Deuxieme Expose Kawther Adimi

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Le choc générationnel dans le roman et le

rôle que joue la littérature

INTRODUCTION

Roman polyphonique, Nos richesses raconte trois histoires parallèles : l’une ancrée
dans le réel, celle d’Alger ; l’une inspirée d’une histoire vraie, celle d’Edmond
Charlot, libraire et éditeur d’Albert Camus, de Jules Roy et d’André Gide, à travers
ses carnets fictifs ; et l’une ancrée dans la fiction, celle de Ryad, un jeune homme
chargé de liquider ce qui reste de la librairie Les Vraies Richesses, fondée par
Charlot, qui sera bientôt transformée en échoppe de beignets.

Le livre d’Adimi est un lieu où se rencontrent le fantasme et le choc. C’est la


douleur du vieux Abdallah, dernier gardien de l’endroit, et la stupeur d’un Charlot
qui découvre la prose des grands écrivains de tous les temps.

Nous ne pourrons qu’être séduit par l’ambiance de ce roman qui, malgré tout,
rappelle de sombres épisodes de l’histoire algérienne du vingtième siècle. C’est un
mélange entre passé et présent, qui rend un bel hommage à de grands hommes de
lettres comme Camus ou Giono mais aussi à la lumineuse capitale algérienne.
L’écriture de Kaouther Adimi sait allier modernité et classicisme, ce qui
enthousiasmera toutes les générations de lecteurs. Nous apprécierons également
l’interaction de la fiction et de la réalité, qui permet de s’approprier les
personnages et l’intrigue.

Cette construction embarque le lecteur dans un voyage en terre algérienne, des


années 30 à nos jours, de ses liens avec la France, tissés, brisés, et si complexes à
dénouer. On est frappé par la douceur et la pudeur du récit, qui relate des faits
d'une extrême violence, mais que la romancière évoque de manière sous-jacentes.
Le roman de Kaouther Adimi est aussi et surtout un hymne à la littérature, aux
mots, aux livres, à la culture, qui sont "nos vraies richesses", celles qui ont le
pouvoir de nous sauver.

Dans ce travail, nous analyserons les conflits mis en exergue par la romancière, à
savoir le désenchantement du vieux Abdellah qui regrette la liquidation de la
librairie et qui se montre furieux face à l'indifférence du jeune Ryad vis-à-vis de la
littérature et de l'Histoire de son pays. L'un incarne l'ancienne génération et l'autre
la nouvelle. Aussi soulignons-nous le rôle pluraliste que joue la littérature dont
Edmond Charlot est le parfait représentant.

I Le choc générationnel
II Le rôle de la littérature
CONCLUSION

Le choc générationnel

En ce début du XXIe siècle, le jeune Riyad, inquiet et peu drôle, ne partage pas la
passion pour la littérature dont Edmond Charlot, mort en 2005, avait fait sa vie.
Cela tombe bien, il a été embauché pour vider la librairie, vendue dans
l’indifférence à un marchand de beignets. Alger est devenue triste et enfermée en
ses murs, cachée derrière la Méditerranée et le Sahara. Les agents de
renseignement notent les faits et gestes de chacun dans leur petit carnet, les
spectateurs des matchs de foot disent aux plus vieux de se taire. Même s’il s’agit
du résistant Abdallah, vieux gardien de la boutique, pas plus lecteur que Riyad
mais respectueux de la folle œuvre d’Edmond Charlot.

Grâce à lui, une littérature de résistance est entrée dans ce port de l’Afrique et de
l’Europe. À travers la figure de Riyad, Alger est aussi faite des échecs inutiles, des
violences sans mémoire, des fractures coloniales inachevées. Livre d’hommage
d’une génération à une autre, Nos richesses est rempli de la frénésie intellectuelle
et politique d’une époque et d’une ville fascinantes. Kaouther Adimi la rejoue pour
mieux en évoquer la disparition, avec autant de nostalgie que d’espérance.

Les faits fictifs sont l’ensemble des événements imaginaires que l’auteure a insérés
dans son récit. Il s’agit de sa propre vision concernant l’avenir de la bibliothèque.
L’histoire commence dés l’arrivée de Ryad à Alger avec la charge de repeindre et
vider cette librairie afin de valider son année d’ingénierie, pour donner lieu à un
restaurant où se vend les beignets. Remplacer la bibliothèque relève plus de son
regret de la dégradation de cette dernière, de la négligence des gens de la lecture et
le savoir, seul le gain rapide et de quoi remplir le ventre qui comptent à cette
époque. Pourtant, vider ce lieu se révèle étrangement compliqué par la surveillance
du vieil Abdallah, le gardien du temple qui considère cet endroit si cher et précieux
comme sa maison et il accorde aux livres une grande valeur. Malgré son ignorance
il n’épargne le moindre effort à fournir pour garder la bibliothèque tel qu’elle était
mais il n’a pas arrivé à la conserver.

L’esprit de l’auteure se voit en quelque sorte dans le personnage d’Abdallah, elle


veut changer une situation négative mais elle se trouve incapable, par ce roman elle
nous montre qu’elle n’a pas croisé les bras cependant, elle s’efforce à faire de
l’effort. Le jeune homme Ryad à l’image de la nouvelle société qui délaisse la
culture et le savoir pour le gain rapide, il a osé à anéantir toute cette richesse et a
jeté tous les ouvrages sans aucun regret.

Le rôle de la littérature dans Nos richesses

"Faire venir des écrivains et des lecteurs de tous les pays de la Méditerranée sans
distinction de langue ou de religion, des gens d’ici, de cette terre, de cette mer,
s’opposer surtout aux algérianistes. Aller au-delà !"

La jeune romancière esquisse, en toile de fond, une Alger bruissante de mots, de


romans et de gens de lettres. On y croise Saint-Exupéry, Max-Pol Fouchet,
Emmanuel Roblès, Jules Roy, Jean Sénac, Kateb Yacine, André Gide, Jean
Amrouche, mais aussi en ombre tutélaire légère Albert Camus, dont Charlot sera le
premier éditeur. Tous ces auteurs qu'Edmond Charlot a publiés, guidés, aimés, lus,
en passeur de mots singulier et visionnaire. Puis dans l'Alger contemporaine au ciel
lourd et au climat pesant, Ryad, qui n'aime pas lire, qui se méfie des mots qui ne
sont pour lui que signe noirs et inconnus, vient vider cette librairie dont il ignore
tout, le passé glorieux comme le présent courageux, courage et ténacité illustrés
par la figue d'Abdallah, le dernier gardien des lieux.

Dans un aller-retour entre deux temporalités qui se font comme écho l'une à l'autre,
Kaouther Adimi interroge un passé et un présent qui semblent, dans leur contraste,
se heurter. Nos richesses est ainsi une réflexion sur la littérature, sa fonction, sa
nécessité aussi. « Un homme qui lit en vaut deux », avertit une affiche en devanture
de Les vraies richesses. « Nul n'entre ici s'il n'aime les mots ».

Nos richesses est avant tout une déclaration d’amour à la littérature, aux livres en
tant qu’objets, aux librairies comme lieux de vie et de rencontres, à un homme de
lettres qui a conçu son existence dans et par la littérature comme acte de résistance.
Kaouther Adimi met en relief le rôle joué par Edmont Charlot dans l'émergence
d'une conscience littéraire algérienne moderne en révélant sans dictinction des
artistes d'origines européenne, arabe, berbère et juive dans une colonie française
marquée par la ségrégation.

"Au fond, face à l’entrée, trône un bureau en bois massif. Des photos en noir et
blanc sont accrochées un peu partout. Ryad déchiffre les noms inscrits sous des
portraits d’hommes dont la plupart lui sont inconnus : Albert Camus, Jules Roy,
André Gide, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Emmanuel Roblès, Jean Amrouche,
Himoud Brahimi, Mohammed Dib."

Dans ce roman, La littérature devient une fenêtre intéressante de la pensée plurielle


et joue le rôle d'un témoin entre toutes les générations. Il faut dire que la littérature
doit s’éloigner de toute considération de la nationalité de l’écrivain, car donner une
étiquette identaitaire et culturelle à la littérature, c’est la vider de ses richesses et de
son élan humaniste. Dans son essai Le Rideau, Milan Kundera revient sur ce qu’il
appelle «les romans qui pensent». Pour ce romancier, l’une des caractéristiques
essentielles de la littérature est d’intégrer la pensée. Il s’agit de faire de la
littérature et du roman tout un continent où il y a un peu de tout.

CONCLUSION

Le roman est construit en deux parties : Kaouther Adimi envisage le journal


imaginaire de Charlot auquel vient se greffer une fiction d'aujourd'hui avec
Abdallah, un vieil homme qui a travaillé aux "Vraies richesses"et Ryad, un jeune
algérien venu débarrasser le lieu de ses livres pour le repeindre, selon le souhait du
nouveau propriétaire, marchand de beignets :l'incompréhension entre deux
générations, symbolisée d'un côté par le respect de la culture et de l'autre par
l'indifférence la plus totale. Abdallah amène progressivement Ryad à réfléchir à
son acte, à trier ce qui doit être conservé et ce sont justement ces témoignages du
passé de son pays qui lui font prendre conscience de sa beauté, de son histoire.

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