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DETECTION DES CHANGEMENTS DE LA VEGETATION DE LA RESERVE DE

FAUNE DE LA LEFINI (REPUBLIQUE DU CONGO) DE 2001 A 2018 ET ENJEUX DE


GESTION DURABLE
Hugues Bruno GOMA BOUMBA1, Jean-Marie MOUTSAMBOTE2, Marie Joseph SAMBA-KIMBATA3

1. Centre de Recherche sur les Tropiques Humides, Département de géographie, Faculté des Lettres et des Sciences
Humaines (FLSH), Université Marien NGOUABI, Brazzaville, République du Congo.
BP: 3069 Brazzaville Congo ; [email protected]
2. Institut National de Recherche en Sciences Exactes et Naturelles, Ecole Nationale des Sciences Agronomiques
et Forestières, Université Marien NGOUABI, Brazzaville, République du Congo. BP: 3069 Brazzaville Congo.
[email protected]
3. Département de géographie, Faculté des Lettres et des Sciences Humides, Université Marien NGOUABI, Brazzaville,
République du Congo. BP: 3069 Brazzaville Congo ; [email protected].

RÉSUMÉ
La présente étude se propose de détecter le changement de la végétation de la réserve de faune de la Léfini, en république du
Congo, entre 2001 et 2018 et d’indiquer les enjeux de la gestion durable. Elle s’est appuyée sur l’imagerie satellitaire Landsat ETM+
de 2001 et OLI de 2018 et les données d’observation de terrain sur 120 parcelles de 0.5 ha. La méthode de classification dirigée
«Maximum Vraisemblance» pour obtenir les différentes cartes d’occupation du sol a été utilisée. Les résultats montrent que La forêt
mésophile a connu un taux de diminution moyen annuel de -0,92% qui est le plus élevé sur l’ensemble de la réserve. Par contre, la
savane herbeuse et arbustive présente un taux annuel moyen positif (+0,05 %) qui correspond à une emprise spatiale de 162 ha/an.
Cette baisse des formations végétales ligneuses est causée par les activités anthropiques principalement les feux et les coupes isolés
des arbres et arbustes. Au regard de cette situation, la gestion durable de la réserve de faune de la Léfini reste un handicap. L’absence
de plan d’aménagement rend inefficace quelques actions sporadiques menées par les gestionnaires en charge de cette aire protégée.
Mots-Clés : Végétation, Gestion durable, Réserve, Léfini, République du Congo.

ABSTRACT
The present study proposes to detect the change of the vegetation of the reserve of faune of Lefini, in republic of Congo, between
2001 and 2018 and to indicate the challenges of durable management. It was based on the satellite imagery Landsat ETM+ of 2001 and
OLI of 2018 and the data of observation of ground on 120 pieces of 0.5 ha. The method of classification directed “Maximum Likelihood”
to obtain the various cards of occupation of the ground was used. The results show that the forest mesophile knew an annual rate of
reduction average in -0.92% which is highest on the whole of the reserve. On the other hand, grassy and shrubby savanna shows an
average annual rate positive (+ 0,05%) which corresponds to a space influence of 162 ha/an. This fall of the woody vegetable forma-
tions is caused by the anthropic activities mainly the fires and the cuts isolated from the trees and shrubs. Taking into consideration
this situation, the durable management of the reserve of fauna of Léfini remains a handicap. The absence of plan of installation makes
ineffective some sporadic actions conducted by the managers in charge of this protected area.

Keywords: Vegetation, durable Management, Book, Lefini, Republic of Congo

© (EDUCI) 2018 Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°1, 2018 15


INTRODUCTION
La végétation est considérée comme élément constitutif majeur du paysage (F. Alexandre et A. Génin,
2011, p 3). La protection des forêts est aujourd’hui une préoccupation planétaire. Il ne fait aucun doute que
la dégradation de l’environnement, la diminution massive des formations végétales pose aujourd’hui des
problèmes évidents. C. De Namur (1990, p.66) avait déjà mentionné que l’action de l’homme devient de
plus en plus importante, et transforme parfois radicalement ces formations végétales. Le cas des savanes,
ou des îlots de forêts semi-décidues au sein de forêts sempervirentes, en est souvent le témoin.
Les changements de conversion forestière ont été également constatés à l’échelle nationale où les
pertes de forêt sont estimées à une moyenne annuelle de 0,062% entre 2000 et 2012. Dans leurs travaux,
L. Bouetou-Kadilamio, et al, (2017, pp. 333-334) ont remarqué un changement régressif de la couverture
forestière dans le Nord-Ouest du Congo. F.G. Kimbatsa (2016, p. 223) met en évidence la régression de la
forêt dense au profit des formations anthropiques dans le Mayombe, avec un taux de régression de 1,65.
Mais, avant ces études basées sur le changement, une cartographie de la végétation existe à l’échelle
régionale et nationale. J. Koechlin (1961, p. 272) a abordé les aspects de phytogéographie qui l’ont conduit
à la réalisation de l’esquisse de la carte de la végétation du sud Congo. Dans leurs études, P. Vennetier
(1965, p. 48) et L. Bégué (1967, p. 67), ont eu le mérite de présenter les grands types de végétation sur
fond de carte des formations végétales du Congo. De même, B. Descoings (1975, p.94) et V. Kimpouni et
al., (1992, p. 143) ont élaboré une cartographie phytogéographique du Congo.
Ce constat, sur la dégradation de la végétation est le même dans la réserve de faune de la Léfini. En
effet, malgré son statut d’aire protégée, cette réserve voit perdre également sa biodiversité. La pression
induite par les activités humaines sur ce milieu a pour corollaire la modification de l’occupation du sol. Les
formations végétales sont soumises à des multiples formes de dégradation dues essentiellement à l’action
anthropique croissante.
Les mesures de protection établies jusqu’à ce jour n’ont malheureusement pas été poursuivies en raison
du manque de moyens financiers, logistiques et humains. Les mécanismes mis en jeu par les gestionnaires
n’ont pas permis d’empêcher la dégradation de la biodiversité. Il en résulte que cette réserve est placée
dans un contexte de disparition progressive, aussi longtemps que les pouvoirs publics, garants de sa pro-
tection assisteront passivement. Cette dégradation ne se limite pas, seulement, aux milieux forestiers mais
menace aussi les zones savanicoles.
Partant de ces constations, la présente étude porte sur la détection de changement du milieu issu de
l’évolution de la végétation suivie par télédétection sur la base des images satellitaires. Cette étude a pour
but de procéder à une analyse spatio-temporelle de l’occupation du sol puis de déterminer les différentes
mutations auxquelles est soumise la végétation dans la réserve de faune de la Léfini et évaluer les politiques
publiques de conservation de la biodiversité.

1. LOCALISATION ET CADRE GÉNÉRAL DE LA ZONE D’ÉTUDE


Créée depuis le 26 novembre 1951, la réserve de faune de la Léfini est située au Sud-est du Congo à
140 km au nord de Brazzaville. Elle est à cheval sur les départements des Plateaux et du Pool (figure 1).
S’étalant sur environ 350 000 ha, elle est implantée sur le complexe des plateaux Téké, notamment au
Nord-ouest et au Sud-est respectivement dans les plateaux de Nsah-Ngo et de Mbé.

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Figure 1 : Localisation de la zone d’étude

Le climat est de type subéquatorial et se caractérise par des précipitations allant de 1600 à 2100 mm
par an, une température de 25°C, une amplitude thermique annuelle de 1,5°C et une saison sèche dont la
durée est comprise entre 1 et 3 mois du nord au sud (L. Mathot, 2006 pp. 24-25). Les plateaux batéké en
général et la réserve de la Léfini en particulier connaissent une forte variabilité des précipitations annuelles
et mensuelles et les saisons sont relativement instables. Ce fait pluviométrique est parfaitement en phase
avec l’ensemble du Congo (M-J. Samba-Kimbata, 2002 p. 83) et l’Afrique équatoriale atlantique (G. Ibiassi
Mahoungou, 2003, p 68). La forêt et la savane sont les deux types de végétation qui se développent sur un
sol majoritairement sableux (L. Makany, 1976 pp. 5-10).

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2. DONNÉES ET MÉTHODES

2.1. DONNEES UTILISEES

L’étude est réalisée à partir de données satellitaires, de données de terrain et de cartes topographiques.
En fonction du but fixé ci-dessus, nous nous sommes intéressés aux images Landsat avec pour résolution
spectrale 30 m. Elles sont issues des capteurs ETM+ et OLI datant respectivement du 25/02/ 2001 et du
17/05/ 2018. L’année 2001 est prise comme année de référence en raison de la stabilité relative de la cou-
verture végétale. L’intervalle de temps qui sépare les deux images est de 17 années. Cette durée est assez
objective pour apprécier les évolutions des classes paysagères. Plus la résolution temporelle est grande,
plus la perception temporelle du changement est précise. Gratuites et libres de droit, elles sont fournies avec
un niveau de correction « Level 1G » c’est-à-dire que les corrections radiométriques et géométriques ont
été apportées lors des prises de vue. Ces images Landsat présentent un atout considérable pour les études
de la végétation. Les différentes variations du couvert végétal sont perceptibles sur celles-ci. Les données
de terrain sont représentées par les coordonnées géographiques (GPS) des parcelles d’observation pour
chaque strate d’occupation du sol. Au total 120 parcelles choisies aléatoirement et suivant les différentes
classes de pixels de chaque strate ont été vérifiées sur le terrain. Les parcelles sont caractérisées par leur
homogénéité et leur taille assez grande (0,5 ha) facilement reconnaissables sur le terrain. En effet, deux
missions de terrain ont été effectuées (octobre – novembre 2017 et janvier 2018) et ont permis de confirmer
ou infirmées les différentes strates d’occupation du sol. Ces parcelles ont donc servi d’échantillon pour le
processus de validation de la cartographie évolutive de la réserve. Enfin, les cartes topographiques de 2014
à l’échelle de 1/200 000, notamment les feuilles de Nsa-Mpouya (SA-33-II) et Mbé-Ngabé (SA-33-XXII) ont
donné les informations sur la légende.

2.2. METHODES DE TRAITEMENT DES IMAGES

2.2.1. Prétraitement d’images multibandes

Les opérations de traitements d’images Landsat sont effectuées sur le logiciel ENVI 5.1. Le préalable
que nous posons est le choix des combinaisons de canaux. La composition colorée 457 a été appliquée
sur ces images : bande PIR dans le canal rouge, bande MIR dans le bleu et deuxième bande MIR dans le
vert. La fonction de rehaussement de l’image a eu pour but d’améliorer l’apparence de l’image pour aider à
l’interprétation et l’analyse visuelle. Il permet l’étirement des contrastes pour augmenter la distinction entre
les différents éléments d’une scène.

2.2.2. Détermination des zones d’entraînement ROI

La définition des zones d’entraînement ou régions d’intérêt (ROI) a été effectuée grâce à une procédure
itérative multi-échelle basée sur la clé d’identification et l’extraction d’information. L’observation des diffé-
rences implique la comparaison entre différentes images en se basant sur une combinaison des caracté-
ristiques suivantes : ton, forme, taille et texture. Les informations spatiales ont permis de définir les classes
d’occupation du sol (regroupant les formations végétales et dépourvues de celles-ci).
La forêt galerie et la forêt mésophile sont quasiment identiques à l’observation, ce qui nous a conduit à
l’obtention d’une classe unique. Il convient de faire remarquer qu’il n’est pas aisé d’avoir des classes dis-
tinctes de savane herbeuse et savane arbustive à cause de nombreuses formes de transition étalées sur
de petites surfaces au point où la discrimination devient difficile. A l’exception de ces classes caractérisant
les formations végétales, deux autres (sols dénudés et rivière) ont été identifiées. C’est à l’issue de cette
identification que les ROI correspondantes à l’occupation du sol ont été extraites.

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2.2.3. Classification des images Landsat

Après l’obtention des données d’entraînement, nous avons procédé à la classification dirigée à partir
de l’algorithme de maximum de vraisemblance qui est la méthode la plus utilisée. Les résultats obtenus
suivant cette technique sont jugés probants. H. Dibi N’dah et al. (2008, p. 32) ont fait remarquer que les
traitements numériques d’images Landsat ETM+ et TM suivant ce procédé et associé aux observations de
terrain constituent un moyen efficace pour discriminer les différents types de végétation du Parc.
Elle a permis de produire les informations prenant en compte la définition des classes et l’identification
de zones. Cette opération est utilisée pour identifier et classifier numériquement les pixels d’une image.
Elle est basée sur les caractéristiques statistiques de la valeur de l’intensité du pixel. Le pixel représente
un élément de référence, le regroupement est basé sur le seul critère de ressemblance spectrale. Deux
pixels qui ont des signatures spectrales proches, comprises dans un intervalle fixé par l’algorithme proposé,
appartiendront à la même classe thématique (R. Caloz et C. Collet, 2001 pp. 287-307).
L’évaluation d’une classification est un concept complexe comprenant la référence à plusieurs critères et
pouvant se dérouler en plusieurs étapes. La classification par maximum de vraisemblance est une méthode
tout à fait satisfaisante mathématiquement car les pixels sont classés à partir d’une probabilité, ce qui est
tout à fait souhaitable en télédétection (M.C. Girard et C. Girard, 1999 pp. 157-205). Cette méthode, par la
règle d’affectation de chaque pixel, permet de réduire les risques d’erreur, en utilisant au mieux les proba-
bilités d’appartenance. L’appartenance d’un pixel à une classe est déterminée suivant la probabilité plus ou
moins importante d’y être intégrée. La règle bayesienne permet d’affecter le pixel à la classe pour laquelle
la probabilité d’appartenance est la plus forte. Il s’agit de la méthode jugée la plus performante (F. Bonn et
G. Rochon, 1993 p. 376).

2.2.4. Qualité de la classification du couvert végétal

La qualité de la classification est souvent appréciée par deux paramètres, notamment la matrice de
confusion et l’arbre de décision. Suivant l’orientation que nous donnons par la suite à cette étude, le premier
paramètre est à cet effet préférable. La matrice de confusion offre une mesure quantitative de la qualité
de l’échantillonnage et de la séparation des classes. Pour s’assurer de la qualité et de la performance des
classifications, on utilise donc des indices fondés sur cette matrice de confusion (V. Djoufack-Manetsa, 2011
p. 29). A partir de la matrice, les indices suivants sont calculés automatiquement : la précision globale et
l’indice de Kappa (K).
La précision globale de la classification est donnée par la moyenne des pourcentages des pixels cor-
rectement classés (MPCC). Il ne prend en compte que les éléments situés sur la diagonale et correspond à
une mesure de la séparabilité des classes en fonction des divers canaux. L’indice de Kappa est le rapport
entre le nombre de pixels bien classés et le total des pixels sondés. De façon pratique, il représente le degré
d’accord entre les données à classer (observés) et les données de référence (aléatoires). Cet indice indique
comment les données à classer s’accordent aux données de référence. Il est un estimateur de la précision
d’une classification qui tient compte des erreurs en ligne et en colonne (G.R. Congalton, 1991 pp. 36-37). Le
Kappa constitue une mesure fiable dans l’évaluation des classifications thématiques, car il examine tous les
éléments dans la matrice de confusion. Le résultat est un nombre réel, sans dimension, compris entre -1 et
+1. Il sera d’autant meilleur que la valeur de Kappa est proche de +1. L’indice de Kappa peut être excellent
(0.81), bon (0.80 - 0.61); modéré (0.6 - 0.21), mauvais (0.20 - 0.0) et très mauvais quand il est inférieur à
0.0 (J.R. Landis and G.G. Koch, 1977 p. 165). Les statistiques obtenues à partir des matrices de confusion
(MPCC et Kappa) ont permis de procéder aux comparaisons après combinaison de différentes dates.

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2.2.5. Détection des changements

Les images Landsat étant classifiées, nous avons procédé à la détection des changements biophysiques
qui ont lieu dans la réserve de la Léfini pendant la période 2001-2018. Selon Y. C. H Hountondji (2008,
p. 80) les zones d’impact sont perceptibles par des contrastes entre formations végétales et formations
non-végétales et par la superposition des néo-canaux (indices calculés pour chaque image). Une fois les
images normalisées une simple différence de pixel à pixel et bande spectrale par bande spectrale permet
de mettre en évidence les évolutions radiométriques entre les deux images. La soustraction d’images a été
utilisée pour identifier les changements survenus entre des images liées géométriquement obtenues à des
dates différentes. La détection des changements a été effectuée grâce au calcul de la variation des valeurs
de chaque pixel entre les années 2001et 2018. Elle est exprimée par l’expression algébrique suivante :
Δ(i) = Vp(i) 2001 - Vp(i) 2018
Avec : Δ(i) : variation du compte numérique du pixel (i) entre 2001 et 2018 ;
V(i): valeur du pixel.
Après cette application algébrique une matrice de changement entre les deux images a été générée. Elle
présente la répartition et les proportions respectives des classes d’occupation du sol affectées (ou non) par
les changements. Le nombre de classes est passé de cinq (à l’exception de la rivière) à trois. Une typologie
du changement présentée en trois classes d’occupation du sol a été générée. De façon générale, il s’agit des
« modifications » et des « conversions » de ces classes qui s’opposent aux situations de « sans changement
». La « modification » renvoie au changement intervenu au sein d’une même classe. Il peut être positif et
renvoie à une amélioration du couvert forestier (la savane arbustive devient la forêt mésophile) ou négatif
et implique une dégradation forestière (la forêt mésophile devient la savane arbustive). La « conversion»
est le passage d’une catégorie à une autre par exemple la savane qui perd sa couverture végétale pour
devenir un sol dénudé. Enfin, le terme « sans changement » s’applique à l’ensemble des classes qui sont
restées stables entre les deux dates. En partant des différentes classes obtenues après le processus de
classification, trois classes ont été détectées à partir de la variation de compte numérique des pixels (Δ(i)). Il
s’agit de: amélioration forestière ou progression (Δ(i)>1), dégradation ou régression (Δ(i) <1) et stabilisation
du couvert végétal (Δ(i)=0).
Après cette détection de changement de l’affectation des terres réalisée dans ENVI, logiciel de traitement
d’image, les fichiers images obtenus sont intégrés dans Arc Gis où des statistiques spatiales (superficie,
changement interannuel, taux d’évolution au sein de la classe et taux annuel d’évolution) ont été détermi-
nées. Les informations recueillies pendant les visites de terrain, notamment les types de végétation, ont
permis d’affiner le traitement numérique de ces images et de valider les cartes d’occupation du sol de 2001
et 2018 de la réserve de faune de la Léfini. Ces cartes permettent d’entreprendre une analyse qualitative
et quantitative de la dynamique végétale en rapport avec les activités anthropiques.

3. RÉSULTATS

3.1. RESULTATS DE LA CLASSIFICATION DES IMAGES

La classification dirigée à partir de l’algorithme de maximum de vraisemblance des images Landsat du


25/02/2001 et du 17/05/2018 est appréciée par les matrices de confusion (tableaux I et II). Ces matrices
donnent une précision statistique globale de 94 % à 92 % avec des indices de Kappa de 0,89 et 0,87 res-
pectivement pour l’image de 2001 et 2018. En se référant aux critères établis par J.R. Landis et G.G. Koch
(1977, p.165), les indices obtenus sont excellents (supérieur ou égal à 0.81). De même, R.G. Pontius (2000,

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pp.1012-1013) affirme également que lorsque l’indice de Kappa évalué dans les opérations de classification
est supérieur à 75%, la classification adoptée est valable et les résultats sont statistiquement acceptables.
Ces tableaux indiquent également le niveau de fiabilité et les principales confusions observées au niveau
de chacune des classes. En effet, il y a eu confusion des pixels de certaines classes d’occupation du sol à
d’autres. Cependant, l’indice de Kappa a permis de retirer la portion de hasard ou de subjectivité.
Tableau I : Matrice de confusion pour l’évaluation de la précision de la classification de l’image Landsat
182r062 du 25/02/2001

Point de contrôle (%)


Confusion Matrix: lefini\Landsat\PostClassif2001.p.s.img
Overall Accuracy = (476988/502442) 94.9339%
Kappa Coefficient = 0.8936
Ground Truth (Pixels)
Classe FM SHB SNAR Rivière Total
FM 131076 166 6 163 131411
SHB 517 330896 1447 32 332892
SNAR 44 6004 12707 4 18759
Rivière 16125 945 1 2309 19380
Total 147762 338011 14161 2508 502442

Ground Truth (Percent)


Classe FM SHB SNAR Rivière Total
FM 88.71 0.05 0.04 6.50 26.15
SHB 0.35 97.90 10.22 1.28 66.25
SNAR 0.03 1.78 89.73 0.16 3.73

Rivière 10.91 0.28 0.01 92.07 3.86


Total 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00
Légende: FM (Forêt mésophile) ; SHA (Savane herbeuse et arbustive) ; SNAR (Sols nus et affleurements
rocheux.

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Tableau II: Matrice de confusion pour l’évaluation de la précision de la classification de l’image Landsat
182r062 du 17/05/2018
Point de contrôle (%)
Confusion Matrix: lefini\Landsat\PostClassif2018.p.s.img
Overall Accuracy = (454145/489226) 92.8293%
Kappa Coefficient = 0.8774

Ground Truth (Pixels)


Classe FM SHB SNAR Rivière Total
FM 205157 2583 22 59 202493
SHB 8987 216831 807 23 226648
SNAR 449 7774 33770 0 41993
Rivière 14150 227 0 1051 15428
Total 226079 227415 34599 1133 489226
Ground Truth (Percent)
Classe FM SHB SNAR Rivière Total
FM 89.57 1.14 0.06 5.21 41.94
SHB 3.98 95.35 2.33 2.03 46.33
SNAR 0.20 3.42 97.60 0.00 8.58
Rivière 6.26 0.10 0.00 92.76 3.15
Total 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00
La matrice de l’image du 25/02/2001 est caractérisée par les classes de formation végétale dont les
valeurs de précision sont très élevées (supérieures à 88%) avec par exemple 97.9% de savane herbeuse
et arbustive. Les valeurs des classes de non formation végétale sont aussi élevées, dépassant toutes 88%.
Par contre, toutes les classes d’occupation du sol de l’image du 17/05/2018 présentent des précisions spé-
cifiques supérieures à 89%. La classe de non formation végétale, notamment les sols nus et affleurements
rocheux a le taux de précision le plus élevé avec 97.60%. De façon synthétique, les résultats des pixels
révèlent une variation significative au sein de différentes classes.
Par ailleurs, les précisions de l’utilisateur (tableaux III et IV) observées pour les classes de formation
végétale (forêt mésophile, savane herbeuse et arbustive) sont toutes supérieures à 95%. Les sols nus et
affleurements rocheux ont une bonne précision pour l’image de 2018 alors qu’elle est relativement faible
pour l’image de 2011. Cette faiblesse est due au choix parfois imprécis des zones d’entraînement (ROI) sur
l’image comme en témoignent les erreurs par commission dont les valeurs sont assez élevées. A l’inverse,
les erreurs par omission sont très faibles.

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Tableau III : Erreur de confusion et d’omission pour la classification d’occupation du sol en 2001

Commission Omission Commission Omission


Classe
(Percent) (Percent) (Pixels) (Pixels)
FM 0.25 11.29 335/131411 16686/147762
SHB 0.60 2.10 1996/332892 7115/338011
SNAR 32.26 10.27 6052/18759 1454/14161
Rivière 54.06 7.93 5071/9380 199/2508

Prod. Acc. User Acc. Prod. Acc. User Acc.


Classe
(Percent) (Percent) (Pixels) (Pixels)
FM 88.71 99.75 202493/226079 202493/205157
SHB 97.90 99.40 216831/227415 216831/226648
SNAR 89.73 67.74 33770/34599 33770/41993
Rivière 92.07 11.91 1051/1133 1051/15428

Tableau IV : Erreur de confusion et d’omission pour la classification d’occupation du sol en 2018

Commission Omission Commission Omission


Classe
(Percent) (Percent) (Pixels) (Pixels)
FM 1.30 10.43 2664/205157 23586/226079
SHB 4.33 4.65 9817/226648 10584/227415
SNAR 19.58 2.40 8223/41993 829/34599
Rivière 43.79 7.24 2377/5428 82/1133

Prod. Acc. User Acc. Prod. Acc. User Acc.


Classe
(Percent) (Percent) (Pixels) (Pixels)

FM 89.57 98.70 202493/205157


202493/226079

SHB 95.35 95.67 216831/227415


216831/226648
SNAR 97.60 80.42 33770/34599 33770/41993
Rivière 92.76 6.81 1051/1133 1051/15428

3.2. DYNAMIQUE DE L’OCCUPATION DU SOL

Cette dynamique est appréciée par une cartographie multi date de la réserve de la Léfini (figures 2 et 3).
En effet, il ressort de cette analyse spatio-temporelle des évolutions des superficies des différentes classes
d’occupation du sol en 2018 par rapport à l’année 2001. Le taux d’évolution au sein de la classe montre une
forte extension des sols dénudés et affleurements rocheux (101,83%) et une très légère augmentation de
savane herbeuse et arbustive (0,79%). Cette dernière classe est la seule qui a connu une évolution positive

© (EDUCI) 2018 Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°1, 2018 23


des deux classes de formation végétale. Parallèlement à l’augmentation des tiges d’avenir (ou régénération)
en nombre et diamètre, nous notons une diminution des formations ligneuses. Ainsi, la forêt mésophile a
perdu sa superficie initiale de (-15,7%). Ces différentes statistiques indiquent clairement que la réserve de
faune de la Léfini connaît une forte dynamique spatiale qui relance les enjeux de la conservation de cette
aire protégée. La rupture d’équilibre de ces formations forêts-savanes a pour corollaire le recul du couvert
végétal dont l’agent vecteur reste pour l’essentiel les activités anthropiques.

Figure 2 : Occupation du sol en 2001 Figure 3 : Occupation du sol en 2018

3.3. TYPES DE CHANGEMENT DES CLASSES D’OCCUPATION DES SOLS

Les changements observés au niveau des différentes classes ont été appréciés à partir de la variation
des valeurs des pixels des classes d’occupation du sol entre 2001 et 2018. La typologie de changement
définie dans la partie détection des changements a mis en exergue trois classes. Il s’agit de la perte, de la
stabilisation et de l’amélioration du couvert végétal (figure 4). Suivant cette période d’étude, la réserve de
faune de la Léfini a connu une perte du couvert végétal de 15.612 ha soit 4,5%. Cette perte touche essen-
tiellement les formations ligneuses forestières et savanicoles. Les pixels indiquant le taux d’amélioration de

Hugues Bruno Goma BOUMBA et al : Détection des changements de la végétation ...


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ce couvert occupent une superficie de 82.754 ha soit 23,8%. Cette tendance à la hausse est plus marquée
par la régénérescence plus ou moins rapide de la savane herbeuse et arbustive après passage des feux.
A contrario, 249.273 ha soit 71,7% de la superficie de la réserve est restée stable au cours de la période
étudiée. Cette stabilité est observée à plusieurs endroits, pendant les visites de terrain pour les opérations
d’inventaire floristique et de validation des résultats, où la croissance des espèces ligneuses n’est pas per-
turbée. De même, aucune marque d’empreintes inhérentes aux activités anthropiques n’est observée. La
densité des arbres dans certaines parcelles est de plus de 150 pieds sur une surface de 0,5 ha.

Figure 4 : Dynamique de changement de la végétation entre 2001 et 2018

Les changements observés au niveau de chaque classe sont présentés dans le tableau V. Il est à faire
observer que ces changements varient d’une classe d’occupation du sol à une autre avec de grand écart.
Les classes de forêt mésophile et savane herbeuse et arbustive ont été affectées par de grandes variations.
Par ailleurs, le sol dénudé a connu, à l’échelle de la réserve, des changements notables avec une pro-
portion très forte dépassant nettement 90%.

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Tableau V : Matrice de changement des classes d’occupation du sol (2001-2018)

Percentages
FM SHB SNAR
FM 89.731 6.427 8.130
SHB 3.095 81.411 80.893
SNAR 0.179 10.489 8.782
Rivière 6.995 1.673 2.195
Class total Total 100.000 100.000 100.000
Class changes 10.269 18.589 91.218

De façon synthétique, les résultats obtenus sur la dynamique de l’occupation du sol révèlent une variation
significative des taux d’évolution au sein d’une même classe et d’une classe à une autre. Concomitamment à
cette dynamique, il se dégage, dans l’ensemble des classes des écarts conséquents des valeurs des pixels.
En outre, afin de mieux cerner cette dynamique, une analyse des différentes classes telles que présentées
par le tableau VI, a été envisagée.

Tableau VI : Taux d’évolution des classes d’occupation du sol entre 2001 et 2018

Changement Taux d’évolution Taux annuel


Année 2001 Année 2018
Classe en ha au sein de la classe d’évolution
Superficie Superficie
% % (2001-2018) (%) (%)
(ha) (ha)
Forêt mésophile 98. 018 28,2 82.625 23,76 -15.393 -15,7 -0,92
Savane herbeuse
237.210 68,23 239.965 69,03 2.755 0,79 0,05
et arbustive
Sols nus et affleu-
12.411 3,57 25.049 7,21 12.628 101,83 5,99
rement rocheux
Total 347.639 100 347.639 100    

La forêt mésophile a connu un taux de diminution moyen annuel de -0,92% qui est le plus élevé sur
l’ensemble de la réserve. Cette tendance à la baisse s’explique principalement par les feux et les coupes
isolées des arbres et arbustes. Les souches observées sur le terrain témoignent la dégradation et donc
la diminution progressive de certaines espèces végétales. La réduction de la surface de cette classe est
de -905 ha/an. Si la forêt mésophile ne disparaît pas complètement, elle est peu à peu convertie en des
variantes boisées dégradées, notamment en une savane arbustive. Les activités anthropiques expliquent
en partie la transformation progressive de cette classe en d’autres formations plus marginales et moins
boisées comme la savane arbustive et herbeuse.
A l’opposé de la première formation boisée, la savane herbeuse et arbustive connait un taux annuel moyen
positif de (+0,05 %) mais très faible ce qui correspond à une emprise spatiale de 162 ha. Cette classe est
la plus exposée aux feux surtout pendant la saison sèche (juin à septembre) et la période de fléchissement
intrapluvial (janvier-février) les herbes et les arbustes subissent un stress hydrique remarquable. Le passage
du feu engendre des zones dépourvues de couvert végétal.

Hugues Bruno Goma BOUMBA et al : Détection des changements de la végétation ...


26
Le sol nu et l’affleurement rocheux est une classe issue de la conversion du couvert végétal. Ce vocable
regroupe les classes dérivées de l’action directe de l’homme (sol nu, habitation, route, espace défriché et
désherbé). Son taux annuel d’évolution (5,99%) est parfaitement en phase avec la forte extension spatiale
estimée à +743 ha. Nos visites de terrain, révèlent la présence des habitations dans et autour de la réserve.
Le cas échéant, Les populations riveraines s’engagent dans l’exploitation artisanale de la forêt et se livrent,
aux activités agricoles. Les plantations sont de taille modeste, ne dépassant pas 0,5 ha. Ces surfaces
dénudées et affleurements rocheux laissent apparaître des plages où la roche affleure. Cette progression
se fait au détriment du couvert végétal clairsemé. La dégradation des formations ligneuses se traduit en
dégradation des sols induisant l’accélération du cycle de l’eau. La conséquence directe de cette conversion
est l’érosion hydrique sous ces multiples formes (ravines, rigoles, ravins).
En résumé, il convient de faire remarquer que cette étude donne un aperçu sur l’état du couvert végétal.
La perte de la végétation est relativement significative au regard du taux obtenu. Cette relative instabilité du
couvert végétal occulte toutes les disparités qui sont décelées entre les différentes formations végétales.
La réserve de faune de la Léfini est sous menace d’une conversion des terres occasionnée par la perte
persistante de la végétation.

4. DISCUSSION DES RÉSULTATS

4.1. TRAITEMENT NUMERIQUE

Les traitements numériques ont donc été validés par l’analyse statistique des résultats (matrices de
confusions) et les vérité-terrains. On note que la sélection des sites à échantillonner dans les différents
milieux écologiques et leur repérage dans la réserve de faune de la Léfini a été rendue possible par les
images Landsat. Les précisions globales de la classification dirigée à partir de l’algorithme de maximum de
vraisemblance des images Landsat du 25/02/2001 et du 17/05/2018 sont respectivement 94.93% et 92,82%.
Selon les critères de RG. Congalton, (1991, pp. 36-37), ces résultats sont statistiquement acceptables. Cette
approche avait précédemment été testée dans le Nord du Congo, précisément dans le département de la
Likouala, par L. Bouetou-Kadilamio et al (2016, p.326). Les précisions globales obtenues dans notre zone
d’étude (centre du pays) sont parfaitement en phase avec celles obtenues par ces auteurs.
Outre les précisions globales, les valeurs de l’indice de Kappa des deux images sont aussi statistiquement
satisfaisantes selon l’échelle de R. G. J. Pontius (2000, pp1012-1013).De même, les valeurs des erreurs de
commission obtenues sont acceptables parce qu’aucune de ces erreurs n’est au–dessus de 70 %, considéré
comme valeur limite (R. G. J Pontius, 2000, pp1012-1013). Certaines classes se confondent. Dans ce cas
la discrimination devient de plus en plus difficile et que leurs signatures spectrales sont souvent similaires
(Y. C. H. Hountoundji, 2008 pp. 80-81 ; L. Bouétou-Kadilamio et al., 2017 p. 228). Ceci peut éventuellement
expliquer la difficulté qui s’était posée lors du processus de classification où nous n’avons pas pu discriminer
les savanes herbeuse et arbustive qui en fin de compte constituent une classe unique.

4.2. DYNAMIQUE FORESTIERE DANSLA RESERVE DE FAUNE DE LA LEFINI

La dynamique de l’occupation du sol montre que la formation végétale ligneuse, par opposition à la forma-
tion végétale non ligneuse, régressent de façon importante. Le taux annuel de régression (évolution négative)
constaté au niveau de la forêt mésophile est le plus élevés dans la réserve de faune de la Léfini avec -0,92%.
Cette perte des formations végétales ligneuses rime avec celle constatée à l’échelle du Congo et celle du
bassin du Congo. En effet, dans leur étude, C. Ernest et al (2012, pp. 23-41) constatent le changement du
couvert forestier au Congo induisant à une conversion des terres. La déforestation et la dégradation sont

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les deux conversions les plus remarquables confirmant ainsi la tendance générale à la perte des forêts.
Leurs taux de déforestation nette sont respectivement évalués à 0,03% pour la période de 1990 à 2000 et
0,07% pour la période de 2000 à 2005. Pendant ces deux périodes, le taux de dégradation nette est resté
constant à 0,03%. Ces auteurs ont également estimé les taux des pertes des formations ligneuses pendant
les mêmes périodes respectivement à 0,09% et 0,17% pour la déforestation nette, 0,05% et 0.09 % pour
la dégradation nette. Par ailleurs, le taux national de perte de forêt est estimé à une moyenne annuelle de
0.075% entre 2000 et 2010 par OSFAC1 (2012). Ces statistiques attestent une dynamique complexe de
changement et de conversion des paysages forestiers à différentes échelles.
Cette tendance générale à l’évolution régressive des formations végétales naturelles est également
constatée dans le sud du pays (J.M. Moutsamboté, 1985 p. 127) et dans d’autres zones géographiques,
au-delà du bassin du Congo. Dans ses travaux, O. Arouna (2012, p. 72) constate que les forêts denses
sèches, dans la Commune de Djidja au Benin, ont été complètement converties en d’autres unités d’occu-
pation du sol. Les autres formations végétales comme les forêts galeries, les forêts claires et les savanes
arborées sont devenues des formations végétales rares et s’observent le plus souvent au niveau des terres
marginales inaptes à l’agriculture.
Les principaux déterminants de dégradation de la végétation de la réserve de faune de la Léfini sont
essentiellement d’origine anthropique, notamment les feux de brousse et de savane, l’agriculture, le prélè-
vement des produits forestiers non ligneux, l’extraction du bois (coupe d’arbres et d’arbustes) et la chasse.
Faisant remarquer que les feux sont de très loin le premier déterminant. Certes les feux détruisent les
milieux forestiers, mais la majorité des scientifiques admettent qu’ils ne détruisent pas les savanes, mais
qu’ils sont au contraire le principal facteur de leur maintien. La suppression totale des feux ou la pratique
des feux précoces ferait ainsi évoluer les savanes vers des milieux plus fermés et modifierait la physiono-
mie et la composition de la végétation ainsi que l’équilibre de l’écosystème dans son ensemble (Y. C. H.
Hountoundji, 2008 p. 92). L’évolution progressive des strates de savanes herbeuse et arbustive (+162 ha/
an) illustre parfaitement cette affirmation.
Mais, d’une manière générale, ces activités touchent la structure et la composition floristique des végé-
taux. Elles sont impulsées par la croissance démographique, l’arrivée des migrants, l’inefficacité des textes
et politiques forestiers, le régime foncier et dans une moindre mesure les perturbations climatiques.
Cependant, les mesures de protection établies jusqu’à ce jour n’ont malheureusement pas été poursui-
vies en raison du manque de moyens financiers, logistiques et humains. Les mécanismes mis en jeu par
les gestionnaires n’ont pas permis d’empêcher l’érosion de la biodiversité. Les enjeux de gestion durable
définis par le texte portant création de cette réserve en termes de conservation sont toujours intacts. Cette
immense aire est protégée et surveillée seulement par cinq écogardes. Malgré son statut d’aire protégée,
la Léfini voit perdre sa biodiversité. Sa physionomie change jour après jour. La réserve de la Léfini est
parmi les aires protégées les plus soumises aux pressions extérieures (UICN/PACO22, 2012, pp.51-54).
La pression la plus grave est le braconnage. En effet, les activités cynégétiques locales, exacerbées par la
croissance démographique et la demande brazzavilloise en produits de la forêt, ont largement entamé le
potentiel floristique et faunistique de cette réserve. A ceci s’ajoute une pression de conversion des terres
par les riverains à des fins de production agricole.
Il en résulte que la réserve de la Léfini est placée dans un contexte de disparition progressive, aussi
longtemps que les pouvoirs publics, garants de sa protection assisteront passivement. La pression induite
par les activités humaines sur les différents espaces contribue à modifier l’occupation du sol. Les formations

1 OSFAC : Observatoire Satellital des Forêts d’Afrique Centrale


2 Union Internationale pour la Conservation de la Nature/ Programme Afrique centrale et Occidentale

Hugues Bruno Goma BOUMBA et al : Détection des changements de la végétation ...


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végétales sont soumises dès lors à des multiples formes de dégradation dues essentiellement à la nature
des sols et à l’action anthropozoogène croissante sur le milieu. Cette dégradation ne se limite pas, seule-
ment, aux milieux forestiers mais menace aussi la biodiversité des zones non forestières.
Cependant, l’observation des dynamiques d’utilisations actuelles de la végétation ne présage guère leur
durabilité. En effet, la vitesse à laquelle l’environnement est altéré, l’importance des dégradations et leurs
conséquences sur la continuité de la répartition et de l’abondance des espèces, des systèmes écologiques
et de la variabilité génétique constituent des menaces importantes pour un développement économique
viable et durable. Il est donc difficile, dans un tel contexte, d’envisager la conservation.
Il urge donc de mener une réflexion sur la nécessité de pratiques productives plus respectueuses de
l’environnement. Pour ce faire, les causes et les effets relatifs à la dégradation de la végétation doivent
être largement portés à la connaissance des populations pour susciter en retour le respect de la nature et
la durabilité de l’ensemble des écosystèmes caractérisant cette réserve. Après cet état des lieux, il paraît
essentiel que les pouvoirs publics proposent un modèle de gestion qui puisse s’adapter aux nouvelles
exigences planétaires à savoir la gestion durable de la biodiversité.
La loi en vigueur prévoit que chaque concession forestière soit dotée d’un plan d’aménagement définissant
les objectifs, les règles de gestion et les conditions d’exercice de droits d’usage par les populations locales.
Mais ce n’est malheureusement pas le cas pour la réserve de la Léfini. C’est pourquoi, aussi longtemps
que cette réserve ne sera pas dotée d’un plan d’aménagement, les déterminants constatés demeureront
et même s’amplifieront.

CONCLUSION
L’étude a porté sur la détection des changements de la végétation et montre les enjeux de gestion durable
de la réserve de faune de la Léfini. Les résultats obtenus, illustrés par une cartographie multi dates, montrent
une évolution régressive des formations végétales ligneuses. Par contre, la couverture herbeuse et arbustive
présente une hausse légère. Cette baisse des surfaces forestières s’est faite au profit des zones agricoles
et des zones dégradées qui ne cessent de conquérir de nouveaux espaces forestiers. Dans l’ensemble,
les pressions anthropiques sur les surfaces forestières sont croissantes au regard des résultats obtenus.
Cette étude nous a permis de comprendre qu’il y a une réelle nécessité d’alerter les pouvoirs publics de
s’impliquer dans la gestion durable des forêts de la réserve de faune de la Léfini.

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