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TITRE DE LA THESE
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1
REMERCIEMENTS
Je remercie vivement toute la famille ZOUNGRANA, mon défunt père, ma mère, mes
frères, ma sœur, Sylvie LUMET, Magali MAREY ainsi que toutes les personnes qui, de façon
directe ou indirecte, m’ont soutenu matériellement ou moralement à la réalisation de ce
projet.
2
ABREVIATIONS
Al: Alinéa
AIDE:
Aff: Affaire
Art: Article
Bull: Bulletin
COM: Commission
Rec: Recueil
Rev: Revue
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION…………………………………………………………………………….5
PARTIE I- LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS PAR DES NORMES
COMMUNAUTAIRES DE REGULATION DES MARCHES…………………………26
Titre I- La protection des intérêts économiques des consommateurs grâce à une
réglementation de la concurrence………………………………………………………….…28
Chapitre I- Un encadrement juridique communautaire de la liberté de concurrence profitable
aux consommateurs…………………………………………………………………………29
Chapitre II- Un contrôle communautaire de la liberté de concurrence dans l'intérêt collectif
des consommateurs…………………………………………………………………………...76
Titre II- La régulation des contrats de consommation par des dispositions nationales
embryonnaires……………………………………………………………………………….240
Chapitre I- La protection des consommateurs de l’UEMOA par un régime juridique général
applicable à tous les contrats de consommation……………………………………………241
Chapitre II- Les perspectives communautaires dans le cadre de la protection des
consommateurs de l’UEMOA………………………………………………………………278
CONCLUSION……………………………………………………………………………..299
4
Introduction générale
1
Union Economique et Monétaire Ouest Africaine est une organisation sous-régionale de huit États d'Afrique de
l'Ouest : Cote D'ivoire, Burkina-Faso, Benin, Mali, Niger, Guinée, Togo, Sénégal. Créée en 1994, elle est passée
à des étapes successives (la zone préférentielle douanière, la zone libre d'échange, l'union douanière, le marché
commun, l'union économique) pour aboutir à sa phase finale qui est l'intégration économique.
5
une idée, une situation, un problème »2. Nous l’utilisons dans le cadre de cette étude, pour
non seulement offrir au sujet une dimension exponentielle, c’est-à dire, l’ouvrir vers un vaste
champ de questionnement sur la protection des consommateurs de la zone UEMOA, mais
aussi pour essayer de trouver d’éventuelles explications aux questions relatives.
Le choix de notre contexte d’étude, notamment l’espace UEMOA n’a pas été
arbitraire. Il se justifie en partie par les ambitions que cette organisation s’est fixées. En effet,
malgré le nombre pléthorique d’organisations africaines, l’UEMOA semble être la seule
véritable organisation d’intégration économique3. La plupart des organisations régionales, à
l’instar de l’OHADA, de l’OAPI, etc., sont plutôt des intégrations juridiques, et ne créent pas
en effet un marché communautaire. Ce choix se justifie également par la proximité législative
des Etats membres de l’UEMOA. En effet, les législations de ces derniers sont inspirées
généralement du système Romano-Germanique. En outre, ils sont quasiment membres des
mêmes organisations régionales africaines.
6
demeurent des exemples concrets de nos affirmations ci-dessus7. En outre, étant donné que les
Etats de l’UEMOA sont aussi des acteurs actifs et concernés par la mondialisation, leurs
législateurs ont tendance à s’inspirer des législations des Etats de culture juridique plus
développée et de celles des organisations internationales afin d’améliorer les leurs, d’où
l’abandon tacite du mimétisme juridique au profit de la méthode comparative.
7
pourrons voir dans quelles mesures ces matières délaissées par les législateurs
communautaires pourraient faire l’objet d’une harmonisation ou d’une uniformisation afin
d’améliorer le niveau et la qualité de protection des consommateurs au sein du marché
commun. Enfin, dans les domaines où il y a une absence totale d’encadrement juridique
national et communautaire, les législations, la jurisprudence et la doctrine européennes seront
nos sources d’inspiration de prédilection pour cerner les cas de vide juridique et de mesurer
leur impact sur la qualité et le niveau de protection des consommateurs au sein du marché
commun de l’UEMOA.
Quant à la définition des expressions juridiques, nous entamerons d’abord par celle de
la notion de consommateur. Elle a été définie de façon générale pour la première fois par le
président Kennedy lors du Congrès Américain en 1962 : « Les consommateurs, nous tous, par
définition »10. En droit européen comme en droit français, il semblerait qu’il n’existe pas
expressément de définition légale de la notion de consommateur11. Mais une analyse des
dispositions consuméristes nous permet de voir que les bénéficiaires de la protection
consumériste peuvent être appréhendés de façon extensive ou restrictive. En effet, au regard
des textes et la jurisprudence, le terme « consommateur » se définit en se référant, soit à une
catégorie de personne (physique non-professionnelle), soit à une catégorie d’actes (achat de
biens ou de services pour une utilisation personnelle ou familiale), soit aux deux à la fois
(personne morale ou professionnelle qui intervient en dehors de ses compétences)12. Ainsi,
lorsqu’il s’agit de protéger les intérêts économiques du consommateur, c’est la conception
restrictive qui prévaut, sauf dans le cas de la directive du 10 Septembre 1984 relative à la
publicité trompeuse13. En revanche, c’est la définition extensive qui prévaut lorsqu’il s’agit de
protéger la sécurité et la santé du consommateur14. Contrairement aux définitions prétoriennes
du droit européen et français, la notion de consommateur est définie par le législateur de
l’UEMOA comme, « toute personne physique ou morale qui achète ou offre d'acheter, utilise
ou est bénéficiaire en tant qu'utilisatrice finale, d’un bien, service ou technologie, quelle que
soit la nature publique ou privée, individuelle ou collective des personnes ayant produit,
facilite leur fourniture ou leur transmission »15. Cette définition fait ressortir clairement que
10
Voir Yves PICOD et Hélène DAVO, « Droit de la consommation », 2ème éd., SIREY, 2010, p.2.
Ibid, p.22-23.
11
Voir CJCE 22 novembre 2001, Rec.I.9049, point 15 à 17. Et Civ. 1ere, 24 Janvier 1995, D. 1995. Et Com.14
12
8
la personne morale peut être également assimilée à un consommateur lorsque cette dernière
agit en dehors de son domaine de compétence. Même sans aucune jurisprudence en la
matière, nous pouvons tenter d’interpréter l’expression « bénéficiaire en tant qu’utilisatrice
finale » du législateur de l’UEMOA au même titre que les récentes jurisprudences française et
européenne.
Nous pourrons déduire des différents textes, notamment, français, UE, UEMOA que le
consommateur n’est rien d’autre que la partie faible lors de ses rapports contractuels et
extracontractuels avec un professionnel. Ainsi, le consommateur se définit par opposition au
professionnel. Ce dernier se définit essentiellement comme « la personne qui exerce
habituellement une activité de production, de distribution des biens ou de prestation de
services, proposés à autrui afin de les lui faire acquérir »16. Dans le même sens, le législateur
de l’OHADA, en assimilant le professionnel au commerçant, le définit comme « toute
personne qui fait de l’accomplissement d’actes de commerce par nature sa profession
habituelle »17.
Nous entendons par « protection des consommateurs », toutes les mesures juridiques
et institutionnelles permettant de préserver la liberté de choix des produits et des
professionnels, les intérêts économiques, la qualité et la sécurité sanitaire des produits, la
santé et le bien-être des consommateurs, l’équilibre contractuel ainsi que toutes celles
relatives aux modalités de règlement des contentieux de la consommation dans un contexte de
libéralisme économique. Une telle appréhension de l’expression « protection des
consommateurs » permet de mettre en évidence les objectifs du droit de la consommation. En
effet, les ambitions du droit de la consommation ne semblent pas considérablement évoluer
dans le temps, ni dans l’espace. Il a toujours eu pour mission principale d’assurer un ordre
public économique et social. Mais, c’est surtout son étendue et sa démarche qui semblent
beaucoup évoluer, dans la mesure où, d’une part, les personnes assujetties à ce droit sont
16
Voir Gilles TAORMINA, Théorie et pratique du droit de la consommation: aspects généraux et contrats
spéciaux, PUAM, 2004, p. 74.
17
Voir l’article 2 de l’AUDCG/OHADA. A cet effet, l’article 3 du même actes uniformes définit les actes de
commerce par nature comme, « celui par lequel une personne s’entremet dans la circulation des biens qu’elle
produit ou achète ou par lequel elle fournit des prestations de service avec l’intention d’en tirer un profit
pécuniaire. Ont notamment le caractère d’actes de commerce par nature : - l’achat des biens, meubles ou
immeubles en vue de leur revente ; - les opérations de banque, de bourse, de change, de courtage, d’assurance
et de transit ; - les contrats entre commerçants pour les besoins de leur commerce ; - l’exploitation industrielle
des mines, des carrières et de tout gisement de ressources naturelles ; - les opérations de location des meubles ;
- les opérations de manufactures, de transport, et de télécommunication ; - les opérations des intermédiaires de
commerce, telles que, la commission, le courtage, l’agence ainsi que les opérations d’intermédiaire pour
l’achat, la souscription, la vente, la location d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou des parts de
société commerciale ou immobilière ; - les actes effectués par les sociétés commerciales ».
9
diverses et ne semblent pas se limiter uniquement aux seules personnes entretenant une
relation directe (contractuelle) avec un professionnel, et d’autre part, le droit de la
consommation ne se limite plus aux seules mesures préventives des lois de police. Il semble
devenir aussi et surtout un droit curatif et tente même d’innover des nouvelles techniques de
règlement non juridictionnel des litiges relatifs à la consommation18 et des mécanismes de
défense collective des intérêts des consommateurs19. Ce dernier point, avec sa philosophie de
rassemblement dans le but de défendre un intérêt commun, est l’une des évolutions
considérables du droit de la consommation et cela semble beaucoup inspirer les législateurs
communautaires. C’est dans ce sens, que notre étude tentera de démontrer que l’état d’esprit
qui anime cette technique de défense collective des intérêts des consommateurs est
transposable à l’échelle communautaire. Elle pourra être bénéfique aux consommateurs,
surtout dans un contexte de libéralisme économique et d’intégration économique. Elle
implique que les différents Etats membres d’un espace économique abandonnent une partie de
leur souveraineté législative au profit d’une organisation supranationale dotée de diverses
institutions qui seront en charge de la production normative et du contrôle de celles-ci sur
toute l’étendue du territoire communautaire. Aussi, c’est cette même philosophie qui a
sûrement animé le département des affaires économiques et sociales des Nations-Unies à
adopter des principes directeurs pour la protection des consommateurs en 199920. A cet effet,
soulignons que ces derniers n’ont pas de valeurs juridiques contraignantes, ni d’effet
immédiat dans l’ordonnancement juridique des Etats, mais pourront toutefois être appréciés
comme un cadre de référencement dans l’œuvre législative consumériste des Etats ou des
organisations régionales. Encore plus loin, c’est le même état d’esprit qui a impulsé autrefois
la création de plusieurs organisations internationales, comme entre autres, l’ONU, l’OMC,
l’OIT, l’OMS, le Codex alimentaire, voire l’établissement d’un ensemble de corpus de règles
à valeur universelle.
18
Il s’agit essentiellement de la directive du 13 juin 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de
consommation, transposée le 9 juillet 2015 et Règlement (UE) n°524/2013 du Parlement européen et du Conseil
du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation et modifiant le règlement (CE) n°
2006/2004 et la directive 2009/22/CE (règlement relatif au RLLC), transposé le 9 janvier 2016.
19
Pour de plus amples informations, voir, Mélanie LECLERC, Les class actions, du droit Américain au droit
Européen, LARCIER, 2012.
20
Voir le lien suivant : http://www.consumersinternational.org/media/33869/consumption_fr.pdf.
10
difficultés et celle des solutions dans la protection des consommateurs. D’emblée, il faut
souligner que l’intégration économique est empiriquement dérivée de la philosophie libérale
du XIXème dont les principaux précurseurs furent entre autres, Adam SMITH, David
RICARDO, John STUART-MILL, Jean-Baptiste SAY21. Pour bien cerner cette notion
« d’intégration économique », il est important de faire plusieurs remarques. D’abord, la notion
« d’intégration » prise isolement est un concept polysémique et peut être appréhendée sur
plusieurs angles, notamment socioculturel, monétaire, juridique et économique22. C’est
naturellement ce dernier volet de l’intégration qui nous intéressera dans le cadre de cette
étude. Aussi, la notion « d’intégration économique » ne doit pas être confondue à celle de la
« coopération »23. Certes dans les deux situations, il s’agit des formes de collaboration et de
concertation interétatiques, mais la grande différence entre elles, est que l’intégration
économique apparait comme une forme de coopération plus poussée entre des Etats,
puisqu’elle ôte aux différents Etats leur souveraineté législative dans les domaines bien
déterminés préalablement par le traité constitutif de l’organisation en cause. Dans le même
ordre d’idée, le lexique des termes juridiques l’appréhende comme « la fusion de certaines
compétences étatiques dans une organisation internationale supranationale »24. Ainsi, nous
pouvons retenir essentiellement de la notion « d’intégration économique » comme un marché
commun auquel on ajoute l’unification des politiques économiques25.
Pour mieux cerner cette intégration économique, il serait utile de remonter un peu plus
loin dans son histoire pour retenir que le libéralisme économique des Etats de l’UEMOA a vu
le jour vers les années quatre-vingt dix (1990) suite à divers facteurs. En effet, il faut
souligner que si cette intégration économique a eu comme source préliminaire la liberté du
commerce et de l’industrie, proclamée généralement par les textes fondamentaux des Etats26,
elle a été aussi et surtout propulsée par le nouvel ordre économique mondial avec notamment
la nouvelle politique économique imposée par les institutions de Bretton Woods et des
accords de GATT. Aussi à l'échelle internationale, la liberté de commerce et de la
21
Voir Dominique CARREAU et Patrick JULLIARD, Droit international économique, Dalloz 2è éd., 2005, p.2.
22
Voir Amadou Yaya SARR, L’intégration juridique dans l’union économique et monétaire ouest-africaine
(UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), PUAM,
collection de l’institut de Droit des Affaires, 2008, p.22.
23
Le terme coopération peut être employé dans plusieurs disciplines de droit, notamment en droit administratif,
judiciaire, et européen. Dans le dernier cas, elle se présente comme une forme de concertation des politiques
étrangères des Etats membres des Communautés européennes. Voir, Lexique des termes juridiques, Dalloz,
2015-2016, p. 292.
24
Ibid, p. 578.
Voir Luc Marius IBRIGA, Saïd Abou COULIBALY et Dramane SANOU, droit communautaire ouest-
25
11
concurrence a été principalement gouvernée et impulsée par le célèbre principe de « la liberté
des échanges et de la concurrence » de l'OMC27. A l’échelle communautaire ou régionale, elle
a été jalonnée et accentuée par le développement considérable des marchés régionaux et sous-
régionaux par le biais des organisations régionales, que sont entre autres, la CEDEAO et
l’UEMOA. Notre réflexion portera spécialement sur le marché commun édifié par cette
dernière organisation et il serait donc opportun que nous essayons de cerner son historique,
son évolution, son organisation et son fonctionnement, ses objectifs ainsi que ses différentes
conséquences.
D’abord, soulignons que l’actuelle UEMOA est le résultat d’un long processus
d’intégration incarnant une volonté politique des Etats de s’unir pour créer un vaste territoire
au sein duquel les personnes, les biens et les services peuvent librement circuler créant ainsi
un marché commun dynamique et propice aux affaires, susceptible de faire face aux enjeux de
la mondialisation et implicitement créer une citoyenneté ouest-africaine. Cette prise de
conscience des Etats, semble s’inscrire dans la continuité des projets coloniaux qui avaient
commencé à regrouper les Etats africains en plusieurs fédérations, que sont : l’Afrique
Occidentale française (AOF), l’Afrique Equatoriale française (AEF), la Communauté de
l’Afrique Orientale (CAO), la Fédération Rhodésie et de Nyassaland (FRN)28. Au lendemain
des indépendances, plusieurs auteurs29 ont hardiment soutenu l’idée d’une Afrique unie, mais
c’est au plan monétaire, notamment avec la Zone Franc que cette idée a beaucoup porté ses
fruits30. En effet, la Zone Franc, avec ses origines plus lointaines31 a beaucoup inspiré la
création de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA). Cette organisation, créée en 1962 ne
27
Organisation mondiale du commerce(OMC) est créée depuis 1994-1995 pour succéder au GATT avec deux
missions, d'une part, promouvoir la libéralisation des échanges par des négociations multilatérales entre le plus
grand nombre possible d'États; d'autre part, assurer par un mécanisme institutionnel (organe de règlement des
différends, ORD), le règlement des différends commerciaux entre les 152 États membres.
28
Voir Amadou Yaya SARR, op.cit., p.22.
29
Il s’agit par exemple de Léopold Sédar SENGHOR, Kwamé NKOURMAH et de Cheik Anta DIOP. Au plan
européen, historiquement, même si l’idée d’une unification européenne date au lendemain de la deuxième guerre
mondiale (1945-1949), l’idée fondatrice de la première Communauté européenne a été officiellement déclarée
par Robert SCHUMAN le 9 mai 1950. En effet, ce dernier « proposait de mettre en commun la production
franco-allemande de charbon et d’acier afin de créer une organisation qui sera dirigée par une « Haute autorité »
et d’ouvrir cette organisation aux autres Etats européens ». Ensuite, le marché commun s’est concrétisé vers
1957 par le biais de deux Traités de Rome, qui seront maintes fois modifiés pour donner naissance à l’ « Union
européenne » vers les années 88 et 93. Enfin, le Traité de Maastricht (1993-1994), en passant par celui
d’Amsterdam (1995-1999), de Nice (2000-2004) et de Lisbonne (2005-2009 et 2010-2012) ont donné jour à la
nouvelle version de l’Union européenne. Pour de plus amples informations, voir Jacques PERTEK, op. cit.
30
Voir Amadou Yaya SARR, op.cit., p.22-23.
31
En effet, la Zone Franc existait bien avant la guerre de 1939, mais c’est le 9 septembre 1939 qu’elle a été
formellement créé. Ensuite, le 25 septembre 1945 fut créé FCFA (Franc des colonies françaises d’Afrique), puis
en 1955, fut crée la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest).
12
comptait que six (06) Etats d’Afrique de l’Ouest, notamment, le Burkina Faso, le Benin, la Côte
d’Ivoire, le Niger, le Togo et le Sénégal.
32
Voir l’article 16 du Traité de Dakar de 1994.
33
En droit comparé, sauf la Cambre consulaire, les organes de l’UEMOA précédemment cités sont à l’image de
ceux mentionnés par l’article 13 TUE. En effet, cet article prévoit sept (07) organes que sont, le Parlement, le
Conseil européen, le Conseil, la Commission, la Cour de Justice de l’union européenne, la Cour des comptes, la
Banque Centrale européenne.
34
Voir l’article 5 du Traité de l’UMOA auquel renvoie l’article 18 du Traité de Dakar.
35
Voir l’article 114 du Traité de Dakar.
13
Chefs d’Etats et de Gouvernements fixe les grandes orientations des activités36, tranche des
questions qui n’ont pas pu être résolues par le Conseil des Ministres37, adopte des actes
additionnels38 et révise le Traité constitutif39. Cet organe, dans sa composition, ressemble
beaucoup au Conseil européen mais se distingue légèrement de celui-ci par son
fonctionnement. En effet, la Conférence des Chefs d’Etats et des gouvernements de
l’UEMOA agit dans son fonctionnement comme un véritable organe législatif lorsqu’elle
prend des Actes additionnels, contrairement au Conseil européen qui n’exerce pas de tel
pouvoir législatif ni de fonction budgétaire40. Aussi, le vote à l’unanimité pour l’adoption des
Actes additionnels qui est exigé dans plusieurs domaines du Traité de l’UEMOA41, ne
demeure qu’une exception au sein du Conseil européen à côté d’autres modalités de vote42.
S’agissant du Conseil des Ministres, il regroupe les ministres des Etats membres et est
une sorte d’organe d’exécution des orientations définies par la Conférence des Chefs d’Etats
et des Gouvernements43. À cet effet, à l’instar du Conseil44, il est compétent pour adopter des
règlements, des directives, des décisions45 et toutes les autres mesures relatives au budget46 et
aux affaires internationales de l’organisation47. Dans son œuvre législative, le Conseil des
Ministres est assisté par un Comité d’Experts48 qui est chargé de préparer les travaux et les
délibérations de celui-ci. Pour l’adoption des dispositions au sein du Conseil des Ministres,
36
Voir l’article 8 du Traité de Dakar.
37
Voir l’article 114 du Traité de Dakar.
38
Voir l’article 19 alinéa 2 du Traité de Dakar.
39
Voir l’article 27 du Traité de Dakar.
40
Voir l’article 15 TUE, Paragraphe (I).
41
Voir les articles 42, 55, 56, 57, 58, 59, 64, 74, 111 et 112 du Traité de Dakar. À cet effet, la Conférence des
Chefs d’Etats et des Gouvernements ont adopté plusieurs Actes additionnels portant sur des domaines divers. Il
s’agit entre autres, du Protocole additionnel n°/2001, instituant les règles d’origines des produits de l’UEMOA
adopté le 19 décembre 2001; du Protocole additionnel n° IV, modifiant et complétant le Protocole additionnel n°
II, relatif aux politiques sectorielles communes de l’UEMOA, adopté le 29 janvier 2003; Acte additionnel
n°04/99 portant Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les pays de l’UEMOA;
Acte additionnel n°04/96 instituant un régime tarifaire préférentiel transitoire des échanges au sein de l’UEMOA
et son mode de financement; Acte additionnel n°03/2001 portant adoption de la politique agricole commune de
l’UEMOA ; Acte additionnel n°04/2001 portant adoption de la politique énergétique commune de l’UEMOA ;
Acte additionnel n°03/2003 modifiant celui de 04/99.
42
Il s’agit entre autres, du vote à la majorité simple ou qualifiée, du vote à la pondération des voix du Conseil.
Par ailleurs, certains domaines, notamment en matière fiscale, de protection sociale, de la sécurité sociale,
d’adhésion de nouveaux membres, (…), considérés comme très sensibles demeurent soumis à la règle du vote à
l’unanimité.
43
Voir l’article 20 du Traité de Dakar.
44
Voir l’article 16 TFUE, paragraphe (I) et (II).
45
Voir l’article 42 du Traité de Dakar.
46
Voir l’article 47 du Traité de Dakar.
47
Voir l’article 84 du Traité de Dakar.
48
Le Comité d’Experts est composé des représentants des Etats membres.
14
c’est la règle de la majorité qualifiée des 2/3 qui est exigée. À cet effet, il a eu l’occasion
d’adopter plusieurs Règlements et Directives portant sur des domaines divers49.
En ce qui concerne la Commission, elle est composée de huit (08) représentants des
Etats nommés par la Conférence des Chefs d’Etats et des Gouvernements 50 et se présente
comme la gardienne du Traité et de toutes les normes qui sont produites par les organes de
l’organisation51. Ainsi, elle est chargée essentiellement des fonctions d’exécution, de
contrôle52, de représentation internationale, consultative, d’information et d’administration53.
Aussi, même si aucune disposition du Traité ne l’a pas expressément affirmé, elle semble
bénéficier d’un monopole de fait dans l’initiative de la production normative de l’Union. En
effet, ce monopole se déduit facilement à la simple lecture de quelques textes du Traité,
notamment les articles 47, 56, 61, 65, 66, qui disposent que, « Le Conseil adopte sur
proposition de la Commission (…) ». Donc, à l’instar de l’article 17 paragraphe (II) du TUE,
l’œuvre législative de l’Union ne peut être effective que sur proposition de la Commission54.
49
Il s’agit entre autres, du Règlement n°03/2007/CM/UEMOA relatif à la mise en place du programme régional
de biosécurité de l’UEMOA ; du Règlement n°03/2002/CM/UEMOA relatif aux procédures applicables aux
ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’union économique et monétaire ouest africaine ; du
Règlement n°04/2002/CM/UEMOA relatif aux aides d’Etats à l’intérieur de l’union économique et monétaire
ouest africaine et aux modalités d’application de l’article 88 (C) du Traité ; du Règlement
n°07/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des végétaux, animaux, et des aliments dans l’union
économique et monétaire ouest africaine ; du Règlement n°03/2010/CM/UEMOA portant schéma
d’harmonisation des activités d’accréditation, de certification, de normalisation et de métrologie dans
l’UEMOA ; directive n°04/2005/CM/UEMOA portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des
marches publics et des délégations de service public dans l’union économique et monétaire ouest africaine ;
directive n°05/2005/CM/UEMOA portant contrôle et régulation des marches publics et des délégations de
service public dans l’union économique et monétaire ouest africaine etc.
50
Voir les articles 27, 28, et 30 du Traité de Dakar.
51
Voir Luc Marius IBRIGA, Saïd Abou COULIBALY et Dramane SANOU, op., cit. p. 61-62.
52
En effet, dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle, la Commission peut être amenée à jouer pleinement le
rôle d’un organe juridictionnel la conduisant à prendre des décisions. Cela a été le cas dans l’affaire de l’Huile
de palm ou de la Norme NS03-072 où la Commission a pris la Décision n°007/2010/COM/UEMOA invitant
l’Etat de Sénégal à retirer la Norme NS03-072 modifiée et les mesures prises pour son application.
53
Voir les articles 12, 26, 42 et 86, 90 du Traité.
54
Pour de plus amples développements, voir Jacques PERTEK, Droit des institutions de l’Union Européenne,
Dalloz, 4ème édition, PUF, 2013, p. 247 et suivantes.
15
chargée de veiller à l’application et au respect du Traité55. À cet effet, elle a une double
compétence, notamment une compétence consultative et une compétence juridictionnelle.
Dans le premier cas, la Cour de Justice peut être saisie par le Conseil des Ministres, la
Commission ou un Etat membre afin de recueillir son avis sur la compatibilité d’une
disposition nationale ou d’un accord international avec les dispositions du Traité56. Elle peut
aussi être saisie par la Conférence des Chefs d’Etats et des Gouvernements ainsi que par les
autres organes afin de recueillir son avis sur toute difficulté rencontrée dans l’application ou
dans l’interprétation des dispositions relevant de la compétence exclusive de l’ordre
communautaire57. Quant à la compétence juridictionnelle de la Cour de Justice, elle consiste à
contrôler les décisions des autres organes décisionnels en l’occurrence celles de la
Commission58. Ainsi, dans cette mission, la Cour de Justice de l’UEMOA, à l’instar de celle
de l’UE59, incarne bien le rôle d’une juridiction suprême de l’ordre juridique communautaire
et à cet effet, elle a maintes fois adopté des arrêts60.
16
commun et une politique commerciale commune 61. Par ailleurs, l’Union vise à instituer une
coordination des politiques sectorielles nationales, par la mise en œuvre d'actions communes
et éventuellement de politiques communes notamment dans les domaines suivants, ressources
humaines, aménagement du territoire, transports et télécommunications, environnement,
agriculture, énergie, industrie et mines62. Enfin, elle a pour objectif d’harmoniser, dans la
mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les législations des Etats
membres et particulièrement le régime de la fiscalité63. Il ressort clairement de ce qui précède,
que l’organisation s’est construite autour de plusieurs objectifs dont les principaux sont
centrés sur des questions d’efficacité économique. En effet, l’établissement d’un marché
commun ouest-africain semble être l’objectif ultime de l’organisation (UEMOA). Cet objectif
s’est matérialisé par l’adoption de plusieurs règlements et directives relatifs à la réalisation de
quatre libertés fondamentales, notamment la libre circulation des biens, des marchandises, des
personnes, des services et des capitaux, auxquelles vient s’ajouter une politique
d’harmonisation des législations relative à la liberté de la concurrence64.
En tout état de cause, la protection des consommateurs n’était a priori pas inscrite
clairement dans les objectifs du Traité de Dakar. Elle a été par la suite déduite des différents
règlements et directives que l’organisation a adoptées, à l’image des premières années
d’expérience du droit de la consommation européen65.
61
Voir l’article 4 du Traité de Dakar.
62
Ibid.
63
Ibid.
64
Voir Luc Marius IBRIGA, Saïd Abou COULIBALY et Dramane SANOU op., cit. p. 123.
65
En effet, la conception d’une politique en matière de protection des consommateurs apparait dans la
Communauté européenne au milieu des années soixante-dix. Initialement, le Traité de Rome ne l’avait pas
envisagée et a fallu attendre le sommet de Paris en 1972 pour que les Chefs d’Etats et de Gouvernements
manifestent pour la première fois leur volonté d’intégrer la défense des intérêts des consommateurs dans la
17
Le modèle d’intégration économique de l’UEMOA, qui vise entre autres objectifs la
régulation du marché commun, semble beaucoup s’inspirer des premières années
d’expérience de l’UE. A ce titre, nous nous posons la question de savoir, si celle-ci prenait en
compte l’intérêt économique des consommateurs ? Si les ambitions de cette intégration
économique ne se heurteront-elles pas au besoin d’une protection efficace des consommateurs
sur le marché commun ? Et comment concilier les impératifs de cette intégration économique
avec les diverses mesures consuméristes au sein du marché commun ? Autrement-dit, une
divergence significative entre les différentes législations consuméristes nationales ne serait-
elle pas dommageable aux consommateurs ? Enfin, peut-on parler d’un véritable ordre
juridique consumériste ouest-africain?
politique communautaire. Ce texte de référence cite cinq catégories de droits fondamentaux qui constitueront la
base de la législation communautaire en la matière, à savoir: -le droit à la protection de la santé et de la sécurité;
-le droit à la protection des intérêts économiques; -le droit à la réparation des dommages; -le droit à l'information
et à l'éducation; -le droit à la représentation. Pour de plus amples développements voir, Béatrice LAMARTHE,
la défense du consommateur dans l’Union européenne, Collection Réflexe Europe, Paris, 2001, p. 98.
66
Pour de plus amples informations, voir, Bernard GUILLOCHON, Le protectionnisme, éditions la Découverte
et Syros, 2001.
67
Il s’agit entre autres de Friedrich LIST.
68
C’est à cet effet qu’un auteur affirmait que « Afin de luter contre une résurgence du protectionnisme par le
biais de considérations sanitaires, phytosanitaires ou techniques, les États parties à l'accord GATT ont convenu
de réglementer leur utilisation. A cet égard, la protection du consommateur doit être assurée sous deux angles
souvent délicats à conjuguer, d'une part la préservation du libre échange, c'est à dire la liberté de choix à des prix
compétitifs, et, d'autre part, la sauvegarde d'une consommation sécurisée tant du point de vue technique que du
point de vue sanitaire. Voir, Patrick MEUNIER, « Le droit communautaire de la consommation et le droit du
commerce mondial », Actes et colloque de Boulogne-sur-Mer 14 et 15 janvier 2000, travaux de la CEDECE,
p.37.
18
sous-régionales en l’occurrence la CIMA (Conférence Internationale des Marchés
d’Assurance), l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle), la
CEDEAO(Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), la OCAM
(Convention générale Afrique et Malgache en matière de coopération judiciaire) et
prochainement l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation Africaine du Droit des
Affaires). Ainsi, les matières relevant des domaines de ces dernières organisations sont
implicitement retirées de la compétence législative des Etats membres de l’UEMOA, raison
pour laquelle, toute idée d’un éventuel renforcement des dispositions nationales dans lesdites
matières demeure infondée. Cependant, c’est dans les domaines laissés vacants par les
différents législateurs communautaires que cette hypothèse pourrait facilement se hisser dans
le marché commun.
19
réception ou de transformation pour être applicable dans un Etat membre), d’applicabilité
directe ou d’effet direct (s’applique directement aux particuliers qui peuvent en demander
l’application au juge interne) et de primauté (en cas de conflit il l’emporte sur la règle
nationale) »69. Une telle appréhension du droit communautaire nous permettra d’apprécier la
notion de droit communautaire de la consommation. En effet, un auteur prétendait que,
« l'expression droit européen de la consommation n'est pas officielle dans la terminologie
juridique de l'Union européenne, qui a plutôt recours aux termes protection des
consommateurs ou politique des consommateurs pour désigner les textes communautaires
touchant des points relatifs à la matière que les droits nationaux visent par l'expression droit
de la consommation »70. Le silence du législateur européen a d’ailleurs provoqué une forte
controverse doctrinale quant à l’existence d’un droit communautaire de la consommation. En
effet, une partie de la doctrine française, notamment, M. Steinmetz et M. Calais-Auloy est
restée sceptique quant à l’effectivité du droit communautaire de la consommation sous
prétexte que le droit de la consommation n’est pas intégralement couvert par les règlements et
les directives, laissant ainsi une marge de manœuvre aux dispositions nationales des Etats
membres71. M. Fasquelle, quant à lui, soutient ardemment la théorie de l’existence d’un droit
communautaire de la consommation dont les contours sont difficiles à déterminer avec
exactitude72. C’est dans ce sens que nous tenterons d’explorer l’encadrement juridico-
institutionnel de l’UEMOA ainsi que celui d’autres organisations communautaires africaines
afin de voir s’il existe véritablement une protection communautaire des consommateurs de
l’UEMOA au sein du marché commun, à l’instar du droit européen. Ainsi, nous serons
amenés à examiner le rôle majeur du droit communautaire dans le renforcement de la
protection des consommateurs au sein des espaces économiques intégrés et libérés, en
l’occurrence, celui de l’UEMOA. Inévitablement, cela nous conduira à rechercher les
éventuelles conséquences d’une absence d’encadrement juridique et institutionnel
communautaire sur le niveau et la qualité de protection des consommateurs au sein du marché
commun. Dans le même sens, il nous sera utile de mesurer l’efficacité des mesures de
protections élaborées par les différentes dispositions consuméristes nationales et leur
compatibilité avec les impératifs du marché commun.
69
Voir Lexique des termes juridiques, 14ème édition, Dalloz 2003, p.225.
70
Voir Élise POILLOT, Droit de la consommation et uniformisation du droit des contrats, LGDJ, 2006, p.6.
71
Ibid, p. 14
72
Ibid.
20
Notre réflexion portant sur les acquis juridiques communautaires de protection des
consommateurs au sein du marché commun n’est pas sans précédent. En effet, bon nombre
d’auteurs ont précédemment nourri ce sujet avec d’éminents travaux dont nous nous sommes
beaucoup inspirés. En premier lieu, pour la doctrine européenne et française, nous pouvons
citer entre autres, Pascale DEUMIER avec son regard sur « la protection des consommateurs
dans les relations internationales »73 ; Monsieur Fréderic LECLERC dont la thèse portait sur
« la protection de la partie faible dans les contrats internationaux : étude des conflits de
lois »74 fortement inspirée des travaux de certains célèbres spécialistes du Droit international
privé75. Soulignons d’emblée que, même si ces derniers ne traitent pas exclusivement de la
protection communautaire des consommateurs76, ils ont toutefois contribué avec leur travaux
à bâtir la doctrine sur la protection des consommateurs au niveau communautaire. En effet,
notre étude ne portant pas principalement sur les questions de conflit des lois protectrices,
mais sur la protection des consommateurs dans un contexte de libéralisme économique et
d’intégration économique ne saurait ignorer ces questions de conflit des lois. En effet,
l’encadrement juridico-institutionnel communautaire ouest-africain ne semble pas régler
toutes les problématiques liées à la protection des consommateurs. Elle laisse ainsi
implicitement la compétence exclusive aux différents ordres juridiques nationaux, qui sont
plus ou moins divergents.
Quant à la doctrine africaine, plusieurs auteurs ont travaillé sur diverses questions
relatives à la protection des consommateurs77. Les travaux de ces auteurs, même s’ils portent
sur la protection des consommateurs, ne semblent pas répondre exactement à la préoccupation
majeure de notre réflexion. En effet, la doctrine africaine a été animée par plusieurs travaux
73
Voir Pascale DEUMIER, « la protection des consommateurs dans les relations internationales », Études de
droit contemporain-Contribution françaises au 18e Congrès international de droit comparé (Washington D.C.,
du 21-31 juillet 2010), RIDC, N°2 du Avril-Juin 2010, p.273.
74
Voir Fréderic LECLERC, la protection de la partie faible dans les contrats internationaux : Etude de conflits
des lois, BRUYLANT BRUXELLES, 1995.
75
Nous pouvons citer entre autres BATTIFOL, SAVIGNY, etc.
76
En effet, cet auteur attend par « partie faible », tout contractant se trouvant en relation contractuelle avec un
autre plus avisé, plus expérimenté et plus compétent professionnellement. Il s’agit entre autre des salariés, les
locataires, le cautionnaires, les agents commerciaux, etc.
77
Il s’agit entre autres, Momar NDAO, limites de la protection des consommateurs par les autorités de
régulation au Sénégal, mémoire de Master I de l’UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR, 2008;
Moktar ADAMOU, « La valeur de de l’écrit électronique dans l’espace UEMOA », Ohadata D-12-81 ou Rev.
PENANT n°877 Octobre-Décembre 2011, p.502 ; Henry TEMPLE, « Quel droit de la consommation pour
l’Afrique ? Une analyse critique du projet OHADA d’acte uniforme sur le droit de la consommation » Revue
Burkinabé de droit n°43-44, 1er et 2ème semestre 2003. Et Ohadata D-05-26 ; Edouard OUEDRAOGO avec sa
contribution sur « La protection des clients dans les opérations bancaires », Revue Burkinabè de Droit N°46 du
1er septembre 2013, p.131-162 ; Issa SAYEGH, « Le droit Ivoirien de la concurrence », Ohadata, D-06-04 ; A.
S. COULIBALY, « le droit de la concurrence de l'UEMOA », Revue burkinabé de droit n°43-44 du 1er et 2ème
semestre 2003, p.37-77.
21
portant sur divers aspects de la protection des consommateurs, mais est restée un peu muette
quant aux questions relatives à la protection communautaire des consommateurs au sein du
marché commun. Toutefois, quelques auteurs se sont distingués par l’importance de leurs
travaux, enrichissant ainsi la doctrine africaine de nouvel axe de réflexion78.
Après ce regard rétrospectif sur les différents travaux qui ont enrichis la doctrine
africaine relative à la protection des consommateurs au sein du marché commun, nous
pouvons en déduire que ces derniers, pris isolement, ne semblent pas traiter intégralement des
questions afférentes à la protection des consommateurs. C’est ce qui nous a motivé à faire de
la présente étude, une réflexion qui ira au-delà de l’actualité doctrinale africaine afin quelle se
distingue des précédents travaux.
Notre étude ne demeure pas sans limite. En effet, nous avons jugé nécessaire de la
mener en restreignant son champ d’application, c’est-à-dire en excluant un certain nombre de
thématiques accessoires aux questions de protection de consommateurs au sein du marché.
D’abord, pour explorer cette étude portant sur la protection des consommateurs dans un
contexte de libéralisme économique et de marché commun, il serait difficile d’écarter d’office
certaine branche du droit plus ou moins en proximité avec elle. En effet, parmi ces branches,
certaines sont difficilement indissociables des questions de protection des consommateurs au
sein du marché commun et seront à cet effet imbriquées dans cette étude79. Par contre,
d’autres matières, malgré leur proximité avec la question principale de notre étude seront
expressément écartées, du fait de leur moindre impact direct sur la situation des
consommateurs et sur le fonctionnement normal du marché commun80. Ensuite, au sein même
de la branche du droit de la consommation proprement dite, certaines questions seront
totalement écartées, du fait que l’objectif de cette étude ne consiste pas à faire un état des
lieux détaillé de toutes les thématiques juridiques relatives à la protection des consommateurs,
mais de mettre en évidence celles qui peuvent présenter un grand intérêt dans le processus de
la construction du marché commun de l’UEMOA. Enfin, les questions qui sont retenues pour
78
Il s’agit principalement de René NJEUFACK TEMGWA, « Regards sur la protection juridique du
consommateur africain : lecture comparée », RTDA, PENANT n°868, juillet-septembre 2009, p.293-311. Et
Oahadata D-05-26 ; Alassane KANTE, « Réflexions sur le droit de la concurrence et la protection des
consommateurs dans l’UEMOA », RTDA, PENANT n°871, Avril-juin 2010, p.141-166. Et Ohadata D-06-03.
79
Il s’agit essentiellement, du droit commun des obligations contractuelles, du droit pénal, du droit de la
procédure civile, pénale et administrative, du droit commercial, du droit du commerce international, du droit
communautaire, du droit public économique, du droit de la concurrence et de la distribution, du droit
administratif, du droit de l’environnement, etc.
80
Il s’agit essentiellement du droit de travail, du droit de la propriété intellectuelle et des marques, du droit fiscal
ainsi que de l’économie politique, etc.
22
être traitées dans cette étude sont notamment, celles qui ont une influence considérable d’une
part sur la transparence du marché commun et d’autre part sur l’équilibre contractuel entre
professionnels et consommateurs. Il s’agit ainsi de la règlementation et du contrôle des actes
anticoncurrentiels des entreprises et des Etats, le contrôle de la qualité et de la sécurité
sanitaire des produits ainsi que la recherche d’un équilibre contractuel dans les contrats de
consommation au sein du marché commun de l’UEMOA. Ainsi, l’exploration de ces
différentes thématiques juridiques doit logiquement nous permettre de cerner les difficultés
liées à la protection des consommateurs de l’UEMOA dans sa perspective d’intégration
économique ainsi que les pistes de solutionnement qu’apporte le droit communautaire à cet
effet.
Pour des raisons de simplicité dans l’organisation de notre démonstration nous avons
décidé de mener cette réflexion principalement sur deux (02) angles. L’analyse de chaque axe
d’étude devra nous permettre d’une part de répondre à la problématique de base
précédemment soulevée, et d’autre part de soutenir l’hypothèse défendue dans cette étude. Par
ailleurs, le choix de l’ordre des différentes parties de l’étude n’a pas été arbitraire. En effet,
étant donné que l’objectif principal de cette étude consiste à rechercher les acquis juridiques
de protection communautaire des consommateurs de la zone de l’UEMOA, il serait
pragmatique de classifier ces différentes parties selon leur degré de réalisme. Dans cette
optique, nous évoluerons en suivant un ordre décroissant de réalisme des mesures de
protection communautaire. Ainsi, nous commencerons en premier lieu à analyser les aspects
de protection consuméristes qui sont déjà fortement sous l’emprise de la législation
communautaire. Ensuite, nous verrons ceux qui sont moins influencés par des dispositions
communautaires. Nous terminerons avec ceux qui sont laissés vacants par le droit
communautaire. A ce titre, les projets d’acte uniforme de l’OHADA relatifs au droit commun
des contrats et au droit des contrats de consommation seront explorés, en tant que perspective
communautaire de protection des consommateurs au sein du marché commun.
L’examen de cette première partie devra sans doute nous permettre de soutenir que
dans sa recherche de moyens de consolidation et d’effectivité du marché commun de
l’UEMOA, le législateur communautaire a contribué à une protection sectorielle des
consommateurs. Cette protection consiste essentiellement à la préservation de la liberté de
choix des produits et des professionnels contractants, d’une part, et d’autre part, à la
préservation de la qualité et de la sécurité sanitaire des produits.
Après avoir étayé l’effectivité du marché commun de l’UEMOA ainsi que ses
ambitions consuméristes par la régulation du marché commun, il reste à voir les autres
conséquences juridiques du marché commun à l’égard des consommateurs, qui ne sont pas
encadrées par ladite organisation.
24
contrats de consommation et la transparence du marché commun. Aussi, l’examen de cette
partie devra nous permettre de voir que la protection communautaire des consommateurs dans
les matières contractuelles demeure toujours sectorielle. Elle semble se limiter à certains
aspects consuméristes et à certains contrats spéciaux. Toutefois, elle est implicitement
complétée par les différentes législations consuméristes embryonnaires des Etats membres.
Ainsi, une approche comparative entre ces dernières aura un intérêt particulier dans le cadre
cette étude. Elle devra nous permettre de voir s’il n’y aurait pas de divergence importante
entre les différentes dispositions consumériste des Etats ou si ces dernières ne seraient pas
incompatibles avec les impératifs du marché commun.
Les deux parties de notre étude sont complémentaires et devront sans doute nous
permettre de soutenir l’hypothèse d’une protection communautaire des consommateurs plus
ou moins élaborée, à l’image des premières années d’expérience de l’ordre juridique
consumériste européen. Ainsi, en explorant la protection indirecte des consommateurs grâce à
la régulation juridico-institutionnelle du marché commun (Partie I), et en mettant en lumière
les acquis juridiques communautaires de protection directe des consommateurs par la
régulation des contrats de consommation au sein du marché commun de l’UEMOA (Partie
II), nous aboutirons à démontrer que la protection communautaire des consommateurs de
l’UEMOA demeure sectorielle et embryonnaire.
Le choix de cette démarche à deux parties se justifie par le fait que, les instruments
juridico-institutionnels relatifs à la protection des consommateurs sont susceptibles d’être
regroupés en plusieurs catégories. Ainsi, nous avons en général des mesures de protection a
priori et celles de protection a posteriori ou des mesures de protection collective et celles de
protection individuelle ou enfin des mesures de protection indirecte et celles de protection
directe. Ces dernières subdivisions semblent nous intéresser dans le cas particulier de la
protection des consommateurs au sein du marché commun, en ce sens qu’elles permettent de
mettre en évidence, d’une part, les mécanismes de régulation du marché commun et, d’autre
part, ceux relatifs à la régulation des contrats de consommation. En outre, elles nous
permettent de mettre en lumière le niveau de réalisme et d’effectivité de la protection
communautaire des consommateurs au sein du marché commun. Enfin, elles nous permettent,
tout au long de notre étude, de suivre l’ordre décroissant de réalisme du dispositif juridico-
institutionnel consumériste communautaire.
25
PREMIÈRE PARTIE
La protection des consommateurs par des normes communautaires de
régulation des marchés
81
Voir Mor BAKHOUM, L'articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans
l’UEMOA, Bruylant S.A. Bruxelles, 2007, p.1.
82
Voir le Traité de Dakar du 10 janv. 1994.
83
Il s’agit notamment du Règlement n°07/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des végétaux, des
animaux et des aliments dans l’UEMOA, du Règlement n°03/2010/CM/UEMOA portant schéma
d’harmonisation des activités d’accréditation, de certification, de normalisation et de métrologie dans
l’UEMOA ; du Règlement n° 03/2002/CM/UEMOA relatif aux procédures applicables aux attentes et abus de
position dominante à l’intérieur de l’Union ; du Règlement n°04/2002/CM/UEMOA relatif aux aides d’Etat à
l’intérieur de l’Union Economique ouest Africaine et aux modalités d’application de l’article 88 (c) du Traité de
Dakar ; le Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de
l’UEMOA.
26
États prennent des mesures abusives susceptibles d'entraver la noble liberté de commerce et
de la concurrence. Cette forme d'harmonisation très rigide par le biais des règlements
communautaires, neutralise toutes les dispositions nationales qui ne respecteront pas l'esprit
des textes communautaires. Cela entraîne la caducité systématique de toute disposition
nationale antérieure ou postérieure au traité de Dakar qui ne serait pas conforme à celui-ci.
Cette supériorité du législateur de l’UEMOA sur les législateurs nationaux tire ses fondements
juridiques, d'une part, du traité constitutif (droit primaire) ainsi que des dispositions
transitoires84 du traité de Dakar et d'autre part, dans les différents textes fondamentaux 85 de
ses États membres. En outre, le législateur communautaire a procédé par une harmonisation
souple des dispositions des Etats Membres en adoptant des directives communautaires dans
certaines matières86.
84
Voir l’article 6.1 Directive n° 02/2002/CM/UEMOA.
85
Exemple de l'article 155 de la Constitution Burkinabé du 11 Décembre 1991.
86
Il s’agit notamment de la Directive N° 01/2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des
finances publiques de l’UEMOA ; la Directive N°01/2002/CM/UEMOA relative à la transparence des relations
financières d’une part, entre les Etats Membres et les entreprises publiques et, d’une autre part entre les Etats
Membres et les organisations internationales ou étrangères ; la Directive N°02/2002/CM/UEMOA relative à la
coopération entre la Commission et les structures nationales.
27
Titre -I-
28
Chapitre -I-
87
Créée en 1964, la CNUCED vise à intégrer les pays en développement dans l´économie mondiale de façon à
favoriser leur essor. Elle est devenue progressivement une institution compétente, fondée sur le savoir, dont les
travaux visent à orienter le débat et la réflexion actuels sur la politique générale du développement, en
s´attachant tout particulièrement à faire en sorte que les politiques nationales et l´action internationale
concourent ensemble à faire naître le développement durable.
88
Voir le rapport de l'ORD consultable sur WT/DS27/AB/R du 9 septembre 1997. En effet, c'est dans ce sens
que l’ORD soutenait dans l'un de ses rapports, que le régime commercial de Lomé IV était discriminatoire, donc
non conforme au droit de l'OMC. Il était discriminatoire car il n'était pas institué dans le cadre d'une zone de
libre-échange ou d'une union douanière comme l'exige l'article XXIV du GATT 1994. Dans la mesure où les
barrières tarifaires et les restrictions quantitatives ne sont supprimées que de manière unilatérale, les produits
ACP ont libre accès au marché communautaire, mais les produits d'origine communautaire ne sont pas exemptés
de droit à l'entrée des marchés ACP. Cependant, pour respecter les règles de l'OMC, l'accord de Lomé a été
modifié.
89
Voir Alassane KANTÉ, « Réflexions sur le droit de la concurrence et la protection des consommateurs dans
l’UEMOA : l'exemple du Sénégal » Recueil d'études sur l’OHADA et l’UEMOA, PUAM, p.591.
29
entreprises, ainsi que de la Directive n°02/2002/UEMOA relative à la coopération entre la
Commission et les structures nationales. L'analyse de la portée de ces réglementations nous
permettra de mieux cerner leurs intérêts dans le cadre de la protection des consommateurs.
Cette forme de protection indirecte des consommateurs consiste, d'une part, à interdire les
ententes et les abus de position dominante des entreprises susceptibles de fausser le jeu
normal de la concurrence sur le marché communautaire et, d'autre part, à réglementer
minutieusement les relations financières des États avec les entreprises publiques ou privées.
Finalement le législateur communautaire dans son œuvre législative a encadré les rapports
entre les entreprises elles-mêmes ainsi que les relations des États membres avec les
entreprises susceptibles d’entraver le marché commun. Dans sa quête de protection du marché
communautaire, l'UEMOA a harmonisé les législations nationales interdisant certaines
pratiques commerciales, que sont les ententes illicites, les abus de position dominante
susceptibles de déboucher sur une situation de monopole ou à imposer le prix des produits et
des services ainsi que les aides susceptibles de fausser le jeu normal de la concurrence. C'est
alors que dans l'espace UEMOA, certaines pratiques commerciales telles que les fusions par
absorption ou par création d'une nouvelle entreprise, les sous-traitances et les coopérations
entre entreprises, bien qu’autorisées par les dispositions de l'OHADA, sont interdites
lorsqu'elles font obstacle à la liberté du commerce et de la concurrence.
30
Nous allons donc nous intéresser à la portée et à l’intérêt de la réglementation de
l’UEMOA en matière de concurrence ainsi qu’à ses différentes implications dans le cadre de
la protection des consommateurs. Ainsi après avoir examiné les comportements des
entreprises dans leurs rapports verticaux et horizontaux susceptibles de causer un désavantage
significatif aux intérêts des consommateurs (Section I), nous analyserons l'impuissance de
l’intervention des Etats dans les affaires privées (Section II).
L'interdiction des ententes et des abus de position dominante des entreprises relève du
Règlement n°02/2002/CM/UEMOA et parallèlement du Règlement n°03/2002/CM/UEMOA.
En France, elle est régie par le livre quatrième (IV) du Code de commerce, conformément aux
articles 101 à 106 et 107 à 109 du TFUE. Après avoir étudié la portée des pratiques
concurrentielles prohibées par le législateur de l’UEMOA (Paragraphe I), nous explorerons
le cas de la concentration d’entreprises qui n’a pas fait l’objet d’un encadrement spécifique
par le législateur de l’UEMOA (Paragraphe II).
90
Voir l’article 3, Règlement n°02/2002/CM/UEMOA.
91
Voir l’article L. 420-1 du C.com. « Sont prohibées, même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société
du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes
expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à ... ».
92
Voir l’article 101 TFUE « sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre
entreprise, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles
d'affecter, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, et notamment
ceux qui consistent à ... ».
93
Voir l’article 7 du Règlement n°02/2002/CM/UEMOA, voir aussi l’article 430-6 al. 1 du C.com. Français de la
loi n°2008-776 du 4 août 2008 et le Règlement n°139/2004/CE.
32
volonté du législateur de prendre en considération l’intérêt économique des consommateurs
dans le contrôle des ententes. C'est dans ce sens que le législateur de l’UEMOA s’est rallié à
la doctrine française et à la jurisprudence européenne. Ces dernières qualifient ainsi les
exemptions individuelles ou catégorielles de programme de clémence94.
Pour mieux appréhender l’intérêt de l'interdiction des ententes illicites, il est nécessaire
d'étudier minutieusement son étendue à travers une conceptualisation de certaines notions
clefs contenues dans les dispositions prohibant ces-dites pratiques. Il s'agit notamment des
notions d'« entreprise », d' « accord et de décision d'association d'entreprises », et de
« marché » pour lesquelles le législateur de l’UEMOA a fourni des définitions s’inspirant de
certaines définitions légales et jurisprudentielles européenne et française.
94
Voir les affaires : AT et T/NCR en 1991 JOUE du 24 janv. 1991, Danish Crown en 2000 JOUE du 25 janv.
2000 et General Electric/Honeywell en 2001.
95
Voir Lexique des termes juridiques, 20eme éd. Dalloz 2013, p.387.
96
Voir l’article 32 du règlement précise que les annexes font parties intégrantes du présent règlement.
97
Voir l’article. 1832 et suivants du C. civ. français, article. L.210-1 et suivants du C. cons. français.
33
l’UEMOA98, notamment celle consacrée par l’article 4 alinéa 1er de l’acte uniforme sur le
droit des sociétés commerciales de l’OHADA. Il dispose que, « La société commerciale est
créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter à une
activité des biens en numéraire ou en nature, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter
de l’économie qui pourra en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les
conditions prévues par le présent Acte uniforme ». L’article 5 du même Acte uniforme ajoute
que, « La société commerciale peut être également créée dans les cas prévus par le présent
Acte uniforme, par une seule personne, dénommée associé unique, par un acte écrit ».
Nous pouvons constater un écart mineur entre la notion d’« entreprise » et celle de
« société ». Cet écart se trouve fondamentalement au niveau de leur forme juridique. En effet,
alors que la notion d' « entreprise » n’est appréhendée que dans sa dimension économique
indépendamment des catégories juridiques résultant du droit des sociétés99, celle de «
société », est à travers ses différentes formes juridiques. Ainsi il apparaît clairement dans
l’arrêt Hydrotherm de 1984 que, « la notion d'entreprise, placée dans un contexte de droit de
la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de
l'objet de l'accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est
constituée de plusieurs personnes, physiques ou morales »100. Par ailleurs, l'annexe n°1 du
règlement 3/2002/UEMOA relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position
dominante à l’intérieur de l’union économique et monétaire ouest africaine dispose que, « les
entreprises peuvent être des personnes physiques, des sociétés civiles ou commerciales ou
encore des entités juridiques ne revêtant pas la forme d'une société ». Ainsi nous pouvons
donc déduire de ce qui précède, que la distinction entre la notion d’ « entreprise » et celle de
« société » est sans intérêt en droit de la concurrence dans la mesure où ce ne sont pas les
formes (entreprises, sociétés) de l’entité économique qui importent le plus dans le processus
du contrôle de la concurrence, mais plutôt ce qui conditionne son existence et son
fonctionnement, notamment son activité économique101. Dans le même ordre d’idée, l’arrêt
Höfner dispose que, « la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité
économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de
98
Il est important de souligner à ce niveau que tous les Etats membres de l’UEMOA font partie de l’OHADA
donc, toutes les dispositions de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales sont intégrées directement dans
leurs ordres juridiques.
99
Voir François BRUNET et Guy CANIVET, Le nouveau droit communautaire de la concurrence, L.G.D.J,
2008, p.19.
100
Voir CJCE, arrêt Hydrotherm 12 juill. 1984.
101
Ibid.
34
financement »102. Cette appréhension de la notion d’entreprise a été suivie littéralement par le
législateur de l’UEMOA dans l'annexe n°1 du règlement 3/2002/UEMOA précitée. On
constate en effet qu’il ressort de ces deux définitions, notamment législative de l’UEMOA et
prétorienne de l'UE, une acceptation large de la notion d’ « entreprise ». En outre, ces deux
définitions partagent quelques caractéristiques communes dont la plus importante est
notamment celle de l’« exercice d'une activité économique ». Mais qu’entendons nous par
« activité économique »? La CJCE considère comme activité économique, « toute activité
consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné »103. Sans une moindre
précision de cette notion de la part du législateur de l’UEMOA, de l’OHADA ainsi que de
leurs organes juridictionnels, nous pensons que les précisions consacrées par la CJCE de
l’UE sont objectivement soutenables104. Cette appréhension de « l'exercice d'activité
économique » afin de qualifier les entités économiques « d'entreprises » nous interpelle sur le
cas du secteur informel qui est très développé sur le marché UEMOA105. En effet, ce secteur
souvent qualifié de secteur hybride n'est pas illégal quant à l'exercice des activités
économiques mais échappe souvent à l'emprise du droit de la concurrence106. Cette situation
pourrait éventuellement porter un obstacle à l’efficacité des contrôles et par ricochet porter
atteinte à la protection des intérêts économiques des consommateurs de la zone de l’UEMOA.
Par ailleurs, la CJCE a donné des précisions par rapport à la catégorie d'« entreprise »
pouvant tomber sous le coup de l'article 101107. En effet, elle a souligné qu'il est impératif que
l'entreprise soit dotée d'une autonomie juridique. Par conséquent, sont exclus du champ
d'application des interdictions faites par l'article précité, les rapports entre les sociétés mères
et leurs filiales108. Quelques années plus tard, cette position de la CJCE a été confirmée dans
l’arrêt Viho en 1996109. Cependant le manque de jurisprudence de la Cour de justice et de la
Commission de l’UEMOA pour apporter plus de précisions sur ce point ne laisse pas pour
102
Voir CJCE, 23 Avril 1991.
103
Voir CJCE, 25 octobre 2001.
104
Voir CJCE, 1er juil.2008, Motoe, aff. C-49/07, R, I 4911 dans lequel il ressort que, « (…) les caisses de
maladie ou les organismes qui concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale remplissent une
fonction de caractère exclusivement social. Cette activité est, en effet, fondée sur le principe de la solidarité
nationale et dépourvue de tout but lucratif. Les prestations versées sont des prestations légales et indépendantes
du montant des cotisations. Il s’ensuit que cette activité n’est pas une activité économique et que, dès lors, les
organismes qui en sont chargés ne constituent pas des entreprises au sens des articles 101 et 102 TFUE ».
105
Le secteur informel représente plus de la moitié du PIB et 80% de l'emploi total du marché UEMOA. Voir,
MBAYE (A.-A.), « Le secteur informel, l'environnement des affaires et la croissance dans les pays de
l’UEMOA », étude du centre de Recherche Économiques appliquées(CREA), citée par Mor Bakhoum, op.cit.,
p.36.
106
Voir Mor Bakhoum, op.cit., p.36.
107
Voir CJCE, 31 oct. 1974, aff. C-15/74, Centrafarm.
108
Ibid.
109
Voir CJCE, 24 oct. 1996, aff. C-73/95, Viho Europe.
35
autant la situation obsolète. En effet, l'expression « jouissant d'une autonomie de décision » du
dernier alinéa de la note n°1 de l'annexe n°1 du règlement précité semble aller dans le même
sens que les jurisprudences de la CJCE précitées. En outre, le législateur ne fait pas de
distinction entre les entités publiques ou privées. De façon synthétique, ne sont concernées
par l'interdiction des articles précités, que les entités économiques jouissant pleinement d'une
autonomie juridique et économique et qui proposent sur le marché communautaire des biens
et services indépendamment de leur statut juridique. Autrement dit, il s’agit des entités
économiques concurrentes sur un marché déterminé.
Après avoir cerné les « entreprises » pouvant faire l’objet d’un contrôle en droit de la
concurrence, il reste maintenant à voir quelles sont les formes de complicité entre elles
pouvant être traitées d'ententes illicites.
Le législateur de l’UEMOA ne donne pas assez de précision par rapport à l'étendue des
notions d'« accord », de « décisions d’association d’entreprises » et de « pratiques
concertées » et laisse ainsi à la Commission un large pouvoir d’interprétation110. En l’absence
de jurisprudence de la part de celle-ci, nous nous contenterons, dans cette étude, de faire une
analyse de la législation de l’UEMOA suivie d’un regard croisé du droit et la jurisprudence
européen et français afin de bien cerner ces notions.
36
large de la notion d’« accord ». En effet, la CNC Sénégalaise, dans une jurisprudence
prometteuse disposait que, « (...) l'entente est constituée dés lors qu'il existe un accord de
volonté non équivoque entre plusieurs parties; que cet accord peut constituer soit en un
contrat véritable, soit en un arrangement quelle qu'en soit la forme ou la qualification
(déclaration d'intention, protocole...) »111. Cette appréhension large de la notion d’accord par
la jurisprudence de la CNC du Sénégal112, semble s’inspirer de la jurisprudence européenne.
En effet, la CJCE dispose que « pour l'application de l'article 101 paragraphe 1 du Traité CEE,
il suffit que la stipulation mise en cause soit l'expression de la volonté des parties. Il n'est pas
nécessaire qu'elle constitue un contrat obligatoire et valide selon le droit national »113. Ainsi le
législateur de l’UEMOA dispose que l’existence d’un accord entre les parties ne nécessite pas
un contrat écrit pour tomber dans le champ d’application de l’Article 88 paragraphe (a) du
traité de Dakar114. Nous pensons que l’acceptation large de cette notion par la jurisprudence
européenne est objectivement plausible en droit de la concurrence.
Quant aux « décisions d'association d'entreprises », il faut entendre par là, selon l'esprit
de l'article 101 TFUE, celles qui émanent d'organismes professionnels ne constituant pas par
elles-mêmes des entreprises, mais rassemblant des entreprises et chargées de veiller à leurs
intérêts communs (ordres professionnels, syndicats, corporations, associations proprement
dites)115. Ainsi, ont été qualifiées de décision d'association d'entreprises, l'ordre néerlandais
des avocats116, et la FIFA117. Selon la législation de l’UEMOA, elles se manifesteront
notamment sous la forme de délibération des associations professionnelles118. A ce titre, on
pourrait s’interroger sur la différence entre la notion d'« accord » et celle de « décisions
d'association d'entreprises ». Cette différence n'est pas évidente et n'a pas trop d'importance
dans la mesure où les associations d'entreprises sont souvent précédées de multiples accords.
111
Voir la Décision n°01-D-01 de la Commission Nationale de la Concurrence (CNC) du 16 oct. 2001 relative à
des pratiques mises en œuvre par la Fédération Sénégalaise des Sociétés d'Assurance (FSSA) dans le secteur des
assurances.
112
En effet la jurisprudence de la CNC du Sénégal précitée est antérieure au règlement UEMOA. Puisque, après
l'adoption de la législation communautaire, les organes communautaires détiennent quasiment le monopole de
toutes compétences judiciaires dans les matières régies par le droit communautaire.
113
Voir TPI 24 jan. 1991, petrofina c/Commission, aff. T-2/89.
114
Voir la note 2 de l'annexe n°1 du règlement 3/2002/UEMOA.
115
Voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, Droit de la concurrence, droit interne et droit de l'union
européenne, L.G.D.J, 4è éd., 2010, p.313.
116
Voir CJCE, 19 fév. 2002.
117
Voir TPICE, 26 jan. 2005.
118
Voir la note 2 de l'annexe n°1 du règlement 3/2002/UEMOA.
37
de l’arrêt ICI de 1972, qu'une pratique concertée est « une forme de coordination entre
entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite,
substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence et que
par sa nature même, la pratique concertée ne réunit donc pas tous les éléments d'un accord,
mais peut notamment résulter d'une coordination qui s'extériorise par le comportement des
participants »119. La Cour de justice a ajouté qu'elle se caractérise par la réunion de trois
éléments notamment, -une concertation entre entreprises; -un comportement sur le marché
faisant suite à cette concertation; -un lien de cause à effet entre ces deux éléments120. Plus tard
le TPI a défini les « pratiques concertées» comme, « toute prise de contact direct ou indirect
entre opérateurs économiques de nature à dévoiler à un concurrent le comportement que l'on
est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsqu'une telle prise de
contact a pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne
correspondraient pas aux conditions normales du marché »121. Espérons que ces définitions
prétoriennes européennes inspireront l'organe de règlement des contentieux de concurrence de
l’UEMOA dans une affaire récemment en cours de traitement afin de combler l'imprécision
du législateur de l’UEMOA sur la notion de « pratique concertée »122. Toutefois, ce dernier
tente de suivre l'expérience des juridictions européennes lorsqu'il dispose que de simples
comportements parallèles pourront constituer une « pratique concertée »123 sans pour autant
définir ce qui pourrait être considéré comme de «simples comportements parallèles ».
119
Voir CJCE, 14 juil. 1972.
120
Voir CJCE, 8 juil. 1999, aff. Anic Partecipazioni.
121
Voir TPICE, 15 mars 2000.
122
Voir l’affaire Sotelema-Malitel contre Orange Mali, dans laquelle était en cause l'exclusion de Sotelma-
Malitel de la gratuité du rooming que s'accordent certaines entreprises de téléphonie mobile. En effet, les
compagnies de téléphonie mobile du réseau unique s'accordent une gratuité réciproque du rooming entre le
Sénégal et le Mali et Sotelma-Malitel s'est vu refuser cette faveur, n'étant pas membre du réseau.
123
Voir, Annexe n°1 du règlement 03/2002/UEMOA.
124
Voir l’article 3 du règlement 2/2002/UEMOA.
38
énumérant les effets susceptibles de rendre lesdites pratiques illicites125. Il appartiendrait donc
à la Commission de les apprécier cas par cas et cela semble suivre la logique des objectifs
visés par les dispositions encadrant l’organisation de la concurrence126. Toutefois, la doctrine
ouest-africaine semble être un peu sceptique au manque d’encadrement clair de ces notions.
C’est dans ce sens qu’elle souligne par la plume de Mor BAKHOUM que, « l’absence
d’exhaustivité dans la définition de l’entente est difficilement conciliable avec le principe de
la légalité des délits et des peines puisqu’elle altère la clarté et la précision qui doivent
caractériser les incriminations pénales »127.
En somme, les ententes, qu’elles soient verticales ou horizontales sont prohibées dès
lors qu’elles portent atteinte au jeu normal de la concurrence sur le marché commun. Par
ailleurs, on ne saurait parler des entreprises ainsi que de comportements prohibés
indépendamment des marchés au sein desquels elles évoluent.
La notion de marché a plusieurs définitions qui partagent entre elles un fond commun.
125
En effet, l’article 3 du règlement 2/2002/UEMOA dispose que « Sont incompatibles avec le Marché
Commun et interdits, tous accords, décisions d’associations d’entreprises ou des pratiques concertées entre
entreprises, ayant pour objet ou pour effet de restreindre (…) » et notamment ceux qui consistent en :- des
accords limitant l’accès au marché et à la libre concurrence par d’autres entreprises ; - des accords visant à
fixer directement ou indirectement le prix, à contrôler le prix des vente, et de manière générale à faire obstacle à
la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant leur hausse ou leur baisse, en particulier des
accords entre entreprises à différents niveaux de production ou de distribution visant à la fixation du prix de
revente ; - des répartitions des marchés ou des sources d’approvisionnements, en particulier des accords entre
entreprises de production ou de distribution portant sur une territoriale absolue ; -des limitations ou des
contrôle de la production, des débouchés, du développement technique ou des investissements ; - des
discrimination entre partenaires au moyen des conditions inégales pour des prestations équivalentes ; - des
subordinations de la conclusion des contrats à l’acceptation, par le partenaires, de prestations supplémentaires,
qui, par leur nature ou selon leurs usages commerciaux, n’ont pas de liens avec l’objet de ces contrats ».
126
La note 2 de l’annexe n°1 du Règlement précité dispose à cet effet que, « (…). En ce qui concerne la forme
juridique qu’emprunteront ces actes, la Commission appliquera une interprétation large des notions d’accord,
de décisions et de pratiques qui peuvent être regroupés sous le terme ‘‘ententes’’».
127
Voir Mor BAKHOUM, op. cit. p.88.
128
Voir M-C. Boutard LABARDE, G. CANIVET, E. CLAUDEL, V. Michel-Amsellem, J. VIALENS,
L'application en France du droit des pratiques anticoncurrentielles, L.G.D.J, 2008, p.10.
39
Elle se définit de façon générale comme le lieu de rencontre entre l'«offre et la demande »129.
Juridiquement, il est « un espace constitué du territoire des États membres de l'Union
européenne, dans lequel la libre circulation est assurée130 ». On peut identifier plusieurs types
de marché, d'une part, par des critères d'ordres géographiques et, d'autre part, par secteurs
d'activités.
129
L'offre ou pollicitation se définit comme une manifestation de volonté par laquelle une personne propose à
un tiers la conclusion d'une convention. La demande n'est rien d'autre que les besoins de consommation des
ménages.
130
Voir l’article 26 et suivants du TFUE.
131
Pour de plus amples développements, voir André DECOCQ, Georges DECOCQ, op. cit., p.85 et suivantes.
132
Voir note 4 de l’annexe n°1 du Règlement précité relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de
position dominante à l’intérieure de l’union économique et monétaire ouest africaine.
133
Ibid, note 4. Voir, Commission européenne, communication sur la définition du marché en cause aux fins du
droit communautaire de la concurrence, JO, n° C-37 du 9 Dec. 1997, pt. 2.
134
Ibid.
135
Voir l’avis 3/2000/UEMOA.
40
« double barrière »136. En application de cette théorie, le droit européen de la concurrence
aménage une coexistence entre le droit communautaire et les différents droits nationaux, sous
réserve des domaines (concentration et aides d’États) qui sont de la compétence exclusive de
l’UE et du respect de l'application pleine et uniforme du droit communautaire137. Autrement
dit, il y a une coexistence entre les marchés nationaux et celui de l’Union Européenne. Ainsi,
il y a d'un coté, le droit communautaire qui s'applique aux échanges intracommunautaires et,
de l'autre coté, un droit national applicable dans le territoire des États membres. Cela ressort
implicitement dans l'articulation de l'article 101 TFUE qui parle d'ententes « susceptibles
d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet (...) », contrairement à la
théorie de la « simple barrière » en vigueur dans le système de l’UEMOA, en vertu de
laquelle les entreprises ne sont soumises qu'à un seul droit de la concurrence138. Cela fait
présumer l'intention expresse du législateur de l’UEMOA de suppléer l'absence de
dispositions nationales sur la concurrence de certains États membres. Cette théorie a été
confirmée par un avis de la Cour de Justice de l'UEMOA du 3/2002/UEMOA139. Cette
différence de formulation entre les deux textes communautaires, même si elle apparaît
théoriquement sans importance, pourrait soulever d’importantes difficultés dans la pratique
des affaires140. Nous pouvons donc soutenir que sur ce point la législation de l’UEMOA est
légèrement en avance par rapport à celle de l’UE et semble tirer les expériences de la
jurisprudence européenne.
Sur le plan des domaines d'activités, nous avons une multitude de marchés des
différents biens et services (par exemple le marché des finances, des assurances, de la
téléphonie, des transports...) qui peuvent aussi se subdiviser de façon verticale ou horizontale.
En s'inspirant de la définition de la notion de « marché des produits » donnée par la
Commission européenne, le législateur de l’UEMOA dispose qu'il « comprend tous les
produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou
substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont
destinés »141.
136
Mor BAKHOUM, op. cit. p.26-27.
137
Ibid
138
Ibid, p.31.
139
Voir l’annexe n°1 du règlement précité.
140
Voir sur cette question, l'affaire. Walt Wil helm c/Bundeskartellant dans l'arrêt de la CJCE du 13/02/1969.
141
Voir l’annexe n°1 du règlement précité.
41
« accords », des « décisions d’association d'entreprises », et des « pratiques concertées ». En
effet, on observe qu’en droit l'UE, ce sont les théories de « la territorialité » et de
« l'extraterritorialité » qui sont appliquées simultanément, contrairement au droit de
l'UEMOA. Même si ces deux théories semblent a priori s’opposer, elles sont en réalité
complémentaires. En vertu de la première théorie, les « accords », « décisions d’associations
d'entreprises » ou les « pratiques concertées » ne sont pas systématiquement interdits, mais
leur interdiction tient compte de leurs effets sur le marché en cause. Cela implique que s’ils
n'ont aucun effet qui puisse nuire au fonctionnement normal de la concurrence sur le marché
intérieur, ils seront dépourvus de toute sanction et même lorsque ces dites pratiques portent
atteinte à une concurrence extérieure ou déséquilibrent l'intérêt économique des
consommateurs situés en dehors du marché commun. Dans ce dernier cas, la compétence de
contrôle reviendrait aux organes de contrôle étrangers dont le marché a été victime d’acte
anticoncurrentiel142. En revanche, en vertu de la deuxième théorie, notamment celle de
l’« extraterritorialité », les organes de contrôle peuvent contrôler des comportements
d'entreprises étrangères ayant des effets négatifs sur leur marché commun143. Cette dernière
pratique n’est pas encore en vigueur en droit de l’UEMOA et semble être une bonne mesure
pour mieux contrôler les pratiques effectuées à l’extérieur de la zone de l’UEMOA mais
susceptibles de porter atteinte à la concurrence sur le marché intérieur.
Les développements précédents nous permettent de bien cerner que les ententes
interdites sont, tous faits ou actes (accords, décisions d’associations, pratiques concertées)
entre des entités économiques jouissant d’une autonomie économique et juridique,
susceptibles d’entraver le jeu normal de la concurrence sur le marché commun. La portée des
ententes interdites ayant été cernée, il serait désormais opportun d’examiner les implications
de leur interdiction sur la situation des consommateurs.
« Cette idée découle du constat selon lequel si de nombreuses règles contenues dans le
droit de la concurrence ne sont pas destinées à protéger directement les consommateurs ; elles
142
Voir l’article 298 TFUE ex-article 227 TCEE.
143
Voir CJCE, 14 nov. 1996, Tetra Pak, aff. C 333/94, Rec. p. I-5951 et TPICE, 14 dec. 2005, Honeywell et GE
c/Com, aff. T 209/01, Rec. p. II-5527.
42
ont néanmoins une importante incidence sur la protection de ceux-ci »144. L’appréciation de
l’interdiction des ententes anticoncurrentielles comme une mesure de protection indirecte des
consommateurs est très complexe. Il est donc nécessaire de procéder au préalable à une
analyse économique pour quantifier les dommages éventuels que subiront les consommateurs
à la suite d’une entente145. Cela commence évidemment par une identification des liens de
cause à effet entre l’entente et le désavantage économique des consommateurs 146. En effet,
une brève lecture des dispositions encadrant la concurrence laisse penser que ce sont les
ententes horizontales seules qui font l’objet d’interdiction. Au regard des travaux de Monsieur
David SPECTOR, nous pouvons retenir, qu’une entente, qu’elle soit horizontale ou verticale
pourra éventuellement avoir des impacts sur les prix, les quantités et les qualités des produits
et services. Dans le premier cas, il s’agit des accords conclus à un même niveau de production
ou de distribution (accords entre producteurs ou accords entre détaillants)147. Les accords
horizontaux incluent notamment, les accords portant sur l’échange d’informations, la
répartition des marchés, l’exploitation en commun d’une activité et toute autre forme
d’entente entre opérateurs du même niveau de production ou de distribution148. C’est le cas
par exemple de l’affaire Sotelema-Malitel contre Orange Mali149, dans laquelle était en cause
l'exclusion de Sotelma-Malitel de la gratuité du rooming que s'accordent certaines entreprises
de téléphonie mobile. En effet, les compagnies de téléphonie mobile du réseau unique
s'accordent une gratuité réciproque du rooming entre le Sénégal et le Mali et Sotelma-Malitel
s'est vu refuser cette faveur, du fait qu’elle ne soit pas membre du réseau. Si nous
rebondissons sur la théorie de « cause à effet » de Monsieur D. SPECTOR pour essayer de la
mettre en évidence avec le cas en espèce, nous constatons que la « cause » ici peut être
l’accord de gratuité réciproque du rooming entre les compagnies de téléphonie mobile, tout en
y excluant la société Sotelma-Malitel. Les « effets » pourront être éventuellement le manque
des faveurs du système rooming aux clients de cette société. Ces accords entre les entreprises
de la téléphonie mobile de l’Afrique de l’Ouest peuvent être qualifiés d’entente illicite
puisqu’ils sont susceptibles de porter un préjudice aux clients de la société de téléphonie
mobile Sotelma-Malitel. Son contrôle suivi éventuellement de sa sanction par la Commission
144
Voir Alassane KANTE, op. cit., p.11.
145
Pour de plus amples informations, voir David SPECTOR, « L’approche économique du préjudice : Problèmes
et techniques économétriques », CNRS, école normale supérieure et LECG, 17 oct.2005. Ce dernier tente
d’analyser l’impact des pratiques anticoncurrentielles sur les consommateurs et démontre qu’elles peuvent
constituer des handicapes aux intérêts économiques des consommateurs.
146
Ibid.
147
Voir note 5 al. 2 de l’annexe 1 du règlement 3/2002/UEMOA
148
Ibid.
149
Cette affaire est toujours en cours d’instance.
43
de l’UEMOA servirait de bouclier de protection aux clients de la société Sotelma-Malitel.
Cela soutient également l’idée selon laquelle, les règles de la concurrence contribuent à
protéger indirectement les consommateurs dans le marché commun. Espérons maintenant que,
dans l’affaire précitée, la Commission de l’UEMOA s’inspirera de la position de la CJCE. En
effet, elle a dégagé un arrêt de principe dans l’affaire Grundig et Consten150 qui nous paraît
raisonnable.
Dans le second cas, il s’agit « des accords conclus entre deux ou plusieurs entreprises,
dont chacune opère, aux fins de l’accord, à un niveau différent de la chaîne de production ou
de distribution, et qui concernent les conditions dans lesquelles les parties à l’accord peuvent
acquérir, vendre ou revendre certains biens ou services »151. Ainsi, des professionnels d’un
même secteur d’activité de bien ou de service entretenant des relations d’affaires verticales,
par exemple, dans les rapports entre les producteurs et les grandes distributions, peuvent
s’entendre pour fixer le prix de revente des produits ou limiter les sources
d’approvisionnement par des accords d’exclusivité (les accords de concession exclusive entre
des concessionnaires et leurs concédants). Cela peut occasionner l’élimination des
concurrents potentiels dans ce secteur économique et par voie de conséquence restreindre
implicitement aux consommateurs leur diversité de choix de produit ou de service voire leur
imposer les prix et la qualité des produits et services sur le marché en cause.
Par ailleurs, il est important de rappeler que toutes les ententes ne sont pas
systématiquement interdites et sanctionnées, puisque certaines peuvent se révéler bénéfiques
pour les consommateurs152. C’est ce qu’on appelle couramment les exemptions individuelles
ou par catégories qui ne sont admises que dans certaines conditions bien déterminées par le
législateur de l’UEMOA. Ainsi, ce dernier reconnait et encourage certaines ententes du fait de
leur effet positif sur le marché153. En effet, il dispose que, « En application de l’article 89
alinéa 3 du traité de l’UEMOA, la Commission peut déclarer les articles 88 (a) du traité de
l’UEMOA et 3 du présent règlement(…) inapplicables, - à tout accord ou catégorie d’accords,
- à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises, - et à toute pratique
concertée ou catégories de pratiques concertées, qui contribuent à améliorer la production ou
150
Voir CJCE, 13 juil. 1966. En effet dans cette affaire la Cour déclare que, « (…) ; Qu’il doit en être d’autant
plus ainsi que, par un tel accord, les parties pourraient chercher, en empêchant ou en limitant la concurrence
des tiers sur les produits, à instituer ou à garantir à leur profit un avantage injustifié au détriment du
consommateur ou de l’usage, contraire aux objectifs généraux de l’article 85 » .
151
Voir la note 5 al. 3 de l’annexe 1 du règlement 3/2002/UEMOA.
152
Voir Alassane KANTE, op. cit., p. 12.
153
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p.42.
44
la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en
réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans, a) imposer aux
entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces
objectifs ; b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits
en cause, d’éliminer la concurrence »154. Cette dérogation du législateur justifie sa volonté de
faire concilier les avantages des consommateurs avec ceux des professionnels. Cela va dans le
même sens que l’idée selon laquelle, le législateur de l’UEMOA tente de sauvegarder les
intérêts économiques et le bien-être des consommateurs par une organisation de la
concurrence sur le marché communautaire.
En somme, nous retenons de ce qui précède qu’un parfait encadrement des ententes,
accroît et sauvegarde les intérêts et avantages économiques et par voie de conséquence leur
assure indirectement et collectivement leur liberté de choix des produits et services. Cette
protection semble bien renforcée lorsqu’elle est encadrée au niveau communautaire voire
international. Si l'interdiction des ententes d'entreprises en droit de l’UEMOA est quasiment
identique en droit de l’UE, il en est tout autrement pour certaines pratiques
anticoncurrentielles notamment, les abus de position dominante.
154
Voir l’article 7 du règlement 2/2002/UEMOA.
45
1- La notion de « position dominante » en droit de la concurrence
De façon générale, une « position dominante » peut être décrite comme une situation
dans laquelle une ou plusieurs entités (personnes physiques ou morales) détiennent une
emprise ou une influence importante sur une ou plusieurs autres entités. Une telle situation est
souvent guidée par un rapport de dépendance économique155 entre une partie en situation de
supériorité économique et une autre en situation d'infériorité. Le législateur de l’UEMOA a
encadré la notion de position dominante sur deux angles, d'une part, « la position dominante
par la place sur le marché » et, d'autre part, celle qui « résulte d'une opération de
concentration ».
155
En effet, la jurisprudence française fait une distinction entre la dépendance économique du client (Cons.
Conc., 26 Mai 1998, aff. de la société SARL Parfum vanille) et celle du fournisseur (Cons. Conc., 16 juin 1996
affaire relative à des pratiques relevées dans le secteur de la publicité).
156
Voir la note 3, annexe 1 du règlement 2/2002/UEMOA.
157
Voir CJCE, arrêt du 14 fev. 1978, United Brands, aff. 27/76, Rec. 1978.
158
Voir la note 3 de l'annexe 1 du règlement 2/2002/UEMOA.
46
UNILEVER et COSMIVOIRE réunies et 28,6%)..., »159. Ainsi, sur ce point, la Commission
est allée dans le même sens que la CJCE mais demeure moins précise qu'elle puisqu’elle n'a
pas indiqué de seuils maximum et minimum de référence comme l’avait fait la CJCE. En
effet, dans l'affaire Hoffman-La Roche, la CJCE a déclaré qu' « en règle générale, les parts de
marché inférieures à 20% excluent l'existence d'une position dominante parce qu'elles
n'ouvrent pas en principe la possibilité de faire obstacle à la concurrence. Qu'en revanche les
parts de marché de l'ordre de 50% et plus permettent de conclure à l'existence d'une position
dominante. Et que pour ce qui est des parts de marché comprises entre les valeurs de référence
précitées, il faut des moyens de preuve supplémentaires »160. On observe bien ici que la CJCE
a été très précise en indiquant des seuils (chiffres en pourcentage) de parts de marché
permettant une appréciation objective de l'existence ou non d'une position dominante. On sait
que la législation de l’UEMOA sur la concurrence est généralement inspirée de la
jurisprudence française et européenne et si le législateur et la Commission de l’UEMOA ont
omis de se rallier littéralement aux précisions de la CJCE par rapport aux seuils (chiffres en
pourcentage) de contrôlabilité des positions dominantes, c'est tout simplement parce que la
dimension géographique et l'intensité des échanges économiques sont différentes dans les
deux systèmes161. Aussi le facteur des parts de marché ne demeure pas le seul critère sur
lequel la Commission de l’UEMOA se base pour apprécier l'existence d'une position
dominante. Cela ressort explicitement dans la deuxième et dans la troisième motivation
qu'elle a avancées dans ses conclusions de l'affaire précitée. En l’espèce, elle prétendait que, «
le pouvoir de marché est très dispersé autant pour le savon que pour l'huile alimentaire qui
font l'objet d'échanges intracommunautaires considérables. Enfin, que les importations venant
du reste du monde pour les huiles alimentaires et les savons occupent également une part
significative sur le marché régional, et qu'elles exercent une pression concurrentielle très forte
sur la filière oléagineuse locale »162. Cette décision de la Commission va littéralement dans le
même sens que la législation de l’UEMOA qui dispose, qu'« outre le critère des parts de
marché, d'autres critères notamment l'existence des barrières à l'entrée, l'intégration verticale
ainsi que la puissance financière de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient doivent
159
Voir Décision n° 009/2008/COM/UEMOA portant attestation négative à l'égard du projet de concentration
entre les sociétés UNILEVER-CI, SIFA, COSMIVOIRE, PALMCI, NAUVU, PHCI, SHCI et SANIA.
160
Voir CJCE, arrêt du 13 fev. 1979, aff. Hoffman-La Roche, aff. 85/75, Rec. 1979. Voir aussi Commission CE,
LD (ligne directrice concentrations horizontales) point 17 et 18.
161
Voir Mor BAKHOUM, op. Cit. p. 48.
162
Voir COM/UEMOA, Décision précitée.
47
être tenus compte pour apprécier l'existence d'une position dominante sur le marché »163.
163
Voir la note 3 al. 2 de l'annexe 1 du Règlement précité.
164
Voir l’article 2 du Règlement n°139/2004/CE.
165
Voir l’article 4. 3 du règlement 2/2002/UEMOA.
166
Voir Décision n°002/2005/COM/UEMOA portant attestation négative à l'égard des accords créant des
entreprises communes dans le cadre de la réalisation de l'exploitation du Gazoduc de l'Afrique de l'Ouest et de la
vente du gaz naturel sur les marchés du Bénin et du Togo.
167
Ibid, pt. 36 et 37.
168
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 52.
48
position dominante169.
2- L’exploitation abusive
La position dominante sur un marché en cause n'est pas considérée en soi comme une
pratique anticoncurrentielle mais c'est son exploitation abusive susceptible de fausser le jeu
normal de la concurrence qui doit faire l'objet d'un contrôle voire d'une interdiction. Le
législateur de l’UEMOA, sans définir la notion d’« exploitation abusive » et sans trop
s'éloigner des jurisprudences françaises et européennes, a énoncé une liste non limitative de
comportements pouvant être caractérisés d' « exploitation abusive ». Il s'agit notamment des
pratiques consistant à : « a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente
ou d'autres conditions de transaction inéquitables ; b) limiter la production, les débouchés ou
le développement technique au préjudice des consommateurs ; c) appliquer à l'égard des
partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur
infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; d) subordonner la conclusion de
contrats à l'acceptation par les partenaires, de prestations supplémentaires, qui , par leur nature
ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet des contrats »170. On observe à
ce niveau que le législateur a listé non seulement, des comportements qui n’ont aucun impact
sur la concurrence mais aussi ceux qui sont de nature à perturber le jeu normal de la
concurrence, indépendamment de la position dominante de l'entreprise qui les exercent sur le
marché. Il est évident, qu'en général, ces-dites pratiques ne sont posées que par des entreprises
169
Ibid.
170
Voir l’article 4. 2 du règlement 2/2002/UEMOA.
49
qui détiennent une position dominante sur le marché en cause. Cependant, le défaut d’une
liste limitative de comportements susceptibles d’être qualifiés d’ « exploitation abusive » ne
doit pas rendre son appréciation arbitraire. C’est pour cela qu’en droit européen, au delà des
mentions faites par le législateur communautaire et national, c'est la pratique décisionnelle qui
a contribué de façon notable à cerner cette notion d'« exploitation abusive ». En effet, la CJCE
s'est d'abord prononcée de façon générale en énonçant dans l'affaire Hoffmann-La Roche
que, « la notion d'exploitation abusive est une notion objective, qui vise les comportements
d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché
ou à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question le degré de concurrence qui
est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par des recours à des moyens différents
de ceux qui gouvernent une compétition des produits ou services sur la base des prestations
des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le
marché ou au développement de cette concurrence »171. Elle a ajouté par la suite, à l'occasion
de l'affaire de Tetra Pak « qu'est interdit à une entreprise en position dominante d'éliminer un
concurrent et de renforcer sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui ne
relèvent d'une concurrence par les mérites »172. On voit bien ici que le législateur ne donne
pas de liste indicative de comportements abusifs et que la jurisprudence en donne une
appréciation objective173. La doctrine européenne pour sa part a fait un effort de classification
des comportements abusifs. Elle distingue, d'une part, les comportements tendant à l'éviction
des concurrents et, d'autre part, ceux qui sont inéquitables envers des partenaires174.
171
Voir CJCE, 13 fév. 1979 aff. préc.
172
Voir CJCE, 6 oct. 1994, Tetra Pak, aff. 85/76.
173
Voir CJCE, 11 déc. 1980, arrêt l'Oréal, aff. 31/80, Rec. 1980, p.3794 et arret Michelin du 9 nov. 1983, aff. C-
322/81, Rec.1983, p.3461.
174
Voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op. cit., p.382-401.
175
Voir Décision 2/2005/COM/UEMOA op. cit.
176
Ibid, pt. 46.
50
d'encourager le développement des entités économiques championnes mondiales. De ce fait
elle semble être moins rigoureuse dans le contrôle des situations de position dominante. C’est
dans ce sens que Mor BAKHOUM soulignait qu'« elle devrait surtout être vigilante à l'égard
des abus de position dominante pouvant provenir des monopoles qui ont survécu aux
opérations de privatisation et de ceux des multinationales »177. Dans le même ordre d'idée, si
elle devrait connaître à l'avenir une affaire relative à une position dominante, elle pourrait
s'inspirer de la théorie dite « de l'abus de structure ». En effet, cette théorie a été développée à
l'occasion d'un arrêt très célèbre rendu par la CJCE, notamment dans l'affaire Continental
Can178. Dans cette affaire, la CJCE a soutenu la décision de la Commission selon laquelle « le
simple fait que la concurrence sur le marché en cause soit substantiellement entravée par une
entreprise dominante constitue un abus, quels que soient les moyens utilisés à cet effet, y
compris une modification de la structure concurrentielle du marché »179. Même si cette
jurisprudence a été rendue en partie caduque dans le droit positif européen, elle pourrait
toujours inspirer la Commission ou le législateur de l’UEMOA afin d'éviter que le droit de la
concurrence ne soit pas utilisé seulement comme un simple instrument d'ouverture des
marchés des États africains en faveur des grandes entreprises étrangères180.
177
Voir Mor BAKOUM, op. Cit., p. 53.
178
Voir CJCE, 21 fev. 1973, Europemballage Corporation et Continental Can Company.
179
Ibid.
180
Voir Josef DREXL, « Perspectives Européennes sur la politique de la concurrence dans l'espace OHADA »,
RIDE, AIDE, 2011, p.301.
181
Voir l’article 4.2 du règlement 2/2002/UEMOA.
51
position dominante (position dominante par sa place sur le marché ou par concentration
d’entreprises) sur un marché, pratique des comportements anticoncurrentiels cités dans les
points b), c), d) de la disposition précitée, c'est-à-dire des pratiques susceptibles de léser une
entreprise concurrente ou sous-traitante. C’est dans ce sens donc que la doctrine européenne
distingue les comportements tendant à l’éviction des concurrents et ceux inéquitables envers
des partenaires182. Ainsi, lorsque des entreprises concurrentes ou partenaires sont victimes de
comportements anticoncurrentiels tels que cités dans les points b), c), d) de la part d’une
entreprise en position dominante, par ricochet les consommateurs du marché en cause en
seraient aussi concernés. Il pourrait s’agir concrètement, d’une augmentation des prix des
biens et services, d’une imposition des prix et de la qualité des biens et services, d’une
limitation des sources d’approvisionnement, d’où la volonté du législateur de protéger
indirectement les consommateurs par une interdiction des abus d’une entreprise ou d’un
groupe d’entreprises en position dominante sur le marché communautaire.
182
Pour de plus amples développements, voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op. cit ., p.383-401.
183
Voir l’article 4.3 al. 2 du règlement 2/2002/UEMOA.
52
Après avoir brièvement cerné la notion de « concentration d’entreprises » (A), il serait
important d’avoir un regard croisé sur l'interdiction des opérations de concentration
d’entreprises entre le droit de l’UEMOA et celui de l’UE (y compris le droit Français) (B).
184
Voir l’article 3 du règlement paragraphe 1 n°4064/89 CE.
185
Voir l’article L. 430-1 du C. com. français, dispose qu'« une opération de concentration est réalisée : 1°
Lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes se fusionnent ; 2° Lorsqu'une ou plusieurs
personnes détenant déjà le contrôle d'une entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises acquièrent
directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d'éléments d'actifs,
contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l'ensemble ou de partie d'une ou de plusieurs autres entreprises ».
186
Voir l’article 4.3 du règlement 2/2002/UEMOA.
187
Voir le Livre IV de l'acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique de 17 Avril 1993 intitulé « Les liens de droit entre les sociétés ».
188
Voir Pt. 33 de la Décision 002/2002/COM/UEMOA.
189
Voir Abdoulaye SAKHO, Les groupes de sociétés en Afrique : Droit, pouvoir et dépendance économique, éd.
KARTHALA-CRES, 2010.
190
Voir François ANOUKOUHA, Abdoullah CISSE, Ndiaw DIOUF, Josette NGUEBOU TOUKAM, Paul-
Gérard POUGOUE, Moussa SAMB, OHADA, Sociétés commerciales et G.I.E, BRUYLANT, 2002, p. 185.
53
participation, etc., mais il faut nécessairement que l'entreprise commune qui résulte de ces
opérations de concentration soit sous le contrôle des précédentes entreprises.
191
Voir l’article 189 de l'AUDSCGIE.
192
Voir la communication du 21 février 2009, JOUE page 5, pt. 10 : « Il y a également concentration au sens de
l'article 3, paragraphe 1, point a), du règlement sur les concentrations lorsque, même en l'absence de
concentration sur le plan juridique, la combinaison des activités d'entreprise antérieurement dépendantes
aboutit à la création d'un seul et même ensemble économique. Il en est ainsi, notamment, lorsque deux ou
plusieurs entreprises, tout en conservant leur personnalité juridique propre, établissent, sur une base
contractuelle, une gestion économique en commun ou adoptent une structure à double cotation. Si cette
opération entraîne une fusion de fait entre les entreprises concernées avec création d'un seul et même ensemble
économique, il s'agit d'une concentration. Une condition préalable pour déterminer si nous sommes en présence
d'une telle concentration de fait est l'existence d'une direction économique unique et permanente. D'autres
facteurs, tels que la compensation des profits et des pertes ou la répartition des recettes entre les différentes
entités à l'intérieur du groupe, ainsi que leur responsabilité solidaire ou un partage des risques externes,
peuvent aussi entrer en considération. La fusion de fait, si elle peut parfaitement s'appuyer su les simples
dispositions contractuelles, peut également être renforcée par les participations croisées entre les entreprises
qui constituent l'ensemble économique ».
54
circonscrire avec précision la notion de « contrôle ». À cet effet, lors d'une affaire de
concentration déjà citée, il a été décidé par la Commission de l'UEMOA que « le contrôle peut
découler des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent seul ou conjointement, compte
tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante
sur l'activité de l'entreprise »193. Cette conception prétorienne de l’UEMOA sur la notion de
« contrôle » ne s'éloigne pas des définitions législatives européenne et française 194. De plus
les législateurs européen et français ont été plus précis en ajoutant que, pour que le contrôle
soit effectif, il faut nécessairement « (…) Notamment, des droits de propriété ou de
jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise ; des droits ou des contrats qui
confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des
organes d'une entreprise »195. Il ressort des deux derniers alinéas de ce texte que les sources de
« l'influence déterminante » qui caractérisent essentiellement le contrôle sont variables. Elles
peuvent, d'une part, provenir des droits de propriété ou de jouissance, d'autre part, provenir de
la majorité dans les organes de l'entité qui exploite l'entreprise. Elles peuvent aussi provenir
de tout autre moyen196 en dehors des seuls cas listés dans le texte, car le texte en question
emploie l'adverbe « notamment » en début de liste197. En tout état de cause, quels que soient
les moyens ou les sources d'un contrôle, en droit européen et de l’UEMOA, le plus important
est que le contrôle soit tenu de façon durable et complète. Ainsi il ressort expressément des
derniers alinéas de la législation de l’UEMOA que « (…) la création d'une entreprise
commune nécessite l’accomplissement de manière durable de toutes les fonctions d'une entité
économique autonome »198. Sur ce point, la doctrine européenne prétend que l'autonomie dont
il est question ici s'apprécie au sens économique et non pas dans le sens d’une autonomie
juridique, c'est-à-dire l'aptitude à exercer seule l'ensemble des activités qui aboutissent à la
mise sur le marché des produits et des services199. À ce niveau la Commission de l'UEMOA a
eu l'occasion lors d'une affaire de concentration précitée de préciser, qu'en fonction de l'objet,
on peut distinguer deux types d'entreprises communes. D'une part, une « entreprise commune
193
Voir le point 34 de la Décision 2/2005/COM/UEMOA.
194
Voir Paragraphe 2, al. 1 de l'art. 3 du règlement n°4064/89 CE : « le contrôle peut découler des droits,
contrats ou autres moyens qui confèrent seul ou conjointement, compte tenue des circonstances de fait ou de
droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité de l'entreprise... » et l'art. L. 430-1,
paragraphe III du C.com. français.
195
Ibid, al. 2 et 3.
196
Voir la communication du 21 fév. 2009 précitée parle de contrôle à base de contrat ou de dépendance
économique.
197
Voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op. cit., p. 197.
198
Voir l’article 4 point 3 du règlement 2/2002/UEMOA et alinéa 1 de l'article 3 règlement n°4064/89 CE
précité.
199
Voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op. Cit., p. 206.
55
de plein exercice » qui opère sur le marché en y accomplissant les fonctions qui sont
normalement exercées par les autres entreprises200. Partant sur ce raisonnement, la
Commission de l'UEMOA a décidé que West African Pipeline Corporation (WAPCO) et N-
Gas, créées dans le cadre de la réalisation du projet de Gazoduc de l'Afrique de l'Ouest,
constituent des entreprises communes au sens des textes sus visés. En se prononçant ainsi, la
Commission de l'UEMOA a suivi la position de la Commission européenne, précisément dans
l'affaire Saint-Gobain/Wacker-Chemie/NOM du 4 décembre 1996201. D'autre part, une
« entreprise commune de nature coopérative » qui a pour objet ou pour effet d'établir entre les
entreprises fondatrices ou entre les entreprises fondatrices et les filiales communes, la
coordination des comportements202. Cette position de la Commission fait une ouverture vers
une jurisprudence du Conseil d'État français dans l'affaire Société Casino-Guichard
Perrachon du 31 mai 2000203.
Par ailleurs, au-delà des formes de concentration des entreprises, il y a aussi les
stratégies ou les techniques d'exercice du pouvoir dans le groupe qui peuvent souvent et
surtout causer obstacles au jeu normal de la concurrence.
200
Voir Pt. 36 et 37 de la Décision de l’UEMOA précitée.
201
Voir JOCE n° L 247 du 10 sept. 1997.
202
Voir Pt. 36 et 37 de la Décision UEMOA précitée.
203
Dans cette affaire, le CE a déclaré que « Considérant qu'une filiale commune à plusieurs entreprises ne peut
être regardée comme une concentration au sens des dispositions l'art.39 de l'ordonnance du 1 décembre 1986
que si elle assure de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome ; que le ministre
n'a, par suite, commis aucune erreur de droit en se fondant sur le motif que la société Opéra n'était pas
autonome de ses maisons- mères dans son fonctionnement quotidien pour conclure que la création de cette
société ne constituait pas une concentration ».
204
Voir Abdoulaye SAKHO, op. cit., p. 32.
205
Ibid.
56
complémentaires) consistant à contrôler le circuit d'approvisionnement, de production et de
distribution206. Il possède un « pouvoir vertical » lui permettant d'assurer la réalisation des
opérations d'acquisition des matières premières jusqu'à la distribution du produit fini207. Enfin,
nous avons le « groupe conglomérat », qui réunit les activités qui, du point de vue de la
demande, ne sont ni des substituts ni des compléments, mais un groupe ayant un « pouvoir
conglomérat » consistant à diversifier les produits dans le but de minimiser les risques208.
206
Ibid, p. 30.
207
Ibid, p. 33.
208
Ibid, p. 30.
57
de position dominante209. Il préfère en effet les contrôler lors de l’examen d'un cas d'abus de
position dominante, ceci nous permet de déduire que toutes les opérations de concentration ne
sont pas soumises au contrôle ou du moins ne subissent pas les mêmes traitements. La
position de la Commission de l'UEMOA dans sa décision du 2/2005/COM permet de
constater que le juge communautaire en restreignant le contrôle des concentrations
d’entreprises aux seuls cas susceptibles de déboucher à un abus de position dominante a
respecté à la lettre l'esprit de la législation communautaire210. En l’espèce, le contrôle de
l'opération de concentration qui s'est fait préalablement à celui de l'abus de position
dominante a été de moindre importance, puisqu'il ne visait pas explicitement ou implicitement
à sanctionner l'opération de concentration proprement dite, mais un moyen qui conduira à
sanctionner les abus de position dominante qui résulteront de celle-ci. Par ailleurs, quelques
années plus tard la Commission de l'UEMOA a suivi la position de la jurisprudence de 2005
lors du projet de concentration entre les sociétés UNILEVER-CI, SIFA, COSMIVOIRE,
PALMCI, NAUVU, PHCI, SHCI et SANIA. En l’espèce, la Commission a conclu que
« l'opération de concentration notifiée ne crée ni ne renforce de position dominante et de ce
fait ne tombe pas sous l'interdiction de l'article 88 (b) du Traité de Dakar en déclarant que les
parts de marché détenues par les parties notifiantes sont moins importantes (13,9% de la
consommation totale d'huile alimentaire du marché régional pour UNILEVER et
COSMIVOIRE réunies et 28,6%)..., »211. A l’inverse, lorsque nous regardons de près la
pratique décisionnelle européenne et française du contrôle des opérations de concentration
d'entreprises, nous constatons que la Commission ainsi que les organes nationaux de contrôle
de la concurrence ont un pouvoir d'appréciation très large sur les opérations de concentration
d'entreprises qui leur permet de contrôler quasiment toutes les opérations de concentration
d'entreprises indépendamment d'une situation d'abus de position dominante212, contrairement
209
Voir l’article 4 point 1, alinéa 2 du Règlement 2/2002/UEMOA dispose que, « sont frappées de la même
interdiction, les pratiques assimilables à l'exploitation abusive d'une position dominante, mises en œuvre par
une ou plusieurs entreprises. Constituent une pratique assimilable à un abus de position dominante les
opérations de concentration qui créent ou qui renforcent une position dominante, détenue par une ou plusieurs
entreprises, ayant comme conséquence d'entraver de manière significative une concurrence effective à
l'intérieur du marché commun ».
210
Dans les points 38 et suivants de la Décision 2/2005/COM/UEMOA, la Commission a conclu que West
Africa Pipeline Corporation (Wapco) et N-Gas, créent dans le cadre de la réalisation du projet Gazoduc de
l'Afrique de l'Ouest, sont des entreprises communes au sens de l'article 4.3, c) du règlement 2/2002/UEMOA,
mais elles ne constituent pas un cas d'abus de position dominante.
211
Voir Décision n° 009/2008/COM/UEMOA portant attestation négative à l'égard du projet de concentration
entre les sociétés UNILEVER-CI, SIFA, COSMIVOIRE, PALMCI, NAUVU, PHCI, SHCI et SANIA.
212
Les parts des marchés détenues par les entreprises parties à l'opération sont des critères de contrôlabilité
importants et qui permettent en même temps de déterminer la compétence nationale ou communautaire des
organes de contrôle. Selon la communication rectifiée de la Commission européenne du 16 avril 2008, « le
chiffre d'affaires est utilisé comme un indicateur des ressources et des activités économiques qui sont regroupées
58
à la législation de l’UEMOA qui se focalise uniquement sur la position dominante ou non
dominante issue d'une opération de concentration d'entreprises.
Le constat majeur est que les droits européen et français, en ne considérant que les
effets (entrave significative à une concurrence) des concentrations d'entreprises pour procéder
à leur contrôle, permettent au juge de prendre en compte tous les effets anticoncurrentiels qui
ne débouchent pas forcement d'une situation de position dominante pour contrôler des
opérations de concentration d’entreprises. Cependant, cette position du législateur européen
ne semble pas être adaptée au contexte économique de l'UEMOA qui est composé d'un
nombre important de PME dont le dynamisme est indiscutable, et un contrôle très strict des
opérations de concentration comme en droit européen et français risquerait éventuellement de
freiner le progrès de ces dernières et surtout le développement des regroupements
d’entreprises locales et régionales pour faire face à la concurrence étrangère et internationale.
Ceci nous permet aisément de comprendre pourquoi le législateur de l’UEMOA n'a pas voulu
s'inspirer littéralement de ses homologues européens et français.
dans le cadre d'une concentration (…) les seuils retenus servent à établir la compétence et non à apprécier la
position sur le marché des parties à la concentration ni l'incidence de l'opération de concentration(...) ils ont
pour objet de fournir un mécanisme simple et objectif que les entreprises participant à une concentration
peuvent utiliser aisément pour déterminer si leur opération est de dimension communautaire et donc soumise à
la notification ». Ce qui abouti d'une part à un contrôle communautaire des opérations de concentration ayant
une dimension communautaire, c'est-à dire, « des concentrations d'entreprises possédant un chiffre d'affaire
total commun au plan mondial d'au moins cinq (05) milliards d'euros; soit des concentrations d'entreprises
disposant d’un chiffre d'affaire total d'au moins 250 millions d'euros réalisé par au moins deux entreprises à
l'échelle communautaire ; Et un assouplissement en faveur d'une compétence nationale dans le cas d'une
concentration dans laquelle deux des entreprises peuvent réaliser plus de 2/3 de leur chiffre d'affaires à
l'intérieur d'un seul Etat membre même si elle dépasse les 250 millions d'euros. Un autre assouplissement prévu
par l'article 1-3 du Règlement précité permet d'éviter qu’une opération de concentration soit notifiée auprès de
plusieurs Etats membres, mais relèvera d'une opération à dimension communautaire. Dans ce cas, le seuil
principal doit s'élever à 2,5 milliards d'euros et dans chacun d'au moins trois des Etats membres le chiffre
d'affaires total réalisé par toutes les entreprises concernées doit être supérieur à 100 millions d'euros et le
chiffre d'affaires réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées doit être supérieur à 25
millions d'euros », voir l’article 1 et 2 du Règlement 139/2004/CE. En dehors des cas précités, les autres
opérations de contrôle relèveront de dimension nationale. Toutefois, outre les critères des parts de marché, les
effets des opérations de concentrations sont indispensables pour déterminer leur caractère anticoncurrentiel. C'est
à dire que les organes de contrôles doivent vérifier si l'opération en question est en mesure de fausser le jeu
normal de la concurrence sur le marché en cause indépendamment d’un abus de position dominante.
59
communautaire de protéger les consommateurs par le contrôle des opérations de concentration
d’entreprises s’apprécie précisément dans son choix de contrôler les abus de position
dominante via le contrôle des concentrations d’entreprises. En effet, le législateur de
l’UEMOA estimerait, qu’une simple opération de concentration d’entreprises ne pourrait à
elle seule porter atteinte de manière directe ou indirecte aux intérêts économiques des
consommateurs ou à la concurrence. Au contraire, cela renforcerait la compétitivité des
entreprises locales et par voie de conséquence permettrait d’accroître le bien-être des
consommateurs de la zone de l’UEMOA. Cependant, comme nous l’avons si bien souligné
dans nos développements précédents213, une opération de concentration d’entreprises qui
occasionne une exploitation abusive de la position dominante de celle-ci, et qui empiète sur le
jeu normal de la concurrence, serait contrôlée voire sanctionnée par la Commission. De telles
opérations de concentration déstabilisent non seulement les entreprises concurrentes,
partenaires, mais aussi par ricochet les avantages économiques des consommateurs. C’est
ainsi que le législateur de l’UEMOA a donc décidé d’octroyer beaucoup de pouvoir à la
Commission de l’UEMOA dans l’appréciation des opérations de concentrations d’entreprises.
En somme, les pratiques prohibées précédemment étudiées ne sont centrées que sur les
comportements des entreprises. Cela ne signifie pas que les pratiques anticoncurrentielles
dont traite le droit de l’UEMOA se limitent seulement à ces trois cas. A la simple lecture de
l'article 2 du règlement 2/2002/UEMOA du 23 mai 2002, nous constatons que ces dispositions
donnent une définition extensive des pratiques anticoncurrentielles. Elles disposent que,
« constituent des pratiques anticoncurrentielles, les ententes illicites, les abus de position
dominantes (les concentrations d'entreprises qui sont traitées à l'occasion d'un examen d'abus
de position dominante) ainsi que les aides publiques ou toutes autres mesures prises par un
État pour octroyer un avantage quelconque à une entreprise »214. Ceci nous amène à examiner
dans nos prochains développements le cas des aides publiques aux entreprises.
213
Voir le point (b) de la sous-partie (2) du titre (B) intitulé : la protection des consommateurs par un contrôle
des abus de position dominante, p.47-48.
214
Voir l’article 2 du règlement 2/2002/UEMOA du 23 mai 2002.
60
Section II- Une cohérence dans l'interdiction des aides publiques aux
entreprises privées dans l'espace de l’UEMOA
On pourra supposer que les aides d'État aux entreprises privées trouvent évidemment
leur origine pendant la période coloniale, puisque durant cette période les moyens de
production étaient quasiment du domaine public et l'État possédait un monopole absolu dans
les secteurs économiques les plus sensibles et surtout rentables. Avant la phase actuelle de
libéralisation et de « désétatisation » qui s’est amplifiée dans les pays membres de l’UEMOA
depuis les années 1990, les monopoles et les entreprises publiques occupaient dans ces pays
une place considérable du fait des politiques interventionnistes que pratiquaient ces États215.
En effet, dans les États en voie de développement, l'avènement des vagues de privatisation
d'entreprises issu des programmes d'ajustement structurels (PAS)216 et imposé par la banque
mondiale et le FMI comme une condition sine qua non des prêts aux investissements, a
entrainé une « désétatisation » progressive et sans succès des entreprises217. Cela ne semblait
pas empêcher définitivement l'interventionnisme des États africains dans les affaires privées
malgré leurs interdictions par l'OMC218. Par ailleurs, une interdiction totale des aides
publiques profiterait-elle aux consommateurs en particulier à ceux de l'espace UEMOA qui
ont une grande culture du service public dans leur mode de consommation ?
Dans un souci de bien concilier les aides publiques aux entreprises privées et le besoin
d'une concurrence non faussée sur le marché commun, il a été nécessaire de réglementer les
interventions Étatiques par des dispositions communautaires219. Ainsi, l'article 2.1 du
règlement 04/2002/UEMOA qui régit le domaine des aides publiques est l'équivalent des
articles 107, 108, 109 TFUE ex articles 87, 88, 89 CE. Etant donné que toutes les aides
publiques ne sont pas interdites220, il s'avère nécessaire de cerner le contenu de celles qui sont
interdites (paragraphe II) après avoir appréhendé leur notion (paragraphe I).
215
Voir Abou Saïb COULIBALY, « Le droit de la concurrence de l’UEMOA », Revue burkinabè de droit, n°
43-44, 1er et 2ème semestres.
216
Les Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) sont des mesures imposées par les organismes financiers
internationaux (FMI, Banque Mondiale) aux pays du Sud pour leur intégration dans l’économie du marché
mondialisé comme contrepartie des prêts qu'ils les octroient.
217
Pour de plus ample développement, voir Florence GALLETTI, Les transformations du droit public africain
francophone : entre Étatisation et libéralisme, Bruylant, 2004, p. 447 et suivantes.
218
Ibid.
219
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 118.
220
Voir l’article 2. 2 du règlement 4/2002/UEMOA : « Dans le cadre de son examen de l'impact des aides
publiques sur le jeu de la concurrence, la Commission tient compte des besoins des États membres en ce qui
concerne leur développement économique et social dans la mesure où les échanges entre les membres et l’intérêt
de la Communauté d'atteindre son objectif d'intégration ne sont pas mis en échec ».
61
Paragraphe I- La notion d'« aide publique » en droit de la
concurrence
221
Voir CJCE, 2 fév. 1988, Van der Kooy e.a.
62
de Gazoduc de l'Afrique de l'Ouest un projet de mettre en place un régime juridique et fiscal
harmonisé qui comporterait, d'une part, une exemption sur le bénéfice industriel et
commercial (BIC) pour une période de cinq (05) ans et, d'autre part, une exonération totale
des droits de douanes et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les biens d'équipement
nécessaires à la réalisation du projet. Ainsi, la Commission a qualifié ces mesures comme
étant de l’aide publique conformément aux dispositions de l'article 1 du règlement
4/2002/UEMOA222. Cette décision a été une occasion pour la Commission de confirmer
l'originalité étatique de l'aide comme étant un élément caractéristique d' « aide publique »,
puisque évidemment, les mesures fiscales et douanières relèvent du pouvoir législatif et
réglementaire d'un État. La Commission en soulignant que « (…) être octroyée par l’État ou
au moyen des ressources d’État, (...) »223, fait mention de l'implication inévitable de l’État,
quelque soit ses moyens d'intervention, pour qu'on puisse parler d'aide publique. Sur ce point,
la jurisprudence européenne a été plus précise que celle de l'UEMOA. En effet, un arrêt de
principe a éclairé l’ambiguïté qui existait entre « les aides accordées par un État » et les aides
accordées « au moyen de ressources d’État »224. Dans cette affaire, la CJCE a affirmé que « la
distinction entre ces deux notions ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État
constituent des aides, qu'ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais
vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par
l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d'un organisme public ou privé, désigné ou
institué par cet État»225. Ce principe jurisprudentiel va dans le même sens qu'une précédente
jurisprudence qui affirmait qu'il faut un sacrifice de ressources d’État pour qu'il y ait une aide
d’État226. Étant donné que la jurisprudence européenne a toujours inspiré fortement la
Commission de l'UEMOA, on espère évidemment que ça sera ainsi pour les affaires récentes
qui sont en cours de traitement devant la Commission de l'UEMOA. Il s'agit notamment de
l'affaire SOCOCIM entre État du Sénégal et Ciment du Sahel227, relative aux exonérations
d’impôts accordées sur les importations d'emballages en papier Kraft et l'affaire concernant
les exonérations de TVA appliquées par le Burkina Faso, la Cote d'Ivoire et le Mali sur les
intrants et emballages destinés à la fabrication et au conditionnement de produits
phytosanitaires. Ainsi, dans ces affaires, il était question d'exonération d’impôts et de TVA qui
sont des domaines relevant du pouvoir discrétionnaire et exorbitant de droit commun d'un
222
Voir les points 13 et 14 de la décision n°06/2004/CM/UEMOA.
223
Ibid.
224
Voir CJCE, 7 mai 1998, Viscido e.a. C/Ente Poste Italiane.
225
Ibid.
226
Voir CJCE, 30 Nov. 1993, Kirsammer-Hack.
227
Voir www.uemoa.int.
63
État. En s'inspirant de la jurisprudence européenne ne pourrait-on pas apprécier ces avantages
étatiques (exonération d’impôts et de taxes) sous l'angle d'aides publiques ? Puisque, nous
savons que de telles exonérations sont susceptibles d'entraîner automatiquement une
diminution des recettes de l’État, elles peuvent donc être considérées comme des aides
indirectes provenant d’un organisme public. Sur ce point, nous louons un arrêt de la CJCE qui
en a apporté un éclairage en prétendant qu'« une mesure par laquelle les autorités publiques
accordent à certaines entreprises une exonération fiscale qui, bien que ne comportant pas un
transfert de ressources d’État, qui place les bénéficiaires dans une situation financière plus
favorable que les autres contribuables constitue une aide d’État au sens de l'article 107
paragraphe 1 TFUE »228. Ensuite, la CJCE tout en continuant dans cet ordre d'idée a évolué
pour s’intéresser au volet social, c'est-à-dire aux exonérations des charges sociales aux
entreprises229. À cette occasion la CJCE a précisé que : « le caractère social des interventions
étatiques ne suffit pas à les faire échapper d'emblée à la qualification d'aides publiques »230.
228
Voir CJCE, 15 mars 1994, Banco exterior de Espana ; CJCE, 19 sept. 2000 Allemagne c/Commission ; voir
aussi la Communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d’État aux mesures
relevant de la fiscalité directe des entreprises, JOCE, n° C 384 du 10 déc. 1998, p. 3.
229
Voir CJCE, 5 oct. 1999, France c/Commission, « Allègement des charges sociales en contrepartie des coûts
résultant pour les entreprises d'accords collectifs en matière d'aménagement et de réduction du temps de
travail ».
230
Ibid.
64
avantage qui allège les charges qui normalement grèvent leur budget »231. Elle sera ensuite
plus précise dans sa définition en donnant des exemples de faveurs rangées dans la catégorie
d'aides, en énonçant que « ces faveurs peuvent se traduire par la réduction de la charge fiscale
sous diverses formes notamment, par une réduction de l’assiette imposable totale ou partielle
du montant de l’impôt, ajournement ou annulation de la dette fiscale »232. Sur ce point la
jurisprudence européenne a été plus enrichissante. Elle soutient en effet qu'une mesure n'est
pas considérée comme aide par rapport à ses objectifs ni à ses causes, mais plutôt par rapport
aux effets qu'elle produira233. Autrement dit, la faveur peut être considérée comme tout
soutien de la personne publique fait dans l’intérêt exclusif d'une tierce personne sans aucune
condition préalable. C'est ainsi que la doctrine européenne la qualifie comme un
« enrichissement sans contrepartie »234. Cet enrichissement peut être réalisé, soit par une
augmentation d'actif comme le cas des subventions d’État, soit par une diminution de passif
comme le cas d'exonération totale ou partielle de charges fiscales ou sociales. Au-delà de ces
moyens proprement dits, ce qui caractérise plus précisément les faveurs est leur gratuité
absolue ou relative au profit d'une tierce personne235.
Par ailleurs, les textes ne précisent pas la qualité de la tierce personne bénéficiaire des
faveurs publiques dans leur qualification d'aide publique, c'est-à dire, s'il s'agit des personnes
privées, publiques, morales ou physiques puisqu'ils se contentent seulement de dire que, « (...)
et confère ainsi un avantage sur certaines entreprises ou sur certaines productions ». Mais
évidemment on pourrait interpréter de manière large ce dernier alinéa et en déduire qu'il s'agit
bien de toutes sorte d'entreprises indépendamment de leur statut juridique. Le libéralisme
économique ayant pour principe de base la non intervention de l’État dans les affaires privées
a contraint les États en développement et en particulier ceux de l'UEMOA à se désengager du
secteur privé. La privatisation par l’Etat de ses entreprises publiques, comme l’a si bien
souligné Florence GALLETI, procède, soit par un transfert de propriété (par une offre
publique de vente, la cession des valeurs mobilières ou d’actifs,…etc.), soit par une séparation
de la gestion et de la responsabilité de l’exploitation de la propriété 236. Pourtant il subsiste
encore quelques entreprises publiques et même des monopoles publics dans les secteurs les
231
Voir le point (9) de la décision 06/2004/COM/UEMOA précitée.
232
Ibid.
233
Voir CJCE, 2 Juil. 1974, aff. Italie c/Commission « Allocation familiale dans le secteur textile ».
234
Voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op. cit., p. 513-526.
235
Ibid, p. 517-526.
236
Voir Florence GALLETI, op. cit., p.481.
65
plus sensibles tels que dans le secteur des énergies237. Le marché de l’UEMOA comportant
donc aussi bien des entreprises privées, publiques et même mixtes, les textes précités sont fort
logiquement destinés à toute cette diversité d'entreprises. Dans le même ordre d'idée, la
Commission européenne affirmait clairement son refus de distinguer entre entreprises
publiques et privées à l'occasion d'une décision très célèbre238.
En somme, est considérée comme aide publique, toute manœuvre d'une personne
publique l’entraînant une charge directe ou indirecte et créant un quelconque avantage au
profit d'une tierce entreprise (privée, publique, mixte) sans contrepartie. Après avoir
circonscrit de manière approfondie la notion d'aide publique, il nous sera facile de pouvoir
examiner les cas d'aides publiques interdites.
En considération des développements précédents, nous pouvons ajouter que les aides
publiques telles que définies nécessiteraient bien que leur contrôle soit opéré au niveau
communautaire, voire international. Cela permettrait d'éviter certains comportements
arbitraires des États. C'est ainsi que l’UEMOA, sous les contraintes de l'OMC239 s'érige
comme elle, en une organisation de régulation des marchés. Dans cette quête de protection par
l'interdiction des aides publiques, le législateur de l’UEMOA laisse une marge de possibilité
aux États afin qu’ils aident certaines entreprises, dans des conditions bien déterminées. Cela
signifie que toutes les aides publiques ne sont pas interdites. Avant de voir les aides publiques
interdites et leur implication dans le cadre de la protection des consommateurs (B), nous
verrons d'abord celles qui font l'objet de dérogation (A).
237
Exemple de la SONABEL (Société Nationale d’Electricité du Burkina) et de l’ONEA (l’Office Nationale de
l’Eau et de l’Assainissement).
238
Voir Décision du 31 janv. 1996, relative à la recapitalisation de la compagnie Iberia, JOCE, n°L 104 du 27
avr. 1996 : « Le traité et l'accord posent le principe de neutralité à l'égard du régime de propriété dans les États
membres et le principe d'égalité entre les entreprises publiques et privées (ancien articles 252 du traité et 125 de
l'accord). En vertu de ces principes, l'action de la Commission ne peut être ni préjudiciable ni avantageuse pour
les entreprises publiques, notamment lorsque la Commission examine une opération ou regard des dispositions
de l'article 92 du traité (107 TFUE) et de l'article 61 de l'accord ».
239
Voir les articles XVII et suivants du GATT de 1994.
66
A- Les aides publiques compatibles avec le marché commun
240
Nous pouvons citer à titre d'exemple des primes accordées en France aux acheteurs d'automobiles « primes à
la casse » depuis l'année 2008 qui ont été admises.
241
Voir l’article 3 alinéa 1, a, b et c du règlement 04/2002/UEMOA.
67
d'installations existantes à de nouvelles prescriptions environnementales imposées par la
législation et/ou la réglementation qui se traduisent pour les entreprises par des contraintes
plus importantes et une charge financière plus lourde, à condition que cette aide : soit une
mesure ponctuelle, non récurrente, soit limitée à 20% du coût de l'adaptation; - des aides
destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles ne restreignent
pas la concurrence dans une partie significative du marché commun »242. Sur ces points, le
législateur de l’UEMOA s'est éloigné légèrement des textes européens pour être plus novateur
en élargissant la liste des aides admises de plein droit sans un contrôle préalable de l'organe de
contrôle communautaire en l’occurrence la Commission de l’UEMOA. Cela pourrait se
comprendre évidemment par le fait que la situation économique des États membres de
l’UEMOA est très en retard dans l'économie mondiale, de ce fait le législateur tente de donner
un souffle d'émergence aux entreprises en assouplissant l’interdiction des aides publiques. Ce
qui apparaît nettement sur les deux points d) et e) de la disposition précitée, dans lesquels le
législateur manifeste clairement sa volonté d'encourager des entreprises championnes
mondiales et aussi de prendre en compte les préoccupations environnementales. Enfin, sur le
dernier point (les aides pour la promotion de la culture…), soucieux de l'amplification des
valeurs culturelles étrangères dans le monde et en particulier dans l'espace communautaire de
l’UEMOA, le législateur a pris le soin d'exempter les aides destinées à promouvoir et à
sauvegarder les valeurs culturelles et patrimoniales locales à condition bien sûr qu'elles ne
restreignent pas la concurrence sur le marché communautaire243. Cette position du législateur
va dans le même sens que le principe de « l'exception culturelle »244. Sous le couvert de ce
principe, le législateur essaye de promouvoir la consommation des œuvres artistiques et
culturelles locales.
Par ailleurs, contrairement à son homologue européen qui n'en énumère que trois245, en
droit de l’UEMOA, la limitation à six aides admises ne demeure pas en réalité définitive,
puisque les dispositions du règlement donnent la possibilité à la Commission de l’UEMOA
242
Voir l’article 3 alinéa 1 point d, e et f du règlement précité.
243
Voir l’article 3 alinéa 1 point f du règlement 04/2002/UEMOA.
244
Ce principe signifie que les œuvres culturelles et artistiques ne sont pas considérées comme des
marchandises, par conséquence elles ne peuvent bénéficier des subventions ou toutes autres aides de la part des
États. Il a été défendu par la France avec le soutien de l'EU et de la francophonie et a été finalement consacré au
sein du GATT en 1994.
245
Voir l’article 107 paragraphe 2 TFUE qui dispose que,: « a) les aides à caractère social octroyées aux
consommateurs individuels à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des
produit ; b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres
événements extraordinaires ; c) des aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale
d'Allemagne, affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser
les désavantages économiques causés par cette division ».
68
d'élargir cette liste par adoption d'un règlement d’exécution après consultation du Comité
Consultatif246. Cette option permettra à la Commission avec la collaboration du Comité
Consultatif de prendre en compte certaines situations particulièrement urgentes afin
d’octroyer des aides particulières qui ne sont pas susceptibles de fausser la concurrence sur le
marché communautaire. En outre, le législateur permet aussi à la Commission de prendre
seule des décisions d’autorisation ou d’interdiction d’aides sur le marché communautaire247.
S'agissant des aides publiques susceptibles d’être admises, elles sont consacrées par
l'article 2 alinéa 2 du règlement 04/2002/UEMOA qui est l'équivalent du paragraphe (3) de
l'article 107 TFUE. Il ressort de ces textes que certaines aides publiques sont admises sous
certaines conditions. Ainsi, ces catégories d'aides se distinguent nettement des premières par
le fait que le législateur prend en compte leurs effets sur le marché communautaire et donne la
compétence à la Commission de les apprécier au cas par cas. A ce titre, il est donc fort logique
qu'il n'en a pas dressé de liste limitative ni exhaustive, puisque la qualification d'une aide en
« aide admise » ou « aide interdite » se fait en fonction de ses effets sur le marché
communautaire et évidement à l’issue d’un examen de contrôle de la Commission. C'est ainsi
que l'article 2 alinéa 2 du même règlement dispose que, « dans le cadre de l'examen de son
impact des aides publiques sur le jeu de la concurrence, la Commission tient compte des
besoins des États membres en ce qui concerne leur développement économique et social dans
la mesure où les échanges entre les États et l’intérêt de la Communauté d'atteindre son
objectif d'intégration ne sont pas mis en échec ». Ainsi, le législateur restreint la marge de
manœuvre des États au profit de la Commission, qui se chargera de valider leurs propositions
d'aides en fonction de leurs intérêts sur l'économie nationale de l’État membre concerné et
aussi sur leurs éventuelles implications sur l’état de la concurrence communautaire en général.
246
Voir l’article 3 alinéa 2 du Règlement 04/2002/CM/UEMOA.
247
Voir l’article 2 alinéa 2 du Règlement 04/2002/CM/UEMOA équivalent du paragraphe (3) de l’article 107
TFUE.
248
Voir l’article 107 paragraphe 3 TFUE, « peuvent être considérées comme compatibles avec le marché
commun : a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau
de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, b) les aides destinées à promouvoir
la réalisation d'un projet d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un
69
l'article 107 TFUE pour définir et énumérer un certain nombre d'aides susceptibles d’être
compatibles avec le marché commun. Les quatre catégories d'aides consacrées par les quatre
premiers points de ce paragraphe sont quasiment similaires à celles énumérées par l'article 3
alinéa 1 du règlement précité, c'est-à-dire des catégories d'aides admises de plein droit en droit
de l’UEMOA et dont l'admission est motivée par leur bilan positif dans l'économie des États
membres. De plus, contrairement à la législation de l’UEMOA, la Commission européenne
dans une série de communication a défini les conditions auxquelles elle exempte certaines
aides octroyées à certains secteurs d'activités249, notamment, dans le secteur des fibres
synthétiques250, de la pêche et de aquaculture251, des transports aériens252, du transport
maritime253, du secteur agricole254, etc. Ces exemptions, qui ne concernent que des secteurs
d’activité sensibles, devront inspirer à l'avenir le législateur et la Commission de l’UEMOA
dans leur quête de dynamisme économique des entreprises locales contre la concurrence
internationale.
État membre , c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions
économiques, quant elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt
commun, d) des aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent
pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l’intérêt
commun, e) les autres catégories d'aides déterminées par décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée sur
propositions de la Commission.
249
Voir André Decocq et Georges Decocq, op. cit., p. 545.
250
Voir les lignes directrices du 30 mars 1996, JOUE, n° C94.
251
Voir les lignes directrices du 1 sept. 1996, JOUE, n° C260.
252
Voir les lignes directrices du 10 déc. 1994, JOUE, n° C350.
253
Voir les lignes directrices du 5 juil. 1997, JOUE, n° C205.
254
Voir les lignes directrices du 2 fév. 1996, JOUE, n° C29.
255
Voir l’article 1, c), « (I) toute aide existant avant l'entrée en vigueur du Traité dans l’État membre concerné,
c'est-à-dire les régimes d'aides et aides individuelles mis en exécution avant, et toujours applicables, après la
dite entrée en vigueur ; (II) toute aide autorisée, c'est-à-dire les régimes d'aides et les aides individuelles
autorisés par la Commission ; (III) toute aide qui est réputée avoir été autorisée conformément à l'article 7.6 du
présent Règlement ; (IV) toute aide réputée existante conformément à l'article 17 ; (v) toute aide qui est réputée
existante parce qu'il peut être établi qu'elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais
qui est devenue une aide par la suite en raison de l'évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par
l'État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d'une activité par le droit
communautaire seront considérées comme des aides nouvelles après la date fixée pour la libéralisation ».
256
Voir l’article 1, d), « toute aide, c'est-à-dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une
aide existante, y compris toute modification substantielle d'une aide existante ».
257
Voir l’article 1, f), « une aide qui n'est pas accordée sur la base d'un régime d'aides ».
258
Voir l’article 1, g), « une aide nouvelle mise à exécution en violation de l'article 6 ».
259
Voir l’article 1, h), « une aide utilisée par le bénéficiaire en violation d'une décision prise en application de
l'article 7.4, ou de l'article 10, paragraphes 4 ou 5 du présent Règlement ».
70
la pratique décisionnelle, puisqu'elle permet de bien cerner les aides compatibles avec le
marché commun et celles interdites en prenant compte de leur origine et de leur nature.
Toutefois cette distinction ne semble pas avoir trop d'impact sur le nombre d'aides que le
législateur communautaire admet de plein droit ou celles qui sont admises à l'issue d'un
contrôle.
Malgré une stricte règlementation des aides publiques interdites par les textes
internationaux, notamment ceux de l'OMC issus des accords d’Uruguay et de Marrakech, les
interventions étatiques ne semblent pas être éradiquées sur le marché mondial260. Cette
interdiction, du fait de son importance sur l’état de la concurrence et de ses enjeux
économiques, relève évidemment du pouvoir exclusif des organisations régionales ou sous-
régionales (UE, UEMOA, CEDEAO). En effet, le législateur fait une distinction entre les
aides déclarées interdites à l'issue d'un contrôle et celles qui sont interdites d'office. Pour ces
derniers cas, il s'agit de toutes les formes d'aides susceptibles de fausser le jeu normal de la
concurrence sur le marché communautaire. Elles sont dites, « aides interdites de plein droit »
sans qu'aucun examen de contrôle conformément aux dispositions de l'article 2 alinéa 2 du
Règlement précité ne soit nécessaire, c’est-à-dire qu'elles sont nulles de plein droit et sont
prohibées systématiquement sans qu'il n’y ait besoin de procéder à leur contrôle préalable.
Elles sont notamment, d'une part « des aides publiques subordonnées, en droit ou en fait, soit
exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, aux résultats à l'exploitation vers les
autres États membres »261; d'autre part, « des aides publiques subordonnées, en droit ou en
fait, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, à l'utilisation de produits
nationaux de préférence à des produits importés des autres États membres »262. Cependant, en
réalité, l’interdiction systématique des aides publiques sans aucun contrôle préalable de
l’organe communautaire parait difficile, puisqu’en effet les états membres sont à la fois
victimes et auteurs de ces interdictions. Ils ne se privent pas de prendre des mesures
nationales afin de dynamiser leur économie ou de favoriser la consommation des produits et
260
Voir Etats-Unis : affaire sur les subventions concernant le coton « upland » sur le site de l’OMC
(http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds267_f.htm).
261
Voir l’article 4, a), du règlement 4/2002/UEMOA.
262
Voir l’article 4, b), du règlement 4/2002/UEMOA.
71
services nationaux alors même que ces mesures sont interdites. Il faut donc une saisine de la
Commission par un tiers Etat victime de ces-dites pratiques afin de pouvoir se prononcer sur
leur qualité d’ « aides interdites » ou d’ « aides admises ». A ce titre, on peut citer de
nombreuses affaires récemment en cours de traitement auprès de la Commission de
l’UEMOA. Il s'agit notamment, entre autres de l'affaire de la farine du Mali, dans laquelle il
est reproché par le Sénégal à l'État malien d'opérer des restrictions à l'importation de farine en
provenance du Sénégal avec notamment l'exigence, comme condition d'importation de farine
dans ledit pays, de la commercialisation préalable d'une quantité équivalente de la production
de l'industrie locale. Egalement, l'affaire du Textile, dans laquelle la Société Africaine de
Transformation de la Ouate de Cellulose Industrielle de la Cote d'Ivoire (SATOCI-CI)
dénonce des restrictions opérées sur ses produits textiles vers le Mali, du fait de l'application
d'un protocole d’accord relatif à la production et à la distribution des produits textiles à base
de coton signé entre les opérateurs en activité au Mali. L'abondance des affaires relatives à
des aides favorisant l'exportation ou la consommation des produits nationaux devant la
Commission de l’UEMOA justifierait le non respect des règles afférentes. Nous pouvons en
déduire que la volonté du législateur d’interdire d’office certaines aides publiques paraît
inapplicable. Il appartiendrait donc à la Commission de les contrôler efficacement car il y va
de l’intérêt du marché commun et particulièrement des consommateurs. C'est dans ce sens que
la doctrine soutient que l'interdiction de plein droit des aides favorisant les exportations et la
consommation des produits nationaux se justifie par les effets néfastes qu'elles peuvent avoir
sur le marché commun, puisqu'elles traduisent une préférence et un favoritisme au profit des
entreprises nationales et des produits locaux263. Cela pourra affecter de façon importante la
diversité de choix des consommateurs et remet totalement en cause les objectifs visés par le
traité de DAKAR.
Par ailleurs la situation des PME (petites et moyennes entreprises) et celle des
entreprises en difficulté demeurent très préoccupantes car la configuration économique de
l’UEMOA est caractérisée par un grand nombre de PME et entreprises en difficulté et il y a
lieu de s'interroger sur leur sort par rapport à l'interdiction des aides264. Ainsi, le législateur de
l’UEMOA n’a, à aucun moment, fait cas de cette problématique. Il semble se désintéresser du
sort de ces dernières. Aussi, le manque de pratique décisionnelle en la matière ne permet pas
de surmonter cette ambiguïté. Toutefois, ce silence du législateur peut laisser apparaître une
double déduction sur les aides aux PME et entreprises en difficulté. Soit on le considère
263
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 121.
264
Ibid, p. 122.
72
comme une interdiction implicite, soit a contrario une admission implicite du législateur.
Cette dernière déduction semble soutenable, puisque, lorsque nous nous focalisons sur le
principe selon lequel les règles protectrices de marché relèvent de l'ordre public économique,
et dont il est impératif, comme en matière pénale, qu'il y ait des textes qualifiant et
sanctionnant les infractions concernées, nous pouvons interpréter le silence du législateur
comme une admission implicite des aides publiques aux PME et entreprises en difficulté en
droit de l’UEMOA.
Quant aux PME, leur situation par rapport aux aides publiques a été assouplie par le
règlement n° 994/98/CE du Conseil du 8 mai 1998. Ainsi, ces assouplissements apportés par
les lignes directrices de la Commission et le précédent règlement européen en matière d'aides
265
Voir la Commission européenne, lignes directrices communautaire pour les aides au sauvetage et à la
restructuration des entreprises en difficultés, JO, C 368,23.12.1994 et révisées en 1997 et en 2004.
266
Voir, Commission européenne, décision du 28 nov. 2007 relative à l'aide de la Pologne en faveur de
Techmatrans SA, JOUE, n° L 86 du 28 mars 2008 ; décision du 27 juil. 1994, JOCE n°L 254 du 30 sept. 1994 ;
décision du 26 juil. 1995 JOCE n° 308 du 21 déc. 1995 ; décision du 8 mai 2001 relative à l'aide de l’État
Allemand en faveur de Philipp Holzmann AG, JOCE n°L 248 du 18 sept. 2001.
267
Selon les lignes directrices de la Commission européenne, l'aide à la restructuration d'une entreprise en
difficulté est un procédé visant à restaurer la viabilité à long terme de l'entreprise et à assurer sa transition sans
obstacle vers une nouvelle structure qui lui donne des perspectives de viabilité à long terme et la possibilité de
fonctionner avec ses propres ressources sans devoir faire appel à l'aide publique. Quant à l'aide au sauvetage, elle
permet de soutenir temporairement une entreprise placée devant une détérioration importante de sa situation
financière par une crise aiguë de liquidités ou une insolvabilité technique, en vue de déterminer les causes de ces
difficultés et d'en déterminer les remèdes.
268
Voir Point 3.2.2 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État à la restructuration et au
sauvetage des entreprises en difficulté donnent les conditions d'application de l'aide à la restructuration des
entreprises en difficulté : Un retour à la viabilité à long terme de l'entreprise dans un délai raisonnable , ce qui
suppose, entre autres , l'abandon des activités structurellement déficitaires et la possibilité de couvrir tous les
coûts ; prévention des distorsions de concurrence indues par une réduction ou une fermeture définitive des
capacités de production ; proportion entre les coûts et les avantages de la restructuration ; mise en œuvre
complète du plan et respect des conditions imposées par la Commission ; contrôle de celle-ci à laquelle des
rapports annuels détaillés doivent être adressés. »
269
Voir André Decocq et Georges Decocq, op. cit., p. 542.
73
aux PME et les entreprises en difficulté pourront inspirer le législateur et la Commission de
l’UEMOA. Cela éviterait notamment que les PME et les entreprises en difficulté ne soient pas
à la traîne et se voient rachetées par les grandes entreprises concurrentes. A long terme cette
situation pourrait occasionner une situation de monopole dans certains secteurs d’activité et
par conséquence désavantager les consommateurs locaux.
Par ailleurs, une autre problématique très importante qui mérite d’être soulignée est
celle de la culture du service public dans le mode de consommation des consommateurs de la
zone de l’UEMOA. En effet, la culture du service public a pendant longtemps influencé la
consommation de certains biens et services dans la zone de l’UEMOA270. Le passage à
l’économie de marché entraîne un bouleversement radical dans leurs habitudes de
consommation. L’économie de marché se voulant un marché libéral avec le transfert des
moyens de production dans les mains des privés (capitalistes), on assiste à une disparition
progressive de l’État dans les affaires privées pour se contenter du rôle d’« État gendarme ».
Cette désétatisation entraîne logiquement une forte baisse de la notion de service public dans
le mode de consommation des consommateurs de la zone de l’UEMOA, qui pourtant sont
toujours attachés à la culture des services publics du fait de leurs coûts très attractifs 271. De
plus, sur certains marchés comme c’est le cas au Burkina-Faso, même avec le libéralisme
économique, on retrouve dans certains secteurs d’activités272, un monopole de fait, en raison
d’un manque de concurrents locaux, alors que pour diverses raisons 273, les contrats de
consommation transfrontaliers ne sont pas assez développés pour permettre aux
consommateurs locaux de diversifier leur choix de consommation avec d’autres
professionnels issus d’État membre de l’UEMOA. Ceci oblige inévitablement les
consommateurs locaux à subir les effets indésirables (augmentation injustifiée des prix,
imposition des qualités des biens et services) des monopoles de fait 274. Finalement, les
services publics sont remplacés par des monopoles de fait et au même moment plusieurs États
prennent souvent des mesures nationales pour encourager la consommation des biens et
services locaux afin d’entretenir ces monopoles de fait. Cela affecte considérablement les
intérêts économiques et le bien-être des consommateurs, d’où l’importance de leur
encadrement ainsi que de leur contrôle par des dispositions communautaires de l’UEMOA.
270
Il s’agit par exemple : des transports en commun, les énergies, l’éducation, les services de santé, etc.
271
Résultat de mes propres enquêtes sociales menées en septembre 2014 à Ouagadougou.
272
Par exemple dans le secteur de l’électricité et de l’eau.
273
Pour plus de développements, voir la Partie (II) de la présente étude, p. 182.
274
Résultat de mes propres enquêtes sociales menées en septembre 2014 à Ouagadougou.
74
Conclusion du Chapitre I-
75
Chapitre -II-
275
Le Conseil des Ministres qui joue le rôle du parlement communautaire et l’article 89 du Traité de l’UEMOA
dispose que « le Conseil, statuant à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la
Commission, arrête dès l’entrée en vigueur du Traité, par voie de règlements, les dispositions utiles pour
faciliter l’application des interdictions énoncées à l’article 88 dudit Traité. De même, il appartient au Conseil de
fixer, selon la même procédure, les règles à suivre par la Commission dans sa mission d’application des règles
de concurrence, ainsi que les amendes et astreintes destinées à sanctionner les violations des interdictions
énoncées, en ce qui concerne en particulier les ententes, les abus de position dominante et les aides publiques
susceptibles de fausser le jeu de la concurrence. Le Conseil peut aussi édicter des règles précisant les
interdictions susmentionnées ou prévoyant des exceptions limitées à ces règles d’interdiction afin de tenir
compte de situations spécifiques ». Aussi, on a le Comité consultatif de la concurrence créé par l'article 28
paragraphe 28.3 du règlement n°03/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002. Il est composé de fonctionnaires
compétents en matière de concurrence, à raison de deux représentants par État membre. Le Comité consultatif de
la concurrence est consulté par la Commission pour avis, préalablement à toute décision en matière d'ententes et
abus de position dominante et avant certaines décisions en matière d'aides publiques, dont en particulier, les
décisions conditionnelles et les décisions négatives.
276
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 154.
76
modalités de coopération des organes communautaires avec les structures nationales de
concurrence (Section II).
277
Ibid, p.158.
278
En effet, la Cour de Justice apprécie la légalité des décisions prises par la Commission en matière d’ententes
et d’abus de position dominante, sur recours d’un État membre ou du Conseil, ou de toute personne physique ou
morale intéressée. De même, la Cour de justice statue, avec compétence de pleine juridiction, sur les recours
intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende ou une astreinte, en ayant la
possibilité de modifier ou d’annuler les décisions prises, de réduire ou d’augmenter le montant des amendes et
des astreintes ou d’imposer des obligations particulières. En outre, relativement à l’obligation de libéralisation
des monopoles et entreprises publiques, la Cour de justice peut être saisie par la Commission lorsqu’un État
membre ne se conforme pas à un avis ou une recommandation de cette dernière proposant des modifications à un
projet de législation nationale susceptible d’affecter la concurrence à l’intérieur de l’Union.
77
monopolisation, d'une part, de l'instruction (Paragraphe I) et, d'autre part, de la prise des
décisions (Paragraphe II).
A- Le déroulement de l'instruction
1- L'ouverture de l'instruction
Ici, nous nous intéresserons aux qualités des personnes habilitées à saisir la
Commission en matière d’affaires relatives à la concurrence. En effet, les personnes habilitées
à saisir la Commission de l’UEMOA sont quasiment similaires à celles des autres juridictions.
Ainsi, outre la saisine d'office de la Commission, les personnes physiques et morales de droit
privé ainsi que l’État279 peuvent saisir également la Commission afin qu'elle constate une
infraction concurrentielle. L'ouverture d'une instruction auprès de la Commission peut donc se
faire, soit de manière gracieuse par une demande ou une notification (a), soit par le biais d'une
279
Voir l’article 4.2, a),b) du règlement 03/2002/UEMOA relatif aux procédures applicables aux ententes et abus
de position à l’intérieur de l'Union Économique Monétaire Ouest Africaine.
78
plainte à la suite d'un contentieux(b).
280
Selon le vocabulaire juridique de Gérard CORNU, une attestation négative est une « décision de la
Commission qui constate qu'il n'y a pas lieu pour elle, en fonction des éléments dont elle a connaissance,
d'intervenir à l'égard d'un accord, d'une décision d'association d'entreprises, d'une pratique concertée ou du
comportement d'une entreprise en position dominante », Association Henri CAPITANT, PUF, 1987, p. 101.
281
Voir, articles 3.1, 4.1, 5.1, 6.8 du règlement précité : « La commission peut, d'office ou sur (…) constater une
infraction aux règles de la concurrence et (...) ». Voir aussi les articles 18 et 19 du Règlement 03/2002/UEMOA
relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l'Union
Économique et Monétaire Ouest Africaine.
282
Voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op. cit., p.453.
79
point 2 du Règlement précité, les parties intéressées et/ou les États membres auxquels elles
sont rattachées, sont habilités à présenter une notification en application de l'article 7 point 1
du présent Règlement »283. Cet article va plus loin en complétant sa liste d'énumération de
personnes compétentes à faire une demande ou une notification. Ainsi, il dispose qu'« est
habilitée à présenter une demande en application de l'article 3 du présent Règlement
concernant l'article 88(b) du Traité, toute entreprise qui est susceptible de détenir, seule ou
avec d'autres entreprises, une position dominante sur le marché commun ou dans une partie
substantielle de celui-ci »284. Sont ajoutées des précisions par rapport aux représentants de
personnes, d'entreprises ou d'associations d'entreprises qui signent une demande ou une
notification, et qui doivent prouver par un écrit leur pouvoir de représentation 285. De plus, des
précisions sont apportées concernant le cas de demande ou de notification collective, où un
mandataire commun, investi du pouvoir de transmettre et de recevoir des documents au nom
de tous les demandeurs ou notifiant, doit être désigné286.
Par ailleurs, outre la désignation des personnes habilitées à présenter une demande ou
une notification, le règlement fait cas aussi des règles de fond et de forme d'une demande ou
d'une notification. En effet, elles sont présentées dans un formulaire préétabli à cet effet par la
Commission dénommé « formulaire N » dont un exemplaire se trouve en annexe du présent
Règlement287. Ledit formulaire dûment rempli288 par les personnes concernées doit être
déposé en dix (10) exemplaires accompagnés des originaux ou des copies conformes de
quelques documents importants289. Dans certains cas, précisément en matière de demande
d'attestation négative, la demande doit comporter un certain nombre d'informations relatives à
la pratique dont il s'agit et la position occupée par la ou les entreprises sur le marché commun
ou dans une partie significative de celui-ci pour les produits ou les services concernés par la
pratique290. À cet effet, la Commission peut déroger à ce principe pour des informations
indiquées dans le formulaire mais n'ayant pas d'importance majeure dans le cas d'espèce291.
Après avoir vérifié que le formulaire de la demande ou de la notification est quasiment
283
Voir l’article 8 alinéa 1 du Règlement n° 02/2002/CM/UEMOA relatif à la procédure applicable aux
pratiques anticoncurrentielles.
284
Voir l’article 8 alinéa 2 du Règlement précité.
285
Voir l’article 8 alinéa 3 du Règlement précité.
286
Voir l’article 8 alinéa 4 du Règlement précité.
287
Voir l’article 9 alinéa 1 et 2 du Règlement précité.
288
Voir l’article 10 alinéa 1 du Règlement précité.
289
Voir l’article 9 alinéa 3 du Règlement précité.
290
Voir l’article 10 alinéa 2 du Règlement précité.
291
Voir l’article 10 alinéa 3 du Règlement précité.
80
complet292, la Commission délivre sans délai aux personnes concernées un accusé de
réception de la demande ou de la notification293.
292
Voir l’article 11 alinéa 2 du Règlement précité.
293
Voir l’article 10 alinéa 4 du Règlement précité.
294
Voir l’article 12 du Règlement précité.
295
Voir l’article 13 alinéa 1 du Règlement précité.
296
Voir l’article 13 alinéa 2 du Règlement précité.
297
Voir l’article 14 alinéa 1 du Règlement précité.
298
Voir l’article 14 alinéa 2 du Règlement précité.
81
S'agissant d'abord du cas des personnes physiques, on pourrait se demander si toutes les
personnes physiques, notamment des personnes physiques non concurrentes, pourraient
éventuellement déposer une plainte auprès de la Commission ? Même si les textes n'ont pas
été très précis sur ce point, nous pouvons en déduire qu'elles ne sont pas concernées par le
contentieux objectif de la concurrence (Public Enforcement)299 auprès de la Commission. Cela
pourrait laisser croire que le législateur communautaire délaisse totalement les personnes non
concurrentes (consommateurs) dans la suite du contentieux. Cependant, ce n'est pas
entièrement le cas, puisque les textes disposent que les sanctions prononcées par la
Commission sont sans préjudice des recours devant les juridictions nationales relatifs à la
réparation des dommages subis300 (Private Enforcement)301. Ainsi, les juridictions nationales
peuvent demander des informations à la Commission en vue d'apprécier ces dommages302.
Cette disposition semble s’inspirer de l'esprit des principes dégagés dans les arrêts Courage
303
(point 26) et Manfredi304(point 61), en ce sens qu'elle mentionne la possibilité à toute
personne de mener une action en responsabilité civile devant les juridictions nationales pour
demander la réparation des dommages causés par la violation de la législation communautaire
de la concurrence. Ainsi la marge d'intervention des personnes non concurrentes dans le
contentieux de la concurrence se limite à l'heure actuelle en une action en responsabilité civile
devant le juge national. Cela pourrait constituer un véritable obstacle pour qu'elles puissent
bénéficier d’une éventuelle réparation aux préjudices des dommages concurrentiels qu’elles
subiraient. D'autant plus que, conformément aux principes généraux de droit de procédure
civile, c'est le demandeur à l’action qui doit apporter la preuve de ses allégations. On voit
nettement que les personnes non concurrentes c’est-à-dire, les consommateurs, auront des
difficultés à prouver la faute concurrentielle, le dommage qu'elles ont subi et le lien de
causalité entre ces deux éléments afin de bénéficier d'une éventuelle réparation devant les
juridictions civiles nationales. L’article 22.4 précité précise que « les juridictions nationales
peuvent demander des informations à la Commission en vue d’apprécier les
dommages concurrentiels », mais ne surmonte pas cette difficulté de preuve de l'action civile
devant le juge national. La Commission joue le rôle de juge d'instruction, elle instruit à charge
et à décharge du prévenu contrevenant. Cela implique que sans une décision de condamnation
299
Pour de plus amples développements, voir Marie DUMARCAY, La situation de l'entreprise victime dans les
procédures de sanction des pratiques anticoncurrentielles, Litec, 2010.
300
Voir l’article 22.4 du Règlement précité
301
Voir Marie DUMARCAY, op.cit.
302
Voir l’article 22.4 du Règlement précité.
303
Voir CJCE, arrêt courage, 20 sept. 2001, affaire C-453/99.
304
Voir CJCE, arrêt Manfredi, 13 juil. 2006, affaire C-295/04.
82
définitive de celle-ci, l’action civile devant la juridiction civile nationale demeurerait difficile
à mettre en œuvre.
Par ailleurs, les textes font état de personnes morales habilitées à présenter une plainte,
mais sans donner plus de précisions sur la catégorie des personnes morales concernées. Nous
pouvons déjà retenir comme pour les personnes physiques, que les personnes morales non
concurrentes, c'est-à-dire des entreprises consommatrices ou les associations de
consommation, sont exclues implicitement par les textes de la liste des personnes habilitées à
déposer une plainte auprès de la Commission pour déclencher un contentieux objectif. Cela
nous interpelle sur le rôle et les pouvoirs des associations de consommateurs dans le cadre de
la défense des intérêts collectifs des consommateurs dans le contentieux de la concurrence. À
ce niveau, soulignons que le statut des associations est en général encadré par des dispositions
nationales. À cet effet, nous savons que pendant longtemps, les législations de la plupart des
États membres de l’UEMOA n'accordaient pas aux associations le droit d’'agir en justice.
Progressivement, celles qui défendent particulièrement les intérêts des consommateurs ont
acquis le droit d'agir en justice. Pour mettre en œuvre ce droit, à l'image du droit sénégalais,
les associations de consommateurs doivent remplir certaines conditions bien déterminées305.
Malgré ces multiples progrès dans l'admission à l’accès en justice des associations de
consommateurs, il faut regretter les récentes jurisprudences sénégalaises en la matière306. En
effet, dans les affaires des Antennes et société SONACOS, le juge sénégalais a rejeté l'action
en justice des associations pour vice de forme. Cette jurisprudence qui semble être la triste
solution réservée aux sorts des associations de consommateurs de l’UEMOA contribue à
aggraver le sort des consommateurs dans la défense de leur droit, dans la mesure où elle freine
l'accès en justice des associations de consommateurs pour la défense des intérêts collectifs ou
individuels de ces deniers, alors que les principes directeurs de l'ONU pour la protection des
consommateurs font de ce droit d'accès en justice un droit fondamental307.
Un regard comparé nous permet de voir que le législateur français a toujours accordé
beaucoup d'importance à l'accès en justice des associations, particulièrement celui des
associations de consommateurs. En effet, en droit français, le droit d'accès en justice des
consommateurs a suivi une évolution progressive en passant d'abord par l'action « conjointe »,
305
Selon les articles 814-819 du COCC sénégalais, les associations de consommateurs doivent remplir les
conditions suivantes:- Être déclarée et poursuivre un but non lucratif ; - Avoir pour objet statutaire la défende des
intérêts des consommateurs ; -Elle doit être agréée par une autorité publique pour bénéficier de la personnalité
morale qui lui permet d’acquérir la qualité pour agir en justice en vue de défendre les intérêts individuels ou
collectifs des membres ».
306
Voir Alassane KANTE, op. cit.
307
Voir http://unctad.org/fr/docs/poditcclpm21.fr.pdf.
83
ensuite l'action « de groupe »308 pour arriver à sa phase ultime qui est notamment l'action
« collective »309. C'est dans cet ordre d'idée que Silvia PIETRINI soutient ardemment les
actions collectives en droit des pratiques anticoncurrentielles comme une perspective
nationale, européenne voire internationale310.
Enfin, outre les personnes précédemment énumérées, on peut aussi entendre par
personne morale habilitée à déposer une plainte auprès de la Commission, l’État et ses
démembrements311.
En somme, le droit de l’UEMOA est resté sur des termes généraux dans l'énonciation
des personnes habilitées à déposer une plainte auprès de la Commission. Par contre, son
homologue européen a tenté de donner plus de précisions en disposant que « seules les
personnes physiques et morales qui peuvent faire valoir un intérêt légitime sont habilitées à
déposer une plainte auprès de la Commission »312. Comme la notion « d’intérêt légitime »
relève d’un concept plus large, la précision que devait apporter cet article ne paraît pas
évidente. Le juge européen a donné plus de précisions à l'occasion de l'affaire
COFAZ/Commission en déclarant que l'affectation des intérêts directs et individuels est une
condition impérative pour qu'une personne puisse pouvoir déposer une plainte auprès de la
Commission313. Cela implique évidemment qu’en droit européen, même les consommateurs
victimes d’une pratique anticoncurrentielle peuvent être concernés par le contentieux objectif
de la concurrence. Du fait que la procédure de saisine est une phase préalable et importante
pour que les consommateurs puissent défendre leurs droits lésés et que la législation de
l’UEMOA en la matière est imprécise, l'article susvisé ainsi que la jurisprudence européenne
précitée pourront éventuellement inspirer le législateur de l’UEMOA afin d'étendre le nombre
de personnes habilitées à se plaindre auprès de la Commission pour violation des règles de la
concurrence.
Après avoir identifié les différentes personnes habilitées à ouvrir une instruction
auprès de la Commission, le déroulement de la procédure d'instruction proprement dite
308
Voir le rapport d'information n°499 du SÉNAT sur les actions du groupe en droit de la concurrence et de la
consommation.
309
Selon le lexique des termes juridiques, Dalloz, 2014-2015, p.29-30 :l’action collective est une action en
justice exercée par une personne morale à but désintéressé. Voir aussi les articles L.421-1 et suivants du C. cons.
français.
310
Pour de plus amples développements, voir Silvia PIETRINI, l'action collective en droit des pratiques
anticoncurrentielles: Perspectives nationale, européenne et internationale, Bruylant, 2012.
311
Exemple de l'affaire Asky, dans laquelle, l’État de Sénégal dénonce l'accord signé entre l'État du Togo et la
Compagnie de transport aérien Asky.
312
Voir l’article 7 du Règlement n°1/2003/CE.
313
Voir CJCE, 28 janv. 1986, aff. COFAZ/Commission.
84
constitue une suite logique pour mieux cerner l’importance de l'exclusivité de l'instruction de
la Commission au profit des consommateurs.
2- L'instruction de la Commission
La Commission, en tant que juge d'instruction en matière de pratique
anticoncurrentielle, instruit à charge et à décharge des contrevenants. Cette procédure est régie
par les articles 16 et 17 du règlement 3/2002/UEMOA. En tant que juridiction d’exception,
elle est tenue au respect d'un certain nombre de principes généraux de droit processuel. Il
s'agit notamment du respect du principe du contradictoire (a) et du droit des contrevenants
(b).
S'agissant d'abord de la communication des griefs, elle consiste à fournir aux présumés
contrevenants tous les éléments nécessaires pour qu'ils puissent faire valoir leur défense316.
Ainsi le législateur de l’UEMOA fait de la communication des griefs une obligation non
discrétionnaire à la charge de la Commission. À cet effet, elle a l'obligation de communiquer
par écrit, à chacune des entreprises et associations d'entreprises ou à un mandataire commun
qu'elles ont désigné, les griefs retenus contre elles317. La communication des griefs instituée
par les dispositions de l’UEMO est l'équivalent de celle mise en place par l'article 6
paragraphe 1 du règlement européen n°773/2004318, mais avec une différence capitale. Cette
différence se situe au niveau des personnes au profit desquelles la communication doit être
adressée. En effet, si le droit de l’UEMOA ne se limite qu'aux personnes présumées
314
Voir l’article 16. 1, a) du Règlement 3/2002/UEMOA.
315
Voir l’article 16. 1, b) du Règlement 3/2002/UEMOA.
316
Voir CJCE, arrêt du 27 sept. 1988, aff. Ahlström Osakeytiö et autres contre Commission de la Communauté
européenne.
317
Voir l’article 16. 1, a) du Règlement précité.
318
Ce règlement a été modifié par le Règlement n°662/2008 du 30 juin 2008.
85
contrevenantes, le droit européen étend cette garantie au profit des plaignants319. Quant au
droit français, il adopte une position plus évasée en utilisant le concept « personnes
intéressées »320. Même si cette différence apparaît a priori de moindre importance, elle est
loin d’être le cas en l’espèce321. Par ailleurs, la Commission détermine le délai pendant lequel
les entreprises et associations d'entreprises ont la possibilité de lui faire connaître leur point de
vue322. Pour fixer ce délai, la Commission prend en considération le temps nécessaire à
l'établissement des observations ainsi que l'urgence de l'affaire323. Ce délai qui ne peut être
inférieur à deux (2) semaines peut être prorogé324 et commence à courir le lendemain du jour
de la réception ou de la remise des communications325. Avant l'expiration de ce délai, les
personnes concernées doivent transmettre les observations écrites à la Commission ou les
expédier326. Toutefois, lorsque ce délai expire un dimanche ou un jour férié, son expiration
est reportée à la fin du jour ouvrable suivant327.
Comme dans toutes les procédures judiciaires des matières relevant de la protection de
l'ordre public, le juge d'instruction, en l'occurrence la Commission, est tenu de respecter les
319
Voir l’article 6 paragraphe 1 du règlement n°773/2004/CE.
320
Voir l’article L. 463-2 du C. com français.
321
Pour de plus amples développements, voir Marie DUMARÇAY, op.cit., p. 189.
322
Voir l’article 16.1, a) du Règlement 3/2002/UEMOA.
323
Voir l’article 17. 9, a) du Règlement 3/2002/UEMOA.
324
Ibid. Comparativement au droit européen qui fixe ce délai à quatre (4) semaines minimum pour les
procédures d'interdiction et à une (1) semaine dans le cas d'une procédure d'adoption de mesures provisoires.
325
Voir l’article 17. 9, b) du Règlement 3/2002/UEMOA.
326
Voir l’article 17. 9, c) du Règlement 3/2002/UEMOA.
327
Ibid.
328
Voir l’article 17.9, précité.
329
Voir l’article 16. 1, b) du Règlement précité.
330
Ibid.
331
Voir l’article 17. 4, a) du Règlement 3/2002/UEMOA.
86
droits de la défense et parallèlement l'intimité de la personne concernée. En effet, le
législateur de l’UEMOA fait du respect des droits de la défense, notamment le droit d’être
entendu, une obligation à la charge de la Commission332. Même si la personne concernée n'en
fait pas la demande, elle doit la convoquer pour une audition333, contrairement à son
homologue européen qui n'exclut pas le droit d'audition des contrevenants dans la procédure
d'instruction, mais le rend facultatif334, c'est aux contrevenants d'en faire la demande s’ils
désirent se faire entendre335. En effet, l'audition consiste en l'obligation pour la Commission
de convoquer les personnes concernées pour faire connaître leur point de vue sur les griefs qui
ont été retenus contre elles336. Du fait qu'elle soit obligatoire en droit de l’UEMOA, on
pourrait s’interroger sur les éventuelles conséquences lorsque la personne concernée ne met
pas ce droit en œuvre. Apparemment, le législateur reste indéterminé sur cette question. Des
auteurs pensent que la mise en œuvre de ce droit pourra engendrer des frais de déplacement
aux personnes concernées, ce qui pourrait justifier leur refus de répondre présentes à la
convocation de la Commission et il serait donc opportun de le rendre facultatif comme en
droit européen337.
Ensuite, le droit d’être entendu a pour corollaire celui de l'accès au dossier par les
personnes concernées et ces deux forment ensemble ce qu'on appelle couramment « les droits
de la défense » qui sont garantis par le législateur. C'est dans cette optique que le législateur
dispose que « les droits de la défense des intéressés sont pleinement assurés dans le
déroulement de la procédure »338. Ils consistent à mettre à la connaissance des personnes
concernées tous les griefs qui on été retenus contre elles afin qu'elles puissent préparer leur
défense. Sur ce point, le législateur de l’UEMOA a été explicite en disposant que l'accès au
dossier doit être ouvert au moins aux parties directement concernées339.
Enfin, le droit d'accès au dossier est assorti d’une limite. Cette dernière constitue
l'obligation pour la Commission de respecter l'intimité de la vie privée des contrevenants. En
effet, outre les deux premiers droits précités, nous avons aussi celui de la protection des
secrets d'affaires et des informations confidentielles des parties concernées que le législateur
332
L’article 17. 1 du Règlement précité dispose que, « la Commission doit procéder à une audition des
personnes contre lesquelles elle a retenu des griefs en vue de l'adoption de décisions sous les articles 3, 4, 5,
7,22 et 23 du présent Règlement ».
333
Voir, Mor BAKHOUM, op. cit., p.166.
334
Voir l’article 11 du Règlement 773/2004/CE.
335
Voir l’article 14 du Règlement 773/2004/CE.
336
Voir l’article 17.5 du Règlement 3/2002/UEMOA.
337
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p.167.
338
Voir l’article 17.8 alinéa 1 du Règlement 3/2002/UEMOA.
339
Voir l’article 17.8 alinéa 2 du Règlement 3/2002/UEMOA.
87
de l’UEMOA garantit, c'est dans ce sens que le législateur dispose, « (…) tout en respectant
l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués »340.
Sur ce point il semble s’inspirer fortement des jurisprudences européennes antérieures à
l'adoption des Règlements européens de 2003 et de 2004. En effet, dans l'affaire British
American Tobacco Company341, la CJCE déclarait que le respect des droits de la défense
constitue une limite au droit à l'information du plaignant. Ensuite le législateur va plus loin
dans son inspiration en exigeant même la suppression des secrets d'affaires et autres
informations confidentielles des contrevenants avant la communication du dossier342.
Pourtant, il a omis de mentionner ce qu'il entend par « secrets d'affaires » et « informations
confidentielles » alors que cela est d'une grande importance, dans la mesure où l'appréciation
de ces notions peut être variable selon qu'on se place du côté de la Commission ou des
personnes contrevenantes343. Si en droit européen, ce sont les personnes concernées qui
doivent identifier auprès de la Commission les éléments qu'elles jugent faire partie « des
secrets d’affaires et d’informations confidentielles » afin de demander qu'ils soient mis hors
de connaissance du public344, le législateur de l’UEMOA semble avoir tacitement donné un
pouvoir à la Commission et aux autorités nationales d'apprécier souverainement les éléments
susceptibles de faire partie du bloc de « secret d'affaires » et d' « informations
confidentielles ». En effet, il ressort de l’article 30 points 1 et 2 du règlement précité, que la
Commission et les autorités nationales doivent garantir le secret professionnel même lorsque
les personnes concernées n'en font pas la demande345.
340
Voir l’article 17.6, c) et .8 alinéa 2 du Règlement 3/2002/UEMOA ainsi que l'article 29.2 du même
Règlement.
341
Voir CJCE 17 nov. 1987.
342
Voir l’article 17.6, c) du Règlement 3/2002/UEMOA.
343
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p.169.
344
Voir l’article 16 du Règlement 773/2004/CE.
345
L’article 30.1 du Règlement 3/2002/UEMOA dispose que, « Les informations recueillies en application des
articles 18 à 21, ne peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées » et le point 2
dispose que, « La Commission et les autorités compétentes des États membres ainsi que leurs fonctionnaires et
autres agents sont tenus de ne pas divulguer les informations recueillies en application du présent règlement et
qui par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel ».
88
B- Les implications du monopole d’instruction par la Commission
dans l’optique de la protection des consommateurs
89
Commission. Cette lourdeur procédurale, qui peut engendrer des coûts de déplacement pour
celles-ci pourrait les amener à s’abstenir de se rendre à la convocation de la Commission.
C'est ainsi que certains auteurs spécialistes du droit de la concurrence se posent les questions
suivantes : les entreprises sont-elles obligées de répondre à la convocation de la
Commission et quelles seraient les conséquences de leur refus d’y répondre349 ? Le droit de
l’UEMOA est resté muet sur ces interrogations350. Ce silence peut d’avantage encourager les
refus de répondre aux convocations de la Commission et de tels refus constitueraient ainsi un
handicap à la bonne marche de l'instruction.
En dehors du cas de l'audition, il faut ajouter que le législateur européen a évolué vers
un système de décentralisation des compétences. Il a été adopté par le Règlement
n°1/2003/CE et consiste en une application du droit communautaire de la concurrence à deux
niveaux, notamment national et communautaire. Cela donne la possibilité aux autorités
nationales de participer à la pratique décisionnelle, de se responsabiliser et aussi d'acquérir
plus d’expérience en la matière. Au contraire, les autorités nationales de l’UEMOA sont
dépourvues de rôle majeur dans la poursuite des contrevenants aux règles communautaires.
Elles manquent d’expérience en la matière et sont traitées comme des structures inutiles dans
l'organisation institutionnelle communautaire. De plus, nous pouvons imaginer qu'à l'avenir, la
Commission sera submergée de dossiers à traiter du fait de son monopole d'instruction au
détriment des structures nationales, cela risquerait d'affecter davantage la qualité des
opérations d'instruction.
349
Ibid.
350
Ibid.
90
En premier lieu, il faut souligner que les structures nationales de concurrence, à
l'image de celles du Sénégal et du Burkina-Faso, sont des autorités administratives
indépendantes composées de juristes et d'économistes mais qui travaillent sous l'autorité du
Ministre de l'économie et du commerce, ce qui amène certains à dire qu'elles sont autonomes
et non indépendantes351. C'est cette situation de « pseudo » indépendance qui met en doute la
crédibilité des actes qu’elles pourront éventuellement accomplir lors d'une procédure
d'instruction. Cela justifie en partie le choix du législateur communautaire de centrer
exclusivement tous les pouvoirs d'instruction dans l'enceinte de la Commission. En effet, cette
exclusivité de compétence d'instruction au profit de la Commission trouve largement sa raison
d’être en matière de contrôle des aides d’État, puisqu'à l'occasion d'une procédure de contrôle
d'aide d’État, ce sont les États qui sont concernés et éventuellement qui sont poursuivis
comme des contrevenants. Il est donc tout à fait raisonnable que l'instruction soit opérée par
un organe quasiment indépendant afin d'assurer la clarté dans la dite procédure.
En somme, nous pouvons déduire des développements précédents que les avantages
du monopole d'instruction de la Commission semblent prendre le dessus sur ses
inconvénients. Evidemment cela contribue à garantir un bon contrôle de la concurrence qui
pourrait être profitable aux consommateurs de la zone de l’UEMOA. L'étendue de ce
monopole jusqu'à la prise de décision semble donc être raisonnable.
351
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p.198.
352
Voir Mor BAKHOUM, op.cit., p.180.
353
Pour de plus amples développements, voir Ali Cenk KESTIN, Pour un nouveau droit international de la
concurrence, l’HARMATTAN, 2009.
91
Paragraphe II- L'exclusivité des pouvoirs de décision de la
Commission
354
Voir l’article 90 du Traité de Dakar du1 jan. 1994.
92
leur source dans la jurisprudence européenne, notamment dans l'ordonnance de l’affaire
Camera Care de janvier 1980355 avant d’être encadrées par le règlement 1/2003/CE356. Ainsi
elles sont des décisions temporaires de la Commission prises dans les cas d'urgence et
consistent en une injonction de revenir à l'état antérieur, en une suspension de la pratique
concertée, ou en l'imposition de conditions nécessaires à la prévention de tout effet
anticoncurrentiel357. Cette urgence peut consister en une situation de gravité irréparable et
immédiate sur l'économie générale, ou sur celle du secteur intéressé, ou sur l'intérêt des
consommateurs et des concurrents358. Ces mesures sont prises suite à une saisine d'office de la
Commission ou sur demande des entreprises ou d'association d'entreprises intéressées après
une audition effectuée dans le respect des prescriptions de l'article 17 du présent
Règlement359. Ce dernier point s'éloigne légèrement de la réglementation européenne qui ne
mentionne pas la possibilité pour les plaignants de saisir la Commission pour une demande de
mesures provisoires. En effet, le législateur européen ne consacre que la saisine d'office de la
Commission à des fins de mesures provisoires360, mais il ouvre la possibilité aux plaignants
de saisir les autorités nationales à des fins de mesures provisoires 361. Cette méthode est à la
fois raisonnable et très risquée. D'abord, elle est raisonnable dans la mesure où les autorités
nationales sont mieux placées pour intervenir afin de faire cesser une pratique nuisible à la
bonne marche de la concurrence du fait de leur proximité géographique avec les entreprises
présumées contrevenantes. Ensuite elle est une opération très risquée, dans la mesure où les
autorités nationales peuvent parfois être tentées d’ignorer les devoirs d'impartialité qui leurs
sont obligés dans l’exercice de leur mission, en fonction de la situation en cause. Sur ce point,
le législateur de l’UEMOA n'a pas pu s'inspirer de son homologue européen, d'une part, parce
que le Règlement de l’UEMOA en la matière a été adopté bien avant l'article 8 du Règlement
européen de 2003, d'autre part, il semble rester sceptique quant à l'efficacité et à la crédibilité
des structures nationales dans l'application du droit communautaire de la concurrence. Ceci
justifie largement son choix de centraliser les pouvoirs des mesures provisoires au sein de
l'organe communautaire, en l'occurrence la Commission. Cependant, pour certains auteurs, le
fait de concentrer exclusivement les pouvoirs entre les mains de la Commission pour des cas
d'urgence, paraît inapproprié à l’efficacité des décisions et ils voient en cela un risque énorme
355
Voir CJCE, 17 jan. 1980, Camera Care/ Commission, aff. 792/79, Rec, p.119.
356
Voir l’article 8 du Règlement 1/2003/CE.
357
Voir l’article 5.4 du Règlement 3/2002/UEMOA.
358
Voir l’article 5.3 du Règlement 3/2002/UEMOA.
359
Voir l’article 5.1 du Règlement 3/2002/UEMOA.
360
Voir l’article 8 du Règlement 1/2003/CE.
361
Ibid.
93
de voir perdurer une atteinte grave à la concurrence durant la période d'attente de la
décision362. Ils soutiennent leurs allégations par le fait que ce monopole des pouvoirs de prise
de mesures provisoires de la Commission pourra constituer un handicap pour l'atteinte des
résultats escomptés363.
Ce sont des moyens préventifs par lesquels la Commission qui est saisie d'office ou
par les personnes concernées, autorise un accord, une décision d'association ou une position
dominante qui ne remplit pas les conditions d'application des dispositions relatives à
l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles364. L’article 3.1 du Règlement
3/2002/UEMOA qui dispose que « La Commission peut constater (…), qu'il n'y a pas lieu
pour elle, en fonction des éléments dont elle a connaissance, d'intervenir à l'égard d'un accord,
d'une décision ou d'une pratique en vertu de l'article 88 paragraphe (a) ou (b) du traité de
Dakar » est une inspiration du Règlement 17/62/CE abrogé par le Règlement 1/2003/CE. En
effet, le Règlement 1/2003/CE ne fait plus cas de la saisine préventive des entreprises afin
d’acquérir des attestations négatives, mais son article 10 permet à la Commission de se saisir
d'office pour prendre une décision d'inapplication des articles 101 et/ou 102 TFUE lorsque
l’intérêt de l'Union concernant l'application de ces articles le requiert 365. Cela sous-entend que
362
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p.171.
363
Ibid.
364
Voir l’article 3.1 du Règlement 3/2002/UEMOA.
365
Voir André DECCOCQ et Georges DECCOCQ, op. cit., p. 453.
94
le système de notification préalable obligatoire adopté sous l'empire du Règlement 17/62 n'est
plus d’actualité dans la législation européenne ainsi que dans la législation française 366. Au
contraire, le législateur de l’UEMOA est resté fidèle à l'ancien Règlement européen de
17/62/CE. A ce titre, un exemple d’une affaire récente survenue trois (03) ans après l'adoption
du Règlement 3/2002/UEMOA nous permettra d'étayer cette disposition. Il s'agit de l'affaire
relative au projet de réalisation de Gazoduc de l'Afrique de l'Ouest367. En effet, dans cette
affaire les États du Bénin et du Togo avaient saisi la Commission pour demander une
attestation négative afin d'aboutir à la création de deux entreprises communes, notamment
l'entreprise Wapco368et N-Gas369. En l’espèce, la Commission de l’UEMOA, conformément à
l’article 3 du règlement précité, a délivré une attestation négative en faveur de ce projet sous
prétexte que cette fusion, même si elle constitue une entreprise commune au sens de l'article
4.1 paragraphe c) ; ne débouche pas sur une position dominante370.
366
Sauf en matière de concentration d'entreprises où les articles 4 du règlement européen sur les concentrations
et L. 430-3 du C. com. français font de la notification une condition obligatoire sous peine de sanctions
pécuniaires. Pour de plus amples développements voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op., cit. p.251 et
suivantes.
367
Voir Décision du 2/2005/COM/UEMOA précitée.
368
En effet, Wapco est une entreprise commune créée par les entreprises Chevron Texaco, Nigeria National
petroleum Corporation (NNPC), Royal Dutch Shell, Volta River Authority (VRA), la société Béninoise de Gaz
(Sobegaz) et la Société Togolaise de Gaz (Sotgaz).
369
En effet, N-Gaz est une entreprise commune créée par un protocole d'accord entre Chevron Nigerian Limited
(CNL), Shell Petroleum Development Company of Nigeria Limited (SPDC) et Nigeria national Corporation
(NNPC).
370
Voir le point 23 de la Décision 2/2005/COM/UEMOA précitée.
371
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p.175.
95
les intérêts des consommateurs372.
372
Voir les développements de la sous-partie (B) intitulée : le bienfondé de la monopolisation des pouvoirs de
décision par la Commission, p.88.
373
L’article 6 point 1 et suivants du Règlement 3/2002/UEMOA dispose que, « La Commission, en application
de l'article 89 alinéa 3 du Traité et de l'article 7 du Règlement N° 02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques
anticoncurrentielles à l'intérieur de l'UEMOA, peut adopter, par voie de Règlement d'exécution, des exemptions
par catégorie. Les Règlements d'exécution portant adoption d'exemption par catégorie sont régis par l'article 6
paragraphes 2 à 8 ci-dessous relatifs aux conditions de forme et de fond ». Le point 2 du même article ajoute
que, «Peuvent notamment faire l'objet d'un règlement d'exécution aux fins d'exemption par catégorie (a) les
accords de spécialisation, (b) les accords de recherche et de développement et (c) les accords de transfert de
technologie. Ces trois catégories sont respectivement définies comme :(a) Les accords par lesquels des
entreprises s'engagent réciproquement, à des fins de spécialisation, - soit à ne pas fabriquer elles-mêmes ou à ne
pas faire fabriquer des produits déterminés et à laisser à leurs contractants le soin de fabriquer ces produits, -
soit à ne fabriquer ou ne faire fabriquer des produits déterminés qu'en commun. (b) Les accords entre
entreprises ayant pour objet : - la recherche et le développement en commun de produits ou de procédés ainsi
que l'exploitation en commun de leurs résultats ;- l'exploitation en commun des résultats obtenus lors de
recherches conjointes sur la base d'un accord antérieur ; - la recherche et le développement en commun de
produits ou de procédés, à l'exclusion de l'exploitation de leurs résultats dans la mesure où ils tombent sous
l'interdiction de l'article 88(a) du Traité. (c) Les accords entre entreprises, de licence de brevet ou de licence de
savoir-faire, les accords mixtes de brevet et de savoir-faire et les accords comportant des clauses accessoires
relatives à des droits de propriété intellectuelle autres que les brevets ». Pour de plus amples développements,
voir les points 3), 4), 5), 6), 7), 8) de l’article précité.
374
Voir l’article 7.1 du Règlement1 3/2002/UEMOA.
96
Contrairement en droit européen375, ces exemptions sont en droit de l’UEMOA soumises à
une obligation de notification préalable376 qui se fait dans le respect des conditions prévues au
présent Règlement377. Pour certains auteurs, cette obligation de notification préalable se
justifie par les mêmes arguments qui avaient motivé le législateur européen lors de l'adoption
du Règlement 17/62/CE378. Ces arguments sont, entre autres, le fait qu'actuellement
« l'UEMOA est au stade initiatique de mise en œuvre d'une politique communautaire de
concurrence et cela ne permet pas de mettre à la charge des entreprises la responsabilité
d'apprécier la conformité de leurs accords avec le droit communautaire »379. Cependant, bien
qu'étant une faveur accordée aux entreprises et profitable aussi à l'économie en général et aux
consommateurs en particulier, les décisions d’exemptions individuelles ne sont pas accordées
indéfiniment, ni arbitrairement. Ainsi, le législateur de l’UEMOA a pris le soin de bien
encadrer cette pratique de « tolérance » qui est beaucoup entachée de subjectivité. Il limite
son application dans le temps et sous certaines conditions. En effet, l'article 7 point (3)
dispose que, « les décisions d'exemptions individuelles sont maintenues pour une durée de
validité déterminée, et peuvent être assorties de conditions et de charges; elles peuvent porter
sur l'acte ab initio, quand bien même cela impliquerait l'application de l'exemption à une
période antérieure à la date de notification; enfin, elles peuvent être renouvelées d'office ou
sur demande des entreprises intéressées si les conditions d'octroi continuent d’être
réunies »380. Par ailleurs, les décisions d'exemption ne demeurent pas immuables puisqu'elles
peuvent sous certaines conditions être révoquées ou modifiées, voire interdites sur certains
actes par la Commission381. Ainsi les décisions d'exemption peuvent être remises en cause
pour plusieurs raisons. D'abord, si la situation de fait se modifie à l'égard d'un élément
essentiel à la décision ou si les intéressés contreviennent à une charge ou à une condition dont
la décision a été assortie382, ensuite, si la décision repose sur des indications inexactes ou
incomplètes, ou a été obtenue frauduleusement383. Enfin, elles peuvent être remises en cause
lorsque les intéressés abusent de l'exemption des dispositions de l'article 88 (a) qui leur a été
accordée par la décision384. À cela s'ajoute la possibilité de révoquer les décisions
375
Voir l’article 1 paragraphe 2 du Règlement 1/2003/CE.
376
Voir l’article 7.2 du Règlement 3/2002/UEMOA.
377
Voir l’article 8 à 11 du Règlement 3/2002/UEMOA.
378
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 175.
379
Ibid.
380
Voir l’article 7.3 paragraphe a), b), et c) du Règlement 3/2002/UEMOA.
381
Voir l’article 7.3 paragraphe d) du Règlement 3/2002/UEMOA.
382
Ibid.
383
Ibid.
384
Ibid.
97
d'exemption individuelle avec un effet rétroactif385.
385
Ibid.
386
Voir l’article 4.1 du Règlement 3/2002/UEMOA.
387
Voir l’article 4.3 du Règlement 3/2002/UEMOA.
98
obligatoire.
S'agissant d'abord des amendes, elles sont des moyens de répression « aux entreprises
qui de manière délibérée ou négligente, donnent des indications inexactes ou dénaturées à
l'occasion d'une demande présentée en application de l'article 3 ou d'une notification en
application de l'article 7 ; qui fournissent un renseignement inexact en réponse à une demande
faite en application de l'article 18, paragraphes 3 ou 5, ou de l'article 19, ou ne fournissent pas
un renseignement dans le délai fixé dans une décision prise en vertu de l'article 18, paragraphe
5 ; qui présentent de façon incomplète, lors des vérifications effectuées au titre de l'article 20
ou de l'article 21, les livres ou autres documents professionnels requis, ou ne se soumettent
pas aux vérifications ordonnées par voie de décision prise en application de l'article 21,
paragraphe 3 »388. Dans ce cas, le montant de l'amende ne peut dépasser 500.000 francs CFA
(environ 800 euros)389. Outre cette catégorie de sanction relative à des vices de forme qui
n'existe pas en droit européen390, il y a aussi celle qui ne sanctionne que les défauts de fond,
en l'occurrence le non-respect des règles de la concurrence, notamment les dispositions des
articles 88 (a) et (b) du traité de DAKAR et de l'article 7.3 paragraphe a) du règlement
3/2002/UEMOA391. Dans ce cas, l'amende se situera entre 500.000 francs CFA et 100.000.000
francs CFA ou peut être portée à dix pour cent (10%) du chiffre d'affaires réalisé au cours de
l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction ou dix
pour cent (10%) des actifs de ces entreprises392. En tout état de cause, les amendes doivent
être proportionnelles à l'importance du tort causé par l'infraction à l'économie
communautaire393. C'est ainsi que la Commission prend en compte la durée et la gravité de
l'infraction dans le calcul du montant des amendes après avoir recueilli l'avis du Comité
Consultatif de la Concurrence (CCC)394.
Quant aux astreintes, elles sont des sanctions infligées par la Commission aux
entreprises ou association d'entreprises qui n'exécutent pas leurs injonctions. Ainsi la
388
Voir l’article 22.1 paragraphe a), b), c), du Règlement 3/2002/UEMOA.
389
Voir l’article 22 .1 du Règlement 3/2002/UEMOA.
390
En effet, selon l'article 23 paragraphe 5 du Règlement n°1/2003/CE, la Commission peut infliger des amendes
à des entreprises ou association d'entreprises, « lorsque de propos délibéré ou par négligence : elles commettent
une infraction aux dispositions de l'article 81 ou de l'article 82 ( article 101 et 102 TFUE), ou lorsqu'elles
contreviennent à une décision ordonnant des mesures provisoires prises au titre de l'article 8, ou lorsqu'elles ne
respectent pas un engagement rendu obligatoire en vertu d l'article 9 ».
391
Voir l’article 22.2 paragraphe a) du Règlement 3/2002/UEMOA. Voir aussi article 23 paragraphe 5 du
Règlement européen précité.
392
Voir l’article 22.2 du Règlement 3/2002/UEMOA.
393
Voir l’article 22.4 du Règlement 3/2002/UEMOA. Pour le droit européen, voir l'article 23 paragraphe 5 du
Règlement 1/2003/CE.
394
Ibid.
99
Commission peut, donc par voie de décision et après avoir recueilli l'avis du Comité
Consultatif de la Concurrence395, infliger des astreintes à raison de 50.000 francs CFA à
1.000.000 francs CFA396 par jour de retard à compter de la date qu'elle fixe dans sa décision,
pour les contraindre, d'abord à mettre fin à une infraction aux dispositions des articles 88 (a)
ou (b) du Traité conformément à une décision prise en application de l'article 4 et à mettre fin
à toute action interdite en vertu de l'article 7, paragraphe (3) alinéa (d) du présent
Règlement397, ensuite, à fournir de manière complète et exacte un renseignement qu'elle a
demandé par voie de décision prise en application de l'article 18, paragraphe (5)398, enfin, à se
soumettre à une vérification qu'elle a ordonnée par voie de décision prise en application de
l'article 21, paragraphe (3)399. Cependant, lorsque les entreprises ou associations d'entreprises
exécutent les injonctions qui étaient à leur charge, la Commission peut être amenée à réviser
le montant de leurs astreintes à un montant inférieur à celui qui était fixé initialement400.
Après avoir fait le tour des différentes décisions qui relèvent de la compétence
exclusive de la Commission de l’UEMOA dans le cadre de sa mission de contrôle de la
concurrence, il serait opportun d'examiner la nécessité d'un tel monopole dans l'optique d'une
meilleure protection des acteurs économiques en général et plus particulièrement des
consommateurs au sein du marché commun.
Comme en matière d'instruction, les pouvoirs de décision sont tous concentrés entre
les mains de l'organe communautaire, en l’occurrence, la Commission. Cela semble être une
nouveauté dans la culture juridique communautaire de l'Afrique subsaharienne. En effet, dans
les autres organisations sous-régionales de l'Afrique de l'Ouest, notamment l’OHADA, le
CIMA, l’OAPI, CEDEAO, etc., le système de décentralisation des pouvoirs de décision au
profit des autorités nationales est la règle de principe, même si ces différentes organisations
395
Voir l’article 23.3 du Règlement 3/2002/UEMOA.
396
En effet, contrairement au droit européen qui fixe le montant de l'astreinte à 5% du chiffre d'affaires journalier
moyen réalisé au cours de l'exercice social précédent. Voir article 24 paragraphe 1, alinéa a) du Règlement
1/2003/CE.
397
Voir l’article 23.1, paragraphe a) et b) du Règlement 3/2002/UEMOA.
398
Voir l’article 23.1 paragraphe c) du Règlement 3/2002/UEMOA.
399
Voir l’article 23.1 paragraphe d) du Règlement 3/2002/UEMOA.
400
Voir l’article 23.2 du Règlement 3/2002/UEMOA.
100
sous-régionales africaines ont chacune à leur tête une cour suprême chargée de veiller à
l’interprétation et à la bonne application des textes et de rendre des avis. C’est d'ailleurs cette
position novatrice du législateur de l’UEMOA qui nous amène à nous poser la question de son
efficacité à contribuer à l'amélioration de la protection des consommateurs dans une économie
intégrée.
401
Le Règlement 17/62/CE dans ses considérants soulevait le besoin d'assurer une application uniforme des
règles de la concurrence sur le marché communautaire pour justifier la compétence exclusive de la Commission
européenne dans ses prises de décisions.
402
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 190-191.
403
Voir la Section (II), paragraphe (I), (A) aux points (1) et (2), p.100-102.
101
internationales qui risqueraient d'échapper à la vigilance des autorités nationales qui sont
moins équipées (sur le plan humain, technique et matériel) que les organes
communautaires404. En outre, il existe une autre raison qui découle d'une démarche logique. Il
s'agit notamment de l'exclusivité des pouvoirs d'instruction au profit de la Commission qui
permet à cette dernière d'avoir une parfaite maîtrise des dossiers qu’elle a eu à instruire afin
de pouvoir prendre des décisions adéquates.
404
Ibid, p. 179 et suivantes.
405
Voir l’article 1 de la Directive 2/2002/UEMOA précitée.
102
Paragraphe I- Les compétences des structures nationales de la
concurrence
406
Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes créée en 1985 de la fusion
de la Direction générale de la Concurrence et de la consommation (DGCC) et de la Direction de la
consommation et de la répression des Fraudes (DCRF), dont les missions sont fixées par un décret du 12
décembre 2001. S'agissant des pratiques affectant un marché de dimension locale, dont le chiffre d'affaires
individuel des entreprises concernées ne dépasse pas 50 millions d'euro, 100 millions en chiffre d'affaire cumulé,
elle a le pouvoir d'enjoindre les entreprises concernées de mettre un terme à leur pratiques. Aussi, pour ces
petites affaires de portée locale, elle a aussi un pouvoir de transaction, dont le montant ne peut excéder 75000
euros ou 5% du chiffre d'affaires en France de l'entreprise concernée, si cette valeur est plus faible (art. L. 464-9
du C. com. français).
103
Ministère de l’Économie et du commerce et jouent un rôle de surveillance générale du bon
fonctionnement de l'économie nationale pour recueillir toutes les informations nécessaires
relatives à la concurrence pour les transmettre au Ministère concerné. À coté de cette
direction, il y a également l’AC (l'Autorité de la Concurrence) 407 française, qui n'est que
l'équivalent de la CNCC (Commission Nationale de la Concurrence et de la
Consommation)408 du Burkina-Faso et de la CNC (Commission Nationale de la Concurrence)
du Sénégal. Même si le législateur de l’UEMOA a omis de préciser la nature juridique de ces
structures nationales, les législateurs nationaux, à l’instar de leur homologue français ont
apporté plus de clarté409. Ainsi, ils disposent qu'elles sont des autorités administratives
indépendantes410. Cependant « la question de cette nature juridique de l’AC a pu être qualifiée
d'embarrassante parce qu'elle divise les auteurs et n'a pas donné lieu à une jurisprudence
univoque »411. Certains auteurs pensent ainsi qu'elles peuvent être traitées comme des
juridictions civiles ou pénales, alors que d'autres réfutent cette prétention sous prétexte
qu'elles ne sont saisies que de fait et non de contestation412. En revanche, d'autres prétendent
encore qu'elles sont des quasi-juridictions et les qualifient de « juridictions insolites »413. En
somme, sans trop vouloir entrer dans ces tendances doctrinales, nous retiendrons la
qualification donnée par les dispositions du code de commerce français et celles de la loi
Sénégalaise précitée. Ces dernières considèrent les structures nationales de concurrence
comme des autorités administratives. De telles autorités administratives pourraient-elles être
407
Créée depuis 1953 sous la dénomination de la Commission Technique des ententes dont la compétence fut
étendue en 1963 aux abus de position dominante; puis Commission de la Concurrence en 1977-1986 et enfin en
Conseil Concurrence 1986-2009 avant de devenir l'Autorité de la Concurrence le 2 mars 2009.
408
La CNCC est un organe consultatif. Elle est saisie de toutes les questions concernant la concurrence et la
consommation, notamment les textes pris en application de la loi n°15-94/ADP du 5 Mai 1994 portant
organisation de la concurrence au Burkina Faso ; des pratiques anticoncurrentielles et les pratiques restrictives de
concurrence ; des faits susceptibles d’infraction au sens de la loi sus visée, à la seule initiative de l’administration
pour émettre son avis. Ainsi, dans le cadre cette loi, la CNCC joue essentiellement deux rôles : - un premier rôle
exclusivement consultatif, qui ne lui permettait de prendre aucune décision pour sanctionner un opérateur
économique. En outre elle ne pouvait être saisie que par le ministère chargé du commerce pour avis sur les
problèmes de concurrence ou les plaintes déposées auprès de ce ministère par les opérateurs économiques contre
d’autres opérateurs économiques ; - un deuxième rôle qui faisait de la Commission un observatoire du marché
national. Elle devait, à la fin de chaque année, faire un rapport sur l’état de la concurrence et de la consommation
dans le pays. 2) La modification apportée par la loi n°033-2001/AN du 04 décembre 2001. La modification
intervenue en 2001 élargit les prérogatives de la CNCC sur essentiellement deux points. La saisine et le pouvoir
de sanction. Désormais, en plus du Ministère du commerce, la CNCC peut être directement saisie par les
opérateurs économiques ou leurs groupements professionnels, les associations de consommateurs légalement
reconnues et la CNCC elle-même (auto-saisine).
409
Exemple de l'article 2 de la loi 2002-23 du Sénégal dispose que, « L'institution de régulation est une autorité
administrative indépendante dotée d'une autonomie financière et de gestion ».
410
Voir l’article L.461-1 du C. com. français.
411
Voir Anne-Lise SIBONY, le juge et le raisonnement économique en droit de la concurrence, L.G.D.J 2008,
p.42.
412
Ibid.
413
Ibid.
104
véritablement indépendantes dans l’exercice de leur mission ?
414
Voir l’article 2 de la loi du 2002-23 du Sénégal portant statut des autorités de régulation du Sénégal, op.cit.
415
Pour de plus amples développements, voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 198-203. ;
416
Voir Momar NDAO, op. cit., p.19.
417
Voir l’article 2 de la loi du 2002-23 du Sénégal portant statut des autorités de régulation du Sénégal, op. cit.
418
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p.198-203.
105
B- La limitation des compétences exclusives des autorités nationales
de la concurrence : Exemple de la CNCC du Burkina-Faso et la CNC du
Sénégal
419
Voir l’article 3 paragraphe 1 du Règlement 1/2003/CE.
420
Sur ce point le législateur UEMOA a fait évoluer la position de la jurisprudence européenne de 1969 en
l'adaptant au contexte économique de la zone UEMOA. En effet, la CJCE dans l'affaire Walt Wilhelm du 13
février 1969 en acceptant l'application parallèle des deux législations notamment communautaire et nationale,
précise que cela ne serait admis que lorsqu'elle ne porte pas préjudice à l'application uniforme dans tout le
marché commun. Ce qui suppose que les législations nationales se voient écrasées par le droit communautaire.
421
Voir, article 35 point 2 et 3 de la loi n°15/94/ADP du 5 mai 1994 modifiée par la loi 33-2001 du 4 Décembre
2001 du Burkina-Faso.
422
L'article 21 de la loi n°15/94/ADP du 5 mai 1994 modifiée par la loi 33-2001 du 4 Décembre 2001 du
Burkina-Faso dispose que : « l’importation ou l’exportation sans titre ou sans déclaration en douane des biens
et produits soumis à ce régime; l’importation ou l’exportation de marchandises en violation de la
réglementation du contrôle des marchandises avant expédition; la détention et la vente desdits biens, produits et
marchandises; toute falsification pratiquée sur des documents à des fins d’importation ou d’exportation; toute
forme de cession de titre d’importation ou d’exportation ».
423
Voir l’article 3 de la loi n°15/94/ADP du 5 mai 1994 modifiée par la loi 33-2001 du 4 Décembre 2001 du
Burkina-Faso.
106
infliger des amendes425, ordonner la publication de leurs décisions dans un journal aux frais
du contrevenant426. En outre, elles veillent à la surveillance du déroulement du marché par
application du droit communautaire afin de repérer les dysfonctionnements relatifs aux
pratiques commerciales anticoncurrentielles427. Au contraire, une approche comparative avec
le droit européen nous permet de constater que la compétence des autorités nationales
s’exerce concurremment avec celle de la Commission dans l'application de la législation
communautaire (européenne). En droit européen, les autorités de concurrence des États
membres sont compétentes pour appliquer les articles 101 et 102 TFUE. À cet effet, « elles
peuvent, agissant d'office ou saisies d'une plainte, adopter les décisions suivantes : ordonner
la cessation d'une infraction et des mesures provisoires, accepter des engagements et infliger
des amendes et des astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national.
Lorsqu'elles considèrent, sur la base des informations dont elles disposent, que les conditions
d'une interdiction ne sont pas réunies, elles peuvent également décider qu'il n’y a pas lieu
pour elles d'intervenir »428. Toutes les compétences précitées sont aussi détenues par les
autorités nationales de la concurrence des États membres de l'UEMOA, sauf que celles-ci se
limitent à l’application du droit interne de la concurrence (petit droit de la concurrence) alors
que celles de l'UE s'étendent au droit communautaire. En effet, la grande différence qui se
trouve ici entre le système de contrôle de l’UE et celui de l’UEMOA est le fait que les
structures nationales de la concurrence de cette dernière sont quasiment dépourvues de tout
pouvoir dans l’application du droit communautaire de la concurrence et sont réduites à des
structures « inutiles », contrairement au droit européen où il y a un partage de pouvoir entre
les structures nationales et la Commission européenne en fonction de l’infraction en cause.
C’est dans ce sens que la doctrine européenne considère que, « le critère de l’obligation au
contrôle européen d’une opération de concentration est, en principe, sa dimension
européenne, celui de l’obligation au contrôle national est, en principe, sa dimension
nationale »429.
424
Ibid.
425
Ibid.
426
Ibid.
427
Voir l’article 31. 1 de la directive 2/2002/UEMOA.
428
Voir l’article 5 du Règlement 1/2003/CE.
429
Voir André DECOCQ et Georges DECOCQ, op.cit., p.232. Ou voir l’article L. 430-2 et suivants du C.com
français pour de plus amples développements.
107
interdites sur le marché national430, mais l’autorité de la concurrence nationale, en
l’occurrence CNCC du Burkina n’est pas compétente en la matière. Cela est d'une logique
indiscutable, puisque le droit communautaire s’intègre obligatoirement dans
l'ordonnancement juridique interne des États membres mais n’octroie pas de compétences de
contrôle aux structures nationales dans ces matières, ce qui implique que leur constatation et
leur sanction relèvent du pouvoir exclusif de la Commission de l'UEMOA431. Cependant, il
ressort de l’article précité que « la Commission nationale de la concurrence et de la
consommation peut, après avoir entendu toutes les parties intéressées, au besoin
contradictoirement, ordonner qu'il soit mis fin aux pratiques incriminées au Chapitre I, Titre I
du Livre II de la présente loi dans un délai déterminé ou imposer des conditions
particulières »432. Ceci semble être un empiètement des compétences exclusives de la
Commission de l’UEMOA, puisque l’article 90 du traité de Dakar octroie à la Commission un
monopole de pouvoir décisionnel en matière de pratiques anticoncurrentielles.
430
Selon l’article 35 de la loi n°15/94/ADP du 5 mai 1994 modifiée par la loi 33-2001 du 4 Décembre 2001 du
Burkina-Faso, « Sont soumises aux dispositions du présent Livre, les infractions ci-après : - les infractions
qualifiées de pratiques anticoncurrentielles ; -les infractions aux règles de la transparence du marché et aux
pratiques restrictives de la concurrence ; -les infractions aux dispositions annexées à l’organisation de la
concurrence ». Et l’article 36 de la même loi en disposant que, « est qualifié de pratique anticoncurrentielle, le
fait de contrevenir aux dispositions du Livre I, Titre III de la présente Loi » fait un renvoi aux ententes et abus de
dominations. Les articles 5 de ce livre I dans son titre III dispose que, « toutes les formes d’actions concertées,
de conventions, d’ententes expresses ou tacites ou de coalitions ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet
d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, sont prohibées notamment
lorsqu’elles tendent à : -1° limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres
entreprises ; -2° faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur
hausse ou leur baisse ; -3° limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès
technique ; - répartir le marché ou les sources d’approvisionnement » et l’article 6 ajoute que, « est prohibée
dans les mêmes conditions que celles visées à l’article 5 ci-dessus, l’exploitation abusive par une entreprise ou
groupe d’entreprises : D’une disposition dominante sur le marché intérieur ou une part substantielle de celui-ci :-
1° de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur
qui ne dispose pas de solution équivalente ; -2° ces abus peuvent notamment consister en des refus de vente, en
des ventes liées, en des conditions de vente discriminatoires ou en des pratiques de prix imposé ainsi que dans la
rupture injustifiée de relations commerciales ».
431
Voir l’article 90 précité du traité de Dakar.
432
Voir l’article 3 bis de la loi n°15/94/ADP du 5 mai 1994 modifiée par la loi 33-2001 du 4 Décembre 2001 du
Burkina-Faso.
108
Paragraphe II- La collaboration entre la Commission et les autorités
nationales de la concurrence
433
Voir l’article 7 du Traité de Dakar du 10 janvier 1994 dispose que, « Les Etats membres apportent leur
concours à la réalisation des objectifs de l'Union en adoptant toutes mesures générales ou particulières, propres
à assurer l'exécution des obligations découlant du présent Traité. A cet effet, ils s'abstiennent de toutes mesures
susceptibles de faire obstacle à l'application du présent Traité et des actes pris pour son application ».
434
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 218.
109
1- La collaboration entre la Commission et les structures nationales
de la concurrence en matière d'enquêtes préliminaires
435
Voir l’article 18. 1 du Règlement 3/2002/UEMOA.
436
Voir l’article 18. 2 du Règlement 3/2002/UEMOA.
437
Voir l’article 21. 1 et 2 du Règlement 3/2002/UEMOA.
438
Voir l’article 3. 2 de la Directive 2/2002/UEMOA va dans le même sens que l'article 11 paragraphe 3 du
Règlement 1/2003/CE mais est moins élaboré.
439
Voir l’article 3. 3 paragraphe a), b), c) de la Directive 2/2002/UEMOA.
440
Voir l’article 20. 2 du Règlement 3/2002/UEMOA.
441
Voir l’article 21. 4 du Règlement 3/2002/UEMOA.
110
préliminaires
442
Voir l’article 28. 1 du Règlement 3/2002/UEMOA.
443
Voir l’article 28. 2 du Règlement 3/2002/UEMOA.
444
Voir Mor BAKHOUM, op. cit., p. 224.
445
Voir l’article 28.3 du Règlement 3/2002/UEMOA : Comité Consultatif de la Concurrence de l'UEMOA qui
est l'équivalent du Comité Consultatif de l'UE crée par le Règlement 17/62/CE et maintenu avec des
modifications de fonctionnement par le Règlement 1/2003/CE. Il est exclusivement composé de fonctionnaires
d'Etats membres.
446
Voir l’article 28.4 du Règlement 3/2002/UEMOA.
111
limités aux seules possibilités de donner des avis qui ne lient absolument pas à la Commission
dans le processus décisionnel447.
447
Voir l’article 28. 7 du Règlement UEMOA précité.
448
Mor BAKHOUM, op. cit., p. 222.
112
Conclusion du chapitre II-
113
Conclusion du Titre I
449
Pour de plus ample développent, voir Florence THIBAULT, la proportionnalité des sanctions prononcées
par les autorités de concurrence Françaises et communautaires, PUAM, 2001.
450
Contrairement, avec l'adoption du Règlement n°1/2003/CE les ententes et les abus de position dominante ne
font plus l'objet de notification préalable en droit européen.
114
collaboration avec les structures nationales afin d'assurer des contrôles qualitatifs.
451
Sauf une action civile qui peut être ouverte devant les juridictions nationales, mais avec une faible admission
des actions des associations des consommateurs, alors que la plupart des consommateurs de la zone de
l’UEMOA ignorent quasiment leurs droits a fortiori les moyens de défense de ceux-ci.
452
Voir, le point (e) du paragraphe 2, des principes directeurs des Nations-Unies de 1999 pour la protection des
consommateurs recommande aux États de mettre en place des politiques de protection des consommateurs qui
puissent leur permettre d'obtenir une réparation effective.
453
Voir Ramata FOFANA-OUEDRAOGO, « Droit de la concurrence UEMOA : les règles de procédures
conditionnent la mise en œuvre effective du droit de la concurrence UEMOA », Ohadata, D-12-21 ;
454
Pour de plus amples développements, voir Laurent BÉTEILLE et Richard YUNG, « rapport du Sénat n°499
session ordinaire de 2009-2010 ».
455
Pour de plus amples développements, voir Silvia PIETRINI, op. , cit.
115
Titre -II-
456
Cela s’explique principalement par le nombre élevé d’Etats qui adhèrent aux organisations internationales.
Aussi, il y a pléthore d’organisations internationales qui concourent à la régulation du marché mondial pour la
protection de la santé des consommateurs. Il s’agit principalement de l’OMC (Organisation Mondiale du
Commerce avec 160 Etats membres), OMS (Organisation Mondiale de la Santé avec 194 Etats membres), ISO
(Organisation internationale de la Normalisation avec 165 Etats membres) et l’OIT (Organisation Internationale
du travail).
116
juridiques et institutionnels de certains Etats membres de l’organisation. Ainsi, l’œuvre
législative de l’UEMOA a abouti principalement à l’adoption de deux règlements. Il s’agit du
Règlement n° 01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 modifié par le Règlement n°
03/2010/CM/UEMOA portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de
certificat, de normalisation et de la métrologie ainsi que le règlement
n°007/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux ainsi que
des aliments dans l’UEMOA. A ces deux règlements vient s’ajouter la Décision
n°10/CU/UEMOA portant adoption des lignes directrices pour le contrôle de l’information et
la publicité des médicaments auprès des professionnels de la santé dans les Etats membres de
l’UEMOA. De plus, quelques dispositions nationales viennent renforcer les dispositions
communautaires afin qu’elles soient plus efficaces457.
457
Exemple de la loi n°3/12/ADP du 3 décembre 1992 portant révision du code des douanes du Burkina-Faso.
458
L’article 2 alinéa 1 du Règlement dispose à cet effet que « la libre circulation des produits et des services tant
sur le territoire communautaire que sur le plan des échanges internationaux, notamment en éliminant
progressivement les obstacles inappropriés ou non nécessaires au commerce ».
117
commun tout en assurant une meilleure protection des agents économiques et notamment des
consommateurs »459.
459
Voir le Règlement n°03/2010/CM/UEMOA.
460
L’article 3 du Règlement précité dispose que, « Le présent Règlement s'applique aux activités techniques
destinées à assurer la qualité des produits et services, notamment les normes, les règlements techniques, les
procédures d'évaluation de la conformité, les procédures d’accréditation et d'autorisation ainsi que la
métrologie dans l’Union ».
461
En premier lieu, elle est moins souple car le législateur a procédé par un « Règlement communautaire » qui
est considéré en droit communautaire comme une forme d’harmonisation rigide des législations nationales
d’Etats membres d’une union économique, contrairement à l’harmonisation par la voie de « Directive
communautaire ». Par ailleurs, cette harmonisation est souple du fait qu’elle ne créé pas de nouvelle législation
qui se substitue ou qui comble celles des Etats membres.
462
Pour de plus amples informations, voir le développement suivant sur la Section (II) de ce Chapitre, p.149.
463
Voir le premier considérant du Règlement n°3/2010/CM/UEMOA, p. 1.
118
Chapitre I-
464
Voir les accords SPS (sanitaire et phytosanitaire) de l’OMC.
119
une consommation saine dans l’espace de l’UEMOA se matérialise, d’une part, par une
harmonisation des instruments juridiques (Section I) et, d’autre part, par la mise en place des
mécanismes juridiques permettant de concilier la libre circulation des produits et la protection
des consommateurs (Section II).
465
Voir les développements sur le Titre (I) de la présente partie, p. 24-112.
466
Règlement n°03/2010/CM/UEMOA portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de
normalisation, de certification et de métrologie.
467
Voir le Règlement n°007/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des
aliments dans l’UEMOA.
120
Paragraphe I- L’harmonisation des activités de normalisation, une
garantie de la qualité des produits dans une intégration économique
468
Voir le Règlement n° 03/2010/CM/UEMOA portant schéma d’harmonisation des activités de normalisation,
de certification, d’accréditation et de métrologie.
469
L’article 1 point 8 du Règlement n° 03/2010/CM/UEMOA dispose que, « la procédure par laquelle une
tierce personne donne une assurance écrite qu'un produit, un processus ou un service est conforme aux
exigences spécifiées ».
470
Article 1 point 5 du Règlement n° 03/2010/CM/UEMOA : « L’attestation délivrée par une tierce partie,
ayant rapport à un organisme d'évaluation de la conformité, constituant une reconnaissance formelle de la
compétence de ce dernier à réaliser des activités spécifiques d'évaluation de la conformité ».
471
Article 1 point 20 du Règlement n° 03/2010/CM/UEMOA : « la science de la mesure et de ses applications.
Elle embrasse tous les aspects aussi bien théoriques que pratiques se rapportant aux mesurages, quelle que soit
l’incertitude de ceux-ci, dans quelque domaine de la science que ce soit ».
472
Voir le point (23) de l’art. 1 du Règlement précité.
121
activités de normalisation, de certification, d’accréditation et de métrologie. Elle est encadrée
en France principalement par le décret n°2009-697du 16 juin 2009, et à l’échelle européenne,
elle est à l’origine des travaux de divers organismes notamment, le CEN (Comité Européen de
Normalisation), le CENELEC (Comité Européen de Normalisation Electrotechnique) et
l’ETSI (Institut Européen de Normalisation des Télécommunications). Au plan international,
elles sont élaborées par plusieurs organismes dont les principaux sont notamment, la CEI
(Commission Internationale Electrotechnique), l’ISO (Organisation Internationale de
Normalisation) et le codex alimentaire.
Au regard de l’importance des activités de normalisation dans le cadre de la promotion
de la qualité des produits dans un contexte de libre échange, il serait utile d’examiner leur
valeur normative. Ceci nous conduira à voir ce qu’on peut entendre par qualité des produits
(1), puis à s’intéresser à l’appréhension des normes de qualité par le législateur
communautaire (2).
Quant à la notion de « qualité » proprement dite, elle peut être employée dans
plusieurs domaines, mais ne semble pas être polysémique. En effet, elle englobe en général
l’idée de mesure, de valeur, de caractéristique, de critère, d’aptitude, de compétence, de titre,
etc. C’est dans ce sens qu’on la définit comme, « le critère de valeur qui permet de classer une
473
Voir l’article 1 du chapitre préliminaire du Règlement 07/CM/UEMOA/2007 relatif à la sécurité sanitaire des
végétaux, animaux et aliments.
122
chose par ordre de mérite, à un niveau supérieur, inférieur ou moyen, relativement aux choses
de même genre »474. Cela implique que l’on pourrait avoir des biens qui sont de moindre
qualité, de qualité passable ou moyenne et de qualité supérieure. Dans le cadre de cette étude,
elle sera appréhendée comme l’ « aptitude d’un ensemble de caractéristiques intrinsèques à
satisfaire des exigences »475. Autrement dit, la qualité d’un produit doit répondre au besoin de
consommer et elle se mesure alors par le rapport entre les exigences du consommateur et les
caractéristiques du bien à consommer476. Ainsi, il existe donc autant de besoins de
consommer que de qualité de produit mis sur le marché. C’est-à dire qu’en principe tout
produit mis en circulation sur le marché doit répondre à un certain nombre d’exigences ou de
prescriptions techniques qui rendent sa consommation sans aucun danger pour la santé des
consommateurs. Par ailleurs, on peut apprécier différemment la « qualité » selon qu’il s’agit
d’un bien ou d’un service. En effet, pour les produits ou les biens en général, « la qualité
s’évalue en termes de goût, d’aspect et de texture, de qualités nutritionnelles ou encore de
durée de conservation. Certaines de ces caractéristiques seront également importantes pour les
médicaments, à côté de la composition chimique et des propriétés médicinales. Pour un
produit électronique, d’autres aspects seront pris en compte : performance, fiabilité, sécurité,
ou encore facilité d’utilisation et aspect visuel du produit »477. Quant aux services, « il peut
être question, entre autres facteurs, de la compétence du prestataire, d’accessibilité,
d’efficacité ou encore de satisfaction du client »478.
A travers ces définitions, on voit bien que plusieurs objectifs sont liés à l’élaboration
d’une norme de qualité. En effet, que ce soit à l’échelle nationale, communautaire ou
internationale, l’élaboration d’une norme de qualité est d’intérêt majeur aussi bien pour les
consommateurs que pour les professionnels. Les normes de qualité des Etats de l’Afrique de
l’Ouest, à l’instar des autres normes visent à préserver et à promouvoir une consommation
saine sur les marchés, c’est-à dire, qu’elles interdisent la mise sur les marchés par des
professionnels internes ou étrangers de produits de qualité incomestible. Cela permet aux
474
Voir Gérard CORNU, vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2011, p.829.
475
Voir Iso 900 sur : http://www.iso.org/iso/fr/.
476
Nous pouvons illustrer cette appréhension du concept « qualité » par une formule mathématique. Soit (Q) la
qualité des biens et des services, (E) les exigences ou les besoins du consommateur, et (C) les caractéristiques
des biens et services. Q est le quotient de E et de C, c’est-à dire Q = E/C. Et Q doit être inférieur ou égal à 1(Q ≤
1). Si Q=1, cela implique que la qualité est parfaitement satisfaisante et irréprochable. Si Q est inférieur à 1 (Q <
1), cela implique que la qualité est parfaite et est au delà des besoins du consommateur. Par contre, si Q est
supérieur à 1 (Q >1), cela implique que la qualité est insatisfaisante.
477
Voir le rapport sur la politique nationale de la qualité (PNQ) du Ministère de l’industrie, du commerce et de
l’artisanat du Burkina-Faso, p.10, novembre 2010. Voir sur :http://www.abmaq.bf/wp-
content/uploads/2011/07/Politique-Nationale-Qualit%C3%A9-BF1.pdf.
478
Ibid.
123
professionnels de faire accroitre leur part de marché, c’est-à dire qu’elles peuvent constituer
des incitations économiques permettant aux opérateurs économiques ouest africains de faire
face à la concurrence interne ou étrangère et de pouvoir commercialiser leurs produits vers
d’autres marchés479. De plus, l’élaboration des normes de qualité se présente comme une
garantie irréfutable pour les consommateurs.
479
Voir Arlène Alpha, Cécile Broutin, Gret avec la collaboration de Joseph Hounhouigan et Victor Anihouvi,
Faculté des Sciences agronomiques du Bénin « Norme de qualité pour les produits agroalimentaires en Afrique
de l’Ouest », AFD (Agence française de développement), p.71-72 ; 2009. Voir sur : www.afd.fr.pdf.
480
http://www.iso.org/iso/fr/home/standards.htm.
481
Voir le point (24) de l’article 1 du Règlement précité.
482
Voir l’article 1 du décret 2009-697 (France) du 16 juin relatif à la normalisation.
124
Par ailleurs la valeur juridique d’une norme ne découle pas seulement de son caractère
écrit mais aussi et surtout de l’authenticité de l’organisme chargé de son élaboration. C’est
pour cette raison que des activités d’accréditation et de certification sont mises en place par
les législateurs nationaux pour attribuer des compétences à des organismes privés ou publics
indépendants du fabricant, de l’importateur ou du distributeur afin qu’ils soient habilités à
élaborer des certificats de conformité. Sur ce point, il est important de souligner que66 le
législateur communautaire joue un rôle important dans l’élaboration des normes de qualité sur
le marché commun. En effet, le législateur de l’UEMOA a mis en place une législation souple
et des structures techniques chargées de rapprocher les différentes dispositions nationales,
mais n’a pas encore produit directement de normes communautaires. En droit comparé, son
homologue européen a procédé, soit par la voie d’une directive pour une harmonisation
souple des normes, soit de façon stricte par la voie règlementaire. Dans le premier cas, la
norme nationale serait associée à la norme européenne, ce qui donnerait lieu à la mention
« NF EN »483 par exemple pour le cas de la France. Et dans le second cas, elle donnerait lieu à
la mention « EN » tout court pour désigner la norme européenne.
Au final, nous ne pouvons pas en principe parler de « norme » de l’UEMOA, dans la
mesure où la législation et les structures de l’UEMOA n’ont pas encore élaboré directement
des référentiels (standards) de qualité des produits qui inspireront ou qui s’imposeront aux
différentes normes nationales. Nous pouvons donc déduire de ce qui précède qu’il n’existe
pas officiellement de norme de qualité communautaire dans la zone de l’UEMOA. Le
législateur communautaire s’est contenté d’une conceptualisation et d’un effort de
rapprochement des différentes normes nationales484. Cela nous conduit à examiner les effets
juridiques de la norme par une analyse de son caractère contraignant ou non contraignant.
483
En effet, la norme de qualité NF EN-15038:2006 est une norme européenne spécifique aux services de
traduction.
484
Par exemple, Malinorm, Codinorm, Fasonorm, etc.
125
document approuvé par un organisme (…)»485. Dans cette définition, il apparait clairement
dans le premier alinéa que le caractère obligatoire des normes ne semble pas être exigé par le
législateur communautaire de l’UEMOA. On pourrait alors se poser la question de savoir à
quoi servent exactement les normes si elles ne sont pas obligatoires. La réponse à cette
question est fondamentale pour nous permettre de déterminer la portée juridique des normes.
Sur ce point il y a lieu de distinguer, d’une part, les normes aux règlements techniques486 et,
d’autre part, les normes issues des organismes publics et celles des organismes privés. Dans le
premier cas, nous constatons que le législateur de l’UEMOA a fait une nette distinction entre
les normes et les règlements techniques. En effet, il ressort des points (24) et (31) de l’article
premier du règlement précité que les règlements techniques se distinguent des normes par leur
caractère contraignant. Mais lorsque nous examinons de près les détails des définitions de ces
deux concepts (les règlements techniques et les normes) faites dans le chapitre préliminaire du
règlement n°03/2010/CM/UEMOA, nous constatons qu’ils sont quasiment identiques.
Toutefois, la mention « respect obligatoire » qui ressort de la notion des règlements
techniques et la mention « respect non obligatoire » de celle des normes, est leur principale
différence. Sur ce point, la législation de l’UEMOA se distingue du droit européen. Ce dernier
ne distingue que les normes issues des organismes privés et de celles des organismes publics.
Cette distinction entre les normes issues des organismes publics ou privés est d’une grande
importance, puisqu’elle permet de déterminer leur valeur juridique. En effet, dans le premier
cas, les normes sont assimilées à des règles de droit et sont d’application obligatoire, dans la
mesure où elles relèvent de l’ordre public économique et sont élaborées sous forme de textes
législatifs ou règlementaires487. Dans le second cas, les normes issues d’opérateurs ou
d’agences de normalisation sont dépourvues de valeur juridique et sont non contraignantes
mais d’application volontaire. Il s’agit généralement des recommandations d’agence de
normalisation comme par exemple : le MALINORM au Mali, le CODINORM en Côte
D’Ivoire, l’ASN du Sénégal, le FASONORM du Burkina-Faso, l’ISO au niveau mondial.
En droit européen, une fois que la norme est élaborée par un organisme agréé sa
transposition en droit interne des Etats devient obligatoire et la non-transposition d’une norme
485
Voir l’article 1 point 24 du règlement 03/2010/CM/UEMOA.
486
L’article 1 point 31 définit le règlement technique comme, « le document qui énonce les caractéristiques
d’un produit ou les procédés et méthodes de production s’y rapportant, y compris les dispositions
administratives qui s’y appliquent, dont le respect est obligatoire. Il peut aussi traiter en partie ou en totalité de
terminologie, de symbole, de prescriptions en matière d’emballage, de marquage ou d’étiquetage, pour un
produit, un service, un procédé ou une méthode de production donnés ».
487
Il s’agit par exemple : de loi n°11-207/AN du 24/05/2007 portant institution d’un système national de
normalisation et de la promotion de la qualité au Burkina-faso, du décret 94-14 du 06/01/1994 instituant un
certificat national de conformité au Burkina-faso.
126
européenne en droit interne est susceptible d’être traitée comme une entrave à la libre
circulation des marchandises. Cette position du législateur européen démontre sa ferme
détermination de faire du contrôle de la qualité des produits une véritable cause
communautaire488.
Il faut rappeler que la politique d’intégration économique de l’UEMOA n’a pas été
suivie systématiquement par une politique communautaire de contrôle de qualité des
produits489. Ainsi le contrôle de la qualité des produits était exclusivement encadré par des
dispositions nationales, ce qui pouvait le rendre très complexe dans le marché
communautaire. En effet, après l’entrée en vigueur du Traité de Dakar en 1994 relatif à
l’intégration économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, le législateur communautaire a
attendu jusqu’en 2005 pour s’intéresser aux activités de normalisation afin de mieux contrôler
la qualité des produits mis en circulation sur le marché communautaire. Il est important de
souligner que bien avant le règlement n°01/2005/CM/UEMOA révisé par le règlement
n°03/2010/CM/UEMOA relatif au schéma d’harmonisation des activités de normalisation,
d’accréditation, de certification et de métrologie, la plupart des Etats membres de l’UEMOA
488
Voir Guy RAYMOND, droit de la consommation, Litec, 2011, p. 48.
489
En effet, en droit européen, même si le Traité de Rome de 25 mars 1957 comportait déjà des prémisses de
normalisation à travers la politique agricole commune, c’est précisément en 1961 que de véritables activités de
normalisation seront élaborées avec la mise en place du CEN (Comité Européen de Normalisation). Ensuite, lors
du sommet de Paris en 1972, les chefs d’Etats et des gouvernements ont manifesté leur volonté d’intégrer la
défense des consommateurs dans les préoccupations communautaires. Enfin, c’est le 25 avril 1975 que la
Commission européenne présentait le premier programme d’action relative à la protection des consommateurs
(JOCE, C.92 du 25 avril 1975).
127
disposaient déjà de leur propres dispositions encadrant la qualité des produits490. C’est donc à
partir de l’adoption du Règlement n°01/2005/CM/UEMOA, que les activités de normalisation
trouvent vraisemblablement leur importance au niveau communautaire de l’UEMOA.
Il ressort clairement du second considérant du Règlement révisé de 2010 une nette
volonté du législateur de faire du contrôle de la qualité des produits une véritable cause
communautaire afin d’assurer une consommation saine sur le marché commun et de
rapprocher les différentes législations nationales pour éviter que les Etats élaborent des
normes de qualité divergente, susceptibles de porter atteinte à la libre circulation des biens et
services sur le marché commun491. Cette volonté du législateur communautaire a été
littéralement suivie par une jurisprudence prometteuse de la Commission de l’UEMOA492. En
effet, il ressort des faits de l’affaire dite « huile de palme » que, l’Etat du Sénégal, en
s’inspirant des projets des normes communautaires sur les huiles comestibles issues des
travaux des experts des Etats membres de l’UEMOA du 12 au 14 novembre 2007 à Dakar, a
adopté en 2008 une norme NS 03-072 sur l’huile de palme enrichie en vitamine « A »493. Un
Décret Présidentiel n°2009-872 du 10 septembre 2009 a rendu obligatoire l’application de
cette norme sur le territoire sénégalais. Par la suite, l’Etat du Sénégal envisageait une
modification de cette norme afin d’exiger un maximum de 30% de teneur en acides gras
saturés dans l’huile de palme raffinée494. C’est ainsi que l’Etat de la Côte D’Ivoire et
l’entreprise sénégalaise West Africa Commodities prétendaient que la modification envisagée
par l’Etat du Sénégal sur la norme NS 03-072 était contraire au Règlement
n°01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 portant schéma d’harmonisation des activités
d’accréditation, de normalisation, de certification et de métrologie dans l’UEMOA495. Le
gouvernement de la Côte D’Ivoire et l’entreprise sénégalaise West Africa Comodities ont saisi
à cet effet la Commission de l’UEMOA respectivement par les lettres n°2202/MIA/DC-OME
du 14 novembre 2009 du Ministère de l’intégration Africaine et n°PDG/ALD/0198 du
490
En effet, il s’agit par exemple : de la loi n°11-207/AN du 24/05/2007 portant institution d’un système national
de normalisation et de la promotion de la qualité au Burkina-Faso, du décret 94-14 du 06/01/1994 instituant un
certificat national de conformité au Burkina-Faso.
491
Voir le deuxième considérant du Règlement n°03/2010/CM/UEMOA portant schéma d’harmonisation des
activités d’accréditation, de certification, de normalisation et de métrologie dans l’UEMOA dispose qu’ « un
schéma d’harmonisation des activités de normalisation, (…) contribuera à améliorer les échanges des produits
et services tant dans l’espace communautaire qu’au plan international, et à constituer le cadre d’actions visant
à approfondir et à consolider le marché commun tout en assurant une meilleure protection des agents
économiques et notamment des consommateurs ».
492
Voir la Décision 007/2010/COM/UEMOA invitant l’Etat du Sénégal à retirer la norme NS 03-072 modifiée
et les mesures prises pour son application.
493
Ibid., p. 1.
494
Ibid., p. 2.
495
Ibid., p. 2.
128
président directeur général de West Africa Commodities496. À cette occasion, une mission
d’enquête a été diligentée à Dakar du 05 au 08 janvier 2010 par la Commission de l’UEMOA
et s’est soldée par un rapport d’enquête497. Suite à ce rapport, la Commission de l’UEMOA,
par la lettre n°1306/PC/DMRC/DCONC du 03 février 2010, ordonne à l’Etat sénégalais de
suspendre son projet de modification de la norme NS 03-072 et de lever toutes les restrictions
aux importations d’huile d’origine communautaire répondant aux exigences de la norme NS
03-072498. Mais l’Etat du Sénégal, sans donner suite aux réquisitoires de la Commission, a
achevé la modification de la norme contestée le 11 février 2010 499. Pour soutenir sa décision,
l’Etat du Sénégal a avancé plusieurs arguments. Il s’agit entre autres : - Que la modification
de la Norme NS 03- 072 est une mesure de santé publique, et que l’Etat du Sénégal est en
droit de l’adopter, d’autant qu’au niveau communautaire il existe un projet de norme non
homologué, qui ne saurait prévaloir sur une norme nationale ; -Que les structures techniques
communautaires prévues n’étant pas encore fonctionnelles, il est possible de mener des
activités de normalisation limitées au niveau national500. La Décision du Sénégal a conduit à
une nouvelle saisine de la Société West Africa Commodities à la Commission de l’UEMOA le
19 février 2009. Dans cette affaire, la Commission avait à répondre à la question de savoir si
la norme NS 03-072 modifiée n’était pas incompatible avec les dispositions communautaires
notamment l’article 33 du Règlement 01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 portant
schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de certification, de normalisation et de
métrologie501 et l’article 6 du Règlement n°02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux
pratiques anticoncurrentielles imputables aux Etats502. À cette question, la Commission de
496
Ibid., p. 2.
497
En effet, il ressort de ce rapport d’enquête trois (03) points essentiels : « -D’abord, qu’une arrivée massive
d’huile de palme raffinée constitue l’un des motifs évoqué par les autorités Sénégalaises, pour prendre des
mesures déclarées viser la protection de la santé des populations du pays. –Ensuite, que le principal producteur
d’huile au Sénégal, la société SUNEOR, a joué un rôle non négligeable dans l’alerte des autorités nationales et
le déclenchement du processus de la modification de la norme mise en cause. –Enfin, que le niveau
communautaire n’a pas été associé à aucune des phases de la procédure de modification de la norme NS03-072
contrairement aux dispositions du règlement 01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 portant schéma
d’harmonisation des activités d’accréditation, de normalisation, de certification et de métrologie dans
l’UEMOA ». Voir le résumé du rapport joint dans la Décision précité, p.2.
498
Ibid., p.3.
499
Ibid.
500
Ibid.
501
L’article 33 alinéas 1 dispose à cet effet, qu’« en attendant la mise en place effective des structures techniques
de la qualité et du Comité Régional de Coordination de la qualité, leurs missions seront assurées par la
Commission et les Etats membres ».
502
L’article 6 dispose à cet effet, qu’« en application des dispositions des articles 4(a), 7 et 76(c) du Traité de
l’UEMOA, les Etats membres s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de faire obstacle à l’application du
présent Règlement et des textes subséquents. Ils s’interdisent, notamment d’édicter ou de maintenir, en ce qui
concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux et exclusifs,
quelque mesure contraire aux règles et principes prévus à l’article 88 paragraphe (a), et (b) du Traité de
129
l’UEMOA a répondu par l’affirmatif. Elle a décidé que la Norme NS 03-072 modifiée était
non conforme aux dispositions communautaires susvisées et a invité l’Etat du Sénégal à
mettre fin aux mesures restrictives des importations d’huile de palme raffinée 503. Pour
soutenir cette décision, la Commission de l’UEMOA avançait plusieurs motivations d’ordre
factuel et juridique. Tout d’abord, l’huile de palme raffinée est un produit qui constitue au
moins 80% des échanges intracommunautaires, de ce fait, les questions relatives à la qualité
de ce produit devraient être traitées au niveau communautaire504, ensuite, la Commission
soutenait que l’Etat du Sénégal, en ne respectant pas les indications qu’elle lui avait données
par la lettre n°1306/PC/DMRC/DCONC du 03 février 2010 concernant la conduite à suivre
afin d’adapter sa norme NS 03-72 aux exigences communautaires, ne pouvait pas prétendre à
un vide juridique communautaire afin d’adopter unilatéralement une norme sur l’huile de
palme raffinée qui affectera les échanges intracommunautaires505.
l’Union. Les Etats membres s’interdisent en outre, d’édicter des mesures permettant aux entreprises privées de
se soustraire aux contraintes imposées par les paragraphes (a) et (b) du Traité de l’UEMOA ».
503
Voir l’article 1 et 2, de la Décision n°007/2010/CM/UEMOA op. cit., p. 6.
504
Ibid., p.4.
505
Ibid., p. 4-5.
506
Voir CJCE, 20 février 1980, cassis de Dijon.
507
Voir les développements sur les points (2) de (A) du paragraphe (I) de la présente section à la p. 118-121.
508
Par exemple le cas de la norme NF associée à la norme EN en cas d’harmonisation souple ou la norme EN
tout court en cas d’harmonisation stricte.
130
ceux des Etats membres dans l’élaboration des normes de qualité, nous pensons qu’il ne
résout pas entièrement la problématique des normes de qualité sur le marché commun. Or,
l’élaboration de normes de qualité au niveau régional peut encourager les opérateurs à se
saisir de l’opportunité que constitue cette ouverture du marché pour mieux valoriser leurs
produits et améliorer leurs revenus, tout en satisfaisant aux exigences des consommateurs509.
À côté de ce dispositif embryonnaire de l’UEMOA sur le contrôle de la qualité des
produits, le législateur s’est intéressé à un domaine particulièrement sensible notamment la
sécurité sanitaire des produits afin de garantir aux consommateurs une consommation saine
des produits mis sur le marché communautaire.
Au delà des questions relatives à la qualité des produits, la sécurité sanitaire est un
aspect important qui préoccupe les consommateurs dans leur besoin de consommation. En
effet, ils cherchent au maximum à prévenir une éventuelle maladie liée aux aliments qu’ils
consomment. C’est ainsi que la santé des consommateurs est devenue un véritable défi aussi
bien pour les professionnels que pour les pouvoirs publics. Aussi, l’ouverture du commerce
notamment régional et mondial a fait de la santé des consommateurs une véritable
préoccupation communautaire voire internationale510. Conscient de cela, le législateur de
l’UEMOA a trouvé nécessaire d’apporter des solutions au niveau communautaire en adoptant
un règlement n°007/2007/CU/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des végétaux, animaux et
aliments. Ainsi, il circonscrit la sécurité sanitaire comme des mesures qui couvrent les
secteurs des végétaux, des animaux et des aliments afin d’assurer la santé des consommateurs,
des animaux et des plantes et de garantir la protection de l’environnement dans l’espace de
l’Union511.
Par ailleurs, il faut noter que les dispositions de l’UEMOA tentent d’être en
conformité avec les exigences et les recommandations internationales. En effet, le législateur
509
Voir Arlène Alpha, Cécile Broutin, Gret avec la collaboration de Joseph Hounhouigan et Victor Anihouvi,
Faculté des Sciences agronomiques du Bénin, op.cit. p. 9.
510
Voir les accords SPS (sanitaires et phytosanitaires) de l’OMC et la Convention Internationale pour la
Protection des Végétaux (CIPV).
511
Voir les définitions sur le chapitre préliminaire du Règlement 07/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité
sanitaire des végétaux, des animaux, et des aliments dans l’UEMOA, p. 8.
131
de l’UEMOA, conscient de l’importance de l’ouverture du marché communautaire au
commerce international, exige que les États membres mettent en œuvre pour l’ensemble des
domaines concernés par le présent schéma d’harmonisation, les principes directeurs
internationaux relatifs aux obstacles techniques au commerce (OTC), édictés dans le cadre des
accords de l’OMC512.
Dans sa quête d’assurer une consommation saine sur le marché commun, le législateur
s’est intéressé à une diversité de domaines notamment végétal, animal et alimentaire. Dans
cette étude, nous nous intéresserons principalement au domaine alimentaire. Ainsi, après avoir
cerné les matières qui sont concernées par cette harmonisation (A), nous approuverons le
choix de la technique d’harmonisation du législateur de l’UEMOA sur la sécurité sanitaire des
produits et nous examinerons son impact sur la garantie de la santé des consommateurs sur le
marché commun (B).
132
alimentaire ». En effet, la sécurité alimentaire « Food Security » est appréhendée par le Codex
Alimentaire514 comme la sécurité des approvisionnements alimentaires en quantité (avec
disponibilité et accessibilité) et en qualité et aussi l’accès à tous les individus, à tout moment à
une quantité de nourriture suffisante pour mener une vie saine et active 515. Quant à la notion
de « sécurité sanitaire des aliments », elle est l’assurance que les aliments sont, d’une part,
sans danger pour le consommateur, ou ne causeront pas de dommage au consommateur,
quand ils sont préparés et/ou consommés, conformément à l’usage auquel ils sont destinés et,
d’autre part, qu’ils sont acceptables pour la consommation humaine conformément à l’usage
auquel ils sont destinés516. En considération des appréhensions des dispositions
communautaires (UEMOA et UE) et nationales (françaises) précitées ainsi que celles de
l’organisation internationale (Codex Alimentaire) sur la notion de la « sécurité sanitaire des
aliments », nous pouvons opportunément retenir qu’elle est un ensemble de mesures et
conditions consistant à maîtriser ou à éviter les dangers d’une denrée alimentaire et à garantir
son caractère propre afin de tenir compte de son utilisation prévue.
Après avoir appréhendé la notion de « sécurité sanitaire des aliments », il serait
important de cerner les matières faisant l’objet d’harmonisation afin de pouvoir étayer la
volonté du législateur communautaire d’assurer la santé des consommateurs sur le marché
commun.
514
« Le Codex Alimentarius (ou Codex Alimentaire) est un programme commun de l'Organisation des Nations
Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) consistant
en un recueil des normes, codes d'usages, directives et autres recommandations relatifs à la production et à la
transformation agroalimentaires qui ont pour objet la sécurité sanitaire des aliments, soit la protection des
consommateurs et des travailleurs des filières alimentaires, et la préservation de l'environnement. La commission
du codex Alimentarius en est l'organe exécutif. Cette commission internationale, où siègent les représentants de
près de 200 pays, a été créée en 1963 par la FAO et l'OMS. Elle est chargée d'élaborer des normes alimentaires,
des définitions et des critères applicables aux aliments, de contribuer à leur harmonisation et donc, notamment,
de faciliter les échanges internationaux. Elle joue un rôle prépondérant dans la normalisation alimentaire
mondiale et a été reconnue à ce titre par les accords de l'Organisation mondiale du commerce(OMC) en 1994,
sous réserve que ses prescriptions n'entravent pas les échanges si elles ne sont pas suffisamment scientifiquement
étayées ».Voir sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Codex_Alimentarius.
515
http://www.codexalimentarius.org/codex-home/fr/.
516
Ibid.
133
importantes. En droit comparé, son homologue européen a progressivement embrassé toutes
les matières relatives à la sécurité des produits. Ainsi, il ressort des dispositions de l’UEMOA
que l’harmonisation s’étend à toutes les activités de la sécurité sanitaire des végétaux,
animaux et des aliments, y compris les produits issus des biotechnologies517. Elle vise
également à établir les principes généraux ainsi que les dispositions relatives aux procédures
organisationnelles permettant d’assurer la sécurité sanitaire des végétaux, animaux et des
aliments, au niveau communautaire et national518. Il s’agit notamment du principe de la
reconnaissance mutuelle519, du principe de la reconnaissance des normes internationales520, du
principe d’évaluation des risques521, du principe de précaution522, et enfin celui de libre
517
Voir l’article 3 du Règlement n°7/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des végétaux, animaux et
des aliments dans l’UEMOA.
518
Voir, l’article 2 du Règlement précité.
519
L’article 4 du règlement UEMOA précité dispose que, « conformément aux articles 9 à 11 du Règlement No
01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de
certification, de normalisation et de métrologie dans l’UEMOA et aux dispositions du présent règlement, les
Etats membres mettent en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des prescriptions techniques et normes
ainsi que des procédures d’homologation et de certification de même que les mesures sanitaires en matière de
protection sanitaire des végétaux, des animaux et des aliments en vigueur dans les Etats membres en les
reconnaissant comme équivalentes ».
520
L’article 5 du Règlement UEMOA précité dispose que, « afin de permettre la libre circulation dans l’Union
des végétaux et produits végétaux, des animaux, produits animaux, produits d’origine animale et aliments pour
animaux, des denrées alimentaires, ainsi que les produits issus des biotechnologies modernes et de favoriser
leur commerce international et régional dans des conditions sanitaires satisfaisantes, les Etats membres : -
fondent leurs mesures sanitaires sur les normes, directives et autres recommandations internationales
notamment celles du Codex Alimentarius, de l’OMC (Accords SPS et OTC), de la CIPV, de l’OIE ainsi que
celles établies par le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques ; - prêtent leurs
concours aux structures de sécurité sanitaire de l’Union instituées par le présent Règlement, en vue d’évaluer
l’opportunité et l’étendue de l’adoption de normes internationales ».
521
L’article 6 du Règlement UEMOA précité dispose que, « en conformité avec les normes internationales, les
Etats membres, en étroite collaboration avec la Commission de l’UEMOA, déterminent, à travers les structures
de sécurité sanitaire de l’Union instituées par le présent Règlement, le niveau de protection sanitaire des
végétaux, des animaux et des aliments qu’ils jugent approprié pour leur territoire, en évitant les distinctions
arbitraires ou injustifiables entre les niveaux de risque qu’ils considèrent appropriés dans différentes situations.
A cet effet, les Etats membres : - procèdent à une évaluation appropriée des risques sanitaires reposant sur des
données scientifiques, pour autant que l’approche suivie soit cohérente et non arbitraire selon les modalités
prévues à l’article 9 du présent Règlement ; - élaborent, adoptent et appliquent les mesures de gestion du risque
nécessaires et proportionnées au risque encouru afin d’assurer la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux
et des aliments ainsi que de protéger la santé humaine et l’environnement. Ils peuvent toutefois être conduits à
maintenir ou à édicter des mesures portant atteinte à la libre circulation des marchandises dans les conditions
prévues à l’article 79 du Traité de l’UEMOA ».
522
L’article 7 du Règlement UEMOA précité dispose que, « afin d’assurer un niveau élevé de protection de la
santé des personnes, des végétaux et des animaux et de garantir la protection de l’environnement, des mesures
de précaution sont appliquées par les Etats membres selon leurs capacités. En cas de risque de dommage grave
ou irréversible en matière de sécurité sanitaire, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de
prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir de tels risques. Dans le cas
où il existe une incertitude scientifique mais où une évaluation des informations disponibles indique des
possibilités d'effets nocifs sur la santé des personnes, des végétaux et des animaux, l'Union et ses Etats membres
peuvent adopter, dans l'attente d'informations scientifiques, des mesures provisoires de prévention des risques
pour assurer un niveau élevé de protection de la santé. Ces mesures doivent être proportionnées et ne doivent
pas imposer plus de restrictions au commerce qu'il ne soit nécessaire pour obtenir le niveau élevé de protection
de la santé choisi par l'Union en tenant compte de ses capacités techniques et économiques ».
134
circulation des produits et d’équivalence523 et de garantie des droits dans le cadre des
procédures d’inspections sanitaires524. Par ailleurs, l’harmonisation vise à instituer les
structures525 et mécanismes526 de coopération en matière de sécurité sanitaire au sein de
l’union.
135
de sécurité à la charge des professionnels désirant mettre en circulation leurs produits sur le
marché européen.
Pour assurer la sécurité sanitaire des aliments, des végétaux et des animaux sur le
marché commun, le législateur de l’UEMOA a choisi de focaliser son projet d’harmonisation
sur certaines matières seulement, sans pour autant adopter ou rapprocher les dispositions
spécifiques qui contraindraient directement les professionnels. Toutefois, les articles 90 et
suivants du Règlement précité établissent certaines obligations d’ordre général à l’égard des
professionnels529. Ce choix des matières par le législateur de l’UEMOA ne semble pas
résoudre entièrement les risques d’insécurité sanitaire liés à l’ouverture des marchés. Ceci
nous amènera à examiner dans nos prochaines lignes sa technique de rapprochement des
législations nationales et son implication pour l’assurance de la sécurité sanitaire des produits
au sein du marché communautaire.
529
Voir les développements sur le point (1) intitulé « obligation de sécurité à la charge des professionnels » du
point (B), paragraphe (II) de la section (II), p. 155-157.
136
7/2007/CM/UEMOA précité, pour aboutir à une harmonisation stricte530. A l’inverse, son
homologue européen a utilisé différentes techniques d’intégration juridique, notamment par la
Directive du 3 décembre 2001 et du Règlement n°596/2009 du 18 juin 2009. Le règlement de
l’UEMOA présente des caractéristiques particulières qui le rendent différent d’un règlement
classique. Ainsi il ressort de son article 24 intitulé « harmonisation des mesures
sanitaires »531 toute une variété de matières que le législateur désirait harmoniser afin de
renforcer la protection des consommateurs à un niveau plus élevé, mais on pourra constater
que cette volonté du législateur communautaire ne semble pas être totalement atteinte532.
En outre, une des particularités de ce règlement de l’UEMOA est qu’il ne semble pas
être véritablement un rapprochement total des différentes législations nationales, dans la
mesure où il n’encadre pas certaines matières très importantes relatives à la sécurité
sanitaire533.
530
Cette technique d’intégration juridique est appréhendée comme un acte de portée générale du Conseil ou de la
Commission, obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre sans besoin
d’aucune procédure particulière de transposition. Voir Gérard Cornu, Vocabulaire Juridique, Association Henri
Capitant, PUF, 9ème édition, 2012, p.873.
531
« En vue de l’approfondissement du marché commun dans le secteur agricole et afin de contribuer à la mise
en œuvre de la stratégie commune de sécurité sanitaire de l’Union, la Commission : - dresse l’inventaire des
reconnaissances mutuelles de législation dans le domaine de la sécurité sanitaire ; - organise et administre les
procédures de notification des mesures sanitaires adoptées par les Etats membres ; - adopte les mesures
sanitaires communautaires ; - coordonne les positions des Etats membres aux travaux des organisations
internationales et régionales compétentes. Dans le cadre de l’article 79 du Traité de l’UEMOA et dans le
respect des normes internationales de sécurité sanitaire, les Etats membres : - mettent en conformité les activités
en matière de réglementation sanitaire ; - alignent ou créent des structures et pratiques de leurs organismes
nationaux de sécurité sanitaire ; - développent leurs capacités techniques et juridiques de manière à permettre
une coopération efficace et rationnelle; - assurent la promotion et l’application des prescriptions et règlements
techniques en matière sanitaire pour une protection appropriée de leurs populations et de leur environnement ; -
appliquent des règles et des procédures de l’UEMOA, telles qu’adoptées et mises en œuvre par l’Union »
532
Pour plus de développement voir le (2) du point (A), p.133-136.
533
À cet effet, l’article 8 intitulé « harmonisation » du Règlement 07/2007/CM/UEMOA précité, dispose que,
« Sous réserve de l’article 79 du Traité de l’UEMOA et aux fins de la réalisation de l’objectif d’harmonisation,
l’Union contribue au rapprochement des politiques et des actions en matière de sécurité sanitaire ».
534
Voir les développements du point (2) du (A), p. 133-136.
137
anticoncurrentielles des entreprises. Cette technique de rapprochement des législations
nationales qui a été qualifiée de « Nouvelle approche » par la doctrine européenne535 est aussi
usitée en droit européen mais par le biais de Directives européennes. En effet, par cette
technique dite de la « Nouvelle approche », le législateur communautaire se limite à établir les
exigences essentielles et cesse de régler dans les détails des dispositions techniques d’ordre
industriel ou alimentaire536. Dans ce sens, le législateur communautaire laisse une marge de
manœuvre aux différents Etats pour mettre en place une législation qui traiterait des détails
techniques qui serviront de guide aux professionnels afin d’instaurer un climat de sécurité
sanitaire des aliments sur les marchés nationaux. Cette légèreté dans le traitement des
questions aussi importantes et sensibles relatives à la sécurité sanitaire demeure l’une des
limites de ce Règlement. Il est vrai que les Etats membres disposent des législations
spécifiques537 en la matière pour régler les détails techniques des produits, mais cela parait
incohérent avec l’idée du marché commun et pourrait éventuellement mettre en péril le
principe de la libre circulation des marchandises sur l’espace de l’UEMOA. En effet, une
affaire déjà citée, notamment l’affaire sur la Norme NS 03-072 du Sénégal, vient démontrer
comment il est difficile d’assurer la sécurité sanitaire des aliments avec des mesures
nationales souvent divergentes dans un marché ouvert, à la différence du droit européen qui a
aussi emprunté la technique dite de la « Nouvelle approche », mais plus élaborée que celle de
l’UEMOA. En effet, comme nous l’avions précédemment examiné, les articles 3, 4 et 5 de la
Directive européenne du 3 décembre 2001 précitée établissent de véritables obligations à la
charge des professionnels avec un renvoi à une normalisation au niveau européen. Ainsi,
d’une part, le législateur européen a établi les bases de référence minimum ou maximum de
sécurité des produits et, d’autre part, il a mis en place des organismes de normalisation au
niveau européen chargés d’élaborer les spécifications techniques qui contraindront les
professionnels dans la fabrication de leurs produits, afin d’assurer la sécurité sanitaire des
produits mis en circulation sur le marché communautaire. Certes le législateur de l’UEMOA a
lui aussi mis en place des organes techniques chargés de promouvoir et d’assurer la qualité et
535
Pour de plus amples développements, voir la Résolution du Conseil des Communautés européennes du 7 mai
1985, JOCE, n° C136 du 4 juin 1985.
536
Voir Loïc GRARD, Droit de l’union européenne, L.G.D.J, 2013, p. 273.
537
En effet, la disposition de base applicable dans l’espace de l’UEMOA était la loi Française du 1 er août 1905
sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées et des produits
agricoles. Ainsi, après les indépendances, il semblerait que plusieurs Etats se sont inspirés de cette loi pour
élaborer des dispositions en la matière en tenant compte des spécificités de leur marché. Il s’agit entre autres, de
la loi sénégalaise n°66-48 du 27 mai 1966 portant sur le contrôle des produits alimentaires et la répression des
fraudes, le Décret n° 1094 du 04 novembre 2002, relatif à la police sanitaire des animaux, le Décret n° 69-132 du
12 février 1969, relatif au contrôle des produits de la pêche ; le Benin avec loi 84-09 du 15 mars 1984 sur le
contrôle des denrées alimentaires.
138
la sécurité sanitaire des aliments sur le marché commun, mais il s’avère qu’ils n’ont toujours
pas élaboré de mesures techniques de référence sanitaire contraignant les professionnels. Fort
de ce constat, nous pouvons déduire que, malgré le fait que le règlement communautaire est
une technique idéale d’intégration juridique, le choix des matières à harmoniser par le
législateur ne semble pas garantir entièrement une consommation saine sur le marché
commun.
Par ailleurs, le législateur a mis en place des mécanismes juridiques permettant de
combler cette insuffisance d’outils juridiques, et il serait nécessaire d’examiner leur efficacité
dans nos prochaines lignes.
139
mécanismes favorables à l’intégration économique et accessoirement à une mesure de
protection des consommateurs (Paragraphe II).
538
Voir les dispositions du sommet de la terre à Rio de 1992.
140
précaution » en remontant à ses origines. Il semble tirer ses racines dans le droit Allemand
vers les années 1970, avec l’avènement de la formule « Vorsorgende Umweltpolitik »
(politique environnementale précautionneuse) dans la législation environnementale avant de
prendre une tournure internationale avec le Sommet de la terre à Rio en 1992539. Puis, la
même année, le Traité de Maastricht l’a inscrit dans le droit européen avant que la Résolution
du Conseil européen de Nice circonscrive son contenu en 2000540. Par la suite, ce principe
acquière une valeur constitutionnelle en droit Français par le biais de la charte de
l’environnement inscrite dans le préambule de la constitution en 2005. Dans le contexte de
l’UEMOA, l’origine de ce principe est relativement récente. En, effet, bon nombre d’Etats
méconnaissait ce principe avant l’adoption du règlement 07/2007/CM/UEMOA précité. Fort
de ce constat, nous pouvons présumer que ce principe n’a été généralisé dans la zone de
l’UEMOA qu’après les années 2007, et n’est qu’une inspiration de celui élaboré par le
Sommet de Rio puis celui du droit européen.
Quant à la définition du principe de précaution, ce dernier a été défini pour la première
fois lors du Sommet de Rio, précisément par son article 15 en ces termes : « Pour protéger
l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats
selon leurs capacités. En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de
certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard
l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement »541.
Cette définition sera reprise par la législation de l’UEMOA avec quelques différences
mineures. En effet, le législateur dispose qu’ « afin d’assurer un niveau élevé de protection de
la santé des personnes, des végétaux et des animaux et de garantir la protection de
l’environnement, des mesures de précaution sont appliquées par les Etats membres selon leurs
capacités. (…). Ces mesures doivent être proportionnées et ne doivent pas imposer plus de
restrictions au commerce qu'il ne soit nécessaire pour obtenir le niveau élevé de protection de
la santé choisi par l'Union en tenant compte de ses capacités techniques et
économiques »542.On constate donc que le premier alinéa de la disposition précitée, en
disposant qu’« afin d’assurer un niveau élevé de protection de la santé des personnes, des
végétaux et des animaux et de garantir la protection de l’environnement, des mesures de
précaution sont appliquées par les Etats membres selon leurs capacités (…) » fait ressortir une
539
Voir Denis GRISON, qu’est ce que le principe de précaution, chemins philosophiques, 2012, p. 9.
540
Ibid.
541
Voir l’article 15 de la Déclaration du Sommet de Rio de 1992.
542
Voir l’article 7 du Règlement 7/2007/CM/UEMOA précité et aussi l’article 13 du Règlement
03/2010/CM/UEMOA précité.
141
nette volonté du législateur d’étendre l’application du principe de précaution à la protection
des consommateurs au-delà de la protection de l’environnement. Ainsi, le législateur de
l’UEMOA va au delà de l’esprit des dispositions du Sommet de Rio. Mais en tout état de
cause, que cela soit en droit international, européen543, français544 ou de l’UEMOA, les
objectifs visés par les législateurs dans l’élaboration du principe de précaution semblent être
quasiment identiques. En effet, une partie de la doctrine européenne pense que ce principe
«est par nature, un intervalle entre deux temps, celui du néant et celui du savoir »545 et c’est
d’ailleurs cet aspect temporel suivi du doute qui donne à ce principe toutes ses vertus dans le
cadre de la protection de la santé des consommateurs. Ce principe, qui vise essentiellement à
octroyer des supers pouvoirs aux autorités publiques afin de prendre des mesures appropriées
pour prévenir un risque susceptible de porter atteinte à la santé des personnes ou de
l’environnement, est donc une sorte de mesure de protection collective. Vu sous cet angle, le
principe de précaution va dans le même sens que la thèse défendue dans le cadre de cette
étude à savoir, l’assurance d’une meilleure protection des consommateurs par des mécanismes
de protection collectifs. Cependant, la mise en application de ce principe peut se trouver
délicate avec l’ouverture des marchés.
Après avoir brièvement circonscrit la notion du principe de précaution, il serait
maintenant important d’examiner ses conditions d’application afin de mieux appréhender son
efficacité et ses limites dans le cadre d’une économie intégrée.
543
Voir l’article 191.2 du TFUE.
544
Voir l’article L.110-1 du Code de l’environnement et l’article 5 de la Charte de l’environnement qui disposent
que, « Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances
scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées
visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement
acceptable ».
545
Voir ERIC Nam-Gesbert, « Le monde de la précaution », Revue juridique de l’environnement, n°4 du
décembre 2013, p.589.
142
ce sens que la Commission européenne prétendait qu’il est nécessaire d’emprunter un
processus de prise de décision structuré, fondé sur des données scientifiques détaillées et
autres informations objectives pour trouver l'équilibre adéquat permettant de prendre des
décisions proportionnées, non discriminatoires, transparentes et cohérentes546. Sans s’opposer
à cette affirmation, nous pensons qu’il serait plus adéquat que ce principe soit encadré au
niveau communautaire. C’est dans cette optique que le législateur de l’UEMOA est intervenu
afin de mettre les bases d’un principe de précaution en droit communautaire.
Les dispositions de l’UEMOA ne semblent pas assez claires pour nous permettre de
faire une analyse complète des modalités d’application de ce principe. Toutefois, il ressort de
ces dispositions des prémices de modalité d’application dudit principe. En effet, le premier
alinéa de l’article 7 du Règlement de l’UEMOA précité donne les objectifs visés et les
domaines d’application du principe de précaution. Il s’agit notamment d’une mesure de
protection de la santé des personnes et de l’environnement547. Au regard de cette disposition,
nous pouvons tirer trois (03) conditions essentielles pour le recours au principe de précaution.
Il s’agit premièrement d’un risque de dommage irréversible548, ensuite d’une incertitude totale
scientifique549 et enfin, la prise de mesures proportionnées afin d’éviter d’éventuels risques550.
En outre, au regard des autres dispositions du Règlement de l’UEMOA précité, nous pouvons
déduire trois (03) grandes phases dans l’application du principe de précaution que le
législateur communautaire a établi afin de faire participer les organes communautaires dans la
mise en œuvre de celui-ci. Il s’agit notamment de la phase d’analyse des risques551, de la
communication des risques552 et de la gestion des risques553. Dans la première phase, il s’agit
546
Voir la communication de la Commission sur le recours au principe de précaution, Bruxelles, COM(2000),
p.1.
547
Voir, l’article 7 du Règlement de l’UEMOA précité.
548
Ibid, alinéa 2 qui dispose à cet effet qu’ « en cas de risque de dommage grave ou irréversible en matière de
sécurité sanitaire (…) »
549
Ibid, alinéa 2 et 3 disposent que, « (…), l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de
prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir de tels risques ».
550
Ibid, alinéa 1 dispose que, « (…), des mesures de précaution sont appliquées par les Etats membres selon
leurs capacités ». L’alinéa 3 disposait que, « (…), l’union et ses membres peuvent, dans l’attente ’information
scientifiques, des mesures provisoires de prévention des risques pour assurer un niveau de protection de la
santé. Ces mesures doivent être proportionnées et ne doivent pas imposer plus de restriction au commerce qu'il
ne soit nécessaire pour obtenir le niveau élevé de protection de la santé choisi par l'Union en tenant compte de
ses capacités techniques et économiques ». Voir aussi l’article 6 du même Règlement intitulé « participation et
accès à l’information ».
551
En effet, l’article 9 du règlement de l’UEMOA précité dispose que, « Dans le cadre du Marché commun et de
la mise en œuvre de la Politique Agricole de l’Union, l’Union a recours à l’analyse des risques comme méthode
objective et justifiable pour évaluer et gérer les risques sanitaires et pour communiquer sur ces risques ».
552
Voir l’article 7 alinéa 3 du règlement de l’UEMOA précité.
553
En effet, l’article 12 du règlement de l’UEMOA précité dispose que, « les Etats membres organisent la
participation des acteurs concernés, aux niveaux appropriés, aux processus de prise de décision concernant la
sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des aliments. Ils prennent, en fonction de la nature, de la gravité
143
de cerner les éventuels cas de dégradation de l’environnement ou de la santé des personnes,
des animaux et de la végétation. Elle est la phase de recherche et d’identification de la
première condition d’application du principe de précaution en l’occurrence le « risque de
dommage irréversible ». Par ailleurs, cette phase d’analyse des risques englobe également la
deuxième condition, notamment celle d’absence absolue de certitude scientifique. Cette
première phase comportant les deux premières conditions d’application (le risque de
dommage irréversible et l’incertitude totale scientifique) semble être le véritable levier de
déclenchement du processus d’application du principe de précaution. Elle peut être en effet
une occasion pour les Etats d’instrumentaliser le principe de précaution en le réduisant en une
mesure de protectionnisme déguisée. Il existe en effet des divergences dans les procédures
d’évaluation des risques, précisément en matière de biosécurité où l’analyse des niveaux de
risques tels que définis dans les lois et projets de loi des Etats membre de l’UEMOA fait
ressortir une grande diversité dans l’appréciation des situations susceptibles de présenter des
risques554. C’est pourquoi, nous pensons qu’il est nécessaire que les actes relevant de la phase
d’analyse des risques soient opérés au niveau communautaire ou soient faits avec la
complicité des organes communautaires. C’est peut être dans cette optique que le législateur
de l’UEMOA a essayé d’encadrer cette phase d’analyse des risques dans le règlement
07/2007/CM/UEMOA précité, précisément dans ses articles 9555 et 27556. Ce Règlement a été
complété par une annexe autre règlement de très grande importance, relative à la mise en
place du programme régional de biosécurité de l’UEMOA. Cette annexe établit les différentes
modalités d’évaluation et de gestion des risques en matière de biosécurité dans l’espace de
l’UEMOA557. Par ailleurs, un manuel régional de procédure d’évaluation et de gestion des
risques lié à l’introduction des biotechnologies modernes et produits dérivés dans l’espace de
l’UEMOA, a été adopté dans le but d’orienter les Etats dans leur processus d’analyse des
et de l’ampleur des risques pour la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des aliments, des mesures
appropriées pour informer les acteurs concernés, de la nature de ces risques et les mesures qui sont prises pour
prévenir, réduire ou éliminer ces risques. Ils garantissent l’accès aux informations relatives à la sécurité
sanitaire qu’ils détiennent, y compris les informations concernant les substances et activités dangereuses ».
554
Pour de plus amples développements, voir le rapport sur l’état des lieux de la mise en œuvre du projet
Cartagena dans l’espace de l’UEMOA sur le site officiel de l’UEMOA : www.biosecurite.uemoa.int, p.8.
555
Voir l’article 9 du Règlement de l’UEMOA précité.
556
L’article 27 du Règlement de l’UEMOA dispose que, « la Commission a recours à l’analyse des risques
comme méthode objective et justifiable pour évaluer les risques sanitaires dans l’Union. A cet effet, elle : -
appuie les politiques sanitaires des différents Etats membres ;- réunit régulièrement un groupe d’experts chargé
d’analyser les risques sanitaires et lui fournit, par l’intermédiaire du Comité régional de sécurité sanitaire, les
avis appropriés ; - fait procéder par des laboratoires accrédités du réseau à la réalisation d’analyses selon les
normes et les procédures définies par les organisations internationales compétentes ; - rassemble et rend
disponibles les informations nécessaires à la constitution d’un territoire sanitaire commun et, en particulier met
en place des bases de données juridiques, techniques et scientifiques ».
557
Voir sur le site officiel de l’UEMOA : www.uemoa.int.
144
risques558. Cela permettra d’éviter à l’échelle communautaire une disparité de niveau
d’évaluation des risques à caractère constant.
Quant à la deuxième phase du processus de mise en œuvre du principe de précaution,
notamment la phase de la communication des risques, elle permet la prise de connaissance par
les Etats membres qui ne sont pas directement concernés par le risque afin qu’ils puissent
prendre des mesures nécessaires de prévention. Cette phase a le mérite d’être organisée au
niveau communautaire car cela évite des mauvaises alertes de certains Etats membres. Sur ce
point, le législateur communautaire de l’UEMOA invite les Etats membres à prendre les
mesures appropriées pour informer les acteurs concernés de la nature des risques et les
mesures qui seront prises pour prévenir, réduire ou éliminer ces risques559. Aussi, ils doivent
garantir l’accès aux informations relatives à la sécurité sanitaire qu’ils détiennent y compris
les informations concernant les substances et activités dangereuses560.
S’agissant enfin de la troisième et dernière phase, notamment la gestion des risques,
elle est la plus importante dans le processus de déclenchement du principe de précaution,
puisqu’elle englobe la dernière condition de ce principe en l’occurrence la prise des mesures
nécessaires pour parer aux éventuels risques d’insécurité sanitaire et environnementale. Sur ce
point, la position du législateur communautaire de l’UEMOA est plus ou moins confortable.
En effet, il autorise les Etats membres à prendre les mesures appropriées afin d’éviter les
éventuels risques d’insécurité sanitaire sur leur territoire561. En vertu de cette disposition, ce
sont les autorités publiques qui sont en charge de la mise œuvre du principe de précaution
sans aucun contrôle au niveau communautaire. Ce pouvoir unilatéral dont disposent les Etats
pour prendre des mesures appropriées pourrait éventuellement impacter négativement le
marché commun. Toutefois, le législateur essaie d’apporter d’autres précisions plus
confortables dans l’alinéa 3 de la même disposition, en précisant que, « (…)dans le cas où il
existe une incertitude scientifique mais où une évaluation des informations disponibles
indique des possibilités d'effets nocifs sur la santé des personnes, des végétaux et des
558
Voir sur le site de l’UEMOA : www.biosecurite.int.
559
Voir l’article 12 alinéa 2 du Règlement de l’UEMOA précité.
560
Voir l’article 12 alinéa 3 du Règlement de l’UEMOA précité. Aussi, l’article 14.2 du Règlement
03/2010/CM/UEMOA portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de certification, de
normalisation et de métrologie da l’UEMOA dispose que, « lorsqu’un Etat membre pose par un texte
administratif une restriction à la libre circulation ou la mise sur le marché un produit légalement fabriqué ou
commercialisé dans un autre Etat membre, il notifie à la Commission, conformément à l’article 76 alinéa 3 du
Traité de l’UEMOA cette mesure, dès lors qu’elle a pour effet direct ou indirect une interdiction générale pour
des raison techniques, un refus d’autorisation de mise sur le marché, une demande de retrait du marché ou une
demande de modification de ce produit avant sa commercialisation ».
561
À cet effet, l’article 7 alinéa 1 du Règlement de l’UEMOA précité dispose, qu’ « afin d’assurer un niveau
élevé de protection de la santé des personnes, des végétaux et des animaux et de garantir la protection de
l’environnement, des mesures de précaution sont appliquées par les Etats membres selon leurs capacités ».
145
animaux, l'Union et ses Etats membres peuvent adopter, dans l'attente d'informations
scientifiques, des mesures provisoires de prévention des risques pour assurer un niveau élevé
de protection de la santé (…) »562. À ce niveau, on constate une volonté du législateur de faire
participer les organes communautaires à la prise des mesures de prévention des risques, sans
clairement définir ses pouvoirs et son degré de collaboration avec les Etats membres. Au vu
de ce qui précède, on a l’impression ici que les organes communautaires ne jouent pas
réellement un rôle déterminant ou n’influencent pas du tout les Etats dans leur prise de
décisions. Pourtant, la participation de l’organisation communautaire à la prise de mesures
préventives dans le processus de mise en œuvre du principe de précaution aurait un grand
intérêt et donnerait à ce principe un véritable sens dans le contexte d’une économie intégrée.
En outre, une condition complémentaire mais très importante dans la mise en œuvre
de ce principe est celle de la proportionnalité des mesures que les autorités publiques doivent
prendre pour se prévenir contre les éventuels dangers sur la santé des personnes563. Même si
le législateur de l’UEMOA a pris le soin de le mentionner expressément dans ses
dispositions564, force est de constater que le respect de cette condition de proportionnalité par
les autorités étatiques serait difficilement effectif565. En effet, il n’est pas évident que la
politique de protection étatique des consommateurs soit conforme à la politique d’intégration
économique, dans la mesure où les Etats peuvent prendre des mesures discriminatoires ou
protectionnistes déguisées, sous prétexte de protéger les consommateurs, d’où la nécessité de
renforcer l’encadrement de la mise en œuvre du principe de précaution au niveau
communautaire. C’est dans le même ordre d’idée qu’un auteur affirmait que, « la protection
du consommateur doit être assurée sous deux angles souvent délicats à conjuguer, d'une part,
la préservation du libre échange, c'est à dire la liberté de choix à des prix compétitifs et,
d'autre part, la sauvegarde d'une consommation sécurisée tant du point de vue technique que
du point de vue sanitaire »566. Ainsi, l’importance des différentes phases et conditions
d’application du principe de précaution nécessiterait qu’il soit plus élaboré au niveau
communautaire voire international, mais aussi et surtout qu’il soit contrôlé par des organes
communautaires afin d’assurer l’impartialité des mesures prises à cet effet par les différents
562
Voir l’article 7 alinéa 3 du Règlement de l’UEMOA précité.
563
L’article 7 alinéa 3 du Règlement de l’UEMOA précité dispose à cet effet que, « (…).Ces mesures doivent
être proportionnées et ne doivent pas imposer plus de restrictions au commerce qu'il ne soit nécessaire pour
obtenir le niveau élevé de protection de la santé choisi par l'Union en tenant compte de ses capacités techniques
et économiques (…) ».
564
Ibid.
565
À titre d’exemple, on peut citer l’affaire de la grippe aviaire en Afrique de l’ouest.
566
Voir Patrick MEUNIER, « Le droit communautaire de la consommation et le droit du commerce mondial »,
Actes et colloque de Boulogne-sur-Mer 14 et 15 janvier 2000, travaux de la CEDECE, p.37.
146
Etats. En droit comparé, le législateur européen a aussi prévu le principe de précaution dans
l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’UE et ses modalités d’application sont
apportées par la Commission dans sa communication du 2 février 2000. De plus, le législateur
européen a donné un pouvoir de contrôle à la CJCE567. Ceci permet au juge communautaire
d’avoir un « œil » sur l’application du principe de précaution, et cela permet d’éviter les
mesures arbitraires des Etats membres.
En somme, si la contribution du principe de précaution dans la protection de la santé
des consommateurs de l’UEMOA n’est plus à discuter, il reste que sa mise en œuvre par les
Etats membres sans aucun contrôle des organes communautaires pourrait aussi porter un
préjudice injustifié au marché commun, d’où la nécessité d’un contrôle communautaire de ce
principe, à l’instar du droit européen.
Par ailleurs, si le législateur communautaire de l’UEMOA a tenté d’encadrer le
principe de précaution en tant que mécanisme de protection de la santé des consommateurs
par un dispositif juridique moins élaboré, il ne semble pas totalement se désintéresser de la
règlementation sur la traçabilité des produits mis en circulation sur le marché commun.
Il nous paraitrait un peu paradoxal si le législateur de l’UEMOA, après avoir opté pour
une politique d’intégration économique susceptible de prendre en compte la protection de la
santé des consommateurs, ne songeait pas à élaborer des techniques ou des mécanismes
juridiques assurant la transparence des produits alimentaires mis en circulation sur le marché
commun. En effet, au regard de la législation de l’UEMOA sur la sécurité sanitaire des
aliments, nous constatons une volonté du législateur communautaire d’assurer la transparence
des produits mis en circulation sur le marché commun afin de garantir une consommation
saine sans empiéter sur la liberté de circulation des marchandises. Cette transparence est
567
Voir CJCE, 4 juillet 2000 Bergaderm SA contre la Commission.
147
assurée principalement par le mécanisme dit de la traçabilité des produits. En effet, il faut
d’emblée souligner que la traçabilité des produits relève sans doute des droits fondamentaux
du consommateur, en l’occurrence le droit d’être informé sur la provenance des produits 568.
Cela leur permet de faire un choix éclairé selon leur besoin de consommation. Ce droit à
l’information des consommateurs va au-delà des rapports contractuels et s’érige en une
obligation d’information à la charge des professionnels. Ainsi, l’obligation de traçabilité des
produits se présente comme une mesure indispensable du principe de libre circulation des
marchandises. Elle nécessite d’être encadrée par des dispositions supranationales. C’est dans
cette logique que le législateur de l’UEMOA a établi une obligation d’information à la charge
des professionnels opérant sur le marché de l’UEMOA. En effet, l’article 90 du Règlement
de l’UEMOA précité, intitulé, « information renforcée du consommateur pour les aliments
nouveaux » dispose que, « les aliments nouveaux sont accompagnés d’un étiquetage
informatif, signalant notamment la présence d’organismes génétiquement modifiés ou de tout
autre traitement subi par la denrée ou le produit. L’étiquetage informe, en outre, le
consommateur sur les précautions d’emploi pour une bonne utilisation de l’aliment
nouveau ». On voit bien à travers les dispositions de cet article, que l’obligation d’information
à la charge des professionnels a été clairement affirmée par le législateur communautaire
comme une mesure inhérente à la santé des consommateurs. Elle consiste essentiellement à
l’étiquetage des produits circulant au sein du marché commun. Cette mesure instituée par des
dispositions communautaires vise à obliger les professionnels à apporter toutes les
informations utiles permettant aux consommateurs de faire un bon usage de leurs produits.
L’intérêt de cette mesure dans la contribution du bien-être des consommateurs au sein du
marché commun n’est plus à démontrer, mais son effectivité suscite quelques interrogations.
En effet, on sait que dans l’espace de l’UEMOA il y a une pléthore de dialectes parlés par les
populations locales en plus du taux d’analphabétisme très élevé. On pourrait se demander en
effet si les professionnels pourraient tenir compte de ces situations dans leur obligation
d’information. Autrement dit, les informations de ces derniers fournies dans le cadre de leur
obligation d’étiquetage ne seraient-elles pas difficilement perceptibles, lorsqu’elles sont faites
dans une langue autre que celle des consommateurs. Dans ce cas, l’obligation d’information
perdrait totalement son intérêt. Sur ce point, le législateur communautaire ne donne pas de
précisions. Cette situation peut laisser entrevoir toutes les difficultés dont peut souffrir le
respect du droit de la consommation en Afrique sub-saharienne.
568
Voir le paragraphe 3, point (c) des principes directeurs des nations Unies pour la protection des
consommateurs élaborés en 1999.
148
2- Un mécanisme de traçabilité des produits alimentaires moins
élaboré en droit de l’UEMOA
Au regard de ce qui précède, nous pouvons affirmer que le législateur de l’UEMOA
s’est intéressé à la transparence des produits et a pris conscience que la traçabilité des produits
est une garantie de la sécurité sanitaire des produits et a fortiori de la santé des
consommateurs. Cependant, cette quête de transparence peut demeurer vaine, car elle semble
être moins élaborée pour résoudre entièrement toutes les problématiques liées à la
transparence des produits au sein du marché commun. En effet, lorsque nous examinons les
détails des dispositions de l’UEMOA relatives à la traçabilité des produits par un regard
croisé avec celles de l’UE, nous constatons que leur étendue est limitée seulement à
l’étiquetage des produits. Celles de l’UE englobent non seulement l’étiquetage, mais aussi la
traçabilité des produits. Le premier, notamment l’étiquetage permet de connaitre les
composantes des produits tandis que le second permet de maitriser le circuit du produit depuis
la production jusqu’à la consommation afin de permettre, en cas de dommage, de situer les
niveaux de responsabilité des différents professionnels intervenus sur toute la chaine de
production du produits en cause jusqu’à sa consommation. Toutefois, le fait que les
dispositions de l’article 90 du Règlement précité de l’UEMOA ne fassent pas mention de
l’obligation d’assurer l’historique des produits par les professionnels, nous amène à penser
que l’obligation d’étiquetage seule n’est pas suffisante pour assurer une traçabilité parfaite des
produits et a fortiori permettre de situer les niveaux de responsabilité des professionnels en
cas de dommage569. Ainsi, le déficit de transparence des produits pourrait se traduire à la fois
par une insécurité sanitaire et judiciaire pour les consommateurs, même, si les dispositions
imposent les professionnels à être responsables de la qualité sanitaire des denrées alimentaires
qu’ils mettent sur le marché commun570 force est de constater qu’en cas de dommage, la mise
en responsabilité des professionnels pourrait s’avérer difficile. En effet, le manque
d’historique des produits rendrait difficile pour les consommateurs l’identification du ou des
professionnels responsables du dommage. Sur cette problématique, la solution apportée par le
569
C’est le cas par exemple de l’affaire des canettes de boissons périmées qui a été jugée devant les juridictions
Burkinabé le 3 avril 2015. En effet, dans cette affaire, après des instructions et auditions, les juges ont pu
condamner l’entreprise contrevenante à des amendes. Mais au delà de cette condamnation pénale, les éventuelles
victimes civiles auront du mal à engager la responsabilité extracontractuelle de la condamnée par manque
d’éléments de preuve attestant une quelconque participation de celle-ci dans le circuit économique des produits
incriminés.
570
Voir l’article 80 alinéa 1 du Règlement 07/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des aliments, des
végétaux et des animaux.
149
droit européen, notamment avec la directive 85/374 CEE relative à la responsabilité du fait
des produits défectueux, paraît favorable aux consommateurs.
571
Voir la loi n°15/94/ADP du 5 mai 1994 modifiée par la loi n°33-2001 du 4 décembre 2001 relative à la
concurrence et à la consommation du Burkina sur : WWW. Droit-Afrique.com.
572
L’article 4 point (b) RÈGLEMENT N°4/2002/CM/UEMOA relatif aux aides d’Etat à l’intérieur de l’union
économique et monétaire ouest africaine et aux modalités d’application de l’article 88(c) dispose que, « Sont
interdites de plein droit sans qu'un examen conformément aux dispositions de l'article 2.2 soit nécessaire : - (…),
-b) les aides subordonnées, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, à l'utilisation de produits
nationaux de préférence à des produits importés des autres Etats membres ».
150
Paragraphe II- Les mécanismes d’intégration économique favorables
à la protection de la santé des consommateurs
Nous avons vu précédemment que la règlementation de l’UEMOA relative à la
sécurité sanitaire présentait d’énormes insuffisances573. En effet, la législation communautaire
n’est pas assez élaborée et n’embrasse pas toutes les matières importantes pour assurer la
sécurité sanitaire des produits sur le marché commun. Il y a une insuffisance accrue des
prescriptions techniques des produits, des obligations de sécurité à la charge des
professionnels ainsi que des normes de qualité574. Cette situation peut conduire les Etats
membres à adopter des mesures nationales (Exemple de la norme NS 03-72 du Sénégal) de
protection des consommateurs qui sont susceptibles de porter atteinte aux objectifs du marché
commun. En outre, elle peut favoriser l’accès à des produits étrangers sur le marché commun
qui sont incompatibles avec la politique communautaire de protection de la santé des
consommateurs. C’est ainsi que le législateur de l’UEMOA tente de corriger ce déficit
législatif en établissant des mécanismes juridiques assurant la sécurité sanitaire des produits
qui peuvent conforter le marché commun. Il s’agit principalement des principes « de
reconnaissance mutuelle » et d’ « équivalence » des systèmes de sécurité sanitaire (A) d’une
part et d’autre part, un certain nombre d’obligations qui sont mises à la charge des Etats
membres (B).
573
Voir les paragraphes (I) de la section (I) du présent chapitre, p.121-131.
574
L’article 25 du Règlement de l’UEMOA précité dispose à cet effet que, « Les Etats membres édictent des
prescriptions techniques dans le domaine de la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des aliments et
assurent leur information mutuelle par les procédures de notification prévues par l’article 22 du Règlement N°
01 /2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005 portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de
certification de normalisation et de métrologie dans l’Union ».
151
l’amélioration de la protection de la santé des consommateurs sur le marché commun de
l’UEMOA (2).
575
Voir les articles 10, 11, et 12 du Règlement 03/2010/CM/UEMOA relatif au schéma d’harmonisation des
activités de normalisation, d’accréditation, de certification et de métrologie dans l’union économique et
monétaire ouest africaine.
576
Voir les articles 30, 31, et 32 du Règlement 07/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des végétaux,
animaux et des aliments dans l’union économique et monétaire ouest africaine.
577
Voir l’article 11 du Règlement de l’UEMOA 03/2010 précité.
578
A cet effet, l’article 79 du Traité de l’UEMOA (DAKAR) de 1994 disposait que, « Sous réserve des mesures
d'harmonisation des législations nationales mises en œuvre par l'Union, les Etats membres conservent la faculté
de maintenir et d'édicter des interdictions ou des restrictions d'importation, d'exportation et de transit, justifiées
par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé ou de la vie
des personnes et des animaux, de préservation de l'environnement, de protection des trésors nationaux ayant une
valeur artistique, historique ou archéologique et de protection de la propriété industrielle et commerciale. Les
interdictions ou restrictions appliquées en vertu de l'alinéa précédent ne doivent constituer ni un moyen de
discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres. Les Etats
membres notifient à la Commission toutes les restrictions maintenues en vertu de l'alinéa premier du présent
article. La Commission procède à une revue annuelle de ces restrictions en vue de proposer leur harmonisation
ou leur élimination progressive ».
152
territoire579. En outre, l’Etat exportateur peut demander à l’Etat importateur de faire connaitre
par écrit et conformément aux modalités d’information prévues par le présent Règlement 580,
les raisons pour lesquelles il n’accepte pas une règle technique ou une procédure d’évaluation
de la conformité de l’Etat exportateur581.
Le plus important dans l’application des principes de reconnaissance mutuelle et
d’équivalence en matière de normalisation, d’accréditation, de certification et de métrologie,
est qu’en cas de divergence sur certains points, les Etats membres peuvent engager des
pourparlers dans le but de cerner l’obstacle qui s’oppose à la liberté de circulation des
produits afin de pouvoir préparer un projet d’harmonisation sur les critères techniques ou les
procédures d’évaluation de la conformité pour le produit en cause582.
S’agissant du second volet de la reconnaissance et d’équivalence, notamment sur les
systèmes de sécurité sanitaire, il n’est qu’une transposition des articles 9, 10,11 du Règlement
01/2005/CM/UEMOA du 4 juillet 2005 portant schéma d’harmonisation des activités de
normalisation devenus articles 10, 11, 12 du Règlement 03/2010/CM/UEMOA précité583.
Ainsi, en application de ces principes, tout opérateur économique peut commercialiser ses
produits végétaux, animaux, et alimentaires sur le marché d’un Etat membre, lorsque ceux-ci
ont été importés, fabriqués ou commercialisés dans un Etat membre de l’union en conformité
aux règlements ou prescriptions techniques et mesures sanitaires en vigueur dans l’union584.
Ceci oblige chaque Etat membre à prouver que les produits végétaux, animaux et alimentaires
sont produits et commercialisés au niveau intracommunautaire et extracommunautaire dans le
respect des règlements en vigueur et qu’ils sont conformes aux prescriptions techniques, aux
règlements techniques et aux mesures internationales de sécurité sanitaire en vigueur585.
En somme, nous pouvons retenir que le principe de reconnaissance mutuelle et celui
d’équivalence sont des mécanismes qui portent sur les activités de normalisation et des
systèmes de sécurité sanitaire permettent de consolider le marché commun. En effet, sans ces
derniers, la liberté de commerce perdrait tout son intérêt. En l’absence de tels mécanismes,
des Etats seraient tentés de prendre des mesures ou des décisions qui iraient à l’encontre du
bon déroulement du marché commun sous prétexte que des produits fabriqués ailleurs ne
répondent pas à leurs prescriptions techniques ou à leurs normes de qualité. Ainsi, ces deux
579
Voir l’article 12 point 1 du Règlement de l’UEMOA 03/2010 précité.
580
Voir les articles 14 à 19 du Règlement précité.
581
Voir l’article 12 point 2 du Règlement de l’UEMOA 03/2010 précité.
582
Voir l’article 12 point 3 du Règlement de l’UEMOA 03/2010 précité.
583
Voir l’article 30 du Règlement de l’UEMOA 07/2007 portant schéma d’harmonisation des activités de
normalisation.
584
Ibid.
585
Voir l’article 32 du règlement de l’UEMOA 07/2007 précité.
153
mécanismes qui s’apparentent à la procédure de l’ « exéquatur » utilisée dans le cadre de la
reconnaissance des actes et des décisions étrangers sont de véritables instruments permettant
d’éviter les divergences entre les activités de normalisation ainsi qu’entre les systèmes de
sécurité sanitaire susceptibles d’empiéter sur le bon fonctionnement du marché commun.
Par ailleurs, si les principes de reconnaissance mutuelle et d’équivalence des systèmes
de sécurité sanitaire et des activités de normalisation ont été établis à la base comme des
mécanismes favorisant l’intégration économique, nous pouvons soutenir sans réserve qu’ils
peuvent aussi être de véritables instruments de protection de la santé des consommateurs sur
le marché communautaire.
586
Voir le Règlement 07/2007/CM/UEMOA et le Règlement 03/2010/CM/UEMOA précités.
587
Voir l’article 11 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
588
Ibid.
589
Ibid.
154
les marques et les inspections de conformité des autres Etats membres 590. Ainsi, nous
constatons que, dans l’application de ces principes, les éléments techniques notamment les
prescriptions techniques, les normes, les prescriptions sanitaires des produits des différents
Etats membres sont mis aux mêmes niveaux. Cela permet d’éviter que des professionnels
commercialisent des produits de qualité différente et susceptibles d’affecter la santé des
consommateurs sur les marchés des Etats dont les législations relatives à la sécurité sanitaire
sont moins rigoureuses.
Au-delà des principes de reconnaissance mutuelle et d’équivalence des activités de
normalisation qui sont des mécanismes d’intégration économique favorables à la protection
de la santé des consommateurs sur le marché commun, le législateur de l’UEMOA a aussi
établi d’autres obligations à la charge des professionnels et des Etats, afin de consolider et de
promouvoir une consommation saine sur le marché commun.
590
Ibid.
591
Voir l’article 43 du Règlement de l’UEMOA 07/2007 précité.
155
l’ONPV (Organisme National de la Protection des Végétaux) dont il relève592. Par ailleurs, le
législateur communautaire, soucieux de la qualité des produits qui circulent sur le marché
commun, rend responsable les professionnels de la qualité sanitaire des produits qu’ils
commercialisent sur le marché commun pour les obliger à mettre sur le marché des produits
sûrs pour la santé des consommateurs593. Ils doivent veiller également à toutes les étapes de la
production, de la transformation, du stockage et de la distribution des produits qu’ils mettent
sur le marché, à ce que ces produits répondent aux prescriptions de la législation alimentaire
applicable à leur activité et doivent vérifier le respect de ces prescriptions594. A ce titre, les
professionnels responsables de la première mise sur le marché ou importateurs des produits,
sont tenus à une obligation d’autocontrôle, de suivi de leurs produits595 et doivent obtenir une
autorisation préalable délivrée par l’organisme national de sécurité sanitaire596. Ainsi, cette
mise en responsabilité des professionnels va dans le même sens que la Directive 85/374/CEE
du 25 juillet 1985 relative à l’harmonisation de la responsabilité du fait des produits
défectueux et doit être appréhendée au delà de la responsabilité contractuelle. Toutefois, en
l’espèce, cette responsabilité sera difficile à mettre en œuvre en cas de dommage, du fait que
la transparence historique des produits n’est pas efficacement assurée par les législations
communautaires, nationales597 et cela ne permettrait pas de retracer toute la chaîne de la
production à la commercialisation du produit en cause, afin d’identifier les éventuels
responsables. Aussi, les professionnels sont soumis à une obligation de prudence qui les
oblige à informer les autorités compétentes lorsqu’ils estiment qu’une denrée alimentaire mise
sur le marché peut porter atteinte à la santé des consommateurs. Dans ce cas, ils doivent
immédiatement prendre les mesures appropriées afin d’éviter un éventuel dommage 598. Enfin,
les professionnels sont obligés d’apposer sur les produits un étiquetage informatif signalant
notamment la présence d’organismes génétiquement modifiés ou de tout autre traitement subi
par le produit ainsi que les modalités et les précautions d’emploi pour une bonne utilisation du
produit599. Cette dernière obligation semble être moins élaborée en droit de l’UEMOA pour
assurer une parfaite transparence des produits600.
592
Ibid.
593
Voir l’article 80 du Règlement de l’UEMOA 07/2007 précité.
594
Ibid.
595
Voir l’article 81 du Règlement de l’UEMOA 07/2007 précité.
596
Voir l’article 89 du Règlement de l’UEMOA 07/2007 précité.
597
Voir l’article 90 du Règlement de l’UEMOA précité intitulé « information renforcée du consommateur pour
les aliments nouveaux », et aussi les développements du point (B) du paragraphe (I), p.147-150.
598
Voir l’article 80 du Règlement de l’UEMOA de 07/2007 précité.
599
Voir l’article 90 du Règlement de l’UEMOA 07/2007 précité.
600
Pour de plus amples informations, voir les développements sur le paragraphe (I), p.147-150.
156
En somme, en considération de ce qui précède, nous pouvons retenir que le législateur
communautaire de l’UEMOA ne responsabilise pas assez les professionnels dans le cadre de
la sécurité sanitaire et cela pourrait être préjudiciable aux consommateurs. Ceci nous amène à
examiner dans nos prochaines lignes les obligations que le législateur communautaire met à la
charge des organismes étatiques dans le cadre de la promotion d’une consommation saine sur
le marché commun.
601
Voir l’article 4 point 2 du Règlement de l’UEMOA 03/2010 précité.
602
Voir l’article 78 du Règlement de l’UEMOA 07/2007 précité.
157
techniques de l’UEMOA afin de concilier les mesures nationales de protection avec les
objectifs du marché commun603.
603
Voir, les articles 40, 79, 82,83 du Règlement de l’UEMOA 07/2007 précité.
158
Conclusion du chapitre I-
159
Chapitre II-
604
Voir l’article 13 du Règlement de l’UEMOA 07/2007 précité.
605
Voir l’article 6 du Règlement de l’UEMOA 03/2010 précité.
606
Voir l’article 5 du Règlement de l’UEMOA 03/2010 précité.
160
Section I- Le contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire des
produits par des organes communautaires spécialisés
607
Voir le premier considérant du règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
608
Voir l’article 6 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
609
Voir l’article 7 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
161
bonne mise en œuvre de la politique communautaire de protection des consommateurs610. On
constate alors que ces missions peuvent être regroupées principalement en deux grandes
catégories, notamment les missions des structures spécialisées sur la qualité (A) et celles
spécialisées dans la sécurité sanitaire (B).
610
Voir les articles 13 et suivants du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité.
611
Voir l’article 8 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
612
Voir l’article 8 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité
613
Voir l’article 8 du Règlement de l’UEMOA du 30/2010 précité.
614
Voir l’article 8 du Règlement de l’UEMOA du 30/2010 précité
615
Voir l’article 8 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité. En outre, l’article 26 du Règlement de
l’UEMOA du 07/2007 dispose que, « le Secrétariat Régional de la Normalisation, de la Certification et de la
Promotion de la Qualité (NORMCERQ), s’appuie sur le Comité régional de sécurité sanitaire, pour la collecte
des normes nationales et les programmes annuels de normalisation des Etats membres en matière de sécurité
162
Au vu de ce qui précède, on peut retenir que ces organes spécialisés ont spécialement
des missions de production et d’harmonisation des normes de qualité des produits. En outre,
elles veillent à la bonne mise en application des principes de reconnaissance mutuelle et
d’équivalence des normes de qualité des produits sur le marché commun afin de lever tous les
obstacles à la libre circulation des marchandises au sein du marché commun.
163
institutions de formation624. En ce qui concerne les observatoires, ils sont chargés de créer et
de gérer les bases de données nécessaires à la coopération sanitaire et d’établir l’inventaire
des textes et accords internationaux de sécurité sanitaire qui lient les Etats membres de
l’union625.
En somme, nous pouvons retenir de ce qui précède que les structures spécialisées
communautaires en matière de contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire des produits
établies principalement par les Règlements 07/2007 et 03/2010 de l’UEMOA n’adoptent pas
expressément des prescriptions techniques de sécurité sanitaire ou de normes de qualité
proprement dites comme le laisse entendre a priori leur dénomination. Elles jouent plutôt un
rôle de coordination des différentes activités de normalisation et de sécurité sanitaire des
produits élaborées par les Etats membres, contrairement aux structures spécialisées
européennes, comme par exemple le CEN (Comité Européen de Normalisation) adoptent
directement des normes communautaires (NE). Par ailleurs, même si leurs missions sont
limitées en la matière, les structures spécialisées de l’UEMOA semblent contribuer
légèrement à la promotion d’une consommation saine sur le marché commun.
622
L’article 18 point 3 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité dispose que, « le réseau régional
d’alerte, ci-après dénommé (réseau d’alerte) est chargé de la veille et de la transmission immédiate de
l’information relative au risque sanitaire, aux structures appropriées ».
623
L’article 18 point 4 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité dispose que, « le réseau régional des
organismes nationaux de sécurité sanitaire ci-après dénommé (Réseau régional des organismes nationaux)
renforce la coopération sanitaire et assure la circulation de l’information dans les domaines des politiques
sanitaires de l’Union ».
624
L’article 18 point 5 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité dispose que, « le réseau régional des
institutions de formation, ci-après dénommé (réseau des formations), contribue à l’amélioration de l’offre de
formation ».
625
Voir l’article 19 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité.
164
A- Le contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire des produits par
des structures communautaires, une suite logique du marché commun
626
Voir l’article 26 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité intitulé : « collecte des normes ».
627
A cet effet, l’article 26 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 dispose que, « le Secrétariat Régional de la
Normalisation, de la Certification et de la Promotion de la Qualité (NORMCERQ), s’appuie sur le Comité
régional de sécurité sanitaire, pour la collecte des normes nationales et les programmes annuels de
normalisation des Etats membres en matière de sécurité sanitaire, conformément au Règlement N°
01/2005/CM/UEMOA du 04 juillet 2005(modifié par le Règlement 03/2010/CM/UEMOA) portant schéma
d’harmonisation des activités d’accréditation, de certification, de normalisation et de métrologie dans
l’UEMOA ».
628
L’article 27 point 2 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité dispose à cet effet, que, « sur la base
d’un programme de normalisation des normes communautaires sont élaborées et adoptées par NORMCERQ
puis homologuées par la Commission de l’UEMOA. L’élaboration des normes communautaires est faite
conformément à une procédure arrêtée par la Commission par voie de Règlement d’exécution ». Le point 3 du
même article, dispose que, « le Conseil des Ministres peut instituer des règlements techniques sur la base des
normes communautaires. Il peut également instituer des règlements techniques communautaires sur la base des
normes édictées par des organisations internationales de normalisation, après avis de NORMCERQ ».
165
politiques et projets de normalisation et de mesures de sécurité sanitaire. Ainsi, ils sont en
quelque sorte des structures maîtresses dans la mise en œuvre du principe de reconnaissance
mutuelle et d’équivalence intercommunautaire, voire extracommunautaire et participent ainsi
indirectement à garantir aux consommateurs, des produits de qualité irréprochable. Toutefois,
nous pensons que le choix du législateur communautaire de promouvoir une consommation
saine sur le marché commun par un contrôle indirect des structures communautaires dans les
matières relevant de la qualité et de la sécurité sanitaire, ne résout pas entièrement les
problématiques liées à la préservation de la santé des consommateurs dans l’espace de
l’UEMOA, d’où la nécessité d’envisager une forme de contrôle direct par les organismes
spécialisés communautaires.
Il faut rappeler qu’il s’agit ici d’un contrôle en amont de la qualité et de la sécurité
sanitaire des produits avant leur mise en circulation sur le marché commun et non pas d’un
contrôle juridictionnel629. La nécessité du contrôle direct de la qualité et de la sécurité
sanitaire des produits par des organes spécialisés communautaires est soutenable par le fait
qu’il permet, d’une part, d’anticiper les risques d’insécurité sanitaire et, d’autre part, d’assurer
une conformité de la qualité des produits sur le marché communautaire. À cet effet, rappelons
que l’élaboration de ces instruments juridiques relève de la compétence des organes
nationaux630 assortie d’une obligation pour eux de coordonner leurs activités en adéquation
avec les exigences du Règlement de l’UEMOA du 10/2010 précité631. Ceci sous-entend une
absence totale de prescriptions techniques ou de normes de qualité communautaire de la part
du NORMCERQ et du comité régional de la sécurité sanitaire des produits. Fort de ce constat,
on pourrait imaginer que ce processus ne permettra pas d’éradiquer des abus de certains Etats
membres. Cela est nettement perceptible dans l’affaire de la norme NS 03-072 sur l’huile de
palme raffinée précitée. En effet, dans le rapport issu de la mission d’enquête de la
629
Voir les développements sur le paragraphe (I) intitulé notamment « les missions des organes spécialisés
communautaires », p.160-162.
630
L’article 25 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité intitulé « élaboration des prescriptions et
règlements techniques » dispose à cet effet que, « les Etats membres édictent des prescriptions techniques dans
le domaine de la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des aliments et assurent leur information
mutuelle par les procédures de notification prévues par l’article 22 du Règlement N° 01 /2005/CM/UEMOA du
04 juillet 2005 portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de certification de normalisation
et de métrologie dans l’Union (...) ».
631
Voir l’article 26 du Règlement de l’UEMOA du 072007 précité.
166
Commission de l’UEMOA du 05 au 08 janvier 2010 à Dakar, la Commission prétendait que,
l’Etat du Sénégal n’a pas associé les structures communautaires dans la modification de la
norme NS 03-072 et, par conséquent, cette norme n’est pas homologable sur le marché
commun. Cette position de la Commission réaffirme l’importance des structures
communautaires spécialisées dans le processus de la promotion d’une consommation saine
sur le marché commun.
Au vu de ce qui précède, nous pouvons retenir que le contrôle des organes spécialisés
de l’UEMOA est limité à des actes de coordination des activités des Etats membres afin
d’établir la reconnaissance mutuelle et d’équivalence des normes et des systèmes de sécurité
sanitaire des produits sur le marché commun. Ainsi, nous pensons que ce type de contrôle
indirect est moins efficace pour assurer aux consommateurs des produits de qualité
irréprochable dans une économie intégrée et nous soutenons la nécessité d’un contrôle direct
de la qualité et de la sécurité sanitaire par l’adoption de prescriptions techniques et normes de
qualité par les organes communautaires, à l’instar du droit européen.
Par ailleurs, même si le contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire des produits par
les organes spécialisés de l’UEMOA semble être moins élaboré, le législateur de l’UEMOA a
octroyé à la Commission de l’UEMOA des supers pouvoirs qui pourraient éventuellement
renforcer l’encadrement institutionnel communautaire dans le cadre de la promotion d’une
consommation saine sur le marché commun (Section II).
632
Voir les développements de la Section (I), p.160 et suivantes.
167
Paragraphe I- Les pouvoirs extrajudiciaires de la Commission dans la
politique communautaire de protection de la santé des consommateurs
168
coordination des activités de normalisation et des différents systèmes de sécurité sanitaire des
produits des Etats membres633.
Il existe entre les Commissions et ses structures communautaires aussi bien des
rapports de subordination que des rapports de collaboration. En effet, c’est la Commission qui
détermine les attributions, l’organisation et le fonctionnement des structures spécialisées par
le biais d’un Règlement d’exécution conformément à l’article 24 du Traité de l’UEMOA634. A
ce titre, c’est la Commission qui précise aux structures communautaires leurs différentes
missions afin d’atteindre les grandes orientations de la politique communautaire en matière de
santé des consommateurs sur le marché commun. Par ailleurs, elle est chargée de superviser
les activités des structures spécialisées pour assurer leur bonne mise en œuvre635 et leur confie
la mission de procéder à l’établissement d’une revue annuelle des restrictions qui sont prévues
à l’article 79 du Traité de l’UEMOA636. De plus, la Commission a également la charge
d’homologuer les normes communautaires qui doivent être élaborées et adoptées par le
NORMCERQ et de déterminer leur procédure d’élaboration par voie de Règlement
d’exécution637. En outre, le Comité Régional de sécurité sanitaire, placé sous l’autorité de la
Commission638, est chargé d’assister celle-ci dans l’organisation de la coopération sanitaire
entre les Etats membres et de contribuer à la cohérence de la politique de sécurité sanitaire de
l’union en lui fournissant les avis appropriés et en l’appuyant dans le suivi des négociations
commerciales internationales relatives aux accords SPS (Sanitaire et Phytosanitaire) 639. Par
ailleurs, dans le cadre de la procédure de notification et d’information640, les structures
spécialisées communautaires peuvent aussi donner leurs avis à la Commission lorsqu’il est
nécessaire641.
Au vu de ce qui précède, nous pouvons retenir que, dans l’exercice ou à l’occasion de
l’exercice de ces missions dans le cadre de la politique communautaire de protection de la
santé des consommateurs, la Commission de l’UEMOA collabore moins avec les autres
structures spécialisées communautaires. Cela se comprend aisément par le fait que les
633
Voir les développements du Paragraphe (I) de la Section (I), p.160-162.
634
Voir l’article 20 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité.
635
Voir l’article 5 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
636
Voir l’article 14 point 7 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
637
Voir l’article 27 point 2 du règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
638
Voir l’article 13 du Règlement de l’UEMOA du 07/2007 précité.
639
Voir l’article 14 du Règlement de l’UEMOA du 07/2010 précité.
640
A cet effet, l’article 14 point 1 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité dispose que, « les Etats
membres informent la Commission des notifications qu’ils font à l’OMC, en vertu de l’Accord sur les OTC. Ces
notifications sont formulées selon les modes de présentation établis dans l’Accord de l’OMC sur les OTC ».
641
Voir l’article 8 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
169
missions spécifiques de ces dernières ne sont pas encore totalement effectives. Alors, on se
demande si cela est également le cas avec les structures spécialisées des Etats membres.
Au delà des obligations qui sont mises à la charge des Etats membres de l’UEMOA
par le législateur communautaire642, les différents organes nationaux sont amenés à travailler
en collaboration avec la Commission afin de bien coordonner leurs différentes activités dans
le cadre de la promotion d’une consommation saine sur le marché commun. Plusieurs
structures nationales643 interviennent à cet effet dans ce domaine, mais elles ne collaborent
pas toutes directement avec la Commission. Les dispositions communautaires ne précisent pas
exactement les types de structures nationales compétentes pour collaborer avec la
Commission. Elles ne parlent que de façon générale de « l’Etat » tout court sans plus de
précisions, sauf dans certains cas644. Toutefois, on pourrait imaginer que sont visées celles qui
détiennent un rôle important et direct dans le contrôle préventif de la qualité et de la sécurité
sanitaire des produits, comme par exemple les Commissions nationales de la consommation,
les Ministères du commerce, de l’économie et de l’industrie ainsi que les organismes
nationaux de normalisation.
La collaboration entre la Commission et les organes nationaux semble être plus
étendue que celle entre la Commission et ses structures spécialisées. Cela peut s’expliquer en
partie par le fait que ce sont ces structures nationales qui élaborent les prescriptions
techniques et les projets de normes de qualité ou du moins ce sont elles qui ont la charge de
promouvoir la sécurité sanitaire et la qualité des produits. Il est donc impératif qu’elles
collaborent plus avec la Commission afin de réussir la politique communautaire. Cette
collaboration s’étend aussi bien aux échanges d’informations qu’aux éléments techniques. En
effet, en premier lieu, les Etats membres informent la Commission des notifications qu’ils
font à l’OMC en application de l’accord sur les OTC645, puis ils fournissent à la Commission
tous les renseignements relatifs aux activités normatives, aux règlementations techniques, aux
642
Voir les développements sur le point (B) du Paragraphe (II), Section (I) du Chapitre (I), p.121 et suivantes.
643
On peut citer entre autres les services de douanes qui interviennent dans le cadre du contrôle des importations,
ainsi que les différents services d’inspection et de laboratoires en charge du contrôle de qualité des produits.
644
Voir l’article 18 point 1 et 2 qui parlent d’organes de normalisation. Ils disposent que, « Chaque organisme
national de normalisation informe NORMCERQ et les organismes de normalisation des États membres de son
programme de normalisation, de ses projets de normes ainsi que des modifications de ses normes existantes
(…) ».
645
Voir l’article 14 point 1 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
170
procédures d’évaluation de la conformité, à l’accréditation et à la métrologie 646; les normes
nationales et les textes juridiques et règlementaires en vigueur concernés par le présent
Règlement ainsi que les informations sur les spécifications techniques obligatoires647. Ensuite,
une fois que la Commission a pris connaissance des projets de normes ou de toute autre
mesure technique d’un Etat, elle vérifie leur compatibilité avec la politique communautaire
puis en fait part aux autres Etats membres afin d’obtenir leur réaction648. A compter de cette
prise de connaissance, l’Etat membre concerné par le projet de normalisation a une période
d’attente d’au moins trois (03) mois, avant de procéder à l’adoption dudit projet649. Toutefois,
cette période d’attente peut être prolongée de six (06) mois lorsque la Commission ou l’un des
Etats membres soulève l’incompatibilité du projet avec la politique communautaire650. Cette
forme de collaboration, basée essentiellement sur un échange d’informations, facilite sans
doute l’harmonisation des différentes activités et mesures relatives à la sécurité sanitaire et à
la qualité des produits. Elle permet à l’organe communautaire, en l’occurrence la
Commission, de participer indirectement à côté des organes nationaux à l’adoption des
normes ou prescriptions techniques de ses Etats membres. Cela permet d’avoir un même
niveau de protection sur tout le marché commun.
Par ailleurs, au delà de ses missions collaboratives avec les structures spécialisées
communautaires et celles de ses Etats membres, la Commission de l’UEMOA détient d’autres
pouvoirs de contrôle extrajudiciaire qui favorisent la promotion d’une consommation saine
sur le marché commun.
Outre les missions ci-dessus, la Commission joue aussi le rôle d’un véritable organe
« exécutif » en veillant à la mise en œuvre efficace du schéma d’harmonisation des activités
d’accréditation, de certification, de normalisation et de métrologie. Elle est chargée à cet effet,
de l’élaboration et du suivi de la politique de qualité dans l’union, notamment par
l’élaboration et le suivi de la règlementation communautaire dans le domaine de la qualité, de
la conception et du suivi de la mise en œuvre de programmes communautaires de promotion
de la qualité, du suivi des activités des structures régionales de la qualité651. À ce titre, elle est
646
Voir l’article 16 point 1 du règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
647
Voir l’article 16 point 2 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
648
Voir l’article 17 point 2 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
649
Voir l’article 17 point 2 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
650
Ibid.
651
Voir l’article 5 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
171
chargée de déterminer les attributions, l’organisation et le fonctionnement de ses structures
spécialisées. Cela lui permet de mieux orienter la politique communautaire de protection de la
santé des consommateurs sur tout le marché commun. En vertu de ces pouvoirs, la
Commission est la pièce maîtresse de la mise en place de la politique communautaire de
protection de la santé des consommateurs. Ainsi, le législateur communautaire fait d’elle un
organe principal et incontournable dans la promotion d’une consommation saine sur le
marché commun et cela renforce le niveau de protection des consommateurs de la zone de
l’UEMOA.
Par ailleurs, en dehors des missions de coopération, de coordination, d’organisation,
d’orientation de suivi et d’élaboration de la politique communautaire de protection de la santé
des consommateurs, le législateur communautaire a octroyé à la Commission d’autres
missions qui pourront être importantes dans le cadre de la promotion d’une consommation
saine sur le marché commun.
652
Voir le chapitre (II) du titre (I) de la présente partie, p.75-112.
172
dispositions qui contraindront directement les acteurs économiques (les professionnels)
opérant sur le marché commun. Sa technique d’harmonisation, qui consiste à rapprocher les
législations des Etats membres, fait de la Commission un organe de contrôle des activités
normatives et des mesures de prescriptions techniques et sanitaires des Etats membres dans le
cadre de la protection de la santé des consommateurs. Cela est clairement perceptible dans les
dispositions communautaires, lorsque l’article 5 du Règlement 03/CM/2010/UEMOA précité
dispose que, « la Commission est chargée du règlement des litiges entre les Etats membres en
matière de qualité, (…) ». On voit clairement que la Commission joue le rôle de juge de fond
dans le processus d’harmonisation des matières relevant du contrôle de la qualité et de la
sécurité sanitaire des produits. Dans ce sens, elle n’est compétente que pour trancher les
contentieux entre les Etats membres. Cela est tout à fait compréhensible, étant donné que la
protection de la santé des consommateurs relève de l’ordre public communautaire, il est
logique que le législateur créé un organe juridictionnel supranational pour assurer le respect
de celui-ci.
Les pouvoirs juridictionnels de la Commission s’étendent des actes d’instructions
jusqu’aux prises de décision. Ces dernières n’ont pas un caractère punitif, comme les
sanctions à l’atteinte à l’ordre public interne653, mais elles contribuent énormément à assurer
l’ordre public communautaire. Ainsi, lorsque la Commission détecte qu’un Etat membre a
pris des mesures relatives à la protection de la santé des consommateurs, susceptibles
d’entraver ou de restreindre le commerce entre les Etats membres, elle notifie ce constat,
après avis de la structure technique compétente chargée d’évaluer la proportionnalité de
l’obstacle et la qualité de la procédure mise en cause654. Elle peut ensuite demander à l’Etat
concerné de prendre toutes les mesures nécessaires et proportionnelles pour supprimer cette
entrave dans un délai qu’elle fixe en fonction de l’urgence 655. Après réception de la
notification, l’Etas membre concerné a cinq (05) jours pour informer la Commission des
mesures qu’il projette de prendre tout en fournissant un dossier justificatif de l’entrave en
cause656. Il peut toutefois demander une prolongation de délai657. Dans la suite de la
procédure, la Commission donne l’occasion à l’Etat membre concerné de donner son point de
vue sur l’avis des structures techniques compétentes de l’UEMOA avant de prendre sa
653
Par exemple des amendes.
654
Voir l’article 15 point 1 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
655
Ibid.
656
Voir l’article 15 point 3 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
657
Voir l’article 15 point 4 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
173
décision658. Dans ce cas, il dispose de quinze (15) jours maximum à compter du jour de la
notification de l’avis des structures techniques pour donner son point de vue. Ensuite, la
Commission dispose de dix (10) jours maximum à compter de la fin du délai prévu pour
requérir le point de vue de l’Etat concerné afin de prendre sa décision659. Cette décision, qui
consiste en une demande de mise en conformité, sera suivie d’un avis motivé de la structure
technique compétente660. Une fois que la décision est notifiée à l’Etat concerné, il a huit (08)
jours à compter du jour de la notification pour se mettre en conformité 661. Lorsque l’Etat
concerné n’exécute pas la décision à l’issue du délai imparti, la Commission peut saisir la
Cour de justice de l’UEMOA662.
En somme, l’analyse de l’étendue des pouvoirs juridictionnels de la Commission de
l’UEMOA nous fait constater que la compétence juridictionnelle de la Commission dans le
cadre du contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire des produits porte exclusivement sur
les contentieux entre Etats membres. Cela s’explique aisément par le fait que la législation
communautaire n’a pas encore élaboré d’instruments et outils juridiques (normes de qualité et
prescriptions techniques sanitaires communautaires) qui entrent directement dans l’ordre
juridique interne des Etats membres, d’une part et, d’autre part, qu’elle n’impose pas aux
Etats membres l’obligation d’adopter de tels instruments ou outils juridiques à l’image des
Directives européennes. En effet, le législateur communautaire n’a pas établi un cadre
juridique communautaire de référencement des normes de qualité et prescriptions techniques
sanitaires très poussé mais tente d’harmoniser les différentes législations d’Etats membres.
Dans ces conditions, on pourrait s’interroger sur la véritable contribution des pouvoirs
juridictionnels de la Commission à la promotion d’une consommation saine sur le marché
commun.
658
Voir l’article 15 point 5 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
659
Ibid.
660
Ibid.
661
Voir l’article 15 point 6 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
662
Voir l’article 15 point 7 du Règlement de l’UEMOA du 03/2010 précité.
174
entreprises, on peut se demander quelle mesure cela contribuerait indirectement à la
protection des consommateurs. A travers une décision de la Commission, nous tenterons de
démontrer que le contrôle juridictionnel de la Commission des activités de normalisation
pourrait éventuellement renforcer la protection des consommateurs sur le marché commun. Il
s’agit de la décision n°007/2010/COM/UEMOA relative à l’affaire de l’huile de palme
raffinée, autrement dit, de l’affaire de la norme NS 03-072 précitée. Pour bien comprendre la
décision de la Commission dans cette affaire, il est important d’en rappeler brièvement les
faits(1) avant de tirer son implication indirecte dans la promotion d’une consommation saine
au sein du marché commun(2).
Il ressort des faits de cette affaire que l’Etat du Sénégal, en s’inspirant des projets de
normes communautaires sur les huiles comestibles663, a adopté en 2008 une norme NS 03-072
sur l’huile de palme raffinée enrichie en vitamine « A ». Après la mise en application de la
dite norme par un décret présidentiel n°2009-872 du 10 septembre 2009, une procédure de
révision de la norme a été engagée pour exiger un maximum de 30% de teneur en acides gras
saturés dans l’huile de palme raffinée. C’est ainsi que le gouvernement de la Côte d’Ivoire et
l’entreprise West Africa Commodities se sont opposés à cette modification en prétendant
qu’elle est incompatible avec les dispositions du Règlement n°01/2005/CM/UEMOA du 04
juillet 2005 révisé par le Règlement n°03/2010/CM/UEMOA portant schéma d’harmonisation
des activités de normalisation, d’accréditation, de certification et de métrologie. Ils saisirent
alors la Commission de l’UEMOA afin qu’elle puisse prendre les décisions appropriées et
interdire l’homologation de la norme NS 03-072 modifiée. Ainsi, après avoir notifié les
plaintes à l’Etat du Sénégal conformément à l’article 15 Règlement de l’UEMOA 03/2010
précité, la Commission diligente une mission d’enquête à Dakar le 05 au 08 janvier 2010. A la
suite de cette enquête, elle invite l’Etat du Sénégal à ne pas homologuer la norme modifiée
qui fait l’objet des contestations. L’Etat du Sénégal a refusé d’honorer la décision de la
Commission en invoquant plusieurs raisons, dont les principales sont les suivantes : - d’abord,
que le Règlement communautaire portant schéma d’harmonisation des activités de
normalisation, d’accréditation, de certification et de métrologie n’a été respecté par aucun Etat
membre ; ensuite, que les structures techniques prévues au niveau communautaire n’étant pas
663
Ces projets de normes communautaires sont issus des travaux des experts de tous les Etats membres réunis à
Dakar du 12 au 14 novembre 2007.
175
encore effectives, il est possible d’élaborer des activités de normalisation au niveau national ;
enfin, que la modification de la norme NS 03-072 est une mesure de santé publique et que le
Sénégal a le droit de l’adopter d’autant qu’au niveau communautaire il n’existe qu’un projet
de norme non encore homologué qui ne saurait prévaloir sur aucune norme nationale. Ainsi,
après avis du Conseil Consultatif, la Commission invite à nouveau l’Etat du Sénégal à mettre
fin à l’homologation de la norme modifiée en prétendant qu’elle est non conforme non
seulement à la règlementation sur la concurrence mais aussi au Règlement portant schéma
d’harmonisation des activités de normalisation.
176
de normes et de prescriptions techniques sanitaires en cours de préparation par les structures
communautaires spécialisées. Cela permet de hausser le niveau de la sécurité sanitaire et de la
qualité des produits à l’échelle communautaire.
177
Conclusion du chapitre -II-
178
Conclusion du Titre -II-
Au regard de ce qui précède, nous pouvons retenir que la protection du bien-être des
consommateurs n’a pas été manifestement affirmée comme la principale ambition du
législateur de l’UEMOA. Toutefois, nous pouvons constater que les dispositions des
Règlements 07/2007 et 03/2010 de l’UEMOA précités peuvent contribuer indirectement à
préserver la santé des consommateurs au sein marché commun. Ces dispositions consistent,
d’une part, à harmoniser les différentes législations nationales relatives au contrôle de la
qualité et de la sécurité sanitaire des produits sur le marché commun et, d’autre part, à mettre
en place des institutions. En effet le législateur de l’UEMOA cherche à consolider le marché
commun en harmonisant les matières relatives à la normalisation et au principe de précaution;
en élaborant des mécanismes de reconnaissance et d’équivalence mutuelle des normes de
qualité, des systèmes de sécurité sanitaire ainsi que des structures techniques chargées de
veiller à la bonne application des dispositions communautaires. Cet encadrement juridique et
institutionnel communautaire est certes a priori destiné à conforter l’effectivité du marché
commun, mais, il pourra également contribuer indirectement à promouvoir une consommation
saine au sein du marché commun de l’UEMOA. Par ailleurs, cet acquis de protection
communautaire est embryonnaire et très limité pour combler un fort déficit d’encadrement des
différentes législations nationales dans les matières relatives à la normalisation et à la sécurité
sanitaire des produits. Toutefois, en dépit de ces insuffisances, les Règlements de l’UEMOA
précités demeurent importants, en ce sens qu’ils permettent de contrôler les projets législatifs
des Etats afin de vérifier leur compatibilité avec les impératifs du marché commun.
179
Conclusion de la Partie I-
Dans le premier cas, le législateur tente d’éliminer toutes les formes d’entrave et de
restriction du marché commun par l’interdiction et le contrôle de la concurrence. Si cela
relève sans doute du processus de consolidation du marché commun, nous avons tenté de
démontrer dans nos développements précédents qu’il constitue un moyen de protection
indirecte des consommateurs au sein du marché commun. En effet, à l’instar du droit
européen, la règlementation et le contrôle de la concurrence à l’échelle communautaire
permettent non seulement d’assurer aux consommateurs leur diversité de choix des produits
au sein du marché commun, mais aussi d’éviter une augmentation injustifiée des prix ou une
baisse relative de la qualité des produits.
180
spécialisés et juridictionnels afin de compenser le déficit législatif national et communautaire
relatif à la santé des consommateurs. Cela permet non seulement de conforter le marché
commun mais pourra également contribuer à promouvoir une consommation saine au sein du
marché commun et par ricochet préserver le bien-être des consommateurs de l’UEMOA.
Même si cela n’est pas suffisant pour assurer efficacement la sécurité sanitaire des produits,
nous pensons, que l’initiative communautaire d’harmoniser ces matières est un jalonnement
de protection communautaire.
En somme, l’effectivité du marché commun de l’UEMOA n’est plus à douter mais son
implication dans le cadre de la protection des consommateurs reste toutefois limitée. Le
législateur de l’UEMOA semble se limiter à une protection du marché commun par
l’élimination des abus ou des dérives des professionnels ainsi que ceux des Etats. Par ailleurs,
au-delà de la liberté de choix des produits et du bien-être des consommateurs, le marché
commun engendre d’autres conséquences sur la situation économique de ceux-ci, qui méritent
d’être étayées Ces dernières portent essentiellement sur des aspects relevant des relations
directes entre professionnels et consommateurs. Certes, elles ne sont pas encadrées par le
législateur de l’UEMOA, mais par diverses dispositions d’autres organisations africaines ainsi
que nationales (Partie II).
181
Partie –II-
La liberté du commerce qui a pour corollaire la liberté contractuelle peut avoir des
conséquences directes et préjudiciables aux consommateurs. La première favorise l’ouverture
du commerce, la seconde quant à elle occasionne les rapports contractuels. Les deux
ensemble, accentuent les rapports contractuels (nationaux et transfrontaliers) entre
consommateurs et professionnels. Ainsi l’ouverture du commerce occasionnera
inévitablement des rapports directs entre les consommateurs et les professionnels opérant sur
tout le marché commun de l’UEMOA. Les consommateurs peuvent donc être en relation
contractuelle, extracontractuelle ou entretenir de simples pourparlers avec tout professionnel
situé sur le marché commun. C’est ainsi que se pose avec acuité la problématique de la
sécurité juridique et judiciaire des contrats de consommation transfrontaliers dans l’espace de
l’UEMOA ainsi que la régulation des contrats de consommation face au respect des
impératifs du marché commun.
665
Voir les développements des titres (I) et (II) de la première partie, p.26-180.
182
partie la plus faible, mais aussi les effets contractuels, alors que ceux-ci constituent en
principe « l’âme » des contrats synallagmatiques. C’est cet équilibre contractuel que nous
considérons dans le cadre de cette étude comme des intérêts économiques des
consommateurs. Autrement dit, ce sont les contreparties (bien acheté ou prestation de service)
que les consommateurs attendent de leur cocontractant, en l’occurrence les professionnels,
moyennant un prix raisonnable lors de l’exécution de leur contrat. Ainsi, la recherche de cet
équilibre contractuel devient la source de difficultés lors des pourparlers, de la conclusion et
de l’exécution des contrats de consommation.
666
Il existe quelques dispositions de l’UEMOA qui semblent encadrer certains aspects des contrats de
consommation. Il s’agit notamment des dispositions du Règlement n° 15/CM/2002/UEMOA relatif au système
de sécurisation des paiements électroniques et celles de la Décision n° 10/2010/CM/UEMOA portant adoption
des lignes directrices pour le contrôle de l’information et la publicité sur les médicaments auprès des
professionnels de la santé dans les Etats membres de l’UEMOA.
183
la transparence des offres de contrats. Ensuite, nous avons les dispositions de l’Acte
Additionnel de la CEDEAO portant sur les transactions électroniques et celui portant sur la
protection des données à caractère personnel et celles du règlement UEMOA relatif au
système de sécurisation des paiements électroniques, enfin, les dispositions de la convention
OCAM en matière de circulation des jugements étrangers au sein du marché commun.
184
Titre I-
Nous verrons dans nos prochains développements que les différentes législations
nationales ne sont pas suffisamment efficaces pour sécuriser les contrats internes et
transfrontaliers et qu’il existe également quelques divergences entre elles, susceptibles
d’affecter l’efficacité de la protection des consommateurs au sein du marché commun667.
667
Voir les développements du titre (II) de la présente partie, p 240 et suivantes.
668
Par exemple la consécration de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest),
l’UEMOA (Union économique ouest-africaine), le CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance),
l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires), l’OAPI (Organisation
Africaine de la Propriété Intellectuelle), l’OMPI (Office Africaine et Malgache de la propriété industrielle), etc.
669
Voir Henry TEMPLE, « Quel droit de la consommation pour l’Afrique ? Analyse critique du projet OHADA
d’acte uniforme sur le droit de la consommation » Revue Burkinabé de droit n° 43-44 1er et 2ème semestres 2003.
Voir aussi OHADATA D-05-26 sur www.ohada.com.
185
dispositions du Règlement n°15/2002/CM/UEMOA relatif au système de paiement qui
uniformisent les questions relatives à la preuve électronique et en matière de sécurisation des
moyens de paiements et de signature électronique. Dans l’espace de la CEDEAO, on a
également les dispositions de l’Acte additionnel A/SA.1/01/10 du 16 février 2010 relatif à la
protection des données à caractère personnel, celles de l’Acte additionnel A/SA.2/01/10 du 16
février 2010 relatif aux transactions électroniques. Enfin, les dispositions de la convention de
l’OCAM tentent en vain de régler les questions relatives à la circulation des jugements
étrangers au sein du marché commun tandis que celles des futurs projets d’acte uniforme sur
le droit des contrats de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation du Droit des affaires en
Afrique) sont en cours de réflexion.
186
Chapitre I-
Par ailleurs, une rigueur d’encadrement de ces matières par les dispositions nationales
pourrait être bénéfique aux consommateurs mais risquerait aussi de restreindre le marché
commun. C’est ainsi que certains législateurs communautaires africains ont pris l’initiative
d’uniformiser les différentes dispositions nationales afin d’établir un véritable ordre juridique
dans certaines matières. Cette volonté de protection communautaire s’est matérialisée, d’une
part, par l’adoption de Codes et textes spécifiques encadrant les contrats d’assurance dans le
marché commun (Section I) et, d’autre part, par les dispositions de l’OAPI en matière de
transparence des offres de contrats (Section II).
670
C’est le cas des contrats d’adhésion et des contrats-types.
187
Section I- La protection communautaire en matière des assurances
par les dispositions de la CIMA
Les contrats d’assurance sont très sensibles du fait qu’ils portent essentiellement sur
des aléas et des risques. Ainsi, ils ont besoin d’un encadrement très strict pour mieux
préserver les intérêts économiques des assurés. Or, en général, la recherche d’une meilleure
protection des consommateurs par une rigueur dans les encadrements nationaux peut se
trouver incompatible avec les impératifs du marché commun, ce qui rend très complexe voire
très difficile l’encadrement des marchés d’assurances par des dispositions nationales. Ainsi, le
législateur communautaire africain a pris conscience de la nécessité d’une uniformisation dans
ces matières afin d’assurer le même niveau de protection à l’ensemble des consommateurs du
marché commun de l’UEMOA671. Cela éliminerait les diversités de régimes juridiques des
contrats d’assurance au sein du marché commun. Par le biais du Code CIMA, le législateur
communautaire institue des mécanismes permettant de gouverner efficacement l’émission, le
renouvellement ainsi que la rupture de volonté des contractants en situation d’infériorité, en
l’occurrence les consommateurs (assurés), dans les contrats d’assurance. Par la même
occasion, il a pris le soin d’adopter des règles relatives à la création, l’organisation, au
fonctionnement, des professionnels des assurances sur le marché commun.
Par ailleurs, étant donné que tous les Etats de l’UEMOA font partie de la CIMA672,
nous tenterons de voir comment ces dispositions contribuent à protéger les consommateurs
(assurés) dans les contrats d’assurance (Paragraphe I), avant de voir dans quelle mesure cette
uniformisation pourrait être bénéfique aux consommateurs de l’UEMOA au sein du marché
commun (Paragraphe II).
671
Voir l’alinéa 2 du premier considérant du préambule du Traité instituant une organisation intégrée de
l’industrie des assurances dans les Etats africains, p. 5.
672
La Conférence interafricaine des marchés d’assurance regroupe presque tous les Etats membres de l’UEMOA
et de l’OHADA. Ce sont notamment les gouvernements de la République du Bénin, du Burkina Faso, de la
République du Cameroun, de la République Centrafricaine, de la République du Congo, de la République de
Côte d'Ivoire, de la République Gabonaise, de la République du Mali, de la République du Niger, de la
République du Sénégal, de la République du Tchad, de la République Togolaise, de la République de Guinée
Equatoriale, la Guinée-Bissau et la République Fédérale Islamique des Comores.
188
Paragraphe I- Le régime juridique et judiciaire en matière
d’assurances
Les articles 6, 7, 8, 14, 24, 28 et suivants du Code CIMA, qui encadrent principalement
les conditions de validité des contrats d’assurance, tentent d’apporter les garanties maximales
concourant à préserver l’intégrité du consentement des consommateurs. Aussi, ils tentent de
régler les questions relatives aux prescriptions ainsi que les difficultés liées à la détermination
de la compétence juridictionnelle dans les contentieux des contrats d’assurance
transfrontaliers. Ainsi, après avoir analysé les conditions de conclusion de ces contrats (A),
nous nous intéresserons à leur régime judiciaire (B).
Les conditions de formation des contrats d’assurance, à l’instar de celles des autres
contrats de consommation, sont d’ordre formaliste et informatif. En effet, les articles précités
disposent que, « sauf en matière d’assurance vie, la proposition d'assurance n'engage ni
l'assuré, ni l'assureur ; seule la police ou la note de couverture constate leur engagement
réciproque et l’'assureur est tenu avant la conclusion du contrat de fournir une fiche
d'information sur le prix, les garanties et les exclusions de responsabilité »673. On voit
clairement que l’exigence d’un écrit constatant l’engagement des parties et une obligation
d’information précontractuelle à la charge de l’assureur ne semblent pas s’éloigner des
conditions générales exigées dans tous les contrats de consommation674. Toutefois, l’alinéa 2
de cette disposition va plus loin que celles-ci en obligeant les assureurs à mentionner dans
leurs offres de contrat les garanties auxquelles ils s’engagent ainsi que les exclusions de
responsabilité675. Ces dernières exigences démontrent clairement la particularité des régimes
juridiques des contrats d’assurance.
673
Voir l’article 6 du Code CIMA.
674
Voir les développements sur le titre (II) de la présente partie, p.240 et suivantes.
675
Ibid. Pour de plus amples développements, voir Bérenger Yves MEUKE, La CIMA et les clauses exclusives
de garantie dans le contrat d'assurance : « L'assurance sans couverture de risque ? », ohadata D-13-62.
189
(…) »676. En effet, les textes imposent au consommateur (assuré) de manifester expressément
sa volonté d’adhérer à l’offre qui lui est soumise mais surtout de le faire par le biais d’un
moyen écrit ou par tout autre moyen susceptible d’être daté677. Cette exigence de forme dans
l’acceptation des contrats d’assurance est une suite logique dans le cadre de la préservation de
l’intégrité du consentement des assurés.
On voit bien que l’écrit qui est souvent présenté comme un moyen de preuve des
contrats est exigé comme une condition de validité des contrats d’assurance. C’est dans ce
sens qu’un certain nombre de mentions informatives doit obligatoirement figurer sur la police
d’assurance afin de reproduire fidèlement l’identité des contractants et les éventuels
676
Voir l’article 6 du Code CIMA.
677
Ibid.
678
L’article 6 du Code CIMA précité dispose à cet effet que, « est considérée comme acceptée la proposition
faite par lettre recommandée avec accusé de réception, par lettre contresignée ou par tout autre moyen faisant
foi de la date de réception ,prolonger ou de modifier un contrat, ou de remettre en vigueur un contrat suspendu,
si l'assureur ne refuse pas dans les quinze jours après qu'elle lui soit parvenue ».
679
Sur ce point, les précisions du législateur de CIMA sur l’emploie des langues n’a pas assez d’importance
puisque tous les Etats membres du CIMA ont comme langue officielle le français.
680
Voir l’article 7 du Code CIMA
681
Ibid.
682
Ibid.
190
bénéficiaires ainsi que le contenu détaillé de leurs engagements683. Ces formalités
informatives obligatoires font de l’écrit dans les contrats d’assurance un bouclier pour les
consommateurs (assurés) contre toute forme d’abus, de malversation ou de mauvaise
exécution de la part des professionnels.
683
L’article 8 du Code CIMA dispose que, « Les polices d'assurance doivent indiquer : - les nom et domicile des
parties contractantes ; - la chose ou la personne assurée ; - la nature des risques garantis ; - le moment à partir
duquel le risque est garanti et la durée de cette garantie ; - le montant de cette garantie; - la prime ou la
cotisation de l'assurance ; - les conditions de la tacite reconduction, si elle est stipulée; - les cas et conditions de
prorogation ou de résiliation du contrat ou de cessation de ses effets ; - les obligations de l'assuré, à la
souscription du contrat et éventuellement en cours de contrat, en ce qui concerne la déclaration du risque et la
déclaration des autres assurances couvrant les mêmes risques ; - les conditions et modalités de la déclaration à
faire en cas de sinistre ; - le délai dans lequel les indemnités sont payées ; - pour les assurances autres que les
assurances contre les risques de responsabilité, la procédure et les principes relatifs à l'estimation des
dommages en vue de la détermination du montant de l'indemnité ; - la prescription des actions dérivant du
contrat d'assurance; - les formes de résiliation ainsi que le délai de préavis. Les clauses des polices édictant des
nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très
apparents. Les polices des sociétés d'assurance mutuelles doivent constater la remise à l'adhérent du texte entier
des statuts de la société.
684
Voir l’article 9 du Code CIMA et l’article 1112-5 du Code des assurances français.
685
Ibid.
686
Voir l’article 14 du Code CIMA précité.
687
Voir l’article 24 du Code CIMA précité qui est similaire à l’article L. 113-15-1 du C. ass. français.
688
Ibid.
191
examinées, il y a toute une gamme de mesures dans le Code CIMA relatives à l’interdiction
des clauses abusives. Ces dernières contribuent aussi à préserver l’intérêt économique des
consommateurs dans les contrats d’assurance mais ne seront pas développées dans le cadre de
cette étude689.
689
Pour de plus amples informations, voir Bérenger Yves MEUKE, op.cit.
690
Voir l’article 28 du Code CIMA précité.
691
Ibid.
692
Ibid.
693
Voir l’article 30 du Code CIMA précité.
694
Ibid.
695
Ibid.
192
les contrats transfrontaliers696. Elle facilitera aussi la circulation des jugements étrangers au
sein du marché commun. Toutefois, il faut déplorer l’absence d’une juridiction suprême de la
CIMA afin de contrôler la bonne application de ces dispositions.
Il faut d’emblée souligner que dans le cadre du traité CIMA, les institutions sont
compétentes pour adopter, soit des règlements et des décisions, soit des recommandations et
des avis697. Par la même occasion, les dispositions du présent traité précisent que les
règlements et les décisions ont une portée obligatoire tandis que les avis et les
recommandations ne l’ont pas698. En effet, concernant l’encadrement des contrats d’assurance,
le législateur du Code CIMA a opté pour la voie règlementaire. A ce titre, les dispositions du
Traité disposent que ces règlements ont un caractère général et sont directement applicables
dans tous les Etats membres sans aucune procédure particulière de transposition699. La
conséquence d’une telle uniformisation, est que les Etats membres perdent systématiquement
toute compétence législative sur les matières relevant du champ d’application de la CIMA700.
Sur ce point, un regard comparé nous permet de constater que, contrairement à la méthode
d’harmonisation stricte du législateur de la CIMA, le droit des assurances européen a fait
l’objet d’une harmonisation plus souple par le biais de plusieurs directives
701
communautaires . Cette souplesse laisse entrevoir des défaillances sur certains aspects de
protection des consommateurs, entraînant ainsi des conséquences considérables sur le marché
696
Pour de plus amples développements, voir, Fréderic LECLERC, op., cit.
697
Voir l’article 39 du Traité CIMA.
698
Voir l’article 40 du Traité CIMA.
699
Ibid.
700
Voir l’article 44 du Traité CIMA.
701
Il s’agit de la directive 73/239/CEE du Conseil, du 24 juillet 1973, portant coordination des dispositions
législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe autre que
l'assurance sur la vie, et son exercice, modifiée par la directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992 ; la
directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil concernant l'assurance directe sur la vie ; la directive
2002/65/CE du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance des services financiers auprès des
consommateurs modifiant la directive 90/619/CEE, 97/7/CE et celle de 98/27/CE.
193
des assurances en France. En effet, en France, le domaine des assurances se voit régi, d’une
part, par des dispositions générales en l’occurrence celles du Code de la consommation et,
d’autre part, par des dispositions spécifiques du Code des assurances. Cette situation met les
assureurs dans une situation paradoxale dans laquelle une réglementation d'application
générale, remise en cause par le droit communautaire, et qui devrait être modifiée
prochainement, semble, par voie d'exception, devoir être respectée tant qu'elle figure dans le
code de la consommation702. Ce léger décalage entre les dispositions européenne et française
en matière d’assurance est sans doute une conséquence du choix du législateur européen
d’assouplir l’harmonisation dans cette matière. Aussi, cette harmonisation souple va plus loin
en octroyant une marge de possibilités aux Etats membres d’élaborer des dispositions
nationales plus rigoureuses ou plus protectrices que celles instituées par les dispositions des
directives européennes703. En considération de cette expérience européenne, nous pensons
qu’un encadrement juridique des contrats d’assurance par des normes communautaires
présente un grand intérêt pour la sécurité juridique des contrats de consommation internes et
transfrontaliers. Cet encadrement communautaire aurait plus d’importance et plus d’impact
sur la qualité et le niveau de protection des consommateurs au sens que s’il est institué de
façon rigide, comme le Code CIMA par exemple. Il permet d’éviter éventuellement les
divergences de transposition dans l’ordonnancement juridique des Etats membres de
l’UEMOA et aussi de concilier la protection des consommateurs (assurés) avec le
fonctionnement normal du marché commun des assurances.
702
Pour de plus amples informations voir sur : http://www.argusdelassurance.com/acteurs/assureurs/les-ventes-
avec-primes-et-ventes-liees-de-produits-d-assurance.49845, publié par Matthieu DARY le 20 mai 2011.
Voir l’article 3. 9 de la directive 2002/65/CE précitée.
703
704
Voir les articles 200-203 du livre (II), chapitre (I) du Traité de CIMA.
705
Voir les articles 204-212 du livre (II), chapitre (II) du Traité de CIMA.
706
Voir les articles 213-224 du livre (II), chapitre (III) du Traité de CIMA.
707
Voir les articles 225- 277 du livre (II), chapitre (IV) du Traité de CIMA.
708
Voir le livre III, IV, V, VI, et VII du Traité CIMA.
194
règlementations, le législateur de la CIMA a pu instituer un marché unique d’assurances qui
se dessine comme un véritable ordre juridique communautaire et cela est profitable aux
assurés aussi bien dans leur liberté de choix de partenaires contractuels que dans de la
préservation de leur intérêt économique dans leurs rapports contractuels avec les
professionnels des assurances.
Par ailleurs, si l’effectivité d’une protection communautaire des assurés par les
dispositions du CIMA n’est plus en doute, il reste à explorer les autres acquis juridique de
protection communautaires des consommateurs au sein du marché commun.
709
Voir les articles 1112-1 à 1114-3 du C. ass. français.
195
Section II- La protection communautaire de l’intégrité du
consentement par les dispositions de l’OAPI
710
Voir l’accord portant révision de l’accord de BANGUI du 2 mars 1977 instituant l’OAPI (Organisation
Africaine de la Propriété Intellectuelle), composé quasiment de tous les Etats membres de l’UEMOA et de
l’OHADA ainsi que d’autres Etats africains. Elle est composée de la République du Bénin, du gouvernement du
Burkina Faso, du gouvernement de la République du Cameroun, du gouvernement de la République
Centrafricaine, du gouvernement de la République du Congo, du gouvernement de la République de Côte
d’Ivoire, du gouvernement de la République Gabonaise, du gouvernement de la République de Guinée, du
gouvernement de la République de Guinée Bissau, du gouvernement de la République du Mali, du gouvernement
de la République Islamique de Mauritanie, du gouvernement de la République du Niger, du gouvernement de la
République du Sénégal, du gouvernement de la République du Tchad et du gouvernement de la République
Togolaise.
711
Voir la Directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à vis des
consommateurs au J. O.U. E., 2005, n°1, 199/22.
712
Voir l’article 1 alinéa 1 point a) de l’accord portant révision de l’accord de BANGUI du 2 mars 1977
instituant l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle).
713
Voir l’article 2 de la Directive 2005/29/CE précitée.
196
africain qui tente de qualifier au cas par cas les comportements susceptibles d’être
déloyaux714.
Dans cette partie d’étude, il s’agit de voir comment les dispositions de l’OAPI
pourraient contribuer à la protection du consentement des consommateurs dans leur relation
contractuelle avec les professionnels. Ainsi, nous examinerons les mesures de protection
préventive (Paragraphe I), ainsi que celles de protection curative des consommateurs afin de
voir si elles constituent ou non de véritables acquis de protection communautaires des
consommateurs de la zone de l’UEMOA (Paragraphe II).
714
Cette liste comporte 31 pratiques, dont notamment 23 sont des pratiques commerciales trompeuses et les 8
autres des pratiques commerciales agressives.
715
L’article 2 de l’accord de Bangui du 2 mars 1977 précité dispose à cet effet que, « Constitue un acte de
concurrence déloyale, tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales crée
ou est de nature à créer une confusion avec l’entreprise d’autrui ou ses activités, en particulier avec les produits
ou services offerts par cette entreprise. 2) La confusion peut porter notamment sur : a) une marque, enregistrée
ou non ; b) un nom commercial ; c) un signe distinctif d’entreprise autre qu’une marque ou un nom commercial
; d) l’aspect extérieur d’un produit ; e) la présentation de produits ou de services ; f) une personne célèbre ou un
personnage de fiction connu ».
716
À cet effet, l’article 3 de l’accord de Bangui précité dispose que, « 1) Constitue un acte de concurrence
déloyale, tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, porte atteinte ou
est de nature à porter atteinte à l’image ou à la réputation de l’entreprise d’autrui, que cet acte ou cette
pratique crée ou non une confusion. 2) L’atteinte à l’image ou à la réputation d’autrui peut résulter, notamment
de l’affaiblissement de l’image ou de la réputation attachée à : a) une marque, enregistrée ou non ; b) un nom
commercial ; c) un signe distinctif d’entreprise autre qu’une marque ou un nom commercial ; d) l’aspect
extérieur d’un produit ; e) la présentation de produits ou de services ; f) une personne célèbre ou un personnage
de fiction connu ».
717
L’article 4 de l’accord de Bangui dispose à cet effet que , « 1) Constitue un acte de concurrence déloyale tout
acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, induit ou est de nature à induire
le public en erreur au sujet d’une entreprise ou de ses activités, en particulier des produits ou services offerts
par cette entreprise. 2) Le public peut être induit en erreur par la publicité ou la promotion, notamment à
propos des éléments suivants : a) procédé de fabrication d’un produit ; b) aptitude d’un produit ou d’un service
à un emploi particulier ; c) qualité, quantité ou autre caractéristique d’un produit ou d’un service ; d) origine
géographique d’un produit ou d’un service ; e) conditions auxquelles un produit ou un service est offert ou
fourni ; f) prix d’un produit ou d’un service ou son mode de calcul ».
197
dispositions ne mentionnent pas une liste limitative de pratiques commerciales susceptibles de
léser les consommateurs et de porter atteinte à leurs intérêts économiques, toutes les
interdictions qu’elles incriminent semblent répondre logiquement au besoin de préserver
l’intégrité du consentement des consommateurs dans leur relation contractuelle avec les
professionnels719. Ces mesures communautaires de protection préventive semblent a priori
contribuer à protéger indirectement les consommateurs dans la mesure où elles sont
essentiellement destinées à assurer une concurrence parfaite entre les professionnels opérant
sur le marché commun. Toutefois, lorsque nous approfondissons notre regard sur ces
dernières, nous pouvons constater qu’elles sont susceptibles de s’appliquer aux différentes
phases précontractuelles (par exemple dans les pourparlers et dans les offres de contrats).
Etant donné qu’elles constituent principalement des mesures visant à réguler les procédés de
promotion et de vente des professionnels, elles permettent raisonnablement l’établissement
d’une certaine transparence dans les relations contractuelles entre les professionnels et les
consommateurs. En effet, lorsqu’on s’éloigne d’une simple interprétation littérale des
dispositions des articles 1 à 5 précités pour ne s’en tenir qu’à leur esprit, on se rend compte
que ces mesures ont des vertus protectrices au même titre que celles du droit commun des
obligations contractuelles (le dol, l’erreur, la lésion) ainsi que celles des textes spécifiques
(l’interdiction des publicités mensongères ou trompeuses). C’est dans cette optique que nous
appréhendons les mesures issues de l’accord de Bangui comme de véritables sources
juridiques communautaires assurant la transparence des offres de contrat et par ricochet,
contribuant à préserver le consentement des consommateurs dans leur rapport contractuel
avec les professionnels du marché commun. Cette position a également été soutenue
hardiment par le législateur européen dans les considérants de la Directive 2005/29/CE
relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à vis des consommateurs720.
718
L’article 5 de l’accord de Bangui dispose que, « 1) Constitue un acte de concurrence déloyale, toute
allégation fausse ou abusive dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, qui discrédite ou est de
nature à discréditer l’entreprise d’autrui ou ses activités, en particulier des produits ou services offerts par cette
entreprise. 2) Le dénigrement peut résulter de la publicité ou de la promotion et porter, notamment sur les
éléments suivants : a) procédé de fabrication d’un produit ; b) aptitude d’un produit ou d’un service à un emploi
particulier ; c) qualité, quantité ou autre caractéristique d’un produit ou d’un service ; d) conditions auxquelles
un produit ou un service est offert ou fourni ; e) prix d’un produit ou d’un service ou son mode de calcul ».
719
L’article 1 paragraphe 1 point a) de l’accord de Bangui précité dispose à cet effet que, « Outre les actes et
pratiques visés aux articles 2 à 6, constitue un acte de concurrence déloyale tout acte ou pratique qui, dans
l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, est contraire aux usages honnêtes ».
720
Voir les considérants 1, 2,3 et suivants de la Directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales
déloyales des entreprises vis-à vis des consommateurs.
198
Par ailleurs, à l’instar de tous les autres ordres juridiques (national ou communautaire),
l’efficacité de ces mesures préventives nécessite bien qu’elles soient accompagnées de
mécanismes procéduraux permettant aux consommateurs de défendre favorablement leur
intérêt contre toute pratique des professionnels figurant parmi les interdites des articles 1 à 5
de l’accord de Bangui.
721
Voir l’article 1 paragraphe (1) point (b) de l’accord de Bangui précité.
199
Ainsi, l’action des consommateurs contre les actes incriminés pas les dispositions
communautaires, en l’occurrence l’OAPI, étant admise par les dispositions communautaires,
il reste maintenant à voir dans quelle mesure son succès serait évident. En effet, nous pouvons
imaginer que ces dispositions ont un caractère d’ordre public, dans la mesure où elles se
présentent comme des lois de police destinées à protéger le marché commun. Dans ce sens,
les consommateurs n’auront pas de difficulté pour obtenir gain de cause devant les
juridictions étatiques de droit commun, puisque le caractère d’ordre public de ces mesures
déchargera aux consommateurs la charge de la preuve. Par contre, si elles ne sont pas
appréhendées comme des dispositions à caractère d’ordre public, la procédure serait très
proche de la procédure classique du droit civil, et dans ce cas, le succès d’un tel recours des
consommateurs risquerait d’être absurde.
200
encadrées dans l’espace de l’UEMOA par les différentes dispositions nationales, et cela
semble difficilement conciliable avec les ambitions du marché commun.
Malgré les insuffisances des dispositions de l’OAPI, nous estimons que l’initiative de
cette organisation est à encourager. La Directive européenne précitée devra inspirer le
législateur de l’OAPI afin d’intégrer dans son champ d’application d’autres aspects
contribuant à la protection des consommateurs dans ces matières. Il peut s’agir entre autres,
des refus de vente, la vente à boule de neige, les ventes liées ou agressives, etc. Cela évitera
qu’il ait une prolifération de législations nationales divergentes dans ces matières, susceptible
d’empiéter sur le fonctionnement normal du marché commun.
harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d'une influence injustifiée, la liberté
de choix ou de conduite du consommateur moyen à l'égard d'un produit, et, par conséquent, l'amène ou est
susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ».
201
Conclusion du Chapitre I-
202
Chapitre II-
La protection communautaire des consommateurs dans les ventes à
distance
Nous verrons dans les prochains développements que les différentes dispositions
nationales relatives aux conditions générales applicables à tous les contrats de consommation
sont insuffisantes pour sécuriser efficacement certains contrats727. En effet, la reconfiguration
des marchés nationaux en marché commun a considérablement modifié les formes et les
modalités de conclusion des contrats de consommation. Aussi, le développement des moyens
de transport, de paiement, de l’information et de la communication (internet, téléphone,
télégramme, télexe, télécopie etc.) a accentué de nouvelles techniques de formation des
contrats de consommation. Il s’agit principalement des contrats qui transcendent les frontières
nationales. Il s’agit du contrat à distance autrement appelé contrat entre personnes absentes728
ou le « e-commerce »729. Il existe une variété de contrats à distance, il peut s’agir de contrats
par correspondance ou de contrats électroniques.
727
Voir les développements du chapitre (I), titre (II) de la présente partie, p 240 et suivantes.
728
Voir les articles 46 du Code des obligations et des contrats du Mali et 82 du Code des obligations civiles et
commerciales du Sénégal.
729
L’article 14 de la loi française du 21 juin 2004 dite « loi pour la confiance dans l’économie numérique »,
définit de manière très large la notion de « e-commerce ». Ainsi, elle est définie comme, « l’activité par laquelle
une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services. Entre
également dans le champ du commerce électronique, les services tels que ceux consistant à fournir des
informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d’accès et de récupération
de données, d’accès à un réseau de communication ou d’hébergement d’informations, y compris lorsqu’ils ne
sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent (…) ».
730
Il s’agit, de la loi n°045-2009/AN du 10 Novembre 2009 portant règlementation des services et des
transactions électroniques du Burkina-Faso ; la loi n°2008-08 du 15 Janvier 2008 sur les transactions
électroniques du Sénégal ; de la loi n° 2013-546 du 30 juillet 2013 relatives aux transactions électroniques de la
Cote D’Ivoire
731
Voir les articles 46 du COC du Mali et 82 du COCC du Sénégal.
732
Voir les développements du chapitre (I), titre (II) de la présente partie, p.240 et suivantes.
203
de ces ventes génère inévitablement des modalités de paiement particulières, le législateur de
l’UEMOA a mis en place des mesures de sécurisation des moyens de paiement électronique,
complétant ainsi celles de la CEDEAO. A ce titre, il encadre également la preuve des
paiements électroniques au sein du marché commun.
La vente à distance a été définie par le législateur européen comme, « (…) tout
contrat concernant des biens ou services conclu entre un fournisseur et un consommateur dans
le cadre d’un système de vente ou de prestations de services à distance organisé par le
fournisseur, qui pour ce contrat, utilise exclusivement une ou plusieurs techniques de
communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat, y compris la conclusion du contrat
elle-même »733. Au regard de cette disposition, nous constatons clairement que les contrats à
733
Voir l’article 2 point (1) de la Directive n°97/7/CE du parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997
relative à la protection des consommateurs en matière de contrats à distance.
204
distance ne semblent pas se limiter aux seules ventes électroniques. Or, au regard des
dispositions de la CEDEAO, on se rend compte que législateur ne définit pas clairement la
notion de vente à distance. Il s’est contenté d’annoncer le champ d’application des
dispositions relatives aux transactions électroniques734. Il faut recourir aux différentes
dispositions nationales pour définir la vente électronique comme « l'activité économique par
laquelle une personne propose ou assure, à distance et par voie électronique, la fourniture de
biens et la prestation de services »735. Ainsi, ces législations semblent ne connaître que les
ventes électroniques et il semble ignorer les ventes par correspondance qui ont autrefois fait
émerger les autres ventes transfrontalières736.
Les ventes électroniques dans l’espace de l’UEMOA sont régies principalement par
les dispositions de l’Acte additionnel n° A/SA./2/01/10 portant règlementation des
transactions électroniques dans l’espace de la CEDEAO, celles de l’Acte additionnel n°
A/SA./1/01/10 relatif à la protection des données à caractère personnel. Cet encadrement est
complété par les dispositions du règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif à la sécurisation
des paiements électroniques et par certaines dispositions nationales737. Elles encadrent
principalement les conditions spécifiques de formation des transactions électroniques, la
validité des documents électroniques, la reconnaissance de l’écrit et de la signature
électronique ainsi que les contrats électroniques. C’est ce dernier point qui nous intéressera
dans le cadre de cette étude.
734
En effet, l’article 2 de l’acte additionnel n° A/SA./2/01/10 portant règlementation des transactions
électroniques dans l’espace de la CEDEAO dispose que, « le présent Acte additionnel a créé un cadre harmonisé
pour la règlementation des transactions électroniques dans l’espace de la CEDEAO. Il s’applique notamment à
toute transaction, de quelque nature qu’elle soit, prenant la forme d’un message électronique ». Aussi, l’article 1
relatif à la définition des expressions techniques de l’Acte additionnel définit la notion de message électronique
comme, « toute information créée, envoyée, reçue, ou conservée par des moyens électroniques ou optiques ou
par des moyens analogues notamment, mais non exclusivement l’échange de données informatisées, la
messagerie électronique, le télégraphe, le télexe, et de la télécopie ».
735
Voir l’article 8 de la loi sénégalaise n° 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques. Aussi,
la loi n°045-2009/AN du 10 Novembre 2009 portant règlementation des services et des transactions
électroniques du Burkina-Faso et la loi n° 2013-546 du 30 juillet 2013 relatives aux transactions électroniques de
la Côte D’Ivoire.
736
En effet, soulignons que l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général encadre les ventes à
distance dans le même sens que les dispositions la Convention de Vienne du 11 avril 1980 (CVIM), mais ses
dispositions ne s’appliquent exclusivement que dans les ventes commerciales. Voir les articles 234 et suivants de
l’AU/DCG.
737
Voir l’article 8 de la loi sénégalaise n° 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques. Aussi,
la loi n°045-2009/AN du 10 Novembre 2009 portant règlementation des services et des transactions
électroniques du Burkina-Faso et la loi n° 2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux transactions électroniques de
la Côte D’Ivoire.
205
conditions particulières de formation de ces contrats (Paragraphe I), avant de nous intéresser
aux mesures sécuritaires spécifiques aux ventes électroniques (Paragraphe II).
Après avoir examiné les obligations d’information des professionnels dans les ventes
électroniques (A), nous nous intéresserons à leur modalité de formation proprement-dit (B).
738
Voir les développements du Chapitre (I) et la section (II) du chapitre (II) du Titre (II) de la présente partie, p.
240 et suivantes.
739
Ibid.
740
Ibid.
206
clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est
réalisée »741. Les dispositions exigent également que les publicités ainsi que les offres
promotionnelles des professionnels des services électroniques soient facilement identifiables
et accessibles742. Elles doivent surtout permettre l’identification du prix743. De plus, elles
interdisent les prospections directes744, les dissimulations d’identité745 et, exigent
l’identification des coordonnées du professionnel746. Ces exigences ne s’éloignent pas trop de
celles établies par les différentes législations nationales relatives aux transactions
électroniques.
S’agissant de l’offre électronique, elle n’a pas fait l’objet de définition législative,
mais nous pouvons l’appréhender comme une proposition de contracter, qui précise tous les
éléments contractuels assurant la traçabilité du contrat projeté747. Il ressort clairement des
dispositions que l’offre de contrat doit comporter les différentes étapes à suivre pour la
conclusion dudit contrat, les moyens qui permettent à l’utilisateur d’identifier les erreurs
éventuellement commises dans la saisie avant la conclusion du contrat, la chose748 et le
741
Voir l’article 8 de l’Acte additionnel, l’article 13 de la loi sénégalaise n° 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les
transactions électroniques, l’article 47 la loi n°045-2009/AN du 10 Novembre 2009 portant règlementation des
services et des transactions électroniques du Burkina-Faso et l’article 10 de la loi n° 2013-546 du 30 juillet 2013
relative aux transactions électroniques de la Côte D’Ivoire.
742
Ibid, article 10.
743
Ibid, article 9.
744
Ibid, article 11. Par ailleurs, des exceptions sont admises à l’interdiction des prospections directes par
courrier électronique. A cet effet, l’article 12 dispose que, « (…), la prospection directe par courrier
électronique est autorisée si : les coordonnées du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui ; - si
la prospection directe concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou
morale ». En outre, l’article 49 de la loi Burkinabè précitée va dans le même sens que l’article 13 de l’Acte
additionnel, en disposant que, « (…), si le prestataire a fourni au destinataire, au moment où ses coordonnées
sont recueillies, la faculté de s’opposer sans frais et de manière simple à l’utilisation de celles-ci ».
Ibid, article 12.
745
207
prix749. Sur ces points, la législation burkinabè semble être allée plus loin par rapport à la
législation communautaire CEDEAO, sénégalaise et ivoirienne. En effet, outre les cinq (05)
mentions informatives obligatoires précitées, elle exige que l’offre comporte entre autres : -
un délai de validité, - des bases de calcul du prix dans le cas où l’offre porte sur des produits
financiers ; - des mentions relatives au droit de rétractation,- la loi applicable au contrat et à la
juridiction compétente, - l’existence ou l’absence de procédures extrajudiciaires de
réclamation et de recours accessibles au destinataire du service et, si de telles procédures
existent, les modalités d’accès à ces dernières750.
Un regard comparatif nous permet de voir que les conditions de validité d’une offre
électronique sont plus élaborées en droit européen qu’en droit de la CEDEAO. En effet, outre
les mentions obligatoires prévues par les dispositions de la CEDEAO et celles des Etats, le
législateur européen oblige le professionnel à informer le consommateur sur l’existence d’une
garantie commerciale ou d’un service après vente (SAV) avant de passer la commande751.
Aussi, sont interdites les cases pré-cochées proposées pendant la commande en ligne752. Par
ailleurs, en dépit de ces insuffisances, nous pensons que le droit de la CEDEAO contribue
considérablement à la sécurisation des offres électroniques au sein du marché commun, en ce
sens qu’il comble le déficit législatif de certains Etats. En outre, à l’instar des autres contrats
de consommation, l’obligation d’information du professionnel ne se limite pas après la
formation du contrat. Le professionnel a aussi à sa charge certaines obligations d’information
post-contractuelles. Elles consistent essentiellement pour ce dernier à fournir toutes les
informations pouvant permettre aux consommateurs d’avoir une connaissance claire et
détaillée du contenu de son engagement.
749
L’article 5 de l’Acte additionnel précité dispose que, « toute personne physique ou morale qui exerce une
activité entrant dans le champ d’application du présent Acte additionnel doit, même en l’absence d’offre de
contrat, dès lors qu’elle mentionne un prix, indiquer celui-ci de manière claire et non ambigüe, et notamment si
les taxes et les frais de livraison sont inclus ».
750
Voir l’article 57 de la loi burkinabè précitée.
751
Voir l’article 6 l la directive 2011/83/UE sur les droits des consommateurs du 25 octobre 2011 visant à
accroitre la protection des consommateurs dans l’Union européenne
752
Voir l’article 22 de la directive 2011/83 précitée.
208
B- Les conditions d’acception d’une offre électronique
753
Voir l’article 22 de l’Acte additionnel précité, l’article 39 de la loi ivoirienne relative aux transactions
électroniques précitée.
754
Voir l’article 7 de la loi burkinabè sur les transactions électroniques.
755
Voir l’article 19 de l’Acte additionnel précité.
756
Voir l’article 20 alinéas 2 de l’Acte additionnel précité.
757
Voir l’article 20 alinéas 2 de l’Acte additionnel précité.
758
Voir l’article 57 point (b) de la loi burkinabè précitée.
759
Ibid.
209
Elle semble délibérément relever de la volonté du professionnel760. En droit européen, la
faculté de rétractation a été clairement affirmée comme un droit inaliénable pour le
consommateur761. Ainsi, un modèle de formulaire de rétractation valable dans tous les pays de
l’UE a été institué à cet effet762. En outre, étant donné que dans les contrats à distance le
consommateur n’est pas en mesure de voir le bien qu’il achète, le législateur européen tente
de préserver l’intégrité de son consentement en lui permettant de tester le bien, objet du
contrat763.
210
le principe du « double clic ». Nous pensons que ce principe de « double clic » ressort
implicitement de l’esprit des textes de la CEDEAO, en ce sens qu’ils exigent que le
consommateur, destinataire d’une offre électronique, doit pouvoir vérifier les détails de sa
commande avant de la confirmer766. Cela implique la nécessité d’un « double clic », dont
notamment le premier pour vérifier les détails de la commande et, le deuxième pour confirmer
l’acceptation. Toutefois, la pratique des ventes électroniques dans l’espace de l’UEMOA
admet le principe du « double clic » et celui d’un « simple clic ». En définitive, les ventes
électroniques se forment après un « clic ».
Par ailleurs, si dans les ventes civiles l’acceptation d’une offre suffit pour valider
certains contrats767, l’écrit est formellement exigé comme une condition de validité des
contrats de consommation768. En outre, la spécificité du support électronique nécessite
d’autres conditions particulières de l’écrit pour sa validité.
Ainsi, après avoir examiné les modalités de la signature électronique (A), nous nous
intéresserons à celles de l’archivage des documents électroniques (B).
766
Voir l’article 19 de l’Acte additionnel précité.
767
Les articles 267 et suivants du Code des obligations contractuelles Malien de 1987 exigent l’écrit pour tous
les contrats dont le montant en numéraire excède 50.000 Fcfa comme un moyen de preuve.
768
Voir les développements sur le chapitre (I), titre (II) de la présente partie, p. 240.
211
A- La signature électronique comme un moyen de sécurisation des
ventes électroniques
769
Voir les articles 1 et 34 de l’Acte additionnel précité. Voir également, l’article 2 de loi burkinabè précitée.
770
A cet effet, l’article 23 de l’Acte additionnel précité dispose que, « lorsqu’un écrit est exigé pour la validité
d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique sous réserve que puisse être dûment
identifiée la personne dont il émane et que son intégrité soit garantie ».
771
Ibid, article 25.
772
A cet effet, l’article 14 de l’Acte additionnel précité, intitulé l’interdiction de dissimulation d’identité, dispose
que, « (…), il est interdit de dissimuler l’identité de la personne pour le compte de laquelle la communication est
émise ou de mentionner un objet sans rapport avec la prestation ou le service proposé ».
212
L’intégrité de la signature électronique est une condition supplémentaire mais
importante. Elle implique que le contenu d’un message n’a pas été altéré, intentionnellement
ou non, pendant l’échange électronique773. C’est dans ce sens que les dispositions
communautaires et nationales parlent de « signature électronique sécurisée »774. Elle porte sur
le contenu des données dématérialisées ou numérisées mais aussi sur leur forme. Ainsi, elle
doit être propre au signataire ; doit être créée par des moyens que le signataire peut garder
sous son contrôle exclusif ; doit garantir avec l’acte auquel elle s’attache un lien tel que toute
modification ultérieure de l’acte soit détectable775. Aussi, lorsque l’écrit sous forme papier est
soumis à des conditions particulières de lisibilité ou de présentation, l’écrit sous forme
électronique doit répondre à des exigences équivalentes776.
773
Voir Zeinabou ABDOU GOUROUZA MAGAGI op. cit., p.23.
774
Voir le point (25) de l’article 1 du Règlement UEMOA et l’article 2.27 de loi burkinabè précitée.
775
Ibid.
Ibid.
776
777
L’article 23 du règlement UEMOA précité dispose que, « Un dispositif sécurisé de création de signature
électronique doit être certifié conforme aux exigences définies à l’alinéa 1 par des organismes agréés par la
Banque Centrale et selon des règles définies par instruction prise à cet effet par elle ».
778
A cet effet, les dispositions de la loi Ivoirienne précitée donnent plus de précisions. Son article 29 alinéa 2
dispose que, « (…), lorsque celui qui s’oblige par voie électronique ne sait ou ne peut écrire, il doit se faire
assister de deux (02) témoins qui certifient, dans l’acte, l’identité de la personne qui s’oblige, son accord, leurs
propres identités, et attestent, en outre, que la nature et les effets de l’acte lui ont été précisés. La présence de
témoins certificateurs dispense celui qui s’oblige électroniquement de l’accomplissement des formalités de la
mention manuscrite ».
779
Ibid.
780
Ibid.
781
A cet effet, l’article 26 du Règlement UEMOA précité et l’article 14 de la loi burkinabè précitée disposent
qu’ « un certificat électronique qualifié comporte les mentions suivantes : - une mention indiquant que ce
213
qu’il a été délivré à titre de certificat électronique qualifié. Ces mentions sont l’identité du
prestataire de service du certificat électronique ainsi que l’Etat dans lequel il a été établi ; le
nom du signataire et, le cas échéant sa qualité ; les données de vérification de la signature
électronique correspondant aux données de création de celles-ci ; l’indication du début et de la
fin de la période de validité du certificat électronique ainsi que le code d’identité de celui-ci ;
la signature électronique sécurisée du prestataire de service de certification qui délivre le
certificat électronique ; enfin les conditions d’utilisation du certificat notamment le montant
maximum des transactions pour lesquelles ce certificat peut être utilisé782. En outre, les
dispositions de l’Acte additionnel admettent l’écrit sous forme électronique en facturation au
même titre que l’écrit sur support papier à condition que l’authenticité de l’origine des
données qu’il contient et l’intégrité de leur contenu soient garanties783.
certificat a été délivré à titre de certificat électronique qualifié ; - l’identité du prestataire de service de
certification électronique ainsi que l’Etat dans lequel il est établi ; - le nom du signataire et, le cas échéant, sa
qualité ; (…) ».
782
Ibid.
783
Voir l’article 29 de l’Acte additionnel précité.
784
Voir les articles 23 de la loi ivoirienne précitée, 37 de la loi sénégalaise précitée, 34 de la loi burkinabè, et 30
de l’Acte additionnel de la CEDEAO précité.
785
Ibid.
786
Ibid, article 40 de la loi ivoirienne.
787
A cet effet, les différentes dispositions exigent qu’un dispositif sécurisé de création de signature électronique
doit remplir les conditions suivantes: « d’une part, garantir, par des moyens techniques et des procédures
214
donc de plein droit une valeur probante au même titre que la signature manuscrite 788. En
revanche, pour les signatures électroniques non sécurisées, c’est-à-dire celles qui ne
remplissent pas toutes les exigences légales, les différentes dispositions semblent ne pas leur
accorder une force probante de plein droit. Toutefois, leur invocation devant le juge est
admise789. En effet, au regard des articles 22 du Règlement de l’UEMOA et 10 de la loi
burkinabè précitée, une signature électronique ne peut être déclarée irrecevable au seul motif
qu’elle se présente sous forme électronique, qu’elle ne provient pas d’un certificat qualifié ou
qu’elle n’est pas créée par un dispositif sécurisé de création de signature. Ainsi, on voit bien
que le législateur de l’UEMOA n’envisage pas donner une force probante de plein droit aux
signatures électroniques non sécurisées (signatures qui ne remplissent pas les conditions
prescrites à l’article 23 du Règlement de l’UEMOA). Mais, paradoxalement il admet leur
recevabilité devant le juge790. Aussi, les dispositions communautaires ne précisent point les
modalités de preuve, mais donnent la possibilité au juge de régler les conflits de preuve
littérale par tout moyen lorsque les dispositions nationales n’ont pas fixé d’autres principes et
à défaut de convention valable entre les parties791.
appropriés, que les données de création de signature électronique ne peuvent être : établies plus d’une fois et
que leur confidentialité est assurée ; trouvées par déduction et que la signature électronique est protégée contre
toute falsification ; protégées de manière satisfaisante par le signataire contre toute utilisation par des tiers.
D’autre part, ne doit entraîner aucune modification du contenu de l’acte à signer et ne pas faire obstacle à ce
que le signataire en ait une connaissance exacte avant de le signer ».
788
A cet effet, les articles 35 de l’Acte additionnel précité, 10 alinéas 2 de la loi burkinabè précitée disposent
que, « (…), la signature électronique sécurisée liée à un certificat électronique qualifié est assimilée de plein
droit à la signature manuscrite ».
789
Dans ce cas, on pourrait imaginer que la charge de la preuve de la fiabilité du procédé ou de la technique
utilisée dans la transmission des données incombera à la personne qui l’invoque.
790
Voir l’article 22 du Règlement de l’UEMOA précité.
Voir l’article 32 de l’Acte additionnel précité.
791
792
Voir l’article 44 de l’Acte additionnel A/SA.1/01/10 du 16 février 2010 relatif à la protection des données à
caractère personnel dans l’espace de la CEDEAO.
793
Ibid.
215
une durée de dix (10) ans794. Son homologue Sénégalais impose aussi la durée décennale mais
avec des restrictions importantes795. En effet, il semblerait que l’obligation de conservation
des documents électroniques se limite aux seuls contrats électroniques portant sur une somme
égale ou supérieure à 20.000 francs CFA796.
794
Voir l’article 40 alinéa 1 de la loi ivoirienne précitée.
795
Voir l’article 37 de la loi sénégalaise précitée.
796
A cet effet, l’article 33 de la loi Sénégalaise dispose que, « lorsque le contrat est conclu par voie électronique
et qu'il porte sur une somme égale ou supérieure à un montant fixé à 20.000 francs, le contractant professionnel
assure la conservation de l'écrit qui le constate pendant un délai déterminé par l’article 37 ».
797
A cet effet, l’article 42 de l’Acte additionnel précité dispose que, « le traitement des données à caractère
personnel est confidentiel. Il est effectué exclusivement par des personnes qui agissent sous l’autorité du
responsable du traitement et seulement sur ses instructions ».
798
Ibid, article 43.
799
Ibid, article 45.
800
Ibid.
801
A cet effet, l’article 1 point (5) de l’Acte additionnel définit les données à caractère personnel comme, « toute
information relative à une personne physique identifiée ou identifiable directement ou indirectement, par
préférence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments, propres à son identité physique,
physiologique, génétique, psychique, culturelle, sociale ou économique ».
802
Ibid, article 38.
803
Ibid, article 39.
804
Ibid, article 40.
805
Ibid, article 41.
216
consommation806. Elles portent essentiellement sur les modalités de promotion, de publicité,
des offres de vente ainsi que celles relatives à l’acceptation des offres électroniques. Aussi, les
législateurs communautaires subordonnent la validité des ventes électroniques au respect d’un
certain nombre d’obligations, notamment d’identification, d’intégrité et d’archivage des
données électroniques à la charge des professionnels. L’ensemble de ces exigences d’ordres
informatif, formaliste et sécuritaire permettent de sécuriser les ventes électroniques. Ainsi,
elles peuvent être appréhendées comme des acquis communautaires de protection des
consommateurs de l’UEMOA au sein du marché commun. Elles permettent d’avoir un régime
juridique unifié des ventes électroniques, mais aussi de combler le déficit législatif de certains
Etats de l’UEMOA. Cependant, un regard croisé nous permet de constater que cet acquis
communautaire est moins élaboré par rapport au droit européen. Cela implique inévitablement
un renvoi aux différentes dispositions nationales afin de combler le déficit législatif
communautaire relatif aux ventes électroniques. Or, il se trouve que bon nombre d’Etats de
l’UEMOA ne dispose toujours pas de législations spécifiques en la matière. Fort de ce
constat, on pourrait imaginer que cette situation entrainerait des conflits de lois dans l’espace
de l’UEMOA et, il y a lieu de chercher à savoir s’il existe des règles de conflit favorables aux
consommateurs.
Les ventes électroniques peuvent consister à des contrats internes ou à des contrats
susceptibles de transcender les frontières nationales. La volonté des législateurs
communautaires était sans doute d’encadrer celles qui présentent des éléments d’extranéités.
Ainsi, nous avons vu dans nos précédents développements que le droit matériel issu du droit
communautaire n’était pas suffisamment élaboré pour appréhender toutes les situations
juridiques relatives à la protection des consommateurs. Autrement-dit, le législateur
communautaire semble avoir élaboré un dispositif de protection a minima, et cela ne devrait
pas priver les consommateurs du bénéfice de toute autre mesure nationale plus protectrice. De
ce fait, le législateur de la CEDEAO, à l’instar des législations modernes, a prévu des
mécanismes juridiques, notamment des règles de conflit de lois permettant de déterminer la
806
Voir les développements du titre (II), chapitre (I) de la présente partie, p.240.
217
loi compétente dans les transactions électroniques. Toutefois, nous pouvons constater que ces
règles de conflit demeurent abstraites et embryonnaires. Il y a donc lieu de les combiner avec
celles des droits nationaux pour pouvoir déterminer convenablement la loi compétente.
218
additionnel n’encadrent que les principales conditions de validité des ventes électroniques.
Cela implique que certaines conditions relatives à la forme et au fond ainsi qu’aux effets
desdites ventes n’ont pas été prises en compte par le droit communautaire. Ces dernières
seront donc logiquement soumises aux différentes dispositions nationales. Ces dispositions
sont embryonnaires et souvent divergentes sur certains aspects, voire déficitaires pour certains
Etats807. Ainsi, on pourrait se demander s’il existe de véritables règles de conflit de lois
favorables aux consommateurs. Sur cette question, le législateur de la CEDEAO tente
d’apporter des solutions adéquates. En effet, il laisse aux parties la liberté de choisir la loi
applicable à leur contrat (B)808. En l’absence de choix des parties, il fait un renvoi aux
différentes dispositions nationales plus favorables aux consommateurs (C). Par ailleurs, la
soumission de l’exercice de la profession de prestataire de service électronique au sein du
marché commun aux différentes législations nationales peut paraître incohérente avec les
ambitions du marché commun (A).
807
Voir les développements du chapitre (I), titre (II) de la présente partie, p.240 et suivantes.
808
A cet effet, l’article 7 de l’Acte additionnel de la CEDEAO dispose que, « L’exercice des activités entrant
dans le champ d’application du présent Acte additionnel est soumis à la loi du pays membre de l’espace
CEDEAO sur le territoire duquel la personne qui l’exerce est établie. Cette disposition est sans préjudice de la
liberté de choisir le droit applicable à leurs transactions. Toutefois, en l’absence de choix des parties, la loi
applicable sera la loi du lieu de résidence habituelle du consommateur tant qu’il y va de son intérêt ».
809
Ibid.
810
A cet effet, l’article 4 de la loi burkinabè précitée dispose que, « Lorsque le prestataire est établi sur le
territoire du Burkina-Faso, (…), est soumise aux exigences applicables au Burkina-Faso », et l’article 12 de la
loi Sénégalaise précitée dispose que, « L'activité définie à l'article 8 de la présente loi est soumise à la loi de
l'Etat sur le territoire duquel la personne qui l'exerce est établie, (…) ». En revanche, l’article 8 de la loi
Ivoirienne précitée dispose que, « Les activités rentrant dans le champ du commerce électronique sont soumises
aux lois Ivoiriennes, dès lors que l’une des parties est établie en Côte d’Ivoire, y a une résidence ou est de
nationalité Ivoirienne ».
219
optique, cette disposition semble contredire l’article 2, intitulé « champ d’application » ainsi
que les objectifs de l’Acte additionnel811.
811
A cet effet, l’article 2 de l’Acte additionnel de la CEDEAO précité dispose que, « Le présent Acte additionnel
vise à créer un cadre harmonisé pour la règlementation des transactions électroniques dans l’espace de la
CEDEAO. Il s’applique notamment à toute transaction, de quelque nature qu’elle soit, prenant la forme d’un
message électronique ».
812
Il s’agit de la loi burkinabè, sénégalaise et ivoirienne précitées.
220
B- La loi applicable par voie conventionnelle
813
En effet, le droit de rétractation n’est pas encore consacré par la plupart des législations nationales. Il est
consacré par le droit burkinabè en matière des ventes électroniques (Voir l’article 63 et suivant de la loi
burkinabè sur les transactions électroniques). Aussi par les règles générales applicables aux contrats de
consommation de consommation (Voir les développements sur le Titre (II) de la présente partie, p.240 et
suivantes.
221
Par ailleurs, on retrouve cette possibilité de la loi d’autonomie nettement mieux
élaborée dans les différentes législations de certains Etats814. Elles tentent d’instituer une loi
d’autonomie plus protectrice des consommateurs que celle instituée par le droit
communautaire. Ainsi, la liberté de choix de la loi applicable ne devra pas avoir pour objet de
priver le consommateur, ayant sa résidence habituelle sur le territoire national, de la
protection que lui assurent les dispositions impératives nationales815. On voit bien que la loi
d’autonomie émise par les différentes législations nationales va au-delà de celle de la
CEDEAO pour prendre en compte l’intérêt des consommateurs816. Ainsi, si la lex contractus
ne respecte pas les règles impératives plus protectrices, elle serait réputée non écrite817.
Lorsque nous reprenons l’illustration précédente en supposant que ce sont les juridictions
burkinabè qui sont saisies, en application de la règle de conflit du for, notamment l’article 55
alinéa 3 de la loi Burkinabè818 deux situations peuvent se présenter819. D’abord, si la lex
contractus respecte les prescriptions impératives de la lex fori, il peut y avoir : - soit une
application alternée des deux ; - soit une application exclusive de la loi de police820. Par
contre, si la lex contractus ne s’accommode pas bien avec les exigences protectrices de la lex
fori, en vertu de l’article 55 alinéa 3 de la loi Burkinabè précitée, la loi d’autonomie sera
écartée au profit de la lex fori (loi burkinabè plus protectrice)821. Cette illustration rejoint la
position des juges du Tribunal de Dakar et du Tribunal de Grande Instance de Paris dans
l’arrêt Jousse822. En effet, dans cette affaire, les juges ont fait abstraction de la lex contractus
au profit de la lex fori plus protectrice. Cette jurisprudence de la chambre sociale porte sur des
relations de travail, mais les solutions retenues à cet effet semblent transposables sur le terrain
des contrats de consommation, dans la mesure où les règles de conflit de loi en matière
sociale ne s’éloignent pas souvent de celles des contrats de consommation.
814
Il s’agit de l’alinéa 2 de l’article 4 de la loi burkinabè qui dispose que, « (…), et ne restreint pas la liberté des
parties de choisir le droit applicable à leur contrat ». Aussi de l’article 12 de la loi sénégalaise et l’alinéa 2 de
l’article 8 de la loi ivoirienne précitée.
815
Voir l’article 8, alinéa 2, 3,4 de la loi ivoirienne, et l’article 12 alinéa 2,3, de la loi sénégalaise. Aussi en droit
français : article 7, II, 1° de la loi française sur l’Economie numérique du 17 juillet 2003 ; c’est aussi l’esprit de
l’article L.121-20-6 du Code de la consommation. Il dispose que, « lorsque les parties ont choisi la loi d’un Etat
non membre de la Communauté européenne pour régir le contrat, le juge devant lequel est invoquée cette loi est
tenu d’en écarter l’application au profit des dispositions plus protectrices de la loi de la résidence habituelle du
consommateur ».
816
A cet effet, l’article 55 alinéa 3 de la loi burkinabè précitée dispose que, « (…), toute clause par laquelle le
consommateur renonce au bénéfice des droits qui lui sont conférés par la présente loi est réputée non écrite ».
817
Ibid.
818
Ibid.
819
Pour de plus amples développements, voir Frédéric LECLERC, op. cit., p. 300-304.
820
Ibid.
821
Ibid.
822
Ibid. Aussi, cassation 1ère chambre civile (française), 29 janvier 1975.
222
En somme, alors qu’on espérait que la règle de conflit (loi d’autonomie) de la
CEDEAO soit plus protectrice à l’instar des dispositions du Règlement de Bruxelles I, les
précédents développements nous ont permis de constater qu’elle pourrait offrir moins de
protection aux consommateurs que celle des différentes législations nationales. Ainsi, au
regard du droit communautaire (CEDEAO), le principe de la loi d’autonomie semble avoir
moins d’intérêt. En revanche, celui de certains Etats823 semble nettement mieux élaboré à
l’instar du Règlement de Bruxelles I. Ceci implique que la nécessité d’une combinaison de la
règle de conflit communautaire (moins protectrice) et celle des différentes lois nationales
(plus protectrice) est indispensable dans la recherche d’une loi d’autonomie favorable aux
consommateurs. Toutefois, en dépit de ces lacunes de la loi d’autonomie communautaire, le
législateur de la CEDEAO donne la possibilité au juge de déterminer la compétence
législative en matière de vente électronique.
Les différentes règles de conflit des lois des Etats de l’UEMOA tentent d’apporter des
solutions favorables au consommateur parti à un contrat à distance dans lequel les parties
n’ont pas choisi la loi applicable. Ainsi, des critères de rattachements objectifs sont élaborés
pour permettre de déterminer la loi applicable. Ces derniers sont souvent confrontés à
l’application des différentes lois de police, ce qui a conduit les législateurs nationaux à
élaborer des règles conflictuelles protectrices des consommateurs. Toutefois, elles semblent
suivre une approche qui pourrait dans certains cas restreindre leur qualité protectrice. Ainsi,
afin de combler leurs insuffisances, il serait nécessaire de combiner les différentes règles
conflictuelles nationales avec celles de la CEDEAO.
223
des règles du droit international privé », le législateur burkinabè ne fait que déterminer le
champ d’application spatial de ses lois de police. Il énonce également le recours aux
différentes règles conflictuelles classiques dans la recherche de la loi applicable dans les
ventes électroniques825. Or, ces dernières sont traditionnellement réservées aux rapports
juridiques purement civils, notamment en matière de mariage, de succession, de divorce et de
filiation826. Elles ne semblent pas accorder un traitement particulièrement favorable aux
consommateurs transfrontaliers. Toutefois, l’article 1002 du même Code civil renvoie aux
règles conflictuelles issues des conventions internationales827. Dans cette optique, l’article 7
de la CEDEAO se présente comme une règle de conflit qui pourrait compléter celles du
Burkina afin d’apporter plus de protection juridique dans les contrats de vente électronique.
Ainsi, le juge burkinabè, en application de l’article 7 de la CEDEAO pourrait appliquer une
loi de police étrangère plus protectrice que la sienne.
825
Voir les articles 1002-1050 du C. civ. burkinabè.
Ibid.
826
827
L’article 1002 du Code civil burkinabè dispose que, « sous réserve des conventions internationales, (…), les
dispositions du présent chapitre fixent le droit applicable à certains rapports juridiques privés présentant un ou
plusieurs rattachements avec un ou plusieurs systèmes juridiques étrangers ».
828
L’article 12 de la loi sénégalaise dispose que, « L'activité définie à l'article 8 de la présente loi est soumise à
la loi de l'Etat sur le territoire duquel la personne qui l'exerce est établie, sous réserve de la commune volonté
de cette personne et de celle à qui sont destinés les biens ou services. L'application de l'alinéa précédent du
présent article ne peut avoir pour effet de :1) priver un consommateur ayant sa résidence habituelle sur le
territoire national de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi sénégalaise relative aux
obligations contractuelles, conformément aux engagements internationaux souscrits par le Sénégal. Au sens du
présent article, les dispositions relatives aux obligations contractuelles comprennent les dispositions applicables
aux éléments du contrat, y compris celles qui définissent les droits du consommateur, qui ont une influence
déterminante sur la décision de contracter ; 2) déroger aux règles de forme impératives prévues par la loi
sénégalaise pour les contrats créant ou transférant des droits sur un bien immobilier situé sur le territoire
national ; (…) ».
829
L’article 9 de la loi ivoirienne dispose que, « En l’absence de choix de la loi applicable par les parties, les
lois Ivoiriennes s’appliquent à leur transaction lorsque les activités de l’une au moins des parties sont exercées
à partir du territoire national, (…) ».
830
Pour de plus amples informations, voir Frédéric LECLERC, op. cit., p. 266-269.
224
supposons un consommateur domicilié au Sénégal qui achète en ligne avec un professionnel
établi au Burkina-Faso. En application de l’article 12 de la loi sénégalaise précitée, ce sont les
dispositions consuméristes sénégalaises qui ont vocation à régir ledit contrat, c’est-à-dire, les
dispositions de la loi n° 2008 – 08 sur les transactions électroniques, celles relatives aux
conditions générales des contrats et des contrats de consommation au Sénégal 831. Or, étant
donné que ces différentes dispositions n’accordent pas de droit de rétractation au
consommateur, alors qu’il est accordé par les dispositions burkinabè832, le consommateur
domicilié au Sénégal sera moins protégé par ses propres dispositions, d’où les difficultés
d’application des différentes règles de conflit de lois unilatéralistes des Etats et la nécessité de
les combiner avec celles de la CEDEAO.
Certains auteurs ont soutenu ardemment cette approche en avançant des arguments
pertinents834. D’abord, ils prétendent que le recours aux lois de police étrangères plus
protectrices par le juge du for s’accommoderait bien avec l’harmonisation internationale des
solutions et conduirait éventuellement à l’élimination des divergences de solutions entre les
Etats835. Ensuite, elle éviterait que la solution du litige ne soit pas dépendante de la lex fori, et
faciliterait ainsi la reconnaissance des jugements étrangers au sein du marché commun 836.
Ainsi, outre sa valeur intrinsèque, cette règle de conflit de la CEDEAO a une importance
considérable en matière de ventes électroniques, en ce sens qu’elle viendrait compléter les
831
Voir les développements du chapitre (I) du Titre (II) de la présente partie, p.240 et suivantes.
832
Voir les articles 63 et suivants de la loi burkinabè précitée.
833
En effet, il est important de souligner que les dispositions de l’Acte additionnel de la CEDEAO sont en
vigueur dans l’ordonnancement juridique de ses Etats membres.
834
Voir Frédéric LECLERC, op. cit. p. 309-311.
835
Ibid.
836
Ibid.
225
différentes règles conflictuelles des Etats de l’UEMOA. Ainsi, les dispositions de l’article 7
de l’Acte Additionnel de la CEDEAO se présentent à l’instar de celles de l’article 6 du
Règlement (CE) n° 593/2008 du parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 comme de
véritables règles conflictuelles communautaires protectrices des consommateurs837.
837
A cet effet, l’article 6 du Règlement (CE) n° 593/2008 du parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008
dispose que « 1)Sans préjudice des articles 5 et 7, un contrat conclu par une personne physique (ci-après «le
consommateur»), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec
une autre personne (ci-après «le professionnel»), agissant dans l'exercice de son activité professionnelle, est
régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel: - exerce
son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou ; - par tout
moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci, et que le contrat rentre dans le
cadre de cette activité. 2) Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les parties peuvent choisir la loi
applicable à un contrat satisfaisant aux conditions du paragraphe (1), conformément à l'article 3. Ce choix ne
peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions
auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l'absence de choix,
sur la base du paragraphe (1). 3) Si les conditions établies au paragraphe (1), point a) ou b), ne sont pas
remplies, la loi applicable à un contrat entre un consommateur et un professionnel est déterminée
conformément aux articles 3 et 4. 4) Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas: -a) au contrat de
fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un
pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle; -b) au contrat de transport autre qu'un contrat
portant sur un voyage à forfait au sens de la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les
voyages, vacances et circuits à forfait ; -c) au contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail
d'immeuble autre qu'un contrat ayant pour objet un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers au
sens de la directive 94/47/CE; -d) aux droits et obligations qui constituent des instruments financiers, et aux
droits et obligations qui constituent les modalités et conditions qui régissent l'émission ou l'offre au public et
les offres publiques d'achat de valeurs mobilières, et la souscription et le remboursement de parts d'organismes
de placement collectif, dans la mesure où ces activités ne constituent pas la fourniture d'un service financier; -
e) au contrat conclu dans le cadre du type de système relevant du champ d'application de l'article 4,
paragraphe (1), point h) ».
226
Paragraphe II- La compétence juridictionnelle et ses conséquences
227
famille sénégalais838, les articles 34 et 35 du Code de procédure civile sénégalais, les articles
988 et 990 du Code des personnes839 et de la famille, l’article 43 et suivants du Code de la
procédure civile burkinabè840, les articles 16 et 17 du Code de procédure civile de la guinée.
En effet, les dispositions de ces différents articles procèdent par une extension des règles de
compétence territoriale interne pour déterminer la compétence internationale des juridictions
nationales. Aussi, au regard de ces différentes règles de conflit, nous constatons qu’elles
retiennent généralement la nationalité des parties comme le critère principal de détermination
de la compétence internationale des tribunaux nationaux841. Ainsi, cette approche consistant à
faire du for fondé sur la nationalité un for excluant la compétence des autres Etats pourrait
constituer une entrave à la circulation des jugements dans l’espace commun842.
Par ailleurs, à côté de ce for fondé sur la nationalité, certaines législations tentent
d’instituer d’autres critères de rattachement. Ainsi, il ressort des différentes règles de conflit
un principe général de compétence territoriale. Il s’agit de celui de la compétence de la
juridiction du lieu de domiciliation du défendeur843. A côté de cette compétence de principe,
qui ne semble pas systématiquement favorable aux consommateurs, il existe plusieurs
compétences dérogatoires844. Ces dernières qui sont relatives au contrat, ne sont pas
spécialement destinées à la protection des consommateurs, mais pourraient intéresser ces
derniers. C’est à ce titre que l’article 45 du Code de procédure civile burkinabè offre au
cocontractant demandeur la possibilité de choisir outre le tribunal du lieu de domicile du
défendeur, celui du lieu où le contrat s’est formé ou celui du lieu de l’exécution de
838
L’article 853 du Code des personnes et de la famille sénégalais dispose que, « (…), les tribunaux sénégalais
sont également compétents dans les litiges entre étrangers lorsque le défendeur est domicilié au Sénégal ou
lorsque l’élément de rattachement auquel se réfèrent les articles 34 et 36 du Code de la procédure civile pour
donner compétence à un tribunal déterminé se trouve situé au Sénégal ».
839
L’article 988 du Code des personnes et de la famille du Burkina dispose que, « Les règles de compétence
territoriale interne déterminent, sauf disposition contraire, la compétence internationale des juridictions
burkinabè ».
840
L’Article 43 du Code de la procédure civile du Burkina dispose que, « Le tribunal territorialement compétent
est, sauf disposition contraire de la loi, celui du lieu du domicile du défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le
demandeur saisit, à son choix, la juridiction du domicile de l'un d'eux. Le domicile se détermine selon les règles
du code des personnes et de la famille. En cas d'élection de domicile, la demande peut être portée devant le
tribunal du domicile élu ».
841
Voir la Cour Suprême de la Côte d’Ivoire, 7 juillet 1981, JDI, 1991, p. 1025. Aussi, Cour d’appel de Dakar,
13 mars 1970, Revue PENANT, n°739, janvier-fevrier- mars 1973, p. 277 et suivantes.
842
Pour de plus amples informations, voir, P. MEYER, « La sécurité juridique et judiciaire dans l’espace
OHADA », Revue PENANT, n° 855, avril-juin 2006, p. 151 et suivantes.
843
Voir les articles 43 du Code de procédure civile burkinabé, 34 du Code de procédure civil sénégalais, 24 du
Code de la procédure civile, sociale, et commerciale du Mali, 40 du Code de procédure civile du Benin.
844
Il s’agit entre autres, du tribunal du lieu de la situation de l’immeuble ; du tribunal du lieu du fait
dommageable etc.
228
l’obligation principale845. Les dispositions maliennes, sénégalaises et béninoises vont aussi
dans le même sens que celles du Burkina846.
Or nous savons bien que dans les contrats à distance, en particulier dans les ventes
électroniques, les parties contractantes ne sont pas physiquement présentes au même endroit
lors de la conclusion dudit contrat. Ainsi la détermination des lieux de formation et
d’exécution de ceux-ci ne semble pas aussi aisée que dans les ventes classiques, alors qu’ils
sont indispensables dans le processus de localisation de la juridiction compétente. Sur ce
point, les législations malienne et sénégalaise nous apportent des précisions plus importantes.
En effet, elles prétendent qu’ « entre absents, le contrat se forme comme entre personnes
présentes au moment et au lieu de l’acceptation. Cependant, si l’offre est acceptée tacitement,
le contrat se forme au moment où l’acceptation tacite est réputée être intervenue »847. Cette
disposition semble être une inspiration de la « théorie de l’acceptation ». Elle nous conduit à
rechercher dans les modalités d’acceptation des offres électroniques, des critères permettant
de déterminer le lieu où l’acceptation est censée faite. A cet effet, nous avons vu dans nos
développements précédents que l’acceptation d’une offre électronique se faisait par un « clic
ou double clic » du consommateur848. Partant de ce constat, nous pouvons imaginer que le
« clic » du destinataire de l’offre électronique ne pourrait s’effectuer que sur le lieu de sa
résidence au moment de ladite acceptation. Par conséquent, le contrat serait formé au lieu de
domiciliation du destinataire (consommateur) et parallèlement la compétence des tribunaux
du domicile de ce dernier serait retenue.
845
Sur cette question, la jurisprudence française a pendant longtemps apporté des solutions en faveur des
consommateurs. Ainsi, elle dispose que, le consommateur qui est demandeur en action pourra choisir de mener
son action soit devant la juridiction civile ou soit devant la juridiction commerciale, mais au contraire, le
professionnel demandeur ne pourra citer le consommateur que devant le tribunal civil. Voir, Civ. 8 mai 1907,
D.P, 1911, 1, 222 ; Req., 1er juillet 1908, D.P, 1909, p.1, 11 ; Com., 6 juillet 1960, D.P., 1960, Somm., p.114.
Aussi, Civ., 22 juin 1943, D.C., 1944, p. 83.
846
L’article 34 dispose que, « Les contestations relatives à des fournitures, travaux, locations, louages
d’ouvrage ou d’industrie, peuvent être portées devant le juge du lieu où la convention a été contractée ou
exécutée, lorsqu’une des parties est domiciliée dans ce lieu; s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du
domicile de l’un d’eux au choix du demandeur ».
847
Voir l’article 46 du Code civil Sénégalais précité.
848
Voir les développements sur le point (B), paragraphe (I) de la section (I) du présent chapitre, p.208 et
suivantes.
849
Voir l’article 17 du Règlement de Bruxelles.
229
dernier point, les législations des Etats de l’UEMOA semblent plus rigoureuses que celles du
règlement européen. En effet, la législation européenne donne la possibilité aux parties
contractantes de choisir la juridiction compétente850, tandis que les dispositions des Etats de
l’UEMOA interdisent explicitement cette possibilité851. Mais, au-delà de cette rigueur de
certaines législations nationales de l’UEMOA, les dispositions du règlement de Bruxelles
semblent plus élaborées sur d’autres points852. En effet, en droit européen, lorsque l’'action est
intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat (professionnel), elle peut être
portée soit devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié le
professionnel, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié853. En
revanche, lorsqu’elle est intentée contre le consommateur par le professionnel, elle ne peut
être portée que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié le
consommateur854.
Outre l’apport de la valeur intrinsèque des règles conflictuelles du Règlement de Bruxelles
dans le processus de protection judiciaire des consommateurs au sein du marché commun,
c’est surtout le projet d’harmonisation de ces dernières qui semble être le levier indispensable
à cette protection855. C’est sur ce point que la détermination de la compétence internationale
850
L’article 17 de la convention de Bruxelles dispose qu’ « Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente
section que par des conventions: 1) postérieures à la naissance du différend, ou 2) qui permettent au
consommateur de saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués à la présente section, ou 3) qui, passées entre le
consommateur et son cocontractant ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur
résidence habituelle dans un même État membre, attribuent compétence aux tribunaux de cet État membre, sauf
si la loi de celui-ci interdit de telles conventions ».
851
Voir les articles 45 et suivants du Code de procédure civile du Burkina.
852
A cet effet, l’article 15 du Règlement de Bruxelles dispose que, « 1). En matière de contrat conclu par une
personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité
professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l'article
4 et de l'article 5, point (5): -a) lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament d'objets mobiliers corporels; -b)
lorsqu'il s'agit d'un prêt à tempérament ou d'une autre opération de crédit liés au financement d'une vente de tels
objets; -c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités
commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile
ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre,
et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. 2) Lorsque le cocontractant du consommateur n'est pas
domicilié sur le territoire d'un État membre, mais possède une succursale, une agence ou tout autre
établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme
ayant son domicile sur le territoire de cet État ».
853
Voir l’article 16 du Règlement de Bruxelles.
854
Ibid.
855
A cet effet, le préambule du Règlement de Bruxelles soutient bien cette assertion. Il dispose que, « les hautes
parties contractantes au traité instituant la communauté économique européenne, désirant mettre en œuvre les
dispositions de l'article 220 dudit traité en vertu duquel elles se sont engagées à assurer la simplification des
formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires,
soucieuses de renforcer dans la Communauté la protection juridique des personnes qui y sont établies,
considérant qu'il importe à cette fin de déterminer la compétence de leurs juridictions dans l'ordre international,
de faciliter la reconnaissance et d'instaurer une procédure rapide afin d'assurer l'exécution des décisions ainsi
que des actes authentiques et des transactions judiciaires (…) ».
230
des juridictions nationales est de loin en décalage avec celle des Etats de l’UEMOA. En effet,
elle est exclusivement encadrée par les différentes règles conflictuelles nationales car, aucune
disposition communautaire ne s’est préoccupée de ces questions. Ainsi, on pourrait se
demander si la détermination de la compétence internationale des juridictions étatiques par les
différentes règles conflictuelles nationales ne risquerait pas de rendre difficile la circulation
des jugements étrangers au sein du marché commun de l’UEMOA.
231
minimum856 ainsi que celle de la vérification de la compétence internationale de la juridiction
de l’Etat d’origine857 sont également retenues par les différentes législations nationales. Sur ce
point, il y a quelques divergences entre les différentes législations nationales. En effet, en
vertu des dispositions de l’article 787 du Code de procédure civile du Sénégal, cette
compétence doit être admise conformément aux règles conflictuelles admises au Sénégal 858.
Cela implique qu’en droit sénégalais, les règles de compétence internationale indirecte
résultent d’une bi-latéralisation des règles de compétence internationale directe
sénégalaises859. En revanche, la législation ivoirienne retient le principe selon lequel le
jugement étranger doit émaner d’une autorité judiciaire conformément aux règles
conflictuelles de l’Etat d’origine de celui-ci. C’est ainsi que Monsieur P. MEYER soutenait
que la technique de la législation ivoirienne, consistant à utiliser, au titre de la compétence
internationale indirecte, les règles de compétence directe de l’Etat d’origine, paraissait
relativement incohérente860. Aussi, c’est la législation béninoise qui se démarque nettement
des autres en apportant plus de précisions à la question relative à la vérification de la
condition de la compétence internationale. En effet, les dispositions de l’article 1160 alinéa 1
du nouveau Code de procédure commerciale, sociale, administrative et des comptes du
Benin, à l’instar de la jurisprudence BACHIR861, posent également la condition de la
compétence internationale des juridictions étatiques tout en ajoutant une sous-condition qui
n’a pas été posée par les autres législations nationales862. Cette dernière est en effet relative au
choix frauduleux d’une juridiction étatique863.
Par ailleurs, en sus des divergences entre les différentes législations sur la condition de
la vérification de la compétence internationale, les législations sénégalaise et ivoirienne
ajoutent d’autres conditions qui n’ont pas été retenues par toutes les législations nationales.
856
Voir les articles 999 et suivants du CPF du Burkina.
857
Voir les articles 998 du CPF du Burkina, 787 du Code de procédure civile du Sénégal, 347 Code de procédure
civile, économique et administrative de la Côte D’Ivoire, 1160 du Code de procédure civile, commerciale,
sociale, administrative et des comptes du Benin.
858
En effet, l’article 787 du Code de procédure civile du Sénégal dispose qu’ « En matière civile, commerciale et
administrative, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions étrangères ont de plein
droit l’autorité de la chose jugée sur le territoire du Sénégal si elles réunissent les conditions suivantes: a) La
décision émane d’une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises au
Sénégal; (…) ».
859
Voir P. MEYER, op. cit.
860
Ibid.
861
Voir la Cour de Cassation française, Chambre civile 1, du 4 octobre 1967.
862
En effet, l’article 1160 du Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes du
Benin dispose que, « « En matière civile, commerciale, sociale et administrative, les décisions contentieuses et
gracieuses rendues par les juridictions étrangères, ont de plein droit, autorité de chose jugée sur le territoire de
la République du Bénin dans les conditions suivantes : Si le litige se rattache d’une manière caractérisée à
l’Etat dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n’a pas été frauduleux ; (…) ».
863
Ibid.
232
En effet, la législation ivoirienne pose la condition de « réciprocité »864, et la législation
sénégalaise, quant à elle, pose la condition de contrôle de la loi appliquée au fond par le juge
de l’Etat d’origine865.
Au regard des différentes législations nationales de l’UEMOA, nous avons pu
constater que la reconnaissance et l’exécution des jugements sont caractérisées, d’une part,
par une absence ou par une ambigüité de conditions y relatives, et, d’autre part, par une
diversité de celles-ci. Cette situation est susceptible de compromettre la parfaite circulation
des jugements étrangers au sein du marché commun, et par ricochet, elle pourrait affecter la
protection judiciaire des consommateurs transfrontaliers. De ce fait, un encadrement
communautaire des conditions de reconnaissance et d’exécution des décisions étrangères
serait nécessaire afin de ne pas laisser perdurer des divergences significatives sur des
questions de
864
Voir l’article 348 du Code de procédure civile, commerciale et administrative de la Côte d’Ivoire.
865
Voir l’article 787 du Code de procédure civile du Sénégal précité. En effet, l’alinéa 2 de cet article dispose
qu’ « en matière civile, commerciale et administrative, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les
juridictions étrangères ont de plein droit l’autorité de la chose jugée sur le territoire du Sénégal si elles
réunissent les conditions suivantes: (…) ; b) La décision a fait application de la loi applicable au litige en vertu
des règles de solution des conflits de loi admises au Sénégal; (…) ».
866
Cette convention OCAM (Organisation Commune Africaine et Malgache) qui a été adoptée le 12 septembre
1961 regroupe les Etats suivant : Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon,
Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo.
867
En effet l’article 27 du Règlement de Bruxelles dispose que, « Les décisions ne sont pas reconnues: -1) si la
reconnaissance est contraire à l'ordre public de l'État requis; -2) si l'acte introductif d'instance n'a pas été
signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre; -3) si la
décision est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État requis; -4) si le tribunal
de l'État d'origine, pour rendre sa décision, a, en tranchant une question relative à l'état ou à la capacité des
personnes physiques, aux régimes matrimoniaux, aux testaments et aux successions, méconnu une règle de droit
international privé de l'État requis, à moins que sa décision n'aboutisse au même résultat que s'il avait fait
application des règles du droit international privé de l'État requis ».
233
niveau multinational a tout le mérite de contribuer à la protection judiciaire des
consommateurs transfrontaliers au sein du marché commun. Ainsi, il doit en principe
permettre d’éliminer les petites divergences entre les différentes législations nationales en
matière de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers 868. Toutefois, certains
auteurs ont relevé que les dispositions de la convention OCAM sont demeurées inapplicables
par les différentes juridictions étatiques869.
868
Cette assertion a été également soutenue dans le préambule du Règlement de Bruxelles. En effet, il dispose
que, « les hautes parties contractantes au traité instituant la communauté économique européenne. Désirant
mettre en œuvre les dispositions de l'article 220 dudit traité en vertu duquel elles se sont engagées à assurer la
simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution réciproques des
décisions judiciaires, soucieuses de renforcer dans la Communauté la protection juridique des personnes qui y
sont établies, considérant qu'il importe à cette fin de déterminer la compétence de leurs juridictions dans l'ordre
international, de faciliter la reconnaissance et d'instaurer une procédure rapide afin d'assurer l'exécution des
décisions ainsi que des actes authentiques et des transactions judiciaires ; (…) ».
869
Pour de plus amples informations, voir P. MEYER, op., cit. Aussi, Voir, la Cour Suprême de la Côte-
d'Ivoire, Chambres réunies, 4 avril 1989, Rev. de l'arbitrage; Recueil Penant 1990, note 142, L. IDOT.
234
différentes règles conflictuelles nationales afin de fluidifier la circulation des jugements
étrangers.
235
Conclusion du Chapitre II-
236
circulation des jugements étrangers, les différentes règles conflictuelles des Etats posent des
conditions de reconnaissance et d’exécution qui sont plus au moins divergentes. Certaines
demeurent classiques et par conséquent sont moins favorables aux consommateurs, en
revanche, d’autres posent des conditions plus rigoureuses.
Par ailleurs, les dispositions des articles 30 et suivants de la Convention OCAM se
présentent comme des règles conflictuelles uniformisées qui devaient en principe permettre
d’estomper les différences entre les règles conflictuelles nationales afin de faciliter la
reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers au sein du marché commun.
Cependant, nous constatons que les dispositions de cette convention sont désuètes870 et
inappliquées par les différentes juridictions étatiques871.
870
Voir la Cour Suprême de Côte-d'Ivoire, Chambres réunies, op., cit.
871
Pour de plus amples informations, voir P. MEYER, op., cit.
237
Conclusion du Titre I-
Les dispositions du Code CIMA ont uniformisé les conditions de formation des
contrats d’assurance, les questions relatives à la prescription et à la détermination de la
compétence juridictionnelle. De plus, le mécanisme d’uniformisation rigide du CIMA a
abouti à la création d’un marché commun des assurances dans lequel l’exercice de cette
activité (assureur) est soumis exclusivement aux dispositions supranationales. Dans ce sens, le
Traité CIMA élimine systématiquement les divergences entre les différentes dispositions
nationales ainsi que d’éventuels conflits de loi au sein du marché commun. Ensuite, le Traité
de l’OAPI tente d’uniformiser les dispositions assurant la transparence des offres de contrat
au sein du marché commun. Ces dernières, même avec leurs mécanismes de protection
préventive et curative, demeurent très embryonnaires pour répondre à toutes les
problématiques liées à la sécurisation des offres contractuelles. Toutefois, l’ambition du projet
d’uniformisation de la matière est à encourager.
Le second cas concerne les contrats à distance (ventes électroniques). Ils sont encadrés
principalement par les dispositions de l’Acte Additionnel de la CEDEOA relatif aux
transactions électroniques et complétés par celles du Règlement UEMOA relatif à la
sécurisation des paiements électroniques. Toutefois, nous avons pu constater que le droit
matériel de la CEDEAO apportait une protection a minima. Ainsi, il y a lieu de recourir à
l’application des différentes législations nationales pour compléter celles du droit
communautaire. C’est ce qui nous a amené à rechercher s’il y avait des règles conflictuelles
communautaires favorables aux consommateurs, c’est-à-dire des règles qui conduiront à
l’application d’une loi nationale plus protectrice envers les consommateurs. En effet, nous
avons pu constater que les dispositions de l’article 7 de l’Acte Additionnel de la CEDEAO se
238
présentaient comme des règles de conflit de lois. Certaines d’entre elles sont certes favorables
aux consommateurs, mais pour d’autres cela ne semble pas être le cas.
En somme, nous pouvons retenir essentiellement de ce titre, qu’il existe bien un acquis
de protection communautaire des consommateurs de l’UEMOA qui porte uniquement sur
certains aspects et certaines matières consuméristes. C’est ainsi que les différentes législations
nationales tentent difficilement de prendre le relais sur le droit communautaire (Titre II).
239
Titre II-
Après avoir exploré le régime juridique général applicable à tous les contrats de
consommation afin de relever leur limite dans le cadre de la sécurité juridique de ceux-ci au
sein du marché commun (Chapitre I), nous analyserons les perspectives communautaires de
protection des consommateurs de l’UEMOA (Chapitre II).
872
C’est le cas par exemple de la Guinée et du Niger.
873
C’est le cas de la loi de 2001 du Burkina et de la loi n°94-96 du 22 Août 1994 du Sénégal.
874
Voir les développements sur le Titre (I) de la présente partie, p. 185 et suivantes.
875
Ibid.
240
Chapitre I-
Nous entendons par « contrats internes », ceux qui sont conclus entre un
consommateur et un professionnel situés sur le même territoire national. Ces contrats sont
exclusivement encadrés par des dispositions nationales ambivalentes, notamment le droit
commun des contrats et des textes spéciaux. Ainsi, dans l’espace de l’UEMOA, deux
situations se présentent. Dans les Etats dépourvus de textes spécifiques, les contrats de
consommation semblent être encadrés exclusivement par les dispositions du droit commun
des contrats. En revanche, ils sont régis par des dispositions du droit commun des contrats et
des dispositions consuméristes dans les Etats dotés de textes spécifiques.
Nous savons que, les différents Code civil des Etats de l’UEMOA, hérités du Code
Napoléonien, consacrent des dispositions générales protectrices du consentement des
consommateurs. Ces dispositions qui ne sont pas spécifiquement destinées à la protection des
consommateurs, peuvent toutefois contribuer à préserver l’intégrité du consentement de ces
derniers dans leur relation contractuelle avec les professionnels. C’est dans le même ordre
d’idée que certains auteurs prétendaient que, « malgré la puissance naturelle d’expansion de
ce droit, le droit commun participe à l’élaboration du droit de la consommation en palliant
certaines carences législatives ou en protégeant les exclus du systèmes de protection »876.
Dans cette optique, la frontière entre le droit des contrats et le droit de la consommation
semble être infime voire poreuse. Même si le deuxième a tendance à « avaler » le premier,
celui-ci demeure toujours autonome voire important pour préserver l’intégrité du
consentement des consommateurs877.
876
Voir Yves PICOD et Hélène DAVO, Droit de la consommation, 2ème éd. p.123, 2010 ou Yves
PICOD « Rapport introductif », in Droit du marché et droit commun des obligations, RTD com. 1998.
877
Pour de plus amples développements, voir Nathalie RZEPECKI, Droit de la consommation et la théorie
générale du contrat, PUAM, 2002.
241
consentement s’apprécie comme le « gardien » de la volonté des consommateurs leur
permettant ainsi de contracter avec un maximum de clarté et de parer au déséquilibre de
compétence existant déjà entre eux et les professionnels. Ces interdictions civilistes
s’appréhendent donc comme des mesures de sécurisation de la volonté des consommateurs
contre les abus qu’occasionnerait la liberté contractuelle. Aussi, du fait du caractère onéreux
des contrats de consommation, le second volet de la protection de l’intégrité du consentement
des consommateurs revient aussi à assurer une bonne exécution des obligations contractuelles
qui est l’objet principal des contrats de consommation. Sur ce point, les législateurs des Etats
membres de l’UEMOA se sont aussi fortement inspirés des dispositions du Code civil
français issues des principes du Code Napoléonien afin de contraindre les professionnels à
exécuter intégralement leurs obligations contractuelles878. Toutefois, on se demande si ces
mesures protectrices de droit commun des contrats suffisent à protéger l’intégrité du
consentement des consommateurs, indépendamment des mesures spécifiques consuméristes.
Ainsi, après avoir examiné les mesures de protection classique du consentement des
consommateurs (section I), nous verrons comment les législations modernes tentent de
maintenir un équilibre contractuel au profit des consommateurs (section II).
878
Voir l’article 1134 du C. civ. Français de 2016.
242
général et en particulier des consommateurs. C’est dans ce sens que l’article 1109 du Code
civil français disposait qu’ « il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été
donné par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol »879. On retrouve cette
disposition dans la plupart des législations des Etats membres de l’UEMOA. Cette dernière
est le soubassement du processus de la protection civiliste du consentement des
consommateurs. On distingue, d’une part, le cas où une partie contractante est victime de ses
propres intuitions et, d’autre part, le cas où elle est victime des manœuvres de son
cocontractant ou d’une tierce personne. Partant de cette distinction, nous pouvons voir dans la
suite de notre étude comment les législateurs nationaux tentent de préserver l’intégrité du
consentement des consommateurs en procédant par des mécanismes d’annulation des contrats
entachés d’erreur ou des contrats dans lesquels le consentement du consommateur a été vicié
par des manœuvres dolosives ou par la violence.
Une brève lecture des dispositions des différents Codes civils des Etats membres de
l’UEMOA pourrait laisser croire que l’invocation des seuls vices du consentement afin
d’annuler un contrat de consommation paraît évidente, mais lorsque nous analysons leurs
conditions de mise en œuvre, nous nous rendons compte que cette évidence n’est pas
généralisée à toutes les situations. Ainsi, dans nos prochains développements, nous tenterons
d’abord de cerner en profondeur les raisons pouvant justifier le recours aux vices du
consentement dans les contrats de consommation dans les Etats de l’UEMOA (Paragraphe
I). Ensuite, nous examinerons l’efficacité de leur mise en œuvre dans les contrats de
consommation (Paragraphe II).
Les contrats de consommation étant avant tout des conventions bilatérales, le recours
aux vices du consentement afin de préserver l’intégrité du consentement des consommateurs
ne doit pas être ignoré dans la gamme des mesures protectrices de l’intérêt économique des
consommateurs de l’UEMOA. Cependant, les raisons justifiant un tel recours peuvent varier
d’un Etat à un autre. En effet, elles peuvent tenir soit à l’absence totale des dispositions
879
Voir aussi l’article 61 du Code des obligations et des contrats du Sénégal et l’article1109 du Code civil
burkinabè.
243
spéciales consuméristes de certains Etats (A), soit à l’inefficacité des dispositions spéciales
consuméristes à assurer aux consommateurs une protection préventive et efficace de leur
consentement (B).
Le droit de la consommation, rappelons le, est une discipline relativement plus récente
que le droit commun des contrats dans les législations ouest-africaines, précisément dans les
Etats membres de l’UEMOA. De ce fait, certains d’entre eux ne se sont pas encore dotés
d’une législation spéciale consumériste880. Cette absence de dispositions spécifiques
consuméristes ne laisse pas d’autres choix aux contrats de consommation conclus sous
l’empire des dispositions de ces Etats qu’être régis par les dispositions du droit commun des
contrats et par conséquent se voir assimilés à des contrats civils. Ainsi, les contrats de
consommation conclus au Niger et en Guinée sont inévitablement soumis aux mêmes
conditions de formation, d’exécution, de résolution et de nullité que dans les contrats civils, et
cela ne signifie absolument pas qu’il n’existe pas de contrats de consommation au Niger et en
Guinée. En tout état de cause, l’une des conséquences majeures de cette assimilation totale
des contrats de consommation conclus sous les régimes juridiques de ces Etats à des contrats
civils, est sans doute le manque de moyens juridiques de protection préventive du
consentement des consommateurs, obligeant ainsi ces derniers à recourir à la protection
civiliste. Dans ces cas, l’unique moyen possible dont disposent les consommateurs est sans
doute le recours aux vices du consentement afin de demander l’annulation de leur contrat
qu’ils ont conclu dans des conditions qui leurs sont moins avantageuses.
Par ailleurs, si l’invocation des vices du consentement afin d’annuler les contrats de
consommation demeure l’unique moyen de protection du consentement des consommateurs
issus des Etats dépourvus de toute disposition spécifique consumériste, on pourrait imaginer
qu’elle pourrait être, pour les Etats dotés de textes spécifiques, une solution secondaire en
plus des moyens de protection préventive, établis par les dispositions consuméristes.
880
C’est le cas du Niger et de la Guinée. Même pour les autres Etats, il s’agit de quelques dispositions qui sont
greffées aux lois sur la concurrence et de la répression des fraudes.
244
B- Les raisons liées à l’inefficacité des dispositions spéciales
consuméristes : cas des six autres Etats de l’UEMOA
Si certains Etats membres de l’UEMOA ne se sont pas encore dotés des dispositions
spéciales consuméristes pour sécuriser le consentement des consommateurs dans les contrats
de consommation, d’autres, au contraire ont adopté des dispositions spéciales moins élaborées
881
complétant ainsi les dispositions du droit commun des contrats . C’est dans cet ordre d’idée
qu’un auteur, en examinant le rapport entre les vices du consentement et les exigences légales
des dispositions consuméristes, soulignait que le respect de ces dites exigences légales du
droit de la consommation dans un contrat de consommation ne devrait pas empêcher les
consommateurs d’invoquer par la suite les vices de consentement, afin de demander
l’annulation de leur contrat qui leur est désavantageux882. Ce dernier soutenait que les
dispositions spécifiques consuméristes ont un rôle de protection préventif tandis-que celles du
droit commun des obligations, notamment les vices de consentement ont un rôle de protection
curatif883 . Par conséquent chacune d’elles a son domaine de prédilection propre et
l’invocation des vices du consentement aux fins d’annulation d’un contrat n’empièterait pas
en principe sur le recours aux dispositions spéciales. Cette affirmation rejoint la position de la
Cour d’appel de Versailles qui soutenait que, « (…), les contrats spéciaux, régis par des
dispositions particulières, demeurent régis par les dispositions du droit commun des contrats,
pourvu qu’il n’y ait pas incompatibilité entre les dispositions générales et les dispositions
particulières »884. Cela sous-entend que le recours aux vices du consentement dans les contrats
de consommation à des fins d’annulation des dits contrats ne semble pas être exclu de la
gamme de solutions relatives à la protection des consommateurs lorsque les mesures de
protection spéciales paraissent moins efficaces pour y parvenir.
881
Le Burkina, le Benin, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal et le Togo.
882
Voir Nathalie RZEPECKI, op. cit., p. 428.
883
Ibid.
884
Voir la CA Versailles, 8 juillet 1994, RTD, civ., 1995.
245
douzaine qui encadrent les relations contractuelles entre consommateurs et professionnels en
général et plus particulièrement la protection de l’intégrité du consentement des
consommateurs.
Au-delà du faible nombre d’articles traitant les questions consuméristes dans les
législations spéciales des Etats de l’UEMOA, la deuxième raison qui justifierait le recours aux
vices de consentement dans les contrats de consommation tient aux moindres qualités des
dispositions spéciales des Etats de l’UEMOA. En effet, un regard croisé entre les différentes
législations spéciales des Etats de l’UEMOA et les mesures consuméristes françaises et
européennes relatives aux contrats de consommation nous a permis de constater l’état
embryonnaire et la faible qualité de protection des consommateurs de l’UEMOA885. C’est
dans le même ordre d’idée, qu’un auteur soutenait que, « on ne peut pas parler d’un véritable
droit de la consommation, dans la mesure où sont absentes du droit positif toutes les
dispositions protectrices relatives à la formation, l’exécution, la résiliation concernant les
consommateurs (droit et délai de rétractation, droit d'être informé, interdiction des clauses
abusives, plan d'apurement des dettes, droit d'association des consommateurs, assistance
judiciaire du consommateur…) »886.
En somme, l’invocation des vices du consentement à des fins d’annulation des contrats
de consommation ne semble pas liée à la seule absence de dispositions spécifiques
consuméristes, elle est avant tout une technique classique permettant d’assurer aux
consommateurs une protection a posteriori de l’intégrité de leur consentement et se fait
essentiellement par voie juridictionnelle. Ainsi, si le recours aux vices de consentement se
présente comme une option pour les consommateurs issus des Etats dotés de dispositions
spécifiques consuméristes, il demeure par contre, l’unique moyen pour ceux qui sont issus des
Etats ne disposant pas de textes spécifiques. Par ailleurs, même si le succès d’un tel moyen de
protection pourrait être difficile à atteindre, la possibilité d’y recourir répond en partie au
déficit de protection de certains consommateurs issus des Etats dépourvus de toute disposition
spécifique en la matière. Il sera donc nécessaire d’analyser le réalisme d’un tel recours en
examinant dans nos prochains développements ses modalités de mis en œuvre.
885
Pour de plus amples informations, voir les développements sur la section (II) du présent chapitre, p.255 et
suivantes.
886
Voir Joseph ISSA-SAYEGH, « Le droit ivoirien de la concurrence », Ohadata, D-06-04, p.1.
246
Paragraphe II- Les modalités du recours aux vices du consentement à
des fins d’annulation des contrats de consommation
L’absence de législation spéciale consumériste ne concerne pas tous les Etats ouest
africains. En effet, sur les huit (08) Etats de l’UEMOA, il n’y a que deux (02) Etats
notamment le Niger et la Guinée-Bissau qui ne se sont pas encore dotés d’une législation
spécifique consumériste. On pourrait donc imaginer que les contrats de consommation
conclus dans ces Etats seraient encadrés exclusivement par le droit commun des contrats. De
ce fait, il y a lieu d’examiner les conditions d’application des vices de consentement pour voir
comment un consommateur, partie à un contrat de consommation conclu dans un contexte
juridique méconnaissant le droit spécial de la consommation, pourrait arriver à annuler ce dit
contrat sous prétexte que son consentement a été vicié.
La situation parait a priori très délicate, puisqu’il s’agit ici de voir comment un
consommateur pourrait aboutir à l’annulation de son contrat de consommation en invoquant
les seules dispositions de droit commun. Pour mieux analyser cette situation, il est important
de rappeler les principes de base de formation des contrats civils. En effet, on sait que le droit
commun des contrats Nigérien et Guinéen, à l’image du droit d’inspiration du système
Romano-germanique, ont pour principe de base dans les contrats civils le principe de
consensualisme avec pour corollaire celui de l’autonomie de la volonté. En vertu de ces
principes, et en plus du manque de dispositions particulières dans l’ordonnancement juridique
de ces Etats, le contrat de consommation serait valablement conclu dès lors qu’il y a accord
247
de volonté sur la chose et sur le prix sans aucune exigence de forme particulière 887. De ce fait,
les modalités d’application des vices du consentement afin d’annuler un contrat de
consommation seront quasiment identiques à celles des contrats civils. Etant donné que le dol
est l’un des vices du consentement le plus fréquent dans les contrats de consommation, nos
analyses ne se borneront qu’à celui-ci. En effet, pour prévenir l’acquéreur contre toute
tromperie du vendeur, le législateur Nigérien oblige celui-ci à faire des offres de contrat
claires et par conséquent, toute offre obscure ou ambigüe s’interpréterait contre lui 888. Ainsi,
cette obligation, transposée dans les contrats de consommation, s’apparente aux obligations
d’information précontractuelle qu’exigent la plupart des textes spéciaux. De ce fait, son
absence de respect dans un contrat de consommation est assimilable à une réticence dolosive
dans le but de tromper le consommateur partie au contrat et est susceptible d’être frappée de
nullité. C’est dans ce sens que le droit commun des contrats nigérien, à l’image de celui de la
France pourrait contribuer à protéger les consommateurs. En vertu de ces dispositions, « le
dol est cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des
parties sont telles, qu’il est évident, que sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas
contracté »889. En outre, la jurisprudence française étaye bien les principales conditions du
recours au dol comme vice de consentement. D’abord, le dol ne peut être retenu comme vice
de consentement que lorsqu’il émane du cocontractant890 ou de son représentant légal891. En
l’espèce, il s’agirait du professionnel (le commerçant, l’industriel…), de son agent
commercial ou de toute autre personne travaillant pour le compte de celui-ci. Cette précision
de la jurisprudence française fait défaut dans les législations de l’Etat du Niger alors qu’elle
joue un rôle majeur dans la suite de la procédure judiciaire, puisqu’elle permettrait de
déterminer le ou les auteurs des manœuvres dolosives ayant contribué à tromper les
consommateurs afin de bien de situer les responsabilités. Ensuite, comme seconde condition
du dol, la présence de manœuvre illicite est impérative pour invoquer le dol à des fins
887
A cet effet, l’article 1108 du Code civil nigérien 2005 énumère quatre (04) conditions de validité des contrats,
que sont, « - la capacité de contracter ; -un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; - une cause
licite dans l’obligation ; - un consentement de la partie qui s’oblige », et l’article 1583 relatif à la vente dispose
que, « la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du
vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix (…) ».
888
L’article 1602 du Code civil nigérien dispose que, « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il
s’oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur ».
889
Voir l’article 1116 du Code civil nigérien de 2005 précité et l’article 1137 du Code civil français de.
890
Voir RTD civ., 1996. 895, obs. Mestre. Voir aussi, Com., 1 er avril 1952 : D. 1952. 380 et 685, note Copper-
Royer.
891
Voir Civ. 3e, 29 avril 1998 : Bull. cv. III, n°87; RTD civ. 1998. 930, obs. Gautier.
248
d’annulation des contrats892. A cette condition, s’ajoute aussi l’intention dolosive du
cocontractant qui en principe ne se présume pas, mais doit être prouvée893. En effet, la
jurisprudence française estime que le manquement à une obligation précontractuelle
d’information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s’y ajoute la constatation
du caractère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante de celui-ci894. Sur ce
point, si nous essayons de comparer cette jurisprudence avec la disposition nigérienne
précitée895, nous constatons que le succès d’un tel recours risquerait d’être compromis devant
les juridictions civiles nigériennes. En effet, lorsque, le législateur nigérien se limite à dire
que, « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige, et tout pacte obscur ou
ambigu s’interprète contre le vendeur »896 sans donner plus de détails sur les principaux
caractères auxquels doit répondre une offre de contrat, il met en difficulté le consommateur
demandeur en action devant les juridictions civiles pour prouver l’intention dolosive du
professionnel.
En somme, les modalités de recours au dol à des fins d’annulation des contrats de
consommation en l’absence de dispositions spéciales consuméristes ne semblent pas
s’éloigner de celles en vigueur dans les contrats civils. Cela rend sa mise œuvre difficile voire
impossible pour les consommateurs concernés dans la perspective d’atteindre les résultats
escomptés.
Il s’agit précisément des six (06) autres Etats membres de l’UEMOA notamment, le
Benin, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal et le Togo, qui, à coté des
dispositions du droit commun des contrats, se sont dotés de dispositions spéciales
consuméristes susceptibles d’apporter un plus dans le cadre de la protection du consentement
des consommateurs897. En effet, dans ces Etats, les contrats conclus entre des particuliers sont
892
Voir Paris, 5 sept. 2001, CCC 2002, n°86, note de G. Raymond. Voir aussi, Civ. 3 e, 15 janv. 1971 : Bull. civ.
III, n° 38 ; RTD civ. 1971. 839, obs. Loussouarn.
Voir Com. 28 juin 2005 : Bull. civ. IV, n° 140; D. 2006. 2774, note Chauvel.
893
894
Ibid.
895
Voir l’article 1116 du Code Nigérien de 2005 précité.
896
Ibid.
897
Ce sont :- la loi 94/ADP modifiée par la loi de 2001 relative à la concurrence du Burkina-Faso ; -l
l’ordonnance N° 07-025/PRM du 18 juillet 2007 portant organisation de la concurrence du Mali ; - la loi N°99-
249
régis exclusivement par les dispositions de droit commun, tandis que ceux conclus entre un
consommateur et un professionnel acquièrent un caractère mixte et sont susceptibles d’être
régis à la fois par les deux textes notamment celui du droit commun des contrats et celui des
textes spécifiques consuméristes.
011 du 28 décembre 1999 portant organisation de la concurrence au Togo ; - la loi N° 2007-21 du 16 décembre
2007 portant protection des consommateurs de la République de Benin ; - la loi N° 94-63 du 22 Aout 1994 sur
les prix et le contentieux économique du Sénégal ; - la loi N° 91-99 du 27 décembre 1991 relative à la
concurrence de la Côte d’Ivoire.
898
Pour de plus amples développements, voir Nathalie RZEPECKI, op. cit., p. 424.
899
Ibid, p. 420 à 424.
250
1- L’invocation des vices du consentement lorsqu’une information
légale a été donnée
900
Ibid, p. 428 et suivantes.
901
Voir les développements sur la section (II) du présent chapitre, p.255 et suivantes.
902
Voir 1ère chambre Civile, 27 juin 1995, Bulletin civil, I, n°287 ; D.1995, 621.
903
Nous pouvons illustrer cette situation avec l’affaire de la société de téléphonie mobile AIRTEL du Burkina-
Faso. En effet, suite à plusieurs plaintes des consommateurs auprès de cette société qui sont restées irrésolues,
les consommateurs avaient décrété un mot d’ordre de grève consistant au boycottage des services de celle-ci
durant une journée, notamment celle du vendredi 18 Décembre 2015. Ces plaintes portaient sur les questions du
251
l’UEMOA, les offres de consommation se passent exclusivement en français. Dans ce cas,
même si elles respectent les exigences légales, notamment l’obligation d’information
précontractuelle, la question du consentement réfléchi et éclairé des consommateurs dans les
contrats de consommation ne serait quasiment pas résolue904. C’est dans ce cas que le recours
à l’obligation de conseil sous l’angle de la jurisprudence française semble être légitime et
surtout très important pour en quelque sorte tenter de corriger l’incapacité des consommateurs
analphabètes à appréhender clairement les éléments d’informations fournis par le
professionnel905.
Par ailleurs, cette obligation de conseil consacrée par la jurisprudence française n’est
pas encore adoptée par le législateur européen. On pourrait alors se demander si cela ne
risquerait pas à long terme de déstabiliser la conclusion des contrats transfrontaliers dans le
marché européen et même être considéré comme une mesure nationale susceptible d’empiéter
sur le bon fonctionnement du marché commun. Ainsi, la jurisprudence française a apporté un
plus à la protection du consentement des consommateurs en permettant de transposer un litige
portant sur une question de droit civil sur le terrain du droit de la consommation.
fonctionnement des forfaits internet, de la facturation, et celle de l’internet direct. Pour répondre aux doléances
des consommateurs, la Société a rencontré l’association Burkinabè des consommateurs des services de
communication électronique (ABCE), afin de s’expliquer et donner les solutions qu’elle a pris à cet effet. Il
s’agit entre autres de mettre en place des campagnes de sensibilisation sur l’usage et la gestion des applications
contenues dans les téléphones mobiles des consommateurs afin qu’ils puissent gérer au mieux leurs factures
d’internet. Pour de plus amples information, voir le lien suivant : http://www.burkina24.org/2015/12/19/le-
reseau-airtel-face-a-des-associations-de-consommateurs/.
904
Nous pouvons illustrer parfaitement cette situation par une offre d’un opérateur téléphonique Burkinabè qui
n’a jamais fait l’objet de contentieux. En effet, l’opérateur avait fait une offre promotionnelle en mentionnant sur
ses publicités les termes suivants, « le fixe qui bouge ». A cette occasion, plusieurs personnes se sont laissées
séduire par cette offre parce qu’elles pensaient se procurer un téléphone fixe avec lequel elles pourront
éventuellement se déplacer d’une ville à une autre sans faire une nouvelle demande de numéro chaque fois
qu’elles doivent déménager pour des raisons professionnelles. Cette offre, avait l’apparence de résoudre la
lourdeur administrative et les coûts excessifs des demandes de changement de numéro. C’est à l’occasion d’un
recours non juridictionnel auprès du service commercial de l’opérateur que beaucoup de clients se sont rendu
compte que « le fixe qui bouge » est effectif mais ne répondait absolument pas à leur besoin, car cette mobilité
était limitée à la même localité, c’est-à-dire dans la même ville. Par conséquent, pour un client qui désire changer
de ville, il serait obligé de faire une nouvelle demande de ligne alors que la plupart de ceux qui se sont intéressés
à cette offre se déplacent surtout d’une ville à une autre pour des raisons professionnelles et rarement à
l’intérieur d’une même ville. Dans cette affaire, si on s’en tentait à la jurisprudence française relative à
l’obligation de conseil, un recours juridictionnel contre l’opérateur téléphonie pour l’annulation des contrats de
consommation sur le fondement de l’erreur ou du dol pourrait espérer avoir gain de cause.
905
En effet, dans l’affaire d’AIRTEL (Voir la note 903 ci-dessus), les solutions prises par son service des affaires
juridiques suivent la logique de la jurisprudence française qui a sécrété l’obligation de conseil du professionnel,
et on voit bien dans cette affaire que, le manque d’un recours judiciaire des consommateurs sous l’angle des
vices du consentement pourrait expliquer aisément les difficultés de la mise en œuvre d’un tel recours.
252
2- l’invocation des vices du consentement lorsqu’une information
légale n’a pas été donnée ou a été mal donnée
253
le contenu de l’offre en cause. C’est dans ces situations que le recours aux vices de
consentement sous l’angle de l’obligation de conseil peut prendre toute son importance pour
les consommateurs de l’UEMOA dont la plupart sont moins instruits911. Mais là aussi, les
modalités de recours ne diffèrent pas de celles du droit commun et cela peut rendre difficile
son efficacité.
911
Ibid.
912
Le Niger et la Guinée-Bissau.
913
Voir Jean CALAIS-AULOY et Henri TEMPLE, Droit de la consommation, Dalloz, 9ème, 2015, p.156.
254
Section II- La protection de l’intégrité du consentement des
consommateurs par des dispositions consuméristes embryonnaires
D’abord, rappelons-le, sur les huit (08) Etats que compte l’UEMOA, seuls six (06)
Etats se sont dotés d’une législation spécifique concourant à préserver l’intégrité du
consentement des consommateurs. Malgré la codification relativement récente du droit de la
consommation dans les pays de culture juridique plus développée, ce droit n’a pas cessé
d’évoluer au fil des années915. Or, dans les Etats de l’UEMOA, les règlementations
consuméristes ont été un peu tardives et de surcroit n’ont pas subi de grande évolution. À titre
d’exemple, la première législation consumériste date de la loi n° 91-99 du 27 décembre 1991
relative à la concurrence et la consommation de l’Etat de la Côte D’Ivoire916, suivie de la loi
n° 94-63 du 22 août 1994 relative aux prix et aux contentieux de la concurrence de l’Etat du
Sénégal, et de la loi n° 99-011 du 28 décembre 1999 portant organisation de la concurrence au
Togo. Enfin, les plus récentes sont notamment la loi 94/ADP modifiée par celle de 2001
portant organisation de la concurrence et de la consommation au Burkina, l’ordonnance
914
Voir Guy RAYMOND, Droit de la consommation, Litec, 2008, p.39.
915
En France par exemple, les premiers textes consuméristes ont des origines très lointaines, mais le premier
Code de la consommation français a fait son apparition en 1993. Ensuite, plusieurs directives européennes
traitant des questions consuméristes ont été progressivement intégrées dans le Code de la consommation et aussi
dans divers Codes dans l’optique de renforcer la protection des consommateurs.
916
Cela s’explique en partie par le niveau de développement économique très élevé de la Côte d’Ivoire parmi les
autres Etats membres de l’UEMOA, le besoin d’une législation consumériste était donc d’une grande nécessité
afin de sécuriser et de motiver la consommation locale.
255
n°07-025/PMR du 18 juillet 2007 portant organisation de la concurrence et de la
consommation au Mali, puis la loi n° 2007-21 du 16 décembre 2007 portant protection des
consommateurs en République de Benin. Au regard des dates de ces différentes législations
nationales, nous pouvons déjà constater l’intervention tardive des différents législateurs
africains en la matière.
Lorsque nous prêtons un peu plus d’attention aux intitulés des différentes
réglementions des Etats de l’UEMOA, un facteur commun en ressort, notamment celui de
« loi sur la concurrence et de la consommation ». En effet, on voit bien au regard des
différents intitulés des législations précitées que les législateurs n’ont pas dissocié les règles
protégeant directement les consommateurs notamment les dispositions contractuelles et celles
qui les protègent indirectement en l’occurrence la régulation des marchés (concurrence et
sécurité sanitaire des produits)917. Cela laisse déjà présumer la faible qualité et la moindre
quantité des mesures de protection directe dont peuvent bénéficier les consommateurs de la
zone de l’UEMOA. Toutefois, on y retrouve quand même des dispositions contribuant à
assurer l’intégrité du consentement des consommateurs. Ces mesures de protection du
consentement des consommateurs semblent embryonnaires dans les législations des Etats
membres de l’UEMOA. De plus, il y a une proximité de culture juridique entre les Etats de
l’UEMOA, et les dispositions protectrices du consentement des consommateurs semblent
quasiment se rapprocher sur plusieurs points, mais avec quelques petites différences sur
d’autres918. C’est dans cette optique que nous tenterons de cerner la portée des différentes
législations des Etats de l’UEMOA afin de mesurer leur efficacité à assurer l’intégrité du
consentement des consommateurs dans leurs relations contractuelles avec les professionnels.
917
En effet, rappelons que ces aspects de protection des consommateurs relèvent de la compétence de l’organe
communautaire de l’UEMOA. Les législations nationales sont quasiment identiques dans ces aspects et aucune
d’entre elles ne doit être incompatible avec le droit communautaire. Voir les développements des titres I et II de
la première partie.
918
En effet, les Etats membres de l’UEMOA ont quasiment tous hérité de la culture juridique Romano-
germanique de leurs colons au lendemain des indépendances.
256
Paragraphe I- Une forte identité de régime juridique protecteur du
consentement des consommateurs entre les Etats de l’UEMOA
D’abord, sur le plan formel, nous constatons une forte similitude entre les intitulés des
différentes législations spécifiques des Etats de l’UEMOA. Il s’agit en effet des « lois portant
organisation de la concurrence et protection des consommateurs ». A partir de là, nous
pouvons donc déduire que les législateurs sont conscients qu’avec l’avènement de la liberté
de concurrence et de la liberté contractuelle, certains professionnels peuvent tenter de séduire
les consommateurs par des manœuvres abusives ou les amener à contracter dans des
conditions qui ne leurs sont pas favorables. Pour réduire cette vulnérabilité des
consommateurs, les législateurs essayent donc de réguler les rapports contractuels par des
mesures de protection préventives du consentement des consommateurs sous la forme d’une
obligation précontractuelle ou contractuelle à la charge des professionnels. En effet, dans
toutes les législations spéciales on trouve une pléthore d’obligations à la charge des
professionnels qui peuvent concourir à protéger le consentement des consommateurs mais
dans le cadre de cette étude, nous limiterons notre analyse à celles qui peuvent avoir un
impact plus ou moins important sur la transparence du marché commun. Il s’agit entre autres,
de l’obligation d’information précontractuelle (A) avec ses corollaires, notamment
l’interdiction des publicités mensongères (B) et de l’obligation d’un écrit dans les contrats de
consommation(C).
Par ailleurs, l’intérêt porté à l’analyse de ces trois (03) obligations est de parvenir à
démontrer qu’une divergence significative d’encadrement de celles-ci par les dispositions
nationales pourrait être une source d’empiètement du fonctionnement normal du marché
commun et par ricochet pourrait affecter la qualité de protection des consommateurs de
l’UEMOA.
919
Cette obligation est une des recommandations de la résolution n°39/24l 1948 du 9 avril 1985 des Nations
Unies relative à la protection des consommateurs.
257
en vigueur quasiment dans toutes les législations spécifiques des Etats dotés de législations
spéciales consuméristes. Cette obligation consiste à imposer à tout vendeur de produit, tout
prestataire de service, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre
procédé approprié d’informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la
responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente920. De plus, dans la
désignation ou dans la présentation de l’offre, le mode d’emploi ou d’utilisation du produit ou
du service, l’étendue et les conditions de garantie d’un bien ou d’un service, ainsi que
l’emploi de la langue officielle dans les factures et dans les quittances sont obligatoires921.
Cette obligation d’information, couramment appelée « l’obligation légale d’information » qui
porte sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service objet du contrat, sur les prix et
les conditions de vente, doit permettre d’éclairer les consommateurs afin qu’ils puissent
contracter en bonne connaissance du contenu du contrat.
Au regard des différentes dispositions des Etats de l’UEMOA, on se rend compte que
cette mesure préventive s’éloigne beaucoup des conditions d’une « offre de contrat » en droit
commun des contrats, et se présente comme une loi de police dotée d’un caractère d’ordre
public922. En effet, soulignons que, cette obligation précontractuelle d’information élaborée
par les législateurs des Etats membres de l’UEMOA semble être inspirée de l’article L. 111-1
du Code de la consommation française923. Ensuite, c’est la jurisprudence française qui a
véritablement contribué à révolutionner la procédure civile classique afin d’apporter plus de
moyens de protection aux consommateurs en transférant la preuve de l’exécution de
l’obligation précontractuelle d’information à la charge des professionnels 924. C’est ainsi que
« l’obligation précontractuelle d’information » a pu acquérir toutes ses vertus de loi de police
en matière de protection du consentement des consommateurs, notamment avec l’alinéa 2 de
l’article L. 111-1 du Code de la consommation français avant de se rallier aux prescriptions de
la Directive européenne 2011/83/UE du 25 octobre 2011 afin d’assurer un niveau de
protection identique des consommateurs situés sur le marché commun européen.
920
Voir l’article 17 de la loi n° 15/94/ADP du 5 mai 1994 modifiée par la loi 33-2001 du 4 décembre 2001
relative à la concurrence au Burkina. Voir aussi l’article 113-3 du C. cons. française.
921
L’article 18 de la loi 33-2001 précitée quasiment similaire à l’article L. 111-1 du Code de la consommation
française.
922
Sur ce point, la législation sénégalaise notamment dans son article 36 de la loi 94-63 du 22 aout 1994 précitée
en disposant que, « la charge de la preuve des allégations, indications ou prestations publicitaires incombe à
l’annonceur ou à l’agence de publicité » rejoint un peu la législation française en la matière pour ériger
l’obligation d’information précontractuelle en une loi de police.
923
Voir Yves PICOD et Hélène DAVO, Droit de la consommation, 2ème édition syrey, 2010, p.133.
924
Voir Civ. 1ère, 15 mai 2002, Bull. civ. I, n°132 ; D. 2002. IR. 1811.
258
Par ailleurs, même si l’obligation précontractuelle d’information est sans doute un
moyen d’éclairer le consentement des consommateurs, elle peut en réalité s’avérer moins
efficace. En effet, certains auteurs en préconisant la nécessité d’une éducation des
consommateurs, soulevèrent le niveau hétérogène de compréhension et le faible niveau de
culture juridique des consommateurs comme constituant des limites à l’obligation
précontractuelle d’information925. Effectivement, ce manque de culture juridique relative à la
consommation ajouté au faible niveau d’instruction des consommateurs ouest-africains
peuvent se présenter comme de véritables obstacles à la bonne réception de l’information
diffusée par les professionnels.
925
Voir Guy RAYMOND, Droit de la consommation, op. cit., p. 209-210.
926
La publicité commerciale a été définie par la Cour de cassation française comme « tout moyen d’information
destiné à permettre à un client potentiel de se faire une opinion sur les résultats attendus du bien ou du service
proposé ». Voir Cass. crim., 11 décembre 2007.
927
Voir Issa Joseph SAYEGH, « le droit ivoirien de la concurrence », ohadata D-06-04, p. 07.
259
indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsqu’elles portent sur
un ou plusieurs des éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles,
teneur en principes utiles, espèces, origine, quantité, mode de et date de fabrication, propriété,
prix et conditions de vente des biens, produits ou services qui font l’objet de la publicité,
condition de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou
procédés de la vente ou de la prestation de service, portée des engagements pris par
l’annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou
des prestataires »928. Il s’agit à travers cet encadrement juridique de prévenir tous les vices du
consentement qui pourraient résulter de certaines annonces publicitaires des professionnels et
c’est dans ce sens que l’interdiction des publicités mensongères et trompeuses contribue à
préserver l’intégrité du consentement des consommateurs.
Au regard des différentes dispositions nationales, on constate aussi une volonté des
différents législateurs nationaux d’assurer une plus grande transparence des publicités
commerciales destinées aux consommateurs, et nous pensons que cette forte identité comblera
implicitement la moindre qualité et quantité des dispositions communautaires en la matière et
parallèlement renforcera le niveau de protection des consommateurs sur le marché
commun929. Toutefois, en dépit de cette forte similitude entre les dispositions nationales
interdisant les publicités mensongères, se cache aussi quelques écarts entre elles, portant
notamment sur l’étendue de leur champ d’application. En effet, la plupart des législations des
Etats de l’UEMOA interdisant les publicités mensongères n’ont pas été remises à jour pour
tenir compte des conséquences de l’intégration économique. Elles ne traitent uniquement que
de celles qui ont été effectuées sur le territoire national 930. Sur ce point, les législateurs
burkinabè et ivoirien ont consentis un effort largement louable. Ainsi, ils précisent au début
de la disposition relative à l’interdiction des publicités mensongères ou trompeuses, qu’« Est
interdite toute publicité faite, reçue ou perçue au Burkina Faso comportant, (…) »931. Il s’agit
ici d’une application du principe de la territorialité des faits juridiques afin de contrôler toute
publicité susceptible de produire des effets sur le territoire national sans se soucier de leurs
928
Voir l’article 19 de la loi 33-2001 du Burkina précitée et aussi l’article 22 de l’ordonnance n° 07-025/PRM du
18 juillet 2007 portant organisation de la concurrence au Mali, l’article 9 de la loi n°21-2007 du 16 décembre
2007 portant protection du consommateur en République du Benin, l’article 2 et suivants de la loi n°91-99 du 27
décembre relative à la concurrence de la Côte d’Ivoire.
929
Ibid.
930
C’est le cas notamment de l’ordonnance n°07-025/PRM du 18 juillet 2007 portant organisation de la
concurrence du Mali.
931
Voir l’article 19 de la loi 33-2001 du Burkina précitée, l’article 4 de la loi 91-99 de la Côte d’Ivoire précitée,
l’article 22 de la loi n°99-011 du 28 décembre 1999 portant organisation de la concurrence au Togo.
260
lieux de provenance. Cette volonté des dispositions nationales de contrôler et de sanctionner
indifféremment toutes les publicités mensongères peut s’avérer quand même difficile 932 et
peut aussi se présenter comme des mesures discriminatoires et restrictives du commerce
susceptibles d’entraver le bon fonctionnement du marché commun, d’où la nécessité d’un
encadrement juridique de celles-ci à un niveau plus élevé notamment communautaire. Il est
vrai qu’il existe des dispositions de l’OAPI qui prohibent les publicités trompeuses933, sauf
qu’elles ne permettent pas d’apprécier objectivement la notion de « publicités mensongères ou
trompeuses », n’organisent pas la diffusion et la réception de celles-ci comme en droit
européen. C’est d’ailleurs ces difficultés qui ont en partie motivé le législateur européen à
élaborer la directive n°89/552/CEE du 03 octobre 1989, modifiée en juillet 1997 dite
« télévision sans frontière ». Cette initiative européenne qui fait défaut dans
l’ordonnancement juridique ouest-africain, permet d’éviter que des Etats prennent des
mesures d’interdiction et de contrôle discriminatoires à l’encontre de publicités étrangères. En
effet, cette directive établit le principe selon lequel les États membres assurent la liberté de
réception et n'entravent pas la retransmission sur leur territoire d'émission de programmes
audiovisuels provenant d'autres États membres934. Ils peuvent cependant suspendre la
retransmission d'émissions télévisées qui enfreignent les dispositions de la directive en
matière de protection des mineurs935. Dans ce sens cette Directive européenne en s’ajoutant à
d’autres936, permet de niveler les différentes législations nationales organisant et interdisant
les publicités mensongères à un même niveau de rigueur. Cela permet une transparence du
marché commun au bénéfice de l’ensemble des consommateurs européens.
932
Voir Issa Joseph SAYEGH, op. cit., p. 8.
933
En effet, l’article 4 de l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété intellectuelle) issu des Accords de
Bangui tente de combler ce vide juridique communautaire. Il dispose à cet effet que, « 1) Constitue un acte de
concurrence déloyale tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou commerciales, induit
ou est de nature à induire le public en erreur au sujet d’une entreprise ou de ses activités, en particulier des
produits ou services offerts par cette entreprise. 2) Le public peut être induit en erreur par la publicité ou la
promotion, notamment à propos des éléments suivants : a) procédé de fabrication d’un produit ; b) aptitude d’un
produit ou d’un service à un emploi particulier ; c) qualité, quantité ou autre caractéristique d’un produit ou
d’un service ; d) origine géographique d’un produit ou d’un service ; e) conditions auxquelles un produit ou un
service est offert ou fourni ; f) prix d’un produit ou d’un service ou son mode de calcul ».
934
Voir, la directive n°89/552/CEE du 03 octobre 1989, modifiée en juillet 1997 dite « télévision sans
frontière ».
935
Ibid.
936
Exemple : la directive européenne n°84-450 du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des
dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de publicité trompeuse ;
la Directive européenne n°92-25 du 31 mars 1992 concernant la distribution en gros des médicaments à usage
humain.
261
C- L’obligation d’un écrit
937
À cet effet, l’article 11 de la loi 33-2001 du Burkina précitée dispose que, « Tout achat de biens, de produits
ou toutes prestations de service pour une activité commerciale doit faire l’objet d’une facturation. Le vendeur
est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation de service. L’acheteur doit la
réclamer. La facture doit être rédigée en deux exemplaires au moins le vendeur remet l’original de la facture à
l’acheteur et conserve le double Toute vente au détail donne lieu à remise de facture, de reçu ou de note de frais
à la demande du consommateur ». L’article 23 de l’ordonnance n°07-025/PRM du 18 juillet 2007 du Mali
précitée dispose que, « Toute vente ou toute prestation de services pour une activité professionnelle doit faire
l’objet de facturation. Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou de la prestation
de service. L’acheteur doit la réclamer. Toute vente au détail donne lieu à remise de reçu ou de note de frais à la
demande du consommateur (…) ». Voir aussi l’article 33 de la loi n°94-63 du 22 aout 1994 du Sénégal
précitée, de l’article 6 de la loi n°99-011 du 28 décembre1999 du Togo et les articles 5 et 8 de la loi 21-2007 du
16 décembre 2007 du Benin.
938
Sauf bien sûr dans les contrats d’adhésion (assurance, opérations bancaires,…) dans lesquels un document
écrit comportant les conditions générales du contrat est établi et signé par les deux parties contractantes en plus
de la facture.
939
Voir l’article 11 de la loi 33-2001 du Burkina relative à la concurrence, l’article 23 de l’ordonnance n°07-
025/PRM du 18 juillet 2007 du Mali, l’article 33 de la loi n°94-63 du 22 aout 1994 du Sénégal précitée, l’article
6 de la loi n°99-011 du 28 décembre1999 du Togo.
262
contractuel, présentent une forte similitude entre elles940. Cela conduit à une certaine
homogénéité des formes de facture au sein du marché commun de l’UEMOA.
Nous constatons également que les différentes législations ne précisent pas dans quelle
langue les professionnels devront rédiger leurs factures. Mais cette question de la langue des
factures dans les contrats de consommation semble être implicitement résolue, dans la mesure
où dans ces Etats, le français a toujours été officiellement la première langue parlée et celle de
l’administration, donc dans les contrats de consommation, l’usage de la langue française pour
l’établissement des factures ainsi que dans les publicités commerciales et dans les
informations précontractuelles semble être logique. Cela soulève inévitablement la question
de la bonne compréhension des informations détaillées du contrat figurant dans les factures
par un certain nombre de consommateurs analphabètes941.
940
Ibid.
En effet, sans vouloir prendre position sur le débat relatif à l’officialisation et à l’usage des dialectes locaux
941
dans les contrats, plus précisément dans les contrats de consommation pour combler l’analphabétisme massif
d’un bon nombre des consommateurs ouest-africains, nous pensons que l’analphabétisme des consommateurs
ouest-africains peut handicaper l’efficacité des mesures protectrices de leur consentement. Mais cette idée de
l’usage des dialectes locaux parait un peu absurde au regard du nombre élevé des dialectes locaux et surtout du
caractère non écrit de certains d’entre eux.
942
Sur cette matière, le Règlement n°15/2002/CM/UEMOA relatif au système de paiement dans les Etats
membres de l’UEMOA permet d’avoir une uniformisation des règles de preuve électronique et particulièrement
en matière des transactions financières. Pour de plus amples développements, voir Moktar ADAMOU, « La
263
En somme, loin d’assurer le même niveau de protection du consentement des
consommateurs comme en droit français de la consommation, les différentes législations des
Etats de l’UEMOA ont emprunté les mécanismes préventifs de protection élaborés par celui-
ci. En effet, les différentes dispositions nationales cherchent à prévenir l’intégrité du
consentement des consommateurs dans leurs relations contractuelles avec les professionnels
par des exigences d’ordre informatif et formaliste, qui sont essentiellement portées sur
l’obligation d’information précontractuelle, l’interdiction des publicités mensongères ou
trompeuses, et l’obligation de facturation943. Cette proximité dans l’encadrement de ces
mesures préventives entre les différentes dispositions des Etats de l’UEMOA constitue un
acquis communautaire au bénéfice des consommateurs. Mais à la différence du droit français
qui a évolué pour se rallier aux dispositions européennes, celles des Etats de l’UEMOA n’ont
pas trop évolué afin de s’adapter aux nouvelles formes des contrats944.
valeur de l’écrit électronique dans l’espace UEMOA », Revue PENANT n°877, Octobre/Décembre 2011, p. 502
ou Ohadata D-126-81.
943
En effet, n’oublions pas de signaler que dans la pratique, les différentes obligations des professionnels citées
ci-dessus ne sont quasiment pas respectées par un certain nombre de commerçants anarchiques ou ambulants.
Ces derniers passent souvent avec les consommateurs des contrats de moindre valeur numéraire portant
généralement sur des biens alimentaires et dans lesquels le principe du consensualisme prime sur toute autre
exigence de forme. Le non respect des obligations précitées des professionnels par ces derniers est donc difficile
à incriminée car, ils exercent le plus souvent illégalement leurs activités et au-delà des dispositions
consuméristes, ils violent aussi d’autres mesures administratives, commerciales, fiscales, etc.
944
En effet, il faut souligner que seul le Burkina et le Sénégal se sont dotés d’une loi spéciale portant sur les
transactions électroniques. Il s’agit respectivement de la loi n°045-2009/AN du 10 Novembre 2009 portant
règlementation des services et des transactions électroniques et de la loi n°2008-08 du 25 Janvier 2008 sur les
transactions électroniques.
945
Pour de plus amples informations, voir Moktar ADAMOU, op. cit., p. 5.
264
été adoptées au même moment, ce qui pourrait en partie justifier le décalage du niveau de
rigueur et de qualité entre les différentes législations946. En effet, en matière de protection de
l’intégrité du consentement des consommateurs, on constate que certaines législations ont
subi quelques évolutions mineures947 et d’autres de grandes évolutions948 afin de renforcer le
niveau et la qualité de protection des consommateurs et en particulier l’intégrité de leur
consentement dans les contrats de consommation.
Nous pouvons constater une pléthore de divergences entre les différentes législations
consuméristes des Etats de l’UEMOA, mais pour des raisons de simplicité nous ne
retiendrons que celles qui ont une grande importance dans la préservation de l’intégrité du
consentement des consommateurs et qui sont susceptibles par la même occasion de causer un
obstacle au bon fonctionnement du marché commun. Il s’agit entre autres du droit de
rétractation institué par certaines législations au bénéfice des consommateurs mais méconnu
par d’autres (A), d’une divergence de période légale de conservation des documents de preuve
des contrats de consommation (les factures ou les reçus de vente) (B), et enfin d’une
divergence sur la régulation des clauses abusives dans les contrats de consommation (C).
946
À cet effet, sur les huit (08) Etats membres de l’UEMOA, six (06) Etats disposent d’une législation
spécifique, mais elles sont toutes élaborées à des périodes différentes. D’abord, on a les plus anciennes
notamment la loi n°91-99 du 27 décembre 1991 relative à la concurrence de la Côte d’Ivoire, la loi n°94-63 du
22 août 1994 sur les prix et la concurrence du Sénégal. Ensuite, on a celles qui sont relativement récentes
notamment, la loi n°99-011 du 28 décembre 1999 portant organisation de la concurrence au Togo et la loi 33-
2001 du 4 décembre 2001 relative à la concurrence au Burkina-Faso. Enfin, les plus récentes sont notamment
l’ordonnance n°07-025/PRM du 18 juillet 2007 portant organisation de la concurrence au Mali et la loi n°2007-
21 du 16 décembre 2007 portant protection du consommateur en République du Benin.
947
Il s’agit par exemple de la loi n°2007-21 du 16 décembre 2007 portant protection du consommateur en
République du Benin.
948
Il s’agit principalement de la loi n°045-2009/AN du 10 Novembre 2009 portant règlementation des services et
des transactions électroniques au Burkina et de la loi n°2008-08 du 25 Janvier 2008 sur les transactions
électroniques du Sénégal.
265
constatons que seule la législation du Benin a manifestement inscrit et généralisé ce droit de
rétractation à tous les contrats de consommation949.
266
françaises en la matière sont bien précises pour permettre de déterminer la période à partir de
laquelle le délai de rétraction commence à courir. En effet, en général, ce délai commence à
courir à partir du jour de la conclusion du contrat pour les contrats ayant pour objet une
prestation de service953, ou du jour de la réception du bien par le consommateur ou un tiers,
autre que le transporteur désigné par le consommateur à cet effet 954. Pour le cas d’une
commande pourtant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d’une commande
d’un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une
période définie, le délai de rétractation commence à courir à partir du jour de la réception du
dernier bien, lot ou de la dernière pièce955 et jour de la livraison du premier bien pour les
contrats prévoyant la livraison régulière des biens pendant une période définie956. Cependant,
lorsque le professionnel n’a pas fourni toutes les informations relatives au droit de rétractation
dans les conditions prévues sur le premier point de l’article L. 121-17, le délai sera prolongé
de douze mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial 957, mais lorsqu’elles
interviennent au cours de la prolongation, le délai sera raccourci à quatorze (14) jours à
compter du jour de la réception de ces informations958. Ainsi, ce regard croisé sur les
dispositions françaises relatives aux modalités d’application du droit de rétractation des
consommateurs nous a permis de bien comprendre son importance dans la préservation de
l’intégrité du consentement des consommateurs dans les contrats de consommation.
Par ailleurs, étant donné que la législation béninoise est la seule à instituer cette faculté
de repentir des consommateurs dans les contrats de consommation, on peut se demander si
cela ne serait pas susceptible d’avoir un impact sur le bon fonctionnement du marché
commun959. Le droit de rétractation, en tant que technique déterminante dans la protection du
consentement des consommateurs, pourrait s’avérer difficilement conciliable avec les
impératifs du marché commun, s’il ne concernait qu’un Etat. Il conviendrait de le généraliser
au niveau communautaire, à l’instar du législateur européen, qui l’a inséré dans
l’ordonnancement juridique communautaire960.
953
Voir l’alinéa 1 de l’article L. 121-21 du C. cons. français.
954
Voir l’alinéa 2 de l’article L. 121-21 du C. cons. français.
955
Voir l’alinéa 3 de l’article L. 121-21 du C. cons. français.
956
Voir l’alinéa 4 de l’article L. 121-21 du C. cons. français.
957
Voir l’article L. 121-1 du C. cons. français.
958
Ibid.
959
En effet, l’article 63 et suivants de la loi n°045-2009/AN du 10 Novembre 2009 portant règlementation des
services et des transactions électroniques au Burkina permettent également aux consommateurs de se rétracter
mais précisément dans les contrats portant sur des services électroniques et des services financiers
960
Voir Elise Poillot, Droit européen de la consommation et uniformisation du droit des contrats, L.G.D.J, 2006,
p. 122-123.
267
Un regard sur les différentes dispositions nationales spécifiques consuméristes des
Etats de l’UEMOA nous permet de constater que cette faculté de repentir des consommateurs
est quasiment méconnue de ces dernières, sauf en droit béninois. Ainsi, ce droit de
rétractation élaboré par le législateur béninois créé donc une différence capitale de protection
par rapport aux autres législations des Etats membres de l’UEMOA dotés de dispositions
spécifiques mais méconnaissant le droit de rétractation et ceux dépourvus de toute disposition
spécifique. Cette légère divergence semble a priori de moindre importance, mais pourrait
dans un contexte d’intégration économique poussée poser un certain déséquilibre de qualité et
de niveau de protection entre les consommateurs. Cette situation de surprotection des
consommateurs instituée par la législation béninoise, pourrait paradoxalement être
appréhendée par certains professionnels des autres Etats de l’UEMOA comme une mesure
restrictive de commerce pouvant les décourager à commercialiser davantage leurs services ou
leurs produits sur le marché béninois et conséquemment restreindre la liberté de choix des
produits et services offerts aux consommateurs béninois.
961
Il s’agit entre autres de la Directive 85/577/CEE du 20 décembre 1985 relative à la protection des
consommateurs dans le cas des contrats négociés en dehors des établissements commerciaux ; la Directive
94/47/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 1994 relative à la protection des acquéreurs pour
certains aspects des contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel de biens
immobiliers.
962
Voir, les arrêts Travel Vrac et Heininger précités.
963
Voir, la directive 2011/83/UE sur les droits des consommateurs du 25 octobre 2011 visant à accroitre la
protection des consommateurs dans l’Union européenne et entrée en vigueur le 13 décembre 2013.
268
la généralisation de ce droit à toutes les législations nationales d’Etats membres de
l’UEMOA, voire son uniformisation sur le marché commun à l’image du droit européen 964
afin de pouvoir concilier les biens-faits de cette protection du consentement des
consommateurs avec les impératifs du marché commun.
Outre le droit de rétractation, on trouve également d’autres petits écarts entre les
législations spécifiques consuméristes des Etats membres de l’UEMOA. Il s’agit entre autres,
de la période légale de conservation des documents de preuve de l’existence des contrats de
consommation en l’occurrence les factures.
964
Ibid.
965
Il s’agit principalement de l’article 24 de l’ordonnance n°07-025/PRM du 18 juillet 2007 précitée, l’article 12
de la loi 33-2001 du 4 décembre 2001 précitée, l’article 7 de la loi n°99-011 du 28 décembre 1999 précitée,
l’article 39 de la loi n°94-63 du 22 août 1994 précitée, l’article 10 de la loi de 2007 du Benin précitée.
966
Cela ne concerne pas le cas des opérations financières entre les banques ou les établissements financiers avec
leurs clients, car l’article 20 du Règlement 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats
membres de l’UEMOA prévoit un délai de cinq (05) ans pour la conservation des documents sous forme
électronique.
269
d’autres ne donnent aucune précision sur un quelconque délai maximum de conservation des
documents de preuve des contrats de consommation. Ainsi, par exemple, la législation
malienne prévoit un délai maximum de dix (10) ans967, celles du Burkina et du Togo
prévoient une période de cinq (05) ans968, celle du Sénégal requiert un délai moins long de
trois (03) ans969 et enfin les autres Etats dotés de dispositions spécifiques, notamment le Benin
et la Côte d’Ivoire, ne précisent aucune période maximum. En résumé, quatre (04) Etats sur
les huit (08) que compte le marché commun UEMOA imposent aux professionnels un délai
maximum de conservation des documents justificatifs des contrats de consommation.
Par ailleurs, lorsque nous explorons les dispositions de l’OHADA, nous constatons
qu’elles tentent de régler en vain cette question de diversité d’encadrement national sur les
périodes légales de conservation des documents justificatifs des contrats de consommation970.
En effet, en précisant que, « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre
commerçant, ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq (05) ans si
elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes »971, le législateur de l’OHADA va
dans le même sens que ses homologues burkinabè et Togolais qui prévoient aussi un délai de
cinq (05) ans972. Ensuite, la législation sénégalaise qui prévoit un délai plus court de trois (03)
ans973 ne semble pas trop s’éloigner de l’esprit de la disposition de l’OHADA, dans la mesure
où cette dernière est assortie d’une exception portant sur des prescriptions plus courtes que
celle de cinq (05) ans974. Enfin, la législation malienne, en prévoyant un délai très long
s’éloigne largement de l’esprit des dispositions de l’OHADA975. On voit bien que les
dispositions nationales prévoyant des délais plus courts ne contredisent pas les prescriptions
de l’article 18 de l’OHADA précité qui prévoient des délais de cinq (05) ans, contrairement à
celles prévoyant des délais plus longs, qui s’éloignent totalement de l’esprit du droit OHADA.
En outre, en dépit de ces divergences de délais, d’une part, entre les différentes dispositions
967
Voir l’article 24 de l’ordonnance n°07-025/PRM du 18 juillet 2007 précitée.
968
Voir l’article 12 de la loi 33-2001 du 4 décembre 2001 précitée et de l’article 7 de la loi n°99-011 du 28
décembre 1999 précitée.
969
Voir l’article 39 de la loi n°94-63 du 22 août 1994 précitée. Aussi, l’article 37 de la loi 2008-08 du 25 janvier
2008 portant réglementation des transactions électroniques du Sénégal prévoit un délai de dix (10) ans qui est
nettement plus long que celui prévu par la précédente loi (loi n°94-63 du 22 août 1994) ainsi que celui du
l’article 20 du Règlement 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de
l’UEMOA (Voir la note 133 ci-dessus).
970
Voir l’article 18 de l’AU/DCG de l’OHADA.
971
Ibid.
972
Voir l’article 12 de la loi 33-2001 du 4 décembre 2001 précitée et l’article 7 de la loi n°99-011 du 28
décembre 1999 précitée.
973
Voir l’article 39 de la loi n°94-63 du 22 août 1994 précitée.
974
Voir l’alinéa 2 de l’article 18 de l’AU/DCG de l’OHADA précité.
975
Voir l’article 24 de l’ordonnance n°07-025/PRM du 18 juillet 2007 précitée.
270
nationales et, d’autre part, entre ces dernières et les dispositions de l’OHADA, une autre
uniformisation des délais de conservation des documents justificatifs des contrats de
consommation au sein du marché commun s’est faite de façon sectorielle, constituant ainsi un
acquis communautaire profitable aux consommateurs976.
Ensuite, du fait que cette obligation des professionnels se présente comme l’accessoire
de l’obligation d’un écrit dans les contrats de consommation, la diversité de son encadrement
sur le marché commun ne semble pas avoir une grande influence sur la qualité de protection
du consentement des consommateurs, et n’est pas une situation susceptible de causer un tort
énorme au bon fonctionnement du marché commun.
Il faut souligner que sur les six (06) Etats disposant de textes spéciaux consuméristes,
il n’y en a que trois (03) seulement qui tentent de réguler les clauses contractuelles dans les
contrats de consommation avec quelques dispositions élaborées977. Cela démontre déjà une
absence totale de régulation dans certaines législations nationales978 ainsi que la moindre
qualité de régulation dans les autres législations979.
Les clauses abusives se définissent comme celles tendant à imposer aux non
professionnels ou aux consommateurs un abus de la puissance économique de l’autre partie et
à lui conférer un avantage excessif980. Ainsi définies, les clauses abusives doivent faire l’objet
976
Voir l’article 20 du Règlement 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats
membres de l’UEMOA prévoit un délai de cinq (05) ans pour la conservation des documents sous forme
électronique.
977
Il s’agit de l’article 23 de la loi 33-2001 du Burkina précitée, de l’article 10 de la loi de 2007 du Benin
précitée, et de l’article 42 de l’ordonnance de 2007 du Mali précitée.
978
C’est le cas des Etats de l’UEMOA ne disposant pas de textes spéciaux consuméristes en l’occurrence le
Niger et la Guinée et aussi des autres Etats dotés de textes spécifiques notamment la Côte d’Ivoire, le Sénégal et
le Togo.
979
Il s’agit du cas du Burkina, du Benin et du Mali.
980
Voir l’article 23 de la loi 33-2001/AN relative à la concurrence au Burkina, l’article 42 de l’ordonnance n°07-
025/PRM du 18 juillet de Mali, et l’article 10 de la loi 2007-21 du 16 octobre 2007 du Benin précitées. Aussi,
l’article L. 132-1 du Code de la consommation français dispose en effet, que, « Dans les contrats conclus entre
professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour
effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les
droits et obligations des parties au contrat ». Mais l’ancien article L.132-1 du code de la consommation français
avant la directive européenne utilisait les termes « avantage excessif » comme dans les dispositions des Etats de
l’UEMOA.
271
d’un contrôle particulier et donner lieu, le cas échéant, à des interdictions. En effet, les clauses
981
contractuelles peuvent avoir une portée diverse dans les contrats de consommation et ne
sont interdites que lorsqu’elles sont susceptibles de désavantager les non professionnels ou les
consommateurs. En général, on trouve les clauses dans les contrats d’adhésion, raison pour
laquelle leur validité nécessite bien le respect d’un certain nombre de conditions de forme et
de fond. Les dispositions des Etats de l’UEMOA ne donnent pas trop de précision sur les
conditions de forme des clauses. Mais comme l’écrit est exigé dans la conclusion des contrats
de consommation par dispositions spéciales de ces Etats, nous pouvons en déduire, qu’en tant
qu’accessoires des contrats principaux, les clauses contractuelles doivent se présenter sous un
support écrit982.
Quant aux conditions de fond de validité des clauses contractuelles, on constate que
les législations des Etats membres de l’UEMOA ne donnent pas de critères de validité, mais
se contentent d’énumérer les critères d’invalidité des dites clauses. Ainsi, il faut procéder par
élimination des clauses interdites pour arriver à cerner celles qui peuvent être admises dans
les contrats de consommation. En effet, sont considérées abusives et interdites, toutes les
clauses contractuelles susceptibles de créer un avantage excessif au profit des professionnels
et portant sur le caractère déterminé ou déterminable du prix, sur le reversement du prix, sur
la consistance de la chose objet du contrat, sur les conditions de livraison de la chose objet du
contrat ; sur la charge des risques, sur l’étendue des responsabilités et des garanties, sur les
conditions d’exécution, de résolution, de résiliation ou de reconduction des conventions983.
On voit que dans les dispositions régulatrices des clauses de ces Etats de l’UEMOA, le
critère d’ « avantage excessif » sert comme outil de mesure des clauses contractuelles
interdites dans les contrats de consommation984. Cela peut se présenter comme un atout dans
le cadre de la protection des consommateurs au sein du marché commun. Mais,
malheureusement, aucune d’elles ne définit l’expression « avantage excessif », et c’est
d’ailleurs cette situation qui nous amène à nous interroger sur la possible conciliation des
régulations nationales des clauses contractuelles dans l’optique d’une protection du
981
Par exemple, on peut avoir des clauses qui portent sur les conditions générales des contrats, des clauses
portant sur les garanties ou les responsabilités des parties, des clauses portant sur la loi applicable et des clauses
attributives de compétence, etc.
A cet effet, le législateur français ajoute qu’elles doivent être rédigées de façon claire et compréhensible
982
(article L. 132-1 du Code de la consommation.). Voir aussi, l’article 5 de la directive 93/13/CEE sur les clauses
abusives.
983
Voir l’article 23 de la loi 33-2001/AN relative à la concurrence au Burkina précitée.
984
Ibid.
272
consentement des consommateurs avec le marché commun. Dans le même d’ordre d’idée, on
se demande si à l’avenir on ne pourrait pas avoir une disparité d’appréciation du critère
qualificatif des clauses abusives en l’occurrence l’ « avantage excessif » entre les juridictions
des Etats membres de l’UEMOA. Même sans aucune jurisprudence des juridictions des Etats
de l’UEMOA en la matière, on pourrait imaginer que cette situation serait éventuellement une
source d’insécurité juridique des contrats transfrontaliers, voire un empiètement au bon
fonctionnement du marché commun. La régulation des clauses abusives par des dispositions
communautaires paraît nécessaire pour qu’elles soient conciliables avec le marché commun, à
l’instar du droit européen. En effet, lorsque nous prenons en compte cette situation de
divergence juridique dans le marché commun de l’UEMOA en matière de protection du
consentement des consommateurs par la prohibition des clauses abusives, pour la croiser avec
les initiatives européennes en la matière, nous retenons que l‘intervention du législateur
européen par le biais de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 contribue énormément au
renforcement du niveau de protection du consentement des consommateurs sans empiéter sur
le fonctionnement normal du marché commun. Ainsi, en application de la directive
européenne précitée, le critère d’appréciation des clauses interdites est notamment celui du
« déséquilibre significatif »985. Cette expression n’a certes pas été clairement définie par la
directive, mais elle a toutefois instauré un critère qualitatif commun des clauses contractuelles
prohibées sur le marché commun européen ce qui permet d’éliminer les disparités
d’appréciation des clauses qui pourront exister entre les différentes régulations nationales986.
En outre, l’apport de la directive sur les clauses prohibées dans le renforcement de la
protection du consentement des consommateurs s’apprécie nettement par le fait qu’elle a
établi une liste indicative d’un certain nombre de clauses contractuelles présumées abusives et
interdites d’office dans les contrats de consommation conclus sur le marché commun
européen987. Dans le même sens, lorsque nous examinons les listes des clauses abusives
prohibées par les dispositions des Etats de l’UEMOA988, nous constatons qu’elles en
985
Voir l’article 3 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives.
986
A cet effet, le deuxième considérant de la directive 93/13/CEE relative aux clauses abusives disposait que,
« considérant que les législations des États membres concernant les clauses dans les contrats conclus entre,
d'une part, le vendeur de biens ou le prestataire de services et le consommateur, d'autre part, présentent de
nombreuses disparités, avec pour conséquences que les marchés nationaux relatifs à la vente de biens et à l'offre
de services aux consommateurs diffèrent les uns des autres et que des distorsions de concurrence peuvent surgir
parmi les vendeurs et les prestataires de services, spécialement lors de la commercialisation dans d'autres États
membres ».
987
Voir l’annexe de la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives sur : http://eur-lex.europa.eu/legal-
content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:31993L0013&from=FR .
988
A l’image de l’article 23 de la loi 33-2001/ADP du 4 décembre 2001 relative à la concurrence au Burkina-
Faso, les dispositions des Etats de l’UEMOA interdisant les clauses abusives dans les contrats de consommation
273
contiennent moins que celles établies par la directive européenne. Cette dernière énumère une
liste indicative de dix sept (17) clauses contractuelles réputées abusives989, contrairement aux
dispositions des Etats de l’UEMOA qui n’en énumèrent que sept (07)990.
dressent une liste de sept (07) clauses susceptibles d’être abusives. Il s’agit de celles portant sur :-le caractère
déterminé ou déterminable du prix; -le reversement du prix; -la consistance de la chose;- les conditions de
livraison, la charge des risques; -l’étendue des responsabilités et garanties; -les conditions d’exécution, de
résolution, de résiliation ou de reconduction des conventions.
989
Voir l’annexe de la directive européenne 93/13/CEE sur les clauses abusives op.cit., note 132.
990
Voir l’article 23 de la loi 33-2001/ADP du 4 décembre 2001 relative à la concurrence au Burkina op.cit.
991
En effet, l’absence de dispositions communautaires en matière de régulation des clauses abusives dans les
contrats de consommation ne concerne pas les contrats d’assurance, car le Code CIMA contient des dispositions
relatives à l’interdiction des clauses abusives dans les contrats d’assurances.
992
Voir la CJCE, 27 juin 2000, aff. C-240/98, Océano.
993
Voir la CJCE, 21 novembre 2002, aff. C-473/00, Cofidis.
994
Voir la CJCE, 1er avril 2004, aff. C-237/02, Freiburger Kommunalbauten.
274
commerce dans le marché commun européen995. En somme, l’objectif visé par le contrôle
européen des clauses contractuelles dans les contrats de consommation, est de sanctionner à la
fois celles qui sont susceptibles d’octroyer un avantage excessif aux professionnels au
détriment des consommateurs et celles qui sont assimilables à des mesures restrictives de
commerce996.
Lorsque nous récapitulons les analyses faites dans cette section de notre étude, nous
pouvons retenir essentiellement qu’en dépit de la forte similitude entre les dispositions
spécifiques consuméristes des Etats de l’UEMOA encadrant l’intégrité du consentement des
consommateurs dans leurs relations contractuelles, il existe des points de divergence entre
elles. Ainsi, il est difficile pour nous de nous prononcer sur la qualité de protection qu’offre
chaque législation nationale pour affirmer que certaines législations nationales garantissent
mieux l’intégrité du consentement des consommateurs que les autres. En effet, chaque
législation nationale comporte aussi bien des éléments de protection nettement mieux élaborés
que des défaillances ou des insuffisances, c’est-à-dire, que chacune d’elle comporte aussi bien
des atouts que des limites. En considération de ce qui précède, nous ne pouvons pas parler
d’une véritable diversité de protection entre les législations consuméristes des Etats de
l’UEMOA en matière de protection du consentement des consommateurs, mais plutôt d’un
état embryonnaire de celles-ci. Par ailleurs, si les légères divergences entre les différentes
législations nationales en matière de protection de consentement des consommateurs
pourraient en partie justifier un projet d’harmonisation, leur proximité facilitera
éventuellement le travail du législateur communautaire dans son projet d’uniformisation du
droit des contrats de consommation.
995
Voir l’article 8 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives dans les contrats de
consommation.
996
Voir le deuxième considérant de la directive 93/13/CEE sur :http://eur-lex.europa.eu/legal-
content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:31993L0013&from=FR, p. 2.
275
Conclusion du Chapitre I-
Par ailleurs, nous constatons qu’il y a une forte similitude entre les différentes
législations consuméristes en matière de protection du consentement des consommateurs.
Elles portent essentiellement sur l’interdiction de publicités mensongères ou trompeuses,
l’exigence d’un écrit et l’exigence d’une information précontractuelle à la charge du
professionnel. Cette forte identité des différentes législations nationales pourrait être un atout
pour le législateur de l’OHADA dans son projet d’uniformisation du droit de la
consommation.
Enfin, il y a quelques écarts d’encadrement entre elles sur certains aspects relatifs à la
protection du consentement des consommateurs. Ils portent principalement sur la faculté de
rétractation du consommateur, les délais de conservation des documents justificatifs de
contrat (factures) et sur les clauses abusives. Ces écarts sont dûs en partie à la moindre qualité
et quantité de mesures protectrices de certaines législations nationales. Ainsi, si l’état
embryonnaire des différentes dispositions nationales est susceptible d’affaiblir la qualité de
276
protection du consentement des consommateurs dans les contrats internes, on se demande si
les divergences entre elles n’auraient pas d’impact sur la protection des consommateurs au
sein du marché commun.
277
Chapitre II-
Nous avons relevé dans le précédent chapitre qu’il y a une diversité de régimes
juridiques généraux relatifs aux contrats de consommation sur le marché commun. D’une
part, certaines législations nationales sont moins élaborées et ne semblent pas en mesure
d’encadrer tous les aspects consuméristes et, d’autre part, d’autres Etats en sont dépourvus.
En dépit de ces insuffisances des différentes législations consuméristes nationales (déficit
législatif ou législations moins élaborées), nous pouvons constater une absence de volonté de
la plupart des législateurs nationaux de légiférer dans les matières relatives aux contrats de
consommation997. Cela peut se comprendre aisément, dans la mesure où le faible encadrement
communautaire dans ces matières ne rend pas facile la tâche des différents législateurs
nationaux. En effet, ces matières qui sont essentiellement encadrées par des lois de police
mettent ces derniers dans deux situations transversalement opposées, notamment la quête
d’une protection maximum des consommateurs et l’obligation de respecter les impératifs du
marché commun. A ce titre, ils doivent adopter des mesures protectrices des consommateurs
qui ne sont pas susceptibles d’empiéter sur le fonctionnement normal du marché commun.
997
En effet, nous pouvons relever, qu’à l’exception de la loi n°045-2009/AN du 10 novembre 2009 portant
règlementation des services et des transactions électroniques du Burkina-Faso, la loi 546 du 30 juillet 2013 de la
Côte d’Ivoire relative aux transactions électroniques, la loi n°2008-08 sur les transactions électroniques du 15
janvier 2008 du Sénégal, les différentes législations nationales n’ont pas subi trop d’évolution.
278
Section I- Le droit communautaire ouest-Africain à la recherche d’un
droit des obligations contractuelles
998
Voir les développements de la section (I) du chapitre (I) du titre (II) de la présente partie, p.241 et suivantes.
999
Sauf en matière des contrats commerciaux avec les dispositions de l’acte uniforme relatif au droit commercial
général de l’OHADA, les dispositions du Code CIMA en matière des assurances, les dispositions de l’Acte
Additionnel de la CEDEAO en matière des transactions électroniques.
1000
Il s’agit de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA sur le droit des contrats en préparation depuis 2006.
279
Paragraphe I- L’amorce d’un acte uniforme OHADA sur le droit
des obligations contractuelles
Il est important de souligner que la volonté d’adopter un droit commun des contrats à
l’échelle communautaire n’est pas récente1001. Elle a été motivée en partie par l’état actuel du
droit des contrats dans les Etats membres de l’UEMOA et par le besoin d’un droit des contrats
homogène sur le marché commun1002. En effet, il ressort de la note explicative de l’avant-
projet que le droit des obligations contractuelles des Etats africains n’a pas trop évolué
pendant un demi-siècle, et sa modernisation à l’occasion de l’adoption d’un acte uniforme du
droit des contrats s’impose de toute évidence1003. Cette modernisation est envisagée comme
une réponse appropriée à la sécurisation des parties contractantes afin d’adapter le droit
commun des contrats aux évolutions des modalités de formation des contrats au sein du
marché commun. C’est dans le même ordre d’idée qu’un auteur prétendait à l’occasion du
colloque de Dakar en 1997 que, « l’unification du droit des obligations, répondait à une
véritable nécessité, en raison de la multiplication des échanges et des rapports commerciaux
(…). Tout le monde reconnait qu’il est de l’intérêt général d’élaborer une sorte de droit
commun »1004.
On pourrait imaginer que les différentes sources d’inspiration du droit des obligations
contractuelles des Etats d’Afrique compliqueraient le travail d’unification du législateur
communautaire1005. Cependant, cela ne semblent pas être le cas. En effet, les experts chargés
de l’élaboration de l’avant-projet ont pris toutes les précautions nécessaires pour que ce projet
d’uniformisation réponde aux préoccupations des différents pays. Ainsi, ils se sont
énormément inspirés des principes d’UNIDROIT et aussi des spécificités africaines1006 afin
d’éviter que l’avant-projet d’acte uniforme sur le droit des contrats ne soit en décalage, non
seulement avec les réalités contractuelles des Etats membres mais aussi avec les pratiques
1001
Voir la note explicative de l’avant-projet de l’acte uniforme OHADA sur le droit des contrats rédigée par
Marcel FONTAINE en mai 2006 sur : http://www.unidroit.org/french/legalcooperation/OHADA%20act-f.pdf.
1002
Voir, les développements sur la section (I) du chapitre (I) du titre (II) de la présente partie, p. 241 et
suivantes.
1003
Voir la note explicative précitée à la p. 7.
1004
Voir les propos du professeur X. Blanc-Jouvan sur la note explicative précité à la p. 6.
1005
En effet, chaque pays a conservé le droit des contrats hérité de la période coloniale. Le droit relève donc de
la tradition portugaise en Guinée-Bissau, espagnole en Guinée équatoriale, belge en République Démocratique
du Congo et française dans tous les autres pays. Le Cameroun offre la particularité de réunir la tradition française
et celle de la common law.
1006
Les rédacteurs de l’avant-projet entendent par spécificités africaines, toute pratique contractuelle en vigueur
avant la colonisation et qui a pu subsister à coté des dispositions coloniales. Sur ce point, après plusieurs
enquêtes, les experts se sont rendus compte que la prise en compte de ces dernières risque d’être incompatible
avec l’idée d’uniformisation que vise l’avant-projet.
280
contractuelles internationales1007. Ainsi, on remarque bien sur la note explicative, que si les
rédacteurs de l’avant-projet n’ont surtout pas fait abstraction des réalités et pratiques
contractuelles internationales, c’est qu’ils estiment que la matière contractuelle doit sur le
long terme s’adapter aux réalités de la mondialisation afin d’apporter plus de sécurité
juridique aux contrats qui se concluent au sein du marché commun.
La plupart des Codes civils des Etats de l’UEMOA semblent ignorer les conséquences
du marché commun sur les modalités de formation et d’exécution des contrats. Cela constitue
un appauvrissement de leur régime juridique en général et en particulier dans les aspects
contribuant à sauvegarder l’intégrité du consentement des consommateurs dans leur rapport
contractuels avec les professionnels. Ces retards portent entre autres sur la méconnaissance de
certaines formes de contrat en l’occurrence les contrats à distance par certains Etats de
l’UEMOA. Même si on peut imaginer qu’il y a un nombre infime de contrats de ce type sur le
marché communautaire de l’UEMOA, nous pensons qu’il est nécessaire que l’évolution des
législations soit proportionnelle aux conséquences de l’ouverture des marchés afin de couvrir
toutes les situations juridiques qui découlent de celle-ci. Par ailleurs, le manque de sécurité
juridique en la matière peut aussi être source de démotivation pour les consommateurs
désireux de s’engager dans des contrats transfrontaliers. Cette hypothèse a été soutenue par
certains experts de la Commission européenne, partisans d’un droit des contrats européen. Ils
prétendaient en effet que, « la diversité des droits des contrats des Etats membres serait de
surcroît la source d’une insécurité juridique pour les entreprises et elle affaiblirait la confiance
du consommateur à l’égard du marché commun »1008. Ceci expliquerait l’initiative
européenne sur un projet d’uniformisation du droit des contrats qui est en cours de
préparation1009.
1007
Voir les développements sur la note explicative de l’avant-projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit
des obligations contractuelles précitée, p. 7 à 8.
1008
Voir « Livre vert sur le droit européen des contrats, réponses du réseau Trans-Europe experts », Collection
Trans-Europe experts, Société de Législation Comparée, 2011, p. 18-19.
Ibid.
1009
1010
Voir l’article 46 du Code des obligations et des contrats du Mali (COC) et l’article 82 du Code des
obligations civiles et commerciales du Sénégal (COCC).
281
offre de contrat est faite par un professionnel au Mali ou au Sénégal et dont l’acceptation s’est
faite par un acceptant situé dans un autre pays de la zone de l’UEMOA, comme par exemple
au Niger, le contrat sera formé au Niger. Par conséquent, c’est la législation nigérienne qui est
censée régir ce contrat. Or, nous avons vu précédemment, que par manque de dispositions
spécifiques consuméristes au Niger, les contrats conclus entre un professionnel et un non
professionnel sous le régime juridique de celui-ci, étaient systématiquement assimilés à des
contrats civils. Par conséquent, les consommateurs partis à ces contrats seraient moins
protégés et ils ne disposeraient que d’un recours aux vices de consentement pour tenter
d’anéantir le contrat en cause, si toutefois ils étaient lésés1011. A l’inverse, si le consommateur
est situé sur le territoire d’un Etat déjà doté de dispositions consuméristes, en application des
dispositions précitées, le contrat en cause devrait être régi par ces dispositions consuméristes.
Le professionnel issu de l’Etat dépourvu de telles dispositions pourrait les appréhender
comme des mesures nationales restrictives de commerce. En tout état de cause, c’est surement
cette situation qui a amené le législateur communautaire de l’OHADA à prendre conscience
des avantages d’un droit commun des obligations contractuelles à l’échelle communautaire.
1011
Voir les développements de la section (I) du chapitre (I) du titre (II) de la présente partie, p.241 et suivantes.
282
Un examen approfondi des dispositions de l’avant-projet OHADA du droit des
contrats nous permet de voir que leur apport quant à la protection du consentement des
consommateurs dans les contrats de consommation semble infime, voire insignifiant. En effet,
elles se contentent de rappeler certains principes fondamentaux du droit des obligations
contractuelles qui étaient déjà en vigueur dans la plupart des législations des Etats membres
de l’UEMOA1012. Il s’agit d’abord du principe de la « liberté contractuelle »1013 et celui du
« consensualisme »1014 qui sont des principes de base en matière contractuelle. Ensuite,
s’ajoutent le principe de la « bonne foi »1015 et celui de « l’exclusion de la mauvaise foi dans
les négociations »1016 qui se rapprochent des autres instruments de garantie de l’intégrité du
consentement des contractants. L’appréhension de ces derniers dans le même sens que les
vices du consentement pourrait tout de même être bénéfique aux consommateurs dans la
phase de négociation et d’exécution des contrats.
Ces quatre (04) grands principes fondamentaux du droit commun des obligations
contractuelles, loin d’assurer une qualité de protection du consentement des consommateurs
au même titre que les mécanismes prévus par les dispositions spéciales consuméristes,
permettraient quand même de sécuriser le consentement des consommateurs sans enfreindre
les impératifs du marché commun. Ils se présentent alors comme de véritables leviers de
protection communautaires des consommateurs permettant de concilier la recherche d’une
transparence des offres de contrats avec le fonctionnement normal du marché commun.
1012
Cela s’explique aisément par le fait que l’OHADA est une organisation qui regroupe différents systèmes
juridiques comme l’UE. En effet, on a aussi bien des Etats d’inspiration juridique Romano-Germanique que ceux
d’inspiration Anglo-Saxonne.
1013
L’article 1 point 1 dispose à cet effet que, « sous réserve de l’article 3/1, les parties sont libres de conclure
un contrat et d’en fixer le contenu ».
1014
L’article 1 point 3 paragraphe 1 dispose que, « le présent Acte Uniforme n’impose pas que le contrat, la
déclaration ou tout autre acte soit conclu sous une forme particulière ».
1015
L’article 1 point 6 dispose que, « les parties sont tenues de se conformer aux exigences de la bonne foi. Elles
ne peuvent exclure cette obligation ni en limiter la portée ».
1016
L’article 2 point 15 dispose que « 1) Les parties sont libres de négocier et ne peuvent être tenues pour
responsables si elles ne parviennent pas à un accord. 2) Toutefois, la partie qui, dans la conduite ou la rupture
des négociations, agit de mauvaise foi est responsable du préjudice qu’elle cause à l’autre partie. 3) Est,
notamment, de mauvaise foi la partie qui entame ou poursuit des négociations sachant qu’elle n’a pas
l’intention de parvenir à un accord ».
283
l’avant-projet d’acte uniforme1017. En principe, cela ne devrait pas poser de problème
particulier puisque les dispositions des Etats membres de l’UEMOA sont quasiment
identiques dans ces matières. Cependant, elle pourrait soulever la question du maintien des
différentes législations nationales relatives aux vices du consentement après l’entrée en
vigueur dudit acte uniforme. En effet, nous savons que les actes uniformes de l’OHADA sont
directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition
contraire de droit interne, antérieure ou postérieure1018. Ainsi, les dispositions de l’acte
uniforme rendront systématiquement caduque celles des Etats membres. Dans ce cas, son
avènement risquerait de faire baisser le niveau de protection du consentement des
consommateurs, surtout pour ceux qui ne disposent que de ces moyens de recours du droit
commun pour défendre ou sauvegarder leurs intérêts économiques 1019. A l’inverse, on
pourrait imaginer que les dispositions du futur acte uniforme, qui n’encadrent pas directement
les vices du consentement, renvoient implicitement aux différentes législations nationales.
Dans ce cas, une combinaison de ces dernières avec celles du futur acte uniforme apporterait
plus de sécurité juridique aux contrats.
1017
Même si les quatre (04) principes (la liberté contractuelle, du consensualisme, la bonne foi, l’exclusion de la
mauvaise foi dans les négociations) énoncés par l’article 1 points 1, 3 et 6 ; et l’article 2 point 15 de la dernière
version de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA sur les contrats précité incarnent les mêmes vertus que les
dispositions relatives aux vices de consentement dans les matières contractuelles, l’apport de ceux-ci dans la
sécurisation du consentement des contractants semble plus efficace.
1018
Voir l’article 10 du Traité relatif à l'harmonisation en Afrique du droit des affaires adopté le 17/10/1993 à
Port-Louis (ILE MAURICE).
1019
C’est le cas par exemple, du Niger et de la Guinée-Bissau qui n’ont toujours pas de dispositions spécifiques
consuméristes, le seul moyen de protection de l’intégrité du consentement des consommateurs qui est donc à leur
disposition est sans doute l’invocation aux vices du consentement.
1020
Puisque en effet, il n’y a que le Code civil malien et celui du Sénégal qui ont encadré brièvement ces
« contrats entre absents ».
284
responsabilité du fait des produits défectueux ». Un éventuel renforcement législatif national
de ces aspects est susceptible d’être source d’empiétement du bon fonctionnement du marché
commun ou d’intensification des conflits de lois au sein de ce dernier. C’est d’ailleurs cette
problématique des conflits de lois qui rend complexe la protection de l’intégrité du
consentement des consommateurs de l’UEMOA dans les contrats à distance, à savoir le
problème lié à la détermination de la loi applicable aux contrats, du lieu et du moment de la
formation des contrats. L’uniformisation projetée par le législateur de l’OHADA permettra
certes d’avoir un corpus législatif commun applicable dans tous les Etats mais lorsque nous
examinons en profondeur ses dispositions, on se rend compte qu’elles sont loin de résoudre
toutes les difficultés liées à la protection de l’intégrité du consentement des consommateurs
transfrontaliers, dans le sens où elles ne traitent pas, notamment, des questions liées à la
détermination du lieu et du moment de l’émission du consentement des contractants, qui sont
des facteurs très importants pour la validité des contrats.
Par ailleurs, ce n’est pas étonnant que les dispositions matérielles du futur acte
uniforme de l’OHADA sur le droit commun des obligations contractuelles soient insuffisantes
pour garantir la sécurité juridique des contrats de consommation. En effet, même si elles y
285
contribuent et demeurent les seuls moyens juridiques de sécurisation des contrats dans
certains Etats (Niger et Guinée), on ne doit pas perdre de vue qu’elles ne sont pas
principalement destinées à des missions consuméristes. C’est ce qui à peut-être poussé le
législateur de l’OHADA à vouloir étendre sa compétence législative sur le droit des contrats
de consommation proprement dit.
286
Paragraphe I- Les principes de base consuméristes déjà présents
dans les législations de certains Etats de l’UEMOA
L’une des ambitions du projet d’harmonisation de l’OHADA sur le droit des contrats
de consommation est sans doute d’unifier les matières qui sont déjà encadrées par les
différentes dispositions nationales des Etats de l’UEMOA. Il s’agit principalement de la
régulation des stratégies de séduction des consommateurs, des procédés de vente, des
conditions de validité et de formation des contrats ainsi que de leur exécution.
1021
Voir les articles 36, 52 et suivants de la dernière version de 2003 de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA
sur le droit de la consommation.
1022
Voir l’article 26 de la dernière version de 2003 de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA sur le droit de la
consommation.
Voir l’article 60 de la dernière version de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA précité.
1023
287
commun de l’UEMOA1024. L’uniformisation de ces mesures constitue un véritable moyen
communautaire susceptible de contribuer à la sécurité juridique du consentement des
consommateurs dans leur relation contractuelle transfrontalière au sein du marché commun
dans la mesure où certains Etats membres ne disposent pas de textes consuméristes exigeant
l’écrit comme une condition de validité des contrats1025. Elle permettra de constituer une
homogénéité des formes de contrat au sein du marché commun.
1024
Ibid.
1025
Il s’agit essentiellement des contrats conclus sous le régime juridique des Etats du Niger et de la Guinée. Ces
derniers ne disposant pas de législations spéciales consuméristes, les contrats sont implicitement régis par le
droit commun des obligations contractuelles. Dans ces cas, l’écrit n’est exigé que dans les contrats dont le
montant excède une certaine somme (50 000 francs CFA).
1026
Voir l’article 47 de la dernière version de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA précité.
1027
Voir l’article 48 de la dernière version de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA précité.
1028
C’est le cas de la Guinée-Bissau et du Niger, qui du fait de l’absence de dispositions consuméristes, les
ventes forcées seront traitées sous le régime juridique du droit commun des obligations en l’occurrence par le
recours à l’annulation des contrats pour violence.
1029
Voir la CJCE, 23 avril 2009, affaire C-261/07.
288
le champ de la directive et que les États membres ne pouvaient adopter des mesures plus
restrictives que celles expressément listées par la directive, même si celles-ci avaient pour
objet d'assurer un degré plus élevé à la protection des consommateurs. La pratique de vente
liée ne figurant pas dans la (liste noire) des pratiques interdites par la directive, les États
membres ne pouvaient maintenir cette interdiction »1030. A travers cette décision, on voit bien
que l’interdiction des ventes liées et les autres formes de ventes déloyales peuvent être des
mesures efficaces de protection des consommateurs à l’échelle nationale, mais une telle
efficacité dans le marché commun ne serait pas évidente sans aucun encadrement de celles-ci
par des dispositions communautaires.
Dans sa volonté d’équilibrer les rapports de force entre les professionnels et les
consommateurs en matière contractuelle, le législateur de l’OHADA envisage d’encadrer
certaines mesures protectrices de grande importance, délaissées ou moins élaborées par
certaines dispositions nationales. Elles concernent essentiellement l’établissement d’un droit
de repentir au profit des consommateurs et l’interdiction des clauses abusives qui est chapoté
par un « délit d’abus de faiblesse »1031.
1030
Ibid.
1031
Voir l’article 51 de la dernière version de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA précité.
1032
Voir Henry TEMPLE, op. cit., p. 7.
289
et d’exemplarité évidentes, être assuré par des délits assortis de lourdes peines 1033. Les
dispositions de l’avant-projet exigent que les clauses contractuelles soient rédigées et
présentées de la façon la plus simple afin que le consommateur puisse en comprendre le sens
et la portée1034. C’est dans ce sens qu’elles qualifient les ventes sans facture à des « délits
civilistes » afin de les interdire1035.
1033
Ibid.
1034
Voir l’article 32 de la dernière version de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA précité.
1035
Voir l’article 60 de la dernière version de l’avant-projet d’acte uniforme OHADA précité.
1036
Ibid., p. 11.
1037
En effet, l’article L. 121-29-30 du Code de la consommation et la directive 2011/83 prévoient un délai de
rétractation de quatorze (14) jours francs à compter du délai de livraison de la commande et d’un (01) an si le
consommateur n’avait pas été informé de son droit de se repentir par le professionnel.
1038
Voir l’article 106 de la dernière version de l’avant-projet de 2003 précité.
1039
Voir l’article 108 de la dernière version de l’avant-projet de 2003 précité.
1040
Voir l’article 109 de la dernière version de l’avant-projet de 2003 précité.
1041
Voir les développements du point (A) du paragraphe (II) de la section (II) du chapitre (I) du présent titre,
p.255 et suivantes.
290
rétractation uniformisé à l’échelle communautaire constituerait indéniablement un apport
significatif dans le cadre de la protection du consentement des consommateurs au sein du
marché commun. Il permettrait de mettre fin aux écarts d’encadrement entre les législations
nationales, et surtout de combler les insuffisances d’encadrement des législations de certains
Etats membres de l’UEMOA1042.
En dépit de ce qui précède, l’avant-projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit des
contrats de consommation n’est pas dépourvu de toute critique. En effet, Monsieur Henry
TEMPLE, en analysant l’avant-projet d’acte uniforme, fait montre de bienveillance pour
cerner ses défaillances afin de s’opposer à sa finalisation. Ce dernier rejette aussi bien la
forme du projet que son fond1043. Ainsi, il s’éloigne en partie de notre appréciation vis-à-vis
de ce projet. En effet, sans remettre en cause sa forme et en considération des apports
précédemment examinés, nous estimons que l’avant-projet d’acte uniforme de l’OHADA sur
le droit de la consommation ne sera pas en mesure de répondre à toutes les problématiques
liées à la protection des consommateurs de l’UEMOA au sein du marché commun1044. Cela
sous-entend que nous pouvons relever plusieurs limites ou insuffisances des dispositions du
projet qui ne permettraient pas de répondre intégralement au besoin de sécurité juridique des
contrats au sein du marché commun.
291
pouvons retenir que la politique européenne de protection des consommateurs dans les
matières contractuelles est largement étendue. En effet, elle est étendue notamment sur les
contrats à distance1045, les contrats conclus par voie électronique1046et les contrats de crédit à
la consommation1047, etc. Cela contribue inéluctablement à renforcer le niveau et la qualité de
protection des consommateurs au sein du marché commun européen.
Enfin, les autres limites de l’avant-projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit de
la consommation tiennent à la légèreté ou au laxisme d’encadrement sur certains aspects
importants concourant à équilibrer les rapports de force entre professionnel et consommateur.
Il s’agit d’abord des dispositions relatives à la prohibition des clauses abusives dans les
contrats de consommation qui fait l’objet d’un encadrement a minima dans l’avant-projet1048 ;
celles relatives à la conformité des produits, aux garanties 1049 , à la responsabilité du fait des
produits défectueux1050 ainsi que toute autre mesure pénale relative à la protection des
consommateurs1051.
1045
Voir la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des
consommateurs en matière de contrats à distance.
1046
Voir la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à la société de l’information, et notamment du
commerce électronique, dans le marché intérieur.
1047
Voir la directive 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions
législatives, règlementaires, et administratives des Etats membres en matière de crédit à la consommation.
1048
Voir la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats
conclus avec les consommateurs.
1049
Voir la directive 99/44/CE relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.
1050
Voir la directive 84/374/CEE du Conseil du 10 septembre 1984, modifiée par la directive 1999/34/CE
relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
1051
Voir l’article 5 alinéa 5 de la dernière version de 2003 de l’avant-projet qui donne expressément la
compétence législative aux Etats membres en matière de sanction pénale.
292
sur certains points importants relatifs à la sécurisation des contrats de consommation, en
particulier la préservation de l’intégrité du consentement des consommateurs.
293
Conclusion du Chapitre -II-
Quant au second projet d’acte uniforme, notamment celui portant sur le droit de la
consommation proprement dit, nous avons pu retenir essentiellement que ses dispositions
matérielles encadraient des aspects consuméristes déjà en vigueur dans la plupart des
législations des Etats de l’UEMOA1053. Elles encadrent également d’autres aspects
consuméristes moins méconnus par ces dernières1054. Ainsi, si l’apport de la valeur
intrinsèque des dispositions de ce projet dans la sécurisation des contrats est nettement
Il s’agit entre autres, des règles relatives aux vices du consentement, aux contrats entre personnes absentes
1052
Il s’agit principalement, du droit de rétractation des consommateurs, de la régulation des clauses abusives,
1054
etc.
294
appréciable, nous avons cependant pu relever quelques insuffisances de celles-ci1055.
Toutefois, en dépit des limites des dispositions matérielles du projet d’acte uniforme sur le
droit de la consommation, l’initiative du législateur de l’OHADA s’apprécie indéniablement,
à l’instar du droit de la consommation européen, comme la perspective d’une protection
efficace des consommateurs au sein du marché commun de l’UEMOA.
Il s’agit entre autres, du déficit d’encadrement des contrats de crédit à la consommation, des clauses
1055
abusives, de la responsabilité du fait des produits défectueux, de la conformité des produits, aux garanties et de
certaines mesures pénales inhérentes à la protection des consommateurs.
295
Conclusion du Titre II-
1056
Il s’agit essentiellement des vices du consentement, les conditions spécifiques de forme et fond de formation
des contrats de consommation.
Il s’agit entre autres, de la régulation du droit de rétractation des consommateurs, des clauses abusives, des
1057
296
Conclusion de la Partie II-
La deuxième partie de notre étude consistait à mettre en lumière les acquis
communautaires de protection des consommateurs au sein du marché commun ainsi que leurs
limites. Les développements précédents nous ont permis de constater qu’il y a un grand
déficit législatif communautaire relatif aux principes de base applicables à tous les contrats de
consommation dans l’espace communautaire africain en général, et en particulier en Afrique
de l’ouest. Ce constat soulève la question de savoir s’il y a à l’échelle communautaire, un
véritable régime juridique sur les contrats de consommation susceptible de sécuriser les
contrats conclus au sein du marché de l’UEMOA. La réponse à cette interrogation peut être
nuancée, puisqu’il serait aberrant d’affirmer sans réserve que les contrats de consommation
ouest-africains ne bénéficient d’aucune protection. En effet, nous avons pu relever dans nos
précédents développements, des régimes juridiques spécifiques régissant certains contrats
spéciaux de consommation et certains aspects consuméristes1058. Toutefois, un regard croisé
de ces derniers avec le droit européen nous a permis de retenir que ces mesures consuméristes
communautaires étaient sectorielles, en ce sens qu’elles n’encadraient pas tous les aspects
consuméristes et tous les contrats de consommation. Ainsi, les matières laissées vacantes par
le droit communautaire sont implicitement régies par les différentes législations nationales.
En explorant ces dernières, nous avons pu relever qu’il y a, certes, quelques divergences mais
également une forte identité entre elles. Cela nous permet d’affirmer qu’il y’a bien une base
juridique commune qui pourra constituer un acquis juridique communautaire de protection du
des consommateurs en Afrique de l’ouest, sauf qu’elle est faite de façon éparpillée, isolée et
surtout peu élaborée.
D’autre part, les petites divergences entre les différentes législations nationales en la
matière nous amènent à être un peu sceptiques quant à l’existence d’un véritable cadre
juridique commun. Ainsi, c’est sans doute les rares écarts entre les différentes dispositions
nationales qui ont motivé le législateur communautaire de l’OHADA à envisager une
harmonisation du droit des contrats de consommation dans l’espace de l’OHADA. La
moindre qualité des dispositions consuméristes nationales ainsi que la protection sectorielle
du droit communautaire ont fait prendre conscience aux différents législateurs nationaux
d’abandonner une partie de leur souveraineté législative au profit du législateur de l’OHADA.
Ainsi, même si cet avant-projet présente quelques limites, il constituerait un régime juridique
1058
Il s’agit entre autres, des dispositions de Code CIMA, de l’OAPI, de la CEDEAO, de l’UEMOA.
297
consumériste général à tous les contrats de consommation afin de rompre avec la protection
sectorielle instituée par les autres organisations régionales et comblerait la moindre qualité de
certaines mesures consuméristes nationales1059. C’est dans cette optique que nous réfutons
toute idée d’un renforcement des législations nationales consuméristes dans la recherche
d’une protection efficace des consommateurs de l’UEMOA au sein du marché commun, pour
soutenir celle d’un jalonnement de protection communautaire, à l’instar des premières années
d’expérience du droit de la consommation européen.
1059
Il s’agit notamment des dispositions du Code CIMA, de l’OAPI, de la CEDEAO, de l’UEMOA, et de
l’OHADA.
298
Conclusion générale
Dans la première partie de notre étude, notre démarche consistait à démontrer que la
régulation des marchés par l’organisation de la concurrence et la promotion d’une
consommation saine au niveau communautaire peut être appréciée comme un acquis
communautaire de protection des consommateurs au sein du marché commun. En effet, elle
permet de garantir aux consommateurs leur diversité de choix des produits de qualité
raisonnable. En outre, dans ces matières, le droit communautaire de l’UEMOA ne laisse
aucune marge de manœuvre aux dispositions nationales et cela permet d’éviter les
divergences qui pourront éventuellement exister entre elles. Ainsi, pour répondre à la
problématique de base de cette étude, notamment celle portant sur l’efficacité de la protection
des consommateurs dans un contexte de libéralisme économique et d’intégration économique,
nous soutenons l’idée que, les mécanismes d’intégration économique de l’UEMOA, même
s’ils présentent quelques insuffisances, permettent toutefois de garantir la diversité de choix
299
des produits et la santé des consommateurs sur le marché commun. Dans cette optique, la
protection des consommateurs par la régulation du marché commun s’inscrit comme une suite
logique de la construction du marché commun.
Par ailleurs, outre la protection indirecte des consommateurs avec des mesures de
régulation du marché commun, d’autres organisations régionales africaines tentent de prendre
le relai avec des mécanismes de protection directe. Ainsi, la deuxième partie de notre étude
consistait à explorer les acquis juridiques communautaires de régulation des contrats de
consommation afin de voir s’il y a véritablement un ordre juridique consumériste
communautaire permettant de sécuriser les rapports contractuels nationaux et transfrontaliers
au sein du marché commun. A ce niveau, nous nous sommes intéressés essentiellement aux
aspects contractuels qui sont susceptibles d’avoir une incidence importante sur le
fonctionnement normal du marché commun. Il s’agit principalement des conditions de
formation et d’exécution des contrats de consommation ainsi que les modalités de règlement
des litiges y relatifs. Nous retenons essentiellement de cette partie de notre étude que
l’encadrement juridique et institutionnel communautaire des contrats de consommation était
limité à certains contrats spécifiques et à certains aspects consuméristes. Ainsi, nous
observons un déficit législatif au niveau communautaire régissant les conditions générales des
contrats. Cela implique que ces dernières relèvent implicitement de la compétence législative
des différents Etats membres de l’UEMOA. Ainsi, sur le marché commun, il existe des Etats
dotés d’une législation consumériste moins élaborée donc moins protectrice, et d’autres Etats
disposant d’une législation mieux élaborée, donc plus protectrice. Cette situation de
divergence de niveau de protection des dispositions nationales rend plus complexe la sécurité
des contrats de consommation transfrontaliers. Toutefois, nous constatons également qu’il
existe une forte identité entre les différentes législations nationales. Ainsi, la perspective d’un
ordre juridique communautaire semble emprunter un bon chemin.
Au regard des développements des deux (02) parties de notre étude, nous pouvons
retenir essentiellement que les mesures communautaires de protection des consommateurs de
l’UEMOA se résume au contrôle des pratiques anticoncurrentielles, de la qualité et de la
sécurité sanitaire des produits, à la régulation de certains contrats(les contrats d’assurance) et
de certains aspects consuméristes des contrats à distance. Ainsi, un regard croisé de celles-ci
avec le dispositif consumériste européen, nous permet de soutenir qu’elle demeure inachevée
voire sectorielle, à l’instar des premières années d’expérience du droit européen de la
300
consommation. Il y a donc lieu d’établir un véritable ordre juridique supranational susceptible
de régir tous les aspects consuméristes, dans l’optique de répondre efficacement aux
conséquences du marché commun sur la situation des consommateurs. C’est dans cette
optique que les projets OHADA sur le droit commun des obligations contractuelles et le droit
des contrats de consommation se présentent comme étant une perspective de protection des
consommateurs de l’UEMOA conciliable avec le marché commun. Malgré certaines
insuffisances des dispositions matérielles de ces projets, l’initiative du législateur de
l’OHADA de s’intéresser à la régulation des contrats de consommation est soutenable. Celle-
ci viendrait compléter les encadrements communautaires déjà existants.
1060
Voir La résolution 39/248 du 9 Avril 1985 relative aux principes directeurs pour la protection des
consommateurs, l’accord du Cycle d’Uruguay sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (art.1-
11), les lignes directrices de l’OCDE régissant la protection des consommateurs contre les pratiques
commerciales transfrontalières frauduleuses ou trompeuses de 2003, la Déclaration du Sommet de Rio de 1992,
la loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique du 16 décembre 1996, la loi type de la CNUDCI sur les
signatures électroniques du 5 juillet 2001.
301
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parlement européen et du conseil relative aux droits des consommateurs », Bruxelles, 08
octobre 2008
Rapport sur la mise en œuvre des lignes directrice de l’OCDE régissant la protection des
consommateurs contre les pratiques commerciales transfrontalières frauduleuses et
trompeuses de 2003.
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RTD com. 1998.
311
III- Les Textes communautaires africains
Le règlement 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres
de l’UEMOA.
Le Protocole additionnel n°/2001, instituant les règles d’origines des produits de l’UEMOA
adopté le 19 décembre 2001.
L’Acte additionnel n°04/96 instituant un régime tarifaire préférentiel transitoire des échanges
au sein de l’UEMOA et son mode de financement.
312
L’Acte additionnel n°03/2001 portant adoption de la politique agricole commune de
l’UEMOA.
L’accord portant révision de l’accord de Bangui du 2 mars 1977 instituant une organisation
africaine de la propriété intellectuelle (OAPI).
Le Traité instituant une organisation intégrée de l'industrie des assurances dans les Etats
africains (CIMA).
Le Règlement n°0001/CIMA/PCMA/CE/SG/2007.
313
IV- Les lois nationales des Etats membres de l’UEMOA
Loi n°15/94/ADP du 5 mai 1994 modifiée par la loi 33-2001 du 4 décembre 2001 du Burkina-
faso relative à la concurrence.
La loi n°94-63 du 22 Aout 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique du
Sénégal.
314
V- Les textes de l’UE
La Directive n°92/59 du 29 juin 1992 relative à la sécurité générale produits (JOCE n° L 228
du 11 Aout 1992).
La Directive n° 93/13 du 5 Avril 1993 relative aux clauses abusives dans les contrats conclus
avec les consommateurs (JOCE n° L 95 du 21 Avril 1993).
315
La Directive n° 1999/44 du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et des garanties
des biens de consommation (JOCE n° L 171 du 7 juillet1999).
La Directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-
vis des consommateurs (J.O.U.E., 2005, N°1, 99/22).
La directive 2011/83/UE sur les droits des consommateurs du 25 octobre 2011 visant à
accroitre la protection des consommateurs dans l’Union européenne.
316
La loi du 27 Décembre 1973 d’orientation pour le commerce et l’artisanat (Loi Royer)
modifiée par la Loi du 5 janvier 1988.
Les lois n°78-22 et n°78-23 du 10 janvier 1978 (Loi Scrivener) respectivement au crédit à la
consommation (modifiée en 2010) et aux clauses abusives (modifiée par la loi du 1 er Février
1995).
La loi LME (loi de modernisation de l’économie) du 4 Aout 2008.
La loi du 5 janvier 1988 sur les actions en justice des associations agréées de consommateurs.
La loi du 18 janvier 1992 portant sur la publicité comparative et l’institution d’une action en
représentation conjointe.
La loi du 1er juillet 1998 renforçant la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme.
La résolution 39/248 du 9 Avril 1985 relative aux principes directeurs pour la protection des
consommateurs.
317
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CJCE, 2 Juil. 1974, Italie c/Commission « Allocation familiale dans le secteur textile ».
320
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CJCE, arrêt du 27 sept. 1988, aff. Ahlström Osakeytiö et autres contre Commission de la
Communauté européenne.
CJCE, 17 jan. 1980, Camera Care/ Commission, aff. 792/79, Rec, p.119.
Civ. 8 mai 1907, D.P, 1911, 1, 222 ; Req., 1er juillet 1908, D.P, 1909, p.1, 11.
321
CA Versailles, 8 juillet 1994, RTD, civ., 1995.
Civ., 3e, 29 avril 1998 : Bull. cv. III, n°87; RTD civ. 1998. 930, obs. Gautier.
Civ., 3e, 15 janv. 1971 : Bull. civ. III, n° 38 ; RTD civ. 1971. 839, obs. Loussouarn.
Com., 28 juin 2005 : Bull. civ. IV, n° 140; D. 2006. 2774, note Chauvel.
Civ., 1ère chambre, 27 juin 1995, Bull. civ., I, n°287 ; D.1995, 621.
Civ. 1ère, 15 mai 2002, Bull. civ., I, n°132 ; D. 2002. IR. 1811.
322
TABLE DES MATIERES
DEDICACES……………………………………………………………………………….....1
REMERCIEMENTS…………………………………………………………………………2
ABREVIATIONS…………………………………………………………………….……….3
SOMMAIRE…………………………………………………………………………………..4
INTRODUCTION…………………………………………………………………………….5
Titre -I- La protection des intérêts économiques des consommateurs grâce à une
réglementation de la concurrence…………………………………………………………….28
323
b- La position dominante résultant d’une concentration……………………………………48
Section II- Une cohérence dans l'interdiction des aides publiques aux entreprises privées dans
l'espace de l’UEMOA………………………………………………………………………...61
B- L’interdiction des aides publiques et son implication dans le cadre de la protection des
consommateurs………………………………………………………………………………..71
324
Chapitre II- Un contrôle communautaire de la liberté de concurrence dans l'intérêt
collectif des consommateurs………………………………………………………………...76
A- Le déroulement de l'instruction……………………………………………………………78
1- L'ouverture de l'instruction………………………………………………………………...78
2- L'instruction de la Commission…………………………………………………………....85
Section II- Une possibilité de collaboration entre la Commission et les structures nationales
de la concurrence…………………………………………………………………………....102
325
A- La personnalité juridique des structures nationales de la concurrence………………….103
1- La nature administrative des autorités nationales de la concurrence……………………..103
2- Le caractère indépendant des autorités nationales de la concurrence……………………105
Section I- L’harmonisation des outils juridiques, une garantie pour la qualité et la sécurité
sanitaire des produits dans une économie intégrée………………………………………….120
326
A- La portée juridique des normes de qualité en droit de l’UEMOA………………………121
1-La notion de « qualité » et les objectifs visés par les normes de qualité………………….122
Paragraphe II- L’harmonisation des législations sur la sécurité sanitaire des produits, une
garantie d’une consommation saine sur le marché commun………………………………..131
A- Le choix des matières à harmoniser dans le cadre de la sécurité sanitaire des produits sur le
marché commun.…………………………………………………………………………….132
Section II- Les mécanismes juridiques permettant de concilier la libre circulation des
marchandises avec une consommation saine sur le marché commun………………………139
327
2- Les modalités d’application du principe de précaution et son efficacité à contribuer à la
protection de la santé des consommateurs sur le marché commun………………………….142
B- Une responsabilité de sécurité sanitaire des produits à la charge des professionnels et des
Etats au profit des consommateurs…………………………………………………………..155
2- Des obligations mises à la charge des Etats, comme des garanties d’une consommation
saine sur le marché commun………………………………………………………………...157
328
Chapitre II- Un contrôle communautaire de la qualité et de la sécurité sanitaire des
produits au profit des consommateurs…………………………………………………...160
Section I- Le contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire des produits par des organes
communautaires spécialisés…………………………………………………………………161
A- Les missions des structures spécialisées dans le contrôle de la qualité des produits sur le
marché commun …………………………………………………………………………….162
B- Les missions des structures spécialisées dans le contrôle de la sécurité sanitaire des
produits sur le marché commun……………………………………………………………..163
Paragraphe II- Le bien fondé d’un contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire des
produits par des structures communautaires spécialisées…………………………………...164
B- La nécessité d’un contrôle direct de la qualité et de la sécurité sanitaire des produits par
des organes communautaires spécialisés……………………………………………………166
Section II- Le rôle de la Commission dans la protection de la santé des consommateurs sur le
marché commun……………………………………………………………………………..167
329
A- L’étendue des pouvoirs juridictionnels de la Commission……………………………...172
Paragraphe II- La constitution d’un marché africain des assurances par le Code CIMA
profitable aux consommateurs (assurés) de l’UEMOA……………………………………..193
330
Section II- La protection communautaire de l’intégrité du consentement par les dispositions
de l’OAPI……………………………………………………………………………………196
Paragraphe I- Les mesures préventives de protection du consentement des
consommateurs………………………………………………………………………………197
Paragraphe II- Les mesures curatives de protection du consentement des
consommateurs………………………………………………………………………………199
331
Paragraphe II- La compétence juridictionnelle et ses conséquences ……………………..227
Titre II- La régulation des contrats de consommation par des dispositions nationales
embryonnaires……………………………………………………………………………….240
Paragraphe I- Les raisons justifiant le recours aux vices du consentement pour l’annulation
des contrats de consommation……………………………………………………………....243
A- Les raisons liées à l’inexistence des dispositions spéciales consuméristes : cas du Niger et
de la Guinée…………………………………………………………………………………244
B- Les raisons liées à l’inefficacité des dispositions spéciales consuméristes : cas des six
autres Etats de l’UEMOA…………………………………………………………………...245
Paragraphe II- Les modalités du recours aux vices du consentement à des fins d’annulation
des contrats de consommation……………………………………………………………247
332
1- L’invocation des vices du consentement lorsqu’une information légale a été
donnée………………………………………………………………………………….……251
2- L’invocation des vices du consentement lorsqu’une information légale n’a pas été donnée
ou a été mal donnée………………………………………………………………………….253
B- Des divergences portant sur la période légale de conservation des documents justificatifs
des contrats de consommation (les factures ou les reçus de vente)…………………………269
C-Une différence importante sur la régulation des clauses abusives dans les contrats de
consommation……………………………………………………………………………….271
333
Paragraphe I- L’amorce d’un acte uniforme OHADA sur le droit des obligations
contractuelles………………………………………………………………………………..280
Section II- L’avant-projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit des contrats de
consommation………………………………………………………………………………286
Paragraphe I- Les principes de base consuméristes déjà présents dans les législations de
certains Etats de l’UEMOA…………………………………………………………………287
Conclusion générale…………..……………………………………………………………299
Bibliographie……………………………………...………………………………………..302
334