Anthologie Poèmes 3

Télécharger au format docx, pdf ou txt
Télécharger au format docx, pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 3

Anthologie de poèmes Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,

Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,


Mignonne, allons voir si la rose Et plus que l'air marin la douceur angevine.
Qui ce matin avait déclose Joachim du Bellay (1522-1560),  Les Regrets (sonnet)
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée, «  Fantaisie  »
Et son teint au votre pareil. Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Las ! voyez comme en peu d'espace, Un air très-vieux, languissant et funèbre,
Mignonne, elle a dessus la place, Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Las, las ses beautés laissé choir !
O vraiment marâtre Nature, Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
Puisqu'une telle fleur ne dure De deux cents ans mon âme rajeunit  :
Que du matin jusques au soir ! C'est sous Louis treize  ; et je crois voir s'étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
Puis un château de brique à coins de pierre,
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Comme à cette fleur, la vieillesse Ceint de grands parcs, avec une rivière
Fera ternir votre beauté. Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs  ;
Odes, A Cassandre (poème lyrique célébrant une personne ; trois strophes égales).
Ronsard (1524-1585) Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que dans une autre existence peut-être,
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ; J'ai déjà vue... et dont je me souviens  !
J’ai chaud extrême en endurant froidure : Gérard de Nerval (1808-1855) –  Odelettes
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,


Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage,


Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage ?
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Et être au haut de mon désiré heur,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau
Il me remet en mon premier malheur.
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Louise Labé, Sonnets, 1555.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, Pierre de Marbeuf (1596-1645), tradition précieuse et baroque.

Et puis est retourné, plein d'usage et raison,


Vivre entre ses parents le reste de son âge  !
L'invitation au voyage

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village


Mon enfant, ma sœur
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Songe à la douceur
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
D'aller là-bas vivre ensemble  !
Qui m'est une province, et beaucoup davantage  ?
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Au pays qui te ressemble  !
Que des palais Romains le front audacieux,
Les soleils mouillés
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine  :
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes Sonne l'heure,
Si mystérieux Je me souviens
De tes traîtres yeux, Des jours anciens
Brillant à travers leurs larmes. Et je pleure

Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Et je m'en vais


Luxe, calme et volupté. Au vent mauvais
Qui m'emporte
Des meubles luisants, Deçà, delà,
Polis par les ans, Pareil à la
Décoreraient notre chambre ; Feuille morte.
Les plus rares fleurs Verlaine Poèmes Saturniens
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Mon rêve familier
Les riches plafonds,
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
Les miroirs profonds,
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
La splendeur orientale,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Tout y parlerait
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Luxe, calme et volupté.
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
[…]
Charles Baudelaire,  Les Fleurs du mal,
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
      Section "Spleen et idéal", LIII (extrait)
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

«  Le dormeur du val  » Son regard est pareil au regard des statues,


C'est un trou de verdure où chante une rivière Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
Accrochant follement aux herbes des haillons L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
D'argent ; où le soleil de la montagne fière, Paul Verlaine, Poèmes Saturniens, 1866.
Luit : C'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Le pont Mirabeau


Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,         Et nos amours
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.     Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme  :         Vienne la nuit sonne l'heure
Nature, berce-le chaudement  : il a froid.         Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face


Les parfums ne font pas frissonner sa narine  ;
        Tandis que sous
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Le pont de nos bras passe
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Des éternels regards l'onde si lasse
Arthur Rimbaud, Poésies, 1870.
        Vienne la nuit sonne l'heure
        Les jours s'en vont je demeure
« Chanson d'automne »
Les sanglots longs L'amour s'en va comme cette eau courante
Des violons         L'amour s'en va
De l'automne     Comme la vie est lente
Blessent mon cœur Et comme l'Espérance est violente
D'une langueur
Monotone.         Vienne la nuit sonne l'heure
        Les jours s'en vont je demeure
Tout suffocant
Et blême, quand Passent les jours et passent les semaines
        Ni temps passé
    Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine si tu t'imagines
fillette fillette
        Vienne la nuit sonne l'heure si tu t'imagines
        Les jours s'en vont je demeure xa va xa va xa
Apollinaire,  Alcools  (1912) va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
«  Il n’y a pas d’amour heureux », (extrait) ce que tu te goures
Louis Aragon, (1897-1982) fillette fillette
ce que tu te goures
Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son cœur Et quand il croit
Si tu crois petite
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
si tu crois ah ah
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce que ton teint de rose
Il n'y a pas d'amour heureux ta taille de guêpe

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes tes mignons biceps
Qu'on avait habillés pour un autre destin tes ongles d'émail
À quoi peut leur servir de se lever matin ta cuisse de nymphe
Eux qu'on retrouve au soir désœuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes et ton pied léger
Il n'y a pas d'amour heureux
si tu crois petite
xa va xa va xa va
«  Liberté  » (extrait) va durer toujours
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres ce que tu te goures
Sur le sable sur la neige fillette fillette
J’écris ton nom
ce que tu te goures
Sur toutes les pages lues Raymond Queneau, 1903-1976.
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées «  Le Cancre  »


Sur les armes des guerriers Il dit non avec la tête
Sur la couronne des rois Mais il dit oui avec le cœur
J’écris ton nom Il dit oui à ce qu'il aime
[…] Il dit non au professeur
Sur la santé revenue
Il est debout
Sur le risque disparu
On le questionne
Sur l’espoir sans souvenir
Et tous les problèmes sont posés
J’écris ton nom
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Et par le pouvoir d’un mot Les chiffres et les mots
Je recommence ma vie Les dates et les noms
Je suis né pour te connaître
Les phrases et les pièges
Pour te nommer
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Liberté. Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.
Paul Eluard, (1895-1952), Poésies et Vérité
Jacques Prévert (1900-1977).

Vous aimerez peut-être aussi