Ei 483
Ei 483
Ei 483
18-19 | 2012
La performance des institutions
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/ei/483
DOI : 10.4000/ei.483
ISSN : 2553-1891
Éditeur
Association Économie et Institutions
Référence électronique
Jean-Paul Domin et Martino Nieddu, « La pluralité des approches en termes de performance »,
Économie et institutions [En ligne], 18-19 | 2012, mis en ligne le 15 octobre 2012, consulté le 10
décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ei/483 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ei.483
1 Le mot performance entre dans les dictionnaires français en 1839, il est emprunté au
mot anglais performance, dérivé de to perform (réaliser, accomplir) qui est lui-même issu
de l’ancien français parformer. Le mot a été introduit en français comme terme de turf
afin d’exprimer les résultats d’un cheval de course. Il passe progressivement dans le
langage courant pour désigner la manière de faire quelque chose . Ce court passage par
l’étymologie est nécessaire dans la mesure où to perform a effectivement un double sens.
D’une part, il renvoie à la réalisation d’un exploit, ou d’un rendement. D’autre part, il
équivaut également à un accomplissement, qui implique des effets dynamiques, et
notamment au-delà de ses effets immédiats, des effets structurants de long terme (la
formation de la compétitivité d’une entreprise, au sens de sa capacité à survivre dans
un environnement hostile, la reproduction de compétences et de savoir-faire, des effets
sur le territoire,…). Si l’étymologie renvoie ainsi au caractère exceptionnel de l’acte, et
donc à l’excellence et à la victoire , elle introduit également un problème avec la longue
durée.
2 La performance renvoie également à une forme d’idéologie gestionnaire qui tend à se
développer depuis le début des années 1980. Ce programme peut être pensé de deux
façons selon Albert Ogien : soit un progrès qui permette plus d’objectivité pour les
décisions politiques, soit une autre façon de concevoir l’action publique. Ce nouvel
esprit gestionnaire légitime une approche instrumentale et comptable des relations
entre l’Homme et la société et justifie le développement d’une forme de guerre
économique. Ainsi, comme le montre Vincent de Gauléjac , « au nom de la performance de
la qualité, de l’efficacité, de la compétition et de la mobilité, se construit un monde nouveau ».
3 La performance peut être quantifiée par des indicateurs qui « sont généralement des
quantifications se traduisant par des rapports entre les résultats obtenus et les moyens mis en
œuvre » . La performance va en effet de pair avec ce que Vincent de Gauléjac appelle
une quantophrénie c’est-à-dire « une pathologie qui consiste à vouloir traduire
systématiquement les phénomènes sociaux et humains en langage mathématique » . Cette
8 Florence Jany-Catrice montre dans un premier temps que les économies dites de travail
industriel se sont modifiées en économies de service. Cette évolution s’accompagne
d’une transformation de la mesure du produit et de sa réalisation. En d’autres termes,
le calcul de la productivité est difficilement saisissable dans une partie des services,
notamment de services publics comme la santé ou l’éducation, en raison de la
confusion existant entre le processus de production et le résultat. Il y a dans ce secteur,
un obstacle à la codification et à la standardisation qui est une source d’incertitude et la
seule réponse en termes de valorisation reste l’estimation des inputs, ce qui est
cohérent selon l’auteure avec une logique d’obligation de moyens.
9 Dans un deuxième temps, Florence Jany-Catrice s’intéresse à l’évaluation des politiques
publiques et montre que celle-ci se confond avec une mesure de la performance des
services publics. Cette évolution repose sur toute une série d’indicateurs et de
statistiques où l’État se montre d’abord incitateur envers ses agents et ses usagers. Il
met en place toute une batterie de statistiques compatibles permettant de développer
les incitations. L’évolution de la politique de santé est sur ce point assez éclairante .
Ensuite, l’État élargit progressivement ses techniques de quantification. Cette évolution
est caractéristique d’un passage de l’État social vers l’État prestataire de service. Dans
cette perspective, l’envergure de l’action publique se réduit selon Florence Jany-Catrice
« à une succession d’indicateurs de performance individuelle ».
10 La performance totale constitue un nouveau paradigme où les résultats sont mis en
avant et apparaît comme un dispositif auquel les individus se plient. La performance
repose d’abord sur une série d’indicateurs produits par une série d’acteurs légitimes :
l’expert et le scientifique. Ensuite, pour perdurer, la performance prend appui sur des
institutions, notamment sur des institutions de valorisation. La performance totale est
dans une quête permanente de données chiffrées qui conduit progressivement selon
Florence Jany-Catrice à une dérive indicatrique, voire même quantophrénique selon les
termes de Vincent de Gauléjac .
11 La contribution de Florence Gallois s’interroge sur la place du champ de l’aide à
domicile en le plaçant à la frontière de deux espaces possibles : la santé et les services à
la personne. Il est légitime, selon l’auteure, de placer l’aide à domicile au sein du
système de santé dans la mesure où les structures d’aide à domicile contribuent à la
prévention de la dégradation de l’état de santé et jouent de facto un rôle dans la veille
sanitaire. Mais l’aide à domicile peut également être rattachée au secteur des services à
la personne. L’aide à domicile est donc positionnée dans deux espaces de régulation
potentiels : le système de santé et les services à domicile. Dès lors, l’auteure considère
que le passage d’un système hospitalo-centré à un dispositif centré sur les soins
ambulatoires a favorisé le développement de structures d’aide à domicile avec une
relation ambigüe au marché.
12 Dans un premier temps, Florence Gallois décrit l’évolution du système de soins et
notamment de l’hôpital. Si celui-ci est d’abord un lieu de charité ouvert uniquement
aux plus démunis, il s’ouvre progressivement au reste de la population dans les années
1930 (suite au vote des lois sur les assurances sociales). À partir des années 1950,
l’hôpital se constitue comme l’élément central du système de soins, lieu de formation,
de recherche et de soins. Cette tendance s’infléchit dans le courant des années 1980
avec une remise en cause de l’hospitalo-centrisme qui accélère de facto la diminution
de la durée moyenne de séjour. Cette diminution est problématique dans la mesure où
libérés plus tôt de l’hôpital, les malades doivent avoir recours à des services d’aide à
définir des niches en définissant des relations avec les autres acteurs en amont et en
aval. Les producteurs ne peuvent donc se différencier que par la qualité en nouant des
liens avec les fournisseurs et les consommateurs. Selon White, tout marché caractérisé
par un ordre de qualité est orienté en amont. L’approche conventionnaliste permet
ensuite de compléter la première approche. L’ordre de qualité défini par White est
associé à une convention spécifique de qualité . À chaque type de marché correspond
une convention de qualité domestique, marchande ou industrielle.
23 Tiana Rakotondramanitra-Smadja pose l’hypothèse que l’apparent échec de la filière
rizicole malgache est lié à une mauvaise interprétation des caractéristiques des
principes d’échange du riz. La contribution établit un lien entre la performance de la
filière rizicole et la viabilité des échanges. La performance est conditionnée par la
suppression de l’incertitude en amont et donc de la viabilité des échanges en amont.
Cette dernière est liée, dans la perspective des travaux de White, à l’existence d’un
ordre de qualité du paddy (riz non décortiqué). La seule solution consisterait selon
l’auteure d’une orientation en amont de la filière, c’est-à-dire la recherche d’un
système de rémunération selon la qualité et la mise en place d’un ratio qualité-coût. Ces
solutions devraient alors permettre d’améliorer la qualité de la production locale et de
réduire la dépendance de riz de Madagascar par rapport à l’étranger.
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AUTEURS
JEAN-PAUL DOMIN
Regards (EA 6292), Université de Reims Champagne-Ardenne
MARTINO NIEDDU
Regards (EA 6292), Université de Reims Champagne-Ardenne