Débuts Comme Homme de Lettres Et Premières Provocations

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Débuts comme homme de lettres et premières provocations (1711-1718)

Le Temple, détail du plan de Turgot, 1739. Le palais du grand prieur (à droite de la porte d’entrée) réunit
une société libertine que fréquente assidument Arouet à la sortie du collège.

Arouet quitte le collège en 1711 à dix-sept ans et annonce à son père qu’il veut être homme de
lettres, et non avocat ou titulaire d’une charge de conseiller au Parlement, investissement
pourtant considérable que ce dernier est prêt à faire pour lui. Devant l’opposition paternelle, il
s’inscrit à l’école de droit et fréquente la société du Temple, qui réunit dans l’hôtel de Philippe de
Vendôme, des membres de la haute noblesse et des poètes (dont Chaulieu), épicuriens lettrés
connus pour leur esprit, leur libertinage et leur scepticisme. L’abbé de Châteauneuf, son parrain,
qui y avait ses habitudes, l’avait présenté dès 1708. En leur compagnie, il se persuade qu’il est
né grand seigneur libertin et n’a rien à voir avec les Arouet et les gens du commun. C'est aussi
pour lui une école de poésie ; il va ainsi y apprendre à faire des vers « légers, rapides, piquants,
nourris de référence antiques, libres de ton jusqu’à la grivoiserie, plaisantant sans retenue sur la
religion et la monarchie »11.
Son père l’éloigne un moment de ce milieu en l’envoyant à Caen, puis en le confiant au frère de
son parrain, le marquis de Châteauneuf, qui vient d’être nommé ambassadeur à La Haye et
accepte de faire de lui son secrétaire privé. Mais son éloignement ne dure pas. À Noël 1713, il
est de retour, chassé de son poste et des Pays-Bas pour cause de relations tapageuses avec
Olympe du Noyer, la fille de Anne-Marguerite Petit du Noyer. Furieux, son père veut l’envoyer en
Amérique mais finit par le placer dans l’étude d’un magistrat parisien. Il est sauvé par un ancien
client d’Arouet, lettré et fort riche, M. de Caumartin, marquis de Saint-Ange, qui le convainc de lui
confier son fils pour tester le talent poétique du jeune rebelle. Arouet fils passe ainsi des
vacances au château de Saint-Ange près de Fontainebleau à lire, à écrire et à écouter les récits
de son hôten 4 qui lui serviront pour La Henriade et Le Siècle de Louis XIV.

Le château de Sceaux. La duchesse du Maine y tient une cour royale et exige de ses hôtes des vers sur
tout et sur rien. À ces jeux, Arouet est de toute première force.

En 1715, alors que débute la Régence, Arouet a 21 ans, et se retrouve dans le camp des
ennemis du Régent. Invité au château de Sceaux, centre d’opposition le plus actif au nouveau
pouvoirn 5, où la duchesse du Maine, mariée au duc du Maine, bâtard légitimé de Louis XIV, tient
une cour brillante, il ne peut s’empêcher de faire des vers injurieux sur les relations amoureuses
du Régent ou de sa fille12, la duchesse de Berry, qui vient d'accoucher clandestinement.
Le 4 mai 1716, il est exilé à Tulle13. Son père use de son influence auprès de ses anciens clients
pour fléchir le Régent qui remplace Tulle par Sully-sur-Loire, où Arouet fils s’installe dans le
château du jeune duc de Sully, une connaissance du Temple, qui vit avec son entourage dans
une succession de bals, de festins et de spectacles divers. À l’approche de l’hiver, il sollicite la
grâce du Régent qui la lui accorde. Le jeune Arouet alors recommence sa vie turbulente à Saint-
Angen 6 et à Sceaux, profitant de l’hospitalité des nantis et du confort de leurs châteaux. Mais, pris
par l’ambiance, quelques semaines plus tard, il récidive. S'étant lié d'amitié avec un certain
Beauregard, en réalité un indicateur de la police chargé de le faire parler, il lui confie être l'auteur
de nouveaux ouvrages de vers satiriques contre le Régent et sa fille14. Le 16 mai 1717, il est
envoyé à la Bastille par lettre de cachet. Arouet a alors 23 ans et il restera embastillé durant onze
mois.

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