03 Dolz M. Diagnostic Et Prise en Charge Des Incidentalomes Surrenaliens. Médecine Et Armées, 2015, 44, 3, 223-234
03 Dolz M. Diagnostic Et Prise en Charge Des Incidentalomes Surrenaliens. Médecine Et Armées, 2015, 44, 3, 223-234
03 Dolz M. Diagnostic Et Prise en Charge Des Incidentalomes Surrenaliens. Médecine Et Armées, 2015, 44, 3, 223-234
Résumé
L’amélioration des techniques d’imagerie et leur plus grande disponibilité a conduit à la découverte de plus en plus fréquente
de masses surrénaliennes cliniquement silencieuses : les incidentalomes surrénaliens. Leur prise en charge constitue un vrai
défi pour la médecine moderne, car un des principaux enjeux soulevés par la mise en évidence d’un incidentalome surrénalien
est de ne pas méconnaître une pathologie grave (une tumeur hypersécrétante et/ou une tumeur maligne) tout en évitant de
multiplier les examens inutiles, angoissants et coûteux. L’objectif principal de cet article et de préciser la conduite à tenir
diagnostique para-clinique (radiologique et hormonale) devant un incidentalome surrénalien, démarche qui a fait l’objet des
recommandations de la Société française d’endocrinologie en 2007 et sur laquelle nous nous baserons.
Abstract D
DIAGNOSIS AND MANAGEMENT OF ADRENAL INCIDENTALOMAS.
The improvement of radiological techniques and their increasing availability has resulted in the increasingly frequent
O
identification of clinically inapparent adrenal masses: adrenal incidentalomas. Their management constitutes a real challenge
for modern medicine, because when an unsuspected adrenal mass is found, one of the key issues is to exclude a serious
S
medical condition (a hormonally active or malignant tumour), while avoiding unnecessary, alarming and costly tests. Based
on the approach developed in the recommendations of the French Society of Endocrinology in 2007, the main objective of
S
this article is to clarify the radiological and hormonal assessment of the patients with adrenal incidentaloma. I
Keywords : Adrenal incidentalomas. Diagnostic strategy. Hormonal assessment. Radiology. Follow-up. E
R
Définition Épidémiologie
Le terme incidentalome désigne une masse L’intérêt épidémiologique est évident car la prévalence
surrénalienne uni- ou bilatérale de 1 cm ou plus des incidentalomes est en progression constante,
découverte fortuitement lors d’un examen d’imagerie proportionnellement à l’augmentation du nombre
réalisé pour un autre motif que l’exploration d’une d’examens radiologiques de plus en plus sensibles.
pathologie surrénalienne. Cela exclut les lésions Ainsi, les données de la littérature montrent qu’ils sont
découvertes dans le cadre des explorations pour observés chez 0,3 à 4,4 % des patients ayant bénéficié
syndromes génétiques de prédisposition aux tumeurs d’un scanner (3, 4). Les séries autopsiques trouvent
surrénaliennes (néoplasies endocriniennes multiples une prévalence moyenne de 2,2 % (de 1,4 à 2,9 %) (4).
de type 1 et 2 en particulier). Le seuil de 1 cm ou plus La prévalence augmente avec l’âge, l’existence d’une
est retenu, considérant que les lésions de plus petite obésité, d’un diabète ou d’une hypertension artérielle
taille (< 1 cm) sont peu susceptibles de correspondre (5). Ils affectent autant les hommes que les femmes.
à des entités délétères et ne nécessitent donc pas d’être Les incidentalomes répondent à de multiples étiologies
explorées (1, 2). (ils peuvent être sécrétant ou non, bénins ou malins) dont
la fréquence varie selon l’environnement dans lequel ont
été explorés les patients. Dans les services de médecine
M. DOLZ, médecin principal, professeur agrégé du Val-de-Grâce.
interne ou d’endocrinologie l’étiologie dominante est
Correspondance : Monsieur le médecin principal M. DOLZ, Service d’endocrinologie l’adénome corticosurrénalien non sécrétant (70 %). À
et maladies métaboliques, HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94163 Saint-Mandé. l’opposé, dans les séries oncologiques prédominent
E-mail : [email protected] les métastases de mélanome, de lymphome, de cancer
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Figure 2. Algorithme pour la caractérisation des incidentalome au scanner. Le chromaffines de la médullo-surrénale métabolisent les
« wash out » (WO) traduit le relargage du produit de contraste iodé par la tumeur.
L’injection de produit de contraste iodé doit être au minimum d’1mg d’iode/kg et
catécholamines (adrénaline et noradrénaline) qui sont
les acquisitions effectuées à 60-90 secondes, puis 10 à 15 minutes après l’injection. converties dans la cellule en dérivés méthoxylés (ou
Les mesures de densité sont réalisées sur la même zone que sur les coupes sans métanéphrines : métanéphrine et normétanéphrine) dont
injection et selon les mêmes principes. la libération intravasculaire est continue. La mesure
des métanéphrines est un test diagnostic beaucoup plus
fiable que la mesure des catécholamines dont la sécrétion
de phase témoigne d’un important contenu lipidique. est imprévisible. Dans le contexte des incidentalomes,
Pour la Société Française d’Endocrinologie (SFE), une le dosage des métanéphrines fractionnées urinaires sur
diminution ≥ 20 % est en faveur de la bénignité avec 24h (avec dosage de la créatininurie pour s’assurer
une sensibilité de 100 % pour les adénomes dont la DS d’un recueil complet) a été bien évalué et possède
D
au scanner se situe entre 10 et 20 UH. Pour Haider et une bonne sensibilité et spécificité (17, 18). Elles sont O
al, ce seuil de 20 % offre une sensibilité de 89 % pour le reflet des catécholamines endogènes mais aussi
les adénomes dont la DS au scanner se situe entre 10
du métabolisme de certains aliments qui sont sulfo- S
et 30 UH (16). Les tumeurs malignes et les métastases
étant plus riches en eau, elles présentent une faible
conjugués dans le tissu gastro-intestinal. Une alternative S
diminution du signal en opposition de phase. consiste à effectuer un dosage des métanéphrines libres
À l’inverse, pour les incidentalomes découverts en plasmatiques (qui reflètent uniquement le métabolisme I
des catécholamines endogènes), mais celui-ci n’est
IRM (situation moins fréquente mais en augmentation,
actuellement pas remboursé (43 e). Ce dosage a E
du fait de l’amélioration de la résolution spatiale des
IRM digestives) un résultat en faveur d’un adénome ne été moins largement évalué dans l’exploration des R
nécessitera pas la réalisation d’un scanner. incidentalomes surrénaliens, mais présente toutefois
une sensibilité et une spécificité équivalente au dosage
urinaire (19). En cas d’insuffisance rénale, on préférera
Stratégie d’exploration biologique le dosage plasmatique.
En parallèle à la caractérisation morphologique, le 2e Une hypersécrétion sera hautement probable en cas
élément indispensable dans la stratégie d’exploration de valeur supérieure à trois fois la normale ; la présence
des incidentalomes consiste à identifier les lésions d’un Phéo restera suspectée avec un taux est inférieur à
sécrétantes (fig. 3). Les recommandations de la SFE 3 fois la normale, notamment lorsque le scanner sera en
insistent sur le caractère systématique de certains faveur d’une lésion tissulaire qui se rehausse de façon
dosages car quelle que soit la taille de l’incidentalome très intense après injection (cf infra) et dont le wash-out
une prise en charge chirurgicale sera indiquée en cas est faible (8).
d’hypersécrétion hormonale à risque (1). Attention toutefois aux faux positifs liés à certains
Une glycémie à jeun sera dosée pour dépister une médicaments nécessitant leur arrêt 5 à 15 jours avant
hyperglycémie en faveur d’un hypercortisolisme. les dosages : anti-dépresseurs tricycliques et venlafaxine
Elle peut également se rencontrer en cas de (inhibe la recapture des catécholamines), traitements
phéochromocytome (Phéo). anti-parkinsonniens (levodopa, inhibiteur de la COMT,
La recherche d’un Phéo est obligatoire en raison de la de la mono-amine oxydase…), salazopyrine (dont le
fréquence de cette tumeur parmi les incidentalomes (4 %), métabolite augmente artificiellement le dosage urinaire
mais surtout du fait du risque (potentiellement mortel) par interférence analytique) et paracétamol (si dosage
que représente une hypersécrétion de catécholamines plasmatique effectué par HPLC). Le dosage de l’acide
non diagnostiquée. Son dépistage reposera sur le vanillymandélique ne doit plus être fait car il manque
dosage des métanéphrines. En effet, les cellules de sensibilité.
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Figure 6. Volumineux phéochromocytome d’allure kystique réalisant un syndrome de masse surrénalien gauche de 11,8 x 12,2 x 9,7 cm, hétérogène avec une large plage
liquidienne en faveur d’un saignement intra-lésionnel (a : Scanner, b : IRM).
A B
Figure 7. Adénome de Conn de 11 mm du corps de la surrénale droite de densité spontanée à 7 UH (a) et adénome de Conn du corps de la surrénale droite de 12 mm de
grand axe apparaissant à -1UH en densité spontané (b).
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