Knoll, Schmitt & Bayad D

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Du plan d’affaires à la formation au plan d'affaires :

Le plan d'affaires vu comme un outil


d'intermédiation et de structuration dans la
conception des organisations

Lionel KNOLL*
Agent de développement économique à la Chambre de Métiers de la Moselle,
Chargé de mission création d’entreprise artisanale pour le département mosellan
Ancien directeur de la Boutique de Gestion des Trois Frontières
Intervenant dans des formations à l’Entrepreneuriat à l’Université de Metz

[email protected]

Christophe SCHMITT**
Maître de conférences en gestion
Responsable pédagogique des activités en économie/gestion pour l'ENSAIA
Ancien chargé de mission « Entrepreneuriat » pour l’Université de Metz.
Ancien responsable du DESS Entrepreneuriat et Développement des PME à l'IAE de Metz

[email protected] nancy.fr

Mohamed BAYAD***
Professeur des Universités
IAE de Nancy
Fondateur et ancien responsable du DESS Entrepreneuriat et
Développement des PME à l'IAE de Metz

[email protected]

* Chambre de Métiers de la ** ENSAIA *** GREFIGE,


Moselle, Direction des 2, Avenue de la Forêt de Pôle Lorrain de Gestion
Affaires Economiques Haye, BP 172 13, rue Michel Ney
5 boulevard de la Défense 54505 Vandœuvre lès 54000 Nancy
CP 97803 Nancy Cedex
57078 METZ CEDEX 3

Résumé : Enseigner l’entrepreneuriat nécessite de sérier tant le contenu que les moyens à mettre en œuvre.
Concernant plus particulièrement ce dernier point, notre communication se propose de s’interroger sur la place
de l’apprentissage du plan d’affaires dans l’enseignement de l’entrepreneuriat. Pour ce faire, notre
communication se propose de revenir sur différentes expériences menées par les auteurs dans ce domaine. Le
travail présenté se décomposera en deux temps. Il semble nécessaire tout d’abord de positionner la pratique du
plan d’affaires dans le parcours du porteur de projet en amont de l’immatriculation au Centre de Formalités des
Entreprises. A partir de ce premier niveau d’analyse, nous présenterons un compte – rendu d’expériences
pédagogiques construites autour de l’apprentissage du plan d’affaires. Enfin, nous reviendrons sur les apports
et les limites rencontrés par rapport à ce type de pédagogie, notamment aux fins d’identifier de nouvelles
perspectives de travail.

Mots clés : Entrepreneuriat – Projet – Création d'entreprise – Plan d’affaires – Apprentissage

1
Du plan d’affaires à la formation au plan d'affaires :
Le plan d'affaires vu comme un outil
d'intermédiation et de structuration dans la
conception des organisations

Table des matières

1. Réflexions autour du statut de l'outil "plan d’affaires" .......................................................... 4


1.1. Emergence d'une démocratisation de l'outil "plan d’affaires" : de l'idée au projet ......... 4
1.2. Le plan d'affaires : entre résultat et processus................................................................. 5
1.3. Le plan d'affaires : outil de structuration et d'intermédiation.......................................... 6
1.4. Eléments de modélisation du plan d'affaires ................................................................... 7
1.5. Plan d’affaires et pratiques entrepreneuriales ................................................................. 9

2. Développement d’une pédagogie centrée sur l’apprentissage du plan d’affaires ................ 10


2.1. La place du plan d'affaires dans une approche systémique du projet entrepreneurial .. 10
2.2. Le cadre de la démarche ................................................................................................ 11
2.3. Présentation des différentes composantes de la démarche ............................................ 12
2.4. Apports et limites d’une démarche pédagogique construite autour de l’apprentissage du
plan d’affaires....................................................................................................................... 16
2.4.1. Les apports ............................................................................................................. 16
2.4.2. Les limites .............................................................................................................. 17

Conclusion et perspectives....................................................................................................... 18

Eléments bibliographiques ....................................................................................................... 19

2
Certains sondages font état d’un véritable engouement des français à l’idée de créer une
entreprise. En 2002, 15 millions de français souhaitent créer leur entreprise (APCE - IFOP,
2002). Dans les faits, seulement 170 000 à 180 000 entreprises sont effectivement
enregistrées tous les ans. Cependant, une jeune entreprise sur deux ne verra pas son 6ième
anniversaire 1 . En France, seules 43 % des créations ex–nihilo (créations pures) survivent à 5
ans contre 62 % pour les reprises (INSEE, 2001). Même si la valeur scientifique de tels
sondages est discutable, il n’en demeure pas moins une tendance lourde en ce qui concerne la
création en France. D'ailleurs beaucoup d'actions portent actuellement sur l'aide à la création2 .
Mais derrière ces chiffres se cache une certaine hétérogénéité du processus de création
d'entreprise liée notamment aux situations rencontrées. Il ne suffit pas d'aider à la création,
mais il faut aussi et surtout favoriser la pérennisation des entreprises. Dans ce contexte, la
plupart des études dans le domaine montre que :
? la qualification professionnelle est un facteur déterminant de la réussite du projet : les
artisans – commerçants connaissent un taux de survie de leur entreprise qui dépassent 65
% à 3 ans et 62 % à 5 ans. A l’opposé, les étudiants et les inactifs créent des entreprises
nettement plus fragiles : respectivement 41 % et 25 % d’entre elles survivent à 5 ans.
? bien qu’il existe plus de 3 000 organismes de soutien aux créateurs d’entreprises en
France (Conseil Nationa l de la Création d’Entreprises, 1999), seules 53 % des
entreprises créées ont fait appel à du conseil préalablement à l’immatriculation à un
Centre de Formalités des Entreprises. Ce recours au conseil dévoile des chances de
succès plus importantes. En effet, à 5 ans, les entreprises ayant bénéficié de conseil
survivent à plus de 50 % contre seulement 45 % pour les autres (INSEE, 2001).
? il en va de même pour les porteurs de projets qui suivent une formation. Ainsi, moins
de 10 % des nouveaux entrepreneurs ont recours à des programmes de formation
orientés vers leurs besoins (Julien, 2000). Là encore, le taux de survie après 3 ans des
nouvelles entreprises ayant suivi une formation est plus élevé que celui de la moyenne
des nouvelles entreprises.
Pour faire face à ces différentes hypothèses des échecs et afin de favoriser la pérennité de
l'organisation, les entrepreneurs peuvent utiliser des outils de gestion appropriés. Mais la
difficulté réside essentiellement dans le fait qu'il s'agit d'un exercice de style particulier. En
effet, non seulement les entrepreneurs ne sont pas toujours familiers avec les outils de gestion
mais en plus le processus de création n'est pas un objet de routines au niveau de l'entrepreneur
(ce dernier ne sera pas amené à créer beaucoup d'entreprise dans son existence !) rendant
difficile la construction de savoirs (Bengozhi, 1995) autour du thème de la création. Parmi, les
différents outils de gestion à la disposition des entrepreneurs, il en existe un qui fait quasi
l'unanimité auprès des différents acteurs de la création d'entreprise : il s'agit du plan d'affaires
(ou business plan). Au cours de ces dernières années, le plan d'affaires est devenu un outil très
répandu3 dans le domaine de l'entrepreneuriat. La portée de cet outil dépasse largement le
domaine de la création d'entreprise, pour se porter également sur celui de l'innovation, du
développement de produits et de services ou encore de la reprise d'entreprise (De Koning,
2000). Petit à petit, il s'est imposé comme un outil de référence dans le domaine de
l'entrepreneuriat, mais une fois n'est pas coutume, son développement est dû à celui des
projets au sein des grandes entreprises, notamment comme outil d'évaluation du projet. Il
convient de rajouter sur le rôle joué par le plan d'affaires, que son utilisation, voire sa
démocratisation en fait aussi un outil de formation privilégié (Fayolles, 2000).

1
Rappelons à ce sujet que seules 17 % des nouvelles entreprises subiront l’échec d’un dépôt de bilan avant 5 ans
2
Comme par exemple le récent travail du gouvernement, à travers notamment la loi de Renaud Dutreil pour
l'initiative économique qui a été adoptée définitivement ce 21 juillet 2003.
3
Pour s'en rendre compte, il suffit de regarder le nombre d'ouvrages et de sites Internet consacrés à ce domaine.
Même Microsoft met à disposition sur son pack office, des conseils sous forme de didacticiel à l'usage des
acteurs de la PME.
3
A partir de ces différents constats, notre communication s'articule autour de la question
suivante : "Pourquoi favoriser l'utilisation du plan d'affaires comme outil lié à
l'entrepreneuriat et à la formation à l'entrepreneuriat ?". Les éléments de littérature concernant
ces différents aspects sont peu nombreux. Aussi, il nous a semblé intéressant d'essayer
d'apporter des éléments autour d'une réflexion qui se veut avant tout exploratoire. Pour cela,
nous nous sommes appuyés sur deux points essentiels :
1.des expériences menées à différents niveaux (de bac +1 à bac +5). Ces expériences ont
été mises en place en Lorraine et au Maroc auprès de publics différents (formation
initiale et continue) et dans des établissements différents (en cycle ingénieur et
notamment à l'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie et des Industries Alimentaires
de Nancy, l'UFR Etudes Supérieures de Management dans le cadre du DESS
"Entrepreneuriat et Développement des PME" de Metz, ou encore à l'Institut Supérieur
d'Informatique Appliquée et de Management d'Agadir).
2.des approches didactiques centrées sur l’apprentissage du « plan d’affaires ». Nous
avons cherché non seulement à mettre en évidence son intérêt pour l’entrepreneuriat, et
également à développer des outils appropriés dans une perspective d’ingénierie
pédagogique. Ces outils vulgarisés ont pour vocation la formation et l’aide à la décision
dans les choix stratégiques (hypothèses cohérentes de chiffre d’affaires prévisionnels,
nombre de productifs, politique commerciale …) de départ du porteur de projet.
Dans cette perspective, notre contribution se structure autour de deux parties. La première
partie a pour volonté de discuter le statut de cet outil. L’accent est mis tout particulièrement
sur la forte utilisation démocratisée du plan d’affaires (§1.1), pour ensuite présenter le statut
constructiviste de cet outil (§1.2 et §1.3). A partir de ces résultats partiels, nous proposons une
modélisation du plan d'affaires (§1.4). Un dernier point aborde des éléments de cadrage des
pratiques entrepreneuriales, par rapport au plan d'affaires, en amont de l’immatriculation au
Centre de Formalités des Entreprises (§1.5). Si nous considérons le plan d'affaires comme
favorisant une démarche heuristique, il est important dans une seconde partie, de se pencher
sur la question du "comment " afin de rendre actionnable nos différents résultats de recherche.
Nous présentons ainsi la démarche d’apprentissage du plan d’affaires que nous avons
privilégié (§2.1 et §2.2). Il s’agit là, avant tout, de faire un compte rendu d’expériences
pédagogiques (§2.3). A partir de cette description des différentes phases de la démarche, nous
avons cherché à mettre en évidence les apports et les difficultés rencontrées par rapport à
l'utilisation pédagogique du plan d'affaires (§2.4). Au final, il s’agit d’apporter un éclairage
sur des perspectives nouvelles d’accompagnement des entrepreneurs.

1. Réflexions autour du statut de l'outil "plan d’affaires"

1.1. Emergence d'une démocratisation de l'outil "plan d’affaires" : de l'idée au projet

La notion de projet n'est pas nouvelle. Elle est le reflet de différentes préoccupations à travers
le temps. Quelle que soit l'époque envisagée, cette notion renvoie à un paradigme basé sur la
volonté de tout maîtriser et / ou de tout (ré)orienter. Elle témoigne de cette distanciation entre
des activités courantes, répétitives et qui accaparent le quotidien et des activités d'anticipation
se positionnant sur le moyen et le long terme. Il ne s'agit pas de n'importe quelle forme
d'anticipation. Cette anticipation constitue « une forme typique de la culture moderne en
associant de façon autonome mais liée » (Joly et al., 1994) deux mome nts dans tout projet : le
moment de la conception4 et le moment de la réalisation.

4
Il s'agit bien ici de concevoir au sens de Simon, c'est-à-dire inventer des artefacts évolutifs permettant
d'atteindre des buts. Dans cette perspective, "quiconque imagine quelques dispositions visant à changer une
situation existante en une situation préférée est concepteur" (Simon, 1991).
4
Longtemps, ces deux éléments sont restés confondus au sein de l'activité artisanale, se
concrétisant par une sorte de "bricolage" fait d'essais et d'erreurs. La prise de conscience de
ces deux moments (conception – réalisation) se situe dans les années 1420 avec la volonté de
mettre en place de façon plus systématique des démarches appropriées pour conduire les
projets (Boutinet, 1993). L'émergence de ces deux temps dans les projets se traduit du point
de vue linguistique par le terme disegno (cher à Léonard de Vinci), qui peut se différencier en
disegno interno (dessein – conception) et disegno externo (dessin – réalisation).
Parallèlement à cela, pour concevoir son projet, l'entrepreneur doit disposer non seulement
d’un certain nombre d'outils plus ou moins bien formalisés mais aussi de partenaires qui sont
souvent limités aux banquiers et aux comptables. Ces interlocuteurs privilégiés des
entrepreneurs ont assez naturellement développés des outils basés sur l'approche quantitative
et plus particulièrement permettant de traduire la réalité comptable des projets5 . Il convient de
souligner qu'actuellement le nombre et la variété des partenaires tendent à augmenter, sans
pour autant favoriser l'accès à l'information pour les porteurs de projet.
Dans cette perspective, les besoins des entrepreneurs sont doubles :
1.permettre le passage de la conception à la réalisation,
2.mais aussi pouvoir communiquer avec les partenaires (directs ou indirects) du projet.
L'émergence d'outils tels que le plan d'affaires va dans cette direction6 . De façon plus
générale, le plan d'affaires doit être considéré comme une ressource symbolique (Girin, 2000).

1.2. Le plan d'affaires : entre résultat et processus

Globalement, l'intérêt de l'utilisation du plan d'affaires ne fait plus de doute, mais


actuellement peu de travaux de recherche se sont penchés sur les fondements de cet outil. A
l'heure où le plan d'affaires est avant tout utiliser comme un outil normatif, il nous est apparu
intéressant de proposer de l'envisager différemment. Dans cette réflexion exploratoire, nous
nous sommes penchés sur le statut du plan d'affaires. La thèse centrale de ce texte est que ce
statut oscille entre deux positions pragmatiques :
? d'un côté, le plan d'affaires est envisagé comme un outil avant tout de communication.
Dans cette perspective, l'accent est mis avant tout sur le plan d'affaires comme résultat.
L'approche retenue ici permet d'envisager le plan d'affaires comme une notion discrète.
D'un point de vue théorique, cela renvoie au courant de "pensée qui réunit dans une
certaine continuité historique, positivisme et cognitivisme" (Lorino, 2002). L'efficacité
de l'outil repose essentiellement sur sa capacité à répliquer la réalité du projet et à la
simuler. En reprenant les termes de Simon (1991), nous parlerons de computation.
? de l'autre côté, le plan d'affaires est envisagé avant tout comme un outil favorisant la
conception et la structuration du projet. L'accent est mis ici sur l'aspect processuel du
plan d'affaires. Ce dernier est envisagé non plus comme une notion discrète mais bien
comme une notion continue. Du point de vue théorique, cette approche s'inscrit dans le
courant constructiviste de gestion. Dans cette perspective, le plan d'affaires peut être
envisagé comme un objet d'intermédiation favorisant une démarche heuristique de
construction de la réalité.
Comme bien souvent, ces différentes réalités données au plan d'affaires ne doivent être
envisagées de façon dichotomique mais bien comme une combinaison des deux. En effet le
statut des outils est largement dépendant des fondements sur lesquels les acteurs se reposent.

5
Pour mémoire, rappelons que les premières techniques comptables s'affirment en Italie. C'est en 1494 que Luca
Pacioli publie son célèbre traité de comptabilité à partie double.
6
Avant l'utilisation régulière des plans d'affaires, entrepreneuriat et improvisation ont longtemps cohabités. En
effet, l'entrepreneuriat était souvent limité à l'artisanat. Dorénavant, les nombreuses décisions à prendre ne
s'improvisent plus.
5
Dans notre contribution, nous nous pencherons plus particulièrement sur le statut
constructiviste du plan d'affaires.

1.3. Le plan d'affaires : outil de structuration et d'intermédiation

Dans ce sens, il permet de remplir deux fonctions principales :


? il favorise la structuration du projet. En d'autres termes, le plan d'affaires peut être
considéré comme une modélisation systémique dans le sens où il représente une réalité à
venir. Le plan d'affaires joue donc un rôle important dans le projet dès l'amont, c'est-à-
dire au niveau de l'idée. Par rapport à ce qui est demandé dans un plan d'affaires, ce
dernier participe grandement à la conception du projet. En d'autres termes, il favorise le
passage de l'idée au projet. La dimension stratégique devient donc essentielle dès les
premiers instants de la réflexion du projet (Bruyat, 1993).
? et il est un instrument du dialogue et de construction vers l'environnement du projet. Il
est utilisé comme un objet d'intermédiation (Avenier, 2000). De plus, le plan d'affaires
interpelle sur son rapport au réel. Dans cette perspective, il vise un rapport de
représentation et d'intentionnalité (Jeantet et al., 1996). Sa position intermédiaire va
donc permettre de favoriser la dialectique reliant conception et réalisation (Schmitt et
Bayad, 2003a). Au final, nous pouvons parler alors d'outil d'aide à la conception et à la
réalisation.
Le plan d’affaires se présente donc comme un outil de gestion qui se révèle particulièrement
utile dans le cas de création d'une nouvelle entreprise, lancement d'un nouveau produit,
d'attaque d'un nouveau marché, de conclusion d'une importante collaboration industrielle ou
commerciale, de recherche de nouveaux partenaires financiers... Ainsi, comme la plupart des
outils, le plan d'affaires a été mis en œuvre dans une perspective d'usage unique mais très
rapidement les usages se sont diversifiés. Il s'adresse autant au porteur de projet, qu'à :
? son environnement proche, pour expliquer ce que le porteur souhaite développer ou pour
rechercher du soutien technique, partenarial …
? des partenaires financiers, tels que des banques pour l'obtention d'un emprunt, les
pouvoirs publics pour une demande de subvention …
? des investisseurs (futurs associés, le cas échéant !), pour acquérir leur confiance et leur
soutien financier.
En devenant un outil incontournable de la gestion des projets, le plan d’affaires s'est donc
largement démocratisé ces dernières années. Domaine d'expertise des experts comptables, tout
d’abord, il est devenu un outil vulgarisé accessible par tout à chacun, aujourd’hui. Pour s'en
persuader, il suffit de regarder le nombre important d'acteurs impliqués dans le
développement des projets et proposant pour ce faire de retraduire les hypothèses de
développement à travers la formalisation d’un plan d’affaires. Tous les concours à la création
d’entreprise incitent les porteurs de projet d’activité à présenter leur propre plan d’affaires.
Sur Internet, il est dès lors possible de télécharger des outils gratuits de formalisation7 .
Actuellement, l'apprentissage du plan d’affaires est enseigné dans des endroits aussi divers
que lors du Stage de Préparation à l'Installation des futurs artisans, ou encore du Brevet de
Maîtrise Supérieure des Artisans, dans les SIFE Créateurs pour les demandeurs d’emploi8 ,
mais aussi dans les universités pour des étudiants en formation initiale et continue. Dans cette
perspective, le plan d'affaires est associé à des pratiques.

7
Comme par exemple : www.apce.com, www.cm-nancy.fr, www.business-plan-capalpha.com …
8
SIFE signifie = Stage d’Insertion et de Formation à l’Emploi. Les SIFE sont financés par l’Etat via la
DDTEFP ; en ce qui concerne les SIFE Créateurs, leur gestion opérationnelle est assurée par l’ANPE.

6
1.4. Elé ments de modélisation du plan d'affaires

Concrètement, le plan d’affaires vise à présenter la stratégie de développement de l'entreprise


et/ou de son projet (Bruyat, 1999). Tous les aspects de l'activité (produits, marchés,
marketing, production, recherche & développement, financement s, organisation, profil des
entrepreneurs) seront ainsi passés en revue en essayant de renseigner au mieux ces différents
éléments. Il permet donc d'évaluer le projet à deux niveaux bien distincts et complémentaires :
? la maturité du projet : de faire la différence entre une simple idée et la réelle opportunité
d'entreprendre
? les différents points de cohérence du projet (Marion et Senicourt, 2003)
Il se compose de trois parties principales qui cherchent à mettre en adéquation :
? le porteur et son équipe. A travers ce volet, il s'agira d'insister sur la cohérence
porteur/projet et les compétences complémentaires qui sont réunies
? le projet et son environnement (l'étude de marché s, les acteurs du marché, le
positionnement, la stratégie …)
? le projet et la synthèse financière (le compte de résultat sur 3 ans, le plan de financement
sur 3 ans, le plan de trésorerie sur 12 mois …). Cette synthèse n'est autre que la
traduction chiffrée des éléments du plan d'affaires.
A partir de ces différents éléments, il est possible de modéliser le plan d'affaires dans le
processus entrepreneurial :
Figure 1. Le plan d’affaires : entre vision, traduction et jugement

Conception

Vision
Traduction Anticipation
Mise en acte du jugement

Evaluation Valorisation
Réalisation
Jugement porté par
les partenaires (banques, clients,
sous-traitants, …)
D'après Bayad, Leymarie et Schmitt (2002b)

Nous trouvons dans cette modélisation les deux principaux rôles dévolus au plan d’affaires :
structuration du projet et objet d’intermédiation. Ces deux rôle s doivent être envisagés de
façon complémentaire. En effet, le plan d’affaires en qualité d’objet d’intermédiation participe
à la structuration du projet et inversement. Au final, il s'inscrit dans un triptyque, conception –
réalisation – valorisation, qui se veut récursif et évolutif. Cette modélisation reflète bien
l'asymétrie entre la position du « client » et celle de l’entrepreneur (Lorino, 1997, Schmitt et
Bayad, 2002), correspondant au caractère incertain et risqué lié à la notion d’entrepreneuriat.
Cette approche du plan d’affaires fait donc référence à l'autonomie des entrepreneurs face aux
besoins du marché. Après ces remarques préliminaires, il est nécessaire de décrire les
éléments du modèle. La réalité du plan d’affaires s’organise autour de trois relations :
? conception – valorisation : ces éléments sont reliés par la vision9 . Cette relation
correspond à la vision stratégique des acteurs par rapport aux attentes du client et par

9
Nous entendons par vision "l'image projetée dans le futur, de la place qu'on veut voir occupée éventuellement
par ses produits sur le marché, ainsi que l'image du type d'organisation dont on a besoin pour y parvenir. En
résumé, vision signifie une image de l'entreprise projetée dans le futur" (Filion, 1991). La vision est
indéniablement de nature stratégique. Pour d'autres éléments de définition voir aussi Avenier (1996).
7
rapport à l'anticipation de leur jugement. Elle se caractérise avant tout par son aspect
stratégique. A ce niveau, le plan d’affaires sert à formuler des hypothèses dans
différents domaines (marketing, technique, économique …) par rapport à ses produits /
services et par rapport à l’environnement dans lequel il se situe. En effet, les décisions à
prendre sont fortement liées aux connaissances de l’environnement et aux compétences
détenues par l’entrepreneur 10 . Cette première relation fait référence au dessein que
l'entrepreneur cherche à mettre en place. A ce stade peuvent émerger des biais qui sont
liés notamment à l'incertitude et au risque du jugement anticipé ;
? la seconde relation implique la conception et la réalisation, via la traduction de la vision
stratégique au sein de l'entreprise 11 . Pour être menée à bien, la conception ne peut se
passer de la réalisation. Conception et réalisation ne sont pas entièrement autonomes
mais sont à envisager dans une relation dialectique. Comme le souligne J.-P. Boutinet
(1993) "le dessein de la conception doit se matérialiser dans un dessin de la réalisation,
lequel va modifier, corriger le dessein initial, ce dernier conduisant à une nouvelle
concrétisation". L'anticipation par le porteur de projet nécessite d'être traduite en actions
au sein du projet. Le plan d’affaires sert ici de projection permettant de passer du
dessein au dessin. Il favorise ainsi la structuration du projet. Il s'agit ici de mettre en
place une organisation en adéquation avec le dessein issu de la vision stratégique de
l’entrepreneur (Varraut, 1999). Par rapport à l'anticipation du jugement des clients par le
dirigeant de l'entreprise, force est de constater qu'il peut exister des écarts entre la
conception et la réalisation, entre le dessein et le dessin. Ces écarts sont principalement
dus à des problèmes de traduction de la vision stratégique 12 . En effet, "la stratégie est
prédéterminée dans ses finalités, mais non dans toutes ses opérations" (Morin, 1990).
Ces problèmes renvoient non seulement à la représentation de la complexité (Schmitt,
Julien et Lachance, 2003b) mais aussi dans les cas où le projet est porté par plusieurs
personnes aux problèmes de cognition distribuée ;
Par rapport à ces deux relations, le plan d’affaires permet de favoriser la formalisation et la
structuration du projet chemin faisant. L’utilisation du plan d’affaires dans cette perspective
s’inscrit bien dans une logique de processus et non de résultat.
? la troisième relation est celle reliant la réalisation à la valorisation. Ce dernier point
correspond à la sanction du marché. Le projet est évalué par les différents partenaires
(banques, clients, sous-traitants, partenaires, structures d’aide et de soutien à la création
d’entreprise …). Ainsi, le projet dépend non seulement du jugement des partenaires
mais aussi des anticipations du jugement des partenaires par le porteur de projet
(dessein), ainsi que des décisions qui vont en découler et de la mise en acte de ses
décisions (dessin). Force est de constater, que le plus souvent la distance est grande
entre l'appréciation du projet (dimensionnement de l’organisation, qualité et
compétitivité des produits et services offerts, …) et l’organisation de la gestion des
opérations en interne. Le jugement porté par les partenaires va permettre de mesurer les
écarts entre la conception et la réalisation du document de synthèse. Ce jugement ne doit
pas être envisagé de façon absolue mais bien de façon relative. En effet, les partenaires
s'expriment par rapport au projet présenté. Le marché ne peut sanctionner que ce qui lui
sera proposé. Une proposition différente aurait pu aboutir à des résultats différents.
Ainsi, le projet, le porteur de projet et les partenaires se contraignent mutuellement.
Nous retrouvons ici le rôle souvent dévoué au plan d’affaires, c’est-à-dire objet
d’intermédiation entre porteurs de projet et partenaires.

10
Nous pouvons comprendre ici les difficultés de certains entrepreneurs à prendre des décisions notamment par
rapport à des domaines où ils se sentent étrangers.
11
Par réalisation, il faut entendre ici la réalisation concrète d’un document de synthèse servant de plan d’affaires.
12
Des outils, comme les cartes cognitives, permettent d’évaluer les écarts entre les deux.
8
Au final, il est important de souligner que ces relations doivent être envisagées de façon
dynamique et sans hiérarchisation. En effet, en ce qui concerne la dynamique du modèle, les
relations doivent être envisagées en constante évolution. Le projet évolue lui- même au cours
de sa structuration13 et les partenaires sont amenés aussi à évoluer 14 . Du point de vue de la
déhiérarchisation, cela veut dire qu’il n’y a pas de sens (pré)déterminé et les relations ne
doivent pas être complètes pour passer à la relation suivante. En effet, par exemple les
partenaires peuvent (doivent) jouer un rôle important dans le processus de structuration en
permettant une évaluation quasi-systématique. En d’autres termes, il existe un processus
d’aller-retour s entre les partenaires et les porteurs de projet, entre vision, traduction et
évaluation, entre conception, réalisation et valorisation.
Nous observons que le plan d’affaires occupe donc une position centrale dans le processus
entrepreneurial. D’un point de vue opérationnel, il va permettre de valider des hypothèses de
stratégie commerciale, voire également de montages fiscal et social. Puis il permettra de
négocier des lignes de financement, et préparera enfin les tableaux de bord permettant de
suivre le démarrage de l’activité. Ce dernier joue un rôle important dans le contrôle de la
réalisation par rapport à la conception. La mise en place des tableaux de bord n'est
malheureusement pas très répandue notamment lorsque les porteurs de projet ne font pas
appel aux structures d'aide et d'accompagnement. L’analyse des écarts entre objectifs et
actions à entreprendre, entre dessein et dessin, permettra de définir des actions correctrices.
Aussi, à travers le déroulement de la préparation du projet, il s’opère ce que Bruyat appelle
« un processus de décisions / actions stratégiques » (1993). Aussi, c’est durant ce processus
de formation à l’entrepreneuriat, que le porteur de projet s’édifie.

1.5. Plan d’affaires et pratiques entre preneuriales

Le plan d’affaires est rarement utilisé de façon isolée. Il s’inscrit dans des démarches plus
globales à la préparation des projets de création/reprise d’entreprise : sensibilisation et
accueil, formation, conseil et accompagnement (Schmitt, 2001 et Verstraete, 2000). A partir
de cette modélisation, il est possible de constater dans la réalité que les porteurs de projet
n’utilisent pas uniformément toutes les prestations à leur disposition. Dans ce contexte, nous
distinguons trois pratiques entrepreneuriales majeures :
? le porteur de projet n’intègre aucun processus : la carence de culture intellectuelle (en
gestion, marketing, juridique …) rend le processus trop compliqué, ne démontrant pas
son intérêt immédiat. La vision de l’entrepreneur est réduite à sa vision quotidienne
remplie de bon sens mais hypothéquant les chances de pérennisation du projet : par
exemple, compte tenu de l’effet « bouche à oreille », l’étude de marché n’est pas requise
au préalable de l’installation. Le relationnel dans l’environnement proche du créateur
permet d’obtenir les premières recettes. Il n’est pas nécessaire de bancariser le projet,
dans la mesure où le créateur dispose de l’ensemble du matériel nécessaire pour le
démarrage de ses premiers contrats identifiés. Au delà, c’est la trésorerie dégagée qui
couvrira aisément d’éventuels investissements plus importants, nécessaires au
développement du projet …
? le porteur de projet intègre partiellement le processus, il recherche dès lors à identifier
un acteur pouvant lui apporter une réponse ponctuelle à un besoin précis. Premier
exemple : il rencontre un juriste qui étudiera avec lui le meilleur montage juridique,
fiscal et social. Second exemple : il rencontre un expert comptable qui lui fera un
prévisionnel pour lui permettre d’obtenir un prêt bancaire traditionnel. Il convient ici

13
En fonction des informations collectées, la vision des entrepreneurs est amenée à évoluer. Ainsi, l’idée souvent
véhiculée par les médias qu’une personne a eu une idée et l’a appliquée tel quelle reste donc assez improbable.
14
Il peut s’agir d’un changement de banquier, d’une modification de la politique des clients ou des sous-traitants

9
d'insister sur le fait que le plan d'affaires est souvent considéré comme un résultat
occultant fortement la partie processus (Hernandez, 1999)
? le porteur de projet intègre la globalité du processus. Nous considérons dès lors qu’il
suit le processus d’apprentissage du plan d’affaires. Nous distinguons quatre modes
opératoires différents :
1.soit le porteur réalise par lui- même l’ensemble des démarches utilisant le plus
souvent un processus d’itération aléatoire
2.soit il choisi d’être accompagné individuellement par un tiers (consulaire,
universitaire, consultant …)
3.soit il choisi une formation courte ou longue (universitaire, consulaire ou autre)
4.soit il décide de bénéficier d’un accompagnement combiné à une formation
En guise de conclusion de cette partie, nous pouvons avancer qu'au regard de ces différents
points, la combinaison entre accompagnement – formation peut constituer un mode
d’apprentissage du plan d’affaires alternatif tout à fait intéressant. En effet, il permet à tous les
candidats à la création d’être formés et accompagnés de l’idée jusqu’à l’installation de leur
entreprise. L’accompagnement - formation individualisé est construit autour d’une pédagogie
centrée sur le plan d’affaires. En effet, si l’on retient que le plan d’affaires sert aussi dans la
structuration du projet, il est donc important qu’il fasse partie dès le départ des bases à donner
aux porteurs de projet et qu’il tienne une place centrale à laquelle viendront se greffer
différents éléments comme des modules théoriques et méthodologiques (cf infra).

2. Développement d’une pédagogie centrée sur l’apprentissage du


plan d’affaires

Quelque soit le mode d'apprentissage retenu, il nous appartient dès lors de répondre à la
question « comment mettre en place un apprentissage du plan d’affaires dans l’enseignement
de l’entrepreneuriat ? ». Pour cela, nous présentons dans la suite du document, un compte
rendu d’expériences pédagogiques basées sur une vision heuristique (§2.2) et la présentation
des différentes phases de notre démarche pédagogique (§2.3). Le dernier point fait l'état des
apports et des limites de la formation à l'entrepreneuriat par le plan d'affaires (§2.4). Avant
toute chose, il est important de présenter le cadre de la démarche (§2.1).

2.1. La place du plan d'affaires dans une approche systémique du projet entrepreneurial

Dire que le plan d’affaires est un outil de structuration de projet est certes un point de départ,
mais ce n’est pas suffisant pour permettre la mise en place d’actions dédiées à sa construction.
Il est important que la démarche retenue prenne en compte la dynamique et la
déhiérarchisation des relations. Dans cette perspective, comme nous avons pu le montrer par
ailleurs (Bayad, Schmitt et Grandhaye, 2002a), le recours à la méthode heuristique est plus
appropriée que de recourir aux méthodes analytique ou algorithmique. L’intérêt de la méthode
heuristique vient notamment du fait que nous ne recherchons pas le chemin idéal et encore
moins LA solution mais des raisonnements par itérations. L’objectif n’est donc pas de rédiger
un plan d’affaires à partir d’un papier à musique qu’il suffirait de dérouler mais bien de
construire cette partition. La démarche doit permettre de se poser des questions et non pas de
répondre à des questions. Si nous retenons cet angle de vue, les décisions à prendre sont
détenues par les porteurs de projets en fonction de la représentation qu’ils se font de la
situation à gérer.
Ainsi, si nous parlons de plan d'affaires, il est important de ne pas chercher à répondre à la
question « qu'est-ce que le projet ? », mais la question qu'il convient de se poser est :
« comment aborder la construction du plan d’affaires ? ». Pour répondre à cette question, il est

10
possible de recourir à l'approche systémique (Le Moigne, 1990) en se posant les questions
suivantes :
1.- « Le projet pour quoi ? » Il s'agit de renseigner non seulement sur le besoin des clients (au
sens large) mais aussi sur leur solvabilité. Ces éléments permettront de collecter des
informations quant à la rentabilité du projet.
2.- « Le projet fait quoi ? » L'objectif ici est de décrire les différentes activités liées au projet.
Au-delà de l'activité, les informations à collecter cherchent à renseigner sur les ressources et
les résultats de l'activité.
3.- « Quel environnement pour le projet ? » Il s'agit de s'informer sur les différents
environnements liés au projet et au porteur de projet (technique, politique, économique,
juridique, culturel, géographique…).
4.- « Quelle histoire pour le projet ? » Même si le projet symbolise le futur, il convient de
s'intéresser à la relation qu'il peut avoir avec le passé. En effet, cela a pour objectif d'essayer
de connaître des projets qui ont peut être déjà existé, mais aussi d’identifier les modes
d’évolution de la demande, la concurrence … Il ne s'agit pas ici de s'inscrire dans une vision
déterministe bien au contraire, il s'agit seulement que le porteur du projet s'informe afin de lui
permettre de prendre des décisions. L'aspect temporel joue aussi au niveau du futur. En effet,
le plan d'affaires n'est autre qu'une synthèse de l'anticipation du projet par le porteur du projet
à partir d'une situation présente et d'une connaissance du passé.
Figure 2.- Le positionnement temporel du plan d'affaires
Construire une
cible

Connaissance du Construire l’avenir


contexte
Temps PROJET
- clients - Anticiper
l’organisation
- fournisseurs
- Élaborer un Plan
- concurrents
d’Affaires

Définition et délimitation du projet


Caractéristiques du produit/service

Au final, ces différentes questio ns doivent permettre de connaître les besoins du projet
(financier, humain, technique ...) et de construire le document "plan d'affaires" qui servira de
traduction du projet.

2.2. Le cadre de la démarche

La mise en place de cette démarche se fait différemment en fonction des établissements


concernés. Elle peut faire l’objet d’une semaine bloquée de cours ou de différentes séquences
d’appropriation espacées dans le temps durant une année universitaire. La démarche, telle
quelle est utilisée en cours, se fait soit par groupe - projet, soit individuellement.

L’objectif pédagogique poursuivi consiste donc à permettre aux porteurs de projet


d’apprendre dans l'action et dans la réflexion, de sorte que le plan d’affaires devient un outil
essentiel de la construction du chef d’entreprise en devenir. Dans ces conditions, le plan
d'affaires peut être envisagé comme une source de connaissances. Il ne s’agit pas de
recherche r une représentation iconique d’une réalité ontologique – correspondance, identité,
11
homomorphisme – mais d’une construction éprouvée par les expériences – possibilité,
viabilité, pertinence, capacités heuristiques – de manières de se comporter qui conviennent
aux acteurs » (Martinet, 1993). Plus particulièrement, parler de capacités heuristiques renvoie
au fait "que le monde est le produit d'une évolution à laquelle les porteurs de projet participent
et doivent s'adapter" (Bayad, Schmitt et Grandhaye, 2002a). Les méthodes et les outils mis en
œuvre n’ont de sens pour l’entrepreneuriat que si ils s’inscrivent dans une démarche
méthodologique d’ensemble favorisant une démarche heuristique, c'est-à-dire l’émergence
d’hypothèses et la délibération de choix stratégiques. Autrement dit, il s’agit de développer
non pas un savoir encyclopédique mais bie n actionnable. Dans cette perspective, notre
approche renvoie aux travaux de Palo Alto en matière de résolution de problèmes ou encore
d'Aryris et Schön concernant les différentes boucles d'apprentissage. Cela revient à dire que
l'apprentissage du plan d'affaires n'est pas seulement affaire de mimétisme (apprentissage en
simple boucle) mais relève aussi de la définition et des modifications "chemin faisant" des
règles du jeu.

L’instrumentation mis en place concourt également à favoriser le dialogue entre le porteur de


projet et l’accompagnateur (enseignant, consulaire, consultant …). Il s’agit donc de fournir
des repères et des langages compréhensibles entre les deux parties. Pour cela, notre démarche
s'organise autour des points suivants :
? chaque auditeur, en plus des éléments de présentation, reçoit un document présentant de
façon générale et à partir d’un exemple, les différentes étapes de la démarche
? la méthode repose sur plusieurs séquences d'appropriation mettant en relation apports
théoriques de connaissances / exemples & exercices / mise en application d'un cas
concret / simulation de gestion informatisée des choix stratégiques opérationnalisables /
évaluation des projets
? un grand nombre d’informations vont devoir être collectées, traitées et analysées par les
auditeurs

2.3. Présentation des différentes composantes de la démarche

Chaque groupe/auditeur doit remplir un cahier des charges permettant non seulement de
formaliser les différentes étapes de la démarche (facilitant par la suite la constitution du plan
d’affaires) mais permettant également à l’enseignant de se repérer rapidement dans la
progression des acquisitions des connaissances. L’approche transversale par étude de cas est
une démarche inductive et intégratrice des connaissances de bases à s’approprier. Très
concrètement, nous pouvons représenter notre démarche à travers cinq composantes
principales :

1ère composante : les modules de formation théorique et méthodologique


L’apport théorique sert à renforcer l’idée de départ, à préparer la continuité du processus de
construction du projet, et également à favoriser les échanges avec l’accompagnateur. Elle est
plus ou moins longue, en fonction des objectifs des formations à l’entrepreneuriat mis en
œuvre. Cette phase comprend les différents modules recensant toutes les informations
nécessaires au bon fonctionnement du projet, qui permettront également de fixer un apport de
connaissances au porteur de projet. Pour mémoire, rappelons les principaux modules qui
peuvent composer cette phase autour du plan d'affaires : l’étude de marché, marketing et
stratégie commerciale, actions commerciales et techniques de vente, le plan de financement et
compte de résultat prévisionnel, l’analyse financière, la négociation bancaire et partenaires,
les choix juridiques, les options fiscales et sociales, les assurances et les risques
professionnels, manager, organiser la fonction administrative dans l’entreprise … A partir de

12
ces différents modules théoriques, il est nécessaire de les mettre en relation avec des
méthodologies appropriées telles que :
Figure 3.- Apprentissage du plan d’affaires dans l’enseignement de l’entrepreneuriat

Etude de cas /
mise en
application du
cas concret

Réalisation du
Exemples, plan d’affaires Accompagne-
exercices ment
individualisé

Apprentissage

Formation
théorique
modulaire et
méthodologique

? l’étude du cadre réglementaire, juridique, social et fiscal


? l’étude de l’environnement et définition des produits / services
? l’étude des tendances lourdes du marché, évaluation du marché potentiel, étude
qualitative et quantitative de la demande
? la définition de l’organisation et des moyens à mettre en œuvre
? l’évaluation des conditions de rentabilité et de financement (structurel et conjoncturel)
? la préparation à la négociation pour l’obtention des financements de départ
? les outils / tableaux de bord de suivi primo croissance
? l’élaboration d’un dossier complet : plan d’affaires

13
2ème composante : exemples & exercices
Pour plus de cohérence, il s’agit de faire travailler les auditeurs sur des exemples selon les
trois axes suivants et de leur fournir un minimum d'outils qu'ils peuvent s'approprier
rapidement :
? le plan d’affaires
L’approche de cet outil vise à permettre aux auditeurs de connaître tous les éléments
constitutifs du plan d’affaires. Dans ce registre, il est important de mettre l’accent sur l’intérêt
de l’adéquation porteur / projet, le résumé du projet. Ce dernier peut être envisagé comme un
outil de synthèse et de représentation globale du projet. Au-delà, c’est l’ensemble des points
de cohérence du plan d’affaires écrit qui sont à faire comprendre aux auditeurs.
? le marketing
L’approche marketing contribue traditionnellement à construire l’offre des entreprises compte
tenu des demandes, des jeux concurrentiels et des moyens disponibles (Chauvet, 1997). Aussi,
il nous semble primordial d’apporter tout d’abord aux porteurs de projets un condensé des
principales approches des études de marché qui sont fonction de la nature des activités à créer.
Des exercices seront réalisés pour permettre aux auditeurs d’intégrer au moins un exemple
d’étude de marché. L’exemple ne saurait être exhaustif, en aucune façon. De l’étude de
marché, nous tirons un certain nombre d’enseignements pour la définition de la stratégie de
développement commercial du projet, et les moyens (humains, techniques, juridiques) à
mettre en œuvre.
? la gestion comptable et financière
L’approche économique consiste à favoriser la compréhension du prévisionnel qui demeure
l’outil de base par excellence du plan d’affaires. Pour mémoire, rappelons qu’un projet de
création / reprise d’entreprise réunie les conditions économiques de pérennisation si : les
financements structurels sont réunis et suffisants, le projet est rentable, les financements
conjoncturels ont été correctement évalués. Aussi, cette approche va consister à soutenir les
auditeurs dans l’élaboration des parties suivantes d’un plan d’affaires : le plan de financement
sur 3 ans, le compte de résultat prévisionnel sur 3 ans, le plan de trésorerie sur 12 mois.

3ème composante : la mise en application d’un cas concret autour d'un cahier des charges
Si nous considérons le projet comme un système ouvert, en interaction avec son
environnement, il apparaît que l’ordre reste plus improbable que le désordre. L’évolution du
projet et de l’environnement sont systématique ment source de désordre (Verstraete, 1999 et
Schmitt, 2000). Ainsi, gérer un projet revient à gérer le désordre pour proposer une
organisation. A travers la mise en application du cas concret, il s’agit pour les auditeurs de
mettre de l’ordre (donner du sens) par rapport au désordre dans lequel ils évoluent, c'est-à-dire
de proposer une organisation. Le porteur de projet doit donc apprendre à prioriser les tâches
de son travail. Sa capacité à gérer ce désordre est un élément clé pour la compétitivité de son
projet d’entreprise.

Les porteurs de projet vont élaborer leur projet à partir d'un cahier des charges reprenant les
différentes composantes du plan d'affaires. Ce cahier des charges doit favoriser non seulement
la mise en place d'une démarche heuristique mais aussi la structuration du projet. Dans cette
perspective, ce cahier des charges sert à se poser un certain nombre de questions et à
envisager les sources potentielles de réponses à ces questions ; en d'autres termes, le cahier
des charges sert à préparer la collecte d'information. Cette dernière apparaît donc essentielle
dans la démarche : des temps de recherche de l’information sont adaptés et s’intègrent dans la
démarche d’application du cas concret. Rappelons que 70 % des individus ayant l’intention de
créer ou reprendre une entreprise déclarent hésiter à mettre en œuvre leur projet du fait de la
difficulté à trouver des informations nécessaires (Enquête IFOP APCE, avril 1998). Sans
information de qualité, le porteur développe donc son projet sur des fondements étiolés et

14
fragilisés. La démarche n’est pas linéaire du fait des aller – retours récurrents entre la collecte
de l’information pour améliorer la définition de son projet et le projet lui- même consigné dans
le cahier des charges.

4ème composante : l’apprentissage du plan d’affaires


Le porteur de projet apprend ainsi à raisonner à un niveau méta, c'est-à-dire en intégrant les
différents thèmes souvent appréhendés de façon linéaire et exclusive. Ce niveau permet aux
porteurs de projet non seulement de relativiser ces thèmes de prédilection par rapport aux
différents thèmes à aborder mais aussi de travailler sur la totalité des thèmes qui constituent le
plan d'affaires.

En jetant les bases de son projet sur papier, nous invitons le porteur de projet à prendre
généralement rapidement conscience des interrelations pouvant exister entre les étapes du
processus de préparation du projet. Sa non capacité à écrire une partie ou l’autre de son projet
l’incite à retourner vers la collecte d’information. Ainsi, il est amené progressivement à
développer une démarche d’analyse globale et systémique. Cela lui permet de développer une
aptitude à fixer des objectifs critiques. Il cherche à maîtriser les schèmes de ses décisions /
actions. Pour ce faire, l’utilisation d’un simulateur de gestion informatisé permet d’apprendre
à interpréter une situation selon quatre niveaux de décisions (Marion et Senicourt, 2003) :
? la définition des objectifs et la définition des actions pour les atteindre
? l’évaluation des impacts des actions
? l’identification des écarts
? la définition d’actions correctrices
L’intérêt principal de la simulation informatisée est d’instrumenter des hypothèses
d’interactions dont nous savons l’importance majeure en matière de conséquences de gestion.
La production ainsi construite facilite un retour d’expérience qui favorise l’ajustement itératif
des multiples dimensions du projet. Aussi, le porteur pourra reconsidérer ses hypothèses de
départ en vérifiant les impacts de ses décisions (Marion et Senicourt, 2003).

5ème composante : l’accompagnement individualisé


La conception se fait souvent seul alors que la complexité du projet fait qu'il serait intéressant
de partager différentes représentations. C’est pourquoi, à partir du moment où la démarche
pédagogique évolue, il est nécessaire de faire évoluer le rôle de l’accompagnateur 15 et la place
des auditeurs dans le dispositif de formation. En ce qui concerne le rôle de l’accompagnateur,
il n’est plus là uniquement pour "assener" des solutions au porteur de projet, ou bien pour
dispenser un savoir. En effet, il doit non seulement mettre en place une interaction forte entre
les auditeurs et lui- même, mais aussi permettre un apprentissage différent par l’action. Au-
delà, il se sert de sa position externe par rapport au projet pour aider le porteur à se doter
d’une représentation réflexive de son projet. Ainsi, il passe d’un rôle « d’expert - réparateur »,
celui qui détient le savoir, à un rôle de « facilitateur »16 . L’objectif de l’accompagnateur étant
donc de tenir compte de la réalité du projet décrit précédemment (conception - réalisation)
pour mener à bien son rôle de « facilitateur » et permettre le bon déroulement du « processus
de décisions / actions stratégiques » (Bruyat, 1993). De façon plus synthétique, la
différenciation du rôle de l’accompagnateur peut se résumer par la métaphore des planètes
Alpha et Bêta de Caillé (1991) 17 . De manière métaphorique, la planète Alpha considère
l’enseignement comme une expertise de la situation à traiter alors que la planète Bêta la
perçoit comme une construction de sens.

15
Par accompagnateur, nous pouvons voir la position de l’enseignant, du consulaire ou du consultant.
16
Ce néologisme traduit bien l’action de rendre accessible et intelligible la complexité du projet.
17
Sur ce point voir Schmitt et al. (2003b).
15
Dans cette phase, l’accompagnateur pourra favoriser des rencontres et des échanges selon les
trois niveaux de réalisation du plan d’affaires vu précédemment :
1.les éléments de cadrage du projet de création :
? présentation du profil des porteurs de projet, association ou non, résumé du projet …
? identification d’une localisation théorique (en centre commercial, centre ville,
périphérie…) et justification de cette localisation (parking, vitrine …)
? définition des activités dans l’entreprise projetée, la gamme de produits …
? présentation des moyens humains, techniques et de l’environnement juridique
? élaboration du plan de financement de départ (dont besoin en fonds de roulement )
2.les éléments de marketing :
? analyse du marché théorique
? étude de la concurrence
? étude de la demande
? étude des fournisseurs
? étude des prescripteurs
? élaboration du chiffre d’affaires prévisionnel
? construction de la stratégie commerciale (objectifs, positionnement, cibles …)
3.Les éléments de gestion :
? définition des moyens humains et matériels
? politique de rémunération du personnel et des associés
? définition du cadre juridique (entreprise individuelle, SARL, SAS, SA …)
? détail du chiffre d’affaires sur 3 ans
? compte de résultat sur 3 ans
? plan de financement sur 3 ans
? plan de trésorerie pour les 12 premiers mois d’activité

2.4. Apports et limites d’une démarche pédagogique construite autour de l’apprentissage


du plan d’affaires

Cette dernière partie a pour objet de faire le point sur la démarche mise en œuvre selon les
apports et les limites de la pédagogie expérimentée. Nous avons voulu privilégier certaines
caractéristiques peu développées dans la littérature mais dont l'intérêt a été soulevé dans notre
réflexion :

2.4.1. Les apports

? Nécessité majeure de rendre autonome le porteur de projet :


A partir de notre démarche, nous tendons à faire en sorte que l’apprentissage du plan
d’affaires autonomise le porteur de projet, puisque à l’inverse du conseil apporté par l’expert,
nous ne nous bornons pas à légitimer voire assener des solutions au porteur de projet. Bien au
contraire, nous l’invitons à édifier sa pensée stratégique à travers l’apprentissage d’un
processus de délibération devant lui permettre d’effectuer ses propres choix. Ce processus est
facilité par 3 actions pédagogiques : la mise à plat sur papier du projet, l’utilisation du
simulateur informatisé constituant un formidable levier maïeutique, les échanges avec
l’accompagnateur « facilitateur » au sens de Caillé (1991).
? Construire des compétences :
Bien souvent, les porteurs de projet ne disposent pas de compétences en gestion et encore
moins en direction d’entreprise. Aussi la réalisation du plan d’affaires, à travers la méthode
des cas et de la simulation informatique, va façonner le urs compétences notamment en gestion

16
et en marketing. L’apprentissage des difficultés rencontrées par le porteur de projet dans le
processus de constructio n du projet, lui permet ainsi de prendre conscience de ses limites.
? Plus qu’une technique, c’est l’intégration d’une culture qui est privilégiée :
En effet, l’apprentissage du plan d’affaires s’intègre dans un long processus, nécessitant une
réflexion stratégique. L’objectif est donc de favoriser l’acquisition d’un savoir procédural né
d’une délibération stratégique appropriée, reposant sur une dialogique fins – moyens. Les fins
et les moyens sont le corollaire obtenu progressivement au cours du processus de construction
du projet. Pour se faire, nous avons privilégié dans notre démarche la mise en oeuvre
d’exemples intégrés par les porteurs de projets à travers des exercices. Et ceux sont les
échanges réitérés avec l’accompagnateur lors de l’élaboration progressive du plan d’affaires
qui faciliteront l’ensemble de la construction.
? Favoriser une vision globale et récursive :
Inspiré des dogmes de la planification stratégique, le plan d’affaires définit les grandes
orientations plus ou moins précisées du projet en développement. Dans une société en
perpétuel mouvement, il est donc normal que des écarts apparaissent entre les prévisions et les
réalisations. Il n’est pas non plus rare de constater que dans les premiers mois du démarrage
de l’activité, finalement la stratégie originelle doit laisser place à une remise en cause des
premières hypothèses de planification. Cependant, le travail d’apprentissage du plan d’affaires
apporte au chef d’entreprise une vision globale de prise de recul stratégique, qui plus est
récursive.

2.4.2. Les limites

? Le porteur de projet en situation de formation est statique :


Il reçoit de l’information et de la connaissance. A contrario, il doit pour se construire et
préparer son installation se situer dans l’action. L’apprentissage du plan d’affaires doit donc
se combiner à un accompagnement personnalisé pour être optimisé. Le plan d’affaires outil
d’excellence de l’accompagnement ne constitue pas une fin en soi mais un support permettant
de lier l’accompagnement du porteur de projet dans son « éducation » / évolution de chef
d’entreprise en devenir. Il est le liant du passage de projet personnel à un projet professionnel.
La symbiose entre l’entrepreneur et l’organisation émergente ne peut perdurer que si la
relation est entretenue par un accompagnement sensible à cet aspect (Verstraete, 2002).
Nonobstant, l’envie d’apprendre du porteur de projet est un substrat essentiel à son éducation.
Placé en situation collective, chaque partenaire de l’apprentissage peut bien sûr se reposer sur
les savoirs, les savoir faire et le travail des autres membres de son groupe de travail. C’est
donc une lapalissade de dire que la passivité d’un acteur ne favorise pas la réussite de son
apprentissage.
? bien que centrale dans le processus de construction du projet, l’apprentissage du plan
d’affaires doit être associé à d’autres approches :
Conscient que notre approche est limitée dans le temps, nous ne laissons que peu de place à la
représentation du dirigeant au centre de l’analyse, comme par exemple la cartographie
cognitive (Cossette, 1994) ou encore les méthodes de créativité (Carrier, 1997).
? l'évaluation du projet :
La faisabilité ou non d’un projet ne doit pas être jugée a priori par l’accompagnateur, étant
juge et partie, mais c’est bien à l’auditeur d’en faire la démonstration. Nonobstant, il nous
paraît difficile que l’accompagnateur présume des chances de succès d’un projet, tant les
facteurs influençant sa réussite ou son échec relèvent de l’impondérable. Aussi, nous avons
construit notre évaluation des projets à partir d’une liste de points de cohérence qu’il convient
de croiser, ceci afin d’intégrer les erreurs et les réussites des entrepreneurs du passé.
? l'évaluation des apports :

17
Il se dégage deux grandes tendances : la première correspond à ceux qui s’adaptent
difficilement. Il s’agit majoritairement des étudiants en formation initiale et plus
particulièrement les jeunes diplômés pour qui la difficulté réside essentiellement dans la
découverte d’une forme de pédagogie qui ne leur est pas toujours connue. En ce qui concerne
la deuxième tendance, elle regroupe principalement les personnes en formation continue et les
professionnels expérimentés. Leur expérience est un atout par rapport à ce type de pédagogie.
Ils retrouvent certaines cond itions dans lesquelles ils ont déjà travaillé.

Conclusion et perspectives

L’apprentissage du plan d’affaires doit permettre au porteur de projet de faire mûrir son projet
tout en lui offrant un guide de réflexion pour l’action. Ainsi, le plan d’affaires devient un
moyen de repérer les obstacles et les risques liés à sa mise en œuvre, permettant de les
anticiper ou tout du moins de les contourner. Il permet non seulement de relier la conception
et la réalisation, mais aussi d’aborder la complexité de la réalité entrepreneuriale et
professionnelle (prise de décisions, réseaux, recherche d’information pertinente, travail
collectif et individuel, mise en place de stratégie …). L’apport pédagogique de l’apprentissage
du plan d’affaires du chef d’entreprise en devenir nous semble essentiel mais pas unique.
Nous avons noté qu’il pouvait être complété. Le rôle initial du formateur ne peut se limiter à
apporter des connaissances. Il tend à devenir un accompagnateur « facilitateur » (Caillé,
1991). Au-delà, il est intéressant de souligner que travailler sur le projet entrepreneurial
permet de créer une culture qui permet au porteur de projet de grandir.

En 1989, Plashka et Welsch montrent que les créateurs qui réussissent le mieux sont loin
d’être ceux qui développent les plans d’affaires les plus formalisés. Cependant, face à la
complexification de l’environnement de l’entrepreneur, une clarification des repères s’impose
à lui. Autrement dit, même si le créateur venant de s'installer parvient à atteindre son seuil de
rentabilité mensuel dans les six premiers mois par exemple, il n'en demeure pas moins qu'il
conserve « la tête dans le guidon ». C’est très certainement à ce moment là qu'il prend
conscience des limites de ses choix stratégiques de départ (effectués lors de son inscription au
CFE, et facilités grâce à son plan d’affaires) et de ses limites personnelles pour porter le
développement de son projet. Il est clair que la grande majorité des créateurs apprennent à
diriger tout en dirigeant leur entreprise ! Les choix stratégiques de départ ne sont pas
forcément ceux qu'ils fallaient prendre (insuffisance de crédit bancaire, fonds de roulement
insuffisant, optimisation de la production par le recrutement d'un premier collaborateur, mise
en place d’une réponse téléphonique satisfaisante ...), autrement dit, l’entreprise nouvellement
créée se fragilise, et les problèmes a priori anodins aux porteurs profanes peuvent se
transformer en problèmes cruciaux hypothéquant la survie de l’entreprise. Le corollaire
pouvant être un développement freiné, voire un arrêt entraînant une situation d’échec
personnel, familiale, financière ...

Il nous apparaît donc pertinent d’identifier les modalités d’élaboration d’un référentiel de
l’entrepreneur / jeune chef d’entreprise. L’ana lyse des écarts entre les compétences détenues
de l’entrepreneur et les compétences requises du référentiel, selon les axes commerce,
organisation et gestion, nous permettrait d'élaborer un plan d'action individualisé. La
modélisation d'une réponse globale à diverses propositions de plans d’action aux
entrepreneurs pourrait ainsi constituer la source de nouvelles offres de services
d’accompagnement du porteur de projet.

18
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