THIOYE - Droit Des Affaires - Corps 6
THIOYE - Droit Des Affaires - Corps 6
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1° Le crédit-bail immobilier
C’est d’abord le cas des baux emphytéotiques dont la durée est comprise
entre 18 et 99 ans (et qui confèrent au preneur, appelé emphytéote, un droit réel,
appelé emphytéose, susceptible d’hypothèque qui peut être cédé et saisi dans les
formes prescrites pour la saisie immobilière). Ce type de bail est expressément
1
Cass. 3e civ., 29 avr. 2009, n° 08-13308: Bull. civ. III, n° 89.
exclu du champ du statut par la loi (art. L. 145-3 C. com.), sans doute parce que ce
serait excessif d’accorder un droit au renouvellement après un bail d’une durée
aussi longue. Cela dit, le système de révision triennale des loyers commerciaux
s’applique aux baux emphytéotiques.
NB : par contre, si l’emphytéote sous-loue l’immeuble à un commerçant, ce
bail est soumis au statut, sous réserve que la durée du renouvellement n’ait pas
pour effet de prolonger l’occupation des lieux au-delà de la date d’expiration du
bail emphytéotique.
C’est ensuite le cas des baux à construction dont la durée est également
comprise entre 18 et 99 ans, et qui confèrent aussi au preneur un droit réel
susceptible d’hypothèque (il présente la particularité d’être destiné à permettre
au locataire de construire des immeubles qui, en principe, reviennent au bailleur à
l’expiration du bail).
Le bail ne peut être soumis au statut des baux commerciaux que s’il porte
sur un immeuble ou un local dont la destination est l’exploitation d’une activité
commerciale (ou artisanale).
Le mot « immeuble » est entendu dans le sens courant de bâtiment, ce qui
exclut, en principe, les baux de terrains nus (non bâtis).
Quant au terme « local », il implique une certaine fixité (stabilité) et une
certaine solidité et, ainsi, désigne aussi un bâtiment ou une partie de bâtiment
permettant une exploitation commerciale. Cela conduit à exclure les constructions
mobiles, aléatoires ou changeantes ; les comptoirs de vente à l’intérieur d’un grand
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On remarquera que l’ordonnance du 1er juillet 2004 étend désormais le champ d’application de la
loi Hoguet à la location ou à la sous-location saisonnière définie, au sens du texte, comme suit :
location d’un immeuble conclue pour une durée maximale et non renouvelable de 90 jours
consécutifs (nouvel article 1er -1 de la loi).
magasin (emplacements variables) ; les emplacements loués à des fins
publicitaires ; les vitrines destinées à l’exposition de marchandises, à l’exclusion
de toute opération avec la clientèle ; les simples emplacements de stationnement
auprès d’un hôtel…
La notion de local servant à l’exploitation du fonds est plus large que celle
de local commercial stricto sensu. Ainsi n’est-il pas exigé qu’il permette la
réception de la clientèle : entrent dans la définition une usine, un immeuble de
bureaux où les clients ne sont pas admis, les locaux d’une entreprise commerciale
de vente par correspondance…
Par application de l’adage « l’accessoire suit le principal », le statut est
applicable aux locaux accessoires du local principal où est exploité le fonds, si la
privation de ces locaux serait de nature à compromettre l’exploitation du fonds
(atelier par exemple).
Extension légale. L’extension du bénéfice du statut est faite, par les articles
L. 145-1, I, et L. 145-2 du Code de commerce, au bénéfice des titulaires des baux
suivants :
- les « baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité…
(appartenant) à un chef d’une entreprise immatriculée au répertoire des
métiers » (fonds artisanal) ;
- les « baux des locaux ou immeubles abritant des établissements
d’enseignement » ;
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Civ. 3e, 27 mars 2002, JCP G 2002, Act., p. 756, n° 196.
- les « baux consentis aux communes pour des immeubles ou des locaux
affectés, soit au moment de la location, soit ultérieurement et avec le
consentement exprès ou tacite du propriétaire, à des services exploités en
régie » ;
- les « baux d’immeubles ou de locaux principaux ou accessoires, nécessaires
à la poursuite de l’activité des entreprises publiques et établissements
publics à caractère industriel ou commercial, dans les limites définies par
les lois et règlements qui les régissent et à condition que ces baux ne
comportent aucune emprise sur le domaine public » ;
- les « baux des locaux ou immeubles appartenant à l’Etat, aux collectivités
territoriales et aux établissements publics » (biens du domaine privé
exclusivement) dans le cas où ces locaux ou immeubles répondent aux
exigences des dispositions de l’article L. 145-1 ou de l’article L. 145-2, 1° et
2°, du Code de commerce (immeubles ou locaux affectés à l’exploitation d’un
fonds de commerce ou artisanal ; immeubles ou locaux abritant des
établissements d’enseignement ; immeubles ou locaux affectés à des
services exploités en régie);
- les « baux d’immeubles abritant soit des sociétés coopératives ayant la
forme commerciale ou un objet commercial, soit des sociétés coopératives
de crédit, soit des caisses d’épargne et de prévoyance » ;
- les « baux des locaux consentis à des artistes admis à cotiser à la caisse de
sécurité sociale de la maison des artistes et reconnus auteurs d’œuvres
graphiques et plastiques, tels que définis par l’article 98 A de l’annexe III
du Code général des impôts » ;
- « par dérogation à l’article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 déc. 1986 tendant
à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements
sociaux et le développement de l’offre foncière, aux baux d’un local affecté
à un usage exclusivement professionnel (libéral) si les parties ont
conventionnellement adopté ce régime ».
Des règles particulières sont prévues pour les incapables. Deux situations
doivent être distinguées.
- Lorsque le représentant légal agit seul, sans autorisation de l’organe de
contrôle, le droit au renouvellement est inexistant ou, du moins,
aléatoire. Si le propriétaire du local est un incapable, majeur ou mineur, son
représentant légal peut, en agissant seul, contracter des baux en son nom.
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Cass. 3e civ., 9 nov. 2011, n° 10-30291: Bull. Civ. III, n° 194.
Mais l’article 456 du Code civil prévoit alors que ces baux, d’une durée
maximale de 9 ans, ne confèrent au preneur aucun droit au renouvellement
opposable au mineur devenu majeur ou émancipé (alors que le bail est en
cours). Cependant, si le bail conclu pour 9 ans arrive à expiration alors que
le propriétaire est toujours incapable, le preneur a droit au renouvellement.
Dans tous les cas, le bail initial ou renouvelé ne prend pas fin lorsque
l’incapacité cesse, mais il ne lie les parties que jusqu’à l’expiration des 9 ans
en cours. A l’arrivée de ce terme, l’ancien incapable retrouve la libre
jouissance de l’immeuble sans être tenu de verser une indemnité d’éviction.
- Lorsque le ou les représentants légaux sont autorisés par l’organe de
contrôle, le droit au renouvellement est garanti d’avance. Pour passer un
bail commercial donnant d’emblée au preneur un droit au renouvellement, le
tuteur doit avoir été autorisé par le Conseil de famille. Quant à
l’administrateur légal pur et simple, il doit obtenir l’accord de son conjoint
ou, à défaut, l’autorisation du juge des tutelles. Et l’administrateur sous
contrôle judiciaire doit obtenir dans tous les cas une autorisation du juge
des tutelles.
A- La durée du bail
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Ass. plén., 26 janv. 1973, JCP 1973. II. 17462, note Boccara.
C. – Etat des lieux d’entrée et de sortie
Les articles 1217 et 1224 et suivants (ancien article 1184) du Code civil
permettent la résiliation du contrat (bail ici) en cas d’inexécution injustifiée par
l’une des parties de ses obligations (non-paiement des loyers ou autres
manquements comme, par exemple, la non-exploitation du fonds de commerce). En
règle ordinaire, la résiliation doit être demandée et prononcée en justice, auquel
cas le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation de la gravité des manquements. Pour
éviter cette forme d’intendance judiciaire, les parties (ici les bailleurs) stipulent
souvent une clause résolutoire de plein droit, laquelle opère, s’il y a lieu, de manière
automatique. Le tribunal (juge des référés) devra, en pratique, être saisi, mais son
rôle se limitera alors à constater (et non prononcer) la résiliation du bail si les
manquements visés par la clause sont établis. Une telle technique ne saurait être
interdite, puisqu’il est naturel que les parties puissent organiser elles-mêmes la
résiliation du contrat inexécuté. Cela dit, en raison de son automaticité, la clause
résolutoire pourrait générer des excès comme, par exemple, l’anéantissement d’un
contrat pour des manquements véniels. Dès lors, il est apparu nécessaire au
législateur commercial d’encadrer les clauses résolutoires. Il l’a fait en élaborant
un système général de protection (seul exposé ici) et un système renforcé lorsque
le locataire commerçant est sous le coup d’une procédure collective de sauvegarde
ou de redressement judiciaire.
2e règle. Le même texte dispose, dans son alinéa 2, que tant que la résiliation
du bail n’est pas constatée ou prononcée par une décision définitive, le locataire
peut solliciter du juge un délai de grâce pour s’exécuter (payer ou s’acquitter de
ses autres obligations). Dans ce délai, les effets de la clause résolutoire ou de
toutes autres procédures d’exécution forcée sont suspendus. Le bail ne sera alors
effectivement résilié que si le locataire ne se libère pas dans les conditions fixées
par le juge (sauf si la défaillance est due à un cas de force majeure).
Remarque : notons que cette protection s’applique désormais non seulement
aux loyers, mais aussi aux charges impayées, ce qui n’était pas le cas avant la loi
de 1989.
Pour terminer, soulignons une règle particulière prévue (par l’article L. 145-
42 C. com.) pour les clauses résolutoires pour non-exploitation du fonds de
commerce. En effet, elles sont paralysées en cas de déspécialisation du fonds, cela
pendant le temps nécessaire à la réalisation des transformations (le locataire
ayant un délai de six mois à compter de l’accord du bailleur ou de l’autorisation
judiciaire pour les réaliser).
On peut ajouter à ces règles tirées du Code de commerce l’exigence
jurisprudentielle de bonne foi exigée du bailleur, sur le fondement de l’ancien
article 1134, alinéa 3, du Code civil (devenu l’article 1104), dans la mise en œuvre
de la clause résolutoire6.
1° La cession de bail
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Cass. 3e civ., 5 juin 1991, n° 89-21166: Bull. civ. III, n° 163, p. 96.
commerce ou de son entreprise. Sachant que, si l’obligation de garantie ne peut
plus être assurée dans les termes de la convention de cession, le tribunal peut y
substituer toutes garanties qu’il juge suffisantes (C. com., art. L. 145-16, al. 3).
Mais, pour limiter les risques auxquels la cession de bail expose le
propriétaire, la jurisprudence admet depuis longtemps, d’une part, la clause
rendant le cédant (locataire initial) garant solidaire du paiement des loyers par le
cessionnaire (nouveau locataire), et ce jusqu’à la fin du bail initial ou reconduit ;
cette clause est désormais reconnue par le législateur avec quelques restrictions :
d’abord, l’article L. 145-16-1 du Code de commerce (inséré par la loi n° 2014-626
du 18 juin 2014) dispose que, si la cession du bail commercial est accompagnée
d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, ce dernier doit
informer le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois
à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci ;
ensuite, l’article L. 145-16-2 prévoit que, si la cession du bail commercial
s'accompagne d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci
ne peut l'invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail (la durée
objective de la clause est donc désormais clairement précisée).
La jurisprudence admet, d’autre part, la clause subordonnant la cession à
l’agrément du cessionnaire par le bailleur encore qu’un refus d’agrément injustifié
pourrait être contourné par décision judiciaire.
Cession isolée du bail commercial : opération permise sauf interdiction
conformément au droit commun. - La cession isolée du bail commercial, sans le
fonds de commerce, est régie par le droit commun et, notamment, par l’article
1717 du Code civil aux termes duquel « le preneur a le droit (…) de céder son bail
à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite (…) pour le tout ou partie ».
Cela dit, il résulte des dispositions de l’article L. 145-51 du Code de
commerce que le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite
ou ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité attribuée par le régime
d’assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions
industrielles et commerciales peut céder son bail pour l’exercice d’activités autres
que celles initialement faites sans avoir à se soumettre à la procédure de
déspécialisation plénière (V. supra).
2° La sous-location
Le loyer initial est fixé librement par les parties, en fonction normalement
du libre jeu de l’offre et de la demande.
Notons qu’il se peut que, en plus du loyer, le bailleur réclame au locataire au
moment de la conclusion du contrat le versement d’une somme appelée « pas-de-
porte », « droit d’entrée » ou « droit au bail ». Cette somme est d’une nature
juridique incertaine, les auteurs étant divisés sur la question. D’après la
jurisprudence, elle peut constituer, selon la volonté des parties, soit un supplément
de loyer payé d’avance, soit une indemnité forfaitaire appelée à compenser la perte
subie par le bailleur à raison du droit au renouvellement. Elle pourrait même
constituer, à la fois, un supplément de loyer et une indemnité forfaitaire.
NB que la nature juridique retenue est très déterminante sur le plan fiscal.
Et même sur le plan du droit commercial, la qualification de supplément de loyer
aura des incidences lors du renouvellement (prise en compte dans l’éventuel calcul
du loyer du bail renouvelé).
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Cass. 3e civ., 9 nov. 2011, n° 10-30291: Bull. Civ. III, n° 194.
registre du commerce et des sociétés ou au chef d’une entreprise immatriculée au
répertoire des métiers.
1° La procédure de renouvellement
Accord des parties. - Le bail renouvelé étant un nouveau bail, il revient aux
parties, sous certaines réserves, de s’accorder sur les conditions du bail renouvelé
mais, dans leur silence ou en l’absence de terrain d’entente, le législateur a prévu
des règles relativement à la durée et au loyer du bail renouvelé. En revanche, les
autres clauses et conditions doivent, en l’absence de modification amiable par les
parties, rester identiques à celles du bail précédent.
a) Durée
b) Loyer
C- Le refus de renouvellement