04H1 Agea
04H1 Agea
04H1 Agea
de diagnostic
d’une exploitation agricole
Méthodologie
de diagnostic
d’une exploitation agricole
Christian Belot
Collection J’apprends
Coordination pédagogique CNPR
Maquette et couverture : Brigitte Mignotte (Éducagri éditions)
Photo de couverture : © Christophe Maître / INRA
Montage : Mylène Mialon (CNPR)
Chef de projet pédagogique : Marie-Odile Bauer (CNPR)
Expert disciplinaire : Cyril Otz (LEGTA de Besançon)
Introduction 9
Quelques clés de lecture 11
Séquence 1
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ? 13
Étape 1 Qu’est-ce qu’un diagnostic ? 14
1. Un diagnostic est une démarche d’investigation 14
2. Un diagnostic s’appuie sur des valeurs de référence 17
3. Un diagnostic est analytique ou global 22
Étape 2 Un diagnostic est le reflet d’une époque 25
1. Les années 1945 à 1960 : les débuts de la gestion 26
2. Les années 1960 à 1980 : le diagnostic est avant tout technique
et normatif 27
3. Les années 1980 à 1990 : l’apparition de la méthode
de l’Approche Globale de l’Exploitation Agricole 29
4. Après les années 1990 : la gestion de l’exploitation agricole
s’enrichit de nouveaux diagnostics 31
Étape 3 Quel diagnostic pour une exploitation agricole ? 36
1. Un diagnostic « médical », analytique, global ou humaniste ? 36
2. Vers une synthèse de diagnostics complémentaires
et interdépendants 43
Séquence 2
Mettre en œuvre le diagnostic global
sur une exploitation agricole 49
Préambule - Les éléments et les caractéristiques d’un diagnostic global 50
Étape 1 Réaliser une approche globale de l’exploitation agricole 52
1. Élaborer un schéma décisionnel explicite 53
2. Modéliser le système de production 56
Étape 2 Mettre en évidence forces, faiblesses et marges de progrès 60
1. Les forces et faiblesses ne sont pas des atouts et contraintes 61
2. Marges de progrès et pistes d’amélioration 63
Étape 3 Aboutir au diagnostic global 64
1. Une synthèse hiérarchisée des différents diagnostics 64
2. Exercice d’application à partir d’un article : « Un élevage dynamisé
par la filière AOC Époisses » 65
Séquence 3
Prendre en compte la cohérence du système
exploitation-famille 77
Préambule - Qu’est-ce que la cohérence ? 78
Étape 1 La cohérence économique et financière 79
Étape 2 La cohérence du système de production :
un facteur d’efficacité économique 80
1. La cohérence du système de production : une affaire d’équilibre
entre de nombreuses variables interdépendantes 82
2. Choix de conduites d’une exploitation (exercice) 84
Étape 3 Le bon équilibre social : concilier revenu et qualité de vie 90
Séquence 4
Relativiser les résultats :
comparaison à un groupe et aux années passées 93
Étape 1 Utiliser des critères et indicateurs de jugement 94
1. La question de la pertinence des critères de jugement 95
2. Les critères de jugement compréhensif 99
3. Les critères de jugement normatif 101
Étape 2 Élaborer des critères de jugement pertinents 102
1. Les grandeurs correspondent à des valeurs brutes, des montants 102
2. Les ratios (ou valeurs relatives) établissent des rapports
entre deux grandeurs 103
3. Les indicateurs qualitatifs 104
Étape 3 Situer l’exploitation dans un groupe (références spatiales) 104
1. Les critères de constitution d’un groupe 105
2. La classification du groupe : base de comparaison pour mesurer
les performances 108
Étape 4 Étudier l’évolution des résultats (références temporelles) 109
1. Le choix de la durée 109
2. L’évolution des résultats est un élément de diagnostic 110
3. Exercice : les clés d’optimisation économique 112
Séquence 5
Rechercher les causes des résultats obtenus
et vérifier la validité des informations 119
Étape 1 Partir du plus général vers le plus analytique, le plus technique 120
1. « L’arbre à diagnostic » 120
2. Faut-il étudier chaque branche de l’arbre à diagnostic ? 121
3. Exercice : construction d’un arbre à diagnostic 128
Étape 2 Collecter une information fiable pour obtenir des résultats pertinents 131
1. Les différentes sources d’information 131
2. L’information est-elle fiable ? 133
3. La collecte d’informations techniques 135
Conclusion 141
9
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
• La troisième séquence aborde la prise en compte de la cohérence du système
d’exploitation dans un diagnostic. On commence par définir ce qu’on entend par
« cohérence », (étape 1), pour expliquer ensuite dans les étapes suivantes comment
on prend en compte dans le diagnostic :
- la cohérence économique et financière sur une exploitation agricole ;
- la cohérence du système de production ;
- et le bon équilibre social qui vise à concilier revenu et qualité de vie.
• La quatrième séquence aborde les indicateurs ou critères de jugement utilisés dans
un diagnostic : comparaison avec des données de groupe et/ou des références
spatiales, mais aussi avec des évolutions (références temporelles).
L’objectif de cette étape n’est pas d’établir une liste des critères à utiliser pour dia-
gnostiquer une exploitation agricole, mais de développer son regard critique sur
cette notion d’indicateur qui, comme son nom l’indique, vise à «indiquer» une situa-
tion comme on « indique une direction ». Les critères de jugement sont porteurs
de subjectivité, et il convient de se poser la question du sens donné aux critères
employés.
• La cinquième et dernière séquence présente la démarche d’analyse dans un dia-
gnostic : recherche structurée et organisée des causes permettant d’expliquer les
résultats obtenus, donc les points forts et les points faibles de l’exploitation.
Nous utilisons la notion d’ « arbre à diagnostic ». Pour finir, nous prodiguons
quelques conseils pour collecter une information fiable relative au fonctionnement
de l’exploitation et analyser cette information.
La plupart des séquences sont illustrées par des exemples simples et des schémas
visant à faire comprendre les concepts propres à la notion de diagnostic.
Au fur et à mesure de la présentation de concepts, des tests d’évaluation vous sont
proposés afin de vérifier la bonne compréhension des notions essentielles. Ces tests
s’appuient sur des articles issus de la presse agricole ou prendront la forme d’exercices
simples.
Les éléments essentiels à retenir impérativement sont mis en évidence (rubrique «Réca-
pitulons »).
Bonne lecture !
Quelques clés de lecture
Test : certaines étapes se terminent par un test qui vous permet de véri-
fier que les connaissances sont assimilées.
Récit : le texte qui suit est le récit ou la description d’un cas concret sur
lequel vous allez travailler ou qui permet d’illustrer un apport de contenu.
11
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Séquence 1
Qu’attend-on du diagnostic
d’une exploitation agricole ?
14
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
3. Dans un dernier temps de la consulta- 3. Dans un dernier temps, Philippe fait part
tion, le médecin invite Paul à un examen de ses observations au niveau de chaque
physique ou clinique (prise de pouls, tem- culture (état de la végétation, présence
pérature, pression artérielle, auscultation d’adventices, principales maladies détec-
cœur et poumon, palpation du ventre…). tées…).
À l’issue de la consultation qui a duré À l’issue de cette rencontre, Philippe établit
15 minutes, le médecin donne un nom à la un état précis pour chaque culture et pres-
maladie : il s’agit d’une rhino-pharyngite, il crit pour chacune d’elles un « traitement
prescrit à Paul un traitement pour 7 jours et approprié » pour obtenir les meilleurs ren-
lui délivre une ordonnance comprenant de dements (engrais, produits phytosani-
nombreux médicaments. taires…).
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Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Réponse 1 > Les démarches ont une certaine similitude.
Elles passent par les étapes suivantes :
– expression par le malade ou l’agriculteur des symptômes de la maladie
(voir définition de symptôme plus loin) ;
– histoire du patient en lien avec la maladie/histoire de la culture (recons-
titution de l’itinéraire technique de la culture) ;
– observations/auscultation par un expert (le médecin/le conseiller) et
avis (le diagnostic) ;
– prescription d’un traitement en vue d’atteindre la guérison du patient/
l’amélioration de la culture.
16
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
2. Un diagnostic s’appuie sur des valeurs de référence
Après avoir suivi le traitement prescrit par son médecin, Paul s’est senti beau-
coup mieux ; finis les maux de gorge et l’état fiévreux. Mais après quelques
semaines de répit, il ressent à nouveau les symptômes qui l’avaient amené à
consulter son médecin.
Pour ce qui est de ses cultures, Paul a appliqué exactement ce que lui avait conseillé
le technicien culture. Là aussi, l’effet a été relativement immédiat (les céréales sor-
ties d’hiver présentaient un potentiel prometteur, les premiers signes de maladie sem-
blaient maîtrisés) et puis courant mars d’autres problèmes sont apparus (jaunissement,
nouvelles attaques de maladies…).
De nouveaux rendez-vous sont pris avec le médecin et le conseiller culture.
17
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Lisez attentivement les documents 1 et 2, et répondez aux questions
suivantes.
1 > À partir des résultats de l’analyse de sang de Paul (doc. 1), quel
commentaire pourriez-vous faire ?
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M. PAUL
CYTOLOGIE
Numération Globulaire - Plaquettes Antériorité Valeurs de référence
selon l’âge et le sexe
Leucocytes ........................................... 5,6 .109/L 29/06/06 5,3 (4,0 à 10,0)
Hématies ..............................................5,09 .1012/L 5,12 (4,50 à 6,50)
Hémoglobine .......................................14,5 g/dL 14,7 (13,0 à 17,0)
Hématocrite .........................................0,44 L/L 0,43 (0,40 à 0,54)
V.G.M. ..............................................86,1 fL 84,4 (80,0 à 100,0)
C.C.M.H. ..........................................33,1 g/dL 34,0 (32,0 à 36,5)
I.D.R................................................14,8 % 14,8 (< 15,0)
Plaquettes ............................................ 206 .109/L 29/06/06 220 (150 à 450)
V.P.M. .............................................. 9,4 fL 9,1 (9,0 à 12,0)
Formule Leucocytaire
Polynucléaires
Neutrophiles . . . . . . . .50,8 % soit 2,8 .109/L (2,0 à 7,5)
Éosinophiles . . . . . . . . .2,1 % soit 0,1 .109/L (< 0,5)
Basophiles . . . . . . . . . . .0,5 % soit 0,0 .109/L (< 0,2)
Lymphocytes . . . . . . . . . .39,7 % soit 2,2 .109/L (1,0 à 4,0)
Monocytes . . . . . . . . . . . . .6,9 % soit 0,4 .109/L (0,2 à 1,0)
18
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Doc. 2 - Rapport d’analyse de terre
19
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Réponse 1 > L’analyse de sang de Paul est tout à fait normale car les résul-
tats obtenus sont tous compris dans les « valeurs de référence ». Cela
indique pour les éléments recherchés (et uniquement les éléments recher-
chés) dans le cadre de l’analyse de sang que le patient est en bonne santé.
Réponse 2 > L’analyse de terre présente des niveaux satisfaisants voire très
satisfaisants pour la teneur en matière organique, le niveau de pH eau et
le calcium. À l’inverse, le sol a des teneurs très faibles en phosphore assi-
milable et sodium. Les niveaux sont un peu faibles en potassium et magné-
sium.
Avez-vous noté comment vous avez procédé pour faire votre commentaire,
que ce soit à partir d’une analyse de sang ou d’une analyse de terre ?
Les commentaires réalisés à partir de l’analyse de sang (ou de l’analyse de
terre) s’appuient sur une comparaison entre les résultats obtenus par le
patient (ou à partir de l’échantillon de terre) avec des valeurs ou des
niveaux de référence. Le fait que les résultats soient inférieurs ou supé-
rieurs à la valeur de référence nous indique une situation en dehors de la
norme couramment employée et va nous indiquer si l’individu, le sol, les
résultats financiers de l’exploitation, etc., sont satisfaisants ou non.
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20
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Réponse >
Une valeur de référence peut être définie comme une valeur (prix,
rendement, taux…) qui va servir de base ou de référence pour une
comparaison (« valeur à laquelle je vais me référer » pour analyser une
situation, un résultat). On peut rapprocher la notion de valeur de référence
de celle de norme.
RÉCAPITULONS
Un diagnostic est une démarche d’investigation visant à identifier, à
apprécier les forces à exploiter et les faiblesses à corriger, et à en chercher
les causes.
Pour pouvoir identifier et apprécier des forces et des faiblesses, il est
nécessaire de comparer les résultats obtenus avec des valeurs de réfé-
rence ou des normes.
Si l’analyse de sang a rassuré Paul sur son état de santé, il n’en reste pas moins que
les symptômes perdurent, ce qui lui fait dire qu’il est malade sans raison apparente.
Lorsqu’il revoit son médecin, Paul lui fait part de ses préoccupations et lui demande
de lui expliquer les raisons de sa maladie car, en apparence, tout va bien.
L’analyse de terre a mis en évidence que le sol, bien que présentant quelques carences,
n’est en rien à l’origine des symptômes observés au niveau des cultures. Mais alors
pourquoi ces jaunissements et ces attaques de maladie ?
21
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
3. Un diagnostic est analytique ou global
Diagnostic médical Diagnostic d’exploitation
Diagnostic du médecin Diagnostic du conseiller d’entreprise
Le médecin lui explique qu’un diagnostic À partir des premières investigations, le
comporte des limites et que ses problèmes conseiller culture a pu diagnostiquer que le
peuvent venir d’une fatigue passagère, problème rencontré au niveau des cultures
d’une situation de stress, d’une moindre ne dépend pas que de la conduite des
résistance de son organisme aux agressions cultures, ni du sol, mais d’un problème de
virales… Des raisons plus globales dépen- pilotage de l ‘exploitation. Il a donc proposé
dantes de l’individu mais aussi de son envi- à un conseiller d’entreprise de rencontrer
ronnement peuvent expliquer sa maladie. Paul afin de réaliser un diagnostic global
En poursuivant la discussion avec Paul, le de l’exploitation.
médecin se rend compte que son patient Le conseiller d’entreprise a passé une demi-
est particulièrement stressé par sa situation journée à discuter avec Paul, à visiter sa
économique mais aussi familiale et qu’il a ferme.
une mauvaise hygiène de vie (repas mal Tout a été abordé : l’histoire de l’exploitation
équilibrés, sommeil perturbé par la période et de la famille, la conduite du troupeau
de vêlage hivernale…). allaitant et des cultures, l’organisation du
« Après un traitement curatif, nous allons travail, les relations entre les membres de
appliquer un traitement préventif ». Le l’exploitation et de la famille, la gestion de
médecin lui prodigue de bons conseils d’hy- la trésorerie…
giène de vie et un traitement de fond à Paul, au début de l’entretien, ne compre-
base de vitamines, d’oligo-éléments… nait pas où le conseiller d’entreprise voulait
en venir et en quoi un problème précis sur
ses cultures l’amenait à parler d’événements
sans lien direct avec la conduite de ses
céréales. Mais, au fur et à mesure de la dis-
cussion et des questions du conseiller, Paul
s’est mis à comprendre et à exprimer par
lui-même que les cultures ne l’ont jamais
intéressé contrairement à son père qui était
un « céréalier ». Paul a toujours cherché à
avoir des « belles cultures » comme son père.
Il appliquait pour cela de « bonnes recettes »
définies par le conseiller culture. Mais, pri-
vilégiant plutôt ce qui le passionne, à savoir
son élevage, les « bonnes recettes » n’étaient
pas toujours appliquées au bon moment. La
préparation du sol s’était réalisée dans de
mauvaises conditions car, à cette époque, il
avait été très occupé par le concours dépar-
temental de la race charolaise…
22
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
1 > Précisez ce qu’est un traitement curatif par rapport à un traitement
préventif.
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Réponse 2 > Le diagnostic analytique est une forme de diagnostic qui vise
à mettre en relation le symptôme avec une cause directe (expliquant le symp-
tôme). Le diagnostic analytique cherche à résoudre le problème identifié et
s’appuie sur un expert qui détient la solution au problème rencontré. Le trai-
tement proposé sera le plus souvent curatif.
On peut résumer le diagnostic analytique par le schéma suivant :
Un problème
ou symptôme Une cause Une solution
23
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Le diagnostic global est une forme de diagnostic qui vise à comprendre l’ori-
gine d’un problème. On s’attache, avant tout, à mettre en évidence le pro-
cessus ou l’enchaînement (un ensemble de causes en interaction) qui
explique le problème à résoudre. Le diagnostic global est le fruit d’un dia-
logue entre un expert et l’agriculteur, dialogue qui permet de proposer plu-
sieurs solutions à un problème. Le traitement proposé sera le plus souvent
préventif.
On peut résumer le diagnostic global par le schéma suivant :
RÉCAPITULONS
Un diagnostic est une démarche d’investigation visant à identifier et à
apprécier les forces à exploiter et les faiblesses à corriger et à en cher-
cher les causes.
Pour pouvoir identifier et apprécier des forces et des faiblesses, il est
nécessaire de comparer les résultats obtenus avec des valeurs de réfé-
rence ou des normes.
Un diagnostic peut être analytique et/ou global. Les solutions proposées
pour résoudre un problème sont de type curatif ou préventif.
Tout au long de cette première étape, nous avons pu voir ce qu’est un diagnostic et
nous affinerons cette notion dans la deuxième séquence intitulée « Mettre en œuvre
la méthodologie du diagnostic global sur une exploitation agricole ».
Mais, au préalable, il semble important de bien comprendre qu’un diagnostic d’ex-
ploitation est le reflet d’une époque et que les diagnostics que nous faisons aujour-
d’hui ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux que l’on réalisait hier. Au fil du
temps, nous sommes passés d’une démarche de diagnostic plutôt analytique, se
limitant aux aspects économique et financier de l’exploitation agricole, à des
démarches de diagnostic global s’appuyant sur l’Approche Globale de l’Exploitation
24
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Agricole (AGEA) et abordant de nombreux aspects du Système Exploitation-Famille
(SEF) : le travail, le social, le juridique, le fiscal, l’environnemental…
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, dans l’étape qui va suivre, de décou-
vrir l’histoire comparée entre l’évolution de l’agriculture et les méthodes de diagnostic
de l’exploitation agricole.
L’objectif de cette étape est de mettre en évidence que les outils de gestion et plus
précisément les méthodes de diagnostic de l’exploitation agricole sont le reflet d’une
époque, d’un contexte. En effet, les méthodes de diagnostic se sont constamment
adaptées à l’évolution de l’agriculture.
Pour faire une lecture simple et compréhensible de ces évolutions, nous distingue-
rons 4 périodes :
– des années 1945 à 1960 : les débuts de la comptabilité et de la gestion en agri-
culture,
– des années 1960 à 1980 : mise en place d’un conseil de gestion chargé de promouvoir
la diffusion de modèles agricoles orientés vers le productivisme,
– des années 1980 à 1990 : l’apparition de la méthode de l’approche globale de l’ex-
ploitation agricole modifie la manière d’appréhender la gestion,
– après 1990 : l’agriculture est reconnue comme une activité multifonctionnelle et
fortement ancrée dans son environnement : l’approche de l’exploitation s’enrichit
de nouveaux diagnostics.
25
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
1. Les années 1945 à 1960 : les débuts de la gestion
Marges brutes
Marges nettes
Initier Diagnostic
une agriculture technico-
productivitste économique Comparaisons et
analyses de groupe
26
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
2. Les années 1960 à 1980 : le diagnostic est avant tout
technique et normatif
Évolution du contexte agricole Histoire de la gestion
27
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Résumé de la période 1960-1980
Conforter Création
une agriculture d’outils comptables
productiviste et de gestion
Diagnostic
technique
Diffuser et normatif
Comparaison
des modèles avec des normes
agricoles techniques
L’exploitation est-elle
dans ou en dehors
du modèle ?
28
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
3. Les années 1980 à 1990 : l’apparition de la méthode
de l’Approche Globale de l’Exploitation Agricole
Évolution du contexte agricole Histoire de la gestion
29
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Résumé de la période 1980-1990
Méthode Politique
de l’AGEA d’investissement
Avoir une et de financement
approche centrée
sur l’exploitant Famille
et sa famille (finalités, besoins,
aspirations) Prélèvements
privés
30
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
partir des meilleurs résultats d’un groupe d’exploitations (le 1/4 supérieur). Le
groupe, quant à lui, est issu d’un découpage critérié : on parle de typologie ou type
d’exploitations. Ainsi, les exploitations laitières seront subdivisées selon un décou-
page par système : le système « lait intensif de plaine », le système « extensif à base
d’herbe », le système « grands troupeaux », etc. L’exploitation diagnostiquée sera
donc comparée à un groupe d’appartenance.
Après 1990 :
l’agriculture est reconnue comme une activité multifonctionnelle
et fortement ancrée dans son environnement :
l’approche de l’exploitation s’enrichit de nouveaux diagnostics
Cette période est marquée par des boule- Les agriculteurs sont demandeurs d’un
versements importants (on peut même par- conseil à la fois plus global et plus précis
ler de ruptures). permettant de répondre à leurs nouvelles
préoccupations.
– La réforme de la PAC de 1992 remet en – Connaître au plus près la rentabilité éco-
cause le système des prix garantis qui nomique et financière de l’exploita-tion
prévaut depuis 1962. La nouvelle PAC est et plus particulièrement les coûts de pro-
basée sur un alignement des prix sur les duction de chaque activité en incluant les
cours mondiaux, l’instauration de primes aspects techniques (quantités et doses d’in-
pour compenser la baisse des prix, l’obli- trants), financiers (investissements, modes
gation du gel des terres, la mise en place de financement, situation de trésorerie),
d’aides en faveur des systèmes exten- organisationnels. La gestion devient un
sifs… véritable outil d’aide à la décision.
– Une pression économique de plus en – Choisir le statut juridique et les options
plus forte qui entraîne une baisse des reve- fiscales et sociales les mieux adaptés à
nus et fragilise les exploitations. L’envi- des situations de plus en plus complexes.
ronnement économique se complexifie et la Les diagnostics juridiques et fiscaux, ini-
situation des exploitations aussi. tialement limités à l’activité agricole, s’in-
Les formes sociétaires se multiplient. De téressent au domaine privé, à la situation
plus en plus d’exploitations se diversifient familiale et patrimoniale de l’agri-
dans des activités différentes de la pro- culteur, s’ouvrent à des domaines nou-
duction de biens agricoles (tourisme, veaux : l’activité commerciale, la prestation
entreprise de service, transformation…). de service…
31
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
– Les agriculteurs sont de plus en plus – Mesurer le temps de travail et amélio-
préoccupés par le temps de travail et la rer les conditions de travail et de vie des
qualité de vie. Bien que pris par la course exploitants.
à l’agrandissement et confrontés à une
diminution de la main-d’œuvre familiale,
ils cherchent à concilier leur activité pro-
fessionnelle avec leur vie de famille et le
temps personnel.
Les exploitants agricoles n’hésitent plus à
revendiquer leur aspiration à être en
phase avec la société et à travailler
moins.
(1) PLANETE : méthode mise au point par l’association SOLAGRO pour quantifier, à l’échelle de l’exploita-
tion agricole, les entrées et sorties d’énergie et évaluer les émissions de gaz à effet de serre liées à la
consommation d’intrants et aux pratiques agricoles.
(2) DIALECTE = Diagnostic Agri-Environnemental d’Exploitation élaboré aussi par l’association SOLAGRO. À la
différence de PLANETE qui se limite à réaliser un bilan énergétique de l’exploitation, DIALECTE réalise un
diagnostic d’ensemble des problématiques environnementales concernant l’exploitation agricole (eau, sol,
biodiversité, ressources non renouvelables, paysage…).
32
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Résumé de la période de 1990 à nos jours
Diagnostic Diagnostic
technico-économique financier
Rechercher Comparaisons avec
un optimum des références économiques
économique issues d’un groupe
d’appartenance (typologie)
Reconnaître
la diversité Diagnostic Diagnostic
des exploitations fiscal juridique
Politique
Méthode
Avoir une d’investissement
de l’AGEA
approche centrée et de financement
sur l’exploitant Famille
et sa famille (finalités, besoins,
aspirations) Prélèvements
privés
Améliorer Qualité de vie
les conditions de vie Temps de travail
et de travail
Répondre
aux attentes de la Diagnostic Diagnostic
société (qualité des travail et qualité de vie agro-environnemental
produits, respect de
l’environnement…)
Des références
Promouvoir en cours d’élaboration
une agriculture
multifonctionnelle
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Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Réponse 1 > Ce qu’il faut retenir d’essentiel dans cette présentation
comparée de l’histoire de l’agriculture et des méthodes de diagnostic des
exploitations agricoles est, qu’en fait, la gestion s’adapte en permanence
au contexte dans lequel se trouve l’agriculture.
Depuis l’émergence de l’Approche Globale de l’Exploitation Agricole (AGEA)
dans les années 1980-1990 au sein des organismes de conseil, les méthodes
de diagnostic ont considérablement changé. D’un conseil descendant dif-
fusé par un expert visant à la propagation de modèles agricoles producti-
vistes, on est passé à une démarche centrée sur l’agriculteur et sa famille.
Le diagnostic est basé sur un dialogue entre experts : le conseiller et l’agri-
culteur. Le diagnostic est un lieu de rencontre entre le référentiel de l’ex-
pert et celui de l’agriculteur.
Nous reviendrons sur ces aspects du diagnostic global dans la séquence 2 qui sera
consacrée à la méthodologie du diagnostic et à l’articulation entre les différents dia-
gnostics à réaliser sur une exploitation agricole. Mais, avant de clore cette première
séquence, il est primordial de clarifier les différentes approches existantes dans le
cadre d’un diagnostic d’exploitation et de comprendre dans quelle situation elles peu-
vent être employées.
35
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Étape 3 Quel diagnostic pour une exploitation
agricole ?
Dans cette étape, nous allons à nouveau parler des approches « médicale », analy-
tique, systémique ou globale. Nous introduirons une autre forme de diagnostic que
l’on peut qualifier de démarche humaniste.
Dans un premier temps, nous aborderons, de manière synthétique, les points essen-
tiels de ces différentes approches.
Dans un deuxième temps, nous mettrons en évidence qu’un agriculteur est en per-
manence en relation avec de nombreux « experts » qui formulent des diagnostics et
lui prodiguent des conseils. À l’agriculteur d’en faire la synthèse.
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Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Méthode rapide Méthode longue
et sécurisante mais efficace
1 problème = 1 traitement Approche du fonctionnement
Typique de l’approche global de l’exploitation
pratiquée par Approche Approche agricole (finalités-objectifs-
le vétérinaire, médicale systémique décisions).
le spécialiste. Cette méthode repose sur
un travail d’écoute de l’ex-
ploitant et de sa famille.
Approche du conseiller d’en-
treprise*.
Un problème ?
Méthode rapide Méthode longue
Permet de détecter un et complexe
problème mais pas Compréhension de l’homme
systématiquement de et de ses ressorts
trouver l’origine des psychologiques.
problèmes ni les solutions Cette méthode repose sur
à mettre en œuvre. Approche Approche un travail d’écoute de l’ex-
Comparaisons avec des analytique humaniste ploitant et de sa famille.
moyennes, des normes, Typique du travail d’un
des références. psychologue qui va étudier
Approche pratiquée par les processus de décision,
le conseiller de gestion, les freins aux changements…
le fiscaliste…
Conseil Conseil
spécialisé global
ou ou
Diagnostic Diagnostic
analytique global
* Conseiller d’entreprise : conseiller agricole dont la démarche consiste avant tout à étudier l’exploita-
tion agricole sous l’angle de son fonctionnement global. Il peut être caractérisé de généraliste du
conseil et non de spécialiste.
37
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Doc. 3 - Romaric et l’équipe de la ferme :
« Quand les chiffres confortent nos choix. »
Nous sollicitons depuis quelques années les services du Centre d’économie rurale
de Haute-Savoie, notre centre de gestion à qui nous transmettons notre comp-
tabilité. Comme chaque année, nous attendions le carnet de résultat, document
synthétique d’une quinzaine de pages - tout de même - pour préciser nos
premières impressions.
Naturellement ces chiffres de 2005 commencent à dater mais entre la fin de nos
saisies, nos estimations de fin de stocks, nos différents envois au CER et le traite-
ment des chiffres, les délais s’expliquent. Avant de se lancer dans une analyse de
quelques indicateurs économiques, resituons très rapidement le contexte de pro-
duction qui a changé. Nos 78 vaches laitières ont produit, en 2005, 523 000 litres
de lait, l’intégralité de cette production ayant été transformée en Tomme de
Savoie. Comme tous les producteurs de lait sous ce signe de qualité, nous sommes
soumis à un cahier des charges concernant plusieurs points, notamment l’ali-
mentation du troupeau. Ainsi, nous voici face à nos premiers chiffres dans notre
nouveau système ; fini l’ensilage plante entière que nous utilisions jusqu’en 2004,
place au foin et à l’ensilage d’épis dans la mélangeuse distributrice pour l’hiver
et au pâturage pour la belle saison. Pour l’année 2005, notre marge brute « lait »
s’élève à 2 627 euros par vache laitière soit 391 euros pour 1 000 litres de lait – celle
du groupe de référence est à 340. Par rapport à 2004, cet indicateur a connu une
évolution positive, gagnant 167 euros par vache – et même 667 euros comparé à
2003, année sèche. Ainsi malgré une baisse relative du prix du lait, compensée sur
ces années-là par l’ADL, notre marge brute s’est nettement améliorée. Plus qu’une
augmentation des produits, c’est une réduction significative des charges qui s’est
opérée sur cette période. En effet les frais de concentré ont diminué de plus de
40 % notamment grâce à une réduction importante des quantités de tourteau
distribuées, et grâce aussi à une baisse des cours. Attention cependant aux
conclusions hâtives (« quelle sacrée marge brute ! »), ce bon chiffre ne prend pas
en compte, par définition, les charges de mécanisation et d’autres charges fixes
qui représentent tout de même près de 73 % du produit. Le changement de sys-
tème a donc permis d’améliorer sensiblement la marge brute sans pour autant
mettre au vert tous les autres indicateurs économiques. Ces résultats économiques
sont conditionnés par une autonomie fourragère indispensable. Tout achat de
fourrage, foin ou maïs, grève sérieusement la marge brute, l’exercice 2003 en
étant malheureusement la parfaite illustration. Avec notre chargement de
38
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
1 UGB/ha et les conditions climatiques des Alpes du Nord, nous sommes norma-
lement à l’abri de ce genre de déconvenues. Reste désormais à faire parvenir au
plus vite nos chiffres 2006 au comptable afin de pouvoir infirmer ou confirmer ces
premiers résultats économiques concernant notre changement de système. En
attendant, on replonge dans le guidon…
39
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
de main, on s’interroge. » Avant de se lier avec son voisin, il convient toutefois de
vérifier que les attentes des uns et des autres sont bien en phase. « La cohésion du
groupe est un préalable à la mise en place d’un projet d’avenir, confirme Pierre
Revest, du BTPL. La recherche d’objectifs communs est essentielle car ce sont eux
qui donnent de la force et du ciment à l’édifice. L’expérience montre que le groupe
ne peut pas s’appuyer uniquement sur une association d’opportunités. »
Pour vérifier que l’on est fait pour travailler ensemble et jeter les bases solides
d’une future collaboration, le BTPL a mis au point une méthode d’accompagne-
ment des éleveurs : Arc-en-ciel. Valable pour les sociétés (Gaec, société civile lai-
tière…) mais aussi pour toute forme de mise en commun (salariat, groupement
d’employeurs, Cuma), cette démarche structurée est basée sur l’intervention d’un
consultant extérieur. « Notre rôle consiste à mettre les pieds dans le plat, qu’il
n’y ait pas de non-dit et que chacun s’exprime », explique Philippe Wallet.
La première étape, l’établissement d’un contrat entre les éleveurs et l’accom-
pagnateur est suivi d’entretiens individuels qui donnent lieu à la réalisation d’un
diagnostic partagé et à un plan d’action. Les principes de base de la vie d’un
groupe sont travaillés dans ce cadre. Les objectifs de chacun sont clarifiés.
Désigner un animateur
Le rôle des personnes extérieures au groupe exerçant une influence ou une pres-
sion forte (famille, voisin, partenaires…) est analysé. La fonction d’animateur au
sein du groupe est définie et reconnue. Il veillera au respect de chacun, régulera
les tensions, facilitera l’expression des membres et la prise de décision. Le plan
d’action aborde aussi les questions de la répartition des tâches et des responsa-
bilités. Les règles de fonctionnement spécifiques à chaque groupe (horaires,
temps de travaux, rémunération…) sont énoncées clairement et écrites. […]
« Notre méthode révèle vite les gens qui ne sont pas sur la même longueur
d’onde », c’est l’avis de Philippe Wallet, ingénieur au BTPL.
« Comme dix de mes collègues du BTPL formés à la gestion des relations humaines,
j’interviens auprès d’agriculteurs qui désirent s’associer, dans le but de prévenir
les désaccords et les conflits. La méthode révèle vite les gens qui ne sont pas sur
la même longueur d’onde. Après notre intervention, la moitié des agri-
culteurs abandonnent leur projet. Ils constatent eux-mêmes qu’ils ne sont pas
faits pour travailler ensemble. En prendre conscience dès le départ évite des
échecs douloureux. […]
40
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Document 3 > « Quand les chiffres confortent nos choix »
Type de diagnostic ou d’approche : diagnostic analytique
- Caractéristiques du type de diagnostic ou d’approche
Nous pouvons caractériser le diagnostic d’analytique car le diagnostic
concerne un atelier (l’atelier lait). L’analyse consiste à étudier des critères
économiques, en particulier la marge brute/1 000 L de lait et à la compa-
rer à celle obtenue dans les années antérieures et à celle d’un groupe de
référence, à savoir des exploitations de la petite région agricole. Ensuite,
le conseiller de gestion va expliquer ce bon niveau de marge brute (391 €
pour l’exploitation contre 340 € pour le groupe) en étudiant le prix du
lait, le prix des vaches de réforme mais surtout les frais de concentré/1000 L
de lait qui sont jugés faibles comparativement aux résultats du groupe
(42 € contre 58 €/1 000 L de lait). Cette analyse assez succincte permet
de comprendre la situation économique de l’atelier lait mais ne met pas en
évidence le fonctionnement global de l’exploitation.
Un commentaire s’impose.
41
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Quelques exemples pour illustrer les différentes approches possibles.
Face à un problème bien identifié : par exemple dans le cas d’un animal malade ou
d’une culture présentant un symptôme sans équivoque, l’approche médicale du
vétérinaire ou du technicien s’accompagnant le plus souvent d’un traitement cura-
tif (un remède) est tout à fait adaptée.
Un conseiller de gestion, ayant un temps très restreint pour restituer des résultats
à un agriculteur va privilégier un conseil très analytique. Il va reprendre les prin-
cipaux indicateurs économiques et financiers de l’exploitation et va les commenter
en les comparant aux moyennes de groupe. Il va constamment positionner les résul-
tats entre la moyenne, le 1/4 supérieur et le 1/4 inférieur. Son travail va « se limi-
ter », par souci d’efficacité donc de rentabilité de son temps, à mettre en relation
les résultats économiques et financiers de l’exploitation issus du document de ges-
tion entre eux afin d’expliquer tel ou tel niveau de résultat. Par exemple, l’EBE d’une
exploitation laitière va être comparé à un groupe ou à une référence puis le conseiller
va expliquer ce résultat par le niveau des produits dégagés par l’atelier lait (le lait,
la vente des veaux, des vaches de réforme…) puis par les charges opérationnelles
et de structure. Chacune de ces charges peut être décomposée de manière très
précise.
Cette approche analytique convient bien dans les situations où il n’y a pas de dys-
fonctionnement important de l’exploitation, dans le cadre d’un diagnostic régulier
type « le compte rendu annuel du conseiller de gestion ».
42
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Il est parfois des situations où les précédentes approches rencontrent des limites.
Par exemple, certains agriculteurs en difficulté donnent l’impression de « ne prendre
que les mauvaises décisions, ne faire que des mauvais choix », qui leur causent des
difficultés. Un conseiller aura beau leur proposer les bons choix à faire pour se sor-
tir de leurs problèmes, rien n’y fait. Dans ces cas particuliers, il s’avère parfois néces-
saire de revenir sur leur histoire personnelle et familiale, bref d’entreprendre un
véritable travail thérapeutique qui peut s’assimiler à un diagnostic ou bilan personnel.
Cette approche humaniste ou psychologique peut aussi être proposée dans des
situations de conflit sur des exploitations, dans le cadre de projet de création de société
ou pour analyser le fonctionnement d’un groupe. Nous sommes au cœur de ce qui
concerne les relations humaines au sein d’une entreprise ou d’un projet collectif, rela-
tions humaines qui sont de plus en plus prises en compte dans les approches des exploi-
tations agricoles.
Dans les séquences qui vont suivre et qui porteront sur la méthodologie du diagnostic
et les différents diagnostics à réaliser pour appréhender la complexité d’une exploi-
tation agricole, nous nous limiterons au diagnostic global ou systémique. Nous ne
reviendrons par sur les autres formes de diagnostics (médical, analytique et huma-
niste). Non pas que ces approches n’aient pas d’intérêt, au contraire, et ce qui a été
développé précédemment l’a démontré. Mais, il nous semble important de bien com-
prendre la méthodologie du diagnostic global qui répond aux attentes des étudiants
dans l’élaboration de leur rapport de stage et des futurs agriculteurs et techniciens
agricoles.
43
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
Conseiller
de gestion
Comptable
Banquier
Fiscaliste
Relations :
agriculteurs, formateurs, Juriste
voisins…
Gestion
du temps
Contrôleur laitier,
vétérinaire Technicien cultures,
nutritionniste
Technicien bâtiment,
mécanicien Commerciaux
Agriculteur
Conseiller
d’entreprise
Quelle cohérence ?
44
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Petit condensé de ce que peuvent être les diagnostics émis par les multiples conseillers
de l’exploitation agricole.
Le contrôleur laitier : « Tes vaches laitières ont une moyenne au contrôle laitier de
7 000 litres de lait par vache, tu pourrais passer à 8 000 en améliorant ta ration de
base et en leur distribuant un concentré de production du commerce plutôt que ton
mélange fermier. Pour ce qui est de ton plan d’accouplement, il te faut choisir des
taureaux qui améliorent ta production laitière. »
Le vétérinaire : « Pour que ton troupeau soit en bonne santé, il faut lui faire une
cure d’hépato-protecteur et de vitamines… »
Le technicien bâtiment : « Pour votre projet bâtiment, j’ai la solution idéale qui per-
met de concilier bien-être animal et performance au niveau du travail pour 500 000 € ».
45
Qu’attend-on du diagnostic d’une exploitation agricole ?
tracteur soi-disant à changer, il vous faudra attendre la fin de remboursement d’un
emprunt avant d’envisager d’en contracter un nouveau. »
Le conseiller de gestion : « Votre niveau d’EBE est insuffisant pour couvrir vos
besoins. On remarque une baisse de vos produits dans la plupart de vos ateliers
mais surtout vos charges d'élevage et de culture sont beaucoup trop élevées et ont
fortement augmenté au cours des derniers exercices. À l’avenir, il faudra diminuer les
charges de concentré, d’engrais et de produits phytosanitaires. Pour ce qui est des
investissements, il va falloir réduire vos ambitions. »
46
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
RÉCAPITULONS
Voici ce qu’il faut retenir de cette première séquence. Un diagnostic est une
démarche d’investigation visant à identifier et à apprécier les forces à
exploiter et les faiblesses à corriger et à en chercher les causes.
Ainsi, un diagnostic consiste à détecter dans une entreprise, non seulement
ce qui ne va pas (les faiblesses ou points faibles), mais aussi ce qui va bien
(les forces ou points forts).
Pour pouvoir identifier et apprécier des forces et des faiblesses, il est néces-
saire de comparer les résultats obtenus avec des valeurs de référence ou des
normes.
Un diagnostic peut être analytique et/ou global. Les solutions proposées pour
résoudre un problème sont de type curatif ou préventif.
Les buts et les méthodes de diagnostic évoluent en fonction du contexte dans
lequel évolue l’agriculture.
Aujourd’hui, on parle de diagnostic global dans la mesure où, d’une part,
ce diagnostic s’appuie sur la méthode de l’Approche Globale de l’Exploi-
tation Agricole (AGEA), méthode qui permet de comprendre le fonction-
nement global du Système Exploitation-Famille grâce à la modélisation de
ce fonctionnement. La modélisation prendra la forme d’un schéma de fonc-
tionnement visualisant le système décisionnel et le système de production
ou opérant. D’autre part, le diagnostic est global car différents diagnos-
tics, à la fois complémentaires et interdépendants, vont être réalisés sur une
exploitation : les diagnostics technique, technico-économique, financier,
fiscal, juridique, social, humain, travail et environnemental.
Mettre en œuvre
le diagnostic global sur une
exploitation agricole
À l’issue de cette séquence,
vous devrez être capable :
• d’expliquer la démarche générale
d’un diagnostic appliqué à une
exploitation agricole ;
• de réaliser un diagnostic global d’une
exploitation agricole à partir d’un article ;
• de distinguer un point fort d’un atout,
et un point faible d’une contrainte.
Dans cette séquence nous aborderons successivement les points suivants :
– les éléments et les caractéristiques d’un diagnostic global d’une exploitation agri-
cole (préambule) ;
– la méthodologie générale du diagnostic qui consiste à mettre en relation les objec-
tifs de pilotage avec les décisions et les modes de conduite choisis par l’agriculteur
ainsi que les résultats obtenus sur plusieurs années afin de mettre en évidence les
forces (les points forts) et les faiblesses (points faibles) de l’exploitation (étape 1) ;
– les notions de marge de progrès et de piste d’amélioration (étape 2) ;
– la notion de diagnostic global comme étant une synthèse hiérarchisée des diffé-
rents diagnostics interdépendants que l’on peut réaliser sur une exploitation agri-
cole (étape 3).
Préambule
Les éléments et les caractéristiques d’un diagnostic global
Les objectifs d’un diagnostic d’exploitation sont les suivants :
– analyser le fonctionnement global de l’entreprise, sa viabilité pour comprendre la
cohérence du système exploitation-famille,
– mettre en évidence les forces (points forts) et les faiblesses (points faibles) de
l’exploitation,
– chercher les causes, l’origine des forces et des faiblesses,
– identifier les marges de progrès,
– améliorer le fonctionnement de l’exploitation agricole,
– arriver à un projet d’amélioration.
Le diagnostic est une démarche qui croise 3 éléments : un objet, un jugement d’expert
et des critères de jugement. C’est ce qu’illustre la figure 1.
50
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Un objet
Diagnostic
51
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
3. Le diagnostic fait appel à des critères de jugement.
Dans la mesure où l’élaboration d’un diagnostic sollicite un avis ou un jugement
d’expert, il ne peut y avoir jugement sans critères, sans indicateurs de jugement. Nous
reviendrons précisément sur le choix des indicateurs dans la séquence 4.
RÉCAPITULONS
Le diagnostic est à la fois le résultat d’un travail d’expert mais il doit être
validé auprès de l’agriculteur qui a, lui aussi, un point de vue sur sa propre
situation. Le diagnostic est donc une démarche pédagogique et interactive
entre l’expert et l’agriculteur. La qualité du diagnostic dépend non seule-
ment du référentiel de l’expert mais aussi de la qualité de la démarche de
diagnostic et de l’approche globale.
52
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Approche Globale
de l’Exploitation Agricole
(AGEA)
Diagnostic global
de l’exploitation agricole
Dans la suite de cette séquence, nous nous appuierons sur les éléments importants
de l’AGEA pour comprendre le diagnostic global.
Réaliser une approche globale de l’exploitation agricole, c’est :
– élaborer un schéma de fonctionnement (ou schéma décisionnel) le plus explicite
et le plus précis possible,
– modéliser le système de production ou le système opérant de l’exploitation.
Les objectifs et décisions stratégiques découlant des finalités sont à exprimer très
clairement. Comme pour les finalités, les objectifs doivent être hiérarchisés et leur
niveau d’exigence précisé.
Par exemple, à la finalité « Avoir une bonne qualité de vie » on mettra en relation
l’objectif principal « assurer un niveau de prélèvements privés de 1500 €/mois/
associé ». Les décisions prises pour atteindre cet objectif doivent être énoncées
avec la plus grande précision car l’élaboration du diagnostic de l’exploitation va
53
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
consister en une confrontation entre résultats et objectifs. Les résultats obtenus décou-
lent, pour une bonne part, des décisions prises par l’agriculteur.
Les objectifs et décisions stratégiques doivent être mis en relation avec la situation
de l’exploitation. Par situation, on entend un ensemble d’éléments qui, à un moment
donné (le jour de la visite par exemple), intervient sur les possibilités d’action et
de décision de l’agriculteur. La situation du Système Exploitation-Famille (SEF)
résulte de l’évolution passée (l’histoire), de l’environnement et des facteurs de pro-
duction. Les éléments qui constituent la situation sont à analyser en distinguant les
facteurs favorisants (atouts) et les facteurs défavorisants ou limitants (contraintes).
Les atouts et contraintes correspondent au réel perçu par les acteurs de l’exploitation
(exploitants, membres de la famille), et on peut donc les classer en 3 grands types :
– les atouts et contraintes de l’environnement, qu’il soit naturel, économique, social,
culturel, agricole,
– les atouts et contraintes de l’histoire de l’exploitation et de la famille,
– ceux qui concernent les facteurs de production (le foncier, les bâtiments, les réfé-
rences de production, le matériel, le cheptel et, le plus important, le facteur
humain).
Les atouts et contraintes sont interdépendants les uns des autres. Par exemple, un
type de terre avec un fort taux d’argile sera considéré comme une contrainte pour
l’agriculteur et l’obligera à investir dans un type de matériel de travail du sol spéci-
fique et une puissance de traction importante (décision). Ce matériel spécifique, fac-
teur de production présent sur l’exploitation, sera considéré comme un atout par
l’exploitant car il favorise la réalisation du travail du sol dans un contexte difficile,
il permet de réduire la contrainte liée au type de sol.
Nous reviendrons plus loin sur ces notions d’atouts et de contraintes quand nous abor-
derons les termes de force et de faiblesse afin de lever toute ambiguïté quant au sens
à leur donner car très souvent des confusions sont faites entre atout et point fort,
ainsi qu’entre contrainte et point faible.
54
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
AGEA
Décisions
Pratiques de l’exploitant
Environnement Facteurs
naturel, de production
économique, humain, foncier,
politique, social, bâtiments,
culturel matériel, cheptel,
droits à produire
Système de production
ou
Système opérant
Résultats
techniques, économiques,
sociaux, humains,
environnementaux…
Moyennes
de groupe Diagnostic
Références
Projets
d’amélioration
55
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
2. Modéliser le système de production
Le système de production peut être représenté sous la forme d’un schéma fléché per-
mettant de visualiser les multiples interactions existant entre les différents élé-
ments du système opérant (figure 4 ci-contre).
56
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Environnement naturel, économique, social et humain
Foncier Références
Parcellaire Système de culture Système d’élevage cheptel
SCOP
– assolement, rotations – effectifs
– gestion du parcellaire – troupeaux
– itinéraires techniques – niveau de production
Intrants – rendements – alimentation Extrants
engrais Système fourrager – reproduction lait
semences – gestion fourragère – hygiène viande
prod. de traitement – itinéraires techniques végétaux
aliments etc.
etc. Prestations services
services de service
Bâtiments
Facteurs humains
Système d’information = Matériel
– conseillers, techniciens Système de décision
– réunions, revues
– etc.
58
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
L’élaboration d’un diagnostic global d’exploitation va consister à établir des bilans
des différents flux qui parcourent l’exploitation et à analyser les résultats de ces bilans:
– aux flux de matières vont correspondre des bilans minéraux, organiques, éner-
gétiques, de reproduction, de production laitière, de santé d’un troupeau, fourra-
ger, alimentaire… ;
– les flux financiers et monétaires vont être diagnostiqués grâce à l’élaboration
d’outils spécifiques à la gestion de l’exploitation agricole : le compte de résultat,
la marge brute par atelier, le bilan, le tableau de financement, le tableau pluriannuel
des flux financiers… Ces flux vont être très dépendants des flux de matière ;
– les flux de travail seront étudiés grâce un « bilan travail » établi à partir d’une
enquête ;
– quant aux flux d’informations, s’ils sont, comme nous l’avons évoqué, difficile-
ment quantifiables, ils pourront cependant être analysés comme un élément qui
peut influencer les autres bilans.
EXEMPLE
On ne pourra pas diagnostiquer la conduite d’un atelier taurillons dont les
veaux mâles sont issus d’un atelier laitier sans prendre en compte les inter-
relations permanentes entre ces 2 ateliers : le nombre de taurillons engrais-
sés dépend du nombre de vêlages qui est fonction du nombre de vaches
laitières ayant vêlé (diagnostic de reproduction), qui est à mettre en rela-
tion avec la moyenne économique du troupeau laitier (diagnostic de pro-
duction) déterminant le nombre de vaches en production…
Le poids de carcasse des taurillons mais aussi leur note de conformation et
d’état d’engraissement qui va déterminer le prix final des animaux dépen-
dent du gabarit des vaches laitières, des choix du plan d’accouplement, de
la conduite alimentaire et des ressources fourragères, de la période et de
l’âge de la commercialisation qui dépend de la période de mise en repro-
duction des vaches laitières…
Nous venons seulement de mettre en relation des flux de matière entre 2 ate-
liers pour expliquer la conduite de l’atelier taurillons. Intégrons maintenant
des facteurs de décision dépendant des flux économiques et financiers. Ainsi,
la période de mise à la reproduction des vaches laitières peut être condi-
tionnée par la grille de paiement du lait, qui va favoriser le lait d’hiver par
rapport au lait d’été, mais aussi par le coût de production du litre de lait
59
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
(qui est plus avantageux en été qu’en hiver). Le choix qui va être fait au
niveau de l’atelier lait, entre produire un lait d’hiver mieux payé mais plus
coûteux à produire, et produire un lait d’été moins bien valorisé mais plus
économe, va ainsi conditionner la conduite de l’atelier taurillons, donc ses
résultats. Va-t-on plutôt mettre sur le marché des taurillons finis au moment
où les cours sont structurellement les plus bas ou va-t-on vendre des tau-
rillons non finis au moment où les cours sont les plus hauts quel que soit
leur état d’engraissement ?
RÉCAPITULONS
L’approche globale de l’exploitation agricole permettant une compréhen-
sion du système de décision et une modélisation du système de production
est un préalable incontournable à la réalisation du diagnostic.
60
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
1. Les forces et faiblesses ne sont pas des atouts
et contraintes
Quelle est la différence entre « atouts/contraintes » et « points forts/points faibles » ?
(fig. 6)
Point fort = les résultats obtenus sont conformes aux objectifs fixés et sont proches
ou supérieurs aux résultats obtenus par un groupe d’appartenance ou à des références.
Point faible = les objectifs ne sont pas atteints et ne semblent pas pouvoir l’être sans
modifications. Les résultats obtenus sont inférieurs à ceux obtenus par un groupe
d’appartenance ou à des références.
61
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
Réel perçu
Environnement, histoire,
facteurs de production
Atouts Contraintes
Évolution
Objectifs Confrontation Comparaison pluri-annuelle
Résultats
Décisions Données
de groupe
Diagnostic
Projets
d’amélioration
62
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
2. Marges de progrès et pistes d’amélioration
Les conclusions en termes de forces et de faiblesses permettent d’envisager des
marges de progrès possibles. Elles peuvent être chiffrées (pour celles qui peuvent l’être)
en les confrontant avec les objectifs que l’exploitant s’est fixés et en les comparant
avec des données de groupe et/ou des références.
Résultats
1/4 supérieur
Moyenne Marge
groupe de progrès 2
Marge
de progrès 1
Résultats
de l’exploitation
Résultats
1/4 inférieur
63
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
Étape 3 Aboutir au diagnostic global
Approche globale
de l’exploitation agricole
(AGEA)
Diagnostic global
Dimension Dimension
économique sociale
Dimension
environnementale
La figure 9 cherche ensuite à préciser ce qu’on peut aborder dans chacune des
dimensions et cherche à mettre en évidence les multiples interrelations entre les dif-
férents diagnostics. Cette présentation est, certes, réductrice mais elle veut surtout
faire comprendre que, quel que soit l’objet du diagnostic, global ou partiel, à l’échelle
d’un atelier, ou un aspect de l’exploitation (par exemple l’organisation du travail),
il convient de se situer dans une perception globale de ce diagnostic.
64
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Diagnostic global
Dimension environnementale
65
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
Atouts Contraintes
Environnement
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
Facteurs de production
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
............................................................................ ............................................................................
66
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Doc. 1 - Un élevage dynamisé par la filière AOC époisses
67
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
Par chance, une coopérative de déshydratation de luzerne toute proche permet
au Gaec de bénéficier de bouchons de luzerne tracés. « Nous livrons la luzerne,
et nous la récupérons déshydratée quelques heures après », indique Denis
Salomon.
68
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Un aliment à 89 % de la zone AOC
La ration d’hiver contient donc de l’ensilage de maïs, des bouchons de luzerne
(3 kg), de la paille et du foin de dactyle et luzerne. Le tout distribué à la mélan-
geuse est complété par des céréales aplaties récoltées sur l’exploitation, et un
tourteau moitié soja moitié colza, dont la partie colza est produite sur la zone
AOC et tracée. Un passage quasi obligé, car le cahier des charges de l’époisses
exige aussi que 85 % de l’aliment vienne de la zone AOC. Ici, au final, seulement
11 % de l’aliment vient de l’extérieur de la zone : le soja et les sels minéraux.
L’enrubanné, issu de la première coupe de la parcelle dactyle -luzerne et éven-
tuellement du regain- est distribué directement à l’auge le soir. Le niveau de
complémentation a diminué depuis cinq ans : « Nous ne visons pas de pic de lac-
tation, insiste Gilles Salomon. Nous voulons des vaches en bonne santé, qui rem-
plissent bien, qui vieillissent bien. » Et il est vrai qu’avec un niveau de lactation
à 7 890 kg, les frais d’élevage restent réduits, avec notamment 40 euros pour
1 000 litres de frais vétérinaires, contre 48 euros pour 1 000 litres en moyenne pour
les éleveurs de Brunes de Côte-d’Or. Les coûts fourragers sont eux très bien maî-
trisés (21/1 000 L contre 28 en moyenne pour les éleveurs Brunes du département),
grâce notamment au désherbinage du maïs et à la large place de la luzerne, bien
adaptée à la région.
La qualité du lait obtenu permet d’obtenir les meilleurs prix avec un taux pro-
téique de 35,5, un taux butyreux de 42,5, aucune livraison supérieure à
250 000 cellules et pas de butyriques.
69
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
privilégie les aplombs et la mamelle, tout en veillant à ne pas dégrader les taux
(une exigence du cahier des charges), mais tant pis si elles ne sont pas au maxi-
mum de lait », précise Gilles. Les résultats de reproduction sont bons, avec un der-
nier chiffre à 62 % de réussite en première insémination. L’élevage pratique de
plus en plus de vêlages à deux ans, suite notamment au suivi technico-écono-
mique du Contrôle laitier et à la confrontation de ses résultats avec ceux d’autres
éleveurs.
Avis d’expert
Frank Lavédrine, responsable technique, contrôle laitier de Côte-d’Or
« Cet élevage a su intégrer un cahier des charges rigoureux malgré
un potentiel fourrager limité. En s’adaptant aux contraintes de manière
très raisonnée, la plus-value de l’AOC est perçue avec un niveau de
dépenses contenu, malgré le surcoût entraîné par les aliments tracés
utilisés. Le Gaec Salomon atteint un produit global de 469 euros pour
1 000 litres contre 440 euros pour 1 000 litres en moyenne pour les élevages
bruns du département. L’élevage se situe ainsi dans les dix meilleures
marges du département toutes races confondues. Le matériel pèse lourd
dans les charges de structure, mais c’est représentatif des systèmes lait
et céréales de la région, avec des surfaces importantes. Au final,
avec 39 % d’annuités sur EBE, la situation financière reste saine. »
Source : Réussir Lait-Élevage n° 204, juin 2007
70
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Atouts Contraintes
Environnement
– Zone AOC époisses Exigences du cahier des charges AOC
– Filière génératrice d’une dynamique entre époisses :
les éleveurs (formation, rencontres, com- – la ration hivernale doit contenir au moins
paraisons) 1/3 de fourrage sec
– Présence d’une coopérative de déshydrata- – interdiction d’utiliser des sous-produits
tion de luzerne proche de l’exploitation et hors de la zone AOC
dans la zone de l’AOC – obligation d’acheter des concentrés tracés
– Forte demande pour de jeunes Brunes plus chers (surcoût)
– Bon suivi technico-économique du contrôle – 85 % des aliments du bétail doivent pro-
laitier et confrontation des résultats avec venir de la zone AOC
ceux des autres éleveurs
Facteurs de production
Troupeau Sols - Parcellaire
– Race Brune : une des 3 races admises par – Sols caillouteux, superficiels et séchants
le cahier des charges de l’AOC ayant pour conséquence une saison de
– Troupeau avec un bon potentiel génétique pâturage courte (de mi-avril à mi-juin)
– Élevage réputé – Potentiel fourrager limité
Facteurs humains
– Polyvalence de la main-d’œuvre : les deux
frères savent tout faire et peuvent se rem-
placer pour les congés
– Gilles est très impliqué dans la race Brune :
il est président de la coopérative de vente
Brune Expansion
Bâtiments et équipements
– stabulation avec aire paillée et aire
d’exercice sur caillebotis (12 m2/VL)
– Salle de traite 2 5 en épi pour 38 VL
71
Mettre en œuvre le diagnostic global sur une exploitation agricole
– La référence laitière n’a pas été évoquée dans l’article comme un atout
ou une contrainte. On peut supposer qu’elle constitue un élément neutre
dans le fonctionnement de l’exploitation.
– L’AOC époisses est à la fois un atout car elle permet une bonne valorisa-
tion du lait et une contrainte du fait d’un cahier des charges exigeant et
pas forcément adapté aux caractéristiques pédoclimatiques de
l’exploitation.
72
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Résultats
Objectifs
Points forts Points faibles
Dimension économique
Dimension sociale
Dimension environnementale
73
74
Corrigé >
Résultats
Objectifs
Points forts Points faibles
Dimension économique
Respecter le cahier – Le cahier des charges est parfaitement respecté :
des charges 89 % des aliments proviennent de la zone AOC et
ces aliments sont tracés (dont luzerne qui est
déshydratée par la coopérative)
– Seuls le soja et les minéraux viennent de
l’extérieur de la zone AOC
– La situation financière est saine avec 39 % – Charges de mécanisation élevées avec un poids
d’annuités sur EBE relatif élevé dans les charges de structure
Dimension sociale
– Les associés se remplacent quelques jours 3 fois
par an
Dimension environnementale
– Bonne valorisation des engrais de ferme
– Pratique du désherbinage
Cependant, il est important, à partir de cet exercice, d’avoir fait la nuance entre
atouts/points forts et contraintes/points faibles, d’avoir mis en relation les objec-
tifs fixés avec les résultats obtenus et de les comparer avec un groupe d’appartenance
(ici le groupe des éleveurs de Brunes du département de Côte-d’Or). On peut remar-
quer que l’avis de l’expert est primordial dans un diagnostic.
RÉCAPITULONS
Réaliser un diagnostic global sur une exploitation agricole nécessite, d’une
part, de prendre en compte le fonctionnement global de l’exploitation
grâce à la méthode de l’AGEA, et d’autre part, de réfléchir, dans l’élaboration
du diagnostic, aux multiples interactions existant entre les différents dia-
gnostics (ou diagnostics partiels). Un diagnostic global n’est pas une
simple addition des différents diagnostics réalisés sur l’exploitation mais
il doit être une synthèse hiérarchisée de ces différents diagnostics.
Prendre en compte
la cohérence du système
exploitation-famille
À l’issue de cette séquence,
vous devrez être capable :
• d’identifier les éléments principaux
de la cohérence économique
et financière de l’exploitation ;
• d’évaluer la cohérence du système
de production et de sa conduite
technico-économique ;
• de porter un avis sur le bon équilibre
social de l’exploitation.
Préambule
Qu’est-ce que la cohérence ?
Mais qu’est-ce que la cohérence d’une exploitation agricole ou d’un système ? D’après
Le Larousse, un système cohérent serait un système qui « présente des parties en rap-
port logique et harmonieux, dont toutes les parties se tiennent et s’organisent logi-
quement ».
On pourrait parler du « bon équilibre d’un système », mais comment appréhender la
cohérence, l’harmonie du Système Exploitation-Famille ?
78
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Étape 1 La cohérence économique et financière
« Sur mon exploitation, je souhaite concilier un bon niveau de revenu afin
de pouvoir assurer des prélèvements privés de 2 000 €/UTH/mois, soit
24 000 €/UTH/an et une capacité à autofinancer les investissements de
6 000 €/an tout en réduisant le temps de travail et aussi la pénibilité ».
« Travailler moins pour gagner plus », 2 finalités en apparence contradictoires qui
demandent une cohérence dans les choix qui vont être faits par l’exploitant. Il s’agit
de concilier l’économique et le social.
Avoir des
prélèvements privés
de 24 000 €/an
1. Revenu disponible
Pouvoir au minimum 30 000 €/an
autofinancer
6 000 €/an
Le bon
équilibre
économique
et financier
3. Annuités
2. Quel niveau d’EBE
Quel niveau maximal
dois-je atteindre ?
d’annuités ?
Comment
optimiser
économiquement
le système
d’exploitation ?
79
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
Pour comprendre la figure 1, rappelons quelques définitions.
Les objectifs stratégiques que s’est fixés l’exploitant l’obligent, au niveau de ses déci-
sions, à respecter une certaine cohérence dans la conduite de son exploitation.
Ainsi, si je veux obtenir un revenu disponible d’au moins 30 000 €/an, il faut, que
l’équilibre économique et financier soit respecté, équilibre qui s’appuie sur l’égalité
fondamentale suivante :
Revenu disponible = EBE – Annuités
Si, par exemple, l’exploitation peut atteindre, un EBE moyen de 50 000 €/UTH/an,
les annuités ne pourront pas dépasser les 20 000 €/UTH/an. Quelle cohérence dans
la conduite technico-économique de l’exploitation faut-il respecter pour atteindre
cet objectif d’EBE ?
C’est ce que nous allons aborder dans l’étape 2.
80
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
le plus souvent garante de l’efficacité économique de l’exploitation que l’on peut mesu-
rer par le niveau d’EBE dégagé par UTH mais aussi en établissant le ratio EBE/Produit
brut*.
1. Revenu disponible
Le bon
équilibre
économique
et financier
2. EBE 3. Annuités
Comment
optimiser
économiquement
le système
d’exploitation ?
Densité laitière
(lait/ha de SFP)
La
cohérence
du système
de production
81
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
La figure précédente, certes quelque peu réductrice, met en évidence que l’optimisation
de l’EBE sur une exploitation laitière peut être obtenue si on met en cohérence :
– la densité laitière de l’exploitation qui se mesure par la quantité de lait produit/ha
de SFP,
– la moyenne économique soit la quantité de lait produit/VL,
– le chargement qui se calcule en UGB/ha de SFP.
La moyenne économique est un critère qui est beaucoup utilisé dans le diagnos-
tic technico-économique d’une exploitation laitière. Cette moyenne résulte avant tout
de l’objectif que l’éleveur se fixe : « je veux avoir des vaches laitières qui produisent
82
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Climat Foncier Laiterie
Assolement
SFP
SNF
EMPE(1) HERBE
1. Densité laitière
(lait/ha de SFP)
Alimentation
Lait/ha de SFP
alimentation pour troupeau lait
extérieure La
cohérence
du système
de production
Nombre de VL
Bâtiments Atelier viande
vaches
Race allaitantes
Conduite troupeau …
Génétique
taux d’élevage,
âge au vêlage, Nb de génisses
périodes,
reproduction
…
(1) Ensilage de maïs plante entière
83
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
10 000 kg/an » ou « mon objectif est d’avoir des vaches laitières à 5 000 kg pour avoir
une conduite tranquille ». L’objectif que je me fixe va dépendre, en particulier si je
veux que mes vaches produisent beaucoup de lait, du potentiel génétique de mon
troupeau. L’objectif de production va définir les orientations du système, à savoir le
choix du mode de conduite alimentaire : « je vais nourrir des vaches différemment si
je veux avoir une moyenne à 10 000 kg ou 5 000 kg de lait/VL ». Certains facteurs
limitants peuvent aussi orienter la conduite de ma production ; par exemple, « j’ai un
quota de 300 000 L de lait mais je n’ai que 40 places pour les VL dans mon bâtiment,
donc ma moyenne économique devra être de 7 500 kg/VL », « avec 50 places, je peux
réaliser mon quota avec une moyenne économique de 6 000 kg/VL ».
84
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
• Rappel de la valeur UGB des différentes catégories d’animaux
Vache laitière 1
85
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
Conduite 6 : je veux intensifier surface et atelier lait : « Je choisis de consa-
crer la moitié de la SAU à la production céréalière et décide d’intensifier la
production laitière. Je me donne comme objectif de produire 8 000 kg de
lait/VL en élevant des génisses à 2 ans uniquement pour le renouvelle-
ment. »
Conduites 1 2 3 4 5 6
Quota 300 000 300 000 300 000 300 000 300 000 300 000
Quota/ha
3 000 3 000 3 000 3 000 3 000 3 000
de SAU
Moyenne
.................. .................. .................. .................. .................. ..................
économique
Lait/ha de SFP
consacré au .................. .................. .................. .................. .................. ..................
troupeau laitier
86
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Commentaire
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
87
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
Réponse 1 > Voici le tableau tel que vous avez dû le compléter.
Conduites 1 2 3 4 5 6
Quota 300 000 300 000 300 000 300 000 300 000 300 000
Quota/ha
3 000 3 000 3 000 3 000 3 000 3 000
de SAU
Lait produit 300 000 336 000 306 000 310 000 320 000 312 000
Moyenne
6 000 6 000 9 000 5 000 5 000 8 000
économique
Nb de VL 50 56 34 62 62 39
SNF 0 0 0 10 11 50
Lait/ha de SFP
consacré au 3 000 4 905 3 100 3 440 4 220 6 240
troupeau laitier
Réponse 2 > Voici les commentaires que l’on peut faire pour chaque
conduite d’exploitation.
88
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
préjudiciable (conduite 1). La recherche de la performance au niveau du
troupeau laitier avec une très forte moyenne par vache, qui pourrait être
analysée comme un point fort de l’exploitation si on ne regarde que ce cri-
tère de productivité, peut avoir pour conséquence une non-maîtrise du sys-
tème de production et un gaspillage important de ressources fourragères
ainsi qu’un coût certainement élevé de l’alimentation du troupeau laitier
(conduite 3).
89
Prendre en compte la cohérence du système exploitation-famille
Étape 3 Le bon équilibre social :
concilier revenu et qualité de vie
Pour terminer sur cette partie traitant de la cohérence dans un diagnostic
d’exploitation, nous allons aborder un point sur la question du bon équilibre social,
à savoir la mise en relation entre revenu et qualité de vie.
Un fois de plus, nous nous aiderons d’un schéma simple pour mettre en évidence cette
notion fondamentale de cohérence sociale (fig. 4).
Nous ne ferons qu’aborder cette problématique, pourtant de plus en plus présente
dans le questionnement des exploitants, dans la conduite de leur entreprise.
2. Qualité de vie
(familiale, personnelle,
travail)
Capacité
Le bon d’organisation
équilibre
social
Nous pouvons, à travers cette figure qui clôt cette partie sur la cohérence dans un
diagnostic global, nous rendre compte que la cohérence sociale repose sur un équi-
libre entre revenu disponible, qualité de vie, temps et conditions de travail.
90
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Au final, il s’agit pour l’agriculteur d’aboutir à un équilibre (« social ») entre :
– un revenu disponible : qui permet un certain niveau de prélèvements privés, donc
d’assurer (ou non) un niveau de vie en adéquation avec les objectifs stratégiques
que l’exploitation s’est fixés. Le revenu disponible va aussi servir à autofinancer
les investissements et donc réduire éventuellement le poids des annuités de
l’exploitation. Comme nous l’avons vu précédemment, le revenu disponible dépend
de la cohérence économique de l’exploitation. On peut mettre en relation le niveau
de vie permis par les prélèvements privés avec la qualité de vie et le temps de tra-
vail ;
– la qualité de vie, à la fois personnelle, familiale et professionnelle. Ces notions ren-
voient aux aspirations, au ressenti des différents membres du Système Exploita-
tion-Famille. On est dans le domaine du diagnostic qualitatif. On reviendra sur ce
point du « qualitatif » dans les critères et indicateurs de diagnostic (étape 1 de la
séquence 4 ) car ils sont parfois aussi importants que les aspects quantitatifs ;
– la question du temps de travail mais aussi des conditions de travail, dernier point
du triangle de la cohérence sociale, est fonction des capacités organisationnelles
des personnes travaillant sur l’exploitation mais aussi de la fonctionnalité des
moyens de production (foncier, bâtiments, équipements, matériel, cheptel). Ces fac-
teurs de production sont, pour beaucoup d’entre eux, le reflet de la politique
d’investissement et de modernisation initiée par les acteurs de l’exploitation afin
d’améliorer leurs conditions de travail. L’investissement pose la question de son
financement, en particulier le recours aux emprunts qui généreront de nouvelles
annuités et modifieront par là-même la cohérence économique et financière de
l’exploitation.
RÉCAPITULONS
La question que pose le diagnostic global est de savoir si le Système
Exploitation-Famille est cohérent, tant au niveau économique et financier
que social (et on pourrait aussi ajouter environnemental).
Nous allons passer maintenant à la séquence 4, portant sur les indicateurs ou cri-
tères de jugement. L’objectif est de développer l’esprit critique de l’utilisateur des
indicateurs et critères, de mettre en évidence que leur utilisation n’est pas neutre.
Séquence 4
Tout au long de l’article, de nombreux indicateurs et critères ont été utilisés pour
réaliser un diagnostic de l’exploitation ; ils ont été comparés à des données de
groupe pour constituer des références spatiales. On peut aussi comparer les résul-
tats actuels avec des résultats passés pour établir des références temporelles.
94
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
RÉCAPITULONS
Pour réaliser le diagnostic d’une exploitation, il faut disposer ou élaborer
des références chiffrées qui permettent de relativiser des résultats par rap-
port à une situation ou un atelier comparable : c’est ce qu’on appelle des
références spatiales ; mais on va aussi comparer ces résultats par rapport
aux années passées et établir ainsi des références temporelles.
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
(1) Marge Brute = Produit global d’un atelier – Charges opérationnelles de l’atelier
(2) Moyenne économique = Lait total produit/Effectif moyen de vaches laitières présentes au cours
d’un exercice
(3) Ratio = rapport entre 2 valeurs (par exemple, la marge brute/1 000 litres de lait)
95
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
€/1 000 L
Marge Brute/VL
Marge Brute/1000 l
€/VL
2 000 320
300
1 500
280
1 000
260
500
240
0 220
3 000 3 500 4 000 4 500 5 000 5 500 6 000 6 500 7 000 7 500 8 000 8 500 9 000 L / VL / an
Source : Données Contrôle laitier de Haute-Marne, 2000
96
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
72,0%
70,0%
69,0%
68,0%
67,0%
66,0%
65,0%
64,0%
3 000 3 500 4 000 4 500 5 000 5 500 6 000 6 500 7 000 7 500 8 000 8 500 9 000 L / VL / an
Source : Données Contrôle laitier de Haute-Marne, 2000
97
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Réponse 2 > Conclusion
Les 2 premiers ratios concernant la marge brute lait donnent des indications
complètement contradictoires. Le premier ratio appuierait la logique inten-
sive et le second la logique extensive. Le ratio sur « l’efficacité écono-
mique » conforte les indications données par le ratio marge brute/
1 000 litres.
Sans remettre en cause l’intérêt des ratios pour pouvoir comparer des résultats entre
exploitations, il est parfois pertinent de raisonner avec des données globales ou des
valeurs brutes. Pour revenir à l’exercice précédent, le raisonnement par la Marge
Brute Globale peut s’avérer tout à fait pertinent.
98
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
RÉCAPITULONS
« L’élaboration du diagnostic global sollicite un avis ou un jugement d’ex-
pert sur le fonctionnement de l’exploitation. Qui dit jugement dit critères
de jugement. Il n’y a pas de diagnostic sans point de vue. » (in « Fonc-
tionnement et diagnostic global de l’exploitation agricole », Éric Marshall,
Jean-Régis Bonneviale, Isabelle Francfort, ENESAD-SED, 1997)
Les critères ou indicateurs de jugement sont les éléments ou normes par rap-
port auxquels l’expert élabore un jugement, émet un avis et caractérise les
points forts et les points faibles de l’exploitation.
– Les critères traduisent le point de vue adopté, l’intention.
– Les critères peuvent être ceux de partenaires extérieurs : banque, four-
nisseur, technicien agricole, conseiller de gestion, technicien du contrôle
laitier, ou ceux des membres de l’exploitation.
La série de questions suivante doit être posée pour réaliser un diagnostic global d’ex-
ploitation.
99
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
On retrouve cette démarche dans le diagnostic agronomique » (le rendement obtenu
est-il conforme au rendement objectif ?), le diagnostic du système d’élevage (les résul-
tats obtenus au niveau d’un troupeau sont-ils en adéquation avec ce que l’éleveur
en attend ?), le diagnostic du système fourrager (le bilan fourrager est-il suffisam-
ment sécurisé ?).
100
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Le fonctionnement de l’exploitation est-il modifiable ?
Autrement dit, quels atouts (ou quelles contraintes) favorisent (ou handicapent) le
développement de l’exploitation ? Quelles contraintes pourraient être levées pour abou-
tir à un fonctionnement plus satisfaisant de l’exploitation dans le respect des fina-
lités des acteurs ? Quels atouts ne sont pas valorisés ?
101
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
(l’interdiction de certains produits phytosanitaires ou leur réduction oblige l’agriculteur
à revoir ses itinéraires techniques) ou économiques (certification, cahier des charges,
charte des bonnes pratiques).
102
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Ces indicateurs ont un intérêt limité car ils ne permettent pas les comparaisons
avec des références spatiales. En revanche, ils peuvent être analysés en les compa-
rant dans le cadre d’une évolution (la référence temporelle). Comment a évolué l’EBE
de l’exploitation au cours des 5 dernières années ? L’actif de l’exploitation a-t-il
augmenté et quels sont les différents postes de cet actif qui ont le plus progressé :
les immobilisations corporelles, les animaux reproducteurs, les stocks ?
103
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Cette mesure de l’efficacité ou efficience va aussi se faire en fonction des produits
de l’exploitation : l’EBE/produit brut, les charges opérationnelles/produit brut, les
charges de concentrés/produit brut animal. L’avantage de ces ratios établis à partir
du produit brut ou du produit d’une activité (animale ou végétale) est qu’il est très
synthétique et qu’il permet d’approcher la rentabilité de l’exploitation : « Pour 100 €
de produit, quel est mon niveau d’EBE, de combien pèsent mes charges opération-
nelles ? »
104
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Les références spatiales posent la question de l’origine de ces références : d’où vien-
nent-elles ? Comment a été constitué le groupe ? Est-il représentatif, homogène,
pertinent par rapport à l’exploitation diagnostiquée ?
Il convient donc de choisir une analyse de groupe formée d’un échantillon d’exploi-
tations le plus proche possible de l’exploitation étudiée et de situer l’exploitation
en fonction des critères de classification utilisés.
Le groupe peut être constitué à partir d’un seul critère (ce qui est plutôt rare) ou à
partir d’un mélange de plusieurs critères. Il est évident que le groupe sera d’autant
plus proche de l’exploitation, donc aura valeur de groupe d’appartenance, qu’il a été
constitué de multiples critères. Cependant, la constitution d’un groupe homogène et
auquel l’exploitation pourra vraiment se comparer reste rare.
105
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Attention ! Un groupe constitué à partir d’un nombre d’exploitations trop restreint
ne permettra pas de se comparer ou tout du moins ne sera pas très représentatif.
EXEMPLE
La figure 3 ci-contre présente un exemple de typologie des exploitations
agricoles. Cette typologie est basée sur les critères suivants : zone de plaine-
basses vallées, plateau - montagne, statut juridique, référence laitière,
taille, système fourrager, niveau d’intensification, et degré de modernisa-
tion et a permis de constituer 6 groupes d’exploitations.
Le groupe peut être aussi constitué à partir d’un choix de critères ciblés visant à pro-
duire des références nouvelles en fonction de ce qu’on a envie d’étudier. Par exemple,
si l’on fait une étude sur le temps de travail en élevage laitier parce qu’on manque
de références dans ce domaine, on peut constituer la typologie à partir de facteurs
de production qui paraissent a priori avoir une incidence sur le temps de travail ou
sur le nombre d’UTH.
Quand on compare les résultats d’une exploitation à un « groupe d’appartenance »,
il faut systématiquement s’interroger pour savoir si l’exploitation est vraiment proche
du groupe ou pas, et comment a été constitué le groupe. Nous en revenons à nou-
veau à l’application du principe de prudence.
Dans un diagnostic, l’élaboration des points forts et des points faibles peut très bien
se faire en comparant les résultats de l’exploitation avec des références provenant
de différentes sources. Par exemple, les données économiques générales peuvent être
analysées au regard des données de groupe du centre de gestion, les résultats tech-
nico-économiques du troupeau laitier seront diagnostiqués à partir des informa-
tions du contrôle laitier, l’organisation du temps de travail va être décortiquée grâce
aux résultats d’une enquête réalisée auprès des exploitations spécialisées lait de la
région, les résultats financiers seront étudiés en les comparant aux références de la
banque, le diagnostic environnemental pourra être réalisé à partir d’un code des bonnes
pratiques, etc.
Les ressources et références existent, elles sont de plus ou moins bonne qualité, le
tout est d’utiliser les meilleures du moment.
106
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Plateau - Montagne (ZM)
M6 (30 % ZM)
– Grosses structures sociétaires
à forte référence laitière
– Modernisées
– Système foin (séchage 1/3)
M5 (37 % ZM) – Lait à contrainte majoritaire
– Exploitations individuelles à (zone AOC)
quota relativement important
– Modernisées récemment
– Assez intensives V2 (38 % ZB)
– Fort pourcentage de séchage
(54 %) – Grosses structures
M4 (25 % ZM) sociétaires laitières
– Exploitations MV3 (8 % ZM et 35 % ZB) de zone basse
individuelles à faible – Maïs dominant
– Exploitations individuelles
référence laitière
à structure assez importante
– Très économes en
– Système maïs
investissement
– Foin traditionnel
Quota +
majoritaire
– J.A. bien représentés V1 (27 % ZB)
(54 %)
– Exploitations individuelles Individuels GAEC
à faible référence laitière
– On introduit le maïs
dans les rations de base Quota –
108
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Étape 4 Étudier l’évolution des résultats
(références temporelles)
Dans un diagnostic d’exploitation portant sur des aspects techniques, économiques
et financiers, il est primordial d’étudier l’évolution des résultats sur plusieurs années
pour gommer un effet « année » (une bonne année, comme une mauvaise n’est pas
représentative d’une « année normale ») ou prendre la mesure d’une tendance ou
d’une moyenne ou encore appréhender les capacités d’adaptation de l’exploitation
à son environnement ou à des événements.
1. Le choix de la durée
Il semble qu’une durée optimale d’étude pour un diagnostic technico-économique et
financier soit de 5 ans. Au-delà, cela paraît trop long, en dessous de cette durée, le
risque est de passer à côté d’événements climatiques, économiques ou personnels
et familiaux.
Dans le cas d’un diagnostic financier, s’appuyant essentiellement sur une analyse du
bilan, outil statique par excellence puisqu’il présente la situation de l’exploitation
à une date donnée, il est possible d’allonger la durée d’étude pour pouvoir prendre
en compte des événements importants dans l’histoire de l’exploitation : une instal-
lation, un départ en retraite, une séparation, un agrandissement, un investissement
conséquent… En effet, il peut être important dans un diagnostic financier de pou-
voir mettre en évidence que la situation financière actuelle résulte d’événements, de
décisions passées et d’en analyser et l’origine et les conséquences.
109
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
de production et se transformant en DPU, la marge brute du même atelier sera ampu-
tée du montant de la DPU. Il ne sera donc plus possible, à compter de 2006, de com-
parer la marge brute d’un atelier avec les années précédentes.
Les schémas ci-contre (fig. 4) ont pour ambition de mettre en évidence les différentes
situations que l’on peut rencontrer dans le cadre d’un diagnostic d’exploitation agri-
cole. Pour chacune des situations présentées, il est primordial de se comparer avec
les évolutions des données de groupe. Par exemple, un résultat d’exploitation peut
baisser (situation 3), ce qui constitue un point faible mais si cette baisse est moins
importante que celle du groupe, cela permet de relativiser cette baisse et d’en
déduire plutôt un point fort : « certes il y a eu baisse des résultats mais ils restent
supérieurs aux données de groupe ».
110
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Situation 1 : des résultats stables
Une telle évolution met en évidence que les résultats de
l’exploitation sont très réguliers et démontre éventuelle-
ment une bonne maîtrise dans la conduite de l’exploitation.
Les résultats ne sont pas sujets aux aléas climatiques ou éco-
nomiques.
Mais ils peuvent aussi traduire, s’ils sont inférieurs à des
données de groupe, une permanence dans le manque de per-
formance d’où un point faible.
Lisez le texte suivant « Dans les fermes des Réseaux d’élevage, les clefs
d’optimisation économique », publié dans la revue Cap élevage*
(doc. 1). Vous répondrez ensuite aux questions suivantes.
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
.......................................................................
5 > Quels sont les repères étudiés qui permettent d’expliquer les dif-
férences de résultats entre 1/4 supérieur et 1/4 inférieur ?
.......................................................................
.......................................................................
* Cap élevage n° 20 de décembre 2007, données 2005-2006, Réseau d’Élevage Lait Bretagne, ETRE
(Équilibre Travail Revenu Environnement), Chambre d’Agriculture de Bretagne, pôle herbivores
et Institut de l’élevage
112
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Doc. 1 - Dans les fermes des réseaux d’élevage,
les clés de l’optimisation économique
Les résultats annuels de ces élevages constituent une base de données pour mener
des investigations approfondies et dégager des repères sur plusieurs critères.
L’analyse des 1/4 supérieurs et des 1/4 inférieurs permet de mettre en parallèle les
indicateurs techniques des conduites efficaces sur le plan économique.
113
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Amélioration des produits
L’écart de 40,5 €/1 000 litres sur les produits se répartit entre les produits viande
et primes (42,5 €) et les cultures de vente et divers (- 2 €). Si, dans cet échantillon,
la qualité du lait est maîtrisée, le produit viande génère beaucoup d’écarts. Les
composantes de ce produit sont les nombres d’animaux vendus, leur poids et les
prix.
En agrobio, le faible niveau des charges opérationnelles est contrebalancé par
celui des charges de structure. Les résultats économiques sont proches entre les
deux réseaux.
114
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Écarts de coûts alimentaires
Tri Coûts alimentaires 25 % 25 %
Moyenne
Réseau ETRE 2005-2006 dépensier économe
Coût VL en €/1 000 L 63 48,6 34,7
dont fourrages 27,5 23,8 20,6
dont concentrés 35,6 24,8 14,3
Coût UGB élèves en €/UGB 293 189 91
dont concentrés 172 92 18
Les écarts de coûts alimentaires viennent des coûts et quantités de concentrés.
Pour atteindre les 40 € de coût alimentaire sans modifier son système de produc-
tion, une chasse aux « gaspis » est d’abord nécessaire. Des tableaux de coûts
fourrages du réseau ETRE donnent des repères optimisés selon les systèmes choisis.
Le choix d’une stratégie plus économe en concentrés et valorisant plus de pâtu-
rage permet d’aller plus loin dans la réduction du coût alimentaire.
En agrobiologie, les coûts alimentaires élevés sont expliqués par le manque
d’autonomie : achats de concentrés et de fourrages.
115
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
(1/4 inf.). La moyenne se situe à 87 € par VL soit 13 €/1 000 L, avec environ 50 %
de préventif. Les troubles de la mamelle représentent la moitié des coûts vaches
laitières.
En additionnant dépenses et manques à gagner, l’impact économique des troubles
de santé atteint les 250 €/VL : 1/3 dépenses et 2/3 manques à gagner.
Autres postes
D’autres postes ont augmenté ces dernières années. Il s’agit du foncier avec un
calcul de mise à disposition pour les EARL ou GAEC. Parmi les autres charges de
structure, les achats de matériel informatique, de logiciels, de services sont deve-
nus des postes importants.
Les travaux à venir continueront sur la recherche de l’efficacité économique, mais
prendront plus en compte la rémunération du travail. Avec les agrandissements
et les associations, des écarts de taille par unité de main-d’œuvre vont s’accen-
tuer. L’observation des savoir-faire et des résultats terrains permettra de diffuser
des références validées et locales.
116
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Réponse 1 > Le thème de l’article est l’analyse des clés d’optimisation
économique des exploitations laitières du réseau ETRE (Équilibre Travail
Revenu Environnement) en Bretagne.
RÉCAPITULONS
Dans un diagnostic, les comparaisons avec des références spatiales et tem-
porelles sont non seulement nécessaires mais elles se complètent très bien.
Cependant, il convient de faire preuve de prudence dans l’utilisation de ces
références, tant au niveau du ratio lui-même que dans la constitution du
groupe avec lequel on va comparer les résultats de l’exploitation.
117
Relativiser les résultats : comparaison à un groupe et aux années passées
Nous allons pouvoir passer à la séquence 5 qui va nous permettre de mieux comprendre
comment, dans un diagnostic, on va rechercher l’origine et les causes des points
forts et des points faibles car l’identification des causes permettra plus facilement de
proposer des pistes d’amélioration.
Séquence 5
Pour bien comprendre cette démarche d’investigation, nous allons illustrer par des
arborescences, ce que pourrait être la recherche de causalité dans un diagnostic tech-
nico-économique.
Nous aurions pu, tout autant, appliquer la même démarche dans le cadre d’un dia-
gnostic financier, sur l’organisation du travail ou encore environnemental : le schéma
d’investigation se présenterait de la même manière, à savoir sous forme d’une arbo-
rescence. On peut donc évoquer la notion d’« arbre à diagnostic ».
1. « L’arbre à diagnostic »
Principe : partir du plus global pour aller vers le plus analytique, le plus précis,
le plus technique
Pour reprendre l’image de l’arbre évoquée plus haut, il convient, dans le cadre d’une
démarche de diagnostic, de partir du critère le plus global sur lequel on veut établir
un diagnostic : donc le tronc de l’arbre (par exemple l’EBE, la marge brute d’un ate-
lier, le temps de travail de l’exploitation, la consommation d’énergie…), pour ensuite
remonter le plus loin possible dans la recherche des explications : du tronc de l’arbre,
120
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
nous allons passer aux branches les plus grosses, ensuite aux branches les plus fines
puis aux rameaux extrêmes pour arriver jusqu’aux feuilles.
Selon le temps que vous avez (de quelques minutes à plusieurs jours), la démarche
d’investigation va remonter plus ou moins loin pour chercher les causes permettant
de comprendre tel ou tel résultat.
Pour analyser l’EBE d’une exploitation, l’expert doit tout d’abord caractériser cet
EBE sous forme de point fort ou de point faible grâce au calcul de certains ratios
(EBE/UTH, EBE/1 000 L de lait, EBE/produit brut, EBE/UGB, EBE/ha…) et à leur
comparaison avec des références. Ensuite, il doit connaître parfaitement les diffé-
rents postes et leur importance relative dans la formation de l’EBE.
L’expert doit aussi être capable d’établir le lien entre un résultat économique (par
exemple, le coût alimentaire) avec les facteurs techniques (la conduite alimentaire,
le choix des composants de la ration, le mode de distribution) et environnementaux
(le prix des aliments, les relations commerciales).
La démarche d’investigation (fig. 1 p. 122) va se faire en remontant aux premières
branches : la marge brute globale, les charges de structure et les produits dits hors
activité (produits pour lesquels on n’établit pas de marges brutes : par exemple les
indemnités et subventions telles les DPU, les aides ICHN, les prestations de services).
Pour chacune de ces branches principales, on va étudier la ramification qui va appor-
ter l’éclairage permettant de comprendre les résultats obtenus.
121
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Lait
Produits hors activité Bovins Veaux
Génisses Prix, marché,
(DPU, travaux Lait conduite technique,
par entreprise…) Vaches de réforme périodes de vente,
conformation,
Produit Bovins Bœufs nombre d’animaux,
animal Viande Veaux mortalité,
Taurillons fécondité,
Produit global etc.
des activités Autres
animaux
Attention, quel que soit le diagnostic, mais plus particulièrement dans le cadre d’un
diagnostic technico-économique, la recherche d’une trop grande précision en isolant
un atelier ou un critère peut conduire, d’une part, à perdre de vue la cohérence glo-
bale de l’exploitation et, d’autre part, à obtenir une information de moins en moins
fiable. Il peut exister un paradoxe qui consiste, en cherchant à être le plus précis
possible, à perdre en fiabilité.
Nous reviendrons sur la question de la fiabilité de l’information dans la cinquième
et dernière séquence de ce livre.
123
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Lait
Marge brute
Veaux
Marge brute des VL
Vaches de réforme
de l’atelier
lait
Marge brute
Génisses
des génisses d’élevage
Marge brute
de la SFP Marge brute
de l’atelier Génisses prêtes
génisses prêtes
Blé
Marge brute Maïs
de la SNF Orge
Etc.
Accueil
Marge brute Vente directe
de l’atelier Ferme auberge
de diversification Travaux pour tiers
Etc.
125
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Référence laitière
Quantité de lait
Moyenne économique
produite Nombre de VL
(vente + intra
Produit lait
consommation)
Filière Laiterie
Qualité du lait
Prix du lait Périodes de livraison
Produit bovins Nombre
(vente + variation Vaches de réforme Poids
Produits
d’inventaire + Génisses État d’engraissement
de l’atelier Bovins lait cessions internes) Veaux Prix
Marché
Autres produits Primes PAC
Quantités
MB atelier Coût de concentré Types de concentré
Bovins lait Charges Prix du concentré
€/1 000 L alimentaires
et fourragères Quantités
Coût des fourrages Coût de production
Fourrrages achetés
Climat
Produit
Sol
Travail du sol
Rendement Éléments
Rotation
de technicité
Culture
MB végétale/ha Prix
Semences Choix, qualité (climat)
Quantité
Prix
Engrais Choix, qualité (climat)
Charges Quantité
opérationnelles Prix
Produit phyto Choix
Quantité
Travail Prix
par tiers Quantité
Reprenez le document 1 page 113 « Dans les fermes des Réseaux d’éle-
vage, les clefs d’optimisation économique ».
Exemple :
Produit global
des activités moyenne
461 €/1 000 L
+ 40,3 € écart
128
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Commentaires
Lait .............
.............
………………
.............
DPU (……………)
……… .............
.............
Viande et primes .............
Produit global couplées .............
des activités Produit Bovins .............
………………
461 €/1 000 L animal Lait .............
………………
+ 40,3 €
.............
Veaux .............
Produit Cultures .............
……………… .............
végétal ……… .............
EBE
(avant main-d’œuvre) .............
Fourrages .............
1/4 inf. 1/4 sup.
……………… .............
Total 56 400 € 81 630 € .............
Coût alimentaire ………………
/UHT
……………… .............
/1 000 L 195 € 281 € Concentrés
……………… .............
……………… .............
Charges .............
Écart 87 €/1 000 L opérationnelles Frais d’élevage ………………
soit 25 230 € .............
……………… .............
Charges ……………… .............
totales Mécanisation .............
………………
…………… Coût nourri-logé .............
Charges ………………
.............
de structure ……………… .............
Légende Bâtiments
……………… .............
Moyenne : en caractères gras (ex. : 23,8 €/1 000 L) ……………… .............
Écart entre 1/4 supérieur et 1/4 inférieur : .............
……………… .............
en caractères italiques (ex. : – 23,7 €/1 000 L)
L’objectif de cette dernière étape n’est pas d’aborder toutes les situations permet-
tant de collecter une information fiable mais d’engager le futur expert à être en per-
manence vigilant, prudent, voire suspicieux quant aux données, aux résultats qu’il
va analyser.
Nous allons, dans un premier temps, recenser les différentes sources d’information
dont on dispose pour élaborer un diagnostic d’exploitation et, dans un second temps,
nous illustrerons, à partir de quelques exemples, les questions que l’expert peut se
poser pour aboutir à une information fiable.
131
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Visite-enquête Documents de gestion
(sur plusieurs années)
– Interview
– Questionnaire – Compte de résultat, SIG…
Observations – Visite d’AGEA – Marges brutes de chaque
(historique de atelier
– Foncier l’exploitation – Bilan
– Bâtiments et de la famille)
– Tableau de financement
– Matériel – Entretien – Tableau pluriannuel des flux
– Cheptel – Etc. économiques et financiers
– Hommes
– Grand livre
– Cadre de vie
– Tableau des immobilisations
– Environnement
– Relevés de compte bancaire
– Etc.
– Etc.
Exploitation
agricole
Documents ou
informations techniques
Autres sources (sur plusieurs années)
d’information – Contrôle laitier
– Avis et analyse du conseiller, – Contrôle de croissance
du technicien – Enregistrement de l’exploitant
– Données sur l’environnement sur ses pratiques
(itinéraires techniques)
de l’exploitation
– Informations de la laiterie
– Voisinage
(quantités, qualité)
– Données de groupe
– Résultats des livraisons
– Références
de céréales
– Etc.
– Etc.
Comme on peut le voir, les sources d’information dont on dispose pour réaliser un
diagnostic sur une exploitation agricole sont nombreuses et variées. Il convient de
cerner avec précision les informations dont on va avoir besoin afin d’éviter de col-
lecter une information inutile.
132
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
mentarités existent entre l’atelier taurillons et les autres ateliers (les veaux mâles
engraissés sont issus de l’atelier lait, les concentrés consommés proviennent de
l’atelier culture…). Les informations qui vont m’être nécessaires vont se trouver
dans les documents de gestion, en particulier sous la rubrique intitulée « marge
brute de l’atelier taurillons » mais aussi dans les données techniques (contrôle de crois-
sance, tickets de pesées émis par l’abattoir…). La réalisation du diagnostic de l’ate-
lier va nécessiter que j’interviewe l’exploitant sur sa conduite alimentaire, sur ses pra-
tiques sanitaires, sur l’origine de ses veaux…
Les questions que doit se poser l’expert sont les suivantes : l’outil de gestion qu’est
la marge brute de l’atelier taurillons est-il fiable ? Les données qui composent cette
marge brute (les produits et les charges opérationnelles) sont-elles exactes ? Le
résultat obtenu est-il juste ?
EXEMPLE
Le tableau 1 ci-joint présente la marge brute taurillons. Repérons les postes
et les données qui pourraient s’avérer inexactes ou pour lesquelles il convient
de s’interroger quant à leur validité et pour quelles raisons (postes 1 à 9).
133
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
N° de Effectif : 171
poste UGB : 111
Total /UGB
Vente d’animaux 109 079 981
Achats d’animaux – 44 928 – 404
(1) Cessions internes (entrées) – 2 928 – 26
Cessions internes (sorties)
(2) Variations d’inventaires 3 933 305
Primes et divers
Autres produits
(3) Primes PAC 2 205 20
Produit total 97 361 876
(1) Les cessions internes qui correspondent aux veaux issus du troupeau laitier et
qui viennent constituer l’atelier taurillons sont formées du nombre de veaux
cédés multiplié par le prix de cession d’un veau. Si le nombre de veaux cédé est
peu sujet à erreur, en revanche le prix de cession d’un veau est le plus souvent
défini à partir d’une valeur d’inventaire ou d’un prix de vente théorique, d’une
valeur de marché. Si le prix de cession est élevé, il va privilégier l’atelier cédant,
donc l’atelier lait, au détriment de l’atelier taurillon et inversement.
(2) Les variations d’inventaire sont calculées en faisant la différence entre les effec-
tifs fin et les effectifs début pour une classe d’âge d’animaux (les taurillons de
0 à 1 an et ceux de 1 à 2 ans) et une valeur d’inventaire. Cette valeur d’inventaire
peut être différente entre le début d’exercice comptable et la fin d’exercice, du
fait de l’évolution des cours. Ainsi, une augmentation même modeste d’effectif
134
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
accompagné d’une forte progression du prix des animaux à la date d’inventaire
va entraîner un accroissement conséquent de la variation d’inventaire. La valeur
finale du stock ne définit en aucun cas ce que sera le prix de vente final qui peut
être supérieur ou inférieur à la valeur d’inventaire.
(3) Les primes PAC ont-elles bien été affectées à l’atelier concerné ?
(4) Les céréales achetées consommées par le troupeau viande correspondent-elles
vraiment à ce qui a été consommé ? N’y a-t-il pas risque d’une mauvaise affec-
tation des consommations d’aliments achetés quand il y a plusieurs troupeaux ?
(5) Les céréales prélevées : même question que pour le point (4) et, en plus, on peut
y ajouter la valeur choisie des céréales intraconsommées. Sont-elles déterminées
à partir du prix de revient de la céréale produite (la même question sur l’affecta-
tion des charges opérationnelles se pose quand il y a plusieurs cultures sur une
exploitation) ou est-elle définie à partir d’un prix de vente hypothétique quand
l’exploitation ne vend aucune céréale ?
(6) Pour le lait prélevé, la question est la même que pour le point (5).
(7), (8) et (9) Pour ces 3 postes, l’affectation des charges s’est-elle faite en fonc-
tion d’un enregistrement précis qui ne laisse planer aucun doute quant à la vali-
dité du montant ? Ou, la ventilation entre les différents ateliers (lait et viande)
s’est-elle faite par UGB pour des raisons de simplicité ? Dans cette situation, qui
est la plus courante, cela veut dire que l’atelier taurillon supporte des charges de
reproduction ou des charges vétérinaires de l’atelier lait. Quel peut être la vali-
dité d’une telle marge brute ?
135
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
– Question : « Cela fait quelle quantité de maïs ensilage ? »
– Réponse : « Euh… (silence) ! Euh (hésitation) ! 25 kg ! »
Fin de l’entretien.
La quantité d’ensilage de maïs consommée par les taurillons vous paraît-elle une infor-
mation fiable ? Pouvez-vous, à partir de cette information, établir le bilan de consom-
mation en maïs ensilage ?
La réponse est non !
L’exploitant vous a-t-il menti ?
Il est évident que l’exploitant ne vous ment pas mais, qu’en fait, il ne connaît pas
la donnée que vous souhaitez obtenir. Cette information ne l’intéresse pas car elle
ne fait pas partie de son référentiel de conduite. Il sait qu’il donne la bonne quan-
tité d’ensilage de maïs sans connaître « la quantité distribuée ».
Mais alors comment obtenir la « bonne information », la donnée exacte nécessaire
pour réaliser un diagnostic de cet atelier taurillons ?
Votre travail d’expert s’apparente à celui d’un enquêteur en quête de vérité. Ce tra-
vail va consister à réunir, à recouper un ensemble d’informations et de données afin
d’approcher au plus près de la vérité. Si le résultat obtenu à l’issu de l’enquête d’in-
vestigation n’est pas exact, il n’en demeure pas moins qu’il sera « le plus exact pos-
sible », « le plus plausible ».
La figure 8 montre ce que pourrait être le travail d’investigation à entreprendre pour
établir le bilan de consommation en ensilage de maïs par l’atelier taurillons. Nous
ne chercherons pas, dans cet exemple, à déterminer la quantité de maïs ensilage mais
à mettre en évidence la démarche à entreprendre pour approcher cette quantité.
136
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Effectifs moyens
de taurillons ? Mesure du volume du silo
=
Longueur Largeur Hauteur
Qualité du maïs
ensilage
(% de matière sèche) Surface de maïs
Légende ensilage ?
Information permettant Rendement à l’hectare ?
d’approcher la quantité consommée
Vérification des cohérences
au niveau de l’information
137
Rechercher les causes des résultats obtenus et vérifier la validité des informations
Reprenons les questions qui figurent dans la figure 8.
– La question 1 a été celle qui a été posée à l’exploitant et pour laquelle nous
avons eu la réponse évasive de 25 kg.
– La question 2, sur la quantité journalière (approche troupeau), permet
d’avoir une information plus globale : « chaque jour, les taurillons reçoi-
vent une désileuse de 25 m3 d’ensilage de maïs » et par là même d’ap-
procher la quantité journalière pour un troupeau (volume densité =
poids). Cela nécessite de recouper cette information avec les effectifs
moyens présents pour vérifier si la quantité journalière par taurillon est
proche de ce que l’éleveur distribue effectivement. La quantité journa-
lière multipliée par la durée d’engraissement va permettre de détermi-
ner la quantité consommée sur l’année.
– La question 3 fait appel à des références ou à des normes établies sur la
consommation d’un taurillon au cours de sa vie à partir des caractéris-
tiques raciales : l’âge, le poids, le Gain Moyen Quotidien. Ces références
sont établies par exemple par l’INRA (les tables d’alimentation de l’INRA)
ou par des organismes techniques. On va comparer les références avec les
premiers résultats.
– La question 4 va chercher à déterminer les quantités récoltées (ressources
du bilan fourrager) en cubant le silo.
– La question 5 recherche la même information que la question 4 mais par
la mise en relation entre surface récoltée et le rendement obtenu. Si on
peut supposer que la surface récoltée est proche de la réalité, le rende-
ment est le plus souvent l’objet d‘une estimation de la part de l’exploi-
tant. Quant au % de Matière Sèche de l’ensilage de maïs, en dehors de toute
analyse réalisée par un laboratoire, elle reste aussi une estimation de
l’éleveur.
138
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
RÉCAPITULONS
La question de la fiabilité de l’information à partir de laquelle va être réa-
lisé un diagnostic est essentielle. Le doute doit être permanent et il convient
d’entreprendre systématiquement une démarche d’investigation appropriée
afin de vérifier la validité des informations collectées ou à disposition.
Conclusion
Le diagnostic doit aboutir à la détermination des forces (ou points forts) et des fai-
blesses (ou points faibles) du Système Exploitation-Famille issues de la confronta-
tion entre des résultats analysés et les objectifs définis par les acteurs de l’exploi-
tation, et à une comparaison avec des références et/ou des données de groupe mais
aussi avec des évolutions pluriannuelles.
Pour réaliser le diagnostic d’une exploitation, il faut donc disposer ou élaborer des
références chiffrées qui permettent de relativiser des résultats par rapport à une situa-
tion ou un atelier comparable : c’est ce qu’on appelle des références spatiales. Mais
on va aussi comparer ces résultats par rapport aux années passées et établir ainsi
des références temporelles.
Cependant, il convient de faire preuve de prudence dans l’utilisation de ces références,
tant au niveau du ratio lui-même, que dans la constitution du groupe avec lequel on
va comparer les résultats de l’exploitation.
141
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole
Dans un diagnostic, identifier les points forts et les points faibles d’une exploitation
en les confrontant aux objectifs fixés et en les comparant à des références spatiales
et temporelles n’est pas suffisant. Il est important de mettre en évidence les causes
permettant d’expliquer ces points forts et ces points faibles. En effet, l’identifica-
tion des facteurs d’explication de tel ou tel résultat est primordiale pour élaborer des
pistes d’amélioration pertinentes et adaptées à l’exploitation.
143
Méthodologie de diagnostic d’une exploitation agricole