Chapitre 04 - Intégrales Impropres
Chapitre 04 - Intégrales Impropres
Chapitre 04 - Intégrales Impropres
sin |t|
|t|3/2
• On commence d’abord par identifier les pointsincertains , soit +∞, soit −∞ d’une part, et d’autre part le ou les
points au voisinage desquels la fonction n’est pas bornée (t = 0 dans notre exemple).
• On découpe ensuite chaque intervalle d’intégration en autant d’intervalles qu’il faut pour que chacun d’eux ne
contienne qu’unseulpointincertain , placé à l’une des deux bornes.
• Nous souhaitons une définition qui respecte la relation de Chasles. Ainsi l’intégrale sur l’intervalle complet est la
somme des intégrales sur les intervalles du découpage.
sin |t|
• Dans l’exemple de la fonction f (t) = 3 ci-dessus, il faut découper les deux intervalles de définition ] − ∞, 0[ et
|t| 2
]0, +∞[ en 4 sous-intervalles : 2 pour isoler −∞ et +∞, et 2 autres pour le point incertain 0.
INTÉGRALES IMPROPRES 1. DÉFINITIONS ET PREMIÈRES PROPRIÉTÉS 2
1.2. Convergence/divergence
Par ce découpage, et par changement de variable t 7→ −t, on se ramène à des intégrales de deux types.
1. Intégrale sur [a, +∞[.
2. Intégrale sur ]a, b], avec la fonction non bornée en a.
Nous devons donc définir une intégrale, appelée intégrale impropre, dans ces deux cas.
R +∞
Définition 1. 1. Soit f une fonction continue sur [a, +∞[. On dit que l’intégrale a f (t) dt converge si la
Rx
limite, lorsque x tend vers +∞, de la primitive a f (t) dt existe et est finie. Si c’est le cas, on pose :
Z +∞ Z x
f (t) dt = lim f (t) dt . (1)
x→+∞
a a
Dans le cas contraire, on dit que l’intégrale diverge.
Rb
2. Soit f une fonction continue sur ]a, b]. On dit que l’intégrale a f (t) dt converge si la limite à droite, lorsque
Rb
x tend vers a, de x f (t) dt existe et est finie. Si c’est le cas, on pose :
Z b Z b
f (t) dt = lim+ f (t) dt . (2)
x→a
a x
Dans le cas contraire, on dit que l’intégrale diverge.
Remarque. • Convergence équivaut donc à limite finie. Divergence signifie soit qu’il n’y a pas de limite, soit que la
limite est infinie.
• Observons que la deuxième définition est cohérente avec l’intégrale d’une fonction qui serait continue sur [a, b]
Rb
tout entier (au lieu de ]a, b]). On sait que la primitive x f (t) dt est une fonction continue. Par conséquent,
Rb Rb
l’intégrale usuelle a f (t) dt est aussi la limite de x f (t) dt (lorsque x → a+ ). Dans ce cas, les deux intégrales
coïncident.
1.3. Exemples
Rx
Quand on peut calculer une primitive F (x) de la fonction à intégrer (par exemple F (x) = a
f (t) dt), l’étude de la
convergence se ramène à un calcul de limite de F (x). Voici plusieurs exemples.
Exemple 1.
L’intégrale
Z +∞
1
dt converge.
0
1 + t2
En effet,
x
π
Z
1 x
dt = arctan t = arctan x et lim arctan x = .
0
1+ t 2 0 x→+∞ 2
On pourra écrire :
Z +∞ +∞ π
1
dt = arctan t = ,
0
1 + t2 0 2
+∞
à condition de se souvenir que arctan t désigne une limite en +∞.
0
INTÉGRALES IMPROPRES 1. DÉFINITIONS ET PREMIÈRES PROPRIÉTÉS 3
1
1+t 2
Cela prouve que le domaine sous la courbe n’est pas borné, mais cependant son aire est finie !
Exemple 2.
Par contre, l’intégrale
Z +∞
1
dt diverge.
0
1+ t
En effet, Z x
1 x
dt = ln(1 + t) = ln(1 + x) et lim ln(1 + x) = +∞ .
0
1+ t 0 x→+∞
Exemple 3.
L’intégrale
Z 1
ln t dt converge.
0
En effet,
Z 1 1
ln t dt = t ln t − t = x − x ln x − 1 et lim (x − x ln x − 1) = −1 .
x x→0+
x
On pourra écrire :
Z 1 1
ln t dt = t ln t − t = −1 .
0
0
Exemple 4.
Par contre, l’intégrale
Z 1
1
dt diverge.
0
t
En effet,
Z 1
1 1
dt = ln t = − ln x et lim − ln x = +∞ .
t x x→0+
x
Z +∞ Z a0 Z +∞
f (t) dt = f (t) dt + f (t) dt.
a a a0
« Être de même nature » signifie que les deux intégrales sont convergentes en même temps ou bien divergentes en
même temps.
Le relation de Chasles implique donc que la convergence ne dépend pas du comportement de la fonction sur des
intervalles bornés, mais seulement de son comportement au voisinage de +∞.
INTÉGRALES IMPROPRES 1. DÉFINITIONS ET PREMIÈRES PROPRIÉTÉS 4
Démonstration. La preuve découle de la relation de Chasles pour les intégrales usuelles, avec a 6 a0 6 x :
Z x Z a0 Z x
f (t) dt = f (t) dt + f (t) dt .
a a a0
Puis on passe à la limite (lorsque x → +∞).
Bien sûr, si on est dans le cas d’une fonction continue f : ]a, b] → R avec b0 ∈]a, b], alors on a un résultat similaire,
et en cas de convergence :
Z b Z b0 Z b
f (t) dt = f (t) dt + f (t) dt.
a a b0
Dans ce cas la convergence de l’intégrale ne dépend pas de b, mais seulement du comportement de f au voisinage de
a.
1.5. Linéarité
Le résultat suivant est une conséquence immédiate de la linéarité des intégrales usuelles et des limites.
Proposition 2 (Linéarité de l’intégrale). R +∞ R +∞
Soient f et g deux fonctions continues sur [a, +∞[, et λ, µ deux réels. Si les intégrales a f (t) dt et a g(t) dt
R +∞
convergent, alors a λ f (t) + µg(t) dt converge et
Z +∞ Z +∞ Z +∞
λ f (t) + µg(t) dt = λ f (t) dt + µ g(t) dt .
a a a
Les mêmes relations sont valables pour les fonctions d’un intervalle ]a, b], non bornées en a. R +∞
Remarque : la réciprocité dans la linéarité est fausse, il est possible de trouver deux fonctions f , g telles que a f +g
R +∞ R +∞
converge, sans que a f , ni a g convergent. Trouvez un tel exemple !
1.6. Positivité
Une nouvelle fois, les mêmes relations sont valables pour les fonctions définies sur un intervalle ]a, b], non bornées
en a, en prenant bien soin d’avoir a < b.
Remarque.
Si l’on ne souhaite pas distinguer les deux types d’intégrales impropres sur un intervalle [a, +∞[ (ou ] − ∞, b])
d’une part et ]a, b] (ou [a, b[) d’autre part, alors il est pratique de rajouter les deux extrémités à la droite numérique :
R = R ∪ {−∞, +∞}
Ainsi l’intervalle I = [a, b[ avec a ∈ R et b ∈ R désigne l’intervalle infini [a, +∞[ (si b = +∞) ou l’intervalle fini
[a, b[ (si b < +∞). De même pour un intervalle I 0 =]a, b] avec a = −∞ ou a ∈ R.
INTÉGRALES IMPROPRES 1. DÉFINITIONS ET PREMIÈRES PROPRIÉTÉS 5
Rx
Démonstration. Il suffit d’appliquer le rappel ci-dessus à la fonction F (x) = a
f (t) dt et en notant que F (u)− F (v) =
R v
u
f (t) dt .
Les relations de Chasles impliquent que la nature et la valeur de cette intégrale doublement impropre ne dépendent
pas du choix de c, avec a < c < b.
Rc Rb Rb
Attention ! Si une des deux intégrales a f (t) dt ou bien c f (t) dt diverge, alors a f (t) dt diverge. Prenons
R +x R +∞ R +x 2 2
l’exemple de −x t dt qui vaut toujours 0, pourtant −∞ t dt diverge ! En effet, quel que soit c ∈ R, c t dt = x2 − c2
tend vers +∞ (lorsque x → +∞).
Exemple 5.
Est-ce que l’intégrale suivante converge ?
Z +∞
t dt
−∞
(1 + t 2 )2
On choisit (au hasard) c = 2. Il s’agit de savoir si les deux intégrales
Z2 Z +∞
t dt t dt
et
−∞
(1 + t )2 2
2
(1 + t 2 )2
convergent.
En notant qu’une primitive de (1+tt 2 )2 est − 12 1+t 1
2 , on obtient :
Z2
t dt 1 1 2 1 1 1 1
= − = − − →− lorsque x → −∞.
x
(1 + t )2 2 2 1+ t 2 x 2 5 1+ x 2 10
R2 t dt 1
Donc −∞ (1+t 2 )2 converge et vaut − 10 .
De même Z x
t dt 1 1 x 1 1 1 1
= − = − − →+ lorsque x → +∞.
2
(1 + t 2 )2 2 1 + t 2 2 2 1 + x 2 5 10
R +∞ t dt 1
Donc 2 2 )2 converge et vaut + 10 .
R +∞ (1+tt dt 1 1
Ainsi −∞ (1+t 2 )2 converge et vaut − 10 + 10 = 0. Ce n’est pas surprenant car la fonction est une fonction impaire.
Refaites les calculs pour une autre valeur de c et vérifiez que l’on obtient le même résultat.
INTÉGRALES IMPROPRES 2. FONCTIONS POSITIVES 6
On termine en expliquant le plan du reste du chapitre. Lorsque l’on ne sait pas calculer une primitive, on a recours à
deux types de méthode : soit la fonction est de signe constant au voisinage du point incertain, soit elle change de
signe une infinité de fois dans ce voisinage (on dit alors qu’elle « oscille »). Nous distinguerons aussi le cas où le point
incertain est ±∞ ou bien une valeur finie. Il y a donc quatre cas distincts, selon le type du point incertain, et le signe,
constant ou non, de la fonction à intégrer. Ces quatre types sont schématisés dans la figure suivante et leur étude fait
l’objet des sections suivantes.
a +∞
a +∞
a b
a b
Différents types d’intégrales : intervalle non borné, fonction de signe constant ; intervalle non borné, fonction oscillante ;
intervalle borné, fonction de signe constant ; intervalle borné, fonction oscillante.
Mini-exercices. 1. Pour chacune des intégrales suivantes, déterminer le point incertain, dire si l’intégrale converge,
et si c’est le cas, calculer la valeur de l’intégrale :
Z1 Z +∞ Z1 Z ln 2
1 1
p dt cos t dt dt e t dt
0 1− t 0 0
1− t −∞
3. Écrire la preuve de la linéarité des intégrales impropres. Même chose pour la positivité.
2. Fonctions positives
R +∞
Nous considérons ici a f (t) dt, où f est de signe constant au voisinage de +∞. Quitte à réduire l’intervalle
d’intégration, et à changer éventuellement le signe de f s’il est négatif, nous supposerons que la fonction est positive
ou nulle sur l’intervalle d’intégration [a, +∞[.
a +∞
INTÉGRALES IMPROPRES 2. FONCTIONS POSITIVES 7
Démonstration. Dire que deux fonctions sont équivalentes au voisinage de +∞, c’est dire que leur rapport tend vers
1, ou encore :
f (t)
∀ε > 0 ∃A > a ∀t > A
g(t) − 1 <ε,
soit encore :
∀ε > 0 ∃A > a ∀t > A (1 − ε)g(t) < f (t) < (1 + ε)g(t) .
R +∞
Fixons ε < 1, et appliquons le théorème 2 de comparaison sur l’intervalle [A, +∞[. Si l’intégrale A f (t) dt converge,
R +∞ R +∞
alors l’intégrale A (1 − ε)g(t) dt converge, donc l’intégrale A g(t) dt aussi par linéarité.
R +∞ R +∞ R +∞
Inversement, si A f (t) dt diverge, alors A (1 + ε)g(t) dt diverge, donc A g(t) dt diverge aussi.
Exemple 7.
Est-ce que l’intégrale
+∞
t 5 + 3t + 1 −t
Z
e dt converge ?
1
t3 + 4
Comme
t 5 + 3t + 1 −t
e ∼ t 2 e−t ,
tR3 + 4 +∞
+∞
et que nous avons déjà montré que l’intégrale 1 t 2 e−t dt converge, alors notre intégrale converge.
où α > 0.
Dans ce cas, la primitive est explicite :
1 1 x
Z +∞ lim si α 6= 1
1 −α+1
t α−1
x→+∞ 1
dt =
tα x
1 lim ln t si α=1
x→+∞ 1
2.5. Application
Voici un exemple d’application :
Exemple 8.
Est-ce que l’intégrale
Z +∞ p
1 1
t 2 + 3t ln cos sin2 dt converge ?
2
t ln t
Le point incertain est +∞. Pour répondre à la question, calculons un équivalent de la fonction au voisinage de +∞.
On a : v
p t 3
t 2 + 3t = t 1 + ∼ t
t +∞
1 1 1 1
ln cos = ln 1 − 2 + o 2 ∼ − 2
t 2t t +∞ 2t
2
1 1
sin2 ∼
ln t +∞ ln t
D’où un équivalent de la fonction au voisinage de +∞ :
1 1 1
p
t 2 + 3t ln cos sin2 ∼ −
t ln t +∞ 2t (ln t)2
Remarquons que dans cette équivalence les deux fonctions sont négatives au voisinage de +∞. R +∞D’après le théorème
1
3, les deux intégrales associées sont de même nature. Mais comme l’intégrale de Bertrand 2 t (ln t)2 dt converge,
alors notre intégrale initiale est aussi convergente.
3. Fonctions oscillantes
R +∞
Nous considérons ici a
f (t) dt, où f (t) oscille jusqu’à l’infini entre des valeurs positives et négatives.
a +∞
Le théorème suivant est souvent utilisé pour démontrer la convergence d’une intégrale. Malheureusement, il ne permet
pas de calculer la valeur de cette intégrale.
Théorème 4.R
+∞
Si l’intégrale a f (t) dt est absolument convergente, alors elle est convergente.
Autrement dit, être absolument convergent est plus fort qu’être convergent.
Exemple 9.
Par exemple,
Z +∞
sin t
dt est absolument convergente,
1
t2
donc convergente. En effet, pour tout t,
| sin t| 1
6 2.
R +∞ t2 t
1
Or l’intégrale de Riemann 1 t2 dt est convergente. D’où le résultat par le théorème 2 de comparaison.
INTÉGRALES IMPROPRES 3. FONCTIONS OSCILLANTES 11
Définition 4. R
+∞
Une intégrale a f (t) dt est semi-convergente si elle est convergente mais pas absolument convergente.
Exemple 10.
Z +∞
sin t
dt est semi-convergente.
1
t
Nous allons prouver qu’elle est convergente, mais pas absolument convergente.
1. L’intégrale est convergente.
Pour le montrer, effectuons une intégration par parties (avec u0 = sin t, v = 1t ) :
Z x h − cos t i x Z x cos t
sin t
dt = − dt .
1
t t 1 1
t2
Examinons
− cos t xles deux termes :
cos x
• t = − + cos 1. Or la fonction cosx x tend vers 0 (lorsque x → +∞), car cos x est bornée et 1x tend
1 −x cos t x
vers 0. Donc t 1
admet une limite finie (qui est cos 1).
R +∞ cos t
• Pour l’autre terme, notons d’abord que 1 t 2 dt est une intégrale absolument convergente. En effet
| cos t| 1
R +∞ 1
t 2 6 t 2 et l’intégrale de Riemann 1 t 2 dt converge.
R +∞ cos t Rx t
Par conséquent, 1 t2 dt converge, ce qui signifie exactement que 1 cos t 2 dt admet une limite finie.
R x sin t R +∞ sin t
Conclusion : 1 t dt admet une limite finie (lorsque x → +∞), et donc par définition 1 t dt converge.
Comme G est bornée et f tend vers 0, le terme entre crochets converge. Montrons maintenant que le second terme
converge aussi, en vérifiant que
Z +∞
f 0 (t) G(t) dt est absolument convergente.
a
On a :
f 0 (t) G(t) = f 0 (t) G(t) 6 − f 0 (t) M ,
Z x
− f 0 (t) dt = f (a) − f (x) et lim ( f (a) − f (x)) = f (a) .
x→+∞
a
Exemple 11.
Comme exemple d’application, si α est un réel strictement positif, et k un entier positif impair, alors l’intégrale
Z +∞
sink (t)
dt converge.
1
tα
Remarquons que cette intégrale n’est absolument convergente que pour α > 1. On vérifie que les hypothèses du
théorème 5 sont satisfaites pour f (t) = t1α et g(t) = sink (t). Pour s’assurer que la primitive de sink est bornée, il suffit
de penser à une linéarisation, qui transformera sink (t) en une combinaison linéaire des sin(`t), ` = 1, . . . , k, dont la
primitive sera toujours bornée.
Mini-exercices. 1. Soient f : [a, +∞[→ R une fonction continue et α > 12 tel que lim t→+∞ t α f (t) = 0. Montrer que
R +∞ f (t) R +∞
l’intégrale a t α dt est absolument convergente. En déduire que si P(t) est un polynôme alors 0 P(t)e−t dt
converge.
R +∞ ei t
2. En admettant que le théorème d’Abel est vrai pour une fonction g à valeurs complexes, montrer que 1 t α dt
est convergente pour tout α > 0. Est-elle toujours absolument convergente ?
R (n+1)π sin t
3. Montrer nπ dt > 2 . (Indication : garder le sinus dans une première minoration.) En utilisant
t (n+1)π
R +∞
un résultat sur les séries, en déduire une nouvelle démonstration du fait que l’intégrale π sint t dt n’est pas
absolument convergente.
a b
INTÉGRALES IMPROPRES 4. INTÉGRALES IMPROPRES SUR UN INTERVALLE BORNÉ 13
Théorème 6.
Soient f et g deux fonctions positives et continues sur ]a, b]. Supposons que f soit majorée par g au voisinage de a,
c’est-à-dire :
∃ε > 0 ∀t ∈]a, a + ε] f (t) 6 g(t) .
Rb Rb
1. Si a g(t) dt converge alors a f (t) dt converge.
Rb Rb
2. Si a f (t) dt diverge alors a g(t) dt diverge.
Exemple 12.
Fixons un réel α. Est-ce que l’intégrale
1
(− ln t)α
Z
p dt converge ?
0 t
• Pour le savoir nous écrivons :
(− ln t)α
= (− ln t)α t 1/4 t −3/4 .
p
t
α 1/4
• On sait que lim t→0 + (− ln t) t = 0, pour tout α (les puissances de t l’emportent sur le logarithme).
• En particulier, il existe un réel ε > 0 tel que :
∀t ∈]0, ε] (− ln t)α t 1/4 6 1 .
• En multipliant les deux membres de l’inégalité par t −3/4 on obtient :
(− ln t)α
∀t ∈]0, ε] p 6 t −3/4 .
t
R1
• Or l’intégrale 0 t −3/4 dt converge. En effet :
Z1
1
t −3/4 dt = 4t 1/4 = 4 − 4x 1/4 et lim+ (4 − 4x 1/4 ) = 4 .
x x→0
x
(− ln t)α
R1 R1
• On peut donc appliquer le théorème 6 de comparaison : puisque 0
t −3/4 dt converge, alors 0
p
t
dt converge
aussi, quel que soit α.
Exemple 13.
L’intégrale
Z 1v
t − ln t + 1
dt converge.
0
sin t
En effet, v
t − ln t + 1 (− ln t)1/2
∼+ p ,
sin t 0 t
R1 (− ln t)1/2
et nous avons déjà montré que l’intégrale 0
p
t
dt converge.
L’utilisation des équivalents permet ainsi de ramener l’étude de la convergence d’une intégrale pour laquelleR 1on n’a
pas de primitive à un catalogue d’intégrales dont la convergence est connue. Les plus classiques sont du type 0 t1α dt,
mais attention, la convergence en fonction du paramètre α est inversée par rapport aux intégrales de Riemann.
Exemple 14.
Z 1
1
Si α < 1 alors dt converge.
0
tα
Z 1
1
Si α > 1 alors dt diverge.
0
tα
a b
1
Le changement de variable u = t−a permet de se ramener au cas précédent d’une fonction oscillante sur un intervalle
non borné, ce qui nous dispensera de donner autant de détails.
Rappelons que, par définition,
Z b Z b
f (t) dt = lim+ f (t) dt .
x→a
a x
La notion importante est toujours la convergence absolue.
Définition 5. Rb Rb
Soit f une fonction continue sur ]a, b]. On dit que a f (t) dt est absolument convergente si a f (t) dt est une
intégrale convergente.
On pourrait énoncer un théorème d’Abel analogue au théorème 5, mais cela n’est pas vraiment utile. D’une part les
fonctions auxquelles il s’appliquerait se rencontrent rarement, et d’autre part, il est en général facile de se ramener à
1
R 1 sin 1
un problème sur [c, +∞[, par le changement de variable t 7→ u = t−a : nous l’avons déjà fait pour 0 t t dt.
Théorème 9.
Soient u et v deux fonctions de classe C 1 sur l’intervalle [a, +∞[. Supposons que lim t→+∞ u(t)v(t) existe et soit finie.
Z +∞ Z +∞
Alors les intégrales u(t) v 0 (t) dt et u0 (t) v(t) dt sont de même nature. En cas de convergence on a :
a a
Z +∞ Z +∞
+∞
u(t) v 0 (t) dt = uv a − u0 (t) v(t) dt
a a
+∞
On rappelle que uv a = lim t→+∞ (uv)(t) − (uv)(a).
Le mieux n’est pas d’appliquer le théorème, mais d’effectuer la preuve à chaque fois, c’est-à-dire en faisant une
intégration par parties sur l’intervalle [a, x] et en vérifiant bien que les objets ont une limite lorsque x → +∞.
Exemple 16.
Soit λ > 0. Que vaut l’espérance de la loi exponentielle :
Z +∞
λt e−λt dt ?
0
−1 −λt
On effectue l’intégration par parties avec u = λt, v 0 = e−λt . On a donc u0 = λ et v = λ e . Ainsi
Z x Z x
λt e−λt dt = u(t) v 0 (t) dt
0 0
Z x
x
= uv 0 − u0 (t) v(t) dt
0
Z x
−1 −λt x −1 −λt
= λt · e − λ· e dt
λ 0
0
λ
Z x
= −x e−λx + e−λt dt
0
−1 x
= −x e−λx + e−λt
λ 0
1 −λx
= −x e−λx
− e −1
λ
1
−→ lorsque x → +∞
λ
Théorème 10.
Soit f une fonction définie sur un intervalle I = [a, +∞[. Soit J = [α, β[ un intervalle avec α ∈ R et β ∈ R ou
R +∞ Rβ
β = +∞. Soit ϕ : J → I un difféomorphisme de classe C 1 . Les intégrales a f (x) dx et α f ϕ(t) · ϕ 0 (t) dt sont
de même nature. En cas de convergence, on a :
Z +∞ Zβ
f ϕ(t) · ϕ 0 (t) dt
f (x) dx =
a α
La démonstration est la même que le changement de variable usuel. Encore une fois, le mieux n’est pas d’appliquer le
théorème mais d’effectuer un changement de variable classique sur l’intervalle [a, x], puis d’étudier les limites lorsque
x → +∞.
On rappelle que ϕ : J → I un difféomorphisme de classe C 1 si ϕ est une application C 1 , bijective, dont la bijection
réciproque est aussi C 1 .
L’exemple suivant est particulièrement intéressant : la fonction f (t) = sin(t 2 ) a une intégrale convergente, mais ne
tend pas vers 0 (lorsque t → +∞). C’est à mettre en opposition avec le cas des séries : pour une série convergente le
terme général tend toujours vers 0.
Exemple 17.
L’intégrale de Fresnel
Z +∞
sin(t 2 ) dt converge.
1
INTÉGRALES IMPROPRES 5. INTÉGRATION PAR PARTIES – CHANGEMENT DE VARIABLE 17
p p
On effectue le changement de variable u = t 2 , qui induit t = u, dt = 2du p . ϕ : u 7→ t =
u
u est un difféomorphisme
entre u ∈ [1, x 2 ] et t ∈ [1, x]. D’où
Z x Z x2
du
sin(t ) dt =
2
sin(u) p .
1 1 2 u
R +∞ sin u R x2 du
Or par le théorème d’Abel 1 p du converge, donc
u 1
sin(u) 2pu admet une limite finie (lorsque x → +∞), ce
Rx R +∞
qui prouve que 1 sin(t ) dt admet aussi une limite finie. Conclusion : 1 sin(t 2 ) dt converge.
2
Exemple 18.
Calculons la valeur des deux intégrales
Z π Z π
2 2
1. L’intégrale I converge.
R π2
Le point incertain est en t = 0. Comme sin t ∼+ t, ln t 6 p1t (pour t assez petit), et l’intégrale 0
p1
t
dt converge,
0
R π2
alors l’intégrale 0 ln t dt converge, ce qui implique que I converge.
2. Vérifions I = J.
π
Effectuons le changement de variable t = 2 − u. On a dt = −du et un difféomorphisme entre t ∈ [x, π2 ] et
u ∈ [ π2 − x, 0]. Ainsi
Z π2 Z0 π Z π2 −x
ln(sin t) dt = ln sin −u − du = ln(cos u) du.
x π
−x
2 0
2
Z π Z π
2 2
I +J = ln(sin t) dt + ln(cos t) dt
0 0
Z π
2
= ln(sin t) + ln(cos t) dt
0
Z π
2
= ln(sin t · cos t) dt
0
Z π
2
1
= ln 2 sin(2t) dt
0
π
π
Z 2
= − ln 2 + ln sin(2t) dt
2 0
Et comme I = J, on a
π
2I = − ln 2 + K.
2
INTÉGRALES IMPROPRES 5. INTÉGRATION PAR PARTIES – CHANGEMENT DE VARIABLE 18
R π2
Il nous reste à évaluer K = 0
ln sin(2t) dt :
Z π2
K= ln sin(2t) dt
0
Z π
1
= ln(sin u) du (changement de variable u = 2t)
2 0
Z π
1 1
= I+ ln(sin u) du
2 2 π
2
Z 0
1 1
= I+ ln sin(π − v) (−dv) (changement de variable v = π − u)
2 2 π
2
Z π
1 1 2
= I+ ln(sin v) dv
2 2 0
1 1
= I+ I
2 2
=I
4. Conclusion.
Ainsi comme 2I = − π2 ln 2 + K et K = I on trouve :
Z π2
π
I= ln(sin t) dt = − ln 2
0
2
et J = I.
Z +∞
sin |t| sin |t|
I= dt |t|3/2
−∞
|t|3/2
Rappelons que le choix des points de découpe, ici −1 ici +1, n’a pas d’importance pour la convergence. Chacune des
intégrales obtenues doit être étudiée séparément. L’intégrale I n’est définie que si chacun des morceaux converge.
3. Se ramener à une intégrale sur [a, +∞[ ou sur ]a, b].
Pour cela, il suffit d’effectuer le changement de variable t 7→ −t. Dans notre cas, puisque la fonction est paire,
I1 = I4 et I2 = I3 .
4. Calculer une primitive si c’est possible.
Ayant une primitive, le problème est ramené à un calcul de limite. Si on n’a pas de primitive explicite, alors :
5. Si la fonction est de signe constant.
Changer éventuellement le signe pour se ramener à une fonction positive. Calculer un équivalent au voisinage du
point incertain et utiliser le théorème 3 ou 7 des équivalents. Si l’équivalent ne donne pas la réponse directement,
utiliser le théorème 2 ou 6 de comparaison. Dans notre exemple, l’intégrale I3 est celle d’une fonction positive,
tendant vers +∞ en 0+ :
t −3/2 sin |t| ∼+ t −1/2 .
0
R1 1
Or l’intégrale 0 t 1/2 dt converge, donc I3 converge.
6. Si la fonction n’est pas de signe constant.
Commencer par étudier l’intégrale de | f |, comme dans le cas précédent (équivalent ou comparaison). Si elle
converge, l’intégrale étudiée est absolument convergente, donc convergente. Si l’intégrale n’est pas absolument
convergente, il faut essayer de mettre la fonction sous forme d’un produit pour appliquer le théorème d’Abel
(théorème 5). Dans notre exemple, l’intégrale I4 est absolument convergente : on le déduit du théorème de
comparaison, car
t −3/2 sin |t| 6 t −3/2 ,
R +∞ 1
et l’intégrale de Riemann 1 t 3/2
dt est convergente. On pourrait aussi appliquer le théorème d’Abel avec
f (t) = t −3/2 et g(t) = sin t.
R +∞
Mini-exercices. 1. Soit I n = 0 t n e−t dt. Calculer I0 . Par intégration par parties, trouver une relation de récur-
rence entre I n+1 et I n . En déduire que I n = n!.
R 1 ln t
2. Par intégration par parties, montrer que l’intégrale 0 (1+t) 2 dt converge et vaut − ln 2.
R +∞
3. Soit I = 0 ln(1+ t12 ) dt. Identifier les points incertains. Faire une intégration par parties en écrivant 1·ln(1+ t12 ).
Montrer que I converge et que I = π.
R1
4. Soit I = 0 (− ln t)β dt. Identifier les points incertains. À l’aide du changement de variable t = 1u , montrer que
cette intégrale converge quel que soit β ∈ R.
R +∞ dt
5. Soit I = 0 p . Identifier les points incertains. À l’aide du changement de variable t = u2 , montrer que
t2+ t p
4 3π
l’intégrale converge et que I = 9 .
Auteurs du chapitre
• D’après un cours de Luc Rozoy et Bernard Ycart de l’université de Grenoble pour le site M@ths en Ligne.
• et un cours de Raymond Mortini, de l’université de Lorraine,
• mixé, révisé par Arnaud Bodin. Relu par Stéphanie Bodin et Vianney Combet.