Deuxieme Expose Kawther Adimi
Deuxieme Expose Kawther Adimi
Deuxieme Expose Kawther Adimi
INTRODUCTION
Roman polyphonique, Nos richesses raconte trois histoires parallèles : l’une ancrée
dans le réel, celle d’Alger ; l’une inspirée d’une histoire vraie, celle d’Edmond
Charlot, libraire et éditeur d’Albert Camus, de Jules Roy et d’André Gide, à travers
ses carnets fictifs ; et l’une ancrée dans la fiction, celle de Ryad, un jeune homme
chargé de liquider ce qui reste de la librairie Les Vraies Richesses, fondée par
Charlot, qui sera bientôt transformée en échoppe de beignets.
Nous ne pourrons qu’être séduit par l’ambiance de ce roman qui, malgré tout,
rappelle de sombres épisodes de l’histoire algérienne du vingtième siècle. C’est un
mélange entre passé et présent, qui rend un bel hommage à de grands hommes de
lettres comme Camus ou Giono mais aussi à la lumineuse capitale algérienne.
L’écriture de Kaouther Adimi sait allier modernité et classicisme, ce qui
enthousiasmera toutes les générations de lecteurs. Nous apprécierons également
l’interaction de la fiction et de la réalité, qui permet de s’approprier les
personnages et l’intrigue.
Dans ce travail, nous analyserons les conflits mis en exergue par la romancière, à
savoir le désenchantement du vieux Abdellah qui regrette la liquidation de la
librairie et qui se montre furieux face à l'indifférence du jeune Ryad vis-à-vis de la
littérature et de l'Histoire de son pays. L'un incarne l'ancienne génération et l'autre
la nouvelle. Aussi soulignons-nous le rôle pluraliste que joue la littérature dont
Edmond Charlot est le parfait représentant.
I Le choc générationnel
II Le rôle de la littérature
CONCLUSION
Le choc générationnel
En ce début du XXIe siècle, le jeune Riyad, inquiet et peu drôle, ne partage pas la
passion pour la littérature dont Edmond Charlot, mort en 2005, avait fait sa vie.
Cela tombe bien, il a été embauché pour vider la librairie, vendue dans
l’indifférence à un marchand de beignets. Alger est devenue triste et enfermée en
ses murs, cachée derrière la Méditerranée et le Sahara. Les agents de
renseignement notent les faits et gestes de chacun dans leur petit carnet, les
spectateurs des matchs de foot disent aux plus vieux de se taire. Même s’il s’agit
du résistant Abdallah, vieux gardien de la boutique, pas plus lecteur que Riyad
mais respectueux de la folle œuvre d’Edmond Charlot.
Grâce à lui, une littérature de résistance est entrée dans ce port de l’Afrique et de
l’Europe. À travers la figure de Riyad, Alger est aussi faite des échecs inutiles, des
violences sans mémoire, des fractures coloniales inachevées. Livre d’hommage
d’une génération à une autre, Nos richesses est rempli de la frénésie intellectuelle
et politique d’une époque et d’une ville fascinantes. Kaouther Adimi la rejoue pour
mieux en évoquer la disparition, avec autant de nostalgie que d’espérance.
Les faits fictifs sont l’ensemble des événements imaginaires que l’auteure a insérés
dans son récit. Il s’agit de sa propre vision concernant l’avenir de la bibliothèque.
L’histoire commence dés l’arrivée de Ryad à Alger avec la charge de repeindre et
vider cette librairie afin de valider son année d’ingénierie, pour donner lieu à un
restaurant où se vend les beignets. Remplacer la bibliothèque relève plus de son
regret de la dégradation de cette dernière, de la négligence des gens de la lecture et
le savoir, seul le gain rapide et de quoi remplir le ventre qui comptent à cette
époque. Pourtant, vider ce lieu se révèle étrangement compliqué par la surveillance
du vieil Abdallah, le gardien du temple qui considère cet endroit si cher et précieux
comme sa maison et il accorde aux livres une grande valeur. Malgré son ignorance
il n’épargne le moindre effort à fournir pour garder la bibliothèque tel qu’elle était
mais il n’a pas arrivé à la conserver.
"Faire venir des écrivains et des lecteurs de tous les pays de la Méditerranée sans
distinction de langue ou de religion, des gens d’ici, de cette terre, de cette mer,
s’opposer surtout aux algérianistes. Aller au-delà !"
Dans un aller-retour entre deux temporalités qui se font comme écho l'une à l'autre,
Kaouther Adimi interroge un passé et un présent qui semblent, dans leur contraste,
se heurter. Nos richesses est ainsi une réflexion sur la littérature, sa fonction, sa
nécessité aussi. « Un homme qui lit en vaut deux », avertit une affiche en devanture
de Les vraies richesses. « Nul n'entre ici s'il n'aime les mots ».
Nos richesses est avant tout une déclaration d’amour à la littérature, aux livres en
tant qu’objets, aux librairies comme lieux de vie et de rencontres, à un homme de
lettres qui a conçu son existence dans et par la littérature comme acte de résistance.
Kaouther Adimi met en relief le rôle joué par Edmont Charlot dans l'émergence
d'une conscience littéraire algérienne moderne en révélant sans dictinction des
artistes d'origines européenne, arabe, berbère et juive dans une colonie française
marquée par la ségrégation.
"Au fond, face à l’entrée, trône un bureau en bois massif. Des photos en noir et
blanc sont accrochées un peu partout. Ryad déchiffre les noms inscrits sous des
portraits d’hommes dont la plupart lui sont inconnus : Albert Camus, Jules Roy,
André Gide, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Emmanuel Roblès, Jean Amrouche,
Himoud Brahimi, Mohammed Dib."
CONCLUSION