteriaprœbere! Dominus, post resurrectionem
mittens Apostolos, mandat et dicit : Data est mihi omnis po-
testas in cœlo et in terra, lté ergô et docete gentes omnes, tin»
genteseos in nomine Patris etFiliietSpiritûssan€ti,docentes
eosobservare omniaqumcumqve prœcepi vobis*.» Et Joannes
apostolus mandati memor in Epistola sua postmodumponit :
In hoc, inquit, intelligimus quia cognovimus eum, si prœ-
cepta ejus custodiumus. Qui dicit quoniam cognovit eum, et
h
mandata ejus non servat, mendax est, et veritas m illo non e$t *
Hœc prœcepta custodienda suggeritis, divina et cœlestia
mandata servatis.Hoc est esse confessionem Domini, hoc est
esse martyrem Christi, servare vocis suae inviolatam circa om-
nia et solidamfirmitatem.Nam velle prœter Dominum mar-
tyrem fieri, et praecepta Domini destruere conari; uti adversùs
illum dignatione quam tibi dedcrit, armis ab illo acceptis
rebellera quodammodo fieri, hoc est Christum confiteri velle,
et Evangelium Christi negare. Laetor igitur ex vobis, fortis-
simi ac fidelissimi fratres; et quantum gratulor martyribus
4
istic honoratis obvirium gloriam, tantùm gratulor pariter
et vobis ob dominiez etiam disciplina coronam. Dignationem
suam Dominus multiplici génère largitatis infudit; bono-
rum militum laudes et glorias spiritales copiosà varietate
distribuit. Honoris vestri participes et nos sumus, gloriam
vestram nostram computamus, quorum tempora illustravit
tanta félicitas, ut aetatem nostram videre contingeret probatos
servos Dei et Christi milites coronatos.
Opto vos, fortissimi ac beatissimi fratres, semper bene
valerc et nostri meminisse.
1
Istic esi un adverbe de lieu, sans mouvement, s'appliquant ordinal*
rement à la seconde personne, et signifiant là où tu es, où vous êtes, tan*
dis que hic veut dire là où je suis, où nous sommes, et illic signifie là où
il est, où ils sont Cette distinction, au reste, n'est pas toujours rigoureu-
sement observée, comme on le verra lettre X X I . où illic est employé plu-
sieurs fois en rapport avec la seconde personne, et istic avec la première;
mais ces exceptions sont rares.
* Matlh. xxviii. — * I loan. H.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 107
là un autre degré éminent de votre gloire; c'est là en-
core avec votre confession un double titre pour mériter les
grâces du Seigneur : se tenir debout, ferme à son rang, et,
sur cet autre champ de bataille, repousser par la vigueur de
votre foi ceux qui s'efforcent de faire brèche à l'Evangile, et
qui, pour saper les préceptes du Seigneur, portent sur eux
leurs mains impies; avoir donné dans le principe l'exemple
du courage, et donner maintenant à ceux qui s'égarent des
préceptes de conduite. Le Seigneur, après sa résurrection,
envoyant ses Apôtres, leur donna ses ordres et leur dit :
Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez
donc, et instruisez toutes les nations, baptisant les hommes
au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur appre~
nant à observer tout ce que je vous ai recommandé. Et l'a-
pôtre saint Jean, songeant à ce précepte, dit plus tard dans
sa lettre : Une marque que nous le connaissons, c'est si nous
observons ses préceptes. Quiconque dit qu'il le connaît, et ne
garde pas ses commandements, est menteur, et la vérité n'est
pas en lui. Ces préceptes, vous recommandez de les observer;
ces divins et célestes commandements, vous-mêmes vous y
obéissez. Voilà qui est être confesseur du Seigneur, voilà qui
est être martyr de Jésus-Christ : conserver intacte et inébran-
lable la fermeté de sa parole. Car vouloir mettre de côté le Sei-
gneur et devenir martyr, s'efforcer de détruire ses commande-
ments, user contre lui de la grâce qu'il nous a donnée, le com-
battre pour ainsi dire avec les armes que nous avons reçues
de lui, c'est vouloir confesser le Christ, et renier son Evangile.
Vous me comblez donc de joie, braves et fidèles frères, et
autant je félicite les martyrs honorés chez vous pour leur
glorieux courage, autant je vous félicite pareillement vous-
mêmes, pour avoir mérité aussi la couronne de la discipline
du Seigneur. Le Seigneur répand ses grâces en largesses
de plus d'un genre : ii distribue avec une abondante variété
la gloire des vaillants guerriers et les gloires spirituelles.
Nous aussi nous avons part à vos honneurs, nous regardons
votre gloire comme la nôtre, nous dont les temps ont été
assez heureux pour que nous ayons pu voir à la fois d'irré-
prochables serviteurs de Dieu et des soldats du Christ, dé-
corés de la couronne.
«*
Je désire, braves et bienheureux frères, que vous voua
portiez, toujours bien, et que vous vous souveniez (le moi.
108 SELECTVE D M CYPItfANI 8I1ST0LS»
EPISTOLA XV.
OYPRIANUS LAPSIS*
11. Cùm hoc itaque divina lege fundatum sit, miror quos-
dam audaci temeritate sic mihi scribere voluisse ut Ecciesiae
nomine litteras facerent, quando Ecclesia in episcopo et clero
et in omnibus stantibus sit constituta. Absit enim ne Domini
misericordia et potestas ejus invicta patiatur ut Ecclesia esse
dicatur lapsorum numerus ! cùm scriptum sit : Deus non est
mortuorum sed vivorum*. Omnes quidem vivificari optamus,
9
LETTRE XV.
CYPRIEN AUX TOMBÉS.
Réprimande sévère aux tombés qui, ayant reçu des billets des martyrs,
réclamaient impérieusement leur admission dans l'Eglise, et s'étaient
permis d'écrire insolemment à saint Cyprien à ce sujet. Nous u'avous
plus la lettre à laquelle celle-ci repond. C'est probablement d'elle que
Fauteur dit dans sa lettre X X I I : « Quelques tombés, unis dans leur té-
» mérité, ne voulant ni faire pénitence ni satisfaire à Dieu, m'ont écrit,
«non pas pour me demander la paix, mais bien pour la réclamer,
» comme leur ayant été octroyée, alléguant que Paul leur a accordé la
» paix à tous, comme vous le verrez dans leur lettre, dont je vous
» envoie copie, ainsi que de la réponse que je leur ai faite. » A leur
audace saint Cyprien oppose la soumission d'autres tombés humbles
et repentauls. Le saint évoque appelle néanmoins, en finissant, les
tombés du nom de frères, et leur recommande le respect de la disci-
pline, la patience et la tranquillité.
EPISTOLA XVL
AD PRESBYTKROS ET DIACOÎSOS,
b
* Apoc, u — Ezech. xvui. — * h. m, 1 2 .
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 113
LETTRE XVL
AUX. PRÊTRES ET AUX DIACRES.
Même sujet presque que celui de la lettre précédente. Saint Cyprien fé-
licite son clergé d'avoir excommunié Caïus, prêtre de Didda, et son
diacre, qui avaient communiqué avec des tombés avant leur réconcilia-
tion avec l'Eglise. U l'engage à user de la même sévérité envers tous
les membres du clergé, soit de Cartilage, soit des autres églises » qui
se rendront coupables de la même témérité. — Il renvoie pour être
jugée lors de son retour la cause de deux sous-diacres et d'un acolyte
qui, ayant quitté l'Eglise au moment de la persécution, se présentaient
pour reprendre leurs fonctions.
4
C'est-à-dire medici : l'art sincère du médecin.
a
Nous traduisons ici litteras meas par le pluriel mes lettres, parco
que saint Cyprien avait écrit à son clergé plusieurs lettres sur le même
sujet. — Litterœ, qui se traduit ordinairement par le singulier une lettre,
signifie de même des lettres au commencement de la lettre X I X , où il se-
rait impossible de le traduire par le singulier.
5
Conduite, manièie d'agir*
* Avec mesure et gravité, famih : avec poids et .mesure»
• Qui doit servir d'exemple, faire précédent (t.dcjurisprud.).
0
Distribution mensuelle à laquelle prenaient part, en proportion du
rang qu'ils occupaient dans l'Église, les membres du clergé, aux besoins
de qui pourvoyait ainsi, par des contributions volontaires, la charité des
iidèles. Saint Cyprien, dans une autre lettre, mettant sur le pied dos
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN» 115
il en est de l'âme des tombés, blessée et malade, comme il en
est souvent des hommes corporellement malades et souf-
frants : ceux-ci, repoussant, comme amers et dégoûtants, des
mets salutaires et des breuvages utiles à leur guérison, et
désirant ce gui leur plait et leur parait doux pour le mo-
ment, se perdent et se font mourir par leur désobéissance et
leur gourmandise; et l'art sincère du médecin ne peut rien
pour leur rendre la santé, tant que ce qui les flatte les séduit
par son doux attrait.
III. Vous donc, conformément à l'esprit de mes lettres, tou-
jours dirigés par une pensée de foi et de salut, ne vous écar-
tez pas d'une sage et salutaire ligne de conduite. Lisez aussi
cette même lettre à mes collègues, si vous en avez quelques-
uns parmi vous, ou s'il vous en arrive plus tard, afin qu'una-
nimement et d'un parfait accord nous puissions suivre un
plan salutaire pour panser et guérir les blessures des tombés,
nous réservant de traiter complètement de tous les cas lorsque
la miséricorde du Seigneur nous aura permis de nous réunir.
En attendant, si, par entraînement ou précipitation, quelque
prêtre ou diacre, soit de notre Eglise, soit d'une autre, se
permet, avant notre décision, de communiquer avec les tom-
bés, qu'il soit éloigné de notre communion, et qu'il sache
qu'il aura à rendre compte de sa témérité devant nous tous,
quand, par la permission du Seigneur, nous serons réunis.
IV. Vous me demandez aussi mon avis sur le cas des sous-
. diacres Philumène etFortunat, et de l'acolyte Favorinus, qui
au milieu de la persécution se sont éloignés, et ne font que
de revenir. C'est une affaire que je n'ai pu prendre sur moi
'de juger seul, attendu que beaucoup de membres de notre
clergé sont encore absents, et n'ont pas cru devoir, bien que
tard, reprendre leur emploi; et c'est individuellement que
nous aurons à examiner et à approfondir la conduite de ceux
qui ont agi ainsi, non-seulement avec mes collègues, mais
avec tous les fidèles. Il nous faudra en effet bien peser, et pro-
noncer avec mesure et gravité un arrêt qui doit former dans
l'avenir un précédent, concernant les ministres de l'Eglise.
Que jusque là ils s'abstiennent seulement de prendre part à
EPISTOIA XYIL
AD P R E S B Y T E K O S E T DIAGOKOS l\OMM CONSÏSTENTES,
LETTRE XVII.
AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES DE ROUE.
EPISTOLA XVIII.
AD CLERUM, D E CURA PAUPERUM E T PEREGRINORUM.
Saint Cyprien recommande h son clergé le soin des veuves, des malad&s,
des pauvres et des étrangers»
LETTRE XVHL
ÂU CLERGÉ, SUR L E SOIN A P R E N D R E D E S P A U V R E S E T DES
ÉTRANGERS.
Saint Cyprien exprime à son clergé tout le désir qu'il aurait d'être
près de lui, et toute la peine que lui cause une séparation que les cir-
constances rendent encore nécessaire. I l lui recommande le soin des
veuves, des malades, des pauvres et des étrangers, au soulagement
desquels il assigne des fonds de secours.
EPISTOLA XÏX.
AD CLERUM, U T CONFESSORIBUS IN CARCERE CONSTITUTIS OMNiS
HUMANITAS PRiEBEATUR.
Assister, par tous les moyens possibles, les confesseurs qui sont détenus
dans les prisons ; étendre ses soins aux pauvres restés fidèles à Jésus»
Christ.
LETTRE XIX.
AU CLERGÉ, POUR L'ENGAGER A PRENDRE TOUS LES SOINS
POSSIBLES DES CONFESSEURS QUI SONT EN PRISON.
EPISTOIA XX.
1
AD CALDOMUM, HERCULANUM ET CiBTEROS, D E ABSTIÏIERDO
3
FELIC1SSIM0 .
Schisme de Fclicissime à Carthage.
LETTRE XX.
A CALDONIUS, HERCULANUS E T LES A U T R E S , SUR
L'EXCOMMUNICATION DE FÉLICISSIME.
Excommunication lancée contre le schismadquo Félicissime et contre
tous ses partisans.
nous voyons en effet dans la lettre de saint Cyprien à saint Corneille suc
son ordination, etc. (Lettre XXI de notre édition), au commencement du
dernier paragraphe, que ses collègues, c'est-à-dire Caldonius et autres,
avaient, précisément comme le recommande ici saint Cyprien, écrit à
saint Corneille un rapport sur le schisme de Féiicissime; c'est à Rome
aussi que lui-même* va pour intriguer, pour surprendre la bonne foi
et mendier l'appui du pape Corneille, près de qui 11 est démasqué par
saint Cyprien. Ces raisons, toutes convaincantes, n'ont pas déterminé
le savant critique à introduire dans le texte la leçon proposée ; nous imi-
terons sa réserve à cet égard.
« il ne faut pas confondre cet Augendus avec un autre Augendus, con-
fesseur iidèle, dont 11 est question ailleurs dans les Lettres de aaiut
Cyprien.
128 SELECT* DfVI CYPRIANI EPISTOLA.
EPISTOLA XXL
AD CORNELIUM, DE ORDINATIONS EJUS A SE COMPROBATA ET
DE FELIC1SSIMO.
LETTRE XXI.
A SAINT CORNEILLE, SUR SON ORDINATION, QU'IL APPROUVE,
ET SUR FÉLICISSIHTE.
1
Illic vent dite ici là où vous êtes, c'est-à-dire à Rome.
* Ce n'est pas..., etc.
* Avec le texte que nous avons ici, probavcrunt a pour sujet mentes
fratrum œstuantium in hoc fluctu, ce qui donnera, pour la portion de
phrase depuis le point et virgule ; et, d'après notre avis mûrement pesé,
les esprits de nos frères, livrés à tontes les agitations du doute et de
l'incertitude, ont approuxé sincèremmt et fermement votre élération à
Vépiscopat. Nous voudrions, an lieu de mentes, lire mentibus, et don-
ner pour sujet à probaverunt le relatif qui du second membre de phrase,
ou plutôt collèges nostri qu'il représente. Alors probaverunt voudrait
dire non pas ont approuvé, mais ont fait approuver, et nous aurions :
et, d'après mon avis mûrement réfléchi, trouvant nos frères livrés A
toutes les agitations du doute et de Vincertilude, ils leur ont fait ap«
*Psal. x u x , 20. — i'Ephes. iv.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 133
sidieux? Et dans un autre endroit ; Votre bouche était rem-
plie de méchanceté, et votre langue ne savait gue. tendre des
pièges. Tranquillement assis, vous preniez plaisir à dénigrer
votre frère, et vous excitiez le scandale contre le fils de votre
mère. Et de même écoutez fJpôtre : Qu'il ne sorte de votre bou-
che aucune parole de méchanceté, mais au contraire de bon pro-
pos, pour l'édification de la foi, et de nature à faire plaisir
à ceux qui les écoutent. Or, nous faisons voir qu'une telle con-
duite est obligatoire, quand, ayant entre les mains de tels écrits,
inspirés à certaines gens par un audacieux esprit de calomnie,
nous ne permettons pas qu'ils soient lus en notre présence.
III. Aussi, mon très-cher frère, quand j'ai reçu relative-
ment à vous et aux prêtres de votre Eglise des écrits où res-
pirait une religieuse simplicité, et où ne retentissaient pas
pour ainsi dire les aboiements de la médisance et de l'in-
jure, je les ai fait lire au clergé et aux fidèles. Et si nous
avons désiré des lettres de nos collègues qui ont assisté à
Rome à votre ordination, ce n'est pas qu'oubliant l'antique
usage, nous vous demandassions l'accomplissement de quel-
que formalité nouvelle; il suffisait bien en effet que vous
nous informassiez, par une lettre, de votre élévation à Té-
piscopat, s'il n'y eût eu d'autre part une faction dissidente,
qui par ses imputations calomnieuses et forgées à plaisir
troublait l'esprit et le cœur de plusieurs de nos collègues et
d'un grand nombre de fidèles. Pour faire taire ces bruits
odieux, nous avons cru devoir faire venir de Rome même
le solide et irrécusable témoignage de nos collègues, qui,
rendant hautement dans leur lettre un digne hommage à vos
mœurs, à votre vie et à votre observation de la discipline,
ont ôté même à ceux qu'anime l'esprit de rivalité ou qui
prennent plaisir aux changements et aux troubles, tout pré-
texte de doute et de dissentiment; et d'après notre avis
mûrement pesé, les esprits de nos frères, livrés à toutes
les agitations du doute et de l'incertitude, ont approuvé
sincèrement et fermement votre nomination à l'épiscopat.
Ce à quoi en effet, mon frère, nous nous appliquons et de-
EPISTOLA XXIL
AD CONFESSORES R0MAN0S, UT AD UNITATEM REDEANT.
LETTRE XXII.
AUX CONFESSEURS ROMAINS, POUR LES ENGAGER A REVENIR
A L'UNITÉ.
EPISTOLA XXIII.
MAXIMI JET C J E T E R O R U MCONFESSORUM AD CYPRIANUM, DE SUO
REDITU E X SCniSMATE.
EPISTOLA XXIV.
CYPRIANI AD CONFESSORES DE REDITU E X SCHISMATE CON-
GRATULATORIA.
Saint Cyprien félicite Maxime et les autres confesseurs sur leur retour
à l'Eglise.
1
Qu'ayant formé les mêmes vœux (de réconciliation), Y O U S partagez
aussi notre joie, en nous voyant, etc.
LETTRES CHOISIES DIS SAINT CYPRIEN. 189
LETTRE XXIII.
DE MAXIME ET DES AUTRES CONFESSEURS A CYPRIEN , POUR
L'iNFOllàlER DE LEUR RETOUR A L'ÉGLISE \
LETTRE XXIV.
DE CYPRIEN A U X CONFESSEURS POUR L E S FÉLICITER D E LEUR
RETOUR A L'EGLISE.
Saint Cyprien félicite Maxime et les autres confesseurs sur leur retour
à l'Eglise.
core prisonniers pour la foi, s'étaient laissé séduire par Novatien, f\ai
avait formé un schisme à Rome en se .faisant élire pape a la place .de
saint Corneille. ' r.t
140 SELECTA DlVl CYPRIANI BPlSlOLtt.
tegratione fecistis, iutantuin me lœtatum esse eonfiteor in-
quantum fueram et antè lœtatus, quando confessionis vestrae
gloriam comperi et militiœ vestrae cœlestem ac spiritalem
laudem gratulabundus excepi. Nam ethaecfideiet laudis ves-
trae alia confessio est imam esse Ecclesiam confiteri, nec
alieni erroris velpotiùs pravitatis participem fieri, repetere
eadem castra unde prodistis, unde ad gerendum praelium et
adversarium subigendum fortissimis viribus prosilistis. II-
1
lue enim erant de acie tropbaea referenda unde ad aciem
fuerant arma suscepta; ne, quos ad gloriam Christus paràs-
set, eosdem gloriosos Christi Ecclesia non haberet. Nunc
verô* et vos congruentem fidçi vestrae tenorem atque indi-
viduae charitatis et concordiae'legem dominica pace tenuis-
tis, et exemplum caeteris dilectionis et pacis vestro itinere
fecistis, ut Ecclesiae veritas et evangelici sacramenti unitas,
quae a nobis tenebatur, vestro etiam consensu ac vinculo
3
necteretur , nec confessores Christi erroris duces fièrent, qui
virtutiset honoris auctores laudabiles exstitissent\Viderint
quantum vobis caeteri gratulentur, vel quantum apud se
ipsos singuli glorientur. Ego me et gratulari magls vobis et
plus caeteris gloriari in bac vestra pacifica regressione et cha-
ritate coiifiteor. Simpliciter enim quid in meo corde fuerit
debetis audire.
II- Dolebam vehementer et graviter angebar quôd eis
communicare non possem quos semel diligere cœpissem.
Posteaquam vos de carcere prodeuntes schismaticus et haere-
ticus error excepit, sic res erat quasi vestra gloria in carcere
remansisset. Illic enim resedisse vestri nominis dignitas vide-
batur, quando milites Christi non ad Ecclesiam de carcere
redirent, in quem priùs cum Ecclesiae laude et gratulatione
0
venissent .
Nam, etsi videntur in Ecclesia esse zizania, non tamen
5
impediri débet aut fides aut charitas nostra, ut, quoniam
zizania esse in Ecclesia cernimus, ipsi de Ecclesia recedamus.
1
Uluc, là, à la vraie Eglise.
* Nunc verô, mais aujourd'hui (par votre retour à la foi). — Teno-
rem, l'intégrité de votre foi répondant à votre courage.
5
Reçût encore l'appui de votre assentiment, ou se raffermît par le lien
puissant de votre unanimité.
* Qui exstilissent, après avoir été.
* Ut, quoniam, etc., de telle sorte que. par cela seul que.»., etc.
LKTl'KLS CU01SW8 m SAINT CYFiUKN. 141
trw réintégration au nombre de nos frères, m'a causé, je l'a-
voue, autant de joie que j'en éprouvai jadis quand j'appris, en
vous félicitant, la gloire de votre confession et le céleste et
spirituel mérite de vos combats. En effet, c'est là encore une
nouvelle et glorieuse confession de votre foi, de reconnaître
qu'il n'y a qu'une seule Eglise, de ne voidoir partager aucune
croyance erronée ou plutôt coupable, de rentrer dans le camp
d'où vous êtes sortis, d'où vous vous êtes vaillamment élan-
cés pour combattre et terrasser l'ennemi. 11 vous fallait, en
effet, rapporter du champ de bataille vos trophées là où vous
aviez pris les armes pour marcher au combat ; il n'était pas
juste que l'Eglise du Christ ne possédât pas, couverts de
gloire, des soldats que le Christ avait préparés à conquérir
cette gloire. Mais aujourd'hui, en faisant la paix avec le Sei-
gneur, vous avez tenu une conduite conséquente à votre foi,
vous avez observé la loi de l'affection et de ia concorde qui
doivent nous unir, et, par votre retour, vous avez donné aux
autres un exemple de charité et de paix. Ainsi la vérité de
l'Eglise et l'unité du sacrement évangélique, que nous sou-
tenions, ont été raffermies encore parle lien de votre assen-
timent, et Ton n'a pas vu des confesseurs du Christ guider
leurs frères dans Y erreur, après avoir mérité l'estime en
nous montrant le chemin du courage et de J'honneur. Que
les autres vous félicitent autant qu'ils le voudront, que cha-
cun d'eux se glorifie intérieurement à son gré de votre re-
tour, j'avoue que plus que personne je vous félicite et je me
glorifie de ce retour pacifique, et de cette preuve de votre
charité. Je dois en effet vous dire avec franchise ce qui s'est
passé dans mon cœur.
II. J'étais profondément affligé, cruellement tourmenté de
ne pouvoir communiquer avec des hommes que j'avais une
fois aimés. Quand, à votre sortie de prison, vous vous livrâtes
à l'erreur du schisme et de l'hérésie, c'était absolument
comme si votre gloire fut restée sous les verroux. Vous sem-
bliez en effet y avoir laissé l'honneur du titre que vous ve-
niez de conquérir, puisque, soldats du Christ, vous ne retour-
niez pas à l'Eglise, en sortant de cette prison où vous étiez
entrés comblés des éloges et des félicitations de cette même
Eglise.
Ilï. En effet, bien qu'on voie dans l'Église de l'ivraie, ce
ne doit pas être pourtant un obstacle pour notre foi ou notre
charité; et, parce que nous y voyons de l'ivraie, ce n'est pas
142 SELECTM DlVî CYPRIANI EPISTOLA,
Nobis tantummodo laborandum est ut frumentwu esse pos-
simus, ut, cùm cœperit frumentum dominicis horreis condi,
fructum pro opère nostro et labore capiamus.'Aposloliis in
epistola sua dicit : In domo autem magna non soliim voua sunt
aurea et argentea, sed et Vgnea et fictilia, et qtiœdam quidem
honorata, quœdam verà inhonorata \ Nos operam demus, fra-
tres charissimi, et quantum possumus laboremus ut A'asa
aurea vel argentea simus. CcCterùm fictilia vasa ooufringere
Domino soli concessum est, cui et virga ferrea data est. Esse
non potest major domino suo serras. Nec quisquam sibi,
quod soli Filio Pater tribuit, vindicare potest, ut putet aut
1
ad aream ventilandam et purgandam palam ferre posse , aut
a frumento universa zizania humano judicio separare. Su-
perba est ista obstinalio et sacrilega pra»umptio quam sibi
furor pravus assumit. Et, dum dominium sibi semper qui-
dam, plus quàm mitis juslitia deposcit, assumunt, de Eccle-
â
sia pereunt ; et, dum se insolenter extollunt,ipso suo tu-
more esecati, veritatis lumen amittunt. Propter quod et nos
temperamentum tenentes, et libram Domini contemplantes,
et Dei Patris pietatem ac misericordiam cogitantes, diù mul-
tùmque tractatu inter nos habite, juslA moderatione quœ
sunt agenda libravhnus.Quifî omnia penilùs potestis inspicere
lectis libellis quos hic nuper legeram, et'ad vos quoquè le-
gendos pro communi dilectione transmiseram; ubi lapsis nec
1
Palam fvrre posse. Nous avons traduit comme s'il y avait palam et
ventilàbrum ferre posse, c'est-à-dire porter une pelle et un van, le van
ad ventilandam aream, pour vanner le blé battu sur l'aire, et la pelle ad
purgandam (aream), pour nettoyer Taire elle-même. Le mot ventila-
brum est donné par un manuscrit qui appartenait à Baluze, et où lu
phrase est ainsi modiûée : ut putet ad aream ventilandam et purgan-
dam paleamjam ferre se venlilabrum; saint Augustin, daus sa lettre
à Macrobe donne aussi eelte leçon qui se trouve dans le manuscrit de
t
* Déjà, dans une autre lettre, nous avons vu les vrais chrétiens, les
justes, comparés au blé que le père de famille serre avec soin dans ses
greniers. Ici cette comparaison est rendue plus juste encore par l'oppo-
sition de l'ivraie dont il vient d'être question trois lignes plus haut
*> Manière allégorique de dire « séparer la vérité d'avec l'erreur, la foi
» d'avec l'hérésie. »
c
11 s'agit ici des deux ouvrages de saint Cyprien : 1° Son livre De
Lapsis, désigné clairement et même brièvement analysé à la fin de cette
phrase; 2» son traité De unitaie Ecelesiœ, suffisamment indiqué dans la
suivante,
144 SELECTJB WVI CYPRIANI EPISTOLE.
censura deest quœ incrcpet *, nec medicina quae sanet. Sed et
catholicae Ecclesiae unitatem*, quanthm potuit, expressif nos*
3
tra mediocritas. Quem libellum magls ac magis nunc vobis
placere confido, quando eum jam sic legitis ut et probetis et
ametis. Siquidem quod nos verbis conscripsimus, vos factis
impletis, quando ad Ecclesiam cbaritatis ac pacis unitate re-
meatis.
Opto vos, fratres charissimi ac desiderantissimi, semper
bene valere.
EPÏSTOLÀ XXV.
AD ANTONIANUM, DE CORNELIO AC NOVATIANO.
LETTRE XXV.
A A N T O N I E N , SUR L E P A P E C O R N E I L L E E T SUR N O V A T I E N .
a
Le prêtre Trophime avait entraîné par son exemple nne grande mul-
titude de lidèles à sacrifier aux idoles. Plus tard il fit pénitence, et fit
rentrer avec lui dans le sein de.l'Eglise cette foule qu'il avait égarée.
148 SELECT/K DiVl CYPRIANI EPISTOUE.
H L Et quidem primùm, quouiam de meo quoquè aclu
motus videris, mea apud te et persona et causa purgauda est,
ne me aliquis existimet aproposito meo leviter recessisse, et,
cùm evangclicum vigorern primo et inter initia defeiiderim,
X>ostmodum videar animiun meum a disciplina et censura
priore flexisse, ut his qui libellis conscient]am suam macu-
îaverint, vel nefanda sacriûcia commiserint, laxandam pa-
cem putaverim. Quod utruraque non sine librata diù et pon-
derata ratione a me faetum est.
1
IV . Nain, cùm acies adhuc inter manus esset , et praelium
gloriosi certaminis in persecutione ferveret, toto hortatu et
pleno impetu militum vires fuerant excitandae, et maxime
lapsorum mentes classico quodam nostrœ vocis* fortiter ani-
mandflp, ut pœnilentiœ viam non solùm precibus et lamen-
tationibus sequerentur, sed, quoniam repetendi certaminis et
veparandae salutis dabaiur occasio, ad confessionis potiùs ar-
dorem et martyrii gloriam nostris increpiti vocibus provoca-
rentur. Denique, cùm de quibusdam ad me presbyteri et
diaconi scripsissent eos immoderatos esse et ad communica-
tionem aceipiendam festinanfer urgere, rcscrihcns eis in
epistolamea, qux exslat, et hoc addidi: «Qui si nimiùmpro-
» perant, habent in sua poteslate quod postulant, tempore
» ipso sibi plus quàm quod postulant largiente. Acies adhuc
» geritur, et ngon quotidie celebratur. Si commissi verè et
» firniiter pœnïtet et fidei calor prœvalet, qui differi non po-
» test % potest coronari. » De eo tamen quod statuendum es-
4
set circa causam lapsorum distuli ; ut, cùm quies et tran-
quiltitas data esset, et episcopis in unum convenire indtdgeu-
1
Quand l'armée (des fidèles) en était encore aux mains.
* Nous avons déj;\ remarqué UYCC quel bonheur saint Cyprien emploie
les expressions empruntées à l'art militaire. Tout ce passage en olJVe de
nouveaux exemples. Ce qu'il dit ici de sa voix comparée aux sons de la
trompette guerrière, des confesseurs qui lui écrivent (Lettre XXXV) le lui
disent presque dans les mêmes termes et tuba canons, Dei milites..*
ad congressionis prœlium excilasii.
~' Celui qui ne peut (supporter) d'être remis à un autre temps,
* Soos-cntenûu sWvm ou décerner?, qui ?e comprennent facU
lement.
LUTTHJ» CHOISIES DK SAINT CYPRIEN. 149
III. Et d'abord, puisque mes actes aussi paraissent avoir
excité chez vous quelque inquiétude, il me faut justifier au-
près de vous ma personne et ma conduite. Je ne veux pas en
effet que Ton pense que j'ai renoncé légèrement à la résolu-
tion que j'avais prise; et qu'après avoir d'abord et dès le prin-
cipe soutenu l'Evangile dans toute sa vigueur, je me suis plus
lard relâché de l'observation de la discipline et de ma sévé-
rité première, au point de croire devoir accorder mollement
la paix à ceux qui avaient souillé leur conscience en rece-
ft
vant les certificats des magistrats païens , ou qui avaient
célébré avec eux d'abominables sacrifices. J'ai fait l'un et
l'autre, mais non pas sans avoir longtemps pesé et soumis à
un mûr examen les raisons qui m'y ont déterminé.
IV. En effet, quand l'armée des 'fidèles en était encore aux
mains, et qu'au fort de la persécution les combats de notre-
glorieuse lutte étaient en pleine activité, je devais par toutes
les exhortations possibles, et avec toute la vigueur donl j'é-
tais capable animer le courage de nos soldats; il me fallait
surtout exciter fortement aux accents de ma voix, comme
aux sons de la trompette, les âmes des tombés, non-seule-
ment afin de les engager à suivre, en priant et en pleurant,
la voie de la pénitence, mais aussi, puisque l'occasion leur
était offerte et bien plus encore, de retourner au combat et de
reconquérir le salut, pour que la vivacité de mes reproches
allumât en eux l'ardeur de la confession et le désir d'un glo-
rieux martyre. Enfin, les prêtres et les diacres m'ayant écrit
au sujet de quelques-uns d'entre eux, qu'ils manquaient de
modération et se montraient impatients de recevoir au plus
tôt la communion, je leur répondis par une lettre qui existe
encore, et je disais en la terminant : « S'ils se montrent par
» trop pressés, ils ont en leur pouvoir ce qu'ils demandent;
» les circonstances mêmes les favorisent au-delà do leurs dé-
» sirs. La guerre est flagrante encore, et tous les jours se li-
» vrent de nouveaux combats. Si leur faute leur inspire un
» véritable, un ferme repentir, si l'ardeur de la foi a repris
» le dessus dans leurs âmes, celui qui ne peut souffrir d'être
» remis à un autre temps, peut dès aujourd'hui recevoir la
a
» couronne . » Quant "aux résolutions à prendre relative-
ment aux tombés, j'ajournai cette question, afin que, quand
1
D'après le rapport, l'avis de tous.
2
Un certain nombre de mss. et d'éditions portent de eonm rescripto;
niais .saint Cyprien fait allusion à doux réponses différentes, celle du
cierge romain, et celle des confesseurs qui existent toutes les deux.
5
Toute celle addition écrite par Novaticn, alors d'accord avec le
clergé romain, montre la contradiction entre les sentiments de ce schis-
malique, qui s'associait alors à la pensée d'indulgence de l'Eglise, et la
rigueur inhumaine dont il lit preuve plus tard dans les "mêmes circon-
stances et envers l«s mêmes hommes.
4
Dans les deux sens, c'est-à-dire, favorables soit à l'indulgence, soit
à la sévérité.
* Voyez Lettre XXIV.
LETTHB8 CHOISIES DB SAINT CYPK1KK. 151
le repos et la tranquillité nous seraient rendus, et que la
bonté divine permettrait aux évèques de se réunir, nous pus-
sions, dans une délibération commune, après avoir mûre-
ment pesé tous les avis, arrêter les mesures à prendre. Mais
je déclarai que quiconque, avant notre délibération et avant
cet arrêt rendu sur l'avis de tous, oserait se mettre en com-
munion avec les tombés, serait lui-même exclu de notre com-
R
munion .
V. J'écrivis même pleinement dans ce sens à Rome, au
clergé qui, alors sans évèque, dirigeait les affaires de cette
b
église , et au prêtre Maxime et aux autres confesseurs en
prison avec lui, et qui aujourd'hui sont unis dans l'Eglise
avec Corneille. La teneur de ma lettre vous est suffisam-
ment attestée par leur réponse. Ils me disaient en effet :
a Toutefois, dans une affaire de cette importance, nous
» nous rangeons à l'avis que vous avez vous-même soutenu :
» c'est, avant tout, d'attendre la paix de l'Eglise, puis alors,
» dans une délibération commune entre les évèques, les
» prêtres, les diacres, les confesseurs aussi et les laïques
» qui n'auront point failli, de régler la conduite à tenir vis-
c
* à-vis des tombés . » Ils ajoutaient même (cet article est écrit
par Novatien, qui lisait à haute voix ce que sa main venait
de tracer, et signé par le prêtre Moyse, alors confesseur,
aujourd'hui martyr); ils ajoutaient, dis-je, que si les tombés
étaient malades et sur le point de mourir, on devrait leur
accorder la paix. Cette lettre a été envoyée par tout l'univers,
et portée à la connaissance de toutes les églises et de tous les
fidèles qu'elles renferment.
VI. Cependant, conformément à ce que nous avions ré-
solu depuis longtemps, quand la persécution fut apaisée
et que uous pûmes nous réunir, nous nous rassemblâmes
un nombre considérable d'évèques que leur foi et la protec-
tion divine avait préservés de toute chute et de tout mal-
heur, et, après avoir produit de part et d'autre les textes de
l'Ecriture dans le sens, soit do l'indulgence soit de la sé-
vérité, nous adoptâmes, après avoir mûrement pesé, un tem-
a
Voyez Lettre XVI, paragraphe m.
b
Pendant le temps qui s'écoula entre le martyre du pape saint Fabien
et l'élection de saint Corneille.
c
Régler l'affaire des Lapsi, la conduite à tenir envers eux. Tout ce
passage est tiré de la Lettre XXXI de l'édition complote.
SELEtVMC l»lVI CHMUAiNl LHSTOL.K.
1
Causm et voluntates et nécessitâtes singulorum, la position de
chacun d'eux, leurs sentiments, et les nécessités auxquelles ils avaient
obéi.
2
Liber de Lapsis, traité composé par saint Cyprien.
* Minus, pour non.
* Ce concile eut lieu au mois de septembre 264. Soixante évèques y
prirent part.
n
Differre, renvoyer, remettre, ajourner.
6
Collegii, sous-entendu episcopalis.
7
Vulneris, la plaie qu'était pour l'Eglise la séparation de tant de
malheureux retranchés de son sein.
8
Ventilare, agiter, répandre, disséminer, comme le vent fait de la
poussière et des criblures de blé.
LETTRES CHOISIES DE SAINT UYWtiEX. I5i>
pérauienl dicté par une modération salutaire : c'était de ne
pas ôter absolument aux: tombés tout espoir d'obtenir la
paix et la communion, de peur que le désespoir ne les jetât
dans un désordre plus grand encore, et que, voyant les
portes de l'Eglise se fermer devant eux, ils ne suivissent le
siècle et ne vécussent à la manière des gentils. Nous ne
voulûmes pas d'un autre côté relâcher les liens de la disci-
pline évangélique, de manière à ce qu'ils pussent s'élancer
audacieusement à l'assaut de la communion; nous les as-
treignîmes à faire longuement pénitence, et a implorer avec
componction la miséricorde divine ; nous soumîmes enfin à
la condition d'un examen la position de chacun d'eux, leurs
sentiments et les nécessités auxquelles ils avaient obéi,
comme il est expliqué dans mon Traité sur celle matière,
dont je présume que vous avez eu connaissance, et où sont
relatés les divers points fixés dans nos résolutions. Et si le
nombre des évèques d'Afrique qui ont ainsi réglé la chose
ne vous parait pas suffisant, nous avons aussi écrit à Rome à "
ce sujet à Corneille, notre collègue, qui, de son côté, ayant
tenu concile là-dessus avec un grand nombre d'évèques de
son Eglise , a admis une résolution toute semblable à la
nôtre, prise avec Ja même gravité, et dictée par la même mo-
dération salutaire.
Vil. C'est ce dont j'ai dù vous informer aujourd'hui, afin
que vous sachiez bien que je n'ai rien fait avec légèreté,
mais que, comme l'ensemble de mes lettres antérieures en
fait foi, j'ai tout ajourné jusqu'à la délibération commune
de notre concile, et qu'auparavant je n'ai été en communion
avec qui que ce soit parmi les tombés, puisqu'ils avaient en-
core les moyens non-seulement de mériter la clémence di-
vine, mais de remporter la céleste couronne ; que plus tard
cependant, comme l'exigeait la concorde entre les membres
de l'épiscopat, le besoin de réunir les fidèles et de guérir les
plaies de l'Eglise, je me suis prêté à la nécessité des cir-
constances, et j'ai cru nécessaire de pourvoir au salut d'un
grand nombre de nos frères ; qu'entin, maintenant encore,
je ne m'écarte en rien des décisions qui ont é*é prises dans
notre concile d'après notre commune délibération, quoique
une foule de bruits aient pour échos une multitude de voix,
et que des calomnies contre les ministres de Dieu, sorties de
la bouche du démon pour briser le lien de l'unité catholi-
que, soient audacieusement répandues de toutes parts. Mais
154 SKLEGT/ifi iliVl CÏP1UANJ EPISTOLA.
colleg» lui iiioclesti et graves vin laciant de vit» et disci-
1 â
plina nostrœ exploratione perpendere .
1
Ciuq mss. et d'anciennes éditions portent exemplo; d'autres cxemplo
ratiane; d'autres euiin, exemple et ratione. Ce seront autant d'altéra-
tions d'eaploratione, terme familier à notre auteur.
a
Construisez : sed perpendere quid, etc. — De l'examen que propose
ici en générai saint Cyprien à l'exposé des vertus de Corneille, et au
récit de son élévation à l'épiscopat, la transition est toule naturelle.
3
Toute cette phrase est un trait à l'adresse de Novatien qui, à l'aide
de l'intrigue et de la violence, avait usurpé i'épiscopat.
4
Jean de Salisbury dit en parlant des anciens évéqties : Anliqui
quondam trahebantur invili, et proni ad martyrium primas cathe-
9 9
1
Pour les preuves éclatantes (qu'il a données) de son courage et de
sa foi, ou mieux peut-être : Ne doit-on pas rendre à son courage et à sa
foi un éclatant hommage ?
a
Les édits de persécution et de mort contre ceux qui refusaient de
sacrilier aux. dieux.
5
Timorem, la crainte de Dieu, ou mieux la crainte, c'est-à-dire l'at-
tente des supplices dont il était menacé chaque jour.
4
Armis et bello font allusion à la défaite et à la mort de Dèce, dont
b
il est parlé dans la n o t e ci-derrière. — Sacerdotio suo, par son
élévation à i'épiscopat.
" De telle sorte que ceux dont la vertu brille du plus vif éclat sont
salis par le venin de la calomnie, ou de telle sorte que la calomnie
souille de son venin les plus éclatantes vertus.
0
Cette double négation donne plus de poids et de force à ce que dit
ici l'auteur.
LBTTUKS CllOlSlhS UE SAINT C7P1UKN. 159
éclatant éloge pom' son courage et sa fui, ne doit-il pas par-
tager la gloire des confesseurs et des martyrs, révoque qui
pendant tout ce temps siégeait, attendant à chaque heure
des bourreaux pour l'immoler, et les ministres de vengeance
de ce tyran farouche, toujours prèls, en voyant Corneille
braver des édits funestes , et, ferme dans sa foi, fouler aux
pieds les tourments et les supplices, à le percer de leurs glai-
ves, ou à le mettre en croix, ou à le livrer auxflammes,ou à
inventer quelque supplice inouï, pour lui déchirer les en-
trailles et mettre son corps en lambeaux. Bien donc que la
toute-puissante protection et la bonté du Seigneur l'aient,
après l'avoir fait évèque, préservé dans son épiscopat, Cor-
neille toutefois, quant au dévouement dont il a fait preuve
et aux dangers qui l'ont sans cesse assailli, a souffert tout
ce qu'il a été exposé à souffrir, et si plus tard le tyran a
succombé dans la guerre et péri par les armes des barbares,
Corneille avant eux l'avait vaincu par son épiscopat.
X. Quant à certains bruits injurieux répandus sur son
compte par les méchants, il ne faut pas vous en étonner,
sachant que c'est dans tous les temps l'œuvre du démon,
d'attaquer avec le mensonge les serviteurs * de Dieu, et de
diffamer les noms glorieux par de fausses imputations, de
ile sorte que ce sont précisément les plus éclatantes ver-
tus que la calomnie souille de son venin. Or, Scichez qu'a-
près mùr examen, nos collègues se sont pleinement convain-
cus que Corneille ne s'est pas, comme certaines gens en font
courir le bruit, sali par les attestations des magistrats
a
païens , qu'il n'a pas non plus établi de relations sacrilèges
avec les évèques qui ont sacrifié aux faux dieux; mais que,
pour ceux dont, après jugement, l'innocence a été reconnue,
il les a rétablis dans notre commuuion.
b
XI. Quant à l'affaire de Trophime , sur laquelle vous m'a-
vez demandé une explication, les faits ne sont pas comme
vous les ont rapportés des bruits en l'air et des calomnies
des méchants. En effet, comme il est souvent arrivé à nos
prédécesseurs, Corneille notre cher frère, pour réunir au
sein de l'Eglise les lidèles, s'est prêté à la nécessité des cir-
constances. Et comme avec Trophime un nombre considé-
rable de fidèles avaient déserté nos drapeaux, Trophime
.* Voyez la Notice sur saint Cyprien, page J , alinéa 4»
b
Voyez page 14?, note ».
160 SELECT*. D1VI CYPRIANI EPISTOLX.
ma piebis abscesserat, redeuute nunc ad Ecclesiam Trophi-
mo, et satisfaciente, .et pœnitentià deprecationis * errorem
pristinum confiante, et fraternitatem, quam imper abstraxe-
rat, cum plena humilitate et satisfactione revocante, audits
sunt ejus preces; et in Ecclesiam Domini non tam Trophi-
mus quàm maximus fratrum numerus qui cum Trophimo
fuerat admissus est : qui omnes regressuri ad Ecclesiam
non esscnt, nisi cum Trophimo comitante venisseut. Tractatu
ergo illic cum eollegis pluriiuis habito susceptus estTro-
phimus; pro quo satisfaciebat fratrum redditus et restituta
multorum salus. Sic tamen admissus est Trophimus ut
Jaicus communicet, non, secundùm quod ad te maligno-
rum litteras pertulerunt, quasi locum sacerdotis usurpet.
XII. Sed etquôdpassim communicare sacrificatis* Cor-
nélius tibi nuntiatus*, hoc etiam de apostatarum fictis ru-
moribua nascitur. Neque enim possunt laudare nos qui
recedunt a nobis, aut exspectare debemus ut placeamus illis
qui, nobis displicentes et contra Ecclesiam rebelles, solli-
citandis de Ecclesia fratribus violenter insistunt, Qiiare et
de Corneiio et de nobis quœcumque jactanlur nec audias
facile nec credas, frater charissime. Si qui enim infirmita-
4
tibus occupantur , illis, sicut placuit, in periculo subveni-
lur. Postea tamen quàm subventum est, et periclitantibus
5
pax data est, offocari a nobis non possunt aut opprimi,
aut vi et manu nostrA in exitum mortis urgeri, ut, quoniam
morientibus pax datur, necesse sit mori eos qui acceperint
6
pacem, cùm magis in hoc indicium divinae pietatis et pa-
ternes lenitatis appareat quôd qui pignus vitae in data pace
1
En faisant pénitence et en demandant pardon. — Il y a ici une
espèce d'hypallage, et dans le langage ordinaire co serait plutôt pœnt-
ientiçe deprecatione.
* Sacrificatis a ici le sens actif de qui sacrijicaverunt (que nous
verrons plus bas), comme nous avons vu page H G , note *, tliurificatis
pour qui thurificavernnl ou qui thxts oblulerunu
5
Sous-entendu est.
* Tombent malades.
» C'est bien offocari qu'il faut lire, et non snffocari introduit par
l'ignorance de quelques copistes. Offocari est donné par 19 mss. Ce verbe
se trouve d'ailleurs dans ïertullie», saint Jérôme, saint Augustin, Sé~
nèque, Florus, etc. Il veut dire étouffer, ainsi que suffoco. D'anciennes
gloses et d'anciens lexiques disent offoco, airwvfya.
* Tandis qu'au contraire.
LETTHtfS OHOlSlKh DJS SAINT CYP1UEN. 161
revenant plus tard à l'Eglise, lui offrant satisfaction, recon-
naissant son erreur, en demandant pardon, se soumettant à
la pénitence, et de plus ramenant à l'Eglise, en toute hu-
milité et comme réparation de ea faute, les fidèles qu'il avait
entraînés hors de son sein, ses prières ont été exaucées; et
c'est moins Trophime qui a été admis dans l'Eglise, que le
nombre considérable de fidèles qui étaient avec Trophime,
et qui tous ne seraient pas revenus à elle, si Trophime ne les
y eût ramenés. Corneille donc, ayant, à Rome, tenu con-
seil avec un grand nombre de ses collègues, a accueilli
Trophime, qui présentait pour satisfaction le retour elle sa-
lut d'une multitude de nos frères. Toutefois, en rentraut dans
a
l'Eglise, il a été réduit à la communion laïque , et n'a pas,
comme des méchants vous l'ont écrit, conservé les privilèges
de la dignité sacerdotale.
Xll. Quant à ce que Ton vous a dit de la communion éta-
blie par Corneille entre lui et ceux qui ont sacrifié aux dieux
des païens, c'est encore là. un écho de faux bruits répandus
par les apostats. Nous ne pouvons en effet être loués par ceux
qui se retirent de notre société, et nous ne devons pas nous
attendre à plaire à ceux qui, nous déplaisant à nous-mêmes,
et rebelles aux lois de l'Eglise, s'efforcent constamment
d'entraîner hors de son sein les fidèles. Aussi, quant à tout
ce que .l'on répand sur le compte de Corneille et sur io
mien, vous ne devez, mon très-cher frère, ni l'écouter ni Je
croire facilement. Si, en effet, quelques tombes viennent à
h
être malades, aux termes de notre décret , nous venons à
leur secours dans le danger. Mais quand nous les avons
secourus et qu'au moment du péril nous leur avons accordé
la paix, nous ne pouvons ni les étouffer, ni les maltraiter,
ni employer contre eux la violence, et de nos propres
mains les forcer à mourir, en sorte que, parce que nous leur
donnons la paix à l'article de la mort, il soit absolument
nécessaire que ceux qui reçoivent ainsi la paix, meurent en
réalité ; tandis qu'au contraire une preuve évidente de la
bonté divine et de la clémence paternelle du Seigneur, c'est
que ces hommes qui reçoivent un gage de vie dans la paix
* Ceux qui ont reçu dos billets dos magistrats où ceux-ci déclaraient
qu'ils avaient sacrïflc aux idoles, quoiqu'ils uc l'eussent pas fait.
SKLECT/E DÏVI «ÏYPRIAM ËP1£T0L.«.
1
Qui peuvent inspirer quelque confiance dans la sincérité de leurs dis-
positions. — On dit bien : Hœc res hàbet suspicionem, cet objet fait naî-
tre le soupçon ; haberv a un sens analogue dans habentium fiduciam.
* D'anciennes éditions et quelques mss. au lieu de lassam portent
lapsam, qui serait aussi d'accord avec le texte de l'Évangile do saint
Matthieu que rappelle ce passage. Lassam va mieux avec errantem.
5
11 y a ici anacoluthe ou désaccord de construction. En effet les
deux infinitifs nec curasse et perdidisse, qui précèdent, exigeaient non
queererém lieu de non quteramus. Au reste, les meilleurs auteurs pre-
» l Cor. ix. —• * Ibid. iv.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 165
crifier, que je ne pouvais m'approcher des autel* du dé-
» mon» et que j'offrais de payer pour ne pas faire ce qui ne
» m'était pas permis. » Aujourd'hui pourtant, celui-là même
qui s'est souillé en recevant un tel certificat, depuis que nous
lui avons expliqué que cela même lui était défendu, que
bien que sa main soit pure et que ses lèvres n'aient pas été
profanées par le contact de ces mets funestes, sa conscience
néanmoins a été souillée ; celui-là, dis-je, pleure et se la-
mente à nos paroles, comprend maintenant l'énormité de sa
faute, effet, au reste, plutôt de Terreur que d'une intention
coupable, et pour l'avenir, atteste qu'il est armé et tout prêt
à combattre.
f XY. Si nous repoussons leur pénitence quand ils peuvent
nous inspirer quelque confiance dans la sincérité de leurs
dispositions, par là même ces malheureux sont, avec leurs
épouses et leurs enfants qu'ils avaient conservés purs, en-
traînés par les séductions du démon dans le schisme ou dans
ji'hérésie; et il nous sera imputé au jour du jugement, non-
seulement de n'avoir pas pris soin de la brebis malade, mais
encore d'en avoir, pour une seule malade, perdu une mul-
titude de bieu portantes; et que tandis que le Seigneur, lais-
sant là quatre-vingt-dix-neuf brebis saines, se niellait a la
recherche d'une seule égarée et souffrante, nous, non-seule-
ment nous ne nous mettons pas à la recherche des tombés,
mais que, même quanti elles viennent à nous, nous les re-
poussons; et que, dans ce temps où les faux prophètes ne
cessent de ravager et de déchirer le troupeau du Christ, nous
donnons nous-mêmes aux chiens et aux loups l'occasion favo-
rable, en sorte que ceux que n'a pu perdre la violence de la
persécution, nous les perdons, nous, par notre rigueur et par
notre inhumanité; et que deviendra, mon très-cher frère,
cette parole de l'Apôtre : Je m étudie à plaire à toits en toutes
choses, ne cherchant pas ce gui m'est utile, mais ce qui est
utile au grand nombre, pour les sauver ; suivez mon exempte *
comme je suis l'exemple du Chri?t; et encore : Je me suis
fait infirme avec les infirmes, pour les gagner; et plus loin:
neuf mss. Les autres donnent cn'place miserieors e$l [qpl est aussi la
9
EPISTOLA XXVI.
AD FORTCKATUM JET A L I O S COLLEGAS, D E I I S QUI P E R
TORMENTA SUPERANTUR.
Règle qu'il faut suivre dans la réconciliation de ceux qui, vaincus par
les tourments, ont sacrifie aux idoles,
LETTRE XXVI.
A FORTUNAT ET AUTRES COLLÈGUES, SUR CEUX QUI CÈDENT
A LA FORCE DES TOURMENTS.
Des collègues de saint Cyprien lui ayant écrit pour lui demander si Ton
pouvait admettre à la communion chrétienne des tombés qui, ayant
d'abord confessé la foi avec courage, avaient ensuite ccclé à la force
des tourments, il leur répond qu'en considération de la fermeté qu'ils
ont montrée d'abord, et des trois ans de pénitence qu'ils ont faits de-
puis leur chute, il peuse qu'on doit leur accorder la paix ; qu'au sur-
plus, après les solennités de Pâques, il recevra la visite de plusieurs
de ses collègues ; qu'il traitera ce point à fond avec eux, et transmet-
tra à ceux qui le consultent aujourd'hui la décision qui aura été prise
à cet effet.
EPISTOLA XXVIL
AD CORNELIUM, DE PAGE LAPSIS DANDA«
1
On peut conclure de ce passage, qu'à cette époque l s évèques d'A-
frique se rendaient de temps en temps à Carihage pour conférer avec
l'évoque de celte métropole sur des objets intéressant la discipline ou
l'unité de la foi, comme les évèques d'Italie et de Sicile allaient aussi
souvent conférer avec l'évéque de Rome. Mais on voit que pour la cé-
lébration des grandes fêtes, ils regardaient comme un devoir de rester
chacun au sein de son église. De telles communications, obligatoires
ou non, périodiques ou irrégulières quant au temps, sont dans la na-
ture même de l'institution catholique. Commandées dans le principe
par la force des choses, inspirées par le besoin de s'entendre pour la dé-
fense commune et d'agir en tout avec uniformité, elles ont été soumises
à une règle, et sont devenues périodiques et obligatoires avec le temps.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. il)3
ploiement ce point avec plusieurs de mes collègues, et
qu'une matière aussi importante demande une délibération
longue et approfondie avec un certain nombre de personnes ;
que, d'autre part, tous nos collèguesjen général se trouvent au-
jourd'hui au sein de leur église et au milieu de leurs frères,
occupés des premières solennités de la Pàque, quand ils se
seront acquittés chez eux de la célébration de cette fête, et
qu'ils viendront me voir, je conférerai longuement avec cha-
cun d'eux, désirant, sur le sujet que vous m'avez soumis,
arrêter entre nous et vous transmettre une décision solide,
mûrement pesée et délibérée par un bon nombre d'éve-
ques.
Je désire, mes très-chers frères, que vous vous portiez tou-
jours bien.
LETTRE XXVII.
AU PAPE CORNEILLE, S U R LA PAIX A ACCORDER
A U X TOMBÉS.
Les évèques d'Afrique avaient décide dans un concile que les lombes ne
recevraient la paix de l'Eglise qu'après avoir fuit longtemps peuitence.
h moins qu'ils uc fussent malades cl en dauger de mort. Aujourd'hui,
à l'approche d'une persécution nouvelle, ils viennent de décréter que
Pou devait, afin de les rendre plus courageux en présence du martyre,
accorder la paix à tous ceux d'enlr'eux qui auraieut fait peuilenee.
Saint Cyprien annonce au pape CoruviUe ce décret au nom de tout le
coucile, et c'est par conséquent moins une lettre du saint évêque lui-
a
même, qu'une leUre synodale du concile d'Afrique.
qui fut plus tard l'objet d'une discussion nouvelle à laquelle saint C y -
prien prit une part active. (Voyez la Sotice placée en tête de ce volume,
page 1, alinéa 5.) Le premier concile tenu à Cartilage sous saint Cyprien,
dont il parle lui-même dans sa lettre à Anionien , et qu'il rappelle
en peu de mots au commencement de celle-ci, avait eu Heu un an
avant celui dont cette lettre n'est que le compte rendu, c'est-à-dire
en 254. Il avait été réglé, entr'autres points, dans ce premier concile,
que les tombé* feraient longtemps pénitence pleine et entière (Voyez
h
plus bas, page 195, note , le sens de ces mots) avant de recevoir la paix
de l'Église, que leur évéque seul pouvait leur accorder, après avoir exa-
miné le cas de chacun d'eux en particulier; et que, s'ils se trouvaient
dangereusement malades avant la lin de leur pénitence, on leur accor-
derait, à l'article de la mort, la paix et la communion. Ainsi fut réglée
l'affaire des tombés dans ce premier concile, qui eut lieu pendant le
repos dont jouit l'Eglise après la persécution de l'empereur Dèce. Mais,
Tannée suivante, de fréquentes visions ayant annoncé A saint Cyprien
l'approche d'une nouvelle persécution (celle de Gai lus), il convoqua à
Carthage un second concile auquel, lui compris, assistèrent quarante-
deux évèques ; il y fut résolu d'apporter quelqu'adoucissement aux
mesures adoptées Tannée précédente relativement aux tombés. Le décret
qui intervint régla que l'on accorderait la paix à ceux d'entr'eux qui
n'auraient pas abandonné l'Église, mais qui, depuis le jour de leur
chute, n'auraient pas cessé de faire pénitence, de donner des marques
de leur repentir et d'implorer le pardon du Seigneur. Cette résolution du
concile était dictée non-seulement par un motif d'indulgence envers les
tombés, mais aussi par le désir de les rattacher au troupeau glorieux de
Jésus-Christ dans les temps cruels qui menaçaient son Eglise de nou-
velles épreuves, et par le besoin de les armer, au moyen de l'Eucharistie,
de la force nécessaire pour braver les rigueurs de la persécution. Cette
lettre synodique (26vo£oç, réunion, synode, concile) a pour but d'infor-
mer le pape Corneille du nouveau décret rendu par les évèques d'Afri-
que, de lui en exposer les motifs, et de lui demander à ce sujet son as*
sentiment.
1
Presque tous les mss. et les anciennes éditions portent les noms de
ces quarante-deux évoques. Un seul ms. porte seulement en tête : Cy-
prianus Cornelio fratri salutem; un autre, seul aussi : Cyprianus
cum fratribus numéro XLI, Cornelio fratri salutem. Un éditeur mo-
derne a supprimé cavalièrement ces noms, donnés par tant de mss.; un
autre les relègue, sans plus de façon, dans ses notes. iTous deux ont
tort; car cette lettre est une lettre synodale (c'est-à-dire rendant compte
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 195
mus, Polyeurpe, Démôtrius, un autre Douai, Privation, For-
tunat, Rogat et Munnulus, à Corneille leur frère, salut.
L Nous avions arrêté depuis longtemps % notre très-cher
frère, après en avoir délibéré entre nous, que ceux qui, dans
la violence de la persécution, renversés par l'ennemi, au-
raient eu le malheur de tomber et de se souiller par des sa-
b
crifices coupables, feraient longtemps pénitence entière ,
1
Voyez les notes première et troisième sur cette lettre, la Un de la
lettre Xf, et la seconde moitié de la lettre X X V , à Antonien.
ft
An lieu de permiscrit ipse qui legem dédit ut, etc., un certain
nombre de mss. donnent permisevit ipse et legem dederit ut, etc. Le
sens, au fond, est toujours le même.
* C'est la persécution do Gallus qu'après avoir subi celle de Dèce, pré*
voyait alors saint Cyprien.
4
Signes, apparitions, avertissements célestes.
* Matth. xvm.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 197
et s'ils tombaient dangereusement malades, recevraient la
?
ont déjà reculé une fois. Lors donc qu'il dit habent in sua polestaie quod
postulant, il soos-enlend adjuvante Domino; car le sainl évêque était
convaincu, ainsi qu'il le dit dans son livre De là Mortalité, que Dieu
seul pouvait donner aux fidèles la force nécessaire pour subir le mar-
tyre : Jfon est in tua potesiate, sed in Dei digmtione martyrium* C'est
pourquoi l'Eucharistie, dans laquelle, avec le corps de Jésus-Christ,
nous recevons l'Esprit divin, lui paraît elle-même éminemment propre
ou plutôt seule propre h faire des martyrs, à moins, comme nous il'a-
vons dit, d'un miracle particulier de la grâce de Dieu en faveur de tel
ou tel de ses serviteurs.
1
Deux mris., au iieu de erigit et accendit, portent erigit et accingit,
beaucoup moins bon et moins'expressif.
* Un ms. donne nominis suù Nous avons déjà fait observer que notre
auteur a l'habitude rie dire lout simplement in eonfcssione nominis.
" Intraditis {fidelibus) atque in confessione nominis conslûutis dans 9
Ce dulcedinem n'est donné par aucun ms. ; mais l'idée qu'il représente
est nécessaire au sens de la phrase. Il est au reste facile de le suppléer
mentalement. Peut-être son absence est-elle due à la négligence des
premiers copistes. Peut-être sera~t-il arrivé à saint Cyprien comme à
beaucoup d'autres grands écrivains, de faire, par inadvertance, par ou-
bli, une phrase irrégulière, incomplète, étant plus occupé du sens géné-
ral que des détails de l'expression.
* Cela veut dire qae Dieu assignera à chacune de ses brebis les pâtu-
rages qui lui conviendront le mieux, et emploie vis à vis d'elles le traite-
ment le plus approprié à leur nature.
12
206 SKLBGTAE DIVI CYPRIANI EP18TOLX»
eantur, placuit nobis, sancto Spiritu suggérante, et Domina
1
ppr visiones militas et manifestas admonente quia hostis im~
minere praenuntiatur et ostenditur, colligere intra castra mi-
2
lites Christi , examinatis shigulorum causis, pacem lapsis
dare, imô, pugnaturis arma suggerere. Quod credimus vo-
bis quoquè * paternes misericordiœ contemplatione placi-
turum,
ciennes ont ostendi et admoneri qui alors sont gouvernés par protulù
mu* qui est beaucoup plus haut; de cette manière, il n'y a pas de
point après ventre, et les deux phrases n'en font qu'une intelligible, ii
est vrai, mais démesurément longue. Quelques copistes, qui avaient les
inflnitifs ostendi et admoneri, avaient deux phrases comme nous,* mais
après hoc nobis qui commence la seconde, ils avaient ajouté scimus,
qui gouvernait les deux infinitifs. Enfin l'édition d'Oxford porte osten-
ditur et admonent, avec providentia et miscricordia au nominatif
pour sujets.
4
Aux termes mômes de la décision prise en commun dans le concile
sur la paix à accorder aux tombés repentants, chaque évéque restait
juge souverain, pour chaque cas particulier, du mérite de la pénitence
dont cette paix devait être le prix. Il pouvatdonc, par une sévérité ex-
cessive, rendre nulle pour ces malheureux la bienfaisante mesure
adoptée sur l'avis de saint Cyprien. Le blâme que formule ici notre au-
teur peut Rappliquer par hypothèse à cette sévérité intempestive. Peut-
être, et même plus probablement, a-1-il en vue quelques-uns des évè-
ques étrangers aux conciles de l'Eglise de Carthage.
208 SELKCTA OIVl CYPRIANI EPISTOLA.
EPISTOLA XXVIIL
AD CORNEUUM, DE FORTUNATO ET FELlCISSUttO, SIVE CONTRA
ILERET1G0S.
LETTRE XXVIIL
A CORNEILLE, AU SUJET DE FORTUNAT ET DE FÊLICISSIMB ,
OU CONTRE LES HÉRÉTIQUES.
Le parti de Féiicissime avait ordonné évoque de Carthage Fortunat, l'un
des ciuq prêtres schismatiques condamnes Tannée précédente par ar-
rêt des évèques d'Afrique. Les schismatiques avaient annonce que
vingt-cinq cvêques prendraient part à cette ordination qui fut faite
seulement par cinq évèques schismatiques eux-mêmes et coupables de
différents crimes. Fortunat, ainsi ordonné, envoya à Rome près du
pape Corneille Féiicissime porteur de lettres qui ne furent pas plus
reçues que sa personne. Plus tard Corneille, effrayé par les mensonges
et les menaces de Féiicissime et de son parti, et ne recevant d'ailleurs
aucune lettre de saint Cyprien, lui écrivit deux lettres dans la première
desquelles il lui annonçait qu'il avait repoussé Féiicissime, tandis que
dans la seconde il lui faisait part de l'effroi que lui avaient causé
les menaces et les intrigues de l'envoyé de Fortunat. C'est alors que
saint Cyprien écrivit à Corneille celte lettre où il commence par dé-
montrer qu'un évèque ne se doit laisser effrayer par la crainte d'au-
cun péril. Il prouve qu'il est lui-même le légitime évèque de Car-
tilage, et établit sou innocence contre les calomnies des hérétiques; il
décrit leurs mœurs infâmes, leur conjuration contre l'Eglise et leur
complicité avec les tombés impénitents. I l prouve enfin qu'ils ont eu
tort d'aller à Rome pour obteuir de l'Eglise de saint Pierre la confir-
mation de leur faux évèque Fortuuat, C'est en Afrique qu'ils se sont
rendus coupables de schisme et autres crimes ; c'est en Afrique et non
à Rome qu'ils doivent être jugés.
1
Càm animadve-rtissem. Ces deux mots, que ne donnent pas quelques
mss., pourraient être retranchés sans inconvénient, et même avec profit
pour la brièveté et la vivacité de la phrase. Nous les avons conservés
parce qu'ils se trouvent dans le plus grand nombre des mss.
* Ces lettres venaient de schismatiques el de profanes» comme l'au-
teur le dit plus loin. Elles étaient écrites contre saint Cyprien : voilà
pourquoi Corneille refusait de les recevoir. — Nous avons déjà vu lit-
ières employé par l'auteur pour dire non pas une lettre, mais des lettres.
5
Cette image d'un rocher vainement buttu par les flots, pour désigner
l'inébranlable stabilité de l'Eglise et de la foi, est familière à notre au.
teur; elle rappelle les paroles mêmes de Jésus-Christ : Tu es Petrus, et
super hane petram adiftcdbo Ecclesiam meam,
LETTRES CHOISIES DR SAINT CYPRIEN. 21 i
l*aviez, avec la vigueur qui doit caractériser les actes d'un
évêque, repoussé de l'Eglise, d'où il y a bien longtemps que
l'ont chassé, lui et ses pareils, la majesté de Dieu et la sévé-
rité du Christ, notre seigneur et notre juge, pour que cet
auteur de schisme, cet artisan de discorde, ce voleur de
sommes à lui confiées, ne souillât pas plus longtemps de sa
présence honteuse et de son contact impur et incestueux la
pure, sainte et chaste épouse du Christ. Mais bientôt, à
la lecture d'une seconde lettre de vous, mon frère, que je
reçus peu de temps après, je fus bien étonné en voyant que
vous aviez été troublé jusqu'à un certain point par les menaces
et les moyens d'intimidation de ces aventuriers, qui, selon
ce que vous m'avez écrit, s'adressant à vous, vous déclarè-
rent, avec une audace éhontée, que si vous ne vouliez pas
recevoir les lettres dont ils étaient porteurs, ils les liraient pu-
bliquement, et tiendraient une foule de propos injurieux, ou-
trageants, dignes enfin d'une insolence qui ne rougit de rien.
IL Si réellement, mon très-cher frère, il nous faut craindre
l'audace de tels misérables, si ce que les méchants ne peu-
vent attendre du bon droit et de la justice, ils peuvent l'em-
porter à force d'effronterie et de témérité, c'en est fait de la
vigueur de l'épiscopat et de la sublime et divine puissance
qui doit gouverner l'Eglise j nous ne pouvons plus dans
l'avenir, nous ne pouvons plus même dès à présent conti-
nuer d'être chrétiens, si nous en sommes venus au point d'a-
A-oir à redouter les menaces et les intrigues d'hommes per-
dus. Les gentils, en effet, nous menacent, les Juifs nous
menacent, les hérétiques nous menacent, et tous ceux dont
le démon possède les esprits et les cœurs exhalent chaque *
jour contre nous par des cris furieux leur rage envenimée.
Et toutefois parce qu'ils nous menacent, ce n'est pas une
raison pour que nous leur cédions ; et parce que l'adversaire
et l'ennemi du Christ montre dans le siècle tant de prétention
et d'insolence, il n'en est pas pour cela plus puissant que le
Christ. 11 nous faut garder constamment, mon très-cher
frère, une foi robuste, inébranlable; et notre courage, tou-
jours ferme, doit, dans sa tranquille immobilité, braver
toutes les attaques, comme un puissant rocher résiste par
sa masse au choc des flots qui viennent mugir et se briser à
ses pieds. Et qu'importe à un évêque de quel côté lui vien-
nent le péril ou la terreur, puisque sa vie entière est en butte
aux périls et aux terreurs, et que ces terreurs et ces périls
mêmes sont aussi les sources de sa gloire?
m SELECTE DIVi CYPRIANI'EPISTOLA.
IJJ. Neque enim solas gentiliuin vel Judœarum minas
eogitare et spectare debemus, cùm videamus * ipsum Domi-
num a fratribus esse detentum *, et ab eo quem inter Apos-
tolos ipse delegerat nroditum; inter initia quoquè mimdi
8
Abel justum non nisi frater occident; et Jacob fugientem
ersecutus sit frater infestus; et Joseph puer venierit ven-
S enfcibus fratribus ; in Evangelio etiam legamus esse pranlic-
tum magis domesticos inimicos futures, et qui priùs copu-
lati sacramento unanimitatis fuerint, ipsos invicem traditu-
ros «. Nibil interest quis tradat aut saeviat, cùm Deus tradi
4
permittat quosdisponitcoronari . Neque enim nobis ignomi-
DIA est pati a fratribus quod passus est Christus, nec illis
gloria est facere quod fecerit Judas.
IV. Quae autem sul elatio est, quae comminantium tu-
6
mens et inflata et vana jactatio, illic * absenti minari, cùm
hic me habeant in potestate preesentem ! Convicia eorum,
7
quibus se et vitam suam quotidie lacérant , non timeinus;
fustes et lapides et gladios, quos verbis parricidalibus jacti-
tant, non perhorrescimus. Quod in illis est, homicidœ sunt
apud Deum taies. Necai*e tamen non possunt, nisi eis Domi-
nus necare permiserit. El, cùm nobis semel moriendum sit,
illi tamen et odio et verbis et delictis suis quotidie peri-
munt. Sed non idcirco, frater charissime, relinquenda est
ecclesiastica disciplina aut sacerdotalis solvenda censura,
quoniam conviciis infestamur aut terroribus quatimur,
quando occurrat et moneat Scriptura divina, dicens : Ille veto
1
Exemples de justes persécutés.
8
Quoique tous les mss. ot les anciennes éditions portent detentum, il
est infiniment probable qu'il y a eu ici une erreur de copiste répétée par
tous les autres, et qu'il faut lire deserlum. Jésus-Christ, en effet, ne
fut pas arrêté par ses frères ou disciples, mais par les Juifs. Ses disciples
seulement l'abandonnèrent; c'est ce que dit plus loin l'auteur, revenant
sur ce fait.
8
Quelques mss. nomment Gain, circonstance inutile pour un fait si
connu.
* Ce passage est altéré à qui mieux mieux, et on ne peut plus cruelle-
ment par les copistes.
» IWtc, près do vous, à Rome. — Hic, ici, à Carthage.
* Absenti, sous-entendu mihi.
7
Pensée profonde : leurs outrages n'avilissent qu'eux.
« Joan. XYIUJ Marc, xiv; Gcn. iv; ibid. xxxvii; Matth. x.
LBTIKKS CHOISIES DE 8AINY CYPH1EN. 213
1H. Ce ne sont pas, en effet, les menaces des gentils et des
Juifs seulement que nous devons avoir devant les yeux et
présentes à la pensée, quand nous voyons le Seigneur lui-
même abandonné par ses disciples, et livré par celui-là
même qu'il avait choisi entre les Apôtres; quand au com-
mencement du monde le juste Abel eut précisément son
frère pour meurtrier; quand Jacob fut de môme en butte
aux poursuites d'un frère acharné à sa perte ; quand Joseph,
tout jeune encore, fut vendu par ses frères; quand enfin
nous voyons prédit dans l'Evangile, que nos plus proches
seront nos plus grands ennemis, et que ceux mêmes qui se-
ront unis par le sacrement de la plus sainte fraternité, se
trahiront les uns les autres. Qu'importe donc qui soient les
traîtres ou les bourreaux, puisque Dieu permet que ceux-là
soient trahis, à qui il destine ses couronnes? Ce n'est pas en
effet pour nous une honte d'être traités par nosfrèrescomme
fut traité le Christ, et ce n'est pas pour eux une gloire de se
comporter comme se comporta Judas.
IV. Mais dans leurs attaques quelle arrogance! quelle
bouffissure d'orgueil! quelle sotte, vaine et démesurée jac-
tance! Me menacer à Rome, où je ne suis pas. tandis qu'ici,
où je suis, ils m'ont présent et sous la main ! Leurs outrages
journaliers, qui n'avilissent après tout que leur personne et
leur vie coupable, je ne les crains pas; les bâtons, les pierres
et les épées, que, dans leur langage parricide, ils brandis-
sent contre moi, je ne les redoute pas non plus. En tant qu'il
dépend d'eux, de tels hommes sont de vrais homicides aux
yeux de Dieu. Me mettre à mort cependant, ils ne le peu-
vent, à moins que le Seigneur ne le leur permette. Et,
bien que je n'aie à mourir qu'une seule fois, ces hommes
pourtant, par leur haine, leurs calomnies et leurs attentats,
m'assassinent réellement tous les jours. Mais parce que nous
sommes en butte aux outrages, et que l'on emploie contre
nous la terreur, nous ne devons pas pour cela, mon très-cher
frère, renoncer à la discipline ecclésiastique, ni laisser s'affai-
blir en nous la juste sévérité de l'épiscopat. Nous avons pour
nous en effet l'assistance et les enseignements de l'Ecriture,
qui nous dit : Vhomme plein de présomption, d'entêtement
et de jactance, ne gagnera absolument rien, dilatât-il son ha-
leine comme le souffle de l'enfer; et encore : Ne craignez pas
les injures du péclieur, parce gue sa gloire s'en ira en fumier
9
et en pourriture. Aujourd'hui il s éleve et demain on ne le
}
21-4 SELICTJI DIVI CYPRIANI EPISTOL/E.
qui prcesumit et çontumax est, virsui jactans. nihil ornnino
a
proftciet, qui dilatavit tanquam infernus animam suam . Et
iterum : Et verba viri peccatoris ne timueritis, quia gloria
ejus in stercora erit et in vermes*. Hodie extollitur, et cras
non invenietur, quoniam conversm est in terram suam, et
h
cogitatio ejusperibit . Et iterum: Vidi impium exaltatum et
extollisuper cedros Libani; et transivi, et ecce non fuit; et
c
quœsivi eum, non est inventm locus ejus ..
1 3
218 S K L B C T J E M V I C Y P R I A N I EPJRTOL/K.
* Estime, considération.
* Dans son livre De unitate Ecclesiœ, saint Cyprien dit : Episcopatus
unus est, cujus à singulis in solidum pars tenetur.
* Quoique saint Cyprien paraisse ici parler surtout de lui-même,
contre qui s'est éievé le schisme de Félicissime et de Fortunat, les ter-
mes dont il se sert, le nom de juge et de vicaire du Christ qu'il donne
à ce sacerdos, montrent qu'il avait en vue les attaques dirigées contre
Févéque de Rome, représentant spécial de l'unité catholique. — Hœreses
oboriœ sunt aut nata sunt schismata. Saint Augustin appelle l'iiéréfeie
un schisme invétéré, et saint Jérôme dit : Nullum schisma non sibi
aliquam confingit hœresim, ut texte ab Ecclesia recessisse videatnr
4
N'entreprendrait rien.
8
Neuf mss. donnent patris vestri, neuf autres donnent seulement
patris. Nous avons préféré patris testri, parce que dans la Vulgate il y
a siiiè pâtre vestro et que le grec des Septante a aussi le pronom pos-
f
sessif.
» Matrtu x.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 219
Ml.'Quand, parnnnne. multitude d'autres exemples, l'an-
tiquité nous en offre de si grands, de si convaincants, qui
nous montrent l'autorité et la puissance sacerdotale tirant sa
force de la protection divine elle-même, comment regardez-
vous ces hommes qui, ennemis de l'épiscopat et en guerre
avec l'Eglise catholique, ne sont effrayés ni des menaces et
des avertissements du Seigneur, ni des châtiments du juge-
ment à venir ? La cause en effet, la source unique de toutes
les hérésies et de tous les schismes, c'est le refus d'obéissance
aux ministres de Dieu ; c'est qu'on ne veut pas se persuader
que daus une église il n'y a qu'un seul évêque, un seul
juge temporairement institué pour tenir ici-bas la place du
Christ. Si, selon les préceptes divins, tous les fidèles lui
étaient soumis, personne n'entreprendrait rien contre le
collège des évèques ; personne, après le choix de Dieu, après
le suffrage du peuple, après l'assentiment unanime des évè-
ques, ne s'établirait juge, non plus d'un évêque, mais de
Dieu ; personne ne viendrait, en brisant l'unité catholique,
déchirer l'Eglise du Christ ; personne, par complaisance en
lui-même et par orgueil, n'établirait à part et en dehors de
l'Eglise une hérésie nouvelle ; à moins qu'il ne se rencontre
un homme assez sacrilège, assez téméraire, assez perdu de.
sens, pour penser qu'un évêque peut être nommé sans le
jugement de Dieu, quand le Seigneur nous dit dans l'Evan-
gile : Est-ce que l'on n'a pas deux passereaux pour un sou ?
El pourtant, ni l'un ni l'autre de ces petits oùeaux ne tombe
sur ta terre sons la volonté de votre Père. Quand il nous dit
que pas même les moindres choses n'arrivent sans la volonté
de Dieu, peut-on penser que ce qu'il y a d'important et de
capital arrive dans l'Eglise de Dieu à son insu et sans sa per-
mission, et que les évèques, c'estrà-dire les dispensateurs de
sa grâce, puissent être ordonnés sans qu'il les ait choisis ?
C'est là n'avoir pas la foi qui nous fait vivre; c'est refuser
d'honorer Dieu, dont, comme nous le savons, la puissance et
la volonté suprême régissent et gouvernent l'univers. Certai-
nement il y a des évèques qui sont nommés non d'après la
volonté de Dieu, mais ce sont ceux qui sont nommés en de-
hors de l'Eglise, nommés contre la règle et la tradition de
l'Evangile, comme le Seigneur l'explique lui-même dans les
douze prophètes, quand il dit : Us se sont donné eux-mêmes un
dit que les martyrs de Vienne et de Lyon furent saisU et emprisonnes sur
Us seules acclamations du peuple. Le même, liv. iv, chap. 0, rapporte
un rescrit de l'empereur Adrien qui défendait aux magistrats provin-
ciaux de laisser accuser les chrétiens sur les seules demandes et accla-
mations du peuple. Ces acclamations, ces huées, ces cris de rage pour-
suivaient encore les martyrs au milieu même de leurs supplices, comme
on peut le voir lettre XXVI : Violentiam magislratûs et populi fremen-
* 0sec, vin et ix. — * IsaL xxx\
LCTTilKS CHOISIES UB SAINT CYPUttN. Mi
roi, et non d'après ma volonté ; et plus loin : Leurs sacrifices
sont comme un pain de douleur, tous ceux qui en mangent en
resteront souillés. Et par la bouche d'isaïc aussi, TEsprh-Saiiit
fait celte déclaration : Malheur à vous, enfants déserteurs l
Voici ce que dit le Seigneur ; Vous avez tenu conseil, et non
par ma volonté ; vous vous êtes unis, et non par mon inspira-
tion, pour accumuler péclués sur péchés.
Mil. * Au reste (et ce que je vais dire, je le dis après pro-
vocation, je le dis avec douleur, je le dis parce que j ' y suis
forcé), quand un évèque est nommé h la place d'un évoque
décodé, qu'il est paisiblement élu par le suffrage d'un peuple
tout entier, qu'il est, dans la persécution, l'objet *de la pro-
tection et de l'assistance divines, uni dans la foi avec tous
ses collègues, approuvé déjà pendant quatre années d'épis-
copat par les lidèles de son Eglise, soumis à la discipline
pondant la paix, proscrit aux temps d'orage, avec adjonction
formelle à son nom de son titre d'évèque, nombre de fois de-
mandé par la foule pour être livré aux lions, honoré dans le
cirque et dans l'amphithéâtre des témoignages de la grâce
divine, et, ces jours derniers mêmes oit je vous écrivais la
b
lettre que vous lisez, à l'occasion de sacrifices qu'un nouvel
0
édit ordonnait au peuple de célébrer, redemandé encore
dans le cirque par les cris de la populace pour être livré aux
lions; quand on voit, mon très-cher frère, un tel évoque en
butte aux attaques de quelques audacieux, hommes perdus
1
Voyez page 122, note — U n seul ms. porte profugus et abstentus,
le^on visiblement erronée.
3
Ce sont presque les mêmes termes que ceux de la lettre X X , rela-
tive tout entière au schisme de Féiicissime : ducem se factionis et sedi-
tionis principem temerario fnrore contestons.
8
Moyen prompt, abrégé, facile.
* C'était probablement un évèque d'Italie, envoyé par le pape Cor-
neille en misrion près de saint Cyprien.
* Ou que nous t'avons retenu près de nous pour pouvoir lui remettre
d'autres lettres.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 2 2 1
grand nombre de nos collègues, tous personnages graves,
ui vous ont écrit Tannée dernière à ce sujet. Au nombre
c ces schismatiques, vous reconnaîtriez encore Féiicissime,
ce porte-drapeau de la sédition, dont il est question aussi
dans cette même ancienne lettre que vous ont adressée nos
collègues, et qui non-seulement a été excommunié par eux
alors, mais a été dernièrement à Rome repoussé par vous-
même de l'Eglise. Comme j'étais fondé a croire que ces faits
étaient à votre connaissance, et que je savais de science cer-
taine que ces condamnations étaient gravées dans votre mé-
moire et conformes à vos principes, je n'ai pas regarde
comme nécessaire de vous annoncer h la hâte et avec em-
pressement ces folies des hérétiques. La majesté comme la di-
gnité de l'Eglise catholique ne doivent être en effet nullement
intéressées ace qu'il plaît à l'audace des hérétiques et des
schismatiques d'entreprendre. C'est comme on dit aussi que
le parti de Novatien s'est douné ici pour faux évèque le prê-
tre Maxime, que Novatien avait envoyé en députation près
de nous, et que nons avons banni de notre communion. Je
ne vous avais cependant pas non plus écrit au sujet de celui-
là, parce que je méprise toutes ces folles tentatives, et que
je vous ai transmis dernièrement les noms des évèques ré-
gulièrement établis dans notre province, et qui, intacts dans
leur foi et sains dans leur doctrine, gouvernent les lidèles
dans le sein de l'Eglise catholique. Je vous ai, d'après l'avis
de tous nos collègues, fait parvenir ce document, aûn que ce
fût pour vous un moyen prompt et facile de discerner l'er-
reur et de reconnaître la vérité, et que vous connussiez, vous
et nos collègues, ceux à qui vous devriez écrire, et de qui ré-
ciproquement vous pourriez recevoir les lettres; de manière
que si, en dehors du nombre de ceux dont notre lettre ren-
ferme les noms, quelqu'un avait l'audace de vous écrire,
vous fussiez instruit d'avance que c'est un indigne, souillé
par les sacrifices ou les certificats des magistrats païens, ou
un hérétique, c'est-à-dire un pervers et un profane. Ayant
toutefois trouvé l'occasion que me présentait un ecclésiasti-
que de nos amis, je vous ai, par l'acolyte Félicien, que vous
aviez envoyé ici avec Persée notre collègue, entre autres
objets que j'avais à vous faire connaître, écrit aussi au sujet
de ce Fortunat. Mais, tandis (lue notre frère Félicien était
retenu ici ou par les vents contraires ou par nous-mêmes
qui avions à lui remettre d'autres lettres encore, il a été
228 SBLBGMf MVi UYP1UAKI El'ISTOUG.
1
Le ressentiment. — Pudor, réserve, retenue, modération.
* Un seul ms. donne adulteria et stnpra.
5
S'opposer à ce qu'ils (les lapsi) fissent pénitence. Nous avons vu
dans plusieurs lettres les lapsi vouloir, sans faire pénitence, rentrer
d'autorité dans le sein de l'Eglise, lis étaient encouragés dans leur a u -
dace par des membres même du clergé, qui communiquaient avec eux et
soutenaient leur p:étenlion. Saint Cyprien se plaint (lettre X V I , parag. u)
de cette assistance coupable donnée aux malheureux qui avaient failli;
il emploie les mêmes termes pour blâmer l'opposition apportée à leur
repentir i Quorum gemitibus et lacrymis intercedunt quidam de près-
byieris, ul communicandum cum illis temerè cxislimenl. Et plus loin :
Interea, si quis sire de nostris presbyteris vel diaconibus, sive de
peregrinis, ausus fuerit ante sentenliam nostram communicare cum
lapsis, a comuxunione noslra arcealur, etc.
* Treize mss. portent et ego eum negàbo; un seul donne, comme la
Vulgate, et ego negabo eum,
b
* Exod. xxii. — Malth. x. — « IsaL LVII.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPIUEN. 233
la modération cl non le ressentiment qui doit caractériser
noire langage ; et il ne faut pas que je paraisse, cédant à
la provocation, accumuler contre eux des injures plutôt que
raconter simplement leurs crimes et leurs forfaits. Je m'abs-
tiens donc de parler de leurs fraudes au détriment de l ' E -
glise. Conjurations, adultères, forfaits en un mot de tout
genre, je passe également tout sous silence. Mais il est un
crime qui intéresse non pas ma cause ni celle des hommes,
mais la cause même de Dieu, et à propos duquel il m'est
1
impossible de ne pas m élever contre leur audace sacrilège.
C'est que, depuis le premier jour de la persécution, quand
les forfaits des malheureux qui renonçaient à la foi étaient
récents et flagrants, et que non-seulement les autels du dé-
mon, niais aussi les mains et les lèvres mêmes des tombés
fumaient encore de la vapeur d'abominables sacrifices, ils
n'ont pas cessé d'être en communion avec les tombés et de
les empêcher de faire pénitence. Dieu crie dans sa colère :
Celui qui sacrifie aux dieux, autres qu'au Seigneur seul, sera
arraché à la vie. Et le Seigneur dit dans l'Evangile : Celui
qui me reniera, je le renierai aussi. El, dans un autre en-
droit la colère ci l'indignation de Dieu ne pouvant non plus
se contenir, il dit : C'est à eux que vous avez fait des liba-
tions, el c'est sur leurs autels que vous avez consommé vos
sacrifices. Et je ne m'indignerai pas à propos de telles abomi
nations? dit le Seigneur. Et ils s'opposent, eux, à ce qu'on
supplie le Seiguour, qui lui-même témoigne son indignation
contre de pareils crimes ! Us s'opposent à ce que l'on flé-
chisse à force de prières et de satisfactions le Christ qui dé-
clare qu'il reniera ceux qui l'auront renié.
XV. Nous, au temps mémo de la persécution, nous écri-
vîmes sur cet abus des lettres qui ne furent point écou-
tées. Dans un concile nombreux nous décrétâmes non-seule-
ment avec unanimité, mais avec menace d'excommunication,
que nos frères qui avaient failli devaient faire pénitence ;
nous défendîmes % tout membre du clergé d'accorder témé-
rairement la paix à ceux qui refuseraient de prouver leur
a
repentir . Et eux, sacrilèges envers Dieu, s'éievaut avec
l'aveuglement d'une fureur impie contre les ordres de ses
ministres, se séparant de l'Eglise et portant contre elle des
a
Voyez sur cette résolution commune, la lettre XXV, page 149 et suiv.
Voyez aussi lettre XYJ, page 113.
23â> SBLUUIMt MVI UYPK1AM EPlSTOL/K.
1
legi, contra saoerdotes Dei impiu furore tenierarii, de Ec-
clesia reeedcutes, el contra Ecclesiam parrieidalia arma
lollentes, élaborant ut opus suiun diaboli malitià eonsuin-
ment, ne* vulueratos divina clementia in Ecclesia sua curel.
Miserorum pœnitentiam meudaciorum suorum fraude cor-
rompu nt, ne Deo indignant] satisiiat, ne Christum Dominum
suum qui christianus esse vel erubuil antè vel timuit» post-
modum qucerat, ne ad Ecclesiam qui de Ecclesia rocesserat
redeat. Datur opéra ne satisfactionibus et lainenlationibus
justis delicta redimanlur, ne vuinera laervmis abluantur.
4
Pax vera falsac pacis mendacio tollitur , sain taris sinus nia-
tris novercà intereedente* praecluditur/ne de pectore atque
ore lapsorum fletus et gemitus audiatur. Compelluntur adbuc
insuper lapsi ut, linguis atque ore quo in Capitolio antè de-
6
liqueranl, sacerdotibus convicium faciant , confessores et
virgines et justos quosque fidei laude pra&eipuos atque m
Ecclesia gloriosos contumeliis et maledicis vocibus prose-
quantur. A quibus quidem non tam nostrorurn modeslia el
7
Jiumilitas et pudor cœditur quàm illorum ipsorum spes et
vila laceratur. Neque enim qui patitur, sed qui facit convi-
8
cium, miser est ; nec qui a fratro vapukt, sed qui fratreui
eaxlit, in lege peccator est; et, cùm nocentes iunocentibus in-
juriam faeiunt, illi patiunlur injuriam qui facere se credunt.
* Contra sacerdoles. U» ms. porte contra Ecclesiam et sacerdoles,
peu probable, puisqu'on lit une liune plus bas contra Ecclesiam.
3
Au lieu de malitiâ consumaient, ne, un certain nombre de nu*,
donnent malitia consutnmel, nec, etc. Cette leçon, adoptée par Coustant,
nous paraitrait préférable à celle donnée par Baluze d'après un grand
nombre de mss., en ce qu'elle établit un contraste entre l'action de-la
malice du démon et celle de la clémence divine. Cependant nous avons
conservé celle de Baluze comme mieux autorisée.
* Trois anciens mss. et toutes les vieilles éditions ne portent pas antè*
— Pamelius croit que erubuil se rapporte aux tombés, el timuit aux
libella tiques; conjecture ingénieuse, mais un peu subtile.
4
Leur est enlevée, ravie, ou e$t anéantie, rendue impossible,
H
Intercedente, supposant; t. de droit.
0
Convicium faciant. Au lieu de convicium, deux anciens mss. ont
convicium et injuriam; un autre conviciorum injuriam, assez mauvais
tous les deux.
Au lieu de illorum ipsomm, donné par tous les mss*, Erasme donne
7
de tous nos mss., celle de sept mss anglais, et celle des plus anciennes
éditions. Ce nisi ne se trouve que dans un seul ms., encore est-il auivî
de constituisse, au lieu de constituissent qu'il appelait naturellement.
* Voyez page 73, note «.
* C'est de Fortunat qu'il s'agit ici.
c
Voilà bien la suprématie de l'tigllse romaine reconnue en termes
formels»
<> On peut voir lettre X X X , cet éloge donné par saint Paul à la foi des
Romains, rappelé par saint Cyprien.
-240 BBLRCTA DÏVI CYPRIANI EITOTOL/R.
1
nis, que malèsibi consciomm etDeum rogare ac satisfacere
nolentiuni caterva conflueret. Post ista adhuc insuper, pscn-
doopiscopo sibi ab liaereticis conslitulo, navigare audout, et
ad Pétri eatlicdram atque ad Ecclesiam principalem, unde
imitas sacerdolalis exorta est, a schismaticis et profanis litte-
ras ferre, nec cogitare eos esse Romanos quorum fides Àpos-
tolo preBdicnnte laudata est, ad quos perlidia* babere non
possit accessum. Quae autem causa veniendi et pseudoepisco-
pum contra episcopos factum nuntiandi? Aut enim placet
illis quod fecerunt, et in suo sceiere persévérant; aut, si dis-
a
plicet etrecedunt, sciunt quù revertantur . Nam, cùm statu-
lum sit ab omnibus nobis et œquum sit pariter ac justum
ut uniuscujusque causa illic audiatur ubi est crimen admis-
sum et singulis pasloribus portio gregis sit adseripta, quam
regat unusquisque et gubernet, rationem sui aetùs Domino
redditurus, oportet utique eos quibus prœsumus non circum-
cursare nec episcoporuin concordiam cohaîrentem suà sidxlolâ
etfallaci tcineritale coliidere, sed agere illic causam suam
ubi et accusatores habere et testes sui criminis possint; nisi
a
s i paucis desperatis et perditis minor* videtur esse auclori-
tas episcoporum in Africa constitulorum, qui jam de illis
judicaverunt, et eorum conscientiara multis delictorum la-
5
queis vinctam judicii sui nuper gravitate damnarunt.
Jam causa eorum coguita est, jam de eis dicta sententia est;
nec censura* congruit sacerdotum mobilis atque inconstanlis
animi levitate reprebendi, cùm Dominus doceat, et dicat:
b
Sit sermo vester, est est. non non .
XIX. Si eorum qui de illis prioïe anno judicaverunt nume-
rus cum presbyteris et diaconibus coinputetur, plurcs lune
1
La plupart des mss. cl toutes les édithns poitcnl cùm. Néanmoins
nous n'avons pas balance adopter, à l'exemple de Couslant, r/ud, qui
ne s'appuie que sur deux m.-s mais qui évidemment est de beaucoup
M
préférable.
* Per/idta, impiété, incrédulité, sens exclusivement chrétien. Ce mot
s'applique surtout à l'impiété et à l'incrédulité des Juifs qui ont refusé
de reconnaître le Messie.
a
A moins peut-étie que...., mais c'est sans doute que , ironi-
quement.
* Construirez minor paucis desperatis el perditis.
* Vinctam. Quelques mss. portent invotutam. Sur ce, mot, voyez
page 238, note *.
* Rom. i. — * Matth. v.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 241
avoir accès. Mais quoi était le motif de ce voyage, et le be-
soin d'aller annoncer la nomination d'un faux évêque en op-
11
position avec les évèques régulièrement institués ? En effet,
de deux choses Tune : ou ce qu'ils ont fait leur convient, et
ils persévèrent dans leur crime ; ou, s'ils en sont mécontents
et qu'ils reculent, ils savent bien où ils doivent revenir.
Comme c'est en effet un point arrêté chez nous tous, et con-
forme en même temps à la justice et à l'équité, que la cause
b
de chacun soit entendue là où le crime a été commis , et
qu'à chaque pasteur est assignée une partie du troupeau tle Jé-
sus-Christ, que chacun d'eux doit régir et gouverner, à charge
de rendre compte de sa conduite au Seigneur, ceux sur qui
nous avons autorité ne doivent conséquemment pas courir
ainsi de tous cotés, ni chercher à compromettre par leurs
ruses, leur fourberie et leur témérité, la concorde établie
entre les évèques, mais plaider leur cause là où ils peuvent
avoir des accusateurs et des témoins de leur crime j à moins
qu'une poignée d'audacieux, de gens perdus, ne paraissent
devoir l'emporter en autorité sur les évèques régulièrement
institués en Afrique, qui déjà ont prononcé sur le sort de
ces hommes, et condamné depuis longtemps leur conscience
enchaînée dans les liens d'une multitude de crimes. Depuis
longtemps leur procès est inshuit et leur arrêt rendu, et il
ne convient pas que Vépiscopat encoure pour ses jugements
le reproche d'inconstance et de légèreté, quand le Seigneur
nous dit dans ses instructions : Que votre langage soit sim-
plement : Oui cela est; Non, cela n'est pas.
cables ici.
4
Manuce et après lui d'autres éditeurs ont retranché cette petite
phrase, qoi se trouve pourtant dans treize mss., et qui forme une transi-
tion fort naturelle de ce qui précède à ce qui suit.
* Eccli xvi.
UiTïïiES CHOISIES DE SAINT CYFUIKN. 243
hérétiques en ont fait un faux évèque, de ce moment il a été
presque complètement abandonné par ses'anciens partisans.
En effet, ceux à qui dans le passé on faisait illusion à
force de tromperies, et à qui on déclarait faussement que
tous ensemble devaient rentrer dans le sein de l'Eglise,
voyant que, bien loin de là, on avait établi en face de l'E-
glise un faux évèque, ont reconnu qu'ils avaient été joués
et dupés; ils nous reviennent cbaque jour et frappent à la
porte de l'Eglise; et nous, qui sommes responsables devant
le Seigneur, nous pesons avec scrupule et nous examinons
avec maturité qui sont ceux qui doivent être reçus et admis
dans son sein. Pour quelques-uns, en effet, leurs crimes leur
sont tellement un obstacle, ou les fidèles s'opposent à leur
rentrée avec une si constante fermeté, qu'ils ne pourraient
absolument être admis sans scandale et sans péril pour un
grand nombre. On ne doit pas en effet recueillir certains
fruits gâtés qui pourraient par leur contact corrompre les
fruits sains et entiers; et un berger n'est ni habile ni sage,
qui mêle à son troupeau des brebis atteintes de contagion,
au risque d'infecter le troupeau tout entier du mal qu'elles
jxirtent avec elles*. Ne faites pas attention à leur nombre.
Mieux vaut en effet im bomme craignant Dieu, que mille
enfants impies, comme Ta déclaré le Seigneur par la bouche
du Prophète : Mon fils, ne vous félicitez pas de voir se mul-
tiplier vos enfants, s'ils sont impies, parce qu'ils ne possèdent
pas la crainte de Dieu.
XX. Ohl si vous pouviez, mon très-cher frère, assister ici
avec nous à la rentrée, du sein du schisme, de ces méchants
et de ces pervers ! vous verriez quelle peine j'ai à persuader
la patience à nos fidèles, afin que, laissant s'éteindre leur
ressentiment, ils consentent à recevoir ces indignes chrétiens
et à leur prodiguer les soins de la charité. En effet, autant
ils se réjouissent et sont heureux quand ils en voient
revenir de supportables et de moins chargés de crimes, au-
tant au contraire ils témoignent de colère et d'opposition
1
Congestnm est donné par dix-huit mss. et les plus anciennes édi-
tions. La leçon consessum (qui veut dire assemblée, réunion) parait»
malgré le peu d'autorités sur lesquelles elle s'appuie, bien préférable à
Baluze, qui pourtant n'ose pas l'adopter.
* Avec quelle facilité l'auteur passe du genre grandiose et pathétique
du morceau qui précède au ton simple et vif d'une discussion animée.
5
Deux mss. donnent perdilurum, même sens.
4
Leurs cœurs aveuglés par les ténèbres du péché.
* Sanitas mentis, esprit sain, bon sens. On dit quelquefois sanitas
tout seul. Jules César, De Bell. GalL \\h.
9 v u : Ad sanitatem rcverli
pxtdeat.
0
Operla. Cette leçon a été donnée par Manucc, on ne sait sur quelle
autorité; unms. donne obruia, un autre obsessa. Morel, avec un ms.
anglais, pectora à delictorum tenebris solnta, sens particulier tout op-
posé, mais concourant bien aussi au sens général. Le rcslc des variantes
est ou inintelligible ou iusigni fiant.
LKÎTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 249
des accusés leur juge, des sacrilèges un évèque! Que reste-
H I de plus, sinon que l'Eglise cède au Capitole", et que les
ministres de Dieu faisant retraite et emportant l'autel du
Seigneur, nous voyions prendre place sur la sainte et véné-
rable estrade où siège notre clergé les statues et les idoles
avec leurs autels; et que Novatien ait une plus belle et plus
riche matière à ses déclamations et à ses insultes contre
nous, si ceux qui ont sacrifié aux dieux et renié publique-
ment le Christ, sont non-seulement suppliés de revenir et
admis sansfoirepénitence, mais dominent même de plus par
le pouvoir do la terreur?
XXDT. S'ils demandent la paix, qu'ils mettent bas les
armes. S'ils sont disposés a satisfaire, à quoi bon leurs me-
naces ? ou s'ils nous menacent, qu'ils sacheut que les mi-
nistres de Dieu ne les craignent pas. Et, en eftet, l'antechrist
b
lui-même , quand il viendra, n'entrera pis dans l'Eglise
par la puissance de ses menaces, et Ton ne cède pas à ses
armes et à sa violence parce qu'il annonce devoir mettre à
mort ceux qui lui résisteront. Les hérétiques nous mettent
les armes à la main quand ils pensent nous effrayer par
leurs menaces, et, loin de nous abattre au sein de la paix, ils
nous excitent au contraire et nous enflamment, en rendant
aux fidèles la paix elle-même plus dure que la persécution.
XXIV. Nous désirons toutefois que ces menaces qu'ils
profèrent en furieux, ils ne soient pas assez criminels pour
les accomplir, et que, s'ils pèchent en tenant un langage im-
pie et cruel, ils ne se rendent pas coupables aussi en actions.
Nous prions et nous supplions Dieu, qu'ils ne cessent de
provoquer et d'aigrir, que leurs cœurs s'adoucissent; que,
renonçant à leur fureur, ils reviennent au bon sens; que
leurs esprits, aveuglés par les ténèbres du péché, reconnais-
1
XXVI. Quôd quanquam sciam illic fraternitatem nos-
tram, vestra seilicet providentià munitam*, sed et suà vigi-
lantiâ satïs cautam, nec capi haereticorum venenis posse
nec decipi, tantùmque apud illos prœvalere raagisteria et
pra&cepta divina quanlus illis in Dcum timor est, tamen ex
abundanti* vel sollicitudo nostra vel cliaritas scribere ad vos
ista persuasit, ut nulla cum talibus conimercia copulentur,
nulla cum malis convivia vel colloquia misceanlur, simus-
que ab eis tam separati quàm sunt illi de Ecclesia profugi,
quia scriptum est : Si autem et Ecclesiam contempserit, sit
c
tibi tanquam ethnievs et publicanus . Et beatus Apostolus
non monet tantùm, sed et jubet a talibus ut recedatur : Prœ-
cipimus, inquit, vobis in nomine Domini Jesu Christi ut re-
cedatis ab omnibus fratribus ambulanlibus inordinale et non
secundim traditionem quam acerperunt a nobis*. Nulla so-
cietas fidei et perfidie* potest esse : qui cum Cbristo non
est, qui adversarius Christi est, qui unitati et paci ejus ini-
micus est, nobiscum non potest cohaerere. Si cum precibus
et satisfactionibus veniunt, audiantur : si maledicta et minas
ingérant, respuantur.
Opto te, frater charissime, semper bene valere.
1
Ce quod, donné par neuf mss., a été retranché par certains éditeurs,
et conservé par d'autres, li déplaît fort à Baluze comme terme inutile.
Il n'est pas plus utile dans quôd si, qui se rencontre au commencement
de bien des phrases, et à qui l'on reconnaît une certaine élégance. C'est
sans doute une intention de ce genre qui a fait dire à saint Cvprien,
quôd quanquam. Pour nous, il ne nous parait pas désagréable, au con-
traire; mais il faut convenir qu'il n'a pas l'usage pour lui.
* Au lieu de munitam, donné par neuf mss. et d'anciennes éditions,
Manucc a donné monitam, d'après sept mss* Les éditeurs modernes ont
adopté à leur choix l'un ou l'autre. Po *r nous, munilam nous paraît
plus expressif. Au Xond, le sens est le même.
5
Surabondamment, en sus.
4
Guillon, p. 211 el seqq.
* Perfidie. Voyez page 240, note *.
» Eccli. xxvi. — * Prov. xvn. — « Matlh. xvni.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 253
disant : Environnez vos oreilles d'épines\ et n écoutez pas une
langue méchante; et ailleurs : Le méchant écoute la tangue
des gens pervers^ mais le juste ne fait pas attention à ce que
disent des lèvres menteuses.
• Rien de plus net, de plus bref, do plus pcrcmptolrc que cet ultima-
tum, résumé en quelque sorte et conclusion de cette longue lettre, le
chef-d'œuvre épistolairc de notre auteur, et l'un des morceaux d'élo-
quence les plus remarquables, de toutes les liUératures .etdti tous les
#
siècles.
15
254 SELKCTAC DlVl CYPRIANI EPISTOLA.
EPISTOLA XXIX.
AD THIBARITANOS, DE EXHORTATIONS MARTYR!!.
Exhortation au martyre.
1
CYPRIANUS plebi Tbibari consistent!' salutem.
I. Cogitaveram quidem, fratres dilectissimi, atque in vo-
tis habebam, si rerum ratio ac temporis conditio permitteret,
secundùm quod fréquenter desiderastis, ipse ad vos venire,
et quantulâcumque mediocrifate exhortationis nostrae prae-
sens* illic fraterailatem corroborare. Sed, quoniam sic rébus
urgentibus detinemur ut longé istinc excurrere, et diù a
plèbe cui de divina indulgentia praesumus abesse, non datur
iacultas,has intérim pro me ad vos vicarias litteras misi.
Nam, cùm Domini instruentis dignatione instigemur sœpius
et admoneamur, ad vestram quoquè conscientiam admoni-
tionis nostrae sollicitudinem perferre debemus. Scire enim
debetis et pro certo credere ac tenere pressurae diem super
3 8
caput esse cœpisse , et occasum sœculi atque antichristi
4
tempus appropinquasse , ut parati omnes adpraeliumstemus,
nec quidquam nisi gloriam vitae aeternae et coronam confes-
sionis dominicae cogitemus, nec putemus talia esse quae ve-
niunt, qualia fuerunt illa quae transierunt.
1
Thibaris, ville d'Afrique.— Elle faisait partie de la contrée appelée
Byzacène, et ne devait paa être fort éloignée de Carthage, puisque, sans
les occupations pressantes dont il se trouvait accablé, saint Cyprien se
proposait de faire une visite à ses habitants.
* Au lieu de prœsetis, trois m^s. donnent prœsentem, boauroup moins
bon. —• Au mot fralemitaient, les anciennes éditions, et même deux
mss., ajoutent l'adjectif restram, inutile puisqu'il y a déjà illic (à
Thibaris).
* Les Latins, parlant d'un danger pressant, imminent, disaient qu'il
était supra caput.
4
Plusieurs Pères des premiers siècles ont exprimé celte croyance à la
fin prochaine du monde.
a
îl Thess. m.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 255
LETTRE XXIX.
AUX THEBARITAINS, POUR LES EXHORTER AU MARTYRE.
fidei liberlate, qui est certainement d'une excellente latinité, mais qui
ne s'appuie que sur un seul manuscrit.
* Sous-entendu judicatcou ridete. Quelle injustice, quelle chose ii.-
digne n'est-ce pas, qu'un serviteur du nom de Jésus-Christ, etc, ou
quelle indignité n'est-ce pas do voir un serviteur de Jésus-Christ, etc.?
' Au lieu de me priorem, deux mss. donnent me prtqtd, moins bon»
Si Ton voulait l'adverbe, on eût dû au moins mettre mepriûs.
c
» Dan. xiv; Il Mach. vu. ~ * Malth. H. ~ Joan. xv.
LETTRES CHOISIES DE tSMNT Cïl'RlbN, 205
bées, ces bienheureux martyrs, est-ce que ces sept frères,
victimes de tourments cruels et de supplices variés ? est-ce
que cette mère fortifiant ses fils au milieu des tortures, et
périssant elle-même avec eux, ne nous donnent pas des
exemples d'un grand courage et d'une puissante foi, et ne
nous encouragent pas par leurs souffrances à mériter le
triomphe du martyre? Et les prophètes à qui l'Esprit saint
avait accordé le don de connaître l'avenir-? Et Jcs Apôtres,
que le Seigneur avait choisis? est-ce que tous ces justes, en
périssant pour la justice, ne nous ont pas appris ci mourir
comme eux? La naissance du Christ a tout d'abord été signa-
lée par des martyres d'enfants ; à cause de son nom, à doux
ans et au-dessous, tous ceux qui existaient furent mis à mort.
Cet âge, encore inhabile au combat, fut trouvé digne de la
tt
couronne . Pour montrer l'innocence de ceux qui sont mis à
mort pour le Christ, des enfants innocents furent mis à mort
en son nom. Il est prouvé que personne n'est à l'abri de la
persécution, puisqu'un âge si tendre a fourni ses martyrs.
' Voyez ce que nous avons dit du courage des enfants chrétiens dans
les persécutions, lettre XXXIV, notes.
266 SELECT/E D1VI CYPRIANI EPISTOLA.
ut discipulus excusatus esse non possit qui discit et non
facit.
X . Neque aliquis ex vobis, fratres dilectissimi, futur» per-
1
secutionis metu aut antichristi imminentis adventu sic ter-
reatur ut non evangeiicis exliortationibus et praeceptis ac
monitis cœlestibus ad omnia inveniatur armatus. Venit anti-
christus, sed et supervenit Christus. Grassalur et saevit ininii-
eus, sed et statim sequitur Dominus passiones nostras et
vulnera vindieaturas. Irascitur adversarius et minatur, sed
est qui possit de ejus manibus liberare. Ille metuendus est
cujus iram nemo poterit evadere, ipso pracmonente et di-
cente : Ne timueritis eos qui occidunt corpus, animam autem
non possunt occidere. Magis autem metuile eum qui potest
a
et corpus et animam occidere in gekennum £ et iterum :
Qui amat animam suam, perdet illam, et qui odit animam
b
suam in isfo sœculo, in vitam œternam conservabit illam . Et
in Apocalyçsi instruit et pnemonet, dicens : Si quis adorât
bestiam et imaginem ejus, et accimt notam in fronte sua et in
manu, bibet et ipse de vino irœ Dei mixto in poculo irœ ejus,
et punietur igne et sulphure sue ocutis sanctorum angelorum
et sub oculis Agni, et fumus de tormentis eorum ascendet in
sœcula sœculorum, nec habebant requiem die ac nocte quicum-
r
que adorant bestiam et imaginem ejus .
XI. Ad agonem saecularera exercentur homines et parau-
turj et magnam gloriam computant honoris sui, si illis,
spectante populo et imperatore praesente, contigerit coronari.
Exe agon sablimis et magnus et coronae cœlestis prœmio
gloriosus, ut spectet nos certantes Deus, et super eos quos
filios lacère dignatus est oculos suos pandens *, certaminis
nostri spectaculo perfruatnr. Prœliantes nos et fidei congres-
sione pugnantes spectat Deus, spectant angeli ejus, spectat et
1
Au lieu de futurœ persecutionis metu, un ms. donne futuram perse-
cutionem metuat ; même sens, forme correcte aussi, mais moins heu-
reuse et moins expressive.
* Un ms. donne spandens, mot barbare venu sans doute de ce que le
copiste aura mal entendu dicter expandens. On trouve de même dans les
Capilulaircs le mot stranei, altération de exlranei. De même encore on
trouve quelquefois dans des mss. le mot instrumenta, estropié par les
copistes, et changé en slrumenta. Par une erreur semblable, ils écrivent
souvent spectarc pour exspectare, et réciproquement.
b
* Matth. x. — Joan. xu. — « Apoc. xiv.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 267
en sorte que son disciple est inexcusable quand il l'apprend
et ne le pratique pas.
X. Et que chez aucun de vous, mes très-chers frères, la
crainte de la persécution future ou l'effroi causé par la venue
prochaine de Tantechrist ne soit assez fort pour l'empêcher
de se trouver, contre toute attaque, armé des encouragements
de rEvangile, et des préceptes et avertissements célestes.
Uantechrist vient, mais aussi le Christ vient après lui. L'en-
nemi exerce contre nous sa violence et sa fureur, mais aus-
sitôt survient le Seigneur, pour venger nos souffrances et
nos blessures. Notre adversaire s'irrite et nous menace, mais
il y a quelqu'un qui peut nous délivrer de ses mains. Celui
qu'il faut craindre, c'est celui à la colère de qui personne ne
saurait échapper, comme lui-même nous en avertit par ces
paroles : Ne craignez pas ceux gui tuent te corps, mais gui ne
peuvent tuer l'âme. Craignez bien plutôt celui qui peut tuer
tout ensemble le corps et lame, et les précipiter dans les feux
éternels. Et encore : Celui qui aime son âme la perdra, et ce-
lui qui hait son âme dans ce siècle, la conservera pour la
vie éternelle. Ecoutez aussi les instructions et les avertisse-
ments qu'il nous donne dans l'Apocalypse : Si quelqu'un
adore la bête et son image, et reçoit sa marque sur te front et
dans la main, il boira aussi lui-même du vin de la colère de
Dieu, versé dans la coupe de sa colère, et sera puni par le feu
et le soufre sous les yeux des saints anges el tous les yeux de
VAgneau, et la fumée de leurs tourments montera dans les
siècles des siècles, et il n'y auru de repos ni jour ni nuit pour
tous ceux qui adorent la bête et son image.
XL Pour les combats du siècle, on s'exerce, on se pré-
pare; les athlètes regardent comme un grand honneur et une
gloire signalée d'être couronnés aux yeux du peuple et en
résence de l'empereur. Voici un sublime et grand combat,
S ont le prix glorieux est la couronne céleste, dans lequel
nous avons pour témoin de nos efforts Dieu lui-même, les
yeux ouverts sur ceux dont il a daigné faire ses enfants, pour
jouir du spectacle de notre lutte. Oui, dans ce combat pour
la foi, nous avons pour spectateurs Dieu, ses anges et Jésus-
Christ son Fils. Quelle gloire éclatante, quel bonheur, de
combattre en présence de Dieu et de recevoir la couronne dé-
cernée par le Christ! Armons-nous, mes très-chers frères, de
toutes nos forces, et préparons-nous au combat avec une àme
incorruptible, une foi entière et un courageux dévouement.
268 SELECTvE DIVI CYPRIANI EPISTOLAS.
Christus. Quanta est gloris dignitas el quanta félicitas praj-
sente Deo coiigredi, et Christo judice coronari ! Armemur,
fratres dilectissimi, viribus totis, et paremur ad agonem mente
incorrupta, fide intégra, virtute dcvotà. Ad aciem quae nobis
indicitur Dei castra procédant. Armentur inlcgri, ne perdat
inleger quodnuper* stelit. Armentur et lapsi, ut et lapsus
recipiat quod ainisit. Integros honor, lapsos dolor ad pree-
lium provoeet. Armani et prœparari nos beatus Paulus apos-
2
tolus docet dicens : Non est nobis coltuctatio adversùs car-
nem et sangvinem, sed adoersas potestates et principes hujus
mundi el harum tenebrarum, adversus spiritùs nequitiœ in
cœlestibus. Propter quod induite tota arma*, ut possitis resis-
tere in die nequissimo ; ut, cum omnia perfeceritis, stetis ac~
cvicti lumbos vestros in veritale, induti loricam justitiœ, et
cafceati pedes in prœparatione Evangelii pacis, assumentes
scutum fidei, in quo possitis omnia ignita jacuia nequissimi
exstinguere, et galeam salittis, et gtadium spiritiis, qui est
ai
sermo Dei .
XII. H&c arma sumamus, his nos lutamentis spiritalibus
et cœlestibus muniamus, ut in die nequissimo resistere dia-
boli minis cl; repngnare possimus. Induamus loricam jus-
titiae, ut contra inimiei jaculam munitum sit pectus et tu-
tum. Calccati sint evangelico magisterio et araaati pedes ;
ut, cùm serpens caieari a nobis et obteri cœperit, mordere et
supplantarc non possit. Portemus fortiter scutimi tidei, quo
prolegente quidquid jaculatur inimicus possit exstingui. Ac-
3
cipiamus quoquè ad tegumentum capitis galeam salutarem ,
1
Nuper, qui le plus souvent signifie naguères, il n'y a pas long-
temps, parait, chez saint Cyprien, s'appliquer généralement à un temps
plus éloigné, et signifier plutôt, il y a quelque temps, et même jadis,
autrefois.
ft
Au lieu de armari et prœparari nos beatus Paulus docet, plusieurs
éditions portent armât el pmparat nos beatus Paulus apostolus ; même
sens au fond. Notre leçon est conforme à la grande majorité des mss. et
des anciennes éditions.
5
Après tota arma Erasme, dans son édition, ajoute le mût Dei, que
f
d'autres éditeurs ont adopté après lui sur sa seule autorité* — Un ms.
porte induite tos arma lacis.
4
Trois anciens mss. portent quod est verbum Dei ; différence de mot
seulement.
u
Beaucoup de mss. et les plus anciennes éditions portent galeam
spirilalem. C'est Erasme qui, d'après trois mss., a introduit le mot salu-
» Ephes.iv.
LE1TUES CHOISIES DE SAINT CÏMUE.N*.
•
tium coronarum.
XIII. O dies ille qualis et quantus adveniet, fratres dileo
tissimi, cùm cœperit populum suum Dominus recensera et
divines cognitionis examine* singulorum mérita reoognos-
cere, mittere in gehennam nocentes, et persecutores nostros
flammae pœnalis perpetuo ardore flammarenobis vero mer-
cedem fidei et devotionis exsolvere ! Qwe er t gloria * et
quanta lœtitia admitti ut Deum videas, honorari ut cum
Christo Domino Deo tuo salutis ac lucis aeternœ gaudium ca-
pias, Abraham et lsaac et Jacob et Patriarchas omnes et Pro-
phetas et Apostoios et Martyres salutare, cum justis et Dei arui-
cis in regno cœlorumdatœ immortalitatis voluptate gaudere,
sumere illic quod nec oculus vidit, nec auris audivit, nec in
u
cor hominis ascendit ! Majora enim nos accipere quàm quod
hic aut operamur aut patimur Apostolus praedicat dicens : Non
sunt condigttœ passions hujus tempnris ad super venturam via-
h
ritatem* quœrevelabitur in nobis .Cùm revelatio illa venerit,
cùm claritas super nos Dei fulserit, tam beati erimus et
1
Un ms. donne in ipso Dominum suum complectaiur ; c'est à peu
près le même sens.
* Et apportant à cet examen sa sagacité divine.
* Et livrer nos persécuteurs au supplice des flammes éternelles. —
Au lieu de flammare, beaucoup de mss. portent damnare , bien
moins bon et moins expressif» mais plus conforme à la manière de
s'exprimer ordinaire. C'est ainsi que l'ignorance des copistes substituait
des locutions vulgaires et fâches à ces expressions figurées et hardies qui
fout le stvle, et sont le cachet des écrivains supérieurs. Voyez un autre
exemple de ces substitutions inintelligentes, lettre XII, note *.
* Un ms. donne Quœ erit gloriœ dignitas légère différence, qui ne
9
EPISTOLA XXX.
AD CORNELIUM IN EXSILIO, DE EJUS CONFESSIONS *.
LETTRE XXX,
A CORNEILLE EN EXIL, SUR SA CONFESSION.
chrétienne; mais il est plus probable que le pluriel a ici son sens naturel
et conforme à l'ancien usage. En effet, saint Cyprien adresse bien cette
274 SELECTA DIVI CYPRIANI EPISTOLiK.
testimonia gloriosa, et confessionis vestrae honoremsic exsul-
tanter accepinius, ut in meritis ac laudibus vestris nos quo-
què participes et socios computemus. Nam, cùm nobis et
Ecclesia una sit, et mens juncta et individua concordia, quis
non sacerdos in consacerdotis sui laudibus tanquam in suis
propiïis gratuletur, aut quœ fraternitas non in fratrum gati-
dio ubique laetetur? Exprimi satis non potest quanta istic
exsultatio fuerit et quanta laetitia, cùm de vobis prospéra et
fortia comperissemus : ducem te illic confessionis fratribus
1
exstitisse, sed et confessionem ducis de fratrum consensione
crevisse*; ut, dum praecedis ad gloriam, multos feceris gloriae
comités, et confessorem populum suaseris fieri, dum primus
paratus es pro omnibus confiteri ; ut non inveniamus quid
priùs praedicare in vobis debeamus, utrùmne tuam promptam
et stabilem fidem, an inseparabilem fratrum charitalem. Vir-
tus illic episcopi prœcedentis* publicè comprobata est, adu-
natio sequentis fraternitatis ostensa est. Dum apud vos unus
animus et una vox est, Ecclesia omnis Romana confessa est.
4
Claruit, fratres charissimi , fides quam de vobis beatus
Apostolus praedicavit Hanc laudem virtutis et roboris firmi-
tatem jam tune in spiritu prœvidebat, et prœconio futurorum
mérita vestra contestans, dum parentes laudat, filios provo-
a
cat .
adresser la parole deux lignes plus haut,en disant : Dum apud vos unus
animas et una vox est, etc.
* 1-e clergé romain, dans une lettre à saint Cyprien (la XXXI* des
Lettres, édition complète de notre auteur), reconnaît que, chez les R o -
main?, la fermeté de leur fol actuelle a sa racine dans l'antique foi de
leurs pères, déjà vantée par l'Apôtre comme remplissant le monde; c'est
une gloire dont les fils de ces généreux chrétiens doivent, sous peine de
forfaiture, se montter toujours dignes : quarum laudum et gloriœ de~
generem fuisse maximum crimen est, dit le clergé à propos du faiblesses
et de chutes antérieures qui déshonorent ce courage traditionnel et font
rougir cette foi*
276 SELECT/R DIVI CYPRIANI EPISTOL/E.
IL Dum sic unanimes, dum sic fortes estis, magna et cae-
teris fratribus mianimilatis et fortitudinis exempla tribuistis.
Docuistis grandtler Deum timere, Cbristo firmiter adhaerere,
plebem sacerdotibus in periculo jungi, in persecutione fra-
tres a fratribus non separari, concordiam simul junctam
vinci omnino non posse, quidquid simul pelitur a cunctis
Deum pacïs pacifîcis exhibere. Prosiiierat adversarius terrore
1
violento Christi castra turbare ; sed quo impetu venerat, eo-
2
dem impetu pulsus et victus est ; et quantum formidinis et
terroris attulit, tantùm fortitudinis invenit et roboris. Sup-
plantare se iterum posse crediderat Dei servos, et velut tiro-
nes et rudes, quasi minus paratos et minus cautos, solito
suo more concutere. Unum primù aggressus, ut lupus ovem
3
secernere a grege, ut accipiter columbani ab agmine volan-
3
tium separare tentaverat*. Nam, oui non est adversùs om-
nes satis virium, circumvenire quaerit solitudinein singulo-
rum. Sed, retusus adunati exercitûs fide pariter et vigore,
intellexit milites Christi vigilare jam sobrios, et armatos ad
praelium stare, vinci nou posse, mori posse, et hoc ipso in-
6
victos esse quia mori non tinrent ; nec repugnare contra
7
impugnantes , cùm occidere innocentibus nec nocentem
liceat; sed prompte et animas et sanguinem tradere, ut, cùm
tanta in saeculo malitia et saevitia grassetur, a malis et saevis
8
velociùs recedatur .
UL Quale illud fuit sub oculis Dei spectaculum gloriosum,
1
Suivant plutôt les faux et cruels enseignements d'une philosophie
mondaine (voyez page 160), que les douces et pacifiques leçons de la sa-
gesse divine.
2
D'autres ms?. portent vinclos qui serait très-bon aussi.
* II n'aurait pas de raison de se féliciter comme confesseur du nom
chrétien. — /yumoctë,sous-eot, homincs. — Deux mss. portent in con-
fessionis nomine, qui signifierait : II n'aurait pas à se vanter du titre de
confesseur, sens à peu près le mémo. Toutefois nous préférons notre le-
çon, parce qu'elle a pour elle plus d'autorités, et qu'elle est conforme à
la manière de saint Cyprien, qui emploie fréquemment confessio nomi-
nis, ou même nomen sans ajouter [Domini ou Christi. Dans la lettre à
Anlonien (XXV, page 168), on lit eu effet : Etsi occisus propter NOMEN
fuerit; nt{ibid. page 186) nec si occisi pro NOMINE fucrint. Ailleurs on
lit : in confessione NOMINIS sanyuincm suum fundere; et in iradilis
atque in confessione NOMISJS constituas.
4
Voyez lettre X X V I , page 186 : Apostolat verà, etc.
8
Six mss. portent : apprapinquanlejam certaminis et agonis nos~
tri die, ablatif.absolu. Le sens est à pou près le mémo, mais exprimé
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 281
rupteur do la vérité, assassin de la charité. Reconnait-il en-
lin quel est le vrai ministre de Dieu, quelle est l'Eglise
véritable et la maison du Christ? qui sont les serviteurs de
Dieu, que naturellement le démon doit chercher à tourmen-
ter? qui sont les chrétiens, que Pantechrist doit assaillir ? Il
ne s'attaque pas en effet à ceux qu'il a déjà soumis, et il ne
brûle pas de renverser ceux dont il a déjà fait ses esdaves.
Adversaire, que dis-je ? ennemi acharné de l'Eglise, ceux
qu'il a détachés d'elle, et entraînés hors de son sein comme
des vaincus et des captifs, il les dédaigne et passe à côté
d'eux sans les regarder ; tandis qu'il harcèle incessamment
a
ceux en qui il voit qu'habite le Christ . Et toutefois, quand
même quelqu'un de ces sectaires serait arrêté par les persé-
cuteurs, ce ne serait pas pour lui un motif de se féliciter
comme confesseur du nom chrétien, puisqu'il est certain que
si de tels hommes étaient livrés au supplice hors de PEglise,
celte mort serait pour eux non la couronne de la foi, mais le
châtiment de leur infidélité, et que jamais n'habiteront dans
la maison de Dieu, parmi des frères unis de cœur, ces hom-
mes que nous avons vus, animés par la fureur de la discorde,
abandonner celle maison de paix, séjour de la divinité.
V. Voici, en terminant, une exhortation, que nous inspire
la mutuelle charité qui nous unit, et que nous vous adressons
avec toute l'ardeur dont nous sommes capables. Puisque par
les instructions de la Providence divine, et les salutaires con-
seils de la miséricorde du Seigneur, nous sommes avertis et
informés que bientôt doit venir pour nous le jour de l'é-.
preuve et du combat, livrons-nous constamment avec tous
les fidèles au jeûne, aux veilles et à la prière. Faisons
entendre de continuels gémissements, et supplions fréquem-
b
ment le Seigneur . Ce sont là, en effet, pour nous, les
moins clairement. Avec cette leçon, les deux Yerbes instruimur et ad*
monemur sont employés absolument aussi.
* Tout ce que saint Cyprien dit ici de ces chréUens devenus esclaves
du démon, et que, comme tels, le démon épargne parce qu'il les dé-
daigne, est un irait [contre Novatien et ses partisans, qui ne furent ni
martyrs, ni confesseurs, tandis que la véritable Eglise comptait par
milliers, ou plutôt ne pouvait déjà plus compter les palmes et les cou-
ronnes de ses glorieux défenseurs*
* Ce sont à peu près les mêmes conseils que, dans une prévision et
une intention semblables, nous avons vu l'auteur donner avec de longs dé-
veloppements dans le courant delà lettre VI, dont ils sont le sujet spécial.
16.
282 SELEGTiE DiVl CYPRIANI EPISTOLA.
tionibus insistera cura onini plèbe non desinamus Ineum-
bamus gemitibus assiduis et deprecationibus crebris. Hase
sunt enim nobis arma cœlestia quae stare et perseverare for-
titer faciunt. Hœc sont uuuihneuta spiritaiia et tela divina
quae protegunt. Memores nostri invicem simus, concordes at-
1
que unanimes, utrobique pro nobis semper oreiuus, pres-
suras et angustias mutiiA ebaritate relcvemus*, et, si quis
istinc nostrum prior divine dignationis celeritate prseces-
3
serit , perseveret apud Dominum nostra dilectio, pro fratri-
bus et sororibus nostris apud misericordiam Patris non cesset
oratio.
Opto te, frater charissime, semper bene valere.
EPISTOLA XXXI.
AD LUCIUBf PAPAM ROMAMJM REVERSUM AB EXSILIO *.
LETTRE XXXI.
AU PAPE LUC10S, APRÈS SON RETOUR DE L'EXIL.
L'auteur félicite le pape Lucius revenu de son exil. Sa gloire n'est pas
moindre pour n'avoir pas subi le martyre auquel il était préparé.
C'est la Providence qui, dans ses profouds desseius, a voulu que Lucius,
Corneille, son prédécesseur, et l'Eglise véritable aient été en butte à de
cruelles persécutions, tandis que la faction sebismatique de Novatien
n'a été honorée d'aucune attaque. Saiut Cyprieu peint avec les plus
vives couleurs la rentrée dans Home de Lucius, et la joie des Ro-
mains eu revoyant leur évoque. — Il finit par lui prédire en quel-
que sorte sou prochain martyre,
1
Quod, cum eadem gloria et laudibus vestris, reduoes vos denuo
ad suos fecerit benigna Domini et largaprotcctio. Ce membre de pbrasc
a donné lieu à une question de critique historique très-épineuse, et qui
ne sera peut-être jamais résolue avec une certitude absolue. Des érudils
ont pensé, et avec assez de probabilité, d'après les tei mes mêmes du début
de celte lettre, que saint Lucius avait été exilé deux fuis; que son titre
de confesseur (énoncé par saint Cyprien, avant celui d'évéque), lui avait
été mérité une première fois par un premier exil subi avant son épisco-
pat, vraisemblablement avec saint Corneille à qui il succéda; puis qu'à
peine nommé évèque de Rome, il fut encore exilé, et rendu de nouveau
{denuo, c'est-à-dire une seconde fois) à l'amour des lidèles, avec la même
gloire et le même mérite (c'est-à-dire avec le même accroissement de
gloire et de mérite ) que lors de son premier retour de l'exil. Nous
avouons que les termes dont s'c&t servi saint Cyprien prêtent merveil-
leusement à cette interprétation, et nous l'adopterions sans balancer,
s'il existait dans quelque monument historique la moindre trace de ce
premier exil de saint Lucius, non pas indiqué simplement, mais énoncé
positivement. La conje turc que nous venons d'exposer est ingénieuse,
mais ce n'est, après tout, qu'une conjecture sur un texte que l'on peut
expliquer plausiblement d'une manière différente. En effet, les mots
denuo et rursus, qui veulent dire habituellement de nouveau, une se-
conde fois, ont encore une autre signification. Us expriment souveut en
latin, comme en grec les adverbes au, iraXtv, non pas une action répétée,
mais la contre-parUe d'une autre action exprimée ou sous-entendue. Ces
deux mots font alors, comme ici, une espèce de pléonasme avec le verbe
simple ou composé auxquels ils sont joints* et qui contient ou dans sa
signification propre ou dans l'élément étranger qui est joint à lui, l'idée
d'opposition qu'expriment en grec a& ou «aXiv, et en latin rursus ou
denuo. Ainsi, peut-on dire que dans le cas présent denuo reddideril ne
signifie rien déplus que reddiderit tout seul ? De cette manière l'inter-
prétation généralement admise, et qui n'admet qu'un seul exil du pape
Lucius, n'offre plus aucune difficulté. — Une ancienne liste des papes
mentionne ainsi saint Lucius : Hic exsul fuit; et postea nutu Dei inco*
lumis ad Ecclesiam reversus est.
* Trompant la mort, ou loin do payer le tribut]à la mort.
5
Le neque du commencement de la phrase exerce encore son i n -
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 285
semble le titre d'évèque et celui de confesseur*. Aujourd'hui
nous ne vous félicitons pas moins, vous, les compagnons de
votre exil et tous vos fidèles, de ce que la bienveillante et gé-
néreuse protection du Seigneur vous a rendu à son Eglise,
couvert de la môme gloire et orné du même mérite que lors
de votre départ. Ainsi le pasteur est rendu à son troupeau
pour le conduire, le pilote à son vaisseau pour le diriger, le
chef à son peuple pour le gouverner; et, dans les desseins
de la Providence, votre exil devait avoir pour résultat de
montrer non pas une église privée de son évêque banni,
mais ce même évêque rendu à son église plus grand et plus
glorieux. Et, en effet, le martyre des trois enfants dont parle
l'Ecriture ne fut pas moins honorable, parce que, trompant
la mort, ils sortirent sains et saufs de la fournaise ardente;
et le mérite de Daniel ne fut pas moins parfait,parce que livré
aux lions pour être leur pâture, mais défendu par le Seigneur,
il vécut pour lagloire. Chez les défenseurs du Christ, les délais
mis à leur martyre ne diminuent pas le mérite de la con-
fession, ils ne font que montrer la merveilleuse puissance
de la protection divine. Nous voyons se renouveler à votre
égard ce qui eut lieu quand les trois courageux et nobles en-
fants déclarèrent hautement devant Nabuchodonosor, qu'ils
étaient prêts à devenir la proie des flammes plutôt que de
aervir ses dieux ou d'adorer la statue qu'il avait élevée; que
cependant le Dieu qu'ils adoraient, et que nous adorons nous-
mêmes, était assez puissant pour les retirer de la fournaise,
les arracher des mains du roi et les délivrer des supplices
présents. C'est ce que nous voyons s'être reproduit dans la
foi de votre confession, et dans la protection du Seigneur à
votre égard. Vous étiez prêts et dévoués à subir tous les sup-
plices; mais le Seigneur vous a dérobés aux tourments, et
conservés pour son Eglise. Votre retour, loin de diminuer
chez l'évoque la gloire de sa confession, a au contraire con-
fluence sur ce second membre négatif lui-môme, et Ton aurait mot à
mot: Et il est faux que Daniel n'ait pas été sublime en son mérite,
c'est-à-dire : Et le mérite de Daniel ne fut pas moins sublime, etc.
a
Mot à mot : en même temps confesseur et évêque. Ces mots indiquent
le peu de temps qui s'écoula entre l'ordination comme évêque de saint
Lucius, et son exil. L'empereur Gallus, irrité de voir déjà remplacé le
pape saint Corneille, qu'il vouait de faire mettre à mort» s'empressa
d'exiler son successeur.
286 SELECTE DIVI Cl'FHIANI EPISTOLA.
missus fueiat ad praedam, protectus a Domino vixit ad glo-
a
riam . ïn œnfessoribus Christi dilata martyria non merilum
1
confessionis minutait, sed magnalia divin» protectionis os-
tendunt. Repiaesentalum videmus in vobis quod apud regcm
fortes atque illustres pueri praxlicaverunt, ipsos quidem pa-
2
ralos esse ardere flaimnis , ne diis ejus servirent, aut ima-
ginem quam fecerat adorarent; Deum tamen quem colebant,
quemque et nos eolimus, poteutem esse ut eos de camino
ignis exinieret, et de régis manibus ac de pœnis praesentibus
b
liberaret . Quod inveuimus in confessionis veslr» fide et in
3
Domini circa vos i>rotectione nunc gestum; ut, cùm vos
parati fueritis et prompti oinne subire supplicium, Dominus
tamen vos pœnae subtraheret et Ecciesiae reservaret. Regre-
dientibus vobis, breviata* non est in episcopo confessionis
suœ dignitas, sed magis crevit sacerdotalis auctoritas; ut
altari Dei assistât autistes qui, ad confessionis arma sumenda
et facienda inartyria, non verbis plebem sed factis coùortetur,
et, imminente antichristo, paret ad praelium milites non
5
solùm sermonis et vocis incitamento, sed ûdei et virtutis
exeraplo.
ïï. Intclligimus, frater charissime, et tolà cordis nostri
luce perspicimus divina) majestatis salutarta et sancta cou-
6
silia, unde illic repentina persecutio nuper exorta sit, unde
7
contra Ecclesiam Christi et episcopum Cornetium beatum
martyrem vosque omnes" sœcularis potestas subitù prorupe
rit, ut, ad confundendos haereficos et retundendos, ostende-
ret Dominus quaa esset Ecclesia, quis episcopus ejus divina
9
ordinatione delectus, qui cum episcopo presbyteri sacerdo-
* Voyez page 60, note *.
* Pwatos ardere, Virgile :
Paradis
Scu versarc doios, scu ceriœ occumbere morti. JUneid, u, 6 1 .
* Ici cùm signifie quoique, "bien que.
4
Diminuée, amoindrie.
" Des mss. portent non solùm sermone, et d'autres : non solo sermone,
différences insignifiantes pour le sens.
0
Illic, là-bas, chez vous, à Home.
7
Dans un m s celte conjonction et est remplacée par une virgule, ce
M
m ee qu'il ne s'agit, dans tout ce passade, que d'un seul évoque, celui
de Rome.
« Par l'antechrist des commentateurs entendent la persécution; mais
ce n'était pas une persécution ordinaire que prévoyait saint Cyprien.
C'était bien la venu.: d'un nnti'christ, la (lu du monde avec d'épouvan-
tables calamités que, l'ànie assombrie par leurs malheurs et la férocité de
leurs tyrans, semblaient entrevoir pour un avenir prochain les chrétiens
4
qui vivaient à ces époque * désastreuses. Déjà TertulJten avait dit : Fis
mavima, universo or M imminens, elansula sœculi, qnœ acerbilates
Iwrrendas comminaiur.
h
SousGallus et Valéricn, uno peste cruelle désola l'Empire. La su-
perstition païenne imputait aux chrétiens tous les malheurs publies.
Delà la violence decitte persécution qui éclata comme la foudre.
c
La dureté de Novatien envers les tombés élait pour lui et ses parti-
sans une espèce d'engagement au martyre; rependant, comme nous l'a-
vons vu dans la lettre X X V , ils l'évitèrent, toujours soigneusement. Saint
Cyprien atteste même quelque part qu'à la veille de la persécution, No-
vatien déclara qu'il aimerait mieux retourner à la philosophie païenne
qut* d'exposer sa vie.
288 SELECTE DIVÏ CYPttlAKl KP1ST0LA.
tali honore eonjuncti, qnis adunatus et verus Christi populus
1
dominici gregis charitate connexus, qui esscnl quos iiiimi-
eus lacesseret, qui contra quibus diabolus, ut suis, pareeret.
Neque enim persequitur et impugnat Christi adversarius nisi
castra et milites Christi. Haereticos prostratos semel et suos
factos contemnit et prœterit*. Eos quœrit dejiccre quos videt
8
stare .
III. Atque utinamnunc facultas daretur, frater charissi-
me, ut interesse illic vobis regredienlibus possemus, qui vos
mutuâ charitate diligimus, ut adventùs vestri laetissimum
fructum présentes cum cœteris ipsi quoquè cayeremus I
Quœ illic exsultatio omnium fratrum! qui concursus atque
4
complexus occuiTentium singulorum ! Yix osculis adhaeren-
tium potest satislieri, vix vultus ipsi atque oculi plebis pos-
5 6
sunt videndo satiari. De adventùs vestri gaudio cognoscere
illic fraternitas cœpit qualis et quanta sit seeutura, Christo
veniente, laetitia; cujusquia citô approi>inquabit adventùs,
imago jam quaedam praecessit in vobis; ut, quomodo Joan-
nes, praecursor ejus et praevius veniens, praedicavit Christum
venisse, sic nunc, episcopo confessore Domini et sacerdote
redeunte, appareat et Dominum jam redire.
IV. Vicarias verô pro nobis ego et collegœ et fraternitas
omnis has ad vos litteras mittimus, frater charissime, et re-
présentantes vobis per epistolam gaudium nostrum, fida
c
Sous-entendcz illi; de même plus bas, avant quibus.
* \oyez les mêmes pensées exprimées presque dans les mêmes termes,
lettre précédente, page 280. On y trouve même textuellement contemnit
et prœterit.
» Quos videt stare, qu'il voit debout; qu'il voit résister. — Tout ce
qui précède exprime une profonde vérité : c'est à sa couronne d'épines
qu'on reconnut dans tous les temps la fidèle épouse du Dieu du Calvaire.
La persécution est une gloire qui n'appartient qu'à la véritable Eglise.
4
Au lieu de vis osculis presque tous les mss. portent vix oculis, ce
qui est une faute. — L'expression adhœrere ou inhœrere est familière à
saint Cyprien pour exprimer des embrassements aifectucux. Ainsi dans
son livre De Lapsis, nous voyons sanctis osculis adliœrentes, et lettre
XXXV11, paragraphe i ; Quid mihi oplalius et lœtius, quàm vobis in-
hœrere?
* Potest.... possunt. Ces verbes au présent mettent l'objet sous les
yeux du lecteur et peignent la scène comme se passant actuellement.
6
De adventùs vestri gaudio» Quelques éditeurs, s'appuyant sur des
manuscrits, joignent sans ponctuation aucune à satiari qui précède,
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 289
n'attaque, en effet, et ne poursuit que le camp et les soldats
du Christ. Quant aux hérétiques, une fois terrassés et de-
venus ses esclaves, il les dédaigne et passe à côté (Veux sans
même les regarder. Ceux qu'il cherche à abattre, ce sont
ceux qu'il voit debout et prêts à lui résister.
III. Plût à Dieu, mon très-cher frère, qu'il nous fût pos-
sible maintenant, à nous qui vous sommes unis par le lien
d'une charité mutuelle, d'assister à votre rentrée dans Rome,
et de jouir, mêlés aux milliers de spectateurs de cette scène
imposante, du bonheur de votre retour! Quel air de triom-
phe chez tous vos frères! quelle foule à votre rencontre, et
que d'embrassements à recevoir ! À peine pouvez-vous suf-
fire aux baisers de ceux qui se précipitent dans vos bras; à
peine toujours fixés sur vous, les yeux des fidèles peuvent-
ils se rassasier de vous voir. À la joie qu'a excitée votre re-
tour, nos frères de Rome ont pu comprendre la nature et
l'étendue de l'allégresse qui doit éclater plus tard à la venue
du Christ, dont votre retour nous a, pour ainsi dire, repré-
senté d'avance la prochaine arrivée; en sorte que, comme
Jean, son précurseur, qui marchait devant lui pour lui pré-
parer les voies, annonça jadis l'arrivée du Christ, de même
aujourd'hui Je retour d'un évèque, confesseur et ministre du
Seigneur, nous indique aussi son retour prochain.
IV. Or, à défaut de notre présence, mes collègues, tous les
fidèles dé notre tôgiisc et moi, nous vous adressons cette
lettre pour vous exprimer notre joie, et vous offrir l'hom-
mage de notre dévouement et de notre amour, ne cessant
pas, bien qu'éloignés de vous, de rendre, dans nos sacrifices
et nos prières, grâces k Dieu le Père et à Jésus-Christ son Fils,
notre Seigneur, de l'implorer pour vous, et de le supplier,
lui qui est la perfection même et la source de toute perfec-
tion, de garder et de parfaire en vous la couronne glorieuse
de votre confession. Peut-être même qu'en vous rappelant
il a voulu surtout que votre gloire ne demeurât pas cachée,
ces quatre mots, qui ainsi terminent la phrase précédente* Getie dispo-
sition nuit aux deux phrases ; la première se trouve alors moins simple,
moins vive dans sa brièveté, outre que satiari de gaudio n'est pas très-
latin. Au contraire cognoscere de ou ex est d'une excellente latinité; do
plus, en commençant la seconde phrase à notre manière conforme à
d'autres manuscrits, on la tend plus périodique, cl, dans la symétrie, de
adventùs vestri gaudio répond parfaitement à Christo xeniente, fatitia.
17
290 SELECTA DIVI CYPRIANI EPISTOLA.
nbsequia charitatis expromimus, hic quoquè in sacrifiais
atque in orationibus nostris non cessantes Deo Patri et Cbristo
Filio ejus Domino nostro gratins agere, et orare pariter ac pe-
tere ut, qui perfectus est atque perficiens, custodiat et perfi-
ciat in vobis confessionis vestra3 gloriosam coronam; qui et
ad hoc vos fortasse revocavit ne gioria esset occulta, si forîs
essent confessionis vestra! consummata martyria : nam vie-
tima quae fraternitate praebet exemplum et virtutis et fîdei,
1 2
prœsentibus débet fratribus immolari .
Optamus te, frater charissime, semper bene valere.
EPISTOLA XXXIL
8
AD EPISCOPOS NUMIDAS , DE REDEMPTIONS FRATRUM E X
CAPTIVITATE BARBARORUM.
Envoi de secours pour racheter les fidèles des mains des barbares.
LETTRE XXXIL
AUX ÉVÈQUES DE NUMfDÏE, SDR LE RACHAT DE FRÈRES
CAPTIFS CHEZ LES BARBARES S
Envoi de secours pour racheter les fidèles des mains des barbares.
Cyprien parait faire allusion à cette lettre dans une autre où il dit : Item
in litteris quas collegœ nostri ad episcopos in Numidia présidentes
antè fecerunt.
* Cette lettre nous olfre un précieux monument de la charité chré-
tienne aux premiers siècles de l'ÉçtUe. C'est l'envoi d'une collecte fait**,
parmi les lidèles de l'église de Carshaife pour le rachat d« captifs chré-
tiens d'une autre église. Mais comme cet acte, tout simple en ces temps
d'héroïsme» et chez ces hommes à conviction profonde, est relevé par les
motifs religieux qui l'ont inspiré! C'est la fraternité d'abord; non pas
cette fraternité vaine, inscrite sur des murailles, et morte au fond des
cœurs, mais la vraie fraternité chrétienne, vivante, active, et se révélant
par ses bienfaits. Avec quelle éloquence l'auteur ne nous montre-l-il
pas le père se représentant ses fil- captifs, répoux, Sun épou*e, et tous
les fidèles alarmés pour de saintes vierges exposées au* insultes des bar-*
barea! Mais ce ne sont pas seulement des frères malheureux, des nom*
'me^ënlin, qu'il s'agit de remire à la liberté : ce sont au aut de temples
du Dieu vivant qu'il ne faut p<is laisser au pouvoir des ennemis de la
foi; que dU-je? c'est Jésus-Christ lui-même qu'on va arracher à la cap-
tivité. El pour cette œuvre si saintu, accomplie avec autant de modestie
que de dévouement, qi*" demande le saint évé pu* aux captifs à délivrer
et à ceux qui pleurent leur absence ? Des prières et un pieux souvenir.
Ce sont les bleufaiteurs qui remercient les obligés pour leur avoir fourni
292 S E L Ê C T / E DIVI GYPHIÂNI E P I S T O L A .
tertia, orum. se trouve seulement chez les poètes, et jamais chez les pro-
sateurs ; 2° centum millia sestertia forme uu affreux solécisme, attendu
que si Ton d t mille homines ou hominum, on dit toujours et sans ex-
ception centum millia hominum, animalium. Ainsi, même en em-
ployant le neutre, on devrait dire centum millia sestertiorum ou sester-
* Matth. xxv.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYFHIEK. 295
pour les autres, qui, dis-je, s'il est père, ne songe pas qu'en
ce moment, même ses fils sont chargés de chaînes sur une
terre étrangère? Qui, s'il est époux, ne se dit pas avec amer-
tume, à la pensée du lieu conjugal outragé : mon épouse
est là, captive ! Et quelle affliction, quels tourments ne nous
cause pas le péril des vierges qui, elles aussi, sont là ? pour
lesquelles il faut plaindre non-seulement la perte de leur li-
berté, mais aussi la perte de leur honneur; pour lesquelles
il faut déplorer moins les fers des barbares, que les atteintes
des corrupteurs et le désordre des lieux infâmes*. N'est-il pas
à craindre que ces membres consacrés à Jésus-Christ, et qui
devaient avoir pour éternelle parure la continence et la chas-
teté, victimes volontaires de la vertu, ne soient profanés par
les attentats et les souillures de la débauche? Toutes ces hor-
reurs, dont le contenu de votre lettre fait naître la pensée,
ont inspiré à nos frères de profondes et douloureuses ré-
flexions. Tous, spontanément, activement, libéralement, ont
mis en commun des secours en argent pour leurs frères,
suivant en cela, il est vrai, la disposition constante qui, d'à-
. près la fermeté de leur foi, les porte aux œuvres de Dieu,
mais cependant animés bien davantage encore à cette œuvre
de salut par la pensée d'une si cruelle infortune. En effet, si
notre Seigneur dit dans son Evangile : J'ai été malade et vous
m'avez visité^ combien doit être plus belle la récompense de
notre œuvre présente, quand il dira : « J'ai été captif, et vous
» m'avez racheté ! » Et s'il dit encore : J'ai été en prison et
vous êtes venus me voir, que sera-ce, lorsqu'il dira : « J'ai
n été dans la prison de la captivité, j'ai été gisant, renfermé
» et enchaîné chez les barbares, et vous m'avez délivré de
* ces cachots de l'esclavage? aussi, quand le jour du juge-
» gement sera venu, recevrez-vous de la main du Seigneur
» votre récompense. »
III. Enfin, nous vous remercions beaucoup de nous avoir
associés à votre charitable zèle, et de nous avoir fait partici-
per à une œuvre si sainte et si nécessaire. C'était nous offrir
un champ fécond pour y déposer les germes de l'avenir,
objet de nos espérances; si bien que désormais nous pou-
vons attendre notre moisson des fruits abondants que va
produire cette œuvre céleste et salutaire. Nous vous en-
voyons cent mille sesterces, qui ont été réunis ici, dans l'é-
glise à la tête de laquelle, bien qu'indigne, Dieu nous a placé,
par les dons volontaires de notre clergé et des fidèles cou-
2U6 SELECTE DIVI CYPHIANl EPISTOLA.
tid prajstunus, elcri et plebis apud nos consistent!* vollulioiiu
collecta sunt, qiiœ vos illic pro vestra diiigentîadispej^ahilis.
Et oplaunis quidem nihil laie de cajtero iieri, et fratres nos-
tros, Domini majestate proteetos, ab ejiisniodi periculis inco-
lumcs réservant Si tamen, ad explorandam nostri aninû cha-
ritatem et examhiandam nostri pectoris iidem, laïc aliquid
aceiderit, iioiile cunctari nuntinre hœc nobis litteris vertus,
pro eerto habentes Ecclesiam nostram et fraternitatem istic
uuiversam ne lucc ultra haut precibus orare ; si farta fuo-
rint, Jibcnter et largiler suhsidia prœstare. Ut antem fratres
nostros ac sorores, qui ad hooopus tam necessarium prompte
ac libenter operati sunt ut semper operentur, in nieute ha-
beatis in oratiouibus veslris, et eis vieem boni operis, in sa-
crilîciis et precibus repiusentclis, subdidi nomina singulo-
mm; sed et eollegarum quoquè et consaeerdotum nostroruiu,
qui et ipsi, cùm présentes estent, cl suo et plebis sua: uoiiûiic
qiuedam pro viribus cunfulerunt, nomina addidi ; et pr&'trr
quantitatem propriam nostram, eorum quoquè sumiuulns si-
gniiioavi et misi, quorum omnium, secundùm quod fuies et
charitas exigit, in oratiouibus et precibus vos tris meiniuisse
debetis.
Optamus vos, fratres charissimi, semper bene valcre et
nostri meminisse.
EPISTOLA XXXIH.
AD CLERUM ET PLEHEM FURMS COKSISTENTEM, DE VICTIME
QUI FAISTIKUM PIIESBYTERUM TITOUEM NOMINAVIT.
Le .sacerdoce est incompatible avec les fonctions de tuteur.
CYPRIAHUS presbyteris et diaconibus et plebî Furnis cou-
sistentibus salutem.
f c e qui. s'il pouvait s'agir du grand sesterce poél'upie, ferait in
somme énorme de cent millions de sesterces ( 20,000,000 francs}, que
ies Latins exprimaient a.ni-i ; Sestertiûm mïllies crntcnn milUa-, ou,
plus abréYiativeincnt, seskrtiûm inillies* Aussi à tester!ia avons-nout
hardiment substitué sestcrfiûm (pour sestertiorum de jsestertins), ccul
régulier, et déjà introduit d'ailleurs danslctrs éditions par les Anglais,
qui, les premiers, ont vu ce que l'ancienne leçon avait de fautif, quoi
qu'en dise Baluze pour la défendre. Sur l'usage prétendu de esses ter Ha*
plur. neutre., pour exprimer des milliers de sesterces, voyez la lin d.*
notre note à ce sujet, sur le dernier paragraphe de la Lettre Y, h Rogaticn,
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPHIKN. 297
lies à notre direction. Vous .les emploierez là-bas au gré de
votre zèle. Nous désirons bien que de telles circonstances ne
se reproduisent pas à l'avenir, et que nos frères, protégés
par la majesté divine, soieut tenus à l'abri de semblables
périls. Si cependant, pour éprouver la charité qui nous ani-
me, et soumettre à l'examen notre foi, quelque malheur
semblable arrivait, écrivez-le-nous sur-le-champ, certains
que notre église et tous le» fidèles réunis ici adressent leurs
vœux au Ciel pour que de telles calamités ne se renouvel-
lent point; mais que, si elles se renouvelaient, ils seraient
tout disposés à venir de bon cœur et libéralement à votre
secours. Quaut à nos frères et à nos sœurs qui ont accompli
celte œuvre si nécessaire avec un zèle, un élan de cœur qui
répoudent de leur dévouement pour l'avenir, souvenez-vous
d'eux quand vous invoquerez le Ciel ; payez-leur en sacrifi-
ces chrétiens et en prières le prix du service qu'ils vous ren-
dent aujourd'hui. À cet effet, je mets, individuellement, au bas
de cette lettre les noms de tous vos bienfaiteurs ; j'y joins aussi
les noms d e collègues et de prêtres nos frères, qui, présents
ici quand nous avons reçu, votre lettre, ont, selon leurs
movens, coutribué pour leur part à notre bonne œuvre; et,
outre la quotité fournie par nous, J O A ' O U S indique aussi dans
mon envoi les sommes qu'ils ont versées. Tous, selon la foi
et la charité, ont droit à vos prières et à vos pieux souvenirs.
Nous souhaitons, nos très-chers frères, que vous vous por-
tiez toujours bien, et que vous vous souveniez de nous.
LETTRE XXXIÏI.
AU CLERGÉ EX AUX FIDÈLES DE FUiWES, AU SUJET DE VICTOR
QUI AVAIT KOMUft TUTEUK TE PKÈTttE FAUSTIX.
Cctniuitis Ticlor ayant, contre le décret d'un coucile d'év&ptes, nommé
eu mourant Géminius Fausliu comme tuteur ou curateur, saint Cyprien.
défend que l'on offre le Saint-Sacrilico et que Ton fasse aucune prière
pour le repos de sou Ame, parce qu'il a détourné de l'autel et impli-
qué dans les embarras du monde un des ministres du Seigneur, qui,
ii l'exemple des ancieus Lévites, doivent être, tout entiers et sans dis-
traction, livrés à l'accomplissement des devoirs du culte»
1
CYPJMEN aux prêtres, aux diacres et aux fidèles do Furnes
salut.
« Furnes, ville Opiacopalo d'Afrique. Au temp^ où vivait salnKiypricn,
17.
m SELEC'M DIVI CYPRIANI EPIBTOL/E*
I. Graviter commoti sumus ego et collegœ mei qui pré-
sentes aderant, et coinpresbyteri nostri qui nobis assidebant,
fratres charissimi, cùm cognovissemus quôd Géminius Vic-
tor frater noster, de saeeulo êxcedens S Geminium Faustinum
presbyterum tutorem testamento suo nominaverit, cùm jam
pridem in concilio episcopofum statutum sit ne quis de cle-
ricis et Dei ministris tutorem vel curatorem testamento suo
constituât, quando singuli, divino sacerdotio honorati et in
clerico ministerio* constituti, non nisi altari et sacriliciis de-
servire, et precibus atque orationibus vacare debeant, Scrip-
tum est enim : Nemo militons Deo obligat se mokstiis sœcu-
a
laribus, ut possit piacere ei cvi se probavit . Quod cùm de
3
omnibus dictum sit, quantô magis molestiis et laqueis sse-
cularibus obligari non debent qui, divinis rébus et spirita-
libus occupali, ab Ecclesia recedere et ad terrenos et saecu-
lares actus vacare non possunt !
IL Cujus ordinationis et reiigionis formam lévite priùs
in lege tenuemut, ut, cùm terram dividerent et possession
nés partirentur undecim tribus, levitica tribus, qua> templo
et altari et ministeriis divinis vacabat, nihil de illa divisionis
portione perciperet, aed, aliis terram colentibus, illa tantùm
Deum coleret, et ad victura atque alimentum suum ab un-
decim tribubus de fructibus qui nascebantur décimas perci-
h
peret . Quod totum fiebat de auctoritate et dispositione di-
vina, ut, qui operationibus divinis insistebant, in nulla re
avocarentur, nec cogitare aut agere saecularia cogerentur.
Quae nunc ratio et forma in clero tenetur, ut qui in Ecclesia
* Baluze dit dans ses noies qu'il n'est fait mention nulle autre part
que dans cette lettre du concile dont parle ici saint Cyprien»
$00 SELECT/E DIVI CYPRIANI lSPiSTOL<tt.
1
Domini ordtnalione clerieà promoventur, in nulle ab admi-
nistratione divina avocentur, nec molestiis etnegotiis saseula-
ribus alligcntur, sed in honore sportulantium fratrum, tan-
quam décimas ex iïuetibus accipieules, ab allari et saeriiioiis
non recédant, sed die ac nocte eœiestibus rébus et spirilalibus
serviant.
EPISTOLA XXXIV.
AU NEA1ESIANUM ET C/ETËUOS MARTYRES IN METALLO
GOBSTITUTOB.
LETTRE XXXIV.
A NKMÊSIEN ET AUX AUTRES MARTYRS CONDAMNÉS
AUX MINES.
* Déjà le saint évêque était en butte à la persécution qui finit par son
martyre, puisqu'il se dit ici exilé et même confiné dans un lieu où
sans doute la haine des bourreaux le surveille en attendant qu'elle
puisse s'assouvir dans son sang. — Faut-il entendre ici la petite ville de
Curube, où saint Cyprien fut exilé par le proconsul Paternus, ou ses
propres jardins, dans lesquels il fut confiné par Galère Maxime, succes-
seur de Paternus P La seconde opinion est la plus probable.
301 SKLECÏVK DIVI UVP1UAM EPlSTOLiK.
iniis quot nunc dies numcrat in pœnis? Quœ qiudeui vobis,
fortissimi ac beatissimi fratres, pro merito religionis ac tidei
vestrae accidisse non miror, ut vos sic Dominus ad gloriarum
sublime fastigium clarificationis suae honore provexerit, qui
J
semper in EccJesia ejus custodito fidei tenore viguistis , con-
2
scrvantcs firmiler dominica mandata , in simplicitate imio-
ccntiam, in charitate concordiam, modestiam in humilitatc,
diligentiam in adminislratione • vigilantiam in adjuvandis
laljorantibus, misericordiam in tbvendis pauperibus. iu d o
feudendà veritate constantiam, in disciplinas severitate cen-
a
sura ui . Àc, ne aliquid ad exempluni bonorum faetorum
deesset ni vobis, etiam in conCessione nunc vocis et passione
4
corporis fratrum mentes ad divina martyria provocatis , du-
ces vos exbibendo virtulis*, ut, dum grex pas tores suos se-
quitur, et quod fieri a prsopositis ccrnit imitatur, paribus
obsequiorum merilis a l)omino eoronetur.
IL Quod autem, fuslibus cœsi priiis* graviter et afllicti, per
ejusmodi pœnas initiastis confessionis vestrae gloriosa pri-
7
mordia , exsecranda nobis ista res non est. Neque enim
ad fuites christianum corpus expavit, cujus est spes omnis
8
inligno . Sacramentum salutis SUOÎ Christi servus agnovit.
Kedëmptus ligno ad vitam a»temain, iigno provectus est ad
coronam". Quid verô mirum si vasa aurea et argentea in
mofalhim, id est, auri cl argcuti dosnicilium, dati estis, nisi
quod nunc metallorum natura conversa est, locaque qu<e ait-
rum et argcntum dare ante consueverant, aocipere cœperunl?
1
Six mss. anciens donnent, comme nous, custodito fidei tehore ri-
guistis; quatre antres, et même sept, anglais, plus modernes, donnent
custodiiee fidei tenore mguistis ; enfin trois autres portent custoditee
fidei vigorem tenuistis : même sens au fond.
* Au lien de dominica mandatai deux mss. ont divina mandata ;
différence légère qui ne change rien au sens.
5
La sévérité dans le maintien de la discipline.
A
Maintenant encore (dans les mines où vous <Mes).
;i
Dans un ms. ancien, au Heu ùç virtulis on lit virlntibus, qu'on
9
1
Vinculis ligaverunt. On mettait des entraves, des chaînes ou des
fers, comme on le fait encore aujourd'hui, aux pieds des condamnés à
mort ou à des peines aïflictives et infamantes.
* Au lieu de ligetur et spiritùs, plusieurs mss. donnent ligetur et
Christus, beaucoup moins bon, et même peu naturel.
3
Certains mss. orthographient autrement et donnent transversarûs.
H et\ certain qu'on dit transversus, et non traversus, a, um, de trans-
verto, quoiqu'on dise traduco plus fréquemment que îransduco. ~
Traversaria, orum, n. pl., sous-ent. ligna on ferramenia, traverses,
barres transversales h chaque bout desquelles une jambe était attachée,
l
ou p anches transversales percées à chaque bout, et dans les deux trous
desquelles les deux jambes du prisonnier étaient engagées et retenues
par le bas.
* Chair, muscles.
te
* Deut. vin* — Luc iv%
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN, 307
Hit On a mis aussi des entraves, à vos pieds, et vos mem-
bres saints, ces temples de Dieu, ont été chargés d'indignes
chaînes : comme si avec le corps on enchaînait aussi l'esprit %
ou comme si votre or se souillait au contact du fer ! Pour
des hommes consacrés à Dieu, et qui donnent la preuve de
leur foi dans leur religieux courage, ce sont là des ornements
et non des fers ; en unissant les pieds des chrétiens • loin de
les déshonorer, ils les glorifient et les rendent dignes de la
couronne. 0 pieds heureux d'être chargés de chaînes, que
desserrera non le forgeron, mais le Seigneur! 0 pieds sainte-
ment enchaînés, qui par la voie du salut marchent droit au
paradis! 0 pieds enchaînés dans le siècle un moment, pour
être toujours libres auprès du Seigneur! 0 pieds que les ceps
et les traverses font trébucher présentement, mais qui n'en
courront pas moins rapidement, et qui, d'une marche glo-
rieuse, iront rejoindre le Christ ! Qu autant qu'elle le vou-
dra, une envieuse ou atroce cruauté vous retienne ici dans
les liens et dans les chaînes dont elle dispose; en un mo-
ment, quittant la terre et ces misérables supplices, vous
arriverez au royaume des cieux. Dans les mines, votre
corps ne repose pas mollement sur un lit et sur des mate-
las; mais vous avez pour vous délasser les douces paroles
et les consolations du Christ. Fatigués de longs travaux, vous
êtes couchés sur la dure ; mais ce n'est pas une souffrance
d'y être couchés avec le Christ. Privés de bains, vos corps
sont couverts de crasse et de saleté; mais si au dehors la
chair est souillée, intérieurement l'esprit est net et pur. Vous
n'avez là que peu de pain ; mais ce n'est pas le pain seul qui
nourrit l'homme, mais aussi la parole de Dieu. Vous avez
froid et vous manquez de vêtements ; mais celui qui a revêtu
le Christ, est amplement vêtu et paré. Votre chef à demi
rasé porte des cheveux en désordre, mais comme le chef
d'un chrétien c'est le Christ, en quelque état que soit ce chef,
il est nécessairement beau, puisqu'il est ennobli par le nom
du Seigneur. Toute cette laideur, objet de dégoût et d'horreur
pour les Gentils, quel éclat doit lui succéder ! Et les souf-
frances éphémères que vous endurez dans ce monde, quel
1
Les Romains portaient la barbe rasée, les cheveux coupes court et
bien peignés. Ce membre de phrase peut donc indiquer un double désor-
dre dans la toilette des condamnés aux: mines, semitonsi capitis se
r;i('portant à la barbe, à moitié, c'cst-à-dirc mal faite, négligée, non
faite, et capilius horrescit exprimant le désordre de cheveux dont on ne
prend aucun soin. On peut aussi entendre le tout du désordre des che-
veux seulement, et semiionsnm capui voudra dire une tôle dont les
choyaux sont à moitié coupes, mal coupés, longs outre mesure parce
qu'on ne prend pas la peine de les rafraîchir.
* Au lieu de traduire caput pur té te, nous l'avons rendu par le root
chef, signifiant la même chose, bien que moins usité el déjà un peu
antique. Ce mot a l'avantage de présenter en français le même double
sens qu'a en latin capni, et sur lequel semble jouer ici l'auteur,
* Necesse est {ut s.*ent.) illud caput, qualecumquc {sit s.-ent.), deceai,
il est nécessaire que cette tétc, dans quelque état qu'elle soit, soit belle.
— Quod, etc..., puis lu'ellc est, etc..
1
Un ms. donne sacrificandi officia divina, locution moins bonne et
c
* Philip, v. — '» Psal. t. — Uom, x.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 309
glorieux et éternel honneur en sera la récompense, quand,
selon la parole «lu saint Àpotrc, le Seigneur aura transformé
nuire faible nature, et l'aura incorporée a sa nature glo-
rieuse î
1
La «loidile gloire de la virginité et du martyre, ou an moins de h con-
fession glorieuse de la fui. — Au lieu de gemina, donné par vingt et un
mss. et toutes les aacinmes éditions, cinq autres mss. donnent geminala,
moin* juste, parce que geminus veut dire double, au nombre de deux,
et geminatns veut dire redoublé, répété.
? A n lieuse exstdtantia, cinq nuat. donnneut exsultatio* Le premier
est plu? dans les habitudes et les analogies de la langue latine chré-
tienne.
a
Au lieu de de judicio Dei, beaucoup de ma*, donnent de judicii die,
moins bon, quoique présentant aussi un sens raisonnable et & peu piès
pareil.
4
Beau coup de mss. et d'éditions anciennes donnent in metallis, que
nous avons vu employé à propos page 304, ligne 25, où l'on pariait des
mines en général ; mais comme il s'agit ici de la seule mine où étaient
réunis les martyrs auxquels s'adresse saint Cyprien, cVst le singulier qui
convient.
b e
* Matth. v. — Ibid. xm. — Rom. vm.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 313
ronne, unis à vous par le lien de la plus ardenle charité, et
qui, ni dans la prison, ni dans les mines, ne se sont séparas
de leurs chefs. De ce nombre font aussi partie des vierges
qui, an produit de soixante pour uu, dont parle Phcriture,
ont réuni'le produit au centuple, et qu'une double gloire a
élevées à la couronne céleste. Des enfants même, montrant
une valeur au-dessus de leur âge, ont devancé leurs années
a
par la gloire de leur confession ; de façon qu'aux honneurs
du martyre votre troupe bienheureuse a pu présenter avec
orgueil des candidats de tous les sexes et de tous les âges,
EPISTOLA XXXV.
NEMESIANI, DATIVI, FELICIS ET VICTORIS RESPONSUM AD
CYPRIANUM.
LETTRE XXXV.
RÉPONSE DE NÉMÉSIEN, DE DATIF, DE FÉLIX
ET DE VICTOR A CYPRIEN.
Colle lettre et la suivante ne contiennent autre chose que des reniera-
ineuts à saint Cyprien pour la lettre précédente, el pour l'envoi d'un
secours destiné à soulager la misère des confesseurs condamnés aux
mines. La pluralité de leurs réponses à la lettre unique de saint C y -
prien, fait voir qu'ils étaient répartis daus plusieurs ateliers d ex-
ploitation»
À Cyprien leur frère, Némésien, Datif, Félix et Victor, sa-
lut éternel dans le Seigneur.
I. Toujours, cher Cyprien, selon la nature des circonstan-
ces, vous avez montré* dans vos lettres une profonde sagesse,
et leur lecture habituelle peut servir à la fois à corriger les
méchants et à fortifier les hommes de bonne foi. Constam-
ment occupé, en effet, à expliquer dans vos traités les mys-
tères sacrés de notre religion, vous nous faites grandir dans
la foi, et vous amenez à croire des hommes égarés dans les
embarras du siècle. Car, quelques perfections que vous ayez
retracées dans vos manuscrits, c'est toujours vous-même
dont, à votre insu, vous nous avez ainsi fait le portrait. Vous
êtes en effet, plus que personne au monde, grand dans l'ex-
position, éloquent dans la discussion, sage dans le conseil,
simple dans la patience, abondant en œuvres, incorruptible
en désintéressement, humble dans la soumission, et irrépro-
chable dans les bonnes actions de toute nature.
3iÙ SKLEC'iVK D1Y1 CYPIUANI El'JSTOL/K.
II. Scis et ipse, charissime, nostrum optabile votum esse
1
quùd te videainus doctorem el amatorem nostrum ad coro-
nam niaguas confessionis pervenisse. Nam, quasi bonus et
verus doctor, quid nos discipuli secuti apud prœsidem dicere
debcj'emus prior apud acta proconsulis pronuntiasti, et, tuba
2
eanens, Dei milites cœlestibusarmisinstructos ad congres-
sionis praelium excitasti, el in acie prima pugnaus spiriluali
gladio diabolum interfecisti; agmina quoquè fratrum bine el
8
inde verbis tuis composuisti , ut' insidkc inimico undiquo
tenderentur, et cadaveris ipsius public! liostis nervi concisi
3
calcarentur . Çrede nobis, charissime, quoniam non est a
centesimo praomio minor tua innocens anima; quae nec saj-
culi primos impetus timuit, nec ire in exsilium recusavil,
nec relinquere civilatem dubitavit, nec in deserto loco coin-
morari horruit, et, quoniam multis documentuin confessio-
6
nis dédit, ipsa marlyrium prior duxit . Alios euim ad mar-
tyria facienda excmplo suo provocavit; et non tanttim mar-
tyrum de sœculo jai-n excedentiiun socia essecœpit, sed et
cum futuris cœlesteiu amicitiam copulavit.
lit. Aguntergô tibinobiscumdamnatimaximas apud Deum
gratias, Cypriane dilectissime, quod litteris tuis laboranlia
pectora recreasti,fustibus vultierata membra curasti, eompe-
dibus pedes ligatos resoivisti, semitonsi capitis capillaturam
7
adasquasti , tenebras caireris illuminasti, montes mctalii in
8
planuui deduxLti, naribus etiam flagrantes flores impo-
1
Plusieurs mss. ne donnent pas et amatorem ; mais ces deux mots se
trouvent dans le plus grand nombre, et d'ailleurs Us ajoutent au sons.
* Armés (par vos soins) des divins enseignements.
3
Componere, ranger en bataille.
* Coupes la phrase, et au lieu de traduire littéralement uf, supprirnez-
le par la pensée, et dites, d'une manière plus vive et plus française :
« Par vos soins des embuscades ont été de tous côtés tendues à notre ad-
versaire, par vos soins le corps privé de vie el les membres déchirés de
cet ennemi public ont été foulés aux pieds de nos soldats. »
tf
Plusieurs mss. donnent : et cadavera ipsius publici hostis el nervi
concisi calcarentur. Mais, comme le remarque Baluze, ccrlum est non
esse plara cadavera in uno hoste. Le singulier est donc préférable.
* Duxit, a conduit, a guidé, a donné le signal de. C'est dans ce scti3
qu'Horace a dit : ducere choreas.
7
Vous avez égalisé, arrange convenablement, élégamment disposé.
B
Au -lieu de frayrantes, se rapportant ;\ flores, un m s . donne fragran-
tibus, se rapportant à naribus ce qui donuc uu sens bien moins gra-
y
cieux.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 3 1 7
EPÏSTOIA XXXVI.
AD EUMDEM LUCII ET CiETERORUM MARTY1UÎM REBPONSUM.
Lettre de reconnaissance écrite par Lucius et les autres martyrs ses corn-*
pagnons à saint Cyprien.
LETTRE XXXVL
RÉPONSE AU MÊME DE LUCIUS ET DES AUTRES MARTYRS»
donnent quos patienter ferimus, bien moins bon, en ce qu'il n'est pas
convenable que les martyrs fassent eux-mémes leur éloge en parlant
de Jeur patience. Cette leçon vient sans doute de la manie de corriger
qu'avaient quelquefois les copistes.
822 SELECTE DIVI C Y P R I A N I EPISTOLJE,
EPISTOLA XXXV1L
1
CYPRIANI AD SEBGIUAI ET ROGATIÀNUM E l CJETEROS CON-
FESSORES IN CARCERE CONSTITUTOS.
LETTRE XXXVII.
DE CYPRIEN A SERGIUS, A ROGATIEN ET AUX AUTRES
CONFESSEURS ACTUELLEMENT EN PRISON.
qui serait tout aussi bon. — Sur la cause de cette impossibilité, voyez
page 303, note «,
* Les saints martyrs dont on vient de lire les deux lettres, furent mis
à mort le 10 septembre de l'un 200, sous l'empire de Valérien et de G a i -
lien,
m SELEGTJt DIVI CYPRIANI EPISTOLiE.
mitto, quibus gratulor pariter et exhorter ut in confessions
cœlestis gloriae fortes et stabiles perseveretis, ol, ingressi
J
viain dorainicœ dignationis, ad accipiendam coronam spiiv
tuali virtute pergatis, babentes Dominum protectorem et
ducem, qui dixit ; Ecce ego vobiscum sum omnibus diehus
û
usque ad consummationem mundi . O beatum carcerem quem
illustravit vestra praesentia*! o beatum carcerem qui homi-
nes Dei rnittit ad cœlum! o tenebras lucidiores sole ipso et
3
luce hàc mundi clariores , ubi modù constituta sunt Dei
templa ët sanctificanda divinis confessionibus membra
vestra.
III. Nec quidquam nunc versetur in cordibus et menlibus
vestris, quàm divina praecepta et mandata cœlcstia, quibus
vos ad tolerantiam* passionis Spiritus sanctus semper ani»
mavit. Nemo mortem eogitet, sed immortalilalcm, nec tem-
porariam pœnam, sed gloriam sempiternam, cùm scriptum
h
sit: Pretiosa est in cmspeetu Domini mors justorum eji<s ;
et iterum : Sacrificium Deo spiritus contribulatus^ cor con-
tritum et humiliatum Deus non despicit*; et iterum, ubi
loquitur Scriptura divina de tormentis quœ martyres Dei
consecrant et in ipsa passionis probatione sanctificant : Et
si coram Jiominibus tormenta passi sunt, spes eorum immor-
talitate plena est. Et in paucis vexati, in multis bene dispo~
nentur^ quoniam Deus ten ta vil illos, et invertit illos dignos
se. Tanquam aurum in foraace probavit illos, et quasi holo-
causti hostiam accepit illos, et in tempore erit respectas illo-
rum. Fulgebunt justi et tanquam scintillœ in arundineto
%
de hoc verbo respondere tibi. Est enim Deus, cui nos servi-
mus, potens eripere nos de carnino ignis ardentis, et de ma-
nibus tufs, rex> liberabit nos. Et si non notum tibi sit
y
qu'un moment, et n'était pas vingt fois interrompu pour que la violence
des tortures pût à la longue triompher de leur constance. Une fois livrées
à leurs bourreaux, que dis-je ? à leurs accusateurs, il n'y avait plus à re-
venir; nul désaveu de leurs convictions ou de leurs sentiments ne pouvait
les sauver, et tout était fini pour elles : mieux donc valait alors un glo*
rieux courage qu'une faiblesse et des larmes Inutiles. Heureuses de plus
quand elles laissaient à l'abri du danger une famille et des objets chéris,
qu'elles mettaient tout en œuvre pour sauver ! La femme, la vierge mar-
tyres étaient au contraire amenées par degrés de souffrances progressi-
ves au dénouement fatal* Vingt fois interpellées, au milieu des tortu-
res, elles pouvaient à chaque instant renoncer à cette pernicieuse folie
de la croix, et, d'un mot, ressaisir la vie et ses douceurs. Aux unes, on
promettait avec la-liberté le repos de leurs parents, chrétiens comme
elles; aux autres, quelquefois une alliance qu'eussent enviée les descen-
dantes des plus illustres familles \ Mais, et c'est là ce qui distingue des
autres femmes courageuses les victimes de la persécution chez les païens,
non»seulement elles persévèrent jusqu'au bout, sans que ni menaces ni
tortures puissent vaincre leur résolution, sans que promesses, flatteries
ou caresses puissent les séduire, mais encore elles foulent aux pieds, sans
* Sainte Felicula, Jeta Marlyrum, vol. i, page 66.
LETTRES CHOISIES DK SAINT CYPRIEN. 329
fants reproduisant en eux le fait qu'accomplirent jadis Ana-
nie, Azarie et Misael, ces glorieux enfants qui, renfermés
dans une fournaise, triomphèrent du feu et trouvèrent dans
les flammes elles-mêmes un rafraîchissement, parce que le
Seigneur était là avec eux, et prouvait que sur ses confes-
seurs et ses martyre l'ardeur des flammes les plus violentes
ne pouvait rien, et qu'au contraire ceux qui croyaient en
Dieu étaient toujours sains et saufs au milieu des supplices,
et en sûreté au milieu des périls.
qu'il leur en coûte rien, pour ainsi dire, les affections les pins douces et
les plus intimes. Ou plutôt cette tendresse pour un père, pour des fils,
pour un époux, leur inspire de nouveaux et sublimes sacrifices ! Elles
n'auront pas de repos qu'elles n'aient assuré, en même temps que le leur
propre, le salut éternel ;de ces objets de leur amour. Païens, elles les
éclairent et les convertissent à la fol ; persécutés, elles les encouragent ;
elles soutiennent, fortifient leurs enfants, leurs époux au milieu des sup-
plices *. Mais aussi honte et malheur à l'époux qui faiblirait dans ces
rndes épreuves ; car c'est avec une sainte indignation que la femme
chrétienne l'accueillera. Ainsi chez elles la foi a vaincu la nature;
elles se sont élevées non-seulement, comme le dit notre auteur, au*
dessus de leur sexe, mais au-dessus môme de l'humanité.
* Sainte Félicité, Acta, vol» n, page 110.
330 S E L E G T J B DIVI C Y P R I A N I E P I S T O L A .
VU. C'est aussi cette foi dont vous êtes pénétrés, et qui
nuit et joui' fait l'objet de vos méditations. Dévoués à Dieu
de tout cœur, méprisant le présent, vous ne songez qu'à l'a-
venir, afin de pouvoir arriver au royaume éternel, jouir de
la présence de Dieu, recevoir ses embrassemenls et ses bai-
sers. Pour cela, suivez en tout le prêtre Rogatien, ce gio*
rieux vieillard qui, par sa piété courageuse et avec le secours
de la grâce divine, vous fraie la route à la gloire de notre
temps; qui, bravant avec notre frère Félicissime, toujours
calme et sage, les assauts d'un peuple en furie, vous a pré-
paré un premier logement dans la prison, et, votre fourrier
pour ainsi dire, aujourd'hui encore marche devant vous.
Afin que ces grâces s'accomplissent en vous, nous deman-
dons continuellement au Seigneur, dans nos prières, que
vous couronniez votre début par une fin glorieuse, et que
celui qui vous a donné de confesser son nom, vous accorde
aussi la grâce de la couronne.
EPISTOLA XXXVIII.
AD SUCCESSUM , DE NUNTHS ROMA REVERSIS PERSECUTIONS!»
NLTSTIANT1BUS.
LETTRE XXXVIII.
A SUCCESSUS, AU SUJET DE MESSAGERS REVENUS DE ROME
ET ANNONÇANT UNE PERSÉCUTION.
EPISTOIA XXXIX.
AD CLERUM ET PLEBEM, DE SCO SECESSU PAULO ANTE
PASSIONEM.
Fermeté de saint Cyprien sur le point de recevoir la couronne du
martyre.
CYPRIANUS presbyteris et diaconibus et plebi universee sa-
lutem.
Cùm perlatum ad nos fuisset, fratres charissimi, frumen-
1
tarios esse missos qui me Uticam perducerent, et consilio
b
charissimorum persuasum esset ut de hortis nostris inté-
rim secederemus, justâ interveniente causa consensi, e6
1
Les Frumentarii (traduisons Frumentaires) étaient un corps d'éclaN
reurs, ou plutôt un ordre d'employés d'administration militaire, attaché
à chaque légion. Ils avaient pour emploi de pourvoir de blé, etc., la lé-
gion à laquelle ils appartenaient. En temps de guerre, occupés à fourra-
ger, ils faisaient aussi au domicile des citoyens (et cela, même en temps
de paix), sous prétexte d'assurer la subsistance de l'armée, des perquisi-
tions assez vexatoires, au moyen desquelles, pénétrant partout, inspec-
tant tout, ils avaient l'occasion d'arrêter les personnes suspectes, mission
qu'ils reçurent au reste fréquemment de l'autorité elle-même. Aurélius
Victor (voir le Glossaire de Ducange, au mot Frumentarti) les dit insti-
tués spécialement pour épier et dénoncer les attentats conlre la sûreté
de l'État. Or le christianisme, dans ces temps d'ombrageuse tyrannie,
n'était-il pas un crime d'État au premier chef, le crime d'État par ex-
cellence P U est donc naturel de penser que les Frumentaires, cumulant
alors avec les fonctions de mouchards celles de sbires ou estaffiers,
avaient souvent à opérer l'arrestation de ces ennemis de l'État et du
prince, de ces grands coupables qu'on appelait les chrétiens. Le com-
mencement de cette lettre indique en effet que le proconsul d'Afrique
avait lâché à la piste de saint Cyprien, et chargé du soin de le pren-
dre et de le conduire à Utique, quelques-uns de ces limiers de la police
impériale.
Celte leçon Frumentarios est donnée sans variante par Baronlus, le
père de notre histoire ecclésiastique. Or, Baronius travaillait aux bi-
bliothèques de l'Oratoire et du Vatican, de toutes, sans contredit, les
plus riches en manuscrits.
Au lieu de frumentarios, plusieurs éditions de saint Cyprien portent
commentarios, accompagné, dans Tune d'elles, de cette note : COMMEN-
TAnu sive COWMENTÀTUENSES, ii erant quibus damnatorum cura commit-
tebatur, vel carcerum custodes; note certainement erronée, car com-
LETTRES CHOISIES DE SAINT. CYPRIEN. 337
LETTRE XXXIX.
AD CLERGÉ ET AUX FIDÈLES, SUR SA RETRAITE PEU DE
TEMPS AVANT SON MARTYRE.
Saint Cyprien étant revenu, vers la fin de sa vie, habiter ses jardins, ou
lui annonça que des émissaires avaient été chargés de l'arrêter et de
le conduire à Utique pour y être livré au supplice. A cette nouvelle
il se déroba à leurs recherches. Et, pour qu'on ne crût pas qu'il
avait cédé à la craiute en agissant ainsi, il explique dans cette lettre
le motif de sa conduite : c'est qu'il n'a pa3 voulu subir le martyre
autre part qu'à Carthage, au milieu des fidèles qui lui out été con-
fiés.
FINIS.
LETTRES CHOISIES DE SAINT CYPRIEN. 339
gneur, tandis que l'objet de toutes mes prières et de tous mes
vœux est, comme c'est aussi mon devoir, de confesser pour
vous et pour moi au milieu de vous, d'y subir le martyre,
et de m'élancer du milieu de vous dans le sein du Seigneur.
J'attends donc ici dans un asile caché l'arrivée du proconsul
lors de son retour à Carthage , prêta entendre de sa bouche
les ordres des empereurs * concernant les chrétiens, laïques ou
évèques, et à lui répondre ce qu'au moment suprême le
Seigneur voudra que je lui réponde.
II. Pour vous, mes très-chers frères, selon les enseigne-
ments lires des préceptes du Seigneur, que je vous ai tou-
jours donnés, et conibnnémentaux principes que très-souvent
vous avez puisés dans mes enseignements, tenez-vous calmes
et tranquilles, et qu'aucun de vous n'excite de tumulte contre
ses frères ou ne se présente de lui-même aux gentils \ Ce
n'est en effet que quand il est arrêté et livré aux magistrats,
que le chrétien doit parler, parce qu'à ce moment c'est le
Seigneur qui, présent en nous, parle par notre bouche. Ce
qu'il nous demande, c'est de confesser le nom chrétien, mais
non d'en faire parade. Quant à ce que nous devons observer
au surplus avant que le proconsul prononce son arrêt contre
moi, comme coupable cf avoir confessé le nom de Dieu, les
instructions du Seigneur nous aideront à régler tout cela
en commun.
Que le Seigneur, mes très-chers frères, vous maintienne à
l'abri de tous périls au sein de son Église, et qu'il daigne vous
c
prendre sous sa garde. Ainsi soit fait par sa miséricorde .
a Valérien et Gallien.
* « Et que personne d'entre vous n'excite (par son zèle inconsidéré) de
» tumulte contre ses frères (n'ameute contre eux la populace païenne). »
Ce sens est conforme à l'emploi usuel du verbe movere. Si l'auteur eût
voulu dire : « Et que personne d'entre vous n'excite de tumulte parmi
» ses frères (ne les excite h la révolte) », il aurait probablement, au lieu
de fratribus seul, mis in fratribus. On trouve d'ail le m s souvent ce cor.-
seil aux fidèles, de ne pas irriter les païens par les éclats d'une ferveur
imprudemment déployée.
c On ne peut lire sans une vive émotion ces deux dernières lettres $ la
seconde surtout, admirable par sa simplicité, va droit au cœur, qu'elle
remue profondément.
FIN.