La Face Cachee de Lonu

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Michel Schooyans

Professeur émérite
de l'Université de Louvain

LA FACE CACHÉE
DE L'ONU

Le Sarment
Paris - 2000
Liste des sigles

AMI
Accord Multilatéral sur les Inv estissem ents
CPI
Cour pénale internationale
ECOSOC
Conseil économ ique et social des Nations Unies (New York)
FAO
Food and Agricultural Organization (Rom e)
FNUAP
Fonds des Nations Unies pour la Population (New York)
ILO
Organisation internationale du Trav ail (Genèv e)
IPPF
International Planned Parenthood Federation (Londres)
NAMBLA
North Am erican Man/Boy Lov e Association
OCDE
Organisation de Coopération et de Dév eloppem ent Économ ique (Paris)
OMS
Organisation m ondiale de la santé (Genèv e)
ONG
Organisations non gouv ernem entales
ONU
Organisation des Nations Unies (New York)
PNUD
Program m e des Nations Unies pour le Dév eloppem ent (New York)
UNESCO
Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture
(Paris)
UNICEF
Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (New York)
UNIDO
Organisation des Nations Unies pour le Dév eloppem ent industriel
Table des matières
List e des sigles

Int roduct ion - L'ONU et ses « Lumières »

D'un despotisme à l'autre


Quels Droits de l'Homme ?
Les « Lumières » de l'ONU

Première partie

L'EMPIRE DU CONSENSUS

Chapit re I - Droits de l'Homme et démocratie


La démocrat ie formelle
L'étude comparée des institutions
Un autre débat

Les Droit s de l'Homme dans la t radit ion réalist e


L'apport médiéval
Le service des personnes
L'apport moderne

Le pat rimoine commun de l'humanit é


Universalité et cohésion
La part de l'historicité

Une « cult ure des Droit s de l'Homme »


Solidarité et efficacité
Un aiguillon puissant aujourd'hui contesté

Chapit re II Consensus et majorité, ou d'une


-
tyrannie à l'autre
La « t y rannie du consensus »
Kant et l'I lluminisme
Le consensus : une escroquerie sémantique

La « t y rannie de la majorit é »
La « sainteté » civile des lois
Le paradoxe de la majorité

La vision holist ique du monde et de l'homme


La cohésion précaire
Le naufrage des devoirs
L'homme dans la réalité du tout

Chapit re III - L'ONU confrontée à ses origines


Gardienne des Droits de l'homme ?
Passer à la vitesse supérieure ?
La démocratie impossible
Nations et États : débilités
Les passions comme valeurs
De la violence individuelle à la violence institutionnelle

Chapit re IV - La Charte de la Terre et l'impératif


écologique
L'origine de la Chart e
Un accouchement laborieux
Un nouveau dialogue

Ext rait s du brouillon


Préambule
Principes

L'idéologie de la Chart e
Un « remake » de l'évolutionnisme
Le blanc-seing de l'ONU

Chapit re V - Les droits contre le Droit


De l'individualisme à l'absolutisme
Quelle Cour criminelle internationale ?
La Déclaration des défenseurs des « nouveaux droits »
AMI , vraiment ?

Chapit re VI - De la tolérance à l'inquisition laïque


Tolérance et violence
De la tolérance doctrinale à l'intolérance civile

Un rat ionalisme ant i-chrét ien

Chapit re VII - Pékin+5 : Une histoire de grain de


sable
Les act eurs en présence
Délégués et fonctionnaires
Les féministes radicales
Opposants au « colonialisme sexuel »
Le Saint-Siège : réalisme et vérité

Un bilan promet t eur ?


Quelles surprises ?
La force de la prière et de la vérité
La guerre continue

Chapit re VIII - Le Millenium de tous les périls


Le rapport Nous, les Peuples
Un document programmatique
L'incorporation au système légal international

Le Forum du Millenium

Le Pact e mondial
L'appel au secteur privé
Vers une « coalition globale »

Le Sommet des leaders spirit uels et religieux

Le Sommet du Millenium
Des activités parallèles fébriles
Le Sommet des chefs d'État
Vers une concent rat ion de pouvoir sans précédent

Chapit re IX - L'Europe arnaquée et fière de l'être


La « t erreur blanche »
L'Europe, complice et victime
Une arnaque idéologique

Le radicalisme européen
La grogne bruxelloise
La Charte des Droits fondamentaux
Avis aux récalcitrants
Le messianisme internationaliste

Chapit re X - Le Droit, « légitimation » de la violence


L'aut o-libérat ion de l'homme

Le refus de la finit ude


La mort et la guerre
Le vertige de l'autodestruction

Deuxième partie

VERS LA GOUVERNANCE MONDIALE

Chapit re XI - Kelsen à l'ONU


La t héorie « pure »
Un rationalisme intégral
Réduction et dissolution
La norme
La coutume et le consensus

La Py ramide de l'ordre juridique


Un système de normes
Le symbolisme pyramidal
La norme fondamentale
Chapit re XII - Le droit étatique et le droit
international
Vers l'État mondial
I nversion du principe de subsidiarité
La dissolution de l'État

Chapit re XIII - Un système de contrôle mondial


Une t héorie du pouvoir
Pas de place pour les Droits de l'Homme
Un totalitarisme sans visage

Un sy st ème policier
Jurisprudence et bureaucratie
Détournement de sens
La maîtrise de la vie

Chapit re XIV - La vengeance du réel


Les États satellisés
Une entourloupette sophistique
Un manifeste anti-nations

Troisième partie

LE DISSENTIMENT CHRETIEN

Chapit re XV - L'ONU : quelle estime pour la vérité ?


La cont agion mimét ique
I miter la violence
L'innocent coupable

L'ONU cont re l'Église


Les droits négociés ?
Vers l'agnosticisme intolérant

Les jours compt és du t ot alit arisme laïc


Bâtie sur le sable : l'ONU
Un écran pour les échecs ?
La conversion à la vérité

Chapit re XVI - L'ONU contre la famille


Présent at ion de la famille
Une réalité sociale nouvelle
Amour et fécondité
Dissocier procréation et union ?

La famille à l'épreuve de l'Ét at


Quelques causes
Du « désengagement » de l'État à l'exclusion
Flash sur les « fragilités nouvelles »

La famille à l'épreuve de l'ONU


Le piège des soi-disant « nouveaux droits »
Une culture anti-famille

Chapit re XVII - La famille : un gisement de valeurs


La plus pet it e démocrat ie
Contrôler l'affectivité
De la fraternité à la solidarité

Une réalit é nat urelle qui persist e à s'affirmer

La famille et le capit al humain

Le devoir et l'int érêt de l'Ét at


Protéger la famille
Une valeur d'avenir

Chapit re XVIII - L'Église : signe de division


La liberté inventive de l'amour
Face à l'imposture, le témoignage efficace

Annexes

Annexe I : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948


Annexe I I : Un texte de René Cassin
Annexe I I I : Figures triangulaires
Annexe I V : Charte des Droits fondamentaux de l'Union européenne

Bibliographie

List e des sit es élect roniques

Remerciement s

Ouvrages du même aut eur


Introduction

L'ONU et ses « Lumières »

Toutes les grandes révolutions se sont faites contre le pouvoir


absolu, arbitraire et tyrannique. Toutes se sont faites au nom
de la dignité de l'homme, que des puissances despotiques
bafouaient.

Tous les grands documents déclarant les droits de l'homme


sont le fruit d'une prise de conscience progressive de la dignité
inaliénable de tous les hommes et tous, cependant, sont nés au
prix de beaucoup de souffrances et de beaucoup de larmes.

D'un despotisme à l'autre

Ainsi, l'histoire moderne a connu le despotisme éclairé. Le


despote prétendait avoir le privilège de jouir des lumières de la
Raison, inaccessibles au commun des mortels. Sa volonté était
la source de la loi. Son pouvoir était absolu : il n'avait point de
compte à rendre au peuple.

Héritières misérables de ces despotismes sont certaines


dictatures dérisoires qui fleurissent à l'époque contemporaine.
Elles règnent par la terreur simple, la corruption, la
concentration de tous les pouvoirs, le cynisme et la brutalité.
Despotisme précaire que celui-ci, puisqu'il peut à tout moment
être renversé.

Le despotisme survit aussi dans les régimes autoritaires. Dans


ceux-ci, le « despote » — concrètement : un individu ou une
minorité — a la hantise de sa sécurité face à un ennemi
désigné. Quelques havres de liberté subsistent parfois dans la
vie économique, plus rarement dans la vie intellectuelle et
culturelle, mais il est interdit d'exprimer une quelconque
opposition politique. Le régime autoritaire favorise l'hypocrisie
: dans votre for intérieur, vous pouvez penser ce que vous
voulez ; il suffit de ne pas être opposant, d'avoir l'échine
souple. Bref, ce qui est requis c'est la soumission extérieure.

Dictatoriaux ou autoritaires, ces régimes despotiques ne


s'embarrassent guère de constructions idéologiques
compliquées pour se justifier. Pourvu qu'ils aient la force, qu'ils
ne regardent pas aux moyens, qu'ils n'hésitent pas à recourir à
la violence, qu'ils aient une police efficace, ils n'ont guère besoin
de se fabriquer des légitimations. Toute coquetterie
idéologique est ici pratiquement superflue.

Au XXe siècle, le totalitarisme a poussé le despotisme classique


— dictatorial ou autoritaire — à son point d'incandescence. Ce
qui n'était que despotisme minable ou artisanal, et donc
souvent éphémère, cède la place à un despotisme d'un
professionnalisme haut de gamme.

Les trois premiers totalitarismes du XXe siècle —


communisme, fascisme, nazisme — ont dès à présent pris place
au panthéon des classiques de la perversité. Bien sûr, on
recueille les recettes du passé : abus de pouvoir en tout genre,
violence, goulags, terreur, répression, suspicion, corruption,
etc. Quelque chose de plus est cependant ajouté. Non un
simple ingrédient supplémentaire, mais quelque chose
d'essentiel.

Le totalitarisme résulte du funeste concours, de la


convergence entre la tendance quasi générale à accepter
volontairement la servitude et l'offre de produits idéologiques
du meilleur effet domesticateur. La dictature, l'autoritarisme :
on les supporte, on s'y oppose ; le cas échéant, on s'insurge
contre eux. Le totalitarisme, lui, anesthésie le moi, subjugue
les corps, colonise les esprits et fait scintiller les charmes de
l'esclavage consenti. L'idéologie est la drogue qui tue la
capacité de discerner le vrai du faux, le bien du mal, et qui
inocule un ersatz de vérité, habituellement sous forme
d'utopie.

Quels Droits de l'Homme ?

Au terme d'une triple expérience totalitaire, les hommes ont


eu la sagesse de se ressaisir. Ils ont posé la question essentielle
: pourquoi ? Pourquoi tant de violence, de méchanceté, de
larmes ? La réponse fut donnée en 1948 dans la Déclaration
universelle des Droits de l'Homme. Pour éviter de tels
désastres, les hommes devaient reconnaître qu'ils étaient tous
égaux en dignité, qu'ils avaient tous les mêmes droits, et que
ces droits devaient être promus et protégés par les États et
par la Communauté internationale. C'est sur cette base que se
trouvent définies la responsabilité de l'ONU en matière de
droits de l'homme, ainsi que sa mission de paix et de
développement.

Il est cependant surprenant de constater que, depuis quelque


cinquante ans, l'ONU s'est progressivement éloignée de l'esprit
de ses origines et de la mission qui lui avait été confiée. Cette
évolution s'est faite, en partie, sous l'influence de la Charte de
San Francisco (1945). Parfois sur des points essentiels, mais
trop rarement relevés, ce document fondateur de l'ONU
diffère de la Déclaration de 1948. Pour faire bref : la Charte de
1945 doit beaucoup au positivisme juridique : seules valent les
règles du droit positif, émanant de la volonté du législateur ; la
Déclaration de 1948 se fonde, elle, sur des principes généraux
reposant à leur tour sur la nature des choses. Ces principes,
métajuridiques, sont connus par la raison et permettent de
critiquer la loi positive. Sous l'influence de cette dualité
d'inspiration, mais aussi sous celle de nombreux autres
facteurs, la Déclaration de 1948 tend imperceptiblement à être
réduite à un document ringard et dépassé. Cette Déclaration,
et les législations particulières que celle-ci a inspirées, sont de
plus en plus coiffées par d'étranges « nouveaux droits de
l'homme ». L'ONU et certaines de ses agences se comportent
en effet de plus en plus ouvertement comme si elles avaient
reçu mandat pour élaborer une conception des droits de
l'homme radicalement différente de celle qui s'exprimait en
1948.
La Déclaration universelle était anthropocentrique. Elle
reconnaît qu'au centre du monde et au cœur du temps il y a
l'homme, raisonnable, libre, responsable, capable de solidarité
et d'amour. Désormais — selon l'ONU — l'homme est une
parcelle éphémère dans le cosmos. Il n'est plus au cœur d'un
temps ouvert à un au- delà ; il est le produit d'une évolution ; il
est fait pour la mort. Il n'est plus une personne, mais un
individu plus ou moins utile et en quête de plaisirs. Les
hommes ne sont plus capables de reconnaître la vérité et d'y
accorder leur conduite ; ils négocient, décident selon une
arithmétique des intérêts et des jouissances. Triomphe
éphémère de consensus toujours renégociables et dès lors
perpétuellement en sursis.

Telle est la source principale des soi-disant « nouveaux droits


de l'homme ». Ils ne sont plus reconnus ou déclarés ; ils sont
négociés ou imposés. Marchandés. Ils sont l'expression de la
volonté des plus forts. Les valeurs elles-mêmes sont le simple
reflet des préférences, de la fréquence des choix.

L'idéologie nouvelle qui sous-tend ces soi-disant « nouveaux


droits » est holistique. Tout est dans tout : l'homme n'a de
réalité qu'en raison de son insertion dans la Terre-Mère, Gaïa,
qu'il devra révérer. L'homme doit donc accepter les
contraintes que lui impose un écosystème qui le transcende. Il
faudra qu'il accepte une technocratie supranationale qui,
s'inventant des Lumières, dictera aux États ce qu'ils doivent
faire, et aux individus ce qu'ils doivent penser.
Dans ce bric-à-brac holistique hallucinant, chaque thème
renvoie à tous les autres comme dans un jeu de miroir. Qu'on
en juge : lorsqu'on parle de pauvreté, on est renvoyé à la
population, et de là au « développement durable », de là à
l'environnement, de là à la sécurité alimentaire, de là à la «
santé publique » où la santé du corps social l'emporte sur celle
des personnes, de là à l'euthanasie, de là à de nouvelles formes
d'eugénisme, de là au féminisme radical, de là au « genre », de
là à la famille, de là à la « santé reproductive », de là à
l'avortement, de là aux soins de santé primaires, de là à
l'éducation sexuelle, de là aux « nouveaux droits de l'homme »,
de là à l'homosexualité, de là au désamorçage des objections
pouvant émaner de gouvernements nationaux divergents, de
là à la dénonciation des « nouvelles formes d'intolérance », de
là à de nouveaux tribunaux, de là au renforcement du rôle et
des pouvoirs de l'ONU, de là aux changements des législations
nationales, de là à l'augmentation des moyens dont disposent
les agences internationales, de là au conditionnement de l' »
aide », de là à l'association de certaines ONG aux programmes
des agences de l'ONU, de là à la consolidation du consensus, de
là à la nécessité d'urger le « respect des engagements », de là à
l'occultation des nombreuses réserves émises par les
participants aux conférences, de là à la nécessité d'un groupe
de travail qui coordonnera partout les actions sur le terrain, de
là à la mise sous tutelle d'États souverains sous prétexte de
lutter contre la pauvreté et en fait pour contrôler la croissance
de la population, etc. : nous sommes au rouet. C'est comme
dans le Canon de Pachelbel ou dans la Lambada : on peut y
entrer à n'importe quel moment et par n'importe quelle porte.
Le maillon que l'on choisit pour s'engager dans cette chaîne n'a
pas plus d'importance que l'ordre selon lequel les modules sont
disposés ; les thèmes s'enchevêtrent comme des ensembles et
des sous-ensembles. Holisme oblige : vraiment, tout est dans
tout.

Les « Lumières » de l'ONU

Nous allons entrer dans ce bazar par la porte des soi-disant «


nouveaux droits de l'homme ». Nous serons vite amenés à
constater que, par ce thème, l'ONU est en train de subvertir
les communautés nationales et internationales. Plus grave
encore : elle veut déprogrammer l'homme et le
reprogrammer. Convaincue d'être porteuse de nouvelles
Lumières, l'ONU a pris la tête d'une entreprise de
domestication idéologique sans précédent. L'agent principal de
cette entreprise insidieuse, c'est le Fonds des Nations Unies
pour la Population (FNUAP) dont le cynisme communicatif
déteint sur toute l'Organisation[1 ] . Cette agence entraîne toute
la machine onusienne dans l'entreprise totalitaire la plus
délirante de l'histoire.

Dans son rapport annuel sur L'État de la Population mondiale


1998[2 ] , cette agence funeste doit bien concéder que la
fécondité tend à chuter partout. Cela ne l'empêche cependant
pas de réchauffer son fricot habituel selon lequel il y a trop de
Noirs, trop de Jaunes, trop de Latino-Américains, trop de
pauvres inutiles, et qu'au nom des soi- disant « nouveaux
droits de l'homme » il faut mettre bon ordre à tout ça. Si rien
n'est fait, de tels programmes de discrimination manifeste
finiront tôt ou tard par entraîner l'ONU à sa confusion et à sa
perte.
Nous avons déjà consacré plusieurs travaux aux thèmes ici
abordés. La particularité de la publication que voici est de
montrer comment tous ces thèmes s'articulent autour de deux
pôles : le holisme, qui entend faire échec à l'anthropocentrisme
traditionnel, et les soi-disant « nouveaux droits de l'homme »,
issus par consensus d'une arithmétique individualiste des
intérêts et des plaisirs. Cet accouplement du holisme et de
l'individualisme donne lieu à la formation, sous nos yeux, d'une
idéologie hybride monstrueuse. Le holisme, en effet, pousse à
son paroxysme la dérive totalitaire du socialisme. Quant à
l'individualisme, il pousse à son paroxysme la dérive totalitaire
du libéralisme.

Le drame, c'est que cette subversion, à la fois anthropologique,


morale et politique, ne soit guère perçue. Le premier objectif
du présent ouvrage est d'ouvrir les yeux face à ce totalitarisme
sournois, qui, procédant à petit pas, est déjà solidement
implanté et entend s'imposer à l'horizon du nouveau
millénaire. Le deuxième objectif est de proposer une parade à
cet abus de pouvoir, à cette démesure de l'ONU. Dans cette
parade, un rôle primordial échoit à la famille. Cible de choix
des idéologues des soi-disant « nouveaux droits de l'homme »,
la famille brille ainsi comme un signe d'espérance dans un
monde qui décidément a besoin de réapprendre à aimer.
Première partie

L'EMPIRE DU CONSENSUS
Chapitre I

Droits de l'Homme et démocratie

L'année 1998 a été marquée par le cinquantième anniversaire


de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, adoptée
et proclamée à Paris le 10 décembre 1948. Pour bien
comprendre l'importance de ce document, il faut le situer dans
la tradition dont il est le plus beau fleuron, dégager la
signification et la portée des principes qui y sont énoncés,
dévoiler les détournements de sens mettant en péril ce texte
majeur et enfin alerter sur les conséquences dramatiques
auxquelles peut conduire la conception des « nouveaux droits
de l'homme » présentés sous la bannière de l'ONU.

Dans cette analyse, nous nous placerons avant tout du point de


vue de la philosophie politique.

Avant de développer ces points, rappelons qu'au niveau


européen, la Déclaration a donné lieu, dès le 4 novembre 1950,
à la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme. Ce texte reprend des droits fondamentaux déclarés
en 1948, y compris ceux relatifs à la famille. Mais il s'agit à
présent d'un document de droit positif, que la Cour
européenne des droits de l'homme, dont le siège est à
Strasbourg, est appelé à faire respecter[3 ] .
LA DÉMOCRATIE FORMELLE

L'étude comparée des institutions

Les études sur la démocratie sont fréquemment caractérisées


par le souci de comparer les mérites de différents régimes.
Selon des critères variables, on établit des typologies et on
ébauche un palmarès couronnant les régimes censés être plus
démocratiques que d'autres. Pour arriver à établir cette
classification, on recourt à certains paramètres qu'on analyse
et que l'on jauge. On distingue par exemple démocratie directe
ou indirecte, présidentielle ou parlementaire. On tient compte
de l'origine du pouvoir, de la définition de l'électeur et de
l'extension de cette notion, du type de suffrage, du mode
d'élection, de la représentation des élus, de la constitution, du
mode de désignation des gouvernants, des contrôles exercés
sur eux, de la façon de rendre la justice, du choix et de
l'indépendance des juges, du poids de l'opinion publique ou des
groupes de pression, du respect des minorités, de la séparation
des pouvoirs, de la liberté d'expression et de mouvement, etc.

Tous les manuels décrivant la société et les institutions


grecques mentionnent certes l'esclavage mais s'empressent
aussitôt de célébrer la démocratie athénienne. Jusqu'à
l'époque contemporaine, des régimes incontestablement
totalitaires se sont efforcés de se donner des constitutions ou
des lois répondant à certains critères de la démocratie
formelle.

Un autre débat

Cependant, ainsi que Marx et Tocqueville l'ont remarqué —


chacun à sa façon, il est vrai — la démocratie formelle, coulée
dans des institutions, ne permet pas de préjuger de l'aloi
démocratique d'une société, même là où, à la fois par
pléonasme et par antiphrase, cette même société s'auto-
qualifie de démocratie populaire.

L'étude comparée des institutions est donc utile et


indispensable, mais elle présente un intérêt limité pour
l'analyse de ce qui est essentiel à la démocratie. Il en va du
reste de même dans d'autres domaines : l'analyse comparée
des législations sociales ne permet pas de préjuger des services
sociaux effectivement disponibles dans les sociétés que l'on
compare.
Ces études comparées portant sur les modèles institutionnels
de démocraties continuent, à juste titre, à passionner les
chercheurs. Cependant, un débat peut en cacher un autre.
Sans toujours être mesuré à sa juste importance, un débat
nouveau, considérable, se déroule actuellement ; il porte sur
les rapports entre démocratie et droits de l'homme. Ce débat
se reflète surtout dans la pratique politique, diplomatique et
juridique, à l'intérieur des nations et plus encore sur la scène
internationale. Il donne lieu également à une thématisation
discrète, peu perçue dans le grand public, mais dont les enjeux
sont capitaux.

Les droits de l’homme dans la tradition réaliste

Dans sa forme contemporaine, ce débat est issu de la Seconde


Guerre mondiale. La Charte de San Francisco (1945), dans une
mesure réduite[4 ] , et très nettement, la Déclaration
universelle des Droits de l'Homme (1948), ont voulu bâtir la
paix intérieure des nations, la paix mondiale et le
développement sur du roc.

Ces documents sont largement tributaires des héritages


aristotélicien et stoïcien, qui soulignent le rapport entre
l'amitié et la justice, et de l'héritage romain, qui distingue le
licite et l'honnête[5] . Ce n'est pas le lieu d'évoquer dans le
détail ce long parcours historique. Cependant, il convient de
souligner que la Déclaration de 1948 s'inscrit dans le droit fil de
cette riche tradition. Rappelons que, très tôt, les juristes
romains ont admis une distinction nette entre les hommes et
les choses. Curieusement, là aussi, c'est la réflexion sur
l'expérience de la guerre qui fait progresser le droit. En effet,
dans la mesure où l'esclavage est considéré comme un produit
de la guerre, l'esclave tend à être reconnu comme un être
humain : nul ne naît esclave. On relève ici l'influence du
stoïcisme, qui considérait que les hommes sont libres et
égaux [6 ] .

En outre, la Déclaration de 1948 a surtout réactivé les


meilleurs acquis de la tradition du Droit naturel. Cette
tradition, déjà honorée par Cicéron[7 ] , comporte deux
contributions majeures et successives : l'une, médiévale,
l'autre, moderne. Ces deux traditions se caractérisent par un
réalisme commun : l'homme ne se prouve pas ; il existe et est
sujet de droits antérieurement aux institutions politiques et
juridiques[8] .

L'apport médiéval

Selon la tradition médiévale, ces droits sont liés à la nature de


l'homme, être unique dans le monde, puisqu'il est le seul être
créé à participer à l'existence de Dieu sur le mode de la
personne. Qu'il soit une personne signifie qu'il est un être
individuel, subsistant doué naturellement de raison et de
volonté libre, capable d'activité réflexive. Cette conception de
la personne colle tellement à la réalité de l'homme qu'elle sera
reprise, par-delà la tradition médiévale, par Descartes et par
Locke.

C'est de sa dignité intrinsèque que l'homme tire ses droits


fondamentaux à la vie, au jugement personnel, à la décision
libre, à la propriété, à la liberté de s'exprimer, de s'associer, de
fonder une famille, etc. La sociabilité humaine n'est pas
simplement utilitaire ni encore moins purement instinctive ;
elle n'est pas réductible à une simple complémentarité. Elle est
la conséquence naturelle du fait qu'étant tous doués de raison
et de volonté, les hommes peuvent discerner le vrai du faux, le
bien du mal, s'entendre, dialoguer, délibérer, coopérer : «
Préférer la parole à la guerre », comme devait écrire
Levinas[9 ] . Les hommes sont capables de découvrir ensemble
certaines vérités concernant leur vie et leur mort, et d'en tenir
compte dans leur conduite. Ils sont capables de vivre
vertueusement, et en particulier de pratiquer la vertu de
justice. Celle-ci est essentielle dans les relations entre les
personnes, et dans les relations entre les personnes et la
société. Bref, si les hommes ont des droits et des devoirs, ce
n'est pas en raison du fait qu'ils sont des individus ; c'est en
raison du fait qu'ils sont tous des personnes[1 0] .

Dans cette vision éminemment réaliste, les droits de l'homme


ont donc d'emblée une portée universelle : dès qu'un être
humain existe, il a droit à ce que lui soit reconnue la même
dignité que celle de tous les autres êtres humains.

Le service des personnes

Cette conception du fondement des droits de l'homme est


consolidée par la doctrine complémentaire de la destination
universelle des biens. Les biens du monde sont à la disposition
de toute la communauté humaine. Le droit de propriété privée
a donc ses limites. L'affamé qui chipe un pain ou la pauvresse
qui chaparde un médicament pour son enfant mourant ne
doivent pas être excusés de voler, car ils ne volent pas ; ils
exercent le droit primordial à la vie, droit qui l'emporte sur le
droit d'autrui à l'appropriation privée. Ce dernier droit est en
effet limité et surplombé par le droit de tous les hommes à la
vie. Il y a donc une hiérarchie dans les droits de l'homme ; la
clé de voûte de cet ensemble structuré et indivisible, c'est le
droit à la vie, le droit de disposer de soi.

De ces prémisses découle une conception précise de la société


politique. Celle- ci doit être au service des personnes et des
communautés de personnes ; son rôle doit être « subsidiaire
»[1 1 ] . Elle doit aider les personnes à s'épanouir, ce qui ne peut
se faire sans le respect des familles — premier lieu de
socialisation — , des corps intermédiaires et notamment de la
nation. Cette dernière, en particulier, doit être respectée, car
la nation est un creuset privilégié où s'édifient des cultures
dont se nourrissent les personnes et les familles.

Un des premiers à tirer parti de la conception médiévale du


droit naturel et de l'universalité des droits de l'homme fut
Francisco de Victoria ; il en fit, dès le XVIe siècle, la base de
l'internationalisme. Hélas, sa conception n'était pas à l'abri de
toute critique. Car précisément Victoria inversait l'ordre
naturel des choses. À force de vouloir légitimer la colonisation
espagnole, et de le faire à partir de la destination universelle
des biens, il oubliait que le droit à l'appropriation des biens, par
les Espagnols, était subordonné aux droits primordiaux des
Indiens à la vie et à la liberté.

On observe donc un paradoxe. Stimulés par la conception


chrétienne de la personne, les théoriciens médiévaux du droit
naturel avaient dégagé de façon flamboyante le fondement des
droits de l'homme, leur caractère inaliénable, leur extension
universelle. Mais ils l'ont fait dans un contexte où les
institutions ne répondaient guère aux critères de la démocratie
formelle. À l'inverse, Athènes, qui répugnait au modèle
spartiate, s'était donné des institutions formellement
démocratiques. Mais, paralysée par une anthropologie
déficiente (en raison de sa subalternation à la cosmologie), elle
échoua à élaborer une conception valable de la personne, à
dégager les droits inaliénables de celle-ci, à montrer qu'elle
s'étendait aux esclaves aussi bien qu'aux maîtres.

L'apport moderne

À l'époque moderne, la réflexion sur les droits de l'homme est


reprise pas les jusnaturalistes, tels Grotius et Pufendorf. Pour
eux, l'homme n'est pas l'individu autonome tel qu'il était conçu
par Hobbes et qu'exaltera l'Illuminisme. Même si les
jusnaturalistes les plus célèbres ouvrent la voie à l'absolutisme
éclairé, ils considèrent encore que l'homme est une personne,
un être raisonnable certes, mais dont la liberté individuelle est
limitée par les droits des autres personnes.

Cependant, lassés par les Guerres de Religions, déçus par la


décadence d'une certaine scolastique mais ignorant l'existence
de la riche philosophie politique espagnole, impressionnés enfin
par les méthodes nouvelles mises en œuvre par les savants
physiciens, les jusnaturalistes, tels Grotius et surtout
Pufendorf, veulent la raison pour seul maître. Ils observent la
société ; ils analysent la nature de l'homme, confirment son
appetitus societatis, sa sociabilité naturelle. La raison leur
permet de connaître le droit naturel, d'en faire la base de
l'internationalisme chez Grotius ; la base du droit civil chez
Pufendorf. Locke, qui se démarque d'eux à plus d'un égard,
proclamera qu'en entrant en société civile l'homme ne perd
pas les droits, inaliénables, qu'il avait dans la société de nature.

Cette conception moderne du droit naturel et, avec celui-ci,


des droits de l'homme, présente donc une réelle parenté avec
la conception médiévale. Cette parenté est même illustrée par
la fidélité fondamentale de Descartes, de Locke et même de
Barbeyrac à la conception traditionnelle de la personne :
l'homme est conscient de soi, raisonnable, libre au sens de
doué de libre arbitre[1 2 ] .

Cette conception du droit naturel et des droits de l'homme se


détache cependant de la conception traditionnelle sur un point
essentiel. Constatant, après Jean Bodin, que les références à
Dieu étaient sources de guerres, Grotius et, dans sa foulée,
Pufendorf sèvrent le droit naturel, et par conséquent les droits
de l'homme, de tout lien à Dieu. On sait que cette lecture est
retenue par la Déclaration de 1948[1 3 ] . Chez d'autres auteurs,
ce lien sera maintenu — parfois, il est vrai, du bout des lèvres
— mais Dieu n'aura plus d'impact réel dans la réflexion sur
les droits. Grotius et d'autres croiront trouver dans la mise
entre parenthèses méthodique de Dieu la meilleure
sauvegarde pour la paix civile et la paix entre les nations.

Il n'en reste pas moins qu'en dépit de cette divergence, les


deux Écoles du droit naturel, la médiévale et la moderne, vont
alimenter toutes les grandes déclarations de droits et, par là,
toutes les démocraties libérales modernes puis
contemporaines. Cette double tradition a imposé l'idée selon
laquelle les droits de l'homme doivent être proclamés et que
cette proclamation est le pré-requis logique de toute société
démocratique[1 4 ] .
LE PATRIMOINE COMMUN DE L’HUMANITÉ

Universalité et cohésion

La Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948 est


le point d'aboutissement le plus remarquable de cette
évolution, qui passe entre autres par l'Habeas corpus (1628,
1679), le Bill of Rights (1689), par la Déclaration
d'Indépendance (1776), par la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen (1789). Mais ce qui, à ces époques
anciennes, était perçu comme la conquête de sociétés
particulières, est désormais reconnu comme le patrimoine
commun de toute l'humanité[1 5] . Quant à la mise en œuvre de
ces droits, elle est perçue comme la meilleure parade contre le
retour de la barbarie.

On observe aussi une amplification dans les différentes


déclarations. Les premières dégagent les droits de groupes
limités : barons, bourgeois, propriétaires, citoyens puis
citoyennes, enfin tous les membres de la communauté
humaine sans exception, même les apatrides.

Désormais est faite une découverte majeure : les droits de


l'homme sont universels. Cela signifie qu'ils transcendent les
régimes, les Nations, les États, les gouvernements, les partis,
les corps intermédiaires, les individus. Bien plus, c'est par leur
universalité que les droits de l'homme procurent l'unité à la
société — jusques et y compris mondiale — et en assurent ainsi
la cohésion et la durée. Ce sont les droits de l'homme qui font
de ce qui pourrait n'être qu'une société d'intérêts une
communauté de personnes de même dignité.

La part de l'historicité

En outre, les documents déclarant les droits de l'homme ne


sont plus seulement le résultat de la réflexion des philosophes,
des théologiens, des juristes. Ils sont aussi le fruit
d'expériences historiques réalisées dans des contextes divers.
Ces expériences font peu à peu l'objet d'une thématisation
systématique, c'est-à-dire d'une réflexion, par les philosophes,
les théologiens, les juristes. Que ces droits de l'homme soient
universels, voilà qui apparaît comme une découverte,
historique, certes, mais qui s'impose d'emblée comme un
acquis définitif pour toute l'humanité[1 6 ] .

Cette historicité des droits de l'homme ne signifie donc pas que


ceux-ci soient relatifs à une situation ou à une culture
particulières. Cela signifie qu'il s'agit, dans l'ordre moral,
juridique et politique, d'une découverte surgissant, bien sûr,
dans le temps et l'espace, mais offerte d'emblée à tous[1 7 ] . De
ce point de vue, cette découverte peut se comparer à la
découverte du feu ou de l'électricité, dans les domaines
technique et scientifique, ou, dans le domaine esthétique, à la
découverte du beau, que ce soit à Borobudur ou dans l'œuvre
de Chopin. Tous ces acquis sont, d'emblée et définitivement,
offerts à l'ensemble de la communauté humaine.
Les sociétés où les droits de l'homme ont surgi d'abord ne
sauraient tirer argument de cette antériorité historique pour
prétendre que ces mêmes droits sont en quelque sorte leur
propriété particulière. Nulle communauté politique n'est
fondée à occulter l'universalité de ces droits comme nulle
communauté n'est fondée à se réserver le savoir ou le beau.
UNE « CULTURE DES DROITS DE L’HOMME »

Solidarité et efficacité

L'influence des divers documents que nous avons mentionnés,


et tout particulièrement de la Déclaration de 1948, est
profonde et nous nous bornerons à relever deux points. D'une
part, dans leur quasi-totalité, des articles de la Déclaration de
1948 mettent en relief la sociabilité des hommes[1 8] . Mais
cette sociabilité n'est pas présentée comme purement
utilitaire. La Déclaration considère que l'homme est
naturellement doué d'une capacité relationnelle avec ses
semblables, que l'inclination à la sociabilité et à la solidarité
communautaire fait partie de sa constitution.

C'est précisément la sociabilité de l'homme qui suscite la


naissance de la société civile, où les personnes, en se
reconnaissant mutuellement, se reconnaissent comme sujets
de droit. La société politique apparaît ici comme un instrument
technique au service de la société civile, de ses institutions —
dont la famille — et de ses membres. Cette antériorité de la
société civile par rapport à la société politique est la condition
nécessaire à l'instauration d'une société politique
démocratique. Sous peine de conduire à l'étatisme, le pouvoir
de l'État doit être caractérisé par la subsidiarité : l'État est au
service de la société civile, de ses institutions et de ses
membres. C'est pour limiter l'emprise abusive de l'État, ou des
institutions politiques supraétatiques, qu'il faut s'en tenir
fermement à la distinction et à la séparation des pouvoirs
(législatif, exécutif et judiciaire). Lorsque disparaît ou qu'est
gommée cette référence à la société civile, la société politique
— concrètement l'État, la plupart du temps — met la main sur
tout l'espace de la société civile et finit par s'arroger le « droit »
d'exprimer et d'interpréter la « volonté générale »[1 9 ] . Or la
légitimité de l'État ne peut venir de lui-même ; elle ne peut
venir que de la société civile qui se donne l'organisation
politique la plus apte à favoriser la sociabilité et la solidarité
entre les parties constituantes de cette société civile elle-
même.

Cette solidarité est fortement soulignée dans la Déclaration,


qui met en valeur les formes fondamentales de la subsidiarité :
famille, syndicats, groupes religieux, nations. La démocratie et
la paix requièrent l'apport de toutes les personnes et de tous
les corps intermédiaires en vue de construire le bien commun.

D'autre part, l'influence des grandes déclarations, dont celle de


1948, est aussi due au fait que ces documents ont une valeur
essentiellement morale, alors que les droits qu'elles
proclament ont, par leur nature même, une force exécutoire.
Une valeur qu'ont ces documents précisément parce qu'ils ne
sont point des documents législatifs, ce qui les réexposerait
incessamment aux périls des réécritures et des
herméneutiques politiciennes. Cependant, qu'elles soient
antérieures aux lois insinue déjà que ces déclarations doivent
être traduites dans des lois. C'est ce qu'on veut dire lorsqu'on
affirme qu'elles sont d'ordre métajuridiques : elles sous-
tendent en effet les lois. Les États sont ici appelés à
promouvoir une culture de la justice, à instaurer une société
juste en jouant pleinement leur rôle subsidiaire, au sens le plus
riche du terme. En l'occurrence, ce rôle consiste à assurer le
service des droits de tous les hommes dans le cadre précis et
concret d'un environnement politique particulier, national par
exemple.

Un aiguillon puissant aujourd'hui contesté

Il faut reconnaître que cette Déclaration, ainsi que les


conventions et pactes qui l'ont suivie, a, depuis cinquante ans,
donné des fruits souvent remarquables. Ces documents ont
prévenu des conflits. Grâce à eux, ceux-là même qui avaient
plongé le monde dans le sang et les larmes ont pu, sans perdre
la face, rejoindre tous les hommes de bonne volonté qui
voulaient verrouiller la paix.

La Déclaration a également été l'aiguillon de la décolonisation,


le moteur de la liquidation de la Guerre froide et du
développement politique, économique et social. Il est piquant
de constater à ce propos que les dictatures totalitaires et les
technocraties militaires se sont réservé le triste privilège de
présenter les droits de l'homme comme des obstacles au
développement.

En proclamant que les droits de l'homme s'étendaient à tous


les êtres humains sans exception, la Déclaration ouvrait
grande la voie qui permettrait à tous les colonisés de
reconnaître leur dignité, de découvrir qu'étant sujets de droits
inaliénables, ils pouvaient aussi devenir sujets de leur histoire.

En outre, ces mêmes documents ont instauré ce qu'on a appelé


à juste titre une « culture des droits de l'homme », et c'est par
là qu'ils favorisent la cohésion et la paix dans les sociétés
particulières et entre les nations. Presque partout dans le
monde, ces documents ont imposé, dans la pratique politique,
l'idée qu'il y a un lien essentiel entre démocratie et droits de
l'homme et que, du respect de ce lien, dépendent, avec le
développement, la paix intérieure des nations et la paix entre
les nations.

Enfin, une des plus grandes originalités de la Déclaration de


1948 est précisément d'avoir voulu fonder l'ordre international
nouveau sur la reconnaissance universelle des droits de
l'homme, et non plus simplement sur des bases précaires de
nature pragmatique ou d'inspiration purement positiviste.

Aujourd'hui cependant est battu en brèche l'héritage


prestigieux qui trouve sa dernière expression solennelle dans
la Déclaration de 1948. Nous allons analyser cette mise en
question radicale en montrant successivement la
réinterprétation perverse des droits de l'homme qui s'opère
sous l'influence du volontarisme et du holisme ; la contestation,
opérée par l'ONU, des États souverains ; l'instauration d'une
inquisition laïque sous couvert de tolérance ; l'utilisation du
droit pour « légitimer » la violence.
Chapitre II

Consensus et majorité,
ou d'une tyrannie à l'autre

Pour comprendre comment on en est venu à la mise en


question radicale de la Déclaration de 1948, nous devons
remonter à Grotius[2 0] . En effet, la tendance à la sécularisation
de la pensée politique observée chez lui allait peu à peu être
radicalisée sous l'influence de trois facteurs, que la Réforme
contribuera à accentuer à cause de son fondamentalisme
scripturaire et du mépris luthérien pour toute philosophie.

Le premier de ces facteurs et le plus évident, c'est l'exaltation


de l'individu, de sa raison propre comme lieu ultime de vérité,
de sa totale autonomie ; c'est l'héritage typique de la
Renaissance qui conduira l'homme à choisir sa vérité. Le
second, c'est la tendance au scepticisme et même à
l'agnosticisme. Ces deux tendances fleuriront chez Hume et
surtout chez Kant, qui y ajoutera le volontarisme.

Cependant, pour comprendre la gravité de la mise en question


de la Déclaration de 1948, il est indispensable d'examiner aussi
l'évolution du mot consensus ainsi que les ambiguïtés affectant
ce terme[2 1 ] .
LA « TYRANNIE DU CONSENSUS »

Kant et l'Illuminisme

Kant — commençons par lui — s'interdit évidemment de


fonder les droits de l'homme sur une référence à la
métaphysique, puisqu'il a déclaré celle-ci impossible.

Il tente alors de sauver ces droits en faisant appel à la volonté.


Exposé dans les Fondements de la métaphysique des mœurs
(1785), l'impératif catégorique pourvoira, selon lui, à ce
fondement : « Agis de telle façon que tu traites l'humanité
aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre
toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement
comme un moyen »[2 2 ] . On remarquera que Kant considère ce
principe fondateur de la morale comme ayant une portée
universelle, alors même qu'il est impossible de lui reconnaître
quelque fondement métaphysique. Dans son Projet de Paix
perpétuelle[2 3 ] (1795), il montrera que cette exigence
d'universalité, posée en éthique en vertu de l'impératif
catégorique, se retrouve en politique et plus précisément dans
les relations internationales. En dernière analyse, la paix n'est
possible que si les États, comme avant eux les individus,
acceptent le principe d'universalité compris dans l'impératif
catégorique. À certains égards, Kant apparaît ici à la charnière,
d'une part, entre les conceptions traditionnelle et moderne et,
d'autre part, la relecture volontariste contemporaine des
droits de l'homme.

La combinaison des éléments que nous venons de repérer —


individualisme, agnosticisme, volontarisme — va être
consommée par l'illuminisme. Chacun de nous est totalement
libre de choisir sa vérité et d'agir selon sa conscience. Il n'y a
que des individus, plus ou moins doués, plus ou moins forts,
non plus des personnes participant à la même nature. Comme,
entre les individus, il n'y a plus de nature commune, il n'y a
plus de sociabilité ni de solidarité naturelles. La signification
des mots qui donnent sens à la vie — droit, famille, valeur,
vérité, fidélité, bonheur, etc. — dépend des définitions
consensuelles que chacun veut bien en donner.

Ce qui caractérise cette nouvelle vision, inversée et perverse,


des droits de l'homme, c'est la primauté donnée à la volonté du
« dieu mortel » plutôt qu'à la raison. Cette caractéristique est
déjà annoncée dans l'œuvre de Hobbes. La raison peut être
efficace dans les sciences de la nature, mais les questions de
métaphysique sont hors de sa portée ou sans intérêt. Face à
cette disqualification sélective de la raison, il faudra tenter de
trouver d'autres bases pour fonder les droits de l'homme et la
démocratie.

La nouvelle voie qui est retenue aujourd'hui dans ce double


but détruit dans ses fondements la conception des droits de
l'homme, et donc de la démocratie, qui sous-tend les grands
documents contemporains depuis 1948. C'est ce que confirme
l'analyse du mot consensus.
Le consensus : une escroquerie sémantique

Le passage de la conception classique des droits de l'homme à


la nouvelle conception que veut divulguer l'ONU apparaît
également dans les deux significations auxquelles se
rattachent les mots consentement et consensus.

Aujourd'hui, il est vrai, le second mot est plus utilisé que


l'autre. Comme le mot consensus apparaît très fréquemment
dans les documents de l'ONU, des ONG, et dans les milieux
politiques en général, nous devons en examiner de plus près la
signification.

La réflexion sur le consensus ou le consentement a été


explorée dès l'Antiquité dans le cadre des recherches
philosophiques sur la liberté. Chez les Stoïciens, le terme
sunkatathesis signifie assentiment, accord de l'esprit. Au
Moyen Âge, le même thème est exploré, et dans le même
contexte, par Richard de Saint-Victor (v. 1110-1173). Les
Occasionalistes de l'époque moderne, à commencer par
Malebranche, se demandent si la liberté de l'homme ne
consiste pas à consentir ou à refuser de consentir aux
interventions divines.

Actuellement, le mot consentement est quelque peu éclipsé


par son synonyme, le mot consensus. Ces deux mots,
pratiquement interchangeables, sont pris dans des acceptions
différentes qui nous intéressent directement [2 4 ] . En un
premier sens, considéré comme vieilli, consentement et
consensus signifient l'adhésion à une affirmation. Le
métaphysicien Aimé Forest parlait, par exemple, du «
consentement à l'être » : on donne son assentiment à
l'affirmation de l'existence de l'être. En ce sens, on parle de «
consentement universel » portant, par exemple, sur la validité
des principes métaphysiques, logiques ou moraux, ou sur la
validité des principes du droit naturel. Dans cette acception,
consentement ou consensus signifient le « jugement
concordant des hommes, par lequel on affirme la vérité de
certaines propositions »[2 5] .

L'usage de ces termes en ce premier sens se justifie toujours


dans certains cas. Dans ces pages, nous éviterons cependant de
nous référer à ce premier sens, pour la simple raison que ce
n'est pas en ce premier sens que le mot consensus est
généralement employé dans les documents actuels de l'ONU.

Ce qui nous intéresse davantage, c'est le deuxième sens, donné


actuellement à ce mot, en particulier dans les documents de
l'ONU. Consensus, ou plus rarement consentement, signifie
alors l'« acquiescement donné à un projet » ; la « décision de
ne pas s'y opposer » (Robert). Foulquié est encore plus précis :
« Acte par lequel quelqu'un donne à une décision dont un autre
a eu l'initiative l'adhésion personnelle nécessaire pour passer à
l'exécution ».

Alors qu'au premier sens, l'accent est mis sur l'assentiment de


l'esprit à une réalité qui est affirmée, dans le deuxième sens,
l'accent est mis sur l'entente entre des personnes en vue d'un
projet d'action. Pour faire bref : accord général des
intelligences dans le premier cas ; accord de volontés
individuelles dans le second.

Dans l'usage qui en est fait aujourd'hui, le mot consensus est


donc un terme très ambigu puisque l'on glisse facilement de la
deuxième signification à la première. Le terme donne
faussement à penser que l'on renvoie à des propositions à la
vérité desquelles on marque son assentiment, alors qu'il
renvoie à l'adhésion à des décisions volontaires dont le rapport
à la vérité n'est nullement pris en compte.

Cette ambiguïté est constamment exploitée dans les


documents récents de l'ONU. Pour les jusnaturalistes, y
compris pour Grotius, il y a « certains principes de la droite
raison, qui nous font connaître qu'une action est moralement
honnête ou déshonnête »[2 6 ] . Il y a des principes qui sont objet
de connaissance et la raison s'incline devant leur vérité.

Les « nouveaux droits de l'homme », eux, sont le fruit de


décisions volontaires auxquelles on adhère. Mais on feint
d'imputer à ces décisions le même statut de vérité que celui
qui était reconnu aux principes ayant déjà fait l'objet d'un
assentiment. Cette escroquerie sémantique permet de faire
des droits de l'homme de la tradition classique un usage
idéologique visant à légitimer des programmes d'action
inadmissibles. Cette escroquerie, qui instaure la tyrannie du
consensus, est consommée par le rôle démesuré aujourd'hui
accordé, le cas échéant, à la majorité.
LA « TYRANNIE DE LA MAJORITE »

La « sainteté » civile des lois

Depuis Rousseau et spécialement ses grandes théories du


Contrat social[2 7 ] , la société politique est considérée comme
issue du vouloir des individus qui renoncent, totalement ou
partiellement selon les théoriciens, à leur volonté individuelle.
Ils consentent librement à obéir au peuple souverain et à ses
lois, expression infaillible de la volonté générale, laquelle
s'exprime à la majorité. Il y a donc une « religion civile » qui
commande l'obéissance aux lois, lesquelles sont gratifiées d'une
sainteté civile[2 8] . Au regard de la religion civile, celui qui ne
respecte pas ces lois est coupable et doit être châtié
impitoyablement. Rousseau prétendait qu'en obéissant aux
lois, l'individu n'obéissait finalement qu'à lui-même. Mais cette
entourloupette n'a jamais abusé personne sur la nature
irrémédiablement totalitaire de son utopie, qui signale le
naufrage de la personne et même de l'individu au profit du
peuple souverain.

À beaucoup d'égards, l'œuvre de John Rawls, philosophe


contemporain, a contribué à raviver l'influence de Rousseau et
d'ailleurs celle de Kant [2 9 ] . Il est vain de vouloir s'entendre sur
quelques vérités fondamentales, sur quelques normes morales
universelles. Les nécessités de la pratique sont cependant là :
nous devons agir « justement ». Et pour agir justement nous
devons engager une procédure au cours de laquelle nous, qui
devons décider, ferons attention courtoisement aux positions
de chacun, puis nous trancherons, nous déciderons[3 0] . La
décision sera juste, non parce qu'elle honore des droits de
l'homme que l'on aurait reconnus et que l'on respecterait, mais
parce qu'elle est l'expression d'un consensus, acquis
éventuellement au terme d'un vote majoritaire. C'est ce que
certains appellent, dans l'esprit de Tocqueville, « la tyrannie
du consensus ».

Différente à bien des égards de celle de Rawls, la pensée de


Jürgen Habermas contribue, comme celle du philosophe
américain, à avaliser la « tyrannie du consensus »[3 1 ] . Sans
doute, après avoir annoncé — comme il est d'usage — la
destruction des fondements de la philosophie traditionnelle, le
philosophe allemand entend-il dépasser l'utilitarisme. Il admet
même la possibilité de reconnaître des normes universelles.
Cependant, ces normes sont toujours subordonnées au
consensus qui conclut, le cas échéant, l' « agir
communicationnel ». Pourtant, la position de Habermas fait
problème en raison de son formalisme : on ne saurait en effet
oublier que la liberté d'expression, le respect de l'opinion
d'autrui, la fairness dans la communication ne suffisent pas à
fonder des normes ou des valeurs — Rawls lui-même en
conviendrait probablement : ce ne sont que des préalables à
cette fondation.

Le paradoxe de la majorité
Le recours à la majorité mérite une attention spéciale, car
aujourd'hui beaucoup veulent faire passer la règle de la
majorité comme la caractéristique essentielle de la démocratie.
Tocqueville parlait, à ce propos, de la « tyrannie de la majorité
»[3 2 ] . On abandonne donc, dans ce cas, l'idée fondatrice selon
laquelle la démocratie repose sur l'égale dignité de tous, sur la
liberté de pensée, d'expression, d'association.

Cependant, lorsque la règle de la majorité cesse d'être une


règle de fonctionnement, elle s'absolutise en quelque sorte et
devient la source ultime du droit. C'est ce qui arrive lors des
procédures consensuelles ; c'est ce qui se passe habituellement
dans les comités d'éthique. Certes, au point de départ on tend
vers le consensus, et il est entendu que chacun s'efforce avec
fair play d'y arriver. Cependant, avant même que ne soit mise
en branle la procédure consensuelle relative à tel ou tel cas
appelant une décision, les parties appelées à décider ce qui est
juste dans tel cas ont souscrit un accord unanime. Cet accord
préalable est passé « derrière un voile d'ignorance » ; il porte
qu'en cas d'impossibilité d'accord procédural, la règle de la
majorité prévaudra et sera appliquée. Cette règle, qui est
admise a priori, c'est-à-dire de façon purement formelle, fait
en sorte que les valeurs caractéristiques de la démocratie
varient au gré des majorités et qu'elles dérivent en fin de
compte de la majorité des voix, puisque le respect de celle-ci
est la norme suprême.

Il s'ensuit que, tant en raison des aléas inévitables de la


procédure consensuelle qu'en raison de l'impératif purement
formel de la règle de la majorité, aucune valeur n'a la moindre
chance d'être reconnue comme universelle. D'où le paradoxe :
la démocratie repose sur l'égalité de tous, sur la liberté de
pensée, d'expression, d'association, etc. ; mais, lorsqu'elle est
absolutisée, la règle de la majorité fait que les « valeurs » de la
démocratie dérivent de la prépondérance de certaines voix.
Par conséquent, les valeurs ainsi définies n'ont aucune chance
d'être jamais acceptées comme universelles, alors qu'elles ont
la prétention de s'imposer à tous au nom d'une fiction : la
volonté générale, censée s'exprimer à la majorité des voix.

En conséquence, la règle de la majorité, dans son


interprétation abrupte, est non seulement insuffisante mais
dangereuse, si elle n'est pas surplombée par des références
morales et assortie de ces correctifs essentiels que sont la
vérité et la solidarité (ou sociabilité). La règle formelle de la
majorité « légitime » a priori la tyrannie des plus nombreux et
de leurs meneurs. Cette même règle implique même une
indifférence de principe face à la vérité et face au bien. En soi,
rien ne garantit que la procédure consensuelle ni la règle de la
majorité n'aboutiront à la vérité ou au bien. Bien plus, dans la
procédure préalable à la décision consensuelle, s'il devait
arriver que quelqu'un ait raison parce qu'il est dans la vérité,
rien ne dit a priori qu'il serait suivi ni que la vérité en question
serait reconnue. Et que se passerait-il si la minorité avait
raison ? Elle aurait tort d'avoir raison. Et si la majorité avait
tort ? La réponse nous est donnée par Le Chat de Philippe
Gelluck : « La majorité aurait raison d'avoir tort ».
Le rôle accordé à la majorité explique la fonction essentielle
abandonné à l'opinion et aux sentiments, qu'il faut travailler et
manipuler[3 3 ] . De plus, comme la majorité est censée refléter
l'opinion générale, il faut qu'elle appelle à l'existence un
tribunal permanent chargé de désigner la dissidence et de la
condamner.

En somme, l'indifférence méthodique vis-à-vis de la question


de la vérité engendre fatalement l'aveuglement vis-à-vis du
bien comme du mal ; elle est une des causes principales de la
facilité avec laquelle les idéologies totalitaires ont été
introjectées au XXe siècle.

Il importe cependant de remarquer qu'il n'y a pas de liberté


possible dans un milieu où chacun peut choisir « sa » vérité. En
effet, dans un tel milieu, je voudrai nécessairement imposer «
ma » vérité à la liberté d'autrui. L'universalité est ici prise en
relais par l'intolérance. La voie est alors ouverte aux idéologies
imposées, fournissant un ersatz de vérité, paralysant la raison,
étranglant le dissentiment, ruinant la solidarité.

Il faut donc savoir quelle société nous voulons construire et


quel héritage nous voulons léguer à nos successeurs. Nous ne
pouvons nous limiter à expérimenter des valeurs au seul plan
individuel. La valeur s'offre au partage et scelle la solidarité.
En Europe occidentale, nous sommes héritiers d'une culture
qui honore les droits de l'homme.
LA VISION HOLISTIQUE DU MONDE ET DE L'HOMME

La cohésion précaire

La célébration du consensus laisse donc ouverte la question de


la cohésion de la société. Dès l'Antiquité, le problème est posé.
Ainsi, on sait combien est forte, dans la République de Platon,
la hantise de l'unité. La démocratie athénienne n'admet pas
l'opposition, au sens où nous l'entendons. Elle voulait que les
dissidents fussent frappés d'ostracisme, car la divergence est
perçue comme une menace pour l'unité de la Cité, et par là
pour l'harmonie du Cosmos. Afin de maintenir sa cohésion, la
société démocratique devait même recourir, le cas échéant, à
la dénonciation ou éliminer les fauteurs de trouble. Socrate,
par exemple, avait le tort de montrer que cette unité de la Cité
était une unité de façade. Comme le dit la chanson de Guy
Béart : « Il a dit la vérité : il doit être exécuté ».

La conception humaniste traditionnelle des droits de l'homme


concilie l'exigence de l'unité de la société avec le respect de la
dignité de chaque membre. C'est l'extension universelle des
droits qui assure la cohésion de la société.

Or, à partir du moment où est balayée la référence unifiante


aux droits de l'homme proclamés dans les grandes
déclarations, l'éventuelle source de l'unité ne peut plus être
cherchée que dans le consensus. Cependant, en raison de son
essence volontariste, le consensus est toujours menacé ou en
instance de l'être. Il n'offre qu'une unité précaire, qu'une
cohésion en sursis. Les procédures qu'il utilise peuvent sans
cesse être remises en cause. Les voix qui, d'aventure, veulent
émettre des réserves, exprimer leur singularité, signifier leurs
divergences, sont nécessairement désignées comme rompant
l'unité si difficilement acquise, issue de la procédure ayant
arrêté le consensus. Le dissentiment est donc toujours
coupable.

Le naufrage des devoirs

Au terme de la relecture volontariste et « consensuelle » des


droits de l'homme, on arrive à un dernier constat
particulièrement troublant. La nouvelle conception, inversée,
des droits de l'homme signale en effet le naufrage de la
conception traditionnelle de devoir : personne n'a plus à
répondre de personne. Les parents eux-mêmes n'ont plus à
répondre de leurs enfants, dont les « nouveaux droits » — au
plaisir sexuel notamment — doivent être soustraits à tout
droit de regard des parents[3 4 ] .

Résidu de la notion de devoir : celle de responsabilité, exposée


par Jonas et suggestive à plus d'un égard[3 5] . Cependant, l'«
éthique du futur », développée par ce philosophe, est
fréquemment récupérée par le courant écologiste. Selon les
tenants de ce dernier, la « vulnérabilité de la nature » justifie
que soient prises, aujourd'hui, des mesures pour contenir le
développement dans les limites du durable et de l'admissible
(sustainable development). Il ne s'agit pas tellement, ici, de
demander aux hommes d'aujourd'hui de se sacrifier pour que
puisse éclore l'utopie d'un avenir radieux. Au nom des
générations futures, des mesures draconiennes doivent être
prises sans délai pour contenir les méfaits des interventions
humaines sur la planète. Récupérant cette « éthique du futur
», des écologistes, fortement imprégnés du New Age,
exalteront le culte de Gaïa[3 6 ] . Ils concluront que les droits de
la Terre-Mère l'emportent sur les droits de ces êtres
éphémères que sont les hommes[3 7 ] .

L'homme dans la réalité du tout

La réinterprétation, inversée et volontariste, des droits de


l'homme conduit donc à l'exaltation de la Terre-Mère, de
l'environnement, de l'écosystème. Une nouvelle technocratie,
dépositaire des nouvelles « Lumières », veillera à leurs
intérêts. Le paradigme anthropocentrique annoncé par
Protagoras, proclamé par le christianisme, célébré par la
Renaissance, illustré par la science newtonienne, est rejeté :
non, l'homme n'est plus le centre du monde[3 8] . Il n'a pas à
exercer son emprise sur la nature ; transformer celle-ci, c'est
l'abîmer ; à terme, c'est la détruire. L'homme doit se résigner à
être immanent au monde. Cela signifie que le monde n'est pas
constitué par les composants ayant une réalité propre, voire —
dans le cas de l'homme — une dignité intrinsèque, «
personnelle ». La perspective est ici holiste : le monde est
envisagé comme un monisme matérialiste, comme une réalité
matérielle unique, dans laquelle tout est imbriqué. L'homme
lui-même est intérieur au monde ; il n'a pas de réalité distincte
de lui. Cette immanence de l'homme au monde est même —
précise-t-on — le point d'aboutissement actuel de l'histoire
cosmique. D'où le regain d'intérêt pour les thèses
évolutionnistes et le succès de l'éthologie, qui entend éclairer le
comportement des hommes à partir du comportement des
animaux.

Certains esprits intrépides affinent ce rejet de


l'anthropocentrisme et prétendent même que les droits d'un
animal robuste l'emportent sur les droits d'un homme
faible. [3 9 ]

De cette vision pour ainsi dire panthéiste du Tout cosmique, il


découle que l'homme doit révérer ce Tout hors duquel il n'est
rien.
On est donc aux antipodes de l'anthropocentrisme auquel
Sartre donnait encore des expressions claironnantes : «
L'homme est l'être dont l'apparition fait qu'un monde existe
»[4 0] . Le monde n'est même plus cette Nature donnée à
l'homme, à laquelle celui-ci confère un sens. Si l'expression
n'était quelque peu galvaudée, on parlerait de nouvelle
révolution copernicienne : c'est le tout qui donne réalité et sens
à la partie, en l'occurrence à l'homme. Il ne s'agit donc pas
simplement pour l'homme de respecter la nature au motif que,
ce faisant, il détériorerait son biotope ; il ne s'agit même pas de
discipliner les comportements et les techniques qui risquent de
griller le milieu ambiant. Il s'agit, beaucoup plus radicalement,
d'admettre que la réalité de l'homme est la réalité même du
tout. De ce tout, l'homme n'est qu'une partie ; il ne doit donc
point prétendre être le « centre du monde », sujet de droits
personnels et inaliénables, libre de transformer le monde et
d'en faire le socle de son action.
Chapitre III

L'ONU
confrontée à ses origines

Parmi les mérites de la Déclaration de 1948, il en est un auquel


nous devons porter une attention spéciale : ce document offre
des références permettant de poser un jugement sur l'action
menée par l'ONU elle-même depuis ses origines. Par sa
nature, la Déclaration appelait certes des traductions concrètes
au niveau de chaque État. Mais par sa nature aussi, la
Déclaration appelait l'ONU à s'engager — tout en respectant la
subsidiarité — dans des actions concrétisant les droits qu'elle
avait solennellement proclamés.

Gardienne des
Droits de l'Homme ?

Il est à craindre que l'ONU d'aujourd'hui préfère éviter cette


confrontation avec l'esprit et la lettre de ses origines. Elle a
pourtant des comptes à rendre à propos de ce qu'elle fait pour
lutter contre la pauvreté[4 1 ] . Que fait-elle, par exemple, pour
que le droit de tous à l'alimentation ou à l'instruction soit
assorti de la possibilité offerte à tous d'accéder à l'alimentation
et à l'instruction ?

Un bilan loyal (et provisoire) de son action permettrait à


l'ONU de redéfinir les objectifs prioritaires qu'elle doit inscrire
aujourd'hui à son programme, dans la fidélité à ses origines.
L'ONU n'est en effet point la simple gardienne de droits
formels. Les droits proclamés ont une force exécutoire qui
interpelle l'ONU elle- même, toujours, cependant, dans le
respect de la subsidiarité. À ce niveau, le bilan auquel l'ONU
doit procéder sans retard mettra certes en lumière des
lacunes, mais il mettra en évidence la voie sur laquelle l'ONU
doit s'engager.

Passer à la vitesse supérieure ?

L'audit auquel l'ONU devrait procéder déboucherait en effet


sur un programme d'action prolongeant celui qui a été exécuté,
avec des fortunes diverses, depuis 1945. Après avoir mis
l'accent sur la Déclaration des droits de l'homme et avoir invité
la communauté internationale à les reconnaître, l'ONU
pourrait passer à la vitesse supérieure en urgeant la
traduction de ces mêmes droits dans les faits. Elle dispose des
agences nécessaires pour procéder à cette adaptation.

L'adaptation ici évoquée n'appartient pas au monde de l'utopie.


Elle ne peut cependant se faire sans un réexamen approfondi
de l'affectation des ressources disponibles, actuellement
engloutis par les frais de fonctionnement et appliquées à des
programmes qui sont la négation même de la Déclaration de
1948.

Ainsi l'ONU est aujourd'hui confrontée à un dilemme. Ou bien


elle s'investit davantage dans des engagements concrets en
faveur des droits de l'homme tels qu'ils sont conçus
traditionnellement. Ou bien, voulant peut-être masquer ses
échecs, ses omissions et ses errances, elle cautionne une
nouvelle conception — inadmissible — de soi-disant « droits »
de l'homme. Une manœuvre de diversion qui lui permettrait
d'atermoyer et de se dérober aux engagements nécessaires.
C'est ce que nous devons examiner de plus près.

La démocratie impossible

Il suffit d'observer les discussions contemporaines sur des


questions vitales comme l'euthanasie, l'avortement, la
stérilisation en masse, l'homosexualité, etc. pour constater
combien l'interprétation inversée et perverse des droits de
l'homme s'est insinuée partout. Cette réinterprétation fait
florès dans les comités d'éthique, où l'opinion dominante, objet
de consensus, prend en relais la doxa antique. « Renonçons à
chercher la vérité ; contentons-nous de l'opinion commune ».
Cette tournure de pensée a surtout été accueillie et divulguée
par les grandes organisations internationales, au premier rang
desquelles il faut citer l'ONU et plusieurs de ses agences. Sur
ce point fondamental, l'ONU des origines est méconnaissable
dans l'ONU d'aujourd'hui.

La société internationale n'est plus guère fondée sur la


conception des droits de l'homme déclarés en 1948. Désormais,
cette société apparaît de plus en plus comme le projet
volontariste de technocrates de l'ONU. En effet, le recours au
consensus, et donc au relativisme, est systématique dans les
grandes conférences internationales : au Caire en 1994, à
Pékin en 1995, à New York en 2000, pour ne citer que celles-
là. Les réserves émises par des participants sont
systématiquement occultées. Ce consensus est constamment
invoqué, mais de façon spécieuse, pour surplomber les
législations nationales qui, elles, continuent dans la plupart des
cas à se référer à l'objectivité des droits de l'homme, typiques
de la tradition classique. Les législations nationales sont donc
de plus en plus en porte à faux par rapport à ces « conclusions
», « agendas » et autres « plans d'action », qui reposent sur
d'autres principes généraux du droit, ou plus exactement qui
ne reposent plus sur aucun principe général ou métajuridique.
Gouvernants et juges nationaux sont ainsi intimidés et tendent
à être déconsidérés.

La communauté mondiale et les nations signataires de la


Charte de 1945 et de la Déclaration de 1948 sont en train de
basculer dans une forme inversée des droits de l'homme qui
n'a plus rien à voir avec les documents fondateurs de l'ONU.
Cette forme, qui tend à s'imposer sournoisement, prélude à
l'impossibilité d'une société démocratique. Ceci mérite un mot
d'explication.

Nations et États : débilités

Ce qui est grave dans la situation actuelle, c'est d'abord que


l'ONU débilite les nations de multiples façons. Le consensus est
obtenu dans les assemblées internationales avec le concours
d'ONG « sûres », faisant du travail de lobbying. Dans ce
registre, la palme revient à la Fédération internationale pour la
planification familiale[4 2 ] (IPPF). Ensuite, ce consensus est
invoqué pour faire pression sur les nations afin que celles-ci, «
pour être cohérentes avec elles-mêmes », signent pactes ou
conventions portant sur les matières et des programmes
d'action ayant fait l'objet d'un consensus. Une fois ratifiés, ces
instruments juridiques auront force de loi dans les nations
participantes. Par ce biais, il est aisé de faire tomber
progressivement en désuétude : d'abord, dans son esprit et
dans sa lettre, la Déclaration de 1948 ; ensuite, les législations
nationales[4 3 ] . En plus et surtout, il est aisé de faire passer
comme « nouveaux droits de l'homme » ce qui n'est que le
produit d'un consensus, lequel donne lieu à des conventions,
etc. : nous voilà repartis[4 4 ] !

Plusieurs conflits ont déjà surgi entre les législations nationales


d'États souverains et les conventions de l'ONU. On peut citer,
à titre d'exemple, les pressions exercées par l'UNICEF sur le
gouvernement australien à propos des lois nationales
réglementant l'emprisonnement des mineurs, à propos des
aborigènes, des immigrants, etc. La question est donc de
savoir ce qui resterait de l'autonomie des nations souveraines
si ces mêmes nations étaient régies par les conventions de
l'ONU. Un autre exemple est fourni par la Grande Bretagne.
La législation nationale reconnaît le droit des parents à décider
si leurs enfants peuvent ou non fréquenter les cours
d'initiation sexuelle. Mais on oppose à ce droit des parents le
respect du traité de l'ONU sur les droits de l'enfant [4 5] .

La distinction si importante, d'une part entre les droits de


l'homme proclamés dans la Déclaration, et d'autre part les
législations nationales qui en concrétisent l'expression, est ici
totalement abolie. Seuls subsistent des textes « juridiques »,
produits à l'initiative d'une organisation qui excède de plus en
plus son mandat. Faut-il préciser que de tels textes sont
approuvés par des assemblées à représentativité suspecte,
moyennant les voix de mandataires frappés d'aphasie et
exposés aux formes les plus subtiles de la corruption, de la
séduction et de la coercition ?

À terme donc, ce qui est en jeu, c'est l'existence même des


États et des nations, lesquels en seront réduits, si cette dérive
n'est pas contenue, à ne plus être que des chambres
d'entérinement (pour les parlements), des exécutants privés
de toute responsabilité (pour les gouvernements) ou des juges
dont la tâche principale sera d'exténuer la force de la
législation nationale. Ce même travail de sape est d'ailleurs
déjà bien engagé dans les relations économiques
internationales, où les nations sont de plus en plus traitées
comme des unités de production devant s'intégrer dans un
projet « global » qui les dépasse.

Cette conception inversée, purement « positiviste » ou


volontariste, des droits de l'homme ruine évidemment le
principe de subsidiarité, pré-requis de toute société
internationale et clé de voûte de toute pensée démocratique. À
condition d'ouvrir les yeux, nous voyons émerger un Système
de Pensée Unique, totalitaire dans son inspiration, dans ses
moyens et dans ses buts. Un système qui ruine la vie politique,
détruit en sa racine tous les corps intermédiaires, musèle la
société civile, intronise un volontarisme juridique totalitaire
d'extension mondiale. Si les droits de l'homme tels qu'ils sont
proclamés en 1945 et en 1948 sont essentiels à toute
démocratie et à la paix entre les nations, en revanche, tels
qu'ils sont présentés aujourd'hui dans les assemblées
internationales, ces mêmes « droits » sont annonciateurs d'un
nouveau totalitarisme mis en place par ceux qui ont les
coudées franches pour manipuler les institutions
internationales et modeler l'opinion publique.

Les passions comme valeurs

À l'origine de la nouvelle conception des droits de l'homme se


trouve une conception réductrice de l'homme. Le climat
hyperlibéral actuel pousse l'individualisme au paroxysme.
Nous sommes en train de vivre une révolution
anthropologique : l'homme n'est plus une personne, un être
ouvert à autrui et à la transcendance ; il est un individu, voué à
se choisir des vérités, à se choisir une éthique ; il est une unité
de force, d'intérêt et de jouissance.

Cette anthropologie, foncièrement matérialiste, entraîne


aussitôt une conception purement empirique de la valeur. Il ne
pourrait plus y avoir de place pour des normes morales
objectives, communes à tous les hommes ; il n'est plus
question de valeurs qui s'imposeraient à l'homme parce
qu'elles sont désirables en soi. Il n'est plus question, par
exemple, de s'incliner devant la dignité de tout homme, quel
qu'il soit. Désormais, les nouvelles valeurs, que Gérard-
François Dumont appelle des valeurs inversées[4 6 ] , sont le
résultat de calculs utilitaires réglés par consensus. Ces valeurs
inversées s'expriment dans la fréquence des choix que l'on
observe entre les individus. Les valeurs, c'est finalement ce qui
fait plaisir aux individus. Or ces valeurs-là ne peuvent que
diviser les hommes, car par mimétisme je désirerai ce que
l'autre désire[4 7 ] . Cette conception de la valeur est donc, à
terme, non seulement destructrice du tissu social mais elle
constitue également les prolégomènes à une nouvelle barbarie.

Avec une telle conception de l'homme et de la valeur, les droits


de l'homme finissent par être réduits à un catalogue mouvant
de revendications ponctuelles des individus, obtenus par
consensus successifs et reflets d'une arithmétique des intérêts.
Puisqu'il n'y a plus de valeurs objectives, et que de toute façon
la raison n'est pas capable de les connaître, la valeur, dans sa
version inversée, c'est en fin de compte ce qui satisfait les
passions de l'homme. En somme, le droit fondamental de
l'homme, c'est le droit de satisfaire ses passions individuelles et
c'est cela que devrait entériner le droit positif.

Le bonheur ne dépend plus du bien commun, puisqu'il n'y a


plus de bien que particulier. Nous voilà à l'opposé de
l'humanisme traditionnel, selon lequel le bonheur dépend du
bien commun, grâce auquel la Cité, soucieuse de justice
générale, s'efforce d'offrir à tous et à chacun de ses membres
les meilleures conditions d'épanouissement personnel[4 8] .
Avec la ruine de l'universalité des droits de l'homme, le
bonheur en est réduit à être le résidu du plaisir, et même des
plaisirs individuels.

De la violence individuelle
à la violence institutionnelle

Il s'ensuit qu'il en va du consensus comme de la volonté


générale : il est revêtu d'une « sainteté civile » ; ceux qui ne le
révèrent pas sont coupables d'impiété civile et doivent être
châtiés pour ne s'y être point soumis[4 9 ] . C'est pourquoi,
chaque fois qu'au nom d'une conception inversée des droits de
l'homme, on fait passer de « nouveaux droits » individuels et
non plus personnels — droit à l'homosexualité, à l'avortement,
à l'euthanasie, à la suppression de toute tutelle parentale sur
les enfants, à l'inceste, à la pédophilie, à la répudiation, à la
prostitution etc. — on avance d'un cran dans la marche
conduisant à la sacralisation civile de la violence[50] . À cette
avancée contribuent non seulement les décideurs politiques ou
les médias, mais aussi des chrétiens trop empressés de saisir la
main que leur tend, aujourd'hui encore, l'ange des ténèbres.

Cependant, pour faire bonne mesure, au terme de ce parcours


néo-nietzschéen, le droit à la violence individuelle devra être
protégé et garanti par la violence des institutions. Cette
violence-ci sera d'ailleurs double : elle portera, certes, sur les
corps, devenus « disponibles ». Mais elle portera surtout sur le
moi psychologique des individus. Car la meilleure façon de
juguler la contestation et la déviance, c'est de les prévenir en
imposant à l'universalité des hommes la même « nouvelle
éthique » consignée dans des conventions ayant force de
loi[51 ] . Par sa nature même, cette « nouvelle éthique » sera
donc intolérante, sans quoi elle ne pourrait procurer aucune
uniformisation sociale ni aucune unidimensionnalisation des
individus. Elle appellera donc une inquisition civile dont la Cour
pénale internationale, créée le 18 juillet 1998, pourrait devenir
le principal tribunal[52 ] . Aussi bien, un des problèmes qui se
posent à propos de cette Cour, c'est la séparation des pouvoirs.
La question est de savoir si cette Cour aura assez
d'indépendance pour ne pas être un instrument au service de
la machine onusienne. Sera-t-elle habilitée à exercer un
contrôle juridique sur l'Organisation ?

Ainsi, tranche par tranche, comme dans la tactique du salami,


les soi-disant « nouveaux droits » de l'homme édictés
captieusement par une ONU décidément dévoyée de ses
origines, se révèlent être une construction froidement calculée
qui se dote dès à présent d'instruments d'application à la
mesure du monde.
Chapitre IV

La Charte de la Terre
et l'impératif écologique

Les égarements de l'ONU en matière de droits de l'homme


peuvent être illustrés par un autre exemple qui appelle une
grande vigilance. En voie avancée d'élaboration, la Charte de la
Terre confirme que l'ONU est déterminée à déifier la Terre et
à désacraliser l'homme[53 ] .
L'ORIGINE DE LA CHARTE

Un accouchement laborieux

L'origine de cette Charte remonte à la Conférence des Nations


Unies tenue à Stockholm en 1972. Cette conférence était
consacrée à l'environnement [54 ] . Les travaux de cette
conférence se sont poursuivis dans des groupes de travail.
Profitant de ces travaux, la Commission Brundtland souligna
en 1987 qu'il était urgent de créer une nouvelle charte
consacrée à la place de l'homme dans le développement
durable. Présidente de la Commission portant son nom, Mme
Go Harlem Brundtland fut choisie comme Présidente du
Sommet de la Terre tenu à Rio de Janeiro en 1992. Elle devait
être désignée Directrice générale de l'Organisation mondiale
de la santé en juillet 1998.

À Rio, c'est sous l'impulsion de Gustave Speth, Secrétaire


général du Sommet — et devenu ultérieurement
administrateur du PNUD —, que s'est constitué, fin 1992, le
Conseil de la Terre, ONG dont le siège est au Costa Rica[55] . Le
Conseil est devenu le Secrétariat chargé de la préparation du «
brouillon » demandé par la Commission de la Charte de la
Terre. Le Conseil travaille au projet de charte avec une autre
ONG, la Croix Verte internationale, fondée en 1993 par M.
Gorbatchev.
Diverses réunions ont été organisées ou sont prévues pour
poursuivre l'élaboration de ce brouillon. Si l'on en juge d'après
la lenteur des travaux, le nombre des réunions ad hoc, la
modicité des résultats publiés, les ressources investies, il faut
reconnaître que l'accouchement est anormalement laborieux.
En soi, ce seul fait suggère que la divulgation d'un texte final
devra s'inscrire dans une séquence d'événements obéissant à
un calendrier déjà défini.

Parmi les réunions consacrées à la rédaction du brouillon de la


Charte figurent la réunion de La Haye en 1995 ainsi que celle
de Rio en 1997, qui était destinée à célébrer le cinquième
anniversaire du Sommet de la Terre[56 ] . En septembre 1998,
le Conseil de la Terre a organisé à Cuiaba (Brésil), avec l'appui
de l'UNESCO, la Conferência Continental das Américas. Cette
conférence avait pour objectif la préparation, au niveau
américain, de la Charte. Il était à ce moment question de
proclamer cette Charte en janvier 2000, ce qui ne fut pas fait.
Plusieurs fois annoncée, cette proclamation fut plusieurs fois
reportée. Décidément infatigables, les rédacteurs de cet
interminable brouillon se sont encore réunis à Paris, au siège
de l'UNESCO, du 12 au 14 mars 2000[57 ] . Quant au Conseil de
la Terre, il s'est à nouveau réuni du 24 au 29 juin 2000, à San
José de Costa Rica.

Un nouveau dialogue

Actuellement un groupe de quelque vingt-cinq membres


s'affairent à la préparation de la Charte. Ce groupe comprend
des personnalités aussi célèbres que Toumani Toure, Kamla
Chowdry, Mercedes Sosa, la Princesse Basma Bint Talal, Rund
Lubbers, Mikhail Gorbatchev. Au terme de la réunion au siège
de l'UNESCO en mars 2000, M. Gorbatchev souhaitait que la
Charte devienne le « décalogue de la nouvelle éthique globale
». Le chef de ce groupe est un vétéran de l'ONU : Maurice
Strong[58] . Il souhaite et espère que la Charte de la Terre sera
accueillie comme l'a été la Déclaration de 1948. Cette charte
devrait donner lieu à un Code universel de conduite et devrait
remplacer les codes moraux des religions traditionnelles et les
valeurs actuellement reconnues. Excusez du peu...

Les rédacteurs du « brouillon de référence » de la Charte


travaillent actuellement sous la direction du Professeur Steven
Rockefeller, monté au créneau pour la circonstance. Ils
espèrent pouvoir faire adopter le produit de leurs efforts par
l'ONU en 2002, à l'occasion du dixième anniversaire du
Sommet de la Terre.

Une réunion de travail a encore eu lieu fin juin 2000, à La


Haye. L'intérêt que porte le gouvernement des Pays-Bas à la
Charte a été confirmé par la présence de plusieurs
personnalités hollandaises : outre Ruud Lubbers, déjà cité,
intervinrent Laurens J. Brinkhorst, Phon van den Biesen,
Anne Lie van der Stoel, W.J. Deetman, etc. Sa Majesté la reine
Beatrix de Hollande a estimé devoir faire acte de présence à
cette réunion[59 ] .
EXTRAITS DU BROUILLON

Le projet de Charte, tel qu'il apparaît dans le brouillon de l'an


2000, comporte évidemment des dispositions particulières
intéressantes. En revanche, ce qui justifie les plus grandes
appréhensions, c'est l'abandon de l'anthropocentrisme.
L'homme n'émerge plus du monde ambiant ; il n'en est qu'un
fragment. Le titre du document projeté doit être pris au pied
de la lettre : il s'agit d'une charte qui consacre la prééminence
du monde ambiant par rapport aux êtres qui en procèdent par
évolution et lui sont subordonnés. Le mot anglais sustainable
(ainsi que le mot espagnol sostenible) — qu'on traduit
habituellement, mais maladroitement, en français par le mot
durable — apparaît à une vingtaine de reprises dans le texte. Il
signifie que le critère ultime de tout programme politique,
économique, social, etc. est imposé par ce que l'on présente
comme des contraintes déterminées, nécessaires, imposées
par la Terre à tout ce qui s'y trouve[6 0] . Voici quelques
extraits révélateurs épinglés dans ce brouillon[6 1 ] .

Préambule

« Nous sommes à un moment critique de l'histoire de la Terre,


le moment de choisir son avenir... Nous devons nous unir pour
fonder une société globale durable, fondée sur le respect de la
nature, les droits humains universels, la justice économique et
la culture de la paix...
« L'humanité est une partie d'un vaste univers évolutif... Le
milieu ambiant global, avec ses ressources finies, est une
préoccupation commune pour tous les peuples. La protection
de la vitalité, de la diversité et de la beauté de la Terre est un
devoir sacré...

« Les modèles dominants de production et de consommation


causent la dévastation de l'environnement, l'épuisement des
ressources et une extinction massive d'espèces... Une
augmentation sans précédent de la population humaine a
surchargé les systèmes économiques et sociaux...

« Voici notre choix : former une société globale pour prendre


soin de la Terre et prendre soin les uns des autres ou nous
exposer au risque de nous détruire nous-mêmes et de détruire
la diversité de la vie.

« Nous avons besoin d'urgence d'une vision partagée sur les


valeurs de base qui offrent un fondement éthique à la
communauté mondiale émergente. Pour cela, ensemble et
avec une grande espérance, nous affirmons les principes
suivants, qui sont interdépendants, pour une forme de vie
durable, comme un fondement commun au moyen duquel il
faudra guider et évaluer la conduite des personnes,
organisations, entreprises, gouvernements et institutions
transnationales. »

Principes
« Reconnaître que tous les êtres sont interdépendants et que
toute forme de vie indépendamment de son utilité, a valeur
pour les êtres humains...

« Assurer l'accès universel au soin de santé qui favorise la


santé reproductive et la reproduction responsable...

« Assurer que l'information d'importance vitale pour la santé


humaine et la protection de l'environnement, incluant
l'information génétique, soit disponible dans le domaine public.

« Affirmer l'égalité et l'équité de genre comme pré-requis pour


le développement durable et assurer l'accès universel à
l'éducation, le soin de la santé et l'opportunité économique.

« Assurer les droits humains des femmes et des filles et


mettre un terme à toute la violence contre elles.

« Fortifier les familles et garantir la sécurité et l'éducation


amoureuse de tous ses membres...

« Éliminer la discrimination en toutes ses formes, telles que


celles qui sont basées sur la race, la couleur, le genre,
l'orientation sexuelle, la religion, la langue et l'origine nationale,
ethnique ou sociale...

« Démilitariser les systèmes nationaux de sécurité au niveau


d'une posture de défense non provocatrice et employer les
ressources militaires à des fins pacifiques, incluant la
restauration écologique...

« Reconnaître que la paix est l'intégrité créée par des relations


correctes avec soi-même, d'autres personnes, d'autres
cultures, d'autres formes de vie, la Terre et avec le tout plus
grand, dont nous sommes parties... »
L'IDEOLOGIE DE LA CHARTE

Un « remake » de l'évolutionnisme

À la lecture de ces brefs extraits, et plus encore à la lecture de


l'ensemble du texte, il saute aux yeux que la Charte de la
Terre est imprégnée de tous les stéréotypes divulgués par le
Nouvel Âge[6 2 ] . On remarque, en particulier, la place centrale
accordée au thème du holisme : le grand tout du monde
ambiant a plus de réalité que les éléments qui en procèdent et
qui en font partie[6 3 ] . Nous allons expliquer ce que la Charte
doit aux courants évolutionnistes contemporains.

La Charte de la Terre reflète fidèlement, quoique en les


simplifiant, les versions contemporaines du scientisme
évolutionniste. Ces versions sont actuellement portées par une
nouvelle vague, surtout dans les milieux anglo-saxons[6 4 ] .
Selon cet évolutionnisme, l'homme appartient au monde
vivant, dont le code génétique est universel. On en conclut
aussitôt que l'homme n'a aucune spécificité biologique qui lui
permettrait de prétendre émerger biologiquement du reste du
monde vivant. Comme tous les vivants, l'homme est le produit
d'une évolution s'étendant sur quelques milliards d'années et
remontant en fin de compte à la matière[6 5] . C'est au nom de
ce scientisme biologique qu'est rejeté l'anthropocentrisme tel
qu'il apparaît dans la tradition occidentale et dans la tradition
judéo-chrétienne. Tout l'« humanisme » de ces derniers
courants doit être rejeté comme « pré¬scientifique »[6 6 ] .

Cette vision pour le moins sommaire de l'évolution a besoin de


méconnaître un fait qui, pourtant, appartient lui aussi au
processus de l'évolution, à savoir l'apparition chez l'homme de
sa capacité de s'étonner, de s'interroger sur le sens des choses
et sur le sens de son existence, sur le sens de la vie et sur le
sens de la mort, sur la nécessité et la liberté.

Comme ce courant évolutionniste radical rapporte tout, en fin


de compte, à la matière, cela n'a plus de sens de parler de
dignité de l'homme ni de ses droits. Au contraire, il faut que
l'homme accepte sa situation éphémère dans l'évolution de
l'univers matériel. Il doit, comme l'y invite le brouillon de la
Charte, considérer que « la protection de la vitalité, de la
diversité et de la beauté de la Terre est un devoir sacré »
(nous soulignons). L'homme doit donc reconnaître non
seulement les droits de la Terre en général, mais aussi le droit
des êtres vivants, dont les animaux. Bref, l'homme doit
accepter d'être soumis à l'impératif écologique[6 7 ] .

En cautionnant la Charte de la Terre, l'ONU cautionne ce


remake — cette nouvelle mouture — du scientisme darwinien
complété par l'eugénisme de Galton. La Charte est en effet
traversée par l'idée de sélection : non seulement la sélection
naturelle telle que la présentaient Malthus et Darwin, mais
aussi la sélection artificielle recommandée par Galton. Selon
l'idéologie de la Charte, une gestion respectueuse de la Terre,
par l'homme, exige la prise en compte de critères de qualité.
La biologie et la génétique fournissent, en même temps que
ces critères, les instruments qui en permettent l'application.

Le blanc-seing de l'ONU

La Charte de la Terre prétend ainsi trancher d'autorité un


débat qui a agité les milieux intellectuels depuis le XIXe siècle.
Malheureusement, elle ignore totalement la complexité de ce
débat, et qu'il est plus que jamais ouvert. Elle ne tient
nullement compte de l'évolutionnisme spiritualiste, illustré
notamment par Bergson en philosophie et par une pléiade
d'autres philosophes ou par des biologistes de réputation
mondiale.

En raison de la précarité de ses fondements, la Charte risque


même d'être mort-née parce qu'elle laisse entre parenthèses
les discussions actuelles concernant les thèmes auxquels elle se
réfère. Nulle part il n'y est fait allusion au retour en force du
finalisme[6 8] . Ce finalisme accueille la question de savoir pour
quoi les choses sont faites. En philosophie des sciences,
l'influence de causes finales est de plus en plus admise pour
expliquer l'ordre du monde. La Charte de la Terre considère
pour acquis que le débat est clos entre, d'une part,
l'évolutionnisme matérialiste et, d'autre part, l'évolutionnisme
spiritualiste et le finalisme.

Ainsi se révèle le caractère idéologique du document qui utilise


un langage à prétention scientifique pour faire passer une
vision du monde et de l'homme totalement fermée à la
transcendance. Plus précisément, la Charte veut faire accepter
comme seul valable le paradigme holistique, strictement
mécaniciste et immanentiste, et les « valeurs » purement
utilitaires qui en sont le corollaire. Il y a des séries de
phénomènes qui se déterminent au fil du temps et dans le
monde. À l'homme de se soumettre à ces déterminismes.

Reste une dernière question. Au nom de quoi et en vertu de


quel mandat, deux ONG, le Conseil de la Terre et la Croix
Verte, se sont-elles donné pour mission de préparer cette
Charte ? Dans le système onusien, la représentativité de ces
deux ONG est nulle. En rigueur, ce document ne devrait
engager que ceux qui l'ont rédigé. Et ce n'est pas la mention de
quelques noms célébrés par les médias, ni l'évocation de «
larges consultations » qui permettront de doper ce texte d'une
quelconque légitimité.

Enfin, on se demande au nom de quoi l'ONU s'estime autorisée


à conférer à cette initiative un blanc-seing qui, en toute
logique, doit la conduire à désactiver la conception réaliste des
droits de l'homme.
Chapitre V

Les droits contre le Droit

Nous avons vu jusqu'à présent que l'ONU a adopté et veut à


présent imposer au monde entier une interprétation à la fois
inversée, volontariste et holistique des droits de l'homme. Par
touches successives, comme l'exige la tactique du salami, elle
répudie sournoisement la conception traditionnelle des droits
de l'homme. En mesurant les mots, nous devons constater que
le mouvement dont l'ONU a pris la tête ne peut conduire qu'à
l'abîme. C'est ce que nous allons montrer.

De l'individualisme à l'absolutisme

Pour répondre aux revendications utilitaristes et hédonistes


des individus, il est éclairant de se souvenir de la démarche de
Hobbes. Il faut voir dans le Léviathan une vision prémonitoire
de ce qui se déroule sous nos yeux. Comme l'avait pressenti
l'auteur du Léviathan, pour être cohérent avec lui-même,
l'hyper-individualisme appelle non seulement un absolutisme
éclairé, mais un totalitarisme « éclairé »[6 9 ] . Le nouveau
Léviathan trouve son incarnation dans une technocratie
dictant aux individus quelles sont, pour eux, les voies de la
justice et du bonheur.

Telle est la dérive vers laquelle se précipite inévitablement


l'ONU dans la mesure où elle a pris le parti de désactiver les
références anthropologiques et morales qui ont justifié sa
naissance et légitimé sa mission de paix et de développement.

Certes, pour le moment, le directoire mondial qui se met en


place sous son égide n'est pas encore un gouvernement de
juges. C'est plutôt un gouvernement d'administrateurs qui
veulent régenter la planète en détruisant les législations
nationales qui les gênent et en neutralisant les discordants. De
fait, comme nous l'avons déjà relevé, la plupart de ces
législations nationales honorent les droits de l'homme tels
qu'ils ont été proclamés en 1948. Alors, les bureaucrates
onusiens essayent de se doter d'instruments juridiques
échappant au contrôle des nations.[7 0]

Avec le concours de certaines ONG gorgées de ressources, et


qui se sont organisées en forum permanent, le droit propre
aux nations tend à être vidé de lui-même et le pouvoir
politique de ces mêmes nations souveraines tend à être réduit
comme une peau de chagrin. Une fois que le droit des nations
aura été vidé de sa substance et que le pouvoir politique de
celles-ci aura été ruiné, ou acheté, ces nations se trouveront
privées du rempart contre le totalitarisme que constituait,
précisément, leur droit traditionnel. Les « nouveaux droits »
contre le Droit, en quelque sorte.

Le précédent de Kelsen mérite d'être rappelé1 : le triomphe


du positivisme juridique échafaudé par cet auteur a privé
l'Autriche et l'Allemagne d'un droit d'inspiration classique qui
eût été une arme puissante pour prévenir et combattre le
nazisme.

Quelle Cour pénale internationale ?

Ici apparaît le bien-fondé des craintes liées à la création, le 18


juillet 1998, de la Cour Pénale Internationale[7 1 ] (CPI). Sans
doute, cette Cour, voulue depuis longtemps par l'ONU,
comble-t-elle une lacune grave puisqu'elle vise à réprimer les
crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides
; elle aura aussi un rôle dissuasif de grande importance. Il faut
aussi relever que, bien que tardive, la création de cette Cour
s'inscrit dans le droit fil de la conception traditionnelle des
droits de l'homme, au nom desquels ont été menés les deux
procès de Nuremberg : celui des dirigeants d'organisations
nazies (du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946), et celui
des médecins nazis (du 9 décembre 1946 au 20 juillet 1947).

Or sous la pression de certains lobbies, notamment féministes


radicaux et/ ou homosexuels, la compétence de cette Cour
pourrait s'étendre aux « crimes » concernant les soi-disant «
nouveaux droits de l'homme » obtenus selon la procédure «
consensuelle », protégés par des conventions et fluctuant au
gré de la jurisprudence ou des forces en présence. La
conception des droits de l'homme à laquelle la Cour pénale
internationale devra se référer apparaît donc d'ores et déjà
comme hybride, puisqu'elle oscille entre la conception réaliste
des droits de l'homme et la conception consensuelle qui
s'exprime dans les soi-disant « nouveaux droits ». Cette faille
risque d'hypothéquer le crédit de cette Cour et expose celle-ci
à des manipulations en tout genre.

Ainsi — après l'approbation de nouveaux instruments comme


la Déclaration des défenseurs ou la Charte de la Terre[7 2 ] —
des crimes contre les « nouveaux droits de l'homme »
pourraient être jugés par cette cour. Exemple : dans la mesure
où l'avortement et l'homosexualité seraient reconnus comme
de « nouveaux droits de l'homme », les opposants à
l'avortement, à l'homosexualité, à l'euthanasie, etc. pourraient
être jugés par la Cour pénale internationale[7 3 ] .

À ce premier motif de crainte s'ajoute le fait que les États-Unis


— non plus que la Chine — n'ont pas adopté le Traité. Ils
craignent en effet que certains de leurs citoyens, entre autres
les militaires, ne soient traduits directement devant cette
juridiction. Ce qui est ici en question c'est, une fois de plus, la
souveraineté des États, et plus précisément la « compétence
nationale[7 4 ] ». Comment un État peut-il admettre qu'un de
ses ressortissants soit cité directement à comparaître devant
la CPI sans voir, dans cette citation, une entorse limitant sa
souveraineté ?

On peut enfin craindre que cette Cour criminelle internationale


suive une évolution comparable à celle de la Cour Suprême des
États-Unis. On sait que cette dernière joue de fait un rôle
exorbitant en matière législative, rôle que la Constitution ne lui
reconnaît pas. On sait aussi que cette même Cour Suprême
affaiblit la juridiction des États fédéraux [7 5] .

La Déclaration des défenseurs des « nouveaux droits


»

D'autres motifs d'inquiétude surgissent à propos de la


Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme. Le 26
avril 2000, la Commission des Droits de l'homme de l'ONU,
siégeant à Genève, adoptait par 50 voix sur 53, la résolution
créant le poste de Représentant spécial du Secrétaire général
de l'ONU chargé de la protection des défenseurs des droits de
l'homme[7 6 ] . L'intitulé de ce texte, dans sa version divulguée
le 8 mars 2000, est ainsi libellé : « Déclaration sur le droit et la
responsabilité des individus, groupes et organes de société
pour promouvoir et protéger les droits de l'homme
universellement reconnus et des libertés fondamentales[7 7 ] ».

Le projet de Déclaration avait d'abord été discuté en mai 1998,


déjà à la Commission des Droits de l'homme de l'ONU, réunie à
Genève. Cette déclaration devait être recommandée par
l'ECOSOC (Conseil Économique et Social des Nations Unies) au
cours de sa session d'été 1998 (fin juillet-début août) ; elle
devait être approuvée mi-septembre de la même année par
l'Assemblée générale de l'ONU. Selon cette Déclaration, les «
nouveaux droits de l'homme » devraient être activement
promus et rapidement inscrits dans les législations nationales.
Alors que les agents travaillant pour ces « nouveaux droits »
(« Human Rights Workers ») devraient être protégés, les
opposants à ces « nouveaux droits » devraient être poursuivis
et punis. Ces opposants pourraient être des États, des groupes
ou des particuliers.

Cette Déclaration vise d'abord à mettre les « défenseurs » les


plus radicaux des « nouveaux droits de l'homme » à l'abri de
toute opposition ou poursuite. Ces « défenseurs » devront
donc bénéficier de la protection de l'ONU et des États. Ainsi,
même les lois nationales réprimant les perversions sexuelles
pourront finir par être abolies. Ni les États, ni les particuliers
ne pourront s'opposer à ces pratiques, dès lors que celles-ci
auront reçu le label de « nouveaux droits de l'homme » (cf. art.
7 de la Déclaration sur les défenseurs)[7 8] . Dans sa dernière
formulation, cet article 7 porte : « Individuellement ou en
association avec d'autres, chacun a le droit de développer et de
discuter de nouveaux droits de l'homme, idées et principes, et
de revendiquer (advocate) leur acceptation ». Les agents-
défenseurs des droits de l'homme pourraient donc déclarer de
« nouveaux droits » qui n'auraient même pas été « négociés ».
En outre, ils bénéficieraient, pour faire respecter ces «
nouveaux droits », de l'aval que leur assure la Déclaration.
Celle-ci garantit en effet non seulement le privilège de
l'initiative mais aussi celui de l'immunité.

Il s'ensuit que, dans la mesure où la Déclaration universelle de


1948 est en opposition avec les prérogatives des agents-
défenseurs des droits de l'homme, cette même Déclaration de
1948 devra être considérée comme discriminatoire et traitée
comme telle. Particulièrement explicite est l'article 9 du texte
de la Déclaration sur les défenseurs, qui prévoit que les
individus et associations s'opposant à ces soi-disant «
nouveaux droits » pourront — et même devront — être
poursuivis en justice. Quant à l'article 12, il prévoit que les
États devront protéger les défenseurs des « nouveaux droits
», contenir et même punir ceux qui s'y opposeront.

Ces poursuites seront de la compétence des juridictions


nationales, mais il ne fait aucun doute qu'elles seront
également du ressort de la Cour pénale internationale (CPI).
L'association NAMBLA (North American Man/Boy Love
Association) a déjà fait savoir qu'elle espérait bénéficier de la
protection que la Déclaration devrait offrir, selon elle, aux
militants de la pédophilie[7 9 ] . Aussi, bien des voix se sont déjà
élevées pour réclamer la « majorité sexuelle » à 10 ans!

AMII, vraiment ?

L'influence de cette nouvelle conception, intégralement


positiviste, du droit est même perceptible hors des strictes
limites de l'ONU. À l'OCDE, et dans une discrétion suspecte,
les principaux pays industrialisés discutent un Accord
Multilatéral sur les Investissements, appelé par antiphrase
AMI [80] . Si les 29 pays concernés arrivent à un « consensus »,
les droits que les investisseurs se seront définis et attribués
l'emporteront sur les droits de tous les autres pays. Les droits
des populations pauvres à l'alimentation, à la santé, à
l'instruction, à la vie même, leur droit à disposer d'eux-mêmes,
leur souveraineté : tous ces droits seront subordonnés à la
volonté discrétionnaire de l'oligopole issu de l'AMI.
En outre, selon un schéma analogue à celui que nous avons
relevé à l'ONU, pour être efficace, cet AMI devra pouvoir
compter sur une juridiction appropriée. Les multinationales
exerceront ici la pression exercée ailleurs par les ONG. Elles
pourront éventuellement traduire en justice les États
récalcitrants qui s'opposeront aux intérêts des signataires de
l'AMI.

Tout au long de cette revue, une question s'est imposée avec


une netteté croissante. L'Europe, plus précisément l'Union
Européenne, souscrit-elle à cette vision onusienne des «
nouveaux droits » ? N'est-ce pas d'elle que peut surgir une
impulsion libératrice ? C'est ce que nous devrons examiner
ultérieurement [81 ] .
Chapitre VI

De la tolérance à l'inquisition laïque

Que les « nouveaux droits » de l'homme par l'ONU soient


porteurs d'un nouveau totalitarisme, c'est ce que confirme le
recours incessant et captieux à la tolérance. Nous allons
montrer d'abord que l'usage de ce mot masque un relativisme
prêt à tout accepter, y compris le pire. Ensuite nous
montrerons que cette tolérance est utilisée par le laïcisme
international pour imposer un rationalisme inexorablement
anti-chrétien.
TOLERANCE ET VIOLENCE

De la tolérance doctrinale à l'intolérance civile

À l'occasion des guerres de Religion et sous l'impulsion de Jean


Bodin, le thème de la tolérance a été fort développé depuis le
XVIe siècle. Peu à peu, l'illuminisme traite ce thème pour lui-
même. Ces développements résultent de l'affirmation de plus
en plus claire de l'autonomie des individus, de leur prétendue
liberté de pensée, du « rejet de tout dogme » (entendez de
toute vérité révélée, y compris de la possibilité de celle-ci), de
toute autorité. Il résulte également du scepticisme ou de
l'agnosticisme philosophique : à partir du moment où nul n'est
en mesure de connaître le vrai et le bien, chacun doit respecter
les opinions et les décisions des autres. La tolérance ainsi
conçue implique évidemment un relativisme moral, dont
l'individu peut sortir en choisissant — « en totale liberté » — ce
qui lui plaît, ce qui lui est utile.

Cette tolérance, qu'on peut appeler « doctrinale », doit


cependant être distinguée de la véritable tolérance, la
tolérance « civile » : celle-ci a pour objet, non des positions
philosophiques ou morales, mais des hommes et des femmes
concrets. Ces hommes et ces femmes, je dois les respecter
quelles que soient leurs opinions[82 ] .

À première vue, la distinction entre ces deux formes de


tolérance est claire et nette. Je puis par exemple respecter
parfaitement M. Dupont, même s'il ne partage pas mes
opinions philosophiques. Cependant, en réalité, les choses sont
souvent bien plus complexes. Tel est justement le cas dès que
sont mis en question les droits de l'homme et la démocratie. En
effet, si je pose en principe que la société en général, la société
politique en particulier, doit être totalement tolérante
doctrinalement, c'est-à- dire indifférente face à toutes les
questions relatives à la vérité, au bien, au mal, etc., cette
même société se trouve évidemment dans l'incapacité totale
de dire ce que sont les droits de l'homme. Ce vide de
références reconnues comme vraies plonge la société dans une
inconnaissance, et même une inconoscibilité, de ce qui est bon
ou mauvais pour l'homme et pour la société.

En raison même de l'agnosticisme qu'elle implique, la tolérance


doctrinale, avec son relativisme intégral, finit donc tôt ou tard
par déboucher sur l'intolérance civile. En effet, si, selon ma
conception de la morale, je puis exploiter, exclure ou éliminer
autrui, les autres doivent faire preuve de tolérance à mon
égard et admettre que j'exploite autrui. Il n'y a plus de
repères, puisqu'il n'y a plus de bases ; il n'y a plus d'interdits,
puisqu'il n'y a plus rien à transgresser ; il n'y a plus de
prescrits, puisqu'il n'y a plus de devoirs. Prétendre que la
tolérance civile est possible là où toutes les affirmations sont
aussi vraies, ou fausses, les unes que les autres, c'est faire fort
peu de cas de l'homme ; c'est nier sa sociabilité et, à bref délai,
le renvoyer dans la jungle.
Or, précisément parce que les théoriciens de la tolérance
doctrinale posent au principe que « toutes les idées se valent »
et que, dès lors, les spectres de la jungle ou de l'anarchie ne
sont pas loin, il faut trouver une issue à cette aporie, à ce
chemin sans issue. On sait ce qui se passe alors. En une
première démarche, il s'agit de vider de sa substance la
Déclaration de 1948 et les autres documents appartenant à la
même tradition humaniste. On commence par introduire des
dérogations. La loi Veil de 1975, légalisant l'avortement en
France, déroge au droit fondamental de tout être humain à la
vie, qu'elle a pourtant affirmé dans la première phrase de son
article premier. Dès la seconde phrase de ce même article, la
dérogation est introduite et elle est légalisée dans les articles
suivants.

La dérogation est par elle-même révélatrice de la gêne, de la


honte, voire de la mauvaise foi du législateur : dans les
conditions que celui-ci définit, le législateur permet ou autorise
qu'il soit porté atteinte à la vie humaine ; l'idée d'un mal que
l'on admet est encore sous-jacente. Or les dérogations sont
bientôt érigées en « nouveaux droits ». Il n'est plus question
de considérer que l'homme et ses droits sont des donnés
premiers. La tolérance civile, qui pousserait à reconnaître que
l'homme est le sujet de ces droits, est ici disqualifiée au nom du
relativisme subjectif et de la tolérance doctrinale. Alors, pour
sortir de cette aporie, de cette impasse, on échafaude une
nouvelle conception des droits de l'homme, qui n'a rien à voir,
ni dans sa source ni dans son contenu, avec la conception
humaniste traditionnelle, ainsi que nous l'avons déjà expliqué
ci-dessus dans notre analyse du consensus[83 ] .
UN RATIONALISME ANTI-CHRETIEN

En pratique, le thème de la tolérance est un paravent utilisé


par le laïcisme international pour masquer sa volonté
d'imposer et de généraliser une pensée rationaliste
fondamentalement anti-chrétienne.

Par laïcisme, on entend d'une part une doctrine intégralement


rationaliste qui lutte pour l'élimination de toute croyance
chrétienne et religieuse en général. Cette doctrine donne lieu à
des programmes d'action. Par laïcisme, on entend alors des
mouvements d'action militant pour faire triompher ce
rationalisme anti-religieux chez les individus et dans la société.
Il est bien connu que la franc-maçonnerie est l'un des
principaux vecteurs du laïcisme, entendu dans les deux
acceptions qui viennent d'être rappelées[84 ] .

Or, ce laïcisme se présente comme le gardien de la tolérance,


mais d'une tolérance qui est piégée, ainsi que nous l'avons
expliqué. En fait, au nom de cette tolérance, ce que veut ce
laïcisme, c'est étouffer la voix de l'Église, sous prétexte que
celle-ci serait « intolérante » en raison du fait qu'elle annonce
un message vrai, et qu'elle admet l'ouverture à la Révélation
de Dieu dans le temps.

Le laïcisme remonte par là le cours du temps. Il reproche à


l'Église d'aujourd'hui de vouloir intervenir intempestivement
dans les affaires politiques au nom de sa doctrine et de sa
morale. Il s'agit là d'une situation qui s'est sans doute produite
dans l'histoire de l'Église mais qui ne se vérifie plus. Depuis
longtemps, toute volonté théocratique a disparu de l'Église ;
elle subsiste encore cependant dans des religions non
chrétiennes comme l'Islam.

En revanche, ce même laïcisme dont nous parlons veut


restaurer à son seul profit un césaropapisme totalement
sécularisé où César, c'est-à-dire le pouvoir politique, veut
gouverner la société et les consciences au nom de la religion
que lui- même institue. Le césaropapisme nouveau consiste à
imposer le rationalisme intégral à la société et aux consciences,
en utilisant le label de la tolérance. Or, comme nous l'avons vu,
de par sa nature, cette conception de la tolérance justifie et
même requiert l'exclusion des « dissidents », de ceux qui
revendiquent le droit à la différence, de ceux qui refusent ce
rationalisme et restent ouverts à la Révélation. Cette soi-
disant tolérance donne lieu à une religion séculière. Elle
devient religion civile, système de pensée unique. Elle est
censée légitimer le pouvoir politique et implique, pour se
protéger, une inquisition séculière impitoyable.

L'histoire contemporaine est riche en enseignements sur ce


genre de césaropapisme. Le communisme, tant dans sa forme
soviétique que chinoise, montre bien qu'un régime
radicalement « laïciste », pour rester cohérent avec lui-même,
se doit d'être intolérant ; il a besoin de se doter d'un magistère
laïque et d'instruments de répression de la déviance.
C'est vers la restauration d'un césaropapisme de ce genre que
conduit la conception de la tolérance actuellement développée
à l'ONU, patronnée et généralisée par elle. L'obstination dont
elle témoigne pour imposer ses « nouveaux droits de l'homme
» révèle que l'ONU a l'ambition de se poser en église
sécularisée, prétendant imposer son rationalisme à la société
humaine et à l'universalité des consciences.

L'attelage entre le laïcisme et la tolérance, entendus au sens


que nous venons d'expliquer, n'a rien de surprenant. Tous
deux considèrent comme un fait démontré que le
christianisme est un danger pour la société politique. Plus
précisément, le laïcisme considère que le christianisme est
intolérable parce qu'il mettrait en danger la laïcité, c'est-à-dire
la distinction et la séparation de la société politique et de
l'Église.

Or que comporte exactement cette séparation, caractéristique


centrale de la laïcité ? Elle comporte que le pouvoir politique
n'empiète pas sur le pouvoir religieux, ni le pouvoir religieux
sur le pouvoir politique. Or on sait qu'actuellement, la
séparation des deux sphères, politique et religieuse, ne fait pas
problème dans les pays démocratiques. Si donc, au nom du
laïcisme, on y revendique la laïcité, c'est-à- dire la séparation
de la société politique d'avec l'Église, on ne fait qu'enfoncer une
porte ouverte. En revanche, dans les sociétés ou les
institutions où, au nom de la pseudo-tolérance, le laïcisme veut
imposer un système de pensée unique, il ne respecte pas la
nécessaire distinction entre les deux plans.

Il s'ensuit que si, au nom du laïcisme, on attend des institutions


politiques — nationales, internationales ou supranationales —
qu'elles donnent leur caution à un rationalisme radical, rejetant
a priori la possibilité même d'une Révélation, alors on en
revient à une situation semblable à celle qui existait avant que
ne fût admise la laïcité. César, c'est-à-dire le pouvoir politique,
est aussi « pape », c'est-à-dire chef de la religion civile. Il
impose son rationalisme radical, sa religion séculière, comme
principe exclusif d'intégration sociale. Toute référence à
d'autres principes est vouée à être déclarée irrationnelle et est
frappée d'exclusion.

Sous couvert de liberté et de tolérance, on voit ainsi se profiler


les structures d'une société où seul subsiste un acte de liberté :
consentir à la servitude.

Voilà où aboutit la lecture onusienne du libéralisme de Hobbes,


revu et complété par le socialisme de Rousseau.
Chapitre VII

Pékin+5 :
une histoire de grain de sable

Du 5 au 10 juin 2000 s'est tenue à New York la conférence de


l'ONU célébrant le cinquième anniversaire de la Conférence de
Pékin[85] . Il s'agissait de dresser un bilan : le plan d'action
défini en 1995 a-t-il été exécuté ? A-t-il rencontré des
obstacles ? Que faut-il faire pour aller plus avant ? La réunion
de juin était désignée officiellement sous le titre ; « Women
2000 : Gender Equity, Development and Peace for the 21st
Century »[86 ] . Quelque 8000 participants représentaient 180
pays et 2000 ONG avaient envoyé leurs délégués.

Malgré ce déploiement d'artillerie lourde, malgré de


nombreuses réunions préparatoires, cette Conférence s'est
achevée « sans grands résultats » selon l'expression
euphémique du journal Le Monde[87 ] .
LES ACTEURS EN PRESENCE

Délégués et fonctionnaires

Divers acteurs étaient en présence. Particulièrement


déterminé se détache le groupe des pays riches appuyés —
faut-il le dire ? — par les fonctionnaires de l'ONU. Tous étaient
bien décidés à faire adopter, ou à accélérer le processus
menant à adopter, les « nouveaux droits de l'homme » selon
l'ONU.

Rappelons ces droits, qui se regroupent autour des « droits


sexuels » :

- Perspective du « gender » : les différences de rôle entre


l'homme et la femme dans la société ne sont pas naturelles ;
elles sont culturelles.

- « Orientation sexuelle » : chacun est libre de choisir son


sexe ou d'en changer ; unions homosexuelles avec « droit »
d'adoption.

- Multiples « modèles » de « familles » : famille naturelle


: monogamique et hétérosexuelle ; « familles »
monoparentales, unions de personnes du même sexe. « Droit »
de répudiation du conjoint ou partenaire.
- « Services de santé » pour les femmes, entendant par là
l'accès légalisé et facile à la contraception sous toutes ses
formes et à l'avortement.

- Éducation sexuelle obligatoire des adolescents dans la


perspective du « gender » et de l'« orientation sexuelle » ;
liberté sexuelle, soustraite au contrôle des parents, pour les
adolescents. Cette rubrique comporte l'accès facile et discret à
la contraception et à l'avortement, dispensaires ou « cliniques
» ad hoc dans les écoles. Certains vont jusqu'à réclamer la «
majorité sexuelle » à partir de 10 ans ; d'autres revendiquent
le droit à la pédophilie.

- Droits des « sex workers », poussant les USA à refuser


de condamner la prostitution ; attitude complaisante de
plusieurs pays vis-à-vis de la pornographie, etc.

Comme on peut le constater, il s'agit là des « nouveaux droits


de l'homme » propagés par l'ONU et/ ou martelés par les
représentants des pays riches : USA, Canada, Union
européenne.

Les féministes radicales

Ces mêmes « droits sexuels » sont appuyés bruyamment, et


souvent avec une violence verbale atterrante, par diverses
ONG féministes radicales. À Beijing+5, elles sont revenues en
force avec leurs vieilles lunes. Le catalogue comprend, cela va
de soi, les « droits sexuels » qu'on vient de rappeler et, en plus,
le thème de la discrimination, celui des opportunités d'emploi.
On n'a pas échappé à la ritournelle habituelle des auto-
nommées « Catholics for Free Choice », selon lesquelles « le
Vatican s'oppose à la libération de la femme »[88] .

Opposants au « colonialisme sexuel »

La Conférence « Women 2000 » se distingue des autres


conférences du même genre par l'affirmation de plus en plus
claire du dissentiment de certains pays. Plusieurs pays du
Moyen-Orient, d'Afrique, d'Amérique latine ont introduit un
grain de sable dans la belle mécanique. Ils ont rejeté la vulgate
onusienne concernant les « droits sexuels » et l'« orientation
sexuelle ». Mention spéciale doit être faite des positions prises
dans ces domaines surtout par le Sénégal et le Nicaragua, mais
aussi par l'Égypte, la Libye, le Pakistan et le Soudan. La
Pologne elle-même ne s'est pas laissé méduser par le chantage
à la marginalisation dans la Communauté européenne, au cas
où elle ne s'alignerait pas sur le fameux « consensus[89 ] ».

On a remarqué en outre le rôle accru joué par le Groupe des


77, qui, en fait, regroupe actuellement 138 pays en
développement. La plupart de ces pays ont une conscience de
plus en plus nette des dangers que représente pour eux
l'idéologie des « nouveaux droits de l'homme ». Ils savent en
particulier que cette idéologie a notamment pour but de
donner un semblant de « légitimation » aux programmes
visant à juguler la croissance démographique de leur
population[9 0] . Selon une expression qui a fait fortune à cette
réunion, la plupart de ces pays rejettent le « colonialisme
sexuel » de l'ONU et des pays riches.

Malheureusement, au sein de ce « Groupe des 77 » des


divisions se sont manifestées. La vieille recette « diviser pour
régner » a été utilisée par les pays riches. Certaines
délégations ont cédé aux charmes de la récupération
monnayée. Il ne s'agit sans doute là que d'un phénomène
résiduel. Si en effet quelques délégués sont sensibles aux
dessous-de-tables, tous sont unanimes à reconnaître, en privé
et en public, que l'acceptation des « nouveaux droits de
l'homme » consoliderait les mécanismes les maintenant dans
l'humiliation coloniale.

Le Saint-Siège : réalisme et vérité

Dans cette Conférence, comme dans les autres, le Saint-Siège,


représenté par le nonce Renato Martino, a joué un rôle
majeur[9 1 ] . Une fois de plus, il a mis son point d'honneur à
proclamer la vérité. Il l'a fait par la bouche de Kathryn Hauwa
Hoomkwap. Chargée du discours officiel de la délégation
pontificale, cette Nigérienne a ramené le débat, avec beaucoup
de justesse, sur le terrain qu'il n'aurait jamais dû quitter : celui
du réalisme et de la vérité. Prenant à contre-pied les
idéologues du sexe, la porte-parole du Saint-Siège a rappelé
que les femmes avaient besoin d'eau potable, de nourriture, de
scolarité, de travail, de protection contre les maladies de la
pauvreté, de respect. Comment ces pays en développement,
qui ont préservé leur bon sens et leur réalisme, ne
souscriraient-ils pas massivement à un programme aussi
concret ?
UN BILAN PROMETTEUR ?

Quelles surprises ?

Après ce tableau contrasté, on ne s'étonnera pas d'apprendre


que la rédaction du document final a réservé des surprises,
bonnes pour les uns, décevantes pour les autres. Les passages
sur les « droits sexuels » et les « orientations sexuelles » ont
été passés à la moulinette ; la famille traditionnelle, c'est-à-
dire naturelle, n'a pas été dépréciée. Observateur permanent
au Saint-Siège à l'ONU, le nonce Renato Martino avait toutes
les raisons de manifester sa satisfaction à l'issue des travaux. Il
n'était pas le seul à le faire.

On comprendra pourtant que ses sentiments n'aient pas été


partagés par Patricia Flore, leader remuante de la délégation
allemande. Terrassée par son désaveu, celle-ci abandonnait le
navire avant même la conclusion des travaux. La déception
des délégués européens était pratiquement générale[9 2 ] . Pour
Madame Nafis Sadik, qui espérait terminer sa carrière en
apothéose, c'était pour ainsi dire l'échec de toute une vie. Elle
ne put contenir ni ses larmes, ni sa hargne, tançant les
délégués qui avaient fait voler en éclat le consensus pré-
imposé et consommant son dérapage final en pressant les
personnels médicaux d'apprendre à faire des avortements,
même si c'est contre leur conscience! Étonnante façon de tirer
sa révérence...
La force de la prière et de la vérité

Ce qui s'est passé à la Conférence « Women 2000 » justifie


néanmoins un certain optimisme. Pour la première fois depuis
des années, le réalisme est revenu en force. Ce retour à la
vérité des situations, ainsi qu'à la vérité des droits de l'homme
et de la femme, a activé, dans et en dehors des milieux
chrétiens, des sources de courage que la force irrésistible d'une
voix fraternelle et prophétique suffisait à dynamiser.

Ce regain d'intérêt pour la vérité et la justice a encore été


favorisé par le sentiment, tout à fait justifié, d'inefficacité totale
laissé par la série pléthorique des réunions précédentes. Les
pays les plus concernés par le développement éprouvent un
sentiment de lassitude de plus en plus intolérable face à des «
programmes » et autres « plans d'actions » dont ils ne sont pas
dupes, puisque l'idéologie qui les inspire donne des signes
d'essoufflement et fait entendre des craquements
prémonitoires, comparables à ceux qui ont précédé l'implosion
du système soviétique.

« Women 2000 » est, en particulier, plein d'enseignements


pour les chrétiens. La Conférence a révélé avec une évidence
fulgurante l'efficacité de la prière et la force de la vérité. Car,
ne l'oublions pas, Goliath était bien décidé à foncer sur David.

Il est vrai que les chrétiens s'étaient bien préparés et bien


organisés, et leur exemple mérite de faire école. « Women
2000 » appelle en effet un suivi. Il est urgent qu'aux niveaux
national et local, les chrétiens se forment et s'organisent
comme ils le font au plan international, pour qu'ils puissent
approcher leurs représentants, leurs gouvernants et leurs
délégués, ainsi que les médias de tout niveau, afin de leur
ouvrir les yeux sur le terrain miné où ils ont à évoluer[9 3 ] .

La guerre continue

Mais cet optimisme doit rester très modéré et la


circonspection s'impose. Sans doute, les pays riches harcelés
(idéologiquement s'entend) par les féministes radicales, ont-ils
commis une erreur stratégique majeure en prétendant
modifier substantiellement le plan d'action arrêté à Pékin. Or
la manipulation a des limites : le plan d'action ne pouvait être
altéré[9 4 ] . Il est vrai cependant que le document final ne se
prive pas d'insister pour que soit signé l'Optional Protocol
concernant la Convention pour l'élimination de toute forme de
discrimination vis-à-vis de la femme. Adopté le 12 mars 1999,
ce Protocole prévoit des poursuites en cas de « violations
graves ou systématiques des droits de la femme ». Il prête le
flanc à des interprétations dépassant ce qui a été arrêté à
Pékin en 1995 [9 5] .

Mais la force d'inertie d'un paquebot comme l'ONU est telle


que même si un changement de cap soudain et radical y était
décidé, il ne pourrait se faire qu'au prix d'immenses difficultés
et au bout d'un long délai. Et, pour l'establishment onusien, en
se déjugeant. La raison en est à chercher dans le fait que tous
les rouages de l'ONU sont imprégnés de l'idéologie du « gender
» et des « nouveaux droits de l'homme ».
C'est ce qui se passe sous nos yeux, avec le déclin, souvent
alarmant, de la fécondité. L'ONU, qui reconnaît ce phénomène,
continue imperturbablement à financer des campagnes pour
l'alimenter! À défaut de pouvoir être recyclée, toute une
génération de technocrates devrait être remplacée par des
fonctionnaires d'esprit libre, apportant du sang neuf afin que la
purification idéologique puisse se produire.

Tout porte donc à croire que si une bataille a été gagnée, la


lutte continue. À n'en point douter, ceux qui ont été désavoués
en juin à New York sont prêts à rebondir sans tarder, et avec
une détermination redoublée. Une autre grande conférence
sur la femme devrait avoir lieu en 2005. Comme toutes les
autres, elle sera précédée d'une kyrielle de « réunions
préparatoires ». La conférence de 2005 devrait être organisée
en Europe centrale ou orientale. C'est dans ces régions que —
selon les vœux ardents des « promoteurs » du gender — il
serait le plus urgent de faire accepter les « droits sexuels »...

Signe évident que la guerre continue, même si le front se


déplace : l'Union européenne est en train de peaufiner une
Charte des droits fondamentaux, qui reflète à s'y méprendre
l'idéologie onusienne des « nouveaux droits de l'homme ». Une
Charte que, sans aucun doute, l'Europe s'appliquera à imposer
chez elle et à exporter partout où elle trouvera des candidats
réceptifs à l'arnaque idéologique[9 6 ] .
Chapitre VIII

Le Millenium de tous les périls

En raison de son retentissement particulier et de ses enjeux, la


Conférence Pékin+5 méritait qu'on lui consacre l'exposé
distinct qui apparaît au chapitre précédent. Cette conférence
sur la femme ne saurait toutefois éclipser d'autres événements
qui ont jalonné jusqu'à présent l'année 2000. Nous allons
examiner quelques-uns d'entre eux en donnant un relief
spécial aux initiatives dont s'est chargé, ou dont a été chargé,
M. Kofi Annan, Secrétaire général de l'ONU. Au terme de cette
revue, il apparaîtra que se précisent tous les motifs de
préoccupation que nous avons relevés jusqu'à présent. Nous
concentrerons notre attention sur le projet de globalisation,
déjà connu, mais confirmé par de multiples initiatives
convergentes. Notre attention se focalisera plutôt sur les
projets économique, religieux et politique[9 7 ] .
LE RAPPORT NOUS LES PEUPLES

Un document programmatique

En vue du Sommet et de la 55e Assemblée générale, tenus à


New York en septembre 2000, le Secrétaire général avait
préparé un Rapport du Millénaire, intitulé Nous, les Peuples,
sur le rôle des Nations Unies. Rendu public le 3 avril 2000, ce
rapport se garde de toute référence fondatrice à la Déclaration
de 1948. Il est fondé sur les valeurs reflétant l'esprit de la
Charte de 1945: équité, solidarité, tolérance, non-violence,
respect de la nature, responsabilité partagée. Ce document
programmatique comporte différentes rubriques :

- Nouveau siècle, nouveaux défis ;


- Mondialisation et gouvernance ;
- Vivre à l'abri du besoin ;
- Un monde libéré de la peur ;
- Pour un avenir viable ;
- Rénover l'Organisation des Nations Unies.

Nous épinglerons certaines thèses exposées dans ces pages, en


renvoyant aux numéros figurant dans le rapport.
Il faut redoubler d'efforts pour agir notamment au niveau de la
population mondiale, car la croissance de celle-ci, important
surtout dans les pays en développement (93), risque
d'accentuer la pauvreté et les inégalités (72). Tel est le fil
conducteur du rapport.

« La démographie, assure le rapport, n'est pas une fatalité,


mais c'est un problème majeur, tant en raison du nombre
qu'à cause de la pauvreté et du dénuement auxquels les
populations seront vouées si nous n'intervenons pas dès à
présent de manière décisive. » (94)

Le rapport lance également un appel en faveur de l'instruction


des filles : on ne peut certes qu'y souscrire. Mais on s'étonne
des motivations avancées, qui ne manquent pas d'une certaine
ambiguïté. L'objectif, c'est d'offrir aux femmes un vaste choix
d'emplois, afin de leur donner plus de possibilités dans la vie. «
Ainsi, elles peuvent choisir de se marier plus tard, ce qui fait
baisser le taux de fécondité. » (82 s.).

La centralité du droit international et le rôle de la Cour pénale


internationale sont également réaffirmés (211). Comme
l'homme est supposé être le grand prédateur de la planète, des
mesures doivent être prises pour que les dégâts soient limités.
D'après le rapport, c'est plus à cause du nombre d'hommes que
l'environnement se dégrade, qu'à cause de leur comportement
irresponsable:

« Au cours des 100 dernières années, notre milieu naturel a


eu à supporter les pressions découlant de l'accroissement de
la population humaines, qui a quadruplé, et de la production
économique mondiale, qui a été multipliée par 18. Selon les
estimations, la population mondiale, qui est actuellement de 6
milliards d'habitants, atteindra près de 9 milliards d'individus
d'ici à 2050. Le risque de causer des ravages irréparables à
l'environnement existe donc bel et bien. » (256).

L'incorporation au système légal international

Le 15 mai, Kofi Annan réinsistait sur la centralité du droit


international. Dans une lettre adressée aux participants invités
au Sommet de septembre, il demandait instamment à ceux-ci
de profiter de cette rencontre pour signer les traités et
conventions dont le Secrétaire général est dépositaire[9 8] . Il
s'agissait pour les invités « de saisir cette occasion unique
d'exprimer leur appui, afin qu'ils puissent s'incorporer au
système légal international ». Parmi les vingt-cinq traités ou
conventions multilatéraux que les participants accrédités
étaient invités à signer figuraient la Convention internationale
sur les droits économiques, sociaux et culturels; la Convention
internationale sur les droits civils et politiques; le second
Protocole optionnel de la Convention internationale sur les
droits civils et politiques; la Convention pour l'élimination de
toute forme de discrimination vis-à-vis de la femme
(CEDAW): le Protocole optionnel de la Convention sur
l'élimination de toute forme de discrimination vis-à-vis de la
femme; la Convention sur les droits de l'enfant; le Statut de la
Cour pénale internationale. Signe de l'importance qu'il accorde
à ces signatures, M. Kofi Annan est revenu à charge à
plusieurs reprises au cours de séances ultérieures.
LE FORUM DU MILLENIUM

Comme d'habitude, les ONG ont été étroitement associées aux


célébrations regroupées sous l'étiquette du Millenium.
Mention spéciale doit être faite du Forum qui, une fois de plus,
les a réunies à New York, du 22 au 26 mai 2000. Venus d'une
centaine de pays, 1350 délégués représentaient des ONG
accréditées avec vigilance.

Lors de la cérémonie d'ouverture, M. Kofi Annan a prononcé


un discours très révélateur de ce que le Secrétaire général
attend de l'ONU. Les ONG, relève M. Annan, « ont fait
pression sur les gouvernements et ont travaillé avec eux. »
[... ] « La révolution des ONG est une des conséquences les
plus heureuses de [... ] la mondialisation. » Le Secrétaire
remarque à ce propos que « ce ne sont pas seulement les
peuples et les nations qui sont interdépendants, ce sont aussi
les problèmes. » La mondialisation ne concerne pas seulement
les « marchés plus vastes » ; pour qu'elle soit « une réussite,
nous devons apprendre à mieux gouverner ensemble. » [... ]
Et il avertit : « Que votre action porte sur la promotion de la
femme ou l'éducation, l'aide humanitaire ou la santé, elle ne
pourra aboutir que si les bienfaits de la mondialisation sont
répartis plus équitablement. » Évoquant ensuite son Rapport
du Millénaire, que nous venons de présenter, M. Annan se fait
aussi solennel qu'inquiétant:
« Aujourd'hui, je vous demande, à vous ONG, d'être à la fois
des chefs de file et des partenaires : quand il le faut, en
guidant les gouvernements et en les incitant à se montrer à la
hauteur de vos idéaux et, quand il le faut, en travaillant avec
eux à la réalisation de leurs objectifs. »

Après avoir demandé aux ONG de soutenir le Pacte mondial


(dont nous traitons ci-dessous), et abordé la question des
transferts de technologie, de l'éducation des filles, de la guerre,
du sida, Kofi Annan se fait particulièrement pressant:

« Vous pouvez, en faisant pression sur les gouvernements


pour qu'ils signent et ratifient les traités et les conventions
internationales, continuer sur la lancée des campagnes
mondiales que vous avez déjà menées avec succès en faveur
du renforcement des normes multilatérales et de la mise en
place de régimes juridiques. Une fois ces traités et
conventions ratifiés, vous pouvez aider à les faire appliquer.
Depuis la création de l'ONU, plus de 500 conventions
multilatérales ont été adoptées ; ensemble elles constituent
un vaste cadre juridique qui pose les bases d'un monde
meilleur. » [...] « J'attends de vous que vous fassiez ce que
vous savez si bien faire : pousser les gouvernements à
l'action en exigeant que la raison d'État cède le pas aux
aspirations des peuples. »

Enfin, ne lésinant décidément pas sur la flatterie, le Secrétaire


lance cette envolée:
« Vous deviendrez à coup sûr la nouvelle superpuissance. Je
ferai, quant à moi, tout ce que je peux pour que nos autres
partenaires de la communauté internationale vous écoutent
très attentivement. »[9 9 ]
On voit donc réapparaître ici quelques-uns des thèmes
centraux développés par l'ONU : la mondialisation et le
holisme qui l'inspire, et surtout la mise sur pied d'un ordre
juridique international. Les ONG sont appelées à répercuter
les orientations de l'ONU, en pressionnant, voire en
contournant s'il le faut les gouvernements et les parlements
nationaux.
LE PACTE MONDIAL

L'appel au secteur privé

Dans l'allocution qu'il devait prononcer lors de l'ouverture du


Forum du Millénaire (voir ci-dessus), M. Kofi Annan se
rappelait la proposition qu'il avait faite en 1999 aux hommes
d'affaires réunis au Forum économique de Davos. Il s'agissait
de proposer aux parties intéressées l'adhésion à « certaines
valeurs essentielles dans les domaines des normes du travail,
des droits de l'homme et de l'environnement. » Ce serait là, de
l'avis de M. Annan, une façon de réduire les effets négatifs de
la globalisation. Selon lui, pour combler le fossé séparant le
Nord, riche, du Sud, pauvre, l'ONU doit faire largement appel
au secteur privé. Il s'agirait d'obtenir l'adhésion à ce pacte d'un
grand nombre d'acteurs économiques et sociaux : compagnies,
hommes d'affaire, syndicats, ONG.[1 00] Ce Global Compact ou
Pacte mondial serait une nécessité pour réguler les marchés
mondiaux, pour élargir l'accès aux technologies vitales, pour
distribuer l'information, pour divulguer les soins de base en
matière de santé, etc. Plusieurs multinationales, couvrant
l'ensemble des secteurs de l'activité scientifique, technique et
industrielle, auraient déjà souscrit, dont la Deutsche Bank,
Dupont de Nemours, BASF, Daimler-Chrysler, BP Amoco,
Shell, Unilever, Volvo, etc. Parmi les ONG figurent Amnesty
International et le World Wide Fund for Nature. Des
personnalités du monde des affaires appuient également ce
pacte : Ted Turner, patron de CNN, Bill Gates, Monsieur
Microsoft, Georges Soros, milliardaire conquérant, auraient
déjà adhéré à ce pacte. Mikhaïl Gorbatchev lui- même s'est
prononcé en faveur de ce projet au cours d'une conférence
donnée dans le cadre d'un dîner à 500 dollars le couvert : une
façon originale de déclarer la guerre à la faim. Ce qui surprend
davantage, c'est que plusieurs organisations syndicales
internationales aient également adhéré.

Déjà présentés à Davos, neuf principes — pas très explicites, il


est vrai — doivent inspirer ce Pacte mondial. Mentionnons
quelques exemples : le premier recommande d'appuyer et de
respecter les droits internationaux dans leur sphère
d'influence ; le troisième demande la liberté d'association et le
droit de négocier (bargaining) collectivement. Les trois
derniers portent sur l'environnement, par quoi il faut
entendre, entre autres, la population.

Vers une "Coalition globale"

Le 26 juillet 2000 s'est tenue à New York une réunion de haut


niveau consacrée à ce Pacte mondial. Parmi les conclusions
figure l'engagement des compagnies

« à s'associer aux Nations Unies dans des projets de


partenariat, soit au niveau de la définition d'une politique [...],
soit au niveau opérationnel. [... ] Tous les participants sont
également tombés d'accord pour impliquer des acteurs
supplémentaires et pour atteindre, endéans trois ans,
l'objectif d'ajouter à la Coalition globale 100 grandes
corporations transnationales et 1000 compagnies du monde
entier. [...] Des associations d'entrepreneurs se sont
également engagées à commencer des plans concrets en vue
de faire progresser les objectifs du Pacte. »

Le Pacte mondial suscite, on s'en doute, de graves


interrogations. Peut-on compter sur les grandes compagnies
mondiales pour résoudre des problèmes qu'elles auraient pu
contribuer à résoudre depuis longtemps si elles l'avaient voulu
? La multiplication des échanges économiques internationaux
justifie-t-elle l'instauration progressive d'une autorité appelée
à régenter l'activité économique mondiale ? De quelle liberté
jouiront encore les travailleurs de tout niveau, et les
organisations syndicales, si les législations travaillistes,
incorporées au droit international, doivent se soumettre aux «
impératifs » économiques « globaux » ? De quel pouvoir
d'intervention les gouvernements des États souverains
jouiront-ils encore pour intervenir, au nom de la justice, dans
les questions économiques et sociales ? On voit par là combien
ce Pacte est de nature à exténuer les droits de l'homme
proclamés en 1948, et combien il risque de précipiter la
fragilisation des États souverains. Plus grave encore : comme
l'ONU frôle toujours la faillite, elle risque d'être victime d'une
OPA de la part d'un consortium de grandes compagnies
mondiales, ravies à l'idée de disposer d'un formidable levier
politique et juridique. L'empressement montré par ces
compagnies à adhérer au Pacte, loin de réjouir, devrait
inquiéter.
LE SOMMET DES
LEADERS SPIRITUELS ET RELIGIEUX

A l'invitation de l'ONU, ce Sommet spécial pour la paix a


rassemblé quelque 1000 leaders religieux venus du monde
entier. Le Saint-Siège y était représenté par le Cardinal
Francis Arinze, Président du Conseil pontifical pour le Dialogue
interreligieux. Ce Sommet révèle la volonté de l'ONU de
ratisser très large et d'étendre ses interventions dans des
domaines échappant jusqu'à présent à sa sollicitude
empressée. Désormais, l'ONU ne fait plus mystère de son désir
de franchir le seuil réservé des consciences. C'est ainsi qu'a
surgi une curieuse "Initiative unie des Religions", ayant pour
objectifs la paix, la santé de la Terre et celle de tous les êtres
vivants[1 01 ] . Cette Initiative a été fondée en 1995 par un
évêque épiscopalien, William E. Swing. Fort mâtinée de Nouvel
Âge, cette initiative aurait le projet de créer une religion
mondiale[1 02 ] , qui impliquerait aussitôt l'interdiction, pour
toute autre religion, de faire du prosélytisme. Dans la
perspective qui est la sienne, la pieuvre onusienne aurait
intérêt à appuyer ce projet, car la globalisation ne doit pas
concerner les seules sphères de l'économie, de la politique, du
droit, etc. ; elle doit concerner l'âme globale. On rêve, dans ces
milieux, d'une « nouvelle éthique planétaire »[1 03 ] . Nous
retrouvons ici le thème du holisme dans sa forme clairement
panthéiste. Les idées de l'« Initiative Unie des Religions »
devraient, entre autres, être divulguées à travers des «
Cercles de Coopération », composés de quelques personnes, et
qui ressemblent, à s'y méprendre, aux « réseaux » du Nouvel
Âge.

L'absence du Dalaï-Lama a fait planer un certain malaise dès le


début de cette réunion. Le leader spirituel du bouddhisme
tibétain, qui vit en exil en Inde, n'avait pas été invité à ce
Sommet, pour ne pas indisposer les autorités chinoises... Il n'y
a pas qu'en Chine que la liberté religieuse a ses limites.

Les discussions de cette assemblée devaient porter sur la paix,


le désarmement, et l'apport des religions à ces deux objectifs
éminemment louables. En revanche, on a vu réapparaître les
vieilles rengaines sur la tolérance mal comprise[1 04 ] . En
définitive, ce « sommet spécial » s'est terminée d'une façon si
décevante qu'elle n'augure rien de bon pour l'avenir de l'«
Initiative », et moins encore pour l'usage qui sera fait de celle-
ci. Il est en effet paradoxal qu'une réunion de leaders religieux
se termine par un éloge de la tolérance mal comprise, de
l'agnosticisme, du relativisme radical. Il était impensable que
le Cardinal Arinze signe une déclaration finale affirmant que
toutes les religions se valent.
LE SOMMET DU MILLENIUM

L'ONU a voulu marquer l'entrée dans le nouveau Millénaire en


organisant un nombre pour ainsi dire incalculable de réunions,
de réunions préparatoires aux réunions, et de réunions faisant
le bilan des réunions précédentes. Des réunions ont pour ainsi
dire lieu en permanence. Pour l'an 2001, trois réunions
annoncées sont « importantes » : sur les enfants; sur l'habitat,
sur le racisme. Nul doute qu'au cours de ce réunions seront
abordées des questions telles que les droits des enfants, leur
liberté par rapport à leurs parents; les unions de fait, le
développement durable, la perspective du genre, l'orientation
sexuelle, le droit international, etc.

En attendant, le calendrier onusien de l'an 2000 a atteint son


climax dans le Sommet des chefs d'État et de gouvernement,
qui s'est tenu à New York du 6 au 8 septembre. Ce Sommet
devait être suivi par l'Assemblée générale. Celle-ci s'est tenue
du 12 au 16 et du 18 au 22 septembre.

Chose vraiment étonnante : autant le Sommet a été médiatisé


de façon tapageuse, autant l'Assemblée générale a pour ainsi
dire été passée sous silence, du moins dans les jours qui l'on
suivie[1 05]

Des activités parallèles fébriles


À l'occasion du Sommet, plusieurs réunions étaient
programmées et se sont déroulées dans une atmosphère
fébrile. Nous n'en mentionnerons que quelques- unes, celles
citées par Mme Louise Fréchette, conseillère du Secrétaire
général, lors de sa conférence de presse du 24 août :

1. Réunion du Conseil de Sécurité, le 7 septembre. Il a été


consacré, on s'en doute, au maintien de la paix et à la sécurité,
et aux réformes nécessaires pour mieux assurer ces objectifs.
Il devait être aussi question de la désignation des membres de
ce Conseil, et du statut des « membres permanents ».
2. Réunion du Conseil économique et social, sur le
transfert de technologie et le développement.
3. Réunion des cinq membres permanents du Conseil de
Sécurité.
4. Forum de l'éducation des filles, organisé par l'UNICEF à
l'initiative de Mme Annan.
5. Rencontre Dialogue et Civilisations, organisé par
l'UNESCO à l'initiative du Président Khatami, de l'Iran.
6. Conférences d'ONG avec le Département d'Information
publique de l'ONU.
7. Conférence des présidents des parlements nationaux.
8. Rencontre des femmes parlementaires.
9. Forum de l'état du monde: Forum 2000.
10. Sommet mondial des Leaders spirituels et religieux
pour la paix [1 06 ] .
11. Septième conférence annuelle des jeunes hommes
d'affaires.
Le Sommet des Chefs d'État

Beaucoup retiendront de l'année 2000 qu'elle aura été l'année


Du Sommet réunissant à New York quelque 170 chefs d'État
ou de gouvernement, du 6 au 8 septembre. Couverte par près
de 6000 journalistes, cette brillante cavalcade était prévue
depuis trois ans. Elle devait être fortement médiatisée, grâce,
notamment, à la présence de personnalités à certains égards
aussi contrastées que MM. Fidel Castro et Bill Clinton.

Cette réunion s'est caractérisée par un flot de discours d'où


s'est d'abord dégagée une touchante unanimité. Tous étaient
d'accord pour affirmer la nécessité de lutter contre les
maladies, la pauvreté, l'ignorance, la violence, la pollution de
l'eau, la dégradation de l'environnement. Tous étaient en
faveur de la paix : c'est toutefois ici que des nuances
commençaient à apparaître. Russes et Chinois redoutaient des
ingérences dans leurs affaires intérieures, au nom des droits
de l'homme. En revanche, au nom de ceux-ci, Nord-américains
et Anglais inclinaient à relativiser quelque peu la souveraineté
nationale des autres. D'autres divergences se sont également
exprimées concernant la globalisation de l'économie mondiale.
Si M. Clinton a stigmatisé l'insuffisance de moyens dont
dispose l'ONU, par exemple pour maintenir la paix, il s'est bien
gardé d'annoncer que les USA paieraient les 1.700 millions de
dollars que son pays doit à l'Organisation. Le même M. Clinton
n'a pas davantage annoncé que les États-Unis allaient signer le
Protocole de Kyoto (1997) sur la protection de l'environnent.
Au cœur de cette réunion, le Cardinal Angelo Sodano,
Secrétaire d'État, a profité de cette circonstance exceptionnelle
pour remettre les pendules à l'heure[1 07 ] . Il a réitéré l'appui
du Saint-Siège à l'ONU, dans la mesure où celle-ci œuvre à la
paix, au développement, aux droits de l'homme, et qu'elle
respecte l'égalité des membres. Il a rappelé les réserves du
Saint-Siège à propos du contrôle démographique, des unions
de fait, des confusions concernant la famille.

Comme convenu d'avance, l'Assemblée, debout, a approuvé,


en une vibrante et sincère acclamation, une déclaration
glorieusement intitulée Nous, chefs d'État et de
gouvernement. Cette déclaration du 8 septembre entérine le
catalogue des bonnes intentions que nous avons énumérées ci-
dessus. Elle y ajoute la volonté de promouvoir la liberté et la
tolérance, l'égalité, la solidarité, la coresponsabilité, les droits
de l'homme et la démocratie. Elle réclame plus de moyens
pour garantir la paix. Elle proclame la volonté d'éradiquer la
grande pauvreté avant 2015, et, à la même échéance, de
réduire de plus de la moitié la mortalité maternelle et infantile.

Au regard d'événements moins répercutés dans les médias, le


Sommet du Millenium a été une gigantesque entreprise de
diversion, dans les deux sens ce terme. Il s'est agi, bien sûr,
d'un happening tape-à-l'œil, destiné à délasser les invités en
donnant à beaucoup l'illusion flatteuse qu'ils allaient engager,
pour mille ans, le sort de l'humanité. Mais il s'est également agi
d'une entreprise déviant l'attention que méritaient d'autres
événements nettement plus importants.
Nous devons également mentionner que le Sommet et
l'Assemblée générale du Millenium, ainsi que le bouquet de
réunions programmées à cette occasion, ont fait l'objet de 91
manifestations de contestation dans les rues de New
York[1 08] .
VERS UNE
CONCENTRATION DE
POUVOIR SANS PRECEDENT

La revue à laquelle nous venons de procéder ne porte que sur


quelques-uns des moments forts qui jalonnent l'année du
Millenium. Une première constatation s'impose avec force.
Agissant de son propre chef, ou, plus probablement, très
entouré au moment de prendre des décisions, le Secrétaire
général s'applique à ériger l'ONU en vivier d'une « élite »
mondiale souveraine, et à la transformer en lieu d'une
concentration de pouvoir sans précédent dans l'histoire. Déjà
les théoriciens de la guerre totale distinguaient les facteurs qui,
réunis en faisceaux, donnaient la mesure de la puissance des
nations antagoniques[1 09 ] . Classiquement, ces facteurs sont au
nombre de quatre : politique, économique, militaire et
psychosocial. Ce dernier facteur comporte les médias, le
savoir, les techniques, l'idéologie, le droit, la religion. Sous
couvert de « responsabilité partagée », de développement
durable, d'« incorporation au système légal international »,
l'ONU est en train de mettre sur pied un contrôle super-
centralisé des quatre facteurs, non pour faire face à quelque
défi qui lui viendrait d'une coalition de nations, mais tout
simplement pour régenter le monde et pour s'imposer à lui
comme centre incontesté gouvernant tous les facteurs de
pouvoir.
Ainsi, elle accroît son pouvoir politique en exténuant la
souveraineté des nations et en s'efforçant d'imposer la
primauté du droit international tel qu'elle le conçoit; elle ne
laisse aux gouvernements et aux parlements qu'un rôle
résiduel. L'ONU s'assure le partenariat des acteurs
économiques les plus puissants de la planète. Annonciatrice
d'un libéralisme autoritaire, cette alliance facilite le contrôle de
l'environnement, ainsi que la mainmise sur le droit commercial
et sur le droit du travail ; même les syndicats sont en bonne
voie de « récupération ». L'ONU entend également se donner
des moyens militaires renforcés dont on voudrait qu'ils ne
puissent servir qu'au maintien de la paix. Mais qui empêchera
que les droits de l'homme soient invoqués pour « justifier » des
ingérences abusives ? L'emprise de l'ONU s'étend également
dans les domaines regroupés autour du psychosocial. Qu'il
s'agisse du contrôle de l'information, de l'acquisition et de la
transmission du savoir, de l'accès aux nouvelles technologies,
ou encore des traités et conventions internationaux qui
coiffent les droits étatiques, de la Cour pénale internationale,
etc. : la tendance est toujours la même et vise la concentration
du pouvoir.

Dans une perspective sensiblement plus théorique, nous


reprendrons, dans notre deuxième partie, l'examen de cette
concentration sans précédent. Bornons-nous pour l'instant à
constater que le Millenium est utilisé par l'ONU comme une
nouvelle occasion de réaffirmer ses objectifs habituels :
développement durable ; contrôle de la population, de la santé,
du savoir, des ressources, des échanges internationaux, du
droit et des droits de l'homme. Le « partage de responsabilité
» est une nouvelle expression piégée qui signifie l'ONU ne se
satisfait plus de jouer une rôle subsidiaire[1 1 0] . Elle entend se
poser en centre de pouvoir mondial et se dote, peu à peu, de
tous les appareils de contrôle dont elle a besoin pour exercer
ce qu'elle estime être sa mission au cours du nouveau
Millénaire.
Chapitre IX

L'Europe arnaquée et fière de l'être

Il est bien connu que les USA usent et abusent de l'ONU pour
faire prévaloir leurs intérêts. Ils le font parfois avec un
cynisme confondant. L'opération « Tempête du Désert »,
menée contre l'Irak en décembre 1998, a montré le mépris
dans lequel les États-Unis pouvaient tenir l'ONU lorsque celle-
ci gênait leurs convenances. C'est une des raisons pour
lesquelles les USA ont refusé de signer le traité créant la Cour
pénale internationale. En revanche, chaque fois que cela leur
convient, c'est-à-dire fréquemment, les États-Unis se servent
de l'ONU comme d'un gigantesque instrument au service de
leur projet hégémonique mondial à peine camouflé sous
l'étiquette de la « mondialisation ».[1 1 1 ]
LA « TERREUR BLANCHE »

Le risque réel qui apparaît ici, c'est l'extension et la


généralisation, à l'échelle mondiale, du modèle juridique nord-
américain d'inspiration anglo-saxonne, au détriment des
modèles de tradition latine. Ce modèle anglo-saxon, si
accueillant à la coutume et à la jurisprudence, se prête
aisément à une utilisation du droit positif comme levier du
pouvoir. Tout au long de cet ouvrage, nous avons vu comment
ce modèle s'était installé à l'ONU à l'occasion de la promotion
des « nouveaux droits de l'homme »[1 1 2 ] .

L'Europe, complice et victime

Cependant, pour transformer l'ONU en machine de


colonisation « globale », les USA avaient besoin de la complicité
des autres pays riches ; pour des motifs obvies, celle du
Canada ne pose guère de difficultés. Il est plus étonnant qu'ils
aient obtenu sans peine celle de l'Europe, qui a consenti à être
la première communauté de nations à tomber dans la
nasse[1 1 3 ] . Cette neutralisation de l'Europe a été indolore et
elle le restera sans doute encore un certain temps : jusqu'au
moment d'un dur réveil. Il est donc nécessaire que nous
examinions le cas de l'Europe avec une attention spéciale.

Naguère, l'Europe a accepté de baisser sa garde en se


désarmant, psychologiquement et militairement, face au péril
communiste, pourtant persistant [1 1 4 ] . Elle manque encore
davantage de vigilance face aux périls venus de New York et
de Washington, qui menacent aujourd'hui son identité morale,
politique, culturelle et religieuse. En dépit de la divergence
d'intérêts économiques et même politiques, l'Union
européenne se laisse domestiquer par les USA dans la mesure
où elle renonce à la conception réaliste des droits de l'homme,
née chez elle, certes, mais dont la portée universelle a été
reconnue. Beaucoup de ses dirigeants et leaders d'opinions ont
intériorisé la conception nord-américaine — consensuelle — de
ces droits et du droit. Car, comme l'a montré magistralement
le célèbre professeur de Harvard mentionné ci-dessus, les
USA sont le laboratoire de cette nouvelle conception des droits
de l'homme et des instruments d'application qu'ils
appellent [1 1 5] . Selon la logique de leurs leaders actuels, les
USA doivent démanteler la conception traditionnelle des droits
de l'homme afin de pouvoir consolider, en leur faveur, l'«
éthique de la responsabilité »[1 1 6 ] , elle-même servie par un
positivisme juridique approprié.

L'Europe est ainsi devenue à la fois première victime et


complice d'un projet hégémonique mondial, dont le fer de lance
n'est plus la puissance militaire, ni même la puissance
économique, mais plutôt le droit positif. L'Union européenne se
trouve actuellement fort mal armée pour démasquer la
nouvelle conception du droit concoctée aux USA et répercutée
par l'ONU[1 1 7 ] . Car les soi-disant « nouveaux droits de
l'homme », et plus fondamentalement la nouvelle conception
du droit et des droits de l'homme, que l'ONU tente d'imposer à
toutes les nations et à tous les hommes, a pour référence le
modèle nord-américain. Dans ce modèle, les juges, pressionnés
par des lobbies féministes et homosexuels, ou par des loges
maçonniques violemment anti-chrétiennes[1 1 8] , ne se privent
pas d'inventer de soi-disant « nouveaux droits » individuels,
totalement fragmentés, privés de toute référence à la
personne et à l'homme comme être de relation.

Une arnaque idéologique

Au terme de cette nouvelle logique juridique, l'instrument


veillant à l'application de ces soi-disant « nouveaux droits » ne
peut être, à terme, qu'un gouvernement de juges
discrétionnaires, puisque eux-mêmes privés de repères qui
leur permettraient de discerner le bien ou le mal, le juste ou
l'injuste, le vrai du faux. Leur rôle, et le rôle de la Cour Pénale
internationale, pourrait donc consister à vérifier si les soi-
disant « nouveaux droits » sont respectés, et s'il n'y est pas fait
obstacle au nom de l'ancienne conception des droits de
l'homme — celle, réaliste, de 1948.

À cause de l'ONU et de la complicité coupable de ses membres


les plus riches et les plus influents, cette conception
démentielle du droit est en train d'étendre ses ramifications à
l'échelle mondiale. On comprend les pays du tiers-monde, en
particulier ceux du Groupe des 77, qui voient dans ces soi-
disant « nouveaux droits de l'homme » l'instrument le plus
sophistiqué de la domination du Nord sur les pays en
développement [1 1 9 ] . Même si ceux-ci ont tort de subodorer le
même piège dans la Déclaration de 1948, on ne saurait trop les
inciter à se rebeller contre les soi-disant « nouveaux droits de
l'homme », chef-d'œuvre d'arnaque idéologique. Aussi bien, à
terme, cette conception du droit, produit de l'oligarchie
argentée, contribuera puissamment au déclin des USA et de
l'Europe, mais auparavant, elle aura implanté ce qu'on a appelé
la « terreur blanche » et semé la mort, partout dans le monde.
LE RADICALISME EUROPEEN

La grogne bruxelloise

Lors de la Conférence Pékin+5, tenue du 5 au 10 juin 2000,


des positions prises par les délégués de l'Union européenne ont
frappé par leur radicalité[120]. Ces positions étaient parfois
plus radicales que celles affichées par le Canada ou les USA. On
sait que les pays riches n'ont guère été suivis lors de cette
conférence, et cet échec n'a pas été du goût des délégués de
l'Union[1 2 1 ] .

La grogne de l'Union européenne s'est fait entendre à


Bruxelles immédiatement après la Conférence[1 2 2 ] . Rendant
compte de leur participation, plusieurs déléguées et délégués
n'ont pas caché leur vive hostilité vis-à-vis des religions, qui
ont été entendues à New York. Cible de choix habituelle : la
religion catholique. Dans un bel exercice d'amalgame,
christianisme et islamisme étaient fustigés pour leur «
intégrisme » et leur « fondamentalisme ». Un amalgame qui
suppose soit une immense ignorance de la nature de chacune
de ces deux religions, soit une mauvaise foi qui, il est vrai,
n'étonne guère de la part de ceux qui font peu de cas de la
vérité.

Tout porte à croire que la prochaine conférence, ainsi que les


réunions préparatoires, seront le théâtre de nouvelles
attaques en règle contre l'Église catholique et contre le Saint-
Siège qui en assure la visibilité au plan international.

La Charte des Droits fondamentaux

Pour parer à l'échec relatif de « Women 2000 », la Charte


européenne des Droits fondamentaux va venir à point nommé.
On sait que cette Charte arrive au terme de son processus
d'élaboration[1 2 3 ] . Or certains rédacteurs de cette Charte
s'efforcent d'incorporer à celle-ci les « nouveaux droits de
l'homme » propagés par l'ONU. En cela, leur travail est rendu
relativement aisé en vertu de certaines dispositions du Traité
d'Amsterdam[1 2 4 ] .

Remarquons d'abord qu'à la demande de la France, la


référence au patrimoine religieux de l'Europe a été supprimée
dans le Préambule. Relevons ensuite que l'article 2, alinéa 1 de
cette Charte porte que « Toute personne a droit à la vie ».
Dans sa rédaction actuelle, cet article clé est tout simplement
inacceptable. Outre qu'il expose la notion de personne aux
interprétations les plus délirantes, cet article devrait préciser
que ce droit à la vie s'entend de la conception à la mort
naturelle. Le texte passe en particulier sous silence le
neuvième Considérant de la Convention des Nations Unies sur
les droits de l'enfant (1989) qui, en son neuvième Considérant,
prévoit pour ce dernier « une protection spéciale [...] avant
comme après sa naissance ». Il n'est donc pas étonnant que ce
texte porte « l'interdiction du clonage reproductif des êtres
humains » (article 3 § 2), mais qu'il reste muet sur le clonage
thérapeutique.

De plus, l'article 13 du Traité d'Amsterdam, portant sur les


discriminations, ouvre la voie à l'article 21 § 1 de la Charte. Ce
paragraphe « interdit toute discrimination » fondée sur
différents critères, dont l'« orientation sexuelle ». On réserve
ainsi une protection juridique aux homosexuels[1 2 5] . Cette
conception de l'« orientation sexuelle » déteint forcément sur
la conception du mariage et de la famille. Annoncé par l'article
7, l'article 9 porte que « Le droit de se marier et le droit de
fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en
régissent l'exercice » (nous soulignons). Autrement dit,
comme l'article 21 § 1 prévoit le choix de « l'orientation
sexuelle », les lois nationales devront incorporer le droit des
homosexuels à « se marier » et à « fonder une famille ». Les
unions les plus inattendues pourront donc, si les lois nationales
le permettent, jouir des mêmes droits que la famille, laquelle
est issue du mariage monogamique et hétérosexuel. Le texte
inquiète aussi par ses dispositions sur l'éducation des enfants.
Outre l'article 14 § 3, d'une obscurité étudiée, est proposé
l'article 24 § 3, consacré à la protection des enfants : cet article
ne mentionne même pas les devoirs des parents ! L'article 10 §
1 stipule que « le droit à l'objection de conscience est reconnu
selon les lois nationales qui en régissent l'exercice » (nous
soulignons). La Charte souscrit aussi à l'habituel « principe du
développement durable » (article 37), dont on sait qu'il
comporte le contrôle des populations. Enfin, à défaut de
mentionner la Déclaration de 1948, le texte fait allégeance au
droit et aux conventions internationaux : « Aucune disposition
de la présente Charte ne doit être interprétée comme limitant
ou portant atteinte aux droits de l'homme et libertés
fondamentales reconnus, dans leur champ d'application
respectif, par le droit de l'Union, le droit international et les
conventions internationales auxquelles sont partie l'Union [...]
» (art. 53).

En raison de son contenu et des chausse-trappes qui la


jalonnent, on voit difficilement comment un tel texte pourrait
être reçu sans être aussitôt contesté. Il pourra cependant être
invoqué pour faire pression sur les récalcitrants qui n'ont pas
introjecté les « Lumières » de l'ONU.

Avis aux récalcitrants

Ainsi, parmi les admonestations dont la Pologne est la cible,


celle de Lowe Dybkjær mérite d'être citée en raison de sa
clarté :

« Le rôle de la famille dans la vie des femmes constitue un


élément fondamental dans le contexte de l'égalité. La
perception de la responsabilité à l'égard des enfants est
essentielle pour déterminer le statut des femmes dans la
société. Dans nombre de pays candidats, le modèle
traditionnel des femmes dont le rôle est essentiellement d'être
au foyer est certes en grande partie un héritage de l'époque
communiste, mais il est de nos jours souvent renforcé par
l'Église d'État, en particulier en Pologne. Dans le passé, les
pouvoirs publics encourageaient les femmes à travailler, sans
pour autant négliger leurs devoirs familiaux, si bien que, pour
ces dernières, les semaines de travail pouvaient atteindre 70
heures. Une telle situation n'est pas non plus acceptable dans
une économie sociale de marché moderne. L'exercice de
"screening" mené à bien en Pologne a fait apparaître un
certain nombre de carences dans le domaine de l'égalité des
chances, notamment l'absence de dispositions législatives en
la matière, des lois interdisant l'avortement, des allocations
de chômage versées uniquement à l'élément masculin du
foyer, etc. »[1 2 6 ] .

Enfin, pour bien montrer à l'Univers que la promotion des «


nouveaux droits de l'homme » demande encore un effort,
l'Europe voit surgir çà et là des ballons d'essai préconisant la
légalisation de ce qui se pratique déjà : l'infanticide des
individus qui demandent trop de soins dans les unités de
néonatalogie[1 2 7 ] .

Le messianisme internationaliste

Que le « messianisme » européen, anti-famille et anti-vie, ait


des ambitions mondiales, c'est ce que déclarait M. Romano
Prodi. Le Président de la Commission, reconnaît avec modestie
que « le modèle d'intégration européen [... ] est un gisement à
exploiter pour la gouvernance mondiale ». Pour pouvoir jouer
ce rôle exemplaire, précise M. Prodi, la Commission devra « se
concentrer davantage sur les fonctions fondamentales ». Il en
énumère un certain nombre, les plus importants. Le
Parlement devra s'exprimer d'une seule voie sur la scène
mondiale, se donner une Constitution, et de toute façon une
Charte, contraignante, des droits fondamentaux.

Une telle Charte et de tels propos signifient que l'Europe


s'entête à programmer son propre déclin, déjà lisible dans son
effondrement démographique[1 2 8] . Un crash devant
permettre aux États-Unis — qui renouvellent leur population
— , d'envisager l'avenir avec sérénité, puisque, avec son indice
de fécondité de 1,4, la population de l'Europe vieillit, ne se
renouvelle pas et décline[1 2 9 ] .

Aussi bien, ce crash démographique de l'Europe se confirme,


puisque dès 2006 on prévoit que la capitale de l'Europe,
Bruxelles, comptera une population dont 50 % seront d'origine
étrangère, et que le même pourcentage sera atteint en 2015
dans les quatre villes les plus importantes de Hollande :
Amsterdam, La Haye, Rotterdam et Utrecht — les autres
grandes villes d'Europe devant atteindre de tels niveaux à la
même époque[1 3 0] .

En attendant cette échéance, le prosélytisme anti-famille et


anti-vie de l'Europe, arnaquée et fière de l'être, aura acquis à
celle-ci une hostilité générale de la part des pays pauvres. En
effet, si ceux-ci, notamment avec le Groupe des 77, continuent
à rejeter les programmes malthusiens que l'ONU présente
sous l'étiquette des « nouveaux droits », ils rejetteront encore
avec plus de vigueur ces programmes lorsqu'il sera patent
qu'ils reçoivent la caution et l'appui de ceux qui auraient dû
être les premiers à les dénoncer. L'Europe, cocufiée, pourra
mourir en paix ; elle aura poussé jusqu'au bout la mission
funèbre qu'elle s'est assignée. Elle aura dégagé la voie pour la
consolidation de l'Empire et pour le projet mondialiste
d'Internationale.
Chapitre X

Le Droit,
« légitimation » de la violence

La relecture onusienne des droits de l'homme conduit à faire


du droit un instrument visant à « légitimer » la violence et le «
don » de la mort. C'est ce que nous allons expliquer pour
conclure cette partie et faire la transition avec la deuxième.
L'AUTO-LIBERATION DE L'HOMME

Nous avons vu qu'à la racine de la conception des droits de


l'homme actuellement prêchée par l'ONU, on trouve une forte
exaltation de l'individu. Cependant, selon ce que Hobbes avait
prévu, ces droits des individus doivent être validés par le
Léviathan. Ainsi que nous le verrons bientôt, c'est dans cette
direction que Kelsen va développer sa théorie. La société doit
être construite à partir de ces individus totalement
autonomes, c'est-à-dire ne devant rien aux autres, n'ayant
aucun devoir ni aucune responsabilité vis-à-vis des autres. Ces
individus n'ont pas davantage besoin de se référer à un
quelconque Être transcendant. Ce libéralisme outrancier déifie
l'homme et, dans sa critique de l'aliénation religieuse,
Feuerbach mettra à nu cette vision matérialiste de l'homme
qui, pour se libérer, doit s'approprier la divinité. L'homme se
libère tout seul, et la première expression de cette auto-
libération se traduit dans le fait que, se donnant à lui-même les
lois de son propre agir, il peut modifier ces lois à son gré.

L'influence de la tradition nominaliste, si vivace dans les


milieux anglo-saxons, va potentialiser cet apport germanique
de Feuerbach. Selon cette tradition, les hommes n'ont somme
toute rien en commun, ni nature, ni valeurs. Ils sont singuliers,
individuels.

Élaboré par les philosophes, cet individualisme s'est d'abord


exprimé concrètement dans le domaine économique. Sous
l'influence d'une certaine lecture de la réalité naturelle qu'est le
marché va s'élaborer une vision réductrice de l'homme. Sans
doute doit-on admettre que le marché est le lieu des échanges,
de la compétition et de la concurrence. Où les choses
commencent à prendre une tournure inquiétante, c'est lorsque
le marché devient le lieu où s'opère une sélection des individus,
dont on retient qu'ils sont essentiellement producteurs-
consommateurs. Par là l'individualisme libéral ouvre la voie à
l'idéologie marxiste : l'infrastructure économique rend compte
de tout l'homme et de toute la société.

Cette vision économiciste de l'homme déteint dès lors sur


toute l'anthropologie, c'est-à-dire sur la conception générale de
l'homme. Puisque la logique libérale est individualiste, elle gèle
la sociabilité, et si elle gêne la sociabilité, elle ne peut qu'être
anti-famille. Malthus ne s'intéresse à la famille que parce que
celle-ci comporte des agents économiques plus ou moins utiles
dans le système de production-consommation. Dans la logique
malthusienne, il n'y a pas de place pour ce qu'on appelle
aujourd'hui les « personnes dépendantes », c'est-à-dire les
enfants et les vieillards. Pour les mêmes raisons, toujours dans
sa logique, il n'y a pas de place pour les pauvres.
LE REFUS DE LA FINITUDE

La mort et la guerre

L'individualisme libéral conduit ainsi l'homme au refus de ses


limites, au refus de la finitude et de la mort. L'autre est perçu
comme une limitation du moi individualiste. Il est un obstacle à
l'affirmation de ce moi. De même dans l'ordre de l'avoir : ce
que l'autre a, j'en suis privé, et cette privation fait obstacle à
mon existence, à la qualité de mon existence. Il faut donc
écarter tout ce qui semble faire obstacle à mon être, à mon
avoir, à ma vie. Rien ne doit être négligé de ce qui contribue à
maîtriser ma mort.

C'est en particulier pour cela que certaines décisions actuelles


de recherches biologiques de pointe reflètent l'idéologie
libéraliste ambiante. La manipulation des cellules et des tissus
devrait procurer une victoire de l'homme sur la mort et
assurer, en rappelant le mythe de l'éternel retour, une parodie
d'immortalité.

En fait, le double refus de la finitude et de la mort « légitime »


la violence implacable de l'individu. Violence vis-à-vis des
choses, que l'individu peut détruire à son gré dans la
consommation. Violence sexuelle de l'homme vis-à-vis de la
femme, qu'il faut captiver et assujettir ; mais aussi, théorisé
par les féministes radicales, empire de la femme exerçant sa
puissance sexuelle sur l'homme, qu'il faut séduire et subjuguer,
et dont il faut se venger en triomphant du « machisme ».
Violence générale vis-à-vis des autres, que l'individu fort peut
réduire en esclavage ou à qui il peut donner la mort. Violence
enfin de l'individu vis-à-vis de lui-même, s'il estime que c'est
dans le suicide qu'il trouve l'expression la plus élevée de sa
liberté individuelle —une façon paradoxale de nier sa finitude.

L'intérêt de la dialectique du Maître et de l'Esclave exposée


par Hegel[1 3 1 ] réside dans le fait que le célèbre philosophe
allemand voit dans le maître le prototype de l'individu
triomphant : le bourgeois libéral, maître de la vie et de la mort.
Toutefois, le philosophe d'Iena ne tarda pas à étendre cette
conception « seigneuriale », c'est-à- dire caractéristique du
seigneur et du maître, des relations entre les hommes aux
relations entre les sociétés. Par la guerre, la nation la plus
puissante s'impose aux autres nations. Et cette nation, un
moment victorieuse et dominatrice, doit accepter, en un
moment ultérieur, de se retirer de l'avant-scène de l'histoire.
Le droit doit entériner cette vision guerrière des relations
internationales.

On remarquera qu'ici se confère une fois de plus l'observation


de Soljénitsyne, selon qui, dans notre société, le droit tend à
phagocyter la morale[1 3 2 ] . En effet, à partir d'une morale
individualiste, caractéristique du libéralisme originaire, la
violence s'insinue dans le droit et s'y inscrit. En un premier
stade, la violence se manifeste dans le domaine économique, où
la « libre concurrence » déréglementée se charge de
marginaliser les compétiteurs malheureux. Mais déjà chez
Malthus, puis chez Darwin et Galton, la « libre concurrence »
déborde le domaine économique. Elle envahit la sphère de
l'existence des individus, devient « sélection naturelle » puis «
artificielle », avec élimination des moins aptes. Il faut en outre
admettre le même processus sélectif et éliminatoire entre les
nations. C'est ce qui ressort déjà de la pensée de Hegel et que
Spencer va développer. Le droit apparaît ici comme la
superstructure légitimant non seulement la violence de tous
les rapports, mais aussi le don de la mort, corollaire essentiel
du droit à la violence.

Le vertige de l'autodestruction

On est donc face à une situation paradoxale. D'une part, le


droit, gardien de l'égalité, et qui pourrait être le rempart
contre les outrances de l'individualisme, chasse ici toute
considération morale et donne sa justification à la force. Mais
d'autre part, la force est la source du droit.

Sous nos yeux, cette évolution atteint son paroxysme. Le droit


a actuellement la prétention démesurée de reconnaître la
légitimité du don de la mort. C'est ce qui se produit dans
l'avortement et dans l'euthanasie. Dans ce dernier cas, le droit
en arrive à susciter le désir de suicide assisté. Le droit
libéralise l'homicide de certains individus[1 3 3 ] . Il n'y aurait de
mort digne que de mort donnée. L'acte « seigneurial » par
excellence c'est le don de la mort ; la liberté souveraine
triomphe dans l'autodestruction déléguée. Il ne s'agit plus
tellement de justifier l'euthanasie par des considérations sur la
compassion, les souffrances intolérables ; il ne s'agit même plus
de l'euthanasie pour des raisons sociales et économiques.
L'euthanasie apparaît ici comme l'expression hautaine d'une
conception philosophique de l'homme dominée par la
fascination de la mort et par le vertige de
l'autodestruction[1 3 4 ] .

Il n'est pas étonnant qu'une société qui accepte un droit aussi


pervers passe de la destruction programmée des individus à la
destruction programmée d'elle-même. Cette double volonté
d'autodestruction, cette pulsion de mort est, à n'en point
douter, la cause principale du crash démographique de
l'Europe occidentale.
Deuxième partie

VERS LA
GOUVERNANCE MONDIALE
Chapitre XI

Kelsen à l'ONU

La Charte des Nations Unies, signée à San Francisco en 1945,


présente une dualité d'inspiration qui ne manque pas de
frapper. D'une part, référence est faite aux droits de l'homme.
Ceux-ci sont évoqués dans le Préambule, ainsi qu'aux articles
1, 3 ; 13, 1 b ; 55 c ; 62, 2 ; 76 c ; il y est fait allusion dans
d'autres articles. Cette référence avait été recommandée avec
insistance par plusieurs personnalités ou institutions parmi les
plus prestigieuses de l'époque[1 3 5] . Sous ce rapport, la Charte
ouvrait la voie à la Déclaration universelle de 1948.

D'autre part, à l'origine même de l'ONU, apparaît le rôle et le


statut prépondérant du Conseil de Sécurité, où les cinq
grandes puissances d'alors siègent de droit, de façon
permanente et chacune avec droit de veto. À l'ONU, c'est du
Conseil que dépendent toutes les décisions concernant la paix.
Face au Conseil, l'Assemblée générale réunit les représentants
des États « souverains », et l'« égalité » de ces États se reflète
dans le fait qu'ils ont chacun une voix. Cependant, comparés à
ceux du Conseil de Sécurité, les pouvoirs de l'Assemblée et de
ses membres sont limités[1 3 6 ] . Les changements ultérieurs
n'ont pas modifié fondamentalement cette structure générale.

C'est ici que se trouve la source du projet actuel d'instauration


d'un système de gouvernement mondial. La langue anglaise
utilise à ce propos le mot governance, que nous rendons par le
mot français quelque peu vieilli de gouvernance.
LA THEORIE « PURE »

Nous allons montrer dans cette partie que ce projet de


gouvernance trouve ses bases théoriques dans la philosophie
du droit développée par Hans Kelsen (1881-1973), dans son
système de normes, dans sa conception pyramidale du
droit [1 3 7 ] . Nous allons donc suivre les principales étapes de la
Théorie pure. Il n'est pas exagéré d'affirmer que les
conceptions onusiennes des « nouveaux droits de l'homme »,
du consensus, de l'internationalisme et de la plupart des autres
thèmes que nous avons rencontrés trouvent leur source dans
cette théorie du droit intégralement rationaliste et positiviste.
Bien entendu, Kelsen n'a probablement pas eu connaissance de
cet usage pervers qui était fait de sa pensée dans les milieux
de l'ONU. Tout au plus a-t- il pu envisager cette possibilité. Il
n'en reste pas moins que l'ouvrage capital de Kelsen, dont
l'influence continue à s'exercer sur les juristes du monde
entier, est un guide incontournable pour comprendre les
dérives actuelles de l'ONU. Cela est d'autant plus patent qu'on
sait que le professeur viennois de Berkeley a influencé la
rédaction de la Charte.

Dans les pages qui suivent, nous nous baserons exclusivement


sur le dernier état de la Théorie pure. La traduction française
a reçu de Kelsen lui-même « les plus vifs et cordiaux
remerciements » (p. 1). Comme l'explique l'auteur, la première
esquisse de cet ouvrage remonte à 1911. La première édition
de la Théorie date de 1934. La seconde édition date de 1960 et
la traduction d'Eisenmann a été publiée pour la première fois
en 1962. Le texte de cette traduction présente donc le dernier
état de la Théorie pure. C'est la raison pour laquelle nous
utilisons cette version. Nous en utilisons l'édition de 1999. Le
texte traduit a bénéficié de nombreux changements et ajouts,
apparaissant surtout sous forme de notes, dus à Kelsen lui-
même. Les amateurs de thèses pourront étudier l'influence de
Kelsen à l'ONU en explorant les autres écrits nombreux où le
maître expose sa conception du droit et en particulier du droit
international.

Un rationalisme intégral

Comme tous les novateurs, Kelsen est confronté avec les


positions de ses prédécesseurs. Sans doute ne consacre-t-il nul
développement important à les exposer ou à les discuter. Il ne
s'attarde pas à épiloguer sur Cicéron, Victoria, Grotius, Hobbes
ou Locke. Même Hegel n'est pas vraiment discuté. Esprit
brillant, froid et prolixe, Kelsen rappelle quelque peu le
rationalisme de Spinoza, la clarté en plus. Il n'a qu'un seul souci
: exposer la seule théorie scientifique du droit, la sienne.
Toutes les autres théories sont dénoncées comme pré-
scientifiques : elles confondent droit et morale, droit et
politique, droit et histoire, etc. Kelsen débusque les sophismes
qui n'ont qu'une apparence logique (p. 334), les glissements de
l'antériorité historique à l'antériorité logique (p. 327). Il peut
ainsi faire table rase de l'histoire de l'internationalisme. Les
auteurs qui sont honorés d'une mention sont très rares.
L'histoire politique et diplomatique n'est nullement prise en
compte.

Quant à la référence à une anthropologie quelconque, ou à


l'histoire — en particulier celle des droits de l'homme —, ou à la
morale — notamment à une théorie de la justice — , ou à la
religion — pensons à son message de fraternité — , ou à la
psychologie — si éclairante, par exemple, pour les questions de
responsabilité —, etc. on n'en trouve pas la moindre trace.
Tout se passe comme si ce faisceau de facteurs n'avait exercé,
ni n'exerçait, ni ne devait exercer la moindre influence sur le
droit. Le droit est une construction purement formelle, sans
égard aucun pour les questions de contenu. « Le droit [règle[
la procédure par laquelle il est lui-même créé. » (p. 60). Seul
intéresse Kelsen le système de production des normes, leur
validité, les obligations qui s'ensuivent. « Il faut rejeter toute
définition du droit qui ne le caractérise pas comme un ordre de
contrainte » (p. 60). Tel est le prix à payer pour en arriver,
enfin, à une théorie du droit d'une pureté scientifique
irréprochable[1 3 8] .

Réduction et dissolution

Bien plus, poursuivant sa réduction jusqu'au bout, Kelsen vide


a priori le droit subjectif de toute pertinence. La théorie pure
du droit élimine le dualisme entre le droit entendu au sens
subjectif, c'est-à-dire le sujet de droit (personne physique ou
juridique, avec leurs droits et leurs obligations) et le droit
entendu au sens objectif, c'est-à-dire l'ordre juridique, à savoir
un système de norme (cf. p. 190). Ce droit subjectif n'est
qu'une retombée de la norme, qui, sous peine de sanction,
oblige l'individu à se comporter selon la norme (cf. pp. 173-
175). En outre, après avoir rappelé la distinction faite par la
doctrine traditionnelle entre la personne physique, personne «
naturelle », et la personne juridique, personne « artificielle »,
Kelsen conclut que « c'est en réalité la "personne physique"
qui est, elle aussi, une construction artificielle de la science du
droit, qu'elle n'est, elle aussi, qu'une personne "juridique" » (p.
173). Conséquent avec lui-même, Kelsen va même jusqu'à
affirmer que « la théorie pure du droit [... ] dissout le concept
de personne, parce qu'elle montre qu'il répond simplement à
la personnification d'un complexe de normes juridiques » (p.
190).

On remarquera tout de suite que cette conception de la


personne physique ruine totalement, jusqu'en sa racine, toute
possibilité d'invoquer ces droits de l'homme, qui auraient été
déclarés réels. Le formalisme kelsénien rend de telles
déclarations impensables. Le concept de personne étant
dissous, seul l'État peut décider de personnifier. Il le fera «
artificiellement », par « complexe de normes juridiques
contraignantes ». L'homme ne peut exister que comme
personne artificielle par la grâce de l'ordre juridique,
contraignant, s'identifiant à l'État.

C'est ainsi que selon le positivisme juridique strict issu de


Kelsen, des normes peuvent être édictées, soumettant la vie et
la mort dans leur définition même à des actes de droit [139].
Kelsen lui-même illustre son propos. Il envisage la possibilité
d'esclaves « qui n'auraient pas de personnalité juridique » (p.
173). Non seulement il n'y a plus de place pour la
reconnaissance, par l'État, d'un droit inaliénable de tout être
humain à la vie, mais en outre la dignité de l'être humain
variera suivant les normes, ruinant ainsi a priori les idées
d'universalité et celle d'égale dignité des hommes. De même
pour la famille : « La famille aussi est, en tant que collectivité
juridique, plus ancienne que l'État qui comprend plusieurs
familles, qui est centralisé ; et cependant c'est bien sur l'ordre
étatique que repose aujourd'hui la validité de l'ordre juridique
familial » (p. 327).

On constatera que Kelsen offre par là des bases théoriques que


ne se privent pas d'utiliser les partisans de l'avortement et de
l'euthanasie. Des bases auxquelles se réfèrent aussi les
idéologues de l'orientation sexuelle, des unions entre
personnes de même sexe, des « familles monoparentales »,
etc.

La norme

La question de la norme est centrale dans la Théorie pure. Le


droit ordonne des normes : il est une question de
commandement, d'ordre, de volonté.

« La norme exprime [...] qu'un homme doit se conduire d'une


certaine façon » (p. 13). » « Dire qu'une norme objectivement
valable ordonne à un homme un certain comportement
équivaut à affirmer que cet homme est obligé au
comportement en question. [...] S'il adopte une conduite
contraire, il "viole" la norme, ou — c'est tout un — son
obligation » (p. 23). « La norme considérée comme
objectivement valable joue le rôle d'étalon de valeur pour les
conduites effectives » (p. 25).

La question de la vérité fondatrice de la norme n'a ici aucune


pertinence :

« Pour une théorie scientifique des valeurs, seules entrent en


ligne de compte des normes posées par des actes de volonté
humaine et des valeurs fondées par elles » (p. 26). « Les
normes [...] ne sont ni vraies ni fausses ; elles sont seulement
valables ou non-valables » (p. 27).

Le non-respect des normes exige des actes de contrainte, seuls


légitimes, qu'il appartiendra à l'État d'exécuter parce qu'il
représente l'ordre juridique (pp. 41, 43). Il doit dans ce but
disposer de tribunaux et d'organes exécutifs :

« La sécurité collective atteint son degré maximal lorsque


l'ordre juridique institue à cet effet des tribunaux à
compétence obligatoire et des organes exécutifs centraux qui
disposent des moyens de contrainte nécessaires dans une
mesure telle que normalement toute résistance est vaine »
(pp. 45 s.).

D'ores et déjà, il apparaît que les cours de justice et les agences


peuvent poser des actes de volonté donnant lieu à des
obligations et à des actes légitimes de contrainte.

« La validité objective d'une norme selon laquelle un homme


doit se conduire conformément à la signification subjective
de l'acte de volonté d'un autre homme concernant sa
conduite ne résulte [...] pas du fait positif, réel, qu'est cet acte
de volonté ; elle résulte, elle ne peut résulter que d'une autre
norme » (p. 17).

La coutume et le consensus

Kelsen ajoute aussitôt que « des normes par lesquelles une


conduite est déclarée obligatoire [...] peuvent être posées par
des actes qui constituent la coutume » (p. 17). Voilà qui permet
de comprendre pourquoi, dans les milieux de l'ONU, on
attribue tant d'importance au consensus.

Rappelons-nous ce que nous avons vu à propos de la


transgression[1 4 0] . Un médecin, par exemple, procède à un
avortement. Il se rend coupable d'une transgression du droit à
la vie, proclamé dans l'article 3 de la Déclaration de 1948 et
codifié dans la plupart des législations étatiques. Les juges
doivent donc connaître de cette transgression, de ce délit ou de
ce crime ; ils doivent décider : sanctionner. Mais les cas de
transgression se multiplient ; il y a surenchère à la
provocation. Les médias travaillent l'opinion publique ; les
pressions se multiplient. Les ONG donnent de la voix ; leur
rôle dans la vie publique va croissant. Les juges poursuivent de
moins en moins. Procédant tranche par tranche, la pratique
délictueuse est tolérée et bientôt admise. Un précédent se crée
: les juges ne poursuivent plus. Un consensus naît dans
l'opinion publique. « C'est entré dans les mœurs ».

Dans les pays de tradition latine, où la loi est source de droit, il


faudrait poursuivre. Mais comme dans ces pays, la coutume
est aussi source, quoique secondaire, de droit, ce qui se fait,
selon le schéma évoqué ci-dessus, est de plus en plus invoqué
non seulement pour juger un cas d'espèce, mais pour réclamer
un changement de la loi. De fait, les parlements finissent par
dépénaliser, libéraliser. Sur la question fondamentale de la
source du droit, la coutume l'emporte sur la loi qui codifiait le
droit inaliénable à la vie. Le changement ainsi opéré introduit
une altération quasi imperceptible mais cependant radicale
dans la nature du droit législatif. En effet, selon cette
conception du droit, la coutume peut être à l'origine d'une règle
juridique, mais à condition toutefois qu'elle n'aille pas à
l'encontre de la loi codifiée.

Dans les pays de tradition anglo-saxonne, les choses sont en


quelque sorte plus simples : la common law, qui n'est pas
codifiée, laisse un large espace ouvert à l'interprétation
subjective des juges et à l'appréciation, par ceux-ci, des
motivations subjectives dans les causes où ils ont à trancher.
Dans ces pays, l'influence de la coutume dans la formation des
normes générales est encore plus grande. L'absence de lois
codifiées, comme origine des normes, fait que
« Le système du droit coutumier est particulièrement
favorable à la formation d'une jurisprudence précédentielle.
Aussi est-il compréhensible que celle-ci se soit développée
particulièrement dans le domaine de la common law anglo-
américaine, qui est, pour l'essentiel, du droit coutumier » (p.
253).

Sur ce point, Kelsen n'hésite pas à s'approcher de la conception


sociologique du droit. La norme devrait refléter ce que font les
membres du groupe. Le consensus est l'expression de la
volonté générale. Kelsen offre même, avant la lettre, une
légitimation à la « contagion mimétique »[1 4 1 ] .

« Initialement, les actes qui constituent le fait de la coutume


n'ont pas signification subjective de Sollen. C'est seulement
quand ces actes se sont répétés pendant un certain temps que
naît chez l'individu pris isolément la représentation qu'il doit se
conduire comme les membres de la communauté ont
l'habitude de le faire, et la volonté que les autres membres du
groupe adoptent cette même conduite. Si un membre du
groupe ne le fait pas, sa conduite est blâmée par les autres,
parce qu'il ne se conduit pas comme ceux-ci le veulent. C'est
ainsi que le fait de la coutume devient une volonté collective
ayant la signification subjective de Sollen. Mais cette
signification subjective des actes qui fondent la coutume ne
peut être interprétée comme une norme objective valable que
si la norme supérieure institue la coutume comme fait créateur
de normes » (p. 17).
Les thèmes de Kelsen sur la coutume et sur la norme tendent
à généraliser la coutume, c'est-à-dire des usages généralisés et
répétés dans le temps, comme source exclusive du droit. Celle-
ci donne origine à des normes qui devront être validées par
d'autres normes, de degré supérieur. Par son acharnement à
rechercher le consensus, spécialement dans le domaine des «
nouveaux droits de l'homme », l'ONU tend à faire de même. Et
elle attend des Conventions qu'elles garantissent leur validité.
C'est pourquoi, dans pareil système, le respect de la norme
s'accompagne d'obligations et le non-respect de la norme
appelle des sanctions.
LA PYRAMIDE
DE L'ORDRE JURIDIQUE

Dans le système de Kelsen, l'État et le droit sont non


seulement inséparables mais identiques (cf. pp. 281-310). La
souveraineté est inhérente à l'État qui, seul, dit le droit (cf.
235). L'État a, seul, le pouvoir de la contrainte légitime (p. 61).
L'État est de droit ; il est le droit. L'État s'identifie au droit
parce qu'il est ordre et commandement dans la société ; il doit
régler l'usage de la force dans les relations humaines (cf. 12,
41-46).

Un système de normes

Notamment par ses tribunaux et par son administration, l'État


est l'origine de normes assorties d'obligations. Les normes sont
l'expression juridique de la volonté de l'État. Celui-ci organise
ces normes juridiques en un système. À ce stade de notre
analyse, le mot système ne doit pas être pris au sens concret
que nous trouverons ultérieurement [1 4 2 ] . Par système, il faut
entendre ici un ensemble de propositions juridiques considéré
dans sa cohérence rationnelle plutôt que dans sa
correspondance avec la réalité. C'est ce qui pousse Kelsen à
écarter les faits, les contenus, les doctrines dans la mesure où
celles-ci ne s'accordent pas à sa théorie. Ce que recherche
Kelsen, c'est la solidarité logique des normes[1 4 3 ] . Celles-ci
sont reliées entre elles logiquement et ordonnées de façon
pyramidale. En vertu de cette conception pyramidale des
normes, Kelsen affirme l'existence de différents niveaux de
normes[1 4 4 ] . Voici ce qu'il écrit à ce sujet :

« En accord avec le caractère dynamique de l'unité des


ordres juridiques, une norme est valable si et parce qu'elle a
été créée d'une certaine façon, celle que détermine une autre
norme ; cette dernière constitue ainsi le fondement immédiat
de la validité de la première. Pour exprimer la relation en
question, on peut utiliser l'image spatiale de la hiérarchie, du
rapport de supériorité-subordination. La norme qui règle la
création est la norme supérieure, la norme créée
conformément à ses dispositions est la norme inférieure.
L'ordre juridique n'est pas un système de normes juridiques
placées toutes au même rang, mais un édifice à étages
superposés, une pyramide ou hiérarchie formée (pour ainsi
dire) d'un certain nombre d'étages ou couches de normes
juridiques. Son unité résulte de la connexion entre éléments
[...]. Cette démarche régressive débouche finalement sur la
norme fondamentale, — norme supposée. La norme
fondamentale hypothétique — en ce sens — est par
conséquent le fondement de la validité suprême, qui fonde et
scelle l'unité de ce système de création » (p. 224).

Le symbolisme pyramidal

L'image de la pyramide utilisée par Kelsen est à la fois


fascinante et troublante. Cette image peut être entendue en
deux sens. Elle peut évoquer le type de construction
architecturale dont les plus célèbres se trouvent en Égypte. La
pyramide classique est alors un solide composé d'une base
carrée et de quatre triangles convergeant vers un sommet
commun. Cette pyramide comporte plusieurs degrés, plusieurs
étages. Elle évoque la puissance se concentrant de la base au
sommet.

D'autre part, les spéculations sur la pyramide ont fleuri dans la


tradition pythagoricienne. Selon celle-ci, la tetraktys, c'est le
nombre parfait 10, nombre quaternaire formé par l'addition
des quatre premiers nombres : 1+2+3+4. Pour cette tradition,
c'est le fondement de toute chose[1 4 5] .

Cette tetraktys peut se représenter de deux façons. Tout


d'abord comme une figure géométrique plane, formant un
triangle équilatéral dont les côtés représentent le nombre 4.
Ensuite, partant de la base pour aller vers le sommet, on a la
représentation du nombre 3, puis à l'étage suivant, le nombre
2, et enfin, au sommet, le nombre 1. L'ensemble constitue donc
la totalité, la perfection. Celle-ci est donc composée de trois
étages superposés.

Toutefois, la tetraktys peut aussi faire l'objet d'une


représentation dans l'espace. Elle évoque alors un tétraèdre
régulier, c'est-à-dire un solide délimité par quatre triangles
équilatéraux égaux. Un de ces triangles est cependant toujours
invisible, caché. Il forme la base de la pyramide et évoque
l'entrée vers la connaissance du fond des choses[1 4 6 ] .
Kelsen ne s'est pas expliqué sur les raisons pour lesquelles il
avait fait appel à l'image de la pyramide pour exposer sa
théorie. Cependant, quelle que soit l'interprétation à laquelle
on recoure, toutes convergent vers les mêmes conclusions : les
normes ne sont pas toutes de même degré, elles sont
hiérarchisées ; de degré en degré, elles expriment la puissance
qui se concentre en un sommet, et cette concentration indique
le super-État, l'État mondial unique vers lequel nous entraîne
sa théorie pure.

Rien n'interdit en tout cas de penser qu'en évoquant la


pyramide, Kelsen ait fait un clin d'œil, et peut-être même
davantage, à un symbolisme maçonnique connu[1 4 7 ] .
Certaines loges, dit-on, se rattacheraient aux mystères de
l'Égypte ancienne ; d'autres accueillent des spéculations
pythagoriciennes sur les nombres. Dans tous les cas, on sait
que la figure du triangle, caractéristique de la pyramide, est
classique dans le symbolisme des loges.

Quel que soit le niveau auquel on considère la pyramide, la


norme juridique n'y est pas obligatoire en raison de son
contenu, ou parce qu'elle serait conforme à la justice, ou encore
parce qu'elle serait référée aux droits de l'homme. Elle est
obligatoire en fonction de sa cohérence logique avec la
procédure de production des normes juridiques. Or la règle
fondamentale de cette production, c'est que ces normes
procèdent du droit étatique, celui-ci du droit international, et
ce dernier de la norme fondamentale suprême. Ce formalisme
intégral de Kelsen est donc susceptible de légaliser, et de
légaliser a priori, n'importe quel contenu.

« Une norme juridique n'est pas valable parce qu'elle a un


certain contenu, c'est-à-dire parce que son contenu peut être
déduit par voie de raisonnement logique d'une norme
fondamentale supposée, elle est valable parce qu'elle est
créée [...] d'une façon qui est déterminée par une norme
fondamentale, norme supposée. [...] Il suit de là que
n'importe quel contenu peut être droit. Il n'existe pas de
conduite humaine qui serait exclue, comme telle, en raison de
son fond, de la possibilité de devenir le contenu d'une norme
juridique » [...] (pp. 197 s.).

La norme fondamentale

Une fois que Kelsen conçoit le droit comme un système


pyramidal de normes, il est confronté à la question : « Qu'est-
ce qui fonde l'unité d'une pluralité de normes ? » (p. 193). «
Pourquoi une norme fait-elle partie d'un ordre déterminé ?
[...] Pourquoi une certaine norme est-elle valable ? » (p. 194).
La réponse de Kelsen, d'inspiration clairement kantienne, est à
première vue surprenante. Mais, en raison de ses propres
prémisses, il ne pouvait y couper :

« La norme qui constitue le fondement de la validité d'une


autre norme est, par rapport à celle-ci, une norme
supérieure. Mais il est impossible que la quête du fondement
de la validité d'une norme se poursuive à l'infini [...]. Elle doit
nécessairement prendre fin avec une norme que l'on
supposera dernière et suprême. En tant que norme suprême,
il est impossible que cette norme soit posée. [...] La norme
suprême ne peut donc être que supposée. [...] Le fondement
de sa validité ne peut plus faire l'objet d'une question ». [...] «
Toutes les normes dont la validité peut être rapportée à une
seule et même norme fondamentale forment un système de
normes, un ordre normatif. La norme fondamentale est la
source commune de la validité de toutes les normes » [...]
(pp. 194 s. ; cf. p. 235).

La norme s'impose donc en raison de la validité que lui confère


une norme d'ordre supérieur. Selon les cas, elle doit être obéie
par les individus ou par les corporations, la désobéissance
pouvant entraîner des sanctions. Seul « le droit, entendu
comme simple "idéologie" » peut considérer le Sollen sans
signification. Le droit a en effet le pouvoir d'exiger des devoirs.
Kelsen développe à ce propos une variation sécularisée sur le
thème luthérien du Beruf, du devoir, de l'appel à servir, qui
fonde l'obéissance aveugle, à la façon de l'impératif kantien qui
fonde le devoir sur le devoir. Kelsen ajoute cependant que la
norme, plus précisément l'ordre normatif, fonde l'État.

« En tant qu'organisation politique, l'État est un ordre


juridique. [...] relativement centralisé » (p. 281). [...] « L'État
est une corporation, c'est-à-dire une collectivité qui est
fondée par un ordre normatif ; [...] L'ordre qui fonde cette
collectivité est l'ordre juridique qui est qualifié d'ordre
juridique national ou étatique, par opposition à l'ordre
juridique international » (p. 285).
Finalement, en raison de la place de la pyramide dans la
symbolique maçonnique, il n'est pas exclu que cette
architecture ait été retenue pour suggérer la concentration du
pouvoir au profit de la franc-maçonnerie[1 4 8] . Pour la
deuxième fois dans l'histoire contemporaine, l'œuvre de Kelsen
prendrait alors une dimension inquiétante : elle pourrait être
interprétée comme offrant un fondement théorique à la prise
de pouvoir mondial par la franc-maçonnerie[1 4 9 ] .
Chapitre XII

Le droit étatique
et le droit international

La question de la norme fondamentale, touchée au chapitre


précédent, se pose d'abord au niveau du droit étatique, mais
elle se pose également au niveau du rapport entre le droit
étatique et le droit international.

Vers l'État mondial

Deux écoles sont ici en présence. D'abord celle qui donne la


primauté à l'ordre juridique étatique. Selon cette théorie, « la
validité du droit se trouve dans la norme fondamentale
supposée qui se rapporte à une Constitution étatique efficace
». Le droit international est dans ce cas « une fraction de cet
ordre juridique étatique que l'on se représente comme
souverain » (p. 217).

Selon l'autre théorie, qui a la faveur de Kelsen, « le droit


international est un ordre juridique supérieur à tous les ordres
juridiques étatiques, qui délimite leur domaine de validité
respectif, qui seul est souverain, — c'est la théorie de la
primauté de l'ordre juridique international. Effectivement, ce
droit international contient une norme qui constitue le
fondement de la validité des ordres juridiques étatiques » (p.
217).

Kelsen pousse cependant plus loin l'analyse de cette


distinction.

« Le droit international se compose de normes qui ont été


initialement créées par des actes d'États [... ] pour régler les
relations inter-étatiques, et cela par voie de coutume (p. 314).
Ce sont les normes du droit international dit général parce qu'il
oblige et habilite tous les États. L'une d'entre ces normes
présente une particulière importance [...] Pacta sunt servanda
(Les pactes doivent être respectés). [...] C'est le droit
international conventionnel. Actuellement, [... ] ce droit a le
caractère de droit simplement particulier : les normes qui le
composent valent [... ] seulement soit pour deux États, soit un
groupe d'États.

« Il faut observer à cet égard que le droit international


conventionnel et particulier et le droit international coutumier
et général ne doivent pas être considérés comme des groupes
de normes coordonnées, c'est-à-dire de rang et valeur égaux :
la base du premier groupe est une norme du second groupe ;
c'est-à-dire que le second constitue un étage ou degré
supérieur au premier.

« Et si l'on prend en considération les normes juridiques qui


sont créées par les tribunaux internationaux et par d'autres
organes internationaux créés par traité, alors apparaît dans la
structure du droit international un troisième étage ou degré.
Car les fonctions de tels organes créateurs de normes de droit
international ont leur base dans un traité international, c'est-
à-dire sur des normes qui appartiennent au deuxième degré
de la pyramide du droit international. Mais étant donné que
celui-ci — le droit international conventionnel créé par voie
de traité entre États — repose sur une norme du droit
international coutumier général, qui constitue la couche
relativement la plus élevée, il faut nécessairement admettre
[...] que la norme fondamentale supposée d'un droit
international est une norme qui fait de la coutume fondée par
la conduite mutuelle des États un mode de création du droit »
(pp. 314 s.).

On remarquera ici que le rôle attribué à la coutume dans la


formation du droit étatique est étendu à la création du droit
international. Autrement dit, si le consensus est origine du
droit étatique, il l'est aussi du droit international. Les
tribunaux internationaux et les fonctionnaires internationaux
sont, eux aussi, origine de droit. L'efficacité de ce droit
international s'exprimera dans les obligations qu'il requerra et
dans les sanctions qu'il imposera et fera appliquer.

« Le droit international accuse [...] en tant qu'ordre de


contrainte, le même caractère que le droit étatique ; mais il se
distingue néanmoins de celui-ci, et il présente une certaine
analogie avec le droit des sociétés primitives par le fait que,
tout au moins en tant que droit général obligeant tous les
États, il n'institue pas d'organe spécialisé pour la création et
l'application de ses normes. Il se trouve encore en un état de
décentralisation extrêmement poussé. Il en est seulement au
début d'une évolution que le droit étatique a derrière lui
depuis des siècles. Les normes générales sont créées par voie
de coutume et par traité » (pp. 313 s.).

Inversion du principe de subsidiarité

Cette conception du droit international entraîne la


subalternation du droit étatique au droit international. Elle
comporte donc une limitation stricte de la souveraineté des
États, par exemple dans le cadre d'une fédération mondiale, ou
encore la dissolution de cette souveraineté dans le cadre d'un
super-État mondial unique auquel seul serait attachée la
souveraineté :

« ... Le "droit international" sera véritablement un droit s'il est


un ordre de contrainte de la conduite humaine supposé
souverain — s'il attache à la condition de faits déterminés par
lui la conséquence d'actes de contraintes définis par lui, et si
par suite il peut être décrit en propositions de droit, de même
que le droit étatique » (p. 311).

La conception de la norme fondamentale selon Kelsen désigne


cet État mondial comme un horizon vers lequel il faut tendre
nécessairement. C'est là une nécessité logique postulée par
l'identité même de l'État et du droit. Ce dernier apparaît donc
comme l'instrument de l'unification et de la centralisation
d'une société globale moins caractérisée par son
internationalisme que par son supranationalisme. Kelsen
s'exprime à ce sujet avec une clarté totale :

« Toutes les transformations de technique juridique que l'on


vient d'évoquer tendent, en dernière analyse, à estomper puis
effacer la ligne-frontière qui sépare le droit international et le
droit étatique, en sorte que la fin ultime de l'évolution du droit,
qui va vers la centralisation croissante, apparaît être l'unité
organique d'une communauté universelle ou mondiale, fondée
sur un ordre juridique, ou, en d'autres termes, la formation
d'un État mondial » (p. 318).

Nous nous trouvons ici non seulement en présence d'un


accaparement de la souveraineté par le super-État, mais, en
plus d'une inversion perverse du principe de subsidiarité. Ce
n'est pas le super-État qui joue un rôle subsidiaire vis-à-vis
des États particuliers, ce sont ceux-ci qui jouent ce rôle vis-à-
vis du premier. En dehors de l'ONU, tel était déjà un des
problèmes majeurs posés par le Traité de Maastricht (1992) ;
ce problème est encore devenu beaucoup plus préoccupant
depuis le Traité d'Amsterdam (1997)[1 50] . Si l'on part, comme
le veut Kelsen, de la validité du droit international, le
fondement de la validité de l'ordre juridique étatique doit
nécessairement être trouvé dans l'ordre juridique
international. Et Kelsen, que nous venons de paraphraser,
conclut :

« Les ordres juridiques étatiques doivent être conçus comme


des ordres juridiques partiels, délégués par le droit
international et par là même subordonnés ou inférieurs à lui »
(p. 325).

De là suit que les tribunaux internationaux auront


nécessairement un pouvoir supérieur à celui des tribunaux
étatiques. Voici comment, selon Kelsen, les juges doivent
collaborer, avec les fonctionnaires, à l'affirmation du super-
État :

« La "contrariété à une norme" ne signifie pas un conflit entre


la norme inférieure et la norme suprême, mais signifie
seulement que la norme inférieure est annulable ou qu'un
organe responsable de son édiction est punissable » (p. 320).

Le cas de la Pologne, qui a été évoqué ailleurs[1 51 ] , fournit un


bel exemple de ce que requiert le super-État kelsénien. Une
société étatique qui refuse de libéraliser l'avortement ébranle
le consensus international, indispensable à la formation du
droit coutumier. Alors, il ne suffit pas de menacer l'État
particulier — dans notre exemple, la Pologne — d'être mis au
ban du super-État (celui-ci fût-il simplement en formation). Il
faut déjà affirmer la souveraineté de ce super-État et
manifester son efficacité en agitant la menace de sanctions
contre l'État « dissident » et en s'ingérant dans ses affaires
internes.

Des instruments mis au point pour exercer ces sanctions et


pour dire aux États particuliers — comme aux personnes —
quel est leur droit, existent déjà. On les reconnaît dans la Cour
pénale internationale[1 52 ] ou dans la Déclaration en faveur des
défenseurs des droits de l'homme[1 53 ] .

« Si l'on part de la validité du droit international, qui ne


demande aucune reconnaissance de la part de l'État, une telle
disposition ne signifie pas la mise en vigueur du droit
international pour l'État considéré ; elle signifie sa
transformation en droit étatique par une clause générale ». [...]
« Une telle transformation est nécessaire si, d'après la
Constitution, les organes de l'État, en particulier les tribunaux,
ne sont habilités à appliquer que le droit étatique, et par suite
ne peuvent appliquer le droit international que si et lorsque
son contenu a été revêtu d'une forme de droit étatique [...]
c'est-à-dire transformé en droit étatique » (p. 325).

La dissolution de l'État

Comme nous l'avons vu précédemment [1 54 ] , la théorie pure


aboutit, de l'aveu même de Kelsen, à la dissolution de la
personne. Nous pouvons constater maintenant qu'en raison de
sa conception du droit international, cette même théorie
aboutit à la dissolution de l'État. Tout d'abord, l'État n'a
d'existence qu'en raison de son inhérence à l'ordre juridique
international :

« L'État apparaît comme déterminé dans son existence


juridique par le droit international [...] ; il apparaît donc
comme un ordre juridique délégué par l'ordre juridique
international. [...] Seul l'ordre juridique international est
souverain ; aucun ordre étatique ne l'est. [...] La validité de
l'ordre des États-membres repose sur la Constitution de l'État
fédéral » (p. 327).

L'État ne survit que d'une existence qui lui est pour ainsi dire
procurée ou déléguée par l'ordre juridique international. Cet
ordre se réserve de déléguer ou non les prérogatives
caractéristiques de l'État et de la souveraineté qui y est
attachée habituellement.

« Le droit international règle la conduite des États. [...] Il


établit en outre que le territoire de cet État [...] s'étend
jusqu'au point où l'ordre (juridique étatique) est efficace d'une
façon durable. [...] Il réglemente également la succession des
États dans le temps. [...] Le droit international est
d'importance également quant au domaine de validité matériel
de l'ordre juridique étatique » (p. 326).

Bien plus, l'ordre juridique international ne se borne pas à


limiter la souveraineté de l'État. Comme il lui délègue cette
souveraineté, l'ordre juridique international finit par aliéner
l'État de toute souveraineté :

« Les États [... ] ne conservent de compétence (pour établir


des normes sur n'importe quel objet) que dans la mesure où le
droit international ne s'empare pas d'un objet, l'enlevant ainsi
à une libre réglementation par l'ordre étatique. [... ] « Si l'on
admet que le droit international est un ordre juridique supra-
étatique, les ordres étatiques n'ont plus la souveraineté en
matière de compétence » (p. 324).
Nous sommes ainsi ramenés à la question de la norme
fondamentale. Celle-ci, nous a dit Kelsen, a un caractère
hypothétique. Paraphrasant Kant, on pourrait dire qu'elle est
un postulat de la raison juridique, dont Kelsen a besoin pour
cimenter la cohésion de la pyramide. Cette norme,
hypothétique, doit être supposée pour que soient assurées non
seulement la validité des normes de moindre degré, mais
surtout la validité de l'ordre juridique international lui-même.

Surgit alors la question de la norme fondamentale du droit


international et de sa validité.

« Cette norme fondamentale devient [...] le fondement


immédiat de la validité de l'ordre étatique. En tant que
véritable norme fondamentale, elle n'est point, on le sait, une
norme posée mais supposée. Elle représente l'hypothèse
moyennant laquelle le "droit international général" — c'est-à-
dire les norme efficaces [...] qui règlent la conduite mutuelle
des États peuvent être considérées comme des normes
juridiques obligatoires liant les États » (p. 218).
Chapitre XIII

Un système de contrôle mondial

Dans le système purement logique de Kelsen, il n'y a aucune


place pour des « droits de l'homme » qui seraient antérieurs à
l'État. La reconnaissance de tels droits conduirait, dans la
logique de cette théorie, à la subsidiarisation de l'État. Mais
plus fondamentalement encore, cette reconnaissance
conduirait à la contestation de l'État mondial et de l'ordre
juridique qui lui correspond. Dans ce système, peut-être
chacun est-il libre de penser, par-devers soi, ce qu'il veut ;
mais tous doivent accorder leur conduite aux obligations et
aux sanctions dont les normes sont assorties. L'individu doit
obéir au droit parce qu'il est le droit, parce que celui-ci
s'identifie à l'État, et non parce qu'il serait raisonnable d'obéir à
une loi juste issue, par exemple, de la raison, de la nature ou de
Dieu.
UNE THEORIE DU POUVOIR

Pas de place pour


les Droits de l'Homme

La théorie de Kelsen, parce qu'elle est à la fois une théorie de


l'État et une théorie du droit, est donc aussi une théorie du
pouvoir. Le rôle donné par Kelsen à l'efficacité est révélateur
d'une parenté réelle entre lui et Machiavel. De même que les
États particuliers doivent tendre vers l'État mondial et unique,
de même que l'ordre juridique mondial doit devenir l'ordre
juridique suprême, ainsi le Pouvoir doit être concentré au plan
mondial. En rigueur, le rôle de l'État mondial ne doit pas
coordonner la conduite des États ; s'il le faisait ce ne serait qu'à
titre précaire et transitoire. L'État mondial doit en effet
subordonner, au sens littéral, les États particuliers et même, à
terme, les dissoudre.

La théorie pure du droit postule donc un système juridique


unique où la validation des droits étatiques dépendra d'un État
unique, dont la souveraineté et l'autorité seront illimitées. Cet
État unique, appelé État mondial, procurera l'unité juridique et
politique du monde, l'essence du politique étant finalement
niée à la faveur de l'assimilation de l'État au droit.
L'État mondial recevra sa validation de l'ordre juridique
pyramidal, exigé du reste pour la validité des droits étatiques
eux- mêmes. Cette conception pyramidale du droit postule
donc une concentration extrême du pouvoir. Il n'y a plus de
place ici pour la séparation classique des pouvoirs. Le pouvoir
est ici absolu, au sens littéral de ce mot : il est coupé de toute
référence à un corps politique, aux corps intermédiaires et
finalement aux personnes de chair et d'os constituant ces
corps.

En outre, contestant radialement la souveraineté des États


particuliers, le système kelsénien ruine les droits de l'homme
dont, d'après la Déclaration de 1948, l'État particulier devait
être le premier promoteur et protecteur.

Ainsi, en vertu de sa subordination à la norme de degré


supérieur, le droit étatique était déjà mis dans l'impossibilité
de se soucier prioritairement des droits des personnes. En
vertu de la norme suprême, le droit international doit
s'interdire de protéger la souveraineté des États. Cette double
démobilisation, des personnes et des États, ainsi que la
désactivation finale de leurs droits respectifs, exclut tout
pouvoir modérateur ; elle exclut la distinction des pouvoirs ;
elle laisse le champ totalement libre aux projets impériaux et
hégémoniques. Bref, le système pyramidal de Kelsen est
holistique : le super-État et l'ordre juridique qui valide celui-ci
constituent la réalité unique hors de laquelle rien ni personne
n'a de valeur.

La théorie de Kelsen repose donc sur une forme de monisme


radical juridico- politique. Toute l'organisation de la société
obéit à une architecture mettant d'abord les individus dans
l'obligation d'obéir aux normes juridiques des droits étatiques
particuliers, et mettant ensuite les États particuliers dans
l'obligation d'obéir à la norme fondamentale décidée en fin de
compte par le droit international.
Un totalitarisme sans visage

Quel que soit le niveau auquel on considère la pyramide, la


norme juridique tire son efficacité de sa cohérence logique avec
la procédure de production des normes. La procédure ne
diffère pas substantiellement de celle qui, selon John Rawls,
aboutit à des décisions « justes »[1 55] . Ici, la règle
fondamentale de production des normes, c'est que toutes
dérivent, en fin de compte, de la norme fondamentale
supérieure, hypothétique.

Kelsen a besoin de cette base — ou de ce sommet, c'est selon —


pour fonder sa théorie, qui est sous-tendue par un projet de
monisme juridique totalement immanent. La subordination
des individus aux États et des États à un centre de
commandement mondial, caractérisé par une souveraineté
indiscutable, ordonné par un droit international, est une
nécessité logique induite par sa théorie du droit. Cette
conception du droit légitime nécessairement un État mondial
et à terme un pouvoir mondial, sujet exclusif de souveraineté
et d'autorité illimitée. L'universalité doit venir du sommet de
la pyramide et non de l'assentiment que donneraient à des
vérités fondatrices les vouloirs libres et convergents des
membres de la communauté humaine, des corps
intermédiaires, des nations ou des États[1 56 ] .
Or précisément parce que cette norme fondamentale ultime
est hypothétique, c'est l'État mondial qui, de fait, en recueille
et en exerce les fonctions. Cette concentration extrême du
pouvoir est déjà en train de se faire sous nos yeux incrédules.
Le super-État en train d'émerger sera un directoire anonyme,
dont les rouages seront légion[1 57 ] . Les totalitarismes «
classiques » du XXe siècle avaient des dictateurs parfaitement
visibles, et leurs régimes se donnaient des institutions qu'il
était loisible de décrire. Le nouveau totalitarisme qui est en
train de se mettre en place au nom de l'ordre juridique
international est un totalitarisme collectif, anonyme, sans
visage. C'est un totalitarisme dont la puissance illimitée se
diffracte dans des Tribunaux, ainsi que nous l'avons déjà
relevé souvent, mais aussi dans la Déclaration sur les
défenseurs des droits de l'homme[1 58] , dans l'AMI [1 59 ] , dans
des ONG, dans les réseaux médiatiques mondiaux, dans des
organisations régionales enfin, comme l'Union Européenne.
Tous font pression pour accélérer le processus de
centralisation mondiale.
UN SYSTEME POLICIER

Jurisprudence et bureaucratie

La structure originelle de l'ONU portait déjà la marque de la


théorie de Kelsen ; à présent, au sein de l'Organisation, cette
influence est de plus en plus nette.

La prépondérance du Conseil de Sécurité, le pouvoir


d'initiative du Conseil économique et social (art. 62-71 de la
Charte), la nomination du Secrétaire par l'Assemblée sur
recommandation du Conseil de Sécurité (art. 97), les
compétences du secrétariat illustrent de façon remarquable la
structure pyramidale et kelsénienne de cette Organisation
internationale. Les droits étatiques, visant au maintien de
l'ordre, sont pris en compte (art. 2, 7), mais sont subsumés
sous le droit international, c'est-à- dire surplombés par
l'Organisation internationale dont la force est au service du
maintien de l'ordre international (art. 12). Les articles
consacrés aux territoires autonomes (art. 73 s.) ou au régime
international de tutelle (art. 75-85) confirment cette «
vocation » de l'ONU à décider du droit international sans que
soit faite mention précise d'un contenu auquel elle devrait se
référer, ni de la compétence des États dans la codification de ce
droit. Dans ce contexte, qui majore considérablement le rôle
juridique de l'Organisation, l'évocation des droits de l'homme
eux-mêmes ne peut renvoyer qu'à une conception volontariste
de ces droits.

Selon cette logique, il n'est donc ni nécessaire ni souhaitable


que l'Assemblée générale soit une véritable assemblée
délibérative et moins encore législative, puisque, en présence
d'une organisation où s'identifient l'unique appareil d'État
international et le droit, le droit a son origine dans la coutume
et le consensus, et il s'énonce dans la jurisprudence validée par
le système pyramidal des normes. Il faut toutefois remarquer
que cette jurisprudence n'est pas l'interprétation autorisée,
selon les principes généraux du droit, de la coutume ou même
d'une loi émanant d'une assemblée législative distincte du
pouvoir exécutif — interprétation qui ne vaut d'ailleurs, en
principe, que pour tel cas particulier considéré. Dans le cas de
l'Organisation, la jurisprudence reçoit sa validité, en dernière
instance, de la volonté de l'État unique.

C'est ce qui explique le rôle dévolu au Tribunal pénal


international. Comme il n'y a plus moyen d'identifier des
principes généraux du droit, il appartiendra au Tribunal de
révéler le sens des textes juridiques, des décisions
consensuelles, de dire quelle en est l'interprétation valable. Les
divergences dans l'interprétation sont dès lors intolérables car
elles ruinent l'ordre juridique et par conséquent l'État
supranational. Au terme de ce procédé, il ne reste guère à
l'Assemblée générale que de consentir aux décisions déjà
prises par le centre de pouvoir suprême, fondé, pour cette
raison même, à dire le droit.
Les conventions et les pactes apparaissent ici non comme des
accords passés librement entre États particuliers et
souverains, mais comme un maillon juridique émanant du
vouloir de l'Organisation internationale requérant l'obéissance
des États. D'où — on y revient toujours — la hantise du
consensus. Quant aux législations nationales, elles ne peuvent
subsister que si elles s'insèrent, à titre subordonné, dans
l'édifice qu'on a appelé « grandiose » du droit international
kelsénien, entendu ici comme expression des décisions prises
par l'Organisation internationale, ou par les satellites qui
agissent pour celles-ci au titre de la vicariance. Le droit des
États se transforme ainsi en un réseau dont le droit
international ne se prive pas de disposer pour étendre ses
propres ramifications à l'échelle planétaire.

Ces satellites sont des agences onusiennes où une fourmilière


de fonctionnaires incarnent la bureaucratie wébérienne.
L'organisation rationaliste de l'État mondial exige en effet une
administration dont les fonctionnaires participent au pouvoir
et peuvent être source de droit. L'administration n'est plus ici
un moyen, au service d'un projet qu'elle ne décide pas ; elle
agit par délégation et sous contrôle. L'anti-subsidiarité
réapparaît ici : la bureaucratie devient source de droit, énonce
des normes, oblige et contraint. Non pas dans un seul domaine,
mais dans tous les domaines où il est utile de dire le droit. De
cette dérive que l'on observe, Kelsen lui- même suggère[1 6 0]
qu'elle trouve un précédent dans la bureaucratie stalinienne.

Détournement de sens
On comprend ainsi que le « normativisme » soit la théorie du
droit convenant parfaitement au Nouvel Âge et à ses réseaux.
Ce même normativisme s'accommode également fort bien de
l'érosion, fréquemment observée, de la souveraineté. Une
érosion qui se manifeste surtout de deux façons. Tout d'abord,
dans les tendances centrifuges et séparatistes que l'on observe
en maintes régions ou dans de nombreux États-Nations. Ces
tendances sont évidemment de nature à débiliter la capacité
des États à s'opposer au projet de concentration pyramidale du
pouvoir. Ensuite le pouvoir des États est court-circuité par une
pléthore d'ONG acquises au normativisme onusien.

À partir d'une étonnante théorie du droit, nous sommes donc


en présence d'un processus de concentration pyramidale du
pouvoir absolument sans précédent dans l'histoire. « Justifiée
» par cette théorie du droit, cette concentration du pouvoir
postule l'existence d'un État de droit supranational, c'est-à-
dire d'une entité politique décidant du droit, titulaire exclusif
de la souveraineté et de l'autorité suprême, fondé à obliger
tous les États particuliers, fondé aussi à interpréter
authentiquement le droit que lui-même produit.

En somme, tous les instruments juridiques actuels, nationaux


et internationaux, sont l'objet d'un détournement de sens : au
lieu d'être au service des droits de l'homme réel, celui de la «
base », ils servent de relais à l'édifice logique échafaudé au
profit d'un droit international, lui-même expression d'une
volonté hégémonique, absolue et totalitaire, puisque, selon la
logique du système, aucune réalité, aucune valeur, ne peut lui
être opposée.

Une telle conception du droit est évidemment de nature à


fasciner les libéraux les plus radicaux, et ceci pour deux
raisons au moins. Tout d'abord parce que le droit reste exclu
de tous les domaines où l'État, international ou particulier, ne
veut pas exercer le droit. Il est même dans la stricte logique de
cette conception du droit que, comme chez Hobbes, l'individu
puisse faire absolument tout ce qu'il a intérêt à faire, tout ce
qui lui fait plaisir, pourvu que l'État ne lui impose ni
obéissance, ni obligation, ni interdiction concernant tel ou tel
acte qu'il lui plairait d'accomplir.

Ensuite, parce que le droit ainsi conçu peut faire main-basse


sur les domaines extra-juridiques les plus divers. Au profit de
l'État international, il peut alors définir des obligations ou des
interdits portant sur n'importe quel domaine, par exemple
scientifique, technique, monétaire, économique, biomédical,
etc.

La maîtrise de la vie

Si l'on veut prêter un tant soi peu attention aux plans d'action,
recommandations, décisions consensuelles et autres
conventions émanant du FNUAP, de l'OMS, de l'UNICEF, de la
Banque Mondiale, du PNUD, etc., on constatera aussitôt que
les « nouveaux droits de l'homme » sont simplement les
nouvelles normes, produites, à leur niveau pyramidal, par les
agences considérées. On constatera également que ces normes
reçoivent leur validité de l'ordre juridique mondial et de l'État
mondial en voie d'édification par palier.

On constate alors que l'ordre juridique mondial qui est en train


de se construire n'est pas au service d'un projet impérial ou
hégémonique de type classique. Il est au service du contrôle de
la vie. La norme suprême est ici la maîtrise de la vie pour en
arriver, par là, à la domination des hommes[1 6 1 ] et à celle des
choses. « La vie, qui avec les Déclarations des droits de
l'homme, était devenue le fondement de la souveraineté,
devient désormais le sujet-objet de la politique étatique (qui se
présente ainsi toujours plus clairement comme "police") »[1 6 2 ] .
Toute une casuistique bioéthique a actuellement pour objectif
d'alimenter la coutume, de rallier le consensus le plus large,
d'aboutir à des conventions, règlements et autres plans
d'action. Le tout émanant en dernier ressort de la norme
hypothétique cautionnant l'ensemble du système : normatif,
contraignant, répressif. Et, pourquoi pas, policier.
Chapitre XIV

La vengeance du réel

Les États satellisés

Au terme de cette analyse, force est de reconnaître que le mot


système a acquis une signification différente de celle que nous
avions observée au point de départ [1 6 3 ] . Le mot système, qui
s'appliquait aux normes, s'applique maintenant aux
organisations. Ce mot désigne désormais, comme en
mécanique, une machine ou un appareil, ou même un
ensemble d'appareils produisant un effet déterminé. On parle
d'un système téléphonique ingénieux, d'un système de
chauffage économique, d'un système de freins efficace. Le
système pyramidal de normes, que l'ONU a adopté, a
transformé cette Organisation en une formidable machine
dont la fonction est de contrôler la vie, et donc les individus, les
familles et les États.

L'ONU est même devenue système en un autre sens : au sens


que ce mot reçoit dans des expressions comme système solaire
ou système planétaire. De même que les planètes tournent
autour du soleil, les États particuliers doivent accepter —
avant d'être engloutis — d'être des satellites de l'État mondial.

L'ONU tend ainsi à devenir une immense machine faisant un


usage idéologique du droit, peut-être dans le vain espoir de
légitimer le pouvoir du triangle invisible.

Une entourloupette sophistique

En dernière analyse, le droit phagocyte l'essence du politique


dans la mesure où, ignorant méthodiquement le fait politique,
il ne peut qu'ignorer également les références métajuridiques
qui balisent de fait cette dimension de l'existence humaine.
Pour Kelsen, le droit ne se borne pas à légaliser ce que l'État
décide ; il le légitime. Le régime, que Kelsen lui-même avait dû
fuir, était ainsi cautionné par une de ses victimes. Bien plus,
Kelsen apportait d'avance une théorie avalisant les systèmes
juridiques futurs qui invoqueraient le droit pour légitimer
l'injustice.

En résumé, la théorie de Kelsen extrapole, au profit d'un


centre souverain de pouvoir mondial, la logique totalitaire que
Hobbes développait au profit de l'État particulier. Quoiqu'elle
s'en défende, la théorie de Kelsen a toutes les caractéristiques
d'une construction idéologique coupée à tous égards de la
réalité. Kelsen s'interdit même de pouvoir avancer, à la façon
de Spinoza, que « l'ordre des idées est le même que l'ordre des
choses ». C'est au réel — si réel il devait y avoir — qu'il
appartiendrait de se lover dans cette construction
radicalement rationaliste qui prétend le (re)construire et le
mouler dans des droits eux-mêmes imbriqués dans un réseau
de concaténations.
Or ces enchaînements en cascade, ces droits encastrés comme
des poupées russes, ne peuvent même pas revendiquer le
statut d'une construction purement formelle, d'une
architecture strictement logique, qui serait, pour ces motifs, à
l'abri des intérêts particuliers et des passions. Kant s'était déjà
heurté à un problème analogue : on a beau suspendre tout
assentiment au réel, celui-ci finit toujours par se venger. Il finit
toujours par rebondir, par exemple sous la forme honteuse du
postulat dont il faut tôt ou tard concéder la réalité. Kelsen n'est
guère plus heureux que son maître et il n'échappe pas à une
entourloupette sophistique, puisque la validité de toute sa
construction pyramidale est suspendue, paradoxalement, à la
réalité de la norme fondamentale ultime, dont il assure sans
broncher qu'elle est hypothétique.

Peu attentif à la réalité du totalitarisme auquel sa théorie avait


offert une caution « juridique » involontaire, Kelsen — dans la
mesure considérable de son influence — a mis le droit dans
l'impossibilité d'être ce qu'il avait pourtant largement été
traditionnellement : un rempart contre l'arbitraire, un
instrument sans pareil au service des droits de l'homme et de
la justice. Avec Kelsen, le droit devenait objet de pouvoir et le
pouvoir objet de droit. Avec l'acharnement de tous les
idéologues qui s'évertuent à bricoler un réel conforme à leurs
utopies, et invoquant jusqu'à leurs bévues pour conforter leurs
positions, Kelsen écrivait encore, dix ans avant sa mort,
survenue en 1973 :

« Du point de vue de la science juridique le droit établi par le


régime nazi est du droit. Nous pouvons le regretter, mais nous
ne pouvons pas nier qu'il s'agit d'un droit. Le droit de l'Union
soviétique est du droit! Nous pouvons l'exécrer comme nous
avons horreur d'un serpent venimeux, mais nous ne pouvons
pas nier qu'il existe, ce qui veut dire qu'il vaut »[1 6 4 ] .

Cette monstruosité juridique est en train d'étendre ses


tentacules à l'échelle internationale. D'une certaine façon, la
prise de pouvoir mondial a déjà eu lieu. Dans la mesure où
l'ONU change radicalement la source du droit, c'est-à-dire
qu'elle abandonne le réalisme traditionnel pour introniser le
rationalisme normativiste de Kelsen, elle est en train
d'imposer à la société humaine une structure pyramidale de
pouvoir et manipule à cette fin le droit international. Après
tout, même des auteurs d'une stature comparable à celle de
Hegel peuvent servir plusieurs fois dans l'histoire.

Un manifeste anti-nations

Au plan pratique et institutionnel, les idées internationalistes


de Kelsen, déjà présentes, comme nous l'avons vu, dans la
plupart des structures institutionnelles, inspirent différents
projets dont il faut mesurer les enjeux. Il ne suffit pas de faire
échec aux droits inaliénables de l'homme en exténuant la
Déclaration de 1948. Ce but ne saurait être lui-même atteint si
les États nationaux n'étaient pressés de s'effacer au profit du
sommet de la « pyramide ». C'est ce que préconise le projet
centralisateur de gouvernance mondiale.
Le projet de transformer l'ONU en système de gouvernement
mondial remonte à un groupe de travail réuni en 1990 par le
Chancelier Willy Brandt [1 6 5] . Il s'agissait, pour réconcilier les
deux blocs antagonistes de l'Ouest et de l'Est, de reconstruire
les relations internationales au lendemain de la liquidation de
la guerre froide. Cette démarche excluait cependant toute
hypothèse d'implosion du système soviétique, et elle
s'accommodait de la pérennité de ce totalitarisme.

De là sont nées différentes initiatives ambiguës concernant la


sécurité mondiale. De là est née aussi une ONG appelée la
Commission on Global Governance (Commission sur la
gouvernance mondiale). Cette commission a fait l'objet d'une
communication de James Gustave Speth, le 18 mars 1997, lors
de la Conférence de Rio[1 6 6 ] . Dans son intervention, M. Speth
lie étroitement « Global Governance » et « Sustainable
Development »[1 6 7 ] . Ce projet était déjà exposé dans The
Report of the Commission on Global Governance, intitulé Our
Global Neighbourhood[1 6 8] .

Il s'agit d'un projet gigantesque, qui a l'ambition de réaliser


l'utopie de Kelsen, en visant à « légitimer » et à mettre sur
pied un gouvernement mondial unique, dont les agences de
l'ONU pourraient devenir des ministères. Tous les thèmes
habituels répondent à l'appel. Un relief spécial est toutefois
donné à l'environnement, à la nécessité de créer un nouvel
ordre légal et à l'urgence de trouver des fonds pour réaliser ce
projet.
Cette gouvernance globale avait déjà fait l'objet d'un encadré
dans le Rapport du PNUD en 1994. Ce texte encadré, rédigé à
la demande du PNUD par Jan Tinbergen, prix Nobel
d'Économie (1969), a toutes les allures d'un manifeste
commandé par et pour l'ONU. En voici un extrait [1 6 9 ] .

« Les problèmes de l'humanité ne peuvent plus être résolus


par les gouvernements nationaux. Ce dont on a besoin, c'est
d'un gouvernement mondial.

« La meilleure façon d'y arriver, c'est de renforcer le système


des Nations Unies. Dans certains cas, cela signifierait qu'il faut
changer le rôle d'agences des Nations Unies et que de
consultatives elles deviennent exécutives. Ainsi, la FAO
deviendrait le ministère mondial de l'Agriculture, UNIDO
deviendrait le ministère mondial de l'Industrie, et ILO le
ministère mondial des Affaires sociales.

« Dans d'autres cas, des institutions complètement neuves


seraient nécessaires. Celles-ci pourraient comporter, par
exemple, une Police mondiale permanente qui pourrait citer
des nations à comparaître devant la Cour internationale de
Justice, ou devant d'autres cours spécialement créées. Si les
nations ne respectaient pas les arrêts de la Cour, il serait
possible d'appliquer des sanctions, tant non militaires que
militaires. »

Sans doute, tant qu'elles existent et qu'elles accomplissent bien


leur rôle, les nations protègent-elles les citoyens ; elles font
respecter les droits de l'homme et utilisent dans ce but les
moyens appropriés. Dans les milieux de l'ONU, la destruction
des nations apparaît donc comme un objectif à rechercher si
l'on veut étouffer définitivement la conception
anthropocentrique des droits de l'homme. En en finissant avec
ce corps intermédiaire qu'est l'État national, on en finirait avec
la subsidiarité puisque serait mis en place un État mondial
centralisé. La route serait alors dégagée pour l'arrivée de
technocrates et autres aspirants à la gouvernance mondiale
totalitaire.
Troisième partie

LE DISSENTIMENT CHRETIEN
Chapitre XV

L'ONU :
quelle estime pour la vérité ?

Dans les discussions qui ont eu lieu lors de l'Assemblée de


Pékin+5 (New York, 5-9 juin 2000), de même que dans celles
qui ont précédé, on a remarqué la présence d'une peur
obsessionnelle de la différence et de la dissidence[1 7 0] . Ce qui
tend à s'imposer, c'est toujours l'empire du consensus.
L'Assemblée du Millenium a encore confirmé cette tendance.
LA CONTAGION MIMETIQUE

Imiter la violence

Le thème des « nouveaux droits » a, bien entendu, été l'un des


points centraux de ces réunions et, comme prévu, de grands
efforts ont été déployés — sans grand succès, il est vrai — pour
inclure l'avortement parmi ces « nouveaux droits ». On a
remarqué à cette occasion que les propagateurs des «
nouveaux droits » exploitent ce que le philosophe français
René Girard a appelé le « mécanisme de la contagion
mimétique », c'est-à-dire la tendance à imiter la violence à
laquelle cèdent les autres[1 7 1 ] .

Les « nouveaux droits » doivent mouler les mœurs, imprégner


les « valeurs » qui inspirent les conduites. Résultat de
procédures consensuelles, les « nouvelles valeurs » induisent
des conduites mimétiques. Tous les hommes devraient en
arriver à imiter les comportements élevés à la dignité de «
nouveaux droits » et à souscrire aux nouvelles « valeurs » que
ces « nouveaux droits » sont censés concrétiser. Les médias se
chargent de propager cette tendance imitative à l'ensemble de
la société.

Quand on examine de plus près la question des « nouveaux


droits », on constate que le désir d'imiter les autres se
manifeste dans la contagion fulgurante avec laquelle se
divulgue le non-respect de la vie humaine. La transgression
provocatrice de quelques-uns déclenche l'accélération de la
conduite imitative. Les pionniers de l'avortement illégal sont
imités, fêtés, félicités pour leur « courage ». L'avortement est
dépénalisé ; bientôt il est légalisé ; finalement, il devrait
devenir un « nouveau droit » de l'homme, admis
universellement. De même que les autres « nouveaux droits ».

Cette contagion imitative ou mimétique est aujourd'hui l'un


des plus importants signes des temps qui interpelle les
chrétiens et tous les hommes de bonne volonté. C'est trop peu
de dire que le droit fondamental de l'être humain à la vie
devient de plus en plus fragile ; il faut ajouter que ce droit est
de plus en plus difficile à défendre. Ce droit est mis en pièces
par un consensus imitatif galopant.

L'innocent coupable

Le cas dramatique de l'avortement (on avance le nombre de


plus de 50 millions par an dans le monde) est beaucoup plus
qu'un exemple illustratif parmi beaucoup d'autres. En réalité,
l'avortement est le cas principal qui illustre la tendance
imitative en train de dériver vers la violence érigée en droit,
vers le don de la mort comme expression de la volonté
souveraine.

De fait, dans le cas de l'avortement, l'innocent absolu est


déclaré coupable. Il est le mal de la contraception ratée ;
l'obstacle à la carrière et au confort ; l'entrave inadmissible
s'opposant à ma liberté ; il est le frein à l'enrichissement et au
développement. À l'innocence totale doit correspondre la
violence absolue. L'innocent doit être lynché. Par conséquent,
il doit être désigné comme victime, comme bouc émissaire, et
même comme victime coupable, et il doit être traité comme
tel, avec la violence qui le fera taire et disparaître.

On tiendra d'ailleurs un discours analogue concernant les


pauvres du tiers- monde, qu'on stérilise ; les déficients
mentaux ou malades en stade terminal, que l'on euthanasie ;
les mendiants et les gamins de rue, que l'on tire comme des
lapins. Notre siècle rétablit la catégorie de l'homo sacer. Au
nom des « nouveaux droits de l'homme », des catégories
entières d'êtres humains peuvent être mis à mort sans que
soit commis d'homicide. Ces êtres sont dépourvus de tout droit
; ils échappent totalement à toute protection juridique[1 7 2 ] .

Finalement, le langage populaire reflète bien la tendance à


l'imitation, cette contagion mimétique : on dit que
l'avortement, la stérilisation des pauvres, l'euthanasie, etc. «
sont entrés dans les mœurs ».

La tâche la plus noble et la plus fondamentale qui s'impose à


tous aujourd'hui, c'est la défense unanime et inconditionnelle
de la vie humaine à tous les stades, à toutes les étapes de son
déroulement. Voilà ce qui requiert des engagements
individuels et politiques. Nous devons dénoncer ces refus du
droit fondamental à la vie et à l'intégrité physique, qui crient
vengeance au ciel. Si nous ne le faisons pas, nous serons
bientôt requis pour être artisans de la mort.

La démocratie a commencé le jour où l'Innocent a crié son


innocence, et où ce cri a été entendu. Cela s'est produit le
Vendredi saint et s'est répété souvent au cours de l'histoire.
Cela s'est répété en particulier le 13 mai 1981 : « Pourquoi
m'ont-ils fait ça ? » demandait Jean-Paul II quelques instants
après son attentat. Tel est le cri de la victime innocente, que la
contagion mimétique voudrait faire passer pour coupable.

« Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits, qui sont
mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 40).

Telle est la Magna Carta du chrétien engagé au service de la


vie. Aujourd'hui, il faut refuser la tendance à imiter la violence
qui cherche une légitimation dans les « nouveaux droits ».
Nous devons rejeter la violence mimétique, le lynchage des
victimes innocentes. Toutes les ressources que nous utilisons
dans notre action n'ont de sens que dans la mesure où elles
sont appliquées à la défense de la vie à toutes ses phases. C'est
ce qu'ont fait beaucoup de saints au fil des siècles. Ils l'ont fait
simplement en suivant l'exemple du Christ, qui a rendu la
dignité à toutes les victimes innocentes. Comme le fit le Bon
Samaritain, c'est à ces victimes que nous devons donner la
priorité. C'est pour elles et avec elles que nous devons
construire une société de communion et de solidarité.
L'ONU CONTRE L'ÉGLISE

Les droits négociés ?

En conséquence d'une évolution sur laquelle on insiste


généralement trop peu, l'ONU d'aujourd'hui considère que les
droits de l'homme sont le produit d'une négociation
perpétuelle, puisqu'il n'est plus possible — dit-on — d'accéder
ensemble à la vérité sur l'homme et sur sa valeur. Désormais,
par exemple, la norme morale traditionnelle « Tu ne tueras
pas! » doit être modulée. Le droit à la vie doit être relativisé,
selon les situations particulières et au gré de la sensibilité de
ceux qui participent au processus de décision. Dorénavant, les
droits de l'homme s'imposent parce qu'ils procèdent de la
volonté de ceux qui adhèrent au consensus, c'est-à-dire, en fin
de compte, parce qu'ils procèdent de la majorité.

Vers l'agnosticisme intolérant

Cette situation explique la campagne actuelle d'attaques


contre la présence de l'Observateur permanent du Saint-Siège
à l'ONU[1 7 3 ] . Disons tout de suite que cette campagne, appelée
« See Change », a rencontré opposition et réserves de la part
de nombreux hommes politiques, et de groupes religieux
protestants et musulmans.

Le Saint-Siège ne demande pas d'argent à l'ONU ; il ne lui doit


aucune faveur. Alors, pour faire pression sur lui, il faut
recourir à d'autres moyens que ceux utilisés pour les
représentants que l'on veut neutraliser, rallier ou acheter.
C'est pourquoi, faisant preuve d'une complaisance sans
précédent, les autorités de l'ONU laissent les coudées franches
à des ONG comme la Catholic for Free Choice. Cette ONG,
violemment anti-chrétienne, est en réalité une entreprise
d'escroquerie aux ramifications variées. Cette organisation
usurpe le label catholique pour abuser les âmes simples ou
celles qui veulent donner l'impression de l'être.

Par ce biais, on essaye d'intimider les nations qui appuient


l'Observateur permanent dans les assemblées de l'ONU[1 7 4 ] .
Plus radicalement, il faut tenter de réduire le Saint-Siège au
silence, puisque sa position ne se fonde sur aucune forme de
consensus, ni encore moins sur les votes de la majorité. La
position du Saint-Siège se fonde sur la vérité. Une vérité
reconnue et proclamée par l'ONU de 1948, mais que l'ONU du
XXIe siècle est en train d'abandonner pour laisser le champ
libre à la volonté des plus forts.

Un autre signe de l'animosité vis-à-vis de l'Église est fourni par


l'Initiative unie des Religions (United Religions Initiative,
URI), dont l'acte de fondation a été signé le 26 juin 2000 à
Pittsburgh — cinquante-cinq ans après la signature de la
Charte des Nations Unies. Cette Initiative s'oppose à
l'évangélisation et aux dogmes ; elle fait campagne pour la
vénération de la Terre et milite pour les « nouveaux droits de
l'homme[1 7 5] .
La présence chrétienne dérange l'ONU actuelle, parce que,
dans le domaine de l'anthropologie, cette ONU a rejeté toute
référence à la vérité. Aujourd'hui, appuyée par des pays
courageux, le Saint-Siège met en question le rôle exorbitant
attribué au consensus dans l'enceinte de l'ONU. Celle-ci
voudrait amener la communauté mondiale à marquer son
consensus et à ratifier les « nouveaux droits » que l'on sait. Il
saute cependant aux yeux que l'Église ne peut admettre que
soit chassée toute référence à la vérité, comme si l'homme
était incapable de déclarer quelque chose de vrai sur lui-
même, ou même comme si cela lui était interdit.

Comme la tradition politique et juridique pré-chrétienne,


l'Église considère que l'homme est la valeur par excellence qui
s'impose à l'homme. D'où les pressions téléguidées et financées
par le laïcisme en vue de mettre l'Église et les chrétiens au ban
de la communauté mondiale. Ces milieux veulent que, grâce au
mécanisme de la contagion mimétique, triomphe l'agnosticisme
intolérant et la violence.
LES JOURS COMPTES
DU TOTALITARISME LAÏC

Bâtie sur le sable : l'ONU

Mais à cette ONU-là, il faut dire solennellement « Attention!


Vous êtes en train d'installer une nouvelle religion totalement
sécularisée et paganisée. Vous êtes en train de mettre en place
un magistère qui prétend produire et imposer une Pensée
Unique. Vous êtes occupés à organiser de nouveaux tribunaux
inquisitoriaux pour poursuivre ceux qui seront considérés
comme "politiquement incorrects". Vous êtes en train
d'étouffer et de détruire tous les foyers de résistance faisant
obstacle à vos prétentions et à vos plans d'action : la personne,
la famille, la Nation et l'État, les religions. Vous installez un
nouveau totalitarisme, en déprogrammant les hommes, en les
aliénant de la vérité concernant leur propre dignité, et en les
reprogrammant à partir de principes mensongers pour
lesquels vous faites miroiter l'étiquette de "nouveaux droits de
l'homme". Vous êtes occupés à installer une nouvelle
Internationale, à la fois socialiste et libérale : au service d'une
conception perverse de la mondialisation et de la globalisation,
qui, au moyen d'une compétition impitoyable, élimine les plus
faibles ».

Cependant, comme tout système qui tend vers le


totalitarisme, le système d'une certaine ONU souffre d'un vice
incurable : il manque de vérité. Cette ONU refuse de
reconnaître pleinement la dignité de l'homme, la famille, la
société civile, les Nations, les États. Cette ONU veut modéliser
l'humanité dans sa totalité, la conformer à son utopie
idéologique.

Mais avec cette ONU-là va se passer ce qui s'est passé avec


tous les régimes funestes du siècle dernier. Ses jours sont
comptés parce que son édifice est construit sur le sable. Ses
jours sont comptés parce que cette ONU est déjà divisée,
comme l'est déjà le règne de Satan. Ses jours sont comptés
parce qu'elle s'est laissé défigurer par des ONG sans scrupule,
qui lui imposent leurs diktats au lieu de l'aider à réaliser sa
mission de paix, de justice et de développement [1 7 6 ] . Ses jours
sont comptés parce que cette ONU ne respecte pas les êtres
humains les plus vulnérables. Ses jours sont comptés, parce
que cette ONU-là est fondée sur une structure de péché.

L'ONU, qui compte tant d'hommes de bonne volonté parmi ses


fonctionnaires, qui a fait et continue de faire tant de bonnes
choses, a besoin d'urgence de procéder à un examen de
conscience, et de se soumettre à un audit. Cette évaluation est
urgente parce que le mal et les mensonges que propagent
certaines de ses agences principales, appuyées par l'IPPF et
d'autres ONG, ruinent la crédibilité de l'ensemble et minent la
légitimité de l'institution.

Un écran pour les échecs ?


Si prompte à demander des comptes à ses membres, l'ONU a
elle-même des comptes à rendre pour quelque cinquante ans
de succès pour le moins limités dans bon nombre de domaines.

Présentant à Rome, le 5 juillet 2000, le projet de


réorganisation de la FAO, Jacques Diouf, directeur de celle-ci,
reconnaissait que cette institution n'a pas réussi à relever le
défi de la faim. Il constatait qu'avec un budget de 157 millions
de dollars, la FAO disposait d'un budget très inférieur à celui
d'autres agences de l'ONU. Dans son analyse de la situation
alimentaire mondiale au seuil du IIIe millénaire, la même FAO
relève l'accroissement de la production alimentaire dans les
pays en voie de développement, mais constate qu'en raison de
l'incurie de beaucoup de gouvernements, 800 millions
d'hommes sont toujours sous-alimentés[1 7 7 ] .

Le même constat avait été fait le 29 juin à propos du PNUD


par Mark Malloch Brown, son administrateur[1 7 8] . Le rapport
du PNUD divulgué en juin 2000 à l'occasion de la session
extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies,
tenue à Genève, fait certes un pas dans la bonne direction.
L'ONU elle-même reconnaît que sa lutte contre la pauvreté
est un grand échec. Celui-ci se résume en peu de mots : la
pauvreté extrême frappe plus d'un milliard trois cents millions
d'être humains. Toutefois, comme le soulignait le Pape Jean-
Paul II en commentant ce rapport, « la nourriture, l'assistance
sanitaire, l'éducation, le travail ne constituent pas seulement
des objectifs de développement ; ce sont des droits
fondamentaux qui par malheur sont encore refusés à des
millions d'êtres humains[1 7 9 ] ».

Telle est en effet l'erreur de perspective qui fausse souvent le


diagnostic de l'ONU et qui, par conséquent, aboutit à la
prescription de remèdes inadaptés : le développement ne peut
être réduit à un faisceau d'objectifs économiques. Il est
essentiellement lié à la reconnaissance effective de l'égale
dignité de tous les hommes. La conception des droits de
l'homme actuellement promue par l'ONU ne satisfait plus à
cette requête. Elle devient donc un frein au développement.
Avec sa conception actuelle des droits de l'homme et les
ventilations budgétaires qui s'ensuivent, l'ONU d'aujourd'hui
ne peut qu'être une machine à fabriquer des pauvres.

On ne remédie pas à l'erreur de diagnostic qui est à l'origine de


cette situation en échafaudant des plans de croissance
économique d'une inefficacité confirmée, parce que ceux-ci
accordent plus d'importance au capital physique qu'au capital
humain.

En outre, la vulgate des « nouveaux droits de l'homme » ne


peut servir à jeter un voile sur une gabegie chronique et
légendaire, qui du reste s'étale sans vergogne dans les dizaines
de réunions onéreuses et dont le financement reste trop
souvent obscur. En outre, les « nouveaux droits » ne peuvent
servir d'écran dissimulant d'autres échecs honteux : par
exemple dans les domaines de l'éducation, des soins
élémentaires de santé, de la recherche sur les maladies de la
pauvreté.
Il faut aussi que l'ONU rende des comptes à propos de ses
échecs dans la protection ou le rétablissement de la paix. Car
les gens ont de la mémoire. Échecs — pour nous limiter à des
exemples récents — en Bosnie, en Somalie, en Angola, au
Cambodge, au Tibet, au Sierra Leone, à Kaboul, au Rwanda, au
Zimbabwe, au Kosovo, à Timor, en Tchétchénie, aux
Moluques[1 80] .

Alors, avec quelle autorité peut-on parler de « nouveaux


droits de l'homme », si l'on comprend par là les « droits » de
détruire la famille et de donner la mort ?

La conversion à la vérité

À cette ONU, il faut dire qu'elle est discréditée par le mépris


qu'elle affiche pour la personne humaine, pour les familles,
pour les minorités, pour les nations. Il est urgent que cette
ONU-là se convertisse à la vérité. À la vérité de l'homme, de
sa dignité, de son intégrité physique et spirituelle. À la vérité
de la valeur de la femme, qui, par sa nature propre, fait
prévaloir la tendresse sur la force. À la vérité de la famille, qui
est monogamique et hétérosexuelle, où se vit la plénitude de
l'amour humain, où la vie est accueillie, où se forme
primordialement la personnalité du nouvel être humain. À la
vérité de la société civile, qui se fonde aussi bien sur la
sociabilité de l'être humain que sur les valeurs reconnues
librement par tous et non pas imposées d'en haut. À la vérité
de la société politique, librement choisie par les citoyens et
autonome tant dans son organisation que dans ses lois. À la
vérité de la subsidiarité, qui limite le pouvoir d'intervention
des États, et a fortiori des organisations internationales, pour
stimuler la créativité des organisations intermédiaires et des
particuliers.

Tant que l'ONU n'aura pas opéré cette conversion, elle ne


pourra compter sur l'appui des chrétiens que dans la mesure
où ses décisions seront en pleine harmonie avec la dignité de
l'être humain. Et sur leur résistance dans le cas contraire.

Parce qu'elle a abandonné ses références fondatrices, l'édifice


de l'ONU est aujourd'hui fissuré et le danger de son implosion
n'échappe pas à l'observateur attentif. L'ONU qui rejette
subrepticement les valeurs déclarées de 1948 n'a aucun
avenir. Pour se sauver, pour survivre, l'ONU a besoin de la
vérité. La vérité qui était dévoilée en 1948. La vérité que
l'Église offre sur l'homme, son origine divine, sa destinée — qui
est le bonheur définitif. L'ONU a besoin des chrétiens, qui sont
disposés à mobiliser leur immense potentiel mondial pour
appuyer des institutions qui respectent et promeuvent la
dignité intégrale de l'homme.

Plus encore : l'ONU a besoin de l'Église et des chrétiens parce


qu'elle a besoin de se libérer du mensonge et de la violence. Il
faut cesser d'étouffer la vérité! Cesser de déprécier la famille!
Cesser d'interférer dans l'intimité des couples pour «
administrer » leur pouvoir inaliénable de transmettre la vie!
Cesser d'écraser les êtres humains les plus faibles! Cesser de
limiter la souveraineté des nations! Cesser d'installer une
globalisation qui, contrôlant l'économie mondiale, contrôlera les
hommes! Cesser la construction insidieuse d'un gouvernement
mondial échappant aux hommes et aux Nations! Cesser de
vouloir imposer à l'humanité un système de domestication
idéologique à travers le contrôle des médias! Cesser de vouloir
dominer le monde en se servant d'une conception perverse du
droit!
Chapitre XVI

L'ONU contre la famille

La famille fait aujourd'hui l'objet de nombreuses mises en


question. À s'en tenir à ce qu'en disent la plupart des médias,
la famille serait une réalité dépassée et même, selon certains,
vouée à disparaître[1 81 ] . Nous allons essayer de faire le point
sur ce débat. Pour cela, nous commencerons par rappeler
brièvement la réalité de la famille telle qu'elle apparaît dans
l'histoire. Nous verrons ensuite comment la famille est
contestée aujourd'hui. C'est cependant la troisième partie qui
retiendra le plus notre attention. En effet, au moment même
où elle est radicalement contestée, l'importance naturelle de la
famille est soulignée par des savants contemporains de
premier ordre. Leurs regards scientifiques sont des signes
d'espérance, et c'est pourquoi ils méritent d'être portés sans
délai à la connaissance du grand public ainsi qu'à celle des
décideurs. Au terme de notre démarche, il apparaîtra que la
famille est la meilleure parade face au totalitarisme éclairé
concocté par l'ONU et ses ONG.
PRESENTATION DE LA FAMILLE

Une réalité sociale nouvelle

L'histoire et l'anthropologie nous apprennent que la famille


fondée sur le mariage monogamique est une institution «
naturelle » très ancienne, dont les historiens de la préhistoire
constatent déjà la réalité. La famille est le groupe issu, par
filiation, des conjoints unis dans le mariage[1 82 ] . La famille est
donc une institution fondée sur l'union conjugale, sur le
mariage. Comme le mariage, la famille est une réalité publique
; elle est distincte de la réalité de chacun des membres qui la
composent ; elle est l'interface entre le privé et le public ; elle
est reconnue dans et par la société ; elle joue un rôle dans la
société. C'est pourquoi la famille est sujet de droits, et des
politiques spécifiques lui sont consacrées.

Lorsqu'on dit que la famille est une institution naturelle, on


signifie aussi que ce n'est pas la société politique qui crée la
famille, ou encore que la famille n'est pas une création des
juristes. La famille est antérieure à la société politique.
Aristote écrivait qu'elle est la cellule de base de la société
politique : « L'amour entre mari et femme semble être bien
conforme à la nature, car l'homme est un être naturellement
enclin à former un couple, plus même qu'à former une société
politique, dans la mesure où la famille est quelque chose
d'antérieur à la Cité et de plus nécessaire qu'elle, et la
procréation des enfants une chose plus commune aux êtres
vivants »[1 83 ] .

Dès les premiers pas des États de droit, cette réalité naturelle
est régulée par les juristes : la famille fait l'objet de législations
variant suivant les sociétés. Le droit de la famille, ainsi que le
droit patrimonial qui lui est intimement lié, est un des piliers
du droit civil. Le droit positif organise donc la réalité naturelle
qu'est la famille, mais ce n'est pas lui qui en suscite l'existence.

La Pira, qui, avant d'être homme politique, était brillant juriste


et spécialiste du droit romain, montre même, dans une étude
largement commentée par Pierangelo Catalano[1 84 ] (lui-même
brillant romaniste), la « diversité structurelle existant entre le
contrat par consentement du droit privé et l'acte matrimonial
bilatéral ». Ce dernier « sort de l'espace du droit privé et se
situe dans l'espace du droit public ». Et La Pira d'expliquer : «
C'est un acte bilatéral (du mari et de la femme), consensuel
[...], qui crée [...] un organisme, un être nouveau, une unité
(ontologique) sociale nouvelle ».

Chaque mariage est donc l'origine d'une réalité sociale


nouvelle, la famille. Il fonde une société nouvelle où les
Romains voyaient déjà le principium urbis, l'origine de la Cité,
le seminarium rei publicae, le germoir de la société civile, la
pusilla res publica, le condensé de la république, la pierre
fondamentale de la civitas et de toute la société humaine.

Amour et fécondité
Traditionnellement, deux fonctions sont reconnues à la famille.
La première est procréative : c'est dans le cadre de la famille
fondé sur le mariage que se transmet la vie, que se
renouvellent les générations. Par sa fonction procréative, la
famille permet à la société de durer, c'est-à-dire de continuer à
exister, à agir, à s'affirmer. La procréation présente donc deux
facettes. Elle procède de la tendance naturelle des conjoints à
la communication de la vie, à sa conservation, mais elle
correspond également à la nécessité de survivre,
caractéristique de toute société dynamique. La contestation
actuelle de la finalité procréative de la famille entraîne donc
non seulement les répercussions que l'on sait au niveau de la
famille proprement dite ; elle met aussi en péril la survivance
de la société.

La procréation humaine comporte l'éducation des enfants, la


formation, à tous les niveaux, d'un nouvel être humain.
L'éducation reçue dans la famille n'est pas simplement la base
de toute éducation ultérieure. En famille, l'éducation est offerte
par le père, par la mère et par le couple lui-même. L'éducation
reçue dans la famille est le point de départ de toute éducation
et de toute socialisation. Dès sa naissance, l'enfant est accueilli
dans sa différence et, progressivement, il reconnaît et accueille
lui-même les autres dans leurs différences. L'éducation reçue
dans la famille prépare donc l'enfant à son insertion dans une
société démocratique, où il sera reconnu et où il reconnaîtra les
autres dans leurs différences[1 85] .
La seconde fonction de la famille est souvent appelée unitive :
les époux s'unissent sur le long terme, ils se manifestent
durablement leur amour. Ici apparaît la spécificité de la
sexualité humaine, qui n'est pas réductible à un processus
physiologique. Lorsque les époux s'unissent, ils se manifestent
de la tendresse, de l'affection, des sentiments profondément
humains. Les époux forment pour ainsi dire « un seul être, une
seule vie ». Cette union matrimoniale qui s'épanouit dans la
famille était saluée à Rome par des expressions pour ainsi dire
lyriques, qui surprennent dans le vocabulaire austère du droit
: conjunctio maris et feminae (l'union du mari et de la femme),
consortium omnis vitae (un engagement à partager toute la
vie), etc.[1 86 ] . Entre les conjoints, il y a interdépendance, plus
encore : solidarité. Et cette solidarité s'étend à l'ensemble de la
famille.

Des études contemporaines célèbres ont montré que deux


règles, universellement observées, visent à protéger la famille.
L'une concerne l'exogamie : il faut chercher son conjoint dans
un autre groupe que celui d'où l'on procède soi- même. L'autre
concerne l'inceste : celui-ci interdit les relations sexuelles entre
proches parents[1 87 ] .

La famille peut relever de différents types d'organisation.


L'Antiquité romaine, par exemple, a abandonné peu à peu la
famille agnatique, basée sur la parenté par les mâles, pour lui
préférer la famille cognatique, basée sur les liens du sang et
spécialement sur la parenté par les femmes. Actuellement
encore, on considère que la famille est patriarcale quand le
chef de famille y exerce l'autorité et quand elle préserve un
patrimoine. Elle est nucléaire quand elle s'articule autour du
noyau constitué par le père, la mère et leurs enfants.

Issue du mariage, la famille est donc une réalité naturelle qui


se vit dans la longue durée. C'est une union à la fois féconde et
stable. Une expression devenue courante résume les
caractères essentiels de cette union : amour et fécondité.

L'Église accueille la réalité naturelle de la famille ; elle en


révèle en outre la dimension propre dans le plan de Dieu. La
famille est le lieu par excellence où les époux participent
activement à l'amour créateur et sanctificateur de Dieu. La
famille n'est pas seulement la cellule de base de la société ; elle
est une Église en miniature, une ecclesiola. Selon l'heureuse
expression de Jean-Paul II, elle est la « communauté ecclésiale
de base »[1 88] .

Pour ces diverses raisons, l'Église recommande que soit pris en


compte le principe de subsidiarité en faveur de la famille.
L'autorité politique doit protéger celle-ci et l'aider à réaliser sa
double mission : d'une part, assurer le renouvellement des
générations, ce qui inclut l'éducation des enfants ; d'autre part,
respecter l'intimité des conjoints et les aider dans la recherche
du bonheur.

Dissocier procréation et union ?

L'histoire et l'anthropologie révèlent aussi que la famille a été


contestée. La façon habituelle de contester la famille consiste à
en dissocier ce qu'on appelle traditionnellement les deux fins :
procréative et unitive, et à briser ce qu'on appelle aujourd'hui
la connexion entre le « lien conjugal » et le « lien de filiation ».
Dans la foulée, ce qui est menacé, ce sont les liens entre
générations et les liens de parenté, donc les solidarités
familiales.

Platon, par exemple, voulait que la Cité contrôlât strictement


le nombre de ses habitants ainsi que l'éducation donnée aux
enfants. De leur côté, les épicuriens développaient une morale
hédoniste, c'est-à-dire exaltant le plaisir individuel. De part et
d'autre, il y a séparation des deux fins traditionnelles du
mariage et de la famille. Pour Platon, seule importe vraiment
la production des enfants ; pour les épicuriens, le plaisir.

Plus près de nous, la famille a été contestée par exemple par


Léon Blum dans son ouvrage traitant Du mariage (1907), large
apologie de l'amour libre. Les régimes totalitaires du XXe
siècle ont également voulu faire échec à la famille. Dès le début
de la Révolution soviétique est lancée une législation visant à la
destruction de la famille. Puis, le régime soviétique ne
parvenant pas à instaurer un collectivisme total, il entreprend
de subordonner la famille aux intérêts de l'État tels que les
définit le Parti, et dispose que les conjoints pourront être
séparés si l'État le requiert [1 89 ] . Le nazisme n'est pas en reste.
Ce qui l'intéresse, c'est que la famille produise des enfants de
qualité raciale irréprochable, et en nombre suffisant pour les
besoins de l'État, de sa production et de ses conquêtes.
Dans les deux cas, la famille est totalement subordonnée aux
intérêts de l'État. Ainsi que nous le verrons plus loin, les
totalitarismes de tous les temps ont — dans leur logique — des
raisons de suspecter la famille, de la contester et de la détruire
si ce devait être nécessaire à leur cause.

Sur ce point, le totalitarisme éclairé, objet de notre attention,


ne diffère point de ses prédécesseurs. Dans sa logique, avant
de fabriquer des hommes, il faut détruire la famille.
LA FAMILLE A L'EPREUVE DE L'ETAT

Tout le monde s'accorde à reconnaître qu'aujourd'hui la famille


est en difficulté, même si elle conserve une place essentielle
dans le monde[1 9 0] . Il suffit de regarder autour de soi pour
constater le nombre de foyers détruits. Aucun milieu n'est
épargné. L'institution familiale comme telle est même mise
radicalement en question. Nous allons examiner quelques-
unes des causes de cette crise ; ensuite nous en examinerons
les conséquences.

Quelques causes

Il faut d'abord mentionner ce qui est le plus évident : des


mesures anti-famille. On songe ici d'abord à la réduction des
aides publiques à la famille, notamment des allocations
familiales ; aux politiques de logement qui discriminent les
familles avec enfants ; aux régimes fiscaux qui prévoient
parfois des taux d'imposition progressifs selon le nombre
d'enfants ; à de nouveaux impôts qui ne tiennent pas compte
de la capacité contributive de la famille. À part de
remarquables exceptions — nous y reviendrons — les
économistes ne s'intéressent guère à la réalité de la famille[1 9 1 ]
; ils s'intéressent aux ménages, généralement considérés
comme unités de logement et de consommation[1 9 2 ] .

On est également frappé par le climat général défavorable à la


famille. La chute de la nuptialité est un des déterminants de la
chute de la fécondité. Non seulement les couples se marient
moins et, s'ils se marient, se marient plus tard[1 9 3 ] , mais en
outre ils tendent à avoir moins d'enfants. La famille en est
directement affectée puisqu'elle se contracte. Cette tendance
se reflète dans la diminution rapide du nombre des familles de
3 enfants ou plus. Les familles de 5 enfants ou plus
représentaient, en France, 3,66 % des familles en 1968 ; elles
n'en représentaient plus que 0,88 % en 1990[1 9 4 ] .

Inversement, les couples mariés divorcent et, le cas échéant,


se « remarient » avec une facilité déconcertante. Les lois en la
matière sont de moins en moins dissuasives. D'où ce qu'on
appelle la famille « recomposée ».

L'avortement et la contraception précipitent également la crise


de la famille en disjoignant les deux finalités de l'union
conjugale. L'avortement supprime carrément l'enfant procréé ;
la contraception chimique bloque l'ouverture à la procréation,
inscrite dans l'union des conjoints. La contraception prédispose
donc non seulement à la cohabitation, mais aussi à la
multiplicité des relations sexuelles pré- et extra-
matrimoniales.

À cette première rubrique, il faut hélas rattacher la


dévalorisation de la maternité. Les femmes n'ont guère de
vraie liberté de choix [1 9 5] . La pression sociale tend à les
culpabiliser si elles n'exercent pas une profession rémunérée
et si elles ne contribuent pas, par leur travail, aux recettes
fiscales, au service des pensions, des mutuelles et autres
caisses de chômage. Faisant écho à cette pression rampante,
les pouvoirs publics n'honorent ni la maternité, ni la paternité.
Cette double omission est préjudiciable à la famille, au sein de
laquelle la mère est appelée à jouer un rôle central et
irremplaçable, qui n'exclut évidemment pas le rôle également
essentiel du père.

Du « désengagement » de l'État à l'exclusion

Excessivement interventionniste dans de multiples domaines,


l'État tend à se distancer, voire même à se désintéresser de
l'institution familiale. Claude Martin a analysé le «
désengagement » juridique de l'État vis-à-vis de l'institution
matrimoniale et familiale[1 9 6 ] . Dans ce domaine, l'État tend à
ne connaître et à ne reconnaître que des individus. En
conséquence, il affaiblit les dispositions juridiques qui,
traditionnellement, protégeaient l'institution familiale. Dans le
même temps, il fait une place de plus en plus grande aux
vouloirs individuels. Entre ces vouloirs individuels s'établissent
des consensus dont l'État doit se borner à prendre acte
puisqu'ils ne sont pas constitutifs de l'institution familiale. On
constate ici que l'évolution du droit et de la jurisprudence
contribue à affaiblir l'institution familiale.

Les récents projets qui ont défilé sous les signes de CUCS, de
PICS et autres PACS, etc., sont particulièrement révélateurs
de ce désengagement vis-à-vis de l'institution matrimoniale.
De tels projets montrent que l'État considère ces contrats
d'union civile et sociale (CUCS) et autres pactes d'intérêt
commun (PIC) comme des contrats privés, laissant aux parties
la plus grande liberté de négocier les conditions dudit contrat,
de faire ou de défaire le consensus. Hélas, de tels contrats
débilitent l'institution qu'ils singent en réduisant le mariage à
un contrat privé entre individus, toujours disposés à
renégocier les conditions de leur cohabitation, toujours prêts à
rompre leur consensus, bref un contrat qui n'est pas créateur
d'une réalité sociale nouvelle, la famille. Tel est l'un des
problèmes majeurs posé par le pacte civil de solidarité (PACS)
adopté en France en 1999.

Paradoxalement, le désengagement de l'État vis-à-vis de


l'institution familiale a amené ce même État à intervenir
davantage dans les questions familiales causées par la
désaffection vis-à-vis de cette institution. En effet, comme l'a
aussi montré Claude Martin, la précarité familiale augmente le
risque d'exclusion. Les séparations et les divorces sont cause
d'appauvrissement, mais tous les foyers monoparentaux issus
de ces séparations ne sont pas également vulnérables. Les plus
menacés par l'exclusion sont ceux qui sont les moins bien
préparés, qui ne peuvent compter sur l'aide de leurs proches
ni sur celle d'un réseau de relations[1 9 7 ] .

L'État est ici pris à son propre piège. En un premier temps,


voulant laisser libre cours à la liberté individuelle, l'État se met
en retrait par rapport à l'institution familiale ; au niveau
juridique, ce retrait se traduit par une « déprotection » de
l'institution familiale. Toutefois, ce faisant, l'État crée de
nouveaux risques de désinsertion, de marginalisation — ce qui
l'incite à développer l'assistanat. L'État doit en effet intervenir
pour remédier aux malheurs qu'il a lui-même induits en créant
des risques d'exclusion, qui résultent de sa propre désaffection
vis-à-vis de l'institution familiale. Nous voici dans un
perpetuum mobile qui n'a rien de musical.

Il va de soi qu'à la liste déjà longue des risques liés à la


précarité familiale viendra s'ajouter une litanie bien plus
désolante encore des risques liés à la fragilité des « unions
sociales », et aux retombées étiologiques de celles-ci.

Aussi bien, à la différence de la plupart des investissements


publics, dont on attend un return bénéfique pour les citoyens
et pour la société, les investissements en faveur des « libertés
individuelles nouvellement conquises » ont un return
maléfique connu d'avance et même voulu, puisqu'il est
scientifiquement établi que ces investissements de second
type ne résolvent aucun problème, et qu'au contraire ils en
créent.

Flash sur les « fragilités nouvelles »

Dans son discours du 15 juin 2000, où il annonçait vouloir


donner un nouvel élan à la politique familiale, M. Lionel Jospin
avait explicitement en vue les familles, dont il s'agit «
d'épouser les évolutions ». Parmi les mesures préconisées
apparaissent la réforme des modes de garde et des horaires de
garderie. Après l'accouchement, les mères pourront recevoir
une prime de reprise d'emploi. Autant de mesures qui
favorisent évidemment un distancement entre l'enfant et sa
mère. Certaines allocations seront modulées selon les revenus
du ménage, ce qui révèle une légère confusion entre politique
familiale et politique fiscale. Les crédits en faveur du logement
varieront selon des critères semblables[1 9 8] .

À partir du moment où la famille traditionnelle est considérée


comme un type de ménage parmi d'autres, les programmes de
politique familiale tendent immanquablement à être annexés
par les programmes de politique sociale. Et sous ce rapport,
toutes les prévisions budgétaires vont devoir être revues à la
hausse. En effet, M. Jospin s'est félicité des « libertés
conquises », mais on peut se demander s'il prend assez en
compte le lien causal, pourtant indiscutable, entre ces «
libertés conquises » et ce qu'il appelle euphémiquement les «
fragilités nouvelles » engendrées par ces mêmes libertés.

Enfin, ces dispositions budgétaires incontournables vont


rapidement engendrer des effets pervers allant à contresens
de ce qu'on attend d'une politique familiale authentique. Ces
mesures budgétaires accentueront les causes, déjà
nombreuses, qui conduisent la France à un déclin
démographique sans précédent [1 9 9 ] .
LA FAMILLE A L'EPREUVE DE L'ONU

Le piège des soi-disant « nouveaux droits »

Les tendances anti-famille ne se retrouvent pas seulement au


niveau de l'État. Les récentes conférences de l'ONU ont mis en
question le sens traditionnel du mot famille. Ce sens apparaît
dans l'article 16 de la Déclaration universelle des Droits de
l'Homme de 1948. Cet article porte : « La famille est l'élément
naturel et fondamental de la société et a droit à la protection
de la société et de l'État ». La genèse de cet article ne laisse
aucun doute sur la signification que les rédacteurs et les
signataires de la Déclaration entendaient donner au mot «
famille »[2 00] . Dans cet article, il est bel et bien question de la
famille traditionnelle, monogamique et hétérosexuelle. C'est ce
que confirme l'exégèse des autres articles de la Déclaration, où
il est aussi question de la famille[2 01 ] .

Or, surtout depuis la Conférence de Pékin (1995), l'ONU


s'ingénie à employer le mot famille pour désigner toute sorte
d'unions consensuelles : unions homosexuelles, lesbiennes, «
familles » recomposées, « familles » monoparentales masculine
ou féminine, en attendant les unions incestueuses ou
pédophiliques. De multiples réunions organisées depuis 1995
par l'ONU et ses agences (dont le FNUAP, l'OMS, la Banque
mondiale, le PNUD, etc.) révèlent le rôle néfaste que jouent
cette organisation et ses ONG satellites à propos de la
famille[2 02 ] .

Ce rôle est joué à partir d'un détournement du sens du mot


famille. Le mot famille est désormais équivoque ; ses
significations fluctuent au gré des intérêts en cause. Selon le
jargon reçu, le mot famille est un concept « polysémique », qui
renvoie à des réalités « polymorphes ».

Ces multiples significations que l'on décide d'attribuer au mot


famille sont la conséquence directe de la nouvelle conception
des droits de l'homme que nous avons examinée plus
haut [2 03 ] . Par l'individualisme qui imprègne les soi-disant «
nouveaux droits de l'homme », l'ONU piège l'institution
familiale traditionnelle. Cette dernière est en effet le lieu où
des personnes s'engagent à construire ensemble une
communauté nouvelle ouverte à la vie. La famille est lieu de
solidarité, d'interdépendance consentie, de fidélité. Il va de soi
que lorsque l'ONU plaide pour que, par exemple, un couple
d'homosexuels bénéficie de l'appellation « famille », elle prend
acte des vouloirs individuels des membres du couple. Mais ces
membres n'appellent nullement à l'existence une réalité sociale
nouvelle ; ils n'instituent pas une famille ; ils n'ont aucune
capacité, eux, de transmettre la vie. Ils s'accordent sur un
pacte issu d'un consensus par définition toujours conditionnel.
La répudiation est toujours offerte comme possibilité.

Par là, l'ONU apporte sa caution aux États qui ont déjà
entrepris d'exténuer l'institution familiale en flattant la liberté
débridée des individus. Dans la foulée, l'ONU, précarisant le
lien familial, contribue à renforcer les risques d'exclusion déjà
multipliés par l'État [2 04 ] .

Une culture anti-famille

Divulguée également par l'ONU et ses agences, l'idéologie du «


gender » vise également à détruire la famille[2 05] . Cette
idéologie a deux sources principales : le marxisme et le
structuralisme. Ainsi qu'on s'en apercevra, cette idéologie a
subi en outre des influences multiples. Bornons-nous à
mentionner ici celle de Wilhelm Reich : rejet de toute discipline
sexuelle ; et celle d'Hubert Marcuse : rejet de tous les
pouvoirs.

L'idéologie du « gender » reprend l'interprétation que donne


Friedrich Engels de la lutte des classes. On sait que, selon
Marx, la lutte des classes était, par excellence, la lutte
opposant le capitaliste et le prolétaire. Pour Engels, cette lutte
est d'abord celle qui oppose l'homme et la femme. La famille
monogamique et hétérosexuelle est le lieu par excellence où la
femme est exploitée et opprimée par l'homme. La libération de
la femme passe donc par la destruction de la famille. Une fois «
libérée », la femme pourra occuper sa place dans la société de
production.

Toutefois, s'inspirant aussi du structuralisme, l'idéologie du «


gender » considère en outre que chaque culture produit ses
règles de conduite. La culture traditionnelle doit être dépassée
— assure-t-on — , « car elle opprime la femme ». Les femmes
doivent prendre la tête d'une nouvelle révolution culturelle, et
celle-ci fournira de nouvelles règles de conduite. Cette nouvelle
culture considère que les différences de rôles entre les sexes
n'ont aucun fondement naturel ; elles sont apparues à une
certaine époque de l'histoire et le moment est venu qu'elles
disparaissent, car cet épisode de l'odyssée humaine est révolu.

En réalité — assurent les idéologues du « gender » — les


différences de rôles entre l'homme et la femme sont purement
culturelles : elles sont même le produit d'une culture en voie
d'extinction. La nouvelle culture devra abolir toutes les
distinctions, relents anachroniques de l'âge de « l'oppression de
la femme par l'homme » et des inégalités entre eux. Dès lors,
cette nouvelle culture, que l'idéologie du « gender » appelle de
ses vœux, exige la destruction de la famille à laquelle ils
accolent l'adjectif « traditionnelle » ; celle-ci serait en effet
basée sur la culture « déclassée ». Selon cette culture
prétendument déclassée, l'homme et la femme ont des rôles
naturellement différents dans la transmission de la vie. La
famille est la conséquence naturelle du comportement
hétérosexuel de l'homme et de la femme.

La nouvelle culture, quant à elle, nie toute importance à la


différenciation génitale de l'homme et de la femme. Comme
cette différenciation est déclarée dépourvue de toute
importance, les rôles de l'homme et de la femme sont
strictement interchangeables. Il s'ensuit que l'hétérosexualité,
telle qu'elle s'exprimait traditionnellement dans la famille, est
privée du statut privilégié dont elle jouissait dans la culture
traditionnelle, déclarée obsolète. Puisque les rôles liés aux
différences génitales sont condamnés, des mots comme
mariage, maternité ou paternité n'ont plus aucune importance.
Signe remarquable de l'emprise de cette idéologie : le mot
maternité a pratiquement été balayé du document final de la
Conférence de Pékin (1995).

L'hétérosexualité en est ainsi réduite à être un cas de pratique


sexuelle à côté de divers autres cas et sur le même pied que
ceux-ci : homosexualité, lesbianisme, unions consensuelles
diverses qui peuvent être dénoncées à la demande, etc. Les
règles de conduite de la culture dite ancienne doivent être
abolies. Le droit au plaisir sexuel individuel doit être proclamé.
Il ne doit être assorti d'aucune contrainte, d'aucune limitation,
d'aucun devoir. Il ne peut s'accompagner d'aucune
responsabilité vis-à-vis d'autrui. Il doit être à l'abri de toute «
répression » : celle-ci ne pourrait être qu'une survivance des
codes de conduite périmés.

L'influence de l'idéologie du « gender » ne saurait être


surestimée et nous l'avons déjà relevée à propos des «
nouveaux droits de l'homme »[2 06 ] . Avec elle, la famille est
non seulement l'objet d'une contestation radicale mais d'une
volonté déclarée de destruction. En elle se conjuguent les
ferments pervers du fatalisme violent qu'on trouve dans le
marxisme et dans l'individualisme absolu du néolibéralisme.
Cette idéologie a été adoptée par la plupart des agences de
l'ONU et par d'innombrables ONG. Grâce à ces complicités,
elle étend ses ramifications partout.
Deux exemples mettront en évidence le caractère pervers de
cette idéologie. Le premier concerne l'avortement. Dans le
cadre de la culture que les idéologues du « gender »
considèrent comme dépassée, les discussions portaient sur la
dépénalisation et/ou la libéralisation de l'avortement [2 07 ] . Ces
deux vocables suggéraient l'idée d'un « permis légal » mais non
d'un droit [2 08] . Dans le cadre de la culture nouvelle — celle qui
s'inspire de l'idéologie du « gender » — l'avortement apparaît
explicitement comme un « nouveau droit de l'homme » ; de
même pour l'homosexualité.

Pour résumer et pour conclure, constatons que l'idéologie du «


gender » est désastreuse pour la famille parce qu'elle entend
propulser de « nouveaux droits de l'homme ». Ceux-ci en
seraient réduits à n'être, en fin de compte, que l'expression de
revendications individuelles les plus aberrantes. On voit par là
que l'idéologie ne se borne pas à mettre en péril la famille
traditionnelle ; si elle devait poursuivre ses ravages, elle
détruirait tout le tissu social. La sociabilité naturelle de
l'homme serait prise en relais par une régression vers une
culture de la violence et de la barbarie.
Chapitre XVII

La famille :
un gisement de valeurs

Lorsqu'on étudie la famille, on a souvent tendance à considérer


qu'il s'agit d'une réalité privée, impliquant le père, la mère, les
enfants. Que pour chacun des membres de cette cellule, la
famille soit un bien, comment pourrait-on en douter ?
Cependant, si la famille est un bien pour ses membres, elle est
en outre un bien, et même un grand bien, pour la société. La
qualité de la famille a un impact direct sur la qualité de la
société. Voilà ce qui résulte de trois types d'études, que les
technocrates de l'ONU et les gourous des ONG gagneraient à
prendre en compte.
LA PLUS PETITE DEMOCRATIE

L'apport de la famille à la société politique mérite d'être


mentionné en premier. Cet apport ressort de façon
particulièrement nette des études récentes sur le
totalitarisme. De ces études, il ressort que l'essence du
totalitarisme consiste dans la volonté de détruire le moi dans
ses deux dimensions : physique et surtout psychologique[2 09 ] .
Ces mêmes études montrent que c'est dans la famille que se
forment des personnalités fortes, libres, autonomes, capables
de jugement personnel. Ces personnes-là sont capables de
résister aux techniques aliénantes, à la colonisation
idéologique.

Contrôler l'affectivité

Ceci est confirmé par l'observation directe. Peu de temps


après l'implosion du régime soviétique, l'Académie des sciences
sociales de Moscou a organisé un séminaire sur l'enseignement
social chrétien. Cette académie était en fait une université où
se formaient les cadres supérieurs de l'appareil syndical
soviétique. Comme le contact avec les auditeurs était excellent
et empreint de grande confiance, les discussions ont vite porté
sur des questions essentielles. Il était frappant, par exemple,
qu'après soixante-dix ans de totalitarisme, beaucoup d'anciens
apparatchiks avaient conservé à la fine pointe de leur âme une
lueur de foi. Ils avaient aussi préservé une réelle liberté
intérieure face à la machine dont ils étaient à la fois victimes et
serviteurs. Comment expliquer cette résistance ? La réponse
unanime à cette question fut donnée immédiatement : « Si
nous avons conservé un minimum de dignité, de foi et de
liberté, nous le devons à notre grand-mère ».

Le rôle joué par la famille dans la société politique est confirmé


a contrario par l'obstination à détruire la famille que
manifestent tous les régimes totalitaires. Ceux- ci veulent
d'abord tarir les sources de l'affectivité ; ils veulent laminer les
relations entre les parents et leurs enfants. Les enfants sont
confiés à l'État et à ses délégués. La relation affectueuse entre
les parents et les enfants est en effet essentielle dans
l'édification d'une personnalité. Des projets visant à priver les
parents de leur responsabilité vis-à-vis de leurs enfants
s'affichent de plus en plus ouvertement dans les réunions
internationales. C'est le cas, en particulier, en ce qui concerne
l'éducation sexuelle. À la racine de ces projets, il y a la volonté
totalitaire de déprogrammer- reprogrammer le moi des
enfants. Tout en se mettant en place, un régime totalitaire doit
s'arranger pour briser la résistance de ceux qui pourraient le
contester.

Ce contrôle de l'affectivité s'étend aux relations entre les


époux. Le mari et la femme doivent avant tout être au service
de la Cause totalitaire. Ils sont de simples rouages dans la
machine. Ils doivent donc être disposés, dans les totalitarismes
classiques, à rester séparés pendant des semaines et des mois
si l'exigent les intérêts de la Cause. Avec le totalitarisme
éclairé de l'ONU, le contrôle va plus loin encore puisqu'il porte
sur la sexualité, ou plus précisément sur un aspect essentiel de
la sexualité, à savoir la reproduction. Comme tous les
totalitarismes, celui de l'ONU comporte une utopie
démographique : il rêve de contrôler le nombre et la « qualité
» des hommes et des femmes. C'est la guerre anticipée : on
n'attend pas que les hommes soient adultes pour les tuer ; on
les tue dans le sein de leur mère ou on les empêche de naître.

Lorsqu'on sait la place qu'occupent l'affectivité et la sexualité


dans la genèse et la structure de la personnalité, on ne
s'étonnera pas de voir que les machines totalitaires
s'appliquent toujours à détruire ces facteurs constitutifs du
moi. Au premier rang des machines actuelles figurent le
FNUAP et son allonyme l'IPPF, qui rêvent de — et parfois
parviennent à — s'ériger en police démographique mondiale.

De la fraternité à la solidarité

Il ressort de cela que la famille mérite d'être protégée et


soutenue parce qu'elle est le lieu où se forme le tissu de la
société politique. Elle n'est pas simplement la cellule de base de
la société politique en général ; elle est la cellule indispensable
à toute société politique démocratique. C'est dans la famille
que l'homme et la femme apprennent à s'accueillir dans leurs
différences, à reconnaître qu'ils sont égaux en dignité, à
s'ouvrir aux autres[2 1 0] . C'est à partir de la famille que la
fraternité s'épanouit en solidarité. L'interdépendance
qu'acceptent les conjoints au point de départ de leur union
s'épanouit en effet en solidarité entre les parents et les
enfants, entre les différentes générations, et donne lieu à
divers degrés de parenté. Elle s'épanouit également en cercles
concentriques en dehors du milieu familial pour constituer des
corps intermédiaires.

La raison profonde pour laquelle la famille est essentielle à la


qualité de la société politique se trouve dans la subsidiarité.
L'institution familiale, la réalité sociale originale constituée par
la famille, est le premier lieu de la subsidiarité. C'est
l'institution familiale, et non pas l'école ni encore moins l'État,
qui, primordialement, aide les membres de la famille à accéder
à la plénitude de leur personnalité. Cela est déjà vrai des
conjoints, premiers bénéficiaires de ce surcroît d'être que leur
apporte l'institution qu'ils ont eux-mêmes fondée. La
subsidiarité joue encore pleinement en faveur des enfants
puisque toute l'éducation qu'ils reçoivent dans la famille est le
fruit des interactions qui s'exercent dans la réalité sui generis
qu'est précisément la famille[2 1 1 ] .

Tous ces bénéfices procurés par la famille ont leur


retentissement dans la société civile. Celle-ci est bénéficiaire
de l'action familiale à un double titre. C'est la famille qui, par la
transmission de la vie, assure la durée de la société civile. Mais
la vie ainsi transmise ne se borne point à la vie physique
puisque la famille est le sol où s'enracine toute l'éducation d'un
être humain.
UNE REALITE NATURELLE
QUI PERSISTE A S'AFFIRMER

Si la science politique met en lumière l'importance de la


famille, la sociologie n'est pas en reste. Curieusement, c'est en
partant de l'étude des difficultés de la famille que la sociologie
confirme la réalité naturelle de celle-ci. C'est ce qui ressort en
particulier des analyses récentes de deux spécialistes faisant
autorité en la matière.

Gérard-François Dumont constate qu'en définitive il est


étonnant d'enregistrer encore autant de mariages et de
naissances dans des sociétés européennes où l'environnement
juridique, médiatique, éducatif, fiscal, etc. est défavorable à la
famille. C'est bien la preuve de l'existence et de la vitalité d'une
réalité naturelle qui parvient à s'affirmer en dépit d'un
contexte très largement défavorable[2 1 2 ] .

Une autre analyse est due à Claude Martin, auquel nous avons
déjà recouru. Paradoxalement, cet auteur met en relief la
réalité naturelle de la famille à partir d'une analyse du divorce.
Nous allons évoquer brièvement cette démarche.

Le coût social du divorce est sans doute délicat à calculer ; en


revanche, il n'est pas difficile d'en relever quelques
caractéristiques évidentes. Divorcer coûte cher, par exemple
en déplacements, en logements, en pensions alimentaires, etc.
Ces dépenses sont évitées ou n'ont pas la même ampleur dans
les familles unies. Constatation confortée en partie par une
étude de Lucile Olier[2 1 3 ] . Les familles unies disposent de plus
de ressources qui peuvent être appliquées dans l'épargne ainsi
que dans l'aménagement du foyer, dans la culture et surtout
dans la santé et l'éducation des enfants.

Par ailleurs, la famille est un rempart contre la marginalisation


et l'exclusion. On s'en rend déjà compte en observant les
sociétés où les politiques sociales, entendues au sens large,
fonctionnent mal ou sont inexistantes. Là où sont déficientes
les caisses de chômage, les mutuelles de santé, les pensions de
vieillesse, etc., la famille est un lieu naturel de solidarité.
Jeunes ou vieux, handicapés ou malades, les plus faibles et les
plus vulnérables sont protégés par l'environnement familial.
Cette situation peut s'observer aujourd'hui dans les milieux les
plus défavorisés des pays riches où certains acquis de l'État-
Providence sont mis en question sous la double pression de la
chute de la fécondité et d'un néolibéralisme impitoyable. Mais
c'est ce qui s'observe encore davantage dans les pays du tiers-
monde, où la solidarité familiale protège ceux que la société
ignore, leur permettant de vivre dans une dignité reconnue au
moins par tous les membres du foyer. Il est fréquent, par
exemple, que les membres d'une famille se regroupent en une
maisonnée. Les parents âgés y sont recueillis et rendent bien
des services ; réciproquement, ils font l'objet de la sollicitude
des membres des générations plus jeunes.

Claude Martin ne se borne pas à analyser l'après-divorce[2 1 4 ] .


Il tire de son enquête des enseignements précieux qui valent
la peine d'être présentés. Claude Martin constate que la famille
est perçue comme une richesse, comme un « capital social » (p.
22), comme une protection rapprochée (p. 23), comme un lieu
de solidarité, voire même « un lieu de survie » (p. 289), alors
que l'État-Providence est défaillant. Car par un effet de
boomerang l'État échoue à maîtriser une marginalisation dont
il accroît lui-même les risques en décimant l'institution
familiale. Or la famille est capable de résoudre des problèmes
sociaux que l'État maîtrise de moins en moins :
marginalisation, « désaffiliation », « désinsertion », exclusion,
etc.

Les conclusions des études que nous venons d'évoquer sont


curieusement corroborées par celles du Comité français
d'éducation pour la santé. Le 24 novembre 1998, ce comité a
rendu public un Baromètre santé-jeunes. Deux des constats de
ce Baromètre confirment le rôle essentiel de la famille. Le
rapport met d'abord en relief la fragilisation des enfants issus
de familles monoparentales ou recomposées. Il montre aussi
l'impact, favorable ou défavorable, des situations familiales sur
la santé des jeunes[2 1 5] . Cette dernière constatation est même
confirmée par l'endocrinologie. Le Dr David Benchetrit a
récemment relevé que « les enfants concernés [par l'obésité]
sont souvent seuls, sans frère ni sœur, issus de cellules
familiales éclatées. Ils trouvent une maison vide quand ils
rentrent de l'école et mangent seuls le soir. [...] Pour se
déculpabiliser de rentrer tard, [les parents] laissent des
friandises dans le frigo et incitent ainsi leur progéniture à
manger »[2 1 6 ] .

Enfin, psychiatres, éducateurs, juristes sont unanimes à


reconnaître qu'un environnement familial délabré ou
inexistant favorise la violence, l'usage de la drogue,
l'alcoolisme. Les coûts sociaux de la délinquance et de la
criminalité ont une de leurs sources principales dans les
difficultés que connaissent les familles. Il va donc de soi que la
prévention de la délinquance et de la criminalité passe par la
protection et la promotion de la famille par l'État.

La leçon qui s'impose au terme de ces constats est


péremptoire. Comme les créateurs français du mariage
républicain l'avaient fort bien perçu, l'État doit promouvoir et
protéger l'institution familiale. C'est son intérêt, puisqu'il se
révèle totalement incapable de rivaliser avec le rôle
providentiel que peut exercer l'institution familiale ; l'État n'a
notamment pas à se substituer à chaque instant au rôle
essentiel des parents. C'est aussi son devoir, puisqu'à force de
demander au droit de célébrer de « nouveaux droits »
individuels au détriment de l'institution familiale, on ne peut
aboutir qu'à une société anti-solidaire, où triomphent
l'anarchie, l'individualisme et l'exclusion. C'est donc avec
pertinence que Claude Martin pose la question : « Sommes-
nous à l'aube d'un nouveau familiarisme ? » (p. 289).
LA FAMILLE ET LE CAPITAL HUMAIN

S'il est vrai que trop d'économistes ne connaissent que la


notion de ménage, quelques-uns, parmi les plus brillants, ont
consacré à la famille des études qui corroborent les conclusions
auxquelles nous ont conduits la contribution de la science
politique et de la sociologie.

Aux États-Unis, le rénovateur de ces études économiques sur


la famille est Gary Becker, chef de file actuel de l'École de
Chicago et Prix Nobel d'économie en 1992. En France, deux
noms, parmi d'autres, se détachent : Gérard-François
Dumont, pionnier en la matière, et Jean-Didier Lecaillon[2 1 7 ] .
Par des recherches indépendantes et des méthodes
différentes, ces trois économistes, qui sont aussi démographes,
arrivent à des conclusions étonnamment convergentes.

Il faut tout d'abord constater que Gary Becker a montré — ce


que Claude Martin confirme par d'autres voies — que la crise
de la famille est une des causes principales des inégalités dans
notre société. Mais, beaucoup plus positivement, il faut
souligner que le célèbre économiste a reçu le Prix Nobel parce
qu'il a démontré, avec toutes les ressources de la discipline
scientifique la plus « pointue », la corrélation entre le rôle de la
famille et la formation du capital humain[2 1 8] . Comme
beaucoup, Gary Becker a constaté que l'activité parentale
n'était pas prise en compte dans les comptabilités nationales. Il
a donc commencé à la mesurer, à la calculer de façon précise. Il
a mesuré le coût du divorce (pp. 324-341), analysé le rôle de
l'État (pp. 362-379), calculé le prix et le coût de l'enfant, etc. Il
est surtout arrivé à une conclusion majeure : la famille est le
lieu primordial où se forme le capital humain. Or, a-t- il
démontré, le capital humain représente aujourd'hui plus de 80
% de la richesse d'une nation moderne — le capital physique
(installations industrielles, ressources naturelles) représentant
à peine 20 %.

Sans doute, la prospérité des peuples dépend-elle aussi


d'autres déterminants. On ne saurait oublier le rôle du
système de gouvernement, sa compétence, son honnêteté,
etc., ni le rôle du système économique, libéral, ouvert au
marché, ou bien planifié, dirigiste, etc.

Toutefois, de tous les déterminants, le plus important est la


famille. C'est là que l'enfant est d'abord éveillé aux qualités
humaines qui seront plus tard hautement appréciées dans la
société en général, économique et politique en particulier :
sens de l'initiative, de la ponctualité, de l'ordre, de la solidarité,
etc.

Cette conclusion trouve d'ailleurs une confirmation dans


l'enquête menée par Michel Duyme. Celui-ci a constaté que «
des enfants adoptés, alors qu'ils avaient entre 4 et 6 ans, par
des familles de niveau socio-économique plus élevé que celui
de leur milieu d'origine, ont un quotient intellectuel nettement
augmenté »[2 1 9 ] . Ce qui confirme l'influence — bonne ou moins
bonne selon le cas — du milieu familial sur l'éducation de
l'enfant à la formation de la personnalité.

Gary Becker a en outre eu la curiosité de mesurer l'apport de


la mère de famille à la formation du capital humain. C'est
souvent elle qui contribue le plus à nourrir, soigner, éduquer,
instruire ses enfants ; elle cuisine, lessive, coud, nettoie ; elle
réconcilie, enseigne à épargner et à économiser, aide dans les
études, initie au beau, sensibilise au bien, oriente les loisirs.
Becker a ainsi calculé qu'au moins 30 % du Produit interne
brut (PIB) d'une nation provenait du travail de la mère —
contribution totalement négligée et ignorée dans les
comptabilités nationales[2 2 0] .

Il ressort de ces études que ce bien qu'est la famille, dans et


pour la société d'aujourd'hui, a une importance toujours
fondamentale, et cela malgré l'existence des systèmes de
sécurité sociale.
LE DEVOIR ET L'INTERET DE L'ÉTAT

Au terme de cette revue, on ne peut qu'être frappé par le fait


que les études politiques, sociologiques et économiques que
nous avons examinées convergent vers un ensemble de
conclusions.

Protéger la famille

La principale d'entre elles, c'est que les États doivent protéger


la famille contre les programmes de caractère totalitaire que
l'ONU veut imposer et dont l'objectif est la destruction de
l'institution familiale. En outre, les pouvoirs publics doivent
réviser les législations nationales qui anémient l'institution
familiale. Il est urgent de revoir les lois qui, s'inspirant de «
nouveaux droits de l'homme » conçus de façon hyper-
individualiste, risquent de ruiner l'institution familiale.

Cette révision doit d'abord comporter l'élimination d'injustices


flagrantes. Au premier rang de celles-ci figurent des injustices
fiscales qui pénalisent l'institution familiale. Il y a aussi « le
détournement organisé d'une grande partie de la richesse
créée par les familles au profit de ceux qui n'en supportent pas
la charge »[2 2 1 ] . Et l'économiste parisien ajoute : « L'essentiel
de la charge de formation du capital humain [...] est supporté
par les familles (60 % en moyenne) tandis que les parents
n'obtiendront, sous forme de droits à la retraite, qu'une très
faible part des ressources que leurs enfants contribueront à
créer en utilisant la formation qu'ils auront reçue »[2 2 2 ] .

Porter remède à de telles injustices ne suffit cependant pas.


Comme y insiste fréquemment Gérard-François Dumont, il
faut que les pouvoirs publics reconnaissent l'activité parentale
et son apport à la société. Cette reconnaissance doit
notamment aboutir à l'élaboration d'un statut parental, car,
rendant service à leurs enfants, les parents rendent service à
la société. En outre, des études relatives aux États-Unis,
auxquelles se réfère Gary Becker[2 2 3 ] , montrent que les
écoles catholiques sont souvent plus performantes que les
autres. La raison de cette meilleure performance est double :
dans les familles catholiques les parents font pression sur leurs
enfants et ils font aussi pression sur les écoles fréquentées par
leurs enfants.

La moindre des choses serait que l'État offre aux femmes les
conditions d'un choix vraiment libre entre l'engagement à
temps plein au service de la famille et l'engagement
professionnel intégral ou partiel. De même, il serait
élémentaire que l'État offre aux parents la possibilité de choisir
librement l'école que fréquentent leurs enfants. Non qu'il
s'agisse seulement de respecter une option « privée » des
parents ; il s'agit aussi de correspondre aux intérêts de la
société.

Une valeur d'avenir


S'il est nécessaire d'examiner les mises en question dont la
famille fait l'objet, il est surtout indispensable de prendre
connaissance des études qui montrent son importance
universelle. Ces études valorisent fortement l'institution
familiale ; elles ne sont nullement fondées sur un regard
nostalgique qui serait porté sur la famille telle qu'on imagine
qu'elle était dans les sociétés rurales. Cette valorisation
provient au contraire du fait que la famille est la clé du bien-
être et du bonheur dont le bien commun de la société future a
besoin. Or, avec la baisse de la fécondité, ce qui risque de
manquer le plus à cette société, c'est le capital humain, qui se
forme d'abord dans la famille. D'où une conclusion aussi simple
qu'incontournable : les pouvoirs publics doivent promouvoir la
famille non seulement parce qu'elle est un bien pour les
membres qui la composent, mais aussi parce qu'elle est un
bien pour la communauté politique et économique[2 2 4 ] . Dans
le domaine de la politique familiale, le devoir de l'État coïncide
avec les intérêts souverains de celui-ci.
Chapitre XVIII

L'Église : signe de division

Face à la nouvelle interprétation des droits de l'homme


propagée par l'ONU, que peut faire l'Église ?

Il est d'abord urgent pour elle de prendre conscience de la


situation sans précédent à laquelle elle est confrontée et de la
richesse du trésor dont elle a le dépôt. Cette prise de
conscience est, jusqu'à présent, dramatiquement insuffisante.
Les droits de l'homme tels qu'ils ont été déclarés dans la
tradition humaniste classique doivent à l'Église une impulsion
décisive. Cette impulsion jaillit du trésor que l'Église a reçu,
qu'elle doit offrir en partage et faire fructifier. Tel un ferment,
ce trésor unique a été incorporé au fil des siècles au patrimoine
commun de l'humanité. Telle est la raison principale pour
laquelle certains voudraient faire triompher de soi-disant «
nouveaux droits de l'homme », d'inspiration holistico-
individualiste. Mais l'Église ne peut se laisser impressionner
par la morgue de quelques agences de l'ONU dont l'action est
amplifiée par des ONG. Elle ne peut être médusée par
l'arrogance de lobbies anti-vie ou se laisser intimider par
l'hostilité déclarée de certaines obédiences maçonniques qui
veulent la déstabiliser. L'Église ne peut rester indifférente face
à la claire volonté d'en découdre avec elle et de détruire le
trésor dont elle a la garde.
La liberté inventive de l'amour

L'impulsion donnée par l'Église à la cause des droits de


l'homme se résume à deux mots : personne et subsidiarité.
Préparée par le droit romain, développée dans un contexte
théologique, la notion de personne a rapidement fait l'objet
d'une réflexion philosophique et juridique approfondie, qui se
poursuit jusqu'aujourd'hui, surtout mais non exclusivement
dans les courants personnalistes. Cette conception de la
personne, capable de discerner le vrai du faux, le bien du mal,
rappelle à l'être humain qu'il est responsable face à des valeurs
qui s'imposent à lui mais aussi aux autres. C'est parce qu'ils
peuvent partager la même vérité, reconnaître le même bien,
souscrire librement aux mêmes références morales
fondamentales que les hommes sont capables de dialoguer et
de collaborer, et d'éviter la guerre. Ils sont égaux dans la
différence, et même dans l'unicité de leur personne.

D'où la centralité du principe de subsidiarité : les instances


supérieures ne doivent pas se substituer aux corps
intermédiaires, ni aux familles, ni aux personnes. Il faut au
contraire offrir à chaque personne les meilleures conditions
pour que s'épanouisse sa personnalité car, étant unique,
chacun a quelque chose d'unique à offrir à la société. C'est ce
qui justifie, en dernière analyse, l'« option préférentielle de
l'Église pour les pauvres ».

Tel est le noyau central de l'enseignement de l'Église sur les


droits de l'homme et la démocratie.

De lui découlent des corollaires : l'autorité est service. Elle est


une nécessité découlant de la nature sociale et raisonnable de
l'homme ; elle est service de ceux qui lui ont donné librement
procuration, qui l'ont constituée. Nul homme n'est fondé à
commander si ce n'est en vertu d'une délégation de ceux qui se
disposent à obéir librement à des ordres raisonnables. Le
pouvoir politique implique donc toujours une relation
interpersonnelle de reconnaissance et de réciprocité, relation
qui passe, dans la plupart des cas, par des médiations
institutionnelles. Il appartient à une instance particulière de
rester hors jeu pour pouvoir juger, c'est-à-dire pour veiller à la
qualité de cette relation entre ceux qui délèguent le pouvoir et
ceux qui en ont recueilli l'exercice.

L'enseignement de l'Église sur les droits de l'homme et la


démocratie comporte donc un double principe de modération
du pouvoir. D'abord, le pouvoir ne peut être ni immoral, ni
même amoral : il est au service de la dignité des hommes. La
référence du pouvoir à la morale se concrétise dans le respect
et la promotion des droits de l'homme. Ensuite, dans la fidélité
au principe de subsidiarité, l'Église suggère que le pouvoir soit
divisé pour éviter qu'il soit confisqué, dans sa totalité, par un
individu ou un groupe particulier.

C'est aussi par sa conception de la justice générale et du bien


commun que l'Église fortifie la démocratie. Non qu'il soit
question d'exiger des hommes qu'ils se soumettent à la Cité, à
la Société ou encore au Cosmos. Il s'agit au contraire, pour les
gouvernants de la société, de s'efforcer de créer des conditions
favorables à l'épanouissement personnel de tous ses membres.
Les lois humaines doivent être justes, non d'une justice définie
par décret, mais d'une justice venant d'un cœur ouvert à la
liberté inventive de l'amour. Dans la mesure où elles sont
justes, ces lois contribuent directement à l'édification du bien
commun et par là, au bonheur de tous et de chacun.

La théologie de l'histoire va plus loin encore puisqu'elle montre


que la société politique est appelée à être signe d'espérance.
Nous n'avons certes pas ici-bas de cité permanente et le
bonheur d'ici-bas ne peut apaiser totalement notre cœur[2 2 5] .
Et cependant, l'engagement politique actuel est porteur d'une
dimension eschatologique ; il est une voie par laquelle nous
recherchons la Cité future, celle où le bonheur s'épanouira en
béatitude.

Face à l'imposture, le témoignage efficace

La conception des droits de l'homme qui s'exprime dans la


Déclaration de 1948 fait actuellement l'objet d'une contestation
de plus en plus affichée et très radicale. Avec ses agences
multiples et l'appui de certaines ONG, l'ONU est en train
d'essayer d'imposer une « nouvelle éthique », de « nouveaux
droits » qui semblent dilater la liberté chez les individus —
entendons la liberté de faire n'importe quoi. Cette « nouvelle
éthique » se présente comme tolérante, chacun choisissant sa
vérité de l'instant et ses normes éthiques du moment au gré
de ses convenances. Moyennant cette tolérance doctrinale, la
paix serait — dit-on — assurée entre les hommes.

Mais cette tolérance est inconciliable avec le respect dû à tout


homme. Cette tolérance prive les hommes de toute protection
contre la violence des individus qui ont choisi une morale de la
violence. Dès lors, pour contenir cette escalade, il faut un
pouvoir public plus violent encore, qui dispose
discrétionnairement non seulement des corps mais aussi des
esprits.

L'Église ne peut que s'insurger contre ce néo-totalitarisme.


Face à l'impossible « cohésion » que l'ONU s'évertue d'imposer
en excipant d'un « consensus » toujours précaire, l'Église doit
apparaître, à l'instar du Christ, comme un signe de
division[2 2 6 ] . Elle ne peut cautionner ni une « unité » ni une «
universalité » qui seraient suspendues aux vouloirs subjectifs
des individus ou imposées par quelque instance publique ou
privée. Devant l'émergence d'un nouveau Léviathan, le devoir
des chrétiens est de proclamer, comme les Apôtres : « Non
possumus »[2 2 7 ] : nous ne pouvons rester ni indifférents, ni
muets, ni inactifs face à ce qui est en train de se passer.

La « nouvelle éthique » et la conception inversée des droits de


l'homme sont les signes annonciateurs d'une violence sans
précédent dans l'histoire, visant le moi physique et
psychologique de chacun et visant la famille où se forme ce
moi. Avec une telle conception de l'homme, de la famille, de la
morale, de la société et des droits de l'homme, la démocratie
devient totalement impossible.

Il n'est pas sûr que tous les milieux chrétiens fassent preuve
de clairvoyance face à l'envahissement de cette conception
inversée des droits de l'homme. L'Église se doit donc d'être
vigilante ; elle doit aussi se préparer à la persécution, qui, en
fait, a déjà démarré.

L'Église ne saurait toutefois se cantonner dans une posture


défensive. L'appel à la Nouvelle Évangélisation est venu à son
heure : le sel ne peut s'affadir (cf. Mt 5, 13). Attirer l'attention
sur les errances de l'ONU est un service urgent que l'Église
doit à la communauté humaine. Son courage ne manquera pas
d'éveiller d'autres courages. Suite à la métamorphose de
l'ONU, l'Église apparaît aujourd'hui, en définitive, comme la
seule institution qui soit porteuse d'une conception de l'homme
appelant des régimes démocratiques et faisant de
l'instauration de tels régimes un devoir moral. Ainsi que cela
apparaît dans l'Apocalypse, dès ses origines l'Église s'est
insurgée, au nom de Dieu et au nom de l'homme, contre
l'imposture d'un pouvoir usurpé. Elle doit aujourd'hui
proclamer qu'une guerre nouvelle a commencé : une guerre
totale contre l'homme. Une guerre qui veut d'abord mutiler
l'homme pour ensuite le détruire. Une guerre qui veut aliéner
l'homme de sa raison et de sa volonté, dans lesquelles
s'exprime sa prodigieuse ressemblance avec Dieu. Une guerre
insensée où la mort de Dieu aurait pour prix la mort de
l'homme.
C'est le privilège et la mission des chrétiens d'être des veilleurs
appelés à signaler à tous les hommes les impasses et les pièges,
d'indiquer les balises, et surtout de rendre compte de
l'espérance dont ils sont à la fois porteurs et témoins[2 2 8] .
ANNEXES
Annexe I

Déclaration universelle
des Droits de l'Homme de 1948

PREAMBULE

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à


tous les membres de la famille humaine et de leurs droits
égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la
justice et de la paix dans le monde.

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de


l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la
conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les
êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la
terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute
aspiration de l'homme.

Considérant qu'il est essentiel que les Droits de l'Homme


soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne
soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la
tyrannie et l'oppression.

Considérant qu'il est essentiel d'encourager le développement


de relations amicales entre nations.
Considérant que, dans la Charte, les peuples des Nations Unies
ont proclamé à nouveau leur foi dans les Droits fondamentaux
de l'Homme, dans la dignité et la valeur de la personne
humaine ; dans l'égalité des droits des hommes et des femmes,
et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et
à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté
plus grande.

Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer,


en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le
respect universel et effectif des droits de l'homme et des
libertés fondamentales.

Considérant qu'une conception commune de ces droits et


libertés est de la plus haute importance pour remplir
pleinement cet engagement.

L'Assemblée générale proclame la présente Déclaration


universelle des Droits de l'Homme comme l'idéal à atteindre
par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les
individus et tous les organes de la société, ayant cette
Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par
l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces
droits et libertés et d'en assurer par des mesures progressives
d'ordre national et international, la reconnaissance et
l'application universelles et effectives, tant parmi les
populations des États Membres eux-mêmes que parmi celles
des territoires placés sous leur juridiction.
ARTICLE PREMIER
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et
en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent
agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

ARTICLE 2
Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les
libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans
distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de
langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre
opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance
ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune
distinction fondée sur le statut politique, juridique ou
international du pays ou du territoire dont une personne est
ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous
tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque
de souveraineté.

ARTICLE 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa
personne.

ARTICLE 4
Nul ne sera tenu en esclavage, ni en servitude ; l'esclavage et
la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.

ARTICLE 5
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants.
ARTICLE 6
Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa
personnalité juridique.

ARTICLE 7
Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une
égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale
contre toute discrimination qui violerait la présente
Déclaration et contre toute provocation à une telle
discrimination.

ARTICLE 8
Toute personne a droit à un recours effectif devant les
juridictions nationales compétentes contre les actes violant les
droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution
ou par la loi.

ARTICLE 9
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé.

ARTICLE 10
Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit
entendue équitablement et publiquement, par un tribunal
indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et
obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle.

ARTICLE 11
1. Toute personne accusée d'un acte délictueux est
présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès public où toutes les
garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
2. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions
qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas
un acte délictueux d'après le droit national ou international. De
même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui
était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis.

ARTICLE 12
Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée,
sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à
son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la
protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles
atteintes.

ARTICLE 13
Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne a le droit de
quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son
pays.

ARTICLE 14
Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher
asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. Ce droit ne
peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées
sur un crime de droit commun ou sur des agissements
contraires aux buts et aux principes des Nations unies.
ARTICLE 15
Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être
arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer
de nationalité.

ARTICLE 16
À partir de l'âge nubile, l'homme et la femme sans aucune
restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le
droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits
égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa
dissolution. Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et
plein consentement des futurs époux. La famille est l'élément
naturel et fondamental de la société et a le droit à la protection
de la société et de l'État.

ARTICLE 17
Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la
propriété. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa
propriété.

ARTICLE 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et
de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion
ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion
ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en
privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et
l'accomplissement des rites.
ARTICLE 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression ; ce
qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions
et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans
considération de frontières, les informations et les idées par
quelque moyen d'expression que ce soit.

ARTICLE 20
Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association
pacifiques. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une
association.

ARTICLE 21
Toute personne a le droit de prendre part à la direction des
affaires publiques de son pays, soit directement, soit par
l'intermédiaire de représentants librement choisis. Toute
personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux
fonctions publiques de son pays. La volonté du peuple est le
fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté
doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir
lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote
secret ou suivant une procédure équivalente assurant la
liberté du vote.

ARTICLE 22
Toute personne, en tant que membre de la société, a le droit à
la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des
droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa
dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à
l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu
de l'organisation et des ressources de chaque pays.

ARTICLE 23
Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail,
à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la
protection contre le chômage. Tous ont droit, sans aucune
discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
Quiconque travaille a le droit à une rémunération équitable et
satisfaisante lui assurant, ainsi qu'à sa famille, une existence
conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par
tous autres moyens de protection sociale. Toute personne a le
droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des
syndicats pour la défense de ses intérêts.

ARTICLE 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à
une limitation raisonnable de la durée du travail et à des
congés payés périodiques.

ARTICLE 25
Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour
assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille,
notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les
soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires,
elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie,
d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de
perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances
indépendantes de sa volonté. La maternité et l'enfance ont
droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants,
qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de
la même protection sociale.

ARTICLE 26
Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être
gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement
élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est
obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit
être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être
ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
L'éducation doit viser au plein épanouissement de la
personnalité humaine et au renforcement du respect des
droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit
favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre
toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi
que le développement des activités des Nations unies pour le
maintien de la paix. Les parents ont, par priorité, le droit de
choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.

ARTICLE 27
Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie
culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer
au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels
découlant de toute production scientifique, littéraire ou
artistique dont il est l'auteur.

ARTICLE 28
Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur
le plan international, un ordre tel que les droits et libertés
énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein
effet.

ARTICLE 29
L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle
seul le libre et plein développement de sa personnalité est
possible. Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de
ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par
la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le
respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux
justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être
général dans une société démocratique. Ces droits et libertés
ne pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et
aux principes des Nations Unies.

ARTICLE 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être
interprétée comme impliquant pour un État, un groupement
ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité
ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et
libertés qui y sont énoncés.
Annexe II

Un texte de René Cassin

La Déclaration universelle
des Droits de l'Homme

L'Assemblée générale des Nations unies n'a pas voulu clore sa


session de Paris sans adopter le document en trente articles
qui, sur la proposition de la France, est dénommé «
Déclaration universelle des Droits de l'Homme ». Quarante-
huit délégations ont voté pour, aucune contre, huit se sont
abstenues : l'URSS et les cinq Républiques de l'Europe de l'Est,
l'Arabie saoudite et l'Afrique du Sud.

Le contenu de la Déclaration universelle est, pour une part,


inspiré des anciennes déclarations individualistes, mais il est
plus compréhensif et plus moderne. Si l'on imagine un portique
à quatre colonnes, on constate que le premier pilier supporte le
droit à la vie, à la liberté physique et à la sûreté juridique de la
personne ; le second forme la base des liens de l'individu avec
les groupes (familles, nations), avec les lieux (domicile,
circulation) et avec les biens (propriétés) ; le troisième pilier se
rapporte aux facultés spirituelles, aux libertés publiques et
aux droits politiques ; le quatrième, symétrique du premier,
est celui des droits économiques, sociaux et culturels,
notamment ceux qui concernent le travail, la sécurité sociale,
l'éducation, la vie culturelle.

Le couronnement du portique est fourni par les articles finaux


marquant l'interdépendance des droits de l'homme et de
l'ordre social ou international, ou posant, en termes concis, les
devoirs généraux de l'individu envers la société et les
limitations que ses droits et libertés doivent subir pour
satisfaire aux justes exigences de l'intérêt général dans une
société démocratique.

Ce texte a été publié dans Le Monde du 14 décembre 1948.


Il a été republié par ce même journal le 13 décembre 1998.
Annexe III

Figures triangulaires

Pour mieux comprendre la « pyramide des normes » selon


Kelsen, il est utile de se reporter aux figures ci-dessous. Elles
représentent des triangles équilatéraux. Ces figures ont été
expliquées dans le texte, pp. 88-89. Nous les donnons ici sans
commentaire.
Annexe IV

Charte des Droits


fondamentaux de l'Union européenne

État du projet au 28 septembre 2000

Charte 4487/00 Convent50

PREAMBULE

Les peuples de l'Europe, en établissant entre eux une union


sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir
pacifique fondé sur des valeurs communes.

Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l'Union se


fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité
humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité ; elle repose sur le
principe de la démocratie et le principe de l'État de droit. Elle
place la personne au cœur de son action en instituant la
citoyenneté de l'Union et en créant un espace de liberté, de
sécurité et de justice.

L'Union contribue à la préservation et au développement de


ces valeurs communes dans le respect de la diversité des
cultures et des traditions des peuples de l'Europe, ainsi que de
l'identité nationale des États membres et de l'organisation de
leurs pouvoirs publics au niveau national, régional et local : elle
cherche à promouvoir un développement équilibré et durable
et assure la libre circulation des personnes, des biens, des
services et des capitaux, ainsi que la liberté d'établissement.

À cette fin, il est nécessaire, en les rendant plus visibles dans


une Charte, de renforcer la protection des droits
fondamentaux à la lumière de l'évolution de la société, du
progrès social et des développements scientifiques et
technologiques.

La présente Charte réaffirme, dans le respect des


compétences et des tâches de la Communauté et de l'Union,
ainsi que du principe de subsidiarité, les droits qui résultent
notamment des traditions constitutionnelles et des obligations
internationales communes aux États membres, du traité sur
l'Union européenne et des traités communautaires, de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, des Chartes sociales adoptées
par la Communauté et par le Conseil de l'Europe, ainsi que de
la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes et de la Cour européenne des droits de l'homme.

La jouissance de ces droits entraîne des responsabilités et des


devoirs tant à l'égard d'autrui qu'à l'égard de la communauté
humaine et des générations futures.

En conséquence, l'Union reconnaît les droits, les libertés et les


principes énoncés ci-après.
CHAPITRE I – DIGNITE

ARTICLE 1
Dignité humaine
La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et
protégée.

ARTICLE 2
Droit à la vie
1. Toute personne a droit à la vie.
2. Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni
exécuté.

ARTICLE 3
Droit à l'intégrité de la personne
1. Toute personne a droit à son intégrité physique et
mentale.
2. Dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent
notamment être respectés :
- le consentement libre et éclairé de la personne
concernée, selon les modalités définies par la loi,
- l'interdiction des pratiques eugéniques, notamment
celles qui ont pour but la sélection des personnes,
- l'interdiction de faire du corps humain et de ses parties,
en tant que tels, une source de profit,
- l'interdiction du clonage reproductif des êtres humains.

ARTICLE 4
Interdiction de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants
Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants.

ARTICLE 5
Interdiction de
l'esclavage et du travail forcé
1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.
2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou
obligatoire.
3. La traite des êtres humains est interdite.

CHAPITRE II – LIBERTES

ARTICLE 6
Droit à la liberté et à la sûreté
Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté.

ARTICLE 7
Respect de la vie privée et familiale
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale,
de son domicile et de ses communications.

ARTICLE 8
Protection des données à caractère personnel
1. Toute personne a droit à la protection des données à
caractère personnel la concernant.
2. Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins
déterminées et sur la base du consentement de la personne
concernée ou en vertu d'un autre fondement légitime prévu
par la loi. Toute personne a le droit d'accéder aux données
collectées la concernant et d'en obtenir la rectification.
3. Le respect de ces règles est soumis au contrôle d'une
autorité indépendante.

ARTICLE 9
Droit de se marier et de fonder une famille
Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont
garantis selon les lois nationales qui en régissent l'exercice.

ARTICLE 10
Liberté de pensée,
de conscience et de religion
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de
changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de
manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou
collectivement, en public ou en privé, par le culte,
l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. Le droit à l'objection de conscience est reconnu selon les
lois nationales qui en régissent l'exercice.

ARTICLE 11
Liberté d'expression et d'information
1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce
droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou
de communiquer des informations ou des idées sans qu'il
puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans
considération de frontières.
2. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés.

ARTICLE 12
Liberté de réunion et d'association
1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique
et à la liberté d'association à tous les niveaux, notamment dans
les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le
droit de toute personne de fonder avec d'autres des syndicats
et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts.
2. Les partis politiques au niveau de l'Union contribuent à
l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union.

ARTICLE 13
Liberté des arts et des sciences
Les arts et la recherche scientifique sont libres. La liberté
académique est respectée.

ARTICLE 14
Droit à l'éducation
1. Toute personne a droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à
la formation professionnelle et continue.
2. Ce droit comporte la faculté de suivre gratuitement
l'enseignement obligatoire.
3. La liberté de créer des établissements d'enseignement
dans le respect des principes démocratiques, ainsi que le droit
des parents d'assurer l'éducation et l'enseignement de leurs
enfants conformément à leurs convictions religieuses,
philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois
nationales qui en régissent l'exercice.

ARTICLE 15
Liberté professionnelle et droit de travailler
1. Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une
profession librement choisie ou acceptée.
2. Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a la liberté
de chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir
des services dans tout État membre.
3. Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à
travailler sur le territoire des États membres ont droit à des
conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les
citoyens ou citoyennes de l'Union.

ARTICLE 16
Liberté d'entreprise
La liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit
communautaire et aux législations et pratiques nationales.

ARTICLE 17
Droit de propriété
1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des
biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer
et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce
n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions
prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste
indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être
réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt
général.
2. La propriété intellectuelle est protégée.

ARTICLE 18
Droit d'asile
Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la
convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31
janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au
traité instituant la Communauté européenne.

ARTICLE 19
Protection en cas
d'éloignement, d'expulsion et d'extradition
1. Les expulsions collectives sont interdites.
2. Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un
État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de
mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements
inhumains ou dégradants.

CHAPITRE III – ÉGALITE

ARTICLE 20
Égalité en droit
Toutes les personnes sont égales en droit.

ARTICLE 21
Non-discrimination
1. Est interdite, toute discrimination fondée notamment
sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou
sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion
ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre
opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la
naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.
2. Dans le domaine d'application du traité instituant la
Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne,
et sans préjudice des dispositions particulières desdits traités,
toute discrimination fondée sur la nationalité est interdite.

ARTICLE 22
Diversité culturelle, religieuse et linguistique
L'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et
linguistique.

ARTICLE 23
Égalité entre hommes et femmes
L'égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée
dans tous les domaines, y compris en matière d'emploi, de
travail et de rémunération.
Le principe de l'égalité n'empêche pas le maintien ou l'adoption
de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du
sexe sous-représenté.

ARTICLE 24
Droits de l'enfant
1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins
nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion
librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets
qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité.
2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient
accomplis par des autorités publiques ou des institutions
privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une
considération primordiale.
3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des
relations personnelles et des contacts directs avec ses deux
parents, sauf si cela est contraire à son intérêt.

ARTICLE 25
Droits des personnes âgées
L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes âgées à
mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie
sociale et culturelle.

ARTICLE 26
Intégration des personnes handicapées
L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes
handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur
autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur
participation à la vie de la communauté.

CHAPITRE IV - SOLIDARITE

ARTICLE 27
Droit à l'information et à la consultation
des travailleurs au sein de l'entreprise
Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir
garantir, aux niveaux appropriés, une information et une
consultation en temps utile, dans les cas et conditions prévus
par le droit communautaire et les législations et pratiques
nationales.

ARTICLE 28
Droit de négociation et d'actions collectives
Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations
respectives, ont, conformément au droit communautaire et
aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et
de conclure des conventions collectives aux niveaux
appropriés et de recourir, en cas de conflits d'intérêts, à des
actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris
la grève.

ARTICLE 29
Droit d'accès aux services de placement
Toute personne a le droit d'accéder à un service gratuit de
placement.

ARTICLE 30
Protection en cas de licenciement injustifié
Tout travailleur a droit à une protection contre tout
licenciement injustifié, conformément au droit communautaire
et aux législations et pratiques nationales.

ARTICLE 31
Conditions de travail justes et équitables
1. Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui
respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité.
2. Tout travailleur a droit à une limitation de la durée
maximale du travail et à des périodes de repos journalier et
hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés
payés.

ARTICLE 32
Interdiction du travail des enfants
et protection des jeunes au travail
Le travail des enfants est interdit. L'âge minimal d'admission
au travail ne peut être inférieur à l'âge auquel cesse la période
de scolarité obligatoire, sans préjudice des règles plus
favorables aux jeunes et sauf dérogations limitées.
Les jeunes admis au travail doivent bénéficier de conditions de
travail adaptées à leur âge et être protégés contre
l'exploitation économique ou contre tout travail susceptible de
nuire à leur sécurité, à leur santé, à leur développement
physique, mental, moral ou social ou de compromettre leur
éducation.

ARTICLE 33
Vie familiale et vie professionnelle
1. La protection de la famille est assurée sur le plan
juridique, économique et social.
2. Afin de pouvoir concilier vie familiale et vie
professionnelle, toute personne a le droit d'être protégée
contre tout licenciement pour un motif lié à la maternité, ainsi
que le droit à un congé de maternité payé et à un congé
parental à la suite de la naissance ou de l'adoption d'un enfant.

ARTICLE 34
Sécurité sociale et aide sociale
1. L'Union reconnaît et respecte le droit d'accès aux
prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant
une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie,
les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi
qu'en cas de perte d'emploi, selon les modalités établies par le
droit communautaire et les législations et pratiques nationales.
2. Toute personne qui réside et se déplace légalement à
l'intérieur de l'Union a droit aux prestations de sécurité sociale
et aux avantages sociaux, conformément au droit
communautaire et aux législations et pratiques nationales.
3. Afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté,
l'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une
aide au logement destinées à assurer une existence digne à
tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon
les modalités établies par le droit communautaire et les
législations et pratiques nationales.

ARTICLE 35
Protection de la santé
Toute personne a le droit d'accéder à la prévention en matière
de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions
établies par les législations et pratiques nationales. Un niveau
élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la
définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et
actions de l'Union.

ARTICLE 36
Accès aux services
d'intérêt économique général
L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt
économique général tel qu'il est prévu par les législations et
pratiques nationales, conformément au traité instituant la
Communauté européenne, afin de promouvoir la cohésion
sociale et territoriale de l'Union.

ARTICLE 37
Protection de l'environnement
Un niveau élevé de protection de l'environnement et
l'amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les
politiques de l'Union et assurés conformément au principe du
développement durable.

ARTICLE 38
Protection des consommateurs
Un niveau élevé de protection des consommateurs est assuré
dans les politiques de l'Union.

CHAPITRE V - CITOYENNETE

ARTICLE 39
Droit de vote et d'éligibilité
aux élections au Parlement européen
1. Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a le droit de
vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen dans
l'État membre où il ou elle réside, dans les mêmes conditions
que les ressortissants de cet État.
2. Les membres du Parlement européen sont élus au
suffrage universel, direct, libre et secret.

ARTICLE 40
Droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales
Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a le droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il
ou elle réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants
de cet État.

ARTICLE 41
Droit à une bonne administration
1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées
impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable
par les institutions et organes de l'Union.
2. Ce droit comporte notamment :
-le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une
mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit
prise à son encontre ;
-le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne,
dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du
secret professionnel et des affaires ;
-l'obligation pour l'administration de motiver ses décisions.
3. Toute personne a droit à la réparation par la
Communauté des dommages causés par les institutions, ou par
leurs agents dans l'exercice de leurs fonctions, conformément
aux principes généraux communs aux droits des États
membres.
4. Toute personne peut s'adresser aux institutions de
l'Union dans une des langues des traités et doit recevoir une
réponse dans la même langue.

ARTICLE 42
Droit d'accès aux documents
Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union ou toute personne
physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire
dans un État membre a un droit d'accès aux documents du
Parlement européen, du Conseil et de la Commission.

ARTICLE 43
Médiateur
Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union ou toute personne
physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire
dans un État membre a le droit de saisir le médiateur de
l'Union de cas de mauvaise administration dans l'action des
institutions ou organes communautaires, à l'exclusion de la
Cour de justice et du Tribunal de première instance dans
l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles.

ARTICLE 44
Droit de pétition
Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union ou toute personne
physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire
dans un État membre a le droit de pétition devant le
Parlement européen.

ARTICLE 45
Liberté de circulation et de séjour
1. Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a le droit de
circuler et de séjourner librement sur le territoire des États
membres.
2. La liberté de circulation et de séjour peut être accordée,
conformément au traité instituant la Communauté
européenne, aux ressortissants de pays tiers résidant
légalement sur le territoire d'un État membre.

ARTICLE 46
Protection diplomatique et consulaire
Tout citoyen de l'Union bénéficie, sur le territoire d'un pays
tiers où l'État membre dont il est ressortissant n'est pas
représenté, de la protection des autorités diplomatiques et
consulaires de tout État membre dans les mêmes conditions
que les nationaux de cet État.

CHAPITRE VI - JUSTICE

ARTICLE 47
Droit à un recours effectif et
à accéder à un tribunal impartial
Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit
de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un
tribunal dans le respect des conditions prévues au présent
article.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par
un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par
la loi.
Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre
et représenter.
Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent
pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide
serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la
justice.

ARTICLE 48
Présomption d'innocence et droits de la défense
1. Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été légalement établie.
2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout
accusé.

ARTICLE 49
Principes de légalité et de
proportionnalité des délits et des peines
1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une
omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait
pas une infraction d'après le droit national ou le droit
international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte
que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été
commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit
une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée.
2. Le présent article ne porte pas atteinte au jugement et
à la punition d'une personne coupable d'une action ou d'une
omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle
d'après les principes généraux reconnus par l'ensemble des
nations.
3. L'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée
par rapport à l'infraction.

ARTICLE 50
Droit à ne pas être jugé ou puni
pénalement deux fois pour une même infraction
Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une
infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans
l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 51
Champ d'application
1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux
institutions et organes de l'Union dans le respect du principe
de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement
lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En
conséquence, ils respectent les droits, observent les principes
et en promeuvent l'application, conformément à leurs
compétences respectives.
2. La présente Charte ne crée aucune compétence ni
aucune tâche nouvelles pour la Communauté et pour l'Union et
ne modifie pas les compétences et tâches définies par les
traités.

ARTICLE 52
Portée des droits garantis
1. Toute limitation de l'exercice des droits et libertés
reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et
respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le
respect du principe de proportionnalité, des limitations ne
peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et
répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général
reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et
libertés d'autrui.
2. Les droits reconnus par la présente Charte qui trouvent
leur fondement dans les traités communautaires ou dans le
traité sur l'Union européenne s'exercent dans les conditions et
limites définies par ceux-ci.
3. Dans la mesure où la présente Charte contient des
droits correspondant à des droits garantis par la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les
mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette
disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union
accorde une protection plus étendue.

ARTICLE 53
Niveau de protection
Aucune disposition de la présente Charte ne doit être
interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de
l'homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ
d'application respectif, par le droit de l'Union, le droit
international et les conventions internationales auxquelles sont
parties l'Union, la Communauté ou tous les États membres, et
notamment la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que par
les constitutions des États membres.

ARTICLE 54
Interdiction de l'abus de droit
Aucune des dispositions de la présente Charte ne doit être
interprétée comme impliquant un droit quelconque de se
livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la
destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente
Charte ou à des limitations plus amples des droits et libertés
que celles qui sont prévues par la présente Charte.
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socialiste, Paris, Éd. Plon, 2 000.
ROUSSEL, Louis, La fam ille incertaine, Paris, Éd. Odile Jacob, 1 9 89 .
ROUXEL, Jean-Yv es, Le Saint-Siège sur la scène internationale, Paris, Éd.
L'Harm attan,1 9 9 8.
SADIK, Nafis, (éd.), L'état de la population m ondiale. 2 000, sous le titre
Viv re ensem ble dans des m ondes séparés. Hom m es et fem m es à une époque
de changem ent, New York, FNUAP, 2 000.
SAUVY, Alfred (et al.), La France ridée. Échapper à la logique du déclin,
Paris, Éd. Hachette-Pluriel, 1 9 86 .
(et al.), Dém ographie politique, Paris, Éd. Econom ica, 1 9 82 .
SIMON, Julian L., L'hom m e notre dernière chance, Paris, PUF, 1 9 85.
SINGLY, François DE, Le soi, le couple et la fam ille, Paris, Éd. Nathan, 1 9 9 6 .
SOLJÉNITSYNE, Alexandre, Discours de Harv ard, dans L'Express du 1 9 au
2 5 juin 1 9 7 8, pp. 6 9 -7 6 .
THERY, Irène, Le dém ariage, Paris, Éd. Odile Jacob, 1 9 9 3 .
TINCQ, Henri, « Portraits de fam ille », dans Le Monde des 2 0-2 4 septem bre
1 994.
TOCQUEVILLE, Alexis DE, De la dém ocratie en Am érique. Souv enirs.
L'Ancien Régim e et la Rév olution, édition procurée par Jean-Claude
Lam berti et Françoise Mélonio, Paris, Éd. Robert Laffont, 1 9 9 9 .
TODD, Em m anuel, La div ersité du m onde. Fam ille et m odernité, Paris, Éd.
du Seuil, 1 9 9 9 .
VERDOODT, Albert, Naissance et signification de la Déclaration univ erselle
des Droits de l'Hom m e, Louv ain, Éd. Nauwelaerts, 1 9 6 3 .
VINCENT DOUCET-BON, Lise, Le m ariage dans les civ ilisations anciennes,
Paris, Éd. Albin Michel, 1 9 7 5.
VOLLMER, Christine DE, Is « Reinterpretation » Making a Trav esty of
Hum an Rights ?, texte pro m anuscripto de 8 pages, slnd, Washington, 1 9 9 8.
WALTER, Jean-Jacques, Les m achines totalitaires, Paris, Éd. Denoël, 1 9 82 .
WEBER, Max, Le Sav ant et le Politique, Paris, Éd. Le m onde en 1 0/1 8, 1 9 59 .
Liste des sites électroniques (année 2000)

Les sites sont classés par ordre d'apparition dans le texte

<http :/ /www.unfpa.org>
<[email protected]>
<[email protected]>
www.unsystem.org
Adresse e-mail : <[email protected]>
<http ://www.ippf.org> ou <http ://www.ippf.org/newsinfo>
<http ://www.earthcharter.org>
<http://www.ecouncil.ac.cr>
<http ://pagina.de/noticiasdelaonu>
<http ://pagina.de/noticiasdelaonu>
<http ://www.earthcharter.org/welcome/intro_fr.htm>
<http ://www.hri.ca/uninfo/hrbodies/defender.shtml>
<http ://www.unhchr.ch/html/intlinst.htm>
<http ://www.lchr.org/lchr/un/defenders.htm>
<http ://humanist.net/websites>
<http
://www.un.org/womenwatch/daw/followup/beijing+5.htm>
<http ://www.un.org/
womenwatch/daw/followup/analysis.html> <http
://www.un.org/womenwatch/daw/followup/finaloutcome.pdf>
<www.c-fam.org> Adresse e.mail : <[email protected]>
<www.providafamilia.org>
<www.hli.org> et <www.vidalhumana.org>
<[email protected]>
<http://www.europarl.eu.int.charter/fr/default.htm>
<http ://www.un.org/french/millenaire/ sg/
report/key.htm>
<http ://www.un.org/french/millenaire/ sg/ report/
full.htm>
<http://www.ipsdailyjournal.org>
<http://www.nscentre.org/ tvmonthly>
<http://untreaty.un.org>
<http ://www.thelancet.com/newlancet/current>
<http ://www.un.org/french/millenaire>
<http ://www.fao.org>
<http ://www.undp.org/
dpa/statements/administ.2000/june/29june00.htm>
<http :/perso.infonie.be/le.feu/>
[email protected]
Remerciements

Nous remercions vivement M. Jean-Claude Didelot d'avoir


accueilli ce nouvel ouvrage dans le département du Sarment
qu'il dirige aux Éditions Fayard. On comprend aisément que
cette prestigieuse Maison mette aussi son point d'honneur à
servir les droits de l'homme.

Mademoiselle Anne-Marie Libert, inspectrice honoraire de


l'Enseignement public de la ville de Liège, ne se lasse pas de
naviguer sur internet et nous a fait une fois de plus bénéficier
des produits de sa pêche électronique. À son tour, le lecteur
pourra en bénéficier en visitant le site

<http :/perso.infonie.be/le.feu/>

Aux Éditions Fayard, Mlles Emmanuelle Billoteau et Odile


Level de Curnieu nous a fait part de suggestions précieuses.
Nous leur exprimons ici toute notre reconnaissance.
Ouvrages du même auteur

O comunismo e o futuro da I greja no Brasil, Herder, Sâo Paulo, 1 9 6 3 .


O desafio da secularizaçao, Herder, Sâo Paulo, 1 9 6 8.
Chrétienté en contestation : l'Amérique latine, Le Cerf, Paris, 1 9 6 9 .
Destin du Brésil. La technocratie militaire et son idéologie, Duculot, Gem bloux,
1 97 3.
La Provocation chinoise, Le Cerf, Paris, 1 9 7 3 . (Traduction italienne).
L'Avortement, problème politique, Univ ersité catholique de Louv ain,
Départem ent de Science politique, 1 e éd. 1 9 7 4 ; 2 e éd. rev ue et augm entée,
1 9 81 . (Traductions italienne et anglaise).
Demain, le Brésil ?, Le Cerf, Paris, 1 9 7 7 . (Traduction espagnole).
Droits de l'homme et technocratie, CLD, Cham bray -lès-Tours, 1 9 82 .
Démocratie et libération chrétienne. Principes pour l'action politique,
Lethielleux, Paris, 1 9 86 .
Maîtrise de la vie, domination des hommes, Lethielleux, Paris, 1 9 86 .
(Traductions brésilienne et anglaise).
Théologie et libération. Questions disputées, Le Préam bule, Longueuil,
Québec, 1 9 87 .
L'enjeu politique de l'avortement, 2 e édition, l'OEIL, Paris, 1 9 9 1 . (Traductions
espagnole, italienne, polonaise et brésilienne ; traduction russe en
préparation).
De « Rerum novarum » à « Centesimus annus », Conseil Pontifical Justice et
Paix, Cité du Vatican, 1 9 9 1 . (Av ec R. Aubert). (Traduction brésilienne).
I nitiation à l'Enseignement social de l'Église, L'Em m anuel, Paris, 1 9 9 2 .
(Traductions espagnole, slov aque, italienne, anglaise et chinoise).
Bioéthique et Population, Fay ard, Paris, 1 9 9 4 . (Traductions espagnole,
italienne, slov aque, anglaise, portugaise et allem ande ; traduction chinoise
en préparation).
El imperialismo contraceptivo, ALAFA, Caracas, VHI, Miam i, 1 9 9 4 .
La Dérive totalitaire du libéralisme, 2 e éd., Mam e, Paris, 1 9 9 5. (Traduction
anglaise ; traductions italienne, espagnole et portugaise en préparation).
Pour comprendre les évolutions démographiques, 2 e éd., Univ ersité de Paris-
Sorbonne, APRD, Paris, 1 9 9 5. (Traduction espagnole).
L'Évangile face au désordre mondial, 2 e éd., Fay ard, Paris, 1 9 9 8.
(Traductions anglaise et espagnole ; traduction italienne en préparation).
Le crash démographique, Le Sarm ent-Fay ard, Paris, 1 9 9 9 . (Traductions
anglaise, allem ande, portugaise, espagnole et italienne en préparation).

[1] La v isite du site peut com m encer par < http://www.unfpa.org>


[2] New York, Éd. du FNUAP, 1 9 9 8. Tous les thèm es habituels du FNUAP se
retrouv ent dans L'État de la population m ondiale. 2 000, publié par Nafis
SADIK (éd.) sous le titre Viv re ensem ble dans des m ondes séparés. Hom m es
et fem m es à une époque de changem ent, New York, FNUAP, 2 000. À propos
de ce rapport, v oir l'interv iew donnée par Mary Ann GLENDON, sous le titre
"La ONU no afronta las razones de la discrim ination fem enina", dans
< sem anal1 @zenit.org> du 2 5 septem bre 2 000.
[3] Les principaux docum ents portant sur les droits de l'hom m e ont été
recueillis par Michel HERODE (et al.) sous le titre Droits hum ains. Textes de
base. 1 7 89 -1 9 9 7 , Bruxelles, Coordination pédagogique «Dém ocratie ou
Barbarie» de la Com m unauté française de Belgique
< dem [email protected]> ; Éd. Buch, 1 9 9 8; Distribution Arots
< arots@com puserv e.com > . Le texte de la Conv ention européenne des droits
de l'hom m e se trouv e pp. 2 2 2 -2 2 4 . — Il a fallu attendre le 3 m ai 1 9 7 4 pour
que la France ratifie cette conv ention. — Les docum ents antérieurs à 1 7 89
m éritent toujours d'être étudiés. On les trouv e dans le recueil de Maurice
DUVERGER, Constitutions et docum ents politiques, Paris, PUF, 1 9 6 4 .
[4] Nous rev iendrons sur cette Charte au chapitre XI; v oir spécialem ent les
pp. 81 s. et, au chapitre XIII, p. 9 8; Cf. aussi pp. 5.
[5] Le thèm e de la sociabilité est inséparable de celui de l'am itié. C'est ce que
confirm e et illustre le précieux ouv rage de Jacques FOLLON et Jam es
MCEVOY, Sagesses de l'am itié. Anthologie de textes philosophiques anciens,
Fribourg (S.), Éd. Univ ersitaires, 1 9 9 7 .
[6] Sur ceci, v oir Bernard DE LANVERSIN, «Dériv es juridiques dangereuses
dans les décisions des grandes Organisations internationales, concernant la
v ie de l'hom m e», article à paraître dans la Nouv elle Rev ue théologique
(Bruxelles).
[7] Voir en particulier les très beaux dév eloppem ents de CICERON dans le
Traité des lois, liv re I, VII, 2 2 -X, 2 8; XIV, 4 0-XVIII, 4 8. Ce texte a été publié
par Georges DE PLINVAL, Paris, Éd. Les Belles Lettres, 1 9 59 .
[8] On trouv era un bon exposé historique consacré aux droits de l'hom m e et
au droit naturel dans l'ouv rage de Philippe DE LA CHAPELLE, La
Déclaration univ erselle des droits de l'hom m e et le catholicism e, Paris,
LGDJ, 1 9 6 7 , pp. 2 07 -2 83 . On se reportera aussi utilem ent à Jacques
MOURGEON, Les droits de l'hom m e, Paris, PUF, 1 9 7 8. Sur l'enseignem ent
contem porain de l'Église concernant les droits de l'hom m e, nous disposons de
deux instrum ents de trav ail indispensables. Ils sont dus à Giorgio FILIBECK.
Le prem ier est intitulé I Diritti del'Uom o nell'ensegnam ento della Chiesa: da
Giov anni XXIII a Giov anni Paolo II (1 9 58-1 9 9 8), Città del Vaticano, Libreria
Editrice Vaticana, 1 9 9 9 . Ce recueil a été traduit en portugais sous le titre
Direitos do Hom en: de Joao XXIII a Joao Paulo II, Sâo Joâo do Estoril, Éd.
Principia, 2 000.
[9] Cf. Em m anuel LEVINAS, Hum anism e de l'autre hom m e, Montpellier; Éd.
Fata Morgana, 1 9 7 2 ; v oir p. 3 7 .
[10] Nous av ons exam iné cette question en détail dans Dém ocratie et
libération chrétienne, Paris, Éd. Lethielleux, 1 9 85, spécialem ent au
chapitre VII: «Im plications politiques de l'anthropologie thom iste», pp. 1 4 1 -
1 7 6.
[11] Dans les réunions de l'Union européenne, il est souv ent question de
subsidiarité. Com m e c'est fréquem m ent le cas, le term e est souv ent détourné
de sa signification originelle. Pour y v oir plus clair, on pourra se reporter à
Jean-Yv es NAUDET, «Le principe de subsidiarité: am biguïté d'un concept à
la m ode», dans le Journal des Économ istes et des Études hum aines, juin-
septem bre 1 9 9 2 , pp. 3 1 9 -3 3 1 . Nous disposons aussi du liv re de Chantal
MILLON-DELSOL, L'État subsidiaire, Paris, PUF, 1 9 9 2 .
[12] Sur l'apport européen à la réflexion sur les droits de l'hom m e, v oir
Vittorio POSSENTI, «I diritti dell'uom o nella tradizione europea», dans la
rev ue O Direito, 3 -4 , 1 9 9 0, pp. 4 87 -502 .
[13] Ce point figure parm i les «Parties rejetées de la Déclaration». Voir à ce
sujet l'ouv rage classique d'Albert VERDOODT, Naissance et signification de
la Déclaration univ erselle des droits de l'hom m e, Louv ain-Paris, Éd.
Nauwelaerts, 1 9 6 3 ; Cf. pp. 2 7 5-2 81 .
[14] Les études concernant le droit naturel connaissent un regain d'intérêt.
Elles bénéficient de l'im pulsion particulièrem ent riche que leur donne
Xav ier DIJON dans Droit naturel, Tom e 1 : Les questions du droit, Paris,
PUF, coll. Thém is, 1 9 9 8.
[15] Sur la genèse de la Déclaration de 1 9 4 8, v oir Mary Ann GLENDON,
Rights Babel: The Univ ersal Rights Idea at the Dawn of the Third Millenium ,
texte pro m anuscripto de The 1 9 9 7 McCarthy Conference. On doit
égalem ent au célèbre professeur de Harv ard une autre étude très fouillée,
intitulée Knowing the Univ ersal Declaration of Hum an Rights, texte pro
m anuscripto de 4 5 pages, sans lieu, 1 9 9 8.
[16] Cette lecture des droits de l'hom m e, et en particulier de la Déclaration de
1 9 4 8, a reçu le soutien particulièrem ent autorisé de Kofi ANNAN dans «Les
droits de l'hom m e, tram e de notre existence», article paru dans Le Monde du
9 décem bre 1 9 9 8. Il est v rai que le Secrétaire général de l'ONU n'est pas
toujours aussi bien inspiré dans ses déclarations sur la question.
[17] Ceci est illustré par l'Ency clopédie des droits de l'hom m e, dont le
Som m aire a été présenté par Marc AGI, Paris-La Défense, Fondation
internationale des droits de l'hom m e - L'Arche de la fraternité, 1 9 9 7 .
[18] Le texte de la Déclaration est repris in extenso en Annexe I, pp. 1 4 1 -1 4 6 .
[19] Concrètem ent, cet em piètem ent de la société politique sur la société
civ ile est la tendance qui s'observ e dans les États. La nouv eauté, c'est qu'elle
s'observ e aujourd'hui dans les grandes organisations internationales, telle
l'ONU.
[20] Cf. supra, pp. 2 7 s., et le chapitre d'Introduction.
[21] À un m om ent où ce term e n'était guère utilisé com m e outil de
m anipulation m entale, Herv é CASSAN a étudié «Le consensus dans la
pratique des Nations Unies», dans Y Annuaire français de Droit
international, 1 9 7 4 , pp. 4 56 -4 85.
[22] Voir la traduction procurée par Victor DELBOS, Paris, Éd. Delagrav e,
1 9 59 , pp. 1 50 s.
[23] Traduit par J. GIBELIN, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1 9 4 8.
[24] Voir le m ot consentem ent, dans Paul FOULQUIE, Dictionnaire de la
langue philosophique, Paris, PUF, 1 9 6 2 , et dans le ROBERT.
[25] Voir Virgilio GIORGIANNI, article «Consenso univ ersale», dans

l'Enciclopedia filosofica, Venise et Rom e, Istituto per la Collaborazione


culturale, 1 9 57 . Voir le tom e I, col. 1 1 9 5-1 1 9 7 .

[26] Hugo GROTIUS, De jure belli ac pacis (1 6 2 5), cité dans le recueil de J.
IMBERT (et al.), La pensée politique des origines à nos jours, Paris, PUF,
1 9 59 . Voir tout l'extrait cité pp. 2 1 9 s.
[27] Jean-Jacques ROUSSEAU, Le Contrat social, Liv re IV, chap. 8.
[28] Sur tout ceci, v oir Du contrat social, liv re IV, chapitre VIII.
[29] Voir John RAWLS, A Theory of Justice, Oxford Univ ersity Press, 1 9 7 2 ;
div erses rééditions et traductions.
[30] Préludant à l'idée actuelle de consensus, l'idée du consentem ent obtenu
par des com ités ou com m issions ad hoc apparaît déjà dans l'œuv re de l'Abbé
DE SAINT-PIERRE (1 6 58-1 7 4 3 ), Projet pour rendre la paix perpétuelle en
Europe (1 7 1 3 ); v oir dans Marcel MERLE, Pacifism e et internationalism e.
XVIIe- XXe siècles, Paris, Éd. Arm and Colin, 1 9 6 6 , pp. 7 2 -7 7 ; v oir
spécialem ent les art. 1 1 et 1 2 .
[31] Voir en particulier l'ouv rage de Jürgen HABERMAS, Théorie de l'agir
com m unicationnel, Paris, Éd. Fay ard, 1 9 87 .
[32] L'expression apparaît dans De la dém ocratie en Am érique, I, II, 7 ,
chapitre essentiel qui traite «De l'om nipotence de la m ajorité». L'expression
«Ty rannie de la m ajorité» y apparaît com m e sous- titre. Cf. Alexis DE
TOCQUEVILLE, De la dém ocratie en Am érique. Souv enirs. L'Ancien Régim e
et la Rév olution, édition procurée par Jean-Claude Lam berti et Françoise
Mélonio, Paris, Éd. Robert Laffont, 1 9 9 9 ; Cf. pp. 2 4 2 -2 51 . Machiav el lui-
m êm e écrit: «Un prince qui n'a pour règle que sa v olonté est un insensé. Un
peuple qui peut faire tout ce qu'il v eut n'est pas sage», dans le Discours sur la
Prem ière Décade de Tite-Liv e, I, 58.
[33] La situation ainsi créée rappelle jusqu'à un certain point les erreurs
judiciaires tragiques où, à la m ajorité, un jury populaire d'assises,
expression de la souv eraineté elle-m êm e populaire, condam ne à m ort un
accusé dont l'innocence est m anifestée après ou m êm e av ant l'exécution.
Dans le cas ici év oqué, il est cependant rem arquable qu'une référence
priv ilégiée et explicite est faite à la v érité, puisqu'on reconnaît l'erreur
judiciaire — sans toutefois que cette référence garantisse que l'on renonce à
l'exécution.
[34] Nous rev enons sur ce point au chapitre IV, infra, p. 3 1 ; 3 3 s.
[35] Cf. Hans JONAS, Le principe responsabilité. Une éthique pour la
civ ilisation technologique, Paris, Éd. du Cerf, 1 9 9 5; v oir spécialem ent pp.
2 4 -2 7 ; 6 4 s.; 1 7 9 -1 86 ; 1 87 -1 9 5, etc.
[36] Voir à ce sujet notre ouv rage L'Év angile face au désordre m ondial, 2 e
éd., Paris, Éd. Fay ard, 1 9 9 8, pp. 7 9 -9 6 .
[37] Cf. trois des classiques du Nouv el Âge: Marily n FERGUSON, Les enfants
du Verseau. Pour un nouv eau paradigm e, Paris, Éd. J'ai lu, 4 02 9 /7 , rééd.
1 9 9 5; Thom as S. KUHN, La structure des rév olutions scientifiques, Paris,
Éd. Flam m arion, rééd. 1 9 9 5. On se reportera surtout à l'ouv rage
fondam ental d'Alice A. BAILEY (1 880-1 9 4 9 ), L'État de disciple dans le
Nouv el Âge, CH 1 2 1 1 Genèv e 2 0, BP 3 1 , Éd. Lucis Trust, deux tom es, 1 9 6 9
et 1 9 9 1 . C'est là qu'est exposé le plan du Nouv el Âge pour l'hum anité.
[38] Voir à ce sujet Luc FERRY, Le nouv el ordre écologique, Paris, Le Liv re
de Poche, 1 3 56 5, 1 9 9 8; Cf. en particulier pp. 2 6 -2 9 .
[39] Voir par exem ple Peter Singer, Que dois-je faire ?, Paris, Éd. Grasset,
1 9 9 7 ; et du m êm e philosophe australien, La libération anim ale, Paris, Éd.
Grasset, 1 9 9 3 . À ce propos, v oir < http://icarus.uic.edu/~strianl/ >
[40] Cf. Situations, Paris, Éd. Gallim ard, I, 2 3 4 .
[41] Nous rev enons sur ce point capital au chapitre XV, infra, pp. 1 1 2 -1 1 4 .
[42] Visites du site aux adresses: < http://www.ippf.org> ou < http: / /

www.ippf.org/newsinfo>
[43] Le procédé que nous décriv ons ici, et qui consiste à légiférer en
contournant les autorités nationales est décrit et recom m andé, par exem ple,
dans «Adv ancing reproductiv e health through hum an rights and laws»,
article anony m e publié dans Progress in Hum an Reproduction Research
(Genèv e), bulletin co-produit par le PNUD, le FNUAP et l'OMS, n° 50, 1 9 9 9 ,
pp. 1 -4 . On com plétera par un autre article de cette m êm e liv raison:
«Protecting reproductiv e health through national policies and laws», p. 6 .
[44] Christine DE VOLLMER a bien m is en lum ière les pièges de ces
«nouv eaux droits» dans Is «Reinterpretation» Making a Trav esty of Hum an
Rights ?, texte pro m anuscripto de 8 pages, sans lieu ni date (Washington,
1 9 9 8).
[45] Cf. la dépêche de l'agence Zénit, datée du 2 5 m ars 2 000: Analisis:
Soberania national: conflictos con los tratados de la ONU.
[46] Cf. à ce sujet Gérard-François DUMONT, Le festin de Kronos, Paris, Éd.
Fleurus, 1 9 9 1 .
[47] Dans des ouv rages célèbres, René GIRARD a dév eloppé la thèse de la
«riv alité m im étique». Voir par exem ple La v iolence et le sacré, Paris, Éd.
Grasset, spécialem ent pp. 2 01 -2 3 4 ; Quand ces choses com m enceront...,
Paris, Éd. Arléa, 1 9 9 4 , spécialem ent pp. 2 7 -4 8; 7 0-7 8.
[48] Cf. Mary Ann GLENDON, «Du bon usage...», p. 3 9 .
[49] Voir supra, pp. 2 3 s.
[50] Le bulletin Progress..., liv raison citée ci-dessus à la note 2 , p. 3 1 ,
com porte à la p. 8 un bref article consacré aux «Reproductiv e rights of
adolescents: the role of social science research». De son côté, Anna GRAHAM
explique les av antages que présentent les différentes m éthodes de
contraception pour les adolescents dans «Contraceptiv e clinics for
adolescents», dans YIPPF Medical Bulletin (Londres), juin 1 9 9 8, pp. 3 s. La
raison profonde pour laquelle il faut offrir ces serv ices aux adolescents
apparaît dès la prem ière phrase de l'article: «Plus d'un m illiard d'habitants
ont entre 1 0 et 1 9 ans: un cinquièm e de la population m ondiale»; nous
soulignons.
[51] Les lignes de faîte de cette «nouv elle éthique» sont présentées dans le
«Rapport de la Com m ission m ondiale de la culture et du dév eloppem ent». Ce
Rapport, présenté en nov em bre 1 9 9 5 par M. Jav ier PEREZ DE CUELLAR,
Président de la Com m ission, est intitulé Notre div ersité créatrice, Paris, Éd.
de l'UNESCO, 1 9 9 5. Voir surtout le chapitre 1 , «Vers une éthique
univ erselle», pp. 3 5-55. - La part prise par Hans KÜNG à l'élaboration de
cette «nouv elle éthique» ressort de sa com m unication à la Power of Culture
Conference, organisée les 8 et 9 nov em bre 1 9 9 6 à Am sterdam par le
Dev elopm ent Cooperation Inform ation Departm ent du Ministère
(hollandais) des Affaires étrangères (PO Box 2 006 1 , 2 500 EB La Hay e). La
contribution de H. Küng, suiv ie de la discussion, est intitulée «A New Global
Ethics»; elle apparaît aux pp. 55-6 7 du v olum e Power of Culture. Conference
Report, 2 e éd., 1 9 9 8. On com plétera par le Manifeste pour une éthique
planétaire. La déclaration du Parlem ent des religions du m onde, éditée et
com m entée par Hans KÜNG et Karl-Josef KUSCHEL, et traduit de l'allem and
par Édouard Boné, Paris, Éd. du Cerf, 1 9 9 5.
[52] Cf. supra, p. 2 5.
[53] Sur cette Charte, consulter le site < http://www.earthcharter.org>
[54] En dehors de ceux dont il est ici question, div ers auteurs dév eloppent des
propos alarm istes au sujet de l'env ironnem ent, et tirent de leurs prém isses
discutables d'inadm issibles projets de program m es d'action. Voir par
exem ple Lester R. BROWN (et al.), The Env ironm ental Trends that are
Shaping our Future, publié dans la série Vital Signs, New York et Londres,
Éd. W.W. Norton, 1 9 9 7 .
[55] Sur ce Conseil, v isiter < http://www.ecouncil.ac.cr>
[56] Nous touchons ce point dans Le crash dém ographique, p. 9 9 .
[57] Plus d'inform ations sur cette Charte, sur le site
< http://pagina.de/noticiasdelaonu> Ce site s'appelle désorm ais Noticias
globales.
[58] Le 5 m ars 1 9 9 8, Maurice Strong a donné une intéressante interv iew sur
la Charte. Voir < http://www.earthcharter.org/welcom e/intro_fr.htm >
[59] Toujours encline au m essianism e, la Hollande est depuis longtem ps un
des principaux laboratoires des « nouv eaux droits de l'hom m e ». Lorsqu'il
s'agit de financer les cam pagnes en fav eur de ceux-ci, elle fait preuv e d'une
prodigalité qui n'est guère dans ses habitudes. Le pay s d'adoption de Spinoza
s'est déjà acquis une renom m ée funèbre à cause de ses av ortem ents à la
carte et de la banalisation de l'euthanasie. Le 1 3 septem bre 2 000, la
Hollande légalisait le « m ariage » des hom osexuels et assortissait celui-ci du
« droit d'adoption ».
[60] À propos des m anipulations dont l'écologie est l'objet, signalons l'ouv rage
de Pascal BERNARDIN, L'Em pire écologique ou La subv ersion de l'écologie
par le m ondialism e, Drap, Éd. Notre-Dam e des Grâces, 1 9 9 8.
[61] Le texte com plet est disponible en anglais, en espagnol, en portugais et
en japonais à l'adresse électronique m entionnée supra, p. 3 5, n. 1 . Nous
av ons traduit littéralem ent à partir du texte espagnol.
[62] Nous av ons étudié «Le Nouv el Âge: son paradigm e et ses réseaux», dans

L'Év angile face au désordre m ondial, pp. 7 9 -9 6 .


[63] Le principal théoricien du holism e est un Sud-Africain, Yan Christiaan
SMUTS (1 87 0-1 9 50). Celui-ci joua un rôle significatif dans la rédaction de la
Charte des Nations Unies. Voir L'Év angile face au désordre m ondial, p. 7 9 ,
n. 2 .
[64] L'influence de Bertrand RUSSEL est très perceptible dans les débats
actuels sur l'év olution et sur les «nouv eaux droits» de l'hom m e. Les thèses
fam ilières du turbulent philosophe anglais sont rassem blées dans un
ouv rage caractérisé par un antichristianism e ringard: Religion and Science,
Oxford Univ ersity Press, 1 9 6 1 . Une édition bilingue, anglais-espagnol, de ce
pam phlet a été publiée à Buenos Aires, Éd. Ledesm a SAAL; 1 9 9 7 .
[65] Dans une form ulation rafraîchie, on retrouv e des thèm es qui ont fleuri
au XVIIIe siècle chez un auteur com m e LA METTERIE. On sait que pour ce
m édecin m atérialiste, «le corps hum ain n'est qu'une horloge». Voir
L'hom m e m achine (1 7 4 7 ), Paris, Éd. Mille et une nuits, 2 000.
[66] Nous av ons déjà touché la question de l'anthropocentrism e: supra, pp. 5
et 2 7 s.
[67] Sur les thèm es discutés ici, v oir Luc FERRY, Le nouv el ordre écologique.
L'arbre, l'anim al et l'hom m e, Paris, Le Liv re de Poche, n° 1 3 56 5, 1 9 9 8, ainsi
que les trav aux d'André Com te-SPONVILLE.
[68] Voir par exem ple Michael DENTON, L'Év olution a-t-elle un sens ?, Paris,
Éd. Fay ard, 1 9 9 7 .
[69] Sur la différence entre ces deux notions, v oir supra, l'introduction, pp. 4
s.
[70] Nous retrouv erons Kelsen dans la deuxièm e partie, pp. 81 -1 05.
[71] Pour que le traité relatif à la CPI entre en v igueur, soixante signatures
sont nécessaires. La France a été le douzièm e pay s à le ratifier, le 9 juin
2 000.
[72] Voir ci-dessous; sur la Charte de la Terre, Cf. supra, chapitre IV, pp. 3 5-
41 .
[73] Lors de discussions qui ont précédé la création de la nouv elle Cour, les
fém inistes radicales ont été très activ es. Elles auraient v oulu que toute
grossesse surv enant dans un contexte où n'existe pas le «droit à
l'av ortem ent» puisse être dénoncée com m e grossesse forcée — enforced
pregnancy . Si elles dev aient être suiv ies, les États refusant l'av ortem ent
ainsi que les groupes de personnes s'opposant à l'av ortem ent pourraient être
traduites dev ant la nouv elle Cour pénale internationale.
[74] Le dom aine de la com pétence nationale est m entionné dans la Charte des
Nations Unies, art. 2 , § 7 .
[75] Cette réflexion nous est suggérée par Mary Ann GLENDON, dans «Du
bon usage de la Constitution am éricaine», brillante interv iew publiée dans
Pierre d'angle (Aix-en-Prov ence), 3 , 1 9 9 7 , pp. 3 5-4 6 ; Cf. spécialem ent p.
43.
[76] La v isite des sites suiv ants est recom m andée:

< http://www.hri.ca / uninfo/hrbodies/defenders.htm l>


< http://www.unhchr.ch/htm l/intlinst.htm >
< http://www.lchr.org/lchr/un/ defenders.htm >
[77] Le texte porte la cote A/RES/53 /1 4 4 . Voir les références de ce texte à la
note précédente.
[78]
Des extraits du Projet de déclaration sur les défenseurs des droits de
l'hom m e ont été publiés dans Le Monde du 8 décem bre 1 9 9 8, p. 1 9 ;
curieusem ent, l'article 7 , particulièrem ent im portant, a été gom m é de cette
sélection.
[79] Sur cette association, v oir « USA : enquête sur la responsabilité des
groupes pédophiles », dans Correspondance européenne (Rom e, Bruxelles,
Paris), CE 4 8, 1 0 août 2 000, p. 6 .
[80] Ce projet a notam m ent été dénoncé av ec v igueur à l'occasion de la «Nuit
des Césars» par l'actrice française Brigitte FOSSEY, m em bre du Conseil
économ ique et social, dans une interv iew à la RTBF (Bruxelles) le 1 er m ars
1 9 9 8.
[81] Cf. infra, le chapitre IX, pp. 6 8-7 5.
[82] Nous av ons exam iné cette question de la tolérance dans Droits de
l'hom m e et technocratie, Cham bray -lès-Tours, Éd. CLD, 1 9 82 , pp. 2 8-3 2 ;
v oir aussi Dém ocratie et libération chrétienne, pp. 7 0 s.
[83] Voir en particulier pp. 2 1 -2 6 .
[84] Il est recom m andé de v isiter les sites spécialisés à partir de:
< http://hum anist.net/websites>
[85] Voir à ce sujet Le crash dém ographique, pp. 9 2 -9 4 .
[86] Le docum ent final adopté par l'assem blée plénière de la v ingt-troisièm e

session spéciale de l'Assem blée générale intitulée «Wom en 2 000: Gender


Equity , Dev elopm ent and Peace for the Twenty - first Century », a pour titre
Further actions and initiativ es to im plem ent the Beijing Declaration and
the Platform for Action; il com porte 4 4 pages de texte serré. Sur cette
conférence, on v isitera les sites suiv ants (on y trouv era le texte du
docum ent final ainsi qu'une analy se descriptiv e de celui-ci):
< http://www.un.org/wom enwatch/daw/followup/beijing+ 5.htm >
< http://www.un.org/wom enwatch/daw/followup/analy sis.htm l>
< http://www.un.org/wom enwatch/daw/followup/finaloutcom e.pdf>
On se reportera égalem ent aux inform ations et analy ses div ulguées par les
agences Zenit et ACI Prensa, av ant, pendant et après la Conférence. Mention
spéciale doit être faite des dépêches d'Austin RUSE div ulguées par le Catholic
Fam ily & Hum an Rights Institute (C-Fam ), spécialem ent les 9 , 1 9 et 2 3
juin. Adresse du site:< www.c-fam .org> Adresse e-m ail: < c-fam @c-fam .org>
[87] Cf. la liv raison des 1 1 et 1 2 juin 2 000.
[88] Sur ce lobby et son financem ent, v oir la brochure de Magaly LLAGUNO

et Jam es MILLER, Catolicas pelo Direito de Decidir sem Mascaras, Brasilia,


Éd. Hum an Life International, 2 000.
Adresse: < www.prov idafam ilia.org> ; pour les v ersions anglaise et
espagnole: < www.hli.org> et < www.v idalhum ana .org>
[89] Nous rev iendrons plus loin sur le cas de la Pologne. Voir pp. 7 3 s.; 9 4 .
[90] La littérature sur ce thèm e est légion. Voir, par exem ple, A focus on
Population and Hum an Rights, liv ret publié par l'UNFPA (FNUAP), New
York, 1 9 9 8. Plus de détails à ce sujet dans Le Crash dém ographique, passim .
[91] Nous disposons d'un rem arquable recueil consacré à l'action du Saint-
Siège à l'ONU. Ce recueil a été préparé par Carl J. MARUCCI et a pour titre
Serv ing the Hum an Fam ily . The Holy See at the Major United Nations
Conferences, Préfaces du Cardinal Angelo SODANO, secrétaire d'État, de Son
Excellence Mgr Jean-Louis TAURAN, secrétaire pour les Relations av ec les
États, et de Son Excellence Mgr Renato MARTINO, nonce apostolique et
observ ateur perm anent du Saint-Siège aux Nations Unies, New York.
L'ouv rage est publié à New York par The Path to Peace Foundation, 1 9 9 7 .
Pour une étude d'ensem ble, on peut se reporter à l'ouv rage de Jean-Yv es
ROUXEL, Le Saint-Siège sur la scène internationale, Paris, Éd. L'Harm attan,
1 9 9 8. Il s'agit d'une étude très fouillée, à la fois historique et juridique, de
l'action du Saint-Siège.
[92] Voir infra, pp. 7 1 s.
[93] Quelques suggestions à ce sujet dans Le crash dém ographique,
spécialem ent le chapitre «Le lobby du pauv re» (pp. 1 51 -1 6 2 ) et le chapitre
«Un plan d'action pour la v ie» (pp. 1 6 3 -1 7 9 ).
[94] Cf. à ce sujet Austin RUSE, dépêche du 1 0 juin 2 000, à l'adresse citée ci-
dessus, p. 51 , n. 2 .
[95] Cf. à ce sujet Le crash dém ographique, pp. 1 07 -1 09 .
[96] Sur le cas de l'Union européenne, v oir le chapitre IX, infra, pp. 6 8-7 5, et
en particulier, pp. 7 2 -7 3 .
[97] Sur le Millenium , consulter:
< http://www.un.org.french/m illenaire/sg/report/key .htm >
< http://www.un.org.french/m illenaire/sg/report/full.htm >
< http://www.ipsdaily journal.org>
< http://www.nscentre.org/tv m onthly >
[98] Cf. à ce sujet Noticias globales, n° 58, du 1 1 septem bre 2 000.
[99] Ce texte se trouv e dans le docum ent SG/SM/7 4 1 1 du2 4 m ai 2 000; Cf.
les deux prem ières adresses ci- dessus, p. 57 , note 1 .

[100] Visitez le site < http://www.unglobalcom pact/org/>


[101]
Cf. l'« Inform e especial » publié par Zenit dans la Sem ana internacional
du 5 août 2 000.
[102] Sur ce « som m et spécial », v oir, sur internet, le bulletin Noticas
globales, n° 56 , du 9 septem bre 2 000; Cf. aussi l'« Inform e special » publié
dans la Sem ana internacional de l'agence Zenit, 5 août 2 000.
[103] Ce thèm e est notam m ent dév eloppé par Hans KÜNG et par le
Parlem ent des religions du m onde. Voir la référence p. 3 4 , n. 2 .
[104] Sur la question de la tolérance, v oir supra, pp. 4 7 -4 9 .
[105] Les m agazines Tim e et Newsweek, portant la date du 2 octobre 2 000,
m ais en v ente dès le 2 5 septem bre, ne soufflent m ot de cette Assem blée.
Fantom atique?
[106] Voir ci-dessus, pp. 6 2 s.
[107] Voir le com m uniqué de l'agence Zenit du 1 0 septem bre 2 000, ainsi que
l'interv iew du Cardinal Sodano, ibid., 1 1 septem bre 2 000.
[108] Cf. Noticias globales, n° 56 du 5 septem bre 2 000.
[109] Nous av ons analy sé cette théorie dans Destin du Brésil, spécialem ent
pp.4 7 -6 5.
[110] Nous expliquons cette notion pp. 1 7 , 2 9 et 9 2 s.
[111] Nous exam inons ce rôle des USA dans La dériv e totalitaire du
libéralism e, Paris, Éd. Mam e, 1 9 9 5, pp. 59 -89 ; v oir aussi L'Év angile face au
désordre m ondial, Paris, Éd. Fay ard, 1 9 9 7 , pp. 3 0 s. et passim .
[112] Gérard-François DUMONT et ses collaborateurs ont cerné les
caractéristiques des nations européennes en m ettant fortem ent en lum ière
les traits com m uns. La question cruciale y est posée: l'Europe est-elle
im puissante à faire respecter les droits de l'hom m e sur son propre continent
? Cf. Les racines de l'Identité européenne, Paris, Éd. Econom ica, 1 9 9 9 . Cet
ouv rage est préfacé par José Maria Gil-Robles, alors Président du Parlem ent
Européen.
[113] À ce propos, on se reportera à l'analy se particulièrem ent pénétrante de
Roland HUREAUX, dans Les hauteurs béantes de l'Europe. La dériv e
idéologique de la construction européenne, Paris, Éd. François-Xav ier de
Guibert, 1 9 9 9 . R. Hureaux y m et en lum ière la tendance centralisatrice et
anti-nationale du projet européen qui, pour atteindre ses objectifs, tend à
im poser une «Pensée Unique». C'est v ers des conclusions conv ergentes que
nous conduit Jean FOYER, dans France, qu'ont-ils fait de ta liberté ?, m êm es
références que l'ouv rage précédent. J. Foy er y analy se l'aliénation de la
souv eraineté et fustige le centralism e de la «paperasserie bruxelloise».
Faisant appel à la technicité juridique, Georges BERTHU et Dom inique
SOUCHET nous am ènent aux m êm es constatations dans leur ouv rage sur Le
Traité d'Am sterdam contre la dém ocratie. Texte intégral com paré et
com m enté, Paris, Éd. François- Xav ier de Guibert, 1 9 9 8. — Le
com portem ent de l'Union Européenne dans les grandes assem blées
internationales récentes illustre et confirm e — hélas — la pertinence de
l'analy se de ces auteurs.
[114] Voir à ce sujet Jean-François REVEL, La grande parade. Essai sur la
surv ie de l'utopie socialiste, Paris, Éd. Plon, 2 000.
[115] Cf. Mary Ann GLENDON, «Du bon usage...», cité ci-dessus, p. 3 3 , n. 3 .
[116] Max WEBER a introduit une distinction célèbre entre l’éthique de la
conv iction — celle des prophètes et des saints qui v eulent faire le bien et
év iter le m al, et l’éthique de la responsabilité — celle de l'hom m e politique
qui ne s'em barrasse pas de considérations relativ es au bien ou au m al. Au
nom de l'éthique de la responsabilité, l'hom m e politique doit conquérir le
pouv oir, l'exercer et s'y m aintenir, en recourant, s'il le faut, à la «v iolence
légitim e». Sur ce point, Weber est aussi cy nique que Machiav el. Voir Le
Sav ant et le Politique, Paris, Le m onde en 1 0/1 8, 1 9 59 , pp. 1 7 2 -1 7 5. Nous
analy sons cette distinction dans L'Év angile face au désordre m ondial, Paris,
Éd. Fay ard, 1 9 9 7 , pp. 7 6 s. On com parera av ec MACHIAVEL, par exem ple:
Le Prince, 1 8; Discours sur la prem ière décade de Tite-Liv e, 1 , 7 , 1 0, 2 5, 3 4 ;
3 , 4 1 s.; etc.
[117] Le considérant B bis (nouv eau) à l'Am endem ent 1 du Projet de Rapport
de Lowe Dy bkjær, référence 2 87 .005/1 -1 3 m ontre bien la tendance de la
Com m ission des droits de la fem m e du Parlem ent européen à ram per dev ant
les ukases de l'ONU. L'am endem ent proposé est rédigé com m e suit: «...
considérant que les États m em bres de la Com m ission sont toujours tenus
d'appliquer de m anière appropriée la plate-form e d'action de Pékin et
dev ront instaurer de nouv elles politiques, dans le cadre de leurs
com pétences afin de se conform er à la déclaration de la Conférence des
Nations Unies "Pékin+ 5" de juin dernier». Les norm es des droits étatiques
dev ront donc chercher leur v alidité dans les norm es du droit supraétatique.
Pourquoi, dans ce cas ne pas faire l'économ ie des parlem ents, y com pris du
Parlem ent européen ?
[118] Voir l'adresse du site m entionné ci-dessus, p. 4 9 , n. 2 .
[119] Voir à ce sujet supra, p. 53 .
[120] Déjà en 1 9 9 9 , célébrant ICPD+ 5, c'est-à-dire le cinquièm e anniv ersaire
de la Conférence du Caire sur la Population et le Dév eloppem ent (1 9 9 4 ),
l'Union européenne av ait surpris par la com plaisance av ec laquelle elle
s'était alignée sur les positions de l'ONU. Voir à ce sujet The European
Com m unity 's response to the challenges of the international Conference on
Population and Dev elopm ent. ICPD+ 5: a fiv e y ear rev iew 1 9 9 4 -1 9 9 8,
Luxem bourg, Office for Official Publications of the European Com m unities,
1 9 9 9 . Cf. aussi ci-dessus, le chapitre VII, pp. 51 s.
[121] Voir supra, le chapitre VII, pp. 54 s.
[122] La Conférence de Pékin+ 5, «Wom en 2 000», a fait l'objet de
com m entaires div ers, où s'exprim ait souv ent le m écontentem ent. La
Pologne, en particulier, a été épinglée à div erses reprises. Voir par exem ple
le dossier préparé par la Com m ission des Droits de la Fem m e et de l'Égalité
des Chances du Parlem ent européen, en v ue des réunions publiques des 1 0 et
1 1 juillet 2 000. Ce dossier com porte div ers docum ents, dont les procès-
v erbaux des réunions des 2 3 et 2 4 m ai 2 000. À l'intention de ceux que ne
rebutent pas des dossiers à la structure confuse, nous donnons ici les
références allégées: Procès-v erbal des réunions des 2 3 et 2 4 m ai 2 000,
PE/XVI/PV/00-07 ; Projet de Rapport sur les aspects du processus
d'élargissem ent liés au genre, présenté par Lowe Dy bkjær, daté du 6 juin
2 000, référence prov isoire 2 000/*** (INI); Am endem ents 1 -2 7 au Projet de
Rapport de Lowe Dy bkjær, daté du 2 6 juin 2 000, référence PE 2 87 .004 /1 -
2 7 ; Projet de rapports sur les rapports annuels de la Com m ission sur
«L'égalité des chances pour les fem m es et les hom m es dans l'Union
européenne — 1 9 9 7 , 1 9 9 8, 1 9 9 9 », présenté par Lowe Dy bkjær, référence
prov isoire 1 9 9 9 /2 1 09 (COS); Am endem ents 1 -1 3 au Projet de Rapport de
Lowe Dy bkjær, daté du 2 7 juin 2 000, référence PE 2 87 .005/1 -1 3 ;
Am endem ents 1 4 -1 7 au Projet de Rapport de Lowe Dy bkjær, daté du 3
juillet 2 000, référence PE 2 87 .005/1 4 -1 7 ; Projet d'av is (sur les m êm es
questions) du rapporteur pour av is Maria Martens, 3 0 juin 2 000, référence
prov isoire 1 9 9 9 /02 2 5 (CNS).
[123]
Pour la Charte des Droits fondam entaux de l'Union européenne, il est
recom m andé de v isiter les adresses suiv antes:
< fundam ental.rights@consilium .eu.int>
< http://www.europarl.eu.int.charter/fr/default.htm >
Nous av ons utilisé l'original français daté du 2 8 septem bre 2 000, coté
Charte 4 4 87 /00; Conv ent 50. Ce texte dev rait être exam iné au Som m et des
Quinze, à Biarritz, les 1 3 et 1 4 octobre 2 000. Le texte du projet se trouv e en
Annexe IV.
[124] Cf. à ce sujet l'ouv rage de Georges BERTHU sur Le Traité d'Am sterdam ,

cité ci-dessus p. 6 9 , n. 1 .
[125] Cf. ci-dessus, p. 3 3 .
[126] Ce texte apparaît p. 1 1 /1 4 du docum ent PE 2 87 .004 , cité ci-dessus, p.
7 0, n. 1 . On pourra le rapprocher des propos tenus par M. Lionel Jospin lors
de son discours du 1 5 juin 2 000. Voir pp. 1 2 2 s.
[127] Voir < http://www.thelancet.com /newlancet/current> , qui renv oie à
l'article «End of Life Decisions in Neonatal Intensiv e Care: Phy sicians' Self-
reported Practices in Sev en European Countries», dans The Lancet, 1 7 juin
2 000, pp. 2 1 1 2 -2 1 1 8.
[128] Cf. Le crash dém ographique, pp. 2 5-2 9 , 6 0, et passim .
[129] Dans les pay s présentant les m eilleures conditions de v ie, chaque
fem m e en âge de fécondité dev rait av oir 2 ,1 enfants pour que la population
se renouv elle. Tous les pay s d'Europe sont en dessous de ce niv eau.
[130] Cf. Correspondance européenne, n° 4 5/06 du 1 0 juin 2 000, pp. 4 s.
[131] Voir l'exposé de cette dialectique donné par Franz GREGOIRE, dans ses
Études hégéliennes. Les points capitaux du sy stèm e, Paris, Éd. Béatrice
Nauwelaerts, 1 9 58, pp. 57 -6 1 ; on trouv era là les références à Hegel. La
v ersion la plus étendue de la dialectique figure dans la Phénom énologie de
l'Esprit, traduite par Jean Hy ppolite, Paris, Éd. Aubier/Montaigne, 1 9 3 9 ,
pp. 1 6 1 -1 6 6 . Sur la guerre, v oir entre autres dans l'œuv re de HEGEL, les
Principes de la philosophie du droit, Paris, Éd. Idées/Gallim ard, 1 9 4 0, III, 3 ,
B, § 3 3 0-3 4 7 , pp. 3 58-3 6 2 . Sur Hegel, philosophe de la m ort, v oir
Alexandre KOJEVE, Introduction à la lecture de Hegel, Paris, Éd. Gallim ard,
1 9 4 7 , pp. 52 9 -57 5.
[132] Tel est un des thèm es centraux dév eloppés par Alexandre
SOLJENITSYNE dans son célèbre Discours de Harv ard dont le texte a
notam m ent été publié dans L'Express du 1 9 au 2 5 juin 1 9 7 8, pp. 6 9 -7 6 .
[133] Telle est la thèse exposée par Karl BINDING et Alfred HOCHE, dans Die
Freigabe der Vernichtung lebensunwerten Lebens, Leipzig, Verlag v on Felix
Meinert, 1 9 2 2 . En collaboration av ec Klaudia Schank, nous publierons
prochainem ent la traduction française de cet ouv rage.
[134] Sur la question de l'euthanasie, v oir les pages substantielles que lui
consacre Xav ier DIJON, dans La réconciliation corporelle. Une éthique du
droit m édical, Bruxelles, Éd. Lessius, 1 9 9 8, pp. 1 2 9 -1 80. Voir aussi le
chapitre que nous consacrons à l'euthanasie dans L'Év angile face au
désordre m ondial, pp. 1 7 7 -1 9 3 .
[135] Pour plus de détails, v oir l'ouv rage fondam ental de Jean-Pierre COT et
Alain PELLET (éd.), La Charte des Nations Unies. Com m entaire article par
article, Paris; Éd. Econom ica, 1 9 85. Les positions de Kelsen sont inv oquées à
des dizaines de reprises dans cet im portant v olum e. L'absence d'index des
nom s propres rend fastidieuse la consultation de ce rem arquable instrum ent
de trav ail. Voir aussi Philippe DE LA CHAPELLE, La Déclaration univ erselle
des Droits de l'Hom m e..., cité ci-dessus, p. 1 2 , n. 5.
[136] Voir par exem ple l'art. 1 2 , 1 : «Tant que le Conseil de Sécurité rem plit,
à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui
sont attribuées par la présente Charte, l'Assem blée générale ne doit faire
aucune recom m andation sur ce différend ou cette situation, à m oins que le
Conseil de Sécurité ne le lui dem ande».
[137] L'ouv rage le plus célèbre de Kelsen est sa Théorie pure du droit, traduit
en français par Charles Eisenm ann, Paris, Éd. LGDJ, et Bruxelles, Éd.
Bruy lant, 1 9 9 9 . Nous citerons en abrégé KELSEN, Théorie pure..., et, dans
notre texte, nous renv errons directem ent aux pages de ce liv re. Une autre
traduction française, basée sur une édition antérieure de l'original, a été
procurée par Henri Thev enaz, Neuchâtel, Éd. La Baconnière, 1 9 88. Kelsen a
consacré une étude im portante aux docum ents fondateurs de l'ONU. Voir
The Law of the United Nations. A Critical Analy sis of its Fundam ental
Problem s, Londres, Stev ens and Sons, 1 9 51 , XVIII-9 9 4 pp. Il est rev enu à
plusieurs reprises sur ce dossier.
[138] Tous ces préalables sont expliqués dès les deux Préfaces ainsi qu'au
cours du Titre prem ier.
[139] Voir à ce sujet l'ouv rage de BINDING-HOCHE cité p. 7 9 , n. 1 .
[140] Cf. p. 4 8.
[141] Cf. à ce sujet pp. 1 07 s.
[142] Voir plus loin, pp. 1 02 s.
[143] Pour plus de détails, v oir P. FOULQUIE, au m ot sy stèm e.
[144] Pour ces raisons, en France, la «théorie pure de Kelsen» est souv ent
appelée «norm ativ ism e».
[145] Voir le Dictionnaire grec-français de M.A. BAILLY, Paris, Éd. Hachette,
nom breuses éditions, au m ot tetrakty s.
[146] Cf. Gianni Maria POZZO, article «Pitagora e Pitagorism o», dans
l’Enciclopedia filosofica, citée p. 2 2 , n. 2 , t. III, col. 1 3 9 7 -1 4 03 .
[147] Il est bien connu que le Mexique est un pay s où la m açonnerie est très
influente. C'est ce qui explique qu'on y publie pas m al d'études dont l'intérêt
déborde les lim ites de cette nation. Voir, par exem ple Manuel Antonio DÏAZ
CID, Génesis y Doctrina de la Franm asoneria, Puebla, Éd. Univ ersidad
Popular Autonom a, 1 9 9 0.
[148] Voir ce qu'écrit Pierre Mariel, dans Les Francs-Maçons en France, Paris,
Éd. Marabout, 1 9 6 9 : «La Société des Nations fut, essentiellem ent, une
création m açonnique, et son prem ier président fut un m açon français, Léon
Bourgeois. De nos jours, d'ailleurs, l'ONU (com m e l'UNESCO) est presque
entièrem ent com posée de m açons de tous pay s (ce que sav ait pertinem m ent
le Pape Paul VI quand il v int y prendre la parole lors d'une m ém orable
séance)» (p. 2 04 )
[149] Rendant com pte de la traduction française par H. Thév enaz, de
l'ouv rage le plus célèbre de Kelsen (Cf. supra, p. 82 , n. 2 ), Jean-François
Perrin écrit, en langage à peine codé, que rien ne m anquait au succès de
cette pensée «pas m êm e son sy m bole de grandeur, soit la fam euse
"py ram ide". Cette figure restera longtem ps encore debout, soit sur sa base,
soit sur sa pointe».
[150] Voir l'article 5 du Traité d'Am sterdam et le Protocole n° 7 sur
l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Cf. à ce
sujet l'ouv rage de G. BERTHU, Le Traité d'Am sterdam , cité supra, p. 6 9 , n.
1 . Voir en particulier les pp. 58-6 6 .
[151] Cf. supra, pp. 53 ; 7 3 s.
[152] Cf. supra, pp. 4 3 .
[153] Cf. supra, pp. 4 4 -4 5.
[154] Cf. supra, pp. 83 .
[155] Cf. supra, pp. 2 3 s.
[156] Une étude récente suggère un parallélism e, pas v raim ent surprenant,
entre le super-État de Kelsen et le Lév iathan de Hobbes. Rendant com pte
d'un ouv rage de Horst Bredekam p dans Le Monde du 8 septem bre 2 000,
Oliv ier CHRISTIN écrit notam m ent, à propos du frontispice de la prem ière
édition du Lév iathan (1 6 51 ): «Le corps du géant est com posé d'une
m ultitude de corps tournés v ers son v isage [celui du Lév iathan]. » Il ajoute:
«Ces im ages participaient év idem m ent à l'exaltation du souv erain
rassem bleur, unificateur, ordonnateur, garant de l'équilibre du m onde. [...]
Anam orphoses, longues-v ues et kaléidoscopes perm ettent en effet [...] de
penser à nouv eaux frais le portrait du roi et sa dissim ulation parfois rendue
nécessaire par les circonstances. » Cette m ultitude de corps étagés est à
rapprocher du sy stèm e py ram idal de Kelsen. L'ouv rage analy sé, que nous
connaissons grâce à O. Christin, a pour auteur Horst BREDEKAMP et a pour
titre Thom as Hobbes v isuelle Strategien. Der Lev iathan: Das Urbild des
m odernen Staates, Berlin, Akadem ie Verlag, date non m entionnée (2 000 ?).
Le frontispice en question est reproduit dans la traduction française du
Lév iathan, procurée par François Tricaud, Paris, Éd. Sirey , 1 9 7 1 .
[157] Cf. Mc 5, 9 . Voir aussi notre ouv rage L'enjeu politique de l'av ortem ent,
pp. 2 06 -2 08.
[158] Cf. pp. 4 3 -4 6 .
[159] Cf. supra, pp. 4 6 s.
[160] Cf. le texte cité infra, p. 1 03 .
[161] Cf. notre ouv rage Maîtrise de la v ie, dom ination des hom m es, Paris, Éd.
Lethielleux, 1 9 86 ; v oir aussi L'enjeu politique de l'av ortem ent, Paris, Éd. de
l'OEIL, 1 9 9 1 , spécialem ent pp. 1 89 -2 1 3 . — Lors du procès des m édecins de
Nurem berg (2 5 octobre 1 9 4 6 - 1 9 juillet 1 9 4 7 ), les problèm es de fond que
nous exam inons ici affleuraient déjà. Voir à ce sujet Gérard MEMETEAU,
«Nurem berg: m y the ou réalité», dans la Rev ue de la Recherche juridique.
Droit prospectif, Presses univ ersitaires d'Aix-Marseille, 3 , 1 9 9 9 , pp. 6 05-
629.
[162] Giorgio AGAMBEN, Hom o sacer. Le pouv oir souv erain et la v ie nue,
Paris, Éd. du Seuil, 1 9 9 7 , Cf. p. 1 6 1 . Voir aussi supra, p. 7 9 , n. 1 , à propos de
K. Binding.
[163] Cf. supra, p. 87 .
[164] H. KELSEN, Das Naturrecht in der politischen Theorie, Vienne, 1 9 6 3 ,
p. 1 4 8; il s'agit d'un exposé au Congrès du Centre international des
recherches concernant les problèm es fondam entaux de la science. Nous
reprenons ce texte tel qu'il est cité par Julien FREUND, L'essence du
politique, Paris, Éd. Sirey , 1 9 6 5, pp. 7 2 3 s. Certains passages de la Théorie
pure préparent, pour ainsi dire, cette affirm ation. Voir par exem ple le texte
des pp. 1 9 7 s. de la Théorie, cité supra, p. 89 .
[165] En réalité, ce projet rem onte à la présidence de Woodrow Wilson (1 856 -
1 9 2 4 ; président des USA de 1 9 1 3 à 1 9 2 1 ) et au Council for Foreign
Relations. Voir La dériv e totalitaire du totalitarism e, pp. 1 3 1 s.
[166]
Cette conférence célébrait le cinquièm e anniv ersaire de celle de 1 9 9 2 ;
Cf. supra, p. 3 5 s.
[167] Le texte du discours de Jam es Gustav e Speth com pte onze pages
dacty lographiées.
[168] Oxford Univ ersity Press, 1 9 9 5.
[169] Ce texte figure dans le Hum an Dev elopm ent Report 1 9 9 4 , publié par le
PNUD, New York et Oxford, 1 9 9 4 ; la citation se trouv e p. 88.
[170] À propos de ces réunions, on consultera le site: < http://
www.un.org/french/m illenaire / >
[171] Toute l'œuv re de René GIRARD apporte un éclairage saisissant à la
question de la v iolence et du respect de la v ie. Dans ses derniers ouv rages,
cette œuv re débouche de façon grandiose sur le m y stère de la Croix. Voir
spécialem ent Je v ois Satan tom ber com m e l'éclair, Paris, Éd. Grasset, 1 9 9 9 ;
Quand ces choses com m enceront... Entretiens av ec Michel Treguer, Paris,
Éd. Arléa, 1 9 9 4 . Rappelons aussi, dans un registre différent, Giorgio
AGAMBEN, Hom o sacer, cité p. 1 01 , n. 2 .
[172] Cette idée est brillam m ent dév eloppée par Giorgio AGAMBEN, dans
Hom o sacer, cité ci- dessus, p. 1 01 , n. 2 . Elle est égalem ent exposée par Ev a
CANTARELLA, Les peines de m ort en Grèce et à Rom e, Paris, Éd. Albin
Michel, 2 000; v oir surtout les pp. 2 7 4 -2 7 7 .
[173] Cf. supra, pp. 4 7 -50; 52 .
[174] Voir pp. 54 -55. La position du Saint-Siège a été réaffirm ée par S. Exc.
Mgr Renato Martino le 8 av ril 2 000, à Grenade, au Congrès des
Mouv em ents pour la v ie. Le texte de cette interv ention est disponible sur le
site Vinculum , liv raison n° 7 du 2 6 juillet 2 000. Adresse:
< v inculum @v inculum - news.com >
[175] Voir < http://pagina.de/noticiasdelaonu> , 1 3 août 2 000.
[176] Sur le rôle des ONG, v oir l'article 7 1 de la Charte des Nations Unies.
[177] Visitez le site < http: / / www.fao.org> et la dépêche de l'agence Zenit du
5 juillet 2 000.
[178] Publié par le Program m e des Nations Unies pour le Dév eloppem ent
(PNUD), le Rapport m ondial sur le dév eloppem ent hum ain 2 000 a été édité
à Paris et Bruxelles par De Boeck Univ ersité, 2 000. Visitez le site:
< http://www.undp.org/dpa/statem ents/adm inist.2 000/june/2 9 june00.htm l>
[179] Sur cette session qu'on appelle «Genèv e 2 000» et sur le rapport du
PNUD, v oir l'article de Lucas DELATTRE, «La pauv reté dans le m onde ou les
leçons d'un échec», dans Le Monde du 2 1 juin 2 000. Voir aussi les bulletins
de l'agence Zenit, ZS0006 2 5 du 2 5 juin 2 000, et ZS0006 2 9 du 2 9 juin
2 000.
[180] Voir à ce sujet le brillant éditorial d'André GLUCKSMANN,
«Im pardonnable ONU», dans L'Express, n° 2 51 6 du 2 3 septem bre 1 9 9 9 , p.
7 0.
[181] La littérature sur la question est abondante. Citons sim plem ent
Em m anuel TODD, La div ersité du m onde. Fam ille et m odernité, Paris, Éd.
du Seuil, 1 9 9 9 ; Louis ROUSSEL, La fam ille incertaine, Paris, Éd. Odile
Jacob, 1 9 89 . Rappelons aussi l'enquête de Henri TINCQ, «Portraits de
fam ille», dans Le Monde des 2 0-2 4 septem bre 1 9 9 4 . Dans ce contexte, on a
parlé de coparents, de quasi-sœur, d'infam ille, d'éconduite, de dém ariage,
etc. Ce dernier néologism e est le titre d'un ouv rage d'Irène THERY, paru à
Paris, aux Éd. Odile Jacob, en 1 9 9 3 . Préparé par le rapport Dekeuwer-
Defossez, un projet de loi sur le droit de la fam ille est actuellem ent discuté en
France. Voir Le Monde du 1 6 septem bre 1 9 9 9 .
[182] Voir l'étude de Lise Vincent DOUCET-BON, Le m ariage dans les
civ ilisations anciennes, Paris, Éd. Albin Michel, 1 9 7 5.
[183] Cf. Éthique à Nicom aque, VIII, 1 4 .
[184] Nous suiv ons ici l'étude fouillée de Pierangelo CATALANO, «La fam ilia
"fuente de la historia" segun el pensam iento de Giorgio La Pira», v ersion
espagnole, m anuscrite et très docum entée, d'un article publié d'abord en
italien et sans notes dans l'Osserv atore rom ano du 9 janv ier 1 9 9 4 .
[185] Les lim ites de l'éducation donnée en m arge de la fam ille ressortent de
l'expérience des kibboutzim , que Bruno BETTELHEIM a analy sée dans Les
enfants du rêv e, Paris, Éd. Laffont, 1 9 6 9 .
[186] Cf. P. CATALANO, o.c., supra, p. 1 1 6 , n. 3 .
[187] Cf. Claude LEVI-STRAUSS, Les structures élém entaires de la parenté,
La Hay e, Éd. Mouton, 1 9 6 7 .
[188] Le Pape JEAN-PAUL II a consacré à la fam ille un très grand nom bre de
docum ents. Parm i ceux-ci figure la célèbre Lettre aux fam illes dont on
trouv e le texte dans la Docum entation catholique, n° 2 09 0, 2 0 m ars 1 9 9 4 ,
pp. 2 51 -2 7 7 . Le Conseil Pontifical pour la Fam ille a publié un très précieux
recueil intitulé Enchiridion della Fam iglia. Docum enti m agisteriali e
pastorali su Fam iglia e Vita. 1 9 6 5-1 9 6 9 , Bologne, Éd. Dehoniane, 2 000. Il
serait utile de publier cet instrum ent de trav ail dans d'autres langues.
[189] Voir Joseph M. BOCHENSKI (éd.), Handbuch des Weltkom m unism us,
Fribourg (S.), Éd. Karl Alber, 1 9 58, spécialem ent pp. 1 9 4 s. et 3 1 6 -3 1 8. On
se reportera égalem ent à Igor CHAFAREVITCH, Le phénom ène socialiste,
Paris, Éd. du Seuil, 1 9 7 7 , spécialem ent pp. 2 2 4 s. et 2 7 8-2 83 .
[190] Cf. Gérard-François DUMONT, «Les aspects socio-dém ographiques de la
fam ille dans le m onde», dans Anthropotes (Rom e), 1 2 , juin 1 9 9 6 , pp. 1 2 1 -
1 32.
[191] Cf. à ce sujet Alfred SAUVY, Gérard-François DUMONT et alii,
Dém ographie politique, Paris, Éd. Econom ica, 1 9 82 .
[192] Jean-Didier LECAILLON, «L'im portance sociale et économ ique de la
fam ille», dans Fam ilia et Vita (Rom e), I, 2 , 1 9 9 6 , pp. 2 6 -3 4 ; Cf. p. 2 9 . Le
term e de m énage peut év entuellem ent s'appliquer à une seule personne ou à
une com m unauté. Cf. Gérard-François DUMONT, Dém ographie, Paris, Éd.
Dunod, 1 9 9 2 .
[193] En France, l'âge m oy en des fem m es au prem ier m ariage av oisine
désorm ais 2 8 ans.
[194] Cf. J.-D. LECAILLON, cité ci-dessus à la note 2 .
[195] C'est ce qu'a m ontré Gérard-François DUMONT dans La France ridée,
Paris, Éd. Hachette- Pluriel, 1 9 86 , et dans Pour la liberté fam iliale, Paris,
PUF, 1 9 86 .
[196] Ce que nous résum ons ici ne rend que partiellem ent com pte de la
pénétration des analy ses de Claude MARTIN dans L'après-div orce. Lien
fam ilial et v ulnérabilité, Presses univ ersitaires de Rennes, 1 9 9 7 . Voir en
particulier pp. 2 87 s.; pp. 2 1 , 2 86 -2 88, 2 9 6 s., et passim . — Relev ons une
conv ergence certaine entre l'ouv rage de Claude MARTIN et celui de Jacques
COMMAILLE, Misères de la fam ille. Question d'État, Paris, Presses de la
Fondation des Sciences Politiques, 1 9 9 6 . La fam ille y est étudiée sous l'aspect
d'une «nouv elle question sociale».
[197] À ce propos, Claude Martin fait judicieusem ent rem arquer que ces
v ariations au niv eau de la protection sociale peuv ent renforcer les inégalités
(Cf. op. cit., pp. 2 9 0-2 9 2 ). D'où la nécessité de m esures correctrices, difficiles
à définir, il est v rai.
[198] Voir à ce sujet l'article d'Isabelle MANDRAUD, dans Le Monde du 1 6
juin 2 000.
[199] Cf. à ce sujet notre ouv rage Le crash dém ographique, spécialem ent pp.
2 6 s. et passim . Selon l'INED, l'indice de fécondité (Cf. p. 7 4 , n. 4 ) se situait,
en 1 9 9 9 , à hauteur de 1 ,7 7 enfants par fem m e en âge de fécondité. Ce
chiffre est certes rév élateur d'une très légère tendance au redressem ent
dém ographique, m ais il ne justifie pas le cocorico du Monde daté des 1 0-1 1
septem bre 2 000: «La France est cham pionne d'Europe de la natalité,
derrière l'Irlande» (p. 1 0).
[200] L'ouv rage de référence à ce sujet est dû à Albert VERDOODT, Naissance
et signification de la Déclaration univ erselle des Droits de l'Hom m e,
Louv ain, Éd. Nauwelaerts, 1 9 6 3 , pp. 1 6 1 -1 7 0. On se reportera égalem ent à
Philippe DE LA CHAPELLE, La Déclaration univ erselle des Droits de
l'Hom m e et le Catholicism e, Paris, LGDJ, 1 9 6 7 , pp. 1 3 6 -1 4 2 .
[201] Voir les articles 1 2 , 2 3 , 2 5, 2 6 .
[202] L'OMS, par exem ple, donne sa caution aux «nouv eaux droits» en
publiant des ouv rages com m e celui de Rebecca J. COOK, La santé des
fem m es et les droits de l'indiv idu, Genèv e, OMS, 1 9 9 5. Mrs COOK a
égalem ent édité un v olum e collectif, Derechos hum anos de la m ujer.
Perspectiv as nacionales e internationales, Bogota, Éd. Profam ilia, 1 9 9 7 . Les
thèses fém inistes radicales de Mrs Cook sont égalem ent accueillies dans
d'autres agences. Voir par exem ple l'État de la Population m ondiale, 1 9 9 7 ,
publié à New York par le FNUAP.
[203] Cf. en particulier p. 84 .
[204] Voir ci-dessus, pp. 1 2 1 -1 2 2 .
[205] Nous conserv ons le m ot anglais «gender», dont la traduction française
serait «genre». Le sens donné à ce m ot anglais apparaît dans l'explication
donnée ici. Nous av ons exam iné cette idéologie en détail dans L'Év angile face
au désordre m ondial, Paris, Éd. Fay ard, 1 9 9 7 , pp. 3 5-4 9 .
[206] Voir pp. 52 s.
[207] En anglais, on distingue release (dispense, perm is) et right droit).
[208] En anglais, on distingue release (dispense, perm is) et right droit).
[209] Voir par exem ple Jean-Jacques WALTER, Les m achines totalitaires,
Paris, Éd. Denoël, 1 9 82 ; Claude POLIN, Le totalitarism e, Paris, PUF, 1 9 82 ;
Igor CHAFAREVITCH, Le phénom ène socialiste, cité ci- dessus.
[210] C'est ce qu'analy se François DE SINGLY dans Le soi, le couple et la

fam ille, Paris, Éd. Nathan, 1 9 9 6 .


[211] Jean-Loup DHERSE et Hugues MINGUET réserv ent quelques pages
substantielles à la fam ille dans l'ouv rage consacré aux relations entre le bien
com m un et la personne dans le cadre du désordre m ondial actuel. Voir
L'Éthique ou le Chaos ?, Paris, Éd. Presses de la Renaissance, 1 9 9 8. Sur la
fam ille, v oir surtout les pp. 3 1 8-3 2 7 .
[212] Cf. Gérard-François DUMONT, «La sociologie de la fam ille dans l'Union
européenne», dans Éthique (Paris), 2 1 , 1 9 9 6 , pp. 59 -7 5.
[213] Dans une étude m enée pour l'INSEE et publiée en 1 9 9 8, Lucile OLIER
m ontre «les av antages m atériels de la v ie à deux». Voir Le Monde du 2 7
janv ier 1 9 9 8
[214] Cf. supra, pp. 1 2 0-1 2 2 .
[215] Cf. à ce sujet le Barom ètre santé-jeunes. 1 9 9 7 -1 9 9 8, Vanv es, CFES,
1 9 9 8; v oir Le Monde du 2 5 nov em bre 1 9 9 8, p. 1 2 . Le m êm e quotidien, daté
du 3 0 nov em bre 1 9 9 8, présentait «Une v aste action de "reparentalisation"
entreprise à Dieppe».
[216] Dav id BENCHETRIT, interv iew dans Le Monde du 2 1 juin 2 000.
[217] Voir l'ouv rage fondam ental de Gary S. BECKER, A Treatise on the
Fam ily , Cam bridge, Massachusetts, Harv ard Univ ersity Press, enlarged
edition, 1 9 9 4 ; v oir aussi, du m êm e auteur, «Hum an Capital and Pov erty »,
dans Fam ilia et Vita (Rom e), I, 2 , 1 9 9 6 , pp. 1 9 -2 5. Les conclusions de G.
Becker sont confortées par celle de Julian L. SIMON, «nobélisable» décédé
prém aturém ent. Disponible en français est son ouv rage L'hom m e, notre
dernière chance, Paris, PUF, 1 9 85. Par des m éthodes différentes, c'est à des
conclusions analogues qu'arriv ent, en France, des chercheurs com m e
Gérard- François DUMONT, notam m ent dans Le m onde et les hom m es,
Paris, Éd. Litec, 1 9 9 5; v oir aussi, du m êm e spécialiste, «L'econom ia, il bene
com m une e la fam iglia», dans La Società (Vérone), 7 , 1 , 1 9 9 7 , pp.
2 2 1 ¬ 2 3 9 . Cf. aussi Jean-Didier LECAILLON, dans La Fam ille, source de
prospérité, Paris, Éd. Régnier, 1 9 9 5.
[218] Le rôle de la «fam ille éducatrice» a été étudié précédem m ent par des
auteurs com m e Y. Stoetzel et A. Girard. Ce rôle éducatif de la fam ille était
déjà souligné dans la Rom e antique.
[219] Voir Le Monde des 1 er et 2 août 1 9 9 9 , et l'interv iew de Michel DUYME
par Jean-Yv es NAU, ibid.
[220] Il serait utile — et équitable! — de com pléter ce ty pe d'enquête par une
étude consacrée à l'apport du père dans la form ation de ses enfants et donc
du capital hum ain. On trouv era des suggestions à ce sujet dans l'ouv rage de
Philippe JULIEN, Le Manteau de Noé. Essai sur la paternité, Paris, Éd.
Desclée de Brouwer, 1 9 9 1 .
[221] Cf. J.D. LECAILLON, «Le rôle économ ique de la fam ille», p. 3 0.
[222] J.D. LECAILLON, op. cit., p. 3 1 .
[223] Cf. «Hum an Capital and Pov erty », p. 2 3 .
[224] Le célèbre dém ographe Gérard-François DUMONT dév eloppe un
program m e de politique fam iliale adapté à la société d'aujourd'hui dans Pour
la liberté fam iliale, Paris, PUF, 1 9 86 .
[225] Cf. He 1 3 , 1 4 ; saint AUGUSTIN, Confessions, 1 , 1 .
[226] Cf. Lc 2 , 3 3 s.; 2 1 , 1 2 -1 9 ; 1 2 , 51 -53 ; Mt 1 0, 3 4 -3 6 ; 2 3 , 3 1 s.; v oir
surtout Jn 1 ; 6 et 9 ; 1 Jn 3 , 2 2 -4 , 6 .
[227] Ac 4 , 2 0.
[228] Cf. 1 P 3 , 1 5.

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