11 - Sémiologie Des Troubles de La Mémoire PR Benlmouloud

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SEMIOLOGIE DES TROUBLES DE LA MEMOIRE

SEMIOLOGIE DES TROUBLES DE LA MEMOIRE.

La mémoire est aujourd’hui considérée comme un système complexe


à l’intersection de la vie affective et des fonctions cognitives.

Oublis et faux souvenirs sont des produits de son fonctionnement


normal.

Des troubles mnésiques plus sévères sont observés au cours de


nombreuses affections cérébrales ou psychiatriques, de simples
perturbations psychoaffectives ou encore dans des contextes
particuliers.

Lorsqu’ils sont au premier plan du tableau clinique, ils réalisent, soit un


épisode amnésique aigu, faisant discuter un ictus amnésique ou une
amnésie psychogène, soit un syndrome amnésique chronique, le plus
souvent lié à une affection dégénérative cérébrale et tout
particulièrement à une maladie d’Alzheimer.

La plainte d’une diminution des performances mnésiques dans la vie


quotidienne est fréquente à tout âge et témoigne d’une vulnérabilité
psychoaffective en rapport avec une perturbation du sentiment d’identité
et une baisse de l’estime de soi.

Chez le sujet âgé toutefois, elle prend une place particulière du fait de
sa fréquence et du risque qu’elle soit révélatrice d’un début de maladie
d’Alzheimer.

L’analyse clinique et neuropsychologique permet de distinguer deux


types de troubles selon qu’ils traduisent un trouble de la mémorisation
des informations nouvelles en mémoire épisodique (traduisant
l’existence de lésions hippocampiques, comme dans la maladie
d’Alzheimer) ou un déficit des mécanismes de rappel (troubles de
l’humeur, plainte « bénigne », affections cérébrales entraînant des
perturbations des lobes frontaux).
SEMIOLOGIE DES TROUBLES DE LA MEMOIRE

PLAN

Introduction

La mémoire et ses troubles

Les trois temps de la mémoire

Mémoire à court terme-mémoire à long terme

Mécanismes de l’oubli

Troubles de mémoire en dehors de l’oubli

Troubles mnésiques au premier plan du tableau clinique

Épisodes amnésiques transitoires

Troubles de mémoire permanents

Plainte mnésique

Troubles de mémoire et affections psychiatriques 5

Troubles mnésiques et dépression

Troubles mnésiques et anxiété

Troubles mnésiques et schizophrénie

Troubles mnésiques et lésions cérébrales focales

Troubles mnésiques des lésions frontales

Troubles mnésiques des lésions rétrorolandiques 6

Troubles mnésiques survenant dans un contexte particulier 6

Troubles mnésiques post-traumatiques

Amnésies post-traumatiques d’autre origine 6


SEMIOLOGIE DES TROUBLES DE LA MEMOIRE

INTRODUCTION

Des troubles mnésiques sont observés dans deux contextes différents.


• Tantôt les troubles de mémoire sont au premier plan du tableau
clinique et la question essentielle est alors de savoir s’ils traduisent une
perturbation des processus mnésiques en rapport avec une affection
cérébrale ou s’ils sont dus au retentissement sur la mémoire d’une
perturbation psychoaffective.

• Tantôt ces troubles surviennent dans le contexte d’affections


caractérisées, neurologiques ou psychiatriques. Il s’agit alors d’évaluer
l’impact de ces affections sur la mémoire et le retentissement du déficit
mnésique sur les capacités d’autonomie du patient ainsi que sur ses
possibilités de réhabilitation .

■ LA MEMOIRE ET SES TROUBLES

La sémiologie des troubles de la mémoire ne peut, aujourd’hui, être


envisagée sans référence aux théories de la psychologie cognitive qui
ont profondément modifié notre approche de la mémoire humaine .

Les trois temps de la mémoire L’activité mnésique fait appel à trois


types de processus :

• dans un premier temps, une partie des informations sensorielles en


provenance du monde extérieur est sélectionnée en fonction de nos
motivations, de notre histoire individuelle et de nos habitudes sociales,
puis codée dans un langage neuronal nécessaire à sa conservation et à
sa restitution. Ce processus complexe est désigné sous le nom
d’encodage

• les informations encodées vont subir, en partie ou en totalité, un


processus de consolidation qui va leur permettre d’être conservées de
façon plus ou moins définitive (stockage).

• l’information mémorisée peut être restituée au moyen d’indices qui


peuvent être externes (rappel indicé, reconnaissance) ou internes
(rappel libre). Mémoire à court terme-mémoire à long terme Le caractère
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plus ou moins stable du souvenir et son accessibilité sont fonction des


modalités de traitement de l’information à mémoriser

D’une façon schématique, il est ainsi possible de distinguer deux


grands systèmes. Mémoire à court terme ou mémoire de travail Le
premier système est caractérisé par une capacité de traitement
mnésique très limitée dans le temps et dans la quantité d’information
pouvant être traitée.

Mémoire à long terme Le second système est caractérisé par une


capacité et une durée illimitées : c’est le système de la mémoire à long
terme.

Plusieurs formalisations de la mémoire à long terme ont été décrites.


On peut distinguer une mémoire concernant les souvenirs qui sont
directement accessibles à une évocation consciente (mémoire
déclarative, directe ou explicite) et une mémoire concernant les
souvenirs qui ne peuvent être évoqués de façon directe (mémoire non
déclarative : mémoire implicite, procédurale ou indirecte). La mémoire
déclarative peut, à son tour, être décomposée en mémoire épisodique et
mémoire sémantique.

La mémoire sémantique se réfère aux données décontextualisées


(connaissance du monde : connaissances scolaires, codes logiques,
linguistiques...). Elle correspond à une « conscience noétique » qui se
traduit par un sentiment de familiarité et non par un rappel spécifique.

La mémoire autobiographique contient des éléments épisodiques et


sémantiques et surtout une référence personnelle au Soi, qui contrôle
l’acquisition comme la restitution des souvenirs.

La mémoire non déclarative est un système complexe qui comprend la


mémoire procédurale, correspondant à la mémorisation des habiletés
perceptivomotrices ou cognitives (skills), au conditionnement et à la
mémoire implicite définie par les phénomènes d’amorçage (priming) ou
de gain d’apprentissage (effet que l’accomplissement d’une première
tâche exerce sur l’exécution ultérieure de cette même tâche ou d’une
tâche similaire sans intention de mémorisation).
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Mécanismes de l’oubli

Les troubles de la mémoire observés en clinique peuvent être classés


en trois grandes catégories. Défauts de mémorisation Ils sont de deux
types :

• les déficits d’encodage sont habituellement liés à des troubles de


l’attention. Ils relèvent, soit de mécanismes cognitifs (encodage déficient
du fait d’un temps d’acquisition insuffisant, d’un déficit attentionnel) ou
affectifs (ressources attentionnelles insuffisantes du fait de l’anxiété ou
d’un défaut de motivation).

• les défauts de consolidation sont caractéristiques des lésions


hippocampiques.

Déficits de stockage Ils peuvent être liés, soit à l’influence du temps


(c’est un élément essentiel de la mémoire à court terme, mais qui
intervient également dans la mémoire à long terme), soit à l’existence de
lésions des régions cérébrales sous-tendant les traces mnésiques.
Déficit des processus de rappel Il constitue le mécanisme le plus
fréquent de l’oubli. Il peut être d’origine cognitive (différence de
contextes entre l’acquisition et le rappel, erreurs sur le choix des indices
de rappel ou déficit des procédures de recherche, diminution des
capacités de traitement, influence d’un souvenir sur un autre qui produit
une interférence pro- ou rétroactive) ou affective (non concordance de
l’humeur, modifications du Soi entre l’acquisition et le rappel).

Les faux souvenirs peuvent prendre la forme d’une intrusion dans un


apprentissage de mots (restitution d’un mot étranger aux mots de la liste
cible ou erreur par commission), de fabulations (évocations d’un faux
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souvenir qui peut être réel, lié à une erreur des procédures de recherche,
ou imaginaire par défaut de contrôle de la réalité), de fausses
reconnaissances (reconnaissance d’une personne ou d’un lieu inconnus
comme familiers) ou d’une paramnésie (sensation erronée d’avoir déjà
vécu une situation) ou encore d’une amnésie de source (confusion sur
l’origine, la date, la chronologie d’une information)

. ■ Troubles mnésiques au premier plan du tableau clinique

Il peut s’agir d’épisodes aigus, transitoires ou d’amnésies de longue


durée.

Épisodes amnésiques transitoires

La question principale est ici de savoir s’il s’agit d’un ictus amnésique
ou d’une amnésie psychogène. Ictus amnésique Il s’agit d’un syndrome
bien défini sur le plan clinique qui représente la cause la plus fréquente
des amnésies transitoires.

Il est observé chez des sujets des deux sexes, en bonne santé,
habituellement entre 50 et 70 ans. Son incidence est évaluée à 5,2 pour
100 000 et par an . Il est exceptionnel d’assister à un ictus amnésique,
mais l’histoire racontée par l’entourage est très évocatrice du fait de son
caractère stéréotypé. Le malade pose de façon incessante les mêmes
questions, oubliant à mesure les réponses. La désorientation temporelle
est complète, le sujet ne sait plus le jour, l’heure mais il peut demeurer
orienté dans l’espace. Il connaît son âge, sa date de naissance et il
garde une conscience claire de l’écoulement du temps.

En revanche, l’amnésie peut s’étendre aux heures ou aux jours qui


précèdent et même perturber des souvenirs plus anciens, généralement
chargés affectivement (amnésie rétrograde). Le patient sait parfaitement
qui il est, son comportement est globalement adapté en dehors d’une
certaine perplexité, il parle normalement et reste capable d’activités
élaborées.

Parfois il se plaint de céphalées, de sensations vertigineuses ou de


troubles visuels. En une demi-heure à quelques heures, le trouble
disparaît : la mémoire redevient normale mais il persiste une amnésie
lacunaire couvrant la période de l’ictus.
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Lorsqu’il est possible d’examiner le malade pendant l’ictus, l’examen


neurologique est normal, de même que l’examen général. L’examen
neuropsychologique révèle une amnésie massive portant sur tous les
types de matériel depuis le début de l’ictus (amnésie antérograde) et une
amnésie de durée variable, portant sur une période de 36 heures à 4 ans
avant le début (amnésie rétrograde), avec toutefois conservation d’îlots
de souvenirs.

La mémoire sémantique et la mémoire de travail sont respectées. Un


certain déficit des performances cognitives.

Le mécanisme de ce syndrome et son étiologie demeurent inconnus.


On incrimine une perturbation fonctionnelle des circuits sous-tendant la
mémoire épisodique par un mécanisme de dépression lente liée à un
largage excessif de glutamate.

Il survient le plus souvent après une émotion ou une vive douleur. Le


pronostic est excellent : la survenue d’un ictus amnésique ne constitue
pas un facteur de risque pour la survenue d’un accident ischémique
cérébral ni d’une démence.

Deux réserves doivent être faites : dans 25 % des cas, un autre


épisode, rarement plusieurs, peut être observé. Par ailleurs, un certain
déficit de la mémoire verbale a été constaté à distance chez certains
sujets.

Les critères de diagnostic de l’ictus amnésique sont

: • l’épisode doit avoir été observé par un témoin présent pendant


l’ictus et susceptible de fournir des informations précises

• l’amnésie antérograde doit avoir été nette pendant l’ictus

• pas d’obscurcissement de la conscience ni de trouble de l’identité


pendant l’ictus ; le trouble cognitif doit avoir été limité à la mémoire (pas
d’aphasie, d’apraxie...)

• pas de signes neurologiques focaux pendant ou après l’ictus


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• l’ictus disparaît dans les 24 heures

• absence de traumatisme crânien ou d’épilepsie active (le patient est


demeuré sous traitement antiépileptique et n’a pas présenté de crises
depuis 2 ans).

Devant un tableau caractéristique, les explorations radiologiques ne


s’imposent pas. Lorsque ces critères ne sont pas réunis, il est préférable
de ne pas porter le diagnostic avant d’avoir éliminé les autres amnésies
transitoires et effectué une imagerie cérébrale.

Amnésies transitoires symptomatiques

Les crises épileptiques partielles mésotemporales peuvent provoquer


des amnésies transitoires proches de l’ictus amnésique.

Ces amnésies épileptiques surviennent volontiers chez des sujets plus


jeunes, dans un contexte de manifestations épileptiques franches.

Elles sont habituellement de durée brève (un quart d’heure à 1 heure)


et ont tendance à se répéter à brève échéance.

Des crises frontobasales, beaucoup plus rares, peuvent se manifester


par une amnésie rétrograde due à une perturbation des mécanismes de
rappel.

Les amnésies d’origines toxique et médicamenteuse ne sont pas rares


dans deux circonstances : la prise d’alcool et la prise de sédatifs, tout
particulièrement de benzodiazépines.

Mais elles ont également été observées après la prise


d’antidépresseurs tricycliques ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.

La sémiologie est souvent décrite comme proche de l’ictus


amnésique. Toutefois, il s’agit habituellement d’une amnésie rétrograde
isolée qui se manifeste uniquement par une amnésie lacunaire : le sujet
a oublié quelques heures de sa vie.

Le comportement du sujet demeurant le plus souvent normal pendant


la période couverte par l’amnésie, l’entourage ne s’aperçoit pas du
trouble.
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Les amnésies transitoires posttraumatiques sont le plus souvent


purement rétrogrades, mais parfois associées à une amnésie
antérograde.

Elles peuvent être observées chez des sujets jeunes après un


traumatisme crânien mineur, par exemple au cours d’une activité
sportive.

Les amnésies transitoires d’origine ischémique, réalisant un tableau


proche de l’ictus amnésique, ont été observées dans le cadre
d’accidents ischémiques transitoires vertébrobasilaires.

Ce diagnostic ne peut, toutefois, être évoqué qu’en présence d’autres


accidents de la même série, de signes neurologiques anormaux pendant
ou au décours de l’ictus ou d’un souffle sur le trajet des artères
cervicales.

Amnésies transitoires d’origine psychique

Elles sont caractérisées par le fait d’être des amnésies purement


rétrogrades et de porter essentiellement sur la mémoire
autobiographique. Elles sont décrites dans le DSM dans le chapitre
consacré aux troubles dissociatifs, impliquant par là qu’elles relèvent
d’un trouble dans les fonctions intégratives de la mémoire, de la
conscience ou de l’identité.

Les amnésies dissociatives sont caractérisées : par la survenue


d’un ou plusieurs épisodes d’incapacité à se rappeler des informations
personnelles importantes, habituellement de nature traumatique ou
stressante, trop étendues pour être expliquées par un oubli ordinaire,
indépendamment de toute affection mentale, neurologique ou médicale
et de prise de toxiques, entraînant une détresse ou un retentissement
significatif sur la vie sociale, professionnelle ou d’autres secteurs de
fonctionnement.

Elles sont habituellement rapportées comme des déficits de mémoire


portant sur une partie de l’histoire individuelle habituellement localisée à
une période de temps (amnésie localisée), à une partie des événements
(amnésie sélective).
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Les fugues amnésiques se différencient par une perte des souvenirs


autobiographiques qui s’étend à la mémoire sémantique avec perte
d’identité.

Le début est habituellement abrupt et survient dans des circonstances


affectivement pénibles pour le sujet.

Pendant la fugue, le comportement est normal et n’attire pas l’attention,


contrairement à ce qui est observé dans les fugues en rapport avec un
syndrome confusionnel (par exemple postépileptique).

Le sujet a le plus souvent perdu son identité. À la fin de la fugue, il


retrouve son identité mais une amnésie lacunaire persiste, couvrant tout
ou partie de la durée de la fugue.

De telles fugues amnésiques sont plus souvent observées au cours


d’états psychopathiques que chez des personnalités hystériques.

Elles peuvent également survenir chez des déprimés ou des


schizophrènes.

Troubles de mémoire permanents

Syndrome amnésique Il est caractérisé par un déficit de la restitution


des souvenirs épisodiques postérieurs à la constitution des lésions
(amnésie antérograde) et qui porte sur toutes les modalités sensorielles.
Il peut s’y associer une altération des souvenirs antérieurs au
développement de la pathologie (amnésie rétrograde) ainsi que des
fabulations et des fausses reconnaissances.

C’est le traditionnel syndrome de Korsakoff, terme qui, dans la


littérature est réservé aux syndromes amnésiques d’origine alcoolique.
Sur le plan clinique, le malade semble incapable d’acquérir la moindre
information quelle qu’en soit la nature, le canal sensoriel par lequel elle
est adressée, son caractère affectif ou douloureux.

L’oubli se produit en quelques minutes, parfois en quelques dizaines


de secondes : la désorientation temporelle et spatiale est complète. Les
événements les plus importants survenus depuis le début des troubles
ne peuvent être évoqués.
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L’amnésie rétrograde peut remonter à une dizaine d’années, parfois


plus, mais les éléments du passé le plus lointain sont habituellement
conservés.

Les autres éléments habituels du syndrome sont : l’inconscience du


trouble mnésique (anosognosie), les fabulations (correspondant à des
souvenirs anciens réels ou imaginaires) et les fausses reconnaissances.

Sur le plan du comportement, ces malades, en l’absence de


stimulation, demeurent calmes, apragmatiques, passifs, indifférents,
mais parfois euphoriques, joviaux.

Sur le plan psychométrique, le quotient intellectuel (QI) est relativement


intact, mais les performances mnésiques sont effondrées.

L’amnésie porte essentiellement sur la mémoire épisodique : mémoire


à court terme, mémoire sémantique et mémoire implicite sont
préservées.

Le patient présente une grande difficulté à situer les événements dans


le temps (dyschronologie).

• Ce syndrome est le plus souvent d’origine alcoolique par le biais


d’une carence en vitamine B1 et il survient habituellement après une
phase confusionnelle aiguë (encéphalopathie de Gayet-Wernicke).

Dans 20 % des cas toutefois, il peut s’installer progressivement.

Le syndrome de Korsakoff, dans sa forme traditionnelle, est irréversible


et le malade doit être institutionnalisé dans 80 % des cas.

En réalité, depuis quelques années, se pose la question de l’existence


de formes sévères, réalisant un tableau de démence alcoolique et, à
l’inverse, de formes frustes qui pourraient être à l’origine de déficits
mnésiques moins sévères chez les alcooliques .

• Des tableaux identiques peuvent être observés au cours d’affections


qui lèsent, de façon bilatérale, le circuit hippocampo-mamillo-
thalamique : tumeurs cérébrales touchant le plancher du 3éme ventricule
(craniopharyngiomes de l’adulte), plus rarement tumeurs frontales ou
thalamiques bilatérales, infarctus bithalamiques ou encore séquelles
d’une encéphalite herpétique.
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Maladie d’Alzheimer Les troubles de mémoire sont au premier plan


dans la maladie d’Alzheimer qui représente la cause des syndromes
démentiels dans sept à huit cas sur dix, particulièrement après 65 ans.

Les troubles mnésiques sont constants dès le début de la maladie et


constituent le symptôme inaugural habituel.

En effet, les lésions débutent toujours dans les régions


hippocampiques avant de gagner les zones associatives du cortex,
comme le montre l’atrophie hippocampique en imagerie cérébrale.

Les troubles touchent essentiellement la mémoire des événements


récents de la vie quotidienne et traduisent un déficit des processus de
mémorisation.

Le patient répète plusieurs fois les mêmes questions, oublie des


fragments entiers du passé récent (coups de téléphone, rendez-vous,
visites...), égare ou perd des objets.

Très rapidement, il oublie la date, le jour de la semaine. Parfois, c’est


parce qu’il s’est perdu sur un itinéraire pourtant familier qu’il est amené
en consultation.

Les troubles mnésiques s’accompagnent précocement de


modifications du comportement.

L’intérêt pour la vie sociale, les loisirs diminue.

Des troubles affectifs sont présents, associant une diminution des


réactions aux événements désagréables aussi bien qu’agréables
(émoussement affectif) à des manifestations anxieuses et dépressives, à
une irritabilité.

Le plus souvent, le patient minimise ses difficultés et c’est l’entourage


qui est à l’origine de la consultation.

Les troubles mnésiques s’accentuent progressivement et


s’accompagnent plus ou moins précocement d’une atteinte des autres
fonctions supérieures en même temps que l’apathie augmente et que les
troubles du comportement s’accentuent, entraînant une diminution
progressive de l’autonomie.
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Néanmoins, le comportement social et la vie affective sont longtemps


préservés. Sur le plan neuropsychologique, les troubles de mémoire
observés au cours de la maladie d’Alzheimer sont complexes.

L’altération de la mémoire sémantique est plus tardive ainsi que celle


de la mémoire des faits anciens. La mémoire procédurale est
relativement préservée et l’acquisition d’habiletés perceptivomotrices
reste longtemps possible.

Autres affections cérébrales dégénératives Des troubles de


mémoire sont fréquents au cours des autres affections dégénératives
cérébrales.

Leur précocité et leur importance varient toutefois selon l’étiologie de la


démence et son degré d’évolution.

Bien qu’ils puissent révéler la maladie, ils ne sont jamais aussi


précoces et aussi importants que dans la maladie d’Alzheimer. Surtout,
leur mécanisme est différent.

Démence à corps de Lewy Les troubles mnésiques sont moins précoces


et moins importants dans la démence à corps de Lewy que dans la
maladie d’Alzheimer.

Ils touchent également la mémoire épisodique, mais ils sont dus à une
perturbation des mécanismes du rappel et non de la mémorisation. Il est
donc le plus souvent aisé de les distinguer par l’examen
neuropsychologique. Les fluctuations cognitives sont un trait majeur de
ces démences mais, contrairement aux fluctuations observées dans la
maladie d’Alzheimer, elles ne touchent pas que la mémoire mais sont
plus globales (absences, confusion).

Démences frontotemporales Sous ce terme sont réunies,


aujourd’hui, la maladie de Pick mais surtout des affections
dégénératives, le plus souvent sans lésion histologique spécifique, de
topographie variable et de sémiologie diverse.

Ces démences représenteraient 10 à 15 % des démences des sujets


de moins de 65 ans.
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Dans les variantes frontales, les troubles mnésiques sont au deuxième


plan derrière les troubles du comportement qui inaugurent et dominent le
tableau clinique.

Les troubles mnésiques sont liés à un déficit des procédures de


recherche en mémoire et sont corrigés par les procédures qui facilitent le
rappel.

Néanmoins, certaines observations peuvent s’accompagner d’un


authentique syndrome amnésique. Dans les variantes temporales, les
troubles du langage sont au premier plan. Les patients consultent
volontiers pour des troubles de mémoire, mais les difficultés ne portent
que sur la mémoire des mots : manque du mot dans les aphasies
dégénératives progressives, perte du sens des mots dans la démence
sémantique.

Cette dernière affection provoque une atteinte progressive de la


mémoire sémantique (perte du sens des mots mais aussi de la
reconnaissance des objets correspondants) alors que la mémoire
épisodique est conservée.

Elle s’accompagne également d’une atteinte de la mémoire


autobiographique avec un gradient inverse de celui qui est observé dans
la maladie d’Alzheimer : perte des souvenirs anciens et conservation du
passé récent.

On rattache habituellement aux démences frontotemporales, la


dégénérescence corticobasale, bien que les lésions responsables soient
le plus souvent situées dans le lobe pariétal, habituellement de façon
asymétrique.

Elle se manifeste par des troubles neurologiques associés à une


difficulté à utiliser les objets (apraxie) parfois rapportée par les patients à
un trouble de mémoire.

Démences dites sous-corticales Un certain nombre d’affections


dégénératives dont les lésions prédominent dans des formations sous-
corticales (maladie de Huntington, maladie de Steel-Richardson, maladie
de Parkinson) ou certains types de démence vasculaire s’accompagnent
d’un tableau particulier dominé par un ralentissement psychomoteur et
une difficulté de mise en route des processus cognitifs qui, pour la
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plupart, sont préservés et les troubles touchent aussi bien l’acquisition


de données nouvelles que la mémoire des faits anciens

. Amnésies dissociatives de longue durée Elles touchent la mémoire


autobiographique, mais aussi la mémoire des événements publics
concernant tous les événements ayant succédé à une époque précise
(amnésie continue), une certaine catégorie d’informations (amnésie
systématisée) ou l’ensemble de l’existence avec perte de l’identité
(amnésie généralisée) .

Plainte mnésique La plainte d’une diminution des capacités


mnésiques dans la vie quotidienne est observée à tout âge. Toutefois,
c’est chez le sujet âgé qu’elle prend une importance particulière du fait
de sa fréquence croissante avec l’âge et de la crainte qu’elle ne révèle
une maladie d’Alzheimer débutante.

Le terme de plainte mnésique recouvre, en fait, des réalités


différentes : plaintes spontanées du sujet, difficultés rapportées par la
famille, appréciation subjective du fonctionnement mnésique en réponse
à des questions ou des autoquestionnaires .

Bien que considérée par certains comme le reflet subjectif d’une baisse
de performance, la plainte n’est que faiblement ou pas du tout corrélée
aux performances aux tests. En revanche, divers liens ont été mis en
évidence avec des facteurs démographiques (elle est plus fréquente
chez les femmes, les sujets de faible niveau scolaire), psychosociaux
(sensation d’isolement, externalisation du lieu de contrôle...), de santé
générale (déficits sensoriels, diabète, hypertension, arthrose de hanche).

Toutes les études reconnaissent une association très forte avec des
facteurs psychoaffectifs : type de personnalité, symptomatologie
anxieuse, dépressive.

La plainte traduirait ainsi une vulnérabilité psychologique (faible


sentiment d’identité, pauvre estime de soi) qui, à tout âge, peut
témoigner d’une organisation névrotique, mais qui, chez le sujet âgé,
peut être simplement liée au retentissement des modifications
physiques, sociales et affectives associées au vieillissement.

Cette vulnérabilité psychologique prend la forme d’une plainte


mnésique en s’appuyant sur des modifications cognitives réelles, liées à
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l’âge ou à une pathologie débutante, ainsi qu’à des facteurs sociaux


(vulgarisation de la maladie d’Alzheimer, création des centres de
mémoire, place de la mémoire dans notre société).

■ Troubles de mémoire et affections psychiatriques

Les troubles mnésiques observés dans les affections psychiatriques


peuvent relever de deux types de mécanismes : un mécanisme
purement psychogène (type refoulement, déni...) et un mécanisme
cognitif complexe, lié au retentissement de l’affection sur les processus
de motivation et de traitement de l’information (diminution des
ressources attentionnelles, cognitives, ralentissement...).

Troubles mnésiques et dépression

C’est certainement au cours de la dépression que le fonctionnement


mnésique a été le plus étudié. Il est très fréquent que les patients
déprimés se plaignent d’une diminution de leurs performances
mnésiques.

Les études portant sur les performances mnésiques des sujets


déprimés ont donné des résultats contradictoires.

De nombreux auteurs n’ont pas observé de différence entre les


performances des sujets déprimés et les sujets contrôles. À l’inverse, de
non moins nombreuses études ont mis en évidence une diminution des
performances mnésiques chez les déprimés.

Ce déficit serait parallèle à l’intensité de la dépression, plus marqué


chez les déprimés unipolaires que chez les bipolaires, et réversible avec
la disparition de la sémiologie dépressive.

Le déficit est surtout mis en évidence dans les épreuves de rappel libre
: il disparaît avec les procédures de facilitation (rappel indicé,
reconnaissance), ce qui témoigne qu’il est lié à un déficit des
mécanismes de rappel en rapport avec une diminution des capacités
globales de traitement de l’information.

Cet élément permet de les différencier aisément des troubles de la


maladie d’Alzheimer, même si une certaine méconnaissance des
troubles cognitifs et la présence d’intrusions peuvent être observées
dans la dépression.
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L’analyse qualitative montre que la difficulté porte essentiellement sur


les tâches requérant beaucoup d’efforts et sur le rappel différé alors que
la mémoire à court terme et la mémoire implicite sont normales.

L’interprétation est complexe : à la diminution globale de la motivation


et à la difficulté à maintenir un effort soutenu s’ajoute le ralentissement
des processus de traitement de l’information.

Plusieurs travaux ont montré des biais de réponse dans les


performances mnésiques des déprimés qui donnent plus volontiers des
réponses conservatrices (fausses réponses négatives de type « je ne
sais pas ») et chez lesquels l’apprentissage est meilleur pour les items
affectivement neutres ou négatifs que pour les items positifs.

Par ailleurs, on a montré, chez les déprimés bipolaires, que la


restitution d’une information était meilleure lorsqu’elle était effectuée
dans une phase où l’humeur était identique à celle de l’apprentissage.

Troubles mnésiques et anxiété

L’étude de l’influence de l’anxiété sur les performances mnésiques a


suscité moins de travaux que celle de la dépression. De plus, l’anxiété-
trait n’est pas toujours distinguée de l’anxiété état dans ces études.

Une forte anxiété est associée à une réduction de la concentration et


à une distractibilité accrue : elle retentit sur les processus perceptifs, la
mémoire à court terme mais aussi sur la mémoire de travail, en
particulier sur la composante exécutive centrale.

Pour compenser ces effets, les sujets anxieux doivent augmenter leurs
efforts, ce qui diminue leur réserve de capacité de traitement.

L’anxiété augmenterait la probabilité des mauvaises réponses au


même titre que des bonnes réponses.

Troubles mnésiques et schizophrénie

Des études récentes ont montré des performances basses aux tests
de mémoire chez les schizophrènes. Le déficit mnésique serait plus
important que le degré de détérioration globale.
SEMIOLOGIE DES TROUBLES DE LA MEMOIRE

L’analyse neuropsychologique a montré une diminution de la mémoire


épisodique avec respect de la mémoire à court terme, de la mémoire
procédurale et de la mémoire implicite.

Il existe toutefois une atteinte du système central exécutif de la


mémoire de travail et surtout un déficit de la mémoire sémantique

. ■ Troubles mnésiques et lésions cérébrales focales

Troubles mnésiques des lésions frontales L’atteinte des capacités


mnésiques est suggérée par le comportement de ces patients : ils
paraissent oublier immédiatement la consigne (le malade « oublie de se
souvenir ») et leur comportement apparaît sans rapport avec elle.

Les réponses des patients ont souvent un caractère fabulatoire qui


peut prendre parfois un aspect véritablement fantastique.

Troubles mnésiques des lésions rétrorolandiques Des lésions


corticales rétrorolandiques unilatérales sont susceptibles de provoquer
des troubles de mémoire qui s’opposent aux précédents par leur
caractère dissocié. Ils peuvent, en effet, toucher uniquement la mémoire
à court terme ou, à l’inverse, la mémoire à long terme et le plus souvent,
ils ne portent que sur une modalité sensorielle.

■ Troubles mnésiques survenant dans un contexte particulier

Troubles mnésiques post-traumatiques Les troubles de la mémoire


sont beaucoup plus fréquents dans les traumatismes craniocérébraux
fermés que dans les traumatismes ouverts dans lesquels ils sont
directement la conséquence du siège et de l’importance des lésions .

Amnésie post-traumatique immédiate Elle porte sur les circonstances


qui ont suivi l’accident (amnésie antérograde) mais peut également
toucher les souvenirs des événements ayant précédé l’accident
(amnésie rétrograde).

L’amnésie antérograde recouvre la période initiale de perte de


conscience, la période confusionnelle qui lui fait suite et la période
amnésique proprement dite pendant laquelle le comportement du patient
est redevenu normal pour l’entourage mais dont le patient ne garde
aucun souvenir (amnésie posttraumatique proprement dite).
SEMIOLOGIE DES TROUBLES DE LA MEMOIRE

La durée de cette amnésie antérograde n’est pas toujours aisée à


évaluer : elle se définit, rétrospectivement, par le temps écoulé entre
l’accident et le moment où le patient peut donner un récit clair et
cohérent de ce qui s’est passé autour de lui.

L’amnésie rétrograde est souvent très brève et ne recouvre que les


circonstances qui ont immédiatement précédé l’accident.

Elle peut néanmoins s’étendre sur les heures ou les jours qui l’ont
précédée. Il est habituel d’observer une relation entre la durée de
l’amnésie rétrograde et celle de l’amnésie antérograde. Une amnésie
rétrograde très étendue en l’absence d’amnésie antérograde importante
conduit à rechercher une amnésie affective liée au traumatisme
psychologique.

L’amnésie rétrograde serait plus importante pendant la période


d’amnésie antérograde et prédominerait sur la mémoire
autobiographique.

Dans les traumatismes sévères, cette amnésie rétrograde peut, au


début, s’étendre aux souvenirs appartenant au passé lointain puis
rétrécir progressivement, mais il persiste habituellement une lacune
définitive.

Troubles de mémoire résiduels Ils sont fonction de la sévérité du


traumatisme appréciée sur la durée du coma ou de l’amnésie post-
traumatique initiale, de l’âge des patients mais paraissent indépendants
de l’existence ou non d’une fracture du crâne ou de signes
neurologiques focaux.

Ces troubles paraissent la conséquence d’une diminution des


capacités d’attention et d’un ralentissement des processus de traitement
de l’information qui imposent un effort accru dans les tâches mnésiques.
Ils peuvent être à l’origine ou alimenter des sentiments
d’autodépréciation, de régression ou de culpabilité, sources de névrose
post-traumatique.

Il est donc important de les prendre en compte et de les traiter.

Amnésies post-traumatiques d’autre origine


SEMIOLOGIE DES TROUBLES DE LA MEMOIRE

Amnésie consécutive à la sismothérapie Bien qu’il s’agisse d’une


amnésie transitoire non lésionnelle, elle peut être rapprochée des
amnésies traumatiques car elle accompagne une perturbation globale du
fonctionnement cérébral( interet des ECT unilaterales).

Amnésie posthypnotique Elle soulève toujours de nombreuses


controverses. Son interprétation varie en fonction des conceptions de la
nature de l’état hypnotique

Pour certains auteurs, l’amnésie posthypnotique est un modèle


d’amnésie dissociative alors que, pour d’autres, elle ne peut être
comprise que dans une perspective sociocognitive et historique

■ Références

[1] BaddeleyA. La mémoire humaine. Grenoble: Presses Universitaires


de Grenoble; 1993.

[2] Derouesné C. Vivre avec sa mémoire. Paris: Les Éditions du Rocher;


1996.

[3] Brédart S, Van der Linden M. Souvenirs récupérés, souvenirs oubliés,


faux souvenirs. Marseille: Solal; 2004.

[4] Baddeley AD, Wilson BA, Watts FN. Memory disorders. Chichester:

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