S en Remettre Totalement A La Conscience Pour Reveler Le Sol
S en Remettre Totalement A La Conscience Pour Reveler Le Sol
S en Remettre Totalement A La Conscience Pour Reveler Le Sol
LE SOI
Cet article est l’adaptation d’un chapitre extrait d’un livre déjà terminé, mais pas encore
publié et qui porte le titre provisoire, ‘’Awakening to Sanity : Being Sane in an Insane World
– A Traveler’s Guide’’.
Les vérités paradoxales du renoncement et de l’éveil y sont explorées via sept thèmes phares
qui soulignent chacun des aspects spécifiques de notre être qui se déploient en lâchant
consciemment ce que nous ne pouvons pas être afin de révéler ce que nous sommes déjà.
Ces thèmes sont les suivants :
Ces sept thèmes ne se présentent pas comme une analyse documentaire ; ils éclairent plutôt
un changement dans notre perception ou dans notre perspective et tissent la trame de la
déconstruction et du renoncement au contrôle du moi séparé fictif. Ce lâcher-prise ne
laissera que l’épanouissement de la réalisation de l’ainséité préexistante de l’instant éternel
et intemporel, de tout ce qui est réel et vrai, du Soi authentique et libre ou de notre véritable
Nature et de l’opportunité de son incarnation.
Le Dr Will Joel Friedman est un psychologue expérimenté qui exerce en cabinet privé et qui
opère en pleine conscience en honorant la sagesse intuitive et en accompagnant le courant
de la Conscience. Il pratique une thérapie centrée sur la Présence, à partir de la Présence
non-duelle, de l’état-témoin, et utilise le questionnement (par exemple pour la
déconstruction de croyances, de rôles, d’une histoire, de schémas, d’identités fausses…) et
l’EMDR...
***
Jésus a dit : ‘’Le chercheur ne devrait pas s’arrêter avant d’avoir trouvé. Lorsqu’ il aura
trouvé, il sera dérangé. Par la suite, il sera sidéré et enfin, il régnera sur toutes choses.’’
(Evangile de Thomas).
Dans le texte gnostique, l’Evangile selon Thomas, on est d’abord appelé à chercher et dans
cette recherche, on ne s’arrête pas avant d’avoir trouvé. En trouvant, on est dérangé et puis,
on est sidéré. Ensuite, on est comme un maître divin de l’univers qui voit sa gloire se
déployer dans toutes choses et en chacun. Un tel saisissement comprend simultanément
l’émerveillement et l’effroi, les deux composantes de tous ceux qui connaissent le numineux.
Le troisième thème des ténèbres qui s’ouvrent sur les profondeurs sacrées à l’intérieur peut
être la nuit obscure de l’âme qui deviendra la lumière du jour de la Révélation – infinité sans
limites, éternité en dehors du temps.
Etant donné que tout appartient à Dieu et que tout est une expression de Dieu, que peut-on
refuser à la Source ? Rien !
Après avoir eu une vision d’une statue monumentale du David biblique, l’artiste de la
Renaissance, Michel-Ange, écuma les carrières en quête du plus beau bloc de marbre de
Carrare qui pourrait contenir son David et après avoir visité les meilleures carrières et
moult réflexions et considérations, Michel-Ange le débusqua enfin au sein d’un énorme bloc
de pierre et il prit ses dispositions pour le faire transporter dans son studio et il est censé
avoir dit : ‘’J’ai vu l’ange dans le marbre que j’ai taillé jusqu’à sa délivrance.’’
Ramana Maharshi, mystique hindou de l’advaita, propose une analogie sur la manière dont
le Soi est recouvert par l’ignorance et comment la réalisation du Soi peut aider à ôter le
fatras et ne laisser que l’espace de paix déjà ici :
‘’Il y a de l’espace dans une salle. Nous n’allons pas créer de l’espace neuf. Nous remplissons
cet espace d’objets divers. Si nous voulons de l’espace, tout ce qu’on doit faire, c’est enlever
tous ces objets et nous aurons cet espace. Similairement, si nous enlevons tout le fatras du
mental, la paix deviendra manifeste. Ce qui gêne la paix doit être supprimé. La paix est
l’unique Réalité.’’ (Mudaliar, 1961).
On perçoit aisément l’espace après avoir enlevé tout le fatras et de même, l’intemporel se
révèle dès qu’on lâche tout ce qui remplit le temps, tout comme ce qui est dénué de besoin se
révèle, une fois que tous les besoins sont reconnus comme des illusions conceptuelles. On
parle d’espace dans une pièce, un bâtiment ou sur Terre en oubliant qu’en fait, la pièce, le
bâtiment et la Terre se situent en permanence dans un espace. Le Soi demeure toujours. Un
grand privilège que j’ai eu est d’avoir fait l’expérience au fil des ans d’un nombre
incalculable de patients qui ont constaté pour leur plus grande joie que beaucoup de choses
dans leurs routines quotidiennes n’étaient pas seulement inutiles, mais carrément minantes,
nocives et destructrices. Citons par exemple les querelles avec le conjoint, les enfants ou les
beaux-parents, les triangulations, ou encore le fait de vouloir porter tout le monde et le
monde comme le proverbial Atlas. Toute expérience de lâcher-prise n’est rien de moins que
magique, si vous aviez crû être inéluctablement coincé et impuissant face à de vieux
schémas rigides.
LA NATURE DE L’UN
L’auteur spirituel, Allan Combs (2002) souligne que le Soi de l’advaita hindou évoque
beaucoup la tradition néoplatonicienne et spécialement Plotin et le terme ‘’Un’’. L’Un est le
pouvoir vivifiant infini de l’univers, la source éternelle de l’existence. Pour Plotin, l’Un
comprend tout ; Il est unifié, sans distinction ni limite, et inclut toutes les possibilités et
potentialités. Considérez l’Un comme tout ce qui est existant et non-existant, manifesté et
non-manifesté, comme toute Conscience. Tout ce qu’il y a dans le monde, l’univers et le
cosmos, y compris toutes les dualités, polarités et opposés, est l’Un. Comme l’a noté
l’enseignant spirituel et auteur, John Welwood (2000) : ‘’’L’ego n’est qu’un prétendant au
trône qui occupe le siège du souverain authentique qui est notre véritable Nature, notre Etre
plus vaste.’’
Prenons l’exemple d’un ami merveilleusement compatissant et généreux qui, de longue date,
est prédisposé à ruminer des pensées d’injustice et de colère jusqu’à la rage. Il y a peu, il
partagea que le fait de se rappeler une seule bonne qualité chez la personne qui le
contrariait le calmait suffisamment que pour pouvoir se relier à son cœur et pour qu’une
discussion paisible et raisonnable puisse alors s’ensuivre. Bien sûr, cette bonne qualité qu’il
est à même de distinguer dans cet instant de colère se trouve en lui, sinon, comment
pourrait-il la distinguer en premier lieu ? En contact avec son humanité partagée, de la
colère envers autrui serait de la colère retournée contre lui, l’essence de la non-violence ou
de l’ahimsa, ce qui est insensé. Cet éclaircissement semble permettre un mouvement
intérieur et une ouverture pour que son équilibre mental premier puisse transparaître.
Certains maîtres parlent du multiple dans l’Un ou de l’Un se manifestant comme le multiple.
L’auteur, Jan Kersschot (2004) écrit ‘’le jeu de l’Un affectant être le multiple’’ (p. 35). Même
ceci est illusoire – tout est l’Un. L’être libéré authentique est la petite vague de conscience et
l’océan de la Conscience d’où elle jaillit – le silence, la paix et la quiétude même,
intemporels, calmes et parfaits. Cet Un est l’Un que chacun est vraiment.
Les pronoms personnels et possessifs font obstacle à ce qui est. C’est une question d’origine,
de perspective que l’on adopte. Une fois que l‘on se tient à l’extérieur du mental, tout ceci
devient compréhensible et est clairement ce qui est. Imaginez une heure sans aucune pensée
se référant à un moi – l’équilibre et la paix mentale d’origine peuvent alors s’épanouir
naturellement.
Et puisque la Via Positiva complète la Via Negativa et vice-versa, aucune des deux ne peut
exister sans l’autre. La Via Positiva ou encore Via Affirmativa est un terme jungien aussi
utilisé dans le christianisme contemplatif qui fait référence à un ensemble affirmatif,
accueillant et validant de perspectives sur la vie qui englobe la confiance, l’harmonie, la
simplicité, le salut et l’illumination (Fox, 1983). Flageller l’obscurité est voué à l’échec et
c’est une tentative futile pour produire de la lumière alors qu’en allumant simplement une
lampe, on évacue naturellement l’obscurité ! En Orient, ces deux facettes de la même réalité
s’expriment par le concept du yin et du yang et par la loi karmique de cause à effet ou
récolter ce que l’on sème, popularisées dans Le Secret (Byrne, 2006).
Les mystiques et les théologiens soulignent à quel point l’expérience du vide et de la vacuité
est directement liée à l’expérience de la totalité et de la plénitude. Il ne peut pas y avoir l’une
sans l’autre, de même qu’il ne peut pas y avoir d’expérience de joie authentique sans peine,
de plaisir sans douleur, de lumière sans ténèbres, de silence sans bruits, ou d’amour sans
Il est esse tiel d appre dre à faire u pas e arri re, e retour a t la lu i re lairer l i t rieur - Dogen,
1
Fukanzazengi, NDT.
absence ou perte d’amour. La maladie nous rappelle la santé que nous considérions comme
allant de soi.
Il est révélateur qu’il n’y ait ni aspects, ni catégories, ni distinctions, ni facettes, ni cases qui
divisent réellement l’immense plénitude de l’univers. Les aspects plus lumineux et plus
sombres ne sont que des termes impropres, puisqu’ils sont pareillement des expressions de la
Lumière, de la Vérité et de l’Essence de la Conscience universelle, de la pure Conscience et
du Soi. L’interactivité du multiple se révèle dans l’Un et l’Un simule et se manifeste par le
multiple.
Quand on se met à la place d’un autre, le point de vue de l’autre conduit à la tolérance, à la
compréhension et à la compassion (Fox, 1983). Après avoir été arrêtée et jetée en prison en
1918 pour avoir manifesté, la suffragette Dorothy Day (1970) exprima ouvertement son
expérience brutale :
Dans le déchirement des illusions brisées, les éléments discrets de l’empathie honnête et de
la compassion peuvent se développer naturellement. Henry David Thoreau (1975) disait :
‘’La foule humaine mène une vie de tranquille désespérance.’’ Ce n’était pas du tout une
condamnation, mais plutôt un signal d’alarme pour s’éveiller et le présage d’un danger
imminent.
Une fois que l’on démasque, que l’on accepte et que l‘on renonce à toutes les projections de
l’ego, chacune d’elles se dissout sans effort, étant irréelle. Des tempêtes se produisent et puis
s’en vont et qui vous êtes vraiment demeure, pur. Le ténor de l’opéra, Rolando Villazon
(2005), affronta la vie et tous ses démons au cours d’un périple analytique de neuf ans et il
était bien disposé à reconnaître tout le processus :
‘’Nous avons tous quelque chose à l’intérieur de nous que nous n’aimons pas. Mais il ne
s’agit pas d’un monstre. C’est juste une part de vous qu’il faut aimer et accepter. Le fait d’être
capable de le faire dans ma psychanalyse me procure la liberté de créer un personnage
scénique complexe et haut en couleurs.’’
Considérez que tout le monde est né dans l’Unité bienheureuse. La peine et l’insatisfaction se
manifestent quand les besoins et les désirs ne sont pas satisfaits. En tant que mécanisme de
survie, l’ego prendra des décisions qu’il exécute conformément à son conditionnement ou à
sa programmation. Dans ce contexte, une saine révision ne peut seulement avoir lieu qu’en
fréquentant le bar du désenchantement pour y accomplir un travail de transformation
indispensable. Autrement, comment pourriez-vous renoncer au conditionnement
contreproductif et à la pompe de l’ego et développer une empathie, une humilité et une
compassion authentiques ?2 L’ego imaginaire fait aussi partie intégrante de l’Un. Une
souffrance ne peut être dépassée et traversée qu’en étant pleinement ressentie et éprouvée et
Glassman et Fields (1996) l’ont parfaitement décrit :
‘’Le lotus pur qui grandit dans la vase est une métaphore de l’Illumination. Le lotus s’élève
en dehors et à partir de tous les obstacles. En fait, il lui faut l’impureté de l’eau pour se
sustenter. Pareillement, dans notre propre développement personnel, nous ne pouvons pas
nous contenter d’œuvrer avec ce que nous aimons, en ce qui nous concerne. Nous devons
travailler avec notre boue. Nous devons travailler sur nos problèmes et sur nos complexes :
là est l’action.’’3
Contre toute attente, le moteur de la vraie croissance se met à turbiner quand, confronté à la
douleur et à la souffrance, on s’enfonce jusqu’aux genoux dans les marécages émotionnels
boueux. Comme le savent bien les agents nettoyeurs de la nature, on peut trouver de quoi se
sustenter dans les détritus et les impuretés des choses vivantes. Le moteur de la
transformation de la vie se trouve précisément dans le terreau des moments les plus durs. A
un moment donné, toutes nos défenses s’effondrent et n’opèrent plus. On appelle
fréquemment ce moment difficile une ‘’crise d’identité’’, une ‘’rupture’’, une ‘’crise de la
quarantaine’’ ou un ‘’tournant’’. En ce qui concerne l’échelle du succès ou de la réussite, le
mythologue, Joseph Campbell déclara une fois à Michael Toms (1989), comme ce dernier l’a
mentionné dans son livre, An Open Life : ‘’Il est monté jusqu’au sommet de l’échelle…pour
se rendre compte qu’elle était posée contre le mauvais mur !’’
Carl G. Jung (1971) appelle ‘’archétypes’’ les modèles universels qui traversent toutes les
époques et toutes les civilisations et l’archétype de l’ombre est le plus connu. Jung appelle
Il y a un exemple – littéral et littéraire - absolument extraordinaire dans le livre de Jack Haas, Mémoires et
2
qui fournit tous les outils avec la marche à suivre détaillée. Le Dr John Goldthwait est psychologue clinicien et
pasteur et il possède en outre une solide expérience personnelle du zen. So livre s appuie principalement sur
le vedanta et sur la psychologie et il y partage également ses expériences spirituelles remarquables et celles de
nombreux patients. La traduction a été r alis e sous for e de seva et elle est téléchargeable librement et
gratuitement sur Internet, NDT.
‘’archétype de l’ombre’’ tout ce qui est inacceptable en soi et que l’on projette typiquement
sur les autres. On peut également projeter sur soi, à l’intérieur de soi l’inacceptable, comme
le soulignent la haine autopunitive, la honte, etc. La face de l’ombre de l’éveil peut revêtir
des formes multiples, comme le matérialisme spirituel, employer abusivement la spiritualité
pour son bénéfice personnel et pour gratifier son ego, croire en son propre mythe, l’inflation
de l’ego, les relents nauséabonds de l’Illumination4, la corruption du pouvoir, la pensée de
groupe, le narcissisme et d’autres prétentions erronées à l’Illumination (Caplan, 1999).
Dans ce contexte, Welwood (2000) utilise les termes d’éludement spirituel en le définissant
comme une ‘’tendance à éluder ou à transcender prématurément les besoins et les
sentiments humains de base et les tâches développementales’’. Les enseignements et
pratiques spirituelles peuvent être employés pour rationaliser et soutenir d’anciennes
défenses de l’ego, rester complaisamment installé dans de l’auto-tromperie et se fabriquer
une fausse identité spirituelle afin d’éviter de s’attaquer à des problèmes psychologiques et à
des stades de développement non résolus. Les dangers d’une fausse prétention à un Eveil et à
un renoncement prématurés ressortent avec la vaste panoplie des défenses de l’ego et
spécialement la projection. Le grand accomplissement et le couronnement de Jung est
d’avoir reconnu le rôle clé de la projection. La projection est la défense classique de l’ego de
reporter sur un autre ou même à l’intérieur de soi-même l’inacceptable par rapport à soi –
négatif ou positif. Dans quelle mesure ? Fritz Perls, le fondateur de la thérapie Gestalt dirait
que tout est projection.
On peut se demander qui est la source de cette projection ou simplement, qui projette ? La
projection est-elle purement un moi non-existant qui projette une pensée non-existante sur
un autre moi non-existant ? La projection n’est-elle que le monde de l’ego ? Sans une
personne qui projette quelque chose sur une autre personne qui en prend réception étant
donné sa vulnérabilité par rapport à elle, toute l’entreprise s’écroule. C’est le pouvoir de voir
Depuis l’évolution vers une thérapie centrée sur la Présence, il y a une dizaine d’années, une
grande majorité de gens ont été en mesure de distinguer progressivement l’illusion d’optique
de l’ego-mental et sa tendance à s’engager dans la projection, la peur, la négativité, la
critique et le jugement. Dans ce processus d’éveil à la Présence et de voir ce que le mental
imaginatif fabrique maintenant, une cliente observa qu’elle voyait maintenant comment ‘’il
recommençait’’ et qu’alors, elle retournait joyeusement à l’équilibre mental de la Présence
elle-même. D’autres racontent ce que l’ego est en train de fabriquer, comme s’inquiéter, se
tracasser, comparer, devenir émotionnellement réactif avant de s’en désidentifier, puis ils
s’accordent une pause et le temps de respirer pour ne pas suivre ses directives urgentes et
s’en libérer pour le moment.
Quand vous goûtez à l’échec misérable et total, à l’impuissance, au désespoir, vous êtes sur
le point de découvrir la lumière tout au fond des ténèbres, une résurrection, une renaissance
impersonnelle. Le mythe ancien du phénix évoque un grand oiseau qui meurt et qui renaît
lentement et plus fort de ses cendres. Des tournants ou des opportunités décisives de
transformation peuvent surgir dans la nuit obscure de l’âme, comme St. Jean de la Croix
(1959) l’appelait. St. Jean de la Croix (1959) a décrit le voyage de l’âme depuis sa demeure
corporelle jusqu’à l’union avec le Divin et particulièrement les défis pénibles et les
difficultés rencontrées par l’âme pour se détacher du monde et parvenir à la lumière de
l’union avec Dieu. Cette crise spirituelle coïncide avec l’aphorisme selon lequel, c’est juste
avant l’aube qu’il fait le plus noir, étant donné que les obstacles les plus durs se dressent
juste avant la clarté et l’éclat du début d’un jour nouveau.
En plongeant pour découvrir et retrouver notre véritable Nature dans toute sa dimension, on
pénètre dans un royaume qui dépasse les mots, les concepts et les images. Et une fois qu’on
accepte le vide selon ses propres termes, sans l’expliquer ni le recouvrir, il y a une liberté
d’être avec rien et tout, avec l’obscurité et la lumière, avec la peur et l’amour. Dans la
chanson ‘’Anthem’’ tirée de l’album ‘’The Future’’ (Cohen, 1992), Leonard Cohen va à
l’essentiel : ‘’Il y a une ouverture dans toute chose et c’est par là que la lumière entre.’’
LE RENONCEMENT AUX FAUSSES IDENTITÉS : VOIR NOS FAUSSES
IDENTITÉS RÉVÈLE NATURELLEMENT NOTRE VÉRITABLE NATURE
Le maître spirituel, Ramesh Balsekar (1999) disait : ‘’S’il n’y a pas d’auteur individuel, alors
qui agit est sans objet’’. Quand plus aucune attention et plus aucune importance ne sont
accordées à un auteur individuel, tout l’Etre et toute la Vie sont vus comme impersonnels.
Rien n’est à prendre personnellement par qui que ce soit, puisqu’il n’y a personne en tant
qu’entité distincte. Eclipsant l’ego, la Présence, le silence et la paix demeurent. Rien ne vous
concerne, comme il n’y a pas de vous séparé, qu’il n’y en a jamais eu et qu’il n’y en aura
jamais. Quel poids en moins ! Et quel soulagement !
Qui on n’est pas est un autre moyen de décrire les fausses identifications. Deux exemples :
les hommes s’identifient si fortement à leurs pensées, à leur travail et à l’action qu’ils croient
souvent être leurs pensées, leurs jobs et leurs activités, tandis que les femmes s’identifient si
fort à leurs sentiments, leur corps et leurs relations qu’elles croient aussi fréquemment être
leurs sentiments, leur corps et leurs relations, L’auteur, Wayne Dyer (1998), parle de
l’identité de celui qui agit et observe : ‘’Si vous êtes ce que vous faites, alors, quand vous
n’agissez pas, vous n’êtes pas’’.
Toutes les généralisations qui sont liées à qui l’on est, comme des données démographiques,
comme le genre, le milieu ethnique et l’âge ne sont certainement pas qui une personne est.
Bien entendu, personne n’est strictement la somme de ses pensées, de ses actions, de ses
sentiments et de ses relations et par conséquent, personne n’est ce qu’il pense, ni ce qu’il
éprouve, ni sa conduite, ni ce à quoi il s’associe. Qui les humains sont n’est pas la condition
humaine. Toutes les fausses identités et les fausses organisations ne sont que des états
égotiques.
La fausse identité la plus populaire, c’est penser que je suis ce moi, cet ego, ce mental, ce
corps, ces pensées, ces croyances, ces rôles, ces sentiments et ces expériences. Le sage
hindou, Nisargadatta Maharaj affirmait catégoriquement que la fausse identification
fondamentale, c’était avec le corps lui-même. Considérez comme il est courant de prendre
comment le corps se sent pour l’état d’une personne. Par exemple, si votre corps est
douloureux, tendu, il est très facile de présumer que qui vous êtes est aussi douloureux et
tendu. Et comment pourrait-il en être ainsi ?
Beaucoup tiennent à la conviction courante que le ‘’je’’ est réellement le créateur des
pensées, des convictions et des sentiments. Mais si vous examinez, explorez et cherchez par
vous-même, cela peut-il être vrai ? Même votre idée, votre désir ou votre agenda pour vivre
votre vie d’une certaine manière, qu’elle soit psychologiquement saine, riche ou joyeuse n‘en
est pas moins l’ego déguisé. La recherche de l’Illumination n’est qu’une autre fausse identité
que génère l’ego. Qu’est-ce qui se situe en dehors de tout désir ? Comme l’a souligné le
Bouddha, vous êtes ce qui observe et pas ce que vous observez.
‘’Les identifications les plus courantes de l’ego concernent les biens, le travail, le
statut et la reconnaissance sociale, le savoir et les études, l’apparence physique, les
talents particuliers et fréquemment des identifications politiques, nationalistes,
raciales, religieuses et d’autres identifications collectives. Rien de tout cela n’est qui
vous êtes.’’ (p. 37)
Que ce soit vous, les autres ou conjointement que vous vous les attribuiez, chaque fausse
identité n’est qu’une simple description ou une fiction historique, rien de plus. Vous n’êtes
pas plus votre histoire passée que vous n’êtes un livre d’histoire. Vous n’êtes pas plus vos
espoirs concernant l’avenir que vous n’êtes un roman fantastique ou un film de science-
fiction. Vous n’êtes pas plus une étiquette et un concept que vous n’êtes une mangue ou un
kiwi ! Quand vous savez qui vous êtes, ce que vous pensiez être n’a plus la moindre
importance. Les pensées, les croyances et les histoires qui concernent notre personne ne sont
que des instantanés dans le flux mental d’idées rêvé par l’ego, rien d’autre.
L’auteure américaine, Linda Henley, clarifie les risques de fausse identification à l’aide d’une
observation particulièrement occidentale sur le matérialisme :
‘’Il y en a tant parmi nous qui se définissent par ce que nous possédons, par ce que
nous portons, par le genre de maison dans laquelle nous vivons et par la marque de
voiture que nous conduisons…Si vous pensez à vous-même comme à la femme à la
montre Cartier et au foulard Hermès, un incendie détruira non seulement vos biens,
mais vous détruira aussi vous-même.’’
Comment pourrait-on réellement être son nom, son sexe, son âge ou son image ? Pourrait-
on être ses opinions, ses croyances ? Sa situation matrimoniale – célibataire, marié, divorcé,
remarié ? Sa fidélité, son infidélité ? Ses biens ? Ses accomplissements, ses projets ? Son
attitude, ses intentions, sa personnalité ? Comment pourrait-on être limité par une identité,
même spirituelle ? L’ego humain investit du sens dans tout cela, qui n’est pas ce que vous
êtes. Même si vous pouvez investir tout cela avec du sens et construire une histoire avec tout
cela, rien de tout cela n’est votre véritable Nature. Tout cela n’est que supercherie de l’ego,
qui est confirmée par nos agissements en tant que complice et co-conspirateur malavisé.
Une racine essentielle de tout conflit, division et animosité, c’est d’être attaché et faussement
identifié à votre origine ethnique, à votre nationalité, à votre genre, à toute affiliation
affective, à une idéologie ou à une préférence culturelle. Le mental dit que nous sommes ces
identifications et ces croyances et si nous considérons qu’elles sont menacées, alors elles
valent la peine de se battre et de mourir pour elles – mourir pour ce qui n’est même pas
réel !
Chaque fausse identité est une histoire ou une identification à un objet que l’ego invente et
prétend vraie pour garder le contrôle et survivre. Une construction artificielle, que ce soit
sous la forme d’un concept, d’une croyance, d’une étiquette, d’un jugement, d’un
accomplissement, d’un rôle ou d’une histoire, peut-elle englober un millième de la
profondeur, de l’étendue et de l’immensité aux multiples facettes que vous êtes ? Toutes les
histoires de l’ego et les identités fausses sont essentiellement des fictions et des mensonges.
Toutes les histoires de l’ego concernent quelque chose, tandis que le vrai Soi ne concerne
rien du tout, mais ne fait que révéler, être et vivre qui vous êtes réellement. Toutes ces
histoires, opinions et identités de l’ego ne sont juste que des accessoires sur la scène de la vie,
comme le décrit William Shakespeare. Ce sont toutes des instruments que la Conscience
utilise dans le jeu de la vie pour se manifester à Elle-même, la Conscience prenant
conscience d’Elle-même sous forme humaine. Comme dirait Shakespeare : ‘’Le monde entier
est une scène’’, et il faut jouer.
Pour bien comprendre la profondeur de cette identification erronée, on peut commencer par
se détacher de toutes les fausses identifications. Ce processus de désintérêt, de
désidentification par rapport aux identités, rôles, histoires, pensées et croyances fausses n’est
pas la défense humaine maladroite de coupure, lorsqu’on est confronté à un traumatisme
sévère. Toutes les identités sont illusoires, à l’unique exception de notre Nature originelle.
Qui l’on pense être n’est simplement pas qui l’on est. C’est souvent déconcertant et excitant
tout à la fois. Il y a moins, parce qu’il y a tellement plus, maintenant !
Au cours de mon travail clinique, j’ai eu beaucoup de personnes qui se sont mises à
s’interroger pour savoir si toutes ces identités étaient réellement qui elles sont vraiment. Il y
eut notamment cet homme qui pensait être la conduite compulsive de sa carrière qui avait
produit pas mal de réussite et de succès, mais cependant au prix d’un vide intérieur, d’une
absence de sens et d’un douloureux manque de complétude. Au fur et à mesure qu’il put
voir par lui-même ces pulsions, ces pensées, ces articles de foi, ces agendas et ces actions, il
fut de moins en moins enclin à les poursuivre sur un mode rigide. Il mentionna à plusieurs
reprises éprouver un sentiment de liberté et d’aisance d’être avec lui-même qui lui ouvrit
une manière d’être totalement neuve et détendue dans le monde et sa carrière.
Le veda ta l a ie o pris depuis plusieurs illiers d a es ave so dou le s st e des varna et ashrama,
6
tout en prévoyant des exceptions pour les éléments les plus doués, NDT.
corps et sa survie. Egocentrique signifie une morale qui est décidée par ce que j’éprouve,
c’est-à-dire ce qui est ‘’bien’’ et ce qui est ‘’bon’’ pour moi, sans aucune considération pour
ce qui est bien et ce qui est bon pour les autres. Ce stade narcissique et primitif du
développement de l’ego est le tout premier niveau du développement moral, tout autant
pour les individus que pour les cultures.
Au quatrième stade cosmocentrique (tous les êtres sensibles), aussi appelé stade intégral,
l’être se met à explorer la vie responsable et totale en faisant l’expérience de la plénitude
homogène de l’existence et en observant l‘existence et les états de conscience, suivant le
modèle intégral des quatre quadrants (voir schéma, page suivante). Pour Wilber, le stade
cosmocentrique est le niveau de développement moral le plus avancé et le plus mûr. A ce
stade, la moralité se décide par ce qui est juste et bon pour l’ensemble des êtres conscients, ce
qui englobe tous les êtres humains et qui s’étend jusqu’à la Conscience Elle-même, c’est-à-
dire la Lumière qui émane des yeux de tous les êtres sensibles, et en s’identifiant au cosmos
tout entier.
Un aperçu partiel du modèle intégral des quatre quadrants de Ken Wilber
La bonne nouvelle, c’est que les êtres humains ont bien progressé dans les stades du
développement moral par rapport à la période prémoderne, mais la nouvelle moins
réjouissante, c’est que Wilber (2009) estime que 70 % de la population mondiale se situe
toujours aux stades égocentrique et ethnocentrique à l’heure actuelle.
C.G. Jung (1977) comprit que ‘’…l’expérience du Soi est toujours une défaite pour l’ego.’’ A
un moment donné, l’ego doit s’incliner devant le Soi, devant l’Etre transcendant. Quand
l’âme avance, l’ego doit suivre. La soumission de l’ego à la Nature originelle est la
reconnaissance que l’Etre précède la pensée, que la Conscience précède tout courant d’idées.
Le sage, Ramana Maharshi disait que le mental se fond dans le Soi. Une fois que tous les
concepts sont transpercés et vus comme n’étant pas qui quelqu’un est, que l’ego est vu
comme ayant servi sa finalité, que toute aspiration est vue comme une tentative de saisie et
de captation de la part d’un ego non existant, alors instantanément ou graduellement, le moi
imposteur s’effondre devant la pure Présence consciente de la Nature originelle. C’est
inconcevablement et inévitablement la voie de la vie.
Je suis qui je suis. Je suis le royaume, le pouvoir et la gloire. Le moi qui rencontre le Soi,
l’amour qui accueille l’Amour. Une volonté dotée d’un cœur qui s’épanouit. Celui qui fait
ses choix par rapport à notre Source. Le fruit d’une communion vivante avec le Divin. Une
création consciente du Très-Haut.
Les humains sont des concentrés de force vitale pure, la Conscience du Soi dotée de
possibilités infinies pour s’harmoniser avec le Divin. D’une certaine manière, notre vrai Soi
est un champ de possibilités innombrables, seulement limité en apparence par l’imagination
elle-même. La vraie Nature est la Nature de Bouddha. Tous sont Bouddha, l’Illuminé.
D’autres propositions ? Le courage dépourvu d’ego et la Conscience universelle
bienheureuse évolutive ; l’Inconditionné sans commencement ni fin, ici pour prendre une
place de choix dans la palette du Divin ; le Néant, espace du Tout, toujours conscient de Lui-
même ; la Conscience, toujours consciente d’Elle-même. Bodian (2004) écrit au sujet
d’Adyashanti décrivant cette expérience comme ‘’…le Vide préalable à l’Unité,
éternellement conscient de Lui-même’’. Le Divin est ici et maintenant, précisément où l’on
est. Comme dirait l’enseignant spirituel, Timothy Conway : il n’y a pas d’endroit où Dieu
n’est pas.
Nous sommes l’Esprit pleinement conscient, avisé et occupé à vivre le Bien, la Conscience
servant authentiquement, passionnément et contribuant pleinement et sincèrement pour le
bien-être et le bénéfice de cette Terre, de cette humanité et de cette vie. Nous sommes ce qui
ne change pas et qui est au-delà de tout changement. Nous ne sommes pas nos expériences
sensorielles, mais Cela en quoi elles surviennent. Qui vous êtes n’est pas une occurrence
dans l’espace-temps, mais plutôt Cela en quoi l’espace-temps apparaît. Nous sommes l’Etre,
en correspondance aimante avec le vœu du Divin, c’est-à-dire cet Amour dépourvu
d’illusion et d’aveuglement, acausal, intemporel, non né et immortel qui manifeste la
Conscience sous forme humaine.
Ultimement, tout est Amour, Conscience, Unité et la Divinité même. L’enseignant spirituel, A.
H. Almaas (2000) décrit ainsi l’expérience de qui nous sommes : ‘’Quand les gens disent
qu’ils veulent de l’amour, c’est comme si des poissons disent qu’ils ont soif ! Vous baignez
dans l’Amour !’’ L’Amour, la Vérité et votre véritable Nature sont présents, à chaque instant.
Votre Etre naturel, c’est l’Etre unique, transparent dans la Lumière et l’Amour sacrés. C’est
un saut quantique dans le développement que de reconnaître les mirages des identités
fausses du passé et du futur pour percevoir l’oasis quotidienne ordinaire de votre véritable
Nature qui est purement ici et maintenant.
Posez la question de savoir à quelle religion vous souscrivez et répondez : à celle à laquelle
Dieu souscrit ! Cela suscitera des réactions révélatrices de la part des gens. Cette religion-là
doit être la religion authentique ! Bien sûr, Dieu et la Conscience résident en toutes choses,
ce qui comprend toutes les fois et toutes les religions authentiques et toutes choses.
Comment peut-on connaître l’Inconnaissable ? Votre vraie Nature se situe au-delà de tous
les mots, de tous les concepts, de toutes les croyances et de tout le reste dans ce monde
phénoménal. Le mystique britannique, Tony Parsons (2000) considère ironiquement :
Essayer de partager via des mots la redécouverte et l’émerveillement de qui nous sommes est
un processus aussi futile que d’écrire la recette du plum-pudding et espérer que celui qui la
lira sera capable de le goûter !
Dieu est chez Lui ; c’est nous qui sommes sortis errer. (Maître Eckhart)
Etant donné l’histoire troublée et violente de cette planète, les agressions toxiques et
prédatrices à l’égard de l’environnement et le danger du réchauffement climatique, la
question clé à laquelle les êtres humains sont confrontés individuellement et collectivement
est soit de périr ou d’évoluer. Le maître spirituel, Eckhart Tolle (2005) interroge : la paix ou
le drame ? Continuer à dormir ou s’éveiller consciemment ? Il s’agit là d’un carrefour :
allons-nous continuer à nous accrocher et à nous corrompre dans la division de l’enfer ou
lâcher prise pour nous en remettre à l’unité indivise céleste ? Allons-nous nous en tenir au
statuquo ou sommes-nous prêts à mourir à celui que nous croyons être pour être celui que
nous sommes vraiment ? Il n’y a nulle part où aller et pas moyen de retourner en arrière ; il
n’y a rien à faire et à ne pas faire, ni personne pour faire quoi que ce soit pour personne
d’autre. A partir de là, tout arrive, s’écoule et se meut de lui-même sur base de son énergie et
de son élan propre.
Caplan (1999) citait le maître spirituel français, Arnaud Desjardins, qui disait : ‘’C’est
toujours la même question : l’ego ou le renoncement ?’’ En termes plus percutants : la
souffrance ou le renoncement ? L’ego et la souffrance exigent une énorme dépense
d’énergie, alors que lâcher prise et s’en remettre ne requièrent essentiellement aucun effort,
aucune énergie, aucune volonté. Le terme ‘’énergie’’, selon sa racine française ou latine la
plus ancienne signifie littéralement ‘’travail’’ ou ‘’au travail’’. Comme on peut comprendre le
traumatisme comme quelque chose auquel on ne peut pas faire face ni accepter,
l’acceptation compatissante introduit l’opportunité d’une guérison. Celui qui a vécu
l’expérience humaine pourrait se demander : continuer à insister mordicus que l’on sait ou
accepter humblement que l’on ne sait pas ?
Au cours des 4500 ans de l’histoire humaine archivée, la majorité des gens a préféré souffrir
et mourir plutôt que de grandir honnêtement et d’évoluer.7 On peut se poser la question en
termes de folie apprise ou de santé mentale primordiale, mais ultimement, la question est : le
mode humain ou divin. ? C’est la Conscience témoin qui observe, amusée, le moi de la
personne qui s’efforce de détourner et de s’approprier la vie. Elle est en mesure de voir cet
ego manœuvrer, et naturellement de renoncer à ce moi fictif, ce qui est le prélude d’un Soi
libre et authentique. Le caractère authentique s’érige au-delà de la personnalité, quand l’ego
n’est plus dans le chemin. Le Soi libre et authentique déploie l’existence, demeure dans la
pure Conscience de ce qui est antérieur à la naissance, de ce qui survit à la mort et de ce qui
se situe au-delà du conceptuel.
‘’Je suis ce que Je suis’’ et ‘’Soyez tranquille et sachez que Je suis Dieu’’ (Ramana Maharshi)
Dans ces deux déclarations bibliques précitées, Mudaliar (1961) disait que le sage, Ramana
Maharshi, décrivait la paix évoquée dans l’Ecriture par ‘’Soyez tranquille et sachez que Je
suis Dieu’’ comme signifiant aussi la liberté par rapport aux pensées. La véritable liberté du
JE SUIS survient au prix de la transparence et de la destruction de l’illusion d’optique de
l’ego. Suivant les termes du Maharshi (1985), ‘’JE SUIS’’ est Dieu, et non penser : ‘’je suis
Dieu’’. Le Maharshi considérait le JE SUIS comme un autre nom de la Réalité, de la Vérité et
du Soi, et que le silence (intérieur) était l’unique exigence requise pour la réalisation du Soi
en tant que Dieu. Le JE SUIS est cette Présence habitante qui émane de l’absence, toutes
choses se manifestant à partir du néant, sans moi séparé comme intermédiaire entre
l’expérience directe et l’Etre. Le Soi ou le JE SUIS n’a ni sujets, ni objets, ni je suis ceci, ni cela.
Les approches directes de la Vérité n’ont pas d’étapes et acceptent totalement la vacuité de
l’existence et l’unité fondamentale de chaque chose comme un paradoxe inhérent à cet
univers. Via la pure perception de l’Etre essentiel, le tout est observé comme une expression
parfaite de soi-même et de toutes choses. Cette conscience a des racines qui s’étendent
jusqu’à l’ancienne Chandogya Upanishad, si influente dans l’hindouisme, où la Conscience
suprême et Réalité absolue est Brahman, l’Un sans second.
Etre Un, sans second, c’est être impersonnellement Un, sans un autre, sans opposé, l’espace
et la conscience du JE SUIS dans le judaïsme, dans le christianisme et l’hindouisme, et la
Nature de Bouddha dans le bouddhisme. Le sage hindou, Nisargadatta Maharaj, dira ‘’JE
SUIS CELA’’ (That Twam asi). Le Principe général est Brahman, l’Atman ou le Soi, quand Il
s’applique à une personne. L’Atman et Brahman sont identiques, en réalité – la Conscience
universelle. Les anciennes Upanishads hindoues disent directement à la Conscience
essentielle que nous sommes déjà Brahman, puisque Brahman est tout ce qu’il y a et qu’il n’y
a que Brahman.
Derrière chaque grande vérité, il y a souvent une grande vérité égale inverse, comme l’a
suggéré le physicien, Niels Bohr. Derrière la grande vérité, JE SUIS, il y a la grande vérité
inverse, JE NE SUIS PAS. Comme on observe la lumière définie par rapport à l’obscurité et
vice versa, le JE SUIS est indissociable du JE NE SUIS PAS. En réalité, dans le bouddhisme, les
trois caractéristiques de l’existence ou de l’expérience sont l’impermanence, la souffrance
(ou l’insatisfaction) et le non-soi.
Une fois que le faux ego toujours changeant est démasqué, le non-soi – la vacuité qui est au
cœur des enseignements du Bouddha – se révèle. Après le démasquage et le détachement de
tout ce qui est irréel, seule reste évidente la non-séparation, le réel, la Nature originelle.
Nisargadatta Maharaj (1973) répétait souvent que l’on devait être libre de tout concept, y
compris du concept JE SUIS. Dans cet espace de liberté, tout ce qui reste est authentique, le JE
SUIS transparent, en tant qu’Etre. Pour être clair, les affirmations, JE SUIS et JE NE SUIS PAS
sont en réalité des termes inappropriés, étant donné que toute personne, ‘’vous’’, ‘’il’’ et
‘’moi’’ ne sont que des idéations exprimées par des mots, et non le réel, la réalité ou ce qui
existe. Ces clauses, la Présence et l’observation des manigances du mental font office de
rappel et de protection contre des manières subtiles de continuer à s’accrocher à une fausse
identité et à des illusions.
Démasquer le moi personnel comme étant purement illusoire génère la conscience que toute
chose est essentiellement vide et vacuité, ainsi que complète et toute chose. Une fois que le
‘’je’’ est perçu comme une illusion, la Conscience naturelle se déploie à un niveau
transcendant auparavant inconcevable – qui et ce que vous êtes vraiment. On ne connaît
pas tant la Nature originelle que l’on est connu par elle. Il faut d’abord ‘’quelqu’un’’ pour
être ‘’personne’’, pour être qui on est en sachant qui on n’est pas. Il faut un soi pour voir le
non-soi et habiter le JE SUIS. Comme l’a dit Wei Wu Wei (1970) : ‘’Je suis, puis je ne suis
plus, donc JE SUIS.
Considérez cette expérience : choisissez d’éviter de regarder vers l’extérieur dans le monde
pendant un moment. Ramenez naturellement votre attention à l’intérieur de vous-même.
Cette Conscience qui observe et écoute à l’intérieur, simple et profonde, est accessible pour
celui ou celle qui calme suffisamment le mental pour s’accorder au silence intérieur, à la
paix et à la vérité qui sont éternellement présents. Alors, tout ce qu’il y a, c’est ceci : reposer
dans la présence de la Conscience, plus sous la forme d’un sentiment que d’une pensée. Le
vrai Soi est expérimenté dans cette conscience de l’instant présent, le pardon de la
réunification/rédemption, l’espace de l’inspiration créatrice et de l’harmonisation intuitive
avec l’Un.
L’ego imaginaire prétend faussement me créer avec tous ses sentiments, pensées, convictions
et actions qui lui correspondent et qui l’accompagnent. L’ego fictif ou le mental fabrique
aussi tous les opposés matériels et conceptuels, comme le bien et le mal, le chaud et le froid,
ma voie et votre voie. Dans ces instants de présence où elles peuvent observer les penchants
du mental à jouer avec les opposés, les personnes que je conseille s’intéressent moins à
toutes ces opinions arbitraires et à tous ces jugements moraux, ce qui laisse juste le
sentiment merveilleux d’être vitalement présent à l’instant précieux pour respirer, regarder
et ressentir ce que c’est d’être lumineusement vivant et dans l’appréciation de toute chose.
Elles accèdent à l’intuition, au réel et au transcendant et elles approfondissent leur vie
spirituelle, généralement.
Quand le moi raconteur ou fabulateur est perçu comme faux et non-existant, les polarités
demeurent et s’intègrent maintenant dans la perception pure de la plénitude non-duelle et
de l’unité. Le monde duel qui s’intègre dans l’univers non-duel est l’essence du Soi libre et
authentique, étant lui-même la totalité, la plénitude et l’unité. Toutes les fonctions peuvent
se développer par l’entremise du mécanisme du corps-mental produit par la pure
Conscience – une expérience directe de l’Etre et pas une expérience imaginée par un ego
fictif.
L’absence est ce qui se rapproche le plus pour décrire ce qui n’a pas d’opposé : les qualités
divines de la Réalité absolue. Le philosophe du Moyen-Age, St. Augustin fut peut-être le
premier à exprimer cette compréhension avec le précepte ‘’privatio bonum’’. Par exemple,
définir le mal comme l’absence du bien éclaire comment des qualités couplées ont un
rapport inverse d’absence et de présence plutôt que des opposés.
L’Absolu divin n’a pas d’opposé sous forme de qualités ou de sentiments. Tout est perçu
faussement à travers la lentille de l’ego. L’apparence d’opposés est seulement deux aspects de
la même chose. Comme le Tao Te King l’a fait observer, il y a longtemps, quand quelque
chose de positif se produit, il contient les germes du positif et du négatif. Similairement,
quelque chose de négatif contient en soi les germes du positif et du négatif. L'obscurité, c’est
l’absence de lumière ; l’inconscience, l’absence de conscience ; la fausseté, l’absence
d’authenticité ; et toute ignorance, séparation, attachement et souffrance ne sont qu’absence
d’unité. Similairement, l’indifférence est absence d’amour ; la tromperie, absence de vérité ;
le désespoir, absence de foi ; la laideur, absence de beauté ; la cruauté, absence de bonté ; et
l’exaction, la violence et la guerre, absence de bien.
Ce n’est qu’à travers la perception de l’ego que le divin peut paraître avoir un opposé. Ainsi,
avec la Conscience, il n’y a pas d’ignorance, l’ignorance est simplement l’absence de
Conscience. Avec la Présence, il n’y a pas de déconnexion ; être déconnecté n’est que
l’absence de Présence. Dans le Soi, il n’y a aucun autre ; l’autre n’est que l’absence apparente
du Soi.
MARCHER SUR LE FIL DU RASOIR : ÊTRE DANS CE MONDE, MAIS PAS
DE CE MONDE
Soyez dans le monde, mais pas de ce monde. (Source inconnue, attribué à Jésus de Nazareth
et au Mahatma Gandhi)
L’intégrité d’être dans ce monde, mais pas de ce monde, est transparente. Ceux qui posent
courageusement les questions impertinentes en faveur de la Vie contestent le statuquo
largement répandu contre la Vie. Soutenir les principes divins dans le terreau universel qui
comprend tout de l’Etre. Ces âmes intrépides risquent tout pour ce qui sonne le plus juste à
l’intérieur de leur cœur. Les lanceurs d’alertes, objecteurs de conscience, rebelles
iconoclastes, idéalistes et progressistes visionnaires risquent la ruine financière, la prison, les
sévices, la torture et la mort pour la liberté authentique du Soi. Défendre les principes divins
n’est pas une déviance. Vilipendés et punis, ces êtres rares restent fidèles à l’Esprit et Cela
que chacun est vraiment.
Etre dans ce monde, mais pas de ce monde, c’est être du royaume intemporel de l’Esprit et de
l’Unité indivise, un royaume d’Amour. Ne pas être séduit par le monde, ne rien prendre
d’une manière personnelle et ne pas se projeter dans le monde empirique se traduit comme
acceptation sincère que tout ce qui naît dans le monde est sacré. Le grand art d’être libre
dans un monde qui ne l’est pas est comparable à marcher sur le fil du rasoir tout en
continuant à jongler habilement et en gardant son équanimité, quand on est provoqué...
Renoncer à toute recherche et à toutes les fausses identités équivaut à l’acceptation d’être
simplement et purement dans le monde sans le moindre intérêt pour être ce que l’on n’est
pas – le monde qui change.
Etre dans le monde et non du monde est la dimension du pouvoir authentique. Etre dans sa
famille, sa société ou son pays, c’est en faire l’expérience directe. Etre dans ce monde, mais
non du monde – dans la dimension de l’union spirituelle – c’est tout observer en
reconnaissant que tout est divin, sans séparation, ni division, ou distinction. Etre dans ce
monde et non du monde, c’est connaître la Nature originelle et la Conscience de l’âme et
connaître chaque être, comme expression du divin, comme enfant de Dieu.
Quand les humains ne sont ni dans le monde, ni du monde, cela produit une apathie
abrutissante, une déconnexion dommageable et quand les humains sont dans le monde et du
monde, leur moi personnel, leur ego est toujours en train de quêter, s’approprier et dans
l’appréhension et opère en se croyant plus important que Dieu. Les uns sont sans rapport
avec la vie et les autres sont tellement empêtrés dans la vie qu’ils ne peuvent pas voir au-
delà. Il est tellement facile de se laisser attirer par la pensée que rien n’a de l’importance, de
toute façon, alors pourquoi s’en soucier ou bien alors, le monde est si important que rien
d’autre ne compte.
Celui qui est dans le monde, mais pas de ce monde, a la faculté de pouvoir faire une pause,
de prendre du recul, de respirer et d’observer activement toute difficulté ou toute situation
chargée émotionnellement. Dès que l’on voit à travers les jeux de l’ego, le faux moi se
détache. Tout devient limpide et fluide, à l’image d’un aigle qui plane avec aisance. A partir
d’une vision d’ensemble ou panoramique, on sent ce qu’il y a derrière le drame de la vie qui
se déroule.
Considérez ces exemples : dans la bestialité de la folie matérielle égoïste, n’y prenez pas part
et restez sain d’esprit, le cœur ouvert et capable de faire des choix sains dictés par l’âme.
Dans une famille (biologique) dénuée de sentiments et indifférente, ne lui appartenez pas et
liez-vous avec votre vraie famille et soutenez votre vraie famille qui est la vaste famille de
l’humanité. Dans un pays auteur d’agressions, d’exactions et de terrorisme, n’adhérez ni à
sa mentalité ni à ses actions. Un conseiller en gestion d’entreprise a commencé à voir à quel
point sa société ne s’était réellement pas montrée à la hauteur de leur contrat et a pu faire
face avec assurance à ce mode de conduite qui était dévalorisant depuis longtemps sans
s’attacher indûment aux résultats et en sachant qu’il n’était pas piégé et qu’il pouvait se
mettre à la recherche d’une entreprise plus saine et plus responsable pour un bénéfice
mutuel. Il a commencé à voir et à ressentir qu’il pouvait se trouver dans la société sans
s’identifier à celle-ci et c’est ce sentiment de liberté et de pouvoir agir qui comptait le plus
pour lui.
Etre dans ce monde sans être de ce monde veut dire participer et contribuer au monde en
tant qu’Etre intégral indifférencié. Dans cet espace intérieur, on ne s’identifie pas à tort à la
perception et aux désirs de l’ego. On n’est pas le produit de toute la programmation et de
tous les conditionnements courants. En opérant ses choix de vie dans le monde phénoménal,
on peut incarner et manifester un Soi libre et authentique en s’harmonisant avec l’Absolu
spirituel.
EN GUISE DE CONCLUSION
Les sept thèmes du renoncement et de l’éveil qui constituent la trame de cet écrit forment un
bel entrelacs qui revendique le trésor de notre véritable Nature. Chaque fil se déploie, se
combine avec et sublime synergétiquement l’autre en tissant la splendide tapisserie naturelle
de l’ainséité de l’Etre toujours existante. Nous avons exploré comment voir et reconnaître
l’illusion d’optique du moi ou de l’ego pouvait naturellement l’écarter et révéler la
Conscience elle-même. En outre, une fois que tout ce qui dissimule le réel est dévoilé et
écarté, qu’il s’agisse de morceaux de marbre qui obstruent le David de Michel-Ange, du
bric-à-brac dans une pièce qui semble nous priver de l’espace toujours présent ou du
mental irréel qui opère comme un écran de fumée masquant notre Soi authentique, seule
subsiste ce qui ne va ni ne vient, la Réalité et la Vérité. Une telle expérience peut se référer à
la vision intérieure de l’Un de Plotin qui englobe toute chose en reconnaissant la nature
intégrale de toute chose, tout comme la notion de Gaia nous fait voir le monde entier comme
un organisme vivant. Ce qui en émerge, c’est l’appréciation d’être vécu dans une plus
grande matrice vitale.
Arnaud Desjardins écrit : ‘’Avec votre mental en vie, vous mourez ; avec votre mental mort,
vous vivez.’’ A tout instant, notre être se situe à ce carrefour avec ce fichu ego quasiment
indétectable sous des milliards de déguisements différents, en quête d’une nouvelle
opportunité pour contrôler et diriger notre vie, prétendument pour notre sécurité, notre
protection et notre survie. C’est seulement dans notre port intérieur, calme et tranquille, où
nous renonçons à tout ce que nous ne sommes pas que ce que nous sommes vraiment peut
respirer et s’épanouir, révéler et manifester ce qui a toujours été, qui est et qui restera
éternellement - vivant consciemment et authentiquement notre vie et incarnant pleinement
et authentiquement notre Soi.
C’est précisément ce qui surgit au fil du temps au carrefour de la folie apprise conditionnée
et de l’équilibre spirituel originel inconditionné qui détermine essentiellement ce qu’est
notre vie. Lâcher prise par rapport à tout auteur, acteur ou personnage et s’affranchir de
tout moi distinctif dirigeant le spectacle de nos vies par ses supercheries et sa volonté qui se
fait passer pour la nôtre, laisse purement ceci : JE SUIS. En observant cet espace gracieux et
subtil d’équilibre mental, celui que vous êtes réellement peut commencer à voir l’invite de la
Volonté divine authentique et impersonnelle et via l’exercice de son choix apparent,
l’honorer et la suivre.
Le fil du rasoir de la conscience non-duelle, c’est se situer dans le véhicule du corps qui
traverse le paysage du monde empirique, à l’image d’un surfeur qui chevauche une vague
formidable et puissante depuis l’océan jusqu’à la plage, et cependant resté détaché de lui.
Comme le surfeur toujours parfaitement vigilant et conscient de tous les périls et dangers
constitués par les hauts-fonds et les écueils, les contre-courants, les requins et les brisants
cachés, nous suivons intuitivement et habilement notre trajectoire, quasiment sans effort,
dans ce monde, sans être de ce monde, pour filer au-delà des appels des sirènes envoûtantes
de l’ego-mental illusoire et de toutes ses idéations, branchés sur et habitant notre vrai Soi.
Dans son livre, Eihei Dogen, Mystical Realist, l’auteur, Hee-Jin Kim, citait le maitre zen
exceptionnellement ordinaire, Dogen, qui déclarait : ‘’Etudier la Voie, c’est étudier le moi.
Etudier le moi, c’est oublier le moi. Oublier le moi, c’est être éclairé par toutes les choses de
l’univers.’’ Quand l’ego/moi est pleinement vu comme un mirage, lâché, puis oublié, ce n’est
qu’alors que notre vie authentique peut commencer. Quand tout peut être accepté et
embrassé comme étant le Soi, sans un second ni un autre, le renoncement est total. Quand
on s’affranchit délibérément de tous les attachements, de toutes les dépendances et de tous
les désirs et quand on est authentiquement sans besoin, on réalise pleinement et
naturellement le renoncement. Dans l’espace de tout ce qui est présent et réel, à chaque
instant, nous sommes bénis de pouvoir incarner progressivement notre équilibre spirituel et
notre nature originelle à la fine pointe de la Vie Elle-même…
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