Le Plomb Au Maroc Par A. Wadjinny

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Le plomb au MAROC par A.

WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

Le plomb au Maroc : cas des districts de Touissit et de Jbel Aouam


A. Wadjinny – Docteur en Géologie Appliquée (métallogénie)

Résumé :
L’activité minière au Maroc remonte à l’antiquité. Son premier développement
connu est daté du IXème siècle. A partir du XIème siècle se sont succédées des
périodes de grandes activités alternées de périodes moins fastes.
Deux métaux étaient activement recherchés : le cuivre et l’argent qui est lié, en
partie, à la galène argentifère. De ce fait, le plomb a toujours figuré parmi les
métaux les plus recherchés au Maroc.
Plus proche de nous, dans les années 1970, une forte reprise de l’activité minière a
été déclenchée et poursuivie sans relâche. Le plomb y représente une large part.

Le Maroc a toujours été une grande “ province à plomb ”, et sa production a


connu des pointes excédant les 170.000 t. de concentrés, soit plus de 3,5% de la
production minière mondiale de plomb. Il est le seul métal de base à subir une
transformation de raffinage dans l’unique fonderie (Oued El Heïmer) dont la
capacité de traitement est actuellement de 80.000 t. par an.

Quatre zones principales produisent actuellement du plomb au Maroc :


- le district de Touissit avec 65% de la production nationale ;
- le district de Jbel Aouam (actuellement “ Tighza ”) avec 20% de la production;
- le district de Guemassa, qui fournit la 3ème production nationale de plomb,
comme sous produit (10.000 t. de concentrés);
- les districts de la Cadetaf dont la production atteint difficilement 5.000 t. de
concentrés par an.
Les gisements de plomb au Maroc sont de deux types :
- gîtes filoniens, localisés dans un socle renfermant des séries plus ou moins
rigides;
- gîtes stratoïdes et/ou de cassures, encaissés dans des couvertures sédimentaires
récentes.
Les gisements des districts de Jbel Aouam et de Touissit représentent ces deux
types.
Le district de Touissit, situé dans le Maroc oriental à cheval sur la frontière
maroco-algérienne, est constitué de corps plombo-zincifères stratoïdes encaissés
dans une couverture carbonatée du Jurassique. Ses gisements sont liés
géométriquement à l’inconformité qui sépare le socle paléozoïque de sa
couverture mésozoïque.
Dans le district de Jbel Aouam, situé dans la partie orientale du Maroc Central, les
gisements sont de type filonien à galène argentifère et sphalérite, encaissés dans
des schistes et quartzites du Siluro-Ordovicien et dans des schistes et calcaires du
Dévonien. Deux filons sont en cours d’exploitation, d’autres sont en phase de
recherche.
De nombreuses études ont été entreprises dans ces deux districts, en parallèle
avec les exploitations. Les résultats de ces études permettent d’analyser chaque
contexte gîtologique en dégageant les facteurs marquants qui régissent leurs
concentrations minérales. Ces facteurs sont actuellement utilisés comme guides
pratiques de la recherche.

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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

Première partie : le plomb au Maroc


1- Historique
De nombreux vestiges d’anciennes fonderies (fortification, scories) témoignent de
l’existence de vieilles exploitations au Maroc datées des premières royautés, dès le
début du IXème siècle. Deux métaux étaient recherchés : le cuivre et l’argent. On
sait que cette activité s’est perpétuée jusqu’au XIIIème siècle. A partir du XVII, elle
a fortement régressé pour reprendre au XXème siècle, dès les années 20, et
tomber ensuite dans le déclin lors de la seconde guerre mondiale. Mais à partir
des années 70, une nouvelle ère minière sera bien marquée, grâce surtout à
l’introduction d’outils modernes de prospection pour la recherche de gîtes
cachés. Cette recherche a porté ses fruits dans des contextes gîtologiques tout à
fait différents et fût couronnée de succès par des découvertes de nouveaux
gisements dans des districts connus tel que celui de Touissit, en 1972, ou par la mise
en évidence de nouveaux districts, tel que celui des Guemassa, en 1985.
L’histoire du plomb au Maroc est calquée sur l’histoire de l’activité minière qu’a
connu ce pays, puisque ce métal était fortement recherché et exploité pour
l’argent qu’il contenait.
Aujourd’hui, quatre districts produisent le plomb au Maroc :
- le district de Touissit, pour 65% de la production (67.000 t. de concentrés en 1996);
- le district de Jbel Aouam pour une production actuelle de 30.000 t. de
concentrés par an;
- le district de Guemassa avec 20.000 t. de concentrés en sous produit ;
- les districts de la Cadetaf, dont la production atteint difficilement 5.000 t. par an.
Environ 20% de la production nationale d’argent proviennent également de ces
districts, comme sous produit de la galène argentifère ( Touissit, Jbel Aouam)

2- La production actuelle :
Le Maroc a de tout temps était une grande “ province à plomb ” . En 1980, sa
production avait atteint des tonnages dépassant les 170.000 t. de concentrés, soit
plus de 120.000 t. métal contenu, représentant 3,5 % de la production minière
mondiale de cette époque. A partir de 1986, la fermeture de la mine de Zeïda a
fait chuté cette production la ramenant à 100.000 t., rythme qu’elle gardera
jusqu’en 1990 pour ensuite amorcer, dès 1991, une légère reprise due au rajout
des concentrés de plomb produits par la jeune mine de Hajar. A partir de 1993,
une nouvelle chute a été provoquée par la fermeture de Jbel Aouam. En 1995, la
production de plomb frôle les 100.000 t. de concentrés, rythme qu’elle gardera en
1996, malgré la reprise des mines de Jbel Aouam.

Les perspectives pour la production minière marocaine de plomb ne prévoient


pas de hausses, car la reprise de l’activité de l’Aouam ne compenserait que le
recul de la production des mines de Touissit amorcé en 1997, recul provoqué par
l’épuisement des réserves.

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Chronique de la recherche minière - 1998

Production du plomb au Maroc au cours


des 20 dernières années

Pb concentré Pb métal
180000
M ines de 171380
Touissit
160000
fermeture de Zeïda fermeture de Tighza

140000

120000

100000

80000

60000

40000

20000

0
75

76

77

78

79

80

81

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Tableau 1 : productions minières et métallurgiques de plomb au Maroc au cours
des deux dernières décennies

3- La métallurgie du Plomb au Maroc :


Le plomb est le seul métal de base qui subit une transformation de raffinage au
Maroc. Actuellement, 60 % de la production de concentrés de plomb sont
valorisés à la fonderie de Oued El Heïmer, située à proximité des gisements de
Touissit. Toute cette production de plomb métal est exportée.

La fonderie de Oued El Heïmer, dont la capacité est de 80.000 t. de plomb métal,


a été construite en 1942 par les sociétés Penarroya et Zellidja et démarra la
valorisation des concentrés en 1945. A cette époque, la production était de l'ordre
de 24.000 t. de plomb métal et 15.000 kg d’argent, provenant des concentréss des
mines de Boubeker et de Touissit au Maroc et d'El Abed et d’Aïn Arko en Algérie.
En 1950, la fonderie d'Oued El Heïmer s’est dotée de deux petites chaînes
d'agglomération, portant sa production à 80 t. de plomb par jour, soit environ
25.000 t. par an.

La fermeture de la mine de Boubeker, la nationalisation des mines d’El Abed et


d’Ain Arko en Algérie et l’épuisement du gisement de Touissit ont contraint la
fonderie à cesser ses activités en 1970. En 1972, la découverte des nouveaux
gisements de Touissit a permis la construction d’une nouvelle fonderie dont le
démarrage a eu lieu en 1975. Dès 1977, elle traitait déjà 50.000 t. de concentrés
par an provenant des gisements de Touissit et produisait 35.000 t. de plomb doux
et 15.000 Kg d'argent. Le développement des gisements de Beddiane et de Mekta
par la CMT a poussé à l'extension de la capacité de la fonderie qui a été portée à
80.000 t. de plomb métal. Les nouvelles installations ont été mises en service à
partir de 1980. De 1950 à 1980, la capacité de valorisation de la fonderie de Oued
El Heïmer est passée de 18.000 à 80.000 t..

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4- Les producteurs miniers actuels :


Les gisements de plomb sont de trois types :
- les gisements filoniens, localisés essentiellement dans des socles plus ou moins
rigides (Flyschs et grès ordoviciens de Jbel Aouam et d’Aouli) ;
- les gisements stratoïdes, localisés dans des couvertures sédimentaires, à proximité
de paléoreliefs constitués de socles paléozoïques (Touissit, Mibladen) ;
- les gisements de cassures encaissés dans des carbonates de couverture
(Jurassique du Haut et Moyen Atlas plissé).

La production de plomb du Maroc a été assurée par des gisements qui se


répartissent dans sept zones (fig. 1) :
- les districts de l’oriental du Maroc avec les gisements de Touissit et de Sidi
Lahcen ;
- le district de la Haute Moulouya avec les gisements d’Aouli, de Mibladen et de
Zeïda ;
- le district du Haut Atlas Central Est qui s’étend d’Errachidia à Béni Tadjit ;
- le district de Jbel Aouam dans le Maroc Central ;
- le socle paléozoïque des Jebilet et des Rehamna (Guemassa, Sidi Bou Othman,
Skhour Rehamna) ;
- les districts associés à des zones polymétalliques de l’Erdouz, Assif El Mal,
Goundafa ;
- les districts de Taouz et de l’Addana dans l’Anti-Atlas.

Seuls les districts de l’Oriental, du Maroc central et du socle paléozoïque des


Guemassa continuent à produire. Les tonnages les plus importants ont été ou sont
produits par les gisements stratoïdes, encaissés dans des couvertures carbonatées
(Touissit) ou dans des couvertures arkosiques (Zeïda).

4-1- Le District de Touissit (C.M.T.) :


Le district de Touissit, de type MVT, a toujours constitué le principal producteur de
plomb du Maroc. Les minéralisations, à plomb dominant et zinc, sont associées à
des formations dolomitiques du Jurassique moyen qui recouvrent, en discordance,
un paléo-relief formé de schistes et/ou rhyodacites d’âge viséen. Les
accumulations métal (plomb et zinc) sont estimées à plus de 4,6 millions de
tonnes, dont les 2/3 sont au Maroc et le 1/3 en Algérie. Les teneurs sont
variables et oscillent entre 5 % et 25 % pour le plomb et entre 3 et 10 % pour le zinc.

4-2- Le District de Jbel Aouam (C.M.T.)


Le district de Jbel Aouam est actuellement le deuxième producteur de plomb du
Maroc. Le minerai exploité et valorisé par les anciens a été estimé à environ un
million de tonnes à 15 % Pb richement argentifère, comme en témoignent les
haldes et les vestiges des centres métallurgiques. Entre 1958 et 1992, l’exploitation
moderne a permis l’extraction d’environ 6 millions de tonnes à une teneur
moyenne de 8 % en plomb. A l’heure actuelle, les réserves géologiques résiduelles
sont évaluées à 3 millions de t. à 10 % Pb, 1,5 % Zn et 240 g/t Ag.
La production provient de filons type décrochant à galène argentifère et
sphalérite, encaissés dans des schistes et quartzites du Siluro-Ordovicien et des
calcaires et schistes gréseux du Dévonien. Deux de ces filons, Signal et Ighrem
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Aoussar, actuellement en cours d’exploitation, sont reconnus à des profondeurs


de 700 m.

CARTE GEOLOGIQUE DU MAROC


Tanger Mer Méditerranée

Océan Oujda

Atlantique
RABAT Meknes Fez
Casablanca

Marrakech

Ouarzazate

Agadir Taznaght Zagora

Algérie

0 100 200km

4-3- Le District de Guemassa (O.N.A.)


La production de plomb provient du gîte polymétallique de Hajar, amas sulfuré à
Zn dominant, localisé dans les formations volcano-sédimentaires viséennes des
Guemassa. Ce gisement, de type Sedex, est localisé au sommet d’une unité
volcano-sédimentaire d’âge viséen de la partie suddes Jebilet. Actuellement, ce
gisement fournit environ 10% de la production de plomb du Maroc. L’amas,
recouvert de plus de 100 mètres d’alluvions, a été découvert en 1984 par sondages
de contrôle d’une anomalie géophysique.
Le gisement s’exprime à son sommet sous un chapeau de fer riche en plomb au
contact de la série détritique de couverture, surmontant une zone de cémentation
riche en minéraux de cuivre oxydés. Le protore est essentiellement à pyrrhotine,
pyrite, sphalérite, galène et chalcopyrite. La teneur en plomb, dans le minerai
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exploité avoisine les 3% et les réserves géologiques sont estimées à plus de 11


millions de tonnes.
Une faille principale de direction NE, divise l’amas en deux compartiments : un
compartiment Est renfermant des sulfures massifs et un compartiment Ouest à
intercalations volcano-sédimentaires stériles ou faiblement minéralisées.

De récents travaux d’exploration ont recoupé un nouvel amas sulfuré de quelques


dizaines de m. de puissance à la base de la série détritique. Le tonnage de ce
nouvel amas, stratiforme et penté de 15 à 20°, est estimé à 2,5 millions de tonnes à
9% Zn, 3,5% Pb et 0,8% Cu.

4-4- Les gisements de la zone artisanale de la Cadetaf


Le reste de la production de plomb provient de la zone de la Cadetaf dans les
parties orientales de l’Anti-Atlas et du Haut Atlas où des artisans exploitent dans
des zones qui leur sont réservées. Deux districts ont fait l’objet d’une activité : le
district de Tafilalet dans l’Anti-Atlas oriental et le district de Bou-Dahar/Bou-Ahrous
dans le Haut Atlas oriental (Azza et Rbabi,1989). A l’heure actuelle, ces districts
sont peu actifs.

Le district du Tafilalet :
Le district du Tafilalet est situé dans l’extrémité orientale de l’Anti-Atlas. Les
terrains encaissants sont formés de séries paléozoiques plissées allant du Dévonien
à l’Ordovicien. La minéralisation s’exprime dans plusieurs champs filoniens autour
de l’Oued Ziz :
- champ filonien de Mifis, à 70 km au Sudd’Erfoud, situé sur un anticlinal faillé dont
le coeur est formé par des séries du Dévonien, injectées de dykes de dolérites. Le
filon principal, filon Contamine, longe sur 7 km une faille E-W. De puissance
métrique à décamétrique, il renferme des minéralisations à galène et gangue de
barytine, calcite et hématite.
- champ de Bou Maiz, formé d’une dizaine de filons de direction N40° à
N60°dans des grès et conglomérats ordoviciens. Quatre filons principaux ont une
extension dépassant 1.000 m. La galène est en veinules ; la gangue est
carbonatée (dolomie et sidérose).
- champ de Cheïb Ras, formé d’une vingtaine de filons galène argentifère,
orientés N 55° et encaissés dans des formations ordoviciennes.
- champ de Tadaout, composé d’un essain filonien orienté N 20° à N 60° et
encaissés dans des formations du Dévonien moyen et de l’Ordovicien. La
minéralisation est à galène argentifère et les teneurs moyennes sont de l’ordre
de 10% en Pb et 300 g/t d’argent.

Le district de Bou Dahar :


Ce district est situé dans le Haut Atlas oriental, dans des calcaires récifaux liasiques
étendus sur 40 km en direction E-W et de 10 km en direction N-S. Ce district
renferme plusieurs filons minéralisés en calamine et galène suivant des failles ou
des fractures. La gangue est formée de calcite, de barytine et de sidérite.
Les gîtes sont de deux types : des gîtes de type karstique et des filons.
A Toutia, les poches et filons karstiques, d’extension hectométrique et d’une
puissance atteignant jusqu’à 2 m, ont été exploités sur plus de 100 m. de
profondeur sur plusieurs chantiers. La production atteignait rarement 1.000 t. de
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minerai scheidé par an.

Le district de Bou Arhous-Atchana-Tabouarhoust :


Situé à une cinquantaine de km à l’ouest de Bni Tajite, ce district est encaissé dans
les calcaires du Lias du Haut Atlas oriental. La minéralisation se présente en amas
karstiques à calamine et galène, avec calamine dominante (Bou Arhous), ou en
filons à galène dominante (Atchana et Tabouarhoust).
A Tabouarhoust, les filons, de puissance métrique et d’extension hectométrique
sont à galène et cérusite. Ils sont orientés N 45° à N 110°. La production annuelle
atteignait environ 1.000 t. de galène scheidée.
La mine d’Atchana a produit, entre 1958 et 1966, 7.000 t. de concentrés de plomb.

5- Les anciens producteurs :


Le gisement de Zeïda :
Le gisement de Zeïda, situé dans la partie occidentale de la Méséta
maroco-oranaise, renferme des minéralisations de plomb, encaissées dans des
grès et conglomérats arkosiques de la base du Trias, reposant en discordance sur
le socle granitique de la Haute Moulouya. La minéralisation était concentrée dans
des paléo-chenaux. Les réserves cumulées étaient de l’ordre de 26 millions de
tonnes, à une teneur moyenne 3,5 % en plomb. Entre 1972 à 1985 (date de la
fermeture de la mine), 16 millions de t. à 3,6 % Pb ont été extraits en carrière. Les
réserves résiduelles sont estimées à 8 millions de tonnes, à une teneur
équivalente.

Les gisements d’Aouli et de Mibladen :


Ces deux gisements sont situés dans la région de Midelt, au NE de la cuvette de la
Haute Moulouya. Ils avaient fait l’objet d’une exploitation industrielle dès le début
du siècle jusqu’à leur épuisement en 1975.

Le gisement de Mibladen constitue un gisement de type stratoïde, encaissé dans


des séries carbonatées liasiques. Les corps minéralisés forment des amas
plombifères qui se répartissent dans deux séquences carbonatées du Lias. La
puissance de la séquence inférieure est 10 m., celle de la séquence supérieure de
25 m. Le minerai exploité, 5 % en Pb, était extrait à ciel ouvert.
Le district d’Aouli comprend deux champs filoniens orientés NE-SW :
- le champ filonien “ Henri ” avec 9 autres filons étroits encaissés dans un
granite et des formations paléozoïques métamorphisées ;
- le champ filonien “ Sidi Ayad ” avec les filons Marabout et Tissoudine, orientés
E-W et encaissés dans des formations paléozoïques métamorphisées.
La puissance des filons varie de 1 à 8 m. avec des extensions
hectométriques à kilométriques. La minéralisation était exprimée en colonnes
minéralisées alternées de colonnes stériles. Le minerai, constitué de galène (4 %
Pb) faiblement argentifère, de cérusite encaissé dans une gangue à quartz et
barytine, était extrait en souterrain.

D’autres petits producteurs avaient fourni du plomb et leurs tonnages produits


étaient, sans commune mesure, avec les autres grands gisements décrits plus haut
:
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- l’Erdouz dans le Haut Atlas occidental qui a exploité environ 400.000 t. de minerai
refermant 30.000 t. de concentrés de plomb. La minéralisation était contenue
dans des filons orientés N-S, encaissés dans des phyllades et des cipolins
paléozoïques au contact d’un granitique;
- El Haouanite, un gisement encaissé dans les dolomies et marnes du Dogger de la
chaîne bordière Nord du Haut Atlas oriental, à plomb et zinc, a fourni 150.000 t.
à 4,0 % Pb ;
- Sidi Lahcen, dans le Maroc oriental où des gisements plombo-argentifères ont
été exploités dans un champ filonien quartzo-barytique de grande extension
comprenant un ensemble de 8 filons. Tous ces filons, minéralisés, recoupent
subverticalement les schistes attribués au Viséen selon deux directions, EW,
NE-SW.
Les caisses filoniennes, bien individualisées ont une puissance variant entre 1 et 6m.
Le remplissage des filons prend souvent un aspect bréchique. La gangue est
constituée principalement de quartz et accessoirement de barytine.
La minéralisation se répartit de manière hétérogène en colonnes. Elle se compose
essentiellement de galène argentifère, avec accessoirement de la blende.
D’anciennes exploitations, datées probablement du moyen âge, se sont
intéressées à la zone d’oxydation enrichie en argent. Les travaux récents ont
permis une extraction dont le cumul est estimé à 300.000 t. à une teneur voisine de
5% Pb et 140 g d’argent. Les gisements, à l’arrêt depuis 1986, sont actuellement
repris par la CMT.

D’autres districts ont été reconnus sans aboutir à leur mise en valeur. Parmi ces
derniers on peut citer le district à Pb-Zn de l’Oued Cadnar. Ce district, localisé dans
le Rif, est constitué d’amas lenticulaires encaissés dans des formations
carbonatées du Trias, représentées par des bancs dolomitiques massifs à faciès
zébré ou rubané. Structuralement, ces amas se localisent dans les limites d’un
anticlinal, orienté NE dans des bancs pentés de 10 à 30°. La minéralisation
plombo-zincifère, à dominance zincifère, est de type stratiforme concordante à la
stratification. Trois zones minéralisées ont été mises en évidence dans des couches
minéralisées de puissance variant entre 1,5 et 2,5 m. Les réserves probables sont
estimées entre 2 à 3 millions de tonnes à 5% Pb-Zn, soit 150 et 250 000
tonnes-métal. Aucune exploitation n’a été entreprise dans ce district.

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Chronique de la recherche minière - 1998

Deuxième partie :

Présentation des districts Pb-Zn de Touissit et de Jbel Aouam

A - Le district de Touissit
1- Introduction
Le district plombo-zincifère de Touissit est situé au Sudd’Oujda (Maroc oriental), à
cheval sur la frontière maroco-algérienne (fig. 1). Il renferme des amas
plombo-zincifères stratoïdes encaissés dans une série dolomitique jurassique de
l’Aaléno-bajocien.
La vocation minière de cette région remonte au début de ce siècle, suite à des
prospections qui furent entreprises dès 1906. C’est à la faveur d’un horst, à
proximité du village de Touissit, que l’importance minière de la région s’est révélée
à travers la découverte d’affleurements minéralisés. La première tonne de plomb
fut extraite à Touissit par la CRAM dès 1925 suivie, l’année d’après, par les
installations pour le démarrage de la mine de Boubeker par la Société des mines
de Zellidja. Mais de 1932 à 1935, ces jeunes exploitations furent frappées par la
crise économique. La CRAM dût arrêter son exploitation, car les cours du plomb
ne payaient plus le transport du concentrés jusqu’à Oran. En 1936, une reprise de
l’activité a été amorcée à Boubeker qui démarra son exploitation, activité
poursuivie tant bien que mal au cours de la seconde guerre mondiale jusqu’en
1946. L’année 47 marquera définitivement le démarrage de l’essor minier de la
région et en 1953, la mine de Boubeker a vu sa production dépasser les 125.000 t.
de concentrés de Zn.
Dans cette région, l’activité minière a connu deux étapes dans son
développement : l’avant et l’après 1970. La première période a permis de
découvrir et d’exploiter un faisceau nord, formé des gisements de Touissit et de
Boubeker, aujourd’hui épuisés et dont la potentialité était supérieure à 1,6 million
de tonnes métal Pb-Zn, à zinc dominant. La continuité de ce faisceau se poursuit
plus à l’Est, côté algérien, pour former le gisement d’El Abed à dominante
zincifère.
La seconde période a vu, grâce à une exploration systématique par sondages, le
développement et la découverte d’un faisceau Sud, pratiquement de même
potentialité que son homologue du Nord, mais à plomb exclusif (1,4 million de
tonnes). Les découvertes réalisées au cours des 20 dernières années, ont permis de
mettre en évidence cinq gisements mis en exploitation (Mekta, Beddiane, Hassi
Enniag, Hassi Msidira, Sidi Ameur). A l’heure actuelle quatre gisements demeurent
en activité.

Les gisements du faisceau Nord forment des amas continus et leur délimitation est
due aux concessions attribuées à des sociétés différentes. Les gisements du
faisceau Sudforment des amas économiques discontinus. En réalité, ils sont liés
entre eux par des auréoles à fortes anomalies. Le tonnage métal cumulé extrait,
côté Maroc, est évalué, à ce jour, à 2,7 millions tonnes métal. Les réserves
actuelles restantes dans les gisements en exploitation sont de l’ordre de 3 millions
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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

de tonnes. à des teneurs moyenne d’environ 10 % Pb.


En Algérie, après la nationalisation des mines, une étude de reconstitution du
gisement d'El Abed réalisée en 1972, a abouti à l'estimation d'un tonnage métal
de l’ordre de 900.000 t. plomb et zinc toutes catégories confondues (Touahri,
1995). Ne disposant pas de sources d’information plus récentes, on peut estimer à
600.000 t. le tonnage-métal extrait en Algérie jusqu’à cette date de la
nationalisation.

Le district de Touissit est défini comme du type Mississippi Valley Type ( M.V.T.). Ses
accumulations métal globales en Pb-Zn, reconstituées, ont été évaluées à plus de
4,6 millions de tonnes, dont 60% de plomb ( tab. 1), ce qui le situe parmi les districts
M.V.T. mondiaux majeurs. A titre de comparaison, les districts majeurs M.V.T.
européens referment des tonnages variant entre 3 et 30 millions de tonnes Pb-Zn.

Tableau 1 - Accumulations métal du District

Gisements Tonnage métal Teneurs moyennes


( en Kt. )
Pb Zn Pb % Zn %
BOU BEKER 520 595 2.3 5.7
TOUISSIT 370 175 3 3.5
MEKTA 200 - 12 -
H. NIAH 120 - 12 -
BEDDIANE 1.100 - 16 -
H. MSIDIRA 60 - 12 -
SIDI AMEUR 20 - 5% -
TOTAL 2.290 770
MAROC :

EL ABED : 360 1200 1.5 3.8


TOTAL ALGERIE 360 1200

TOTAUX : 2.750.000 Pb + 1.970.000 Zn = 4.720.000 t.

2- Environnement géologique :
La région recèle une importance minière de premier rang par l’existence de
grands gisements localisés dans des contextes différents, tels le gisement
d’anthracite de Jerada, encaissé dans le Westphalien, les filons de galène
argentifère de Sidi Lahcen encaissés dans des schistes viséens et le district de
Touissit pour le plomb - zinc en couverture carbonatée jurassique.

Le district de Touissit est localisé géologiquement dans la partie centrale de la


Chaîne des Horsts. La morphologie de cette chaîne est celle d’une bande
allongée SW-NE, longue d’environ 150 km et s’étendant de Taourirt au Maroc à
Tlemcen en Algérie. De structure tabulaire, cette chaîne forme un des éléments
structuraux de la méseta maroco-oranaise (fig. 1). Elle a été affectée par une
tectonique cassante et se trouve bordée par deux zones d’effondrement, au Nord
la zone effondrée d’Oujda, la séparant du domaine atlasique et au Sudla fosse
subsidente occupée actuellement par les Hauts Plateaux (Valin et Rakus, 1979).

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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

2-1- Contexte stratigraphique du district :


La couverture mésozoïque à dominante argilo-carbonatée repose en
transgression sur un socle paléozoïque plissé et faillé (fig 2), formé de terrains
appartenant aux séries du Namurien au Viséen supérieur (Owodenko, 1976).

Le socle paléozoïque :
La formation paléozoïque affleure à la faveur de boutonnières et à la base de
certains horsts. A l’intérieur du district, les séries du socle sont formées d’un
complexe de schistes bruns peu métamorphiques, intrudés de lames de
rhyodacites avec parfois de minces niveaux gréseux, attribués au Viséen supérieur.

La couverture mésozoïque :
Le Trias :
Les dépôts du Trias recouvrent en discordance le socle par un contact irrégulier et
rubéfié. Cette formation, constituée de pélites rouges et de conglomérats à
éléments de socle, admet dans les régions bordières du district des coulées
basaltiques plus ou moins épaisses, intercalées de bancs calcaires.
Cette formation triasique est absente à l’aplomb du gisement soit par lacune, soit
par érosion.

Le Jurassique :
Les dépôts de la couverture jurassique, transgressive, sont constitués de séries
argilo-carbonatées et gréseuses. Leur base est formée de calcaires
sublithographiques qui admettent à leur sommet des niveaux argilo-carbonatés.
Cette série, datée du Lias, est également absente dans l’enveloppe des
gisements.

Une épaisse série carbonatée, surmontée de dépôts marneux forme un ensemble


de dépôts attribués au Dogger. Dans cet ensemble, on range des séries
appartenant à l’Aaléno-Bajocien qui constitue l’étage le plus connu dans la
région et regroupe deux termes dont la succession lithostratigraphique, difficile à
établir, est constituée de séries carbonatées. Néanmoins, des subdivisions ont pu
être introduites dans cette formation, distinguant une base formée par une
séquence carbonatée massive d’aspect bréchoïde d’un sommet constitué de
bancs dolomitiques intercalés de joints marneux (Samson 1976). Autour du
district, cette formation subit plusieurs phases de dolomitisation. C’est cette série
qui héberge les amas plombo-zincifères. Sa puissance varie de 0 à 200 m.

Au-dessus de l’Aaléno-Bajocien repose une série annonçant un changement dans


la nature des dépôts avec des apports détritiques mélangés aux carbonates. Ces
dépôts, datés du Bathonien, admettent à leur sommet un niveau-repère régional
formé de calcaire à pisolithes ferrugineuses et galets de remaniement
intraformationnels. La puissance de cette série est métrique à décamétrique.

Des dépôts marneux, appartenant au Callovo-Oxfordien, coiffent le Bathonien. Ils


admettent des niveaux gréseux lenticulaires et leur puissance varie entre 200 et
300 m. Quelques bancs de calcaires oolithiques viennent parfois perturber la
monotonie de cette série.
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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

La sédimentation se poursuit ensuite sans interruption par des grès et des pélites
qui se chargent progressivement, vers leur sommet, de dépôts carbonatés
bouclant le cycle sédimentaire, du Jurassique de la région. Cette dernière
formation est attribuée au Kimmeridgien.

2-2- Tectonique :
Les marnes de la formation du Callovo-Oxfordien qui recouvrent l’ensemble des
grabens, ne permettent pas toujours de démêler les effets de la tectonique. Le
schéma structural régional proposé est déduit grâce aux coupes des sondages
(fig 3).

La couverture mésozoïque, de structure subtabulaire, repose directement sur un


socle lardé d’accidents de directions N 140°, N 70° et N 15°. Ces accidents,
hérités de l’orogénèse hercynienne, ont été réactivés dans la couverture et ont
amorcé, dès le Trias, l’individualisation du môle de Touissit. Une tectonique
tangentielle, discrète intervient également et affecte les structures les organisant
en synclinaux et anticlinaux à grands rayons de courbure (Rajlich, 1983).
La tectonique atlasique, distensive et cassante, a été paroxysmale à
l’Oligocène-Miocène. Elle se traduit par un découpage de la couverture
jurassique en horsts et grabens et par une inversion des reliefs : la structure positive
du môle va s’effondrer et se trouver dans une position basse circonscrite par un
graben d’importance régionale, le graben de Missiouine (Wadjinny, 1989).
A El Abed, une description similaire est fournie par Touahri (1995) qui conclue que
l'organisation structurale actuelle s'est mise en place au cours d'une phase de plis
à grand rayon de courbure, ultérieurement compliqués par une phase de serrage
qui provoque le jeu décrochant d'accidents NNE, NW, et WNW et décale les plis.

Deux directions tectoniques majeures sont dominantes :


- une direction majeure ENE-SSW (N 70°/ 80°), celle des failles bordières des horsts
et des grabens et conforme à l’allongement général des corps minéralisés ;
- une direction NW-SE (N 130/ 140°) qui découpe les structures en panneaux. Cette
direction est postérieure à la première et contrôle parfois des corps minéralisés ;
Dans cet arrangement structural, le graben de Missiouine, à l’instar des autres
grabens régionaux, se ferme à l’Ouest et s’évase vers l’Est. Son découpage en
panneaux montre un dispositif dissymétrique caractéristique (fig. 3) :
- le bord nord, représenté par deux failles rapprochées à regard sud, délimite des
panneaux étroits, dont le rejet cumulé peut dépasser 200 m.;
- le bord sud, formé par plusieurs failles à regard nord, et à faibles rejets, délimite
des panneaux larges disposés en marches d’escalier.
Les failles sont normales et les rejets, variables, peuvent atteindre la centaine de
mètres. Les rejets des failles du bord nord sont faibles, quand le soubassement est
schisteux (inférieur à 20 m) mais élevé quand le soubassement est éruptif (parfois
supérieur à 100 m). Les contacts éruptif/schistes semblent constituer des zones de
“ faiblesse ” ayant joué le rôle de failles synsédimentaires.

2-3- Contexte paléogéographique :


Au Trias, le panorama paléogéographique du district acquiert les caractéristiques
d’un môle orienté NE-SW, jusqu’à l’Aaléno-Bajocien dont la formation transgressive
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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

ennoiera à de rares exceptions, l’ensemble des reliefs résiduels.


La sédimentation au Bathonien, en partie détritique, marque un changement
dans les dépôts et indique que les terres émergées commencent à être érodées
et à envoyer leurs produits vers le bassin. La structure positive n’est pas encore
totalement effacée (Samson, 1973). Au Callovien, les apports terrigènes gagnent
de plus en plus et l’imposante série argileuse déposée indique que l’on s’éloigne
des lignes de rivage. La structure positive disparaît alors totalement. La
permanence de cette structure positive, individualisée très tôt sur une bosse du
socle, constitue un trait majeur de la paléogéographie régionale.

Dans cette évolution la formation de l’Aaléno-bajocien, qui constitue la roche


magasin des minéralisations, revêt une importance toute particulière. Reposant
directement sur le Viséen supérieur par une inconformité majeure sur une faible
extension (30 à 40 km2), mais importante par sa durée qu’elle représente (150
Ma).(Wadjinny 1987). L’épaisseur de cette formation subit des variations
importantes se traduisant par des courbes isopaques qui s’articulent selon les deux
directions structurales majeures (fig. 4). Ces courbes montrent une dissymétrie dans
le gradient des puissances de l’Aaléno-Bajocien : au S-E et à l’Ouest, la puissance
augmente rapidement et brutalement, au N-W, alors qu’elle augmente
progressivement au N-W.

3- Métallogénie régionale
La métallogénie, envisagée ici autour du district, concerne uniquement les
minéralisations de plomb et de zinc exprimées dans la couverture jurassique.

3-1- Typologie des corps minéralisés :


Deux types de minéralisations sont exprimés. Des amas stratoïdes, dominants, et
des concentrations fissurales, marginales, contrôlées par des accidents cassants
en bordure du haut-fond et à la limite de l’amorce des grandes flexures limitant la
paléo-structure (fig. 5).
A Touissit, les amas stratoïdes sont localisés dans la partie supérieure de la dolomie
aaléno-bajocienne, juste en dessous de la formation gréso-pélitique du Bathonien.
Ils peuvent buter contre ce contact, mais ne le débordent que très rarement. Ces
amas forment généralement des corps concordants avec le litage et
s’interstratifient dans les joints ou dans des cavités de dissolution qui se
développent suivant ces joints.
Les amas du faisceau sudcorrespondent à des minéralisations plombifères en
grande partie oxydées (plus de 50%), de remplissage de karsts plus ou moins
“ matures ”. Les gisements les plus profonds dans le découpage structural actuel
sont les plus oxydés et les plus riches en métal.
Hayan, 1995, décrit ces minéralisations comme des corps de remplissage de
“ karsts ” horizontaux et verticaux. Dans le premier cas les minéralisations,
massives, viennent en remplissage de cavités de dissolution et correspondent à
des amas allongés sur quelques centaines de mètres. Leur extension latérale est à
peine hectométrique. Dans le deuxième cas les corps, formés de blocs minéralisés
noyés dans des dépôts marneux sombres, ont une extension verticale de plusieurs
mètres, mais une faible extension latérale. Les ouvertures créées par ces dernières
dissolutions provoquent des effondrements du “ toit ”.
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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

Touahri, 1995, décrit les amas d’El Abed comme étant associés aux sédiments de
remplissage de cavités de dissolution karstique. Ces amas, franchement
discordants par rapport à leur encaissant dolomitique, sont étirés le long des trois
directions tectoniques principales et leur extension latérale augmente aux
intersections entre des systèmes d'orientation différente.
Dans le gisement de Beddiane, Makhoukhi, 1994 a décrit deux types de corps, un
type qui montre un contrôle structural net et qui s’appuie sur des fractures
recoupant le contact socle-couverture et un type, stratoïde, sans contrôle
structural apparent et où la minéralisation s’est mise en place par remplacement
isovolumique de la roche encaissante.
Un troisième type de minéralisation, marginal, a retenu l’attention de certains
chercheurs. Il s’agit d’une veine centimétrique, sans intérêt économique,
recoupée par les travaux de la voie de roulage dans les rhyodacites viséennes, en
contrebas du gisement de Beddiane (Makhoukhi, 1995, Bouabdellah, 1995). Ces
auteurs en tirent argument pour expliquer les venues de minéralisations de la
couverture à travers ces veines. Dans les autres gisements exploités, il n’a pas été
observé de telles manifestations. Lucas, 1954, en a observé dans le gisement de
Ghar Rouban, en Algérie. Samson, 1973, rejette l’idée de rapport entre ces deux
types de minéralisation en se basant sur les paragenèses différentes, sur la taille de
ces expressions, ainsi que sur l’absence de lessivage dans ces veines. Nous
rejoignons l’idée de Samson et pensons que ce type filonnet ne pourrait pas
expliquer à lui seul l’accumulation de plus de 4 millions de tonnes métal.

3-2- Répartition des amas stratoïdes :


Ces amas sont disposés suivant les directions structurales majeures et forment deux
faisceaux parallèles : Un faisceau nord, représenté par les gisements de Boubker et
Touissit au Maroc et El Abed en Algérie. Un faisceau sudformé par les gisements,
Beddiane, Mekta, Hassi Niah, Hassi msidira et Sidi Ameur. Des petites occurrences,
à la limite de l’exploitabilité économique, s’alignent selon la direction N 140 vers le
S-W du district (fig. 5).
La distribution de la minéralisation varie latéralement et verticalement.

Distribution latérale : le faisceau nord, continu, est plombo-zincifère côté


marocain, avec une répartition du zinc plus limitée que celle du plomb. Dans ce
même faisceau, le plomb occupe préférentiellement les franges nord des amas
et le rapport Zn/Pb évolue de l’Est vers l’Ouest avec une dominante zincifère à
l’Est. Les concentrations cumulées Pb et Zn sont plus importantes à l’Est qu’à
l’Ouest. Le faisceau sudest formé d’amas distincts, quoique reliés entre eux par des
auréoles d’anomalies supérieures à 1% Pb ou séparés par des discontinuités
tectoniques. Ce faisceau est exclusivement plombifère.

Distribution verticale : d’une manière générale, on distingue une à trois


“ couches ” minéralisées, séparées par des intercalaires plus ou moins stériles. La
répartition verticale de la minéralisation se présente généralement comme suit : la
minéralisation à zinc dominant forme la semelle du corps minéralisé, celle à
plomb dominant occupe une tranche plus élevée et surmonte toujours la tranche
zincifère (Voirin, 1965). La minéralisation à cuivre, locale, constitue la dernière
manifestation métallique et se détache des minéralisations plombo-zincifères. Sa
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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

présence se limite au voisinage d’une faille majeure au Nord du gisement de


Beddiane. où elle acquiert deux types de morphologies :
- en amas stratoïdes, important où le minerai est essentiellement carbonaté.
- en remplissage de fissures qui peuvent recouper les niveaux de galène sous-
jacents et où le minerai est surtout sulfuré.

3-3- Paragenèses minérales :


La paragenèse parait simple dans ses grandes lignes.
Le plomb s’exprime sous forme de sulfures : galène ou de carbonates cérusite. La
galène est moyennement argentifère et le module, moyen, se situe autour de 5.
Dans le faisceau sud, la galène ne représente que 50% du plomb-métal, le reste
provenant des carbonates, principalement de la cérusite..
D’autres minéraux colorés constituant des curiosités minéralogiques, font le
bonheur des minéralophiles (molybdates : wulfénite; phosphates : pyromorphite;
sulfates : anglésite....). Le zinc s’exprime également sous forme de sulfures : blende
ou de carbonates : smithsonite.
La gamme des minéraux cuprifères est beaucoup plus vaste. Sulfures : bornite,
chalcocite, chalcopyrite, covellite ; oxydes : cuprite, ténorite ; carbonates :
malachite, azurite....
Les teneurs moyennes du minerai, variables, oscillent entre 5 et 25% pour le
plomb et 3 à 10% pour le zinc.

4- Travaux de recherche réalisés :


Au cours de deux dernières décennies, de nombreux travaux de recherche ont
été réalisés sur ce district, à deux échelles : une recherche de développement des
gisements et une recherche tactique dans l’ensemble de la région.
La recherche de développement des gisements est faite par sondages carottés et
travaux miniers autour et à l’intérieur des enveloppes minéralisées. Ce
développement a permis de renouveler les réserves exploitées dans les gisements
pendant les dix dernières années.
La recherche tactique est réalisée par sondages carottés à maille assez lâche et
par méthodes indirectes. Ces travaux ont permis de renouveler des réserves et de
découvrir de nouveaux gisements. L’utilisation de méthodes indirectes a été
également appliquée pour des recherches structurales ou pour une recherche de
marqueurs gîtologiques.

4-1- Recherche par sondages mécaniques :


En dehors des sondages de développement des gisements, une grande
campagne de sondages carottés, intitulée “ campagne des grands-profils ”, a
couvert les deux unités structurales majeures : les grabens de Missiouine et de
Tazougart. Vingt et un profils de sondages, orientées N 30°W transversalement à la
direction structurale majeure, espacés de 600 m. avec une maille de sondages
de 300 m.. Trois cents sondages au total ont été exécutés pour un métré global
représentant plus de 50.000 m.
Cette campagne, réalisée sur dix ans, a débouché sur un certain nombre de
découvertes : en 1983, celle du gisement de Hassi Enniag, en 1989, celle du
gisement de Hassi Msidira et en 1992 celle du gisement de Sidi Ameur. L’apport
supplémentaire occasionné par ces découvertes est évalué à 200.000 t. métal.
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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

La campagne “ grands profils ” a permis également de dépouiller en détail la


géologie du district, dont la synthèse sera développée plus loin.

4-2 - Recherche par géophysique :


L’application des méthodes géophysiques dans l’exploration régionale avait pour
objectif de répondre aux questions d’ordre :
- structural, pour déterminer le toit de la dolomie-hôte et préciser le
positionnement des failles ;
- paléogéographique, pour la détermination de la base et du sommet de la série
aaléno-bajocienne, donc de sa puissance ;
- métallogénique, pour la localisation directe des minéralisations.

Des méthodes actives, basées sur l’utilisation des techniques surtout électriques,
ont été utilisées.
Des diagraphies point par point ont permis de mesurer, dans des sondages, le
contraste de polarisabilité entre la minéralisation et son environnement, contraste
qui a montré que le paramètre polarisation provoquée mesuré en forage
caractérise les zones minéralisées et mettent en relief le contraste de résistivité
apparente marnes/dolomies ;
Des sondages électriques ont mis en évidence le schéma tectonique caché sous
les recouvrements callovo-oxfordiens, mais sans pouvoir identifier les contacts de
la base de la série dolomitique avec son socle.
La méthode pôle-pôle latéral était déstinée à la recherche de minéralisations
cachées.
Une autre méthode, celle du dispositif rectangle, a conclu que la résistivité
apparente retrace la topographie du toit des dolomies et que la chargeabilité
donne lieu à des anomalies polarisantes pouvant être liées à des corps minéralisés.
Après contrôle par sondages, toutes les méthodes géophysiques utilisées à ce jour
à Touissit n’ont permis que de visualiser le positionnement des failles et la
profondeur du toit de la dolomie. Aucun succès n’a été enregistré quant à la
détermination de la base des dolomies pour déterminer la puissance de l’ assise
dolomitique, et encore moins la localisation directe de la minéralisation.
En conclusion, aucune méthode géophysique n’a pu répondre, dans le contexte
de Touissit, aux objectifs de la recherche minière.

4-3- Recherche par marqueurs géochimiques et pétrographiques :


Afin d’affiner l’outil de la modélisation typologique pour poursuivre la recherche
dans des surfaces restreintes entre les sondages, à l’intérieur de la maille 600 x 300
m, des interventions analytiques ont abordé toute la surface circonscrivant la
ceinture sud. Ces interventions ont utilisé la géochimie multiélémentaire, l’analyse
des assemblages minéralogiques argileux, la géochimie des isotopes stables des
carbonates porteurs, ainsi que l’analyse de la maturation de la matière organique
extraite de ces carbonates. Ces études se fixent comme objectifs la mise en
évidence du lien génétique entre les différentes phases dolomitiques et les fluides
minéralisateurs pour mettre en évidence des marqueurs pertinents aptes à nous
orienter vers une recherche minière plus affinée.

Ces travaux ont été réalisés sur des échantillons dolomitiques provenant d’une
cinquantaine de sondages. Une géochimie multiélémentaire a été réalisée sur
16
Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

1100 échantillons, analysés en 9 majeurs et 24 traces. Toutes les données,


codifiées, ont été saisies sur informatique.

D’autres travaux concernant les argiles et la matière organique qui sont associées
aux dolomies ont été abordés et, à l’heure où nous rédigeons cet article, quelques
conclusions préliminaires peuvent être avancées.
Dans les zones minéralisées la matière organique montre un degré d’évolution plus
élevé que celui qu’elle présente dans les zones stériles. Cette évolution consiste en
une anomalie thermique révélée par les valeurs du pouvoir réflecteur de la
vitrinite .
On constate également que dans ces zones, l’altération hydrothermale s’est
traduite par des assemblages bien distincts des minéraux argileux contenus dans
la dolomie. La nature et la distribution de ces paragenèses argileuses montrent les
mêmes dispositions que celles obtenues par la matière organique.
La superposition des anomalies déduites par la matière organique à celles d’une
zone à kaolinite hydrothermale semble évidente à ce stade de reconnaissance et
nous incite à une utilisation de ce type d’approche comme outils d'exploration
tactique. Cette approche globaliste pourrait nous guider vers des cibles à
l’intérieur des zones sondées, dont les superficies restent faibles (600 x 300 m.).

5- Analyse typologique - Essai de synthèse


5-1- Le point sur les différentes hypothèses génétiques :
De nombreux chercheurs se sont penchés sur les questions de genèse des
minéralisations du district de Touissit. Certains ont émis des hypothèses,
développant des interprétations plus ou moins satisfaisantes. Mais aucune de ces
hypothèses n’a proposé de guides aptes à cerner des zones favorables, et encore
moins de discriminer le bon du mauvais piège.
Le rôle de la tectonique a été soulevé par Bouladon, (1948), qui avance que les
glissements banc sur banc créent des vides permettant la circulation de fluides
hydrothermaux. Claveau et al, (1952), dans leurs études du gisement de Boubeker,
soulignent le parallélisme entre direction des failles et direction des amas
minéralisés en distinguant une paragenèse à blende en rapport avec la direction
structurale E-NE et une paragenèse à galène, qui recoupe la première, sans
rapport avec cette direction. Samson, 1976, constate dans le gisement de Touissit
un parallélisme entre les amas minéralisés et les deux directions majeures NE-SW et
ESE-WNW et attribue la mise en place de la minéralisation à la circulation de
fluides hydrothermaux.
Makhoukhi, 1995, dans son étude sur le gisement de Beddiane attribue la mise en
place des minéralisations à des circulations hydrothermales générées par la
paléostructure régionale où les fluides acquièrent leur salinité au contact des
roches évaporitiques du Trias du Suddu môle. Les saumures, s'échauffant, se
chargent en métaux au cours de leur trajet au travers de la série viséenne,
anomale en plomb et zinc, les libérant ensuite dans la zone de refroidissement
avec une précipitation des sulfures au contact de la couverture dolomitique.
Bouabdellah, 1995, rejoignant Makhoukhi sur l’origine et le rôle des saumures,
suppose que la superposition entre les fronts de dolomitisation et les gisements
économiquement exploitables implique que ces fluides ont été canalisés en
17
Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

empruntant un réseau de fractures. Au même titre que Makhoukhi, il voit la preuve


de ce scénario dans la présence d’une veine centimétrique minéralisée, encaissée
dans le socle éruptif à l’aplomb du gisement de Beddiane.

5-2- Nécessité d’une démarche métallogénique pragmatique :


Les questions de genèse concernant l’origine, l’âge de la mise en place des
métaux, ainsi que leurs processus de concentration ne constituent pour le
géologue-minier qu’une base de travail inscrite dans un modèle global. Ses
préoccupations ne peuvent conduire qu’au choix qui concilie au mieux ses
observations quotidiennes avec des paramètres concrets pour aboutir à des
guides pratiques. Ce sont ces guides qui lui permettent de comprendre la
typologie de son gisement dans son environnement géologique en lui permettant
de mener sa recherche quotidienne.
Les considérations génétiques théoriques expliquent, mais elles orientent rarement
le mineur et souvent elles tentent d’occulter ses guides pratiques. Rares sont ces
considérations qui répondent à la question qui se pose au mineur : quels sont les
facteurs susceptibles de conditionner la position d’amas et où se trouvent les bons
pièges ?
L’analyse typologique pragmatique ne vient pas en contradiction avec les
différentes modélisations théoriques, mais elle les complète et leur donnent une
assise plus “ réaliste ”. Cette analyse, basée sur les nombreuses observations nous
montre que la localisation des amas, économiquement exploitables dans le
district de Touissit, est générée par certains facteurs que nous avons tenté de
mettre en relief.
Tous les modèles élaborés pour les gisements de type M.V.T. s'accordent pour
montrer la liaison avec des eaux connées chaudes soustraites des bassins
sédimentaires environnants. L’évacuation de ces fluides, provoquée par une
diagenèse d'enfouissement, s'accompagne d'une élévation de température et
d'une augmentation de la salinité.
La réactivation des systèmes tectoniques développe la fracturation et permet le
drainage vertical des circulations des fluides qui vont diffuser latéralement vers les
niveaux les plus poreux. Ces circulations convergent vers les sommets de la série
dolomitique poreuse où elles se trouvent stoppées à leur sommet par les niveaux
imperméables de la couverture marneuse. Une partie de ces dolomies est
transformée en dolomie blanche recristallisée qui caractérise les aires minéralisées.
Ces dolomites résultent de l’altération hydrothermale et se développent, comme
les gisements, sur la façade septentrionale du haut-fond.

La concentration des métaux fait suite à ces processus dans des conditions bien
particulières schématisées comme suit :
- la circulation des “ fluides minéralisateurs ” s’est faite préférentiellement au
travers de drains que forment les failles majeures au nord du haut fond où le
degré de dolomitisation est le plus élevé et latéralement dans niveaux les plus
poreux;
- ces fluides se trouvent stoppés au sommet des dolomies poreuses par un écran
marneux qui joue un rôle de couverte de couvercle ;
- le volume des fluides impliqués semble être sans “ effets économiques ” dans
une série puissante, où les phénomènes de libération des métaux avortent par
dilution dans la masse carbonatée. Il est également sans effet dans les niveaux
18
Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

à moindre puissance, formés par la dolomie massive exempte d’interbancs et


où la circulation des fluides n’est pas aisée.

Ces déductions nous incitent à retenir les facteurs pertinents pratiques des
concentrations métalliques, facteurs d’ordre paléogéographique,
sédimentologique et structural.

Facteurs paléogéographiques :
A la fin de l’Aaléno-bajocien, la reconstitution paléogéographique indique que le
district était situé dans la partie méridionale d’un paléo-relief résultant d’une
architecture paléozoïque (fig. 6). Cette bosse topographique était cernée par
deux bassins : au Nord, un domaine à faible taux de sédimentation carbonatée,
sous des faciès dolomitisés ; au Sud, un domaine à fort taux de sédimentation
carbonatée et où la dolomitisation n’a pas atteint les stades avancés connus au
Nord. La partie haute de ce paléo-relief s’exprime par une “ ligne de crête ” de
moindre recouvrement aaléno-bajocien, orientée NE-SW, conjuguée avec une
autre ligne, mineure, orientée NW-SE. Ces deux lignes dessinent une fourche
ouverte vers le NW. Dans ce contexte, les minéralisations sont localisées sur le flanc
septentrional de ce paléo-relief et les deux faisceaux minéralisés, circonscrits à
l’intérieur de ce même flanc, sont séparés par deux faibles paléo-dépressions
délimitant deux petits bassins internes. Chaque faisceau minéralisé est
“ accroché ” sur le flanc nord de ces micro- bassins.

Le district se situe sur le flanc nord du paléo-relief et chaque faisceau se place sur
le flanc nord d’un petit bassin interne.

Facteurs sédimentologiques :
Les minéralisations sont hébergées dans l’horizon supérieur de l’Aaléno-bajocien
fortement dolomitisé et poreux, préférentiellement lorsque la puissance de cette
série varie entre 20 et 35 m.
La nature pétrographique du socle sous-jacent les corps minéralisés semble jouer
un double rôle : sur les transformations de la série carbonatée “ hôte ” et dans la
distribution des minéralisations (fig. 7). A l’aplomb d’un socle de nature éruptive, le
plomb s’exprime généralement seul, mais à l’aplomb d’un socle schisteux, la
minéralisation est mixte. Sur un socle schisteux des plages à dolomitisation
incomplète peuvent persister, phénomène que l’on n’observe pas sur un socle
éruptif. L’affinité socle éruptif/intensité de dolomitisation est probablement liée à la
rhéologie et la compétence des noyaux éruptifs, plus durs et donc plus favorables
à la fracturation de la couverture sus-jacente. Ce sont ces fractures qui sont
responsables des dissolutions de la série carbonatée porteuse et de la canalisation
des fluides hydrothermaux.

Les amas se situent dans une série carbonatée, fortement dolomitisée dont la
puissance oscille entre 20 et 35 m. La nature du socle sous-jacent joue un rôle de
cause à effet dans la distribution des minéralisations.

Facteurs structuraux :
Les faisceaux minéralisés ont un allongement privilégié. Ils se répartissent le long de
la direction tectonique N 70°. Dans le détail, les minéralisations sont nettement
19
Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

contrôlées par les fractures des deux systèmes majeurs : N70° et N140°. La
distribution des minéralisations forme une auréole qui épouse l’orientation de ces
deux systèmes (fig 5). Les gisements économiquement exploitables, s’inscrivant à
l’intérieur de cette auréole, s’articulent le long des failles majeures.
Dans les noeuds structuraux, jonction entre les deux systèmes tectoniques majeurs,
la minéralisation, quand elle est exprimée, est très intense. Ce phénomène a
également été observé à El Abed où Touahri, 1995, a observé que l’extension
latérale des minéralisations augmente aux intersections entre des systèmes
tectoniques d'orientation différente.
A l'inverse, certaines failles à fort rejet, semblent jouer un rôle “ d'écran ”, la
minéralisation s'interrompant à leur voisinage.
Cette analyse structurale montre que certaines failles ont joué le rôle de drain
canalisant les fluides minéralisateurs, dont l’intensité s’estompe au fur et à mesure
que l’on s’en éloigne et que d’autres failles n’avaient aucune incidence sur le
piègeage des minéralisations.
Les amas minéralisés sont disposés le long de la direction tectonique majeure N70.
Dans les noeuds structuraux formés avec la direction N140, la minéralisation
s’exprime intensément.
Les facteurs énoncés ont constitué le modèle de base de la recherche minière
dans ce district. Les méthodes de recherche directe ont été menées sur les 2
grabens majeurs. L’appui nécessaire des méthodes indirectes, en cours
d’application à l’heure actuelle, s’est avéré nécessaire. Les premiers résultats sont
encourageants et nous sommes persuadés que le district de Touissit n’a pas
encore dit son dernier mot.

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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

B- Le district de Jbel Aouam

1- Historique
Le district polymétallique de Jbel Aouam ( nouvellement dénommé “ Tighza ” ), se
situe dans la partie orientale du Maroc central, dans une région de hautes collines
culminant à prés de 1.500 m. Ce district a fait l’objet de nombreux travaux dont les
premiers sont rapportés au XIème siècle.
L'enceinte fortifiée, dont les vestiges forment la muraille d’un camp fortifié, fut
construite au XII° siècle et au XIII° siècle, attestant que la mine était toujours en
activité. Au delà de cette période, on ne dispose pas d’éléments permettant
d’affirmer la poursuite de cette activité. Les travaux miniers des anciens avaient
atteint des profondeurs de 200 m., dépassant parfois le niveau hydrostatique. Les
remblais et les haldes existants ont permis d’estimer l’extraction de plomb
argentifère de cette époque à plus d’un million de tonnes de minerai à une
teneur estimée à 15% en plomb et à un module d’argent dépassant 20. Les vieux
travaux avaient concerné l’ensemble des chapeaux de fer lessivés et enrichis en
argent résiduel. Le niveau d’altération supergène atteint en profondeur les 200m.

En 1924, l'attention des prospecteurs de la Compagnie Royale Asturienne des


Mines (CRAM) fût attirée par ces remblais, alignés et jalonnés par des puits
partiellement comblés, par la muraille de fortification longue de plus de 2 km,
garnie de tours de guets et par les scories plombeuses. La CRAM y entreprit alors la
recherche et démarra les premiers travaux souterrains dès 1930. A partir de 1946,
l’exploitation des deux filons anciennement travaillés a été reprise. En 1955, la
C.R.A.M. créa, en association avec le B.R.P.M., la Socièté minière de Jbel Aouam
(S.M.A) et lui confia l’exploitation des de ces deux filons, Signal et Ighrem
Aoussar. Entre 1957 et 1993, la S.M.A a extrait plus de 6 millions de tonnes à une
teneur moyenne de 8 % de plomb argentifère.
Une mauvaise conjoncture, conjuguée de problèmes sociaux majeurs, obligea la
SMA, en Mai 1993, à déposer le bilan et à cesser toute activité dans la région. Suite
à une adjudication, la C.M.T. entra en possession de cette mine et redémarra les
travaux dès juillet 1996.

Le district de Jbel Aouam a toujours été l'un des principaux producteurs de plomb
et d’argent du Maroc. Les réserves minières en place, au moment de la fermeture
de la S.M.A., en 1993, étaient évaluées à 2,2 millions de tonnes de minerai à 10 %
de plomb et 160 grammes d’argent. Les travaux complémentaires réalisés par la
C.M.T. au courant de l’exercice 1996 ont permis d’augmenter ces réserves en
minerai d’environ 1 million de tonnes avec le même ordre de grandeur de teneurs.
Les réserves totales exploitées et reconnues à ce jour s’évaluent donc à plus de 10
millions de tonnes de minerai pour 1 million de tonnes de plomb métal contenu et
plus de 1000 tonnes d’argent.
En 1996, sur les six mois d’activité, la mine a produit 12.000 t. de concentrés.

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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

2- Contexte géologique sommaire :

La série sédimentaire est composée des ensembles suivants (fig 1) :


- à la base, une puissante formation schisto-gréseuse à intercalations de niveaux
de quartzites, attribuée à l'Ordovicien ;
- des dépôts de schistes noirs caractéristiques du Silurien coiffent cette formation
de base ;
- des calcaires et schistes gréseux forment la série du Dévonien qui surmonte ces
ensembles ;
- des dépôts transgressifs, composés de conglomérats à éléments schisteux, de
quartzites et de calcaires appartenant au Viséen supérieur achèvent le cycle
sédimentaire régional (fig. 2).

Structuralement le district, sensu stricto, est situé dans une zone de décrochement
majeur à la limite de deux blocs engagés dans des mouvements divergeants aux
cours d’événements tectoniques tardihércyniens (Cheilletz, 1983).
Les études structurales régionales ont permis à Agard, 1958, et Desteucq, 1974 de
mettre en évidence le caractère polyphasé de l’orogenèse hercynienne et de
distinguer les trois grands épisodes de déformation :
- une phase de déformation intense et de plissement souple post dévonienne ;
- une phase de plissement majeur post viséenne responsable de l’architecture
actuelle de la région et de son découpage en unités monoclinales ;
- une phase cassante, en plusieurs épisodes responsable du cisaillement et du
découpage de toutes les structures plissées. Cette phase donne les accidents qui
contrôlent les minéralisations.
L’apparition d’accidents chevauchants, plus tardifs, provoque un laminage et un
écaillage s’accompagnant de dédoublements de séries.

Les déformations cassantes de la 3° phase ont créé un réseau de fractures


ouvertes qui se repartissent en 2 familles principales :
- une famille orientée NE-SW;
- une famille E-W.

3- Les grandes lignes gîtologiques :

L’installation du régime cassant a abouti, par la succession de régimes


tectoniques compressifs et distensifs, à la création d’une zone de cisaillement E-W
et d’un réseau dense de fractures NE-SW et E-W, profondement enracinées, à
travers lesquelles les circulations hydrothermales ont pu être canalisées.

La fin de l’orogénèse post-viséenne est accompagnée par l’apparition de roches


plutoniques qui se sont mises en place sous forme de dykes dans les anticlinaux et
les zones faillées ou sous forme de petits plutons granitiques. Ces derniers ont
engendré un métamorphisme de contact donnant des schistes à biotite et
andalousite, à muscovite et chlorite, des amphibolites et des cipolins. L’anomalie
thermique s’est accompagnée d’importantes circulations hydrothermales
minéralisantes, allant de l’hydrothermalisme de haute température à
l’hydrothermalisme de basse température :

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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

- minéralisations de haute température : tungstène, molybdène, mispickel,


or ;
- minéralisations de moyenne température : zinc, plomb, argent ;
- minéralisations de basse température : antimoine, barytine.
La mise en place des minéralisations polymétalliques de ce district résulte du
fonctionnement d’un système hydrothermal polyphasé dont les concentrations de
tungstène constituent le stade précoce et les minéralisations plombo-zincifères
constituent l’expression ultime (Cheilletz, 1984).
Chaque type de minéralisation est lié à un environnement qui lui est propre.
L’étain s’exprime dans le microgranite, le long de certains accidents. Le tungstène
est lié au granite lui-même et se manifeste à l’intérieur de l’enveloppe de
métamorphisme. Les minéralisations plombo-zincifères, de loin les plus importantes,
se localisent le long de fractures, sans rejets importants et bien enracinées. Elles
occupent indifférement tous les espaces à l’intérieur et à l’extérieur de ce couloir
de cisaillement.
Dans ce qui suivra, on s’intéressera aux minéralisarions plombo-zincifères dont le
contrôle obéït à des contraintes d’ordre sédimentaire et structural et en relation
avec le chimisme de l’hydrothermalisme.

4- Les minéralisations plombo-zincifères :


4-1- Morphologie des corps filoniens :

L’essaim filonien du district de l’Aouam est représenté par six grandes structures
plombo-zincifères totalisant une trentaine de kilomètres d’extension plus ou moins
affleurante, dont le tiers a été exploré ou exploité en partie par les anciens (fig. 3).
Deux filons sont actuellement en cours d’exploitation : le filon du Signal et le filon
d’Ighrem Aoussar. Ces filons sont de type décrochant à sphalérite et galène
parfois richement argentifère et sont encaissés dans des schistes et quartzites du
Siluro-Ordovicien et des calcaires et schistes gréseux du Dévonien. Leur
morphologie peut être simple ou complexe, avec développement de branches
dérivées. Ces branches peuvent se raccorder à un filon principal, s'en écarter ou
disparaître.
Les filons se présentent à l’affleurement souvent en chapeaux de fer, résultat
d’une altération supergène plus ou moins importante. Ainsi le filon d’Ighrem
Aoussar a été exploité par les anciens dans sa partie altérée et enrichie en argent
jusqu’à une profondeur avoisinant les 200 m.
Dans chaque réseau filonien à Pb-Zn, la nature des terrains encaissants, l’histoire
tectonique anté-minéralisation et la proximité de la “ source hydrothermale ”
détermineront une différenciation dans la minéralisation, dont la conséquence
sera marquée par la création de zonations métalliques, chacune livrant un
cortège et une paragenèse qui lui sont propres. Cette zonalité fournit des
tendances horizontales et verticales dans le développement et les teneurs des
corps minéralisés qu’ils représentent, le plomb et le zinc se développant selon une
distribution particulière dans un même filon.

4-2- Paragenèses du remplissage filonien :

Les filons actuellement en exploitation ont des puissances variables, métriques à


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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

plurimétriques. Ils se présentent en une succession de colonnes minéralisées et de


colonnes stériles. Leurs remplissages sont constitués de galène, dominante et plus
ou moins argentifère et de blende. Le tout est enrobé dans une gangue
composée de sidérose, quartz, calcite, barytine et calcédoine.
La galène peut se présenter en fines mouches, en cristaux, en rubannement ou en
cocarde. La blende se cantonne dans des zones qui lui sont propres et se présente
également en fines mouches, en rubans ou cocardes.
Le remplissage filonien présente des caractères communs dans les filons. Il peut
être rubané, bréchiforme ou en cocarde. Ses paragenèses se caractérisent ainsi :
- une paragenèse à sidérose qui forme la gangue principale avec quartz hyalin,
accessoire, formant le ciment d'une brèche tectonique ou remplissant les fissures;
- une paragenèse en remplissage rubané composé de calcite, calcédoine et
barytine qui constitue un remplissage postérieur à la paragenèse à sidérose.
Dans les faciès à paragenèse à sidérose, la minéralisation s’exprime en galène
fortement argentifère et en blende. Dans les faciès à paragenèse à calcite et
calcédoine, la minéralisation s’exprime en galène peu ou moyennement
argentifère.

L’analyse des arrangements paragénétiques dans les caisses filoniennes a permis


aux différents auteurs ayant travaillé dans cette zone de s’accorder à conclure
que leur organisation s’est faite selon une succession de régimes compressifs et
distensifs, en relation avec les différents épisodes de venues hydrothermales. Ces
régimes dénombrés sont au moins au nombre de cinq :
- un premier épisode, en détente, suivi d'un régime compressif donnant une
paragenèse à sidérite brune, riche en fer et montrant une altération
hydrothermale avec apport de silice sous forme de quartz saccharoïde. Une
bréchification peut se produire au fur et à mesure qu'on s’éloigne des parements ;
- un deuxième épisode, distensif long, suivi d'un régime compressif court
aboutissant à une ouverture suivie d’une bréchification. La paragenèse est à
sidérite blonde avec dépôt rythmique de blende, galène, quartz, calcédoine. La
galène est fortement argentifère. La blende est noire et peut constituer l'unique
expression minérale associée à la sidérite ;
- un troisième épisode, avec un régime compressif suivi d'un régime distensif
donnant une bréchification des éléments de la 2° ouverture suivie d'ouverture
avec un dépôt rythmique rubané d'ankérite et/ou de calcite et calcédoine. La
blende, peu abondante, est mielleuse à noire. La galène, abondante, est
moyennement argentifère. Des structures en cocardes avec noyaux de sidérite ou
élément de l'encaissant enrobé de galène ou de blende sont présentes ;
- un quatrième épisode, compressif, est suivi d’un régime distensif créant une
bréchification accompagnée d'une ouverture. Les minéraux qui s’expriment sont
la barytine, la galène, la blende, la pyrite en rubans ou en ciment dans une
brèche. La barytine est soit massive ou en cristaux centimétriques dans des
géodes. La galène et la blende se présentent en rubans centimétriques à
décimétriques. La galène est faiblement argentifère.
- un cinquième épisode, avec un régime compressif qui se traduit par des miroirs
de faille à l'intérieur des structures filoniennes et notamment sur les galènes
(galène cataclasée).

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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

4-3 Interprétation structurale des filons à Pb-Zn :

Le district de Jbel Aouam s’inscrit dans un grand couloir de cisaillement E-O. Dans
ce couloir, l’association et la disposition des fractures qui donneront les filons
plombo-zincifères peuvent être interprétées comme suit (fig. 3) :
- le filon du Signal peut être défini comme une fente de tension inscrite dans la
direction de raccourcissement maximal ;
- le dispositif structural du filon du Sudpeut être interprété comme une Riedel de 1 ér
ordre qui forme une zone de cisaillement de second ordre par rapport au grand
couloir. Cette structure fournit avec le plan de cisaillement E-W, des fractures qui
seront reliées entre elles en déterminant des coins à angles de 10 à 15°. Cette
association de fractures aboutit à des failles en décrochement à jeu senestre qui
s’anastomosent en délimitant des formes lenticulaires (boucles, failles tressées).
Dans ce schéma, les failles “ Riedel ” constituent des ouvertures, et les failles
parallèles au cisaillement, des fermetures.
Les directions du système filonien de l’Aouam épousent généralement celles des
unités structurales, mais peuvent également les recouper, comme elles peuvent
recouper les dykes de microgranite sans leur faire subir de déplacements. Les
pendages de 60 à 70° se font vers le Nord ou le N-W ; ils varient en profondeur.

L’analyse structurale de Desteucq, 1974 indique que dans le détail la direction des
filons est variable et donne des allures en zigzag. Les filons sont considérés comme
un réseau de fractures conjuguées dont l’évolution s’est faite en deux temps. Ces
relais “ ouvertures-fermetures ” sont interprétés comme la conséquence du
déplacement des parois du filon sur une surface gauche en déterminant des vides
entre les parois lorsque la direction de ces parois est oblique par rapport à la
direction du mouvement.

Cette variation de direction traduit la fertilité de chaque tronçon de filon, reliés


entre eux en donnant des zones d’ouverture, sous une morphologie lenticulaire, et
des zones de fermeture, pincées. Les tronçons ouverts sont fertiles et les tronçons
fermés sont stériles. Chaque variation de direction des filons observée dans les
niveaux en exploitation se traduit par une stérilisation. Les directions fertiles du
“ Signal ” sont de 45° alors que les directions stériles accusent une orientation de
l’ordre de 30°. Pour le filon d’Ighrem Aoussar, l’alternance des orientations N 70° et
celles de N 90° donne les relais des tronçons fertiles et des tronçons stériles.

L’analyse du pendage de chaque filon en exploitation montre une variation avec


l’enracinement de la structure. Cette allure “ courbe ” des filons en profondeur
traduit le même caractère “ gauche ”, décrit et observé en surface.

5- Travaux de recherche en cours de réalisation :

Les données relatives aux travaux antérieurs réalisés dans ce district ont fait l’objet
d’une synthèse, approche qui a permis, dans un premier temps, de hiérarchiser
les différents objectifs et d’orienter les travaux de recherche. Le premier choix s’est
fixé sur la structure du Sud, qui forme un grand réseau filonien plurikilométrique (7
km de structures en relais ). Ces travaux ont été menés par sondages mécaniques,
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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

travaux géophysiques et géochimie multiélémentaire (fig.4).

Ces travaux se réalisent à deux niveaux :


- une recherche de développement par travaux miniers pour la préparation de
l’exploitation;
- une recherche tactique pour la définition de nouvelles cibles.

Afin d’appréhender le comportement des minéralisations plombo-zincifères dans


ce district, il a été indispensable de tenter de cerner les guides qui déterminent
leur distribution par une analyse gîtologique. Cette démarche qui s'efforce de
définir une modélisation pour la recherche pratique des filons à Pb-Zn sur
l’ensemble du district, est réalisée par :
- l’analyse des contextes géologiques et des facteurs de concentration de
chaque réseau filonien ;
- la recherche de guides indirects, tels que ceux fournis par une géochimie
qualitative de l’encaissant pouvant caractériser la fertilité de chaque caisse
filonienne ou la recherche directe d’anomalies de fuites de gisements aveugles.
Les interprétations structurales déduites des observations en mine du filon en
exploitation d’Ighrem Aoussar, autorise également de mettre au point un schéma
prévisionnel de recherche minière utilisant les critères structuraux.

La démarche adoptée a permis de classer et de hiérarchiser les zones du filon Sud,


secteur par secteur ; les travaux de recherche ont ainsi été définis en fonction de
l’état de connaissance de chaque secteur. Au fur et à mesure que l’on progresse
dans cette recherche hiérarchisée, les décisions pour continuer ou arrêter les
travaux sur un objectif donné sont prises en fonction de l’intérêt qu’il suscite et en
choisissant les méthodes appropriées à mettre en œuvre, en fonction des résultats
obtenus.
Les cibles travaillées actuellement au filon sud ne sont pas reconnus au même
niveau et il a été nécessaire de les ramener à un même degré de reconnaissance
pour :
- définir rapidement des objectifs en accélérant certaines phases des travaux ;
- aboutir au développement de l’ensemble de la région concernée pour une
certification globale des potentialités de toute la structure.

5-1- Interprétation structurale pour la recherche prévisionnelle :


Le filon gisement d'Ighrem Aousser forme un des éléments du dispositif structural du
“ filon Sud”. Ce filon présente des tronçons ouverts “ fertiles ”, alternés de tronçons
fermés “ stériles ”, ayant joué en coulissage et disposés en oblique par rapport aux
tronçons ouverts. La succession de ces deux types de tronçons peut se traduire, en
profondeur et latéralement, par une succession de colonnes minéralisées et de
colonnes stériles, dont la continuité peut être influencée par l’hétérogénéité de
l'encaissant et des discontinuités structurales. Ce contrôle structural permet de
fournir un schéma prévisionnel de la distribution des minéralisations et orienter les
travaux de recherche en aval des niveaux en cours d’exploitation.
Ce filon a été représenté par une ligne fictive correspondant à sa direction
moyenne pour chaque niveau d’exploitation (tous les 50 m.). Ces lignes,
approximativement parallèles entre elles, sont orientées N 80° dans les tronçons
fertiles et ne varient qu’en fonction des changements du pendage du filon, donc
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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

de sa fermeture. Les tronçons ouverts forment avec les tronçons fermés un angle
voisin de 10° .

5-2- Sondages mécaniques :


Une campagne de sondages réalisée courant 96, a permis de reconnaître, sur 800
m, l’extension orientale du filon exploité d’Ighrem Aoussar. Elle a permis de
circonscrire une colonne minéralisée sur une extension de 300 m entre les côtes -
150 et - 250, définissant des réserves complémentaires. Cependant, il s’est avéré
que le sondage parait comme un outil nécessaire à la recherche dans de tel type
de structures, mais pas suffisant. Des travaux miniers, indispensables, sont
nécessaires pour certifier les réserves déduites par ces sondages. Les données
recueillies dans les carottes de sondages ont permis d’interpréter l’arrangement
structural des unités sédimentaires encaissantes (schistes siluriens ou flychs
ordoviciens) et de cerner leurs contenus géochimiques.

5-3- Géochimie :
Les objectifs de la géochimie multiéléments sont triples :
- la recherche indirecte des minéralisations cachées (anomalies de fuite) ;
- la caractérisation géochimique des filons en exploitation et de leur
environnement ;
- la caractérisation géochimique des encaissants des structures filoniennes
recherchées par sondages.

Une campagne géochimique systématique couvrant tout l’ensemble de la


structure sudest en partie réalisée. Des anomalies de fuites, couplés avec des
discontinuités géophysiques, ont pu être relevées et font l’objet de recherches.

Pour caractériser géochimiquement le filon d’Ighrem Aoussar, un échantillonnage


systématique de l’encaissant et de la caisse minéralisée a permis de disposer
d’une “ formule géochimique ” discernant les colonnes fertiles et stériles dans la
distribution des minéralisations (latérale et verticale). Cette formule pourrait être
transposée vers d’autres filons de cette structure sud, notamment sur les zones
recherchées par sondages dont les carottes ont fait l’objet d’un échantillonnage
systématique de part et d’autre des caisses minéralisées ou stériles. Chaque
environnement filonien pourrait être ainsi caractérisé en fonction de sa situation
dans le dispositif de la structure sud.

5-4- Géophysique :
Une couverture géophysique a été réalisée sur la même zone couverte par la
géochimie, sur l’environnement de la structure sud. Son but est de rechercher des
corps cachés, notamment ceux encaissés dans des schistes siluriens peu
compétents ou des corps borgnes qui ne montrent que des bouts de chapeaux
de fer.

La superposition des anomalies géophysiques et géochimiques a permis d’aboutir


à la sélection de cibles sur lesquelles d’autres travaux tactiques de confirmation
sont en cours de réalisation (sondages, travaux miniers).

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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

6- Résultats provisoires des méthodes indirectes :

6-1 – Anomalies mises en évidence :

Vu le contexte géologique de la structure sud, les corps aveugles à rechercher


pourraient être soit de type filonien parallèles aux structures connues soit des corps
formant des bretelles avec ces structures. Les méthodes appliquées ont combiné
des moyens pour mettre en évidence de telles structures.
C’est ainsi que des anomalies géophysiques ont été mises en évidence. Leur
forme allongée et discontinue laisse à envisager qu’on est en présence de
structures type filonien. Des anomalies géochimiques ont confirmé ces
discontinuités géophysiques et certaines, les plus pertinentes, sont à l’heure
actuelle, en cours de vérification.

6-2 - Marqueurs géochimiques :

L’analyse des données géochimiques (plus de 1300 échantillons analysés en


multi-élémentaire) ont permis de démêler en partie le contexte métallogénique
de la structure sud. Les résultats préliminaires, encourageants, fournissent les
premières orientations et permettent de poursuivre la recherche dans le meilleur
sens. Les conclusions qui en résultent, provisoires, doivent être confirmés par
d’autres travaux. Mais, d’ores et déjà, quelques tendances se dégagent :
- les cortèges géochimiques indiquent des tendances de “ polarité ” tant
verticales que latérales des minéralisations en fonction du positionnement d’un
tronçon de filon par rapport au type de minéralisation qui caractérise son
environnement ;
- l’étude des corrélations entre les éléments fait ressortir des groupements
intercorrélables dans les associations minérales dans la mine en exploitation
d’Ighrem Aoussar et montrent que les tronçons “ fertiles ” possèdent une signature
caractérisée par le cortège : Pb- Zn- Cu- Ag- Cd- Co- Sb et W.
- les signatures de l’encaissant montrent la même évolution sur une verticale dans
les zones à tronçons “ fertiles ”, mais avec un déficit en éléments Cu, Ag, Sb dans
les tronçons “ stériles ”.

Dans les sections orientale et occidentale de la structure sud, l’étude des


corrélations géochimiques fait ressortir des familles distinctes : une famille liée au
plomb : Pb- Ag- Sb- Ni et une famille liée au zinc : Zn- Sb- Cd. Ces deux familles
reflètent un changement dans le chimisme par l’absence de W et de Co. En
outre Zn ne se corrèle plus avec Pb et Cd se corrèle exclusivement avec Zn.

Ces premiers enseignements incitent à penser que dans la structure sud, qui à
priori parait continue, nous sommes en présence de 3 types de métallotectes
avec des minéralisations différentes. Dans les niveaux travaillés actuellement, les
parties orientale et occidentale se singularisent par des minéralisations mixtes
Pb-Zn chacune possédant un cortège géochimique spécifique. La partie centrale,
du filon d’Ighrem Aoussar, se distingue par sa minéralisation à dominante
plombifère et par son cortège géochimique. Il est possible que nous ne soyons pas
dans un même niveau structural et que la mixité des minéralisations rencontrée
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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

dans les niveaux élevés des deux parties extrêmes corresponde à une
minéralisation d’une tranche surmontée tectoniquement. Si cette thèse se
vérifierait, cela signifierait que des minéralisations plombo-argentifères seraient
susceptibles d’être rencontrées plus en profondeur. Des orientations de
recherches s’engagent en ce sens.

Cette approche sera exportée vers les autres structures du district, notamment les
filons nord et centraux. Beaucoup de choses restent encore à réaliser dans ce
district à Pb/Zn qui peut être considéré comme majeur dans son type. La trentaine
de kilomètres de structures, à fort enracinement, peut révéler certains objectifs
aussi intéressants qu’Ighrem Aousser dont les modestes dimensions (1300m
latéralement, 700m de profondeur) déterminent plus des potentialités estimées à
plus de 3 millions de tonnes de minerai renfermant plus de 300.000 tonnes de
plomb et 600.000 kg d’argent.

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Le plomb au MAROC par A. WADJINNY
Chronique de la recherche minière - 1998

Références bibliographiques :
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région minéralisée de Jbel Aouam (Maroc central). Notes et Mémoires du Service
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Touissit-Bou Beker ( Maroc nord oriental ) ( Table ronde de Touissit ) - en cours de
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Cheilletz A.,1983 – Le contrôle structural des minéralisations filoniennes en
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Cheilletz A.,1984 - Contribution à la gitologie du district polymétallique ( W- Mo-
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Sciences- CRPG- ENSG.
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