Cours Sur Les Acteurs Du Cyberespace
Cours Sur Les Acteurs Du Cyberespace
Cours Sur Les Acteurs Du Cyberespace
ACTEURS DU DROIT DU CYBERESPACE.
Auteur : CISSE Abdoullah
Les apprenants au terme du module seront en mesure de :
• Identifier les catégories d’acteurs évoluant dans l’environnement du cyberespace ;
• Elaborer des stratégies nationales de coordination des compétences entre les
acteurs intervenant dans le cyberespace ;
• Analyser les opportunités et les risques liés à l’interaction entre les différentes
catégories d’acteurs ;
• Permettre à l’apprenant de faire le point sur contraintes relatives au processus
international de prise de décision.
Description :
Le module sur les acteurs du droit du cyberespace cherche à établir une cartographie des
divers acteurs intervenant dans l’environnement des TIC, tout en s’intéressant à la place et
au rôle joué par chaque catégorie d’acteur séparément ou en interagissant avec les
autres.
INTRODUCTION.
Le cyberespace est par excellence le lieu d’une nouvelle socialisation d’architecture
cybernétique et de type interactif. De ce fait, le niveau de connectivité entre les structures
étatiques et sociétales détermine dans une large mesure l’identité et la qualité des acteurs
intervenant dans le cyberespace interne. Espace transfrontière, le cyberespace met en
relation des acteurs issus de cultures différentes et soumis à une législation distincte. Par
conséquent, la distribution des groupes d’acteurs se fera au moyen des centres d’intérêts
ou des valeurs partagées par les cybernautes, et ce, de manière transfrontière. Audelà du
critère territorial, la communauté des cybernautes (ayant pour lien de regroupement
objectif l’usage des fonctionnalités de cyberespace), entité formellement homogène se
distingue par la variabilité des ses composantes. En effet, l’acceptation paradigmatique du
vocable cybernaute ou celui d’acteur pour désigner un usager du cyberespace traduit la
reconstitution d’un ensemble de structures ou d’individus mettant en relation des Etats,
des organisations intergouvernementales ou non gouvernementales, le secteur privé, la
société civile ou simplement le citoyen. Ce premier niveau d’articulation dissimule une
organisation plus complexe en fonction de la spécialisation des participants au système.
Aussi, selon que l’architecture (matériels, logiciels, connexion, etc.) est en cause, ou selon
que le contenu est à définir, ou même la régulation des deux, la typologie des acteurs
intervenant dans le cyberespace est susceptible de connaître des variations.
L’enjeu d’une étude des acteurs du cyberespace révèle la nécessité de dresser une
cartographie des interventions suivant un ensemble de critères relatifs à : l’identité, la
nature, la spécialité et la fonction jouée par chacune des composantes. Un recentrage
fonctionnel de l’application de ces critères aux entités du cyberespace aurait pour
conséquence, d’appréhender les instances ayant une vocation générale (chapitre I) à côté
des instances dont la compétence est exclusive (Chapitre II) avant de voir le cas particulier
des acteurs de la société civile (Chapitre III).
Chapitre I : Les acteurs du cyberespace à compétence générale ou
transversale.
Parag. 1 : Les acteurs publics internationaux.
Le régime des acteurs publics internationaux relève du droit international public de
manière traditionnel. La reconnaissance des instances et les missions qui leurs sont
assignées trouvent un fondement juridique et éthique dans la conscience historique du «
droit des gens », telle conçue par les précurseurs de la matière. Seulement, le
cyberespace, en raison de sa nature transfrontière possède de façon consubstantielle les
germes de l’internationalité. Il en résulte une certaine particularité de la qualification d’ «
international » à un organisme y intervenant. Aussi, par souci de simplification,
l’acceptation d’organisation internationale au sens du droit international public sera reprise.
Parmi les organismes internationaux intervenant dans le cyberespace, les
organisations politiques semblent occupées une place importante. L’Organisation des
Nations Unies et ses différents démembrements se positionnent dans le management de
la société de l’information. Ainsi, la définition des politiques publiques par les instances
bénéficiant d’une représentativité élargie transpose simplement les procédures
d’intervention du monde réel au monde virtuel. En effet, les déclarations et plan d’actions
adoptés sous l’égide des Nations Unies servent de principes directeurs aux législations
nationales destinées à être directement applicable au cyberespace.
A côté des Nations Unies, d’autres organisations internationales à vocation
générale par rapport à la spécificité technique du cyberespace jouent un rôle important à
divers niveaux. Il s’agit souvent, d’organismes régionaux ou dont la compétence s’étend à
un domaine transversal intéressant Internet. Ainsi, l’Afrique est représentée par l’UA, la
CEA et par le NEPAD qui à un volet important sur le renforcement de l’utilisation des TIC
par les pays en développement, l’OHADA, l’UEMOA et la CEDEAO qui ont chacun pour sa
part une politique régionale sur l’environnement juridique des TIC. En effet, avec des
projets d’harmonisation des législations nationales sur les TIC, ces instances
communautaires participent à la construction d’un cyberdroit africain plus conforme avec
les réalités continentales. Sous le couvert de la coopération internationale, les instances
africaines élaborent des cadres de concertation et des politiques communes avec l’OCDE,
le CNUCED, l’UE ou d’autres organisations internationales. Les initiatives issues de ces
rencontres forment un ensemble pertinents de documents et d’institutions en mesure
d’accroître la participation africaine au processus de décision internationale.
Une autre dimension majeure du volet international concerne les ONG. En effet,
l’action des ONG en faveur du développement des TIC dans les pays en développement.
Le cas de l’Afrique est assez symbolique de ce type de relation nouée en marge des
cadres formels de négociations internationales.
Parag. 2 : Les acteurs publics nationaux.
L’Etat reste la principale constante dans la hiérarchie des organismes intervenant
dans le cyberespace au niveau national. De conception souverainiste, l’implication des
acteurs publics locaux obéit aux mêmes rapports hiérarchiques que dans l’administration.
Ainsi, les organes centraux de l’Etat regroupés autour des ministères chargés des
télécommunications ou des TIC dans les pays africains coordonnent la politique
gouvernementale en la matière. Les ministères sont appuyés par un ensemble de services
spécialisés et souvent proches des autorités administratives indépendantes. Au Sénégal
par exemple, le ministère des télécommunications s’appuie sur des régulateurs (ART,
HCA) et des services spécialisés (ADIE, APIX) pour promouvoir les orientations de la
société sénégalaise de l’information et contrôler les activités des acteurs intervenant dans
le cyberespace. Pour la plupart des pays africains, les organes centraux sont directement
rattachés au sommet de l’Etat soit par le biais des services de la Présidence (le cas du
Sénégal), soit à travers la Primature (le cas du Niger).
La décentralisation a poussé les autorités centrales à une plus large intégration des
acteurs locaux dans la gestion des affaires publiques. Il en ressort, comme dans les pays
développés où l’administration décentralisée détient un certain nombre de prérogatives.
En effet, en France, suite au décret du 25 mai 2001, les collectivités publiques peuvent
proposer des documents administratifs en ligne. Au Sénégal, l’expérience du service
public d’état civil en ligne est en train de doter les collectivités locales d’une véritable
expérience en la matière. Pour ces entités, la décentralisation numérique conduirait à la
reproduction des prérogatives de la décentralisation territoriale est de ce fait, contribue à
fixer un régime juridique propre au cyberdroit.
Les entreprises publiques et autres composantes spécifiques de l’administration
connaissent une invite identique en tant que membre de la communauté des internautes.
Les entreprises nationales surtout tournées vers les télécommunications jouent à cet
égard un rôle important dans la dématérialisation de certains services.
L‘agencement des acteurs publics intervenant dans le cyberespace laisse
transparaître une certaine juxtaposition des rapports du droit international public dans
Internet. Seulement, le cyberespace présenté comme cadre de liberté, il serait souhaitable
d’envisager le comportement des instances privées.
Section 2 : Les acteurs privés.
L’admission du secteur privé comme entité autonome en compagnie des Etats et de
la société civile a un soubassement idéologique lié au triomphe de l’économie de marché
sur les autres systèmes à vocation organisationnelle. Confrontés au cyberespace, les
mécanismes de l’économie de marché se sont adaptés au point de se situer en
concurrence directe avec les autorités publiques dans la régulation des relations qui
s’établissent autour de l’accès et de l’utilisation des ressources du
monde virtuel. De part et d’autre des frontières, l’on assiste aux manifestions
considérables de l’action du secteur privé international (parag. 1) à côté de celui national
(parag. 2).
Parag. 1 : Le secteur privé international.
Parag. 2 : Le secteur privé national.
Section 1 : Les régulateurs techniques.
La famille des régulateurs techniques met en évidence la cohabitation entre deux
niveaux d’intervention. D’une part, existe des organismes qui sont impliqués dans la
régulation de l’architecture du cyberespace, et de ce fait ont une compétence générale
(parag. 1) et d’autre part, des organes intervenant dans la gestion de certaines
fonctionnalités du cyberespace conduisant à une prérogative restreinte(parag. 2).
Parag. 1 : Les régulateurs techniques généraux.
est présente en Afrique, où AfriNIC qui est le cinquième registre régional d’Internet devra
jouer un rôle important dans la régulation technique du cyberespace.
L’IETF s’intéresse directement aux caractéristiques qui ont pour objet l’architecture
d’Internet. Aussi, les aspects qui concernent les réseaux, les fournisseurs d’accès, des
protocoles (IPv6) sont débattus et traités en son sein. L’IETF est appuyée par l’ISOC
(Internet Society) qui vise la coopération internationale dans le domaine d’Internet.
Le W3C est quant à lui associé au développement des programmes et codes
devant facilités l’utilisation des ressources informationnelles du cyberespace. La structure
de son organisation et son mode de fonctionnement originale lui assure une envergure
technique et normative intéressante. En vue de prolonger l’activité des régulateurs
généraux, d’autres structures à portée plus restreinte interviennent aussi dans la
2 Les informations sur l’historique et les compétences de l’ICANN sont disponibles sur son site :
http://www.icann.org
régulation d’Internet.
Parag. 2 : Les régulateurs techniques spécialisés.
Section 2 : Les acteurs de la régulation mixte.
Le volet social de la régulation d’Internet est régi par un ensemble d’organes situé
tant au niveau international (parag. 1), qu’au niveau des Etats (parag. 2).
Parag. 1 : A l’échelle internationale.
La plus ancienne et la plus connue des organismes de régulation technique est
sans doute l’UIT (Union Internationale des Télécommunications). Organe à caractère
technique, l’UIT s’est distinguée ces dernières décennies par son implication dans la mise
en place d’une société mondiale de l’information sous l’égide des Nations Unies.
L’exemple du Forum régional de l’UIT pour l’Afrique (Dakar, 2931 juillet 2003) est assez
illustratif des démarches entreprises par l’organisation en vue de promouvoir la
gouvernance internationale d’Internet. L’UIT s’engage en outre dans les domaines de
radiocommunications et de normalisation des télécommunications en vue de contribuer à
l’interconnectivité entre les systèmes nationaux de communications.
A l’instar de l’UIT, l’OMC tout comme l’OMPI cherchent à bien négocier l’influence
des TIC sur leur domaine d’intervention. Il en est ainsi des stratégies de régulation de l’e
commerce par l’OMC ou la gestion de la propriété intellectuelle par l’OMPI. Sur ces deux
points, divers accords sont issus des négociations passées ou en cours dans la
perspective d’une rationalisation des efforts étatiques de réguler ces secteurs.
Au niveau africain, les démembrements des organisations internationales tentent le
pari de l’adaptation des évolutions mondiales au contexte et moyens des Etats, sans
toutefois oublier le rôle joué par les organismes communautaires tel que l’ARTAO
(Association des régulateurs de télécommunication de l’Afrique de l’Ouest). Ainsi, l’ARTAO
qui opère dans la zone CEDEAO poursuit un objectif d’harmonisation des législations en
vue de promouvoir le service universel (les points retenus par le plan stratégique 2005
2008). En prolongement de ces initiatives internationales, des régulateurs nationaux
entendent relever le défi d’une implication correcte de tous dans le cyberespace.
Parag. 2 : A l’échelle nationale.
Sans prétendre à l’exhaustivité, la typologie des organisations nationales vouées à
la régulation du cyberespace concerne souvent les autorités administratives
indépendantes chargées de veiller au bon fonctionnement des mécanismes induits par la
privatisation et la libéralisation du secteur des télécommunications. Dans l’espace
CEDEAO par exemple, il s’agit des organismes membres de l’ARTAO, tels que l’ART
(Sénégal), DPPT (Bénin), ARTEL (Burkina Faso), ATCI (C.I), NCC (Nigeria), CRT (Mali) ou
encore le NCA (Ghana). Toutes ces organisations oeuvrent au plan national à maintenir un
niveau approprié d’intégration des TIC dans le processus de développement des pays. En
outre, les prérogatives réglementaires attribuées à ces entités contribuent à asseoir un
contrôle plus pragmatique des activités des acteurs privés dans les domaines de
l’interconnexion, la tarification et l’Internet hautdébit.
Par ailleurs, d’autres organes similaires aux régulateurs du secteur des
télécommunications exercent des responsabilités dans la régulation légale. Il s’agit par
exemple du HCA (Haut Conseil de l’Audiovisuel) au Sénégal chargé de réguler les média
publics et privés, notamment les radios et les télévisions. Des instances similaires existent
dans la sousrégion, autonome ou pas, en appoint aux activités des ministères chargés
des télécommunications. Cette spécialisation fonctionnelle concerne aussi les secteurs de
l’électricité et de l’électronique.
Avec le développement de la messagerie instantanée en ligne, un autre service a
du s’adapter aux évolutions touchant l’acheminement du courrier, il s’agit de la poste. En
effet, les services postaux connaissent un début de dématérialisation de leurs services,
afin de faire face à la concurrence des sites proposant des formes de communication
instantanées ou différées en ligne.
Le secteur privé est l’un des deux acteursclés du cyberespace en compagnie de la
société civile.
Chapitre III : Les acteurs de la société civile.
Le concept de société civile est une réalité composite regroupant aussi des
associations transnationales, régionales, nationales et locales, que des individus qui
militent pour une cause déterminée ou revendique un droit précis. Les négociations de
l’OMC sur le commerce internationale ont mis en évidence la variabilité et l’intensité des
revendications collectives sur plusieurs thématiques différentes. L’Internet non plus a
échappé à ce nouveau phénomène soucieux d’une plus grande équité dans l’accès et la
régulation du cyberespace.
Collectif. Le premier sommet mondial sur la société de l’information a permis à de
nombreuses associations représentatives de média ou de sensibilités culturelles de
participer aux réunions préparatoires en vue de répercuter dans les actes finaux leurs
préoccupations. Ainsi, la Prepcom de Bamako aura donné à l’Afrique l’opportunité de
réunir les acteurs de la société civile et de mettre en évidence les manifestations de la
fracture numérique. Plus récemment encore, l’UNESCO à travers ses rencontres
thématiques préparatoires au Sommet de Tunis tente de soulever l’importance des
questions linguistiques et culturelles dans leurs interactions avec le cyberespace. Ces
enjeux cruciaux pour le continent africain révèle une synergie régionale structurée autours
de revendications communes et dont le point culminant est sans aucun doute le concept
de fracture numérique que tente de juguler la solidarité numérique, autre création
africaine. En relation avec les spécificités africaines, une société civile internationale tisse
sa toile dans le cyberespace grâce aux forums sur Internet. Elle œuvre pour la
reconnaissance de la liberté d’expression, la liberté de navigation, liberté d’accès entre
autres besoins. En effet, il est assez symptomatique de constater l’absence permanente
des membres de la société civile dans les instances de prise de décision internationale.
En Afrique surtout, cette absence est renforcée par le gap numérique qui prolonge ses
avatars dans le monde physique.
Individuel. C’est la transcription de la notion de citoyen du cyberespace qui incarne
le mieux la dimension individuelle de la société civile. En effet, l’homme est opposé à l’Etat
et au marché dans sa relation avec le cyberespace. D’un côté survient la question des
libertés face au cyberdroit, de l’autre intervient les droits des consommateurs face à
l’emprise croissante du marché dans le cyberespace. Entre les deux, se dresse les
préoccupations sociales autour de la langue, la culture, l’éducation voire le bienêtre tout
simplement. Le cybernaute africain, en particulier, devra surmonter les termes de cette
équation pour envisager sa participation réelle à l’animation et la régulation du
cyberespace.