9782705917685
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Linguistique nouvelle
Notions
de stylistique générale
PIERRE LARTHOMAS
ISBN2 13049611 3
ISSN0292-4226
Dépôt légal —1 édition : 1998, décembre
©Presses Universitaires de France, 1998
108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris
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Sommaire
Avant-propos 1
Introduction 5
PREMIÈRE PARTIE
Avant-propos
3.Dans son Discours sur lestyle prononcé à lA ' cadémie française, le 25 août 1753.
L'idée seretrouve chezla plupart desécrivains (Chateaubriand, Mmede Staël, etc.).
4.Citons, entre beaucoup d'autres,Jules Renard (Journaldu 10oct. 1906): «Capus
aura tout demêmedumalàrésister : la postérité aun faible pour le style. »
5.V. dans la revue Languefrançaise n"3 de Michel Arrivé : «Postulats pour la
description linguistique destextes littéraires», p. 4-13.
6.Sur le' nsemble decesproblèmes, voir les actes ducolloque organisé enoct. 1991
Que'st-cequelestyle. PUF,1994.
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Introduction
plus spontanée qui est la langueparlée Bally écartait donc de ses préoc-
cupations la stylistique qu'avec Albert Henry on peut qualifier de
littéraire.
Une fois écarté ce sens particulier qui a trompé plus d'un lecteur,
il y aurait à étudier, de décennie en décennie, les emplois du mot.
Bornons-nous ici à remarquer que l'article d'Arrivé a eu un effet
doublement pervers. D'une part, si la discipline dont il était question
semblait à peu près morte, le mot qui la désignait devenait suspect.
L'effet de terreur (au sens où l'entendait Paulhan jouant, il était
souvent écarté et remplacé, non sans risque d'équivoque, par le mot
poétique. D'autre part, l'effort se poursuivait pour abîmer la stylistique
dans la linguistique. Le stylisticien devenait alors un être suspect. Il
l'est resté, sans doute parce qu'il est dans sa destinée de l'être. Reste
à voir pourquoi.
En accord avec la définition donnée précédemment du mot style,
on posera que la stylistique est la sciencedesqualitésformelles desénoncés.
Si science il y a, il faut définir son champ d'action, ses finalités, ses
méthodes, ses possibilités et ses limites. On avancera les propositions
suivantes :
1 / Le langage étant de l'homme, la stylistique est une science
humaine. Elle ne saurait donc être une science exacte, au sens précis
de ce terme. Il peut arriver au stylisticien d'utiliser certaines
méthodes des sciences exactes (la statistique par exemple) mais les
résultats obtenus, pas plus qu'en histoire ou en sociologie, ne
sauraient être aussi rigoureux qu'en mathématiques. On peut classer
les mots selon certains critères, mais ils ont souvent des sens divers
et leurs emplois varient avec la situation et le contexte. Ce ne sont
pas des billes. La répartition obtenue et son analyse restent pour une
grande part subjectives. Tout chercheur dont la science est humaine
rêve d'en faire une science exacte. Le stylisticien, comme les autres,
doit se garder de cette tentation, la maintenir tout au moins dans des
limites raisonnables. Cela dit pour condamner ou prévenir certains
ccoenntcaeinpetiosnde'écl
xeam irée
plesdesoluavneonrtm eetradi
cont ducjtuogirees.
mentnormatif, cedonttémoignel'étude de
11.A.Juillard, Stylistiqueetlinguistique,dansLanguage,XXX,1953.
dans12C.S ahuierrscedepleroxbicolèlm
ogiee,,vn°oi5r0l'a,rticle
1987,d1e,P p..L1a2r5th-1o3m
6.as,Surunedéfinitondelalanguepoétique,
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13.Surceproblèmelesétudesnemanquentpas.Voir,parexemple,Linguistique,guide
alphabétiquesousladirectiondA ' .Martinet, 1969,p. 354-362;deDucrotet Schaeffer,
Nouveaudictionnaireencyclopédiquedessciencesdulangage, 1995,p. 383;LeLangage,dA ' rrivéet
alii,
G.Mounin,Dictionnairedelalinguisictiqtiounen,aPirU
Denoë l
, 197 3,p. 51 0-51 1 ;D eF
d,e1lin9g74u,isptiq.u3e0,8L-3ar0o9u.sse, 1973,p.456-461;de
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et nonje ne lis) et les variations stylistiques (je n'ose ouje n'osepas entrer)
Mais il s'en faut de beaucoup que la langue soit toujours aussi contrai-
gnante : sur le plan lexical les choix sont plus libres et de ce fait
plus difficiles à définir. Il arrive que les éléments du choix soient
exprimés : celui qui a été d'abord choisi est finalement remplacé
par un autre, ce que constate l'énoncé. Cet effet est fréquent dans
le langage parlé qui est, par nature, improvisé et par là-même
imparfait. Il est utilisé aussi dans le langage écrit et la correction
devient alors figure. L'emploi constant du procédé caractérise un
style particulier que l'on peut qualifier de correctifet dont les œuvres
en prose de Péguy fournissent les meilleurs exemples. L'énoncé
semble se créer devant nous avec ses élans et ses repentirs et ce qu'il
gagne en naturel (plus ou moins spontané) et en nuances, il le perd en
densité. Mais la plupart du temps, le texte est offert à notre attention
sous une forme que son auteur juge définitive. Le choix, s'il y a eu
choix, suppose un état antérieur du texte qui ne nous est pas révélé,
à moins que nous ayons la chance de posséder des variantes qui
posent à l'éditeur et au stylisticien des problèmes redoutables. Pour
que ce dernier puisse les interpréter correctement, il doit s'assurer
qu'elles sont véritablement d'ordre stylistique. Dans ce cas seulement
elles peuvent être exploitées et leur étude, qui est du domaine de la
stylistique génétique, se révèle féconde. Si féconde que lorsque le
texte nous est donné sous une forme unique, on est tenté d'imaginer
quelles pouvaient être, pour un segment réduit, les variantes, du
moins celles qui apparaissent comme vraisemblables dans le langage et la pensée
du temps, précise Bernard Dupriez Ce dernier s'efforce de définir
une méthode de commutation qui consiste à remplacer chaque élément du texte
par ses variantes possibles, afin de reconstituer les données initiales du compor-
tement, en l'occurrence l'acte d'écrire. Mais les exemples donnés révèlent
que le choix des variantes reste très subjectif, les résultats aléatoires
et limités
Quant à la notion d'écart, elle présuppose la notion de choix et
se heurte aux mêmes difficultés et aux mêmes limites. Qui s'écarte
choisit souvent de s'écarter, mais la notion n'est utilisable que si l'on
peut définir chaque fois, au niveau du style, dans quel domaine et
de quoi l'on s'écarte. Sur ces difficultés l'étude essentielle reste celle
de Nicole Gueunier dans un article intitulé La pertinence de la notion
d'écart en stylistique. L'auteur distingue trois niveaux, de la langue, de
la parole et de l'œuvre littéraire, ce qui implique trois définitions de
l'écart : respectivement toutfait deparole constituant une infraction au code
de la langue ; une infraction par rapport à un niveau dit non marqué de la
parole ; une infraction aux lois qui régissent le fonctionnement du contexte.
L'analyse est pertinente mais cette classification tripartite, qui semble
au premier abord aller de soi, soulève bien des difficultés que l'auteur
de l'article a le mérite de souligner, concluant que la pertinence de la
notion d'écart est limitée. Limitée mais fondamentale. Elle doit être
conservée de même que la notion de choix. Le problème est
seulement de les utiliser avec pertinence, en comprenant que choix et
écart interviennent à plusieurs niveaux. Écrire un poème, c'est choisir
de s'exprimer autrement. Mais choisir entre quoi et quoi et
autrement que quoi ? Et pourquoi et dans quel but ? C'est ce qu'il
importe chaque fois de préciser. Le tort de beaucoup de stylis-
ticiens est de n'y être sensibles qu'au niveau de l'énoncé. Or avant
même que le premier mot ne soit écrit, des choix sont intervenus, ce
que fera comprendre un exemple très simple. Qui décide d'écrire un
roman populiste a choisi d'abord d'écrire et non de parler ; d'écrire
une œuvre qui, parce que roman, aura une certaine forme et obéira
à certaines règles ; et de faire s'exprimer ses personnages d'une façon
particulière puisque le roman se veut populiste. Ce n'est qu'ensuite
que le romancier, ayant à choisir, pour reprendre un exemple cité,
entre je n'ose pas, je n'ose et j'ose pas mettra, dans la bouche d'un
personnage, la troisième formule en évitant la première et surtout la
21. V. notre compte rendu de l'ouvrage indiqué n. 19, dans Le Français moderne,
avr. 1973, n"2, p. 198-200.
22. Dans Languefrançaise, n"3, sept. 1969, p. 34-45.
23. Op. cit. respectivement p. 34, 38 et 40.
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paradoxe d'une critique... qui retrouve une poétique des genres au moment
où la littérature s'en est dépouillée. Elle ne saurait bien s'appliquer qu'à une
tradition fondée sur les genres ; beaucoup moins pour la modernité
A quoi on peut ajouter cette remarque de Maurice Blanchot qui
tient compte, lui aussi, de l'éclatement des genres :
Seul importe le livre, tel qu'il est, loin des genres, en dehors des rubriques,
prose, poésie, roman, témoignage, sous lesquelles il refuse de se ranger et
auxquelles il dénie le pouvoir de lui fixer sa place et de déterminer sa forme. Un
livre n'appartient plus à un genre, tout livre relève de la seule littérature... Tout
se passerait donc comme si, les genres s'étant dissipés, la littérature s'affirmait
seule
Ces citations ont le mérite d'envisager le problème du point de
vue historique, mais on peut se demander s'il est légitime d'opposer
certaines œuvres à d'autres et l'époque moderne au passé. De tout
temps des œuvres ont été écrites qui paraissent inclassables, que ce
soit Le Neveu de Rameau qualifié par Diderot de satyre ou Les Caves du
Vatican qualifié par Gide, malgré sa forme romanesque, de sotie,
comme Paludes
L'existence de telles œuvres n'infirme en rien la nécessité
d'adopter une troisième attitude et de conserver la notion de genre.
Si on ne le fait, bien des erreurs sont commises dont il est facile de
donner des exemples. C'est Diderot justifiant les silences dans son
Père defamille par ceux qu'il trouve dans les romans de Richardson,
sans tenir compte des différences fondamentales qui séparent le
dialogue dramatique du dialogue romanesque C'est pour la même
raison que n'ont aucune valeur les transpositions du livre à la scène
si fréquentes au XIX siècle. Sur ce plan de la critique, un dernier
exemple, mais très caractéristique : étudiant l'emploi des épithètes
impertinentes comme vent crispé ou âpre escalier, Jean Cohen compare
leur fréquence chez trois groupes habituels, classique, romantique et
26. Les deux citations dans Pour la poétique d'Henri Meschonnic, Paris, Gallimard,
1970, p. 45. L'allusion aux ChantsdeMaldororest très discutable. Ladivision en chants et
en strophes rattache l'œuvre à une tradition rhétorique dont il est nécessaire de tenir
compte si l'on veut mesurer l'écart.
27.Maurice Blanchot, Livreà venir, Paris, 1959, p. 243-244. Cité par T. Todorov,
dans LesGenresdudiscours, p. 44-45.
28. Voir l'édition Fabre, Droz, 1950, p. 3. Sur le sens étymologique du mot satire
(«potpourri delibres propos»)voir la préface de cette édition, p. XLII. Sur la valeur du
mot sotievoir la thèse de Bertrand Fillaudeau, LU
' nivers ludiquedA
' ndréGide, p. 23-80.
29. Sur ce problème, voir notre Langagedramatique, p. 164-166.
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Les genres étant ici définis comme les différents objets de recherche
spirituelle, ils ont à la fois un caractère universel lié à la nature même
de l'homme, de son langage, et un caractère contingent soumis aux
fantaisies et aux modes d'une époque. Une bonne classification doit
rendre compte de ces deux caractères et elle ne peut le faire qu'à
une condition : c'est que le genre fondamental ne soit pas confondu
avec ses diverses manifestations. Or en ce domaine les confusions
sont fréquentes. En voici un exemple très net : T. Todorov fait les
distinctions suivantes :
Tout d'abord, il y a les styles : bas, moyen, élevé... Ensuite il y a les genres :
la prose et la poésie... puis les grands genres de l'époque classique (Fontanier
conseille une gradation ascendante pour les genres suivants : comédie, tragédie,
épopée, ode) ; enfin il y a les plus petites délimitations des genres, déterminées
par le sujet : «Les figures qui plaisent dans un épithalame déplaisent dans une
oraison funèbre » (Fontanier)
Passons sur le tout d'abord... ensuite... qui introduit une fausse
successivité, et notons sur ce passage une critique d'H. Meschonnic :
Quelle confusion qui tient prose et poésie pour des genres! Soit. Mais les
autres confusions commises par Fontanier ne sont pas moins graves.
La gradation ascendante ne tient pas compte de la distinction essentielle
entre les œuvres dramatiques et les œuvres proprement poétiques,
et si les figures doivent être différentes dans l'épithalame et l'oraison
funèbre, ce n'est pas seulement parce que les sujets sont différents
mais autant à cause de la spécificité des genres poétique et oratoire.
Le moment semble donc venu de redonner à cette notion toute
l'importance qu'elle mérite. Sur le plan de la création littéraire, si
certains auteurs semblent rechercher l'éclatement, beaucoup d'autres
restent fidèles à des distinctions qu'ils jugent naturelles. Il nous suffit
ici de citer un romancier, des plus grands :
Les genres sont la vie même de la littérature ; les reconnaître entièrement,
allerjusqu'au bout dans le sens propre à chacun, s'enfoncer profondément dans
leur consistance, p r o d u i t vérité et f o r c e
ailleurs : ... « Quel cerveau bien portant peut concevoir sans horreur une peinture en
relief, une sculpture agitée par la mécanique, une ode sans rimes, un roman versifié, etc.
Salon de 1859, Œuvres complètes, t. II, p. 674.
35. Todorov, Littérature et signification, Paris, Seuil, p. 116.
36. Pour la poétique, p. 45.
37. Henri James, The Awkward Age, préface, Londres, 1975, p. 18. Cité par Todorov,
Les Genres du discours, p. 46-47.
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38.Northrop Frye, Anaotmei dela critique, p. 25; Gérard Genete dans le recueil
collectifLesChemnisactuelsdelacritique,p. 231-247; KäteHamburger,Logqiuedesgenres
litéraires, trad. Paris, Seuil, 1986;Jean-Marie Schaeffer, Que'st-cequu'ngenrelitéraire?,
Paris, Seuil, 1989.
39.N°dejuillet 1964,p. 185-193.
40.Lesfonctionssecondairesdulangage,dansLeLangage,EncyclopédiedelaPléiade,
1969,p.459.
41.V.infra,p.41et51.
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