Cours Droit Des Personnes

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Le droit des personnes

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C’est conseillé d’avoir :
-Gérard Cormu, Rémi Cabrillac ou édition Dalloz : dictionnaire juridique
-code civil ou site légifrance,
-ouvrage bufflean lanore
-introduction bien personne famille (édition serey)
-ouvrage Marjorie brusosio (droit des personnes et de la famill edition bruynant)
-ouvrage du prof malorie « droit des personnes » edition défrenois
-ouvrage reussir les TD « droit des personnes » edition janvier 2020

I.- La conception de la personne en droit civil TITRE I : L’IDENTIFICATION DE LA


A.- La distinction personnes et biens. PERSONNE
B.- La personne, sujet de droit.
C.- La personne juridique a un statut qui Chapitre introductif : Le débat autour de
est limité dans le temps. l’identification de la personne
II.- Les débats contemporains concernant I.- La multiplication des modes
la définition de la personne d’identification
A.- Les bornes temporelles de la personne
II.- Le devoir d’être identifié ou le droit
humaine
de garder l’anonymat
1.- A partir de quand naît la
personne ?
L’être humain avant la naissance. CHAPITRE I : LE NOM
2.- Jusqu’à quand protéger la I.- La composition du nom
personne ? A.- Les éléments essentiels du
L’être humain après la mort nom
B. La distinction personne et bien et la 1.- Le nom de famille :
2.- Le prénom
Réification de la personne
B.- Les éléments accessoires du
1. Le risque de réification de la
nom
personne
2. La volonté de protection du corps 1.- Le surnom
2.- Le pseudonyme
humain
3.- Les accessoires familiaux
C.- La personnalisation des choses : le
a) Les titres de noblesse
statut de l‘animal
b) La particule
1.- L’état du droit
2.- Faut-il aller plus loin ?
D. Le débat autour du robot et de l’intelligence
artificielle
1.- La responsabilité des robots
2.- Le débat spécifique des robots « humanoïdes »

1
« Dire qu’un acte administratif a été retirer, abroger ou
l annuler est très différent. »

➔ L'Abrogation : c'est la disparition d'un acte juridique unilatéral uniquement pour l’avenir, effectuée
par l’auteur de l’acte. (Si qq a une amende alors que l’arrêté a été abroger, il n’aura pas d’amende)
➔ Le Retrait : c'est la Disparition rétroactive d’un acte administratif unilatéral, effectuée par l’auteur
de l’acte. L'acte initial est alors considéré comme n'ayant jamais existé.
➔ L'Annulation : c'est la disparition, généralement rétroactive d’un acte, prononcée par le juge, à la
demande d’un tiers ou par une autorité de tutelle.
(Rétroactif : Qui exerce une action sur ce qui est antérieur, sur le passé.)
Il y a une tendance plus accessible du langage juridique (étude montre qu’à l’étranger le droit français est
jugé comme difficile et illisible. Il faut donc éliminer le verbiage inutile, et rédiger les décisions en termes
simple : on ne dit plus « ester en justice » mais « agir en justice », ou « il appert que » mais « il résulte que ».

Quel est le lien entre masque et personne ?


-D’un point de vue étymologique, on considère que le mot « personne » renvoi au latin « personna » qui
désigne le masque de théâtre.
- On constate aussi une certaine logique a l’assimilation de la personne juridique et du masque de théâtre.
En effet entre les trais du véritable acteur et le regard du public le masque s’interpose, il occulte une réalité
(visage de l’acteur) et en impose un autre (l’expression des masque), de même qu’on verra la personne
juridique s’interposer entre ce qui est vraiment l’être humain et la société. En effet à travers cette notion
de personne juridique, le droit ne cherche pas à saisir ce qu’est réellement la personne, le droit s’intéresse
à ce qui dans la société va permettre de distinguer un individu d’un autre (le nom, le sexe, le domicile=
Masque social).

2 GRANDES BRANCHES DU DROIT :


-Droit public (vise à organiser les rapports entre les particuliers et les personnes publiques
ou les rapports des personnes publics entres elles). On trouve notamment le droit
constitutionnel, ou le droit de l’administration
-Droit privé (s’intéresse entres les relations des personnes privé) on retrouve notamment le
droit civil, le droit social, le droit commerciale.)

2
-Dans le droit civil, on retrouve ce qui regroupe le statut personnel, le droit de la famille, le
droit des obligations, le droit des successions.

Le droit civil est principalement regroupé dans le code civil promulgué


par Napoléon Bonaparte le 21 mars 1804 ; il avait voulu unifier le droit applicable.
En effet jusqu’à cette date le droit applicable était très différent entre
le nord et le sud de la France.
Dans le sud c’était un droit écrit essentiellement avec des règles héritière du droit romain
Dans le nord, c’était un droit coutumier avec beaucoup de règles orales s’inspirant du livre
des droits germaniques.
Le code civil a donc voulu harmoniser et unifier le droit applicable sur la France.
Le code civil a été a de nombreuse reprises modifié et augmenté par de nouvelles lois mais
l’essentiel des articles d’origines demeurent toujours applicable dans leur langage initial.
Le code civil est divisé en 4 livres
-livre premier : les personnes
-livre 2 : les biens
-livre 3 : les différentes manières dont on acquiert la propriété
-livre 4 : droit des sureté (plus récent)

1)La conception de la personne


en droit civil
A) La distinction personne et bien

Dans un pays comme le nôtre avec les traditions judéo-chrétiennes, les droits de l’hommes
sont au cœur du système politique ; On peut dire que TOUT TOURNE AUTOUR DE
L’INDIVIDU. Dans les pays d’inspiration communiste ce n’est pas l’individu qui est au centre
mais la communauté (droit collectifs).

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Dans le code civil de 1804 il y a très peu de chose parlant du droit de la famille et de la
personne.
Comme l’a dit le doyen Jean Carbonnier « Les définitions sont
nombreuses sauf dans le droit des personnes ou les institutions
étant vécu, elles n’ont pas besoin de définition » ce qui veut dire
que pour les rédacteurs du code civil il était tout à fait inutile de
définir ce qu’est une personne tellement cela relève de l’évidence.
De même pour les rédacteurs de 1804 il était inutile de préciser
ce qu’était le mariage entre un homme et une femme tellement cette hypothèse paraissait
incongrue. =RELEVE DE L’EVIDENCE
Beaucoup de ces certitudes sont remises en cause aujourd’hui.

Le livre premier traites des personnes et le livre deux des biens.


Tout simplement car les rédacteurs ont une vision binaire du droit français, il se fonde sur
une distinction simple et fondamentale, on parle de suma-divisio entre des personnes
d’une part qui sont des sujets de droit et des biens qui font l’objet de droit.
=Tout ce qui ne sont pas des personnes, sont des biens.

B) La personne sujette de droit

= titulaire de droit et d’obligation


Dire que les biens sont des objets de droit cela veut dire que les sujets de droit
peuvent exercer des actions sur eux.
Cette affirmation est un des acquis de la révolution française. C’est une
évidence mais pendant longtemps les personnes n’étaient pas toute des sujets
de droit mais des objets de droit. En droit romain par exemple, il y a des
esclaves qui étaient considérer comme des personnes mais seules les personnes
libres étaient des sujets de droit. Cette distinction entre la qualité de sujet de
droit et la qualité de personne est dans le code noir de 1685 qui réglementait
l’esclavage.
Dans le prolongement de Black lives matter, les noirs comptent.
Ce code noir se voulait une évolution positive et protecteur des esclaves, en
effet l’artc.2 précise bien que ce sont des personnes, doté d’une âme, leurs

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donnant droit à une éducation. Les esclaves ont le droit de se marier, pour
autant ce n’était pas des sujets de droit. Les esclaves étaient considérés comme
des meubles attaché là où il travaillait. Il était la propriété de leur maitre, il
n’avait ni nom, ni d’identité civile.
L’esclavage sera aboli en 1946 avec la reconnaissance de sujet.

On distingue
✓ La personnalité juridique (l’aptitude à être titulaire de droit et
d’obligation, cette notion permet d’avoir un patrimoine propre donc avoir
la qualité de personne.
✓ La capacité juridique qui est la faculté pour une personne de faire valoir
ses droits, et donc d’aller en justice et de prendre des actes juridique (un
enfant ou un vieux malade d’Alzheimer n’ont pas la pleine capacité
juridique)

A retenir :
La perception juridique de la personne a été assez simple, pas
besoin de la définir, c’est une évidence car on eut facilement la
distinguer de la catégorie des biens, cette suma-division parait
très simple donc pas trop de définition mais les choses se sont
compliqué et aujourd’hui en vue des progrès scientifique des
débats sont ouvert sur la définition même de la personne et
sur ce que cela implique.

2)Les débats contemporain


concernant la définition de
la personne

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A) Les bornes temporelles de la personne humaines

Comme l’être humain est mortel, et bien la personne juridique a un


statut limité dans le temps. Là encore pendant longtemps il n’a pas paru
nécessaire de débattre sur ces termes temporels de bon sens, c’est
simplement la naissance et la mort de l’être humain.
D’un point de vue juridique la qualité de personne n’est attribué qu’a
l’enfant née vivant et viable et cette qualité de personne disparait au
moment où la personne décède.
Mais la encore l’évolution de la science et des mœurs ont conduit à se
poser plus précisément des questions : A partir de quand née la
personne et jusqu’à quand la protection de la personne doit-elle joué ?

A partir de quand née la personne : avant la o ,


kkkkk naissance ?

Se poser cette question porte sur le sujet du début de la vie. Comme on


l’a dit le droit français ne reconnait la qualité de personne (c’est-à-dire
l’aptitude à être sujet de droit) qu’a compter de la naissance. Il s’en suit
que les embryons qui sont potentiellement des êtres à venir ne sont
pas des personnes juridiques. Par suite, des lors qu’il ne s’agit pas de
personne, il se range dans la catégorie de biens. Pour autant il y a une
forte réticence à les faire basculer dans la catégorie des biens, donc la
solution du droit français est de dire que bien qu’en étant pas des sujets
de droit, ils doivent avoir une protection particulière.
Le principe de cette protection vient de l’article 16 du code civil selon
lequel la loi garantit le respect de l’être humain. C’est une protection
nuancée pour l’embryon in vitro et in utero.

Le code de la santé publique règlemente la possibilité d’interrompre


l’arret de la grossesse : il autorise dans les 12 premières semaines de la
grossesse, et au-delà de ce délai il faut un motif médicale particulier. Si
on ne respecte pas ces règle, l’interruption constitue une infraction

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pénale pénible de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros
d’amande.
Le législateur interdit la conception d’embryons a des fin commerciales
et industrielles, par exemple pour le code pénal une nouvelle catégorie
de crimes a été prévus, il s’agit de crime sur l’espèce humaine, comme
les pratiques eugéniques qui visent à sélectionner les personnes, qui
sont interdites comme le clonage qui consiste a créé un être humain à
partir du matériel génétique d’un humain déjà conçu.
Le droit autorise par exemple les recherche sur les embryons dans le
cadre d’expérimentation susceptible de permettre des regrets
thérapeutiques.

A retenir : l’embryons est mieux protégé qu’un simple bien


mais moins qu’une personne à part entière.

B) Jusqu’à quand doit on protéger les personnes : la


personne après la mort
1 er débat : Dans quelles mesures peut-on considérer que la dépouille
humaine ainsi que les restes humains conservés (les os) deviennent
après la mort de simples choses ?

Selon l’art. 16-1-1 « le respect du au corps humain ne cessent pas avec la mort, les
restes des personnes décédés doivent être traités avec respect, dignité et décence.

Le fait que soit possible la fécondation post-mortel (c’est-à-dire le fait


pour une femme d’être inséminés avec les gamètes /le sperme de son
mari décédé)

2 -ème débat : la distinction et la réification de la personne unique


Tout ce qui n’est pas reconnu comme une personne tombe sur la
modalité de chose, et quand est-il de la … du corp humain.

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1) Le risque de réification de la personne

Aujourd’hui les éléments relevant de la personne peuvent se détacher et


devenir des objets du commerce juridique.
Depuis fort longtemps sont détachable les éléments du corp humain, mais
cette tendance s’est beaucoup accélérée avec les progrès de la médecine, on
peut par exemple aujourd’hui prélever et réimplanter un grand nombre
d’organe (un rein qu’on peut réimplanter par exemple).
Dès lors que les parties du corp humains sont détachables, la question se pose si
ces éléments deviennent des choses que la personne devrait librement
disposer.
Et des lors que les éléments du corp humain deviennent une utilité, ne faut-il
pas admettre qu’ils ont une valeur marchande et donc un l’objet du commerce ?
Et devant la pénurie actuelle d’organe de sang et de gamète, les médecins
pensent qu’il faudrait encourager les donneurs par la promesse d’une
rémunération. Il y a donc un risque de réification. La tendance actuelle du droit
est de proposer le corp humain et de faire échapper le commerce.

En effet le droit envisage aussi la personne comme une substance


composé d’organe. (Le droit s’intéresse aux corps de la personne)
Celle-ci se sont traduit par un nouveau chapitre introduit en 1994
avec la première loi de Bio éthique. (Les respect du corp humain)
Dans ce new chapitre il est précisé que le corp humain dont ses
élément et ses produits sont hors commerce. Par exemple l’art 16-6
précise « qu’aucune rémunération ne peut être allouer à celui qui se
prête à une expérimentation sur sa personne au prélèvement
d’éléments de son corps ou a la collecte de produit de celui-ci. (Il faut
que cela soit gratuit) »

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C - La question du statut de l’animaux
Si tout ce qui n’est pas une personne est un bien alors l’animal est un bien,
l’animal peut faire l’objet d’une appropriation, il peut-être prêter, vendue et
parfois même supprimer. Mais, à l’évidence cette assimilation de l’animal à une
simple chose n’est pas satisfaisante.
1-L’état du droit
Il y a en droit deux approches différentes qui opposent les juristes qui est un
débat un peut philosophique. Notre droit a pris en compte la spécificité de
l’animal et s’il n’est pas une personne pour autant il n’est pas une chose
ordinaire. Pendant longtemps les
animaux était protégés que par
la loi « Grammont » de 1850,
cette loi punissait les mauvais
traitement infligé aux animaux
que si ils étaient donné en public,
12 novembre 1963 :l a fallu attendre la loi du 12 novembre 1963 pour que ce
soit instituer le délit d’acte de cruauté envers les animaux domestiques, c’est
inscrit dans le code pénale article 521-1 qui sanctionne les actes de cruauté
envers les animaux, l’auteur de ces actes est passible d’une peine de 2 ans
d’emprisonnement et 30 000€ d’amende.
En 2014 a été introduit dans le code civil article 515-14 : « les animaux sont des
êtres vivants doués de sensibilités » toute fois ce nouvel article ne change rien
de fondamentale sur le statut de l’animal puisque l’alinéa 2 de cet article
ajoute que « sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis aux
régimes des bien corporelles ».
Le droit français est de plus en plus sensible à la condition animale, par exemple
la création par les édition juridique Lexis Nexis dans le code de l’animal qui
rassemble sur plus de mille pages toutes les législations en rigueur concernant
les animaux.
2- Faut-il aller plus loin ?
Depuis plusieurs années des juristes méditent pour que l’animal soit considéré
comme une personne juridique à part entière, l’animal de compagnie en
particulier qui a pris dans le cœur la place affective d’une personne. En cas de
9
divorce le sort de l’animal de compagnie se pose de plus en plus, dans des
termes de droit de gardes et de visites plutôt que dans le terme des droits des
biens. Les juges retiennent que l’animal est un être vivant capable de ressentir
des sentiments (comme la jalousie), donc on tient compte de décider du sort de
l’animal en cas de divorce.
Autre argument pour lutter efficacement contre la souffrance animale il faut
donner une pleine personnalité juridique aux animaux, on peut citer une affaire
originale :

Un tribunal argentin en 2016 a


reconnu la qualité de sujet de droit non-
humain à un chimpanzé prénommé
Cécilia, une plainte a été déposée par
une association aux conditions de vie
déplorable l’association à porter plainte.
Mais au sens inverse beaucoup de
personnes juristes et philosophes
s’effraient de cette assimilation entre humain et animaux et considèrent au
contraire qu’il n’est pas du tout prioritaire de s’intéresser aux biens êtres des
animaux, en tout cas tant que l’on à pas résolue toutes les souffrances qui
accablent l’humanité, et ils craignent de vouloir personnaliser les animaux
qu’on aboutisse à une animalisation de l’être humain. Par ailleurs, certains
s’interroge s’il faut s’arrêter aux animaux ou est ce qui faut aller encore plus
loin dans l’extension de la reconnaissance de la personnalité juridique en
l’accordant aussi à certains éléments naturels en instituant ainsi la nature en
sujet de droit, on lui donnerait la possibilité de se défendre plus efficacement
devant la justice en particulier pour obtenir directement des dommages et
intérêts, par exemple en cas de catastrophe écologique ou de pollution. Ce cas
n’est pas absurde, le pas a été franchi dans certains pays, le 15 mars 2017 le
parlement néo-zélandais a reconnue au fleuve «
yhanganui » la qualité d’être vivant unique et elle
a ainsi dotée de personnalité juridique lui
permettant d’être présentée dans les procédure
judiciaires.

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D - Le débat autour du robot et de l’intelligence artificielle

Cette distinction entre les personnes et les choses est également aujourd’hui
remis en cause à propos de la 3ème génération de robots, les robots qui
disposent de l’intelligence artificielle. A l’heure actuelle il n’y a pas de doute sur
le fait, parce qu’il s’agit d’une création de l’Homme, le robot est une chose donc
un objet de droit. Le robot intelligent est soumis aux dispositions du code civil
qui concerne les biens.
Toutes fois les progrès de l’intelligence artificielle sont si rapides et si importants
que l’on peut être sûr que très bientôt que
le statut juridique du robot sera inadapté,
cette intelligence est définie comme un
système informatique douée de capacité,
lui permettant d’effectuer des choix de
manière autonome qui ne sont déterminer
par la personne qui l’a conçue ou qui en a
l’usage. Article de la revue dallez de 2015
page 2369 un article du professeur Grégoire Loiseau qui s’intitule « les robots et
les Hommes »
1- La responsabilité de ses robots intelligents
On peut imaginer par exemple l’accident d’une voiture qui est causée totalement
autonome, en cas d’accident qui est responsable ? est-ce que c’est le propriétaire
? alors qu’il n’a pas pris parti de l’accident, ou bien alors le constructeur ? alors
même au moment où il a vendu la voiture celle-ci n’était pas dangereuse. L’idée
défendue par certains juristes des lors que le robot échappe à son créateur il
acquiert la responsabilité propre et il devrait donc devenir un sujet de droit par
la création de fiction juridique, le robot pourrait être qualifier de personne
électronique et il devient ainsi titulaire de droit et d’obligations ce sont donc
des personnes électroniques, cela permet de reconnaitre ses personnes un
patrimoine et donc elle serait tenue de réparer les dommages éventuellement
poser à un tiers.
Le parlement européen lui-même a dans une résolution adopté le 16 février 2017
proposant la création d’une personnalité juridique spécifique aux robots qui
seraient considérer comme des personnes électroniques responsables tenue de
11
réparer les dommages causés à un tiers. Toutefois cette
évolution est fortement critiqué, et autres juristes tel que
Grégoire Loiseau considère que reconnaitre comme sujet
de droit des choses très intelligente plus que l’être
humain est porteur de grand danger, il le mentionne dans
la revue JCP 2018 de Grégoire Loiseau, La personnalités
juridique des robots : une monstruosité juridique, page
597.
2- Le débat spécifique des robots humanoïdes
Il s’agit d’une catégorie particulière de robots qui vise à
ressembler aux maximum aux humains, le plus célèbre est Sophia qui a été créé
en 2015 à Hong Kong par une société
américaine, elle a été modeler à partir de
l’actrice Audray Hepburn, et elle utilise
l’intelligence artificielle et elle imite les gestes
humains ainsi que les expression faciales (joie,
tristesse, colère, etc.), elle est capable
d’entretenir une conversation et répondre à
des question. En octobre 2017 Sophia a reçu
la nationalité saoudienne faisant d’elle le
premier robot au monde à recevoir la
citoyenneté d’un pays, mais plusieurs
questions se posent peut-elle voter ? se
marier ? doit-on lui accorder des droits ? etc.
Un article « la gazette du palais » 2014 qui
s’intitule : Epouser une femme robot, du
professeur Xavier Labbée. En Chine par
exemple où le déséquilibre homme/femme
est très important et bien cette question se
pose de la possibilité d’épouser un robot et il
semblerait que en 2017 un ingénieur chinois a
épousé un robot qu’il a lui-même conçue.
Se pose aussi la question du respect qui est due à ses robots androïdes à visage
humains, ainsi par exemple dans la série tv « Westworld » où sont mis en scène

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des androïdes placées dans un parc d’attraction pour l’agrément des touristes et
les visiteurs peuvent laisser libre court à leurs instincts les plus bas, donc de se
battre, de tuer, ou même de violer ses robots humanoïdes qui ressembles tant à
des êtres humains. Combien même ses créatures seraient inaptes à la souffrance
physique ou morale, on peut quand même se demander si réserver un tel sort à
une représentation aussi réaliste de
l’humain ne porte pas atteinte à la
dignité humaine et est-ce que ça ne
nécessite pas un statut de la mise en
place de la protection comme
l’adoption d’incrimination pénale
spécifique.

Sommaire des 4 grands thèmes :


I. L’identification de la personne
II. La protection de la personne
III. Personnes morales
IV. Les incapacités

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Thème I : L’identification de
la personne
Chapitre introductif - Le débat autour de
l’identification de la personne
Comme les progrès de la science viennent sans cesse bousculer le droit et l’obligent à
s’adapter ou lutter. Avec l’avènement de la civilisation numérique qui a pour effet de
multiplier les modes d’identification, mais cela continue à s’interroger sur le devoir d’être
identifié ou au contraire sur le droit de pouvoir garder l’anonymat.

I. La multiplication des modes d’identification


Depuis la révolution française l’état civil s’est donné pour objectif :
- De permettre l’identification certaine d’une personne
➔ Afin de lui assurer une reconnaissance dans la communauté nationale
➔ Afin de lui garantir le respect de ses droits (carte d’identité, passeport,
numéro de sécurité sociale)

Mais depuis quelques années c'est développé la biométrie qui va permettre


d’identifier la personne en fonction de ses caractéristiques
biologique (par exemple les empreintes digitales, les traits du visage,
reconnaissance vocale, l’iris des yeux, etc).
Et c’est nouvelles méthodes d'identification rentrent
progressivement dans les mœurs (par exemple les
empreintes génétiques des personnes qui ont eu à faire
avec la police, qui peuvent être conservé dans un fichier
nationale pendant 40 ans si elles ont été définitivement condamnées,
de même la loi de novembre 2007 relative à la maitrise de
l’immigration qui permet désormais
l’utilisation des test génétique afin si l’on a un doute
d’établir l’affiliation de l’étranger et la véracité de ses
papiers. Tous ces nouveaux moyens qui se sont
développer sont de plus en plus utilisés.

14
Toute fois le droit français accorde une importance particulière à certains
éléments d’identification de la personne, ces éléments se sont ceux qui sont
inscrit sur les registres de l’état civil il s’agit du nom, prénom, sexe, domicile et
de la nationalité de la personne.
La question qui se pose est celle du devoir d’être identifié ou de garder
l’anonymat.

II. Le devoir d’être identifié ou le droit de garder


l’anonymat
Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, blogs ou les jeux online chaque internaute
peut se faire connaitre à partir d’identité fictive, toute individu peut se crée un
pseudo et se constituer un profil trompeur comme sur les réseaux sociaux ou les
sites de rencontre. Or, ce recours à l’identité déguisée soulève des questions en
matière de responsabilité, certains accusent cette pratique du pseudo de facilité
de cyber-harcèlement par l’anonymat et par le sentiment d’impunité que cela
alimente. En effet, difficile de mettre en cause la responsabilité des propos
injurieux ou diffamants ou en cas de transmission d’image ayant un caractère
criminel. C’est pourquoi un certain nombre de personnes appellent à
l’encadrement de cette pratique, le nouveau garde des sceaux par exemple il est
défavorable à la fin de l’anonymisation sur les réseaux sociaux, ils considèrent
que la liberté d’expression dans une démocratie doit reposer sur la
responsabilité de l’auteur à en assumer le contenue.
On peut relever que certains sites ou applications cherchent déjà à interdire ou
restreindre l’usage de ses identité fictive, par exemple la tentative de la société
américaine de jeux vidéo Bizart de rendre obligatoire l’utilisation du nom réelle
de l’utilisateur sur leur forum dans le but de réduire l’agressivité de discussion et
lutter contre les trolls. On peut ainsi parler d’un véritable devoir de s’identifier et
pas se refuser derrière des identités fictives mais a contrario on peut aussi
défendre l’idée que les individus devraient pouvoir se prévaloir d’un droit à
l’anonymat pour légitimement protéger leur vie privée.
En effet, il y a un risque pour les libertés publique à ce que l’on soit identifié sur
internet et que l’ensemble de nos données personnelles soit collecté, révélant sur
nous de nombreuses informations.

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On peut citer le conseil constitutionnel qui par exemple n’a accepté de valider la
loi du 11 mai 2020 prolongeant l’état
d’urgence sanitaire, en ce qui concerne
l’application stop covid qu’en imposant
certaines garanties et notamment que la
conservation de données à caractères
personnelles soit limité à une durer de 3
mois et à conditions aussi que ça soit
supprimer la mention des noms, prénoms
et adresses des personnes qui se sont
inscrite sur cette application stop covid. Il y
a un autre élément du débat militant en faveur du droit à l’anonymat c’est le
risque de discrimination liées au nom et au prénom, parmi les critères
discriminatoires à l’embauche mentionne à l’article L1132-1 du code du travail
figure notamment la nationalité, le nom de famille et le lieu de résidence, pour
certains sont des éléments discriminatoires.
Dans un article paru en 2020 à l’ajda intitulé : « De l’anonymat a l’université »,
du professeur François Lichéreu, ce professeur dénonce de préciser notre nom
pour le dossier pour éviter toute suspicion de discrimination en fonction du
nom sur leur dossier.

16
Chapitre 1- Le nom
Le nom possède plusieurs dimensions :
Tout d’abord il présente une dimension individuelle, le nom fait corps avec la
personne, de tel sorte qu’il est considéré comme un élément de sa personnalité et
pour la cour européenne des droits de l’Homme par exemple le nom d’une personne
qui est un moyen d’identification personnelle et un moyen de rattachement à nos
familles, concerne la vie privée et familiale que la personne qui est protégé par
l’article 8 de la convention européenne qui protège le droit à une vie privée et
familiale.
Le nom présente aussi une dimension sociale du nom car il permet d’identifier une
personne et de la distinguer des autres individus aux seins de de la société, cela
justifie les caractéristiques du nom à savoir l’indisponibilité et l’immutabilité du nom.
Et enfin troisième dimension du nom, le nom a une dimension familiale puisqu’une
personne reçoit son nom de sa famille, le nom marque l’appartenance d’une personne
a une lignés familiale.

Sommaire :
I. La composition du nom
II. Comment le nom se transmet
III. Les caractère d’immutabilité et l’indisponibilité du nom
I. La composition du nom

On peut relever que chaque individu n’a qu’un nom par exemple dans la bible tous les
personnages comme Adam, Eve, etc; n’ont qu’un nom qui les permet de les designer, mais
très vite l’usage a été adopter, d’accoler au nom individuel le nom du groupe familial, par
exemple Chez les romains on ajoutais parfois un surnom par exemple l’auteur latin Cicéron
s’appelait en réalité Marcus Tullius Cicéron, Marcus était son prénom, Tullius son nom de
famille et Cicéron c’est un surnom qui est donner par rapport aux particularité physique (
Cicéron qui signifie pois chiche) .
Au moyen-âge on désignait les individus grâce à un prénom qui était choisi par l’un des
prénoms des saints du calendrier et ils avaient agilement l’habitude de donner un surnom
pour identifier plus précisément la personne. Par la suite, il y a une célèbre ordonnance qui
est une ordonnance de Villers Cotterêts de 1539 (plus ancien texte législatif encore en
vigueur en France), cette ordonnance oblige également les curées des paroisses doivent
tenir un registre mentionnant le nom, le prénom, et éventuellement le surnom.

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I. De quoi est composé le nom ?
A- Les éléments essentiel du nom
1- Du nom de famille
Le nom se transmet par filiation. On considère qu’en France il y a 1 millions 300 milles noms
de familles différents ce qui est énorme, cela s’explique par le fait que la France est une terre
d’immigration où les brassages de population ont était très nombreuses.
Pendant longtemps on ne parlait pas de nom de famille mais patronymique qui
théologiquement vient de Pater qui signifie le père, cela avait une certaine logique pendant
longtemps le père était le chef de famille, c’est lui et lui seul qui détenait l’autorité parentale
sur ses enfants et sa femme. Donc par cette information du nom qui était donner par
l’enfant cela permettait de rendre publique la paternité.

2- Le prénom
Le prénom est celui qui permet d’individualiser une personne dans une même famille on
peut faire 2 remarques.

a) Le prénom est choisi par les parents


On peut dire que c’est le premier acte de l’autorité parentale des parents. Avant ce n’était
pas le cas dans de nombreuses régions de France la tradition était que le prénom était choisi
par le parrain ou la marraine.
Le code civil qui n’envisageait le prénom que sous l’angle technique de l’état civil précise que
le choix du prénom appartenait à celui qui venait déclarer la naissance, le déclarant le plus
souvent le père.
Il a fallu attendre la loi du 8 janvier 1993 pour voir inscrit dans le code civil le principe
général selon lequel les prénoms de l’enfants sont choisi par ses pères et mères, article 55
du code civil « le choix appartient donc conjointement aux parents et déclarants
et présumé relater la décision conjointe des parents. »

Selon une enquête le choix du prénom semble-t-il source de conflit dans 20% des cas et
environs 6% des parents choisissent de prénoms après l’accouchement.
La mère qui accouche sous X (qui abandonne l’enfant à la naissance) et qui demande à ce
que soit préservé le secret de son identité, depuis cette même loi de 1993 elle a le droit de
faire connaitre les prénoms qu’elle souhaite voir attribuer à l’enfant.

18
b) Désormais le choix du prénom est libre
Jusqu’à cette loi de 1993 le choix du prénom était limité, comme par exemple avec la loi du
11 germinale le 11 avril 1803. Cette loi disait que « les noms en usage dans les différents
calendriers et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne pourront seul être reçue
comme prénom »
Les parents d’une petite fille à qui l’ont avait refuser le
prénom « Fleur de Marie », un refus au motif que le
prénom ne figurait pas dans le calendrier, donc les
parents sont aller jusqu’à la cour ou ils ont encore
refusé, ils sont donc aller jusqu’à la cour européenne du
droit de l’Homme à qui cette fois va lui donner raison
qui va contraindre la loi française et va lui permettre
d’évoluer.
Désormais le principe est celui de la liberté du choix du prénom avec toutefois une réserve
importante, si le prénom apparait contraire à l’intérêt de l’enfant, l’officier de l’état civil en
informe le procureur de la république qui peut décider d’être saisi au juge des affaires
familiales et peut obtenir la suppression du prénom sur le registre, les refus sont rares car le
choix du prénom est désormais libre et le prénom est considérer comme privé de la vie
familiale, par exemple ont été admis les prénoms Tarzan, zebulon.
On retrouve quelques exemples de refus pour atteinte à l’intérêt de l’enfant ont été refuser
Babar, Nutella, Fraise, etc. A également été refuser le prénom Titeuf, ce prénom à pour
nature d’attirer des moqueries et pouvait constituer un handicap pour l’enfant quand il
grandirait dans ses relations personnelles ou professionnelle. A deux reprises on a refusé le
prénom Jihad dans une famille musulmane.
Par ailleurs les tiers peuvent eux aussi s’opposer aux prénoms si le prénom reproduit leurs
noms de famille. En revanche malgré les risques de confusions on peut relever que le code
civil n’interdit pas de donner le même prénom au fils et au père, ou à la fille et la mère, et
aussi aux frères et aux sœurs, de même le code civil permet de donner un ou plusieurs
prénoms aux enfants mais quand on a plusieurs prénoms ont a une obligation de respecter
l’ordre des prénoms tel qu’ils ont été inscrits à l’état civil.

B- les éléments accessoires du nom


On distingue ainsi le surnom et le pseudonyme.

19
Le surnom c’est un nom que l’entourage donne à une personne de manière constante et
publique, ce surnom il est imposé à la personne souvent il est lié à une particularité
physique ou mentale.
Tandis que le pseudonyme est un nom volontairement choisit par la personne pour se faire
connaitre, fréquent chez les artistes et écrivains, ainsi comme Molière, Voltaire sont des
pseudonymes tout comme Dalida.
Le titulaire d’un surnom ou d’un pseudonyme peut ne pas l’utiliser en-dehors des actes
officiels.

1- Le surnom
Dans le domaine professionnel par exemple l’utilisation de surnom dépréciatif qui ne met
pas en valeur la personne que ce soit de la part de l’employeur ou des salariés donne lieu à
une jurisprudence importante. D’une manière générale l’employeur doit intervenir pour
protéger son salarié.
Par exemple dans un arrêt de cour d’appel de Lyon en 2014, il y a eu une affaire dans la cour
d’appel qui a retenu la responsabilité d’un employeur et a été condamné à réparer le préjudice
d’un de ses salariés qui avait été victime d’agissement constitutif de harcèlement moral, le
salariés en question s’est vue attribuer le surnoms de « François Pignon » au référence au
personnage un peu ridicule du « diner des cons », ce salariés était nommé par tous comme ça ,
l’emploie répéter de ce surnom y compris devant la clientèle a selon la cours d’appel de Lyon «
contribuer par son caractère particulièrement humiliant a dégrader les conditions de travail
de se salarié et à porter atteinte à sa dignité ».

D’une manière générale on ne peut pas forcer quelqu’un à être appelé par un autre nom que
le sien sans son consentement pour le nom et prénom surtout si cela cache un certain
racisme, ils ont ainsi été jugé que le fait de demander au salariés de changer son prénoms
de Mohamed pour celui de « Laurent » constitue une discrimination à raison de son origine,
l’employeur pour se défendre faisait valoir que cela était nécessaire parce que il y avait déjà
beaucoup de Mohamed dans l’entreprise, il a été condamné pour discrimination le 10
novembre 2009.

2- Le pseudonyme

20
Le pseudonyme est choisi par la personne elle-même qui souhaite de se faire connaitre sur
ce pseudonyme finissant par s’imposer auprès des tiers. L’usage de pseudonyme a toujours
été très fréquent en matière littéraire et artistique, par exemple les plus
célèbres est celui de l’écrivain Romain Gary après
voir reçue le prix conclure sur ce nom il a ensuite
publier d’autres ouvrages sous le pseudonyme
Emile Ajar et à en principe obtenue une seconde
fois le prix concours.
Aujourd’hui cette pratique c’est beaucoup répandu
dans certains milieux artistiques notamment
lorsque l’anonymat est possible grâce au
pseudonyme est nécessaire pour échapper à la police tout en permettant d’identifier
l’artiste, très fréquent chez le street art et partie le plus célèbres artiste « Bansky » qui est le
pseudonyme d’un artiste britannique qui est anonyme.

Le pseudonyme à trouver également un autre usage avec internet et les réseaux sociaux, ça
peut être un moyen de préserver son anonymat soit dans une logique légitime de
préserver ses données personnelles, soit dans une logique cette fois condamnable, on
utilise alors le pseudonyme par exemple pour proférer des insultes ou porter tort à autrui
sans se démasquer.
Harcèlement.

21
Le pseudonyme à la différence du nom n’a pas
vocation à être transmit à ses enfants ou à son
conjoint, toute fois ceci peuvent l’adopter si le
principal intéressé n’y s’y oppose pas même si
toute fois il ne se transmet pas comme le nom.
Par exemple Laeticia Hallyday est connue sous le
pseudonyme de son mari et elle continue à l’utiliser
même après la mort de son mari Johnny Hallyday,
même son fils a adopté ce pseudonyme mais sa fille
Laura a décidé de se faire connaitre sur le nom
principal de son père et pas son pseudonyme.

L’usage d’un pseudonyme ne permet pas d’échapper à ses obligations, le cas pour les
fonctionnaires qui sont tenues à un devoir de réserve et user d’un pseudonyme ne leur
permet pas d’échapper à leurs obligations.
Le 27 juin 2018 dans un arrêt le conseil d’état avait jugé le comportement du capitaine de
gendarmerie qui avait publié sous un pseudonyme sur plusieurs sites internet de nombreux
articles dans lequel il tenait des propos outrancier et irrespectueux à l’égard du membre du
gouvernement et de la politique de la défense nationale. Le conseil d’état a considéré que ses
faits étaient constitutifs d’une faute justifiant une sanction disciplinaire.

En 2014 un magistrat avait lui aussi était sanctionné par le conseil supérieur de la
magistrature pour manquement à son devoir de réserve à raison de propos qu’il tenait
régulièrement sur twitter il publier sous pseudonyme mais cela n’a pas empêché un journaliste
de la démasquer et il a été sanctionner.

II- Attribution et transmission du nom

L es règles en la matière ont évolué pendant longtemps, ses règles était d’une grande
simplicité, le nom était transmis de manière automatique aux enfants légitimes (enfants
qui était née pendant le mariage) à la différence des enfant naturel (enfants nés hors
mariage). L’usage du nom était transmis à la femme aussi par le mariage.

22
Le droit civil a été sur ce point bouleversé par la monté en puissance de deux principes qui se
sont progressivement imposé : le principe de l’égalité et le principe de la liberté.
Le principe d’égalité a d’abord toucher les enfants et on a supprimé la distinction entre les
enfants légitimes et les enfants naturels, ensuite ce principe à toucher le couple avec l’idée
qu’il doit y avoir une égalité entre l’homme et la femme dans la transmission du nom de
famille.

A- La transmission du nom par l’affiliation


L’enfant reçoit son nom de ses parents et peu importe à cet égard que l’enfant soit un
enfant légitime ou naturel on ne faire plus de distinction.
La loi du 4 mars 2002 sur le nom de famille (modifier en 2013 sur le « mariage pour tous »)
cette loi de 2002 institue désormais une égalité dans le couple s’agissant de la transition du
nom de famille à l’enfant, ce principe est 311-21 du code civil qui pose désormais 2 principes
lorsque l’affiliation de l’enfant est établie à l’égard de ses deux parents, on peut présumer la
règle de la façon suivante :

« Si les deux parents sont d’accord ils choisissent soit le nom du


père soit le nom de la mère soit les deux noms accoler dans l’ordre
qu’ils auront choisi dans la limite d’un nom de famille chacun
d’eux »
En cas de désaccord l’enfant prend alors leurs deux noms accoler selon l’ordre
alphabétique. Toutefois on peut relever que l’usage est très largement resté d’attribuer le
nom du père, en effet plus de 80% de nouveaux nées continuent de recevoir uniquement
le nom du père alors qu’il est possible de choisir que celui de la mère oui les deux.

Cette liberté de choix du nom de famille reste toutefois encadrée :


Une fois l’attribution du nom de famille effectué ce nom devras ensuite être le même pour
tous les autres enfants du couple.
Par ailleurs, lorsque l’affiliation de l’enfant n’est établie qu’à
l’égard d’un seul parent l’enfant porte son nom (le plus
souvent la mère) si par la suite le lien de filiation est établi
plus tard mais pendant la minorité de l’enfant les parents
peuvent faire une déclaration conjointe pour changer le
nom de famille de l’enfant, si l’enfant a plus de 13 ans il
faut alors obtenir son consentement pour modifier son nom.
23
En cas d’adoption il faut distinguer entre l’adoption plénière et l’adoption simple :
En cas d’adoption plénière (rompt tout lien de filiation et tout contact entre l'enfant
et ses parents de naissance.) l’enfant est assimilée à un enfant légitime, on lui
applique les mêmes règles comme s’il était née dans cette famille.
Pour l’adoption simple l’enfant adopté garde des liens avec sa famille d’origine des
lors la règles c’est que l’on va ajouter le nom de l’adoptant au nom que possède
déjà l’enfant.

B- La transition de l’usage du nom par le mariage


Pendant le mariage chaque époux peut porter le nom de son conjoint, cette pratique a
d’abord été pratiquer dans les familles nobles et par la suite elle s’est propagée à l’ensemble
de la société. Cette règle elle a été inscrite explicitement dans le code civil à l’occasion de la
loi de 17 mai 2013 qui a autorisé le mariage des personnes du même sexe article 225-1 du
code civil cet article dispose que :
« Chacun des époux peut porter à titre d’usage le nom de l’autre
époux par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre
qu’il choisit »

Cette faculté d’utiliser le nom du conjoint profite bien le plus souvent à la femme mais le
mari peut aussi prendre le nom de sa conjointe. Dans un couple hétérosexuel la tradition
reste que c’est l’épouse qui remplace à titre d’usage son nom, nom de jeune fille par celui de
son mari. Cet usage n’est pas du tout une obligation mais c’est un droit ce qui signifie que
l’autre conjoint ne peut s’y opposer qu’en cas d’abus.
Par exemple le tribunal de grande instance de Bordeaux en 86 à refuser à Jean Marie le Pen
le droit d’interdire à son épouse de se présenter sous son nom de femme marier comme
candidate dans une section politique sous une étiquette opposée à la sienne.
On peut également relever que l’usage du nom du conjoint n’a toutefois aucune incidence
sur le nom de famille de la personne tel qu’il apparait à l’état civil il ne l’efface pas et il ne
le remplace pas, en droit l’épouse ne perd pas son nom originaire.
En cas de divorce des époux chaque ex époux perd en principe l’usage du nom de Son
conjoint mais au moins l’un des époux peut conserver l’usage du nom de l’autre soit avec
l’accord de celui-ci soit avec l’autorisation du juge s’il justifie d’un intérêt particulier pour
lui ou pour les enfants , c’est l’article 264 alinéa 2 du code civil, cette intérêt particulier par
le code civil sa peut être par exemple un intérêt professionnel et aussi l’intérêt tout
simplement de vouloir conserver le même nom des enfants à la fois pour faciliter les

24
démarches administrative et aussi peut-être pour conserver l’idée ou l’illusion d’un foyer
commun.

III. L’immutabilité et l’indisponibilité du nom


Le nom a une double nature il est tout d’abord un élément très important du statut
personnel d’un individu. On peut dire que le nom fait corps avec la personne qui le porte.
Et la cour européenne des droits de l’Homme a jugé dans une décision rendue le 22 février
1994, c’est l’affaire Burghartz elle jugé que le nom « en tant que moyen d’identification
personnel est de rattachement à une famille intéressé la vie privé et familial de l’individu »
C’est l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme qui garantit le respect
de la vie privée et familial. C’est un élément important mais au même temps le nom c’est
aussi une institution de police administrative, c’est une sorte d’immatriculation des
personnes et de ce fait le nom peut échapper en partie à l’individu lui-même. De cette
double nature découle deux caractères essentiels du nom à savoir son immutabilité et son
indisponibilité.

A- L’immutabilité du nom
Dire que le nom est immuable c’est dire
que l’on ne peut pas le codifier ou le
changer.

1- le principe de l’immutabilité du nom

25
Ce principe très important est posé par la loi, « la loi du 6 fructidor an 2 (1793) », l’article
premier de cette loi dispose « Aucun citoyens ne peut porter de nom, ni de prénom autre que
ceux exprimés par son acte de naissance »

Quels sont les conséquences de ce principe ?


Deux conséquences :
• La première c’est que dans les rapports d’un individu avec les
autorités publiques, par exemple pour tous les actes importants
authentiques, d’état civil etc. Tout individus a l’obligation de
porter son nom.
• Ensuite deuxième conséquence le nom est dit « imprescriptible » cela signifie
que la propriété du nom ne se perd pas par le non usage et à l’inverse ne s’acquière
par l’usage même long et constant.
En droit la prescription c’est un mode d’acquisition ou de perte d’un droit par
l’écoulement d’un délai définit par la loi.
Ainsi par exemple peut-être revendiquer un nom autre fois porter par des ancêtres puis
abandonné, en jurisprudence il y a de nombreux exemples de
familles qui après avoir abandonné la particule au moment de la
révolution française pour échapper à la colère des
révolutionnaires, donc revendique que deux siècles après le nom
autres fois porter par leurs ancêtres.

2- Les exception de l’immutabilité


Il y a essentiellement deux hypothèses qui justifient un changement de nom :
✓ La première c’est quand le demandeur justifie d’un intérêt légitime
✓ La seconde en cas de naturalisation.

a) Le changement de nom pour un intérêt légitime


Article 61 du code civil « toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à
charger de nom ... »

Il s’agit-là d’une procédure qui est logique puisque :


o La demande doit tout d’abord être publié au journal officiel et au journal
d’annonce légale
o L’autorisation ensuite doit être donner par décrets.

26
Cette notion d’intérêt légitime c’est une notion qui n’est pas très précise, mais si on se
réfère à la jurisprudence en peut mettre en évidence 4 hypothèses ou la demande de
changement de nom est souvent accepté :
L’hypothèse d’un nom de famille qui serait ridicule, grossier ou diffamer par
l’actualité ou à connotation sexuelle sont souvent concerné, ses demandes
sont souvent acceptées, le changement de nom sont parfois liées à l’activité
professionnel aussi.
La deuxième hypothèse est celle d’une personne qui souhaite que son nom de
famille reprenne le pseudonyme sous lequel elle s’est illustrée ou connue, ce
fut le cas de certaines figures de la résistance comme par exemple Jacques
Chaban-Delmas, tandis que Chaban était son nom de résistant et Delmas son
vrais nom. C’est le cas aussi de beaucoup d’écrivains ou d’artistes, Patrick Bruel
à obtenue par décrets en 2003 son changement de nom.

La troisième hypothèse elle est visée à l’article 61 alinéa 2 du code civil « cette
demande de changement de nom peut avoir pour objectif d’éviter l’extinction
du nom porter par un ascendant » cela permet d’accoler à son Nom un nom
prestigieux.
Dernière hypothèse, des motifs d’ordre affectif peuvent dans des
circonstances être exceptionnelles et peuvent caractériser ce fameux intérêt
légitime article 6, par exemple dans une décision du conseil d’état de 2014 la
demande de deux frères de changer de nom pour ne plus porter le nom de leur
père et porter celle de leur mère le demande a été accepté car elle agit/fondé
sur motif d’ordre affectif, les demandeurs faisait valoir qu’ils étaient totalement
abandonnés par leur père et que celui était complètement désintéresser d’eux
et les frères en avaient beaucoup souffert psychologiquement.
S’agissant du changement du prénom c’est beaucoup plus facile que le nom et en
particulier c’est devenue plus facile avec la loi du 18 Nov 2016 appliquer que en 2017, c’est
la loi dite « la loi de modernisation » c’est l’article 60 alinéa 14 du code civil
qui envisage cette demande de changement de prénom, avant il fallait passer par le juge
des affaires familiales, désormais c’est l’officier des états civil qui reçoit cette demande de
changent de prénom et il peut donc l’accepter, et l’officier ne saisit le procureur de l’état
publique que s’il estime que cette demande de changement de prénom n’est pas légitime et
il refuseras ce changement si il lui paraît contraire à l’intérêt de l’enfant, donc souvent la
justice va autoriser ce changement par exemple :
▪ Pour un motif religieux en cas de conversion.
▪ Si le prénom est ridicule ou associer au nom de famille (par exemple il a été refuser le
prénom Aude par son nom de famille était « Vaisselle »)

27
▪ C’est aussi possible pour la demande d’une personne transgenre ou encore lorsque le
demandeur fait état ce que dans la vie courante on l’appelle par un autre prénom. Ces
éléments permettent de changer le prénom.

b) Changement de nom à la suite d’une naturalisation

En cas de naturalisation, il y a une facilité plus grande de changement de nom afin de


favoriser l’intégration de la personne. La francisation du nom est largement admise
comme un moyen d’être plus rapidement admis dans la communauté nationale.
Mais il a fallu un lent cheminement juridique pour admettre pleinement ce changement.
Jusqu’en 1950, n’était permise que la modification orthographique du nom étranger. A
compter de cette date, était autorisée la traduction du nom étranger. Par exemple, M.
Casablanca pouvait se faire appeler Maison blanche. Depuis 1965, il n’y a plus de restriction.
A noter que cela ne concerne que très peu de personnes. Seulement 0,60 % des personnes
qui acquièrent la nationalité française francisent leur nom.

Voilà pour les limites au principe d’immutabilité du nom.

B. L’indisponibilité du nom
Dire que le nom est indisponible, cela veut dire qu’il n’est pas à la disposition d’autrui. Le
nom est protégé contre les atteintes qui peuvent lui être portées. Ces atteintes consistent
dans l'utilisation que les tiers font du nom et en pratique.
Elles prennent trois formes :
• L'usurpation
• L'utilisation commerciale
• L’'utilisation littéraire et artistique, formes qu'il faut distinguer, car la protection
contre chacune d'elles est différente, allant en énergie décroissante.

28
1. L’usurpation du nom
L’usurpation d’un nom est le port sans droit du nom d’autrui. C'est contre elle que la
protection est la plus énergique, car c'est elle qui fait courir le plus grand danger à la
personnalité du véritable titulaire. Celui-ci va disposer, pour se défendre, de l’action en
usurpation.
L'action en usurpation est une action en contestation d'état en vertu de laquelle le porteur
légitime d'un nom qui conteste à un tiers le droit de porter le même nom, demande au juge
de lui interdire à l'avenir de porter le nom usurpé et de faire rectifier les actes de l'état civil.
Mais le droit pénal réprime également l'usurpation de nom. L’article 226-4-1 du code pénal
réprime en son alinéa 1er “le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou
plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa
tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est
puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende”.

L’alinéa 2, qui date de 2011, s’adapte aux formes nouvelles d’usurpation et rajoute que
“cette infraction est punie des mêmes peines quand elle commise sur un réseau de
communication au public en ligne”.

Laissons de côté le droit pénal pour revenir au droit civil.


Les actions en usurpation de nom sont fréquemment des actions à arrière-fond familial,
opposant des cousins, vrais ou faux, ou des homonymes et qui donnent souvent lieu à des
procès interminables.
Pour pouvoir introduire l’action, il faut soi-même, bien sûr, porter légitimement et
exactement le même nom que celui qui a été usurpé mais il n’est pas nécessaire de faire
état d’un préjudice car ce n’est pas une action en responsabilité.
En revanche, les tribunaux exigent un intérêt à agir. Cet intérêt est présent quand il existe,
d'après la jurisprudence, « un risque de confusion » entre l'usurpateur et le titulaire. Ce
risque s'apprécie (sauf circonstances particulières) d'après la rareté et la célébrité du nom.
Par ailleurs, pour que la demande puisse aboutir, le demandeur doit prouver que le port du
nom par la famille ou le tiers à qui il le conteste a été utilisé sans droit. En effet, plusieurs
familles peuvent porter légitimement le même nom et avoir sur celui-ci un droit égal.

29
2. L’utilisation commerciale abusive du nom
Il s'agit ici de l'atteinte constituée par l’utilisation du nom, non plus à titre personnel mais
comme support d'une activité commerciale : utilisation comme nom d'une société, comme
enseigne, comme nom de produit, comme marque ou, aujourd'hui, comme nom de
domaine.
Le choix d’un nom commercial est a priori libre et, bien sûr, a priori, l’utilisation commerciale
de son propre nom ou de son pseudonyme est licite.
Toutefois, cette liberté trouve sa limite dans le droit des tiers. Lorsque vous utilisez le nom
d’une personne, celle-ci peut demander à ce que son nom soit protégé.
Pour que la protection du nom puisse être accordée contre une utilisation à des fins
commerciales, le demandeur doit rapporter la preuve d'un risque de confusion entre son
nom et le nom choisi par le tiers.
Ainsi, la confusion est fréquemment retenue dans le cas d’une reprise comme marque de
noms célèbres ou rares. En effet, le titulaire du patronyme subit alors un préjudice moral, les
tiers étant fondés à penser qu’il a monnayé l’usage commercial de son nom. De son côté, le
déposant profite de la notoriété du nom en conférant à ses produits ou services une bonne
image de marque.
La décision EIFFEL illustre cette position jurisprudentielle. La société GEL a voulu déposer la
marque Gustave EIFFEL pour commercialiser des articles de maroquinerie, horlogerie et
casquettes. L’association Gustave Eiffel, constitué des héritiers du célèbre constructeur, a
alors assigné cette société pour atteinte à leur droit sur leur nom patronymique. La société
GEL n’ayant aucun lien de parenté avec le célèbre ingénieur français, la Cour a considéré
qu’elle avait fait une appropriation indue du patronyme de Gustave EIFFEL, ainsi qu’un
usage détourné de sa notoriété. Les juges ont prononcé la nullité de la marque et l’allocation
de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (CA Paris, 14 juin 2006)

En revanche, quand le nom n'est ni rare, ni célèbre, cette présomption disparait et son
titulaire devra prouver de façon expresse l'existence d'une atteinte effective à ses droits
de la personnalité, démonstration particulièrement difficile en pratique. Par exemple,
l’utilisation du nom Pic n’a pas été sanctionnée en raison de la banalité de l’usage de ce
nom. Il est donc nécessaire que l'utilisation du nom dans une activité commerciale puisse
suggérer aux tiers la participation à cette activité du véritable titulaire du nom, ou du moins
son autorisation.
On peut en donner pour exemple, l’affaire Coca-cola light Sango qui a donné lieu, notamment à
une décision de la Cour de cassation du 10 avril 2013 : en l’espèce, les juges ont considéré que
la marque « Coca-Cola light Sango » utilisée par les sociétés Coca-Cola pour désigner une
boisson ne porte pas atteinte au patronyme d’un auteur s’appelant « Sango » car sa notoriété
n’est pas attestée et qu’il apparaît évident que les consommateurs ne vont pas confondre
le Coca-cola avec cet auteur.
30
Mais il est toujours possible, pour les membres d’une famille ou pour une personnalité, de
conclure un accord commercial portant sur l’utilisation de son nom. Cela peut être
notamment le cas lorsque cette personnalité a elle-même utilisé son nom de famille dans
une activité commerciale et qu’elle cède cette activité avec le nom qui lui est attaché. Cette
situation est souvent source de litiges. Il y a ainsi des affaires Bordas ou Ducasse (du nom du
chef cuisinier).
Une des plus célèbres affaires concerne Ines de la Fressange : Inès de la Fressange, le
célèbre mannequin devenu styliste, avait dans un premier temps vendu à une société, dont elle
était devenue Directeur Artistique, diverses marques portant son nom. Sauf qu’en 1999, la
société en question l’a licenciée, tout en prétendant garder la propriété des marques. Inès de
la Fressange l’a poursuivi devant les tribunaux pour pouvoir reprendre le contrôle de son nom.
La Cour d’appel de Paris lui avait donné raison, mais la Cour de cassation a cassé l’arrêt. Elle a
en effet décidé (Chambre Commerciale, 31 janvier 2006, affaire n°05-10116) qu’Inès de la
Fressange ne pouvait intenter contre la société à laquelle elle avait vendu sa marque une
action tendant à son éviction, autrement dit ayant pour but de lui faire perdre les droits sur
la marque. En effet, le vendeur d’une chose doit garantir à son acquéreur qu’il ne tentera
pas de le déposséder.

Un moyen d’éviter cette situation est de limiter la cession du droit d’utiliser le nom soit en
limitant les domaines d’utilisation soit en prévoyant un terme au contrat, c’est-à-dire une
date à partir de laquelle le titulaire du nom retrouvera l’entière disposition de celui-ci.

3.- L’utilisation abusive du nom dans le cadre de la propriété littéraire et


artistique.
Pouvez-vous protester si un auteur, écrivain, cinéaste, donne votre nom à un de ses
personnages ?
La réponse est positive mais la démarche sera un peu plus difficile parce que la liberté de
création est particulièrement protégée dans notre pays. L'exigence du risque de confusion
est toujours présente, mais s’ajoutent d’autres exigences, celles de la démonstration du
préjudice et de la faute de l'auteur.
Par exemple, un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 octobre 1998 déboute la famille
Bidochon de sa protestation contre la bande dessinée de Binet : « Aucun rapprochement
n'est possible entre les membres de cette bande dessinée, couple de français moyens
marginaux, grotesques et frustres, et la famille en cause, honorable, sympathique, intégrée
dans la vie sociale et professionnelle ».

Mais, à l’inverse, Groseille, actrice connue dans son milieu professionnel sous ce pseudonyme,
a eu gain de cause contre les auteurs du film « La vie est un long fleuve tranquille », en
démontrant que le scénariste la connaissait et avait même demandé à son agent

31
artistique de choisir une comédienne lui ressemblant physiquement pour tenir le rôle de la
Mme Groseille du film, caractérisée, par l’oisiveté, la vulgarité et la vénalité (Cass. 2e civ.,
21 nov. 1990, n° 89-17.927 : JurisData n° 1990-003001).

Voilà ce que l’on pouvait dire sur le nom.


Voyons maintenant deux autres éléments qui permettent, pour l’état-civil, d’identifier une
personne : la nationalité et le domicile.

CHAPITRE II : LE
DOMICILE ET LA
NATIONALITE
Ces deux éléments, qui permettent d’identifier une personne, sont souvent étudiés ensemble
parce qu’ils ont un certain nombre de points communs. Comme on le verra, le fait d’être
domicilié en France, soit au moment de sa naissance, soit pendant un certain temps
ultérieurement, va, dans certains cas, permettre d’obtenir la nationalité française. Par
ailleurs, le domicile et la nationalité sont deux éléments qui vont être déterminants pour
fixer le statut de la personne, notamment au regard des réglementations de police.
Voyons tout cela plus en détail.

32
I.- La nationalité

La nationalité est généralement définie comme l'appartenance juridique et politique d'une


personne à la population d'un État.
En droit français, et dans la plupart des droits étrangers, la nationalité est définie par la loi
d'une manière formelle et abstraite. Il existe ainsi dans le livre Ier du code civil un titre Ier
bis intitulé « De la nationalité française » qui détermine avec beaucoup de précision qui est
français et par suite qui ne l'est pas.
Mais avant d’exposer ces règles, voyons tout d’abord la double nature de la nationalité.

A.- La double nature de la nationalité


La notion de nationalité comporte en réalité deux dimensions. Tout d'abord :
• Une dimension verticale, qui relie l'individu à l'État dont il est en quelque sorte le
sujet.
• L'autre dimension, horizontale, fait du national le membre d'une communauté, la
population de l'État, et le fait bénéficier du statut réservé à cette communauté, ce qui
le distingue de l’étranger présent sur le territoire.

1).- Le lien entre le national et l’Etat dont il dépend :


a) L’Etat a eu pendant longtemps un pouvoir discrétionnaire en ce
domaine :

Discrétionnaire : Pouvoir absolu, sur lequel ne s'exerce aucun contrôle, laissé au bon plaisir
de celui qui le possède.
Le lien politique d'allégeance entre un national et son Etat avait jadis
une très grande importance. Il exprimait un lien personnel, comme
celui du vassal envers le suzerain, et était en principe perpétuel.
Il en reste aujourd'hui une situation de subordination du national
envers son État, qui se manifeste par un certain nombre
d'obligations (obligation de loyalisme, obligations militaires) et qui
trouve sa contrepartie dans la protection, dite diplomatique, que
l'État accorde à ses nationaux à l'étranger.
33
Il en résulte que le droit de chaque État de déterminer quels sont ses nationaux est un
principe non contesté du droit international public. De même, chaque Etat est compétent
pour retirer sa nationalité à une personne.
En France, une personne peut être déchue de sa nationalité française par décret pris après
avis conforme du Conseil d'État.
La déchéance de la nationalité française est la sanction qui
consiste à retirer à un individu qui l'avait acquise la
nationalité française, en raison de son indignité ou de son
manque de loyalisme.

Dans le passé, certaines personnes, dont le député Maurice


Thorez, ont été déchus en raison de leurs liens avec l’URSS. Plus récemment,
cinq binationaux (quatre franco-marocains et un franco-turc), condamnés par
un tribunal correctionnel à des peines de six à huit ans de prison pour
participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un
acte terroriste, ont été déchus de leur nationalité française en 2015.

b) Un pouvoir aujourd’hui plus encadré

Depuis 1948 et l’affirmation solennelle dans la Déclaration universelle des droits de


l’homme d’un « droit à la nationalité », l’Etat ne peut pas tout faire.
C'est ainsi que l'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose que :
«Tout individu a droit à une nationalité » et que « Nul ne peut être arbitrairement privé de
sa nationalité ni du droit de changer de nationalité ».
➔ C’est la raison pour laquelle, en principe, la déchéance de nationalité ne peut avoir
pour conséquence de rendre une personne apatride, c’est-à-dire sans nationalité
aucune. La déchéance aujourd’hui en France ne peut concerner que des binationaux
qui sont devenus Français par naturalisation.
Suite aux attentats du 13 novembre 2015, le
président de la République François Hollande a voulu
étendre la déchéance de la nationalité française aux
binationaux nés français. Un projet de loi
constitutionnelle a même été élaboré mais, devant les
critiques importantes et en l’absence de majorité
prête à voter le texte, le projet a été retiré.

34
2). Le lien du national avec la communauté nationale

L'autre dimension, horizontale, de la nationalité fait du national le membre d'une


communauté particulière et le fait ainsi bénéficier du statut réservé à cette communauté, ce
qui le distingue de l’étranger présent sur le territoire.
Nous allons voir le contenu de ce statut avant d’en nuancer l’importance

a) Le statut de national.

Ce statut a d'abord un contenu politique.


Seuls les nationaux ont plein accès aux droits politiques et aux fonctions publiques. Seuls,
ils bénéficient pleinement des libertés publiques, qu'il s'agisse de la liberté d'entrer, de
séjourner et de circuler sur le territoire, d'exercer la profession de leur choix, ou de la liberté
de la presse.
Par opposition aux nationaux, les étrangers ne jouissent pas,
en principe, des droits politiques. Ils ne peuvent accéder à la
fonction publique. Ils peuvent être extradés ou expulsés. Ils
sont astreints à une réglementation de police pour pénétrer,
séjourner ou travailler sur le territoire français.

Le statut de national a également un contenu de droit privé.


L’article 8 du Code civil précise ainsi que « Tout Français jouira des droits civils ».
Seuls les nationaux ont la plénitude des droits privés et professionnels.
De nombreuses professions, par exemple, sont par principe réservées aux nationaux. C’est le
cas pour les emplois dans la fonction publique.
De même, mais le principe est ici tempéré par de larges exceptions, seuls les nationaux
français sont soumis, pour l'ensemble de leur statut personnel (état et capacité, mariage,
divorce, filiation), aux lois civiles françaises. La solution résulte de la règle de conflit de lois
soumettant le statut personnel à la loi nationale (C. civ., art. 3, al. 3).

35
b) Cette distinction entre Nationaux et Etrangers a toutefois une portée relative :

Tout d’abord, parce qu’après le principe posé à l’article 8 que l’on a cité, l’article 11 du code
civil ajoute aussitôt que : « L’étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui
sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger
appartiendra ».
C’est un principe de réciprocité. La France peut conclure avec
un autre Etat un traité qui permettra d’accorder des droits
privilégiés aux ressortissants des deux Etats.
Par ailleurs, l’opposition tranchée entre nationaux et étrangers
est en vérité menacée par l'apparition de situations
intermédiaires.

Les citoyens des Etats de l’Union européenne


ont ainsi un statut privilégié. La citoyenneté
de l'Union, accordée à toute personne ayant
la nationalité d'un État membre et qui
s'ajoute sans la remplacer à la citoyenneté
nationale permet de rapprocher l’Européen
d’un Français : il bénéficie des mêmes
libertés, de certains droits politiques (vote
aux élections européennes en France et aux
élections municipales) du même accès aux
professions et d’une grande liberté de
circulation.

- De façon plus générale, la France est une terre généreuse qui accorde certains droits
ou certaines protections aux personnes présentes sur son territoire y compris si elles sont
étrangères, comme l’accès aux soins ou à l’éducation.

- Enfin, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme considère que


tout individu qui séjourne, même de manière irrégulière sur un territoire, pendant

36
un certain temps et y tisse des liens personnels, familiaux ou professionnels à
droit à une certaine protection.
Elle le fait bénéficier d'une protection contre les mesures d'éloignement, en considérant
celles-ci comme une atteinte au droit au respect de la vie familiale disproportionnée par
rapport au but de protection de l'ordre public.
À propos de cette jurisprudence, un auteur a pu écrire que la Cour européenne avait
contribué à la création d'une catégorie juridique nouvelle, celle des « quasi-
nationaux».
-

B.- Les modes d’acquisition de la nationalité française

On ne peut décrire dans le détail toutes les procédures qui existent. Mais on peut rappeler
les principes essentiels :
La nationalité française est donnée selon trois modalités : par attribution aux Français
d'origine, par acquisition ou par naturalisation.

1).- Attribution de la nationalité française dès la naissance

L’acte de naissance, par l’indication des père et mère,


permet de déterminer la nationalité de l’enfant. L'enfant, né
de deux parents français, est français.
La nationalité française d'origine est également attribuée
aux enfants dont l'un des parents au moins est français.

L’article 18 du code civil indique en effet : « Est français l’enfant dont l’un des parents
au moins est français » à moins que l’enfant dont la naissance a eu lieu hors de France et
dont un seul des parents est français, ne répudie sa qualité de français dans les six mois
précédant sa majorité ou les douze mois la suivant.

37
S’ajoute la possibilité d'une acquisition de la nationalité française par naissance sur le sol
français, mais principalement dans des hypothèses où l'enfant ne bénéficie pas d'une autre
nationalité (enfant né de parents inconnus ou apatrides).
Enfin, est français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même
né avec la même faculté de répudiation dans les six mois précédant sa majorité ou les douze
mois la suivant.
C’est l’acte de naissance qui fera foi pour déterminer le lieu de naissance.

2).- Acquisition de la nationalité française

Si la nationalité n'est pas attribuée dès la naissance, son acquisition reste possible dans des
cas divers, sous réserve de remplir des conditions communes liées par exemple à l'absence
de condamnation pénale ou de condamnation pour atteinte aux intérêts de la nation (C. civ.,
art. 21-27).
a) L’acquisition peut être automatique ;
Par exemple, l’adoption plénière d'un enfant lui attribue automatiquement la nationalité
française de son parent adoptif (C. civ., art. 20).
b) L’acquisition peut résulter, dans certains cas, d’une déclaration.
C’est le cas pour le mariage. Le mariage avec un français n’exerce aucun effet automatique
sur la nationalité.
L'étranger qui contracte un mariage avec
un conjoint de nationalité française peut,
après un délai de quatre ans à compter du
mariage, acquérir la nationalité française
par déclaration à condition qu'à la date de
cette déclaration la communauté de vie
tant affective que matérielle n'ait pas cessé
entre les époux depuis le mariage et que le
conjoint français ait conservé sa
nationalité.
Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la
déclaration ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au
moins trois ans en France à compter du mariage.

38
Le conjoint étranger doit également justifier d'une connaissance suffisante, selon sa
condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par
décret en Conseil d'Etat.
Précisons que le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité
ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française
par le conjoint étranger dans un délai de deux ans. La situation effective de polygamie du
conjoint étranger est assimilée à un défaut d’assimilation.
c) Enfin, la nationalité française peut être accordée par une décision de l’autorité
publique.
C’est la procédure de la naturalisation. La nationalité française peut être accordée à tout
étranger méritant ou ayant rendu des services à la France. Il est par exemple prévu de la
donner à tout étranger engager dans les armées françaises qui a été blessé en mission au
cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel et qui en fait la
demande.
Lassana Bathily, l'employé malien de l'hypermarché casher, qui a aidé des
clients à se dissimuler dans la chambre froide pendant l’attentat terroriste,
a été naturalisé en 2015.

Précisons pour conclure que


l'acquisition de la nationalité
française est entourée d'une
certaine solennité avec la
participation à une cérémonie
d'accueil dans la citoyenneté
française organisée par les
préfectures (C. civ., art. 21-28
s.).

Dans une affaire récente, rendue le 11 avril 2018, le Conseil d’Etat a eu, à ce
propos, à connaître d’un cas de figure assez exceptionnel. Les faits étaient les
suivants : une femme ayant acquis la nationalité par mariage s’est rendue à la
préfecture pour participer à la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté

39
française. Elle a été accueillie par le secrétaire général de la préfecture et par
un élu local. Or, elle a refusé de leur serrer la main en faisant valoir que ses
convictions religieuses lui interdisaient de serrer la main des hommes. Le
gouvernement a alors pris un décret d’opposition pour défaut d’assimilation. La
question a été très discutée devant le Conseil d’Etat mais il a confirmé le
décret. Il a jugé « qu’en estimant qu’un tel comportement, dans un lieu et à un
moment symbolique, révélait un défaut d’assimilation, le Premier ministre n’a pas
fait une inexacte application des dispositions … du code civil ».

II.- Le domicile

Le domicile est le deuxième élément cité dans le code civil


permettant d’identifier les personnes physiques. Comme le nom,
il a une double nature :
-il répond tout d’abord à une préoccupation de police :
permettre de trouver la personne en cas de besoin.
-Mais il est aussi un élément intime de la personnalité. La Cour
européenne des droits de l’homme lie d’ailleurs expressément le
domicile de la personne au respect de sa vie privée, comme on va le
voir.

La matière du domicile est réglementée par les articles 102 à 111 du Code civil.
Pour l’essentiel, ces textes sont inchangés depuis 1804.
Nous allons nous attacher à déterminer le domicile (A) avant d’en rechercher les fonctions
(B).

A. La définition du domicile

40
Le domicile est visé par l'article 102, alinéa 1er, du Code civil : “Le domicile de tout
Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal
établissement”.
On le voit, l'article 102 ne donne pas une véritable définition du domicile : en exposant qu'il
est au lieu du principal établissement, le texte indique où est le domicile et non ce qu'il est. Il
faut donc aller au-delà du texte de l'article 102 pour
définir le domicile comme le lieu auquel la personne
est juridiquement rattachée, en raison d'un lien
l'unissant à ce lieu et en dépit d'un éloignement
éventuel, même durable.
Nous allons déterminer les principaux caractères du
domicile avant de voir comment il se détermine.

1– Les caractères du domicile


Ils sont au nombre de deux

a) Fixité du domicile

Le premier caractère du domicile est sa fixité.


Cette exigence, inspirée par le souci de sécurité des tiers a cependant une portée limitée. Elle
sert principalement à distinguer le domicile de la résidence et de l'habitation, qui se
caractérisent au contraire par leur mobilité – d'ailleurs variable.

Le domicile est classiquement distingué de la résidence, définie comme le lieu où la


personne vit effectivement et habituellement d'une manière assez stable. L'exigence d'une
certaine stabilité a pour seul but d'exclure de la notion les lieux de passage, de séjours trop
brefs ou occasionnels. Elle ne s'oppose pas, en revanche, à l'existence de résidences
secondaires.
Les deux notions sont ainsi parfois concurrentes, comme dans l'article 74 du Code civil, qui
permet la célébration du mariage au lieu où l'un des époux a “son domicile ou sa résidence”

41
L'habitation est, elle, définie, comme le lieu où la personne vit effectivement, même de
manière occasionnelle. Quand vous dormez à l’hôtel, votre habitation est, pendant votre
séjour, dans cet hôtel.

b) Le caractère unique du domicile

Chaque personne n'a, en principe, qu'un seul domicile.


L'article 102 vise le principal établissement, lieu qui, parce qu'il est principal, est
nécessairement unique.
Les articles 103 et 104 montrent également qu'on ne peut acquérir un nouveau domicile
qu'à la condition de perdre l'ancien.
En vérité, l'unicité du domicile n’est pas totale parce que plusieurs législations cohabitent et
peuvent retenir chacune un domicile qui peut être différent.
Ainsi, en droit commercial, on parle domicile professionnel défini comme le lieu où la
personne est située pour tout ce qui touche à l'exercice de sa profession.
Le domicile électoral fait référence à la notion de domicile au sens de l’article 102 mais
permet aussi à un électeur d’être inscrit sur la liste électorale s'il a dans la commune une
résidence de six mois au moins, ou encore s'il figure depuis cinq ans au rôle des
contributions directes communales.

2.- La détermination du domicile

Il faut distinguer la détermination volontaire du domicile par la personne et les hypothèses


où la loi impose elle-même un domicile.

a) La détermination volontaire du domicile.

Qu’est-ce que le « principal établissement » au sens de l’article 102 ?


La question peut être importante, par exemple, pour déterminer quels tribunaux peuvent
connaître de la demande en divorce d’un couple ou savoir si une personne peut être inscrite
sur une liste électorale.
42
La jurisprudence considère, pour qu’il y ait domicile, qu’il y ait combinaison entre :
➔ Un élément objectif, d’ordre matériel :la personne doit être établie au lieu
qu’elle désigne, soit qu’elle y ait sa résidence familiale, soit qu’elle y habite de
manière durable, soit qu’elle y est le centre de ses intérêts économiques ou
professionnels
➔ Un élément subjectif, la volonté de demeurer en ce lieu à titre de principal
établissement.

L’élément matériel est bien sûr souvent déterminant car on ne peut laisser une personne
déterminer toute seule où se trouve son domicile.

Le contentieux électoral donne à cet égard de nombreux exemples.

Par exemple, dans une décision Cass. 2e civ., 11 mars 2010, n° 10-60.150 et n°
10-60.162, la Cour de cassation refuse d’inscrire sur les listes électorales de
la Trinité sur mer un couple qui y possédait une habitation au motif qu’il
résultait tant de l’occupation à temps partiel de l’habitation que des faibles
consommations d'énergie attestées par les factures, que cette habitation
constituait seulement une résidence secondaire dédiée aux temps de loisirs tels
que les fins de semaines et les vacances.

Dans un arrêt plus récent du Conseil d’Etat (CE 27 mai 2016, n° 395414,
Elections régionales de la région Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées)

La question était de savoir si M. Dominique Reynié, chef de


file les Républicains, pouvait se présenter aux élections
régionales de Languedoc-Roussillon. Celui-ci était
professeur de Sciences Po Paris, habitant dans la région
parisienne mais ayant ses racines familiales dans la région
de Rodez.

Il avait publié un contrat montrant qu'il louait une chambre


individuelle au domicile de sa mère, datant du 1er mars 2015 avec effet au 1er
43
janvier 2015. Le Conseil d’Etat refuse d’y voir son domicile au motif qu’il a son
principal établissement en région parisienne et non dans la région concernée, eu
égard aux conditions sommaires de son installation à Onet-le-Château et à la
courte durée de son habitation dans cette commune, au jour de l'élection, ne lui
conférant pas un caractère suffisant de stabilité.

b) Domiciles légaux

Dans un certain nombre de cas exceptionnels, c’est la loi qui détermine le domicile légal de
la personne.

Autrefois, entrait dans cette catégorie le cas de la femme mariée. Le domicile légal de celle-
ci était obligatoirement celui de son mari, même en cas de séparation de fait.
Par souci d’équité, la loi du 11 juillet 1975 relative au divorce a supprimé cette règle. Le
nouvel article 108 du code civil qui en est résulté précise que “ le mari et la femme peuvent
avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la
communauté de vie“.

Sont aujourd’hui concernés les mineurs non émancipés et les majeurs sous tutelle.
• Le mineur non émancipé est toujours légalement rattaché au domicile de ses parents,
ou, s’il n’en a plus, de son tuteur. C’est le cas quel que soit son véritable lieu
d’habitation, c’est à dire même s’il est confié à un tiers.
Lorsque ses parents ont un domicile distinct, l’enfant à son domicile chez celui avec
lequel il réside ou chez lequel il est rattaché.
Lorsqu’il devient capable, soit qu’il soit émancipé soit qu’il devienne majeur, il
devient libre de choisir son domicile.

44
• Le majeur sous tutelle, quant à lui, a toujours son domicile légal chez son tuteur.

B. Les fonctions du domicile

On en revient à l’idée de départ :


• Le domicile relève à la fois d’une préoccupation de police : permettre de trouver la
personne en cas de besoin.
• Mais il est aussi un élément protecteur pour l’individu.
De ce fait, on peut distinguer deux fonctions principales :

1.- Une nécessité de police et une commodité de localisation juridique

Le domicile répond à une nécessité de pouvoir trouver efficacement la personne si


nécessaire, à la fois pour des raisons de police, mais aussi, comme on va le voir, pour
favoriser sa localisation juridique.
Il permet aussi d’établir entre elle et l’Etat un lien de rattachement important. La
délivrance d’une carte nationale d’identité est, par exemple, subordonnée à l’existence d’un
domicile. Ce lien va par ailleurs déterminer la compétence territoriale de l’Etat ou, par
exemple, celle des tribunaux.

Il en découle une obligation légale d’avoir un domicile (a) avec pour conséquence une localisation juridique
(b).

a) L’obligation d’avoir un domicile

Toute personne doit obligatoirement avoir un domicile.


De même que toute personne a nécessairement un nom, de même elle a nécessairement un
domicile. L'application du principe, bien sûr, ne va pas sans difficultés.

45
Le cas des personnes dépourvues de résidence est envisagé par les textes. La loi s’efforce de
trouver une solution :
• Ainsi pour les bateliers sont tenus de choisir un domicile dans l'une des
communes figurant sur une liste officielle (C. civ., art. 102, al. 2 ;
• Les forains et nomades, en particulier les Roms, sont tenus de choisir une
commune de rattachement produisant pour partie les
effets d'un domicile.
• De même, les personnes sans résidence stable, les
SDF, doivent, pour formuler une demande de revenu de
solidarité active (RSA), élire domicile auprès d'un
organisme agréé à cette fin.
Une procédure commune de domiciliation est ainsi mise en place pour l'accès aux droits de
toute personne sans domicile fixe.
• Les migrants et plus particulièrement les demandeurs d’asile doivent également
mentionner un domicile. Ce sera le plus souvent celui, purement théorique, d’une
association qui leur vient en aide ou celui de leur avocat.

b) La localisation juridique de la personne

Le domicile permet de localiser la personne dans un Etat, dans un ressort, et dans un lieu
déterminé.
Voyons rapidement ces trois aspects :

Localisation dans un Etat


On ne s’attardera pas sur cet aspect qui relève du droit international privé et public.
Retenons que la détermination de l’Etat dans lequel la personne
à son domicile peut être important, dans certaines matières,
pour déterminer quelle est la loi applicable, la loi française ou
une loi étrangère. Par exemple, en matière successorale, c’est
la loi du domicile du défunt qui s’applique. Par ailleurs, le
domicile permet, indépendamment de la loi applicable, de
déterminer quelles juridictions de quel pays sont compétentes.
Par exemple, en cas de divorce, c’est le lieu du domicile conjugal
qui va déterminer le tribunal compétent.
46
Localisation dans un ressort
Elle permet de déterminer, sur le territoire français, quel est le tribunal territorialement
compétent. La règle générale posée par l’article 42
que nous venons de voir veut, en effet, que le
tribunal compétent soit celui du domicile du
défendeur.
Le principe comporte cependant de très
importantes atténuations. Par exemple, en matière
de propriété immobilière, le tribunal compétent est
celui du lieu de situation de l'immeuble (CPC, art.
44) ; en matière de divorce, celui de la résidence de
la famille (CPC, art. 1070).

Localisation dans un lieu déterminé


Au regard des règles de procédure, la localisation de la personne en un lieu précis joue un
rôle considérable en matière de signification des actes de procédure.
Le principe en ce domaine est que “la signification doit être faite à personne” (CPC, art. 654,
al. 1er). Mais, selon l'article 655 du Code de procédure civile, si cela s'avère impossible,
l'acte doit être délivré au domicile de la personne.
Les huissiers doivent ainsi se présenter
au domicile de la personne.
De même, le créancier ne peut en
principe réclamer paiement qu’au
domicile du débiteur. Ce n’est que si cette
démarche échoue qu’il peut engager des
poursuites.
Il en résulte qu’en principe les actes juridiques pour pouvoir produire des effets doivent
être envoyés au domicile connu de la personne.

Mais cette règle connaît deux types d’atténuations :


➢ Tout d’abord, la jurisprudence reconnaît parfois la régularité des actes qui ont été
notifiés au domicile apparent de la personne même s’il n’est pas son domicile réel.
Le domicile apparent peut être défini comme le lieu, distinct du domicile véritable, où

47
la personne dispose néanmoins d'un établissement qui peut passer pour principal aux
yeux d'un observateur normalement prudent et diligent.

➢ Ensuite, la personne, pour certains actes, peut faire élection de domicile. C'est-à-dire
qu’elle va déclarer, pour faciliter la procédure, une autre adresse que son domicile
réel. Par exemple, une étude de notaire pour faciliter une vente immobilière ou un
cabinet d’avocat pour le dépôt d’une requête devant un tribunal. Les effets de cette
élection de domicile sont doublement limités : ils ne jouent que dans les relations
entre les parties à l’acte et ils n’existent que pour l’acte en vue duquel elle a été faite.
Pour tous les autres actes, c’est le domicile réel qui compte.

2.Le rôle protecteur du domicile

Avoir un toit a toujours été une nécessité vitale pour


pouvoir se protéger. Ce rôle particulier du domicile demeure au
cœur de notre droit.
On peut développer deux points.

a) Le domicile, élément essentiel de la vie privée

Le domicile apparaît comme un refuge intime dont la défense relève du domaine des
libertés publiques.
Le Conseil constitutionnel a fait de l'inviolabilité du domicile une composante de la liberté
individuelle (Cons. const., déc. 29 déc. 1983, n° 83-164 DC ).
C'est en ce sens que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme proclame
que “toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son
domicile et de sa correspondance”. Le droit au respect du domicile est donc un aspect
du droit à la vie privée personnelle garanti par l'article 8 de la Convention.
Les locaux professionnels sont également protégés par l'article 8 contre les perquisitions et
les visites domiciliaires (CEDH, 30 mars 1989, Chapell c/ Royaume-Uni,), y compris au
domicile des personnes morales (CEDH, 16 avr. 1992, Sté Colas Est et a. c/ France).
.
48
Mais ce qui rend aujourd’hui le sujet un peu complexe, c’est que le débat est moins d’une
obligation d’avoir un domicile que celui du droit à avoir un logement.

b) Le droit au logement et ses conséquences


Compte tenu du nombre de personnes sans logement ou mal logés, la pression est sur l’Etat
de leur donner un logement.
La CEDH (cour européenne des droits de l’homme) a été saisie de cette question à plusieurs
reprises. Elle a, semble-t-il, hésité mais, devant la difficulté pour les Etats d’offrir un
domicile à tous, elle a renoncé à obliger les Etats à supporter une telle obligation. Dans
une décision du 18 janvier 2001, Chapman c/ Royaume-Uni elle a précisé que l’article 8 ne
reconnaît pas le droit de se voir fournir un domicile.

En France, la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 a institué un droit au logement


opposable : Les personnes sans logement adressent leur demande à une
commission de médiation qui va établir des priorités en fonction de :

-la situation de famille,

-du nombre d’enfants,

-des conditions d’insalubrité que supportent les demandeurs.

Le demandeur désigné comme prioritaire par la commission de médiation et qui


n’aura pas obtenu de proposition de logement ou d’hébergement à l’issue d’un
délai de six mois peut alors engager un recours contentieux devant le tribunal
administratif pour faire valoir son droit au logement ou à l’hébergement. Le
Tribunal condamne alors l’Etat à verser une somme d’argent, qualifiée
d’astreinte à un fond de financement du logement social.

Mais il reste qu’il y a beaucoup de demandes et peu de logements disponibles alors même
qu’il y a des logements vides.
Il y a de ce fait une confrontation de plus en plus fréquente entre le droit de propriété et le
droit au logement.
Deux affaires récentes l’ont parfaitement illustré.
La première a donné lieu à un arrêt récent de la Cour de cassation :

49
Plusieurs occupants sans droit ni titre d’une parcelle avaient été assignés en
expulsion par les propriétaires du terrain. La cour d’appel accueille leur demande
: elle retient l'existence d'un trouble manifestement illicite et ordonne
l'expulsion des occupants ainsi que l'enlèvement des ouvrages et des caravanes,
installés sur le terrain. Les occupants de la parcelle forment alors un pourvoi en
cassation, fondé sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de
l’homme prévoyant le droit au respect du domicile de l’occupant.

La Cour de cassation, dans une décision du 4 juillet 2019 ; n°18-17119 rejette le


pourvoi. Elle juge que l'expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au
propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé
illicitement, l'ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de
l'occupant, protégé par l'article 8, ne saurait être disproportionnée eu égard à
la gravité de l'atteinte portée au droit de propriété, dont le caractère est
absolu.

L’autre affaire a été récemment médiatisée. Il s’agissait d’un couple de


retraités qui voulait s’installer définitivement dans leur résidence jusque-là
secondaire à Théoule-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes. Ils en étaient
propriétaires depuis trente-six ans. Mais à leur arrivée, ils découvrent qu’une
famille de squatters s’y est installée depuis 3 semaines avec deux enfants en
bas âge et qu’ils ont changé les serrures.

Or, si on l’a vu, l’article 226-4 protège le domicile, celui-ci ne couvre pas les
résidences secondaires.

A vrai dire, même lorsqu'il s'agit d’une résidence principale, la tâche du


propriétaire n’est déjà pas facile. Il doit apporter un titre de propriété,
prouver l'effraction du squatteur et porter plainte pour pouvoir réclamer
l'intervention des forces de police ou de gendarmerie. Le problème, c'est
qu'il est très difficile d'apporter la preuve de l'effraction. Par ailleurs, le
préfet peut hésiter à apporter le concours de la force publique si cela peut
entraîner un trouble à cet ordre public.

Mais s’il s’agit d’une résidence secondaire, la situation du propriétaire est


impossible. Pour obtenir l’expulsion, il ne pouvait passer que par l’article 322-1
du code pénal qui réprime le vandalisme.

Cette affaire s’est plutôt bien terminé puisque, d’une part, le couple de
retraités a pu récupérer sa maison, le squatter ayant été arrêté pour violences
50
conjugales et, d’autre part, un amendement a été adoptée par l’Assemblée
nationale le 16 septembre 2020 permettant d’étendre la protection de la
résidence principale aux résidences secondaires ou "occasionnelles".

TITRE II : - La protection de
la personne

L'article 16 du Code civil dispose que :


« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et
garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».
Du corps humain, il n'est point question, et il faut lire les articles suivants pour apprendre,
notamment, que chacun a droit au respect de son corps, que le corps humain est
inviolable, qu'il ne peut faire l'objet d'un droit patrimonial.
On voit que la protection de la dignité de la personne est le principe premier et que les
principes relatifs au corps sont des mesures d'application concrète.
Toute personne humaine a donc droit à ce que sa dignité soit respectée et protégée. Cela
concerne les deux aspects de la dignité humaine, la dignité physique et la dignité morale.

Chapitre I- La
protection du
corps humain
Le corps humain est juridiquement difficile à appréhender parce qu’il est à la fois la
concrétisation de la personne dont il est indissociable mais aussi matière et donc objet.
Si l’on s’en tient à une perception immédiate, en effet, le corps humain est juste un
assemblage de cellules, de tissus et d'organes dont la permanence et l'harmonie des
51
fonctions caractérisent la vie. De ce point de vue, le corps humain est une chose, au même
titre que tout ce qui est composé de matière.
Dans toutes les cultures, la personne est un peu plus que le corps humain. Ce plus, c'est
l'âme, ou l'esprit, ou encore un principe vital difficile à appréhender et c’est quand le corps
lui est associé, que l’on ne parle de personne. S'il en est dissocié, par exemple après la
mort, le corps, devenu cadavre, redevient essentiellement de la matière.
Quand on en vient au droit, on retrouve cette ambiguïté concernant le corps humain –
matière et personne- qui est renforcée par l'éclatement des règles juridiques le concernant
entre deux codes : le Code civil et le Code de la santé publique.
Ce sont, en effet, principalement deux lois du 29 juillet 1994 sur la bioéthique qui ont créé
le statut contemporain du corps humain. Les lois bioéthiques suivantes, celles du 6 août
2004 et du 11 juillet 2011 (la dernière est en cours de discussion) n’ont fait que préciser ce
statut.
• La première loi de 1994 est la loi relative au respect du corps humain, dont les
dispositions ont été codifiées au Code civil.
• La seconde est la loi du 11 juillet 2011 relative au don et à l'utilisation des éléments
et produits du corps humain, codifiée au Code de la santé publique.
Or, ces deux lois ont deux objets différents et répondent à deux approches
presque opposées du corps humain.
Le code civil refuse de distinguer le corps de la personne et envisage le corps
comme la concrétisation physique de la personne. Du point de vue du code
civil, il n'est pas possible de distinguer le corps et la personne. Cette
protection, accordée au corps humain survit, dans une certaine mesure à la
personne car la dépouille humaine est encore imprégnée de la personne
humaine.
Après la mort, le corps humain reste l'objet d'une certaine protection et, comme on l’a vu,
la question se pose de savoir si une certaine protection peut être accordée au corps humain
en formation (embryon, fœtus) avant que n'apparaisse la personnalité juridique, c'est-à-
dire avant la naissance en état de viabilité.
Le code de la santé publique, au contraire, choisit d’examiner le corps de très près, à une
distance où la personne s'efface totalement au profit d'un corps morcelé. Il y voit des
organes, de la matière, des morceaux qui peuvent être séparés et traités différemment.
Notre droit actuel est le résultat d’un compromis entre ces deux approches. On va
l’examiner en étudiant successivement le principe d’inviolabilité du corps humain et celui
de son indisponibilité.

52
I.- L’inviolabilité du corps humain

Aux termes de l'article 16-3 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2004,
“il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale
pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui”.
Interdire qu'il soit porté atteinte à l'intégrité du corps humain, c'est affirmer son
inviolabilité.
Le principe est ainsi celui de l'interdiction des atteintes à l'intégrité corporelle (A). Ce n’est
que dans un second temps qu’il faut examiner les exceptions (B).

A) Le principe de la protection de l'intégrité corporelle

1.- La portée du principe

L'intégrité n'est pas définie par l’article 16-3. On peut toutefois retenir que l’intégrité est :
• L’état de quelque chose qui a toutes ses parties
• Qui n'a subi aucune diminution, aucun retranchement
• Ou encore l'état de quelque chose qui a conservé sans altération ses qualités, son
état originels.
À ce titre, le corps humain, considéré comme juridiquement inviolable, est protégé contre
toutes les atteintes que les tiers pourraient prétendre lui faire subir.
Les atteintes visées par le texte doivent être comprises le plus largement possible. Il peut
s'agir d'atteintes directes, tels des coups, des blessures, ou des mutilations... ou des
atteintes plus indirectes, par exemple, on a vu que la position française concernant les
conditions pour accepter le changement d’état civil d’un transsexuel avait été condamnée
par la CEDH parce qu’elle obligeait, indirectement, la personne à se faire opérer. Et on a vu
que le droit français, anticipant cette condamnation, avait changé sa logique.
Pour finir sur la portée du principe, on peut relever que le code civil ne prévoit aucune
sanction. Par conséquent, c'est aux règles généralement applicables en matière d'atteinte
à l'intégrité corporelle qu'il faut se référer. Si, malgré tout, en transgression du principe
d'inviolabilité du corps humain, une atteinte est portée à celui-ci par un tiers, une
indemnité doit réparer le préjudice ainsi causé, tant matériel que moral.

53
Par ailleurs, toute atteinte portée à l'intégrité du corps humain pourra faire l’objet d’une
condamnation pénale.
Enfin, il y aura aussi annulation de tout contrat qui prévoirait une telle atteinte, pour
illicéité de son objet.

2.- Quelques exemples d’application :

a) Les interventions médicales :

L'article 16-3 garantit le droit pour le patient de refuser


des soins.
La jurisprudence pose le principe que le droit pour le
patient majeur de donner, lorsqu'il se trouve en état de
l'exprimer, son consentement à un traitement médical
revêt le caractère d'une liberté fondamentale.
Les actes médicaux ne peuvent en principe être
administrés que si le patient a donné un consentement libre et éclairé.
L'article 16-3, alinéa 2, dispose en effet que le consentement de l'intéressé doit être recueilli
préalablement hormis le cas où son état rend nécessaire une intervention à laquelle il n'est
pas en mesure de consentir, par exemple parce qu’il est dans le coma.
Cette exigence implique que le médecin lui ait donné une information préalable complète
sur les risques inhérents à l'intervention.
Si la personne est consciente et capable, le médecin ne peut agir contre son gré.
Toutefois, la jurisprudence retient de ce principe une interprétation nuancée. Les médecins
ne portent pas à cette liberté fondamentale, une atteinte grave et manifestement illégale
lorsqu'après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins
indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte indispensable
à sa survie et proportionné à son état.
Le Conseil d’Etat, par exemple, dans un arrêt du 26 octobre 2001 a refusé de considérer que
pouvait être poursuivi l’hôpital dans une hypothèse où une transfusion sanguine avait été
effectuée sur un Témoin de Jéhovah malgré son opposition. Le processus vital était en jeu
et les médecins avaient pratiqué la transfusion parce que c’était la dernière solution
envisageable. Le patient était mort et sa veuve, sans contester le fait que son mari ne
pouvait pas être sauvé, attaquait l’hôpital pour préjudice moral dès lors qu’il était allé à
l’encontre de la volonté de son mari.
54
Une autre hypothèse où l’article 16-3 peut jouer est celle des conséquences d’une maladie
ou d’une blessure.
L’auteur du dommage, par exemple un médecin qui a commis une faute médicale ou un
conducteur qui a blessé quelqu’un dans un accident de la route, peut-il tenter de réduire le
montant des dommages et intérêts qu’on lui réclame en faisant valoir que si la victime
s’était soignée plus tôt et mieux, le dommage aurait été moindre ?
L'article 16-3 interdit en fait à la victime de se voir contrainte de se soigner ou de se voir
reprocher de ne pas l’avoir fait.
Pour un exemple, en matière d’accident de la circulation, cf. Cass. 2ème civ., 19 mars 1997,
n° 93-10914).

b) Le droit de réprimande ou de correction

Au regard du principe d’intégrité corporelle, se pose la question de la possibilité pour les


parents dans l'exercice de leurs prérogatives parentales d'user d'un droit de réprimande
ou de correction. Peuvent-ils donner une fessée ou une gifle à leurs enfants ?
Le droit français pendant longtemps a toléré un droit de correction corporelle des parents
et plus largement des personnes qui en assurent la garde, quand il estimait que celui-ci
répondait à un intérêt éducatif et ne sanctionnait que les châtiments atteignant un
certain seuil de gravité (qualifiés alors de violences).
Par exemple, la Cour de cassation a conclu à un non-lieu en 2003 dans une affaire de gifle
donnée par une gardienne d'enfant en relevant qu’"il n'est nullement établi que ce geste ait
excédé les limites du droit de correction inhérent à la mission de surveillance qui avait été
confiée à la gardienne de l'enfant" (Cass. crim., 17 juin 2003, n° 02-84.986 ).

La France a pourtant signé la Charte européenne des droits sociaux,


qui précise que les Etats doivent « protéger les enfants et les
adolescents contre la négligence, la violence ou l’exploitation ».
En mars 2015, elle avait été condamnée par le Conseil de l’Europe au
motif qu’elle « ne prévoit pas d’interdiction suffisamment claire,
contraignante et précise des châtiments corporels ».

Aussi, le droit français a été contraint de changer. Le Parlement a


adopté définitivement, le 2 juillet 2019, une loi visant à interdire les
« violences éducatives ordinaires ». Il s’agit d’inscrire dans le Code
civil, à l’article 371-1 lu à la mairie lors des mariages, que « l’autorité parentale s’exerce
sans violences physiques ou psychologiques ».
La France devient donc le 32e des 47 pays membres du Conseil de l’Europe à proscrire tout
châtiment corporel à l’encontre des enfants. Ils sont au total 56 à travers le monde
55
c) La question du statut juridique du corps humain après la mort.

Dans quelle mesure peut-on considérer que la dépouille humaine, la sépulture, puis les
restes humains conservés, momies, ossements etc. deviennent, après la mort de l’individu,
des choses. Et quel peut être exactement leur statut ?
Deux affaires contentieuses notamment ont conduit à s’interroger sur ce point :
➢ La première concerne la tentative de restitution par la mairie de Rouen, propriétaire
d’une tête de guerrier Maori, présente dans les réserves du musée de la ville depuis
la fin du XIX° siècle. Les élus avaient considéré que cette tête, de caractère sacré,
devait retourner sur sa terre d’origine pour y recevoir une sépulture conforme aux
rites ancestraux. Le ministre de la culture obtient l’annulation de cette délibération
devant le juge administratif au nom de l’inaliénabilité des biens appartenant au
domaine public ; la notion de bien l’emporte donc.
Mais cette solution n’a pas paru satisfaisante : les députés ont adopté le 18 mai 2010 une
loi spécifique visant à autoriser expressément la restitution par la France des têtes
maories à la Nouvelle-Zélande. Cette restitution a eu lieu le 23 janvier 2012, lors d’une
cérémonie officielle au musée du quai Branly.

➢ La deuxième affaire concerne l’exposition « A corps ouverts » qui s’est tenu à Paris à
partir de février 2009. Il s’agissait d’une exposition payante de cadavres chinois «
plastinés », c'est-à-dire rendus imputrescibles, et écorchés pour mettre à jour, dans
différentes positions, leurs organes. Deux associations avaient demandé l’interdiction
de l’exposition au motif qu’on ne pouvait traiter ces corps comme de simples objets.
Le juge des référés du TGI de Paris, puis la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 30
avril 2009, leur donnent raison. La cour considère qu’une telle exposition, en tant
que telle, ne soulève pas de problème mais à condition que l’origine licite des
cadavres soit établie or, il y avait en l’espèce un soupçon sérieux de trafic de
cadavres de prisonniers ou de condamnés à mort en provenance de Chine. La cour de
cassation est saisie à son tour et, dans une décision du 16 septembre 2010, elle
désavoue la motivation des juges d’appel. Elle invoque l’article 16-1-1du code civil qui
dispose que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des
personnes décédées… doivent être traités avec respect, dignité et décence ». Et elle
juge que « les restes des personnes décédées doivent être traités avec respect,
dignité et décence » et qu’une « exposition de cadavres à des fins commerciales
méconnaît cette exigence ».

56
La loi du 19 décembre 2008 est intervenue entre temps. L’article L. 16-1, alinéa 1 du code
civil affirme désormais que « le respect du corps humain ne cesse pas avec la mort ».

Dans le même ordre d’idée, lorsque des prélèvements d’organes sont faits post mortem, le
code de la santé publique oblige à respecter le corps autant que possible et à le « restaurer
» pour épargner les familles.

3. L’extension à la protection des caractéristiques génétiques

La loi prévoit toute une série d’interdictions en ce domaine.


L’Article 16-4 précise en effet que : « Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce
humaine. Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes
est interdite. Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant
génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée ».
Est également interdite la création d'embryons transgéniques ou chimériques (CSP, art. L.
2151-2, al. 2.).
Un embryon transgénique est un embryon dont le génome a été modifié par l'insertion ou
le remplacement d'un ou de plusieurs gènes.
Un embryon chimérique est un embryon dont l'organisme est constitué de deux ou
plusieurs populations de cellules génétiquement distinctes. C’est le croisement entre deux
espèces. Ce n’est plus tout à fait de la science-
fiction.
Il s’agit pour l‘essentiel de tentatives d’injecter des
cellules humaines dans des embryons d’animaux
afin de pouvoir ensuite en tirer profit pour
l’homme. Des tentatives en ce sens existent un peu
partout dans le monde, aux États-Unis et en Asie
notamment. Elles consistent par exemple à injecter
des cellules humaines dans des embryons de porcs.
Ceux-ci, après implantation, devraient développer
un organe humain, tel un pancréas ou un cœur,
destiné à être disponible pour une greffe sur l’homme, et ainsi remédier à la pénurie
d’organes.
Voilà donc pour le principe d’inviolabilité.

57
B.- Les exceptions au principe d’inviolabilité

L'article 16-3, tout en consacrant le principe d'interdiction de porter atteinte à l'intégrité


corporelle, envisage expressément deux exceptions, l'une et l'autre étant soumises au
consentement préalable : la nécessité médicale (1°) et l'intérêt thérapeutique d'autrui (2°).

1) L’hypothèse de la nécessité médicale :

Dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 1994, l'article 16-3, alinéa 2 ne prévoyait la
possibilité d'atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité thérapeutique.

La notion de nécessité médicale, que lui substitue la loi du 27 juin 1999 (art. 70), est plus
large puisqu’elle recouvre non seulement les actes thérapeutiques, mais également les
actes préventifs, les recherches biomédicales, ou par exemple la chirurgie esthétique.
En matière de chirurgie esthétique, la loi impose toutefois des obligations rigoureuses : une
information donnée au patient, un devis, un délai de réflexion pour le patient et même
impose une abstention si les dangers l’emportent sur les avantages. Par ailleurs,
l’intervention esthétique est fautive si elle comporte des risques sérieux (C. santé publique,
art. L. 6322-2).

2) L’intérêt thérapeutique d’autrui

Depuis la loi du 6 août 2004, une atteinte portée à l'intégrité du corps humain peut aussi
être justifiée « à titre exceptionnel, dans l'intérêt thérapeutique d'autrui », (C. civ., art. 16-
3). Cette modification a surtout permis les dons d’organes par des personnes vivantes.
Il faut voir que le cercle des donneurs autorisé par la loi n'a cessé de s'étendre. Initialement,
le don d'organes n'était en effet possible qu'au profit d'un père ou d'une mère, d'un fils ou
d'une fille, d'un frère ou d'une sœur ou, en cas d'urgence seulement, au profit du conjoint.
Puis, la loi du 6 août 2004 a procédé à une importante extension du cercle des donneurs en
y incluant des collatéraux simples (cousins germains et cousines germaines, oncles et
tantes) et des alliés (conjoint du père ou de la mère). Surtout, la loi a fait entrer dans ce
cercle “toute personne apportant la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans avec

58
le receveur”. Enfin, la loi du 7 juillet 2011 y a ajouté “toute personne pouvant apporter la
preuve d'un lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans avec le receveur”(C. santé
publ., art. L. 1231-1, al. 2).
Par ailleurs, désormais, sauf opposition de sa part, les organes prélevés à l'occasion d'une
intervention chirurgicale pratiquée dans l'intérêt de la personne opérée peuvent être
utilisés à des fins thérapeutiques ou scientifiques. Les mêmes solutions sont prévues au
sujet des tissus, cellules et produits du corps humain.
Enfin, le risque de mise en danger d'autrui conduit à imposer des vaccinations obligatoires,
quand bien même elles sont attentatoires à l'intégrité physique, afin de lutter contre les
épidémies et les maladies transmissibles. Depuis une loi du 30 décembre 2017, 11 vaccins
sont désormais obligatoires contre 3 auparavant. Dans une décision du 20 mars 2015, le
Conseil constitutionnel a affirmé la constitutionnalité du caractère obligatoire d’une
vaccination.
La sanction pénale spécifique au refus de vaccination a été supprimée. Cependant, parce
que ne pas faire vacciner son enfant le met en danger et peut mettre en danger les autres,
le fait de compromettre la santé de son enfant – ou celui d’avoir contaminé d’autres
enfants par des maladies qui auraient pu être évitées par la vaccination – peuvent toujours
faire l’objet de poursuites pénales.

II) Indisponibilité du corps humain

Aucune disposition du code civil n’évoque directement le principe d’indisponibilité du corps


humain. Mais c’est bien ce principe que consacrent les articles 16-1, alinéa 3, 16-5, 16-6 et
16-7 du code civil en affirmant le refus de patrimonialité du corps humain.
Tout en affirmant ce principe, ces articles organisent aussi, à titre exceptionnel, les
conditions de la circulation des produits et éléments du corps humain, laquelle est
gouvernée par les principes de gratuité et d'anonymat.
Voyons ces deux points.

A.- Le principe d’indisponibilité du corps humain

Le principe d'indisponibilité du corps humain a été consacré par la Cour de cassation dans un
arrêt d'assemblée plénière du 31 mai 1991 au sujet de la légalité de la convention de mère
porteuse (Cass. ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20.105). La Cour de cassation y affirme que, «
59
la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter
un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de
l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ».
C’est aujourd’hui la loi qui le consacre. A l’affirmation générale de la non-patrimonialité du
corps humain (1), s’ajoute l’interdiction plus spécifique de certaines conventions (2).

1.- La non-patrimonialité du corps humain

L'article 16-1 du Code civil dispose, dans son alinéa 3, que “le corps humain, ses éléments et
ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial”.
Ce refus de la patrimonialité du corps humain est repris par l'article 16-5 qui prévoit la
nullité des conventions qui auraient pour effet de lui conférer une valeur patrimoniale.
L'article 16-6, quant à lui, interdit toute rémunération pour « celui qui se prête à une
expérimentation sur sa personne, au prélèvement d'éléments de son corps ou à la collecte
de produits de celui-ci ».
Dire que le corps humain ou ses éléments ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial,
c’est refuser de dissocier, d’une certaine façon, la personne et son corps. Le corps n’est pas
un objet et la personne ne peut pas disposer librement de celui-ci comme elle pourrait le
faire d’un bien lui appartenant.

2.- L’absence de brevetabilité du corps humain

Au principe de non-patrimonialité du corps humain, peut être rattachée la règle selon


laquelle le corps humain ne peut donner lieu à des inventions brevetables. En 2004, le
législateur a inscrit ce principe dans le code de la propriété intellectuelle (article L. 611-18
1er alinéa).
Ne sont, ainsi, notamment pas brevetables : non seulement les procédés de clonage des
êtres humains, les procédés de modification de l'identité génétique de l'être humain, ou les
utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales, mais aussi les
séquences totales ou partielles d'un gène prises en tant que telles.
L’alinéa 2 du même article précise toutefois qu’une « invention constituant l’application
technique d’une fonction d’un élément du corps humain peut être protégé par un brevet ».
Par exemple, un cœur artificiel peut l’être (cœur Carmat inventé par le professeur
Carpentier en 2009).
60
3. L’interdiction particulière de certains contrats

Ce que cherche surtout à interdire le législateur, c’est la commercialisation du corps humain


plutôt que sa disponibilité.
La loi ne frappe de nullité que les seules conventions ayant pour effet de conférer une
valeur patrimoniale (autrement dit : pécuniaire) au corps humain, à ses éléments ou à ses
produits, c'est-à-dire les conventions à titre onéreux ayant un tel objet.
Il en résulte qu’en principe, comme on va le voir en abordant les exceptions, les
conventions à titre gratuit sont licites.
Cependant, certaines conventions, même à titre gratuit, sont interdites et frappées de
nullité. Ainsi, l'article 16-7 du code civil affirme la nullité des conventions “portant sur la
procréation ou la gestation pour le compte d'autrui”. C’est-à-dire les contrats de mère
porteuse.
Il s'agit là de la consécration législative de la solution retenue par l'arrêt de l'Assemblée
plénière de la Cour de cassation en date du 31 mai 1991 que nous avons déjà évoquée, et
fondée tant sur l'indisponibilité du corps humain que sur l'indisponibilité de l'état des
personnes.
L’interdiction est d'ordre public (C. civ., art. 16-9).
Nous ne nous attarderons pas sur ce point puisque la question sera examinée longuement
au second semestre dans le cadre du droit de la famille. Nous verrons notamment les
conséquences de cette interdiction sur l’établissement de la filiation des enfants nés de
contrats de mère porteuse conclus à l’étranger, en particulier avec l’affaire des jumelles
Mennesson.

II.- La protection de la dignité de chaque personne

Chaque personne doit être protégée contre les atteintes portées à sa vie privée et à son
moi intime.
Si ce principe, du moins depuis la Révolution française, est bien ancré dans notre droit, le
degré de protection est bien sûr un sujet de discussion permanent, d’autant plus que les
menaces évoluent, avec, par exemple, la place qu’occupe aujourd’hui internet.

61
Cette protection est par ailleurs difficile à mettre en œuvre parce qu’elle se heurte à
d’autres principes, et en particulier à celui de la liberté, liberté d’expression, liberté de la
presse, liberté de la recherche scientifique et même, depuis 1968, une certaine liberté
sexuelle.
La protection de la dignité de la personne, prise individuellement, prend la forme d’un
certain nombre de droits qui sont reconnus à l’individu et dont il peut se prévaloir. Nous
allons voir d’un peu plus près les deux principales prérogatives conférées à l’individu, le
droit au respect de sa vie privée et le droit à l’image.

A.- Le droit au respect de la vie privée

Le droit au respect de la vie privée est clairement affirmé. Il s’agit de protéger les
individus à la fois contre les intrusions dans leur vie privée d’autres personnes et contre les
intrusions des pouvoirs publics.
La jurisprudence l’avait largement appliqué avant que la loi du 17 juillet 1970 ne l’introduise
dans le code civil. L’article 9, alinéa 1 dispose ainsi que « Chacun a droit au respect de sa vie
privée ».
Et la même loi a introduit dans le code pénal toute une série d’incriminations qui
sanctionnent les atteintes à l’intimité de la vie privée (articles 226-1 à 226-6 code pénal).
Quant à la convention européenne des droits de l’homme, elle indique, en son article
8, alinéa 1 : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son
domicile et de sa correspondance ».
Mais, dans aucun de ces textes, il n’y a de définition très précise de ce qu’est la vie
privée. Par ailleurs, comme un certain nombre d’atteintes sont autorisées par les textes, il
est difficile de cerner ce qui fait effectivement l’objet d’une protection.
Prenons l’exemple de la sexualité. Les pratiques sexuelles appartiennent a priori à la sphère
privée. La Cour EDH a très souvent rappelé le principe selon lequel chacun est libre de
disposer de son corps comme il l’entend.
Mais l’Etat peut-il intervenir quand ces pratiques apparaissent dégradantes ?
Quand on regarde la jurisprudence de la CEDH dans le détail, on voit bien que le principe
est délicat à mettre en œuvre.
Par exemple, elle a considéré, dans un arrêt de 2005, que la possibilité de s’adonner à des
relations sexuelles sado-masochistes relève du libre arbitre des personnes, mais elle a
autorisé la Belgique à condamner cette pratique parce que le consentement de la victime
n’est pas assuré.

62
De même, elle a légitimement validé la condamnation pénale d’un homme pour le viol de
son épouse (CEDH, 22 nov. 1995, R. c/ Royaume-Uni) mais elle a refusé de le faire dans un
cas où le mari avait marqué ses initiales au fer rouge sur les fesses de sa femme
consentante, en considérant qu’il s’agissait d’une pratique accomplie en privé au domicile
conjugal.
On le voit, la frontière entre ce qui relève de la vie privée et ce qui mérite d’être surveillé
n’est pas facile à tracer.
Mais plus que les atteintes des pouvoirs publics à la vie privée, ce sont celles perpétrés par
les tiers qui génèrent le plus de difficultés.

Nous ne pouvons explorer tous les aspects du sujet.


Nous allons nous concentrer sur deux domaines où, ces dernières années, l’article 9 du
code civil a trouvé souvent à s’appliquer, celui de la protection de la vie privée au travail et
celui de la confrontation entre le respect de la vie privée et le droit de la presse et de la
liberté d’expression.

1.- Vie privée et rapports entre salariés et employeurs

Toute la difficulté, en la matière, est de concilier les droits de l’employeur et la vie


privée.
Il faut distinguer deux points :

a) La conciliation des obligations professionnelles et de la vie privée

Le principe en la matière est que ces obligations ne doivent pas porter atteinte à la sphère
privée du salarié.

- Par exemple, elles ne doivent pas contrevenir aux convictions religieuses de


l’individu.
L’article L. 1132-1 du code de travail le dit expressément.
Mais tout est question de nuances et de contexte dans l’entreprise.

63
Ainsi, la Cour d’appel de Paris en 2003 a jugé abusif un licenciement d’une salariée qui avait
refusé de changer son foulard islamique en un bonnet faute pour l’employeur de justifier sa
décision par des éléments objectifs. Mais à l’inverse, a été considéré comme justifié le
licenciement d’une vendeuse d’articles de mode féminine qui refusait de quitter sa burqa.

- De même, l’employeur ne peut pas se fonder sur le comportement d’un salarié dans
sa vie privée pour le licencier.
Par exemple, a été refusé le licenciement de la secrétaire d’un concessionnaire Renault
pour avoir acheté une Peugeot pour ses besoins personnels.

Il y a toutefois une exception dans ce que la jurisprudence appelle les « entreprises de


tendance », c’est-à-dire celles qui ont pour objet la défense de pensées religieuses,
politiques ou syndicales.
Dans ces entreprises, des restrictions peuvent être apportées à la liberté personnelle du
salarié.

Par exemple, il a été admis qu’un établissement d’enseignement catholique puisse, par
contrat, interdire à ses professeurs de divorcer (Cass. Ass. Plén., 19 mai 1978, Affaire du
cours Sainte-Marthe).

b) Surveillance du salarié et vie privée

Il est du droit et même du devoir de l'employeur de contrôler l'activité des salariés, de


vérifier s’ils ne commettent pas de faute dans l’exercice de leurs fonctions et s’ils
accomplissent bien le travail pour lequel ils sont payés.
Mais le droit au respect de la vie privée du salarié doit se concilier avec ces prérogatives de
l'employeur.
Cette exigence a toujours existé. Mais, depuis quelques années, de nombreuses méthodes
de surveillance des salariés se sont développées, en lien avec le développement des
nouvelles technologies dans l'entreprise : caméra de vidéosurveillance, écoutes
téléphoniques, surveillance de l'utilisation de l'internet (sites fréquentés, messages reçus
ou envoyés par le salarié de son poste de travail).
Quelles sont les réponses apportées par le droit ?
64
- Le code du travail encadre très largement l'utilisation des méthodes de surveillance et
condamne celles qui ne sont pas portées à la connaissance des salariés1. La jurisprudence
applique ces dispositions.
Par exemple, dans une affaire, le directeur d'un magasin soupçonnait une caissière de voler
dans la caisse et avait fait installer, à son insu, une caméra avec bande vidéo. La caissière fut
filmée en train de prendre de l'argent et disant « ça c'est pour ma pomme » et fût licenciée.
La cour de cassation a considéré que la preuve de la faute avait été obtenue de façon illicite
et a annulé le licenciement (Soc. 20 nov. 1991, no 88-43.120 , Bull. civ. V, no 519, D. 1992.
73, concl. Y. Chauvy , RTD civ. 1992. 365, obs. J. Hauser , et p. 418, obs. P.-
Y. Gautier ). Mais à vrai dire, il n’y avait pas là atteinte à la vie privée.
En revanche, si la mise en œuvre du dispositif de surveillance a été portée à la connaissance
des salariés, la preuve qu'il permet de recueillir n'est pas illicite. C’est en particulier le cas
pour les écoutes téléphoniques.
Il est plus difficile d’appliquer ces principes avec l’informatique.
Depuis les années 2000, la surveillance de l'utilisation par le salarié de son matériel
informatique et spécialement de la connexion internet mise à sa disposition par
l'employeur pour les besoins de son activité professionnelle est à l'origine d'une
jurisprudence fournie de la Cour de cassation.
Celle-ci a débuté avec le très remarqué arrêt Nikon du 2 octobre 20012 . Dans cet arrêt, la
Cour de cassation avait affirmé que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail,
au respect de l'intimité de sa vie privée et que celle-ci implique en particulier le secret des
correspondances.
Elle en avait tiré pour conséquence que l'employeur ne peut sans violation de cette liberté
fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus
par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au
cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur.
Mais cette solution a été fortement critiquée au motif qu’elle surprotégeait la vie privée du
salarié.
Depuis, la jurisprudence s’efforce d’être plus nuancée, dans un souci d'équilibre entre le
droit au respect de la vie privée du salarié et les prérogatives de l'employeur.

1
C. trav., art. L. 1222-4 : « Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas
été porté préalablement à sa connaissance » ; V. aussi C. trav., art. L. 1221-9 : « Aucune information concernant personnellement un
candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance »
2
JCP E 2001. 1918, note C. Puigelier, Semaine sociale Lamy 15 oct. 2001, p. 8 et s., note G. Lyon-Caen, et p. 12 et s., entretien
A. Mole ; S. BRÉZIN et I. DE BENALCAZAR, L'application du principe du secret des correspondances aux courriers électroniques reçus ou
émis à l'aide d'un outil informatique à usage professionnel, TPS, janv. 2002, p. 5 et s. ; adde : M. BOURRIÉ-QUENILLET et F. RODHAIN,
L'utilisation de la messagerie électronique dans l'entreprise. Aspects juridiques et managériaux en France et aux États-Unis, JCP 2002.
I. 102, spéc. no 9
65
Ainsi, dans un arrêt du 17 mai 20053 qui concernait des fichiers personnels sur l’ordinateur
professionnel d’un salarié, la Cour de cassation a réaffirmé le caractère privé de ces fichiers,
mais elle a posé une imite à la protection : l'ouverture est possible :
- soit en présence du salarié ou si celui-ci a été dûment appelé,
- soit en cas de risque ou d'événement particulier, ce qui évoque principalement la
commission d'une infraction, comme la détention d'images à caractère
pédopornographique.
Cet infléchissement de la jurisprudence été confirmé par plusieurs arrêts de la Cour de
cassation.
Il a été notamment précisé en 2006 que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à
l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail
sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère
professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors de sa présence.

2.- Vie privée et liberté d’expression

Le conflit nait de ce que la liberté d’expression est une liberté qui fait l’objet d’une
protection particulière.
L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme énonce en son premier
paragraphe notamment que « toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit
comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou communiquer des informations ou
des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de
frontière ».
Certes, ce droit à la liberté d'expression proclamé à l'article 10 s'exerce le cas échéant sous
réserve de la protection du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par
l’article 8 de la même convention.
Dans des arrêts remarqués, la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé
que les droits au respect de la vie privée et à la liberté d'expression revêtent, eu égard aux
articles 8 et 10 de la Convention européenne et 9 du code civil, une identique valeur
normative. Ils font ainsi devoir au juge de rechercher leur équilibre « et, le cas échéant de
privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime » (Civ. 1re, 9 juill. 2003).

3
(Soc. 15 mai 2005, no 03-40.017 , Bull. civ. V, no 165, CCE 2005, Comm. 121, obs. A. Lepage ; J.-E. RAY, L'ouverture par
l'employeur des dossiers personnels du salarié, Dr. soc. 2005. 789)
66
Mais l’on peut constater que, dans la jurisprudence de la CEDH et, sous son influence, dans
la jurisprudence des juridictions françaises, la liberté d'expression l'emporte de plus en plus
souvent face aux droits de la personnalité.

Alors, dans quels cas, la liberté d’expression peut-elle traiter d’éléments de la vie privée des
personnes ?
La 1ère hypothèse est celle ou les faits perdent leur caractère privé pour devenir publics, à
cause de leur notoriété ou du caractère public du lieu où ils ont été accomplis.
Il y a par exemple, une jurisprudence de 1974 qui considère que Serge Gainsbourg et Jane
Birkin ne peuvent pas empêcher le compte rendu d’une scène de ménage dans la presse
parce qu’elle a eu lieu dans un studio d’enregistrement en présence d’un grand nombre de
personnes.

2) La deuxième hypothèse assez proche, c’est celle de faits relevant de la vie privée mais qui
ont été révélés au public par la personne elle-même. La personne a ainsi conféré un
caractère public à ces éléments de sa vie privée.

3) 3ème hypothèse : C'est encore la liberté d'expression qui l'emporte sur le droit au respect
de la vie privée lorsque les faits révélés sont considérés comme ayant un caractère anodin
Il y a ainsi toute une série de décisions de la Cour de cassation qui concernent la famille
princière de Monaco.
Dans une décision, Civ. 1re, 3 avr. 2002, elle refuse de condamner un journal qui faisait état,
sans le consentement de la principale monégasque intéressée, de détails concernant son
divorce en raison du caractère anodin des indications et il en va de même, dans une
décision de 2004, ( Civ. 2e, 19 févr. 2004, no 02-11.122) concernant les préparatifs et
l'accouchement de Caroline de Monaco.
Ce critère du caractère anodin de l’information est toutefois malaisé à utiliser. Ainsi, on
peut être surpris de voir que le TGI de Paris a considéré qu’une addiction à la cocaïne, était
un fait anodin « dans le milieu social de l'époque en cause », mais en l'occurrence
également fait notoire : TGI Paris, 15 déc. 2008, Légipresse 2009, I, p. 38.

4ème et dernière hypothèse, la plus récente, est celle où le juge estime qu’il y a une certaine
pertinence à ce que l’élément de vie personnelle en cause soit révélé.
Cette pertinence est avérée dans deux circonstances, l'information sur le fait d'actualité et
la contribution à un débat général.
67
Sur le premier point, l’idée est que la nécessité d'informer de l'actualité amène
nécessairement à évoquer certains aspects de la vie privée des personnes qui y sont
impliquées.
Ainsi, la Cour de cassation a considéré que la révélation de l'appartenance à la franc-
maçonnerie peut trouver un élément de justification dans le fait qu'elle « s'inscrivait dans le
contexte d'une actualité judiciaire » (Civ. 1re, 24 oct. 2006
L'actualité peut être également relative à une catastrophe naturelle, comme un tsunami qui
a fait de très nombreuses victimes en Asie, parmi lesquelles se trouvaient des touristes
français (jugé ainsi au sujet de l'article qui décrivait l'arrivée du raz-de-marée et les
circonstances dans lesquelles des familles européennes avaient été touchées, et qui était
illustré de photographies d'enfants disparus, que « le sujet traité avait suscité un intérêt
majeur du public et que le magazine pouvait légitimement en rendre compte une semaine
après l'événement : Versailles, 29 juin 2006
Plus délicate à cerner est l’idée que la révélation d’un élément de la vie personnelle puisse
contribuer à un débat d’intérêt général.
La Cour de cassation et la CEDH distinguent selon que l’information sur la vie privée
constitue ou non un « débat d’intérêt général ». Est légitime en ce sens, une information,
même portant sur la vie privée lorsqu’elle présente un intérêt pour un tel débat, à
condition toutefois de n’être ni outrancière ni porteuse d’une atteinte à la dignité humaine
Par exemple, la révélation de l'orientation sexuelle du secrétaire général du Front National,
dans un ouvrage portant sur un sujet d'intérêt général se rapportant à l'évolution de la
position d'un parti politique sur la question de l'union des personnes de même sexe, a été
jugée comme n’étant pas contraire à l'article 9 du code civil (Civ. 1re, 9 avr. 2015, no 14-
14.146 , Dalloz actualité, 22 avr. 2015, obs. Mésa).
On voit toutefois que ce concept est lui aussi très délicat à manier.

B.- Le droit de la personne sur son image:

La notion d'image de la personne est simple à saisir. Elle désigne la représentation de la


personne par quelque moyen que ce soit, photographie, image filmée, mais aussi, même si
cette forme d'image est moins présente dans le contentieux, peinture ou dessin
représentant le portrait de la personne.
L’idée est que, sous certaines conditions, toute personne peut s’opposer à ce que des tiers,
non autorisés, reproduisent son image.
Nous allons aborder deux points :

68
1.- La portée générale du droit à l’image

a).- Le fondement du droit à l’image

À la différence du droit au respect de la vie privée qui est gravé dans le code civil, le droit
sur l'image n'a reçu nulle consécration du législateur.
Mais le droit sur l'image a été consacré par la Cour de cassation qui, dans une décision de
1998, a posé le principe que « selon l'article 9 du code civil, chacun a le droit de s'opposer à
la reproduction de son image » (Civ. 1re, 13 janv. 1998, no 95-13.6944.
Quelque temps après, la Cour de cassation a affirmé sans ambiguïté l'indépendance du
droit au respect de la vie privée par rapport au droit sur l'image, en déclarant que
« l'atteinte au respect dû à la vie privée et l'atteinte au droit de chacun sur son image
constituent des sources de préjudice distinctes, ouvrant droit à des réparations distinctes »
(Civ. 1re, 12 déc. 2000, no 98-21.161)5.

Il s’agit donc d’un droit de la personnalité comparable au droit au respect de la vie


privée. En vertu du droit sur son image, la personne dispose d'un droit en vertu duquel elle
peut s'opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans son autorisation
préalable.
Ce droit sur l'image permet à son titulaire de protéger son intégrité morale (par exemple,
de s'opposer à ce que son image soit associée à des idées politiques ou philosophiques
contraires aux siennes), mais il permet également notamment de s'opposer à ce que ses
traits fassent l'objet d'une exploitation commerciale sans son autorisation. On peut ainsi
considérer que le droit sur l'image en tant que tel, comporte un aspect moral et un aspect
économique.

b).- Les conditions du droit sur l’image

Une personne ne peut prétendre faire respecter son image que si trois conditions sont
remplies :
1) La personne doit être identifiable

4
JCP 1998. II. 10082, note G. Loiseau, D. 1999. Somm. 167, note Ch. Bigot.
5
D. 2001. 2434, note J.-Ch. Saint-Pau , CCE 2001. Comm. 94, 1re esp., obs. A. Lepage).
69
Il ne saurait y avoir atteinte à l’image d’une personne si celle-ci ne peut être reconnue.
La Cour de cassation a eu l’occasion de l’affirmer dans une affaire singulière. Un magazine,
sous le titre « Photos porno de l’actuelle femme d’un haut magistrat français » avait publié
des photos d’une femme nue mais la face totalement cachée avec seulement comme
indication qu’elle était une ancienne prostituée, que son mari était président de chambre
dans une cour d’appel du sud de la France et qu’elle avait ainsi bien réussi sa reconversion.
Une femme a porté plainte mais la Cour de cassation a confirmé la position des juges du
fond qui l’avait déboutée au motif de l’absence d’identification de la personne
photographiée (Cass. Civ. 1ère, 21 mars 2006, JCP, G, 2006, IV, 1886, RTD civ. 2006.535, obs.
J. Hauser).
Mais ce n’est pas parce que le visage de la personne est caché que celle-ci ne pourra être
identifiée.
La cour de cassation vient de le rappeler dans une décision récente, Cass. 1re civ., 29 mars
2017, n° 15-28.813, à propos d’un reportage de la chaîne de télévision M6. Ce reportage,
consacré à l’histoire d’une jeune femme qui avait fait croire, pendant plusieurs années, sur
le réseau internet, qu’elle était atteinte d’affections graves, comportait une séquence,
filmée en caméra cachée, au cours de laquelle deux journalistes, se faisant passer pour des
proches de cette femme, consultaient son médecin généraliste. Celui-ci, invoquant
l’atteinte ainsi portée au droit dont il dispose sur son image a poursuivi la chaîne.
Les juges constatent que, même si le visage du médecin était masqué et sa voix déformée, il
ressortait des témoignages des personnes ayant fréquenté son cabinet, en qualité
d’infirmière, de déléguée médicale ou de patients, qu’elles avaient immédiatement et très
clairement reconnu sa silhouette et sa physionomie, ainsi que son cabinet de consultation,
de sorte que le médecin était identifiable.

2) La personne ne doit pas avoir autorisé sa représentation


Pour qu’une personne puisse évoquer un droit sur son image, il faut que la publication ait
été faite sans son autorisation. Celle-ci peut être expresse ou tacite.
Elle sera expresse lorsqu’une cession du droit d’exploitation de l’image aura été conclue.
Elle sera tacite quand elle résultera du contexte dans lequel l’image a été prise : un homme
politique qui prend la parole en public devant des photographes ou des caméras de
télévision donne ainsi une autorisation tacite de reproduire son image.
Dans une logique comparable, la Cour de cassation a refusé de reconnaître à l’instituteur du
film « Etre et avoir » le droit de se prévaloir d’un droit à l’image dès lors qu’en se laissant
filmer, il avait nécessairement consenti à l’utilisation de son image ( Cass. Civ. 1ère, 13 nov.
2008, Etre et avoir).

70
Que l’autorisation soit expresse ou tacite, elle ne vaut bien sûr que dans la limite de ce qui a
été autorisé.

3) La reproduction de l’image d’une personne sans son autorisation n’est


condamnable que si elle porte atteinte à sa vie privée.

Mais il faut immédiatement précisé que l’atteinte à la vie privée est nécessairement
constituée dans un grand nombre de cas.

- Il en va ainsi, notamment, des photographies de vacances, des photographies


« familiales », des photographies prises à l’intérieur d’une propriété privée.
- Il en va ainsi également des images de nu, qu'elles soient réalisées initialement avec le
consentement du modèle, sauf bien sûr autorisation, ou sans son consentement.

2.- La conciliation du droit sur l’image, de l’information et de la liberté artistique :

On va retrouver la même logique que pour le respect du droit à la vie privée, accentuée par
le fait que l’image est désormais un instrument majeur de diffusion de l’information.

a).- Les limites tenant aux nécessités de l’information et de la création artistique

Si le droit qu’a chacun sur son image est en principe absolu, il connaît une importante limite
tirée, tout d’abord, des nécessités de l’information.

Si une personne est impliquée dans un événement ou que son image est en relation avec
une information générale, le droit du public d’être informé l’emporte sur le droit de la
personne sur son image.
Par exemple, il a été jugé, à propos de l’attentat qui avait eu lieu, il y a quelques années, à
la gare Saint-Michel du RER à Paris que les personnes photographiées et impliquées dans
l’événement ne pouvaient s’opposer à la diffusion des photos (Cass. Civ. 1 ère, 20 février
2001). De même, quelqu’un qui avait défilé contre le PACS dans une manifestation n’a pu
s’opposer à la diffusion de son image en illustration de cette manifestation.

71
La même réponse est apportée lorsque l’image est utilisée à seule fin de création artistique,
mais c’est bien sûr, plus délicat à apprécier. Une dame qui avait été photographiée à son
insu, assise sur un banc public, avec son portable et son chien assis à côté d’elle a été
déboutée de sa demande de protection de son image parce que la photo avait été prise par
un artiste pour illustrer un album de photos consacrées à la vie quotidienne (CA Paris, 5
nov. 2008). L’idée est de toujours favoriser la création artistique.

Mais ces limites au droit à l’image comportent elles-mêmes une limite :

b).- La nécessité de toujours respecter la dignité du modèle photographié

Dans les hypothèses où la vie privée n'est pas en cause ou que le droit à l’information ou à
la création artistique s’appliquent, le juge retient quand même une atteinte au droit à
l'image si la dignité de la personne est affectée par la publication du cliché.

- Cette dignité sera affectée quand l’image sera indécente - il a été jugé ainsi pour la
publication de la photo du cadavre du préfet Erignac gisant dans un caniveau après
son assassinat (Cass. Civ. 1ère, 20déc. 2000) – ou pourra porter atteinte à sa
réputation. Tel est notamment le cas des personnes photographiées menottes en
main ou embarquées par la police quand elles bénéficient encore de la présomption
d’innocence.

- Il suffit que la photographie soit dégradante. Ainsi, la diffusion d'une image est
sanctionnée comme portant atteinte au respect dû à la dignité d'autrui lorsqu'elle
montre un ancien chanteur « dans un état de fatigue extrême sans nécessité pour
une légitime information du public ».
(TGI Paris, réf., 16 sept. 2014, n° 14/57209 (Johnny ? ).

- Mais la dignité de la personne sera encore affectée quand l’image est correcte mais
publiée dans un cadre qui ne l’est pas. Est ainsi considérée comme outrageante la
publication d'une photographie pour illustrer des articles parus dans une revue
pornographique. Il en va, de même, également pour l'illustration d'un article de
presse sur la prostitution par une photographie issue d'un film dans lequel une
actrice jouait le rôle d'une péripatéticienne (TGI Paris, 26 févr. 1992).

72
Voilà ce que l’on pouvait dire sur le droit à l’image et, au-delà sur l’ensemble du régime de
protection de la personne.

Nous avons jusqu’ici uniquement parler des personnes physiques. A côté de celles-ci
existent d’autres personnes, dites morales, qui empruntent certaines, mais pas tous, de
leurs caractéristiques.

73
TITRE III : LA PERSONNE
MORALE

Selon le dictionnaire de vocabulaire juridique de G. Cornu, une personne morale est un :


«groupement doté, sous certaines conditions, d'une personnalité juridique plus ou moins
complète ».
Les personnes morales sont donc des groupements de personnes physiques ou des masses
de biens (des fondations) qui vont en partie être assimilés, en droit et de manière un peu
fictive, à des personnes physiques.
Il va s’agir de groupements publics, comme l’Etat ou les collectivités territoriales (Région,
département, commune...) ou de groupements privés, comme les sociétés ou les
associations. S’y ajoutent des organismes un peu particuliers comme les fondations.

Cette notion de personne morale existe depuis l’Antiquité parce qu’elle est absolument
nécessaire pour organiser la vie en société.

I.- GENERALITES SUR LES PERSONNES


MORALES :
A.- Quel est l’intérêt d’avoir recours à cette
notion ?
Cet intérêt est triple :
L’intérêt réside d’abord dans une recherche d’efficacité et de simplicité
juridique
• A partir du moment où des individus se regroupent pour agir en commun, dans le
domaine social, politique, économique ou culturel, il est indispensable que ce
groupement puisse faire, en son nom propre, des actes juridiques.
Si, par exemple, une société n’avait pas la capacité juridique pour conclure elle-même des
contrats, il faudrait que chaque contrat soit contresigné par tous les actionnaires de la
société.

74
Et si l’on raisonne au niveau de l’Etat, si l’on ne reconnaissait pas à l’Etat une personnalité
juridique, il faudrait, pour que la France soit engagée par un traité international, que tous
les citoyens signent individuellement ledit traité.

L’intérêt réside, en deuxième lieu, dans une recherche de stabilité et de sécurité


juridique.
Il faut que le groupement puisse exister indépendamment des individus qui le composent
sinon, la disparition ou le retrait d’un de ces individus remettraient en cause les
engagements souscrits et obligeraient à la dissolution du groupement.
Même si les actionnaires d’une société ou les membres d’une association changent, la
société ou l’association restent liées par leurs engagements et restent responsables des
fautes qu’elles ont commises.

Le troisième intérêt est d’ordre patrimonial.


En reconnaissant une personnalité au groupement, on va lui reconnaître un patrimoine
distinct de celui de ses membres. En cas de difficultés financières, les membres ne seront
pas inquiétés sur leur propre patrimoine.
Par exemple, quand des personnes physiques décident de créer une société, elles vont
apporter une partie de leur patrimoine à cette société (apports financiers en capital ou
apports en nature) qui va ainsi se constituer un patrimoine propre. Si la société fait faillite,
les créanciers pourront se dédommager sur le patrimoine de la société mais ne pourront pas
poursuivre les membres de celle-ci en s’attaquant à leur patrimoine propre.

L’idée est donc bien de doter certains groupements, de manière fictive, d’une
personnalité juridique comparable à celle dont bénéficient les personnes
physiques afin de les rendre autonomes.

Mais alors qu’une personne physique jouit de la personnalité juridique du seul fait de son
existence et que celle-ci lui confère des droits clairement identifiés et les mêmes pour
tous, la
reconnaissance d’une personnalité aux groupements soulève
deux difficultés :
• La première concerne la reconnaissance de cette personnalité morale : Sous
quelles conditions faut-il reconnaître à un groupement la
personnalité morale ?
75
• La seconde difficulté concerne les conséquences de cette reconnaissance : qu’est-
ce que cela implique très exactement, pour un groupement, d’avoir
la personnalité morale ?
Ce qui rend les réponses un peu compliquées, c’est qu’elles varient pour chaque catégorie
de groupement. Mais on peut toutefois dégager des principes généraux.

B.- identification et individualisation de la


personne morale
Comme pour les personnes physiques, l'exercice de leur activité juridique par les personnes
morales suppose qu'elles puissent être identifiées.
Ainsi ont-elles un nom, un domicile et une nationalité.
La question se pose aussi de savoir si elles peuvent avoir une vie privée à protéger ?
Voyons chacun de ces éléments.

1) Le Nom des personnes morales

N'exprimant pas un rapport de famille, le nom des personnes morales est en principe
librement déterminé par les fondateurs. Il est par la suite susceptible d'être modifié à tout
moment dans les conditions prévues pour la modification de l'acte constitutif du
groupement dont il constitue un des éléments. Pour cette raison, il doit d'ailleurs être
soumis aux mêmes exigences de publicité que cet acte.

Le choix du nom n'est toutefois par entièrement libre.

En particulier, la détermination du nom doit respecter les droits des tiers. Aussi, sauf
accord de son titulaire, ne peut être choisi un nom patronymique illustre ou spécialement
original, le nom d'une autre personne morale si celui-ci jouit d'une grande notoriété ou
s'il y a risque de confusion.

76
Enfin, s'il est possible d'adopter le patronyme d'un membre ou fondateur, encore faut-il
qu'il n'en résulte pas un risque de confusion avec la dénomination d'une autre personne
morale.

Le nom est pour les personnes morales l'objet d'un droit privatif. En conséquence, elles
sont libres de le céder, à titre gratuit ou onéreux, ou d'en donner licence contre
versement d’une redevance.
Et, sous réserve qu'il soit suffisamment original, elles peuvent en interdire l'usage aux tiers.
En tant qu'il constitue un élément de son patrimoine, il est admis que le groupement qui le
porte à la possibilité d'agir en justice pour en assurer la défense.

2) Le domicile des personnes morales

Comme les personnes physiques, les personnes morales ont un domicile.


En principe celui-ci est à leur siège social et celui-ci est déterminé par l'acte constitutif du
groupement. Il peut être transféré par l'effet d'une modification de cet acte. Mais pour
éviter de désigner des sièges fictifs dans un paradis fiscal, la loi du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales a précisé, dans son article 3, que le domicile doit être fixé au siège
social réel de la société, c’est-à-dire au lieu du principal établissement, c'est-à-dire encore
plus précisément au lieu où se trouve leur direction juridique, financière, administrative et
technique.

Le domicile des personnes morales présente principalement un intérêt en cas de litige,


puisqu'il permet de déterminer la juridiction territorialement compétente ainsi que le lieu
où doivent être faites les notifications qui leur sont destinées.

Mais pour des raisons pratiques, la règle de l’unité du domicile est souvent gênante,
notamment pour les particuliers qui devraient alors, en cas de litige, s’adresser à la
juridiction du lieu du siège social alors qu’ils peuvent eux-mêmes en être
géographiquement très éloignés. Aussi, la jurisprudence a-t-elle développé très tôt une
solution plus souple, écartant la règle d’unité du domicile. C’est la jurisprudence dite des «
gares principales » pour permettre aux particuliers de saisir le tribunal du lieu où la société
a un établissement important. Cela signifie que, désormais, toute personne morale peut
être assignée, ou recevoir une notification, dans tout lieu où elle a une succursale ou une
agence ayant le pouvoir de la représenter à l'égard des tiers, à la condition cependant que

77
l'affaire litigieuse ait été engagée par cette succursale ou agence ou que le fait générateur
de responsabilité se soit produit dans le ressort territorial de celle-ci.

3) Nationalité des personnes morales


En règle générale, la nationalité des personnes morales de droit privé est déterminée par
référence à leur siège social. En application de ce critère, une personne morale est française
ou étrangère selon que son siège est situé en France ou à l'étranger. S'agissant des
personnes morales de droit public, elles sont nécessairement rattachées à la loi de l'État
dont elles émanent.

II.- LES CONSEQUENCES DE LA


RECONNAISSANCE DE LA
PERSONNALITE DES PERSONNES
MORALES.

On va en étudier rapidement trois :

A) La capacité juridique des personnes


morales

Les personnes morales, une fois reconnue leur personnalité, acquièrent une certaine
capacité de jouissance et d’exercice. Elles ont, en particulier, la possibilité d’ester en justice,
c’est-à-dire de défendre leurs intérêts devant la justice.
Mais cette capacité n’est pas aussi élargie que celle reconnue aux personnes physiques.
Tout d’abord, il y a des droits dont elles ne peuvent pas jouir, par nature. Par exemple, elles
ne peuvent pas se marier au même titre que les personnes physiques ou encore adopter.
Mais surtout, la capacité des personnes morales doit être cantonnée dans le champ défini
par leur spécialité.
Cette capacité est en effet soumise à la fois au principe de la spécialité légale et au principe
de la spécialité statutaire.

1) Spécialité légale
78
En vertu du principe de la spécialité légale, les personnes morales voient leur champ
d'action et l'étendue de leurs prérogatives limités à la réalisation du but et de l'objet
spécifiés par la loi pour la catégorie à laquelle elles appartiennent.
Ainsi, par exemple, un syndicat ne peut agir que pour la défense d'intérêts professionnels
(C. trav., art. L. 2131-1) ou un groupement d'intérêt économique pour faciliter ou
développer l'activité économique de ses membres (C. com., art. L. 251-1).

2) Spécialité statutaire
La capacité des personnes morales se trouve, en second lieu, restreinte par le principe de la
spécialité statutaire qui, là encore, s'applique aux personnes de droit privé comme à celles
de droit public.
La limitation de leur activité résulte alors de l'objet et du but concrets déterminés par leurs
statuts.
Selon le nouvel article 1145 du code civil (à partir du 1er oct. 2016), consacré à la capacité
contractuelle, si « …toute personne physique peut contracter sauf en cas d'incapacité
prévue par la loi… », « …la capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la
réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts… ».
Par suite, les actes accomplis en violation des principes de spécialité légale et statutaire
sont irréguliers.

B.- La protection des droits de la personne


morale

En conséquence de la reconnaissance de leur personnalité, les personnes morales vont


pouvoir bénéficier de la protection de droits extrapatrimoniaux dans des conditions assez
proches de celles des personnes physiques.

Le groupement a, par exemple, comme on l’a dit ci-dessus, le droit à la protection de son
nom, ce qui le fonde à en interdire l'utilisation par un tiers s'il y a risque de confusion. Et il
en est de même pour le sigle qui le désigne.
Les personnes morales ont également droit à la protection de leur domicile. Parce qu'il
participe à la définition de leur sphère d'autonomie, elles peuvent en interdire l'accès aux
tiers dont les intrusions sont passibles d'une sanction pénale ou civile.

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Mais, au-delà, on admet que les personnes morales, comme les personnes physiques, ont
droit au respect de leur honneur et de leur réputation.
Elles peuvent ainsi obtenir réparation des injures et diffamations qui les atteignent, en
exerçant un droit de réponse (L. 29 juill. 1881, art. 13, sur la liberté de la presse,), ou en
intentant une action pénale ou civile. Par exemple, dans une décision (Cass. civ. 2e, 5 mai
1993) a été mise en jeu la responsabilité d'un analyste financier auquel une société
reprochait des appréciations tendancieuses de nature à porter atteinte à sa réputation et
son image.

Par ailleurs, il est également reconnu que les personnes morales ont droit à la tranquillité,
comme en atteste la jurisprudence réprimant le harcèlement commis à leur encontre.
Dans une décision Cass. crim. 25 oct. 2000, on apprend que le dirigeant d'une société avait
composé, pendant plusieurs heures, trois cents fois au cours de trois demi-journées, le
numéro vert (destiné à recevoir les appels des clients) d'une société concurrente en vue de
bloquer le standard téléphonique de cette dernière et de faire, par là même, échec au libre
jeu de la concurrence. Cette société a porté plainte et a obtenu la condamnation du
dirigeant pour harcèlement.
Plus généralement encore, un mouvement amorcé depuis la fin du XXe siècle tend à
l'assimilation des personnes morales aux personnes physiques au regard de l'application de
la Convention Européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés
fondamentales.
Ont été ainsi reconnus par la Cour Européenne des droits de l'homme et au bénéfice de
personnes morales le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention ou
encore le droit au secret des correspondances protégé par l'article 8 de la Convention.

Faut-il également reconnaître un droit au respect de la vie


privée des personnes morales ?

L'arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation, le 17 mars 2016, est à
cet égard éclairant.
En l'espèce, les propriétaires d'un immeuble avaient fait installer un système de vidéo
surveillance et un projecteur dirigé vers un passage indivis desservant à la fois l'accès de
l'immeuble et la porte d'accès au fournil d'une boulangerie. Par suite, la société exploitant la
boulangerie avait saisi la justice pour obtenir le retrait de ce dispositif, ainsi qu'une

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indemnité, sur le fondement de l'atteinte au respect de la vie privée, ce à quoi avait fait droit
la cour d'appel.
Mais l'arrêt est cassé : la Cour de cassation relève que « si les personnes morales disposent,
notamment, d'un droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs
correspondances et de leur réputation, seules les personnes physiques peuvent se prévaloir
d'une atteinte à la vie privée au sens de l'article 9 du code civil [...] ».

C’est peut-être un coup d’arrêt à une assimilation complète des personnes morales et
physiques.

C.- Responsabilité de la personne morale

Les personnes morales sont susceptibles de voir engager leur responsabilité.

1.- Le principe en a toujours été admis en matière de responsabilité


civile.
En leur qualité de sujet de droit, les personnes morales sont tenues de répondre de leurs
faits dommageables.
Les personnes morales peuvent ainsi être actionnées en responsabilité contractuelle par
leurs membres ou par les tiers qui sont liés à elles par un contrat.

En matière délictuelle, leur responsabilité est également engagée par les fautes
commises par leurs représentants et dirigeants sur le fondement de l'article 1240 du
code civil.

2.- Le principe est plus délicat à appliquer en matière de


responsabilité pénale ;

Le principe traditionnel d'irresponsabilité pénale des personnes morales a été abandonné


par le nouveau code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, dans son article 121-2.

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Selon cette disposition, les personnes morales encourent désormais une
responsabilité pénale mais seulement dans les cas prévus par la loi et le règlement,
tant en qualité d'auteur principal que de complice, en raison « des infractions commises,
pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

Seules les personnes morales de droit public, font l’objet d’une


certaine protection.
L'article 121-2 dispose que sont pénalement responsables « les personnes morales, à
l'exclusion de l’État.

Mais, bien sûr, en raison de leur nature abstraite, la mise en œuvre de la responsabilité des
personnes morales obéit à des règles de procédure qui leur sont propres. En particulier,
elle débouche sur des peines adaptées.
Si elles échappent bien sûr à la prison, en matière d’amende, notamment, la condamnation
est plus lourde. Les dispositions (de l'article 131-38, alinéa 1er,) du Code pénal,
notamment, posent en principe que :
" Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple
de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction ".

TITRE IV : INCAPACITES ET
PERSONNES PROTEGEES

Le dernier titre du programme est consacré aux incapacités et aux personnes protégées.
On ne peut ici qu’en faire une présentation résumée.
On peut faire sur ce point plusieurs remarques :

❖ En ce domaine, on a glissé d’une logique de sanction de l’incapacité à une


logique de protection de la personne diminuée.
Pendant longtemps, on n’a raisonné en droit français qu’en termes d’incapacités.

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La capacité est l’aptitude d’une personne à être pleinement sujet de droits et
d’obligations, c’est-à-dire à acquérir des droits et à les exercer et à supporter des
obligations. C’est un attribut normal de la personnalité juridique et, en conséquence, la
capacité est la règle.

A de nombreuses reprises, notre droit le rappelle. L’article 8 du code civil pose le principe
que « tout Français jouira des droits civils » et, par exemple, l’article 1123 du code civil
précise : « Toute personne peut contracter si elle n’est pas déclarée incapable par la loi ».
Il existe toutefois un certain nombre d’hypothèses, où la capacité de la personne va être
remise en cause :
En fonction de son âge, de son comportement, de ses déficiences mentales, elle va être
considérée comme plus ou moins incompétente, « incapable », et ses droits et obligations
vont être en partie limités ou confiés à un tiers qui va les exercer à sa place.
Il s’est agi pendant longtemps uniquement de limiter les droits et obligations de la
personne visée, de l’empêcher d’agir dans l’intérêt de la société. L’incapacité intervenait
comme une sanction.
A cette logique de sanction de l’incapacité, s’est aujourd’hui substituée une logique
différente de protection de la personne incapable.

L’idée n’est plus de la sanctionner mais principalement de


la protéger contre ses propres faiblesses.
On parle alors d’incapacités de protection. Il s’agit d’empêcher ces personnes de prendre
de mauvaises décisions ou d’accomplir des actes préjudiciables à leurs intérêts.

❖ Il existe deux grandes catégories d’incapables. Elles ne répondent pas à la


même logique.

a) La 1ère catégorie est celle des mineurs.

Tous les mineurs sont, en principe, frappés d’une incapacité d’exercice, sauf s’ils ont été
émancipés. La minorité est l'état d'une personne qui n'a pas encore atteint l'âge de 18 ans
accomplis

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Cette incapacité s’impose sans qu’elle ait à être constatée par un juge.
Elle prend fin à la majorité. Et le mineur, jusque-là, sera représenté, selon les cas, par ses
parents ou par un tuteur.
Toutefois, ce principe n'est pas d'une rigidité absolue.
- D’une manière générale, il est admis que le mineur, en fonction de son âge et des
circonstances, peut faire seul certains actes que « l’usage » dit l’article 408 du code civil,
autorise les mineurs à faire seuls.
- Le droit admet aujourd'hui qu'une certaine différence s’opère entre l'enfant qui
manque de discernement et celui qui est en est capable. Par exemple, en application de
l'article 122-8 du Code pénal : “Les mineurs capables de discernement sont pénalement
responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans
des conditions fixées par une loi particulière”. Tout dépendra des circonstances de fait.
- Enfin, il faut étudier à part le cas du mineur émancipé. L'émancipation doit être
entendue comme l'acte par lequel le mineur est affranchi de l'autorité parentale ou de la
tutelle et acquiert une capacité juridique comparable, sauf quelques exceptions, à celle
d’un majeur. Elle lui donne l'usage des droits civils attachés à la majorité.
Elle est soit acquise de plein droit par le mariage, soit décidée par le juge des tutelles si
plusieurs conditions sont remplies : le mineur doit être âgé d'au moins 16 ans ; la requête
doit être déposée par les parents du mineur ou, à défaut, par le conseil de famille ou le juge
des tutelles et il faut qu’il y ait « de justes motifs » (C. civ., art. 413-2, al. 2) laissés à
l’appréciation du juge.
- Par exemple, il a été jugé qu’est légitime et justifiée une émancipation demandée
pour un mineur qui, ayant conclu un contrat de travail ou d'apprentissage, est appelé à
vivre loin de sa famille et qui a acquis une réelle indépendance de fait. C’est également le
cas pour un mineur qui est devenu soutien matériel de sa famille après le décès de son
père, l'émancipation lui donnant les moyens juridiques d'assumer sa mission.

b) La 2ème catégorie est celle de certains majeurs.


Pour les majeurs, l’incapacité est l’exception. Elle ne peut être que la conséquence d’une
altération de leurs capacités mentales ou physiques, et, pour cela, il faut qu’elle soit
constatée médicalement et que soit décidée par un juge, généralement le juge des tutelles.
Il y a donc toujours l’intervention d’une décision judiciaire.
Les mesures de protection les plus courantes sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la
tutelle. Elles sont décidées par le juge des tutelles.
La mise sous sauvegarde de justice est une mesure de protection temporaire destinée à
protéger une personne majeure et/ou tout ou partie de son patrimoine dans les actes de la
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vie civile, ou à la représenter pour certains actes déterminés La sauvegarde de justice ne
peut dépasser 1 an, renouvelable une fois par le juge. La durée totale ne peut donc excéder
2 ans.
La curatelle est une mesure de protection judiciaire qui ne prive que partiellement une
personne de l'exercice de ses droits. C'est une mesure d'assistance et de conseil,
contrairement à la tutelle qui est une mesure de représentation. Le majeur sous curatelle
est capable d'effectuer seul certains actes et pour d'autres actes, il doit être assisté. La
personne protégée peut accomplir elle-même des actes d'administration, mais elle ne peut
pas accomplir seule des actes de dispositions (il existe une liste arrêtée par décret des actes
d'administration et des actes de dispositions pour la tutelle et la curatelle). Les actes de
dispositions doivent être faits avec l'assistance du curateur.
La tutelle est le régime de protection le plus contraignant et le plus lourd à mettre en
œuvre. La personne incapable d'accomplir elle-même les actes de la vie civile est
représentée de manière continue par le tuteur en charge de sa protection.

Nous en avons fini avec le cours de droit des personnes. Les modalités en ont été
bien particulières cette année. En vous remettant le cours écrit et simplifié, j’espère vous
avoir permis de travailler la matière dans les meilleures conditions.
Bon courage à tous pour la suite de cette année universitaire singulière.
Nathalie Duchon-Doris

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