Dangres Des Discours Haineux

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LES DANGERS DU DISCOURS DE HAINE EN MILIEU

UNIVERSITAIRE ET AU DELÀ

Ces derniers mois, dans de nombreuses plateformes de discussions


sociales, est apparu un discours à résonnance particulière : un discours de
haine.

Bien que de manière encore voilée, ce discours est en train d’atteindre


les universités, temples connus et reconnus du savoir dans toute société.

Au regard des conséquences graves qui pourraient découler de sa mise


en œuvre par ceux qui l’articule, il nous a semblé nécessaire et important de
consacrer une brève discussion à ce phénomène potentiellement dévastateur
de notre société.

La présence réflexion se propose d’apporter quelques éclairages autour


de cinq questions fondamentales qui sont :

1. Que faut-il entendre par le vocable « discours de haine » ?


2. Quelles ont été les conséquences de son application au sein des sociétés
qui ont expérimenté sa mise en œuvre ?
3. Quels ont été les facteurs déclencheurs de sa montée en puissance dans
l’histoire récente des sociétés ?
4. Pourquoi la présence de ce phénomène devrait-elle encore être plus
préoccupante en milieu universitaire ? et enfin,
5. Que pourrait-on faire pour combattre en freinant au maximum sa
propagation nationale en général, et en milieu universitaire en
particulier ?

Ces interrogations qui soulèvent en elles-mêmes de vastes débats ne sont


abordées ici que de manière relativement succincte, sans prétention aucune à
l’exhaustivité. Un autre cadre d’analyse nous permettra plus tard d’aborder
ces problématiques avec encore plus de profondeur. Commençons par le
premier point de cette réflexion.

1
Que devrait-on entendre par « discours de haine » ?

Le terme « discours de haine » ou « discours haineux » se réfère à un type


de message, de propos ou de signaux communicationnels qui, au-delà de
l’injure ponctuelle, s’attaque de manière spécifique, pernicieuse et ouverte, à
une personne ou à un groupe de personnes, sur la base de caractéristiques
diverses telles que : leur couleur de peau ; leur appartenance ethnique ;
religieuse ; linguistique ; culturelle ; etc...

Autrefois diffusé au travers des mass médias traditionnels (Radio,


Télévision et presse écrite), les concepteurs et utilisateurs de ce discours font
désormais usage des nouvelles technologies de l’information que l’on retrouve
surtout dans le cyberespace, avec leur effet multiplicateur.

L’histoire récente nous offre un cadre idoine pour évaluer avec le


nécessaire recul que seul procure le temps, l’impact de l’utilisation ces
messages sur l’humanité.

Les conséquences bien connues du recours à un discours : la


« Shoa » dans l’Allemagne nazie et le massacre des Tutsi au
Rwanda.

Point n’est besoin d’être un historien de haut vol ou un sociologue


professionnel pour comprendre, après lecture de leurs déroulement respectifs,
que l’extermination des juifs dans l’Allemagne Nazie (1933-1945) et le génocide
des Tutsi et de leurs protecteurs Hutu au Rwanda en 1994, furent des
conséquences directes et palpables des discours de haine articulés à
l’encontre de ces communautés spécifiques par les classes dirigeantes des
deux pays concernés.

Pour ce qui est du premier pays cité, il conviendrait de rappeler que le


programme politique en 25 points du parti Nazi (National Sozialisatische
Deutsche Arbeiter Partei- NSDAP) contenait comme l’un de ses axes majeurs,
l’exclusion systématique des juifs de la citoyenneté allemande. Il fut exposé
pour la première fois par Adolf Hitler lui-même, au cours d’une réunion
publique à la Hofbräuhaus de Munich (qui existe toujours), le 24 février 1920.

2
La suite est hélas trop bien connue. En l’espace de 10 ans, 8 mois et 28
jours de leadership politique, militaire, culturel, économique et technologique
(entre autres domaines) sur l’Allemagne (du 2 août 1934 au 30 avril 1945), les
dirigeants du 3ème Reich ont envoyés à la mort, à partir des camps de
concentration et d’extermination, près de 3 millions de juifs, au motif que ces
derniers seraient des « sous-hommes » nuisibles à l’épanouissement de « la
glorieuse race aryenne allemande ».

Pour celles et ceux à qui cela pourrait servir de leçon, Voici rappelés ci-
dessous les conséquences et le bilan du lugubre discours de haine nazi passé
de la parole aux actes entre 1933 et 1945.

Camp d’extermination Nombre de morts Nombre de survivants

Auschwitz – Birkenau 1 100 000 00

Treblinka 1 200 000 02

Sobibor 250 000 50

Chelmno 150 000 03

Majdanek 78 000 200 000

Total 2 778 000 200 055

Sources : Saul Friedlander, Les années d’extermination : l’Allemagne


nazie et les juifs : 1939-1945, Paris Ed. du Seuil, 2008, 1028 pages et Arno
Mayer, La « Solution finale » dans l’histoire, Paris, la Découverte, Coll. de
« Poche », 2002, 566 pages.

S’agissant du second pays mentionné plus haut pour illustrer les


conséquences palpables du discours de haine, il importe de retenir que la
première référence connue initiée par les Hutu pour planifier l’organisation
d’un génocide contre les Tutsi, date de la rédaction du « Manifeste Bahutu »
voté par des haut-décideurs de ce dernier groupe dès 1957, c’est-à-dire avant
l’indépendance du pays qui fut proclamée le 28 janvier 1961.

3
La tragique conséquence de sa première mise en œuvre fut le
déclenchement du conflit Hutu contre Tutsi de 1959, qui se soldat par l’exil
de 300 000 Tutsi du pays.

Qu’est-ce qu’un génocide ? D’après la convention des Nations Unies


pour la prévention de la répression du crime de génocide du 9 décembre
1948, « un génocide est commis dans l’intention de détruire, en tout ou en
partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Au moment du
génocide d’avril 1994, le Rwanda comptait 7.3 millions d’habitants, répartis
ainsi qu’il suit : 84% de Hutu, 15% de Tutsi et 1% Twa.

Ouvertement, appelés « cancrelats » par des « journalistes » Hutu sur les


ondes de la tristement célèbre Radio « Libre » des Mille Collines, les Tutsi furent
rendus responsables de la mort du Président Habyarimana, sans qu’aucune
preuve ne soit présentée par qui que ce soit pour étayer ces accusations
graves. Le résultat de ces diatribes de haine est, une fois de plus, connu de
nous tous, mais probablement sans les précisions morbides qui vont suivre.

Selon un décompte fourni par le gouvernement du Rwanda post-


génocide, l’on aurait dénombré 1 174 000 victimes des massacres. Ceci revient
à enregistrer l’exécution de 10 000 meurtres par jour, de 400 massacres par
heure et 7 tueries par minutes pendant 90 jours ! (Voir Dady de Maximo,
« A Genocide That could have been avoided » in New Times (2012).

Dans les deux cas choisis, ce qui apparaît comme une irréfutable
évidence, c’est la finalité meurtrière et cauchemardesque à laquelle conduisent
les discours de haine d’Allemagne et du Rwanda. Plusieurs centaines de
milliers de morts.

Qui pourra clamer demain au Cameroun et ailleurs en Afrique que


« nous ne le savions pas » ? En tout état de cause, ne sommes-nous pas en
train d’empreinter le même chemin ? Pour mieux confronter ces désastres
créés par des humains, il conviendrait peut être de s’intéresser tout autant
aux causes qu’aux conséquences de leurs dynamiques.

Vers une explication des causes majeures de la montée en


puissance de ce phénomène

4
Parmi beaucoup d’autres, au moins trois causes principales pourraient
être retenues pour tenter d’expliquer la percée spectaculaire du discours de
haine dans nos sociétés contemporaines.

Il y a, de toute évidence, un regrettable laxisme observé chez certains


parents dans l’éducation de leurs enfants (ou ce qui en tient lieu) en matière
de transmission à ces derniers, des valeurs d’éthique dans le comportement,
de patriotisme dans la vision et de vivre-ensemble inclusif au sein de notre
société. Loin de fournir à leurs progénitures des exemples probants d’une
conduite empreinte de compréhension et de tolérance vis-à-vis des autres
membres de groupes ethniques nationaux, certains parents se livrent plutôt à
des critiques acerbes contre lesdites communautés et inculquent de ce fait des
réflexes négatifs à leurs enfants aux yeux de qui ils constituent pourtant - à
tort ou à raison – des modèles à émuler en tous points.

Comment s’étonner dès lors, qu’observées à partir du précieux cocon


familial, ces attitudes négatives, apprises aux enfants, ne soient considérées
par ces derniers comme la norme de référence pour leur comportement social
futur ?

En deuxième lieu, le comportement de certains décideurs de la sphère


publique est également de nature à exacerber la haine des autres dans les
discours qu’ils tiennent. Devant les difficultés créées par la persistance des
fléaux tels que : le chômage très élevé en milieu jeune, la corruption, la
prévarication ; la difficulté apparente d’accéder à certaines écoles de formation
« sans parrainage » ; la prolifération croissante d’un mal-vivre ressenti par une
proportion de plus en plus importante de camerounais et d’Africains.
Beaucoup dans la population n’hésitent plus à pointer du doigt « la mauvaise
gouvernance dont ils s’estimeraient victimes ». En retour – et piqués au vif –
un grand nombre de hauts responsables publics n’hésitent pas à stigmatiser
certains groupes ethniques spécifiques, pour « expliquer » la persistance de
certains problèmes récurrents. C’est le syndrome apparemment anodin qui
consiste à désigner l’étranger ou « l’allogène » comme vecteur de nos malheurs.

Il y a troisièmement dans cette liste non-exhaustive, le rôle très trouble,


voire troublant, que jouent certains média dans l’exacerbation des tensions

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intra-sociétales (Télévision, radio et presse écrite confondues). Au lieu
d’éclairer l’opinion par des explications permettant aux citoyens de
comprendre les contours des temps difficiles qui sont les leurs, une minorité
de media se transforme en procureurs, censeurs, juges, donneurs de leçon et,
plus grave encore, vecteurs assumés de haines inter-tribales ou inter-
culturelles au sein de la nation.

À l’observation, ces trois exemples semblent converger autour d’un point


commun. Ils révèlent des dysfonctionnements inquiétants dans le sens ou des
personnes sensées apporter des solutions ont souvent recouru, non pas à des
décisions immédiates, fermes et appropriées de leur part, mais plutôt à une
recherche d’explications pour justifier leur inaction ou pire encore, le choix de
décisions contraires à celles qui auraient dû être prises.

De façon plus claire et à titre d’exemple, l’on attend généralement des


parents qu’ils soient pour leurs enfants, des exemples de bienséance
comportementale à tous les niveaux et vis-à-vis de tous. De même, les
responsables publiques sont supposés occuper leurs postes de travail dans le
but d’apporter « des solutions pertinentes et systématiques aux problèmes qui
se posent à eux » et non pour tenter d’apporter des « explications » justifiant
leur inaction ».

Enfin, eu égard à leur impact profond dans le formatage de la pensée


citoyenne contemporaine, il faut souligner l’attitude et les opinions de plus en
plus questionnables de certaines de nos structures médiatiques cybernétiques
qui contribuent au renforcement de la présence publique du discours de haine
dans notre pays. En effet, revient-il aux média de se substituer aux partis
politiques pour soutenir avec force tel programme politique au détriment de
tel autre par le biais d’un « éditorial »? Ou à coup d’articles à caractère
militant ? Leur devoir ne consiste –t-il pas à clarifier et la compréhension des
contenus desdits programmes pour le bon entendement des citoyens ? les
fondamentaux du journalisme classique ou digital, adapter les journalistes,
étant : informer, éduquer et divertir.

De notre point de vue, ce sont les actions discutables de ces différents


acteurs et structures qui, ajoutés à bien d’autres sans doute, ont contribué à

6
asseoir et à affermir le discours de haine qui s’installe dangereusement dans
notre société.

Qu’en est-il de la présence de ce discours à l’Université ? Quelles sont


les spécificités de ce milieu qui devraient contribuer à le rendre
particulièrement obscène, dangereux et pour tout dire, inacceptable dans
l’environnement académique ?

Le discours de haine est-il compatible avec l’esprit universitaire ?

Avant de proposer une réponse à cette importante interrogation, il


conviendrait sûrement de revenir très brièvement sur la définition technique
d’une université au Cameroun. Cet exercice nous permettra, par la suite, de
nous prononcer sur la compatibilité ou non de l’esprit et des pratiques qui y
ont cours, avec le discours de haine, objet de notre analyse.
C’est la loi n° 2001/005 du 16 avril 2001 portant orientation de
l’enseignement supérieur au Cameroun, en son article 2, qui précise les
missions qui sont assignées par l’Etat aux universités. Celles-ci ont pour
« mission fondamentale, la production, l’organisation et la diffusion des
connaissances scientifiques, culturelles professionnelles et éthiques pour le
développement de la nation et le progrès de l’humanité ». En outre, le Décret
n°93/027 du 19 janvier 1993 portant disposition communes aux Universités
prescrit en son chapitre premier (article 3) que la mission spécifique de
l’Université est d’assurer « la promotion de la science, de la culture et de la
consciences nationale ».
Il ressort des définitions de l’université détaillées ci-dessus, qu’il s’agit
d’une institution qui a pour vocation de mener des activités de haut niveau
au plan intellectuel et qui sont de nature pluridisciplinaire, multiculturelle,
multilingue, trans-ethnique et inclusive.
Plus que partout ailleurs dans la Nation, la diversité d’origine des
membres de la communauté universitaire ne peut que se traduire en atout à
mettre au service d’une plus grande (donc plus riche) diversité d’approche et
d’analyses.
A l’observation, les méthodes de recherche sacralisées dans le milieu
universitaire condamnent toute exclusion basée sur des critères non objectifs

7
et non rationnels. En deuxième lieu, les fruits de la recherche les plus acceptés
sont ceux qui résolvent les problèmes concrets auxquels les êtres humains
(tout court) sont confrontés, sans référence de race, d’ethnie ou de culture.
Revisitons ces trois critères essentiels de la vie, de la déontologie de la
recherche scientifique en milieu universitaire.
L’université comme lieu par excellence de la sublimation et de la
positivation de la différence
S’il est un endroit où tenir un discours différent, soutenir une pensée
dissidente mais originale constituent un incontestable avantage, c’est bien
l’Université. En effet, que ce soit dans les sciences dures (mathématiques,
physiques, chimie par exemple) ou dans les sciences sociales (droit, sciences
politiques, sociologie, économie, etc…) ou dans les sciences humaines
(philosophie, anthropologie, histoire, linguistique, etc…) les habitants de la
galaxie universitaire sont pratiquement tous d’avis que c’est précisément de
la juxtaposition des idées contraires, du choc des positions antagonistes que
naît le progrès scientifique, par définition.
Les deux nations qui ont produit le plus grand spectacle planétaire en
matière de rivalité scientifique au XXe siècle, les Etats-Unis et l’Union des
Républiques Socialistes Soviétiques (URSS)- à travers la course pour la
conquête de l’espace – ont pu le faire en s’appuyant sur leur incroyable
diversité humaine, ethnique, culturelle et scientifique.
Comme nous le rappelle le savant camerounais de regretté mémoire, le
père Engelbert Mveng,

[L’on a l’habitude de souligner] que le Cameroun


compte plus de deux cents groupes ethniques. [Mais]
les États-Unis en comptent probablement plus… car
on y trouve toutes les nationalités européennes, …des
groupes ethniques autochtones [les indiens], et des
populations d’origine africaine, asiatique et
mélanésienne ; l’ex-Union Soviétique [qui était un pays
eurasien] compte deux cents dialectes.1

1
Voir Engelbert Mveng, B.L. Lipawing, Théologie, libération et cultures africaines. Dialogue sur 8
l’anthropologie négroafricaine, Yaoundé/Paris, Editions CLE/Présence Africaine, 1996, P.152
Ces deux pays ont pu dominer le monde au XXe siècle en très grande
partie grâce à leur puissance scientifique, à la qualité du savoir produit qui,
elle-même était renforcée par l’incroyable diversité de leurs universitaires
originellement issus des cinq continents (pour ce qui est des USA).
Par contraste, un savoir étriqué, recroquevillé sur ses propres certitudes
étroites, reposant sur une unilatéralité culturelle ethnique et scientifique, ne
saurait en aucun cas prospérer à l’échelle mondiale. Si le discours de haine
conduit par définition à un inéluctable repli sur soi, l’on voit mal comment il
pourrait être le bienvenu dans un milieu réellement académique, donc
scientifique.
L’atteinte des bons résultats de la recherche : un processus qui ne
connait ni race, ni tribu, ni nationalité.
Il va de soi que tout bon universitaire se doit d’être un bon chercheur
qui produit des travaux utiles au progrès de son environnement humain et
matériel. La rigueur des procédures de recherche, l’attachement que celles-ci
montre pour une grande neutralité, exclue d’emblée, l’option de la distorsion
des faits, comme méthode scientifique dans et par la communauté
universitaire.
En s’appuyant sur un excellent ouvrage récemment écrit et publié par
le Dr Jacques Chatué de l’Université de Dschang, il apparait clairement que
l’éthique de la recherche contient de très nombreux éléments pour éviter de
sombrer dans une dérive tribale, raciste ou comportementale, telle que
caractérisée par les tenants du discours de la haine.2
L’étude du Dr Chatué présente avec minutie les sept principes clés
auxquels tout chercheur universitaire sérieux doit s’astreindre : ce sont les
principes de véracité, de publicité, de collégialité, de précaution, de recevabilité
patriotique, de laïcité et de labeur.
A titre d’illustration, le principe de véracité, retenu en premier « se donne
comme adversaire la fraude scientifique, la falsification des données, faits et
chiffres, témoignages et expériences »3. A partir de ces seules indications, l’on

2
Voir Jacques Chatué, L’éthique de la recherche en 7 points. Approche déontologique et contextuelle. Préface 9
de Jean-Emmanuel Pondi, Yaoundé, les PUY, 2018.
3
Ibid, P.25.
comprend bien que l’esprit universitaire, le vrai, et l’authentique, ne peut que
désavouer tout discours de haine, dont le socle et la philosophie sont
contraires à la déontologie de l’enseignant-chercheur universitaire.
A la vérité, les bons résultats ne connaissent pas de frontière raciale,
ethnique, linguistique, sociale ou nationale. Les bons fruits de la recherche
profitent à toute l’humanité. Sans discrimination aucune.
L’Université comme lieu de défense de la diversité humaine et de sa
complémentarité positive
Loin de verser dans la production des « savoirs déviants » (ceux qui
renforcent les thèses racistes et tribales que la vraie science a réfuté depuis
très longtemps), les universitaires de métier se doivent de combattre ces graves
dérives qui, plusieurs fois dans notre histoire, ont déjà causé la mort de
millions d’individus innocents.
Les universitaires que nous sommes, ou que nous prétendons être,
devraient bien comprendre la nature des deux réalités incontournables qui
sont les nôtres en ce XXIe siècle de tous les dangers pour notre cohésion
sociétale : l’importance de notre conscience professionnelle d’une part et la
lourdeur de notre responsabilité historique d’autre part. C’est de notre
capacité individuelle et collective à transcender nos petites querelles
quotidiennes, à nous hisser à la hauteur des enjeux que représente notre
statut « d’éclaireur des consciences », et surtout, à accepter de nager à contre-
courant des appels inacceptables à la haine contre d’autres concitoyens,
d’autres groupes ethniques et raciaux, que dépend le sort de notre pays le
Cameroun et la destinée de l’Afrique.
Aux personnes qui soutiennent qu’une idée d’une épuration ethnique
est nécessaire pour atteindre le bonheur des tribus restantes, qu’il me soit
permis de livrer le récit véridique suivant : il existe en effet un pays parmi les
cinquante-cinq (55) nations du continent qui est constitué d’un seul groupe
ethnique, qui parle une seule langue, qui pratique une seule religion et qui est
issu de la même civilisation. Ce sont là les conditions « idoines » pour nos
avocats de la suprématie ethnique. Ce pays est la Somalie, dont le parcours
laisse pourtant à désirer, puisque le groupe homogène tant sublimé s’est divisé
en clans et sous clans qui se combattent à longueur d’années. Ils ont

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totalement détruit leur nation. La Somalie occupait en 2018, l’avant-dernière
place des cinquante-cinq Etats sur le plan économique selon une enquête de
Jeune Afrique4. La dernière place étant tenue par le Sud Soudan.
Ces résultats obtenus par la Somalie contredisent de manière claire et
ferme la thèse du triomphe de la paix et du développement par l’élimination
des autres cultures et ethnies.
Par nos gestes quotidiens, par nos paroles, nous devons nous constituer
en rempart au détestable et avilissant discours de la haine. Nous devons nous
opposer avec force au discours de l’exclusion des autres qui, si nous n’y
prenons garde, nous consumera tous, comme ce fut le cas des sociétés qui
optèrent pour sa mise en œuvre dans les années 1930 et 1940 pour
l’Allemagne et dans les années 1990 pour le Rwanda. En tant que citoyens
responsables, le choix de notre avenir commun (brillant ou sombre à dépend
pleinement de nous. Allons-nous opter pour mettre notre intelligence, en tant
qu’universitaires, au service de la paix et de la construction d’une humanité
plus juste, ou allons-nous au contraire choisir de l’utiliser pour perpétrer la
ruine, le chaos et la désolation ?
Telle est la question cruciale qui se pose à notre conscience en ces temps
cruciaux de la vie de notre Nation.
Ne disons surtout pas que nous « ne savions pas ».
A bon entendeur, salut !

Professeur Jean-Emmanuel Pondi


Institut des Relations Internationales du
Cameroun (IRIC)
Titulaire de la Chaire Léopold Sédar
Senghor

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Voir Jeune Afrique

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